fiJk . BULLETIN D£ I. A SOCIETE DE GEOGRAPHIE. Deuxieme Serie. TOME VII. niillKAli Dl'l J. A SOClfiTK (eleciionul" 15 Avr.ii. 18,'U).^' I'l r still lit. t'ice-Pn-iiiUiits. Scriitiiteiirs. Secretaire. M. lo lieuti'iiant-griicral PKLET, diriTliiir ilii cli'|i6l ilc b i;U('irc, niL-mlire tie la Oliambiv des depiiU's. / M. J().AIA.RD, nicinl)re do I'lnstitul royal de Franri-. ! M. li' haiDii dc LADOUC^Kl'TE, aiu'ien prcfft, incinhiu de ( la Cliainlx'L- dfS drpulps. i M. I)li ri'.NS, iiisprrli'iir- gi-iieial drs pouts el rliaiisvt'fs. 1 M. lo Itnion liOGliR, aiK-ii'ii j^dincriitMir dii Seiie;;al, meni- \ lire du la Cliambre dcs deputes. M. PI II.LON-liOr.LAYK, capil. an corps royal dVlal-majnr. Liste (les Presidcnls honnvdirvs dc la Suci'cte depiiis son origi/ie. MM. I,c inar(|uis de Lapi-ace Le iiiai(|uis do Pastop.et. L« xicomtc^di; r.iiATE\i;B:n,\ND. Le coinlu CuAunor. de Vd^vk:. BEr(,>iiF.Y. Le baron Alex, de IIumi-.ollt. Le comteCuABROi. de Ckousul. Le iiaron Ouvjeu. MM. Le liaron Hyde de Neuvit.iie, Le due de UomiEAUVii.i.K. J. li. Kyries. Le roriiti' de Riuny. Di:mokt d'Lrmm.e. Le due UtCAZES. Le coinle dc Muntalivet. Le liarou de Barani e. i'orrespondants cti'diigeis dans /'a/t/iv dc Icitr noiiiination. MM. I.e. dorleur J. Mease, a I'hiladeliiliic. II. S. Tanner, a rhiladil|diie. \V. WoODiiRiDc. E, a liosloii. Le capil. Edward Saiune. ;i Liiiierik. Le ooIoihI I'oiMsiTT, aux I'.lals-l'ui.s. Lerol. d',\iiraiiams(>n, a ()(ipeidiai;iie. Le prol'essevir Sciuimacheii, a Alloua. J)e Navarrete, .i Madrid. F. Ant. Gus/.Ai.iiz, a MadiiJ. Le doctenr Reinoansim, a Berlin. Lerapil. sir J. Kkaskmn, a I.oinlres. Le dorlein- Ru:nARii.s{iN, a I oiidris. Le prole.s.siiii' Rats, a Topi iilia^iie. Le rapilaine (Irami, a Copcnliaijiic. MM. AiNSwoRTH, a Edindtoiirg. Adriek Ralri, a Vieniie. L(! romte GaAiiEnci de Hem.so, Flo- reiK'<'. Le eoloiitl I.oNi;, aux Elals-Uuis. Sir JoNH I'lARROw, a I>undre.s. Le papitaine Macomocwie , a Sidiiiy (Nouxeile-Oalles . Le capilaine sir JoiiN Ross. Le ron.seiller de Macedo, a Lisbonne. Le pi'olV.sscur Kari. Ritter, a Berlin. P.-.S. Di< PoscEAij, a Pliiladelpiiie. Le roliiurl .IiAN Ti A I.I.N DO, a San Salva- dor (Anic'ii ■ -J . ( M. le baron VVAi.cKtN^ER. 'ice-Piesideitls. < ,, , \y\. Lahknaldikrk. Secretaire-general. M. Noel-Desverckks. Section de Correspundance. MM. Bajot. Berard. Callier. Daiis-iy. Duhiic. Tsambcit. Jaiibiit. MM. Latond. Cesar-Aforeaii. D'Orbigny. Pcytier. Tardieu. Warden. Section de 1 *nh/i '^ at inn. MM. Albert Monttmont. Aiisart. Barbie du Bocage Biaiirhi. Le colonel Corabonuf. Le baron Costaz. D'Avezac. MM. Eyries. Jomard. Lc baron LaJoueelle De Pommeuse. Poulain. Puillon-Boblaye. Section de C ^oniptabUite. MM. Boucher. Cadalvcne. Le colonel Denaix. MM. Le i;eneral Haxo. De Monlrol. Le baron Roger. Coniili: chaigc de Id publicalion da linUetin. MM. Albert-Montemont. Ansart. B.irbic du Bocage. Berard. Boblaye. Daussy. MM. D'Avezac. Jomard. Moutrol. Noel-Desvergers. Poulain. Warden. M. rliajielber, imlaire boiioraire , tresorier de la Soeiile, rue de Seine, 6. M. Noirot , agciit-jjeneral ct bibliotliecaire de la Sociele, rue de I'Univer- silc, 23. BULLETIN Di: L,i SOCIETE DE GEOGIIAPHIE JAINVIER 1807. PREMIEUE SECTIOI^. MtlMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET lUPPORTS. Description de quelqiies lines des I'hs Canaries, par le lieutenant IV, Jrlett, de la marine royale d' Angle- terre. Lebrick/'£'//m, commando par le lieutenant W. Ar- lett, et le cutter le Haven , commande par Ic lieute- nant H. Rellelt, partirent d'Angleterrc le 1 2 novembrc 1854, dans le but d'explorerla cote d'Afrique depuis le cap Spartel jusqu'aii cap Bojador, ainsi que les iles du groupe des Canaries qui sont les plus voisines de la cote d'Afrique, si onpouvait en oblenir la permission. Nous mouillames le 29 du meme mois dans la baie de Santa-Cruz de Tenerille, et apres en avoir obtenu la permission du gouverneur- general don Juan Mar- ron , nous commencames nos operations. Toutes nos differences de longitude ont et6 prises a partir de I'ex- trt^mitedumole de Santa-Cruz, donl nous avons adopt^i ( « ) la longitude de iG" lO'o" O. do Grccn\vich ( 18" 36' •i4" 0. dc Paris). Lc 14 dccembrc nous arrivames au port dc la Luz , dans I'ile de la grande Canarie. Cette ile est presquc circulaire; elle a environ 24 milles de diainetre et yS de circonfercnee ; elle est montagncuse, et la cote est generalement escarp6e. Le port la Luz olTre un bon mouillage et un abri contre les vents de N.-E., qui sont les vents dominants. II ^si form^ pfar une presqu'lle de roclie nominee Isleta , qui est jointe a la grande ile par une langue de sable tres basse. Las Palmas, capitale de IHle, est situ(3e dans la baie de la Luz ; c'est une grande et belle villc qui contientmaintenant 18,000 habitants; elle est bien pourvue d'eau, ct il y a des Fontaines dans les principa- Ics rues et places; le mole n'est pas acheve. La latitude et la longitude de I'extremite du mole ont 6te trouv6es d'accord avec la position donnt^e par Borda; une liigore correction a soulement 6t6 faitc a la pointe nord d'lsleta. Ccltc ile pi'escntc plus de mouillagos qu'aucuno des autres, Icbanc dc Sondes (1) surlcqucl elle est placee s'etendant plus au large tout aulour. Pendant I't^lc, lc vent etant constammont au N.-E., les liautes terres dc celte ile lui opposent un obstacle, c'est ce qui occasionc les calmcs que Ton ^prouve a I'extremite S.-O. de I'lle jusqu'a la distance dc 8 milles, oil les couronts almos- plieriques qui avaient 6t6 divis6s se rejoignent. La meme cause produit aupres de la cote un courant qui (i) Les Angliiis apptllrnl Ijtinc rie sondes (hank of soiinilings), I'espace dc l;i iner qui horde Irs f6lcs , el siir leqiicl on jieiil Iroiivcr fond ;ivec tine li^iie de sonde ortlinaircmcnl dc 100 fallioins (112 brasses fran- ^aiws 1/5). ( r, D. { 7 ) porte u I'ouestet dont les caboleurs savent profiler. On trouve sur plusiours cartes rindication d'un rochcr a environ 7 milles dans I'ouest de la pointe Aldea sur la cote occidentale de rile , on I'a cherche avcc soin sans pouvoir le trouver; il y a done tout lieu de croire qu'il n'existe pas. Le pic le plus 6lev6 des Canaries est cl Cumbre, il aG,648 pieds anglais (yo'26",3)au-dessus de la raer ; la monfagne de Sancillo , qui est presquc au centre de I'ile, en a 6,070 (i85o"',i ) , il y a sur son somniet une grande croix de bois. Allegrnnza. Celte ile, la plus septentrionaledesCana- ries, est petite etcomposeed'une masse de lave produite par un volcan actuelleinent eteint. Sa huuteur au-dessus de la mer est de gSg pieds (2 86"", 5?) ; les bords du cra- tere sont bien distincts , il a 2/5 de niille de largeur , son fondsestcullive. Les cotes de I'oucst sonl abruples et ont 700 pieds (21 5'", 4) d'elevation. L'lle est babitee par 4o personnes qui sont occupees principalement a recueillir del'orseille (o/-6/(///«), Le seul point ou Ton puisse debarquer est sur la cote sud. llnecaverne d'en- viron 5oo pas s'avance obliqucment dans les terres et se lermine par une petite plage de sable decouverte. A I'cntree de celte caverne les I'ochers I'orment une jelee nalurelle. Le village est silue immediatcment au-des- sus, et au large decc point, a un demi-mille du rivage, se Irouve le seul mouillage qui existe autour de celte ilc. Les pelites C-anaries sont joinles a Lanzerotle parun banc sur lequel on trouve presque partout 4o brasses d'oau. On appelle canal del Rio le detroit qui se Irouve (Mi- tre rcxlreniit*^ nord de Lanzerotle clGraciosa; il a presque parloul plus d'un niille de largeur, ct tonne le havrc le plus vastc des Canaries et le seul qui soil ( 8) siir pour, les grands batiments. Cc|)<'ntlanl I'extromc (link'ull^ que prdscntonl Ics coninuinicalions avec Lan- reroUe s'oppose a ce que le commerce en puisse faire usage. Des falaises l)asalliques s'elevent perpentliculai- rement h une liauleur do i,5oo pieds, et ne peuvent fetre franchies que par un etroit sentier qui serpente le long de la face dc ce precipice. A moitid hauteur dc ces falaises, on trouve la seule source qui soil dans I'ile , mais sa position fait qu'elle ne peut servir qu'a quelques gardeurs de chevres. A I'exlr^mit^ N.-E. de Lanzcroltc sont deux rochers remarquables, qui res- semblenlbeaucoupauxrochersnomnac^sles Needles qui se trouvent enlre I'lle de "\\ ight el la cote du Hamp- shire; ils sont formes de matiere vitrifice noire. Lanzerotte. Cette ile a environ 3i milles de lon- gueur dans une direction N.-E. et S.-O.; sa largeur va- rie de 5 a lo milles; elle est montueuse , d'origine volcanique , et contient plusieurs volcans eteints. Son centre est eleve d'environ 2,000 pieds au-dessus du ni- veau de la mer. A partir de son cxlr6mit6 nord , la cote est cscarp6e, et d'une hauteur de 1,000 pieds; elle s'6- tend ainsi pendant une dlendue de 7 milles dans la di- rection duS.-O., el se tcrmine a une vasle plaine dc sable ou , en 1825, une Eruption volcanique souleva deux collines d'une grande hauteur qui jetlent encore des feux. L'ne coulee de lave de 2 a 5oo mentura. Cette ile a 02 milks de longueur du N.-N.-E. auS.-S.-O. , et environ 12 milles de largeur moyenne. Son aspect est en general raoins montueux ( 'o ) que celui des autrcs ilcs; ccpondant, a sos deux oxtre- inilc^sdu nord ot du sud, il y a des montagnes elevoes de 2,5o() pieds au-dessus du niveau de la mer. Le port principal de I'lle est Cabras, qui csl siluc sur la cole est. C'est une place peu imporlantc ; elle n'a que i ,000 habitants. Le inouillage est mediocre' ot lelieu de debarquement, qui se Irouve sur des rochers, est encore plus niauvais. Toutes Ics exportalionsdo I'ilc sc font de co point; elle consistent en orscille, bl6 , niiel et pcaux de chevros. Quoiquel'aspcctgeni'raldcFuertcventurasoittr^s ste- rile, ily a ccpcndantquolquos points qui ont une grando fertility; le plusremarquable eslja valine d'OH\ a, situee vers I'exlrt^mite nord de I'ile, oii sc trouve un village du ni6me nom. Le lieutenant-gouvcrneur de I'ile y faitsa rc^sidence ; c'est un descendant de Jean de Bc^lhan- court, et il poss^de la plus grande partie de I'ile. La vallee d'Oliva a environ i5 milles de long et gen^rale- ment de 2 a 3 milles do large. Lesdeux seuls courants d'eau douce qui so trouvont dans I'ile ont leur source dans la montagnc d'Atalaya ; on les manage avec bcaucoup do soin eton s'en sort pourarroser toute la valine. Lne route pavc^e d'environ 10 milles de lon- gueur va de Cabras a Betancuria ou la Villa, c'est la soule que Ton trouve dans I'ile, les autres sont des senticrs qui suivent la direction dc la vallcie dans los cndroils oCi le sol est moins couvert de piei'ros el plus doux pour les pieds des chameaux. Quoiquc double en grandeurdcLanzorolle, Fucrtoventui'a n'apas uneplus lortc population : on n'y complc que 17 a 18,000 ha- bitants roparlis dans plusicurs potits villages dissomi nes sur loute la suiface de I'ile. La forraalion inlorioure dc Fuerlcventura est singu- ( *i ) iiere; dans la partie du nord est iin groupe de volcans eteints, dont quelques-ims, comme le Monte -Mudo , s'el^vent a la hauteur de 2,i6opieds (658™, 5). Au sud du port Cabras ce groupe se divise en deux branches qui vont vers la mer , I'une a Test et I'autre a'l'ouest; elles suivent de chaque c6t6 la direction de la cote pendant environ 3o milles, puis se rejoignent, enfermant ainsi une immense plaine aride. Plusieurs villages sontdisse- mindis ga et la , et du sommot des montagnes les cours de quelquesruisseaux saumatres se font distinguer par la verdure qui les horde. On reniarque aussi quelques palmiers qui avec les figuicrs sont les seuls arbres que produise cette ile. A parlir du point de jonction de ces montagnes , dont une, le Monte Chilcgua, sur la cote ouest, alteint la hauteur de 2,160 pieds (658"',3), un isthme de sable, d'environ 5 milles de long et 2 milles 1/2 de large, s'avance et va joindre I'extremite sud de I'lle qui est une presqu'ile foi'mee par la montagne Jandia. Cette montagne ofl're un aspect peut-ctre unique dans le monde, Sa face vers le N.-O. est abrupte et s'^leve perpendiculairement a une hauteur de 2,820 pieds (85f)'", 5). Des 6perons ou aretes partent de ce point comme d'un centre et se dirigent vers le N.-E., I'E. et le S.-E,; on peut par leur nioyen parvenir au som- met. J'ous occasion d'y porter un jour mon theodo- lite, ct ignorant cette particularity, lorsquc je fus arrive au haul, je me portais encore en avant, lors- que je m'apergus que res])acc etroit sur lequel je me trouvais, surplombait un 6pouvantablc precipice de 2,820 pieds de profondeur. La pointe Jandia, qui forme I'extremite S.-O., est par 28° 3' de lat. N. et i4° 32' dc long. 0. de Greenwich, i6" oa'O. de Paris; elle est ( »2 ) basse ot foriuoc par ties rochos. A ly^ mille au S.-O. de cclle pointe , il y a unc roclie. Dans aucun pays du iiiondL", Ic baromulre i)^t plus sensible aux changemenls almosphoriques que dans les lies Canaries. Une elevation rapide est un priieur- seur certain d'un vent d'est, tandis que Ic mouvement contrairc indique non moins surcmont que le vent tourne a I'O. ou au S.-O. Le vent d'est est acconipagne d'un temps sombre el brumcux , qui s'eclaircil sui- le-cbamp aussitol que le vent prend un peu du nord. Quand le vent de cette parlie est fort, les pecheurs I'appellenl i/v.sa/;fl/Y/fl. La temperature deTair est Ir^s uniforme; la moyenneesten dt^cembre 67" £.(19", 44); en Janvier 67° ( 1 9", 44) J en fevrier 65° ( 1 8", 33) ; en mai 690 (20", 56); en aout 76° (24°, 44); il varie rarement de plus de 4 a S^T. (2 a 5o) dans vingt-qualre heures. A la fm de fevrier nous parlimes pour Santa-Cruz ou nous arrivames le 4 niars; nous \ s6journames une se- maine pour r^parer les bailments el regler les cbro- nometres , et nous en parlimes le 1 2 pour le cap Bojador oil nous arrivames le 14. La position de ce cap est lal. u6^ 7' 10" N.,long. 1 io 29' 5" O. deGreen- vvicb (i6"49'29"0. deP.). DiiScniPTiON lie la cote (VAfvique depuis le cap Spartel jKsqii'aii cap Bojador, par le lieutenant IV. Arlclt, de la marine rnyalc d' Angleterrc (1). Le 28 mai nous profitames d'un vent favorable pour determiner clironomelriquemcnt la diflerence de lon- gitude entre I'extiemite du mole do Gibraltar et la maison du consul anglais a Tanger ; nous trouvames (0 Le lit'uU'iiaiit ArleU, tldiis le Meinoirc qu'i! u communiquti ii la So- ( '3 ) o° 27' 1 i)'' pour cette didercncc , cc qui donne pour Tangor 5° 48' O. do Greenwich (S" 8' 24" O. de Paris), en prenant pour Gibraltar 5° 20' l\o" (1). Nos obser- vations, rcunies a celles qui ont ete failes parle fils du consul general , M. Drummond-IIay, donnent pour la latitude du meme point 55' 4/' 10". La bale de Tanger a dtt^ receniment levee par le commandant du brick francais Ic Voltigenr (2), il (^t ait par consequent inutile de s'y ai'reter. Nous commencames done nos observations au caja Spartel , dontnous avons fixe la position par 35" 4;' N. et o" 6' 42" O. do Tanger (8° 1 5' G" 0. de Paris) . Ce cap, qui forme rextreinit(3 N. -O. de I'Afrique, est eleve de io45 pieds (517", 8) au-des- sus de lamer; sonsommet est compost de larges blocs de gr^s, il s'eleve graduellementdepuis sa base. ASmilles vers le sud, on trouve une caverne remarquable dont les dimensions sont tr^s grandes et d'ou on extrait des meulos de moulins depuis un temps immemorial. A une demi-encablure du cap , il y a quelques rochers escarp^s aupres desquels on trouve 10 brasses d'eau, mais il n'y a point de danger sous I'eau, A la distance de 2 milles de la cote, on a 98 brasses anglaises d'eau, ciele de gtographie de Londies , et ilont ret article ainsi que le precedent sont la trailuclion , a siiivi la niarche de ses operations. Ainsi , apres avoir donne la description des Canaries, il passe a Mogador ou il alia commen- cer son travail de la rote d'Afrinue le 2.5 niars , el continue jusqu'au cap Bojador; puis, remontant dans le Nord , il reprend au cap Spartel , et suil la cote jiisqu'a Mogador. Nous avons ciu devoir inltrvertir I'ordre , alin de donner d'une maniere suivie la descri])lion de la cote depuis le cap .Spartel jusqu'au cap Bojador, ( P. D. ) (1) La position de I'oljservatoire ou de Texlremite du mole de Gibrallar a ete determinee par le capitaine Smyth en 1823 — 5° 2o'49"deGr. par le capilaine Slieriif en i853 — 5<> 20' 4'j" par les dernieres carles cspagnoles en iS35 — 5° 20' 4o" (2) M. Le Saulnierde Vanhello, capitaine de corvette. Le plan de la baie de Tanger [est a la gravnre ; il sera inccssamment public. 1'. D. ( -4 ) ou 110 brasses franraiscs; el ininiedialcment apres on perd le fond. Au sud dii cap, Ic banc do Sondes s'etcnd beaucoup plus au large , el on y Irouve iin excellent mouillage , I'ond do vase el sable , a I'abri des venls d'esl. Du cap Spartel a Arzilla (distance 21 milles), la cote court presquc enlignc droite au S.-O.-^O. , et al'excep- lionde quelques poinles do sable, elle presente un rivage sablonneux avec des collines peu ^levees qui d'une distance d'cnviron un demi-mille descendant en pente douce vers la mer. A 1 2 milles dans les terres est une cliaine dc monlagnes nommie eTebel- Ilabib, tr^sremarquable de la mer; le somrael le plus elev«!! de celle chaine a 5,170 pieds (9GG"',2) d'eleva- tion. Ln autre pic, situd un peu plus au nord, a 2,270 pieds (0(}i",9) de hauteur. Aunord de la villed'Arzilla il y a un chateau qui a etc bati par les Porlugais ; il est en ruinc , des dattiers cachent ses mors et croissent dans son enceinte. Sur le mur qui fait face h la mer et qui est renforc6 par Irois tours qui paraissent de con- struction plus r^cente, sont placdes vingt pieces de canon. Au-dessous de Tangle sud du mur, la tombe d'un saint mahomt'lan , soigneusement blanchie, con- ii'aste singulierement avec les ruines environnantes. Le pays aux environs de la \ille est bien boise, el il y a beaucoup de jardins. La population actuelle d'Arzilla ne surpasse pas , dil-on, Goo ames. On fait sur cetle partie de la cote la peche du ma- quereau ; lorsque j'y 6tais, il y avail de 20 a 3o felou- ques espagnoles ou porlugaises employees a cetle })6che. Le l)anc de Sondes s'^lcnd a 1 2 milles au large par la latiUule d'Arzilla. Au-dela d'Arzilla la cole continue ( '5 ) oncore a courir au S.-O.-^O. , ot pr(!!scnle presque la incmc apparencc. A 4 milles an sud, les coUiucs s'6- levenl a 704 picds (2 20'", 6). A 5 milles plus loin, on Irouve HalTat-al-Beida, ou la falaise Blanche, qui a 008 pieds ((JO", 8) au-dcssus do la mer. Cctle falaise remarquable, de marne blanche, a la forme d'un coin, do quelque cole qu'on la voie , cc qui scrt a reconnal- Ire ccUc partie de la cote. La section de celle falaise fait voir des couches inclinees gen6ralement de 70" sur riioi'izon. Al-Araisch est situ6 sur I'escarpement qui forme la pointe sud de rcmbouchure du Wad-al-Rhos, qui ar- rose une riche ct fertile vallec. Les nombreux detours de cette riviere lui ont fait donner le nom qu'elle porte, car al-Khos en arabe signifie I'Arc. Un vaste chateau fort que Ton voit sur une coUine , les liautes tours des mosquees et les fortifications, donnent a cette ville , du cote de lamer, un aspect imposant, maisqui s'eva- nouit bientot quand on approche , car tout cela n'est guere qu'une masse de mines. Je fus bien regu par les autorites. Une garde d'honneur 6tait disposee pour me conduire chez le gouverneur, qui me regut assis sur un tapis etendu sous un hangar; et quoiqu'il cvitat soi- gncusementde s'informer du motif de naa visite , j'e- tais attentivement surveille, et j'excitais visiblement son inquietude. Le pauvrc juif qui nous servait ici d'agenl consulaire me pria de ne point faire usage de mes instruments. Ayant exprime le desir de faire une promenade dans la campagne, une garde fut d6sigiu^o pour m'accompagner; mais, malgr^ sa protection, tan- dis que le lieutenant Kellett el moi nous admirions le cheval d'un Maure qui passait aupres de nous, il se d^lourna soudain et tenia de passer sur nous. II fut ( '»> ) sur-lc-champ jel pieds d'eau de mer basse sur la barre a I'enlrde de la riviere. La mer raonte dans les nouvelles et pleines lunes de 9 a 12 pieds, et I'heure de I'elablissement est 1 h. 5o"'. En dedans de la barre il y a 24 pieds d'eau. Pour en- trer en rivi6re, il faut amener la pointe du sud a I'E. 1/2 N, du compas. On suivra cette direction jusqu'a- pres avoir traverse la barre, on rangcra alors la pointe aussi prt'S que possible , et on se tiendra a peu pr^s a mi-chenal jusqu'a la jet(^e ; en ce point la riviere tourne tout d'un coup a gauche , et c'esl dans ce detour que les batiraentsmouillent. Le meilleur mouillage en rade pour les batiments qui veulenl entrer en riviere, est a un mille de la pointe par 1 2 brasses et dans la direc- tion d'une montagne conique assez dloigndie et nom- m6e Fez (2) , par le milieu de I'entree. (1) Graherg de Hcmsoe, dans son Spccchio di Murocco ci; 1804 , doiiiu- cetto population de 4.000 5mcs : Washington, en iS3o , 4)0oo. {2) Ccst probalilcmeiil le Jebel-Sarsar dc nos carles; il est de forme coniqne, et pent ilrc ajuiele Fez, on parce qu'il est exaeUinent dans la di- ( >7 ) La pointe sud est par 35* i5' de lat. N. et o' 20' 58'' O. de Tanger (8" 29' 2 2"0, dc P.). La mamelle ou col- line qui se trouve au cole N. de la riviere, est 6lev6e de 2o4pieds (62™, 2) au-dessusdu niveau de la mer. A environ 20 milles vers le sud on trouve un cours d'eau qui vient, dit-on, d'un petit iac. Sur la pointe nord il y a plusieurs tombeaux bien l)lanchis; le principal est nominee Muley-Bu-Selham, c'est le vieux Maniora de nos cartes. Quoique la cote soit parfaitenient droitc , il y a un mouillage au large de cetle riviere pendant I'et^. A deux encablures de labarre on trouve une profondour de 5 brasses qui augmente graduellcment en allant vers le large , en sorte qu'a deux milles du rivagc on Iroiive 34 brasses. La cote entre Al-Araish et ce point est gen(^ralenient elev^c de 3oo pieds; elle est formde de falaiscs rougeatres dans les dix premiers milles , et ensuite de dunes en partie couvertes de broussailles. La ville de Mehediab estbatie sur la partie inferieure d'une montagne, qui seleve a 45G pieds (iSq™, o) de hauteur; elle est sur la rive mex'idlonale duWad Se])ou, qui tournc autour de sa base et se jctte ensuite dans la mcr. Cette ville est entoureo de murs; il y a a Tangle de la ville , qui fait face a renlrec de !a riviere, un fort qui pai'ait en assez bon 6la{; on voit encore un autre fort sur le rivage immcidiatement au-dessous, il a ete bati par les Porlugais. Lcs maisons n'occupent pas la moitie de I'espace compris dans les murs. La popula- tion n'est pas, nous dlt-on, de 4^10 ames. La mer etant decoloree a une grande distance de I'emboucliure de rcclion dp c( Ite ville , ou a rausc de sa risseiiiblaiioc^ avcc le rapuchon ronge des Maurcs , qu'on nppelle V^•/, jiaree ((u'ii s'eii fait !)eniicoiip duiii crlte lille. VII. 2 ( iH ) la rhierc, lums .soiiuuos jnnlos a croiie ijii'nne masse d'oau consitlerablo so d^cliarge en cc lieu, L'ospiit huslilc du peuplc qui lirail surlcscanots qui s'appro- cliaicnl de la cole, ne nous permit pas d'examiner la barre; mais commcon n'y a point vu debrisans , il est probable qu'elle est plus profonde quo celle du Wad- al-Kbos. Chonier cl Jackson considerent cottc riviere conmio la plus lar}j;o de la cole (). de Tiarbarie. II n'y a aucun commerce ici. Le peupio ^it prlncipalement de la peche; on trouve ici un poisson du f^enro du sau- mon qui jouit d'une cerlaine reputation, on le nomnie Shel)bol. Le mouillage devant la riviere est bon pen- dant I'ote. A deux milles de la cote, il y a iG brasses d'eau fond de vase. Les batiments qui accostenl la terro par la latitude de I\leliediali, trouvent la sonde ;\ I oo brasses fond de gros sable a la distance de 2 1 milles. A partir de Meliodiali la cote court dans la direction du S.-O. 1/2 0. et rossemble gc^-nc'^ralenient a celle que nous venons de decrire. A niesure quo Ton s'avance vers le sud, le pays devient de plus en plus uni et boist^. La vilJe de Sla ou Sallee est sltuee sur le cole N. de I'emboucbure do la ri\iere Bu Regreb. Elle est entou- r6e d'un mur de 35 pieds de baut, renforci de distance en distance par des tours. Kile est malgr6 cola assez faible et oj)poserait peu de resistance a une attaque lof^uliere. A Tangle S.-O. de hMilie, il \ a une balterie dc i8 gros canons qui commando le passage du nord de la barre. La \ilJo dc Rabatt s'(^tend siu- la rive sud de la riviere, elle est beaucoup plus grando que Sallee. Lcs rues sont elroites et sales, mais la plu[)art des maisons sont grandes et commodes. Les fortifications du cote dc la mer sont d'une date plus reccnte el assez bien tenues. Les canons sonl do ( '9 ) gros calibre, mais les batteries sont mal placees pour d^fcndre I'entr^e de la riviere , et si on a voulii do- fcndre la ville du cotc^ de la mer, elles sont tout-a-fail inutiles, attcndu qn'il est impossible de debarqucr sur aucun point. La ])alterie situee a Tangle N.-O. de la ville et qui commande rentr(^cdelari\icre, est coin- pos^e de 94 canons. A un quart de mille vers le sud, le long de la falaise, il y a une batterie montee de 18 pieces; et a un quart de mille plus loin une autre de 24 , a rextreinile du mur de la ville du cote de la mer. L'eau est profonde tout pres du rivagc, et nne frigate pourrait approchcr jusqu'a une encablure des batteries. Le gout pour la naarine, ouplutot pourla pi- raterie qui caracterisait anciennement les peuples de ce pays, parait s'etre entlerement effac6. Je ne pense pas qu'il y ait maintenant plus d'une douzaine de ba- teaux dans la riviere, et le seul batinient dc guerre qu'il y ait, est une corvette de 18 canons qui n'a pas cte a la mer depuis cinq ans, et a laqudle il sei'ait peut-etre difficile aujourd'hui de faire passer la barre. Le bimc de sable qui depuis plusieurs ann^cs s'est form(^ a I'entrie de cette riviere, est si elev6vers le milieu, qu'il asseche a mer basse et forme deux canaux, celui du nerd dans lequel il y a le plus d'eau , ct celui du sud dans lequel il ne reste que deux pieds d'eau au plus de basse mer de grande maree, mais le mouvemont de la maree est ici de 9 a 12 pieds. Depuis le mouil- lage de la rade jusqu'a la barre, l'eau diminue gra- duellement, mais en ce point on passe subitcment de 7 a 2 brasses. II y a presque toujouis sur la barre une houle tres forte qui la rend tr^s dangereuse pour les embarcations. L'agent consulairc anglais, qui est un juif, cstime 9. ( 20 ) la populalion dc JSallc-e cic i4,ooo times el colic de l\a- halt do *i4'0*>"« niais cola mo somble oxag^ro (i). Los cxpoiialions conslslont principalement on lainc. II y a ici unc manufacture de tapis dont les couleurs sonl trcs belles et lo lissu oxcollonl; mais commc ils sonl destines seulement a la consommalion inlerieure , ils sont g(^neralement Irop longs pour leur largeur. Nous I'limos ici aussi bicn qu'a Al-Araish, I'objet des plus grandcs attentions de la part des autorites. Des provi- sions consislant en bceufs, moutons, volailles , fruits et legumes, furent envoj(ies a bord pour I'equipage, et comme je refusais de les recevoir gratuitemont , Ic gouverneur m'assura que lout cela otait fail par ordre de I'cmpereur et que Ic refus serait considere comme un manque de respect. La tour remarquable de Beni-llasann ou Sma-Ila- sann , qui a uSo pieds (54™, 8) de hauteur, est placee sur une falaise de 70 pieds (21™, 3) d'elevalion. Elle se Irouve dans le S.-E. de la ville a environ un mille de la mer, ol pout eirc dislingu(^e de dossus lo pont d'un navire a la distance do 18 a 20 milles. En suivanl la cole dans loS.-O., on Irouve a ^Smillos de Rabalt la polite ville de Mansoria, dont la lour de la mosquee est i-levee de 1 80 pieds (54™, 8) au-dessus de la mer; et a un peu plus de 5 milles au-dcla, la ville de Fidallah. La poinle de Fidallah est par 53" 44'de lat. N. et 10 55' 32" a I'O. de Tangcr (9" 43' 56" O.de Paris.) Cctle pointe est une prcsqu'ile de roche : on la pron- (1) Dans la Nolirc gtognipliique sur Mnror, vol. 1 du Journal Je la .SoiiLle lit- gi'ogrH|'liii' (If Londics, oti Iroinc- Salli'O , li),O0O, cl Uahalt , 2r),ooo finii's. ( «' ) drait pour une ilc a une petite dislriiice. La baie for m^e par cette presqu'ile, quoique petite, est profondc, et Ics navires jieuvent y trouver un abri par les venls d'ouest. La profondeur est de 5 a G brasses fond de sable ires pres du rivage. La ville est situee au fond dc la baie, elle ne fait a present aucun commerce. In petit corps de cavalerle est stalionne dans cclte ville pour contenir le peuplo des environs qui est gene- ralement dispose au pillage. Depuis Rabalt jusqu'a la pointe Fidallah, il n'y a aucun danger a un quart de mille de la cote. Le banc de sondes s'^tend jusqu'a la distance de 20 ou 22 milles de terre : celle distance augmente, a mesure qu'on s'avance vers le S.-O: De iGo brasses (180 ])r. fr. ) fond de vase, la sonde passe tout-i-coup a 80 ou 90 brasses, elle est ensuite pendant plusieurs milles enlrc 80 et Go brasses fond de sable el vase, et diminue ensuite jusqu'a 3o br. (34 br. fr.) a 3 milles du rivage. La cote entre ces deux villes se courbe un peu, son aspect est presque uniforme; deux lignes de collines arides et It^gerement ondul^es cou- rent parall^lement , la premiere a la distance de 4 '"i 6 milles de la mer, la seconde a un millc souiement, s'inclinant graduellemcnt jusqu'a la plage, qui est g6- neralement de sable avec quelques pointes de roches. La hauteur de ces collines varie de 2 a 000 pieds. Dar-al-Beida , ou la maison blanche , a 18 milles de Fidallah , 6tait autrefois une place imjsorlantc ; mais elle aujourd'hui en decadence. Les fortifications onl 6te recemment r^parees a cause des demeles qu'elle avait eus avec les pays environnanls ; el lors de mon passage, un des fds de I'empereur y residait avec un grand corps de cavalcrie sous ses ordrcs. On dit que le pays est tres fertile et lo commerce de blc ct de lainc ( 22 ) iiugniente tous les jours. II y a iin agent consulaire anglais qui est un juif. La cote, a partir du point ou est situ6c cette villc, tourne tout-a-coup vers I'O., se ter- minant en un cap dc vochcs qui forme unc baie pro- fonde. Le mouillage dans celte baie doit etrc peu sur en hiver, carle courantse portc obliquement vers le Cap, ce qui rcndrait tout-a-fait impossible a un batiment de le doublcr avec des vents d'ouesi. Ln banc de roches se trouve devant la ville a i;5 dc mille de distance. Le de- barcad^re est situ6 dcrriore cc banc; le fond est de roclie dans plusieurs parties de la baie, Le cap Dar-al-Beida est par 33° 37' de latitude N., et 1" 47' 24" a I'ouest de Tanger ( y" 55' 48" 0. de Pa- ris). II y a des rocbers qui s'6tendent apr^s d'un demi- tnille, etencoreplusau large on trouve unbancderoche sur lequel il n'y a que 6 brasses d'eau. A 20 milles a I'ouest de ce cap on trouve i5o brasses ( iGq brasses francaises) fond de sable dur. Cette profondeur d^crolt rapidement en s'approchant de terre ; a 1 2 milles clle n'est plus que de 45 brasses (5o br. fr.); elle diminue ensuile graduellement jusqu'au rivage. La tour d'Azamor est situee sur une dune de sable 6lev6e de 120 pieds (56™, 5) au-dessus de la mer, ct a peu de distance du bord meridional de la riviere Um' er'Bicgh, ou hi mer des Ilerbes. Je fus inform^ par I'a- gent consulaire anglais a Mazagan que la population d'Azamor n'est que de 6 a 700 ames; on y fait un com- merce considerable de lainc qui est envoyee a Mazagan, Les babitants de la province dc Dukaila , ou est situee cette ville, sontprincipalemenl pasteurs. Leurs riches- ses consistent en de nombreux troupeaux dc brebis el de ch^vres. II n'y a point de bois dans la pro\ince; le ( ^"5 ) poiiple vit g6n(^ralemont sous des tenles qui sont remar- quables par leur hauteur. Une barre de sable qui asseche a mer basse Ira- verse I'embouchure de la riviere ; on dit qu'en dedans de cette barre elle est profonde etrapide. Mazagan est situe sur une pointe de roclies basses qui se projelte dans la mer , a 12 milles d'Azamor. La cute entrc ccs deux villes est legerement decoupdje et forme une vaste baie. La latitude de Mazagan est 33" 16' N, , et sa longitude 1" 1 G' 22" a I'cstde Mogador (10° 5i' 4o" O. de Paris). Un rescif part de la pointe et s'etend vers le nord , ce qui abrite Ic mouillage des vents d'ouest; mais on y ressent toujours une forte lioule. Les sondes, dans cette petite baie, varient de 2 a G brasses fond de vase ; mais, a moins de 2 pieds au-des- sous de la vase, se trouve un banc de roches unies et du- res, ce qui rend latenuemauvaise. Danslagrande baie entre Azamor et Mazagan , la profondeur vai-ie de 10 a 1 5 brasses fond de sable fin brun ; mais ce mouillage est mauvais pendant les mois d'hiver. Mazagan est bien plac6 pour la defense , se trouvant a I'extrerait^ d'une pointe. La villc forme un carre d'environ 5oo verges de cott^, entoure de murs de 3o pieds d'epaisseur et de 35 pieds de hauteur, avec une demi-lune et des bastions a chaque angle ; il y a tout aulour un fosse large etprofond, revetu de maconne- rie de trois cotes, et dans lequel il y a 9 pieds d'caude pleine mer. Ce fosse communique a la mer et sort de bassin pour de petitsbatiments. Les Portugais, pendant le siege qu'ilssupporterenteni 7G9etquifuttermine par leur expulsion, ouvinrent une portesurlaface qui est du cote de la baie ; leurs canons sont encore sur les murs. La ville est dans un (Hat comj)lot do ruines, et ne ( 24 ) conlicnl pas plus do 20ohabilants , donl la plus grande partle sont juifs. On y romarquc un reservoir admlra- blcnient conslruil qui peul conlenir plusiours mllliers dc tonnes d'cau. Lesprlnclpaux magasins el les caser- nes sonl a I'eprcuvc de la hombe ct encore dans un asscy. bon 6tat; on voit aussi un grand balimenl en rui- nes dc i^o pieds (42"'./) de baut, que, d'apres sa con- struclion , je crois avoir t^le un pliarc. Mazagan est la dcrniijre vllle que Ics Porlugais conserverent sur cos cotes; ils I'abandonnorcnt en 1769. La plus grande partie des batiments do la ville servent aujourd'bui de magasins pour les laines dont on fait ici une grande exportation. lloprenant la description de la cote , nous dirons que jusqu'a 3 ou 4 milles au S.-O. du cap Dar- al-Beida, Ic rivage est bordc^ de rocbes; une plage de sable commence ensuile ct continue jusqu'a Ma/agan. Dans I'intt^ricur on apergoil deux rangs de collmes de 5 i 4oo picds d'elevation qui suivent la cote a la dis- tance de 2 milles elde 6 milles jusqu'au cap Azamor; ces coJlincs paraissent incultes , et montrent clair-se- m^s ca et la quelques bouquets de bois rabougris. De- puis Azamor jusqu'a Mazagan il n'y a qu'une ran- g6e de dunes peu ^levees. Cap Blanc (du nord). Cc cap est par 53° 8' de lati- tude N. ct 8° 38' de longitude O. de Greenwicli ( lo" 68' 24" 0. de Paris). Environ a moilit!; cbcmin onlre ce cap et Mazagan , on voitlcsruincs dcTolt, ancicnne ville dont on peut reconnaitre I'dtcndue des murs par les vestiges des nombreuses tours carries que Ton voit en- core; une liaulc tour qui parait de construction niau- resque est dans un assez Ixm etatdo coiiscrvation; elle a 128 pieds (09'", o) de baut el i48 (45'", 1) au-dessus ( «5 ) de la mer; elle sert a reconnaitre ce point de fori loin. Deux grands tombeaux dont la peinturc blanche est bien entretenue, se trouvent a droite et a gauclie de cette tour. La cote entre Mazagan et le cap Blanc dii Nord ne doit pas etre approchec a moins d'un mille et demi, attendu qu'il y a des roches isolees au large et que le fond est tr6s inegal. Le rivage, quoique sablon- neux en plusieurs points , est g^neralement borde de roches escai'p^es. Une rangee de collines incultcs ele- v6es de 200 pieds audessus du niveau de la mer, borde la cote pendant tout cet intci'valle, Ces collines se ter- minent justement au nord du cap par une falaise de roches , basse, abruple el de couleur sombre. Le cap Blanc a pris cerlainement son nora d'une falaise blan- che de 170 pieds (5i",8) d'elevation, qui se trouve un peu au sud de la poinle qui foi'me reellemenl le cap. Celte falaise parail etre degresblanc, et les couches qui se montraientparalleles a Ihorizon s'inclinenl tout-a- coup aangledroitet se plongentdanslamer* A 22 milles al'ouestdu cap, la sonde rapporte i5o brasses (169 br. fr.) fond de sable fin ; celte profondeur dirainuejus- qu'a 28 brasses (01 br. fr.) a 4 rnilles du rivage. Dans presque loutcs les cartes des cotes de Maroc , on voit marquee une ile nommec Duksal, a 4niilles au sud du cap Blanc , elle n'existe pas , mais il y a en ce point une falaise avancde et de couleur sombi'e qui a I'appaience d'une ile. A environ G milles vers le sud du cap Blanc, les collines s'el^vent graduellemenldepuisle rivage, jus- qu'a une hauleur de 4^5 pieds (i4i'",7) ; celte terre est la plus haute de toute la cote de Maroc. On voit ici les ruines d'une ville. El-Yaladia est dans ce voisinage ; on dil qu'il y a un havre Ires vaste, ou un lac dont I'en- Iree est obslruee par un ou deux rochers qui pour- ( '^^ ) iaienl etrc facilemeiil enleves, cc qui le rcndrait Tun tlos plus beaux ports du raonde. Les canols de CEtna ne purenl decouvrir aucune entrde , et je ne crois pas probable que s'il existait dans ces parages un porl Id que celui que Ton decrit, les Portugais, qui ont eu plu- sieurs places sur cette cote, aient pu le negliger (i), A 4 et a 7 milles de distance au sud de ces ruines sent deux petites villes murees qui ont I'air d'etre an- ciennes; elles sont placees sur le bord de lafalaise,et pourraient, je pcnse, repr^senter Eder et Teturia , que Ton trouve sur quelques cartes. A 4 milles au nordducap Cantin, leprofil des terres, qui sont elev^es la de 45o pieds (lo;",! ) au-dessus du niveau de la mcr, commence a s'incliner doucement; il se relive cnsuite et forme une petite eminence justement aupr^s ducap, Sur la pente exterieure de cette bulte on re- marque une place blancbe que Ton distingue au nord et au sud : c'est peut-etre la place de I'ancienne ville de Conte. line coupure remarquable dans le cap se fait voir aussi sous la meme apparence dans les deux directions. Le cap Cantin ou Ras-al-IIudik (cap dos Bois de Palmiers) s'eleve d'unc mani^re abruptc a 211 pieds (64"',5) au-dessus de le mer. A 16 milles a I'ouest on trouve 100 brasses (1 iG br. fr.) fonddc sable fin ; cette profondeur va en diminuant graducllemcnt jusqu'au cap, que Ton pent approcher a la distance que Ton veut; (1) II est certain qu'il exisle ici nne vasle elendiie flVau qui s't'lend <]uelquefoi5 fori loin reis le N.-E. ; quit y ait loujours une comuuiiiira- tion avec la mer, c'est ce qui est douteux ; mais M. Cliaillet, aiKieii vice- consul aii^'lais a Mogailor, dit qu'il a parcouru les liords de cette eau en i83o , el ([u'on lui a assure (|u'ille conimuni(iuait avec la mcr. Jackson dil la memo chose. ( 2/ ) sa position est : latitude, 5«° Sa' 27" N.; longitude, o" 24' 58" E. deMogador (1 1° 43' 4" 0. de Paris), ce qui le place quelques milles a I'ouest de la position qu'on lui assigne ordinairement. Le cap Nord de la baie de Safli reste au S. 4" 0. a 14 milles de distance du cap Cantin; il est form6 de deux pointes de terre sur la plus sud desquelles se trouve un tombeau ou sanctuaire. La cote entre le cap Cantin et la pointe sud du cap Nord est une falaise blan- che continue avec une plage de sable a sa base ; la falaise augmente graduellement de hauteur , et la pointe sud est 6lev6e de 53o pieds ( 161'", 5) au-dessus de la mer. En ce point la cote se retire et forme une baie profonde au fond de laquelle les falaises se terminent a une ra- vine ou se h'ouve le lit d'un torrent; sur le penchant de la colline qui forme le cot^ sudde la ravine on voit I'ancienne ville de SafTi ; cette place est tres grande ; elle est entoui'ee d'un mur de 3o pieds de hauteur, et sur Irois cot^s, d'un fosse qui est rempli d'eau dans plusieurs endroits. Le minaret de la mosquee a 201) pieds (65"', 7) au-dessus de la mer. Sur le front de for- tifications qui est du cote du large, il y a 24 canons de gros calibre. L'eau est rare ici, et dans I'et^ on la tire de puits qui ont 6te creuses par les Portugais un peu au sud dcla ville; le pays est sablonneuxet sterile. L'a- gentconsulaire a Salfi est un Maure , le seul parmi les natifs qui ait quelque capacity. Lorsque nous ^tions chcz le gouverneur, plusieurs ofBciers vinrent faire leurs rapports, et nous decou- vrimes cnsuite qu'il s'agissait de nous, ces personncs ayant ete chargees de suivre et d'examiner tout ce que nous faisions depuisnotre depart de Piabatt. Pour faire voii' I'importance que les Maures altachent aux saluts, ( 28 ) je rapporlcrai qu'as pu etre emplo)i;; mais le rel'":vemciit que M. Ailtll a piis de Mogador snr un pic neigeux au S. 45" E. fotirnit Ic ttioyen do I'einployer. L'interseclion de ses deux lignes lombe justernenl Hur une montague nuniintic Biha- wan, qui est marquee sur la derniere carle de I'empire de Maroc, puhliee par la Sociele pour la propagation dcs connaissanccs utiles, qui est la meilleure que I'on ait. Ainsi on acquiert la posilion d'un point fixe, qui ii'i»t ptul-Otre pas d'une liaule importance , mais qui ccpeii- daiil est utile pour copn,iil:c la position de ia grandc cliaine do I'Atlas. ( 35 ) W ad-el-Gli'6recl, tomhe dans la nier a environ un millc et domi au sud de la villc. Otjolque nous arrivamesici le premier d'avril, le vent deN.-E., que j'avais lieu d'esperer trouver etabli, n'a- vait pas encore commence, et la houle dpouvantable qui roulait sur la cote en venant de I'O. me faisait assez connaitre le danger qu'il y aurait a essayer de porter nos Iravaux de reconnaissance vers le nord. IJne longue base fut done mesuree par le sou entre les deux bati- ments, ol, au moyen de balises flottanles, une chaine non interrompue de triangles fut formee lout le long de la cote vers le sud jusque par 97" 4o' de lat. N., ce qui nous donna le moyen de determiner non seulemenl les sondes depuis la cote jusqu'a la limite du fond que je pris a loo brasses (1 16 br. fr.), mais encore les de- tails de la cote et la position des caps, avec la meme exactitude que si j'avais pu aller a terre , ce qui dtait rendu impossible par I'esprit hostile des habitants et par le ressac qui brisait continuellement sur la cote. Parmi les avantages que presente celte melhode , on doit compter celui de pouvoir determiner avec exac- titude la direction et la force des courants, le baliment titant toujours a I'ancre la nuitetsouvent pendant Ic jour. Le cap Sim ou Ras Tagrivelt reste au S.-O. de Moga- .dor a Smllles i/4 de distance. C'est une pointe de sable basse , qui descend en pente douce d'une hauteur de 490 pieds (149"") 4). ct se termine a une chaine de roches qui s'etend tout autour a une distance de plus de 2/3 de mille. La cote entre ce point et Mogador est formee par une llgne do dunes arides de 70 pieds de liaut qui vionnent jusqu'a la plage. On apercoit par derriei-c une dune couverte d'une verdure fonc<^c , on Li nomme Botof. vji. 3 ( 54 ) Lc capTafelnoh, a 18 niilles 1/2 an S. S.-O. du cap Sim,a78opiccls (yoB'") dc hauteur; il sc tcrinine en unc pointe, au large de laqucllc, a la distance d'un deml- mille , s'<^tend une chaine de roclics qui a beaucoup d'eau lout aupr6s. Ruleikat est un petit village situ6 au pied d'une col- line boisee , a 8 milles au nord du cnp Tafclneh. Un petit ruisseau nomme Tidsi, coule au milieu d'une ra- vine Ires piltoresque, et tombc dans la mcr en ce lieu. De lii jusqu'au cap Tafelneh, de iiautes falaises, qui paraisscnt etre de gix-s, bordcnt la cote. Le cap Ghir ou Has Afcrni s'avance beaucoup dans la mer, il est a 25 miilcs au S.-5"-0. du cap Tafelneh. Le terrain , en dedans dcs lerres et a peu de distance de la cote s'el^ve a la hauteur de 2,895 picds (882"); lc pays parait assez bois^, et on y voit de nombreux vil- lages et beaucoup dc tombes. Le cap Ghir est situe par 3o° 5/ 5o" de latitude N., et par 9" 52' 3o" de longitude 0. de Greenwich (12° 12' 54" O. de P.). On a pretondu qu'on ne Irouvait pas fond tout auprfes de ce cap; cela n'est pas exact: la pi'ofondeur de I'cau croit graduellcmcnt du cole du large, et on peut avoir dcs sondes jusqu'a la dis- tance de 2G niilles. Quand on vient de I'ouest, ce cap parait accoi'e et renfl^ des deux cotes; son sommet est 6lev6 de 1,235 pieds (37G", 4) au-dessus de la mer. On trouve dans lesanciennes cartes unecucil nommo Cleveland-Shoal ; et Purdy, dans son m^moire sur I'o- c6an Atlantique, donnc sa distance el son gisement par rapport au cap Ghir. Nous eniployamcs quatrc jours pour lc chercher avec Ics deux batimcnls, ct ce ful inu_ tilement; je puis done dire avcc certitude qu'il n'oxiste pas dans la place qui lui avail etc assign(ie. II scrail ( '^'^ ) peut-etre trop liardi d'assurer qu'il n'exislc pas du lout, ccpendant la pente reguliere da fond vers la nicr, ct la qualite du fond, qui est de sable et vase, tendent a fa- voriser celte hypotliese. Agadlr ou Santa-Ciuz esl situ^e sur le sommet d'une coUine de 6i8 picds (188™, 5) de hauteur; elle reste au S.-49"-E. du cap Ghir, a 18 milles de distance; sa latitude est de 3oo 2G' 35" N., et sa longitude de 9" 53' 56" 0. de Greenwich (1 1° 5G' 20" 0. de P.). Lcs terres, depuis le cap jusqu'a cette ville , se retirant beaucoup vers Test, forment une baie profonde dans laquelle on trouve un bon niouillage et vm abri sur pendant toute la saison des vents de N.-E. De hautes collines arides s'i^levent depuis la cote, qui est de roches, jusqu'a la distance de 5 milles au N. d'Agadir; en ce point, un ruisseau nomme Wad-Tamaract, qui traverse une val- ine verdoyante eten apparence fertile, se jette a la mer. Les hautes terres qui s'etendent depuis le cap Ghir jus- qu'a Agadir, sont ordinairementnomm^es les hauteurs de Idautenan ; elles forment I'extremite ouest de la chaine principale de I'Atlas, qui se dirige de la vers I'E.-N.-E., s'elevant, agtnillesal'E. d'Agadir, ala hau- teur de 4j4o8 p. (lO^S™, 5), on y remarque surloul une monlagne conique qui a 3,980 pieds (i2i3™, 5) d'elevation. A moitie chemin entre la ville et la mer, il y a une batterie aujourd'hui en ruines, mais qui autrefois d6- fcndait le niouillage et protegeait une source d'eau douce qui se trouve pros du rivage. Les murs d'Agadir sont tombes dans plusieurs en- droits, ct la fontaine portugaise de Fonle , situee sur la plage dans le fond de la baie, n'est plus qu'un amas de ruines, et pourrail a peine etre reconnue s'il 0. (36 ) n'j avail a c6l6 Ics ioml^oaux dc doux saints Maiiros qui sont peinls en Idanc. La baie d'Agadir olTre un bon abi-i centre les vients violenls do N.-E. , sa profondeur d'cau csl movenne, niais cllc est exposeo aiix vents d'O. 11 \ a beaucoiip de poissons, que Ton s^che et cnvoie a Mogador et dans I'interieur; c'est le soul commerce qui s'y fassc. Lc courant qui regno tout le long des cotes de Maroc ne se fait pas sentir devant Agadir, et jusqu'a 6 ou 7 milles de la tcrre , il est arr6t6 par I'avancemcnt da cap Ghir. Cctte baie est certainementlameilleure rade de toute la cote de Maroc t on y trouve des vivres bons et en abondance, et on y fait de I'eau avec facilit6. M.Jackson assure que, pendant un sejour dc trois ans qu'il fit ici , aucun bailment ne se perdlt ni ne soullrit dans celtc baie. Immedialement au sud d'Agadir commence un pays bas et plat qui s'etend a 29 milles de distance. La ri- viere Sus se jette dans la mer a 5 milles d'Agadir. Jack- son remarque que cette belle riviere prend sa source a Uas-al-Wad (1), au pied de I'Atlas, a 3o millcf do la ville de Tarudant; il pense qu'elle etait autrefois navi- gable jusqu'a cette ville, parce qu'il a trouve dans los murs du chateau de gros anneaux de fer, semblablcs a ceux que Ton voit dans les villes maritimes de I'Eu- rope, et qui servent a amarrer les navires. A present, il y a a rcnlr I'laya-Blanca (i); a 4 millcs an sud do co point, la cole presonk' do haiitos falaisos dc gros, avoc dcs dunes do sal)lo dans rinloriour; ellos sonl los unos et les aiitros ontieroment dd'pouilloos dc verdure et con- tinucnt jusqu'au cap Noon, Chcnicr, on 1787, et apr^s lui Jackson, parlant du pays qui est enlre Agadir ct lo cap Noon, discnl que celte contr^e ofTre do grandes chances de succ^s aux entroprisos commerciales , et qu'on peut y fairc des (ilablisscmonls qui no manquoraiont pas do rdcompen- soramplomontlossjx^culatcurs onlropronants; losliabi- ianls de Sus sont bien dispos(^s pour los Europ(5ens, et comme cette ville est en communication avec les provinces ou Ton trouvc les produits les plus impor- tants de la Barbario, et qu'olle en est peu eloign^e, elle sotrouve trcs'bienplacee pourle commerce. MaisChe- nier observe que tout le long dc celte cote dangorouse, il y a des roclics bassos presque au niveau de la mor, sur losquolles les lames brlsent avec violence ; et la force dcscouranls, qui portent toujours vers le rivago, no jetto quo trop souvent les navires a la cote. Le recit de notre exploration a sulTisamment refute ce fait. Mais le premier paragraphe, relatif au commerce, est confirme par M.Wilshire, vice-consul anglais a Mogador, bion connu par Taclivile pbilanthropique qu'il met pour parvcnir a dellvrerles chretiens r6duils en escla- vagc. II a des relations tros etonduos dans los provinces dc Sus ot de Wed-Noon ; sos agents y resident ot ont de frequontos communications avec Timbuctoo ; il m'a assure qu'il n'aurait aucunedidicult^ a garantir a quol- qu'un d'aller a cette ville et d'en rcvenir on surety. (1) r<.'ul-t-ti<- \f Wad-E-Sla de iios carles. ( 4i ) M. Riley, que je rencontral a Mogador et qui a voyago dans les provinces de Wed-Noon et de Sus , les decrit, particulierement cette dcrniere , comme ferliles et tres peupl(!!es. II dit que les habitants sont raoins super- stitieux et plus disposes a vivre amicalement avec les Chretiens que ne le sont generalement les Maures. II r6sulte de la que le seul obstacle qui s'oppose a I'^ta- blissement d'un commerce avec cespays, est le defaut de ports. Le cap Noon^st situe par '280 l\^' l\b" de lat. N., et 110 4' 10" de long. O. de Greenwich (i5<^ 24' ^4" 0. deP.). La variation y est de 19" 1^2 N.-O. Ce cap pr6- sente une falaise de gres , 6levee de 170 pieds (62™) au-dessus de la mer, et comme les falaises de chaquc c6l6 ont la meme hauteur, el que le pays est un desert de sable uni et plat, il est difficile de le distinguer jus- qu'a ce qu'on en soit tres pres. L'eau est profonde tout pres du cap, et il n'y a pas de dangers dans ses environs. La profondeur augnientc graduellement depuis le rivage ; a la distance de 4 milles on trouve de 3o a 34 brasses d'eau (54 a 38 br. fr.), fond de sable rougcatre; a 1 2 milles, 67 br. (64 br. fr.), sable dur ; et a 00 milles, 98 brasses (110 br. fr.), gros sable rouge; la profondeur augmente ensuite tout-a- coup. J'ai decrit plus particulierement I'etendue et la nature du banc des sondes dans cette parlie , afin de rectifier I'opinion admise jusqu'ici , que la cote etait plate.Aunegrande distance aunordet au sud dece cap, aussi bien qu'au large, l'eau est tres coloree ; ellc a une teinle rouge et est si 6paisse que la trace d'un na- vire est visible pendant long-teinps. Cette particularite de la couleur de l'eau doil avoir alarme les navigateurs, ol, lour faisani craindre des ocueils, aura pu donncr (42 ) lieu a rojnnion relative a la plaliludo dc la colo, Cellc coloralion dc I'eau est occasionneo probablemenl ou par la grando quanlite do sable qui s'eleve du desert ct donl lout a bord etait bien vite cntiercnient couvert, ou par les eaux troubles de deux larges rivieres , le Wad-Sblecma el le Wad-Noon, qui se jettent ici dans la mer, ou enlin par Ic courant qui , trouvant dans le cap un obstacle, se trouve rejet6 de c6t6, agite le sable mouvant du fond, et le force a se meler avcc I'cau. Pout-etre cos trois causes se combinent-ellcs ensemble. A 4 mllles au S.-O. du cap Noon, on trouve une ri- \iiivo a laquclle on a donn^ difl'erenls noms, Borda I'appelleWed Noon, et Jackson, Akassa; maisM. Wil- shire ni'a appris que son veritable nom est Shleema, ct c'est ainsi que je I'ai designde. A 3i milles au sud de Sheelma, et par 280 19' de lat., il y a une autre riviere lie meme grandeur. Sur laquclle des deux est situ^e la ville de Wad-Noon , c'est ce que je ne saurais dire (1). Ce qu'il y a de singulier, c'est que la description du pays convient egalement aux deux rivieres , et que la latitude de la dornicre est justcment cclle oil on place I'Akassa ou la Sbeelma. Jackson, dans ses remarques sur L(ion I'Africain, (lit qu'il ne serait pas impossible que la riviere Draha , au lieu de se perdre dans le ddsert, ne se jclat dans la mer. Dans la carle que j'ai faite de cette cole, j'ai appele la riviere du Sud Wad-Noon ; comme la Sheel^ ma, elle a une barre a son entree, mais je me suis assure qu'il y reste loujours assez d'eau au moins pour (1) D'apres Ics ilei-niiTcs nouvelles de M. Davidson , datees de Wad- Noon , il y a lieu dc peuser que ccUe ville se trouve sur la dcriiiere de ces iloux 1 ivicrcs; cepeiidanl cela est encore douleux. ( 43 ) de grands bateaux; en efl'ct , j'ai lrouv6 u Lanzeroltc des individus qui avaient commerce dans cetle riviere. La grosse lioule qui regnait pendant que nous etions devant I'embouchure formait de tels brisanls sur la barre, qu'elleetaitinfranchissable ; et le peu de temps que j'avais pour mes operations ne me permit pas d'attendre une occasion favorable. Ces deux rivieres paralssent etrc assez profondes en dedans de leurs barres; les bords en sont vcrdoyants et parsemcsd'ar- brisscaux. La SliUema , quand on est vis-a-vis, peut etre reconnue par deux monlagnes remarquables qui ]:)araissent alors au milieu de I'ouverture ; elles sont dc torme conique , et sur I'une d'elles on apergoit quelques ruines qu'on dit etre celles d'un fort portugais ou cs- pagnol. Cette montagne a 025 pieds (99'") de liaut. Depuis le mois de mars jusqu'aumois d'octobre, la cote enlre le cap Noon et la Shlcema offre un bon mouillage par une profondeur d'eau sulfisante. Ce pont me pa- rait etre la place la plus favorable de cetle cote pour ^tablir une factorerie si on jugeait a propos de le fairo, et pour ouvrir un commerce direct avec Wad-Noon. II est bien connu que cetle ville a un grand commerce interieur; elle est en communication constante avec Timbuctoo, etles tribus err antes enlre les caps Noon et Bojador viennent s'y approvisionncr. Lesproduits du Soudan passent aussi par cette villepour allera Maroc; et si on pouvait etablir un commerce direct avec elle, il n'estpas d(^raisonnable de penser que la plus grande partie du commerce de la gomme, qui se faitaujour- d'hui par le Senegal, pourrait bien venir par ici. L'aspect de la cote,' entrcShlecma etNoon, prcsenlc une ligne continue de falaises dc gres. Une terrc unio (table - land ) , elcvee gcneralcmeut dc 900 pieds I 44 J (y.74'"), se fail voir jiislo aii-rlcssus dcs falaises qiiand on esl a la distance do 0 millcs de la cote ; on a alors uneprofondcur rc^gurnbre de 20 brasses (22 br. fr.) ct un bon mouillage. Lorsqu'on approclie do la rivi6re de Noon , celle terre unie se change en collines donl una, ^lev6e de gSo pieds (290"), el plus isolee que les aulres, peut servlr a roconnailre la riviere. La pecho que font les habitants des Canaries commence a pen pr(!;s au cap Noon; ils se hnsardent raroment a allor plus au nord, quoiquelc poisson y soil plus abondant, nials ilscraignent les Maures de cetle partie de la cote, qui sont pourvus de bateaux. Depuis le cap jusqu'au banc d'Arguin, qui esi la limite de la pficbe, les habi- tants du dessert n'ont pas un seul bateau. Lcspecheurs vontfrequemment a terre non seulement pour se pro- curer de I'eau, mais encore pour echanger leur pois- son pour de la laine ou de I'orseille {orchilln) ; dans ces occasions ils prennent de grandes precautions, car des deux cotes on a souvent commis dos atrociles. Depuis la riviin'e de Noon, la coteet I'aspectde I'in- tdrieur du pays continuent d'etre les mfimes qu'enlre celte riviere et la Shiecma. Les falaises ont environ 120 pieds (3G™) de haul jusquc par 28" 7' de latitude N., ou presque toutes les ancienncs cartes placent un port nommd Cansado. En ce point il y a seulement une trds petite courbure dans la cote; les falaises sc terminent la, et une plage basse de sable commence et suit la direction du O.-S.-O. pendant 18 milles jus- qu'a la latitude de 28" 2' et la longitude de 12° i4' a I'ouesl de Greenwich (14° 34' 0. de Paris); on trouvc alors une entree qui doit ccrtainement fitrcle veritable Porto-Cansado des Portugais. Purdy, dans son me- moire sur I'Ocean allanlique, a donnc une descrip- ( 4-^ ) lion tr^s exacte de cc point, d'apr^sun matin qui avail fait naufrogc a peu de distance : I'entr^een est etroite, mais rinterieur estlarge et forme uneespece de lagon; la mci' brisc forlcment a Fentri^e, ct c'esl tout au plus si dcs bateaux pcuvent y entrer. L no montagne plate de 58o pieds (i 77'") se trouve entre cc point et les hau- los tones interieui-es; c'est la seule marque qui puisso le faire reconnailre. II est impossible d'imaginor rien qui ait une appa- rence plus sinistria/que la cole dans ces environs. Pen- dant plusiours milles on n'aperroit pas un soul point noir qui lompe I'aspect monotone du sable , dont los particules los plus fines, se molantavec les vapeurs pro- duitcs paries brisants, enipecbonldedistinguer la cote. Depuis le cap Noon jusqu'au cap Juby , la cote s'on- loncc beaucoiip; le port Cansado est situe au fond de cette courbure. Au cap Juby, la cote, tourne lout-a- coup vers I'ouest, cl le courant, qui jusquc la avail suivi sa direction, vient la frapper obllquement avant de prendre une nouvelle direction. Aussi je considore cette partie comme I'endroit le plus dan- t^ercux qu'il y ait depuis lo cap Spartel jusqu au cap Bo- jador, el c'est ce que prouventles nombreux naufragos dont on a connaissance. La houle vient constammont du N.-O. , el par consequent bat direclement en cote. Je pense qu'il scrait presque impossible a un navire marcliand qui se Irouverait dans eel enfoncement de s'elever au large. A peu dc distance a I'ouest du port Cansado, dcs falaises hautes de 90 a 100 pieds recommencent et conlinuent pendant 17 milles. EUcs sont de gros de couleur sombre ; le fond, qui est dc sable brun, donne a I'eau une couleur verte. Dans I'interieur, un ddsert (40 ) unl s'clcnd a pcrle tie vuc. II n'y a pas ici de plage ; la mer vlonl ballre au pled des falaises, qu'ellc parail al- laquer, Lorsque ccs falaises sc lermincnl, onapercoit les dunes dc sable, qui sont en parlie .couvertes de buissons. La cole court dans la dii'ection S.-8o"-0. pen- dant i5 ou i(3 milles jusqu'au cap Juby. Le cap Juby est situ6 par 27° 67' 5o" de latitude N» et 12° 55' de longitude O. de Greenwicb ( i5° i5' 24" O. de Paris) ; la variation en i85.5 (^tait dc iy° O. ('e cap est une pointc de sable basse; aupres de son ex- trcmile il y a un mamelon couvert de buissons, qui est visible dans loutes les directions, ct qui a I'air d'un llot. On trouve des rochcs a un tiers de millc au lai'ge du cap. La cote tournc ensuite tout- a -coup vers le S.-O. (lu monde, et forme plusieui's petilcs baies aux pointcs dcsquelles il y a quelques roclies detaclu^es. Depuis la rivii^re dc Noon jusqu'au cap Juby , nos Iravaux le long de la cote ont etc suivis attcntivcmcnt par une tribu d'Arabes; a peine y avail -il une dcmi- lieurc que nous ^tions niouilles qu'on apercevait leurs cliameaux : il est probable qu'ils pcnsaicnt, en voyanl un certain nombre de bateaux s'approclicr continucl- lement de la cote , que notre intention (itait de des- cendrc. Depuis le cap Noon jusqu'au cap Jubv, Ic banc de sondes s'ctcud loujours a pcu pres ala memc distance, el la profondeur decroit graduellement en s'appro- chanl du rivage. Comme il parait que les couranls sont la principale cause de plusieurs naufrages qui ont eu lieu sur ces coles, il est ncccssairc , avant de terminer cetle no- tice, d'en faire I'objet de quelques remarques. Pen- dant les cinq mois fde mars en noul) qui ont ote em ( 47 ) ploycs a la reconnaissance de la cole depuis le cap Spartel jiisqu'aucap Bojador(espace de 75omlll;'s gco- grajihiqucs), il ne s'est pas passe un seul jourpondanl lequel le bailment n'ait ete au molns douze hcures a I'anci'e , gi^neralement a la distance de 4 a 5 millcs du rivage, par consequent dans des positions parfaile- ment convenables pour observer les couranls : ils onl ete I'objet d'une attention continuellc. En outre, lo cutter le Raven a 6te a plusieurs reprises envoye a la distance de 90 ou 5o milles de la terre , particulierc- mentlorsque Ton pouvait, aumoyen de points remar- quablcs determines par la Iriangulation , fixer exacte- ment sa position ; car, en comparant cette position avec celle que donnait le calcul do la route, on pouvait avec bcaucoup de precision determiner I'cITet des cou- rants. Depuis le cap Spartel jusqu'a Arzilla, le long de la cote et a 7 ou 8 milles au large, on rcssentit une ma- ree reguliere courant parallelement a la terre; sa force cependant etait plus grande vers le nord que vers le sud. Ala distance de i5 milles, on n'eprouvait ni ma- ree ni courants dans aucune direction. Au sud d'Arzilla , la force de la maree diminuaitsen- siblcment jusqu'a ce qu'enfinon ne put plus reconnai- tre sa direction. A partir du parallele de 34° 00' IN., ot a la distance de 10 milles au large, on commcnca a ressentir un courant portant au sud. Ce courant suit constammentau large la direction de la terre; sa vitesso Aarie de 4/io de mille a 1 mille par lieure , selon 1» force et la continuite des vents de N.-E. Aucune lierbc on sargasso n'accompagnalt ce courant. Le courant, depuis Mogador jusqu'au cap Bojador , a un petit nombre d'exceptionspres que nousavons ci- ( 4« ) l^es, suit conslainment la coto, el sa direction pent loujours olrc clelcniiinee en observant le gisemenl ties lorres. Sa plus grandc force a lieu ordinaireinenl a nne distance de 5 a G milles de la cole; ellc diminue graduellement a mcsure qu'on s'cn tiloigne; sa force moyenne, delMogador au cap Juby, estd'un demi-millc a Irois quarts de mille par lieure. Devant ce dernier cap,le courant etant resserrd d'un cole par la grandc lerre el de I'autre par les Canaries qui n'cn sont eloi- gn^es que de 48 milles, savitesse s'augmcnte el va jus- qu'a un mille et un quart par lieurc; au large du cap Bojador elle est dun mille. Je n'ai pas apercu que le courant fill en aucune lacjon inlluence par quelque vent; mais aupres du rivagc on eprouve unc njaree sensible. TABLEAU Des posilions geograp/ii/i/tes dcs principatix points de lu Greco nrientale , deterniincs par la triangidation de M. Pkytier , capilaine d'etat-major. Les operations geodesiques cxc^cuties dans la Grece orientale par M. Pcylier sont la continuation de celles de la Moree, sur lesquelles il cxisle une notice dans le J) id/etiu de /a Socicle {lome XIX, pag. 89). Les obser- vations ont (3te failes avec les mfimcs instrumens (Ibeo- doliles de Gambey), et avec lo meme degr6 de preci- sion. II n'a pas ete mcsure de nouvclle base ni fait de nouvcllcs observations astronomiqucs. On s'est appuyd ( 49 J sur plusieurs cotds de la triangulation cle la Moi'ee , quiontsci'vi cle bases aux calculs du nouveau reseau de triangles; et, pourles positions gdographiques, on est (igalement parti de celles des extremit^s de ces bases. Pour les calculs des hauteurs au-dessus de la mer, on est parti d'un massif hellenique qui est dans la mer, a I'entree du port du Piree , que Ton a lie a la trian- gulation et dont on a mesure directement la hauteur au-dessus de la rjier. On a calculi en partant de ce point les hauteurs de deux montagnes de I'isthme de Coi-inthe deja obtenues en partant du golfe de Nauplie, et I'accord des resultats confirme ce que Ton avail deja dit dans la notice inseree dans le Bulletin de la Societe (tome XIX , pag. 89), que les golfes de Nauplie , d'A- tli^nes, de Corinlhe, de Marathonosi , et la mer, vers les lies loniennes , sont de niveau. Lesnouvelles operations geod^siques de M. Pettier dont il est ici question s'etendent sur I'ile de Negrepont, VAttique, la Bcpoiie , la Phocide, jusqu'aux hautes mon- tagnes a I'ouest de Salone , et jusqu'a la fronti^re vers Zitoun. Elles couvrent une surface de plusde 70olieues carrees, et le nombre des points qu'elles d6terminent est de 600 environ, dont les principaux sont renferm^s dans le tableau suivant. VII. 4 ( on \POSlTIONS <^eographi(jues lies principaiix points de la Grece Orientale , determines par la triangu/ation de M. Peitiur, capitaine detat-niajor. NOMS DES I.IEUX. Ambi'laki. . Ambi-lo-Hisi. Atidi'ni. . . . Arnhhova. . Ar(i)ir()-yisi. AInlante. . . lAllu'nvs ("*V IaiMucs . . . Ul(/lf'»C.S' . . . lAlhrncs. . . DI.SIGNAIION DES FOISTS OBSERVES. Itnic itc Kotniii. Ilisliardi Itddouitsa. . . . Monlin ;"! vent siir Irs ruiiies de Salaniinc. IVIilo ilc an S.-E. tie la haic d'Aspiaspilia. Cap a\oc iiiarais au IS. (In villapjc Billc ('(jlist' dans Ic haul dii bom-g. . . . I'l'lilc ilc vers rciiln'c du (jolfo de Volo . I'diiil iiilininaiit dc I'ilo Sonmu'l dii froiilon (). du Parllu'iion. . . Mnnnnicnl dc I'lulopappus 1.0 li'iiiplcdc .iMiiitii- olynipii'U 1.0 louiplo do Tlii'sA' LATITUDE. ■.^7'Ui■ (>■' 38. Jl. 0 8K.2K.i;5 39. 0.27 :«.i{I.J5 ■.i7.:,H. s .■17.07..W 87..'J7.(iO :i7.58.2:-! LONGITUDE. ISnnizi Clip CllllDlllC . . 'Clip d'Oro. . . . Clip lilt port de Siiloiie. . . . . llol a ri'sl Fcinl sur Ic Copliilc do lioootic, pn^s do . . Tour oiilniuiaulo du fori do Jo haul do la tour; Fort .sur la oillage do ^Doliuni ?' Fori Kara - Baba , parlio oulniiiianlo. (Chalcis) Ekiiiiios. ElilliUl. . Eleii.sis. . Ereliic. . Gnidoiiro-Sisi Cidii.ndi . . . (;iilzii (iiiniliinii. . . lieriiko-Voimi CninUza . . . Giiir.ilii .... CiiplK-Knatrn. . Jluijiii.'i Inaiinis . llaijins loinntis- kitiitins . . . . Iliiijiiis flrli'lins. La lour Poinl oulininant du Mout. (Cilhc'roii) . . . La lour Moulin a vent dcs Ipsariolos , i I'O. do iKubee^ Ho provcnoalo ( soumiol de Tile Moulin a vonl .silno au S.-K. ol prts di la Mile SoTiuupl do I'ilo 37..'i9.40 :iS 30.16 38.37.26 38.21. 9 38.25.29 38.22.52 38.27.'<6 21 ..53.14 20.31.38 20.16 50 21.18.13 2M1.2i 22.15.59 20. 4.52 21.17. 3 20 23.-48 21.30.22 21.W.34 20.19.i4 21 17.29 21.14 53 ;«.53.3I 38.10..W 38. 2.25 .38.23.18 37.38,49 38.22. 9 38.31. 3 I'olil sonnni'l pri\'; du oap Sud do I'llo. . . I'oinI oulnniiani , Olbrvs^ Soiiunol do la nionlaRiio do I'oinI oidnriiianl du nioni ^la plus haiilo nionlagno (W la (Jrooo Tour onlininanlo. .Voropolo d'Klrulh(''ro\ riiapollo an Sud do Topolias ^ lo sol, haulour du laci Mona.sli^rc Monaslore. 38.12.39 39. (1.55 3S.2i. « 20.23.28 20.54 .52 21.11 51 21.26.26 21.36.53 3. 9 3. 7 38.38.40 ,3a 10.38 38.2S..59 38. 0. 1 38.11.21 21.45. 20.22. 20.33. 19.5.5. 21. 2 20.49, 21 ,30. 21, 7 51 21 49 . 2 .29 43 7 22 130 174 113 580 82 4CS 1745 1411 255 1728 8iM; 2511 98 (') I,a nouvello haulour du Parlhonon est plus cvaole que colle insi'r^e dans le loni XIX , page 89, (|ui avail olo doloiniiiioo par des poinis un jiou Oloignos. [ NOMS DES LIEUX. Uagi.os ISikolaos 110(110.1 yikolnos Culalns. . . . H(i(lios!'likoliios lldlhirte Iliissi-ki llelhnia He ^^DESIGNATION DES POINTS OBSERVES. LATITUDE. Mont avec Palceokaslro ^KuWc' prOs de Stoura Monasldre. (EuWe) Tour ruini^e dans Tile Tourc'lle siir les niiiics d' (Jrand pyrgos turc iiiiiiO pr^s d'AlhSnes. Embouchure de la Eutre ie j(ap Lilhada et le continent , au milieu ou canal llol llol Jertisaleni. . Kalionio . . . Kaiidili . . . Kaprina. . . Kari/slo . . . Ka((ii'olhra. Kiirasala . . . lirnili'a .... Kcralo-Pyrtjos Khlomo de Ta- lante Khlomo de Volo Kipliissia ... Koiotiibili. . . . Koumi Avec deux ruchers 61ev6.s, prte la cole de Mandoudi. (Eul)ee) Rocher pr6s la cote N.-O. de MazI vffolfe de Corintlie) Monastire sur le Parna.sse La lour. (Thlsb^) Khatii mine de (isthniede Corinlhe}. . . Eglise au N. du village. (Cheronfie) . . . . Partie culminanlede la citadelle. ;Eubee\ Point culminant du mont. (Oela) Kouroublia (♦} Kouveli . . . . Ki'i'rcissara. . Kii/pa . . . , l.iiii/iimen. . . Lc pio-ISisia . . Lihrri Liimii Lilhada .... Tour sur un sommct a TO. du \illage. . Point culminant de.s monlagne.s de . . Tour ruiaee pres du niouillage de Sala- m^^ Sommet du mont Sonnnet du mont Maison blanche ielevee en forme de lour Sommet du numt Le p!us 0. et isoli; des moulinsi vent au .S. de LONGITl DE. 38o SfiS'/ 2I055/48// 38 42.50 38.29 il 38.22. to 37 58.50 38.50.14 38.48.21 21. 211 21.10 1! 20.45.33 21.2213 20.15 o2 20.29 10 38.48.36 38. 3.49 38.30.45 38.15.13 38. I. 5 38.29.36 38. 1,57 38.47.22 21.10.59 20.47.-59 20.21.27 20.38.13 20.52. 7 20.3u.29 22. 5.47 nUj5.1-> 38.10.53 37.47.18 37.57.27 L'un des sommets de la chajne appelee Kandili sur les cartes. 'Eubt'e) Petite lie dans la baie de liombrt^na. . . Pont sur le (Jjphie de Bnpotie, prfestie. . Sommct du mont. (Messapiu.s! Pelite ilc, avec chapcllc, dans le golfe de. La plus E. des petiles lies I'yrgos mine a un cap du lac (le soP. . Moulin A vent du bord de la mer Sommct du mont. ^Eube<' ■UvMia . . Livadoslro Livanatn',1. Liakoura . . .MaiiK'lo . . . Marathon . . Marathon . . Mariolatccs Micjare . . Mfudeli . . Mandoudi . Tom- culminante du chateau lour ruinee de Tour ruin(5e avec ruine.s hell(?ni(iHes a un cap prf's de. fCynus. } 5Somiiiiei culminant du mont. iParnasse). He longue (point culminant de I'ile). . Ileauglaisc (sommet sudde I'ilel <:ap Le lumidus de L'Eglisp les mines de Lilea soul a 3.500 miHres au S.-E.) Tcinr carrec dans le haul de la villc. . . Sommet du monl. iPenlOli((ue} Tour ruinee a I'O- du village 38.85.46 :H&. 5. 2 38. 4. i 38.11.43 38 37.23 38. 6 12 , 8 24 43 27 16 29 42 28 40 17 15 57 17 51 . 9 43 21.10.15 21.38. 6 21.15.5i 20. sg..^ 20.36.:-i5 21.28.42 20.'i4.iy 21.46. 7 39. 59.' 45 21. 7. .54 20.39.20 2027.41 21: 9.11 20 ,57 54 21. 7. 6 20.,55.15 20 59. 7 20.32.37 20.32.18 20.46 55 20.53 38 an 7.14 21.48.1.'; 22.1126 2143 21 21.38.17 20. 7 46 21. 0.12 21.32..V2 ^1. 8.;-'j !- C 21. ',2 651 lOSl 899 909 1209 I0i5 58 677 2459 281 1110 (*) Le sommet culminant de'la chaine design^ souslc nomde Kandili .surlcs carles est un pen plus Olcve que le Kouroublia ; mais commc il est convert de hauls i^apins , on n"a pas determine sa hauleur. On le nonmie Slromifjitsa. ( 5i. : NOMS DES LIEUX. DKSIGNATION DES POI.NTS OBSERVES. -W nidi ilulo, . Moiioiii.iti. ' Efilise Panagia, ft I'O. du boiiig de. . . . S8 i 39 i;filist" nenvi' isoK* au S.-K. d;i \illagc. .3S.4S.IG Turn- luiiiOc di' .|38.jj 16 ,ilnnki '"> """" '.Mniilhi Fyrgos line hlaiic riiinO Okliihoiiia . . . S'-iiiiiiicl du moul. (Eiib.'e) 'Okhthoiiia. ... '•£■ I'liispc'it dcs deux iiols du cap. Olumbos .... Sjiiiinit liu niont. ,.^tlic(Ut>) . . . . . {oii/inbox .... •Sr)n>nift dii iiiont. KulxV; [orchomine . . . Kuiiic culiniiiaiito dc TAiropolP. . . Orios .... Ornpn (Kriililho-s. . . . 0:(>rt Piiln'o-Voima. Pduagilsa- . . PdiKipie. . . . Patiisia. ... 38.25.13 38 22 47 38.31 30 38.30 53 37. -54.59 •38.28.33 3829.33 P(ilrP(l(jih. Cliapi'ilo daii.s rAcropolf. EuUio; (Iraiidc niai.'^iia au inirt d' Si)niinil d;i maul. Kubi'c) Soiiiniol du uionl. ,1'aints Souisucl (lu uioul. HOlicon) Met avec i-hapi'llc prfe la haie d'Or(?os. . . .Xiliro l1 chapclle an crnire des ruiuc! dc. MaiSiiu dc rauiii-al Malcom, piOs d'A- ! Ihfiiics La lour ;>n.o(i.54 ■;8.19. 5 38.35. 7 38.10 20 38.17.47 3rf 56.27 38 29.35 la plus grandc dcs tambours grcf.s cl Pujimada . . . Hot pi<>s Karyt-to. . Piiiiili Poiui i-ulminaul dc I ilcs Pcira Mont csi-arin' avcc 1 rniiif.s bcllOuiqup,<; Phiifja Sommrl du monl. Spliingius} . . , Phii'nfromCni. . MonastO>re ilc Salaiiiinc" •Piri'i: Massif h('lliMii(|iU" a rcnlrOcdu port ip/f,/ ,e Chapi'llc .siir Ics riiiiit'.'; (If !/>(, ' fta I.a j;raiul{' h>m do. Jviiln'c;. . , . ;«. 0. 7 3a 52.12 37 57.20 37.59.29 38.23. 1 3S.22.10 37.58.51 .37..':G.15 38.13.10 38.35.40 Porto Tliciiho. Du I'orlo Maiulri pie i\v\ Somnicl du nioiit. \F.u1)l('> Slaluc sur la plus graiidi; lies ilcs I.a lour, {liubue) Mouaslerc Chappllc blauche sur un somnicl au S do I Ligraiia !iniiitElie(roro Moiit Ocha ^soramet du mont). [Euljoe]. . Saiitl - F.lie de Stiloue .... Sommet culminant du mont Pil.rnria nafli. . . . Rovics. . . Snqmala . Su'inlElij Siiiin-Geor(je. Snltniiine . . . Sarimdavli . . Snrmnata. . . Shi-ipnu. . . . Stijpliuui . . . Slilida IX>nGlTLIDE. s > *> = s E 21 23 58" 20.18 50 21 26.27 21. 1 18 20.4C.52 21.50.44 21.54. 1 21 35 53 21.31.46 2037.27 20.^5 42 21 27.12 21.46.23 21.22..% 20.:',2.«6 20.43.15 20.27.39 21.24. 9 1954.22 22. 3. 8 21.55.52 20.40.38 20.50.59 21 6 4 21 17,41 20.06.20 21 12.39 763 488 1173 399 1413 1749 370 567 •7.44 18 38 12.2<) =.7.52.48 :i8.4H.18 38.23.51 37.41.29 38. 3.26 38.30. 9 21.43.15 21.18.41 1.42.35 20.i3.46 21. 4.34 21. .38.40 22 7.56 19.58.37 146 1352 749 357 1404 1913 ChancUc sur nn sommet pr^^ d'Allii'iies. I ;l\loiit Lycabellus} .37..'')8.45 Mavrovouni, .sommcl culminant do I'ilo. 37 55.42 Soumr'l bi)is^ sur lo I'arnasso la grollc I llorycicnno pst .siu' 'e versanl Sud . . . 38.31.52 Sonuiiit iiu dcs uionla . . . 38. 4i 6 M(,nasl<>ii> do 38.29.28 , l.p plus N. dos deux moulins ruinC-s pr^s I la mer 38 1. 37 .1 l.adnuano 38 54.34 Sioiira Point eulmiuanl do I'ile Tdlnnu: (irauile mai.son au port d-^ Thibet ,l,Veolc (le sol) Tlii'hcs ' I.a lour Tnpoliiis . . . . ' i/cjfli.^o. (ropflc^ Tniir lAti !-vA (I'AiivOri, pri^sla mir. (EubSe). To ,r S -O du lac Topollas. vCoroui^o) ....'. TowhO'Khori . Poul .•^ur |o (V'pliisedo FJrnolio, pi4s de. TloVoH'ti Ti-uhnnis . . S wnmet du moul. (Hymellci La tour sur nu petit somniel. 38.10. 2 •'8.40. 8 38.19. 5 .W 19.16 38 29 25 38.2:5.14 .38.23.26 38.37. 2 37.56.37 3751.49 21.24.31 21. 9.41 20.10.50 20.14. 7 20.38.29 21.15.45 20.16.50 21.49 36 20.44 18 20 .58, .55 2('..-»S .08 20.49.29 21 43. 1 •20.37.. '5 20.22 17 21 28 i5 21.24.13 278 380 1374 206 l.V! 1027 (55 ) NOMS DES LIEUX. DESIGNATION DES FOUNTS OBSERVES. riikcii- Viinloussia . VasililiOS . Vdlcro . . . Velil.sa. Vrnona . . . Xi-ro-Khon. Xi'ro-Vniiiii. Xi'ro-Voiuii. ZiKjara , . . Zitoiin MduHii a vont ruing stir le bord de la mer, al'eiitrte dii golfc de Volo Rorher culminant dii inoni ■four de. (Eubee) Ancienne tour ruint-e au S.-K. dcs ruines de Tlitspies Ejjlise dans la partie Est du bourg. (Ti- llior<;c>:< Tour pr^s de . . (irande niaison ruinee du pacha Souimet du. ( Mont Cirphis) noclier culminant ;EubOe^ I'dinl culminant du luont. ( Chaine de rilclicon; Minaret de la ciladelle L.ATITUDE. 39^ 519' 38.40 42 38.25.39 ,38.16 52 .38.34 4S 37.54.40 ,38.57. 2 38.27..32 38.34 32 38.19. 38.54. LONGITUDE. 20.i43'29' 19.48.32 21.20. 2 20.50.19 20.20. 4 21.37.20 211.49. 0 21.12.23 21.33.23 20 40.52 20. 5.58 2492 1,063 1429 1527 Notice sitr Pytlieas et siir un oiwi-age oiiM. Joachim Le- lewela suwi et analyse les navigations de ce voyage in-, etc., etc., etc.; hie a la Socicte de geographie, dans hi seance da io Janvier, par M. Roux de Rociielle. La renommec de P3 tli^as de Marseille est une de ces c^lebrites qui ont 6te consacr<5es par le temps , mais qui, en traversant les siecles, se sont enlourees do nuages, comme celle de tous les autres hommcs dont les ecrils ne nous sont pas parvenus. II ne nous reste des ouvrages laissespar Pytlieas que quelques relations recueillies par differents au lours de I'antiquit^.et sur- loutpar les geographes. Pytlieas fut un voyagcur , ses observations les intdressaient plus direclement, et c'est par leur temoignage que Ton a pu cherclier a recon- naitrcla trace de sesgrandes navigations. Mais los hoir^- mes qui I'ontcitfi ne se sont point accordes entre cux : ils vivaient long-temps apres lui, a une epoquc oii ses ouvrages avaient dtjja peri , ol la ti'adition de sos ( .^4 ) voyages n'otait plus conserv(30 quo dans la mdmoii'e des hommcs; die s'elail niel^c aux fables qui avaient cours dans cos siicles anciens , et s'etait pliee aux sys- temes des pliilosophes, qui arrangoaient a lour gvi Ics elements de la geographie et la forme du monde, Pylhdas partit de Marseille vers I'annee 34o avant I'ere chretienne , pour se I'endre dans I'Oc^an, et pour naviguer le long des coles occidontales de I'Europe. Himilcon de Carthage avait deju suivi cette direction avant lui, mais il no s'etait elevd que jusqu'aux lies Cassilerides, siluees au sud-ouest de la Grande-Bi-eta- gne, el Pytheas poursuivit beaucoup plus loin sos d6- couvertes vers le nord. Ce voyageur, en commenrant sa navigation, avait d'abord gagn6 les cotes de I'lberie, etles avait suivies jusqu'aux colonnes d'Hercule. Apres avoir franchi le detroit, il avait louche a Tartossus, avait double le promontoire Sacre, aujourd'hui cap Saint- Vincent, s'etait dirige vers les cotes de Galice , avait penditr^ dans le golfe profond qui s'etend enlre le pays des Cantabres et cclui des Armoriques, et tour- nant cnsuite lo promontoire le plus occidental de la Celtique, il en avait suivi les cotes au lieu de gagner les lies Cassilerides , et avait p6nelre vers le nord-est au-dola du canal qui separela Celtique et la grande ile d'Albion. Pytheas parcouruttous les parages orientaux de cetle ile; il remontajusqu'au promontoire d'Orcas, donlle nom indique une des Orcades, et s'elevant en pleine mer au-dela de ce dernier point, il atteignit , apres six jours de navigation, les cotes de Thuli^ , qui devinrent le lerme de son voyage vers le nord. Cottc premiere expedition parait avoir dur6 quatre mois. Pythias revint cnsuite vers les coles seplenlrionalos de la Celtique; el M. Lclevvcl , qui rend comptc de scs ( 55 ) Iravaux, pense que cot illuslie voyageur, dirigoanl alors ses rocherclies le long du liltoral de la Belgiqiic , gagna le golfe ou I'Elbe et le Weser ont leurs embou- chures. C'est la que M. Lelewel place la limite des voyages de Pytheas Ic long des cotes de I'Eui'ope ; ot il crolt reconnaitre cette position dans plusieurs designa- tions de lieux cites par Pytheas etrappeles dans le pe- tit nombre de fragments qui nous restent de ses rela- tions. Cejiendant, quelle que soil notre deference pour le savoiret I'auloritd! de M. Lolewel, nous ne pensons pas que cette opinion puisse etre generalement adoptee. Les divers indices des lieux visiles par Pytheas, des ob- jets qu'il a reconnus , des peuples qu'il a rencontres, nous paraissent appartenir aux plages de la Baltique ; les Teutons, les Guttons, s'etendaient sur ses bords; on y recueillail le succin. L'ile de IJalcia parait etre une de celles de cette merintdirieure, et lefleuveDuna, qui y verse ses eaux, est regarde par plusieurs savants recommandabk's comme la limite des voyages de Pytheas dans cette direction. M. Lelewel, dans une des notes de son ouvrage, senible lui-menie ne pas re- gardcr cette opinion comme invraisemblable. D'autres erudits ont prelendu que Pytheas, apres avoir termine ses \oyages dans I'Ocean , avait cntre- pris une seconde navigation autour de la MedilciTanee; ils croient en avoir la preuve dans les litres memes des deux ouvrages que Pytheas avait composes : I'un elail un voyage autour de I'Ocean; I'aulre,' autour de la terre. In scul voyage scmblait n'exiger qu'un seul ri- cit , cl deux relations differentcs indiqueraient que Py- theas entreprit en effet deux expeditions. 11 ne s'cst devti aucun doute sur le voyage de ce na- ( 5fi ) Vigatcurjusqu'a Thul6; el Ton s'accordc giineralcmcnt i'l ponsor quo la torro qu'il d^couvrlt n'elait pas I'ls- lande, mais uno ilo ile rarcliipel dcSchcUland. Quant aux aulres navigations do Pvtheas, soil dans la mer du Nord ou dans la Baltiquc, soil au midi do I'Europe, Icurs limitos et four degrc d'importancc no sont pas cncoi'c sunisammcnt detormin^s. Les r^cits de ce voyagcur furent diversoment juges par les ancicns. Ilocalee d'Abdorc, conlcmporain d'A- loxandre , et Polybe, Arlomidore , Slrabon, qui vecu- rent long-temps apres, ajoutercnt peu defoiases rela- tions; mais Tim6e de Sicilo, Eratosthenc, Ilipparque, admirent commo vraies los decouvcrtes qui lui etaient attribuees. Cette contradiction entre les anciens expli- que la difference des hypotlifeses form^es par les mo- dernes commentaleurs. Parmi les hommes qui, dans le siecle dernior, se sont le plus occupds des voyages de Pytlieas, nous de- vons citer Bougainville , Reraglio et Brequigny. L'opi- nlondes deux premiers est que ce navigateur p^nelra danslaBaltiquc,etBrequigny place danslalM»^diterran6e son second voyage. Ces savants ont cliorchc a s'appuyor, dans lours conjectures, sur le ti^moignage de Diodore de Sicilc, de Pline , de Strabon , qui citaient oux- memes, d'apr6s I'autoril^ de quelques auteurs plus anciens, plusieurs fragments des relations de Pythoas, On pourrait s'^tonner que les momes fragments , les memes citations, aient conduit a des consequences si differonles les savants qui ont parl6 de lui ; mais ccttc diversite a pu d^river de I'alteration des tcxtes primi- lifs; et les textes dcviennont tres difficilos a reslituor lorsquils sont incomplcts, sans suite, ot isolcmenl inlercal6s dans plusieurs ouvrages. Tel 6tait le petit ( h ) nombrede fragments de Pylheas que d'autrcs ^crlvains ont rapport^s plusieurs siecles apres. L'embarras de clioisir et de coordonncr des citations obscures etmor- celees a toujours 6t6 le meme , et Ton n'a pas eu a re- courir a d'autres sources d'informations depuis les tra- vaux que nous venons de rappeler, et qui sontinserds dans les ni^ii^oires de I'Academie des Inscriptions. On aurait pu devoir a la vaste erudition de Gosselin d'importantes i^emarquessur la navigation de Pytheas : il a mieux aime les trailer de fabuleuses; mais son opinion ne paraitpas avoir de nombreux partisans. Nous nous sommes d'abord arret6s dans cette no- tice aux observations personnellement relatives a cena- vigateur; mais elles nous conduisent a examiner, d'a- pres I'ouvrage de M. Lelewel, quelles 6taient, en geographic et en cosmogonie, les connaissances des ancicns. Le bassin oriental de la Mediterran^e , borne a I'oc- cident par I'ltalie et la Sicile, fut d'abord frequente seul par les Grecs ; leurs navigations etaient timides, ils p6rdaient rarement les cotes de vue. On regarda conime uned^couverte un voyage que Theocles, de I'ile d'Eubee, fit en Sicile I'an 780 avant I'ere chretienne ; et ce fut par les tempetes que les Grecs furent portes pour la premiere fois sur cette partie du littoral de Ly- bie, ou ils jeterent , en 669, les fondements de la co- lonic de Cyr^ne. Les Grecs quise signalerent le plus par leurs naviga- tions etaientles habitants de Phocee, de Milel, de Sa- mos, del'Eubee, deCorinthe; ils form^rentde premiers etablissements a I'extremite de I'ltalie, et pdn^tr^rent jusqu'au nord de I'Adriatique. Leurs voyages vers la Sicile les entralnerent bientot au -dela de cette ile et ( 5s ) dans le bassin occidental de la i\l6dilerran6c. La ils fond^rent plusleurs colonies dans rOEnoliie , et sur les cotes dosLiguriens, des Celtes, des Ib6res. On cite au nombre de leurs fondations les plus remarquables celle de Marseille, qui fut balie par les Phoceens I'an Goo avanl Jesus-Christ; et quelques refugies de la meme ville vinrent, quaranle ans apres, fonder en Corse celle d'Alaiia. Ces deux colonies furent les dcr- niers monuments de leur melropole, qui, en 554 , fut detruite par Cyrus et ne releva plus ses ruines. Avant que les Grecs se repandissent dans la mer occidentale, les Pheniciens y avaient deja pen^tre ; les vaisseaux de Tyr en parcouraient tous les rivages, et cette ville etait le port le plus llorissant et le plus fr6- quente de I'Orient. Carthage devint sa principale co- lonic; et eette ville nouvelle, gardant les habitudes maritimes et commercials de Tyr, ^tendit sa naviga- tion et ses conquetes sur les cotes de Lybie et d'lbe- rie , jusqu'au-dela des colonnes d'llerculc. Gadez etait un de ses comptoirs, et ses vaisseaux s'avancaient , soit au nord, soit au midi, dans les parages dti I'O- cean. Les Etrusques ou Tyrrheniens parlageaient d'abord avec les Pheniciens et leurs colonies la navigation du bassin occidental de la Mediterran6e, et ils se ligue- rent long-leraps avec Carthage pour empecher que les Grecs n'y pdn^trassent, et pour s'opposer a leur (^ta- blissemont sur unc partle de ses cotes; niais les Grecs, secondes par les colonies el les allies qu'ils avaient en Sicile, vainquircnt enfin cette resistance : la puissance des Tyrrheniens disparul, et leur marine fut defaile et ruinee en 476 par Gelon de Sjracuse. Les iles qu'ils occupaicnt furent bienlot envahios el depcuplees; ils ( 59 ) liircnt memc attaqu«!;s jusqu'en fitrurie, et Carthago , qui avail t^te long-temps leui- allii^c , se joignitensuile a leur vainqueur lorsqu'on eut a partagerleurs d^pouilles; elle heritade leur domination en Corse, en Sardaigne, et ce qu'ils conservaient de puissance en Italie suc- comba plus tard sous les coups de la rdpublique ro- maine. A la suite des guerres maritimesou Marseille se trouva quelquefois engagee , tantot comme ennemie , tantot comme alli^e de Carthage, cette colonie phoc^enne parvint a etendre au loin les relations de son com- merce. Elle prolongeait sa navigation sur les cotes de Ligurie et d'Ib(5rie; elle pacifiait ses diff^rends avec ses voisins , ouvrait ses communications a travers la Gaule, et concluait avec les Romains une alliance qui , ce- pendant, ne la mettait point en guerre avec Carthage, et qui assura pendant long-temps la liberie de son commerce el de ses expeditions marilimes. Bicn avant celte ^poque , et dans un temps ou la na- vigation des anciens n'embrassait pas meme loule la Medilerranee, les Grecs avaient eu successivement plu- sieurs differenls systemes sur la grandeur et sur la forme de la terre. lis en avaient d'abord limite I'etendue aux regions voislnes du bassin oriental de la Medilerranee et a cellos qu'arrose le Ponl-Euxin, lis accrurent en- suite les proportions de la terre a mesure que leurs vaissoaux s'^loignerent , qu'ils franchirent les parages de la Sicile, gagnerent les coles des Tartessiens etp^- nelrerenl dans I'Ocean ; les descriptions de la terre s'etendirent a tous les rivages don I on fit la decouvcrtcj, etrOc(^an ful regarde comme I'enveloppe du monde. Mais ce monde etait encore restreint; on ne se figurait, soil au nord, soil au midi, aucunc region nouvelle; une ( 6o ) obscurity profonde cnvcloppait toules los tcrres loin- taines ou les guerriers et les voyageurs ii'etaient pas parvenus. Les Grecs avaient d'abord regards la terre commc un planisphere dont ils occupaient le centre ; Anaxi- mandrc lui donna ensuile une forme cylindrique ; Aris- tagoi'as supposa qu'elle 6talt oblonguo, ctpluselendue d'oi'ient en Occident que du nord au niidi; enfin Tha- les la crut splierique , et Anaxagoras partagea celte opinion , dont la preuve fut plus clairemenl etablic par Pythagore. Cetle forme d'un globe plus ou moins re- gullerpouvalt seule expliquer lespb^nomencs qui nous frappent dans la succession des annecs, dans celle des jours et des nuits, et dans tousles mouvements duciel. Aussi le dernier systdme devint celui auquel s'atta- cherent les g^ograpbes et les pliilosoplies des siecles suivants. Vers I'annee 45o avant I'ere cbretienne, on ne doutait plus de la sjihericite de la terre. Dans le siecle suivant, les mouvements du globe et les dilfcrents as- pects duciel, durant le cours des saisons et des an- ndes, furent observers par Eudoxe, aGnide, en Egyptc, en Asie, en Sicile et dans la grande Grece. Get astro- nome dressa des catalogues d'6toilcs ; on partagea en constellations leurs principaux groupes , afm de mieux les distinguor , et la connaissance de la terre, aidec par celle du ciel, alia aussi loin qu'on pouvait I'eten- dre avcc des observations attentives , mais avcc des instruments imparfaits. On divisait tres anciennement la terre en quatre regions : celles des Coltcs, des Scythes , des Indicns et des Ethiopiens. Los deux premieres nations etaient s6- pard'es Tunc de I'autrc par le Tanais, les deux dernie- rcs r^taient par le Nil. On supposait a chacun de ces ( 6i ) fleuves deux embouchures , I'une dans la mer inte- lieure, I'aulre dans I'Ocean; le Tanais en avail une dans le Pont-Euxin , une autre dans la Baltique; et lo Nil, qui verse scs eauxdans la Mediterranee, avail aussi un double cours vers le midi el au-dela de TElhiopie. Ces suppositions, qui n'avaient aucune base rdelle, furentremplacees par d'autreshypolheses quandon cut verifie que les Kmites du nionde se reculaient sans cesse. On ne pouvait point tracer encore les exlremites de la terre; cependant on voulaillui assignor des bornes. On crul long-temps que la zone situee enlre le 24' el le 54" degre de latitude etaitla seuleparlie de la terre qui fut habitalile. C'elait dans rhemispWre boreal que Ton circonscrivait ainsi le sejour de riiomme, et les re- gions qui s'elendaient au-dela etaient une lerre incon- nue. Les bornes ne pouvaient en etre indiquees qu'au hasard; elles durent sans cesse varier de formes et de positions, jusqu'au moment ou les rivages purenl etre lournes par les navigateurs, et ou les progres de la science permirent de les reconnaitre et de les fixer avec precision. TROISlfeME SECTION. ACTES D15 LA SOCIUT^. PROCES-VERBAUX DES SfiANCES. Seance du ^ jaiwier 1807. Le proces-verbal de la derniei'e seance est hi el adopte. La Society royale de Londres accuse reception de I'envoi dcsderniers volumes du Bulletin, etadresse des remerciemenls. ( G2 ) M. du Ponceau , j^residcnl de la Sociclc^ pliilosophi- quo amd'ricainc dc Philadolphie, ecrit a la commission centrale pour la rcmerciei' du litre de Cnnespondant cfraiii^'Cf qu'elle a bicn voulu lui conferer. M. de la Roquoltc , consul dc France en Norvvege , adrcsse un tableau comparatif de la population de la Norvvt^ge pendant les anndes 1826 et i835 , d'apres les recensemcnls olTicicls. Renvoi au comitd du Bulletin. M. d'Avezac dcrit k la commission centrale , a I'expi- ration de scs fonctions , pour la remercier de la con- liance qu'elle a bien voulu lui temoigner en lui conf6- rant a Irois reprises le litre de son secretaire -gcineral, Le meme membre soumet a la commission centrale quelques iddes relatives aux ani6lioralions dont le Bul- letin de la Soci6l6 lui parait susceptible , el il propose de confier au secretaire-general la direction superieure de celte publication. Apres une discussion a laquelle prenncnt part plusieurs membres, la proposition de M. d'Avezac est rcnvoyee al'examendu Comito du Bul- letin, qui presentera un rapport sur cetle question dans une procbaine soance. M. Roux de Rochelle prie la Societe d'agreerpour le uiusee geographique , dont ello a decide la formation , une collection de 108 medailles, composanl la galerie mdlallique des hommes illustres de la France , et il rappelle que la Societe espere recevoir quelques autres olTrandes des hommes qui s'intdrcssent a ses travaux et a ses progres. La Commission centrale lui vote des remerciementspour lenouveaudon qu'ilvient defaire. MM. Daussy, Eyries, Jomard , Larenaudi6re et Walckenaer sont nommis au scrutin membres de la itiOmmission spticiale chargec dc juger le concours au prix annuel pour la decou\erte la plus importanle en geographic. { <»'^ ) Seance fin ito Janvier iSS^. J.C proces-vcrbal de la derniirc seance est ki ot adopte. M. Tesson, pi-ocureur du s^minaire des Missions- bli'angeres, adresse la relation d'un voyage dej^uis Poulo- Pinang jusqu'au sud de la Tartarie a travers la Chine , et ilollVe a la Societe les services des missionnaires qui partent chaque annee pour la Chine, le Tonking, la Cochinchine etle Laos. Ces missionnaires sonl munis des instruments ndcessaires pour les ol^servations de latitudes et de longitudes, et il sufiirait qne la Society leurindiquat leslieux dont elle d6sirerait connaitre la position geographique. M. Grand-Pierre, directeur de la Soci6t6 des Mis- sions ^vangeliques , communique I'extrait d'une lettro de M. Daumasconcernantla carte du pays desLighoyas, carte d'apres laquelle les sources des principales rivieres du sud de I'Afrique peuvent etre consid^rees comme parfaitement connues. Les missionnaires evang^liques, empresses avant tout de propager le christianisme et la civilisation dans des contr(^es barbares, s'occupent aussi des dec.ouvertes et des travaux qui peuvent inte- resser la Soci^t^ de geographie. M. Cordier, inventeur d'un nouveau globe geogra- phique, rcpresentant les mouvemenls de la terre par I'elTet d'un mecanisme qui s'y trouve adapts, ecrit k la Society qu'il desirerait soumettrc ce globe asonexa- men. (Jne commission, composee de MM. Walckenaer et Berard, est priee de prendre connaissance de cette invention. M. Eyries annonce que M. Arsfene Isabelle , du Ha- vre, sur le point de partir pour un nouveau voyage dans la rcpublique de I'Uruguay et dans la bando orientale du Rio de la Plata, I'a charge d'ollVir ses sei'- ( ii4 ) vices a la Socioli!;. Les obsorvalions lallfs sur une parlio do CCS conlrecspar MM. Parcha])pc el d'Orbigny poiir- ronl lui donner dc premieres indicalions sur les points ddja reconnus et sur les laouncs qu'il resterait encore a remplir. M. Jomard annonce lamortde M. Ilassouna D'ghies, de Tripoli , I'un des minislres de I'ancien dey d'Algor, et en dernier lieu ri^dacteur du Mont tenr ottoman. C'd- lait un homtnc d'un esprit distingue et d'un caract^re elev6, plein do zole pour I'avanccmenl dos sciences el le progres des lumiercs. Le meme menibrc met sous les yeux de la Socidte le facsimile d\in pied antique en bronze , trouve dans la foret de Maulevrier, pres de Caudebcc, et sur lequel un m^moire a ete lu I'an dernier a I'lnslitut par MM. Jo- mard et Walckenaer. Cette mesure a])proche de celle qui a 6t6 reconnue pour la vraie dimension du piod ro- maln, servant d'unito a toutes les autres raosures,et equivalanla environ 296 millimetres. M. Roux de Rocbclle rend comple d'un ouvrage dc M. Lelevvel sur les voyages dc Pyllieas et sur I'etat de la g^ograpliie chez les anciens. Renvoi au Comite du Bulletin. M. Albert de Montemont lit un fragment du Precis de geograpbie moderne qui doit accompagcr I'atlas dc la Bibliotli^que des voyages. MEMBRE ADMIS DANS LA SOCltTE. M. BoHAiN (Romain), avocat au Conseil du roi et a la Cour de cassation. Kola. La iiste des ouvrages oDTerls dans les seances de derembre fl de Janvier sera inseree dans le prorliain num('TO, BULLETIN DE L\ SOC[ETE DE GEOGRAPHIE Fi;VRIER 1837. PREMIERE SECTION memoires,:extraits, analyses et rappohts. Continuation des notes additionnelles {i)ala lettrede M. le 'vicomte de Santarem publiee dans le Bulletin de la Societe de geographic du mois d'octobre 1 855 , siir les voyages d" Aineric Fespuce ^ de i5oi et i5o5, adressees par I'anteur a la Societe de geographic . Lorsqu'un inlervalle de plusieurs siecles nous separe d'un 6v6nenient qui 6tait douteux a I'epoque meme de sa date, ce n'est qu'avec une exti-eme difficuHe que (i) Voir le Bulletin de septembre i836, ou se sont glissees :iuelques faules lypographiques a corriger aiiisi qu'il suit : patce i44. ligne 11 , lisez Eouvet de Ciesse au lieu de Bonnet; jiajies i45 li^ne 24 > »46 ligne 26 , el 147 ligne i , lisez Bossy au lieu de Bony ; page i^y ligne 17, lisez Pierre-Martyr rf'y^n^/ures au lieu d'Anghiera; et page 1 55, note a, au lieu Atamiciliam otempora, lisez amicitiam tempore, etc vii. 5 ( 60 ) I'on peut pancnira lefixerelal'^claircir. Tel est le ca» oil nous soinmes pour les navign lions probl^matiques d'Aineric Vespuce. La difllculle est augmenlee de nos jours par les eludes immenses auxquelles on est force de se livrer a I'egard d'un grand nonibre d'ouvrages et de documents qui onl ele publics des le commence- ment du xvi' si^cle, epoque ou I'erreur et la confu- sion onl produit tant de faux jugements sur la question qui nous occupe ; et I'embai'ras est encore accru par les contradictions manifestes d'un grand nombre d'6- crivains, tant sur les fails que sur les dates. Dans ce labyrinthe, nous avons juge que noire but n'aurait point ele rempli si nous nous etions born6 a anahser los relations attribuees a Vespuce , en les con- fronlanl de nouvcau avec les navigateurs qui le pr^ce- d^rent, ou qui firent des decouverles au temps de la publication de seslcttres. INous nous sommesdonc ef- force de soumetlre a une discussion nette et precise ce point important d'liistoire geographique , soil en nous appuyant d'un grand nombre de temoignages negliges par les critiques qui nous ont devance , soil en examinant de nouveau les ouvrages qui avaient 6t6 precedcmmcnt allegues. Nous avons enfin abord6 cette question d'une mani^re toute sp^ciale, el, s'il nous est permisdc le dire, toute nouvelle. La nature de nos fonctions publiques nous avail forc6, des 1826, a interrompre ces investigations; et d'aulre part, divers travaux litt6raires, la rarel^ de plusieurs ouvrages, ainsi que le temps indispensable pour les trouver et les windier , nous ont oblige a mor- celer notrc oxamcn , et a produire ainsi le resultat de nosrecherches parfraclions detaclides et pcut-6tre sans melhode. Aussi ne considerons-nous les notes publi^es ( <>7 ) au Bulletin de la Soci6l6 de g^ographio du mois de soptembre dernier, et cette continuation, que comme de simples essais pr^paratoires pour un travail metho- dique ulterieur. Quelque p^nible qu'il nous soil de faliguer le lec- teur par une Ibngue s^rie d'extrails et de citations mul- tipliees , nous nous permettrons de faire observer que ce sont autantUe pieces de ce grand proems, discut^es contradicloirement avec notre propre opinion, pour eclairer les juges auxquels il appartient de prononcer defmitivement. Nous avons montre que la fameuse Cosmo grnpl dee Introdt(ctio , imprim6e a Saint-Diez en Lorraine en iSoy, avail ei6 la principale source d'er- reur, ainsi que les nombreuses collections des lettresdc Vespuce,publieesau commencement du xvi^siecle (i). Nous citerons encore une autre publication faite en la memc annee, et dont le titre trompeur vint ajouter a la confusion ; c'est la collection de Montalbodo Franca- sano , imprimee a Vicence en iSoy, ouvrage mainte- nant tres rare , public sous le titre imposleur de Paesi nuovamente ritrovati , e Nuovo Mondo da Alherico Ves- putio Fiorentino intitolato. Cette collection fut traduite en francais, et la tra- duction en fut imprimee a Paris en 1 5 to (2), par Phi- (1) Celte publiration fut preredi^e de crlle du Miindus mwus, nuigislcr Johannes Otmar impressit Attf^uslm Vindctic. anno i5o4; par cclle in- lilulet; De Terra Anlarciicd , per regent Porliigtilia; pridcni inventa. (De la Terre Antarclique nouvellenient decouverle jkh le loi de Portugal), imprcssum Jrgentorali, per Mntlhluni llupfaff, i5o5; p.ir cello iiilitulee ran den niiivcn insitlcn und landen so ictzt liurnlzlichcn erfiinde tynt diircli den Kiining ton Pcrlugiil. (Des Nouvelles lies et pays qui ^iennenl d'etre decouvcrts par le roi de Portugal. Slrasbourg, i5o6.) (2) L'Art de veriGcr les d;iies fixe celte dale. Voyei tome XU , 3"= partic, page no. {G8 ) lippe Le Noir, avec le litre suivant, qui rench^rit en- core sur I'original : « ISouveau Monde, et Navigations faites par Anieric Fespuce Florentin, dans les pays et isles auparavant incognties, tanten Etiopie et pliisieurs regions etranges, trans/ate de Vytalien en langne francoyse , par Maturhin de Redoner. Deux autres Editions de cette traduction furent ira- primees a Paris, sans indication de date, par Jehan Janot et par Jean Treperel ; nous avons consulte colle-ci a la Bibliothcque du Roi, et nous I'avons d^ja citde dans les notes ins6r/;es au Bulletin du mois de septembre dernier; elle parait etre de i5iG, a en juger par la date du privilege ; nous en avons trouve une autre edition dans la belle collection de M. Henii Ter- naux (i). Voici d'apr^s I'edition originale I'indication des ma- tieres contenues dans cet ouvrage : \° Libra de la prima navigazioneperVOceano a la terra di Nigri de la Bassa Ethiopia per commandamento del illustr. signor infante don Hnrich fratello de don Dourth Re de Pcrtognllo^ 2° El libro secitndo de la navigatione de Lisbona a Cal- lichutyde lengiia portogullese in italiana. Nous observe- rons que dans celivre se trouve la relation du voyage de Pierre ylhares Cabral^ et de la decouverte quil Jit de la terre de Santa-Cruz (le Br6sil). 5° El libro terzo de la nai'igatione de Lisbona a Calli- (i) L'edition que poiisMp M. Ti rnsiix fiit puhliee a Pari*, par Gaillut- du Pre. L'exi'ni plain- <1(> lii liililioUu-que dti roi piovicnt de la bibliothfe- quc Je Falconet. Sur ces colleclions, voycz liriinet , catalogue de la Vallii-re ; Meiisel, Bdilioth. hist., /ome 111 , p i.&h; Memoircs de Se- bflsliaci Cabot, \63i , page j/ji- ( 69 ) chut de kngiia portogallese in itaUana, A la fin de ce livre nous lisons : Eincomensa la nai'igazione del Re de Castiglia delle isole e paesi niiovameiite ritro-vati. Ce livre commence par la relation de I'expedition de Co lomb. « Christophoro Colotnbo, Genovese, homo de alta e procera statura^rosso, de grande ingegno e fassa larga. » Ce n'est qu'apr^s ces voyages et ces relations, qu'on ^oit, dans le lir*e V de cette collection, ce qui suit : ayL- i54 I'u UuUeliii ile sfiiUiiibit iS36. (3^ Ibid ■C70) bibliqueetclelalecluieclosclassiquesancienssui rcspril qui donna I'impulsion aux dticouvertes; mais on n'y trouve pas un mot de \ espuce, ni de son pr^tendu voyage de I'annee pr^cedenle. Ine autre lellre estdatee deLis- bonne, le iGseptembrcdolamemeannee i5o2 ; elle est ocrite par Francesco de Santa-CienioneixVascoi\\'\»o, am- bassadeur de Venise qui se Irouvait alors en Espagne : danscette Icltre, nousrtmarquonsdcminutieux d(^lails sur lesvoyagesen cours d'execution etmdme surles vais- seaux en construction dans les ports du Portugal pour des expeditions de celto nature ; et malgr^ la date de septembre i5o2, il n'y est point question de Vespuce. La difference frappante qui existe, comme nous ve- nons deleprouver, entre le contenu reel de la collec- tion dont nous parlons, et I'annonce trompeusc du tilre, suffit pour montrer comment de tellos publica- tions i-epandaient les erreurs les plus graves, a une opoque ou I'enlbousiasme pour les voyages et les d6- couvertes fascinait presque tous les esprits en Europe, et faisait accueillir avec une credule avidile les pom- peuses annonces d'un titre mensonger. Camus (i) n'a pas connu cette collection, car il avoue que ce qu'il en ditest extrait de Tiraboschi (2). Camus n'ayant pu I'cxaminer, a cru qu'elle ne conte- nait en majeure partie que les relations de V espuce ; tandis qu'il en est tout autremcnt, comme on vient de le voir. Lemfime ecrivain cite uncahicrdesixleuillets qui a pour titre : Albericus Vespucius Lauivntio Petri-Fran- (i) Memoii-es sur les gninUs voyages. (>) Tiraboschi, loine Vll , prat. 1 , p. 2i3. ( 7' ) cisci de Medicis salutem plunmam dicit ; au-dessous on voit le nom de Jehan Lambert, imprimeur qui exer^a son art a Paris de 149^ a i5i4; le cahier contient le recit du voyage de i5oi, en latin (Maittaire et Panser assurent que ce petit cahier est extremement rare). Camus observe encore que quelqnes personnes enjixent f impression a I'annee i5oi. Nous avons e^mmine ce cahier a la Bibliotheque du Roi , et nonseulementnousne pouvonsluiattribuer une telle date, mais encore 11 nous serable que ni Camus, ni ceux qui ont cru qu'il avait ete imprime en 1 5o 1 , n'ont reflechi a I'impossibilit^ de concilier cette date avec celle du pretendu voyage ; comment, en effet, aurait- on pu imprimer a Paris, en i5oi, la relation d'un voyage que Vespuce dit avoir ellectue en partant de Lis- bonne au mois de maide cette meme ann^e, etqui aurait dur6 au moins seize mois, d'apres une de ses lettres, et peut-etre vingt, suivant une autre (1) : que par conse- quent la relation dont il s'agil ne pouvait avoir ete ni imprimee ni meme ecrite a la date du 4 sepleml)re de lamemc annee! On sent combien celaimplique la plus evidente contradiction. Quoi qu'il en soit, malgre la publication dela celebre collection de Francasano en 1 807, dela Cosinogmpliia' liitroductio, imprimee en Lorraine en la meme annee, et des autres ecrits anlerieurs aux lettres de Vespuce que nous avons cites plus haut; les 6crivains auxqucis on doit la belle edition de Ptolemee publiee a Piome cnl'ann^e suivante 1 5o8, Marco Beneventano et Cota(2) (i) Coll. (le FiaiK'asaiio el (I'iiiitrcs. (5) Nous iivoii; fxainino ceKe bt-llc I'dllion ;i la Jjil)iiolliiiiuc dii Koi. ( 72 ) non seulement gardeiit leplus profond silence surVes- puce et scs pr^tendus voyages, mais ils remarquent au contrairc que le Nouveau-Continent fut decouvert par Colomb etparlesPoi'lugais. Tout ce qui y est rapports, notamment la dissertation de Beneventano, ainsi que les chapitres ni et xiv, sont en faveur des navigaleurs porlugais, comme nous le montrerons ailleurs. ISous y lisons, cap. Ill : « De Tellure quam turn Columbus turn Liisitaui obseruaver-imt quam terrain Sanctn> - Crucis appellant, etc. » Nous signalerons ici les notions pre- cieuses que nous avons trouvees dans cet ouvrage, le- quel ayant iii^ publie du vivant de Vespuce, et aprts les collections deja cities , ajoute aux preuves qui peuvent etre invoquees contre les pretentions de ce navi- gateur, et contre I'autorite des documents publics en sa faveur. Nous venions d'achever I'examen de cette edition quand est parvenu a notre connaissance le savant ou- vrage de M. de Humboldt(i) ; etnous nous empi-essons de produire ici les observations de cet illustre savant dont I'autoritd en la mati^re est si justement puissanle et decisive. M. de Humboldt dit : « .T'ai trouv6 dans la belle edi- tion de la g^ograpbie de Ptolemee , faile a Rome en i5o8, Vindicedes nai'igationsporlugaises Ic long des cotes orientales de P yimerique du Sud, qui auaient ete poussees jusqu'a So ° dt latitude auslr-ale. II y est dit en mt^me temps que Ton n'a pas encore atteint Textremile du continent. Cette edition, imp rim^e parEvangelista Tos- (^ i) Examen nitique de I'Histoire de la (,'6ograpliie du Nouvtau Coiili ■ iicni Paris , i83- , tome II , pages 5 el 9. ( 73 ) sinus, et rdidigee par Marcde Benevent el Jean Cottade Verone , renferme unemappcmonde de Ruysch [Nova et universalior ojbis cogniti tabula, a Johaime Ruysch, Ger- inano,eIaborata), dans laquellerAmerlque M^ridionale estrcpresent(5ecomme uneile d'une etendue immense, sous le noni de Terra Sanctcc-Crucis (i), sli>e Mundus- IVoi'us. On y voit le cap Sajictce-Crucis ; c'est la position du cap Saint'Augustin, et la cote qui s'ensuit au sud. On yremarque la note suivante : Nauta; lusitam partem hanc tenw Jtujus observcirunt et usque ad elevationem poti antarcticiho graduum pervenerunt, nondiim tamehadejus fiiiem austrinum. » Cette meme edition romaine de i5o8 offre une dis- sertation qui porte le titre de Nova orbis descriptio , ac uova Oceani uavigatio qua Lisboiid ad Indicuiii pervenitur pelagus ; a JSlarco Beneventano inonacho Ccelestino edita. ') Le cliapltre xiv porte : Terra Sanctce-Crucis decres- cit usque ad latitudiiiem 07° aust. quainque ad archiploi usque ad ho° aust. navigaverint, ut ferunt ; quam rcliquain portiotievi descriptam non reperi, etc. » Le savant auteur ajoute que la decouverle du Br^sil Jaite par Cabral (de 10" a iG" 1/2 de latitude australe) avait tellement frappe les csprits , que depuis cettc epoqne la cour de Lisbonne porta meme ses vucs sur un passage vers I'ouest. « II me parait par consequent assez probable, poui'suit I'illustre ecrivain, qu'il y ait eu, de 1000 a i5o8,une suite de tentatives portugai- ses au sud de Porto-Seguro, dans la Terra Sanctas-Crucis, ct que de vagues notions de ces tentatives ont servi de (1) Nous prions nos lecleiiis de fuiie bien aUcnlii)ii a tiUi-, ileiioiiiin.i lion employee yprcs la fiuneuse edilioii loiiaine ile lii CosiiKigrd/iliiui In- tro duel to. ( 74 ) base a une nuiUiUulo do carles marines que Ton I'a- briqiiait dans les ports les plus frequenl6s. » Nous ajoulerons ici une chronologle des voyages fails par les Porlugais a la Terra Sanctcf-Crucis (le Br6sil), depuis la d^couvertc par Ca])ral jusqu'cn looG, pour monlrer que les ^diteurs du Ftolemee de i5o8 dlaient infonui^s sans doutc dc la verite , el que, connaissant avec exactitude les 6vdnements principaux, c'esl-a-dire les resullats de ces expeditions porlugaiscs, ils gardfe- rent, probablemcnl a dessein, un profnnd silence sar les pretend lis voyages et decoiwertes de Vespnce en i5oi ct i5o.3. Ces indications cbronologiques servironl aussi a con- stater rexistence d'une suite de tentalives porlugaises, commela sagacite de M. de Humboldt I'a suppose. i5oi. — Lnc expedition commandee par Gon- calo Coelho partil de Lisbonne pour explorer la cote de la Terra de Snncta-Cruz. Galvao, auteur contempo- rain, dit que celle expedition ayant rcconnu la terre du Bresil vers les 5° dc; latitude, longea la cote jusqu'a 320 de latitude australe (i). 1 5o3. — Apresle retour de Fexp^dilion que nous venons de mentionner, il en fut envoye de Portugal une autre, composde de six vaisseaux, el commandee par Chris- tovao Jacques, qui explora etreconnutla cote jusqu'au cap das Virgens, a I'enlrde du d6troit de Magellan (2). Ce Christovao Jacques est celui qui ddcouvril les Bahia de todos OS Santos (5) . i5oo, 10 juin. — Seconde expedition dc Gonq^alo (1) Voyez !cs ecrivains |jortiiguis. tt iiolaiumciit Gorosjiiifia Brasilic.n. [■>) ^■oy(■z CorogHiliii BiiiHlicii. (5) Vnyez Goes Clinvi. , cl Coroguif. Br.isil. ( 7^ ) Coelho. Goes tlit que le roi Emmanuel envoya ce capi- taine reconnaitre la terre de Sancta-Criiz, et qu'il partit de Lisbonne le lo juin, avec six vaisseaux (i), Osorio, aussi contemporain , dit : « Classem Gundissalvo Coelio commisit , qui regionem a Capiale exploratam, quam Brasiliain ojocntit , perlnstraret. i5o3. — Dans celte meme annee, le celebre capi- taine Alph^nse d'Albuqucrque , en allant avec une flotte de Lisbonne vers I'lnde, reconnul le Bresil ct y j'elacba (2). i5o5. — La tlotte commandee par D. Francois d'Al- meida, qui parlit de Lisbonne pour I'lnde, le 2 5 mars, avec vingt vaisseaux, longea et reconnut la cote de la terre de Satita-Cruz (le Bresil) (3). 1 5o6. — Tristam da Cunha, ayant le commandenicnt d'une flotte de onze vaisseaux, destinee pour I'lnde, partit de Lisbonne le 6 mars, alia reconnaitre le Brt^.- sil, et longea une partie de la cote (4). Le rapprocbement des datesdeces expeditions, et de leurbut, avecle texte dela dissertation de Beneventano dans I'edition de Ptolemde de i5o8, et avec I'liistoire contemporaine , montre : 10 que les dditeurs etaicnt tres bien informes de cette serie d'expeditions entlere- inent portugnises ; 20 que Ics relations intimement sui- vies entre le Portugal et le Saint-Siege facilitaient la communication successive et immediate des notions les plus exactes sur les decouvertes auxquelles la cour de Rome prenait un grand inleret; 5" que la serie des ex- (1) Voyez Goes, Chion., el Corograf. Brasil. (2) Voyez Rhmusio et Corograf. Brasil. (3) Vojez Corogral". Brasil., lotiic I , page .ij > '-l 'ts aulmns ronl< n»- iiprains. (4) GastanljcJa . liv. 11, (.'ap. ")2, el Coro(;;raf. Biasil. ( 7f' ) pedilioiis donl nous vcnons do Aiiro Ic rclove suflirait pour demontrer la fausscle des relations de Vespuce ; car il parait evident que , si Vespuce cut d^couvert la cole du Bresll dans ses deux pr6tendus voyages de iboi et de i5o3, il eiit 6t6 inutile de faire expedier u la meme epoque , et posterieurement, des expedi- tions toutes portugaises, pour faire la meme explora- tion et d^couvrir ce qui etait decouvcrt, pour verifier ce qui 6tait deja verifi^. La Icttre de Pierre Vaz Caminlia, employe dans la Hollo de Cabral, adress6e au roi Emmanuel, du Nou- veau-Continent le i" mai i5oo, n'est pas d'une moin- drc importance dans la question qui nous occupe. Celte lettre pi'dcieusc , dont les details sont assez cu- rieux , se conserve en original aux Archives royales de Lisbonne, et a etc publiee par M. Ayres do Cazal dans sa Corogrnfia Bmsilica (i). L'cxamen comparatif de cetto lellrc , et des relalioiisde Galvao , quo nous al- iens citer, avecleslettres altribueesa Vespuce, suflirait, selon nous, pour montrer comment on doil caracle- riser les rapports de ce dernier. Cetto lettre demontrc aussi combien la conjecture du chevalier Naplone (2) est denu(ie de fondoment, car on y volt les noms de tons ceux qui accompagnerent Cabral dans cetle cxpedilion, cxcepte celui de Vespuce. Nousavons compare cette lettre avec la relation du voyage de Cabral, ecrite par un pilote portugais et in- soroc dans la collection de Ramusio d'apres cello do Madrignano, oil se trouve I'original porlugais. Dans la relation des voyages de Louis do Baslhoma do (0 Colograf. Brasil. , loiiut I, p.ige n. V.*) Ksaiiie fiilico del priino Viagyio del Vi-spuii , |»iij,'c 17. ( 77 ) Bologne , nous remarquons qu'il a et6 employe dans les voyages, et au service du roi Emmanuel; qu'il re- tourna de I'lnde en Portugal a Lord du vaisseau du Florentin BartholomeMarchioni, dontparlentBarros , Goes et le messager de Venise, et qu'il arriva a Lis- bonne en 1607; ^^^^i^ ^^ "y est jamais question de Vespuce, ni de ses decouvertes. Nous feroi;^ remarquer encore le silence de Cas- tanlieda (1), auteur contcmporain, qui, tout en parlant de la d^couverte de Cabral et notamnient des compa- gnons de cet amiral, iie dit pas iin mot de Vespuce (1) . Le meme silence est observe par Barreiros, egalement contemporain, lequelneparle que de Colomb dans son traits de Ophira Regione, qu'on a public a Coimbre en i56o, et qu'on trouve ddx\s\e Noi>iis-Orbis,j)uh\ie a Rotterdam en 1616. Galvao, auteur del'ouvrage Des- cobrinientos aiitigos e modeinos, etc., contemporain, et temoin des expeditions dont il s'agit, iie dit pas tin mot de Vespuce. II en estde meme du plus ancienhistoriendu Bresil, Pierre de Magalliaes Gandavo. Cet (^crivain dans son histoire de la proK'ince de Santa-Cruz^ imprimee a Lis- bonne pour la premiere fois en 1676, et qui a merite les eloges du grand poete Camoens (car I'auteur avail puise aux sources authentiques ) , proclame Cabral comme celui qui a decouvert le Bresil, et nous n'avons vu dans cet ouvrage pas un seulmotsurAmeric Vespuce, etsur ses pr^tendus voyages de i5oi et de i6o3. Maga- lliaes aurait-il ignore I'existence des ouvrages publies (1) Histoiia da conquisla das Indias pelos PortugiiPses. (2) Voyez les curieuses rellexions de Napione. Esamc critieo, page 84. ( 78 ) on Lorraine, a Vicnnc, a \'cnisc, i Paris elailleurs? Nousne pouvons le croire. L'auleur dola Corografta Brasilica observe Ir^sljien, en se plaignant de lafaussetc des relations de Vespuce, que leur idontite avec cclles de Gahao prouve la faus- sete de celles-la, Nous signalerons encore le silence du pere Joseph Tei- xeira dans son ouvrage publie en 1082 sous ce til re : de Purtiigalice ortu regiii, initiis, etc. L'auteur, tout en of- frant un resume des cvinemenls rcmarquablos du regno du roi Emmanuel, etde I'epoque des pretenducs diicouvertes de Yespuce, ne dit pas un mot du naviga- teur Horenlin. Get auteur, dont il existc un tres grand nombre d'ouvrages, presque tousimprimes a Parisvers la fm du xvif siecle , aurait-il pu ignorer les preten- tions de Vespuce, et jusqu'a I'existence des ouvrages ou il etait question de ses voyages faits d'apres les or- dres du roi Emmanuel ? Ainsi, dans les historians portugais du xvi^ sifecle on ne voit jamais cit6 le nom de Vespuce, Napione(i) dit avec raison qu'il parait incroyable qu'on n'ait point connu a Rome les lettres de Vespuce; et il avoue que s'il n'en estpas fait mention dans YItinerarium Portuga- lensium, public en 1008(2), nonplus que dans y//- bertiiio (5), Girnldini (4) el d'autres auteurs contempo- (1) Esame crtico, page 58. (a) C'c-sl line erreiir de Napione, ainsi que nous nous en sommes assure en veriGant . Vujiaiuie, lonu- II , Diss. 14. ( 79 ) rains (i) , ce silence doit faire croire que ces eciivains tie les consideraient point comine authenticincs. Napione avoue encore qu'un grand nombre d'auteurs italiensn'ont pas attribue a Vespuceles decouvertcs cii question. II observe qu'on ne trouvc point de savant toscan qui ail soutenu que Vespuce eut decouvert, avant Colomb, la Terre-Ferme, et qu'on ne trouve non plus aucun anoien historien florentin qui ait soutenu cette assertion ; il reconnait que Gidcciardini, Segni ■ct autres qui ont parl6 de I'evenement, n'ont point at- tribue lad^couverte 6 Vespuce. Nous nous permettrons d'ajouter que I'opinion de GuicciardiiH est d'une grande importance dans la dis- cussion qui nou3 occupe, car il 6tait Florentin, con- temporain de Vespuce, et il avait ete anibassadeur en Espagne pres de Ferdinand-le-Catholique ; de plus il etait lie avec la famille de Medicis, car il fut appele a Rome par L^on X; il se rendit utile a Alexandre de Medicis, et apres la mort de ce prince, il contribua puissammont a I'election de Come de Medicis. Or, cst-il admissible qu'au milieu d'un tel concours de circonstances le celebre historien aitpu ignorer les pretentions de Vespuce, et I'existence de ses letlres a Laurent-Pierre de Medicis ? Et peut-on croire qu'il eut proclame Colomb, si les rapports de son compa- triote lui eussenl paru dignes de foi ? La maniere dont il parle de Colomb et des decouvertes des Porlugais et des Espagnols , dect'le selon nous son hesitation sur les pretentions de Vespuce: car il dit que Colomb adecouvertle premier, le nouveau continent; que Ves- (i) Voycz Napione [Esamc crilico) sui- le Poiliilan , impiime a Ve- nise , en i5a8, iequel , tout en jiuilaiil de Colomb , ne dit psg un mot de Vespuce. ( 8o J puce \ a 616 (i); maisil ajoute dopnliU^ apr^s Colomb, et il dit imm^diatement que plusicurs aulres y sont all6s aussi. el qu'ils ont decouvert n nitre Isole e i^randissimi paesi di Terra- Ferina. Or, si les navigateurs qui ont ef- fectueavant i5o4, etaprtjs Vespucc, de grandes decou- vertes dans la Terre-Ferme, ne faisalent point partie des expeditions de ^espucc,il s'ensuit clairement que riiistorien a voulu dire que la Terre-Ferme ne fut point d^couverte par lui, opinion qui nous paraitplus nette- ment exprimec encore quand il dit immediatement apres: « Degni ei Portoghesi e gli Spagnuoli e principua- menteColombo inventoi-e di questapiii marauigUosa eperi- culosanavigazioiie, etc. Bernard Segni, historien italien, ne a Florence vers la fin du xv*" siecle, elait, comnie Guicciardini, coinpa- triote et contemporain de V espuce, et de ses pretendues d^couvertes; ildirigeaune maison de commerce et de- vait etre au courant des decouvertes qui offraient des regions aussi vastes aux expeditions aventureuses; il rendit des services a la maison de Mcdicis, et le due Come de Medicis le chargea d'une mission diplomati- que aupres de Ferdinand, roi des Remains (souverain qui a entretenu des rapports intimes avec la cour de Portugal) (2). Segni fut ensuite nomm6 chef de I'Aca- d^mie de la Crusca , et mourut a Florence en i558. Comment done cct ecrivain contemporain et compa- triote de ^ espuce, ayant dirige une maison de com- merce et visits I'Allemagne 011 les leltres de Vespuce 6taient d6ja connues, aurait-il ignore les pretentions de celui-ci a la priority de la d6couverteduNouveau-Con- tinent? (i) C'est probablement du voya^je avcc Ojedn qu'il veul parler in. (») Voyez mon ouTrage du Corp? diplomatique, section XXIV. ( 8. ) Ramusio lui-meme, tout en insurant dans sa collec- tion les pi'elendus voyages de Vespuce, dit dans son avant-propos surle voyage du Portugais Francois Allu- res en Ethiopie, que son recit ne devait etre de moindre estime que ceux desquels nous avons ete jouissants par le moyen de la decoui'eite de Colomb. Hakluyt, dans son epitre dedicatoire a sir Robert Cecil, proclame Lolomb comme le premier navigateur qui ait decouvert le Nouveau-Monde en 1492, malgr6 ce qu'il rapporte de Madoc, et malgr^ les pretentions de Vespuce. Au surplus, I'ancien monument qu'on voit encore a Saint-Paul, au Bresil, nous offre, a cet egard, une preuve importante de plus. A I'entree de la barre de Cananea, du cote du continent, sur un amas de pierres, se trouve un pi^destal en marbre d'Europe, ayant quatre palmes de haut et deux de large sur une d'^quar- rissage; les armes du Portugal y sont gravies, mais sans les tours; et selon I'auteur de la Corografia Brasi-' lica (1). On y voit fort bien le millesime de i5o5, qui prouverait jusqu'a I'evidence, suivantlui, que la flotte envoyee cette annee-la pour reconnaitre la Terra de Santa-Cruz, ne retrograda point a 18" de latitude auslrale, comme le pretend Vespuce, parce qu'elle devrait n^cessairement porter des bornes semblables aux armes du Portugal, et a la merae date pour con- stater la prise de possession, suivant I'usage (2). Le meme auteur (3) analysant avec une judicieuse (1) Ayres do Cazal, Corograf. Brasil. , puljliue en 1S17, tome IV, page 228. (2) Get usage esl consiale jiai- un grand noinbre d'ecrivains des iv et \\\« siecles. (3) Ayres do Cazal, Corogrof, Brasll. , Inc. cit. Vll. 6 (82 ) critique Ics navigations de \ espuce, observe que sa pre- miere lettre, aussi bien que le sommairc qu'on lui attri- bue, sur le pr^tendu voyage de 1 5oi , n'oftVent que dcs incoherences, des contradictions et des erreurs intol^ra- bles, en meme temps qu'on y garde un silence complet sur des choses essentielles qui jamais ne sont oubliiiies par un navigateur, ce qui parte o croirc que P espuce ne se- rait jamais alle au Brest/. La relation contenue dans la secondelettresurl'expeditionde i5o5,est, ajoute I'au- teurbr^silien, diara6tralement opposee a tout ce qu'en rapportent les ecrivains contemporains; ce n'est qu'un tissu de faussetes les plus evidentes, indiquant d'une manifere inexactela destinati onde la flotte, alterant les ev6nements, inventant des fables absurdes, en cacbant a dessein la verity. II parait d'ailleurs peu croyable, observe le meme geograpbe que le roi de Portugal ait fait appeler un etranger pour commander ses flottes, lorsque d^ja plusieurs expeditions avaient m dirig^es par des pilotes portugais, savoir: celles de Vasco de Gama, de Cabral, celle de la terre de Labrador, et telle de Caspar de Lemos, etc. «Les pratiques du pilotage (ditM. de Humboldt) (i), suivies dans les grandes expeditions de Colomb, de Ga- ma et de Magellan, qui nous paraissent si incertaines, auraicnt fait I'admiration, je ne dirai pas des marins ph^niciens, cartbaginois ou grecs, mais encore des ha- biles navigateurs Catalans, basques, dieppois et v6ni- liens des xni' et xiv' siecles, » Las Casas avail en sa possession en i5o2 {cette date est tres importante) des lettres de Colomb sur les (i) Fxatnei) nitiquosur I'Histoire de la geogrn|iliie du Nouveau-Conti- nenl , tome 1 , |)age 9. ( 85 ) indices des terres occideiitnles rectieillies par des pil(>l.e.\ j)f)j-tiigais (i). Ces fails et plusieurs autres qu'il serait trop long de consigner ici, monlrent ce qu'on doit penser desplain- tes de Vespuce contre I'ignorance des piloles etdesma- rinsportugaisjlorsque, dans la relation de sonprdtendu voyage de i5oi, faisant part de ses connaissances cos- mographiques, il conte ce qui suit : « II est ici a noter que ce lieu est loin du cap Vert environ sept cents lieues encore, que j'estimais avoir navigue plus de huit cents, pour cause de latempete etde la diversite et injure du temps qui nous fut tout contraire, et aiissi par I'ignorance du pilote^ qidsont cas eloignant toujours les voyages (2), desorte que nousetions arrives entellieu, que sijen'eusse eu laconnoissancedela cosmographie, c'etoit fait de nous, pour autant que nous n'avions pilote qui sut dire, voir a cinquante lieues pres, en quel lieu nous etions;la nous allions errant mainlenant d'un cote, tantotd'autre, sans savoir ou nous tendions, ne fut queje pourvus soudain a mon salut et conserva- tion de mes compagnons par le moyen de mon astrola- ble, et avec un cadran et autres instruments d'astrolo- gie, ce qui me causa un grand honneur de la part de toute la compagnie , de sorte qu'ils me tinrent et rc- puterent du rang ctnomhredes savants , et gens debien, parce que je leur enseignois la route pour veritable- ment bien naviguer, et fis tant en somme, qu'ils con- fesserent tous que les pilotes ordinaires, ignorant de (i) Examen rrilique sur I'liisioirc de la geoj;iiipliie i!ii iVouvcau-Gonti- nenl , lome I , page 1 1 . (2) Je me sers de la traduclioii de Jcmij Temporal, qui seiait iei en quelque soile inmtelligible , =1 Ton ne se reporlaii au texle italicn cle R;i. niusio, oil on lil : Le y«ai luHe coie alltmi^'ano il itaggio Dn nste, (elle Iradiiclion est confoniie au tt\le de Kanui.Mo. ( 84 ) la cosmographie a comparaison de moi , n'eussenl su que faire en ce passage. » ^'est-il pas evident que si les choses arriv^rentde la sorle , la faule en etait i lui qui , malgr^ sa science cosniographique et son influence dans I'expedilion, souffrail que I'ignorance d'unpilote allongeat ie voyage en naviguant tantot d'un cote , tanlot d'un autre? Et pourquoi n'a-t-il fail usage de son astrolabe et de SOS prolnndes connaissances qu'a la derniere extremity ? Est-il presumable, d'aprfes les faits rapportes plus baut , que les pilotes ne savoient voir a cinquantc Ueues pres en quel lieu i/s se trouvoient. Est-il presumable que les Aleves de la belle ecole de Sagres, que ceux qui avaient deja fait tant de voyages oceaniques fussent d'une telle ignorance? La pr^cieuse collection de Portulans, Portugais, du commencement du xvi' si^cle, qui se trouve a la Bibliotbeque du Roi , ^ Paris, prouvc I'injustice du navigateur florentin a I'egard des pilotes et ma- rins poilugais, qu'il a voulu fletrir pour exaller ses connaissances nautiques. Cebeau manuscrit, dont nous donnons pour la premiere fois peut-etre la con- naissance au public, renferme une s^rie d'obser- vations, dont quelques unes remontcnt a I'annee i5oo (i). On y trouve, entre autres documents, i" des tables pour les observations astronomiques; 2" la divi- sion et Texpllcation des tables avec la mani<^re de s'en servir ; 3" la r6gle de calcul pour rcduire les licucs en degr6s ; la maniere de calculer la latitude et la longi- tude, et de reconnaitre la variation de la boussole; (i) Voyez l;i Notice (\\w j'ai doniu-p dans li; siipplemcnl , cod. 7, 168-35. (85 ) 4o un traite do I'aiguille aimanlee {fignlha de inarear) ; 5* la regie pour trouver I'etoile polaire au moyen de I'aiguille ; una regie semblable pour la croix du sud , etc. Les pilotes auteurs de cesPortulans furent entre au- tres, Andre Pires, Pero Martins et Guanchimo. Us parlen t des connaissances desanciens g^om^tres sur le globe. II est done a presumer qu'ils s'en rapporterent a Po- sidonius de Rhodes , suivi par Ptohniee, ei a Erathos- thene, suivi par Strahon. Ouoi qu'il en soit, ils etablis- sent la th^orie suivie par Bartholome Dias; ils la rccommandent comme etant la plus exacte (i). Ces particulariles suffiscnt pour demontrer I'injus- tice des reproches d'ignorance diriges par Vespuce conlre les pilotes poiiugais, car il est facile de recon- naitre, i" que ces pilotes, a I'dspoque de Vespuce , avaient des connaissances cosmographiques tr^s eten- duespourleur temps, et qu'ils faisaient usage des eph^- merides aslronomiques de Regioniontanus, comme on peut s'en assurer en comparant ce que discnt BarrosetAmoretti dans I'introduction au traite de navi- gation de Pigafetta ; 20 que leurs observations etaienl appuyees sur d'autrcs plus anciennes, et egalemcnt portugaises, comme, par exemple , sur celles de Bar- tholome Dias en i486, quand il ddcouvrit le Caho (1) Dans ces trav.iiix cosnKigra|)l)iqiies des piloles (lortiigais, il ii'esl plus queslion d'asfrologic juijiciaiie. On voil que I'oiivrage du Traciatus sphera d'Andulonis Mgro , cl suituut son Intioduclion adjadicia estro- logica , n';! pas cu l. ( 86 ) Tormentoso , appele depuis cap dc Bonne -Espd- rance (i). Ni dans celte collection de Portulans, ni dans Ics ob- servations de deux autres pilotes portugais [Evtmnmicl AU'ares et Ayres Fernandez), qui sont aussi du xvip sie- cle (i525-i55o), et qu'on voit a la Bibliolli6que du Roi (2), il n'est aucunement question des observations de Vespuce : or, si Vespuce, par le moyen de ses con- naissanccs cosmograpliiques, eiit sauv6, comnie il dit, I'expedition de i5oi, et cut 6te pour cela regardti par Ics niarins portugais comme un savant du premier ordre, est-il presumable que les auteurs de ces Portu- lans, qui les redigercnt en majeure parlie du vivant meme de Vespuce, eussentoublie les observations faites par un si grand cosmographe; observations d'autanl plus importantes, que selon lui elles auraient sauv6 une flotte. L'etude des g^ographes et bistoriens de I'an- tiquit^ grecque et romaine 6tait alors (xv^etxvi" si^cle) cultivee avec un grand enthousiasme chez les Portugais, a raison du progres successif des decouvertes et des connaissances g(^ographiques parmi eux, a la suite de la domination arabe qui avait repandu partoui los ouvragcs des anciens etle goutdelageograpbie.M.Dacior au nom del'lnstitut a fait ressorlir la grande utilitc qu'il y aurait a faire graver les premieres cartes portugaises et italien- nes des xin* et xiv* siecles (3) , afin de reconnaitre la part d'influencequelesconnaissancesg^ograpbiquesdesAra- bes onteue surles decouvertes europecnnes en Afriquc. (1) Lc inaiiu'^cnt (loiiriail foiiriiir (les dL-lails plus eleiulus , nuii* qui nous (It'li)iirneiiiic'iil dc tiolru olijct. (2) MMs. n» 8, 172-5, FoiiHs CoIIhtI, ("S) Hajiporl au nom <]c I'Inslilul , page lyo. { 8-; ) Quanl a nous, I'^tude comparative des cartes et rela- tions portugaises, et des ouvrages ant^rieurs au xv* si^- cle, nous a fourni la preuve ^vidente de I'influence que la lecture des geographes anciens et des voyageurs des xiii" et xiv" sifecles a eue sur les navigations oc6aniques des Portugais et sur leurs decouvertes lointaines. Le celebre prince Don Pedro, due de Coimbre, filsdu roi Jean l", qui avait visite I'Orient et recu des marques d'estime du sultan de Babylone ct d'Amurat II ; qui avait fait une etude profonde des classiques grecs et latins, et entretenait des relations intlmes avee Ange Polilien et avec d'autres savants, rapporta a Lisbonne un exemplaire des voyages de Marco Paulo dont on lui avait fait liommage a \ enise. D 'autre part son illustre frere, I'infant Don Henri, donnait la pluselonnante im- pulsion aux voyages et aux eludes cosmographiques, et cela bien avant I'epoque de Vespuce. Les piloles puise- rent indubitablement a I'^cole de navigation de Sagres des connaissances qui nous (^tonnent encore. Ces fails permettent d'avancer que les recriminations de Ves- puce ne sont qu'injustes, et les fails qu'il rapporte inexacts. Nous continuerons a grouper autour de notre opinion celles de plusieurs autres ecrivains que nous n'avons point cites encore. L'auteur de I'ouvrage intitule : Ao- ims orbis sen India occidentalism etc. , publie en 1621, pro- clame Colomb comme ayant le premier d^couvert le Nouveau-Continent, et ne dit pas un mot de Vespuce; il se plaint au contraire de I'injustice qu'on avait deja commisc a son egard, dil-il en parlant de celte terre nouvelle : « Detecta fuit primwn a Christophoro Columbo genncnslnnnu^ etc., nt ct oinnes aliai insula'^ ac pnn>in- ciartim regiones hiijiis novi orhis licet quidcm haiic landcm ( 88 ) ipsi tolumbo in vaniitn ininitid injtirid et invidid dctra- hanl, etc. » Le pere S^raphin de Freitas, (Remain portugais du commencemenl du meme siecle, dans son ouvrage in- titule : De jnsto imperio Lusitanoruin asiatico, imprim6 a Valladolid en 1G25, n'accorde pas un mot a \'es- puce, tout en disant de Colomb : Christophorus Colum- bus Occidenlales Indias delexit. Si nous ouvrons encore les livres de plusieurs 6crivains du xviii' siecle que nous avions negliges jusqu'ici, nous y trouveions les memes opinions contraires au navigateur florentin. Stuvenio , De ojero rwi'i orbis invent6)e dissertatio historico-critica , publiee a Francfort en 1714, n'est point du tout favo- rable aux pretentions de \ espuce. Prevostn'a point insei'e les relations de Vespuce dans sa collection, pares quil tia pas juge quelles meritas- sent assez de confiance. Nous lisons dans YHistoire ^e- nerale des voyages (1) ce qui suit : « Les relations d'A- nieric Vespuce contiennent le r6cit de deux voyages qu'il lit sur la meme cote (du Bresil) au nom d'Em- manuel, roi de Portugal ; mais les dates en sont fausses, etc'est en quoi consiste /'iinpnsfurf*, car il est prou^e par tous les temoignages con temporains, que, dansles temps qu'il nomme, il etait employe a d'autres expeditions. » Les savants journalistes de Trevoux refut^rent vigou- reusement, d6s son apparition, I'ouvragc ou Bandini s'etait efforce de defendre \ espuce (2). Les exlraits que nous allons produire montreront comment celle apologic fut rc^ue par les critiques ; ils s'expriment ainsi : « Ojeda parlit on i490 avec Americ Vespuce. Cela a (i) Tome XIV, liv. vi , chap. 9. (j) M6iiioires de Trevoux .srpipmbre i-\(' , arl. XCIH. ( Si) ) el6 prouve juridiquement par la deposition, avec ser- ment, d'Ojoda et d'Andre de Morales, un de ses pi- lotes, lorsque D. Diego Colomb fds , et successeur de Cliristophe intenta proems a Vespuce (i), lequel, pom- donner son nom au Nouveau-Monde, s'^tait avise de publler qu'il avait d^couvert le Continent en 1497, antidatant solT premier voyage de deux ans , ou plutot fais&nt deux d'un seul , avec des circonstances qu'O- jeda et Morales declarerent fausses. Le Conseil royal des Indes prononca ensuite son arret definitif, qui constate la fourberie de Vespuce. Cela etant ainsi , et Ics preuves juridiques en etant conservees dans les Ar- chives du Conseil des Indes, quel fonds pent - on faire surles relations qu'on nous donne des deux pre- miers voyages de cc navigateur, et quel soupcon ne doit-il point se repandre sur scs aiitres eciils , suivant cet axiome de Phedre : Quiciimque turpi fiaiide semel iniiotuil Etiam cum verum di(it amitlet f'liUm. ))Antoine d'Herrera , grand historien des Indes, et qui a travaill6 sur les pieces qui se gardent dans les Archives du Conseil, nous apprcnd encore qu'Ojeda fit, en i5o2, un second voyage en Amerique avec Ves- (i) Les Redactenrs n'ont j)as bien connn ceUe affaire sur le prores in- tcnte par le Conseil conlre les heriliers de Cliristophe Colomb. Vovez W-ivarrelte, Coll. de los Viagcs , tome III , pages 5 el SSg. Ce prores ful intente par le Csc a D. Diego Colomb , fils de I'amiral. Nous ne ronnaissons ces documents que depuis peu par les exlraits de Munos et de Navarrette. Tome III, pages SSt) , 56o , .SgS Ainsi, il y eu erreur di' la part des R^dacteurs des Meinoiresde Trcvoux. Neanmoiiis , nous avons era devoir transcrirc celte partie de I'jrlicle . coinmc line preuvo dc plus de ce que nevus avons dil aillcurs. (9") puce, \oila done V alibi bicii pronone^ contre ce qui esl dit dans la dcrniere pi^ce du recueil de I'abbe Ban- dini, et dont I'auteur pretend que Vespuce partit en i5oi de Lisbonne (i) pour le Br6.sil , d'ou il ne fut de retour qu'au mois de septembrc de i5o4. L'abbe Bandini dit que le roi d'Epagne, charrae des succ^s de Vespuce, lui fit equiper trois navires pour aller d^couvrir la Trapobane dans la mer dos Indes, niais que le roi du Portugal I'ayant attire a son service , il se rendit secretement a Lisbonne (2) , et que le roi Emmanuel lui donna trois vaisseaux; qu'il parlit le 10 mai i5oi , et prit la route d'Afrique , el qu'il fit un second voyage du meme cote en i5o3. Mais com- ment accorder ceia avec le voyage au Bresil en i5oi . et qui dura Irois ans? Comment I'accorder avec le second voyage que fit Ojeda aux Indes-Occidentales en i5oi et i5o2 ? Bandini parait lui-meme assez embar- rasse pour arranger toutes ces relations , car dans le chapitre IV il fait unc digression pour examiner a qui Vespuce adi-essa ses lettres ; mais il fallntt qiielque chose de plus siir que le /il (V Ariadne pour sortir de ce labyriiitlin \h'). » Les memes critiques disent autre part : « La liste des ecrivains, presquc tous Ilaliens, et la plusgrande partie Florenlins, qui ont donn(^ ces grands 6loges a Vespuce , rcmplit le septiime et dernier chapitre de (1) L'Ail (le veriGcr Ips d.-itos, tome XII, fnge .i5, fixe le de- |i;irt lie Ve.sj)uce et d'Ojeiia en cette iin'me annee iSoi. (aj Biiiiiliiii il dit ( iicoie eii cila le paf;c 25. ( 92 ) -iiina a appelor la qualiieme parlio cle la lone, celle parlie plus etcndue qu'aucune des Irois aulres, du nom do I'iinposlciir qui disait , el qu'on supposa en avoir fait la d^couverlc ; ol ce nom usurpa la place que le genie , le courage ol la pers6v<^rance avaiont si logilinicnient acquise a celui de Colomb! Malheureu- sonienl celle usurpation a recu la sanction du leraps ; I'injuslice ne pout plus elre reparee ; mais la mppeler, c est f aire a Vhonime irninnrtel qui Veproin'a la repara- tion qui fiepetid de la posterite , pour le -veiiger de C ingra- titude de ses contemporains (i). ISous allons entendre maintenant I'opinion d'un sa- vant qui, par ordre du gouvernement cspagnol, a con- sacve une parlie de sa ^ie a I'c^lude des documents relalifs a I'liistoire de la decouverte du Nouveau-Con- linent; c'est Munoz (2) dont je veuxparler : il nous dit que de ccux qui avaient continue los d^couverlcs do (lolomb jusqu'en 1000, il n'y avail alors d'aulrcs rela- tions pubiiees que celles du fameux Vespuce , du nom duquel s'cst appelo le >ouveau- Continent; ses rela- tions, souvent imprim^es, et finalement toutes reunies en un seul recueil, on 1745, par Bandini, « ni'ont seu- lement sen>i, dit-il, pour completer les preuvcs de ses iin- pnstwes , ainsi que jo Ic demontrorai aillours (5). » « N(^aninoins jo no dois point passer sous silence cet exemple du fruit de la charlatanerie. Vespuce, considere comnie marin^ etait tres inj crieur a presque tons les ant res (1) L'aulciir de cechaleiireiix passage avail eu coniiaisi-aiict! ele la puhli- calion de Tahbe Bandini en favcnr de Vespuce, car il la rile dans une note. (2) Ilistui'ia del Nuevo-Miindo , par .1. B.111I. Munoz. Madrid. (5) Munoz n'ayant iiuiili.; (pu- le \'" volume, n'a pu acconiplir sa pro- jiusse. ( 93 ) nai'igntew's rh son temps; malgre cela, il a et6 niieux re- compense que les autres, et jusqu'a nos jours sa me- moire a re^u presque autant d'liommages que celle de Colomb, Apres meme que mille docles ecrivains ont enleve le masque de I'imposteur florenlin, les apolo- gistes ne lui ont pas manque , et qui sait si la fragllile humaine ne pA-oduira point encore des imitateurs de Bandini et de Felice, qui, en voulant soutenir les gloires mensongires de leur heros par des fictions, et tout en promettant des documents authentiques, viennent nou; citer I'autorit^ de Moi-eri. Camus, qui avait fait une etude minutieuse des diffe- rentes collections de Voyages, quoiqu'il n'ait pu exami- ner celle de Vicence, s'exprime ainsi a propos des rela- tions de Vespuce : « J'annonce qail j a ici beaiicnup iV incertitude et pea de caractere d' aathenticite. » Plus loin ( 1 ) il dit : « Anieric Vespuce a usurpe a cet egard une gloire qui ne lui appartient pas. » M. de Humboldt, enfin , dans son Examen del'his- tcire de la geogrnphie dn JSouveau-Contiiient, r6pete sou- vent, en parlant des voyages atlribues a Vespuce, com- bien ils sont problematiques : « S'il est vrai , dit ce savant illustre(2), que^ espuce ait vu, comme il I'assure dans ce qn'il appelle son troisieme voyage (du mois de mai i5oi a septembre iSoa) la constellation de la grande Ourse a I'horizon , il «st parvenu sur les cotes orientales de I'Am^i'ique presque au 26" degre de lati- tude australe, et non jusquan 3 2" degre, comme il Vaf' firme lui-menie. » Si le savant auteur a I'ait une telle I'emarque sur le (1) Memoires sur les Collections de grands voyages, page 164. (2} Tome I , page 5;. ( 94 ) pri'londu Irolsioino voyago dc Vespuce, nous lisons c qui suit pour ce qui concerne le second (i) : « Vespuce, elans sa pivtcndiie sccondo navigation de i^OQ. nommc Anliglia I'ile que Colomb a dc^couvcrte il y a peu d'an- n^cs, c'est-a-diro Haiti. » Et plus loin (2) : « Je n'ai point trouve dans les lettres de Vespuce la conjonclion de Mars et de la Lune que ce navigateur doit avoir ob- serv^e en i^DO- » Plus loin (3), I'illustre 6crivain, en parlant des voyages clandcstins (4) , dit : « C'est a ce genre d'expeditions qu'apparliennent peut-etre aussi celles que Vespuce doit avoir faites pour le roi de Portugal, de 1001 a i5o4, sur les cotes du Br^sil, quoique le pilote Nuno Garcia (5) qui dessinait des cartes dc rAmerique occidentalo , ayant de \ espuce la vraie latitude du cap Saint-Augustin, remarquc que si le voyageur florentiii y etait alle clandestiiieineiit et mali - cienseinent pour les Poftugais , if n'aurait pas ose s'en DaiUer en Espagne (6). » La remarquc du pilote Garcia est tr^s judicieuse : \ espuce, en eftet, n'eiit point os6 s'en vanter en Es- pagne, ou les lois du 28 juillet 1000 etdu 8 juin i5oi frappaient de penalit^s tres fortes ceux qui auraient en- trcpris de pareilles navigations. Si done ses voyages, en- trepris en faveur d'un souverain dtranger, cussent 6te vrais, comment serait-il retourn6 en Espagne, apres les ordonnances dont nous venons de parler? Comment aurait-il re^u I'instruction royale du i5 septerabre i5o6 (1) Tome I, fage j5i. (2) Ibid, , page 275. (3) Ibid. , pages 355 , 356. (4) Voye/. dans NavarreUe , tome III. (5) II faut remarquer que ce pilote etail Espagriol. (6) Voyez NavarreUe, lome III , pnge* 24 <■• Sao. (95 , copiee par Munoz? Cela demontre encore plus la faiis- set6 des relations qui concernent les pretendus voyages de i5oi et de i5o3. Nous lisons encore , dans I'ouvrage deM.de Humbold I, les passages suivants : « Quelques doutes qu'on puisse ^Xe^QTSur Vespucci et la seiie siprohlematique deses mivi- gations, etc ...» Les dates problematiques des premieres lettres d'^we/7^o Vespucci, etc. (i)." Dans un autre endroit (2), ce savant auteur dit : «La seule fois que Ton trouve dans les lettres d'Americ Ves- puce le nom de Colomb , ce nom est mis en rapport avec celui d'AntlUia. » M. de Humbolt cite alors le texte latin de la Cosinographia; introductio , puis il ajoute : «Ces mots sont extraits de la relation dupretendu second voyage de Vespuce, voyage qu'ildit avoir termine le 8 sep- tembre i5oo. La liaison des 6v6nements prouve que le nom d'Antillia est donn^ par Vespuce a I'ile d'Hi&pa- niola, et que la relation est cede du voyage fait avec Ojeda , cardans le ^vermer pretendu voyage, dont Ves- puce fixe le depart au aomai 1497. Hispaniola est sim- plement nomm^elty, ce qui est sans doute une coirup- tion d'Aity. » Le savant auteur fait encore I'observation suivante : «Bartholom6 de Las Casas nous apprend que c'^taient les Portugais qui appliquaienl de preference a Hispa- niola le nom d'Antillia.)) Or, si Vespuce n'a voyage, d'a- pr(^8 ce qu'il dit, avec les Portugais qu'en i5oi et en i5o3, comment employait-il la denomination des ma- rins et des pilotes portugais dans la relation de son pretendu voyage de i497. c'est-a-dire quatre ans avant de venir en Portugal ? (1) Tome i I , |)age S. (a) Ibid. , i,:i^'e 176. ( 9*i ) De lout ce que nous vonons d'exposer resulteni , ce nous senible, los fails suivanls.appuyes sur un nombre immense d'auloriles conleniporaines, el aulres exami- nees el disculees suivanl les regies d'une saine crilique : 1° La priori 16 de la decouverte du Nouveau-Contincnt est due indubltablement a oolomb ; ou , s'il ne fut point le premier qui d^couvrit celle parlie du globe , il fut du moins celui qui la retrouva, et qui la lit connallre d'une manifere positive , car s'il a verilie ce que le pretre 6gyptien avail indiqu6 a Solon I'Alli^nien, rapporlc par Plalon dans le Tim^e , sur I'ile Atlanlide ; s'il a realise la supposition d'Elien; s'il a accompli la fameuse pro- plielie de S6ncque dans la Medee ; s'il a demonlre que I'bistoire rapportee par Aristole et Theoplirasle sur le mysterieux vaisseau cartliaginois n'^tait pas un songe; s'il a constate par le fail qu'il n'y avail pas de reve non plus a CO que saint Gr^goire avail indique dans une de seslettresa saint Clement; si Colomb enfin a prouv6 par sa decouvei'le I'exislence de la terre que Madoc avail visitee avanl lui , comme le pr^tendirent dans la suite Powel et Haklu\t; s'il a accompli ce qui etait si incerlain, si problemalique, si mysterieux pour les an- ciens , sa gloire n'en devienl que plus belle et plus ad- mirable. 2° La priorite de la decouverte de la parlie orienlale du Nouveau-Continent meridional est due a des navi- galeurs porlugais, qui, par une suite d'exp6ditions, ont les premiers oper6 la reconnaissance de ces vastes contr^es (i). (i) L'jmleiir de la Coroi^rajia Bras'tlica , loine 1 , page 34 , dit que les ecrivains espagiiots (>retcndent que leur coinpalriole Vinciiit Yanez Pin- ion aurait reconnu le cap Sainl-Aiiguslin , et lui aurait donne le nom ( 97 ) 5" Americ Vespuce n'a jamais commancle d'exp^- dilion , «ar, memo dr.ns le second voyage d'Ojeda (i499-i5oo), il n'etait qu'un employe subaltcrnc. Cctte expedition , la seule dont il paraisse avoit fait parlie , se borna a reconiiaitre la cote tie Venezuela , et till diiigee par le cdslebre pilote biscayen Jean de la Cosa. -^ 4° Les voyages attribuds a Vespuce etant problem matiques, et destitues de preuves qui en garanlissent I'authcnticite (i) , on ne doit pas classer ce navigateur parmi ceux qui les premiers ont decouvert le Nouveau Continent, car si on pouvait compter parmi ceux-ci les voyageurs qui visiterent ces pays apres Colomb et Ca- bral, alorsmemePinson (i499-i5oo),Lepe(i5oo), delas Bastidas (i5oi), disputeraient cet lionneur a Vespuce, de cap AtXaConsolacion, trois mois avaiit que Cabral eul decouvert Por(o- Seguro. Les auteurs espagnols , pour prouver que le cap de la Consolafoo est le cap Saint-Auguslin , disent que Pinzon avail vu la terre de tres loin, que I'eau de la mer etait tres bourbeuse , blancli.'ili'e , et aussi douce que cclle d'une riviere; et qu'ayant sonde , on trouva le fond a seize brasses. Mais tous ces signes, toules ces parlicularites prouvenl contra proditcenles , et monlrent que le cabo da Consolafao est le cabo do Norte , qui est par a" de latitude septenlrionale. La terre du cap Sarnt-Augustin et celles qui ravoisinent sont plates, et ne peuvent etre apergues desmarinsque lorsqu'ils s'en approchent; leseauxy sont extreme- ment claires et transparenles, et la sonde ne marque seize brasses qu'au- pres de la terra; sur aucune pSrlie de celle cote on ne trouve de I'eau douce que dans les rivieres oii la mer ne monte pas. Les nicmes ecri- vains avouent que Pinzon ayant couru quarante lieues au long de la cote , verifia que I'eau douce sorlait de la riviere Maranhao , c'est-a-dire de TAmazone , dont rembouchure est distante de plus de qualre cents lieues du cap Saint-Augustin. Voyez aussi les remarques de Robertson, liv. it, et miiux encore la deposition de Cabot en iStS, devant la juntedes pilolfs. (i) Voir les Notes que nous avnns inserees au Bulletin dc seplembre dernier. VII. 7 ( o8 ) pI cola avec d'aulant plus cle raison, qu'ils comman- daient oux-monics les expeditions auxqiielles so ralla- chent leurs noms (i). line s6ric dc documents conlemporains , tiros dcs Archives royales de Simancasct de Seville, et qui n'ont e[6 publies que depuis pcu ( 1829) , demontrcnt de la manierc la plus evidente queVespuceavaitel6 employe dans les approvisionnoments dcsvaisseaux, commc I'a- vait etc Bcnirdij qu'ilsucceda a celui-ci danscet cmploi dc fournisseur, par suite du d(^ces dc cc m6me Berardi en i/JO'J ; qu'il s'occupa cxclusivcmenl de cetobjct, cl sans interruption, jusqu'al'annee i499> ou ilpartit avec Ojeda (2).Ces documents constatent que ^ espuce se fit naUiraUser Espagnol en 1 5o5 (5) ; qu'il etait encore charge d'acheter les differents objcls pour les vaisseaux qui partaicnt de Seville pour le Nouveau Monde ctpour les Indes Orientalcs, en i5o6 et iSoy, dpoque de la publication faitc en Lorraine par le pscudonymc Ila- comyliis, de la fameuse Cosntogrnphifc introductio , et des pretenducs decouvortes du geographe floi'ontin. (i) Pcucliot, dans riiilroduclion de son Diclionnairc de la geugrapliitt rommercjanle, dit que pour opprecier les pretcnlions de Vespuce, il suffit d t dire, avec Voltaire, que la gloire de la decmivcrte du Nouveau Monde apparlient inronlcslableinent a relni qui eul le genie et io courage d'en- treprendre Ic premier voyage. La gloire, comme le dit Ntwlon dans s.i dispute nvcc Leibnitz, n'esl due qii'ii I'inventeur: ccu\ qui viennenl apres ne sont que des di>riple«. Colomh avail deja fait trois voyages en qualile (Vamiral, rinq ans avant qu'Anierie Vespuce en eftt fail un en qualile de geographe sous le cnmmandemenl d'Ojeda; et Foimaleoni, dans son ci;- rmwSagi^iO sutta niiiilica anticadci Feneciani, dit.psge lo : Cosi I'ardilo Fiorcntino America rcspiicci rapi al Colombo la <^loria di dine II name al jMondo Nitovo. (2) Vojpz ces dortimenls neueillis par Munoz ct Navarrete, lorn. HI. Ciil". diplomatique. 17,) T.i-tin <-patentes du x/javril ( Aichivts de Simancas). ( 99 ) II csl constale par les memos documents que Ves- pucc avait ele nommo contre-maitre du vaisseau la Medina pour un voyage qui n'out pas lieu, et ccla plusieurs annees apres la decouverte du Nouveau Monde par Colomb, ct bicn apres que cc grand liomme eut regu le grade eminent d'amiral. Or, cos documents, qui n'ontet^ connus ni do Ban- dini ni du ptirc Canovai, les deux apologistes du navi- gateur florentin , (^tablissent de la manicre la plus positive les resultats que nous venons d'exposer. Ja- mais, dans cos documents, il n'est question de d^cou- vertes faites par lui, tandis qu'on n'eut pas manque de les mentionner dans sos leltres de naturalisation et dans son brevet de pilote-major, du 22 mars i5o8, si des decouverteseussont reelloment ete faites par lui; tandis qu'on ne voit employees dans ces pitices que les formulcs ordinaires de la cbancellerie. II resulte de tout cela qu'avant i499 Vespuce n'a- vait fait aucun voyage de decouvertes ; qu'apres cette epoque , sos services etaient si peu consideres, que seize annees depuis la decouverte du Nouveau Continent par I'amiral Colomb, le navigateur floi^entin fut simplement nomnae pilote-major. Ces documents nous demonlrent enfin que sos ob- servations meintaient encoi^e si peu de credit en Es- pagne en i5i5, que dans la reunion des piloles (junta de los pilotos) qui eut lieu cette ann^e pour dis- cuter la latitude du cap saint-Augustin, Sebastian Ca- bot disait : Si no se da credilo a la navegacion que Anierico dice que hizo, etc. Jean Vespuce lui-meme, ne- veu d'Americ, qui assista a celle Junta, tout en cher- cliant a faire prevaloir I'autorit^ de son oncle sur la \raie latitude du cap, monlre par ses expressions qu'on ( lOO ) n'avait pas trop de confiance dans ce qu'Americ avail rapports ; car lui, Jean Vespucc, tfrmine en dlsant quo si Son Vitesse vou/ait s'assiirer de V exactitude de ce qu\i- vait dit Amevic quant a la latitude die cap , on pounait le i'erifier en j ent'oyant une caravelle. Les autrcs pi- lotes nc savaient rien, ct celui qui fulplus favorable sur ce point a Ami^ric, Ic pilole Vasco Garcia, fit une de- claration (i) qui prouve encore plus, selon nous, le peu de confiance que meritaient Ics rdcits de Vcspuce sur ses voyages. Nous terminerons cnfin ces notes en dc^clarant de la manierel a plus positive et la plus sincdre que, dans cette discussion, nous n'avons eu aucunement en vue d'obscurcir ou de diminuer en rien la gloire immense dc I'illustre pairie de Vespuce; bien plutot, admirateur enthousiaste dc ce bcrceau des arts et des sciences, patrie de tant d'hommes d'une haute ciil(!;brit6 , nous aurions avcc empressemenlproclame Vespuce comme un de ses grands hommes, si cet honncur lui eut 616 legitinicraent acquis. Mais la patrie du Dante et des Me- dicis n'a pas besoin d'une gloire usurp^e ni d'une il- lustration fondee sur des titres conlest^s depuis trois siecles. Nous sommes done bien sArs qu'on ne nous supposera pas une pareille pretention, car en nous de- clarant avec mille autres ecrivains, meme italiens, conlrc un Italien, c'est la cause d'un autre Ilalicn que nous avons essaye de d^fendre. Nous prions enfin ceux qui, apres la lecture de ces notes, conservcraient encore des doutes sur ce point confus et difficile de I'liisloire des d^couvertcs, de vou- loir bien relire les autres parties de ce travail , pr6- {►) Voir ci-dessus, a la page 94 de ces noles. ( ,Oi ) cedemment inserees dans ce Bulletin (i), et d'attendre meme une continuation ou nous nous proposons de montrer, plusspecialement que nous ne I'avons faitjus- qu'ici, les erreurs et les contradictions du pfere Cano- vai , auteur de I'Eloge de Vespuce, comme nous avons montre avec les savants auteurs des Memoii'es de Tre- voux, Robertson , Me chevalier Napione et autres, les contradictions et les erreurs de Bandini. II n'est permis a personne de rofaire , comme on I'a tenl6, une partie des lettres de Vespuce, en ce qu'elles offrent de textes et de dates errones, pour les faire cadrer avec I'existence des personnes a qui elles sont adressees, y substituant ainsi d'autres noms et d'au- tres dates , avec la singuli^re pretention de procurer a ces documents une authenticite et un cachet de v6rit(i dont ils etaient primitivement destitues. Tel est le theme que nous nous proposons de developper dans le complement de ce travail. (») Cahiers d'octobre j835 , el de seplembre i836. ( '02 ) DEIXIKME SECTION. DOCUMENTS. CUMMUiMCATlONS . NOUVELLES Gi-ouRAriiiguEs, etc. ExTUAiT iViaie letlre en date du 18 deceiiibrc i85G, ccrllc {j(ir le Consul de France a Mogador. Le 26 du mois dernier, un brick de guerre anij;lais , le Scorpion, capitaine Tholland, a mouill6 dans ce port , venant de Londres , apres onze jours de naviga- tion. Le lendemain , il a saluci la ville de dix-scpt coups de canon, qui lui ont ele rendus par I'artillcrie de la place. II etait destine pour AVadnoun , ou il devait aller prendre le voyageur Davidson, qui essaie un voyage dans I'inlerieur de I'Afrique par Temboctou , ct le rendre a sa famille qui le reclame. II a altcndu ici un interprete que Ton est all6 chercher a Maroc, et apres I'arrivee duquel il a mis a la voile, le 7 de ce mois, pour AVadnoun , lieu de sa destination. Deux jours avant le mouillage (lucyc(9/y>i/o//, 1\I. A\ ill- shire, vice-consul d'Angleterrc ici, avait rccude M. Da- vidson une lettre qui portait quinze jours de date (9 novembre), danslaquelle il luiannongait son depart pour I'int^rieur. II en a regu une autre depuis, ecritc A Irois journees de Wadnoun , qui lui apprend qu'il (.iiiige son vovage au N.-E. , par des routes que les ca- ( Ao3 ) ravanes n'onl pas coutume de trequenter. Le grand eloignement de M. Davidson, qui, d'ailleui^, ne vou- dra pas abandonner lo projet d'exploror rAdiquc , rendra nulle la mission du brick le Scorpion , si elle n'a pas d'autre but. NoUVliLLES cioGRAPHlQUES; MORT DU VO YAGEDR D.VVIDSON. Extrait iViine lettre adressee a M. d'Avezac, par M. John Washington, capitaine de vaisseau de la ma- rine ray ale biitannique , secretaire de la Societe royale geograplmpie de Londres. 1 5 mars 1837, ...... Noh'e expedition pour TAuslralie partira vers le . iSmai prochain. Le capitaine Burnes est all(^ en mis- sion aupres de Randjit Singh, et nous esperons qu'il y recueillera quelques nouvelles informations geogra- pliiques. Le lieutenant Wellsted a fait un voyage re- marquable dans I'interieur du pays d'Oman, d'oii il vient d'arriver. Alexander a atteint Waru-Balle a I'em- bouchure de la riviere Orange Helas! nos plus recentes nouvelles, que nous avons tout fraicheraent recues, conlirment le bruit de la mortdupauvre Davidson , tu6 jjar la tribu d'El-IIarib, a I'instigation, ace qu'on suppose, des mai'chands de Ta- nielt.- dans un lieu appel^ iS/icA Keja, situ^, autant que j'enpuisjugcr pour Icmomcnt, a 25° i/4 de latitude nord, et 7° de longitude a I'ouest de Greenwich. Je voudrais vous adrcsser aujourd'hui meme une copic des lettres originates, mais elle n'est pas prete; je vous I'enverrai par le courrier de samcdi ( w4 ) Lett res cnvoyees par M. IFafhington. \° LollreileM. W ilUlii re , vice-consul anglais a Mo^'ador, adressee atv Pr^si(lenl de la Socielc royale geographique de Londres. Mogador, i4 leviicr i856. « Monsieur , wJ'ai rempli le Iriste devoir de vous communique r, dt'S Ic premier moment, ki facheuse nouvelle qui m'e- tail panenue concornant M. Davidson ; je suis vivemenl pein»i d'avoir a vous dire que tous les renscigne- menls que j'ai recus depuis copfirment ces Irisles bruits. »Le recit le plus detaille que j'aie entendu est celui que m'a fait un marcliand juif appeld Jacob ben r.ohen , qui est arrive ici do Uralia , le 2 de ce mois ; ii m'a rapporte que M. Davidson avail ete ranronne le 29 ou 5o de Scha'ban (trcnte-deux ou trente-lrois jours apres son depart de Wednoun ) par les tribus de Ido^vlel et Ait-Atla , dans le district de Ilamcda, a qua Ire journees de Talla; Icsquelles, apres avoir regu de M. Davidson 8 doublons ct 100 dollars ainsi qu'un cbamcau charge , avaient consent! a ce que sa petite troupe , composee de dix-huit personnes , continual sa route vers Timbuktu. 11 m'a nomm6 Wold Hamc- dan el Ebarria des Idovvlels, ^\ old Henna et ^Vold Abu de la Iribu des Ait-Alta, comme les pillards. Mon informatcur enoncc que huit a dix jours apres, un jiarti de maraudeurs, de cent cavaliers de la Iribu d'Kl-l.arib , qui revenaienl de pillor iinc \ille appelec Bousbczali, avaient rencontre la Iroupe de M. David- son , un pcu au sud d'Egueda ; qu'ils I'avaicnt aussiUU pillee ct avaient lir6 sur M. Davidson , (jui rcrul buit ( 'oS ) balles. A El-Mehamdi , ville qui est a six jounieea de Tatta , et ou residait mon informaleuv, il vit enlre les mains des Arabes et des Juifs divers objels qui onl appartenu a M. Davidson; il me les a decrits de maniere a ne laisser dans mon esprit aucun doulc sur le sort du voyageur. Parmi les objets qu'il a vus , il dtiisigne uriS montre d'argeiit, une boussole de po- che, un sabre, trois volumes, un coffre a mddica- ments , une bolte a th6 , des verroteries et des cauris ; loules choses qu'il doit avoir vues, sans quoi il ne les aurait point decrites aussi exactement qu'il I'a fait. Mon informateur n'a pu me donner de renseignements Pertains sur le sort du pauvre Abou , le compagnon de M. Davidson; mais il a entendu dire qu'il «^toit parti avec la caravane, ce qui est en partie confirm^ par une lettre qne j'ai recue bier du scbejkh Beyrouk. »D'autres rapports ^noncent que M. Davidson et sa troupe voyageaient a quelque distance, sur une route parallele, mais trop en arriere de la caravane ; celle-ci fut d'abord rencontree par les pillards d'El-IIarib , qui furent dc^sappointes de n'y pas trouver M. David- son , clout ils s'enqnirent; la caravane fut arretee, et M. Davidson , qui arriva ensuite , fut tue aussilot. Un autre recit me porte a croire que les gens d'El-Harlb se monlrerent d'abord amicalement, et qu'ils saisirent ensuite trallreusenlent I'occasion de le tuer k un en- droit appele Sbek Keya, a vingt journees de Wed- noun, et environ vingt-sept jours de Timbucklu. »J'ai ele fort desappointe de ce que les i-enseigne- ments que j'ai recus par le retour du courrier que j'a- vais depecbe a Wednoun avec des lettres pour le scbeykh Beyrouk, soient si maigres et si indecis. II n'est pas qu.'bUon, dans les letlres de ce clief, que 1\1. Davidson ( H.G ) ailel6pille, et ensuitc lue, en deux endroits dilferenls ; Ic rapport d6 Jacob ben Cohen a cctcgard n'est confiruie par ai:cun de ceux qui sont parvenus a ma connais- sance, excepts un, regu par men agent, de son fils qui est a Maroc, et qui 6nonce que M. Davidson fut pill(^ , et autorise ensulte a continuer sa route. Je n'ai j^as tie rnotit" de soupconner unc perfidie do la part du scheykh Beyrouk , quolque les rapports cnvoyes par Wold Ishcm aicnt pour but de faire naitre un parcil soupcon ; I'assertion que M. Davidson avail depose unc grosse sonime d'argent entre les mains du scheykh, est (ividemment fausse. » Considerant qu'il y avait une grande probabilite a cc qu'Abou cut eti pris par la tribu d'El-Harib, et rc- lenu comnie esclave, je m'etais adresse au scheykli pour le fairc rclacber et me I'envoyer; d'apres la re- ponsc qu'il m'a laile, il parait croire qu'Abou est parti a\ec la caravane , auquel cas il n'est gucre vrai- semblable que les cavaliers depeches de la station des Trajacantlis puissent I'atleindre, Je dois vous avertir que jc n'ai point encore determine les moyens (]uc j'emploierai pour obtenir des informations ulterieures, n'ayant regu qu'hier les leltres du scheykh Beyrouk. Jc desire envoyer un Maure a Dralia, afin d'y recueil- lir, s'il est possible, tout objet apparlenant a M. David- son ; la grande difliculte est de choisir une personne qui connaisse bien le pays, et en qui Ton puisse avoir loute confiance : j'attachc une grande valeur aux notes que M. Davidson aurait prises sur sa route dcpuis Wednoun jusqu'au moment ou il a rencontre une (in si premaluree. J'ai envue un marchand maure, qui a >oyage en plusieurs parlies du desert, et si je puis en \enir a un arrangement a\ec lui, jc ICmcrrai a l)raiia ( »07 ) avec des inslruclions poui' se rendre a I'endroit memc; et tout ce que je pourrai faire pour ^claircir ce trlsto ev^nement, soyez assure que je le fei-ai. C'est un ami que jo pleure en lui. »Jesuis, etc. Signe , W. Willsiiirk. »P. S. J'at oublie de dire que, sulvant le rapport de Jacob ben Cohen, M. Davidson a et6 tue le 8'" jour de Ramadan, repondant au 17 ou 18 decembre der- nier^ a Sheh Keya , pros des limltes meridionales du disti'ict d'Egueda , a seize joure de Tatta^ et dix jours de Taudeni. » 2" Traduction d'uiie letlre du sclic;}kli Bcyiuiik, dalee de Weiliioiiii, le i<^f jour du mois de Dzou-el-Qa'dch ( repondant au 7 uu coiuai;! ), re9ue a Mogador , le i3 fevrier iSjj. « A noire ami le marcband Willsbire , vice-consul anglais, Salain , etc. » Nous avons regu , par le courrier, votre lettre , que nous avons lue et comprise ; quant aux nouvelles du tibbib (dacteur) John Davidson, sa mort est certaine; la tribu d'El-Harib I'a rencontre ; la mort est le destin de tous ! Nous avions pris des arrangements avectoutes les tribus arabes qui sont connues comme pillant Ics personnes et commettant des vols de gr"and cheniin ; nous avions pourvu a sa surete parmi elles; le tibbib n'avait quittc notre demeure qu'apres avoir regu de Ebarria (dela tribu de Idowlet) suret(^ pour traverser son district d'El-IIarib; il n'avait pas de crainte, parce que ce sont des commercants, ot qu'ils conduisent et convoient les marchands de'fafileltmoyennant salaire. Los Ilaribs ne prirent cetle route que pour le tuer (le iil)bib), oi nous avons ap|)ris quo los marchands do ( loS ) Talilell maient donne de I'argcnt aux Harlbs pour lo luer. Tafilelt est seulement a une ou deux journdes de la demeure habituelle de la Iribu d'El-lIarib. Quant aux effets du tibblb , il n'en est rien vcnu dans ccs quarliers ; mais s'il en arrivall, lis vous seraient en- Yoyes. Scs clTels doivent etre alles a Tafdelt pour y elre vendus, ct vous auriez niieux fait d'ecrire au sultan Mulai Abderracbman, de donner des ordres k son vice- roi, a I'effet de rechcrcher ces livres, papicrs et effets. oNous vous informons que nous avons envoye un ami aux Trajacantlis, avee ordre de d^pecher une per- sonne a Timbuktu pour nous ramener Abou , qui y est a\U ; ct nous avons donne les ordres les plus for- mels pour que toute information qui pourrait etre obtenue nous soit Iransmise. » Quant aux calomnies , telles que celles de Wold Ishem etautresj dout nous avons 6tt^instruits, vous savcz mieux que personne ce que le tibbib avait d'argent. Toulc la verit«i sera connue lorsque les cavaliers re- viendront de cliez les Trajacantlis; nous vous les en- vcrrons, et vousfcrons connaitre I'endroit ou le tibbib a ^te rencontre ct le jour ou il a ete tuc. Sa mort doil avoir il6 connue d'abord a Tafilelt , d'ou cllc sera ar- rivee a F6s, atlcndu que bcaucoup de gens de la tribu d'El-Harib vont dans cettc ville. iNous en sommes au contrairo 6loign6s, ct c'estpar ce molifque la nouvelle a dte si long-temps a nous parvenir. La station dcs Trajacanths est a douze jours d'ici, ct il y a trois mois (juc rien ne nous est venu de la , exceptd ces nouvelles , qui sont arrivccs de Ycist. L'argent que le tibbib avait icmis a Mobammcd El Abd vous renlrera aisdment : ( 109 ) lo jour oil la cai\ivane reviendra , je me le ferai rerri- bouvser ct vous le remettrai. — Inshalla Salam. « 5° Traduction d'une Icltre dii scliejkli Beyrouk , daloe de Wednoun , le I'T jour de Dzou El-Qa'deli (repondant an 7 du courniil), rf(jue a Modagor, le i5 fevrier iSSj. « A Sidi Hajji, Salam ^ oXc » Quant a ce que vous nous ^crivez concernant le tibbib John Davidson, les gens d'El-Harib I'ont ren- contre et I'ont tu(!!, pillant tons ses effets et ceux de Mo- hammed El-Abd , et tout ce qu'il portait de vetements et etoffes , etc. Le jour qu'ils ont tu6 le docteur , ils ont saisi son compagnon Abou , et lui ont d6clar6 et jure de la mani^re la plus solennelle que s'il ne leur montraitet falsait connaitre tous les effets appartenant au Chretien , ils lui oteraient la vie ; sur quoiil leur d6- couvrit et leur indiqua toutes choses, qu'ils prirent et emjjorlorcnt; et si je ne vous I'al pas ecrit plus tot, c'est que je doutais que ce filt la v6rite. » Comment se fait-il que vous ayez pu vous arreter aux paroles de Wold Ishem, qui, en ecrivant a son ami le juif, lui dit que le tibbib avait depose entre nos mains la somme que vous mentionnez dans votre lettre ? Comment n'avez-vous pas repondu a Will- shire sur ce point., puisque vous avez vu I'argent qu'il avait remis a Mohammed EI-Abd ? Grace aDieu, nous sommes connus pour n'etre point des traitres comme Wold Ishem; quoi qu'il en soil, si son compagnon Aboil arrive, il racontera toutes les nouvelles de sa propre bouche. »Sachez que nous avons ecrit aux chefs des Traja- canths, Sidi Mohammed Dumani, Sidi Mohammed l)en ( >'<• ) Annislicl llnmod Miillcl , (ronvoycr dcs pcrsonnes coiiimc cux-memes afin de nous amcnor le conipa- gnon Abou, quel que soil I'endi-oit oii on Ic Irouvcra; dans tous Icscas, s'il est vivanl, vous Ic verrez, inshalla ; et s'il est mort, que la volontc de Dieu soil faite. » Quant aux paroles que vous rapportez , sur ce que nous aurions fait une convenlion avcclcs Harih pourle tucr (le libbib), de parcillcs actions no sont point dans nos voies,ct nous n'aurions pu nous aliaisser nous-niemea les commetlrc ; Dieu demandera compto u chacun dcspaVoles qu'il aura dites. » Nous n'avons bu ni mang6 dc qualre jours, et nous avons jure par tout ce qu'il y a de plus sacre, quo nous nous vengerions. Partout ou les Harib scront trouves, dans Icui's tentes ou sur les routes, nobc iribu les pillera el les massacrcra. »Pource qui est des cffrts dutibbib, si quelquos articles sontrestes entre les mains des Trajacanlbs, ils vous I'eviendront. Dieu sait combien nous avons ete affliges de ce qui lui est arrive; inais , Dieu merci , nous n'avions rien omis pour la siircte du tibbil). Nous ne pensions pas que la tribu d'El-IIarib put commettre une trabison envers qui que ce fut , envoye par nous; cellc-ciprovient des marchands de Tafilolt , qui ont pousse les Ilarib a le tuer. Que la volonte de Dieu soit faite! les faits seront connus au relour des deux cavaliers que nous avons d6p6clies vers les Tra- jacantbs, et qui vous scront cnvoyes. — La Paix. » Note sur les documents qui precedent. Le voyagcur Davidson est une nouvellc victime ajoutee a loutcs cellos qu'a drvnrocs rinbospllaliero AlVique; ( '»» ) 1 'amour dela science ctdcsdecouveiies avait roidi son courage con trelesinnombrablesdiflicultes qui s'elaient succede pour entraver sa niarclie ; son z^le etait fer- vent, sa sant6 robuste ; mais quelle poitrine est cui- rassee contre la balle des brigands du desert? Tons les amis de la g^ograpliie africaine , qui fondaient sur lui tant d'esperanees , d^ploreront amferement avec nous cette perte cruelle , ajoutee a tant d'autres pertes. Les renscignements que les efforts de M. Willshire ontpu recueillir jusqu'a present sur cette triste catas- trophe con liennentquelques indications geograpliiques qu'il n'est pas sans interet d'exarainer. Reunissons-les en un faisceau, pour tirer quelque lumi^re de leur rapprochement et de leur combinaison. Davidson ^tait parti de Wednoun le 9 novembre dernier. Un mois apres, le 29 de scha'ban , repondant au 9 decembre, il fut ranconne par les tribus Idowlet et Ait Atta (subdivisions de celle d'El-IIarib), dans le district de Hameda , a quatre journees de marche de Tatta. Ayant obtenu a ce prix la faculle de continuer son voyage vers Tituhnktu , il fut rencontre le 8 de ra- madan , repondant au 18 decembre, un peu au sud d'Egueda, par des cavaliers d' El-Harib qui rcvenaient du pillage de Bousbezah , et qui le tuerent; un juif demeurant a El-Mehamdi , a six journees de Tatta , vit on cet endroit divers objets appartenant au voyageur. Le lieu oil celui-ci a dite tue se nomme Shek Keja ou Shek Key a, et est situe a vingt journees de route de Wed- noun, a environ vingt-scpt journees de Timbuktu, k seize journees de Tatta, a dix journees de Taudeni, sur les confins nierldionaux du district d'Egueda. Le meurtre parait avoir 6le coramls a I'instlgation des marchands de 'f%/i7c/t ; ol le &cho>kh Beyrouk, chef deWcnlnoun, ( '12 ) a d^poche fles couiTicrs chez les Trajacanths , qui dc- menrcnt a douze journ6es de li, afin dc rocucillir des lumi^rcs sur cet 6v6neraent, dont la nouvellc cit par- venue a If'ednoHU par la voic de Ycist. Ce rosumi nous offre a considdrer les points sui- vants : 1° Noun, lieu de depart, qui sc Irouve plac^ sur men Canevas geodesique de VJfrique scpteiitrionale, vers 28° 22' N. et i3° 0. de Paris. 2° District de Hameda, appartenant a la Iribu d!El- Ilarib , ct en particulier aux gens de AitAtla ct Idowlet. L'itineraire de Caill6 nous a fait connaitre , a cinq journecs de Talta , le chef-lieu de la grande tribu di'El- Ilarih (i), ct suivant loute apparcnce , c'cst pr^cisd- ment dc cc point qu'il est question dans les lettrcs de M. Willshire et du sclie\kh Be\rouk. J'ai d(!;ja ex- prime Tavis que la denomination (icrite El-Harib par Cailld, devait se lire EUA'ryb (2), ct cette observation s'applique naturellement aussi a la transcription an- glaise, de meme qu'arorlliogTaphe de Marmol qui ecrit Card) (5). La position de ce point est dc^terminee, sur nion Canevas g^od^siquc , vers 28° N. et G" 5o' O. de Palis. La distance de Tattaa El-A'nb est ainsi de cent millcs gt'ograpbiques pour les cinq journecs indiqu^es par Caill(^; M. Willshire ne comptanl que qualro jour- necs , chacune dc celles-ci scrait de vingt-cinq millos, et Ton vcrra jilus has que ce taux est confirme par les indications du scheykh Beyrouk. Caille ^nuniere onze iribus comprises dans celle (i) Caille , voyage a Teinboclou , tomn III , page 5i. (2) fitudes de geograpbie critique sur line paitic de rAfriqiio septcn- Irionale , page io5. (5) Martnol, Dcscripciini general dc .Ifrira lotiic HI, fot. (), col. i. ( m5 ) ^ d'El-A'rvl) (i) ; on n'y reconnaSt ui los Idowlct ni IfS Ait Jtta , ce qui peut teiiir, soil a une omission com- plete, soil plulot a ce que ces deux families sont desi- gnees sous d'aulres denominations. Je ne me souviens pas en ce moment d'avoir rencontre ailleurs lenom des Iduwiet. Pour les Jit Attn , c'est d'eux que parle Mar- mol dans le chapitre qu'il a consacre a la province d'Ytata (2), qu'il'dit grande couime Dara, et situee sur les confins du desert, dans la d^pendance de Tafi- lelt , ajoutant que les habitants sont appel^s Garib , gens meles, ne parlant bien ni I'arabe ni le zenete , bien pourvus de chevaux , et d'humeur belliqueusc : il est evident que ces indications s'appliquent a la tribu et au territoire traverses par Davidson. La meme tribu, dont le nom paralt devoir s'ecrire correctement Ayt A'thah, se rencontre aussi en d'aulres campements, cnlre Haskourali et Dara'h, d'apres un renseignemcnt consignedans des notes que M. de La Porte eut I'obli- geance de me communiquer il y a deux ans. 3° District d'EgKeda, sur la limite meridionalc du- quel se trouve le lieu appele S/iek Keya , oii s'est ac- complie la fatale catastrophe : cet endroit funeste est indiqu^ , par rapport aux deux points extremes de Noun et de Timbuktu , a vingt joui's du premier et a vingt sept jours environ du second. Comme, d'apres ma construction de la route de Caille, Temboktou (qu'avec Ebn-Bathoulhah j'ecris Ten - Boktoue ) affecte une position peu eloignee de 16° N. et 5o° 3o' O. de Paris, il en rdsulte, a I'^gard de Noun, un intervalle total d'environ 855 milles, ce qui, pour quarante-sept (1) Caille, ubi supra , page 4o. (z) Marmol , ubi supra. vn. ( "4 ) journoes, suppose en ligne droile un taux moyen de 18 millos a peu pr^s, ct c'est, a co qii'il paralt, d'apivs cos bases que inon excellent ami le capitaine Wasliinglon eslime conjecluralemcnt la position de Shch Keyn vers so" 1 5' N. et 9° 20' O. de Paris. Je vais, d'apres la demande courtoise qu'il a bicn voulu me faire de mon opinion a cet cgard , essayer d'obtcnir une approximation moins vague, au moyen des renseignemenls supplementaires que fournit la leltre de M. Willshire ( i ) ; prenant des repfres moins cloignes que le point dc depart et Ic but final du vovage, il cnonce que Sheh Kcya est a seize journees de Talta et a dix dc Taudeni , vers les confins meri- dionaux du district d' Egueda; or Tatta et Taudeni sont bien connus : le premier de ces points est plac6 , sur mon Canevas geodesique , vers 28' 4o' N. et 8° 35' 0. de Paris; et ma construction de la route de Caill6 asseoitle second vers 21° N. et5'5o'0. de Paris. II resulte de ces positions une distance mutuelle d'en- viron 485 milles, ce qui donne un peu plus dc 18 1/2 milles pour le taux moyen de la journ^e en ligne droite ; avec ces 6ldments Slieli Kcya viendra tomber vers 24° iN. et 7° 0. de Paris. La se trouveraient done les confins meridionaux du canton d" Egueda; or lachons de ve- rifier la situation reelle de ce territoire : on pourrait , au premier abord , soupgonncr, d'apres la conson- nance des noms , qu'il s'agit d'lgliidl ou Iguidi de Leon el de Marmol(2); mais on s'aper^oit bientol que ce dernier doit etre bcaucoup plus oriental que celui dont nous nous enqui^rons en ce moment ; tandis (i) Voir son posl-scriplum. (a) Leon , apiid Bamusio , fol, 83 , A. — Marmol , ubi supra , fol. 19, col. I. ( •'■> ) que, si Ton jiorte son investigcition sia- I'itineraire de Caille , on y releve(i) une station appel^e El-Gucdca, dont la ])osition tombe, dans ma consti-uction , vers 25° i5'N. ct 6'^ 4t>' O- tie Paris, dc raaniere a re- pondre merveilleusemcnt aux conditions de situation relative indiquees pour Egueda , et a confirmer en meme temps la determination que nous venons d'a- doptcr pour Sheli-Ktya. Les vingt-sept journees deSheli-Keya a Ten-Iioktone se comptcnt parfaitement ainsi : dix jusqu'a-T'aoM- denny , dix autres de la jusqu'a Araoiuln, et les sept dcrnieres d'Araouan a Ten-Boktoue. Quant aux vingt journees sur Noun , elles sont exprimees par une ligne d'environ 4i5 milles, ce qui revient a peu pres au taux de vingt milles a la journee. Je ne pense pas que dans I'etat actuel des notions recueillies on puisse pretendre utilement a une plus grande approximation. 4° Los cavaliers d'El-A'rvb, auteurs du meurtre commis a Sheli-Keya, renconlrerent en cet endroit la caravane qui suivait la direction de Ten-Boktoue , tandis qu'ils revenaient, cux, de piller un lieu appele Bousbezali; ce lieu se trouve done plus au sud, vers Ten-Boktoue; si, comma je le suppose, une simple inadvertance de copie a, dans ce nom , substitue un s a un t, de manifei'e a ce que la lecon originale soil Bousbei'ah, je n'hesiteraiguere ay reconnaltre une sta- tion de caravane qui figure, sous la forme Boutbeyak, a dix journees frz/r«off(^met autant de Mabrouk, sur un Itin^raire de Galam a la Mekke public dans les Memoi- (i) Caille , nbi supra , (inge ii. ( !»(' ) res de la Socidtede geographic (i) ; station qui me pa- rail devoir etre identifieo avec la ville de Bousbchty luenlionnec par Cailli (2) , bien qu'il ne la meltc qu'a deux journees d'Araouan et a deux journees de Tcn- Bokioue, circonstance qui peutfaire soupconner uno eri'cur, quant au chiffrc de la distance , soil dans Ics indications de CalUe , soit dans celles de I'itineraiie publie par la Socii^t^ de geographie ; en sorle qu'il serait fort arbitraire de prendre un parti entrc ces donnees eontradictoires; nous n'en avons heureuse- mcnl aucun besoin ici , et la designation generate dc leniplaccment rolatit'de cette localite nous suffit. 5" Le juil" Jacob ben Cohen, arrivant du pays de Draha, oii ilr^sidait, avail vu a El- Mehamdl , lieu dc son domicile, silue a six journees de Tatta , divers effets ayant appartcnu a Davidson. A'lnsi El-Mehatndi est un village du pays de Dara'h , cl voisin des pillards d'El-A'ryb qui avaient detrousse le voyageur anglais; or I'itineraire de Caille nous fournit (5) comme un des pi'cmiers villages de Dara'h , du cdt6 d'El-A'ryb, un lieu qu'il appollc El-IIamit, qui se retablil aisement on El-IJhainrd, ct ou il est facile dc reconnaitre le Mchamdi deM. ^^ illshire, avec d'autant plus de raison qu'il comptc qualre journees de Tatta a El-A'ijb, et ([u El-Hluimyd etant a deux journees de ce dernier endroit, la distance tolale de Tatta a El-llhamyd est precisement de six journees, comme il I'indique pour El-Mchamdi. C.elicu est place, dans mon Canevasgeo- desique , vers 28" 00' l\'. et 0" 60' O. de Paris. (1) Uccucil di- voyages cl lir Mcmoin's , tnme II, |«0{;"s5c/ rl 6>. {■i) Ciiille, Foya^^c, vW. . lomc II, (unjes 3i5 el Zy6. (3} Cailli', f'oyaj;c, ilc. . loin 111, pagPS/iS cl 54o. ( 'ly ) 6" Enfin , pour se 2:)rocurer des reiiscignemcnls plus precis sur le funestc ev^nement dont I'infoilune Da- vidson a ele la victime, le scheykh Beyrouk s*cst adresse aux Trajacanths , dont le campcment est a douze journees de Noun ; cette demarche suffirait pour nousr^veler quel^ Trajacanthssowi\o\siv\s<\i9 ) maisons se Irouvaient converlies en hopilaux dans les- qiiels il ne manquait que des docteurs et des medi- caments. J'^tais menace de retomber dans ma solitude Jors- qu'une bonne attaque dont je ne pouvais me remettre, a donne lieu a I'interessant voyage que je viens de faire. Le colonel Chesney m'avait engage a venir passer quel- ques jours a Corna, puis ce voyage fut par les circon- stances cliang6 en celui de Bagdad. Je vous dirai que nous avons fait un voyage satisfai- sant sous lous les rapporls. Bien que les eaux soient basses, nous sommes remontes avec la plus grande fa- cility ; notre charbon prisaCorna.nousa, en deduisant los sejonrs, conduits jusqu'a Kout-Hamara en trois jours ^t demi. De la a Bagdad, il parait qu'on pourrait venir en deux ou trois jours; mais il a fallu nous arre- ter pour avoir du bois, qui croit sans interruption sur les deux rives. Ces messieurs disent que los Arabes lia- bitants des bords du Tigre sont moins civilises que ceux de I'Eupbrate. J'ignore ce qu'il en est de cette comparaison, mais j'aime a la croire vraie, car ceux que nous avons vusnous ontrarement bien reijus. Les uns levaient leur camp pendant la nuit, et au jour nous les cherchions en vain ; d'autres promettaient de nous aider, et au lieu de cela prenaient une attitude hostile. II est certain que les habitants du desert ne peuvent voir sans crainte un bateau a vapeur ; ils craigncnt que nous ne fassions ce qu'infailliblement ils feraient, et nous prennent pour des fous, des ccrveaux etroils, dc ne pas agir par leurs maximes. II faudra du temps pour faire compi^endre d'autres sentiments ; cependanl il y a eu sur le Tigrc une amelioration qu'il faut noter : nous n'avons pas entendu de coups de fusil, etnous sommes ( »--^o ) arrives sans altercation. Je voiiscommuniquerai unc au- tre observation qui montre le pouvoir des Turcs comme civilisatcurs : c'est en approciiaul de Bagdad, siege du gouvernement , que les Arabes sent le plus sauvages. Me voici done, monsieur, pour la seconde fois et par accident dans la ville des califes. Le fastueux Aaroun-el-Rachid doit tressaillir dans son lombeau ; il ne se doutait pas a sa mort des bateaux a vapeur, el ma soeur Shezerada les avail oublies dans ses contes si on en juge par I'at'fluence des spectateurs; trois jours de suite les hommes Font alles a bord et aujour- il'huides dames ont oses'y presenter. Le paclia, comme lous ses confreres, ^galement digne et sot, n'a pas cru devoir y aller; maisles soldals, representc.nts de la ci- vilisation, sont venus des pi^emiers; apr^s eux les n6- gociants se sont basardes, puis des moUahs, puis enfin tout le monde. J'esp^re qu'ils ont compiis ce qu'ils ont vu et que leur curiosity n'aura pas ete sans profit. Ci'etait une belle occasion de compter la population; nous I'avons negligee etj'enai fait reprocbe au colonel, qui, a mon sens, estle plus grand calculateur du monde. Pendant le voyage, du moment oii I'on part jusqu'a I'arrivde, il cote les observations et les Bondages; nous lui devrons une bonne carte, car il est impossible d'etre plus precis et plus ponctuel. Regarded done, monsieur, la question de la naviga- tion du Tigre comme decid(ie affirmativement. Je vous I'ai deja demands, quel sera le resultat de ces tra- vaux? Certes ricn ne scrait plus utile que I'etablisse- ment de bateaux pour le gouvernement local; tout se- rait en sa lavcur, liors une cliose qui lue tout, qui dctruil tout, une clioso semblable au Samiel de ces deserts, le gouvernement turc. ( 1*^1 ) TROISIEME SECTION. Actes de la Societe* PROCES-VERBAUX DES SEANCES. Seance dn "h feviier iSSy. Le proces-verbal de la derniere seance est lii el adopts, M. Noel Desvergers 6crlt de Nice a M. le President pour lui annoncer son prochain retour a Paris, et il remercie la Commission centrale du choix qu'elle a bien voulu I'aire de lui pour remplir, pendant I'ann^e 1837, les fonctions de secretaire-general. M. Stapfer, vice-president de la Societe des Missions evangeliques, adresse a la Commission centrale quel- ques rensoignements sur les resultats des recherches geographiques auxquelles se livrent les missionnaires de cet etabiissement dans plusieurs contrees de I'A- frique meridionale, et il appelle I'attention de la Society sur les services que ces hommes zeles s'effor- cent de rendre a la science dans le cours de Icur mis- sion evangelique. Cette leltre est rcnvoyee a la Com- mission du prix annuel chargee de I'examcn des decouvertcs les plus importanles en geographic. M. Simon , secretaire-general du congr^s scienlili- ( ''^'-^ ) quo qui doil avoir lieu a Mclz au mois do soplcmbrc jirochain , atlrcssc i\ la Sociele plusiours circulaires rolatives a cetto r(5uiuon. M. F. Lavall(ie , mcrabre de la Sociote , vice-consul do Franco a la Trinidad de Cuba, exprime le d(isir de faire partie de la classe des correspondants. Los rogle- ments no permeltent d'accorder ce lilre qu'a des olrangcrs; mais comme M. Lavallec est deja membre do la Societe, ello espere conlinuer do rocovoir scs in- loressantes communications. M. Van der Maelen adresse Ic Diclionnairc des bom- nies de lettres , des savants et des ai'tisles de la Belgi- que, qui vient de paraitre a I'^tablissemcnt gcographi- quc de Bruxclles. M. Cadalvenefait hommage d'un plan de I'ancienne villo de Bargjlia, une des plus importantes cites de la Carie, dont il a dccouvert les ruincs pendant son dernier voyage en Orient. La Societe entend avoc int(^ret la lecture de la ^'otice qui accompagne ce plan, et elle la renvoie au comit6 du Bulletin. M. d'Avezac lit une Suite a ses Ltudes sur I'Afrique soptentrionale , a I'occasion d'une note relative a son premier travail, inser^e dans le Journal de la Society goographlque de Londres. M. le President annonce a la Soci6t6 la perte qu'elle vient de faire par la mort de M. Mimaut, I'un de ses membres , consul-general en Lgypte, auteur d'une Ilistoire de Sardaigne , et arrivt^ r^cemmcnl du Cairo, avcc une nombrousc collection d'antiquilos. Seance du \-^ fevrier iSSy. Lc proofs-verbal de la derniere seance est lu ol adoptc. I ( J^3 ) M. Consoil, cajiilaine au long cours, adinisnouvel- lement dans la Societe , adresse ses remerciments a la Commission centrale, et lui offre ses services. M. Tesson, procureui' des Missions ^trangeres, adresse la coUeclion des Annales de la propagation de la foi , en^change du Bulletin de la Society. M. Francis Lavall6e, vice-consul de France a la Tri- nidad de Cuba, adresse a la Societe, i" Quolqiies ob- servations Jaites par M. Washingtoa Irwing sur la nou~ velle theorie de M. de Navarrete a I'egard du premier point du Nouveau Monde, oil debarqua Vamiral Colomh ,■ 'i'^ line Notice geographique sur Vile de Pinos , servant d'appendice a son Memoire sur Vile de Cuba. Ces deux documents sont renvoyes au comite du Bulletin. M. Jomard communique une lettre de M. Fonta- nier, vice-consul de France, datee de Bagdad, le G octobre i65G, et contcnant des details interessants sur I'expd'dltion entreprise par le colonel Cbesney , pour ouvrir aux batiments a vapeur la navigation de I'Euplirate. Renvoi au comite du Bulletin. Le meme membre depose sur le bureau la suite des M6moires de M. Adam de Bauve sur I'exploration des Guyancs. Renvoi au comite du Bulletin. M. Jomard presents ensuite un Memoire qu'il vient de publier sur les chemins de fer de la Belgiquc^ et une These soutenue a I'ficole royale de pharmacie, par Hosseyn-Ganem-el-Rachidy, I'un des premiers Egypliens qui aient subi les epreuves legales devantnos facultds savantes. Le jeune Rachidy est sur le point de retourner dans sa patrie, ou il doit etre employe a la direction d'un service medical. M. Barbie du Bocage communique , de la part de ( '24 ) M. D(^saiigiers, unc leltrc Hii consul de Franco a Mogador, relative a un projct do voyage dans I'int^- rieur de I'Afriquo , par Tembouctou : ce vovagc est entrcpris park docteiir anglais Davidson. Rcmoi an comile du Bulletin. MM. Lafond et Eyries communiquent une Note sur los reclierches geograpliiques auxquelles pourrait se livrer M. A. Barrot , consul de France aux lies Philip- pines, qui a bien voulu olTrir ses services a la So- ciete. M. le vicomte de Santarem communique la suite de son travail sur Americ \ espuce. Renvoi au comit(!! du Bulletin. M. le President annonce a la Sociele la perle que M. Noel Desvergers, secretaire-general de la Commis- sion centrale, vientde faire par la morl de son epouse. II exprimera a M. Noel Desvergers les condoleances de ses collogues. HEMBUliS ADMIS DANS LA SOCl^Ti;. M. J. -A. CoNSEiL, capitaine au long cours, directeur dcs sauvetages pour les compagnies d'assurances mari- timos de Paris. M. J.-T. TnuNOT-D'JVOTENAY, geogi^aphe. OTJVRAGES OFFERTS A I.A SOCliTfi. Seances de novembre et deccmbre i83G. Par le Depot general de la ^r«c/7e ; Carlo lopographi- que de la France, levt^e paries ofliciers d'etat major, et grav6e au D6p6t sous la direction de M. lo lieute- nant-general Polot. Fouillos do Saint-Omor , Amiens , { '20 ) Yvctot, Arras , Luncvillei'tFerrclle. — Projet dc carles departenionlalcs. Scine-et-Marne , arrondissoincnl do Moaux. Exlrait de la carte lopograpliique dc France, feuille — Par M, le Ministre de la marine : Carles dcs cotes de France , d'Alger , du Mexique et d'Islande , piibliees au Depot de la marine en i85G. — Par M. /c Ministre de V instruction puhlique : ^ oyage dans I'A- merique meridionale , par M. Alcide d'Orbigny, i 'i" a 1 S*" livraisons. — Par V Acadeniie imperiale des sciences de Saint-Pctersboiirg : Memoires de cette academic : Sciences malhematlques, lome I, i"livraison; lomelll, 3'' liv. Sciencespoliliquesethisloi'iquesj tome I"' , i liv. lome III, 2"^ a 5'^liv. ; tome IV, i"^ liv. M6moireslus par divers savants; tome I , i"" liv. , tome III , i" et 2" liv. Recueil des actes de la stance publiquc de TAcademic, tenue en decembre i855 , in-4'\ — Par M. le vice- amiral de Krusenstern: Supplements au Recueil de me- moires bydx'ographiqucs publics en 1 826 et 1827, pour servir d'anal) se et d'explication a I'atlas de I'Ocean Pa- cifique, i vol. in-4°. — Par M. le contre-amiral Lutke : Voyage autour du mondc , execute par ordre de sa majesle I'empereurNicolas P', sur la corvette leSeniauine, par le capilaine F. Lutke . Partie hislorique; traduit du russe surle manuscrit original par le conseiller d'Lllat F. Boy6. 3 vol. in-S" avec un atlas in-fol. litliograpliie d'a- prt-slesdessins de M,. Alex. Postelset de M. le baron de Rittlitz. — Par MM. Webb et Berthelot : Hisloire natu- rellc dcs iles Canaries: geographic descriptive; 8*" liv. — Paries aiiteitrs et editeurs. Antiquites mexicaincs, 1 'i" liv. — Par M . Bnc/ion : Carte catalane de la Biblio- thequeroyale; 6 feuilles. — Par M . Plunder Maelen .-Vlixn geomelrique dc lavillede Bruxelles, dresse eni855par W. B. Craun : 4 feuilles et 1 tableau explicatif. — Par ( '26 ) m. Arthus Bertrand : Bibliolhc'qne americainc, ou Ca- talogue des ouvrages relalifs a I'Am^rique qui onl parudepuis sadecouvcrlc jusqu'al'an 1700, parll.Ter- naux. 1 vol. in-8". — ^ oy ages, I'ela lions et nit^moires ori- ginaux pour scrvir a I'histoire de la decouverte de I'A- in(hiquc , publics pour la premiere fois en francais par Henri Ternaux. 5 vol. in-8". — Voyage dans les regions arcliques , a la i-echerche du capitainc Ross, en 1 854 et 1 835 , par le capitaine Back , traduit par M. Ca- zeaux. 2 vol. in-S". — Souvenirs d'Orienl, par Henry Cornille. ?/ edit. 1 vol. in-8". — Histoire de la guerre de M6li«^nicd-Ali contre la Porte-Ottomane , en Syrie et enAsie-]\Iineure (1 85 1-1 855), par MM. de Cadalv^ne et E. Barrault. 1 vol. in-8". — Histoire des \ andales , de- puis leur premiere apparition sur la scene historique jusqu'a la destruction de leur empire cnAfrique, etc., par Louis Marcus. 1 vol. in-8°. — Par M. Reinuud : Invasion des Sarrazins en France , et de Franco en Savoie, en Pi6mont et dans la Suisse, pendantlcs viii", ix" el x*" si^cles de notre ere , d'apres les auteurs chi'e- tiens et mahometans. 1 vol. in-8", — Par M. Albert Montemont : Bibliothtique universelle des voyages; 46' et dcrniere liv. ( comprenant les voyages en Europe de Piegnard, Montagu, Clioiseul -Goulfior , Pouqueville, Pallas , Daumont , Picliot, etc. , etc. , et la table gene- rale analytique des matieres contenues dans les 46 vol. Par la Societe pour T histoire de France: Annuairc histo- rique pour 1887. 1 vol. in-18. — Par M. K. Bitter: Sur la mcsure des meridiens dans I'lnde ; Sur la cul- ture del'opium; Sur \cjicusindica ; Sur la distribution g^ographiqueduLion et du Tigre. 4 l>i'- in-8". — S'^Rap- port sur les travaux de la Society g^ograpliiquc de Berlin. in-40. — Par M- Rnnxde Rochellc : Histoire des Elats- ( ''^7 ) Unis. 11" et 12* liv. — Pen- M. Aiitrnn : Rapport fait au consell municipal, clans sa stance du 12 aout i85G, sur le chomin de fer projote de Lyon a Marseille. — • Discours prononce a la distribution des prix de I'ficole gratuite de dessin de Marseille , le 9 septcmbi'e i85G. in-8". — Par la Societe royale gcographique de Lorulrcs : .lournal de cet1(e Societe; tome V, 2'' part. — ParM. Cent- Iwres Chase : PiejDort of the expedition for exploring central Africa, from the cape of Good Hope, June 20, 1834, under the superintendence of D. A. Smith, in-8". — Par les aiiteurs et ed/teiirs : Plusicurs numeros des Annales des voyages , des Annales maritiraes , du Jour- nal de la marine, de la Bibliotheque de Geneve, du Mc^morial encyclopedique , du Journal asiatique , du Bulletin de la Societe elementaire, du Journal des mis- sions evangeliques, du Recueil industriel, des Archives du commerce , du Voyage pitloresque en Asie, du Jour- nal de Smyrne, du Journal du Caire, de I'lnstitut, et de rficho du monde savant. Seances des 6 et 20jam>ier iSSy. Par M.facqiiemont :Yoyage dansl'Inde, parV. Jac- quemont, 11" livraison. — Par M. Adelung: Bibliotheca sanscrita, 1 vol. in-8°. — Par la Societe royale d' Agri- culture de Caen : Memo'ires de cette Society, tome 4% iSSy. — Par les auteurs et editeurs : Plusieurs numeros des Nouvelles annales des voyages, du Bulletin de la Societe de Geologic, du Journal de I'lnstitut histori- que, des Annales de la Societe d'Agriculture d'Angou- ieme, du Recueil de la Societe d'Agriculture de la Seine-Inferieure, du Recueil industriel, du Recueil de la Society d'Agriculture de I'Eure, et de I'lnstitut. ( ''^S ) Seances ties "S r1 \~ je\>ricr 180G. Par M, le haron de Ihiiiihohll : Examcn criliqiic de la geographic du Noiiveau Continent, i4'' livraison. — J^ar le Unvcaa iles longitudes : Connaissance dcs temps pour 1859; — Annuaire pour 1837. — PnrM. Vander JWftf?/*?/* ; Diclionnaire des honimes de lelires, des sa- vaiils et des artistes de la Bolgiquc, 1 vol. in-8''. — Par M. d'Avezac : Esquisse g^nerale de I'Afriquc : aspect et constitution physique , hisloire naturelle , elluiologie , linguistiquc , etat social, histoire, exploration, et geo- graphic , 1 vol. in-i8'sur jcsus. — Par la Societe des iVissions etransrercs : Collection des Annales de la propagation de la foi, 01 cahiers in-S". — Par M. Jo- niard : Observations sur Ics chcmins de fer de la Bel- gique ot sur le projot de cherain de fer de Paris a BruxelleSjbroch. in-4''. — These sou tenueal'L cole royalc de pharmacie, par M. Hosseyn-el-Rackidy : Br. in-4°. — Par M. Albert-^lontemont : Atlas de la Bibliothe- que universelle des voyages, 12' liv. infol. — Par VA- cademie de Macon: Rapport fait a rassembleeg^nerale de I'Academie de Macon au nom de la commission du concours, par M. Ch. Lacrelelle. Broch. in-8". BULLETIN DK lA SOCtETE DE GEOGRAPHIE MARS 1837. PREMIERE SECTIOI^, MlfeMOlRES, EXTRAITS, ANALYSES ET ItAPPORTS. iTiNiwAiRF. des excursions faites par M. Adam df BAuvr. j)oiir Frxplornfion dct Giiyunes. ( SuUe. ) En arrivanl sur I'Oyapoch, le 26 juin , j'y Irouvai M. Leprieur, envoye par M. legouverneur de Cayenne pour (Ics rechcrches d'histoire nalurelle. Nous remon- tames ensemble la riviere , et Tumes nous etablir aux sources du Bouapira , dans les cases que j'avais acqui- ses dans mon precedent voyage. De la nous fimes pendant plusieurs mois des excursions dans divers sens. Mais au moisd'avril, M. Leprieur, craignant de s'engager pendant I'liiver, dans des pays inconnus , avec des negres inexperimentes, me laissa parlir seul pourdescendre le Bouapira. Mon projetetait de gagnei- les sources du Gouroupatouba pour descendre a Mon- VII. MARS. 1. 9 ( lOO ) eal^gre , silu^e a rembouchure do ccllc riviere dans I'Amazone. M. Lcprieur devait m'v rcjoindre, mais il ne vint pas. Le l\ avril , je me separai de M. Lcprieur. M. Bra- chcl, naluraliste, conscnlil a m'accoinpagner. Mous avions avec nous quatre Indiens et trois negres. Nous descendimes Ic Rouapira; mais arrives sur le Topipocko, des Indiens et des Tapouyes voulurent me forcer de retourner , disanl qu'ils avaient les ordres les plus s<^- v^res pour empecher les Franqais de p^n^lrer dans le pays. A force de patience et de sangfroid j'obtins dc pouvoir continuer ma route jusqu'a I'cmbouchure du Carapanatouba , cbez Joaquim Manoel , d'ou je pris Vengagement d ecrii^e au commandant de Gouroupa. En arrivant la je trouvai des colporteurs qui, ayant excite les Tndicns Tomoconics, voulaient s'opposer a nion debarquement. II fallut encore prendre patience. J'obtins cependant qu'un petit canot serait expc^die a Gouroupa, avec une letlre dans laquelle je priai le commandant de vouloir bien donner les ordres neces- saires pour que je pusse continuer mon voyage. Joaquim Manoel, revenu des mauvaises impressions qu'on lui avaitdonn^es centre moi, me donna au bout de quelques joui's des guides pour me conduire sur une riviere qui, peu (iloign^e des monts Sororoca, sc jetait, disait-il, dans le Rio Gouroupatouba. Je lais- sai cliez lui tons mes bagages, et accompagne de M. Brachet et des trois n^gres, je partis pour verifier a vi'rit6 de son assertion. Des lacs qu'il fallait cotoycr ou des mar^cages impraticables A franchir eurent bientot lass6 mes guides ; au bout du second jour, en- licrement decourages, ils me declarerent que, dans cette saison , il elait impossible de gagnrr 1^ point I ( 10» ) que je vouiais atteindre. M. Brachct olait malade, ot je ne me fiais pas assez aux negres pour continuer seul aveceux; force done me fut de revcnir sur mes pas. M. Bracket arriva extenue de fatigue chez J. Manoel , et le 2 2 avril j'eus le chagrin de le voir mourir. Pour mettre a profit le temps qui devait s'ecouler jusqu'au retour du courrier expedie, je fis de nouvelles tentatives pour gagner Gouroupatouba; mais elles fu- rent infructueuses; tout I'interleur etait inond^. Jos6 Antonio de rOyapoch qui m'avait accompagne me de- manda a s'en retourner; je ne pouvais Ic relcnir. Je le chargeai de lettres pour le gouverneur de Cayenne , et pour M. Leprieur. Je fis une reconnaissance jusqu'aux sources du Carapanatouba, et par terre je parvins jus- que sur les rives de I'Avawari , d'ou j'aurais pu aussi par terre gagner I'Oyapock dans la saison s6chc. L'hiver, les chemins sont impraticables ; j'en savais quelque chose. Toutes ces courses employerent mon temps jusqu'a la fin de juin, epoque a laquelle arriva enfin la re- ponse du commandant de Gouroupa. Elle etait aussi satisfaisanle que je pouvais le desirer; il donnait ordrc a J. Manoel de me fournir des guides pour aller ou bon me semblcrait. Manoel, influence par un homme de couleur, sp^- culateur de salseparcille, refusa de me donner des gui- des intelligents; je fus oblig6 d'engager quelques In- diens de bonne volonte , mais inexperimentes , et avec les trois negres etdeux Indiens dOyapock qui voulurent venir avec moi , je descendis la riviere pour mo rendre a Gouroupa. Aucune des rivieres connues par les dangers quo peuvent presenter leur navigation n'offre rien qui 9- ( '■''2 ) puisse meme apjirocher de I'aspecl a la fois horrible et niajeslucux ties calaraclcs ilu Jany. J'ai vu dopuis des rivieres celebros par leiirs chules, elj'y ai nieme perdu des embarcations; inais je n'y eprouvais pas ce saisissement involontaii'e auquel je fus presque conti- nuellement en proie, jusqu'au jour ou je faillis 6lre victime de I'imperltie de mes guides. Deja nous etions parvenus a francbir les principaux obstacles ; les rapi- des les plus dangereux 6taient passes, m'assuraienl- ils; deja, moins sur leurs gardes , Us me faisaient pres- que partager leur securite, lorsque, arrivant surle bord d'un rapide , le pllote se laissa aller au courant, et Ic canot fut mis en pieces en un clin d'oeil. Tout I'equi- page perit sauf un negre, et je ne dus mon salat qu'a un canot de Tapouycs qui vinl a mon secours. Ces Tapouyes retournaient a Caroupa; ils me donnferent passage dassez mauvaise grace. La riviere se resserre , et coule pendant deux jours enlre deux romparls de roclies elevees el decouples en formes les plus bizari'es. ^aviguant toujours avec la plus grande rapidite , les Indiens me debarquerent a Garotipa , le 24 juillet. Les habitants m'accucillirenl coninie un pauvre naufi'age, et me fnent les offres les plus obligeantes. J'en partis lo 27, et le i5 aoiit, jar- livai a Belem (Para). Mon naufrage me fut d'aulanl plus pcnible, qu'ou- trc mes marchandises et mes effets, je perdisde nom- breuses collections d'objcts d'histoirc naturelle , et tous mes papicrs , contcnant des notes de mes pre- miers voyages, et toulcs les observations que j'avais pu faire. Jo mis dix-huit jours pour me rcndrc de Garoupa a Para : je fus accueilli par M. Crouan , vice-consul de France dans cetlc ville ; mais il n'a\ail ( '55 ) pas su vivro en bonne intelligence avec les aulorites bresiliennes , et comnie c'etait a elles que je devais m'adresser pour la realisation de nies projets, je ces- sai bientot mes relations avec lui. Je trouvai chez M. Jose Joaquim Machado d'Oliveira, gouverneur de la province , tout I'accueil et la protection que je pouvais d(5sirer. II m'offrit tous les instruments dont il pouvait disposer pour remplacer ceux que j'avais perdus , et mit a ma disposition tous les documents qui se trou- vaient dans les Archives de la province, relatifs aux voyages que je voulais enlreprendre; il m'appi'it qu'a diverses epoques les Portugais avaicnt tent6 , sans jr- mais y reussir, d'executer le voyage que je venais de terminer d'une maniere si malencontreuse. Malheureusement , tous ces instruments ^taient hors de service, excepte un theodolite et deux enormes ba- rom^tres dont je n'aurais pu tirer aucun service. Je quittai Para le i*"" septembre, M. Machado me I'emit un oixlre pour les autorites des villes de I'inte- rieur, et une recommandation particuliere adressee a tous les juges de paix, dont les fonctions r^pondent a celles des maires de France, mais avec des attributions plus etendues. Je remontai FAmazone dans un canot que j'avais achcte a Para. A I'exception de quelques habitations oii se I'abrique I'eau-de-vie de Cannes a Sucre, les habitants des bords du fleuve ne s'occupcnt que de I'extraction du caout-chouc et de la culture du manioc. Dans un grand nombre de criques so Irouvenl de grandes plantations de cacao et de cafe. Des foi'ets de palmistes couvrent les bords de la riviere; mais en certains ondioits, ses plages, ravagees par les oura- gans, si frequents sur les giands (leuves , ne presentent que la nudile et I'image de la destruction. ( i54 ) J'arrivai a Gouroupa le 20 septembre. Jusqu'acetle ville on ne renconlrc sur la rive droile que deux peti- tesvilles, Sainte-Anna etBrebis. La ville de Gouroupa ^tait naguere considerable, uiais elle fut brulee a la fin de Tannic i855>. La maniere de construire les niai- sons en bois et lerre fail que, lorsqu'un incendie se manifcste , il ne reste rien de la ville. Aujourd'luii ce n'est plus qu'un postc compose de six soldats, com- mande par un lieutenant. Je tombai malade le lende- main de inon arrivee , et ne pus reprendre ma route que le 1" decembre. A environ qualre lieues de Gouroupa, el sur la meiuc rive, est situ(^e la petite ville de C4orrascde sur un plateau eleve. Lesbabilants, tousmulati'esou Tapouyes, s'occu- pent de la peche. lis font s^cber le poisson et le redui- sent en poudre ; cetle pr^paralion', aj)pel6e Piracoui , fait la base de la nourrifure dupeuple. On s'en sert en jetant sur quelques cuillerees un pot d'eau bouillante; cela suffitpour nourrir plusieurs personnos. Des sa- vanes, qui sont a peu de distance de Corrasede, nou- rissent quolques vacbes maigres , animaux de luxe , et qu'on ne vend jamais. Presque en face , sc trouve \ il- lasinba, joli bourg prfes duquel sont situees de gran- des cultures de cafe et de cacao. Sur la m6me rive , et environ a six lieues plus baut, on arrive a Espalende, autre bourg considerable ; on y eleve desbestiaux; on y cultive le sucre et le cafe , et on y fabrique des cor- dages et des tissus comrauns en coton. A douze lieues au-dessus de Gouroupa est remboucbure du Gingou ( Xingu ) , grande riviere qui n'a pas encore et6 ex])lo- ree ; il s'y trouve quelques bourgs babiles par des Tapouyes et des gtns de couleur qui s'occupent de I'extraclionde la salsepareille, et de la culture du ma- ( i35 ) nioc et du tabac. Cetle rivifere communique , dil-oii , avec le Tapjoz.o Presque en face de rembouchure du Cingou est situee Boa-Vista. Aucune de ces villes ne n'est indiquee sur les cartes non plus qu'Alnieyrine, un peu au dessous de la riviere Parou. De eette derni^re ville jusqu'a Monteal^gre , I'hori/.on est borne sur la rive gauclie du fleuve par desmontagnes , dont la plus remarquable est celle de la Serra de Yelha-Pobre , re- marquable par sa hauteur et sa nudile. La basede cette montagnc vient jusqu'au fleuve ou elle presente un rempart de roches a pic, contra lequel les barques viennent se briser dans les frequents ouraganls qui de- solent ces regions. D'un des points les plus eleves de la Serra, on apercoit Montt^alfegre, et plus loin les mon- tagnes du Jarry. Tous les environs sont habites a une grande dis- tance , ainsi que les diverses criquos et la riviere de Jutalii qui sort des contre-forts de la Serra. Les sa- vanes qui s'etendent jusqu'au pied de la montagne nourrissent une grande quanlite de betail. Au-dessus de Velha-Pobre est silu^e la nouvelle ville d'Oreteyro , jadis etablie sur le Rio-Ouroubouquare , et dont les iiabitants sont venus fonder nne nouvelle ville sur les bords de I'Amazone. De ce point jusqu'a Montealfegre, le fleuve est parseme d'ilots, dont il serait difficile de sortir sans un pilote. J'arrivai le 17 decembre a Montealegre. Cclte ville est assez peupl^e , et renferme des maisons elegantes; mais elle est raal situee pour le commerce , car elle est separee de la rive du fleuve par une demi-lieue de sables arides , qu'il taut traverser avant de gravir une cote escarp^e, sur le haul de laquelle la ville se trouve placee. Elle est entouree de lacs poissonncux et de ( >3G ) vastes prairies couvcrtos cle belail, souice dc la ricliesse ties iiabitanls. A deux lieues, sur les derrieres de h> ville , commence un vasle ara])hilheatre de montagnes, prolongcmenl de VcUia-Pobre , et qui bornent I'bori- /on du nord au sud. Je fis une excursion de trois jours dans ces monlagnes appeldes Wcr^r^ etPaytoune. Sur les rocbes les plus 6lev6es de W^vere , on voitdes ligu- rcs bizarres d'anlmaux el d'arbres, qui semblenl aussi fraicbes que si on venait de les peindre avec du rocou ; ce ne sont que des accidents do la pierre. Les j^suites ont autrefois exploile des mines d'or dans ces monta- gnes. On n'a pas pu les retrouver jusqu'a present. Nous revinmes un peu au-dessus de Monlialegre par le Rio-Curna-Mirim, que je no vois indiqu«i sur an- cune carte , et qui est cependant assez remarquable : ses eaux sont salees en 6te, et dans les plus grandes crues, elles sont encore saumatres et imbuvablcs ; les petiles criques qui s'y jettent ont de I'eau douce. Dans les plaines arides qui bordent cette riviere , on trouve bcaucoup de reglisse qu'on exploite pour I'envoyer a Para. Le 27, je quiltai MonteabVgrc , ou j'ai re<;u I'ac- cucil le plus amical des autorites et dos babitanls. On va ordinaii'ement en deux jours de Monl<^alfegre a Santarem , situe sur I'autre rive du fleuve ; mais le temps 6tait si mauvais que je ne pus traverser que le I"" Janvier. La ville est a I'emboucbure duTapojoz, et sur la rive droitc de cette rivi6re. Je ne voulais m'y arr6ter que pour cbanger d'equipage ; mais il me fut impossible de me procurer des rameurs, parce[que les Indiens commencent leurs fetes le aS d(5cembre, et ne les termincnt que versle 10 Janvier. Pendant ces jours privilegies, on ne pent obtenlr d'eux aucun travail. Santarem, qui prend aussi le nom de Tapojoz, dapn's ( i37 ) la riviere a rembouchure de laquelle elle est balie . est I'entrepot de oemmerce du Haul-Amazonc et du Rio-Negro. Dans cette ville, comnio dans loutes celles de I'A- mazone, on ne Irouve ni medecins, ni chirui'giens , et les habitants, dont mi grand nombre sont allaques du Dial rouge (i) , n'ont de ressoui-ce que dans le re- mede de Leroy, qui a pen^tre dans les endroils les plus eloignes do la province, et dont les flacons se vendent un prix exorbitant. Je quillai Tapojcz le \l\ Janvier, muni de leltres de recommandation que me donnerentlejugc depaix et le receveur-general , pour leurs amis du Haut-Amazone , et pour divers habitants du lac de Villafranca que je de- sirais visiter. Six lieues au-dessus de Sanlarem, mais sur la rive opposee del'Amazone, est la petite ville d'A- lemquer, dans le Rio-Suraby. Cinq lieues plus liaut, sur la rive droite, on entrcpar une vaste embouchure dans le lac Epaoussou ou lac de Villafranca : c'est le lac Arapujodcs carles. II a plus de vingt lieues de long, et communique avec I'Amazone par plusicurs liouches. On y fait une peche considerable , dont le produit 6lait autrefois un revenu du tresor; aujourd'hui elle est libre , el fournit de poisson sale ou seclie lout le Bas-Amazone. Les lamentins el les tortucs y abon- dent. Des bestiaux superbes couvrent les savanes qui bordent le lac , et ses rives garnies de joncs et de riz sauvage sont I'asile d'une immense quanlitc d'oi- seaux. A environ douze lieues de la grandebouche, appe- lee Encovj-Piratig (terre rouge) , pronantl'anse appclcc deSainte-Anna, on arrive sur Icsbordsdu Rio-Prclo de (i) L^pi'ci- lie li'pi'i'. ( »58 ) I'aulre cole duqnol est siluee la jolic pelile ville dc Vil- lafranca. Placce u proximite de Irois grandcs riviores, et de lacs d'uiie grande etendue, celle ville est appelee par sa position a devenir un jour une cit6 considera- ble ; son voisinage de ces immenses cours d'eau I'ex- pose quelquefois a des inondations. En i 770 , il y out 4 pieds d'eau dans les rues. Le cafe cl le cacao sont cultives en grande abondance dans tous les environs. Je regagnai Ic lac pour allcr visiter le capitainc Rege , pour lequel j'avais une lettre de recommanda- tion. Le but dc ma visite elait d'avoir des renseigne- menls sur le Rio des Trombdtas, que je voulais renion- ter pour gagner par terrc un aifluenl dc I'Essequebo. Je savais que sous la domination des Portugais, une expedition avait remonte cette riviere, et etait arrivec chez des Indiens, ou ils trouvferent des armes et des outils de fabrique hoUandaise. Ces Indiens, qui re- curent tr^s bien les Portugais, les assurerent que les blancs avec lesquels ils trafiquaient etaient peueloi- gnes. Au lieu de saisir cette occasion et de pousser plus loin , le commandant de I'expt^dilion crut pru- dent de s'en revenir et de bornerla sa course. Je tiens ces details d'un vieillard que j'ai trouve chez M. Rege, et qui avait fait partie de I'expedition. M. Rege desirait lui-m6me remonter cette riviere , qu'il avait d6ja visit^e; mais une chose nous arrdtait pour entreprendre ce voyage, qui dcvait durer au moins deux ou trois mois; c'etait le manque de conac (farine de manioc). On ne pouvait s'en procurer qu'a un prix tres 6lev^ ; 25 francs une mesure qui coutait J franc 00 centimes dans les temps ordinaires. Cette famine (itait due a deux causes : la secheressc dans quelques parties , et le defaut de culture de la part des ( '59 ) Indiens dii Bas-Aiiiazone , qui, 6lant declares libies par la revolution , se crurent autorises a ne plus rien faire , meme pour se procurer de la nouri'ilure , se reposanl sur la charity publique. Le manque de farine de manioc ne pouvait pas me faire I'cnoncer a mon dessein; sacliant que jepourrais m'en procurer dans la riviere de Mavvhes, je quittai Encoui-Pirang le i4 f^vrier, et continuai a remonter le fleuve. Le i5 , j'arrivai a la nuit chez le capitaine Fonseca, auquel j'elais recomraande. Son habitation, qui est considerable, est silu^e en face de la petite ville de Pauxis, autrefois Obydos. Je traversai le fleuve le 16. Les maisons de Pauxis sont fort jolies; mais 1 'emplace- ment de la ville a et^ mal choisi. Le juge de paix me temoigna le plus vif desir de me voir enti'eprendre le voyage de la riviere Trombetas. Le 17, je quittai Obydos, et fus coucher a I'embou- chure cVunecriquenommee garape-de ba/aio, qui com- munique avec le lac d'Epaussou. Un peu au-dessus est la ville de Jurouty sur le lac du meme nom, et sur la rive droite de I'Amazone. Le 18, en remontant toujours, j'apercus la Serra (los Paratintis. A cet endroit , et pendant un espace de quatre a cinq lieuea au-dessus, le fleuve est rcmpU d'ilots et d'ecueils Ir^s dangereux. Le 20, j'arrivai a Tupinambarana, autrefois Villa- no\>a da Bniiiha. On y arrive par deux passes, qui tou- tes deux rejoignent le Rio-Mawhes. Les cmbarcations qui remontent ou descendent le fleuve sont visitees ici. Une nouvelle ville s'etablit sur une des passes ( Foro d'Andira) , aux depcns de I'ancienne ville. Le 2 1 , je faillis me perdre par un de ces coups de ( .4o ) venls si frequents sur TAinazonc, el tippeles trevou- das. Lc 22 et le 23, pluie continuellc. Je passai de- \anlbeaucoup do /'oros communiquant a dcs lacs. Le 26, Ics lerres, qui dcpuis rcniboucliui^e dc la passe sont basses et inondees, s'elevent brusquement. A midi, j'arrlve a remboucbure du Rio-Manbes, dont les eaux noires contrastent avec la couleur jaunalre de celles de rAmazone. De remboucbure on apercoil la ville de Luzcia, situee a une port^c de canon. J'y I'us recu par le vicaire-general , J. -P. Pacbeco , qui rompllssait momcntan^ment les fonclions de juge-de- paix. Quand le vent est favoi'ablo , on va en six ou sopt jours d'Obydos a Rio des Ma^vbes. Luzcia est balic sans synietrie; la plupart des babitants sont ]M(nyhes et Miiiid mucous ; deux races d'Indicns qui commencent a se civilisor. Ln grand nombre de Portugais y etaient 6tablis; mais en ]833, ils forraferentle projet de s'em- parer de la ville, et de massacrer les Brcsiliens. Ceux-ci ay ant decouvert le complot les pr6vinrent. Le 28, je commencai a remonter le Rio-Mavvbos ; los boi'ds en sont eleves , et le courant peu sensible. Les nombreuses babitations dcs Mawbes civilises qui se voient dcs deux c6t6s sont bien cullivees, plantces en cafe et en guarana, liane , dont lc sue 6paissi est un grand objetde commerce dans tout le Bresil. Le 1" mars, je coucbai a I'cmboucbure du Guara- nalouba ., affluent de la rive droite, babite par une liilni considerable de Ma\vb6s, qui n'ont jamais voulu s'astrcindre a la moindre apparence de civilisation, et mepriscnt ccux qui s"y soumetlent. In peu au-dessus de cctlc riviere , on Irouvc le pre- mier village de Mundroiicous. Colic nation csl vcnui- ( '/hi ) s'etablir dans ces parages depuis pea d'annecs ; ils dif- ferent compl6tement des Mawlies par la forme et par les moeurs. Ces derniers sont tous veins , hommes ct femmes ; les autres, au contraire, sont completcmenl nus;ils ne couvrent que le membre viril avec une ecorce de tawei'6 , qui le contient en forme d'elui. Ils se peignenl en noir avec le sue de geiiipa; ils ont en gf^neral la face ires large , des pommettes proemi- nentes, et depuis les lempes la tete se retrecit, et se termine en une pointe arrondie. Les yeux sont grands et brunatres, lenezgros sans etre 6pale. Les hommes onl la barbc fournie et la poitrine velue ; mais les femmes sont entierement glabres, soit naturellement, soit au moyen de quelque preparation epilatoii'e. Le gros de cette nation est etabli dans les vastes savanes situees entre le Tapojoz etle Madeira. Ils sont tresbelliqueux, et cliaque village a son corps de-garde ou un certain nombre d'entre eux veille jour el nuit. Je remonlai le Mawhes jusqu'au, G sans pouvoir acheter plus de douze paniers de farine. La disette du Bas-Amazone avail fait arriver beaucoup de specula- teurs qui avaient tout achete. Le point ou je m'arretai est la riviere Amana-Parana (riviere de la pluie) , af- flaent de la rive droile. En effet, pendant deux jours j'y fus retenu par des pluies continuelles; je me d6ci- dai a redcscendre , et le i3 j'arrlvai a Luzcia. Je devais aller rejoindrc M. R6ge , pour faire avec lui I'expedition de la riviere Trombetas; il m'al- tendait au lac d'Epaoussou; mon pilote me proposn d'entrer par le lac de Jurouty , m'assurant qu'il com- muniquait avec le premier. 11 se trompa de chemin , el apres avoir erre liuil jours de lac en lac , nous vinment aboutir au point d'ou nous elions partis. On ( '42 ) ne pout sc figuror les sourfrancos d'un parcil voyage ; les lives inondees ne permellaiont pas de prendre terre, et les nuees de mousquiles pendant la nnit et de taons pendant le jour, ne nous laissaicnt pas un mo- ment de repos. Kntin , j'arrivai le 23 a Obydos, la figure et le corps enfles, et avec une fi6vre violenle ; j'y restai jusqn'au 29 , et le 4 ^^^'^^ j'arrivai chez M. Rege. 11 s'ehiprcssa de faire scs dispositions , et le 10 nous remontamesle lac jnsqu'a la passe de Mou- rouatouba , qui debouche vis-a-vis Rio das Trombetas ou nous entrames le i4 , sans toucher a Obydos. Outre le capitaine Pi^ge , j'elais accompagne par son cousin, Vincenle de Mironda. Douze Indiens et liuit nogres composaient I'equipage de trois canots. Nous devions prendre des guides dans la riviere. Le i5, nous arrivames a Sapuerm , affluent de la rive droite. La nous primes pour guide un mulatrc qui m'avait et6 recommande ; mais sa jaclanco ne m'inspira pas beaucoup de confiance. Le 18, nous atteignons Aschipica, chez Manoel de Carmo, capitaine d'Indiens civilises. II m'assura que souvenl il voyait desccndre dcs debris de canots et des rames. Le 'JO, nous couchons a rembouchure du lac Cari- mou, chez M. Choveck. II avait eu pendant un an chezlui un Indien de nation aroaqui; il etait descendu par V Aripecou, affluent de la rive gauche, et oii sa nation etait stabile et avait des relations avec des blancs. Le 21 , nous entrames dans Aripecou. Cette riviere n'estd'abord qu'unc suite de lacs; elle devicnt ensuite Ires etroite , et se subdivise en une multitude de bran- ches. La pluie ne cessait pas; nous avancions peu, et les guides cnfin nous declarerenl qu'habitues a remon- ter cette riviere dans Vil^, ils ne i-cconnaissaient plus leur route. M. Rege venait de tomber malado : il fallal redescendre. Je le laissai a Garhnou , et remontant Las Trombetas, j'arrivai le 3o au pied dii premier ra- pide situ6 a environ vingt-cinq lieuesde I'embouchure. M. Vincente de Mironda continua de m'accompagner; mais nos guides montraient le plus grand decourage- ment. Du i" mai au 5 , nous naviguons dans des eaux tran- quilles et sans rapides; favorises par le vent, nous fimes environ vingt-quatre lieues dans ces trois jours. Les bords de la riviere sont ^lev6s, et de la rive gauche on apergoit de hautes montagnes a une grande dis- tance. Le 4 > 6n franchissant une chute considerable , le cable qui relenait le canot charge de nos provisions se rompit, et toute la farine fut perdue par I'eau qui entra. Le soir, les Indiens desert^rent avec ce merae canot, et je restai avec Mironda et six n^gres. II deve- nait impossible de continuer; je redescendis la riviere; M. Piege, plus malade, ditait retourn^ chez lui; mais jnalgre la proposition qu'il me faisait par 6crit d'atten- dre son retablissement pour recommencer une autre expedition, je retournai a Obydos oil j'arrivai le 12 pour prendre un pilote. J'etais determine a remonter le Piio-Branco , pour de la me porter sur I'Essequebo. Je laissai M. Mironda a Obydos, et partis le 14. La ri- viere de Trombetas merite cependant d'etre exploree. Ses richesses mintlsrales etvegelales ne sont inlerieures a aucune de celles de ces riches regions. La premiere ville au-dessus d'Obydos, et sur la meme rive de I'Amazone, est Saro, a I'embouchure du Jamandas, un peu au-dessus sous les hareiras de Ca- ( j44 ) rawncoii ; lenciivc oslcouvcrl d'ilos iiis([iri'i vlvc, main- lonaiit Saraca ; Ics vlolents couranls occasionnos par ces lies sent Ires clangorcux, memo ])our les grandos ombarcations. J 'arrival le 18 a Saraca, sltue a environ deux lleuos au-dessus de la riviere Waluma , qui est habitue par les Indiens Ijariquis ou aroaquis. Ln habitant de In ville a remonte cette riviferc 11 y a quclques annees par ordre du gouvernement : 11 a remonle pendant pins d'un mois; il parait que celtc riviere prcnd sa source dans des hauteurs qui s'etendont de Test a I'ouost. Ses bords sont peu habllAs. D'apr^s ces renseigneijienls , jc crus inutile de tenter le voyage. La ville de Saraca est sltu^e sur une hauteur; on y fabrlque du labac, el 11 s'y fait une peche considerable. !Mals on n'y trouvc point les p^lrificatlons dont on m'avalt parle a Para. De Saruca a Serpa, aujourd'hui Itakouativa, la rive gauche de I'Amazone est garnle d'habltallons oi'i on cultlvc princlpalcment le tabac. La ville est situ45 ) obstruent la riviere avaiont fait clonner le nom de Barra a la ville situ(*e a Irois lieues en remontant; ellc porte maintenant le nom de Manau a cause des Indians de ce nom qui habitaient autrefois ces parages. Le Rio dos Manau est un pen au-dessous de la ville ou j'arrivai le soir. Elle estbien siluee ct bien batie. On y voit de belles maisons et deux eglises richement or- nees; elle est traverseepar la crique Piripity, que Ton passe sur un pont en bois. C'est le siege des autorites superieures de la province de Rio-Negro. La popula- tion est industrieuse et active; mais les autorites, mal affermies , laissent tout d^perir entre leurs mains. Je trouvai dans cette ville le docteur J. Natterer, na- turaliste commissionn^ par I'empereur d'Autriche. Depuis dix-huit ans il parcourt le Bresil , et commc son gouvernemcnt lui fournit des sommes considera- bles, il fait des collections tres precieuses dans toutes les branches de I'bisloire natui'clle. Apres quelques explorations dans les environs de Manau, et notamment au bourg de Tliaraumas, pour voir les anciennes sculptures des Indiens de ce nom, qui se sont retires depuis long-temps sur I'Essequibo, je quittai cette ville le i5 juin pour remonter le Rio- Negro. Les rives du Rio-Negro ont un aspect plus agreable que celles de I'Amazone; la verdure des arbres est plus varie^e, le paysage est plus frais. Un grand nombre d'ha- bitants cultive la salsepareille. Apr^s quarante lieues de navigation j 'arrive au bourg d'Aerao , habite par de grands proprietaires de plantations de cafe et de ca- cao, et aussi par des gens de sang mel6, descendant d'Indiens Aroaquis , Boriquis et Manaus; celle dcr- niere nation est presque eteinle. Ayrao ou Airam est VII. MARS 2. lO ( '40 ) siliic siir la rive ilioile de la riviere ; en laco, dehoucliP le Wacrvia ; les ouragans ont delruit une parlie du village. A douze lieues plus loin , et sur la meme rive , on trouve la petite ville deMoura.L'industriedes habitants, tons de sang mel6, est la fabrication des cables el des cordages avec les fdaments des petioles du palmier, pr-nlhba, tres abondant dans le pays. On n'emploie que ces cordages dans toute la navigation de I'Amazone ot de ses affluents. Presqueen face de Mouraestsituee la grande embou- chure du Rio-Bianco, et neuf lieues plus haul en face de Carroeiro , est une seconde embouchure do la meme riviere nomm^e Amajaou ; mais ce ii'est pas une riviere particulierc comme I'indiquent les cartes. Cette embouchure n'est accessible que I'hiver, et aux em- barcations moyennes seulement. C'est ce qu'on appelle dans le pays un gappo (marecage). On navigue au milieu de la fordt. Un Indien debout a la proue du canot coupe avec un sabre les llanes et les herbes qui s'opposent au passage, C'est une vaste inonda- lion. J'arrivai le 29 juin a Carroeiro par un vent violent. Les habitants ont la mftme origine et les mfimes occu- pations que ceux de Moura. Jc m'^tais determine a venir chercher cette embouchure du Ulo-Blanco a cause des accidents frequents qui arrivent dans I'autre par la rapidity du courant et les violents coups de vent que Ton dprouve dans cette passe. Le 5o,nous entramcs dans I'embouchure, naviguant dans la foret inond^e, au milieu de poissons do tres grande taille, tels que lamentins, et une esp^ce do marsouin appeU dans le pays botes ou pyra-roiii'ru: [ '4- 5 Beaucoujulelacscuinmuniqucntavec cclle inondalion : celui d'lkoioii-Enne eslremarrfuable par le grand nom- bre de torlnes qu'il contienl. Jiisqu'au 5 juillet, nous na^igames dans un V(^rila- ble labyrinthe , ou 11 devint presquc impossible de se servir de la boussole. Nous cnlramcs enfin dans le lit de la riviere , et parvinmes Ic meme jour a Santa-Ma- )ia , bourg habite par des Indiens Aturays, a peu pres civilises. Au-dessusde ce point, le courant devint si vio- lent que les efforts denosrameurs no suffisaient plus, rl souvent nous reculions. 11 fallut avoir recours a de longues perches armees de crocs , pour saisir les bran- ches et les bancs qui bor<:ient la rive , au insque de faire sombrer le canot par la violence du courant. Quelque- fois la riviere s'echappe dans les terres. Les petites embarcations profitent de ces inondations partielles , et peuvent ainsi echapper aux dangers des rapides de Mawary , de Mocawassou et Arassa. Quolques petites criques, celles d'Icatu, par exeinple, et beaucoup d'au- Ires , permettent de naviguer parnii les ai-bres , et d'e- viter le courant. On en est quitte pour des morsu- res de fourmis , dont les nids tombent dans le canot, el la persecution des maringouins. Le 21 , i'arrivai a Carno, village peu considerable, a quarante lieues de J'embouchure, naviguant presque continuellement a travers la foret pour 6viter les cou- rants. Les habitants de cc village sont d'origine Atu- rays et de metis provenant de Portugais et d'indige- nes. Les bords inondes du fleuve sont reniplis de palmiers et de yucas. La direction depuis Santa-Ma- ria est E.-N.-E. Un peu au-dessus de Carno, on trouve le rapide de Ouri-Ounamada , et plus haul de grandes lies. lo. ( '48 ; Carateriniave est le premier alTluent de la rive gau- che du Rio-Bianco, a huit lieues do Carno. Colte riviere est liabllee par les Paunianes, nation qui n"a aucune communication avec les blancs , et qui Irafique par I'intermediaire des Wapitchaves , autre nation etablie aux sources de la merac riviere. A peu de distance, sur la meme rive, on trouve la crique Inivvlni. Ln grand nombre d'iles qui augnien- tent la force du courant, et de frequents ouragans rendent la navigation du Bianco fort penible. Le AVa- nahou est un affluent de la meme rive , son cours est considerable , et ses sources ne sont pas eloignees du Rio de Trombetas, avec lequel s'etablit unc communi- cation dans les hautes eaux. Les Aroaques remontent indifferomment I'une ou I'autre de ces rivieres poijr aller chez cux. Ce n'est qu'a cinquante lieues de I'emboucliure de la riviere , et apres avoir recu le Jarani et I'Alacouri sur la rive droite que Ton commence a apercevoir des monfagnes a I'horizon; on distingue entr'autres le pic de Tapir Apecou (langue dc bceuf ). Les criques et les lacs se mulliplient. Le 20 juillet, on commence a s'apercevoir de la baisse des eaux, et on voit un grand nombre de tortues s'approcher du rivage, pour \ deposer leurs oeufs des que la terre pourra les recevoir. Pour 6viler les grandes cataractes , mon pilote me proposa d'entrer dans une passe qu'ilappelle Amatari, dent Tcmbouchure est a quatre -lieues au-dessous des chutes. Jc savais que nous serions devor^s par les in- sectcs : Ic jour, les pi'iims , la nuit, les inorossocos , ct a la pointe du jour les inacas , tous inscctes lipulaires. dont I'aiguillon penetre dans les v6tements les plus U'49 ) cpais; mais je preleiais ces soutTranccs, alin dc soula- ger mes Indicns qui auraient fini par m'abandonner. Apres deux jours de navigation dans cette passo, siluee sur la rivo gauche de la riviere , nous aperce- vons les montagnes de Carauinane. Le troisieme jour nous enlrons dans un labyrinUie d'ilots qui nous de- robe la vue des grandes chutes qu'il nous aurait fallu dix a douze jours pour remonler directement. Au-dessus des chutes on apercoit des debris de quel- qucs missions detruiles; les deux bords du tleuve s'exhaussenl, et on apei'coit de grandes chahies de montagnes. A quinze lieues au-dessus des cataractes, le Rio-Bianco rccoit la riviere Mocajahy sur la rive droite, et en i'ace le Garape ou crique Teiou (Lezard) qui sort de la monlagne de Caraumane. Au-dessus du Mocajahy commencent d'immenses sa- vanes remplies de nombreux troupeaux. On longe pendant deux jours les contre-forts de la montagne , puis on atteint Fembouchure du Caworae a six lieues du Mocajahy et sur la meme rive. Le lendemain , 2() juillet, apres una forte journee , j'arrivai au lort Saint-Joaquim , situe au confluent du Tacoulou. Le fort Saint-Joaquim est un grand batiment carre long, bati en pierres tirees de la riviere; une douzaine de canons de divers calibres , places sur une lorrasse de plein pied avec le premier etage en forment la de- fense. Une quinzaine de soldats en composent la gar- nison. Elle etait plus considerable quand les Porlugais craignaient les incursions des Espagnols. En effet, la fronliere des deux pays n'est guerc qu'a vingt-cinq lieues du fort, et en remontant le Carony , un des af- fluents de rOrenoque , les Espagnols auraient pu faci- lement amener des forces sur ce point, et s'etablir ( i5() I sur Ic Rio-Bianco, ce qu'ils onl Itule lie laiiL- plusieurs fois. Le foil Tail lace a la nionlat^ne de Caraumane , qui semble a la distance d'un jet de pierre , raais qu'il faul cinq heures de course a chcval poui' altcindre. On apei'voil sur la gauche , el a une Ires grande distance . la grande chaine de Canocouane. La farine de manioc (couac) manquait au fort; ap- prcnant que je pourrais m'en procurer chez les Wa- pichanes, Indlens habitant un affluent du Cawomi , que nous avionslaisse six lieues plus has, je resolus d'y aller; j'avais besoin moi-meme de provisions pour continuer ma route. Laissanl au fort ma famille et mes Indiens fatigues, je redcsccndis la riviere le lendcmain a\ec un equipage IVais que m'avait doime le comman- dant, etle i" aout, j'entrai dans le Cawomi, affluent de la rive droile du Rio-Bianco, (ielte riviere coule au milieu des savanes, presque parallelement au Rio- Bianco , et contourne ensuite la Serra de Mourou- pou , dans le voisinage de laquello elle prend sa source. Apres quinze lieues, le Cawomi se dirige sur la montagne de Mouroupou, etrecoit sur la rive droile le \\ huauvvhau , criquc beaucoup plus profonde que la liviere : ses eaux, parfailenienl claires, laissenlvoir les pierres du fond. A environ trois lieues, en remontant, commencenl les habitations des Wapichanes. J'arrivai le 5 au vil- lage qu'habitait le chef. Ces Indiens sont de haute taille , bien pris , fortemcnt constilues , et plus noirs que ne le sont les Indiens des forets de I'inlerieur; iis paraissent doux el obligeants; leurs cases sont Ires proprcment lenucs. lis se servcnt d'arcs cl de sarba- canes (csgravalanes ). Je reparlerai dc ces Indiens (.,5. ) dont j'ai trouvt' cles Iribus dans d'autres parages. Les sources du Mocajahy ne sont pas eloignoes de ce point , it proclies de celles du Rio-Carateriinane, toutes deux habltees par les Paunianes. Je trouvai beaucoup de farinea acheter; ayant charge nies canots, J'etais de retour Ic 8 au fort Saint-Joa- quim. Parmi les Indiens qui frequentaient le fort, je de- couvris un Galibi qui , parti tres jeune d'Angostura sur le bas Orenoque, vivail depuis plusieurs annees avec diverses nations indiennes. Je nc pouvais trouver un meilleur guide; je I'engageai; il avail 6te baptise, et se nommait Lourenco. Je fis luer plusieui'S boeufs pour en preparer la chair, soil en la salanl, soil en la boucanant, et le ii jc quillai le fort en compagnie dun gros d'Indiens qui voulaient emigrer sur I'Orenoque , pour ^chapper a la vengeance de quelquesvoisins plus forts qu'eux. A une journee au-dessus de la forleresse, la riviere est cou- \erle de bancs de sable et de rochers; son cours esl generalcmenl S.-S.-E. et S.-S.-O. Malgre la niultiplicite des barrages, nous reniontions rapidemenl. Labaisse des eaux permetlait aux Indiens de transporter a bras leurs legeres enibarcations d'e- corce. Men canot etait plus difficile a manier; niais conime tout le monde s'employait a le pousser et a le baler, il occasionna peu de retard. INous arrivames le 17 aout a un village de nos guides dans rUrariquaire, a environ v^uaranle lieues du fort Saint-Joaquim. Toule la Iribu emigrait. Pendant les preparatifs du depart, qui devaient durer quelques jours, Lourenco m'engagea a I'accompagner, pour aller pecher a quelques lieues de la en enivranl le ( <52 ) poisson. II voulnil aller aux sources tlu Pariini. Nous rcmontames environ vingt lieues, et laissant nos canots , nous primes notre direction a travers les savanes, sur une cordilliere situee dans I'E. Apres cinq heures de marche , nous vimes le Parimi, II 6tail tres etroit, et son cours tellement rapide que les canots ne peuvent le remonter. Bientot nous arrivames a une mare situee au pied de la montagnc, qui conscrvait des lagunes assoz profondes. La noiis tiouvames du poisson en telle abondance, qu'en deux jours nous en eumes plus que les hommos ne pouvaient en empor- ter. 11 est probable que dans la saison des pluies, Je marais dans lequel le Parimi prend sa source peut presenter une surface d'environ une lieue de long sur moitie de largeur. C'est la le fameux lac Parime , sur les bords duquel despalais, construits de I'or que Ton retirait du lac, avaient fait donner au pays le nom A^el-Dorado. Cos contes des romanciers espagnols pas- sent encore pour des verites au Br^sil ; et il n'y a pas vingt ans qu'un commandant du fort Saint-Joa- quim , soupconn6 d'avoir recucilli dans ce lac une im- mense quantite d'or , fut execute par ordi'e du gouver- neur-general de la province. Au moyen d'un portage de quelques jours a travel's le Serra, on communique du lac Parime aux sources du Caroni, qui debouche dans le bas Ordnoque. Le 24 , nous etions de retour au village des In- diens. Le 2G, nous nous remettons en route, etremontons la rivi6rc Urariquairc encore deux jours. Lne partio des Indiens nous avait prec^d^s, devant faire par terrc le trajet jusqu'a I'Orenoque ; les autrcs se porterent aux sources du Mahon. L'horizon est borne de toutes ( '5o ) parts par des monlagnes; les plus eleveesparaissenl so (Jirigcr de I'E. au S.-E. Nous laissoiis nos eml^ai'ca- tions sur la rivedrolte du fleuve, etnous nous dirigeons au S.-O.; d'abord les deux premieres journees a travers les savanes, contlnuellement coupees de collinesassez ^levees , et ensuite a travers la foret. Bientol, d'aj^res les nombreux delours que faisaient nos guides, il devint impossible de I'elever la route a la boussole. Apr(^s cinq jours d'une marclie pdinible, gravissant des monlagnes pour relomber dans des pinotieres inond^esl'hiver, Lourenco me prevint que nous alliens arriver sur le GarapeTuaia, ou nous construirions nos canots avec I'ecorce des warigwas, qui y abon- dent. En effet, nous conslruisons nos canots, et apves un jour de navigation sur le Tuaia , nous entrons dans rOrenoque le 2 seplembre. A cette hauteur, le fleuve , resserre entre des bords escarpes, roule avec fracas sur des barrages eleves; les eaux ddscroissaient u vue d'ceil. Route E. -S.-E. Quelques uns de nos Indiens Pouroucoutous nous avaient qiiittes pour continuer leur route par lerre. Nous nous Irouvions encore au nombre de Irente-trois, y comprisma Icmme etmon fisag^ de trois mois, mon beau-frere, quatre riegres m'appartenant, et cinq In- diens Aturays qui m'avaient suivi. Le toutentass6 dans trois grands canots et un petit canot de pechc. Je m'estimais a quarante ou cinquante lieues de Esme- ralde ; depuis deux jours nousdescendionsl'Orenoque, qui n'a guere ici qu'une largeur de 3oo pieds, et contenu entre des bords assez eleves. Ces deux pre- miers jours nous ne demarrames qu'a ncuf ou dix heures du matin ; la brume epaisse qui bordc ces pa- ( '-'4 ) rages nc pcrmel pus de clislinfiuur les objels a viiigl- einq pas. Cependaiit, Jo Iroisiemc jour, Lourenro, pilule de nion canol, et qui pretendait connallre parfaiteraenl les dangors du fleuve , s'enleta a partir a six heurcs du matin ; vainemcnt jc lui rcpresenlai que la brume em- pechait de voir les defiles des rapides, il me repondit que ce ne seralt que vers midi que nous trouverions une chute, et qu'on halerail les canols a lerre ; il fallul cedcr, ^ous na>jguanies sans accident jusqu'u neul lieures; alors un bruit alVreux se fit entendre devanl nous, (leci est une chute, m'6criai-je; metlons a lerre. Lourenco haiissa les epaules; mais bientot nous fiimes entraines par un courant lellcment violent, qu'il ne fut plus possible d'accoster; et tout-a-coup, la brume se dissi- pant comme se leve le rideau d'une salle de spectacle , nous laisseapercevoir un precipice au-dessousde nous. C'etait la chute que nous ne devions alleindre qu'a midi. i\os qualro canots lomberenl pele-melc do plus do ■2b pieds de haut. Ges canots d'ecorce, bondissant sur les roches de granil , furent rejetes a moilie brises dans le canal. Conservant ma presence d'esprit , je n'cus que le temps de dire a ma lemmc , qui tenait son cnl'ant : « Saisissez-moi aux cheveux. » Apres une lutle prolon- g6e contre le tourbillon dont je ne pouvais sorlir, el par un dernier effort, je m'elancai sur la \asc ou je tombai evanoui. II 6lait plus de midi lorsquo j'ouvris les yeux. Je cherchais macbinalement a me lever, et je ne pouvais mc debarrasscr dun corps Iroid que je sentais sur ma poitrine. C'etait ma ieinme! Je lacroyais ( 1*5'^ ) juorte : die ii'etait qu'evanouie; mais lorsque je I'uus rappelee a la vie ainsi que son enfant, je fus saisi d'un desespoir violent en considerant noire position, seuls, ail milieu des deserts, sans provisions, sans armes pour nous en procurer. J'enviai un moment le sort des malheureux Indiens dont je voyais les cadavres brisks sur les rochers. Apres une nuit passee sans sommeil, devores par les insectes, de la moisure desquels rien ne nous defendait , nous nous mimes en marche le lendemain , en suivant le coins du lleuve , et a neuf heures nous d^couvrimes des nids d'ceul's de tor- tue. Non loin de la je reconnus le corps de mon beau- frere ; il n'etait qu'evanoui de faiblesse. Enfin, je retrouvai trois des cinq Indiens Alurays, dont I'un deux , age de treize ans , est avec moi a Pa- ris. Ayant ralli6 ces individus, je relournai sur mes pas; nous rentrames dans les monlagnes, nous diri- '^^eant dans le N. et le N.-E. par I'estimation du cours du soleil. Nous eumes a passer un grand nombi-e de criques et de rivieres, nous nourrissant de petites tor- tues de terre , que Ton trouve assez frequemment , d'ceul's d'oiseaux, de poisson, demiel, et quelquefois de I'abdomen d'une grande espece de I'ourmis appelee Saiiba. Ouand nous ne trouvions rien, nous etions obliges de nous lester I'estomac avec une espece de glaise dont les Indiens usent dans ce cas assez gt^nera- lement. Nous fumes onze jours sans rencontrer d'babi- iations; mais sur un des points culminants de la cor- dilliere, nous trouvames un village d'Indiens Jem^cos, qui nous re^urent tr6s bien. Nous passames successi- vcment sur le territoire des Indiens Teyas aux sources du Mahon , des Galligues , des Mahounings, des Ma- pous, Wapichanes , etc., otc. Enlin, j'arrivai aux sources do la l*iiara, artliuMil cluMalion, oil jo Uouvai un village cle Macusis au lieu du lac Amacou indlquo sur los carles, et de la je gagnai le Tort Saint-Joaquim, oil j'arrivai le i5 d(^cembre , trois mois et dix jours apres men naufrage. Malgre le besnin que j'avais de me reposer, moi et ma famille , je me remis en route cinq jours apr6s; je voulais reconnailre le pays aux environs de I't'lablisse- mcnt des Macusis dont je viens de parler. En olTot , aj)rcs avoir pouss6 des reconnaissances j usque px'6s des sources dc I'Esscquibo, je Iraversai les savanes, et alteignis lo Rypumary , un des affluents de ce lleuve. En peu de jours j'arrivai au premier poslo anglais ; on m'y donna les moyens de me rendre a George- Town, oil je fus accueilli avec enlliousiame. De George- Town , jo gagnai Surinam , d'oii remontant la riviere de Commerwine, j'alleignis le Maroni au moycn d'un portage. Mon intention etait, en remontant le Maroni , de rallier I'Oyapock. Je demeurai pros de quatre mois a negocier avec les JUichs nogres , qui resislercnt aux ordres du gouverneur hoUandais en s'opposant a uion passage; je fus obligci de me rejeter sur la Guyanc francaise , et je revlns a Cayenne. Mon naufrage sur TOiVmoquc m'a non sculement fait pcrdrc des valours considerables , que ma femme possedait en bijoux, mes instruments ; mais aussi toutes mes cdllections, oii j'avais des objets trcs precieux. Heureuscment que mes notes furent sauv6es comme par miracle; cllcs dtaienl renfermoes dans une boite de ferblanc que je nc quittais jamais, pas momc la nuit ])Our me mettro dans mon liamac. G'est a I'aide de ces notes, et dcsmemoires que j'ai ( '57 ) adresses de differents points a M. le gouvcrneur do Cayenne, que je pourrai faire vine relation delaillec de men vovasre. Notice sur les mines dc BargjUn , par M. E. uji Cadalvj^ne. Apresquelques jours perdus en relacliesforcees dans plusieurs des admirables ports dont sont semees los cotes du golfe d'Assem Kalessi, nous parvinmcs enfin a atteindre celui de Guverdjinlik, situe sur la cote sud, a moitie envii'on de la profondeur du golfe. Un bassin ou plutot un lac de plus de trois lieues de profondeur, ferme a tous les vents par quelques dots couverls d'une vegetation vigoureuse et variee, et dans lequel mille batiments pourraient mouiller en suret(^, tel est le port de Guverdjinlik, aujourd'liui desert et fi^^quente seule- ment de loin en loin par quelques navires qui viennent y charger du bois de chauffage pour I'Egypte. Des ruines de quais rases a fleur d'cau, et quelques autres debris, reslent encore la comme pour attester une ancienne prosperity; mais des long- temps le com- merce a oublie la route de Guverdjinlik. Les forets d'o- liviers sauvages et de caroubiers, qui occupent toutes les coUines d'alentour, arrivent jusqu'au rivage, et un khafen^ a demi ruine bati au fond du port a cote d'une petite source, est la seule habitation qui ait succ^de dans ces lieux aux antiques demeures. Pres de ce khafene, qui divise en deux parties ^gales I'espace de quatorze lieues environ qui separe les deux villos de Boudroum (Malycarnasse) et de Melassa (Mylnssus) , passe le che- • ( io8 ) min oil pliilollo scnllcr qui les reunit, ot Ics c.iravanos ont coutiiine H'y faire une coiivte halte. Lc 5 deccmbre i855, nous avions on fin r^ussi a nous procurer des chcvaux, et nous piimes nous nieltro on roulp pour Mvlasse. Apr6s avoir marclK' pendant plus de trois quarts d'hcurc an milieu des collines qui en- tourent le port, nous emplovimes le meme temps a traverser une belle plaine coupee par un fort ruisseau. Nous nous dirigions vers le N.-E. a notre gauche; a un quart de lieue de distance, la plaine 6tail bord(^e par des marais salants de plus d'une lieue de longueur, qui comniuniquaient avec la nierpar leur extr^mit^ N.; au- dela s elevaient de nouvelles collines bois(ies. Bienlot, a une prairie que nous venions de passer, succ^da un terrain convert do broussailles; a la droilo du chemin s'elovaienl quolques roches scliistouses dans Tunc dcsqucUcs 6taient lailles cinq gradins demi-cir- culaires semblables a ceux d'un theatre, dont ils diffo- raient seulement par leurs dimensions extrememonl petites. Le dernier gradin n'avait que o'",75 do dia- metre. Quolques minutes au-dela, prfes d'un khafone isolo oil nous nous arretames, de belles pit^ces de marbro l)lanc richement travaillecs gisaiont oparses sur le sol. «jt tout indiquait le voisinage d'une ville antique. Nous explorames long-temps mais en \ain les environs; nous apercumcs bien encore plusieurs colonnes doriquos d'un fort beau travail et quolques pilastres du memo ordre; mais ils avaient ^te employes a une reconstruc- tion d'^poque chr^tienne, et nous ne d<§couvrimcs aii- cune trace des monuments auxquels ils avaient primiti- vcmentappartenu. Notre guide nous pressait, et il fallnl roprondre la route do Mvlasse. ( '59 ) Le 12 decembre, nous etions tJsloignes de Guverdjin- lik d'une lieuo environ vers le N., quand, au sorllr des l)ois oil nous etlons occup^s a chasser, nous apercuines au fond dune petite anse un miserable bameau de- Iruit pendant la revolution grecque, et que ses anciens babitants coniniencaient a relever de ses ruines. lis elaient alors occupes de la reconstruction de I'eglise, et ils employaient pour ce travail quelques colonnes, des cbapiteaux et des pieces de marbre evidemment antiques. Cos debris avaient etc tires de grandes ruines qu'ils nous signalerent a deux lieues de la environ vers I'E., etnous convinmes qu'ils nous y accompagneraient le iendemain. Nous passames la nuit sous les toits de feuillage que ces pauvres gens avaient eleves en at- tendant que leurs habitations lussent terminecs, ol nous ecoutames avee attendrissemeut I'histoire lamen- table de leurs longues souffrances. Le i5, des la pointe du jour, nous primes le chemin des ruines. Pendant une heure nous marcbames encore vers le N. pour tourner I'extremite des marais salanis que nous avions apergus dans notre voyage a Mylasse, et nous dirigeant au bout de ce temps droit a I'E., nous atleignimes bientot I'extremite d'une presqu'ile bornee au N. par la mer, au S. par les mai'ais salants, el a VE. par le large canal qui les r^unit, C'est a Tangle que ce canal forme avec les marais, a moins d'une demi-lieue du kliafen^, pres duquel nous avions apercu des marbres antiques, qu'on I'encontrc sur la croupe de quelques collines peu 61ev6es les ruines d'une villo importante qu'a sa position exactement indiquee sur la carte de d'^lnville, nous reconinimes pour I'anticjuc; Kargylia. On sait que les Cariens attribuaient la fonda- lion de leur ville a Bellerophon, qui lui avail donne ce , { '^"'0 ) noin pn mi^moirc d'un tie ses compagnons, BargNliis, tue par le cheval Pegase. Aprt's avoir successivenient pass(j line citerne du movcn age , puis des testes d'aqueducs, et des ruines moinsdetermlnees, on arrive aun pcllt theatre orne dc grandes colonnes coi'inthicnncs de marbre hlanc. Ce theatre se compose de douze gradins: le dessus est de 80 cenliiuelres, leur hauteur de 4o et ijde surplomb. On y reinarque trois escaliers de degagement de o," 79 de large. 11 y a deux marches par gradins. Les premiers escaliers sont terminc^s par des grilles de lion; le diam^tre int^rieur du dernier gradin est de 12", 60. Un souterrain de trois c6t<^s reclangulaires 6tait pratiqu«i sous le theatre. Au-devant s'(^levait un portique corinthien. La base inferieure des cha- piteaux est de o'",90. Les chapileaux n'onl que deux rangs de feuilles, et la partie supcrieure de la corbeille n'est pas cannelee. Pres de la, grand et magnifique temple corinthien ruine. A droite , un autre petit temple egalement co- rinthien et ruin(^. Quanlite de superbes colonnes sonl eparses sur le sol. Ln peu plus loin, grand th(^atre avec les rcstes du proscenium. De grandes voutes regnaienl au-dessous comme au petit theatre. En tournant a droite , on arrive aux ruines d'un superbe temple dori([ue. On distingue sur une parlie de la frise unc inscription degradeo el indc^chilTrable. l\on loin de ce monument, vaste tort dumoycn age, contcnant des debris de divers ordres. Parmi des rui- nes doriques, nous distinguons une inscription mulilee et sans inltiret. Au-dessous, debris melesde divers edifices du moyen age, ronstruits avec des fragments antiques; inscrip- ( '0. ) lions gvecques, chretiennes. Nous remarquons des encadrenienls de porles formes de trois pieces de mar- bre , et un mur de plus de 20 pieds de longueur sur neuf pieds de hauteur, conslruit avcc de superbes colonnescanneleesplacees en travers. Un peu plus loin, testes de murs tres antiques; puis, debris d'un petit temple. Dans les broussailles, portes et colonoes, et restes d'une eglise; plus loin, nouveaux debris de grands murs; au-dedans de I'enceinte , vaste edifice reconstruit do debris antiques. Enfin , au loin on decouvre la neciopole , ou Ton compte une centaine de sarcophages parfaitement conserves. INouspassames toute la journeea explorer les ruines, ct a prendre les mesures des principaux monuments. Malgr6 I'insalubrite du lieu, nous nous proposions d'v passer la nuit pour I'explorcr encore le lendemain et y faire des louilles ; mais un expres , expedie par notre capitaine , nous forca a rctourner en toute hate a Guvenjinlik, d'ou nous partimes pour I'Egypte le 1.4 decembre. Dicouvi'.BTE DE L'AMtRiQUE. — Obsetvallons fultes par M. Wasiungtox IiwyiNG sur la noiivelie theorie de M. Martin Navarrete a Vegard du premier point da Aoui'eau-Monde oil debarqua Vamival Colomb , com- i)iuni(jnces a la Societe de geographic , par M. Francis Lavallee , vicC'Consnl de France. Jusqu'a present on avait suppose que le piemier point de debarquement de Colomb, en Amerique, elait une des iles de Bahama , appelee aujourd'hui VII, MARS, 3. 1 1 ( »G'^ ) Sa/i-Sah'(ulor, et connue aussi sous le nom de I'ile tie/ Sato. M;iis M. Navarrele, directeur du d6p6t hydro- giaphique dc Madrid , dans la preface de son ouvrage intUule : Colleccion de Vitiges y descubnmientos de los Espanoles^ r^cemmenl public, s'cst elTorce de prouver que ce premier debarqucment sefil dans les iles Turcas, qiiiappartienncnl au nicme groupe, cl qui sont situees apeu pres a cent lieues de distance (de vingt au degre) au S.-E. de San-Salvador. Celle discordance a appele noire attention , et deslranl nous assurer de la verite , nous axons examine scrupuleusemcnt I'opinion de M. Navarrete, la comparant a\cc le Journal meme de I'amiral , joint a I'ouNrage que nous commenlons, et aux observations des autres ecrivains qui onl reside dans CCS iles, Colomb dit clairemenl que son premier point de contact avec le Nouveau -Monde fut I'ile de Gaanahaniy qu'il nomnia San-Salvador, II la demerit comme une lie grande , belle, cou\erte de bois , abondante en fruits, avec beaucoup de sources, et un grand lac au centre. In peuple nombreux I'babilait. II navigua pendant long-temps, longeant scs coles qui couraient au N.- ^',-E. , et fut alors visile plusieurs fois par les nalurels. Cerles, une pareille description ne s'accorde gu^ro avec rile del l^nrco, qui n'esl qu'un llot sterile, convert de sable el de rocs, et n'a que deux lieues du nord au sud. Elle est cntien ment privee dc bois, de lout arbre indigene, de sources, el encori? aujourd'lnii I'eau que boivent les habitants est celle de lapluie , qu'ils ramas- Bcnl el consorvenl dans des esp6ces de cilorncs. Au lieu de lac, on \ Irouve diverscs lagunes d'eau salec d'oii on lire le sel , unique production de I'ile. On ne j)eul y aborder ni du cote de I'K. ni dii cole N.-E. . a I i65 ) cause des recifs qui les bordent. Les deux uniques ports sont deux petites baies : I'une a I'O. d'ou les navires sortent quand il r6gne des venls autres que ceux du iN.-E. , car la nature des cotes, extremement escarp^es , oblige les marins a s'approclier beaucoup de terre pour y trouver quelque abri ; et au moment d'appareiller, quand le vent de lerre cesse, les petits batimenis sont souvenl exposes a se jcter contre lesro- chers ou a echouer sur les bancs, a cause du ressac violent qui y r6gne presque toujours. L'autre baie ap- polee // A/({o del Halcon ( le nid du faucon ) , est I'u- nique embarcadere du sud , encore plus dange- rs ux. L'ile se refuse a lout genre de culture, ct nourrit a peine quelques chevaux et quelques clievros. Les ha- l)itanls sont obliges d'apporter du deliors tons leurs comestibles, si on exceple le poisson el le coquillage qui y sont tres abondanls, et qui servcnt de principale nourriture aux esclaves employes dans les salines. Toutes les ressources de I'lle dependent de celles-ci , et des debris :le naufrages qui sont frequents dans ces parages; de maniere que cette lie ne pent etre habitee dans I'etat sauvage, vu qu'alors, prives du commerce, les liommes etaicnt reduits avivre des productions in- digenes des pays qu'ils liabitaient. Observons en outre a I'appui de ces rcmarques, qu'au depart de Guana- hnni, Colomb fut un instant incerlain sur le choix du point ou il se dirigerait , entre le grand nombre d'iles qu'ilapercevail, tandis que de VWedcl Titrco il n'y ade terre visible que les deux ilots qui sont au sud , et qui t.vec elle forment le groupe qu'on appelle lies Tincjues. Le Journal de Colomb se talt sur I'aire de vent 1 1. ( '64 ) qu'il suivit, en laissant Gunna/inni pouv aller a la Con- ception ; mais il parlc de la distance qui ^tait de cinq lieues, des courants qui ^taienl contraires.La distance de I'ile Turqtte au Grand-Caico que suppose M. de Navarrete elre la Conception de Colomb , est pr^s du double , et comme entre ces iles le courant va a I'O.- N.-O , il aurait cl6 favorable a la Iraversee de I'lle Turque au Grand-Cctico. De la Conception, Colomb se dirigea vers une ile qu'il dislingua a I'oucst, a neuf lieues de distance , et qu'il appela Fernandina. M. Navarrete croil que celle-ci serait la Petite-Inagiie, eloignde pas moins de vlngt-deux lieues du Grand- Caico; et en outre, ponr arriver a cetle dernifere , il dut passer trfes pres de trois autres iles, toutes plus considerables que I'ile Turque, et qui ne sont point mentionnees dans ledit Journal. L'amiral dil que Fer- naiidiiin court du N.-O. au S.-E. , el qu'elle a vingt- huit lieues, quand la Petite- Iitaguc n'a que quatre lieues dans sa plus grando longueur, el court au S.-O. En un mot, la description de Fernandina na s'accorde en rien avec celle de la Petite-Innmte. De Fernandina, Colomb navigua sur la Isnbela, r6- putde Grande-Inogue parM. de Navarrete. Quand celte demise se Iroiive au S.-O. de la Petite-Inagne, rhumb qui s'^carte de goo de celui que suivit ce navigateur. Bien plus; celui-ci dil dans son Journal du 20 novem- bre que Giinnnhani est a buil lieues de la Isabela, tan- dis que I'ile Tiinpie se Irouve a trente-cinq lieues de la Grande-hidi'ite. En partanl de la habeln , Colomb gouvema a I'O.- S.-O. , vers Cuba, et dans ce voyage il rencontra les iles v4renas. Cctte aire de vent de la Grande-Inaguc devail le condnir<> pn-risement sur la rote de Cuba, ( «65 ) aux environs du port de Nipe, et non, comme le sup- pose M. de Navarrete, aux ilots qui se trouvent situes au sud de los Jnmeatos gisanl a I'O.-N.-O. d'Inague ; rhumb qui diff^i-e de 45° de la route que suivirent les navires de I'expedilion. Apres avoir navigu6 plusieurs jours en vue des cotes de la grande He ( Cuba ) , Colomb se trouva le 1 4 d6- cembre dans la mer de Nuesira Senom , et au milieu de tant d'iles, qu'il lui fut impossible d'en fixer le nombre, tandis que M. Navarrete le place a la hauteur du cap de Moa , oil il n'existe qu'unc seule petite ile , ^loignee de plus de cinquante lieues de tout groupe auquel on pourraitappliquer la description remarqua- ble de Colomb. Ce cel^bre navigateur veut nous faire entendre, parses calculs, que Guanabani est separee de Puerto- Principe par une distance de quarantc-cinq lieues , quand I'ile Turque se trouve a 240 milles du point oil M. de Navarrete place Puerto-Principe. Colomb, en laissant Cuba, observe qu'il avait par- couru cent vingt lieues de cotes; et si nous retran- chons vingt lieues pour les sinuosit6s de sa route , nous aurons encore cent lieues, et non soixante-dix , comme le suppose M. de Navarrete. L'auteur continue Texplication du Journal de Co- lomb pour prouver que la route qu'il suivit est la meme que celle trac^e sur sa carle , et termine ainsi son analyse , penetre qu'une opinion de cctte classe , accreditee depuis des si^cles, ne doit pas etre alter^e avec legerete. Nous n'avons point pousse plus loin nos observa- tions, vu I'identite qu'on remarque entre les noms que donne Colomb a plusieurs des points visites, et ceux qu'ils conscrvent encore aujourd'hui , convaincu ( .GG ) d'allleurs que la Iradition doit elre d'un grand poids el tr^s respectable dans ces sortes de matieres. Nous avons offert une demonstration geometrique , a notre avis concluanto, afin que le monde puisse conserver son ancicnne et hereditaire croyance, que Vile ap- pelee San-Snh'ador est le premier point du JSoiweou- Monde visite par Coloinb. NoTiCK geographifpiesiir nie de Pinos, communiqiiee a la Societe de geographic de Paris, par M. Francis La- VALLfiE, vice-consul de France, servant d'ylppendice a son nienioire histotique , geographique et statistique sur Pile de Cuba. L'ile de Pines, appelee primitivement de VJu'ange- /w^rt par Chrisloplie Colomb , est situee (d'apres les Iravaux geodesiques de M. Ilelvetius Lanier ) enli'e les 2 1° 27' lb' et 21" 58' 17" de latitude boreale et les 76" 11' 1 1'' et lc3 76° 52' C)" do longitude occidentale de Cadix ( ou enlre les 84° 4^/ 5G" el les 85° 29' 5i' de longitude, compt6e du niiridien de Paris); sa p6ripb6rie totale est de 68 lieues provinciales , de 5,000 7'aras 011 de 2G j au degri!; , qui est celle dont nous nous servons dans celte notice. La superlicie totale de l'ile est de 1 17 -|^ lieues car- ries (Gi4, «^4 inilles maritimcs ) ; 74 pour la partie nord, et 43 T pour celle du sud. La plus grande etendue est de la pointe dc Test Jus- qu'au cap Frances, 16 - lieues ; et du nord au sud , sous le mdridien dc 7G" 3o' ( longitude de Cadix ) 12 f lieues. Sa plus courtc distance de l'ile de Cuba , ( 'i la ( >68 ) plus frequenlee el sert a rcxiraction cles besliaux el des bois de conslriiction el de leinture. L'air y esl sain , les eaux cxcellenles. On y Irouvc plusieurs sources minerales. On y jouil d'une atmo- sphere sereine et moins sujelle aux varlalions subiles de temperature que I'ile de Cuba. Celle ile esl pouplee de chevaux, taureaux, cochons et chiens sauvages. Les serpents y sonl peu ou point dangereux. Elle abonde on oiscaux lesplus \ari6s ; ses rivieres sonl el ses cotes tr^spoissonneuses. On y Irouve la tortue de terrc ct de mer ; parnii ces dernidres on remarque le Carey, qui donne une ecaille Ires estim^e. Les bois roni'erment beaucoup d'arbustes el de plantes medicinalcs , et beaucoup d'autres arbres dont l'^- corce etla feuille sonl precleuses pour tanner ; prin- cipalemenl le pemlejo [ inalpighia-innreilht ). Elle possede des carrieres de marbre , de jaspe , de cristal de roche el d'autres productions minerales non moins utiles. D'apres les essais qui ont ete fails , on a la certitude que ses terrains sont propres a tout genre de cultui'e; elle produitle labac d'aussi bonne qualiteque celui de la llavane. Commc il a et6 dil, I'lle possede plusieurs rivieres ; les seules navigables sont : Santa- Fe , Sicrra-dc-Casas el las Nneva.i. Cette derniere, dont le cours est nord et sud , depuis son point de jonction avec les peliles ri- vieres Piedras et Calltjnii , est la plus considerable ; cependant elle ne sort que pour les peliles embarcalions, a cause de la barre. qui laisse a peine qualre pieds d'eau a son embouchure. La riviere de Sieira-Casan court au N. N.-E, jusqu'a sa jonction avec le ruisseau de las Jnimas , ensuite au nord jusqu'a la mer. Elle esl navigable une lieuc el le ( '69 ) serait pour les grands bailments , si, en face de son entree, on pouvalt delruire la barre qui n'a que cinq pieds d'eau. Sa largeur a I'entree n'est pas moins de 420 pieds , et en face du village de Nueva-Gerona elle est encore de 210. Cette riviere, malgre sa largeur et sa profondeur, est tres peu importante, et doit etre consideree plutot comme une grande lagune , que la mer reinplit , puisque la maree , qui dans ces parages monte aux syzygies a 18 pouces , se fail sentir dans cette riviere jusqu'au ruisseau de las Animas. La Iroisieme riviere , Sai/ta-Fe , prend sa source dans une savane a une demi-lieue au nord de la monta- gne appel6e Daguilla , et passe a un quart de lieue a I'ouest da village de Saiita'-Fe. Plusieurs ruisseaux s'y jeltent et nourrlssent ses eaux auxquelles vient se joindre aussi la rividre de los Almacigns. Des ce con- fluent, la riviere de Santa-Fe coule a peu pres E. N.-E. jusqu'a son embouchure qui se trouve a une lieue et deniie de la pointe de Ftiera. Les autres rivieres de quelque consideration sontau nombre de six : las Piedras , Guayabo , Jngtia , San Pedro , la Signanea et la riviere de los Indios. Parmi les ruisseaux on distingue : Manjnarics , Santiago, Gua- nana , Grande^ de las Tunas, de la Signanea, ItaOo et San- Jose. Enlre les montagnes nous devons rappeler et clter les sulvanles, selon leur ordre de hauteur. iS/evvr/ de la Canada, donl la hauteur est de iG55 pieds au-dessusdu niveau de la mer, et de i555 au-dessus de sa base. Cette base a une lieue d'^tcnduc , dans la direction N.-O. S.-E. , et est couverte de pins jusqu'a la crete , qui est cl'un acc6s facile du cole du nord. La Dagnilln , hauteur 147O pieds et 1290 au-dessus de sa base. La (170) Sierra tie Caballos , 1074 pieds. Las Sierras de Casai , io55. Les montagnes de moindre el(^valion sont los Cer/vs de San-PeJro, del Monte , de Lacimiia-Geronn , village situe sur le bord occidental de la rivieie de Sierra de Casas , a trois quarts de lieuede son embouchure, entre les deuxmon- lagnes de Caballos et de Casus; lat. N. 21" 54' i5", long, occid. de Cadix, 76' 27' 26" (85" 5' 11", meri- dien de Paris). On y comptait, en 1802, cinquanle- une maisons particuli^res , parmi lesquelles on distin- gue le gouvernement, la caserne,, I'eglise , I'hopital, le magasin du roi , etc. Line batterie protege le port et ( i72 )• les principaux etabllssements , et un petit navire de guerre enlretient les communications avec Cuba. II est la residence du commandant militalre et poli- tique qui gouverne toute I'ile , et d'un administrateur des rentes royales. II y a en outre un m^decin , une pharmacia , 45 soldals et 2|) gakriens. Population : 7G blancs, 4^ soldats , 29 gal^riens et 21 noirs ; total: 171 personnes. Le village de Santa-Fe , fond6 en 1 8o4 , est situ6 a trois lieues trois quarts S. S.-E. de Nueva-Gerona , et a un quart de lieue a I'ouest de la riviere du memc nom. U contient 7 maisonset une petite eglisu balie en 1810. Mais depuis la fondalion de Nueva-Gcrona , on ne trouve] que trois maisons habitees par i3 blancs, 7 mulatres et 3 esclaves, en tout 2 3 personnes. II scrait a d^sirer cependant que ce lieu prosp^rat, a cause des avantages qu'ofTrc le bain thermal de Santa-Fe, 6loi- gn6 seulement d'un quart de lieue a I'ouest de ce village. La population de toute I'ile consistait , en i832, savoir : Blancs (le loiii.is classes 211 ) Soldats 45 i ''^^ Galerirns 29 MuiSties lihies 3i Negres libres 44 Idem esclaves . 67 ' Total 4^7 individus. r^parlis dans les deux villages ci-dessus et sur environ Irenleetablissementsruraux ou Ton el6ve des bcsliaux. ( 175 ) DEUXIEME SECTION. DOCUMENTS, COMMUNICATIONS, NOUVELLES G^OGRAPHIQUES. ETC. ExTRAiT d'une lettre clii prince Malek Kassem Mirza, rnembre cle la Societe. Tehran , le 6 mai i836 , 22 Moharrem laSz de I'hegire. Messieuus, Je me suis occupe d'un travail qui, j'esp^re, sera agreable a la Soci^t^. J'ai fait la levee de la route de Mecbcr a Tabriz, parBognord et le Gullidagb, ou sont les sources de la riviere de Gourgan : la se trouve le campement de la tribu turkomane nommee Geuklan. J'ai suivi celte riviere jusqu'a son emboucbure dans la mer Caspienne. A deux lieues de distance Ton voit les ruines de I'ancienne ville de Gourgan; avant d'y arriver , Ton trouve le monument a angles aigus de Kaboos; il est un des plus magnifiques de la Perse par I'elevation du dome. J'ai ensuite traverse le Magenda- ran par une route qui ne peut etre connue aux voya- geurs europeens, passe le Guilan , et j'ai fait des notes sur cctte antique conlr^e, qui vous intercsseront sans doule. Comme j'ai I'espoir de voyager en Europe, je me reserve le plaisir de reraeltx'e moi-meme cctte carte a la Society. ( >';4 ) Je profile du dc^part de I'ambassadeur d'Angletcrre, M. Ellis, pour vous ^crire ; croyez, je vous prie, que je serai enchante de visiterla Soci6t6 de gi^ograpliie , et de connaitre les savants qui en font I'ornenienl. Que Dieu accorde tout ce qui peut favoriser vos de- sirs; le mien, messieurs, serait de m'cntrotenir avec vous. Exploration de la Guyane. — Extrait iritiie lettre de M. Leprieur. M. Leprieur, pharmacien de la marine, charge de la mission de rcconnailre le cours et les sources du Ma ram , dans la Guvane centrale, avail d^ja fait, en 1802, de veins elforls pour reussir dans sa difficile et perillouse entreprisc, Apr^^s un voyage de quinze mois, au milieu des forels viei'ges equinoxiales et de tous les accidents d'un pays magniiique, d'une nature riclie au- tant que sauvage, apres avoir couru les plus immenses dangers, et vu tomber malade tous les hommcs qui I'accompagnaienl, il avail 616 forc6 do revenir a Cayenne sans remplir sa mission. Loin d'etre decourag6 par I'insucct'S de son premier voyage, insucces dil ii des circonslances toul-i-fail etrangeres A sa volonte , eel inlrt^pide vovageur vient d'en entreprendre un second qui, mallieureuscment pour les sciences naturelles el la geographie, n'a pas eu une meilleure r^ussitc. Nous donnons ici I'extrait d'une lettre adrossde au docteur Monlagne, dans la- quelle sont raconl^s les derniers 6venemcnls qui I'ont arrele dans son exploration au moment oii , voguant ( 175 ) sur le beau fleuve Maroni, il se croyait certain du suc- oes le plus complet. « Pendant plusieurs mois de s^jour sur le Haiit- Oyapok, j'ai fait plusieurs tentatives infructueuses pour atteindre le haul du Maroni; j'en suis toujours revenu excede de fatigue, manquant de vivres et plus ou moins malade. Voyant que je me consumais en vains efforts pour francliir la ligne de partage des deux bassins, je me suis decide, non sans peine, a prendre la route que Ics Indiens suivaient autrefois; c'etait I'epoque des plus fortes pluies, et j'eus un mal infini a remonter le Camopi, et surtout a me rendre avec tous mes effets et mes malades de cette riviere sur les bords de VOrini, tributaire du Maroni. C'etait la que je me proposals de constiuire les canots dont j'avais besoin pour naviguer sur ce fleuve que je devais reconnaitre en le remontant jusqu'a ses sources. Arrive sur retablissement£'wfm//aH (tribu indigene), je laissai d'abord reposer mes gens pendant quelques jours, aprcs quoi je les mis tous a I'ouvrage; il s'agis- sait de preparer des provisions et de construire des ca- nots, et tout le monde avait de la besogne. Je pensais qu'il me faudrait peu de temps pour terminer ces pre- paratifs; mais quelques hommes tomb^s malades, quelques autres forces d'abandonner les travaux pour assuror noire nourriturc journaliere, furent cause que je ne pus etre pret a parlir que vers la fin de juin. Le 1 7 juillet 1 85G, je fis mon entree sur le Maroni, Lors- que j'eus alleint ce beau fleuve qui coule lentement a travers un pays superbe, je me crus sauve; je croyais que desormais aucun obstacle ne viendrail s'opposer au succes de nion ontreprise; mais quelle ^tait mon orrour ! ( •7^> ) » Ma course sur le Mamni ne fut pas longue. Arnv6 un peu au-dessous de I'emhoucliure dc la ri\lere Arawa, sur les Lords de laquellc je ine proposals de conchcr, jerencontrai des Degresmarroiis, ochappesde Surinam, qui me dirent qu'ils dtaienl venus sur ce point pour faire des provisions de gibier el de poisson. llsm'nccosterent avcc precaution et en arborant commc mol un pavilion blanc en signe de paix. lis ne deposerent au fond de lour canot les fusils dont ils etaient munis que quand ils \irent que je ne louchais pas aux miens. Ils vinrent me rejoindre sur un petit rocher nu , situe au milieu du fleuve; et la, apres avoir vainemcnl essayed de nous entendre dans les Idiomes africains que je connaissais, nous fumes assez heureux pour qu'ils comprissenl la languo des Indiens Rancougennes que parlait un des liommes'de celte nation qui m'accompagnait. iNous qultlames alors le point ou ils elaienl venus nous I'e- joindre, pour nous rendre sur un petit Hot ou ils 6taient etablis. A peine arrives a terre, ils me proposerent de nous lirer muluellement du sang, puis de le meler avec de I'eau que nous boirions en signe d'alliance. » Celte coutume, que je connaissais depuis long-lemps, est un engagement sacr6 de ne se faire aucun mal. Je n'li(isilai done pas a y conscnlir, d'aulanl plus qu'un refus de ma part aurait pu cntrainer Ks plus fa- cheuses consequences el me couler meme la vie. La nuil se passa Iranquillcmenl, mais sans sommeil, comme on le pense bien, les deux camps etant sur le qui vive et se surveillanl muluellement. Le lendemain ils m'engagercnl a venir a leur elablissement principal pour voir les chefs qui y etaient, et sans le bon vouloir dcsquels je ne pouvais remonter le Muroni, que leurs canols parcourenlconlinuellement; je m'y rcndis et j'y ( '77 ) fus bien recu et parfaitement Iraile. A peine les cere- monies de ma bienvenue furent-elles termin^es que je m'occupai d'acheter des vivres et des canots legers qu'ils font fort bien. » Press^ de conlinuer mon voyage, j'avais deja obtonu et paye huit guides qui devaient venir avcc moi jus- qu'aux sources du Maroni ci du Parae, quand soixante- dix hommes d'une Iribu aussi revoltee, qui commerce avec celle chez laquelle je me trouvais, vinrent deman'- der ma lete, furieux de ce que ces negres, qu'ils tenaient sous leur dependance, allaienl, par mon arrivee, se souslraire a leur joug et a leurs vexations. Je fus brave- ment defendu et mes botes reussirent a m'arracber de leurs mains; mais mes effets furent pilles, et je m'es-° time beureux d'en avoir 6te quitte a si bon marche. Pendant six jours entiers jo croyais voir le moment ou je serais force de me bruler la cervelle pour eviter de tomber vivant entre leurs mains. Dans I'^tat de d<^nue- ment complet ou j'^tais, prive de mes instruments, 11 ne m'elait plus possible de continuer ma route. J'ai done et6 force de retourner a Cayenne, d'ou je vous ecris ces lignes. » Lettre d'un niissionnaire americain eomnnmiquec par M. Warden. All quarlier-generat de Colorado, Rocky-Moiiliiiiis , on Montc'igncs locliensps, le ii juillet iS3fi. Nouslaissmneslecomle d'Oneida, EtatdeNcw York, le 1*' f^vrier dernier, voyageantpar terre jusqu'a Pitts- VII. MARS. 4* ^2 ( ^7^ ) l)urg, ;')o<) niillos clc distance, que nous altoignimcft k; I " mars. A Cincinnali, nous renconlrames le doctour "NMiitoman ct sa femme , du coml6 d'Ontario , Klat de New- York, et nous arrivamos Ic 7 avril a Lil»ei'ly (Elat dc Missouri) , ville la plus oecidentalo sur la riviere du meme nom , ou peu de jours apros nous fumos joints par le frere Gray d'Ctica (Etat de New-York). Dc Pills- burg a celte ville, distanle dc i5oo millcs, nous eumes un agreable voyage; quelques uns d'entre nous parti- rent de Liberty le 27 avril , et Ic rcste le i*"' mai , avec deux charrcllcs, 1 7 betes a cornes, 1 9 chevaux et mu- lets. Au camp de Leavenworlli, a do niilles de Liberty, nous entrames dans la grande prairie qui s'^lend jus- qu'al'ocean Pacifique vers I'Occident, et parcourt, nord ct sud, un espacede plusicurs millc millcs; depuis lors nous n'avons eu que la lerrc pour cbaises et pour table, et quelques couvcrlurcs pour lit. Avec la grace dc Dicu, ccpendant nous nous sommes passablcmcnl ])reserv(^s du froid el de riiumidilc. Lc 19 mai, nous allcignimesle village d'Otoc, a I'em- boucbure de la riviere Plate, a 3oo millcs dc distance du I'orl de Leavenworlli ; nous y Irouvames le reverend M. Merrill, missionnaircbaplisle, ctM.Casc, qui y sont elablis, el cbez Icsqucls nous fumes gdn^reusemenl rcQus })cndant que nous faisions expedier nos ba- gagcs. La Plate, commc son nom I'indiquc, est trds large ct peu profonde, clle a environ un millc de largeur; nous la Iraversames dans des canols de peaux. La compagnic americaine pom- les fouirurcs, sur la jiro- lection dc laqucUe nous comptions pour traverser Ics inonlagncs, avail dcja unc avance de cinq jours sur nous a leur deparl de Concil-Ulull"; Icurs l)etes de sommc ( >79 ) elaient en bon etal, tandis que les notros avaient deju fail 3oo milles de marclie forc6e; mais leur avance nous lut avantageuse, car ils faisaient des ponts et prepa- raient les routes. Nous atleignimcs la compagnie en quatre joui'S et demi ; nous passanies la Plate au nord, •et^e i5 juln, arrivames au fort AVilliams, au pied de dehlackhill (colline noire), a Coo milles de I'cmbou- cliui'e de la Plate. Apres avoir passe huit jours au fort, nous le quittames le 9 1 , et suivlmes le bord meridional de cette riviere la distance de i4o milles; nous la ti'a- versames encore au norJ jusqu'h Coloi*ado le 2 juillet. Les eaux de la Plate, Colorado, Colombia et celles de Yellow-Stone (pierre jaune), prennent leur souixe a peu de milles I'une de I'autre; les deux premieres s'entrejoignent jusqu'a la distance de 20 ou 5o milles. En quittant les eaux de I'A-tlanlique, nous trouvames celles de la mer Pacifique a 6 ou 7 milles sans traverser de montagncs. Du fort Willianis au pied des montagnes, notre route aete penible, mais rien en comparaison de ce qu'on peut attendre en passant les Rocky-Montains. Nous rencontrames souventdes collines en cotoyant le bord des rivieres ou en passant d'une riviere A une autre; mais il nous sendjlait que nous descendions autant que nous montions, jusqu'au 1" et 2 juillet, que nous aper- ^limes dela neigequi nous convainquit que nous etions trfes eleves. Depuis le 1 1 juillet nous n'avons pas cesse d'en voir sur le sommct des montagnes. Nous avons I'eussi a voyager aussi loin encharrettes,et nous espe- rons venir a bout de les conduire jusqu'a notre desti- nation. Du fort Willams, la route passe a Iravers des prai- ries bien fournics d'hcrbages dont nous avions peu 12. ( I'So ) lrouv6 dcpuis noire depart du lorl. Nos heles avaienl beaucoup soulTcrl, el elaienl Ires maigres. Depuis plusleurs jours , avant d'arriver au fort , nous n'avions apercu aucun vestige de bois. Nous enaplojaines pour noire feu de la fiente de buffle , qui fail un feu tres chaud quand elle est seiche, et depuis le i" de juin, nousn'avons au d'autre nourrilure que la chair de eel animal. A quelques jours de distance de cette place , on ne Irouve plus iii buiTle ni gibier; pour rem^dier k cet inconvenient, nous avons fait secher de la viande pour le voyage. L'eau de ce coti^ des montagnes est bien nieilleure que celle (.\o I'osl, et la plus pure que j'aie jamais buc. La compagnie a laquelle nous nous joignlmes con- sislait en 90 honimes , 560 betes, des mules pour la pluparl, et pesannnent cbargees. Nous trou\amcs dans CO camp environ 5oo personnes , el trois fois aulanl d'animaux employes par la compagnie des fourrures , et prfes de 2,000 Indiens, Snackes, Bonnales, Flat- heads et NezPerces, le capitaine Steward, riche An- glais, el M. Seileim ; un AUemand voytigeant pour son plaisir et faire des d^couvcrtes. L'ordro du camp etait ainsi : se lever a trois heures et demie du matin, et rassembler les b6tes; se mettre on marcbe a six, se rcposer a onze ; repartir a unc heuro ; camper a six, et laisser paitre nos animaux jusqu'a buit heures. INous avons recu le plus aimable accueil de la compagnie. Nous arrivames au quartier-gen^ral le G juillot , a seize jours de marcbe du fort Green. Nous parlirons dans quatre ou cinq jours pour le fort Wallawalla sur la Colombia , ou nous esperons arriver le i*" sop- I ( iSi ) tenlbrc. Nous accompagnerons les Noz Perces, ou nous suivrons le camp du capilaine Mac Leod, un coramercant anglais pour les fourrures. D'apres les informalions des Indians et des blancs, nous nous fixerons probablement a la distance .de deux jours a Test de Wallawalia , village le plus pres des Nez. Perces. A Wallawalia (i), nous apprimes qu'il nous serait iacile de nous procurer tout ce qui est n^cessaire a la vie, une grande quantite de grains et de bestiaux s'y Irouvant. A Vancouver, a cinq jours de distance de Wallawalia, en descendant la riviere, et dix en la remontant, se trouve un grand 6tablissement, un moulin etplusieurs ateliers; ils possedent G a 700 betes a comes, et re- collent plusieurs mille boisseaux do grains par an. Nos fr-feres les m^lbodistes sont beureusement eta- blis a Lees pres Vancouver. Nous sommes maintenant parvenus a la distance de 32,000 milles , il nous en reste encore 700 a faire. Deux jours avant d'arriver au camp, 12 ou i5 Nez Perces vinrent au-devant de nous, et nous rcourent cordiale- ment. A la nuit, nous eumes une conversation avcc eux. Nous leur dimes que nous avions laisse nos amis, notre patrie, et fait plusieurs centaines de milles pour vivre avec eux, leur enseigner le bicn, leur apprendre a connaitre Dieu , et a vivre comme les blancs. Nous parlions quatre langues : I'anglais, I'iroquois , le fla- thead et le nez perc6. Ils nous repondirent qu'ils etaient heureux de nous voir; qu'ils savaient mainte- (1) Wallawalia^ arflucnt de la Culoniliia, qui s'y jt'Uf iiu desboiis df celui de Lewis. ( i82 ) nant que Ic clocleurNMielman disail la virile, puisqu'il (ilait vcnu commc il I'avait promis. En approchant du camp , Ics Nez Percys s'avance- I'enl en grand nombre. ISous siinics qu'ils avaicnt le- moigne bcaucoup de joie en apprcnant notre arrivec. lis venaient par cenlaincs nous lelicilcr, cntouraicnt nos ienimcs , qui elaient Ics premieres qu'ils cussenl vugs; quelques uncs dcs leurs les saluaicnl par un Jjaiscr; ils admiraienl beaucoup nos animaux domcs- liques. Nous cuines une autre conversation avcc les In- diens. Ils nous dirent qu'ils etaient accouruspour nous conduire dans Icui'pays, ct remercier Dieu de nous avoir vus. L'n des chefs vint nous rendre visitc, et nous fit present d'un beau cheval. II nous appril que Ic lieu choisi par M. Parker ne nous convenait pas, n'y ayant pas de bois ; mais qu'a deux jours de marche, a Test, il s'cn Irouvail une grando quanlile, et pcu de neige. Les Indiens se donnenl beaucoup de peine pour nous enscigner Icur langue; quelques uns parlent asscz bicn I'anglais. ('.'est une race vraimenl Int^rcs- sante. Ils obscrvent le dimanche. Les peuplades du nord les appellent Indiens Chretiens. Le 16 juillet, nous nous sommes etablis conforta- blcment au camp do MM. Mac Leod et Mac Cox , qui pi'omctlcnt de nous fournir loutes sorles de graines , de huils, d'ustensiles araloires, de vetements, etc., a Wallawalla ou a Vancouver, a un prix Ires mo- dero. ( i«3 ) ExTRAiT d'une Notice sur le Texas, puhliee an Mexiquc en i835, par (Ion Juan Almonte, ct tradnite par M. le co lonel AivioRos. Lc Texas est situ6 entre le 17' et le 25" degre de lon- gitude a I'ouest de Washington. II est borne au N. par le territoire d'Arkansas, il'E. par I'^tat de laLouisianc, au IM. par lc golfe du Mexique et I'etat de Tamaulipas, a rO. par I'^tat de Coahuila et le territoire du Nouveau- Mexique. Lors de I'ind^pendanee du Mexique, le Texas rcsta sous le gouvernement d'lturbide : plusieurs autres gou- verneurs sc succederent, et lc dernier fut lc colonel Tres-Palacios. Quand la nation mexicaine se fut con- stituee en gouvei'nement federal, lc Texas fut reuni a Coahuila, el Ton forma de ces deux provinces cc que Ton connalt aujourd'hui sous le noni d'etat de Coahuila cl Texas. Cette derniere province renfcrme Irois depar- temcnts, ccux de Bejar, de Brazos et de Nacogdoches. Pr6s de la nier le terrain est uni; il est accidente vers le milieu, et il esttr^smonlagneux au-dela. Les ri- vieres qui I'arrosent se rendent au golfe du Mexique, et lesprincipales sont ; la Sabine, le Natchfes, la Trini- dad, lc Brazos, lc Colorado et le Guadalupe. Les pro- ductions les plus importantes sont le bids, la cannc a Sucre, I'olivicr, la vigne, la pomnic dc terre, le coton, le tabac, le mais; on exporte des bois, dcs peaux, des viandcs salecs. Les mines d'argent, dc cuivre, de fer et de plorab. que Ton trouve au nord, ne sont pas encore exploitees. ( '84 ) Le deparlement de Bejar a dix mille lieues carrecs; son chef-lieu est San-Antonio de Bejar : on y trouvc Irois aulrcs villos princijKiles : Goliad, Vicloria et San Palrizio. San-Aiilonioestsilu6 ^48 lieues delacoie : lemeilleur port est celui de Copano, ou Ton pourrait recevoir cent batiments; on trouve sur la barre de son entree i5 a 18 pleds d'eau. Deux autres petils pcu'ts, celui de Cor- pus-Christi et Sabinito peuvcnt recevoir des navires qui ne tirent que six pieds d'eau. L'etendue du departement de Los Brazos est de 5,4oo lieues carrees; le chef-lieu est San-Philippe d'Austin : les autres principaux lieux sont Matagorda, Gonzalez , Harisburgo , Brazoria , Columbia , Mina et Velazco. San-Philippe, fond6 en 1824, est sur la rive gauche du Brazos; le cliniat en estfroid et Ton y respire un air sain. Matagorda estbatie pres de rcnibouchure du Co- lorado; sa population ot son commerce augmentent journellemenl : les cotons et les pelleterics foi'incnt les principaux articles de ses cxportations. Ce departement a deux autres ports, celui de Brazoria et celui de Gal- veston, qui est le mieux situ6 et le moins dloigne de la Nouvelle-Orl^ans. Les deux principales rivieres de cet arrondissement sont navigables, celle de Los Brazos jusqu'A 3oo milles de son embouchure, et celle de Colorado jusqu'a i5o milles. Le departement de Nacogdoches est plus rapproch^ ( >85 ) de la Sabine ; sa surface est de 5, 600 lieuGS carries, le chef-lieu porte le meme nom. Les autres villes sont San- Agostin, Libertad, Jolinsburg, Anahuac, Bevilla, Teran et Tanaba. Pres des trois quarts du territoire de ce departement appartlennent a une compagnie de New-York, qui les a achetes du gouvernement de Coahuila et Texas : on les connait sousle nom de terres de la compagnie de la baie de Galveston. Cette concession a attire dans le pays un grand nombre d'emigrants des fitals-Unis, et cette nouvelle population devient chaque jour plus nom- breuse que I'ancienne. En 1834, la population des trois d^parlements du Texas etait r^partie entre eux de la mani^re suivante : POPOLATION BLANCHE. Bcjar 4.000 Bi'iizos 8,000 Narogloclics. . 9,000 2 1, ODD IRDIENS. TOTAL. g.900 15,900 900 8,900 4,5oo i5,5oo i5,3oo 56,5oo ExTRAiTS du Liberia herald, communiques par M. Warden. Le 22 mars, I'agenl de la colonic de Liberia ayant appris qu'une ville appartenant a la tribu de Dey avait 6t6 saccagee et brulee, et les habitans falls prisonniers, expedia-unmessagerpour demander une entrevue aux ( >86 ) commandants des vainqueurs. Lc 24 , Ic mcssager i^evint avec Snamhy , accompagnc d'unc escorle dc 4o hommes bicu arnnis. Ce dernier, premier chef du ro'i Boson , ct Mandingo denaissancc, csl d'une grande laillc , blen fait, et agd d'cnviron Irente-cinq ans. Son habillement consislait en unc espece dc chausses des- cendant jusqu'aux genoux, une tunique qui laissait les bras decouverts, et un bonnet dc peau dc leopard; il portait d'une main unc lance , de I'autrc une queue de cheval, surmontee d'une petite sonnelte; il se ser- vait de cette queue pour communiquer ses ordres. II declara que le pillage etait lc but principal de la guerre. L'agent de la colonic , profilanl de I'avis du consul, nomma MM. James BroNvnet Charles Snetter, commissaires,pour accompagncrSnamby a Boson, lui offrir un present, exprimer ses regrets sur lc Irisle etat du pays , el faire connaitre les avantagcs de la paix pour tous les partis. Dans le pays de Gallenas, Amumh, chef intelligent, ambitieux et puissant par ses propres ressources et ses nombreux csclaves, s'est maintenu pendant deux ans contre le roi Sharkar et ses forces combin^es. 11 y a environ un an qu'il fut joint par son beau-fds , un des chefs des iles Scherbro. Ces deux hommes ont vaincu les troupes de Sharkar, et sept ou huit cents Mandingoes qui s'y etaient r«^unis. On dit qu'Amurah s'est rendu maitre des avant-postcs, et qu'il a porlii ses armes jusqu'a la capitale de Renderraah. Lc 12 avril , le brick Lima arriva dans la rade de Liberia ayant a Jiord 82 einigr6s des Etals-Unis, qui ( '8? ) doivent se fixer sur la cote , dans unc ville nommoe Marshall, en I'lionnour de feu Marshall, ci-devanl premiei' juge des Etats-Unis. Commerce des esclaves. Sur une elendae d'une centalne de milles , a partir de Bassa-Cove , district de Monrovia, il ya dans ce moment quatre comptoirs pour la traitc des negres, dont I'un n'est qu'a i8 milles de cet t^tablissement. La colonic en ressent les r^sultals d'une manierc cruelle , car le prix du riz est tellemcnt augments qu'il est impossible de s'en procurer. Ces trafiquants en chair humaine ont donneun mousquet pour 4 croos de ce grain , dont le prix est de G dollars. La Soclete de colonisation de New- York a adresse un Memolre au gouvernement des Etals - Unis pour I'engager a prot^ger les colonies amerlcaines sur les cotes d'Alrique au moyen de Latiments armcs qui croiseront dans ces parages, et mettront fm a I'o- dieux trafic de la traite des Noirs. D'apres le Liberia herald du i5 avril i856, M. Davis, revcnant d'une excursion dans I'lnterieur du pays, rapporte qu'il y a un volcan en activite dans une direc- tion EstdeBo-Poroh, mais a une grande distance au-de- la ; il jetle continuellcment de la fum^e et des flammes. ( -ss ) TROISIIilME SECTION. ACTES UK LA SOClliTK. PROCtlS-VEKBAUX DES STANCES. Seance (In 3 mars 1837. Le proc6s-vcrbal de la derniorc seance est lu cl adopte. La Sociele asiatique de Calcutta adresse4a i""partie du tome XX de ses Asiatic Researches. M. J. Van-Wyk-Roeland/son , mcmbre dc la Soci^te , a Campen, lui annonce qu'aprfes de nombreuses re- clierclies, il vient enfin de retrouverle journal aulo- graphe de Roggeveen, dans Ics archives de rancienne Compagnie des Indes-Occidenlales. M. Van-Wyk s'em- presscra d'offrir ala Soci6t(!; uno traduction fran^aise de ce pr^cicux manuscrit , dont la Societe zelandaise des arts et des sciences prepare en ce moment la publi- cation. M. le baron d'Hombres (Firmas) , membre de la Soci^t^, correspondant de I'lnstitut, adresse unc no- tice surla riviere de C6ze et surlacataracle de Sauladet, et il ofTrc a la commission centralc do concourir a la for- mation de son mus6e , en lui envoyant Ics doubles de la collection geologique qu'il a formeo. La commission ( 'So ) acceple avec reconnaissance rolTrc de M. le liaron (I'lloml^res, ct elle lui vote des remerciements. M. de la Pylaie annonce qu'il va interromprc ses reclierches, en France, sur rarcheologiegc^ographique, pour visiter Icspossessions francaisos de la cote septen- trionale d'Afrique, el il temoigne le desir de recevoir quclques instructions de la Socielt^. MM. Walkenaer , Jomardetd'Avezac, sont pries de preparer uneserie de questions pour co voyageui\ M. Jomard annonce le retour de M. Lefebvre , inge- nieur civil, qui vient d'accomplir plusieurs excursions geogiaphtques et mineralogiques dansles deserts com- pris entre le Nil et la raer Rouge, entre les paralleles de Soueys et de Cosseyr. II a constate I'existence d'un immense depot d'albatre oriental nouvellement decou- vert ct mainlenant exploite par ordre du gouver- vernement 6gyptien. (lette carri^re n'cst situee qu'a 7 lieues de Beny-Soueyf et a sa hauteur. Elle poiie les traces d'une ancienne exploitation, mals cette position est distinctede celle d'Alabastron-Folis comme dans la geographic ancienne. M. Lefebvre a visite le Mont-Sinai dans le plus grand detail, et il a fait de nombreux relevements a la boussole. Le meme membre annonce I'arriv^e de M. Duljois, qui a parcouru pendant sept ans le Caucase, I'Armenie et la cote des Abazes, et qui est recommand6 particu- lierement par M. de Humboldt, dans une lettre du 9 Janvier dei'nier, comme un homme plein de courage et d'habilete. M. Dubois a fait un tres grand nombre d'observations, de relevements et de dessins des an- ciens edifices, en outre de ses observations g^ologiques. M. Eyries fait observer que les Annales des voyages do ( »9o ) I'an dernier renformcnt deux mchnoiros dc M. Dubois sur scs voyap;es en Arm6nie. M. ^^alckcnaor annoncc lo rclour on France do M. Texier, apres un voyage de plusieurs annees dans divcrses conlrees dc I'Orient. Le meme membre annoncc que la liibliotheque Royale vient de faire I'acquisilion d'un manuscril pre- cicux des jictits geograpbos grecs. M. de Santarem continue la lecture de son memoire sur les voyages d'Americ Vcspuce. Celte lecture donne lieu a diverses observations de M. Walckenaer ; dies ont pour but de justificr Amcric Vespuce de quelques imputations qui lui ont cle failcs, et d'indiquer a M. de Santarem plusieurs documents autbentiques et reccmment publics qu'il lui serail peut-ctrc utile de consultcr pour modifier quelques parties dc son travail et pour le completer. Le tome V du Recueil des memoires est depose sur le bureau , et MM. les membrcs de la Society sont invites a faire retirer leur exemplaire. Seance (111 17 inars 1807. Le pieces- verbal de la dcrniere seance est lu et adopte. M. le comte dc Montalivet, intendant-gcniral de la lisle civile , annoncc a M. le president que le Roi vient de I'autoriser a mctlre i la disposition dc la Society une somme de 1,000 francs, a titre d'encouragement, pour I'anncc 1857. La Commission centrale apprend avec une vive reconnaissance ce nouveau tcmoignagc de la bienveillanle protection de Sa Majesty. M. Joraardcntrclicntrassembl(icau sujct d'unancien ( '9. ) alias hydrographiquc porlugais , provenant de la bi- Ijliolhcqiie de Rosny. Cel alias , composed de vingt cartes manuscrites, dale du xvi* siecle , el csl de la plus belle execulion. Cinq cartes sont consacrees h I'Asie, six a I'Afrique ct hint a I'Amerique. II en sera rendu un comple plus detaille. M. Eyries, au nom d'une commission spdjciale, pr6- sente un resume de son rapport sur le concours relalif au prix annuel pour la decouverle la plus importante en g(!!ograpliie , faile dans le cours de I'annee i834- D'apres les conclusions de la Commission , ce prix sera d^cerne a M. le capitaine Back pour son dernier voyage dans les regions arctiques. M. Albert Montemont lit une notice sur les moeurs des Tudas. M. le vicointe de Sanlarem lit la suite de ses obser- vations sur Americ Vespucc. La Commission centralc fixe le jour de I'assemblee gen^rale au 7 avril prochain , et decide qu'il y aura une seance particuliere le 3i mars, pour prendre con- naissance des diverses communications qui devront «Hre Taites a I'assemblee generale. MEMBRE ADMIS DANS LA SOCliiTi : Seance du 17 uiars. M. le baron de Geblar Ytheu. OtVRAGES OFFERTS A LA SOClixi, Seances des 0 et ij mars. Par la Societc asiatique de Calcutta : Asiatic Resear- ches, 20" vol., i" partie. — Pa?- M. L. Cortamhert : ( '92 ) Voyago r.u pays dos Osages. Un lour en Sioilo ; i vol. 'ixi-^o. — Par M. Gabriel 1 afond : Guide de I'assureur et de I'assur^ en maliere d'assurances maritimes, etc. , 1 vol. in-S". — ParM. FertMe/-5^o«//(f//^/i ; Report olgeo- logical reconnoissanco made , in )855, by the ^vay of greenbay and the Wisconsin territory, to thecoteau de prairie, an elevated ridge dividing the Missouri from the St. -Peter's river, by G.-W. Featherstonhaugh. Printed by order of the senate, i vol. in-8 " avec carles. — Par M. Daussy: Table des positions gcographiqucs desprin- cipaux lieux du globe, un vol. in-B". — Surl'influence de la pression atmospherique sur Ic niveau moyen de la mer , i broch. in-8o. — Par M. Riezi : Descrip- tion de rOct^anie , ^o'^ a 58"^ livraison. — Par M. Eu- gene A. Vail : R^ponse a quelques imputations contre les Ltals-Unis , enonct^es dans des Merits et journaux recents , i brocli. in-8o. — Par les anteurs et cditenrs : plnsieurs num(^i'os des Nouvellcs Annales des Voya- ges , des Annales Maritimes , du Journal de la Marine , du Memorial Encyclopedique , du Voyage Pilloresque en Asie, du Recueil Induslricl, du Bulletin de la Soci6l6 filimentaire , du Journal des Missions Evang^liqucs, des Annales de la Propagation de la Foi , du Journal de la Litt(5rature Francaise , et de rinstitut. BULLETIN DE L\ f f SOCIETE DE GEOGRAPHIE AVRIL 1807. PREMIERE SECTION, MlfiMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET HAPPORTS. ASSEMBLEE G^NERALE do 7 .iviil 1 8 36. Rapport sur le Concows an prix annuel pour la decoii- i'ertc la plus importante en geographic , lu dans V As- semhlee generale de la Societe, le 7 ai'/-il 1 856 , au noni d'une Commission speciale , composee de MM. Daussy. JoMARD, LARENAUDiliRE, Walckenaer , ct EyriIjs, rap- porteur. Messieurs, Tons les ans, vous faites examiner par une commis- sion speciale si, parxiii les voyages cfleclues ou aclievys dans une p*^riode tletermineo , il en est quelqu'un au- quel puisse etre deccrnee la medaille que vous accor- VH. AVRIL. i5 ( '94 ) dcz a la ddcouvcrle la plus iniporlanle on p(^ograplne. Cellc ann(^e, la commission, compos6c^cle MM. Daussy, Joraard , Larenaudi^re, Walckcnaer ct mol , apr6s avoir pris connaissance des travaux de tous les voya- geurs en i854, a decide, a runanimil6, que lo prix avait 6te m6ril6 par M. Back, capitaine de vaisscau do la marine royale de la Grande-Bretagno. On sait que le projet de voyage de M. Back ful sug- g6r6 par une pensee toute d'humanile. Au commen- cement de I'annee i832 , I'absence prolongec du capi- taine Ross, parti en 1829 pour explorer les parages de lamer polaire, au nord de I'Amerique, etdonlon n'a- vait regu aucune nouvelle, causait de vives inquietudes. Vne souscription , ouverte pour une expedition desti- n6e a allcr a sa recherche, produisitune sommc suffi- sante. Le commandemonl en fut donne a M. Back, qui avait pris une part distinguee aux decouvcrtos du capi- taine Franklin, faites de 1819 a 182a et de 1820 a 1827. M. Back devait gagner par terre les parages de la mer polaire. II partitde Liverpool le 17 f6vrieri835, accompagne deM. Ring, chirurgien, et de troismatelots. Dc'squ'ileut louche le continent americain, a New-York, ou il fut re^u de la maniire la plus amicale, il se hata d'axriver au Canada. II 6tait le 9 avril a Montreal. Les agents de la corapagnie de la baie d'lludson seconderentles prci- paralifs de son voyage; un nombre convenable de cos chasseurs canadiens, connus sous le nom francais do voyngeitrs, suivit M. Back. II atteignit, le 8 aout, le grand lac de rEsclavc, et cntra dansle fort Resolution, postc de la compagnic. D'apris des renscignements rccueillis de la bouchc des Indicns, M. Back s'em- pressa de profiler du rcsle do la belle saison pour aller ( '95 ) h la decouvcrle du Thloui-tcho-dcseth, fleuve dont le cours, selon leslndiens, sedirigeait au nord. D^s le 1 1 , il s'embarqua dans un canot avec quelques hommes pour explorer la partie de la cote septentrionale du lac, qui etait encore inconnue ; le 18, en naviguant de Test a I'ouest, il d^couvrit rembouchure d'une riviere, dont le lit est escarp^ et rocailleux ; elle fut nommee Hoar- frost river (riviere du Givre). Elle est tellement coupee par des cascades et des rapides, qu'il fallait tres sou- vent transporter par terre le bagage, les vivres et le ca- not; les rocbers de cbaque live s'elevaient frdquem- ment a une iiauteur de 2,000 pieds depuis leur base. Cependant, ilgelait pendant la nuit, la riviere devenait de plus en plus fougueuse etmaiaisee; elle aboutit au lac Walmsley, dont le niveau est a 1 ,400 pieds au-dessus de celui du lac de I'Esclave. Le 22 aout, M. Back mar- cha vers Test, a travers un pays plus ouvert, le long d'une suite de petits lacs, et parvint aux bords de I'Ali- el-dessih, autre riviere, coolant comme la precedonte du nord au sud. II la remonta, elle le conduisit dans le lac de I'Arlillerie, puis dans le Clinton-Golden, et, en- fin, dans I'Aylmer; lacs d'une vaslc elendue, parsemes d'iles nonibreuses, ctbordes de coteaux qui s'abaissent insensiblement jusqu'au bord de I'eau ; les grands ar- bres ont disparu depuis les 05° i5' de latitude; on ne voit que des pins chetils , qui n'ont plus que dix-buit pouces de haul. M. Back d^barqua sur la cote septentrionale de I'Ayl- mer; des groupes de coteaux sablonneux se prolon- geaient de diffei-ents cotes, quelques uns atteignaient a Coo pieds; ils ^taient coupes par do nombreuses ravi- nes , et leur inclinaison etait tournee vers le nord- ouest. Ce dos do pays marque la separation cutre les i5. ( »9prochocs de lours calouls , ( :.o5 ) qu'ils osent se flatter que les positions indiqueos stir leur carte sont passablemcnt exactes. Ces voyagcurs ne purent, commo ils I'avaieiil pro- jete, allor par terre a Mayro; ils ne s'embarqutrent qu'a Casali sur le Guallaga, et de la, tanlot par eau , tantot par terre, ils parvinrent aux rives de I'Hcayale , qu'ils descendirent conformement a lour dessein pri- mitif. La relation de MM. Smith et Lowe contient beau- coup de particularites intdressantes sur les contrives qu'ils ont parcourucs. On est surpris qu'ils aicnt oniis de dire qu'avant eux M. Maw, 6galemcnt oflicier de la marine britannique , avait fait, en 1827, un voyage du Percu a I'ocean Atlanlique , par les livifercs qui con- tribuent a grossir I'Amazonc ; il n'avait pas suivi cn- li^rement la mcme route qu'ils ont tenue. Le pferc Sobrevicla , missionnaire , avait long-temps auparavant cxplort!; la region traversee par le cours superieur du Guallaga et de I'Ucayal^. En 1791 , la So- ci^te des amis de la patric fit paraitre a Lima la carte de la contr^e visltee par ce rcligicux. En portant nos regards sur la partie australo de I'Afrique, nous voyons que deux expc^ditions ont ajoute de nouvcaux faits a ceux que nous connaissons. Une Societe s'est organisee dans la ville du cap de Bonne-Esperance pour faire des d^couvertes dans les pays qui s'etendent au nord des frontieres de la colo- nic. En 1854, cette association docida qu'une cnlre- prise serait lent(^e de ce cote. La direction en fut confiee a M. Andre Smith, docleur-medecin; il etait accompagne d'un nombre considerable de pcrsonnos qui devaient I'aider dans ses Iravaux. Graaf-Fieynol , bourgade a i56 lieues a rost-nord-csl do la villo du ( 20G ) Cap, fut d^signd pour le point do reunion dc la ca- ravane; on en parlit le 12 d'aoOt, les cantons que Ton Iraversa sont fr^quoinment arides. On etait le 28 aux 6tablisscmonls fondes par des mis- sionnairesclioz diffe^renls pcuples indigenes. M. Smith voulut d'abord visiter le canton ou sont les sources du Caledon , riviere qui vient du nord-est et m6le ses caux a ccUe du fleuve Orange. II eut occasion de s'arrOter a Verhucl, station de missionnaires franeais ou reside M. Pelissicr. Le rt^sultat des informations que M. Smith \ recueillit lui prouva que le sort des Airicains reunis sous la direction des missionnaires 6tait infmimcnt plus heureux qu'il ne I'avait ete autrefois. Le 8 novembre, M. Smith 6tait pres des sources du Caledon; il ne tarda pas a les examiner, ensuite il che- mina vers I'ouest, et fit des excursions vers le nord pour constater la possibilitf^ de penetrer dans le Kala- hari, dtisert situi de ce c6t6. En voyageant ainsi il at- teignit, le 1 7 novembre, lari^sidence de M. Lemue, autre missionnairc francais. Le grand objet de M. Smith etait de se concilicr I'a- mitie d'Omsiligas, chef puissant qui commande aux Malabiliet ad'autrespeuples. Un missionnairc, M. Mof- fat, qui I'avait rejoint, lui fut d'un grand secours dans cette circonstance. La contrec que les voyageurs virent ensuite en mar- chant au nord est naturellemenl fertile ; elle reste in- culte parcc que les sujots d'Omsiligas craignent dc la cultiver ou d'y mcncr paltre leius troupoaux, exposes qu'ils seraiont aux attaques de Dingan, autre chef qui reside plus a Test. On traversa I'Ouri, Ic pays est ste- rile ; on sc trouva pres du point le plus elev6 des monts Caelum etdes sources de I'Ampehan : des collines iso- ( 207 ) lees et des chaincs de monlagncs d'unc elevation me- diocre et s6par^es I'line de I'autre par de vastos pluines se prolongent au nord-est et a Test, seuls points vers lesquels la vue puisse se porter ; on n'apercevait que pcu de bois ; il croissait au pied des montagnes. Vers la fm de juillet, on atteignitles bords du Mai- koua, que Ton suivit jusqu'a son confluent avec I'Ouri; il prend alors le nom de Limpopo. Quand M. Smith fut arrive sous le paralUle des 24° 3o' de latitude australe , il reconnut qu'il 6tait sur la limite septentrionale du territoire des Matabili. Au-dela, le pays lui parut faiblement peuple ; bcaucoup d'lia- bitants soufl'raient de la faim. On recut d'eux plusieurs renseignements remarquables; ils dirent qu'a une grande distance au nord il y avait un vaste lac, et qu'au- dela vivaient des tribus de Hottentots et de Corannas, obc^issant a des chefs de leur propre nation. Ilsparlerent aussi des monts Baka, qui sont du memo c6t6 ; ce n'est que dans la saison des pluies qu'il est possible de voyager dans le pays qui les avoisine. M. Smith souhaitait vivement d'avancer : a son chagrin extreme, il fut convaincu que sesboeufs etaicnt (^puises de fatigue , et que loute tentative d'aller plus loin se- rait imprudenle; il fut done oblig^ de songcr aux moyens de retourner au Cap. Cependant avant de re- brousser chemin , ilfit une petite excursion qui le con- duisit a vme certaine distance au-dela du tropique du capricorne. Dii haut d'un des plus grands arbres il put distinguer facilement le sommet des monls Baka direc- tement au nord : une plaine a peu pres unie et cou- verte de brousailles touITues s'etendait de tous les au- tres cotes jusqu'aux bornes de I'liorizon, Suivant le rapport des indigenes, le pays au-dela, notamment a ( 'ioS ) Test cl au iiortl-est, presenlc frequcmmcnt Ic memo aspect. De retour au Cap, M. Smith recut de justesremcr- chnents dc I'associalion qui I'avait investi de sa con- fiance; elle d^cida de plus que la seule maniere con- tenable de lui prouver sa reconnaissance ctait de Ic prier do diriger la nouvelle expedition qui sei'ait entre- prise. Les niissionnaires francais elablis dans I'Afrique aus- trale, et que M. Smith vit dans son voyage , ont visits une partie des memes pays qu'il parcourut; ils y ont fait des decouvertes imporlantcs. Au mois de Janvier i856, il fut r^solu, dans une conference tonue a la station de Bethulie, (ju'un voyage d'exploration serait entrcpris au nord du pays des Bassoutos pour recon- naitrela contr6e qui s'etend de chez ceux-ci aux rives du Fal, I'iviere qui est le prolongement du Namagari. En consequence, M. Arbousot ct M. Daumas parti- rent de Morija, poste dans les montagnes du pays des Mantetis; ils passerent par trois etablissements demis- sionnaires visleyens , et celui de Merabing, le plus sep- tentrional, fiitle point d'oii ils dirigfei-ent leurs explora tions dans les terrasses inferieures des Maloutis ou montagnes bleues. Apr6s unesemaine ainsipass^e, ils se separerent; la plus grande partie de leur petite troupe revint a Merabing, el I'un d'eux, accompagne d'un guide sculemcnl, poussa jusqu'au haul des Malou- tis en remontanlle long des rives du Caledon.Danscelle excursion, le voyageur rencontra deux pcu])lades de cannibales. 11 arriva au point culminant situe a I'ex- tremit6 nord-est des Maloutis, et le nomma Mont mix Sources. C est un nneud de montagnes qui merile celte * d(^nomination , car dc ses flancs, coramc dun im- ( 909 ) niense r^sonolr, s'(^chai>penl an sucl le Sinkou (rivitrd noire) ou fleuve Orange, qui traverse le continent africain jusqu'a I'Ocean atlantiqiie; a Test, le Letouh"! et le Monomou, qui coulent vers la mer des Indes ; au nord, le Namagari, qui parcourt pres de 200 lieues avant de joindre le fleuve Orange; enfin, le Cal^don , qui coule parallfjlement a ce dernier dont il est un af- fluent. Apr^s s'etre reunis a Merabing, les niissionnaires re prirent, avec leurs fourgons, la direction dn nord. lis virent successivement les territoii^es des Mantetis et des Lighoyas. Au bout de quelques jours, ayant perdu de vue la chaine imposante des Maloutis, leur chariot roula pendant huit jours sur un pays plus uniforme et silencieux, qui oflVe le triste spectacle des dt^vastations de la guerre. lis parvinrent au confluent du Namagari ct du Lexoua, d'ou ils apercevaient , dii^ectement au nord, les monts Francais, petite chaine situ6e dans les 6tats d'Omsiligas. Alorsils changerent de route, et tour- nerent au sud-ouest a travers le pays des Lighoyas, auxquels ils annonc^rent la parole de Dieu. Ces sauva- gesleur fuent un accueil amical, malgre la crainte que leur inspirait d'abord I'aspect d'hommes si differents de tous ceux qui les entourent. Enfin, les niissionnaires rentrerent sous leur paisible toit de Morija. La carte de leur voyage, qui a dur6 deux mois et demi, montre le pays compris entre 3r et 56 degres de latitude australe, et entre 26 et 00 degres de longitude a Test de Paris. On y voit que les Maloutis, formant le point departage des eaux entre les deux oceans, serap- prochent extremement de la cote orientale de TAlrique, nc laissant entre leur sommetetle littoral, qu'un espace d'une dizaine de lieues dans sa partie la plus elroite. _ VII. AVRIL. 2. i4 ib ( 210 ) SinguUer point dc resscmblance avec la position des Andes dans TAmc^Miquc ni^ridionale ! excepts que la, c'est dans rouest que les montagnes so prolongent si pr^s de la cote. Les deux voyageurs annoncent a la Soci^te des mis- sions 6vangeliques de Paris, qu'ils lui enverront leur journal aussitot qu'il sera redigd; ilsl'accompagneront de portraits de sauvages et d'autres dessins. Leur atten- tion s'est portee sur le cliraat, la temperalui'e, I'aspect du pays, les moeurs des indigenes, leurs dilTc^rentes ra- ces et leurs idiomes , ce qui fait esperer une ample moissond'excellentsrenseignements. Plusieursdesmis- sionnaires francais, dans TAfrique australe, poss^dent des connaissances pliilologiques 6tenducs ; ils se sent occupes des moyens de former un systeme grammati- cal, et de reunir dans un vocabulaire les mots de la langue des peuples qu'ils instruisent. Dc quelle impor- tance ne sera done pas Ic llvre que publiera la Sociele des missions 6vang(^liques de Paris , d'apres les male- riaux que lui auiont fournis scs freres , travaillant en Afrique a converlir des peuplades sauvages a la foi chr(itienne el a la civilisation. Mais a I'int^ret general que doit nalurellement exci- ter ce livre, se joindra, pour nous Francais, celui de le voir 6crit dans notre langue ; ce sera le premier quo des voyageurs , nos compatriotes , auront donnd sur cette partie interieure de I'Afrique, el qui sera enliere- ment le rdsultat dc leurs observations et dc leurs tra- vaux. Ccs jeunes Frangais ont ete formes a Paris pour la belle carriere qu'ils parcourent avec tant de z.6le et de d^vouemcnt. Onnepeul que les feliciter dc ce qu'ils ont deja fait pour la geograplxie, et voire soci6t6, dont ie but est de concourir, suivant ses moyens , aux pro- ( 211 ) gres de cetle science, verra qu'llsontajoulcalasomme de nos connaissances sur rAfrique aiistrale; elle esp6re que la Providence, qui veille sur eux au milieu des pays barbares ou ils se sontvolontairementexilesparle plus noble et le plus louable desmolifs, les prot6gera dans les nouvelles entreprises qu'ils formeront. Dans une autre pai'tie du monde, a I'une des extre- mit^s orientales de I'Asie, une sainte ardeur poussait un missionnaire de I'^glise romaine a penelrer dans une contree peu connue. La Coree a jusqu'a present (!!chapp6 aux investigations des voyageurs, arexceptlon de quelques llollandais qui y furent jet6s par un nau- frage, en i655, qui y resterent treize ans en captivity, et qui, apres s'en etre echappes, en publierent une re- lation ; les Europeens n'ont pu voir et decrire que les cotes de cettepresqu'ile. Cependant, malgre les precautions prises contre Ten- tree des strangers, des missionnairesontreussiay pre- cher r^vangile. Ce fut un Francais qui le premier le porta dans cette contree lointaine. Le nombre des Chre- tiens y est a peu pres de 00,000, ils sont pauvres, ils ont a peine de quoi vivre. Eri i852, M. Barthelemy Bru- guiere, I'un des hommes les plus pieux et les plus fervents que la France ait envoy es dans les regions orien- tales, se Irouvmt a Macao; ilvenaitd'exercersonminis- t^re dans la presqu'ilc au-dela du Gange; il portait le litre d'6v6que de Capse. Design^ pour la mission de Co- r^e , il resolut de se rendrc a son poste par terre , et partit au mois de septembre. II traversa done toute la Chine; ce voyage, penible et p^rilleux pour un pretre europeen, dura trois ans, parce'que M. Brugui^re i'ut contraint, pour sa surety, de prendre une route tv^s tor- tueuse. 14. ( '^''^ ) Apr^s dcs fatigues inouies, 11 arriva en i833 dans Ic Chan-Si, I'une des provinces seplenlrionales de la Chine, et limitrophe de la Mongolic. II fut oblige de faire un long s^jour chez le vicaire apostoliquc poui- V allendre Ic rctour d'un Chinois chieiien , nomme Joseph, qui lui 6tait d^voud, qu'il avail expedid en Corec , et qui devait lui rapporter dcs avis propres a le guider dans sa marche. Joseph revint en novembre, el appril a I'dveque que les chrdliens du Liao-Toung, province du pays des Mandchoux quil faut traverser pour enlrer en Corde, lui offraient un asile chez eux pendant son voyage. Joseph fat de nouveau chargdd'ex- plorer la route que Tcveque devait tenii". Au prin- temps dc I'annee suivante , M. Bruguifere lercvit, el plus tard recut dos letlres dos chrctiens de (loree ; ils luilaissaienlenlrevoir comhien il seraitdiffjcilc de par- venir jusque chez eux; toutefois, ils lui disaienl : « Nous esperons que le bon Dicu vous ouvrira les porles » de noire pays. » Joseph fit qncoi'e deux nouvoUes courses qui avaient pour but le meme objet que les precddentes ; enfin , le 2 2 septcmbre i834, M. Bruguiijre parlit du Chan-Si. « Aulant, dit-il, mes precedents voyages avaient el6 jipcnibles et faligants, aulant celui-ci fut agreable et » facile. Je rcnconlrai sur ma route quelques chrctiens; »ces bonnes gens firenl un efforl de charile; ils me - donn^rent plus que je ne d6pensai dans le trajct. » Le 7 oclobre , M. Bruguiei'e passa la grande mu- raille, « tant vantde, dit-il, par ceux qui ne la connais- » sent pas, ct decrile avec tant d'emphase par ceux > qui no I'ont jamais vue. » La porle par laquelle il cntra en Mongolie est appel6e Chan-Cha-Rhoun ; c'est celle- la aussi que les Busses Iraverscnl quand , tous les dix ( 2.5 ) ans , ils vont a Peking et en revienncnt , conforme- ment a leur Iraite de 1728 avec les Chinols. Le lendemain , M. Bruguifere arriva au village de Si- Vang en Mongolie , presque entierement peuple de Chretiens. Ce fut la qu'il regut, par Joseph , de nou- velles lettres des Coreens, remplies de t^moignages d'affection et de respect; ils se plaignaient de ce que leur pauvrete ne leur permettait pas de le traiter aussi ma- gnifiqueraent que sa dignite I'exigeait, et lui en fai- saient humblement leurs excuses. Pendant I'ete, une persecution violente s'^leva centre les Chretiens; I'eveque etd'autres ecclesiastiques furent rt^duits a sc cacher dans une caverne; ils n'en sortirent que le 26 juin. Au mois d'oclobre suivant, les obsta- cles qui avaient entrave jusqu'a ce moment la marche du prelat furent aplanis ; le 5 , il ecrivait qu'il lui etait venu un excellent guide , qui consentait h I'ac- compagner jusqu'aux portes de la Coree ; les chefs des courriers qu'il avail envojes au Liao-Toung arrivferent; le 7 il partit, et le 19 il coucha dans une maison de Chretiens situee sur la route ; le lendemain , dans I'a- pres-midi, il tomba soudainement raaiade. Un pretre chinois qui I'accompagnait lui donna I'extreme-onc- tion, et une heure aprfes il mourut. La perte de M. Bruguiei^e doit causer des regrets d'autant plus vifs , qu'aux qualit^s qui caracterisent un excellent missionnaire , il joignait celles dont doit etre doue un voyageur qui veut parcourir avec fruit des re- gions peu connues. La lettre qu'il adressa de Si-Vang i messieurs les direcleurs du seminaire des missions etrangferes, a Paris, montre tout ce que la geographic avait a esp^rer des efforts de ce digne prelat ; elle con- ticnt sur la Chine el sur la Mongolie des details pi-6- ( 2>4 ) cieux, et que sauront apprcicier lous les amis de la science. De meme que ses pred6cesseurs les mission- naires frangais , qui ont donn6 sur I'Asie orientale tant d'ouvrages profonds depuis long-temps en possession des suffrages de TEurope savante, M. Brugui^re ciit enrichi la geographie du resultat de ses observations sur la Coree oii il allait cnlrcr; quel sujet de regrets qu'il ait succombd a ses fatigues ! Vous ne trouverez pas superflu que nous citions ici une remarque de M. Bruguiere , laquelle annonce un esprit tres judicieux :« Les yeux bleus , dil-il, les » grands nez, les cheveux blonds, les visages ovales , le »teint fortement colore, sont suspects en Chine. Un » missionnaire qui aurait la t6te grosse et ronde , Ic » visage aplati, des sourcils peu fournis et peu sail- »lants, de petits yeux noirs, les cheveux durs et plats, npourrait voyager surcment, surtout s'il parle la lan- » gue mandarine. » Que les Europ^ens qui se destinent k visiter les con- tr^es ou I'apparition d'un etranger produit la m6fiance m^ditent sur ces paroles si sens6es de M. Bruguifere ; qu'ils en fassent une application convenable et modi- iiie, suivant les circonstances, et certainement ils eprouveront moins d'accidents facheux. D'aprfes I'expose qu'ellc a I'honneur de vous presen- ter , voti'c Commission a pense qu'une mention hono- rable devail etre faite des travaux de feu M. Bruguiere , de MM. G. Smith et Lowe, de M. Andr6 Smith, et de ^IM. Arbousset et Daumas, pour leur coopi^ration au^ progrfes de la geographie. { 2i5 ) Exploration de l'Asie Mineure. — Voyage sur les cotes de Caramanie en i836,7« a la Societe de geographic, dans sa seance generate du -j avril 1837,/Jrt/M. Charles Texier (1). INT^RIKCR de la LYCIE. Le 25 du mois de mars, nous avions quitt6 le port de Smyrne pour nous rendre a Metelin ; nous s^jour- names peu de jours dans cette ile, mais en sortant du port Olivier , nous fumes surpris par le mauvais temps qui nous forca de I'clacher a Tchesm6. Je profi- tai de mon s^jour dans cette ville pour aller observer lesruines del'antique firythr^e. Ce n'est que le 12 avril que nous pilmes faire route pour la Caramanie. Arri- ves en vue de Marmarice , nous eumes beaucoup de peine a franchir la passe pour aller au naouillage. La baie de Mai-marice , une des plus belles de cette cote , est ouverte au sud. Son entree est fort large , et dominee de liautes montagnes. Comme le canal est sinueux, il est difficile, quelque temps qu'il fasse , d'y entrer sans louvoyer. A peine fumes-nous a I'en- tr^e de la passe que le vent changea. Le brick ne ma- nceuvrait qu'avec peine, a cause de la forte levee de la raer et de la faiblesse de la brise. Apres avoir double la premiere pointe, nous sonimes surpris par le calme, ct ce ne fut que le lendemain que nous pumes mouil- ler dans Ic port. Toutes les montagnes qui entourent la baie viennent uboutir au rivage en formant des vallees qui tendent presque au centre de ce bassin. Les terrains environ- (i) ExUail du Jouiiiul de loya^'C a bold du biirk le Diipelil-Tlwiiart. ( '^'«' ) nanls sonl blcn Loist^s. La chains qui se (iliige N.-S. est seule depoulllc'e ; ellc se compose do dilTercntes vari6- tes de niarhiv , dont quelques unes olTrent de bril- lanles couleurs. Una ile assez considerable forme une Crete O. -N.-O. etE.-S.-E.; elle tient a la terre du cote de Test par une langue basse etsablonneuse qu'on appelle la fausse passe. Souvenl des navires se sont pordus en cet en- droit, croyant entrer directement dans le port. L'lle est de la meme nature que les montagnes environnan- tes. La parlie inferieure est rouge, les rocs superieurs sont grisati-es. A I'ouest de cellc ile on en rencontre ime autre qui court E.-O. C'est entre ces deux lies que se trouve la vraie passe ; mais comme la premiere est bcaucoup plus nord que la petite , il est difficile d'en- trer dans le port sans virer de bord , ce canal etant oblique N.-E.-S.-O. Ici nous sonunes pris par de fortes rafales aux- quelles succede immediatemenl le calme plat; le vent joue dans les gorges des montagnes, on est forc6 de virer de bord a cliaque instant. A quatre heures et demie du soir, nous jetons I'ancre au milieu du port de Marmarice, le i4 avril. Ce vaste bassin est environn<^ d'une plaine bien cul- tiv^e ; des pics de rocs grisatres sortent de terre en !t.diff6rents ehdroits, efs'^reven-t a une hauteur conside- rable. La ville elle-nieme , placee sur une presqu'ile , dans la parlie iN.-E. de la baie, est assise sur un de ces ro- chers. Le chateau est a mi-c6tc , de sorte que toute la ville se pr^sente en pyramide. A peine sommcs-nous arrives, que le navire est en- loure de barques du pays; les habitants montent a ( 217 ) bold en foule , et regardent le brick avec unc curiosity extreme. La race de ce pays est une des plus belles de toule I'Anatolie; les hommes sont grands, pai^faite^ ment bien faits; ils paraissenl fort doux. Le frere de I'aga vienl a bord pour nous engager a assister a une fete qui doit avoir lieu le soir meme , a I'occasion d'un mariage. D'autres viennent offrir aux raatelots des provisions de toute espoce ; enfin , la con- naissance est bientot faite , et la meilleure intelligence s'etablit entre I'equipage et les habitants. A hiiit heures, nous rendons nos visiles a I'aga; mon Tatare lui avait dit le but de mon voyage ; il me recoit dc la maniore la plus cordiale, et m'offre ses services pour me guider dans mes explorations. Son habitation donne sur la place du bazar ; des feux de bois de tei'ebinthe sont allum^s de dis- tance en distance dans de grands rechauds de fer; les terrasses des maisons sont couvertes de specta- teurs, d'autres terrasses sont reservees aux femmes , quise dt^tachent, sur I'azur du ciel, comme autantdfe fantomcs blancs. Noscanotiers se sont deja ghss^s dans la foule ; ils font connaissance avec les Turcs en 6chan- geant de nombreuses poignees de mains. On voit plu- sieurs ciladins cacher les leurs derriere leur dos , ne comprenant pas ces 6treintes amicales. La musique est arriv^e ; elle se compose de quatre flutes sauvages dont le son ressemblc a la cornemuse^ de deux tympanons, et de deux gros tambours qu'on bat comme la grosse caisse; c'est un tapage epouvan- table , une harmonie a dticlyrer les oreilles. Les malclots se mettent a danscr en rond , puis finissent par attirer a eux quelques Turcs ; enfin lout le village s'en melc, el voila une sarabande sans iin , ( 2.8 ) qui se danse an son d'une musique infernale. Les I'cmmes s'agitcnt sur leurs terrasses; on cntend un glapisscment aigu; ce sont les fantomes qui rient sous leurs lincouls. i'endant ce temps , les Cafres alimen- tent les foyers, la mullllude afflue; nous desccndons nous asseoir au pied d'un platane, sous lequel I'aga nous avail fait preparer des tapis. La place publique est sa- bl6e ; un Turc s'avance au milieu, il leve son baton , et reclame le silence. a On fait savoir a quiconque est curieux d'y assister, »que cesoir mOmeun combat de la lulle est ouvert en- ') tre les habitants de celte ville et des villages environ- » nants. Le vainqueur recevra pour prix un cheval et un » cliameau , qui lui sont offerts par la marine. » A ces mots , un leger murmure se fait entendre ; chacun vante la g6nerosit6 de la mariec , et la force des differents lulteurs du pays qui doivent s'exercer le soir. La musique recommence plus bruyante que ja- mais : il parait que celte harmonic plait fort a I'audi- toire. Un vieux montagnard vient danser quelques pas. Dire a quoi ressemble cello danse n'esl pas chose fa- cile; il tient ses deux bras fort (!;leves au dessus de sa t6te, et court en rond, ayantlc corps forlemenl incline en arriere. De temps a aulre, il va faire quelques genu- flexions dcvant les limbales et les flutes ; il ne cesse de danser que lorsqu'il est hors d'haleine. Un jeune homme de la ville lui succtjde ; sa danse est imit^e de celle des Grecs. II n'a pas Ires bonne mine, et cepen- dant tout le monde s'extasie sur sa griice. Le chordgc s'avance de nouveau au milieu de la place; 11 annoncc que I'excrcicc de la jialestrc va sui- vre immedlalement celuide la danse. Laplace prosente I'aspect le plus anim6; les habitants assis par groupes, ( 2>9 ) ct tons en habits do fetes, 6clair6s par les flammes rougeatres des bois resineux, se detachenl surlesmu- railles noircies de la place. Les treilles, les auvents, les cliemin^es sont couverts de spectateurs; les enfants sont group^s autour des foyers; les Cafresles 6loignent a coups de baton , mais les bambinsparviennent a voler du feu , et jetlent des fusees au milieu des groupes de sjiectateurs. Une cohue epouvantable s'ensuit; la foule bouillonne silencieusement , car les cris de joie des enfants se fontseuls entendre. Tout le monde reprend sa place posement.' En attendant la lutte, nousfaisons exercer les enfants en jetant au milieu de la place quelques poignees de menues monnaies J ils sc precipitent dessus. Voila les turbans roulant d'un cote, les tetes confondues avec les jambes. C'est une masse compacte et inextricable de marmots. Les poings sont ferm^s, les bras enlaces; chacun tient a son butin, et personne n'ose se relever de crainte d'etre oblige d'ouvrir les mains. Mais on annonce les lutteurs ; le chorege vient d^brouiller a grands coups de baton la pyramido vivante ; bientot il ne reste plus sur la place que les corps morts, c'est- a-dire les turbans des bambins abandonn^s par leurs propri^taires , et quels turbans ! ! Les lutteurs sont introduils; ils sont nus, portant seulement un calecon de peau de buffle ; ils sont au nombre de six; trois sont rases et portent la barbe ; leur attitude est fiere; ce sont des hommes d'une taille moyenne , maigres et nerveux ; I'un parait plus jeune que les autres ; il est blanc et gras : on compte pcu sur sa force. Eniln , arrive le dernier : il est couvert d'un manteau court de poil de cliaraeau: sa clievelure est longue el noire. En arrivautprcs du foyer, il jette soiv ( 220 ) manlcau, ot d^ploye dans toule lour beaute sos mem- bres souples el ncrveux; il pronicne son ceil sombre sur toute la place , secouc sa crlnierc ct croise les bras. On voit que cet atbl^tc a Ic senlimcnt de sa force ; chacun est dispose a parier pour lui. On apporle une ainphore d'huile que Ton verse a grands flots sur les luttcurs. Le chorege en choisit deux; il leur fait faire le tour de la place, et, les me- nant au milieu, leur fait courber la tfife. « Qu'Allah vous donne la force ct le courage , lui » qui peut I'enlevcr aux plus forts et donner la victoire »aux plus faibles; qu'il vous soil en aide pour que le » plus digne remporte le prix ! » Aphif , du village de Keughez , et V^zir , natif de cette ville, vont hitter corps a corps, sans employer de charmes ni de sortileges. Les deux athletes se redi-es- sent, se toisent du regard, se donnent la main et s'6- loignent. lis font le tour de la place en regardant les spectateurs et batlant leurs cuisses de la main avoc un mouvement particulier. Arrives en face I'un de I'autre, ils se provoquent au combat en frappant dans leurs mains, et les laissant tomber sur leurs cuisses. Le combat est accepte : ils se baissent pour ramasser de la poussiere , ils s'approchent et se saisissent les bras. Tous leurs mouvements sont calculc^s, rien ne se fait a la hate ; ils visent a se prendre a la ccinture , mais il se tiennent long-temps flechis en avant. Enfin , ils s'dtrei- gnent, leurs membrcs se melent, on ne voit plus qu'une masse qui souffle et qui mugit. In bras s'eleve, saisit lecou de I'adversaire; mais onfin, se prenant a la ceinture, ils cherchent a s'enlever. Vezir saisit les jam- bes do son ennemi, qu'il linit par renverser sans lui faire lacher prise. Mais pour qu'unluttcursoit vaincu , ( 221 ) il faul qu'il soil mis sur le dos. lis se I'oulenl dans la poussi(^r3 , leurs bras enlrenl dans leurs chairs; ils se serrent comme deux poulpes, leurs os craquent sous leurs (^treintes. Aphif est dessous, mais il se tient au- dessus du sol, ses bras et ses genoux ecartes lui don- nent un aplomb in^branlable. Son ennemi fait d'inu- tiles efforts pour Ic retourner. Enfm, Aphif saisit Vezir au moment oii il fait un effort, et le couche sur le dos. «Apheroun ! »Le Cafre rit de tous ses poumons. Les enfants jettenl de nouveau des fusees, la musique r6- sonne , les femmes s'agitent sur leurs toitures. On entend ce murmure sourd de la foulc qui se remue, et de temps a autre une voix qui dit au Cafre: Bir- atesch Ghettir , du feu pour ma pipe. Les combattants font le tour de I'assemblee ; cha- cun leur fait un petit present. Le chor^ge am^ne deux autres lutteurs : ceux-ci portent de longues barbes ; leur lete est ronde et leur visage court; leurs membres basanes n'ont que la chair strictemcnt necessaire. On fait a leur 6gard la meme invocation, ils commencent avec les memes ce- remonies ; ils paraissent peu se craindre mutuellement ; mais apres une lutte continue de pres d'une heure, aucun n'a encore acquis I'avantage. Les spectateurs s'impatientent, chose inouie, mais ils ont hate de voir lutter I'etranger. Cependant ces lutteurs se tiennent tous les deux par la ceinture ; impossible de se dega- ger ni de se vainci'e : ils se I'cgardent avec des yeux ar- denls. Bien certainement, cette lutte n'est pas une comedie. Enfin, ils se poussent, et vont rouler sur I'assistance qui se sauve, craignant autant les taches d'huile que les atteintes de leurs membres elastiques. ( 11'}. ) Mais aucun n'esl baltu ; le chorego lour fait des rcpro- ches, et pour Icur donner du courage les excite en leur dormant des coups du baton qu'il tienl a la main ; mais a peine s'ils s'cn aper^oivent. Enfin, Garab6de arrive dans I'arene ; en peu de mi- nutes, il couche sur le dosson premier antagoniste; on lui en pr6sente un second qui a Ic miime sort. II doit encore luller contre Ics autros vainqueurs; il prend un moment de repos. Mais il est tard; le Cafre neglige d'entretenir son foyer , le froid arrive j nous rcntrons a bord. Jendi xt^avril. — L'agam'avait parl^d'unchateauqui se trouve a peu de distance de la ville; nous nous y ren- dons accompagnes d'un guide qu'il nous avait donn6. Nous allons droit an nord, vers une montagne qui se trouve au fond de la plaine. A peine sommes-nous arri- ves au jardin de I'aga, que nous trouvons au pied de la montagne des murallles de soutenement, de travail p6- lasgique.Cesmuraillesparaisscntd'une haute antiquity, car on n'aper^oit aucune trace de I'omploi du fer dans cctte construction; ces piei'res sont tout-a-fait brutes, comme au sortir de la carrifere. Cette muraille se dirige N.-S.; nous la franchissons pour continuer a monter au sommet; c'est avec des peines infinies que nous pai'- venons a nous frayer un passage au milieu des rochers et des buissons entrelac^s. Enfin, apr^s une heure et demie de fatigue , nous arrivons a une esplanade cou- verte de broussailles et de ruines. Elle est soutcnue par des terrassements en appareils irr(^guliers. Au-dela de cette esplanade s'e^levenl deux tours el une sorte de voi\te qui paraissenlplus moderncs. Mais tous les soubasse- ments de ce chateau sont pelasgiques. A I'Ouest les mu- railles s'etendenl sur une cr6te de rochers i pic, au-dessus ( 2'i3 ) d'une valine Ires profondo , elles lournent ensuile an Sud en suivant les asperiles d'une autre crete d(; la monlagne, et ne se perdent que dans la plaine de Mar- marice. Elles sont, dans la direction N.-S., flanqueesde tours deti'availhellenique;quelquefoislesmuraillessont dou- bles, le revetement est en assises r^glees, et la muraille int^rieure est pelasgique. Dans la partie sud, le versant de la montagne est soutenu par de grandes terrasses du meme travail pelasgique. On reconnait encore le point oules murailles tournaient a Test, pour aller rejoindre cellos que nous avons apergues en arrivant. Dansl'inle- rieur de ces murailles, on ne trouve aucune trace de monuments j les rocliers sont saillants et naturels , Ics buissons croissent dans leurs fissures comme si jamais une ville n'eut occupe la montagne; il est assez positif cependant que c'est la position de I'ancienne Phiscus que Strabon appelle Polix^o-j. Ce sont les seuls debris d'anliquitdis que nous ayons vus a Marmarice. Le bassin du port est entoure d'un certain nombre de valines qui arrivent a la mer, pour ainsi dire, en ray on- nant vers son centre; une presqu'ile, qui ne tient a la terre que par un istbme sablonneux, ferme ce port d'une maniere sure; la vraie passe est a la pointe Ouest de la pi'esqu'ile, entre celle-ci et une petite ile qui s'6- tend N.-O.-S.-E. II est a remarquer que deux formations principales composentle syst^me geologiquede Marmarice :1a ser- pentine etle calcaire. Lesysteme qui s'approche d'une parallele a la direction N.-E.-S.-O., est de serpentine. Tout ce qui est parallMe ii la direction N.-E-S.-E. est calcaire. Ceci est encore plus Evident dans un petit ilot pr6s de la passe, qui suit ces deux directions , et dans ( 224 ) loquel la nature desroches cliange au point ou les deux croupes lornicnt un angle. Le calcaire do Marmarice est du niaibrcdediirerentos couleurs ; on observe dans la plaine dcs roches soulcvoes de marbre gris reposant sur la serpentine; c'est en cet cndroit que nous vimes quelqucs tombeaux anciens. En montant la montagne de Piiyscus, on rencontre, sur le versant sud, le marbre rose, vein6 de rose et de violet, d'une tr^s belle qua- lit6 , puis une autre cspece de couleurs plus pales ; il forme une sorte de breche. Ce marbre sort deterrepar blocs enormes: on n'y remarque pas de stratifications. La montagne du cbatoau se compose, sur le versant oriental, d'un calcaire ruband jaune-vcrdalre, avec des depots de spath calcaire; dans les interstices, on volt sorlir ca et la quelques blocs de serpentine, qui indi- quent que cetle roche existe sous le calcaire. Le temps est toujoursbrumeux, temps a grains, vent, grand-frais, par rafales, grosse mer; des navires vien- nent relacber. Samcdi i6, dimancbe 17, lundi 18, meme temps ; on s'occupe de differenls travaux a boixl; enfin le i()aviil, a 5 lieui'es du matin, nous mettons a la voile, nous avons bon vent pour partir. Le mercredi 20, a 5 beures et deraie du soir, nous passons devant les ruincs de Patarc, que les Turcs ap- pellent Fournoz.L'embouchure du Xanthus apparait un peuil'ouest; les coUinessablonneuses blanches sont une reconnaissance suffisante pour Patare;il n'y a sur cette cote que cet endroit ou il existe des collines de sable. Derri^re ccs collines , qui recouvrent une partie du theatre antique , on voit la cbaine du Cragus qui s'6- Ifeve, couvertc de neigc, a plus de trois mille pieds au- dessus dc la plaine. La petite montagne situee entro Kalamaki etPatare ests^par^e de celte chaine par une ( 225 ) vasle plaine. II est bien clair, en voyant ces terrains dc loin , que I'aqueduc pelasgique de Kalamaki doit por- ter de I'eau a Patare. Le 21 avril, adixheures du matin, nousmouillons a riastel-Rosso; le vent avait fraichi de la partie de I'O. ; nous voyons au N.-O. I'entree du port Vathi , et au S. celle du Port-Sevedo. Nous sommes mouilles au pieJ du chateau, entre les ilols de roche qui forment le canal du cote du levant. On porte une amarre a terre; mais bientot le capitaine donne I'ordre de lever I'ancre pour aller a Port-Sevedo, qui est plus ferm^.Le capitaine fit mettre un canot a la mer, et nous fumes visiter les ruines d'Antlphellus. Cette ville a conserve son nom. II n'y a pas meme aujourd'hui de village , c'est tout simpleinent un posle de douane pour lembarquement des planches et du bois. L'aga demeure pres d'un magasin en pierre oii I'on depose de la chaux; il y a un cafe tout receniinent construit, et cinq ou six families. On y trouve du lait, des ) se cachent petit a petit sous les flols ou sous les vastes lits d'une formation crayeuso qui termine ici Ic Cau- case. Vous ne voyez plus ces cimes blancliies par la neige ; un long dos de raontagnos basses , arrondies , boisees , longe a courtc distance la cote profonde ; ce dos est coup^ d'une multitude de vallees laterales etroitement encaissees , arrosees de ruisseaux dont au- cun ne devient riviere navigable. La mer elle-memc est bordee d'une longue suite de hautes falaises blan- ches ou grises, battues par les flots. Tel est le sol qui tomba en partage aus Circassiens ct aux Abkhases; ceux-ci se concentrerentsur les hautes parlies de la chaine ; les Circassiens se contenterent loujours de I'extremite crayeuse , et jamais aucune de leurs tribus ne parait avoir occupe les hautes vallees. La singulifcre conformation de leur pays le defendit tou- jours contre toute invasion ^trangere par terre. Lamer seule le rendait tant soil pen accessible. Si nous voulons en croire les historiens grecs (i) , deja dans les temps les plus antiques, a cette dpoque ou I'esprit aventureux des Grecs les faisait courir a Iravers les mers a Troie , en Chypre, en Colchide , ces peuples seraient venus former deux associations coloniales grecques sur cette cote , cellc des Achecns et cellc des Heniokhes. CetteAchaie,dontSlrabon et Arrien(2) nous donnent exactement la position , comprenait le littoral qui s'6- tend au N.-O. et au S.rE. de Djouhoubou. A cette AcliaJe appartenaient les ruines de Pagra, que j'ai vi- (i) Appiaiii Mex : Liber Mithridaticus , page 1066; Slrabo , lih. XI , page 4/6. Ed. Basileae, 1649. (a) Appiani Alex : Liher Milliridaticus, page loGG. VII. Avnri.. 4- jO ( '^4-^ ) siloes, au fond dc la baie do Ghelindjik ; cl colics que M. Tailboul do Marigny a vuesa Pchad, dans son voyage en Clrcassie. La grande Dloscourias presida a la polipoiis dcs Ho nioklies, qui occupail la majeure parlio du littoral do la mer Noire sur le sol des Abkhases. J'ai vu Teniplace- montdeDandar, de Dioscourias, d'lllori, d'H6racl6c, cl lo conunenccmenl de celte immense muraille qui en- loui'ait cello republique commorcante. La polipolis Achoenne rcsla inconnuc a I'bistoire. Son influence no s'olcndit quo sur les pouples Circas- siens, au milieu dosquolscllos'tHaitplacoo. Le voisinagc de la grande Panlicapie ct du puissant royaume du Bos|)bore I'eclipsa, el mome une parlie des Iribus cir- cassicnncs pass^ronl sous la domination dcs princes qui gouvernaient cot empire ; car Ics noms de Sindes, do Kaukasiens, de Tbateens, do Toiotes qu'on rclrouvc dans les belles inscriptions dcs Perisades sonl coux de peuplades circassiennes. Mithridale. fuyantles maltres du monde, ne trouva de possibilile a leur «^cliappor qu'on passant avec les siens par le torritoiro dcs Heniokhes ; mais quand il so trouva sur la fronli6ro du pays dcs Zygbcs, il ful oblige de s'cmbarqucr et dc longer leur cote, jusqu'a ce qu'il eilt altoinl cclle dcs Acbocns, amis, ou plutol vassaux dcs rois du Bospborc (i). Les Romains, les maltres du mondo, parvinrent ce- pcndant, sous remporeur Adrien , a faire reconnailre leur autorit^ cbez ces peuples; Tempd'eui' nommail a son cboix les pcUls rois qui babiloicnl sur la cote; mais ce ful de courlc dur6e. (i) Arriani liisl. Periplus ad Adrianiim . Ed. Geneva;. iSjj , page ( <^43 ) Les SlavesRusses oyanl fonde, dans lex' siecle,laprin- cipaut6 de Tmoularakan sur Jes bords du Bosphore cimmcricn, soumircnt une partie desCircassiens, sous ]e nom de Cassogues, a leur empire. Plus tard, dans les xi'^ et xu'siecles, quand le trone de Georgie se vit illustr(^ par une suite de princes aussi sages que vaillants, qui chang6rcnt la face de cctte par- tie de I'Asie, on les vit ^lendre leur domination sur tout le Caucase. La celebre reine Thamar fit prechcr alors pour la premiere fois le christianisme dans ces vallees inconnues, et fit construire deseglisesnombreuses dont on trouve ca el la les ruines abandonnees, L'obeissance des Circassiens ne parait pas avoir et6 de longueduree. En iSgo (circa) Wahmekh, Dadian de Mingrelie pour le roi de Georgie, se vit oblige de faire une grande expedition militaire contre ces peuples pour les faille rentrer dans le devoir; il eut un plein succ^s et remporta pour trophies une quantity de cha- piteaux et de troncons de colonnes et de fragments de marbre de temples cliretiens et de temples paiens dont il fit construire une cliapelle adossee a I'eglise ^pisco- pale de la Rhopi : rien de plus extraordinaire que cette mosaique bizarre, qu'explique une longue inscription. Les Circassiens trouverent plus tard I'occasion de se soustraire a I'empirc des Georgiens, et Mamia Dadian, qui voulut en i532 les en punir, essuya une deroute complete et perdit la vie dans son expedition. Quant aux Circassiens de la plaine, qui s'etoient etendus dans les deux Kabardas dont ils avoient depos- sed6 les Oss^tes, ils ne firent que changer de maitres. Les Tatares du Kiptchak et les Khans de Crimee, les soumirent en partie, lour imposi'rent un tribut d'es- claves, et les forcerent a embrasser I'lslam. iG. ( 2/,4 ) En 170.5, les Circassiens, qui ne regardaient pas cctte espl-ce de tributcomiue un droit d'etre tyrannises par les Tatares, le lour refusi-rcnt ct les battirent complctonient; et dcpuis ce temps ils ne se regarde- i-ent plus comme leurs sujets : au contrairc , ils eurent recours a la protection des Russesauxquels ils s'etaient d6j4 soumis plus anciennement; les Russes les de- fendirent contre les Tatares, sur quoi les Circassiens des Kabardas pieterent le serment do fidelity a la Russie et lui donnerent des otages : ces Circassiens vi- vent encore tr^s tranquillcs sous la domination russe. Par contre les Circassiens des montagncs ct des bords de lamer soustraits a la domination des Georgions ne furent jamais sujets de personne. Si les Tatares et les Turcs } obtinrent quelque intluence , ce ne fut qu'au moycn de I'lslamisme qu'ils prechferent et qu'adopterent les principaux de la nation; mais cette influence de- vint nullc quand, en 1784, la Criniee etle Rouban fu- rent c6dds a la Russie. 11 ne z'esta aux Turcs que Ic petit port d'Anapa avec quelque peu de terrain, point long-temps dispute et d'autant plus important pour les Turcs qu'ils le regardaient comme le marche le plus avantageux pour se procurer des esclavcs , et pour exciter par des emissaires les peuplades du Caucase contre la Russie. Par le traite d'Andrinople ce point a ete c6d6 par le sultan a la Russie, avcc tous les droits que les Turcs pretendaicnt avoir sur la Circassie. Les Anglais font do cette cession une grande question po- litique ; vous connaissez rafl"aire du Vixen qui a rcmpli les gazettes et sa capture a Soudjouk-Kale, pros d'A- napa : ce n'est pas a moi a discuter cette question : jo me contcnterai de \ous fairc en raccourci un tableau ( ^5 ) de la Circassie et de ses habitants , qui vaudra mieux que de la politique, qui serait ici deplac^e. Les peuples du Caucase , en general, sont un exem- ple rare de la Constance que mettent certaines nations a conserverles anciennes moeurs; ce qui se faisait niille ans avant Jesus-Christ, ce qui se faisait du temps de Strabon , se fait encore aujourd'hui. Plus on penetre dans I'interieur des vallecs moins exposees a I'in- fluence des revolutions ^trangeres, plus on y retrouve les usages antiques, les vieilles coutumes ; souvent on se croit aux temps homeriques en visitant les descen- dants des Colches g^orgiens aux sources dvi Phase et de I'Engour. Mais aucune de ces races primitives n'est i^est^e plus fiddle a ses antiques rnceurs que celle des (-ircassiens. On se repr^sente ordinairement les Circassiens comme un raraassis de brigands, d'hommes sauvages, sans foi ni loi; on se Irompe. L'etat actuel de la Cir- cassie nous donne une idde de la civilisation de la Germanic et de la France sous ses premiers rois; c'est un modele de I'aristocratle feodale, chevaleresque, du moyen age : c'est I'aristocratie hd-roiquc de la Grece antique. La constitution est purement f^odale : I'esprit des castes y est aussi severe que naguere en France et en Allemagne. Les princes, les anciens nobles, les affran- chis, les serfs, les esclavcs, forment cinq classes bien Iranchees. Les princes se marient enlre eux , les anciens nobles restent ce qu'ils sont et ne peuvent jiretendre a la main d'une princesse : les serfs seuls peuvent passer daus la classe d'affranchis. Malgr6 cette distinction dc castes, la libertt^ est en- tiere... Dans les Kabardas soumises a la Uussie la vas- ( 24() ) salilo cstregloe; mais chezles raonlagnards a peine est- elle sensil)le. L'influence du prince el du noble sur scs vassaux est a peine marqu«ie; c'csl unc influence de coiifiance , de persuasion patriarcale : mais ils n'ont nullc autorile reelle sur leurs serfs , que cclle que leur donncnt Ics anciens usages. Tous les princes sonl egauxentre eux, de raeme que les nobles. Dans toute celle vasle population opposdc a la Russie , ct qui, clit on, compte 5oo,ooo habitants en 6tat de porter les arines, aucune tele influente ne peut r^gulariser une coalition, un plan general d'at- taque et de defense ; chaque jirincc , chaque noble , meme chaque affranchi est son mailrc et n'ob^it qu'a lui-racnic, Dos milliers d'inlerots diviscnt done ce peo- ple en une multitude de Iribus, de families indepen- dantes, jalouses les unes des autros, jalonses de leur liberte et souvent separees pour toujours par la ter- rible loi du sang , la loi de la vengeance qui perpc^tuc pendant des siecles la haine enlrc les tribus et les fa- milies. Cet esprit d'ind^pendancc et de defiance se rcmar- que princijialcment dans Icurs habitations. La Circassie n'a ni villos, ni boui'gs, ni villages propi'cmcnt dits. Lc pays parait tres boise au premier abord. Chaque Cir- cassicn \oulant vis re isole se balit a une certaine dis- tance de son voisin une demeure qu'il a soin de placer au milieu de quehjues beaux arbres, si frequents dans ce pays. Sa maison est en bois ou en clayonnage re- cr6pi de terre glaise ; le toit est fait de planches recou- vertes de paille assujettie avec des perches. Lne grande chemin^c , quelques rayons pour y disposer les uslen- siles de md'nage , des clous en bois pour y suspendre les armes et les habits, forment tout Je luxe do I'inte- ( '-^47 ) lieur d'uiie do cos habitations du peuple : iin magasin place sur de grands pieux , une ecurie en clayonnage conipletent les batiments de I'economie qu'entoure une haie morte. Le Circassien defriche le terrain qui enloure sa demeure pour y semer du millet ou du fro- ment, ayantbien soinde conserver une guirlande d'ar- bres autourde son champ pour le d^fendre et pour lui procurer I'hnmidite n^cessaire sous ses climats. Aussi, vues de lamer, rien de plus pitloresque que ces pentes de valines boisecs dans Icsquelles s'encadrent tous ces champs de diverses nuances de verdure. On ne voit que rarement les maisons cachees sous le feuillage. Un certain nombre de ces habitations , diss^minees aulong et au large , dependantes du meme prince, ou reunies par les memes interels, par quelques circon- stances locales, prendun nom,qui est le plus souvent celui de la rivitire qui coule dans le voisinage. Une ha- bitation s'appelle aoule , le aula des Latins; ce terme s'emploie aussi comme coUectif pour designer toutes les habitations d'un district: c'est \e gan des anciens Germains , le /^au des Ossetes. Je ne connais rien qui ressemble mieux a cette eco- nomie circassienne , que celle des Lettes , en Cour- lande. Le serf travaille le champ de son seignewr; mais son principal devoir est de Taccompagner et de le defefidre. La gloire du Circassien, c'est de revenir d'une expedi- tion charge de butin et de prisonniers : c'est son seul talent, sa seule etude, prince ou vassal. Des qu'une ex- pedition est resolu.e, Tasscmblee se choisitun chef, qui Test seulement pour le temps qu'elle dure; ce choix re- tombe sur le plus hardi, sur le prince ou le noble qui a su le mieux se faire un parti. ( •^4« ) Comme a Laccd^iuone , ie Circassien marie depuis pou, meme depuis quelques annocs, n'ose pas etro vu aupres de sa fenime : U n'ose la visiter qu'a la dei-ob«!!e. L'usage des nobles et des princes est de confier leurs fils en bas age a des vassaux qui les emporlcnt chcz eux, les dressent a tons les cxercices du corps, a monter a chcval, a sc servir de ruse dans une expedi- tion p^rilleuse ; c'est Pelee confiant Achille au cen- taure Chiron. Ce syslenac d't^ducalion existe aussi chez une parlie des Gdorgiens. Le prince , 6lev6 , conserve pour son mentor un allachement inviolable ; mais sou- vent, la premiere preuve qu'il donne de la bonne edu- cation qu'il a regue , c'est de le plUer sans qu'il s'cn apergoive ; sur quoi , grande joie de tant d'adresse. Le Circassien est asscz grand; il a la taille eMgante et bien prise; sa deniai'clie est gracieuse el legere; comme les Mahometans, il rase ses cheveux, porte une moustache; il laisse croilre sa barbe noire pen epaisse; ses yeux snnt aussi noirs; son ncz, sans etre long, est mince el bien forme. Les cheveux chatains ne sont pas rares aussi. II est bon cavalier, bon pieton; son costume acluel est encore le pantalon serre et le siirloul des anciennes races germaniques et des Lilhuaniens de nos jours : c'est ce costume qu'on voit reprt^sente sur les monu- ments de I'ancienne Panlicapd, aujourd'hui Kerlch, capitale du roxaume du li()S])hore cimmerien. II s'esl conserve de meme choz les aulres races caucasiennes , ainsi que le bonnet phrygien , que porte habiluelle- ment rAbkhase, Le Circassien cIkv lui depose sesarmes, excepts sou j)oignard ou kindjal; mais il s'cn revet des qu'il sort, el ne les quilte jamais. II |)orte en bandouliere son ( '^4y ) fusil, enlouiii d'un etui de feulre; son sabre pend au cote. Un briquet tournevis, une petite boite ornee dc ciselures en argent, remplie de graisse pour graisser ses balles , une bourse en peau ou est son amadou et sa pierre a fusil , une bourse a tabac , etc. , pendent k sa ceinture. II tient a la main la petite fourcliette com- posee de deux baguettes l^geres sur laquelle il appuio son fusil pour tirer. Les Rabardiens, et quelques princes des montagnes, portent encore la cotte de mailles et le casque qu'on voit dessine sur les peintures oil les Persans ont voulu I'e- prdscnter leurs heros Rouslom et Boursy. La discipline europeenne nc pcut exister chez ce peup!e-la. Altaquer a la derobee , puis tomber a Tim- proviste sur un ennemi , entourer tout-a-coup un vil- lage de la fronti^re , le piller, se glisser a travers les bois, Iromper la surveillance des Russes, telle est loutc sa lactique militaire. La Circassienne n'cst pas au-dessous de sa reputa- tion ; sa laille est remarquablement svelte , et ses traits reguliers rappellent les figures grecques. Elle nc se caclie pas aux regards comme los femmes de I'Asie. Jeune (ille, elle assiste aux exercices des jeunes gens; elle est appel^e a remplir les devoirs de I'hospitalite, a servir les holes dans sa famillc. Le Circassien cliez lui est. tres pai-esseux, et laissc aux fenimes presque tons les soins du menage; ellesla- bourent niem« aussi la torrc en la piocliant, car la plupartdes montagnards n'ont pas de charrue. On voit que la femme, comme chez tousles peuples quimeltenl leur gloire dans le pillage , est Ires subor- ilonnee a Fhomme, el sa servanle plutot que sa compa- gne. On aciiele ici sa reiiuiie des |)ar<'nls, en payanl une ( 'iOO ) lorto dot en amies, on bflitail. De cet usage a I'iclee de vendre sa fille ou sa ni«ice a un etranger, il n'y a qu'un pas ; mais jamais le Circassien ne vendra un autre Cir- cassien ; il craint la loi du sang qui retoniherait sur lui dans toute sa plenitude ; il ne vend que son prisonnier ou son csclave. Quelquefois, par une speculation raf- lince , il le traite bien, le marie; mais c'est pour avoir de lui des eufants dont il puissc faire son profit; ces enfants de prisonniers , pour I'ordinaire , sont tons vendus. Slrabon, nous parlant de cette cote de la Circassie que les Romains n'avaienl encore pu soumeltre , nous la represente comme peupl^e de pirates, montant au nombre de 25 ou 3o sur de petiles galeres (camara), for- manl de petites flotlilles, el tombant ensuite a I'impro- viste sur Tennemi. Poursuivis, ils se sauvaienl dans les embouchures des rivieres, tirant leurs barques dans I'interieur des bois, else cachanl pendant qu'ils guet- laient I'occasion de tomber sur leur proie ; le butin, les esclaves , tout leur etait bon. Dix-neuf sidcles vont bientot s'^couler et rien n'a encore chang6. Le vaisseau de guerre qui me recut a son bord, et que commandait le capitaine Woulf, re^ut deux fois I'ordre de donner la cbasse k ces galferes circassicnnes , et j'eus I'occasion de les observer a I'aise ; le seul changement que j'aie observd , c'est que ces galeres sont plus grandes et raont^es g6n6ralement de 60 a 70 bommes. Elles vont sculement a la rame , se glissent le long des cotes pour ne pas etre vues ; on dit que le port de Mamai, c6- lebre d^ja dans I'anliquite par sa piraterie , peut en armer jusqu'a 5o aujourd'hui. Voila comment les Circassiens se procurent des es- claves : c'est par leurs piratei'ies ou par leurs incur- sions sur le territoire russe. Cette rudesse de mceui^s , cette habitude de brigan- dage contraslent avec I'inviolabilite de I'hospitalite et le respect pour les vieillards , principes qui sent pour ainsi dire la base de leurs iiistilutions sociales. Cette hospitality est exercee chez tous les Caucasiens avec toute la religion , toute la saintete des temps hom^ri- ques. Je ne rappellerai pas des details si connus par les descriptions des voyageurs : il suffit quele Circassien ne le c6de en rien aux aulres Caucasiens, et que le conak qui re^oit et I'hote qui est recu sont li(^s desor- mais par des liens aussi indissolubles que la parents la plus rapprochee; le conak protegera, d^fendra son hote jusqu'a la mort. Le respect pour les vieillards est aussi sacr6 que I'hospitalite; depuis qu'ils ne peuvent plus assister aux expeditions militaires , ce sont eux qui s'occupent pi'incipalement des affaires civiles. Cependant aucun tribunal stable , aucune autoril6 , aucune police ne r^gle ici le cours de la justice , et n'est charge de pour- suivre le coupable et d'executcr les lois. Les affaires litigieuses, les dissensions enlre families, entre tribus, se decident par des assemblees impromptues; on elit un nombre de juges proportionn^ a I'importance de I'affaire; on en choisit quinzc environ pour un meur- tre; ces. juges ne siegent que pour I'affaire en ques- tion. Le vol decouvert est puni simplement par une resti- tution de plusieurs fois la valeur. Les Circassiens ne sont d'aucune religion. Convertis a la fin du douzi^me siecle par la reine Thamar, ils oubli^rent le christianisme avec I'obeissance qu'ils de- ( 252 ) vaient a la Giorgio, etrevinrent a Iciirs anciennes supcr- slilions. En i565, les Russes repancUrcnt Ic Chiisl\a- nisme dans lesplainescle laRabarda,mais il noponelra pas dans lesmontagnes. A cellc dpoquc, les khans de Cri mee voulurenl rivallser en conversions avec les Russes, et forcer de leurcolo les Circassiens aembrasser I'lsla- misme. Aujourd'hui, les princes seulemcntol les grands sont sincerement musulmans ; ils le sont d'autanl plus, que les Russes, qu'ils n'ainient pas, sont chr6tiens. Mais quant au vulgaire , il est dans le fait paien. Ces montagnards adorent de vieux chenes ou d'autres ar- bres devant lesquels ils se prosternent, croyant qu'il y reside des divinites invisibles. Ils font des processions autour de ces arbres avec des torches allumecs , font des saci'ifices de bocufs , de moutons, en certaines sai- sons sous ces arbres. Des especes de pretres vielllards font des priercs consacrees par I'usage pour obtenir les biens, les faveurs qu'ils desirent. lis ont des divinit^s subalternes; enfin, c'est un druidisme complet, tel qu'il cxistait il n'y a pas long-temps chez les peuples lithuanlens, avec lesquels les Circassiens ont encore la plusgrande ressemblance, par le respect qu'ils ont pour Ic tonnerre, le Perkoun ctPeroun des Slaves et des Lilhuaniens, et par I'idee de saintete qu'ils allribuenl a celui qui a et6 tue par la foudre. lis ensevclisscnt Icurs morts ou dans des caissos en bois poshes sur le sol et assujelios par les cotes avec de la terre , ou dans des tombcs faites de quelques pierres plates dressees sur la Icrro , ct recouvertcs de quelques dalles plus grandcs : c'cst une imitation des pierres IcK'ees qu'on trouve frdquemment dans nos monlagncs, et qui nc difli-renl on rion de cellos qu'on voil dans le nord de la Fiaiiee. Iii grand feslin en ( 255 ) I'honneur cki d(!;funt tcrmine Jes funerailles. On ren- voie quelquefols d'un an pour mleux se preparer a recevoir les trois a quatre cents personnes qui y as- sistent; le point de reunion esttoujouis dans les bois, sous de vieux aibrcs. Le festin est accompagne de jeux et de prix decernes en I'honneur du defunt , comme aux funerailles de Palrocle. La nourriture ordinaire du Circassien est une Louil- lie ^paisse de millet [panicum milt'nve) , espece de po- lenta ou cachat polonais ou slave, qu'ils accompagnent d'une pate non levee cuite en forme de gateau , comme en G^orgie. lis y ajoutent, pour boisson ,du lait algri et du bouza (bi^re de millet) ; mais, dans lesgrandes occasions, ils y joignent de la viande cuite ou rotie. J'aurais bien dcs clioses a dire encore sur les pro- duits de la Circassie, la nature du sol, les relations commerciales de ces peuples : ce sera pour un travail de plus longue haleine. En resume, tel est le peuple qui s'avance comme un coin entre les possessions des Russes du nord et du sud du Caucase, et qu'ils cherchent aujourd'hui a sou- mettre sans avoir pu encore y parvenlr. Jamais les Circassiens n'ont voulu cesser leurs brigandages sur les torrcs de la Piussie; on a employ^ tous les movens pour les faire revenir a de meilleurs principes, maiii inutilement. Comment traiter avec un peujile subdi- vise en tant de tribus differentes et meme ennemies? faire la paix avec I'une , c'cst declarer la guerre a I'autre. Le due dePiichelieu inspira a I'empereur Alexandre le projet de les civiliser par le commerce. M. de Scassi fut charge de I'executerj on aurait peut-6tre pu at- teindre le but qu'on se ])roposait, si les chefs de Ten- ( '-^54 ) treprisc avaicnt rompli les vucs sages du gouverne- ment ; bicn loin cle la, on ixTita les Circassicns par dc fausses mcsiiros. Les anndes sV-coulaienl ct Ton nc voyait aucun rosultat. Les Circassicns sans ccsse passaient le Kouban , se cachaient dans ses roseaux et allaicnt piller, ravager les villages du territoire russe. Les pensions, les grades que Ton offrait a ceux qui voulaient se soumcltre , ne paraissaient aux Circassiens qu'une faiblcsse de la part desRusses. Des repr^sailles dont on voulut user ne firent qu'enipirer le mal , parce qu'ordinairement le parti russe ne pillait ou ne punis- sait pasle village des agi-esseurs, mais en attaquaitun autre, et qu'on se faisait ainsi de nouveaux cnne- mis plus acharnds que jamais. En un mot , il fallait elre ou les Holes des Circassiens, ou les soumcttre lo- talemont , puisqu'ils n'avaient aucune des qualites qu'on demande a une nation civilisee pour iraiter avec elle. L'empereur Nicolas ne pouvait balancer entre la honte et la gloire. Di^s son avenement au trone , il a declare la gueiTe a la Circassie; un plan a etc adoptd depuis dix ans, et vous en voyez I'excljculion aujour- d'hui poursuivie avec Constance. Depuis ce laps de temps, les Russcs ont cu I'occasion d'oblenir la pos- session d'Anapa, si ndcessaire pour I'ex^cution de leurs projets; ils ont construit la forteresse de Ghe- lindjik , au fond de la bale de ce nom. Ils ont 6tabli une flotte , command^e par de bons ofliciers , pour bloquer toute la cote de la Circassie. Ce blocus a 6t6 public ; le sultan I'a confirme et a ddsfendu a ses sujels de communiquer avec la Circassie. On veut ainsi cou- per toutcs les rcssources , toutes les munitions aux Circassiens, et les forcer a se rendre. Ce qui se ( -.55 ) fail lolong tie la cote s'ox^ciile aussi le long de laligne. Un corps nombreux, bieii dispose, gagne chaque annee du terrain. Description de Vile de Palma , par M. Bertdelot, nn des aiiteurs de VHistoire natuvelle des lies Canaries. Les primitifs habitants de Palma oppelaient cette ile Benahoave, qui signifiait /«o/« pays, suivant I'historicn Abrcu Galindo; son nom moderne date d'avant la con- quete de I'archipel canarien; on le retrouve sur un portulan de i35i conserve dans la collection medi- ceenne de Florence, et dont il cxislc une notice cu- rieuse dans un ouvrage du comte Baldelli (i). Une expedition compos^e de Florentins, de G^nois et de Majorquais avait deJ£i visits les Canaries en i54i : peut- etre que ces navigateurs, en aboi'dant I'ile dont il est ici question, lui donnerent le nom de Palma, de celui de la capitale de Majorque. Cette opinion, qui est celle de Viera , ne parait pas invraisemblable. Toutefois les paliniers qui abondent dans le pays peuvent aussi avoir donne lieu a la denomination castillane. Lesdiverses planimetries qu'on a donn^es de Palma offrent toutes des differences notables. M. de Buch , qui a publie une carte de cette lie, reconnut, comme nous, I'insuffisance de ces projections lorsqu'il visita les Canaries en 181 5. Une excursion de douze jours lui suffit pour appr^cier dans son ensemble la structure (1) Voyez Sloria del Mllione, cap. XLll (nola). ( 25< BoQtier et Le Verrier. His. dc la prem. dcscouv. et cont/ucst. des Can., chap. LXVI , p. 123. (j) Nollcias dc la historia general de /«' is las de Canarias. i vol., Ma- drid, \:8'S. ( ^59 ) 1> qui frappe le plus en parcourant I'ile de Palma, c'est sa liauteur extraordinaire comparativement a la petite etendue de sa surface; car ces cotes n'embras- sent dans tous leurs contours qu'une circonference de vingt-huit licues , et pourtant le point culminant de la monlagne atteint une elevation de 7,264 pieds au-des- sus du niveau de la mer. Cette altitude qui depasso celle du glacier de Tuque-Roure de la chaine des Pyre- nees, parait encore bien plus considerable lorsque , place sur la cime du Pic de los Muchachos , le voya- geur apercoit, d'une part, les rochers qui bordent le littoral, et de I'auti^e, rimmense cratere de la Caldera, dontla profondeur est d'environ 5,000 pieds. « Cegouffrc ef fray ant ,^ ditM. de Buch, rend Vile de Palma une des pliisreniarqiiables de F archipel canarien, aiicime ne montve aussi bien la forme primitive des iles basaltiques , aucune ne permet de penetrer aussi prof ondement dans son iiite- rieur. Oh pourrail-on trouver rien d'aussi prodigieiixP oil existe-t-il un cratere aussi gigantesque dans ses dei'e- loppements , et autour duquel les rochers vlennent devoilcr a Vohservateur , sur une elevation aussi extraordinaire , la nature des masses cachees sous le sol quilfoule a ses pieds (i)? » En ellet, Palma se pr^sente encore au- jourd'hui au geologue telle qu'elle fut a son origine , c'est-a-dire creus6e j usque dans ses londements par un des plus grands crateres connus. Le fond de cet abime est a 2,257 pieds au-dessus de I'Ocean, son diametrc est d'environ deux lieues ; le cercle de montaines envi- ronnantes conslitue un massif puissant qu'une eruptioa sous-marine du premier ordre fit surgir du sein des nicrs. (1) Physiral. Henh dcr Can. Insel. »7- ( 2 Go ) Cello masse, en s'affaissanl vers le centre, donne jialssance a la Caldera. Ge ful probahlcmenl a I'epo- que do celte lourmente , et au momenl qu'apparul a la surface des eaux cette epouvantablc formation , que les forces volcaniques, reagissant aulour du foyer, se lircnl jour par un des llanos de la monlagne et pro- duisiront lo ravin de la.s yliigustias , gorge profonde qui debouclie sur la cote du sud-ouest et coupe ainsi le grand massif de I'ile en doux parlies depuis le centre jusqu'au rivage. L'enorme masse qui sc souleva, on enveloppant la Caldera, se crevassa de loulcs parts ; do longuesdechi- rures vinrent accidenter les pentes de la monlagne , en i-ayonnant depuis Ic jiourtour exterieur de la cavit6 centrale jusque sur le littoral. Telle est sansdoutel'ori- gine de ces hanancos si rapproch^s et dont la profon- deur est etonnanle sur les versants les plus escarpcs, niais qui fmisscnt par disparaitre dans la partie de I'ile donl r(ilevation n'offre plus rien de bicn remar- quable. L'action volcanique qui a manifesto sa puissance dans la Caldera et ses alentours, dut s'alTaiblir en s'eloignant de ce foyer. C'est a cette cause qu'il faut attribuer rafl'aissement progressif des montagncs a mesure qu'clles se prolongent vers leSud pour se terminer a la pointc de fuencaliente. Elles forment alors unc petite chalnc rattacbee aux gi'andes masses (jui flanquenl la Caldera, et divisont la partie de I'llc qu'clles parcourent en deux regions distinctes, cclle du S.-E. et oelle du S.-O. Toutefois ces montagncs se- condaires n'ont pas ot6 cxcmptes de bouleverscmcnt : un peu au-dessous de leur point de depart, leurscrdtes ne conservent deja plus qu'uno olevalionde 4,255picds; ( '-^6' ) plus has, vers le midi, elles s'aplatissent en forme de col, et leur altitude atteint h peine 2,800 pieds ; mais bientot elles se relevent plus loin en deux sommitc^s s6parees : le pic de Bergoyo ou Tihuya , et le cone sul- fureux qui domine Fuencaliente. Ce fut le long de cette ligne que , dans les temps modernes , les feux souter- rains s'ouvrirent de nouvelles issues et ravag^rent la contr^e voisine. Lorsque la nature eut acheve ce grand travail , et qu'apres plusieurs siecles de repos I'ile put recevoir des produits d'un autre ordre , les plantes s'empa- rerent de cette terre volcanis6e pour s'y dislrlbuer sui- vant les expositions, la temperature des lieux et la nature du sol. Une vegetation aux formes africaines vintgarnir le littoral etles coteaux adjacents ; les berges des ravins se couvrirent d'espi^ces varices , et une cein- ture de forets s'^tendit sur les versants des montagnes. Au-dessus de cette region de lauriers, de foug^res et d'arbres verts dominferent les bruy^res ; plus liaut, dos pins robustes r^gn^rent presque seuls , et sur les cretes arides de la Cumbre , quelques plantes clairsem^es rappeUrcnt la v^g^tation alpine. La Caldera meme eut sa part dans ce second age de creation; mais, au fond de cet abime , les v6getaux no se grou- p6rent plus d'apr^s la loi commune. L'6galite de tem- perature , I'inclinaison et I'escarpement dos pontes, tons les accidents du terrain, en un mot, semblerent se r^unir dans cette enceinte pour y produire la plus singuli^re des anomalies dans I'ordre des distributions. La confusion des productions veg6tales au milieu do la Caldera , en s'harmonisanl avec le bouleverso- ment du sol , a fait de ce site un des plus curieux du globe. ( 262 ) Tanclis que les plantes commemjaient a couvrir le pays, les eaux jaillissaient de differents points; ensuile la v^g^tation , devenue plus puissanle, altira sur Tile une plus grande masse de vapeurs, et les sources aii- mentees s'echapperent en torrents par les gorges de la montagne. Ce fut ainsi que prirent naissance, au fond du cratere central, les ruisseaux dcYJguaBuena et de VAgiia-Mala ; r^unis aux masses d'eau qui se precipi- taient des berges circonvoisines, ils diirent former d'a- bord un grand reservoir, dont I'exislence est anterieure a noire ere, si nous nous en tenons a la relation dt; Pline (1). Ce lac ayanl rompu ses digues par le ravin de las Angustias , il s'etablit alors un cours d'eau natu- re] , qui, utilise de nos jours, va fertiliser les plateaux agi'icoles d'yhgiia/ ei do Tazncorte. Cette terre , qui, dans son principe, n'avait present6 qu'unc masse bouillonnante et difforme, se reconslitua sous de nouveaux ^l^ments ; rafraicliie par une v6geta tion toujours renaissante , delayee par les infdtrations des sources et des eaux pluviales , elle prit un autre as- pect. Bion qu'6loignee du continent, et une des der- nieres de I'archipel qui s'v rattachc, I'ile , en devenant habitable , ne pouvait rester long-temps sans maltres. Une race d'hommes partie ile la chaine de I'Allas, solon les inductions les plus vraisemblables (voy. part, hist.), aborda aux Fortunees , se r^pandit de procbe en pro- che , et vint occuper cette terre viorge. Les Guanchcs, en adoptant leur nouvelle patrie , la nomraerent De- nahoave (raon pays), et ce mot seul, qui rappolle leur droit de priorite , dit bien plus que tous les acles do possession. Ces peoples pastcurs etguerricrs, conduits (i) Voy. B'lH. wil. des lit! Canarlti , pail. grog. Jcsrript. , page i3. ( 263 ) sans doule par des chefs de tribus, arriverent avec leurs troupeaux , et s'installerent dans les endroits les plus propices a leurs besoins. Le pays fut subdivis6 en douze districts ou pdncipaut^s, dont I'histoire a heu- reusement conserve les denominations. 1° Vers la bande occidentale et sur le revers meri- dional de la Caldera, les districts A' \i ridane , de Tihiiya et de Tamanca. 2° Sur la bande orientale , ceux d' Abenguareme ^ de Tigalate, de Tedote, de Tenagua eiAAdeyahamen. 3° Sur la bande du nord et du nord-ouest , ceux de Tagaragre, de Galgeii et d'Hiscaguan. 4° Enfin, au centre de I'ile et dans les profondesan fractuosites de cette Caldera que la vegetation avail re- vetues d'une si riche parure , s'^tablit le chef des tri- bus (i). Ce district, qui par sa position commandait a tous les autres, recut le nom d'Eccro ou Acero , et le plateau de Taboiwenta, situ6 au milieu de son enceinte inexpugnable, fut alors la capitale de I'ile. Les paisibles possesseurs de Benahoa^'e conservaient depuis long-temps leur independance , lorsque, vers la fm du quinzi^me siecle , les Espagnols, conduits par Alonzo de Lugo, et deja maitrcs de la plus grande partie des iles Fortunees, vinrent les chasscr de leur pays pour s'y etablir par droit ie conquete. Cette epoque fut le prelude d'une statistique nouvelle ; un autre ordre de choses vint remplacer celui qui avait prevalu jusqu'alors ; la religion, les lois, les coutumes, les moeurs, le langage, tout changea avec I'occupation des vainqueurs. L'influence dominatricc de ces heureux aventuriers fit mouvoir tous les ressorts de I'existence (i) Voy, At)reu (Jaliudo. miss. ( ^M ) sociale, el I'induslrie europoennc, oxcit^e par les avan- lages quo lui offrait la nature du climat et du sol, chan" gca bientot la face du pays. Les progr^s furcntrapides. A mesure que de nouveaux colons accouraient du de- hors pour exploiter les terrains conquis , et avoir droit a d'autres repartitions , un rcdoublemcnt d'activit^ ve- nait accroitre les ressouices ; en peu d'ann^es, les cul- tures prircnt une grandc extension, et la v6g^tation in- digene, refoul6e sur les hauteurs ou dans les gorges les plus anfractueuses, ceda Ic pas aux planles introduites. Lescoteaux niaritimes susceptibles d'etre exploites, les valines et les plateaux furcnt mis en rapport ; le terri- toire d'ylrgnal et de Tnzacorte ^ dont les conquerants s'etaient d'ubord empar^s , se couvrit de Cannes a Su- cre, tandis que les muriers, les amandiers et d'autres arbres utiles se multipliaient plus haut dans la belle vallee d'alenr de 1,000 fmncs. La Societe de geographic offre une medaillo d'or de la valeur de mille francs au voyageur qui aura fait, en g^ographie, pendant le cours de I'annee i835, la decou- verte jug6e la plus importante parmi celles dont la So- ciety aura eu connaissance ; il rccevra , en outre , le titre de Correspondant perp^tuel, s'il est stranger, ou celui de Membre , s'il est Francais , et il jouira de tous les avantages qui sont attaches a ces titres. A d^faut de d^couvertes de cette espece , une me- daille d'or du prix de cinq cents francs sera d6ccrnee au voyageur qui aura adress6 pendant le meme temps a la Society les notions ou les communications les plus neuves et les plus utiles au progrds de la science. II sera porte de droit , s'il est stranger, sur la liste des candidals, pour la place do correspondant. ( '^70 ) 11. PRIX FONDK PAU 5. A. R. LJi DUG d'oRL^ANS. Medaille d'or fie la valeur (le 2,000 francs. S. A. R. le due d'0rl6ans offre un prix de deux mille jrancs au navigateur ou au voyageur dont les travaux g^ographiques aurontprocurd , dans le cours de 1807 , la decouverte la plus utile h ragricuUurc , a I'm- dustrie ou a I'liumanite. S. A. ayant bien voulu charger la Socidt^de geographie dedecerner ce prix, la Soci6l(^ s'attachera de preference aux voyages accompagnes d'ilineraircs exacts ou d'observalions geographiques. III. ANTIQUITfiS AM15:RICAINES. Medaille d^or de la ualeur de 0,000 francs. La Society offre une niddaille d'or de la valcur do trois mille Jrancs a celui qui aura le raieux rempli les conditions suivantes : On demando une description, plus complete ct plus exacle que coUes qu'on possude, des ruincs de rancicnnc cil6 de Palcnqu6, situdes au N.-O. du village do Santo- Domingo Palenqui, pr^s la riviere du Micol, dans I'Etat de Chiapa de I'ancien royaume do Gualimala, et desi- gnees sous le nom de Casas de Piedras dans le rapport du capitaine Antonio del Rio , adresseau roi d'Espagne en 1787 (1). L'auteur donnera les vues pitloresques (i) Voy. Uescriptioii of the ruins of an ancient city discovered near i'aleur de 100 francs chacune. Deux medailles d'encouragement sont offertes aux auteurs des nivellemenls baromelriques les plus eten- dus et les plus exacts , faits sur les ligncs de partage des eaux des grands bassins de la France. Ces m6dailles, de la valeur de cent francs chacune , seront d6cern(ies dans la premiere assembltic g6n6rale annuelle de i838. Les m^moires et profils , ^ccompagntis des coles el I ( 2V5 ) des 6l6ments des calciils, devront etre d^pos^s au bu- reau de la Commission cenli-ale, au plus taid le 3i d.&- cembre iSS^. Les fonds de ces deux m^dailles sent fails par M, Perrot , membre de la Soci6te. CONDITIONS GfiNl5:RALES DES CONCOLRS. La Soci^t^ desire que les memoires sclent Perils en francais ou en latin; cependant elle laisseaux concur- rents la faculty d'ecrire leurs ouvrages en anglais, en italien , en espagnol ou en portugais. Tous les memoires envoy^s au coneours doivent etre Merits d'une mani^re lisible. L'auteur ne doit point se nommer, ni sur le titre , ni dans le corps de I'ouvrage. Tous les memoires doivent etre accompagnes d'une devise et d'un billet cachets, sur lequel cette devise se trouvera r^petc^e, et qui contiendra, dans I'interieur, le nom de l'auteur et son adresse. Les memoires resteront deposes dans les archives de la Societe , mats it sera libre aux auteurs d' en f aire lirer des Copies. Chaque personnc qui d6posera un m6moire pour le coneours est invitee a retirer un rec6piss6. Tous les membres de la Societe peuvent concourir, excepte ceux qui sont inendires de la Commission ccn- trale. Tout ce qui est adress6 A la Soci<^t6 doit etre envoys franc de port , et sous le couvert de M. le president, a Paris, rue de rUnit'ersitc , n" «5. Paris , 7 nvril 1837. VII. AVUII,. G. 18 ( ^74 ) 1>R0(.1':S-\EUBAIX DES SIUNCES. Semtce dii "hx mors iSS^. Lc pi'occs- verbal de la derniero seance q^l lu ct aiiople. M. ie president annonce qii'unc depulalion de la Soci6l6, pr6sid(ie par M. lc g^n^ral Pelet, a cu I'hon- ncur de presenter a M"' le due d'Orldans le tome V dii liecncil dcs Memoires. S. A. R. s'esl enli'clcnue avec beaucoup'd'inlerel des travqux de la Societt^, el des principaux voyages qui ont et6 executes depuis quelquos annees. Parini ces derniers, le prince a rap- pel6 le voyage en Syrie de M. lc capilainc Callior. M. d'Avezac communique divers documents qu'il a rccus de M. le capilainc John Washington sur les cir- constanccs de la mort du voyageur Davidson , assassinp sur la route et a vingt-sepl journ^es de Tembouctou, el il accompagne de quelques nolos les indications geographiques que contiennent ces renscignements. M. Dubois, rt^cemmont arrive a Paris, est present a la seance, M. le president I'invitc a vouloir bion com- muniquer a I'Assemblee generale une notice sur ses derniers vovaues au Caucaso. ASSKMRLfeE Gj'miUALE DU y AVRH. iSSy, La Sociele a tcnu sa premiere assemblee generale do J 857, le vondredi 7 avril, dans les salles de I'llotel- de-Ville, sous la pr6sidcnce de M. le g^-neral Pclct, directeur du Depot de la guorre. M. le secretaire lit le proces-verbal de la dernierc assembl^e g^n^rale : la redaction en est adoptee. M. le comte Demidoff adrcsse ses rcmerciements A ( 275 ) la Societe qui vient de radmetlrc au noinbre de scs membres, et promet de cooperer a ses utiles tia- vaux. II annonce que son intention est de publier los documents qu'auront pu lui fournir ses procliaincs explorations dans la Russie meridionale , et, a cetlc occasion , il prie la Societe de lui fournir quelqucs notes pour diriger plus particulierement ses recher- clies sur les questions qui I'interessent. M. le President proclame les noms des candidats presentes pour etre admis dans la Societe , el M. le Secretaire doane communication de la liste des ouvra- ges deposes sur le bureau. M. .lomard presente, au nom de M. Reinaud, la pre- miere moiti^ du texte arabe de la geographic ^ Jboul- fedd, comprenant I'Afrique , I'Europe et I'Arabie. M. Eyries , au nom d'une Commission sp(^ciale , composee de MM. Daussy, Jomard , Laronaudiere , Walckenacr et de lui , presente son rapport sur le con- cours relatif au prix annuel accorde par la Society a I'auteur de la d^couverte la plus importante faite dans le coursdel'annee i834.Ceprixestdecernea M. le capi- taine Back, pour ses derniers voyages dans les regions arctiques. La Commission Sp6ciale fait honorablement men- tion des travaux de M. Bruguiere , de MM. John Smith et Lowe,.de M. Andre Smith, et dc MM. Arbousset et Daumas pour les progr6s qu'ils ont fait faire a la geographic. M. Ch. Texier, qui vient d'explorer I'Asie-Mineure, lit un fragment de son voyage sur les cotes dfr Cara- manl6, oil il a mele d'interessantes scenes de moeiirs k des observations de geographic , d'hisloire et d'ar- cli(5ol()gie. ( •■'76 ) M. Dubois de Monlp^reux lit une notice sur les races caucasiennes , et il donne principaloment sur les Circassiens des details d'autant plus inslructifs , qu'il a long-temps reside au milieu d'eux. M. Bertliclot, I'un des auteurs de I'Hisloire nalurelle des Canaries, lit une description de I'ile dePalma, et donne dans une notice I'liistoire geologique de celtc He. M. Roux de Rochelle, president de la Commision centrale, donne lecture du programme des sujets de prix mis au concours en 1837. L'Assembl6e, aux termes du reglement, procedc i la nomination des membres du bureau de la Soci6t6 pourl'annee 1857. Le depouillement du scrutin donne le r^sultat suivant : President :M. Guizot. Ficc-Presidents . -MM. le general Baudrand et Boucher, Scnitatenrs : MM. Desaugiers et Lebeau. Secretaire : M, d'Orbigny. M. le g^n^ral Pelet, dontlcs fonctions viennent d'ex- pirer, est nommd President lionoraire de la Soci^ti. La seance est levde a onze heures. Seances du 21 avril 1857. Le proces-verbal de la derniere stance est lu et adopts. M. le general Pelet 6crib a la "^oci^te pour la remer- cier du litre de President honoraire qu'elle a bicn voulu lui conf^rer a I'expiration de ses fonctions, et pour lui donner I'assurance qu'i) saisira toules les occasions de concourir a ses utiles travaux. M, Boucher, I'un des vicc-prlsidents dc la Socitite , ( 277 ) M. Lebeau, I'un de ses scinitateurs, et M. d'Orbigny, son secretaire, nomm^s a la derniere stance gen^rale, adi'essent leurs remerciemenls a la Society. M. Agasse , membre de la Societe , fait don a sa bi- bliotheque d'une Encyclop6die, de plusieurs Diction- naires universels et bistoriques, et de divers autres ouvrages dont la liste sera impritnee au Bulletin, La Commission accueille avcc une vive reconnaissance le g^nereux present de M. Agasse, et elle lui vote desre- merciements unanimes. M. le President, au nom de I'assemblee , adressc des remerciements a M. le baron d'Hombres (Firmas), present a la stance , qui a bien voulu promettre a la Society de concourir k la formation du Musee geogra- pbique en lui envoyant un certain nombre d'objets de sa collection. M. le conseiller de Macedo, secretaire perp^tuel de I'Academie royale des sciences de Lisbonne , remer- cie la Sociele du titre de correspondant etranger dont il vient de recevoir le diplome , et il lui adresse la suite des notices sur I'bisloire et la geograpbie des nations d'outre-mer, publi^es par cette Acad^mie. M. Toulouzan, professeur d'histoire au college royal de Marseille , ecriL a M. Jomard pour lui recomman- der, ainsi qu'a la Soci6t6, deux int^ressants voyageurs, MM. Combes et Tamisier, qui vionnent d'arriver en France de retour d'un voyage dans la Haute-Abyssinie , et dans les valleos des monls al-Gamar. MM. Combes et Tamisier annoncent I'envoi d'une notice geographi- que sur I'Abyssinie. Sur la proposition de M. Vandcr Maelen , membre de la Society, la Commission cenlrale decide que le nom de M. Pirlot, professeur d'bisloire au college d'Ath, sera inscrit snr la lislo des canditlals proposes pour la place de corrcspondant etran{»er. La Commission centrale acceplc la proposilion rjne lui font MM. les President ct Secretaires de la Sociele industiiclle d'Angers, relative a I'^change des publica- tions mensuelles des deux Societes. M. Desaugiers communique une letlre qu'il a rerue deM, Delaporte, consul dc France a Mogador, conle- nant des details circonstancies sur la mort du voya- geur anglais Davidson, Celte leltre est rcnvoy^e au comit6 du Bulletin. '• ' M. Barbie du Bocage communique une leltre de M. Jorelle, chancelier duconsulat de France a Sainl- Jean-d'Acre, conlenant de nouveaux details sur le dernier Iremblement de terre qui s'est fait ressentir en Svrie. Renvoi au comil(^ du Bulletin. M. le capitaine d'Urville , qui vient d'arriver a Paris, pour s'occuper des prdparatifs de son procliain voyage de d^couvertes, lit une Notice sur les dlverses explora- tions auxquellcs il a le projet dc se livrcr. M. Ic President lui adresse IcS felicitations de k So-' ci6te et ses voeux pour le succ^s de la mission scienti- fique que le gouvernement vient de confier k ses lumieres et a son z^le pour le progres de la science. M. Albert Montemont lit la tfaduction qu'il a faite d'une Notice sur TAmerique centrale, publiec par M. le colonel Galindo dans le Journal de la Soci^te geograpbique de Londres. La Commission centrale decide qu'ellc procedora, dans sa procUaine seance, a la nomination do deut membres adjoin ts. ^' ( 279 ) MEVIRRES ADMIS DANS LA SOCl/iTi). Seance da 5i mars iSS^. M. Jo comte Anatple D^midoff. Seance generale du 7 avnl 1837. M. GuizoT, ministre de I'instruction publique, grand- mailre de I'Universile. M. Sainson , dessinateur du Voyage de V Astrolabe. Seance du 21 ai'ril 1837. M. Heck, g^ograplie. OUVRAGES OFFERTJS A LA SOC tixi. Seance du 5i mars 1807. Par M. P. Jacqueinont : Voyages dans I'lnde ; par V. Jacquemont , 12^ livraison. r— Par V Academic de Rouen : Precis analytique de ses ti'avaux pendant I'an- nee i856, i vol. in-80, — Par la Societe d^ agriculture de Valenciennes : Memoires de cette Soci(^t6 , tome 2. — Par M, Gaimard : Voyage de la Recherche. — Rap- port au ministre de la marine sur les travaux de la C4ommission d'Islande , broch. in-8". Seance generale du 7 avril i(S37. Par le Depot general de la guerre : Atlas pour servir aux deux premiers volumes de I'Histoire des Guerres de la succession d'Espagne; public par M. le general Pelet. — Par le Ministere de l' instruction publique : Voyage dans I'Am^rique mt^ridionale ; par M. A. d'Orbigny, 19 a 20° livraison. — ■ Par M. Robinson : Three years in the East; being the substance of the journal of an ( 28o ) English gentleman who travelled and resided in Greece, Egypt, Palestine, Syria, and Turkey, during 1829, i85o, 1801, and 1802, torn. 1 at 2. Palestine et Syrie. — Par M. A. (le France : Les Prisonniers d'Abd-el- Rader, ou Cinq mois de captivite chez les Arabes , 2 vol. in-8". — Partes editeurs: Antiquit^s mexicaines, i3e et dfrni^re livraison. — Par M. Bcrthclnt : Carte des iles dc Fortaventure , de Lancerotte et de Per, I feuille. Seance clit 21 ai'ril 1807. Par M. de Macedo : Colleccao de Nolicias para a historica e geografia das Nagoes Ultramarinas, etc., torn. 4> li"' 2 a 4 et torn. 5. Par les auteurs et editeurs : Plusieurs num^ros des Annales des Voyages, des Annales maritimes, du Jour- nal de la Marine, du Voyage pittorcsque en Asie, du Memorial encyclopedique, des Memoires de la Soci6l6 d'Agriculture de I'Aube, du Bulletin de la Soci6td elementaire et de I'lnstitut. ( La lisle des Outrages offirts a la Societe par M. Acassk sera Mtcrce dans le prochain numero. ) BULLETIN DK I, V r r SOCrETE DE GEOGRAPHIE. MAI 1857. PR£M1£RE SECTION, MEMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET HAPPORTS. Note shj- h i'oyage de decoiu'erles an pole austral cl (hms 1^ Oceanic , c/^rAslrolobo et de la Z<^Iee. Messieurs, Appele pour quelques jours dans la capilalc, jY- prouve un sentiment plein tie charmes en me relrou- vant au milieu de collegues dont j'ai long-tem])s partag6 les travaux, et qui m'ont constammcnthonore de leur bienveillance et de leurs suffrages. Je n'ai pas oubliele jour ou votre Indulgence daigna, par acclama- tion, m'appeler au titre glorieux de I'un de vos presi- dents honoraires; je n'ai pas oublit^ non plus la deci- sion que vous prites, pour me continuer renvoi du Bulletin, bien que j'eusseformellement prevcnu la So- ciete que des raisons parliculi^ros me forcaient a re- VII. MAI. 1. 19 ( .8. ) noncer, aa moins pour un lomps, au lilie de membrc de la Societc. Vcuillcz, clicrs collogues, reccvoir mcs remerciemenls pour ccs prcuves reilerees de I'oslime et de I'interet que vous avez voues a ma personne et a mes Iravaux. De votre part, ces sentiments etalent d'autant plus g»^nercux, qu'ils avaient pour objet un homme alors lonibe dans une sorlc de defaveur vis-a vis le pouvoir. En elTet, cedant aux prdvenlions fachcuses qui ro- gnaient a la marine contre les voyages de decouvcrtes, el contre ceux qui y avaient pris part, a la suite de ma publication du voyage de V Astrolabe, jeme retiraidans mon departemenl a Toulon, ou je m'attendais presquc a terminer ma carriere sans pouyoirrendre a la geogra- pbic de nouveaux services, au moins d'une maniere ac- tive. C'est ainsi que je passai deux ann ccsdans une obs- curite complete, maisqui n'cnfut pas moins laborieuse, car je poursuivis'sans relache mes Iravaux sur I'eth- nograpbie des peoples de I'Occanie. Cependant M. de Rosamel arriva au minis}6re, des renseigneraents favorables me furentdonnes sur Ic ca- racl^re et les dispositions de cet amiral, et je me deci- dai a biifaire part de mes nouveaux projels d'explora- lion, muris par de longues annees de meditations. lis furent accueillis avec une grandc bienveillance do la part de ce ministre, et Ic roi, lui-meme, auqucl ils furent soumis, non seulement leur accorda sur-le- cbamp son approbation, mais il voulut encore agran- dir le plan que j 'avais presents en y ratlacbant une operation preliminaire iniportanlc, dont le rosuUat no pouvail etre que gloricuxpour la France, el d'un haul iiiler^tpour lageograpbie. Di'-siors tout marcha au gn^ ( -285 ) flemesvceuxj deux nav'u^es ont tile dtljsignes auport de Toulon, I'Jstrolahe et la Zelee, pour elre places sous mes ordres, et leI5 aout,je I'espere , ils seront prets a faire voile pour les parages qui seront le th(iatre de nos explorations. II est juste aussi de declarer hautement que I'amiral Rosamcl n'a, jusqu'ici, r.fuse aucune des demandes que je lui ai adressees dans I'interet de la mission. Noire premiere tache sera de pousserune reconnais- sance vers le pole austral, aussi loin qu'il sora possible de pen^lrer au travers des glaces. Les observations re- cueilliesparWeddell en i823,observationsquisemblent avoir le cachet Ac la verite, paraissent elablir qu'aprtjs avoir depasse la zone des glaces flottantes, large de six ou sept degres en latitude, on se relrouve d&ns une mer plus libre et moins sujetle aux lempfiles qui regnent souventau nord de celtezone. C'est ainsi que Weddell put atteindre, le 20 f^vrier 1823, jusqu"a74° 1 5'lat. S; c'est-a-dii'e, Irois degres et quart pins loin que n'avait fait Cook, malgr6 tons ses efforts; et si Weddell n'eut -trouve que la saison elait li'op avancee pourcontinuer ses tentatives, rien ne semblait opposer d'cnlraves a ses progr^s vers le sud. L'americainMorrell, a peu pres a la nieme epoqae, le 14 mars 1820, des 70° 10' lat. S., trouva 6gale ■ ment une mer degagee de champs de glace, et dont la temperalure etait beaucoup plus douce qu'olle n'avait et^ observ^e par Go" ou G2". Les circonstances lui pa- rurent en un mot si favoraliles, qu'il affirma sans he- sitation qu'il aurait pu alleindre le 85" degre sud, s'il avail eu du bois a briiler. Toulefois il est bon d'obser- ver que cette derniere assertion n'est fondle sur aucune preuve; en oulre, nous rappellerons encore une lois ■( .84 ) que les rt'cils do. Morrell no sonl pas loiijours a I'abri flu soupron d'exageralion. D'un aulrecole, Cook, le premier, malgre seselTorls reil6 reset perseveranis, do {~~o a 177!); plus tard Ic Russe Bellinghauscn , en 1819, 1820 el 1821; enfin tout recemmcnt Biscoe, en i83o, i85i et i832, furent conslamnicnl ancles au 70'' ou 71"" degre dc laHttide sud; el leurs vaines lenlalives sembleraicnl d'un la- cheuxaiigure pour cclui qui voudrait marcher sur leurs traces. Mais aucun do ces Irois capitaines nc parait avoir tenl6 de s'ouvrir une route direcle au sud, au Iravers des glaces flollantes ; loiis semblonl avoir recule devant cette tentative quileur presentail probablement Irop de chances de perle; tandis que rexperiencc de Weddell et de Morrell parait elablir qu'une sembla- ble navigation est possible, avec les precautions convc- nables. Enfin si,comme ralTirmc A\'e(ldell, lamer est libre a 74" 15' lal. S. , il n'y a pas de raisonpour qu'on n'aille pas beaucoup plus loin. II y aplus, adoptanlcompletomcntropinion primitive dc Cook.qu'ilabandonna peut-ctre a tort par la suite, je ne croispoin t que la glace puissc so former en plcine mer, loin des Icrres; d^s lors, il est evident que si au sud des iles New-Shet/and et Trinity^ il n'existe point d'autres terres, rienne doit s'opposer a co que Ton s'approchc de plus en pins du pole austral. Si I'enlreprise est te- meraire et peut-etro impraticablc pour certains esprits, il est au moins honorable de la lenler, et quelle qu'en soil Tissue, cllc peut donner lieu a des observations in- teressanles sous plus d'un rapport. L'csploralion vers le pole austral unc fois lermin^e, Toxpt'-dition enlrera dans lamer du Sud, nii elle conti- ( 285 ) nucrules Irava-jx commences en 1827 el en i8y8 par t Astrolabe. Le cliaxnp est fertile, etle sera long-temps encore pour nos successcurs. Toutefois nos operations seront dirigees d'une mani^re plus" sp^ciale sur lesiles Salomon, la cole meridionale de la Nouvelle-Guinee el les parlies encore inexplor^es de la Nouvelle-Zelande. Sur lous CCS points, je I'espiire, je pourrai recueillir des documents precieux pour un grand travail que je pro- jetle depuis long-temps sur I'Oceanie, et ils m'aidcront a combler plus dune lacune sur de grands espaccs en- core compl^temcnt elrangers a la navigation, comme a la geograpliie. Ces nouvelles observations auront en- core un autre merite, celui de confirmer ou de mo- difier les apei'cus generaux sur lesquels est I'ondee la division de I'Oceanie que je proposai il y a quelques ann^es, ct qui obtint voire assenliment presque una- nime. J'ai la vanite de croire que peu d'liommes connais- sent aujourd'hui I'Oceanie comme moi, et celte pn'"- vcntion n'a pas besoin d'apologie, car vous n'ignorez pas qu'elle s'appuie sur quinze annees d'etudcs opi- niatres ou d'observalions personnclles. Aussi jo jiense avoir muremenl pese monplan do recbercbes, et j'os- pere lui donner la direction la plus convenablc pour rendreles pi us grands services a la g(^ograpbie. Toutefois, messieuru, je ferai encoi'eun appel avoslumieres,et je recevrai avec joiolcs instructions oulesconsciis quo vous aurez a me donner, Je ferai en sorle d'executer tout ce qui nes'^carlcra pas ducercle de mcs operations. lime sera agreable de pouvoir fournir des fails aux personnes qui s'occupent de spc^cialites qui pourraient avoir ecbappe a mcs previsions. En unmol,ce soralemoyon lo plus oITicacc do lemoigner a la Sociele lout cnliore ( 28G ) Jessenliinenls dc gratitude qui m'animent pourchacun do ses membros. 2 1 avril |85-. Lettr£ adressee au president el au consed de la Societc royale de geographic dc Londres , siir les decoiwertes anlarctiques {Traduile par M. Dumokt d'Urviluc.) Messiki'rs, En jetant les yeux sur le dernier volume public du Journal de la Societe royale de geographie, mon at- tention a cte cxciloe par un article, page 44o, inli- tul<^ : Nouvelle expedition dans les oceans Pacifupie et Allantique. Je I'ai lu avcc beaucoup d'interet, el j'ai apprispourla premiere fois qu'une expedition de de- couvertes, monlec sur une cchelJe aussi splendidc, al- lait etre equipec dans les Etals-Unis de I'Amerique. J'ailu encore, en leur donuant mon assenliment, les courtes observations qui accompngncnt cet article , el j'ai songe en moi-meme que c'elait un procdde liberal dc la part d'une Societe comme ceile que vous presi- dez, monsieur, de donner dc la publicite et des en- couragcmonls a un voyage de dccouvcrtes, bien qu'il soil entrcpris par une nation etrangerc , et, a certains t^gards , rivale do la notre. Telles furent, monsieur, mcs premiers sentiments. Mais apres un examen plus mOr, quelquc liberal et quelquc genereux que put etre un pareil proc^dii, jc pcnsai qu'on pouvait considercr une expedition dans I'ocean Anlarctique sous d'aiilns points de \ue, — ( '^87 ) poinls lie VLie dune luiute impoiiance, en ce qti'ils se laltachent esscnliellemcnt aux interets maritimes et commerciaux de la na'ion, savolr : 1° En ce qui conconie les acquisitions importanlos que la science peut vraisemblablement retirer d'une pareille expedition. '2" La prosperite d'une branche ties impoiiaiUc de noire commerce, et dans unc grande ^tendue, les interets directs de nos armements. 3" En ce qui touchc I'csprit de d^couvertes, et le tori qui resullerait pour I'honneur national, si, aprcs que nos navigateui^s conime Cook , Weddel et Biscoe , ont jalonne la route ot surmonte les difficulties, nous permcllions a une autre nation de se meltre en avanl et de nous ravir la palme de la gloire. Permetlez-moi , monsieur, de metlre voire patience a I'j^preuve, si je voussoumets d'une maniere succincte mais precise un petit nombre de remarques qui se sont pr(jsentees a mon esprit relativement a chacun dc ces poinls de vue. Lc premier, qui, pour elre moins populaire , n'en est pas moins important, a trait aux interets do la science. II est gen^ralement connu que le baron de Humboldt, dont voire Sociele est fiere de compter le nom parmi ses membres honoraires ctrangers , a dcr- nierementccrit nne lettre a son Allesse Royalc lc due de Sussex, comme president de la Sociele royale , pour invilcr ccltc Sociele a elablir.de concert avec d'aulres societes et divers parliculicrs , une chaine d'obscrvaloires magnetiques en divers points sur la surface du globe, afin de recueillir une s6rie d'obser- valions , dans I'espolr qu'ollcs pourraicnt un joui- nieltro les pbllosophes a memo d'approclicr do quel- ( 2 88 ) ques unes dcs lois geniirales qui jMcsitlent a ce pheiio- m^ne exlraordinaii'e. En r^ponse a celle lellre, la So- ci6l6 lout entiere s'engage , aulant qu'il est en son pouvoir, a concourlr a la formation d'une serie d'ob- servalions sur lous les points du globe oil pent s'6ten- dre rinfluencc britannique. A cet ogard, beaucoup a (I'te d6ja fait dans I'liemispbere septentrional , el nous pouvons citer avec orgueil lesnomsdcBcaufoy, Sabine, Fisber , Foster , Back , et specialement les observations faites au dedans du cercle arctlque par James Ross et le professeur Hansteen dc Cbrisliania, Mais il en est tout autrement dans I'liemispbere meridional, et par- ticulierement dans les hautes bilitiides ou une con- naissance positive desfaits serait d'lNi grand prix pour completer la tbeorie du magnelisme Icrrestre. Les en- Ireprises de nos marins du commerce ont prouve que CCS latitudes sonl bien ])lus acccssibles , sous certains ra^ridiens du moins, qu'on nc I'avait suppose jusqu'a- lors. Les observations magnc^-tlques des voyages de ANeddell et de Biscoe confirment enlierement I'opi- nion du professeur llanslcen toucbant le mouvement general vers I'ouest des lignes d'egale variation dans I'liemispbere sud. Mais c'cst dans les meridicns que leurs vaisseaux n'ont point tra\irse , qui renfermcnt oil avoisinent les points de convergence des foyers ma- gnetiques dans I'liemispbere meridional, que dcs ob- servations seraienl j)rincipalemciit utiles. La glace clle- meme, ou les tcires que pourrait decouvrir un naviri; qui prolongerait la bande septentrionale de la glace enlre les meridiens de 70" et 260" longitude est, ou 180° vers I'ouest, vaste 6tenduc egale a la moitic de la circonference du globe par celte latitude , et qu'aucun de nos navigateurs n'a encore sillonnee ,offrii'alcnt des ( 289 ) localites convenables pour Ics observations des trois grands ph^nom^nes du magn^tisme lerrestre ; et cela nous mettrait a meme de completer une cai-te repre- sentant les courbes d'inclinaison , de variation et d'in- tensit6 , sur toute la surface du globe. Quelle gloriouse occasion pour acquitter I'engage- ment de la Soci^te ! Oh ! combien serait satisfaisante la pensee que la vaste influence de notre nation sur les mers serait encore employee aux progres de la science et aux decouvertes dans I'ocean Antarctique, comme elle la deja fait avec tant de succes dans I'ai'c- tique ! L'on pourrait en dire bien davantage sur ce sujet, mais j'ai I'espoir qu'un avocat plus habile que moi voudra bien plaider cette cause. Toutefois, il y a une objection suranneeque Ton pourrait faire, et a laquelle je vais repondrc en peude mots. Tout en accordant ce que la science peut y gagncr, quel avantage pratique peut-il resulter de I'expedition sous ce point de vue? Je repllquerai : Le plus important pour une nation aussi essentiellement maritime que la Grande-Bi'etagne. Attendu que c'est un fait connu des plus jeunes midshipmen a bord de nos vaisseaux, et meme de la plupart des hommes qui vivent a tcrre ; il est a peine necessaire de rappeler ici Tinfluence magnetique sur la boussole marine. Ccs deviations etles erreurs qui en resultent provenant de la variation qui change sans cesse, nous devions imnginer que nous pourrions les corrigerpar desol)servationsaslronouiiques, et par no chroncm^tres ; mais que faire, sices chronometrcsson eux-monics sujels a elre alVectes par Ic magnelismc;- ot a changer Icurs marches (Tune maniere tios scnsl Mo selon la position dans laquello ils sonl places a ( '-^90 ) I'egard du pole magnetique? N'est-ce pas Id un point d'une importance tout-a-fait pratique ? La siirct6 de nos navircs, la securitc^ de notre commerce, les vies dc nos conciloyens seront-elles toulcs compromises par Taction inconnue de cepouvoir mystericux qui Semble d6jouer toute csp^ce d'invesligation? Et le cri popu- laire du ciii bono serait-il (^coulti plutot que les recla- mations en faveurdes rechcrches sericuses que le sujel exigc d'unc raani6re si iniperieuse ? Plaiscau ciel qu'il n'en solt pas ainsi !. .. Mais je passe a une scconde consideration ; savoir : la jirosperiie d'une bi'anche tres importantc de noire commerce, et les intercts directs de nos armements sur line vaste echelle. Ce point peutetreeciairci parunr6cil succinct, lou chant les peaux de phoques, et I'huile d'elephanl marin apportees en ce pays depuis I'annee 177^; car ce fill a cetle epoque, qu'en consequence du rapport fa- vorable fait par le capitaine Cook sur les lies de South-Georgia et Rerguelon , quolqucs marchands en- trcprenanls 6quiperenl plusieurs navires pour allcr a la recherche des peaux de phoques el de I'liuilc. En I'annee 1778, environ 4o,ooo peaux de phoqucsfurent rapporl^esde la Georgie, du d(ilroit de Magellan, etc., cl ce nombre s'accrut graduellemcnl jusqu'en I'an- nee 1791 et 1792, ou 55o,ooo peaux de la valeur do 5o,oooliv.stcrl.furentannuellcmentimporlces(i1.Lors- que la guerre avec la France neigc ; et rli.' rceut tr''s coiiVfu.ihliMiient le nom do \ 1 1 . M A I . '^ . - - o ( '-^08 ) leiTC tl'KndcMhv, W'S l<'s arinaliMirs onlropronants qui a\aionl avind colic eXpedilion. Les venls conslanls do I'esl ot Ic mauvais lomps oblig^renl IcTula a laisser porlcr j^our f^nn Dinnen's Land. Lne fois de relour an iiord dii parallele do (ioo, les vents ("iirent invariahloTnent do Foiiost. Laissant de nouveau \ an Diomen's Land, le i/, Jan- vier, les vaisseaux porlorent an S.-E. Pai' i3.')''E., ils Iraversorcnt le parallele de Go" S. , et poursnivirent an S. E. ,ayant parfois des nionlagnes de glace en vue. Sur Ic m(!!ridien de 76" O., ils traverse-ronl le ccrcle polairo, et par la longitude de G8' decoiivrirent I'ile Adelaide, puislcjour suivanlla bandode terre nommee (jrnliani's Land , qui sV'lend I'cspace do pros de 9.5o niillos . dans une direction N.-E. et S.-O. , vers les Soulh-Shci- lands , et qui s'y rdunit tros prohaljloment. Dans ce voyage tr6s remarquable, iGo' de la circon- lerence furent parcourus en dedans du parallele do Go" S, , et So" le furent en dedans du corcle polairo. Nous avons trace les routes des trois navigateurs an- glais dans les regions antarcllqucs. Cook , Weddoll ot Biscoe. Nous devons maintenant suivre une route non moins importanle que celle-ci , el pourlanl, cliose otrange a dire, bien que quinze anneos se soient 6cou- loos dopuis son execution, sa trace n'a encore paru sur aucune carte dans ce pays. Le 3 juillet 1819, les deux vaisseaux russcs le Voslok (orient) ot le Mirni (paisible) , commandes par le capi- taine Bellinghausen et le lieutenant Lasaref quiltorenl Cronstadt pour les mors polaires. Le i5 docembre, il.s reconnurent iSo?/?/* Georgia; le j?2 , ils decouvrirent el fixorent la position d'une nouvclle lie volcanique nom- mee Traverser, par la latitude do i)2" 1.5' S. et la ( 2 99 ) longitude de 22" 4o' 0. do Greenwich. Le volcan lancait de la fumee. Puis faisant roule autoui'de la terre Sand- wich ,ils poursuivirent a Test I'espacc de ^oo milles , sur le parallele de 60" , sur le terrain que Biscoe , en i83r, ti"Ouva couvert de glace , et oiIj celui-ci avail ete oblige de faire i5o milles au nord pour la conlour- ner; ce qui demontre qu'ici, meme dans le voisinage de la terre, la glace est loin d'etre stationnaire. A par- tir du meridien de 187", ou 7" E. , ils firent roule presque droit au sud, sans difficulle , TcspaGe de Goo milles, jusqu'au parallele de 70°, ou une barrierc de glace les empecha d'avancer plus loin veis le sud; do la, ils so dirigvrent a Test , le plus souvcnt au dedans du cercle polaire, aussi loin que le /■/[' degrd de lon- gitude E., ou la glace les obligea a reprendre aunord. ll est digne de remarque que lia , ils passerent a 4o milles de la terre d'Enderby sans la voir; et sans doute la terre 6tait la cause de la grande quantity de glace qui, en cet endroit, avail autantd'titcndue. Par la lati- tude de 69", de nouveau ils avanc^rent rapidement a Test sans trouver d'obslacles, quoique cc fiit a j5o milles entiers au sud de la route que Biscoe avail ele oblige de faii'e en i83i. Avanl une fois alteint le meri- dien de 90° E., le 6 mai's 1820, les vaisscaux laisserent porter sur Port-Jackson pour s'y reparer. Duranl I'ete de cetteann^o, dix-sepl iles nouvelles furent decou- vorles jiar le capilaino Bellinghansen dans I'Occan Pacifique. Le 01 octobre 1800, I'expedilion fit voile de nou- veau pour les raers polaires, traversa le parallele de 60° par 165" E., et poursuivit a Test, entre les paral- leles de 64 et 68" aussi loin que le 90" degre de longi- tude 0.; puis, le 9 Janvier 1821 , elle atteignil la lati- 20. ( 5(M) ) t;ulo lit' 70", lour pniiil Ic phis ;ivonc6 vers le sud, ol soiilcnicnl a iinc pcllle dislancc 11 Test clu moridicii sur loquel (look avail alleinl, lul-momo, sa plus liaule lati- tude S. Lc jour suivant, une ilc fut decouvcrtc par la latitude de 69° 3o' S. , et la longitude O. de 90", et nommee Pierre I"; c'etaitla terrc la plus moridionale connue jusqu'alors. A quinze degres plus a Test, el prosque sur lc meme parallele , on docouvrit une terrc qui fut nommee Jlexandre I' , distante de 200 millcs seulemenl dans le sud de la terrede Graham, a laquelle elle se rattache probahlement. L'opinion dc I'amiral Krusenstern, qui a converse a cc sujetavee lecapitaine Bellinghausen , est que I'lle Pierre l' elle-meme s'y rattache aussi , attendu qu'on voit I'eau d6color6e et plusieurs indices de terre dans tout I'espace compris cntre les deux iles. La, les navircs hrent route au sud sans voir la terre de Graham , passt^rent au sud de Dirk Gherritz Land ., ou South-Shetland , et alleignirenl de nouveau laNouvelle-Gdorgie en fevrier, ctCronstadl en juillet 1821, precisemenl deux ans apres leur depart, opres avoir perdu seulement trois hommes sur un Equipage de 200 malelots. Dans ce voyage , comme dans ceux de Biscoe ct do Wcddcll, on trouva des monlagnes et des fragments dc glace depuis la latitude de 60" jusqu'a G7..; mais entre le cercle polaire et 70", la mcr ^lait beaucoup plus libre, et presque aucun obstacle ne s'opposa a la na- vigation. Pendant ce voyage , s/jo" dc la circonfi^jrenco , ou les deux tiers du tour du globe , furent parcourus au-dela du parallele de 60° S. , et l\5° au-dela du cercle polaire. ( '^Ol ) Dans les tjiialro voyages qu'ou vient d'exaiwinor : (,.iuk •! iMiicif.Mix,' 11 1/7'), .silltiiincnin 200° hu dcio liii |>jrallclr dc (J0°, 24" au-Jcl.i dii ror- nil- (U'Llilf. Br!li"S»li.iiiMii, ciilSiO, 240 55 WcM.ll, .111823, 12" 8 ULscoi, iMil831, 160 47". laissant 80", ou 2,400 milles sous le pai'allelo dc 60" et 900" oil pres de 6,000 milles au-dela du ceicle polaire inexplores. Au-dela de celle deuxieme ligue , lout est encore en blanc. Un autre voyage est a ciler; et, s'il est vrai, son im- portance est grande. En eflet, son auteur, M. Morrell , maitre d'un navire marchand americain , pretend qu'en i853 11 passa le parallele de Go" par iiG" de longitude E. , trouva la mer ouvcrte, et courut hardl- nient au sud jusqu'au-dela du cerclc polaire ; jiuis pro- litant du vent d'est qui, suivant tous les navigaleurs , dominc par celte latitutle, il parcourut iiG" de longitude sans rencontrer d'obslacle digne d'etre mon- lionnc, en passant a 200 milles uu sudde la terre d'J'^ii- derby. Ayanl atteint le meridien de Greenwich, il 111 route au N.-O. pour la teiTC de Sandwich, alin d'y chercher du bois; de la , il relourna au sud, el par 4o" 0., il atteignit la latitude dc 700 [, son point ex- treme de ce cole. La, il represente « la mer comme libre. Aucuns champs de glace elpeude montagnesde glace en vue. > De ce point, il lit route au nord, de- couvranl unc terre, dont il prolongea la bande orien- lale en contournant sa pointe septenlrionale , et se dirigea enlin vers la terre dcs Elats. 11 appela celte torro South Greenland, et, par sa position , clle semblerail former la limite orientale "de la terre de Graham, (le voyage a bcsoin de confirmation; mais comme 11 naja- juais elcrel'ultSdu nioinsanoli'cconnaissance, nousdo - ( 3o2 ) vonsle mcntionnov ici. S'i\ est vrai, cost le plusremar- quablc qui ail encore etti fait clans I'lu^misphere m6i i- dional. Tel est, monsieur, I'apercu dos (U'couvcrles op6r6es dans I'ocean Anlarcliquc. J'aiindique d'uno maniere succinclc quclqucs uns des avanluges sous le point do vue scienlifique cl commercial, el surloul ce que nos connaissances geographiques auraienl a gagner clans unc expedition dirigec vers les mers polaires du Sud. En definilive, j'insisterai avec respect, mais avec ier- mete, pris do vous, monsieur, el du conseU de la Sociele do geograplile , pour cjue \ous proposiez une pareilk expedition au gouvernement de S. M.. , en representant les avantagcs qui en r^sulteraientprobable- ment , et la necessite de I'aire sur-le-cliamp les dt'unar- ches convcnablcs , si nous no voulons pas voir le pa- vilion d'uno autre nation usurper le poste f(ui est le palrimoine de la Grande-Bretague. Le gouvernement a d^ja protege et liberalement as- sists la cause des decouvcrtes; savoir, pour les expedi- tions do I'Eupbrate, de TAfriquo meridionale, de la Guiane anglaise, et pour la derniere et brillante enlro" piise au pole arctiquc. Nous le savons bien, et nous sommes vraimcnt reconnaissanls de sa liberality ; I'bis- toire tiendra comple de cola parmi d'autros exploits trop Importants ])our c'lre oublies. Mais pourquoi posaussl line expedition ;.nlarcli(jue ? On pourrail alloguer qm; la depouse sera consido- rablo. Si rexpedilion a lieu aux frais de I'litat , elle exi- gera peul-elre de quin/.e a \ingt mille livres sterling; si c'esl aux frais do simples parliculicrs, dix mille suf- liront amplement. Mais accordons qu'une somme plus forte soil ndccssaire, cfuel est celui qui n'y conlribuc- ( r>o5 ) rail pas volonliers? Quo rallaiie soil presentee an senal anglais cl appuyeo pur I'eloquonce Jes hoiiinies (jui ont a ccDur I'lionneur national; qu'elle soil soumise a la Sociele royale, a I'vissociation anglaise , et aux au- tres corps scicnlifiqucs; qu'elle soil soumise aux ne- gociants enlrcprenanls de celle vasle melropole; en un mot , qu'elle soil soumise au peuple anglais tout en- tier, et il n'y aura pas, il nepourra y avoir aucuue dif- liculte a Irouver Ics fonds necessaires. Je m'adresse a vous, monsieur, avec d'autant plus de confiance , que le programme qui fut publie, lors de la I'ormalion de voire Sociele designait les decou- verles comme I'objet auquel elle se consacrerait sp(^cia- lement. Six annees sont maintenant ecoul^es depuis telle epoque, el les Iravaux de \os voyageurs sur toules les parties du globe peuvent attestor combien cette pro- messe a ete noblement accomplio; mais un champ dc decouvertes restc encore intact; permolloz-moi done d'insister sur cc point pros de vous, (jui pouvez accom- plir ce grand objet. Vous comptez dans voire SocitHe des individus places dans de liautes positions, et dont rinfluencepeutagiravec succesenfaveurde cette caus -. des individus dislingues dans le service naval et mili- taire , tout prels a encouragor vi a seconder avec Icur energie caracteristique des plans de decouverte. Sur voire lisle sont enregistres les noms des Parry, Fian- klin.Ross, Uicbardson et Back, et peut-on douter qu'un plan de decouvertes dress6 et recommaiule par de pareillesaulorites ne soil prisen consideration ? Ob! qu'il ne soil pas dit que plus d'un demi-sioclc s'est ecoule depuis que noire innuorlol compalriote (look sacrilia sa vie pour la cause des decouverles, el quau cunc demarche n'a ete laite pour sui\ ro la trace glorieuse ( 5,./, ) dans laqiiclL' il avuit ouvort la marohe ; qu'au-dela ilii cercic j)olalre , il reste encore un l)lanc sur nos carles , ct meme, co qui seiail infiniment plus facheux pour nous, que nous dontla snperioril^ navalo dale de mille ans, nous ayons pcrmis a une nation nee d'liicr, quoique giganlcsquc dans son enl'ancc, nous lui ayons . dis-je , pcrmis de nous ravir noire pri\ilegesur I'Ocean el dc rccueillir les lauriers qui ont cle planles el arro- stis ])ar les sueurs de nos marins. Nos savanls consumcront-ils leur vie a former d'ad mirables Iheories, a dcWnelcr les lois qui ri^igissent quelqucs uns dcs ph^noniencs myslerieux du globe que nous habilons, el ne les alderons-nouspoinl a ob- lenir des fails pour dt^montrer la veracil6 de ces theo- ries? Quand les philosophes ont , suivant loute vrai- semblance, indique les lieux oii Ton trouvera les poles magn6tiques du sud , nous qui pouvons le faJre, leur refuserons-nous la recompense bien mt^ritee de leurs Iravaux en nigligcant de confirmor par lobservation la verite de leurs raisonnemenls? So n'insistc pas a af- lirmer que I'Europe entiere a les yeux fixes sur noire pays pour resoudre le problerao du magnetisme tcrres- tre dans rii6misph6re meridional; ct I'Europe entiere , je dirai memo, toutes les nations civilisees, designc- raicnt d'une vuix unanim? I'individu qui a deja plante la croix rouge dc I'Angleteri'e sur I'un des poles magne- tiques du nord , comme I'liomme le plus propre a com- mander une expedition envoy6c pour un pareil objet. Ma tache est lermin6e. 11 serait presomplueux de supposor que la reclamation d'lni parliculior inconnu put avoir beaucoup de poids pres de la Soci(il6 de geo graphic. Mais dans la conviction intime et pcrma- nenle que la gloirc future dc monpays est liee auxen- ( 5o5 ) coiirageinenls doiines aux entreprises des Anglais; ct qu'elle perdrait lout I'^clat qu'elle a acquis aux yeux des nations du nionde civilisd' en cedant h une autre cette glorieuse occasion de completer le grand travail entam^ d'abord par rimmortel Cook, je ne puis m'em- pecherde manifester mes sentiments. Je termine done en exprimant la vive esperance que, grace a vos efforts, mes voeux pourront elre realises, et qu'avant peu la croix du Sud pourra brlller sur une expedition navi- guant vers les mers polaires; — cettc croix chantee ja- dls par Dante et Canioens, et quiservit comraede ban- niere dans une cause bion plus sacree; — cette croix, qui, par sa position, designe I'heure de la nuitaux In- diens errants dans les deserts de VAtacania, ou aux navires sillonnant I'ocean; — cette croix qui brilla de tout son eclat sur Diaz, Colomb et Vasco de Gama. — celte croix, enfin, que je desire ardemment voir de nouveau briller sur le pavilion de la Grande-Bretngiie, fJottant avec orgueil sur les terres antarctiquos dont la docouverte est due au zele ct a I'intrepidite des marins anglais. J'ai I'honneur d'etre, etc. A. Z. DESCRIPTION DE L'lLE DE FER. PAH M. S. BKRTIIELOT. Etymologie. — Les Ivspagnols donnerent le noin de HieiTo a I'lle deFcr, la terrc la plus occidentalc du monde connu des anciens. Cette denomination , que les Francais Iraduislrent par une expression equiva- lenlc , est derivee do Hem , qui signiliail Fontaine ( 5n() ) tlans la langiic dos liirabachos, peuplade ahorigciio depuis lojig-lemps an^aiiliu, \iana, auquel I'liisloiio C8l rodevable de cc renseigneuienl (i) , dit que los pri- mllirs liabitanls de I'ilc de Fer appelaicnl hcrcs Ics puils ou citerncs dont ils sc servaienl pour consener les eaux pluviales. Cette expression est encore en usage aujourd'hui dans le pa^s pour designer ces reservoirs. Quelques auleurs ont suppose que la denomination do ilierro , Fer , avait ele appliquoe a I'ile a cause do I'abondance de ce melal; mais colte opinion est loule graluilc , el voici probablement ce qui y a donne lieu. Les roclies de cetle ile ont en g^ndral un aspect lerru- gineux, et les autres produils volcaniques qui couvrenl le sol ressemblent assez a des scories de forges : a une epoque ou le merveilleux etait en grande vogue , on aura pris pour realile ce qui n'etail qu'apparcnce. Cependant, des leconimencemontduxv''si^cleon savait ileja a quoi s'en tenir a cet egard. Les gens de Bellicn- court, qui Irailtirent si barbaremcnl les malheureux liimbaches, ne manquerenl pas d'observer que ces in- sulaires portaient grandes lances itonjerrees (2). C'esl ce qui a fait dire a Viera que les Heirenos ne connu- rent d'autre fer que celui de leurs chaines (3). Nous 6vilerons de parler des autres derivations de ce nom, cl de I'opinion qui lui atlribue une origine grecque (4) ; celle de \ iana nous a paru concluante : il sorait done suporflu d'avoir recours a des liypolliLScs (i) An'ioiiio Viaiia, Antiqucdndts (h: tiis isl. ofcrliiniul ("iinl. ( , pa-.- 1 5. (2) • Car , ;ijc)iikiil li-s liisloricns dc i;i ciuiiiiitHr, ils n'vnt piiii,l dc /tr >i( d'autre metal I. 0 HimliiT rl Lc Vi'iriir, Hist, de la pniniire dcsrcii tcrle et conqneste dts ('(in., p. laa. C^) yoliriiif de la hifl !;ni. , loin. 1 , \'. 05. (4) idem. dans unc question qu'on pent resoudre avec dos tra- ditions hisloiiques accreditees pai- des faits encore existanla, CoKFiGU8ATiO> BK GisiiMEN'f. — L'ile de Fer est la plus petite de I'archipel canarien : si on la mesure depuis le fond de I'enceinte du Gol/o jusqu'a iapointe A:-one, ou bien jusqu'au port del Hierro, sa largeur n'es,cede pas trois lieu€s; sa longueur, prise dans la plus grande extension d'une coteal'autre, n'en de- passe gu^re cinq; on en compte i4 ou i5 en suivant le littoral sur tous ses contours. La forme de l'ile imi- terait assez bien celle d'un croissant si la pointe Ras- tinga ne s'avancait pas autant dans la direction du sud- ouest. Quant au gisement, nous avons vu qu'en 1724 le P. Feuillee avait assigne au bourg principal {Faherde) 270 47' 3o" de latitude nord , et 19" 54' 45" de longi tude oecidentale. Lcs observations de I'abbe de La Caille ont fait ap- precier, en 1726, Timportance des donnees du P. Feuil- lee (1). Depuis celte epoque les seules observations di- lectes qui aient et6 faites pour determiner la position de l'ile de Fer, sont celles de don Domingo Mesa. Elles placent le bo.urg de Valverde par 27° 45' de latitude, et 20° 67' 45" de longitude oecidentale complee du meridien de Paris. Cette observation dilfere de I'estimc de Borda do ]ilus de 28 minutes en longitude. Dans la petite carte qu'il annexa a celle de Lance- role , Thomas Lopoi adopla la donnee de Feuillee; mais lcs renseignements lui manquerent pour deter- miner la forme de 1 lie d'une maniere precise. Le plan '.) Aiivtv. Hhl. nal. ties Ucs ('an. ( (Jeo^'. dt-sciiiil. ) , p. iS it H). ( 5oS ) que nous avous Tail graver sur la pi. XI de noire Al- ias a 6le leve par don Stibaslien do Celis. C'esl justpi'a ce jour le seul qui donne une idee exacle de la conli- gui'alion el de la lopographie d'une ilc qu'on Irouve cilee dans tanl d'ouvrages a cause de sa position par rapport aux aulres longitudes lerreslres. Description, — Don Sebastien de Celis, qui a reside long-temps a Valverdc en qualile d'adniinistraleur du (isc , nous a communique plusieurs notes im]>orlanles dont nous nous sommes servis pour noire description de file de Fer. Don Lorenzo IJrtusnous a permis aussi d'exlraire des manuscrits de sa bibliotheque tout ce qui nous a paru digne d'allenlion. Panni ces pre- cieux documents, nous devons faii'e mention sur- tout d'une relation du pfere Don Lorenzo, qui par- courut I'ile en 1779. Les observations que renlernir cet 6crit denotent beaucoup dc jugement et d'instruc- lion dc la part de son autcur. Les distances relatives ties lieux, la configuration du sol, I'elal de I'agricul- lurc , I'apprccialion des produits et dc la population , rien n'y est oublie; c'est une slatistique presque com- plete du pays, et que relevent encore des peintures dc mauu's pleines d'interet. Nous devons citer ^galement, parmi les sources ou nous avons puis6 , I'ouvrage de V iera qui nous a fourni aussi de bonnes notions. L'Jle de Fer est entourec d'une ceinlure de lave qui la rend presque inabordable ; elle s'elevc I'apidement (lepuis les falaises qui bordcnt le liltoral jusqu'a unt; bauteurde plusdeoSoo pieds. Cependanl, sur certains ])oints, quelques petils plateaux, disposes en assises, ronipent runilormile de la pente et ollrent un sol plus accessible. Tel est celui d'/namn , qu'on rencontre apres avoir gravi les escarpcmenls du Goljo , vaslc baie ( 5'M) ) siluee sur la bande septentrionalo. Lorsqu'on abordo File de ce c6t6 , on voit se developpei', sur un espace d'environ quatre lieues, unc enceinte dc rochers dun aspect iniposant ; une foret de lauriers , dc mocans el de grandes bruyeres en garnit les anfractuosites. C'est en s'engageant dans les sentiers pratiques sur les re- bords de la montagne qu'on parvient sur le plateau d'Inama; bientot apros on traverse les Llanos de Nisdafe, les iTiieux cullives de File , et deux heures de marche suffisent ensuite pour arriver au bourg de f^alverde , r(!!sidence du gouverneur. De la on descend vers lo port d'El-Hienv , situe sur la cote du sud-est. Ainsi, en moins d'une demi-journee , on a parcouru le pays dans sa plus gvande largeur. Deux auti'es chemins partent de la capitale et sc dirigent en divergeanl vers les caps de Snliuore et de la Dehesd qui limitent Fenceinte du Golfo , Fun au nord- est et Fauire au nord-ouest. Ces deux routes longent les cretes des montagnes et permeltent d'apercevoir sur les deux bandes de File les cotes opposees. Des crateres eteints , dont les flancs se sont recouverts d'une vegetation vigoureuse, des nappes de laves et dc scories , des cones d'eruption plus recente accidentent a chaque pas celte haute I'^gion. Le promontoire do Salmore, qui s'avance vers le nord , domine tout le goH'e ct constitue la partle la plus dilevde du Time, cette cbalne de rochers dont les terriblcs escarpoments forinent les premiers gradins des montagnes supe- rieures. La chapelle de Notre-Dame de In Peiia, qui avoisine le hameau de Giini-azoca , a di^ batic sur le sommet du promontoire. Vers la jioinle de la Dcliesa l;i pente nCst pas moins abruplc , et luie autre clia- pellc , ccUe do A>.v /iV» r.v , apparail siir It' poinl culmi- nant dii plateau. La structure orograpbiquc cic 1 ile iiapas jiermis au\ habitants dc s'etablir sur le littoral ; beaucoup dc villages sonl groupes sur les coteaux inaritimes Ics plus rappiNich^s du rivage; San Jitdrcs ^ Tinor, Tcgnacintp , Tenecedra et JSlocamtl occupent la seconde lignc sur les plateaux agricoles de I'inlerieur. Telle est dans son ensemble Tile dcFor, dont les historiens de Bethencourt donncrent a leur mani6rc (en 1402) une description remarquable par son exac- titude el la siraplicite du style. iiSi jjaileions premierenieiit , disaient-ils, dc i'isic dc » Fdr qui est une des plus loiiitaines. C'est une moult heUe oisle ejui contient sept lieues de Jongct cinq de large : cllc » est en manierc d'un croissant et tres forte , car it n V a ne « hon port ne ban entrage. Elle a este visitee par le sicur »de Uet/iencourt et par d'autres : Gadifer y fut bien lon- » guenient. Elle souloit est re bien peuplee de gens , niais » ils ont este pris par plusieurs fois et nienez en chetijuoison net estranges contrees; anjourdlmi y sent denieurez pen. 1) Le pais est haul et assez plain , gamy de grands boccages t> de pins et de lauriers portant nieures si grosses et si n tongues que nierveilles (l) , et sont les terres bonnes pour » labourer bleds, i>in et toutes auircs c/ioses. On y troiivc i> mains autres arbres , portans f/ufcfs dc dii>erses ailtrcs » conditions, et y sont faucons , csperviers, allouettcs , ncailles, et une nianiere doiscauj: de court e voice, qui » ont plume de fa isans et la taillc d'un papegaujc{i). J.cs (i) Bonliers et Le Vcrrier 011 voulii (lr.>!^i)er aiiisi les fruits tin Plcro- c!es arenariiis. (a) L'oiseaii donl il csl it-i quolion isl |.|-i>l)u!)lonicnl \v Tctras /Ira- i;oitica. ( 5,1 ) » eaux r Aont bonnes cl y a grand plant e de bestes , cU'Sl U » siu'oir ponrceaii.v , c/iei'/rs, brebis , et des lesardes , )) grcuidcs comme nn clint, vuiis dies ne font nnl mal ^ et 1) sont hi'en Jddeuses a vegardev. Les liabitants dUcelle sont " niQjdt belles gens homines et femmes. 11 y croit bleds de » toates manieres assez ( i ) . » De haules monlagnes oii I'on relrouve des forels vierges altirent sur I'ile une masse de vapeurs qui hu- meclent et ferlilisent Ic sol, bien que dans plusicurs endrolts la compacite des laves et la nature des autres produils volcaniques relardenl encore le d(iveloppc- ment de la vegetation. Toutefois, aucun ruisseau n'ar- rose le pays depuis la perte de VJrhol Santo. Los seules sources existantes sont celles situ^es sur Ics hauteurs de los Llanillos et de Sabinosa. Celles de los Llanillos fournissent une eau potable, toujours limpidc et tr6s IVoidejl'eau de la scconde est pi'esque chaude, son odeur est sulfureuse et sa savour piquante; c'est la fontaine medicinale des fJerrenos ; ils en font usage centre les obstructions , et pr^tendent que les ch^vres et los brebis qui en boivent ne s'engraissent jamais. Les verlus de cette source n'echapporent pas aux olj- servalions des chapelains de B^thencourt. « Quandona taut mange qne on ne pent plus , ecrivaient- » ils, et, qu^on boit d'icelle can, ainc/io/s qu'i'l so/t une » heuvela viande est toute digeree , tant qu'on a aitssi » gmude 'volonte de manger quon avail anpara- » ('<7«/ (2). )) Pendant Thiver les habitants on grand soin de rc- (1) ll'iH, de U priw. dcscouv. cl contfiicsl. d-is Can. , [1. 121 ol 122. (2) /(/I'.'U, idem, idtDi. ( -^'^ ) fucillir les caux pluvialcs dans los hcrcs ou citcrnos. All centre dii vallon do Tafiraf'c , a un quart do liene environ du hourg de Valvcrdc , on en a creuse unc quarantainc dans I'epaisseiir du luf. II en est dans ce nombre de trfes spacieuscs qu'on allrihue aux anciens Bimbaches ; clles sont rccouvertes d'une voule soutenue par dcs piliers. On en voit aussi de semblablcs dans d'autres vallees de File, et chaquc commune entrctient des gardlens aupres de ces pr6- cieux reservoirs. Dans les conlrats de mariage et les legs lestamenlaires le don d'une citerne est plus es- timd que celui d'un champ. Dans les lieux eloignes dcs /teres, les patres do I'ilo de Fer , a I'exemple des Bimbaches, se procurenl aussi de I'eau potable en creusant des trous sur les troncs des mocans, au depart des premieres branches. Les \apeurs que la rosee et les brouillards diJ'posont sur les feuilles ne lardent pas, en s'(!;coulant le long des rameaux, de remplir ces petils reservoirs connus dans le pays sous I'ancien nom de gnazimos. Les ingenieux lierrenos ont admirablemont secondc la nature pour accroitrc leurs ressources, et sonl par- venus, a force de labeurs etde perseverance, a se pas- ser des autres ilcs. Leurs ricoltes excedent la consom- malion, et les denrees qu'ils exportcnt a Sainte-Croix de T6n6nire ou dans les autres ports de I'archipel, leui- ])roduiscnl chaque annec un rcvenu de 126 mille fr. Cette sonime est assez forte si Ton a egard a la petil(> etendue d'un lerriloire dont la circonf^rence est d'en- viron \l\ lieues, et au chifl're d'une population que le dernier d^nombrement de i8.~i5 porlait a /(44o ha- bitants ou G54 par Tk'uo carrc'-o. V.w France If rapport est i\c 1 240 a 1 . ( ^'J5 ) La ferlilile tlu sol dans Tile de Fer favorise puissain- mont rinduslrie agrlcole. Une J'anegada de terre (i) planlee de vignes rapporle annuellennint 9 ou lo pipes de vin de 600 litres cliaqiie, landis qu'a Tenerifle ce produit ne depasse guere 5 pipes. Le tableau suivaiit donnera une idee des lecoltes generales. PRODUITS. QUANTITES. IVALEUBS Vin 2,1 10 pipes (le 600 litres cliaqiie Orf,'e 'cf.^nofanegasiy.)^ »i" '480 iJ. I I ,o»o icJ ■>, i/,o Id 5,000 coslaks (3) I So qqs 1,000 id 5oo id 65o id 541 (iuuzain. de - (mamTyos). yi2 7((ar(i7/o = 456 litres 55o livres 2,l4l 85o Ble. Si'i^le Mais Legumes . . . , Pommesdelerre, Orseille Fij^iies seches. . , Laine Fromagcs. . . , Lin Miel Cire , Agneaiix. . . . Ghevreaiix. . . . Veaux , Cochons 160 fr. 168,000 07,411 7,000 14,98.) 7, 5o() 18,000 20,000 5(),ooo 1 3,000 3,000 5oo 8co 9,000 3,4oo 700 2,400 Valeur totale des produils |354,99i Dans les annees d'abondance ces prodiiits augmen- tent consid^i'ablement; ainsi les recoltes des c^reales (bl^s, orges el avoines ) s'^levferent a 17,430 fanegns. Les trois annees suivantes ne fui'ent pas moins feitilos, inais le chiflre de ces prodiiits diminua de plus d'un tiers en 1678, et de pres de la moiti^ en 1770. (i) XiVi fanegada lie terre de I'ile de Fer est de 1,20 ) lirusses ca: lees. L.i lirasse est d'enviroii Gpieds. A T('iieri(fe, la fanef;nJa est dc i,6no !jrasse>. (2) La fanega pese eiiviidii 4a kilog. (3) Le coslul pese la inoilie moins (pie la fancfa. VII. MAI. 5. 21 ( '^'4 ) On a <'?value lo tolal dcs Ironpeaux do moulons ct tic l)rcl)ls a 1 y ,000 totes. Cos anlinaux ne se desallercnt qu'avec la ros6e;leur princlpale nonrriture, dans cc pays sans herbages, consisloen roiiillos d'asjiliodolcs (1), de ligulcrs et luuriors noirs. Lcs liguiers do I'ile de Fer sont vigoureux et peu elev6s; leurs ranicaux s'elendent au loin sur le sol ct couvient do grands espaccs. Ln de ces arbres rapporte jnsqu'a 4oo livres de iigucs. Les clievrcs, bicn nioins delicatos que les brebis , s'accomTnodcnl de loutes les planles sauvages sans dis- tinction ; les cuphorbes meme , dont Ic sue est si caus- tique , ne leur ropugnent pas. Ouant aux vaches, leur palure est la menie que celle des brebis. D'apros les annotations de don Lorenzo L rlus, les re- v(!nus d'un richc i'ermier peuvcnt elre evalues sur les donn^es suivanles : i3o a i4o pipes do vin; 5 a f)0o fanegas de bio ; 1 8 a 20 — de figues sochos. A ces produits annuels il faut ajouter la possession de 20 a 5o vaches, 2 ou 5oo brebis , un ccrlain nombn; de chovros ct de cochons , plusieurs beles de charge, et quelques ruches a miel, puis ce que lui rapporlo on laine el lailage son gros el menu betail. Presquc lout le vin qu'on recoltc est converti eii eau-de-vie , donl la plus grande partie est expediee a la Havane , le teste se consomme dans I'ile, et prend le nom de mistela lorsqu'on y fait infuscr une certaine quantile de cannelle , de girofle , d'anis et de pimenls (i) As/ ho^lt litis ran osiis. Lis brebis broulcnt aus-i la racinc de celle j)lunte. ( oi5 ) rouges meles avec da miel. Cetle liqueur Incendialre est tros gout^e des Herrenos, et I'usage s'en est mal- heureusement repandu dans toutes les Canaries. line trentaine d'alambics d'ancienne construction est affectee a la distillation de Falcool : laoo pipes de vin rapportent environ 200 pipes d'eau-de-vie de qua- lit^ inferieure, forlement impregnee d'empyreume , et preleree par cela meme a notre meilleur cognac. Le pays est Ires peu impose : toutes les redevances se reduisent aux dimes , aux droits communaux et au nouvel impot de la police. La dime est evaluee a 2,400 fr. environ. La loison du belier et la valeur dun fromage a la naissance de I'agneau revienncnt de droit a la com- mune. Le nouvel impot que percoit Tadminislralion g6ne- rale de la police ne s'eleve pas a 5oo francs pour toute I'ile. Lorsqu'on compare les conditions d'cxistence des habitants de ce recoin du globe avec la position sociale des populations europeennes , on ne salt trop de quel cote doit se trouver le vrai bonheur. D'une part c'est le laiiser-'vwve du bon vieux temps , la soclete presque a son enfance et dans toute sa simplicile, n'employant encore que les premiers elements de la civilisation pour arriver a un etat plus prospere ; mais aussi c'est un bien-etre reel, effeclif, a I'abri des caprices de la fortune et des chances du liasard. D'aulre part, c'est la civilisation paW^oiies, peut-etre au plus haut degre des conditions bumaines , et qui nous est impos^e avec toutes ses consequences comme un fait accompli ; car dans r^tat de chosesou nous vivons, il faut lout accep- ter pour savoir vivre; la loi du [)ays avec ses garanties '2 1. ( •'^•<' ) oil ses nbiis, sos avantages on scs prt'jiulires, ses con- cessions cl SOS liberies. Dans raporru statislique que nous vonons do pre- senler d'une des plus pcliles iles de rarcliipcl canarion, nous avons niontr6 Ics rcssources que les Herronos avaient tirees de leur rocher. Quelquos observations sur leur position sociale et leurs coulumes conipl(ile- ront cetle esquisse, et serviront a faire apprecier ces insulaires sous des rapports plus pliilosophiques. Le commerce inlerieur est lout-a-fait nul a I'ile de Fer, et cela doit etre ainsi dans un pays oii chacun peut se passer de son voisin. Sauf cinq ou six families beritieres d'anciens fiefs, le terrain est assez 6galement reparti. Chaque proprietaire cultive son cbamp et en tire ses propros ressources. A I'epoquc des recoltos la population entiere sort de ses foyers des le point du jour, et si Ton traversait alors un village on se croirait dans un pays abandonnd. L'egalite des fortunes a araene celle des conditions; tous les llerrenos on I la nieme allure ; la cbaumiere du palre, la forme du la- boureur , la maisondu villageois, offrentla meme uni- formity. I ne stable ou un bangar pour les animaux domostiques, dos celliors pour les \ins, des groniers pour los aulres r^colles constituent les d(ipenda[ices de I'babitalion ; des instruments de labonrage , les uslen- siles les plus necessalros a la cbarpenlerie , un moulin a bras pour les grains, des metiers ii tisser, quelques naltes, des corbeilks et des colVros ber«^dilaires com- posent lout rameublement, Le cbef do la famille, les cnfanls el les serviteurs, cbacun met la main a I'oeuvri* , et s'occupe altornativement des soins int^rieurs el des travaux dos cbainps, confectionne cbez soi meublos, iistensiles et \ elements, lout ('nfin, jusqu'aux cbaus- I ••"7 ; siires. Les femmes ont lour Ijoiini! p;irl dans ces Ira- vaux journaliers. Ainsi oelui qui voudrait cxerctir ox- clusivoment un metier iie trouverait rien a veiuhi' aux aulies. De celtc suflisanco des besoins de la vie I'esulte un bien-otro qui exclul L luxe ct elolgne la pauvrete; aussi la niendicile et tous los vices qu'elle entiaine sout inconnus cbez ce peuple de bonnes gens. Si unc ianilllc trop nombreuse ne pout nourrir lous ses mem- bres, il est rare que Ics individus surnum^i'aires res- tent a charge au pays. Les Herrenos sont les Auver-. gnats des Canaries. VIera les a compares aux Galiciens de la peninsule (i); beaucoup passent dans les iles voisines et vendent leurs services aux plus ollrants. Interesses comme lous les monlagnards , ils sont re- cberclies cependanl pour leur probite ; ingenicux par instinct, ils profitent d'abord de leurs loisirs pour s'apprcndre a lire et a compter, et Ton a observe que c'elait loujours par les cbillres qu'ils commencaient leurs jiremiers cxercices. Economes avant tout, ils relournenl au pays avec des epargnes, s'y relreui- pent aux bonnes mteurs, et reprennent joyeux leur premier genre de vie. Parmi les coutumcs de ce peuple il en est dc tres anciennes donl la religion s'est lieureusementemparee pour accroitrc le respect de ses ceremonies les plus toucbantes. Les Herrenos conservent une prolonde veneration pour la memoire des morls : chaque ann^e le second jour de novembrc, ils se rendent en foule a la chapelle du couvent de Saint-Francois avec des ou- (i) n Los herrenos son los Gallcf^os y Asliirianos da las Catiarias. Todm )i 6c han aprovechado sicnipre du ellos , y los hm hallatlo pruutos , fielet , II kiimiUlcs , (jiic inipoila 'jiic parczmn intcicsudns? {yulifiis dc I.I lii.si. gci. , loni. HI , \>- i')\ ) ( 5i8) Ires de vin (1) el des corbeilles renipliesde blti , d'orge, d'avoinc et de figues seches. Le pretie suspend lo ser- vice funebre au moment dc I'ofTerle : chacim depose alors sur la lonibe de ses prochcs le vin qn'il a apporte, et verse en n;eme temps ses corbeilles de fruits sur de grandes natlcs placees devant I'nulel. Les moines re- cueilleniroirrande que le prelre a bthiie, et so chargent des libations dont les morts ne sauraient profiler. Ainsi la pensee premiere qui consacra ce pieux usage n'a etti que modifi^e : le but estreste le meme dans ses conse- quences morales comme dans sos resultats materiels. On evalue a 5 ou G pipes dv vin, ct a plusieurs quin- taux de fruits et de grains, la totalite des dons qu'on depose a cette epoque dans les deuxprincipales egliscs de I'ile . Isoles sur leur roclior ct prives souvent pendant plu- sieurs semaines de toule communication avec les autres lies, les Herrenos vivent beureux et sans souci d6 I'avenir. Viera les a depeinls , comme nous , contents de Icur sort et pleins d'amour pour le pays. « lis sont, » dit-il, comme la terre qui les a vus naitre , forto, sains Mctfeconds, agiles de corps et bien proportionnes; ils » ont en general le teint plus blanc que les autres » insulaires. Vifs, gals, amateurs du chant et de la »danse, ils sont tous Iros enclins au mariage. » Ajou- tons que la douceur de la temperatm-e dans ce climat privilegie est tres favorable aux viciilards , eloigne d'eux (i) Les outtosoH fvlcs donl se scivent l«;s IIprrcuDS pour renfernii'i- It; vin sont en peaa de clievrc ou de l)rel)is. La inanii're de faire res espi'ds de sacs sani couture exige l)i'aucou|> (I'mircsse et de soin. On roiipe d'abord la tele de I'animal qu'il faiil vider apres par cette ouverlure ; on lanne ensuilc la peau en lui rionnanl urie louleiir rougcatrc avec de I'oi- sfille eoinmunc. ( '^M) ) les infirmiles , el leur ])cnnct do se passer de mede- clns. Lesexemplesde lonjj,evite sontassez conimuns dans File. Toutefois I'usage Irop IVequenl du poisson sale, celui plus nuisible encore des liqueui's fortes et de la perfide mistela , enlraincnt des maladies cutanecs el certaines afPections clnoniques que I'ignorance des cii/a/u/cros aggrave encore par des reniedes enijjiil- ques. Le docteur don Leonardo Perez, avantageusemenl connu parses belles observations sur la fievre jaune (i), lilt deporle a Tile de Fer pendant les troubles politi- ques de 1820 , et sa presence ful un veritable bienfail pour le pays. Ce philanthrope se consacra au soula- gement des malheureux : on le vit loujours plein de z6le, medecin et pharmacien a la fois , se procurer par des herborisations penibles les rcssources qui devaienl seconder son art. Des le matin Peres paixourait les monlagnes, s'enl'oncail dans les ravins, gravissail les rochers les plus escarpes pour y recueillir les planles medicinales qui devaienl fairo le Fond de ses ordon- nances. Nul int^ret ne leguidait : jaloux de seconcilier la bienveillance et leslime des habitants, il voulul payer leur hospilalite par ses services, etcontinua son ceuvre d'humanile jusqu'au moment oil , a la chute d(> la Constitution , un decret de Ferdinand vint mettrc sa tele a prix. Mais la providence veillait sur I'homme de bien ; les llerrenos , reconnaissants , protegerenl sa fuite, et celui qu'ils appelaienl leur pere s'embarqua pour I'Amerique en emportant leurs regrets. Nous avions montr^ les Herrenos laborieux, fideles et vei- Uieux; le fait que nous venons de ciler dil bien plus encore que lous les eloges. (\) PcLilnnt rc|iiilemic (Ic iSin. ( 39.0 ) Notice sur In rii'iere de Ceze ct la catdnutc dc Saittodel, pni- M. Ic baron d'IIombres (Firmas 1, dia'alicr dc la Legion-d^ Honiwiir , lonvspondant dc riiistitiit . etc. Deux ruisseaiix qui sc reunisseril enscinljle prt's di- Saint-Andr^ducap Cczc , 2 kilom. au S.-S.-E. de Mile- fort, sont la tete plulot que la source de la riviere de Ceze, a 4/4™>25 au-dessus du niveau dc la !Medi- terran^e. Elle commence done dans le deparlement dc la Lozere , mais prcs dcs limites de celui du (lard qu'cllc traverse de TO. a I'E. jusqu'au Rhone, a deux lieues dc Bagnols. Son cours cnlier csl de 120 kil. Ellc rccuil plusicurs ])cliles rivieres, entre autres I'llomol, la Luech , Ga- gnicres, Auzonnet , la Claisse , la riviere de Barjac, I'A- guillon, laViole; je ne peux pas dire que laTave con- Iribue a grossir Ic cours de la Ceze , puisquc ccs deux rivieres so joignent pou avard «1(^ se jeter dans Ic lilionc. Lorsqu'il plcut dans les Ccvennes, des filets d'ean deviennent des torrents impclueux. La quantite d'cau de la Ceze est Ires variable; cllc grossit parfois cnor- meinenl, submerge et ravage les plaincs f[ui la bor- dent. Dans son ctat moven , c'est une dcs belles ri- vieres de notre pays. Du pont d3 Saint-Andre du cap Ceze jusqu'a ce- lui dc Saint-Ambroix, la pcntc d^ la riviere est dc 054"", 9 ; clle n'est que dc 99™, 0 depuis ccltc dcrnicre ville jusqu'au Rhone, cc qui fait sept fois moins, parcc (ju'il \ a deux fois plus dc distance de Saint- ( 5'-^! ) Ambroix a son cmboiicluire (85 metres) que (1(> Saint-Ambroix a sa source [l\'i metres). Entre Saint-Ambroix ct Bagnols, au-dessous de Terris, sur la rive gauche de la Ceze , una montagne force cette riviere a faire un assez long circuit ; une caverne se presente en face au niveau du courant, et par sa disposition interieure forme une sorte de galerie souterraine d'environ 2,000 metres de long, que I'eau remplit ct traverse pour faire aller un moulin a son issue, vis-a-vis de Monlclus, 5 metres au-dessus du lit ordinaire de la riviere. On n'a jamais, meme en ete, penetrebien avant dans ce passage, parce qu'a peu de distance des deux ouvertures, Ics bcincs de rochers sont tres resserres. Pres de Bagnols, la Ceze a tivs pou de pente , etses eauxmoyennesoccupent un lit tres large, et s'ecoulent tranquillement. 8 kilometres au - dessus de cette ville , a cinquanto pas en aval du pont de la Roque, le lit de la Ceze, qui a 160 metres de largeur entre deux chaines de col- lines, se trouve barre par un banc de rochers qui tient toute la vallee sur plus de 100 metres de long. Lors des grandes inondations , Ics eaux rccouvrent ce banc ; mais dans leur cours ordinaire , et surtout lorsqu'elles sont basses, elles s'engouffrent avec fracas dans une crevasse de 6 metres de profondeur, sautant de cascade en cascade entre ces rochers, qui semblent eclat^s pour les laisser fuir; ce qui a fait nommer ce lieu Sautadet. La Ceze ne se perd pas, comme le Rhone, sous Bel- legarde; de loin on dirait bien que la riviere a disparu ; on ne voit qu'un lit sec de rochers, mais on peut ap- procher des bords des crevasses au loud desquelles ( 322 ) roulent les eaux qu'on croirait ealierement converlies en t'cume. Lour extreme rapidite, le sable et les call- loux qu'ellcs entrainent ont poli la superlicie cles vo- clies , arrondi leurs asperlles; elles en onl memo detache dos portions qui elaigissent ce passage, tou- jours Tort irregulier et fort tortueux. Dans cpiolques endroils, les bords ne sonl pas a 2 metres d'lntor- valle ; on y avail mis une planche pour traverser le precipice, et Ton m'a cite des personnes (jui I'avaienl francbil L'aspect de la cataracte epouvante , son bruit etourdit , et la certitude de perir si Ton glissail rend co saut plus qu'imprudent. Ce rocher est cavorneux de sa nature; on remarquc asa surface des creux plus ou moins largos et proloads; quelques uns forment des puits : on en apereoit dans les parois des crevasses, et il y en a sous I'eau qui les rcmplit, mais dont la voiite s'^leve au-dessus de leur niveau. J'ai connu un pcchcur qui, ayant plonge dans une de ces cavernes, ne put retrouver son issue que le lendemain, lorsque le solcil tombantd'aplorab dans la cascade , eclaira de nouvcau le cote par lequel il s'dtait introduit. 11 en rapporta de beaux poissons , mais il ne fut pas tent^ d'y retourner. Apr6s avoir travers6 ce banc do rochors , I'eau s'e- chappe avoc violence comme de I'ecluse d'un moulin , mais bientot elle s'elend, ot continue son cours paisi- ble ainsi qu'avant ses cataractes. On a prelendu que des batons et d'autrcs corps le- gers qu'on y avaitjetesne reparaissaientplus. UsulTit do quelques poign^es de paillc ou de feuillos soches pour s'assurcr que c'est une erreur. I)u resto , un rameau ou des broussailles peuvenl se briser dans ce passage otroit ot sinueux , sncciocher momentaneraont a un ( 020 ) angle de i-ochor, ss pcMtlre dans les cavernes au rond de I'eau , sans qu'il y ait la rien d'etonnant. Les cataractes de Sautadet n'en sont pas moins une curiosite naturelle qui merite d'etre visit^e par les ama- teurs ( 1 ) . No us allons quelquefois chercher bien loin des sites qui n'ontd'aulre avautage surcelui-ci, que d 'avoir ete decrilsetprones par les voyageurs. Sautadet estpeu connu, meme des habitants du pajs, etpeu d'^trangers I'ont visite; personne, a ma connaissance,n'a rien pu- blic acetegard; aucun livre de geographic ou de sta- tistique n'indique ce nom; aucun voyage pittoresque, aucun ilineraire n'en fait mention. J'en avais fait le sujet d'une note dans un M^raoire offert a I'lnstitut sur les hippurites et les spherulites qui se trouvent dans le voisinage. J'ai cru devoir entrer dans quelques details sur cette localite , et me suis determine a presenter a la Soci^te de geographic cette notice, destinee a la sta- tistique du departement du Gard. Je no peux guere ecrire sur la Ccze sans rappeler qu'ellc charrie des paillettes d'or, comme Gagnieres et le Gardon. J'ai rencontre dans mes differentes excur- sions des orpailleui-s qui font quelquefois de tres !)onnes journ^es. Assez d'auteurs se sont occupes de cet objet, et depuis long-temps ; mais, il faut en conve- nir, nous n'en sommes pas aujourd'hui plus avances sur Toriginc de Tor des Cevennes. ALiis, 12 feviitr iSSj. (i) Oci pent faiie celle couise bieo f.inilemenl. L'hoie du Louvre, ii liagnols , proriirera des chevuiix ou line cnrriole aux cuiicux jusi]u'hu mouliii de Corps qui npparlienl u son bcaii-frere , el n'cst q:i'i\ (pii-lqui-.s tniiuitPs (le Sautadet. Moiisei-ncur de Prilly, evr.pi,. de Chalons . veiiu rectinment donini- l,i tonliiiiiali(jii dans le Gard, lit le Irajel a pitd depuis Saiiit-MiilKl. ( 52/, ) TROISIEME SECTION. Actes de la Societea PKOCES-\ERBALX DES SEANCES. Seance dit 5 mni 1857. Le procL's- verbal de la (Icrnieie seance esl lu d adople. On I'ait ensuite lecture du proces-vcrbal de I'assemblde g^nerale du 7 a\ril. M. le president annonce qu'une deputation de la Sociele a eu I'honneur d'olTrir au roi le tome V du Kecueil des nieinoires, ct il fait connallre la bienveil- lanle reponse de S. 1\I. au discours ile M. le general Pelel, qui prcsentait la deputation. M. le g(ineral Baudrand, noninie vicc-[)residenl de la Societe dans sa derniere assembleeg(^n6rale , et M. De- .saugiers, nomm^ scrutateur, adressent leurs remei"cie- men Is. M, W. Hodgson, nouveau mcmbre de la Sociele, ecrit.de Washington pour lui ofl'rir ses services. M. Eyries annonce qu'il est charge par j\I. Dupoii- ceau , president de la Societe philosophique de Phila- delphic , d'cxprimcr a la Commission centrale son cmprcsscment de corrpspondre avec elle. ^ 02 5 ) MM. les direcleurs do la Sociele geographique, nou- vellement fondc^e a Fianclort-sur-le-Mein, ecrivenl a hi Societe de Paris, pour lui adrcsser leurs statuts, el liil proposer d'ouvrir avec elle dcs I'elatlons qui pour- ront devenir utiles aux progres de la science. La Commission cenlrale accueille avecempressement Ics propositions qui lui sont iaites, et clle decide al'u- nanimite que les collections de son Bulletin et de ses Memoires seront adi^essees a la Societe de Francfort, comme un temoignage de I'interet qu'elle prend au succes de cette honorable association. M. Paradis, ofJicier de rUniversite, fait hommage a la Society des Tableaux synoptiques et chronologiques de geographic qu'il viont de publier. — M. Poulain est j)rie de rendre compte de cot ouvrage. M. d'Avezac annonce que la Societe asiatiquc de Londres a le projet de publier en arabe et en berbere une description du pays de Sous. Le meme membre est prie de rendre compte de la description nautique descotes de I'Algerie, oflerte a la Societe par M. le capitaine Berard. M. Jomard donne connaissance d'une lettre que MM. Tamissier et Combes lui ont ecrile pour deman- der les programmes de la Societe , ainsi que plusieurs livres et cartes sur I'Abyssinie. II s'est empresse de leur envoyer les programmes, et il leur a donne quelques dii'eclions sur les moyens de se procurer les ouvrages dont la Socidite ne peut leur laire renvoi. M. Jomard lit ensuite la premiere partie du Memoiro de MM. Tamissier et Combes sur leur voyage en Abys- sinie. La suite de ce memoire sera communiquec dans les prochaines seances. M. Berthelot lit unc Notice sur I'ile de For, I'une des ( 526 ) C.anarios. Elle est renvoydc au comite du Bullelin. M. Honrl Ternaux ct M. Ic viconilo de Santarom sont nommes au scrulln racmbrcs adjoinls de la Com- mission ceatrale. Seance dii 19 mai iSoj. Le proccs-vorbal de la derniere seance est lu et adopte. M. le vicomtc de Santarem adresse ses remercie- ments a ia Commission centrale dont ii vient d'etre nommo membre adjoint, et il s'empressera de con- courir a ses utiles travaux. M. le capitaine d'li-villeannoncequ'il lui a ete remis aLondres uneleltie adressee au president de la Society 2;eogiapliique de cette ville par un de ses membres. On Y rappelle tous Ics motifs qui peuvent determiner le gouvernement anglais a diriger une expedition vers le pole austral , et cette lettre est encore plus digne d'in- teret et d'attention dans un moment ou notre gouver- nement expedie lui-memc une mission vers les mei-s antarcliques. M. le capitaine d'Urville lit la traduction qu'il a faite de cette pi^ce , et la Commission centrale en ordonne I'insertion dans le procbain numi^ro de son Bulletin. i\l. d'Lrville se felicite de I'accueil qu'il a recu de la Societe g^ograpbiqua de Londres, et de I'empresse- ment qu'elle a bien voulu mettre a lui communiqucr les renseignements qui pouvaient lui 6tre utiles. 11 arinonce ensuite son procbain depart pour Toulon , ou il va bater les preparatifs de sou expedition. M. le president lui exprime les voeux de tous ses collegues pour le succfes du grand voyage qu'il va cntreprendre, et de la belle ct savante mission dont il est cbarg^. ( 027 ) M. d'Avezac donne lecture d'line leltro de M. ,T. Taslu , dalc^e de Barceloimc, et contenant des dolails sur SOS excursions en Espagne. II annonce qu'il a reru de ce voyageur un manuscrit sur un essai de geogra- phic L'crit avant 1210, et il le depose sur le bureau. L'examen de ce manuscrit est renvoye a la section de publication. M. Joinard annonce qu'il vient de se former au Caire une association anglo-francaise, sous le titre de Societe egyptienne , a\ant pour objet de recueillir Ics observations nouvelles relatives a I'Egypte et aux con- trees d'Afrique et d'Asie qui en sont voisines , de I'aci- litcr les reclierches des voyageurs et de leur offrir un lieu de reunion. Cette Societe se compose de vingt membres et vingt associt^s avec quatre membresliono- raires. M. Jomard pense que le but liberal de cette institution, la premiere qui ait et(^ formee en ce genre, inerite d'etre consign^ dans les annales de la Societe. La communication qu'il vient de taii-e est renvoyee au Bulletin. Le meme membre continue la lecture du memoire lie MM. Tamissier et Combes sur I'Abyssinie. M. de Falbe, consul-general du Danemarck , est prc^sent a la seance, et il annonce qu'il est sur le point d'entreprendre un voyage dans I'empire de Maroc. M. le president rappelle les importants travaux de M. le capitaine Falbe sur I'emplacement de Carthage et sur la topographic des contrees voisines, et il I'in- vite a vouloir bien tenir la Societe au courant de scs nouvelles explorations scienlifiques. M. Chevillard , president de la Societe d'agriculturo et d'emulation duJura, avec laquelle la Societe de geographic enlretient dos relations depuis plusieurs ( 028 ) aTind'os, assislo ocalcmcnt a la seance, on II esl acciieilli lionorableinenl. M. le capitaine Pcj tier depose siir Ic bureau diverses Polices, i'^ sur plusieurs phenomcnes lucileorologi- ques qu'il a observes dans les Pyrenees; 2° sur le cll- mat de la Gr6ce; 3° sur les maladies qui regnent dans ce pays; 4° sur les couranls alternalils de I'Euripe. L'heure avancee ne permetlant pas d'en entendre la lecture, elles sent renvoyees au comite du Bulletin. AlliMliRE ADMIS DA.NS LA SOCIKTE. Seance da 5 nidi 1807. M. Paradis, officier de I'l niversite. OUVRAGES OFFERTS PAR M. AGASSE, membre tie la SocielP. Seance ill ( 9.\ ai'ii/ 18^7. Encyclopedic , ou Dictionnaire raisonne des scien- ces, des arts et des metiers, mis en ordre el public par MM Diderot ct d'Alembert. Paris, 1751-1777, 55 vol. in-fol. — Dictionnaire universel, par Fure- ti^re. La Have, 1701, 5 vol. in-fol. — Dictionnaire his- torique et critique, par liayle. Rotterdam, 1720, 4 vol. in-fol. — Le grand Dictionnaire bislorique, parF^. Mo- reri. Amsterdam, 1724, 6 vol. in-fol. — Dictionnaire universel francais-latin. Paris, 174^, 7 vol. in-fol. — Dictionnaire universel francais-latin, par le R. P. Le Brun. Rouen, 1760, i vol. in-4''. — Dictionnaire de I'Academie francaise, 4'-'edition. Paris, 1762. — Histoire dc la ville de Paris, composee par I). M. Felibien, re- vue, augmontee, etc., par D. Guy Alexis Lobineau. Paris, 1725, 5 vol. in-fni. -lUements d'bistoire g(^ne- ( ^^29 ) rale, par I'abbe Millot. Paris, 1772,4 vol. in-12. — • Tablettes historiques, gdinealogiquos et chronologiques. Paris, i749» 6 vol. in-32. — Histoire romaine, depiiis la fondalion de Rome jusqu'a la bataille d'Aclium, par PioUin. Paris, 1740, 16 vol. in-12. — Ilisloire de la Republique de Venise. Paris, 1709, 12 vol. in-12. — L'etat de la France, contenant les princes, le clerg6, les dues et pairs, etc. Paris, 1727, 5 vol. in-12. — Histoire de France , par Anquetil. Paris, i8o5, i5 v. in-12. — Portraits des rois de France , par Mercier. Neuchatel, 1783,4 vol. in-B". — Histoire dclai\Iaison de Bourbon, par Desox'meaux. Paris, 1772,4 vol. in-4'*. — Memoires de Conde, servant d'eclaircissements et de preuves a I'histoire de M. de Thou. Londres, i 743, 6 vol. in-4". — Journal des Glioses memorables adve- nues durant le regne de Henri HI. Cologne, 1720, 2 vol. in-12. — Discours sur la vie el la inort de Heni'y- lc-Grand,par G. Dupeyrat, i vol. ia-12. — Histoire du Regne de Louis XIII, par Michel Le Vassor. Amsterdam, 1720, 20 vol. in-12. — La Vie du cardinal de Richelieu, parLe Clerc. Amsterdam, 1753, 4 vol. in-12. — Me- moires de Charles Perrault. Avignon, 1 769, i vol. in-i 2. — Le Siecle de Louis XIV, public par M. de Franche- ville (Voltaire). Leipsic, 1762, 2 vol. in-12. — Histoire du Cardinal Mazarin, par Aubery. Amsterdam, 1751, 4 vol. in-12. — Proc^s-verbal des Conferences tenues par ordre du Roi , pour I'examen des articles de I'or- donnance civile de 1667. Paris, 1707, i vol. in-4o. — Le Siecle de Louis XIV, avec un Precis du Regne de Louis XV, 2« edit. Paris, 1768, 4 vol. in-80. — De I'Ad- ministration des Finances de la France par Necker, 3 vol. in-80. — Maison du Roi , ce qu'elle etait , ce qu'cUeest et ce qu'elle devrait 6tre. Paris, 1789, i vol. Vn. MAI. 4- '-^'•^ ( 55o j in-4''. — Essai historiquo sur la Ribliolhoque du Roi, l\aris, 178?., 1 vol. in-i'2. — Atlas de lanciennc Geo- grapliie universellc comparee a la inodernc,par J.-R. Joly. Paris, 1801, i vol. in-4r). — Melliodo abreg6e ct laclle pour apprendro la G<5ographic. Paris, 174^, > vol. in-12. — Cours de Malhemaliques, par Bezout. Paris, 1767, 5 vol. in-80. — Inslruclions siir les Mesures de- duiles de la grandeur de la tcrrc, ct sur les Calculs relatifs a lour division decimale. Paris, an 11, i vol. in-S". — Recueil melliodiquc dcs Lois, Decrets, Reglc- ments, etc., sur le cadastre, i vol. in-fol. — Esquisse d'un tableau liistorique dcs Progres de I'esprit humain, par Condorcet, i vol. in-8i>. — Meinoires de Guy Joly. Geneve, 1 751, 5 vol. in-18. — Memoircs sur Tanciennc Chevaleric, par M. dc La Curne de Sainte-Palaye. Paris, 1759, 2 vol. in-12. — L'Inquisition franoaise, ou His- toire de la Bastille, par C. de Renneville, 5 vol. in-12. Seances cles 5 e^ 19 tmii 1807. Par la Societe ;o)rt/e.3 2 ' Serie Mai i637. Uulleliu lip In Soc lie Orngr. ?^t lilA ile/!Fiil,rlrail,rut ./<•.- fcnwj.V/.Y*^"' BULLETIN DK LA t f SOCIETE DE GEOGRAPHIE JUIN 1837. PREMIERE SECTION, MEMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. ExTRAiT de la relation da voyage de MM. Maurice Tamisier et Edmond Combb3,_^« 4Jy)'ssinie pendant 1 835 et i836. OBSERVATION PRELIMINA IRE. Lc fiai^iiicnl qu'on va lire ne doit el re considere que commc un abrego tres sommaiie de la relation du voyage en Abys- sinie, accompli recemnient par deux Fran^ais , MM. Mau- rice Tamisier, officier de la marine royale, et Edmond Combes. Ce voyage a dure environ quinze mois; ils onl ete assez heurenx pour parcourir et etudicr des con trees encore peu connues et retrouvcr les vesliij;i'.s laisses par les Portu- gais; on leur doit one notion plus exacle que u'avaientpu la donner Bruce et ses successeurs , de la constitution physi- que du pays,ct ilsont observe aveC le niemesuccesles moeurs et les coutnmes d'un grand iiombie de peuplades : ils out VII. JUIN. 1. t>3 ( 558 ) lenfiii iTCueilli etdccrit des iisnges cMn iiu'inciil ciiritnix, f.iiu pour jctcr du jovir siir I'histoire aficionnn de i'Erliiopie. La relation complete dcMM. Combos el Tamisierfournira eiiviroti trois volumes et comprendia des de«siiis,et uiie carte du voyage, siiion fondee sur di s obscivatioiis matlu'iuali- ques , du moins , plus riche pour la nomenclature que celies qu'ou possede. E. J. Lorsqu'un obsenateur jette les yeux sur une mappe- monde, 11 doit elie singulierement frajjpe de I'clinormo disproportion qui cxiste cntro les connaissances acqui- ses sur la forme des cotes, et les donnees que nous possedons sur I'interieur des continents. La ralson de ccttc difference vient evidcmment de la facilite avec laquelle les Ingenieurs hjdrograplies et les autres sa- vants, qui font ordinairement particdcs commissions marilinies, peuvent se porter d'un lieu dans un autre, quand ils sont embarques sur des bailments dc lE- tat. Des provisions de bouchc de toutc sorte , des col- lections magnlfiqucs de carles , llvrcs el instruments transportes d'une maniere si commode, des moyens d'attaquc et de defense aussi puissants que ceux de rarlilleric , la discipline severe du bord , sont nulanl d'avanlagcs dont scront priv(^s les voyageurs (jui onl pour but de peneU-er dans linlerieur des lerres pcu connues, tant que les peiqjles qui les habitcnt n'au- ronl pas depouille leur caractere actuel de m^Hance et d'liostilile , pour acquerlr ce sentiment dc paix et d'association par lequel ils se senliront un jour reli(is aux autres liommes. Lorsqu'un naturaliste, par cxem- plc, a force de patience et de courage, est parvenu a reunir de belles collections , tant qu'il n'a pu deposer ( 339 ) dans un lieu sOr le fruit de ses travaux , son oeuvre est loin d'etre achevee. Que de rudes ^preuves n'a-t-il pas a subiravant d'<^chapper ades peupladesbarbaresi que de fatigues et de dangers en franchissant des monta- gnes escarpees , remplies souvent d'animaux malfai- sanls, et en traversant des couranls d'eau profonds ou impelueux, toujours prives de ces ouvrages d'art qui , dans les pa\s civilises, etablisscnt entre les deux rives une si admirable facilite de communication. Un voyageur enfonce dans le cceur d'une contree in- connue echappe difficilement aux maladies produites par les brusques changements de temperature , ou le passage subit d'un pays sain dans un autre qui ne jouit pas des memes avantages. Ce malhour peut at- teindre, il est vrai, les expeditions maritimes; mais au moins le malade jouit-il, a bord, de tous les bienfaits de I'art. II trouve sur son hamac , a I'abri de I'intem- perie du temps, les consolations de ses amis, et un repos salulaire qui. sans ralentir sa course, lui per- metd'approchersans fatigue de sa patrie devenue alors I'objet de tous ses desirs; landis que chasse par des populations inhospitalieres , oblige de se trainer mou- rant avec de faibles moyens de transport, le premier est souvent victime de son audacieuse entrepi-ise; on voit son front se I'ider, et ses cheveux blanchir avanl I'age. Tout en approuvant les mesures des gouvernemenls en faveur des efforts do la marine . on ne peut s'em- pdcher de leur reprocher leur negligence a I'egard de ces voyageurs intrcpidcs qui, prenanl une autre direc- tion, restentlivres aleurs propres forces. Des batiments de guerre sans nombre onl ete envoy(^s sur toutos les mors, pour cause d'explorntion , par les diverse? na- ( 54o ) tions europeennes : ces entrepriscs ont ete n^cessaires pour determiner les dimensions de notrc planete, et fournir a la navigation commorciale des carles precises et exactes que celle-ci n'aurait jamais pu dresser par elle-meme; mais il est ton d'observer aussi que si le commerce des cotes est assez important pour obtonir une scmblable faveur, il narrivera a son developpe- ment complet que lorsque linterieur, visite par diver- ses commissions d'exploration , pourra etre dot«^ de communications laciles, qui feiont refluervers les ports de mer les productions enfouies en pure perte cbez des pouples ignorants et grossiers. II est done indispensable que les divers gouverne- ments, et surloul ceux de la vioille Europe, comme plus eclaires et plus puissanls, accordent a I'avenir une egale protection a cos deux genres d'expedition ; tar ce nest qu'en les combinant I'un avec I'autrc , dune maniere convenable, que lliomme pourra arriver a la connaissance parfaite du globe qui lui appartienl directement. Certains pays surtout devraient devenir I'objet d'une attention plus ou moins speciale, selon le degre de resistance qu'ils ont opposes aux efforts de ceux qui ont tente de les parcourir. Des caravanes nombreuses vojagenl sans crainle dans les divei'ses provinces asiati- ques : le Thibet el Y Hynialaya pcuvent elre abordes sans de Irop grands dangers. MM. de Huinboltlt , lioii- fjla nd onl visits les Cordiliercs, et penelre dans les cralores du Cotopaxl et du Cluinboraco ; MM. Bou- iiuerc\.L(i Coiuldinine or\\. explore une autre parlie dc I'Amerique en ri'montant un de ses principaux fleuves, el en Europe , on voyage generalement partoul avec surelr!. Mais il est aux portes de I'Europi' el de I'Asie ( 54i ) une vaste presqu'lle , couverte de peuplades barbares et de deserts Immenses, remplie d'animaux feroces, privee de sources et de grandes rivieres, et soumise a rinfluence d'un soleil brulant, qui semble craindre que I'on decblre le voile mysterieuxqui la couvrepres- que tout enti^re. Un coin de ce voile a 6t6 pourtant soulev6 par les nombreux etablissements des Europeens surces cotes. Graces a Mohammed-Jli , on pent sans peril par- courir YEgypte, la Nubie , le Senndr et le hourdo- f'an jusqu'aux frontieres du Darjour. Une partie de VJbyssinie a 6te visitee par Bruce ei par d'autres apres lui, et dernierement un bomme seul (i) a penetre jusqu'a Tombonctou. Pour nous, nous sommes entr^s en Abj'ssinie avec la ferme resolution de depasser les bornes ordinairesde ceux qui nousy avaient precedes, et nous ne nous sommes arretes qu'au pied des mon- tagnes de la Lune ou le Nil-B!nnc cacbe encore sa tete. Nous commencerons la relation de notre voyage a Massouah, sans parler des cotes de la mer Rouge, qui nous fourniront plus lard les maleriaux d'un second memoire avec nos voyages de V Jrabie int^rieure et du Seiuidr. Massouah est le seul port par lequel I'Abyssinie peut ecouler les divers produils de son territoire, et rece- voir en ecbange ceux qui lui manquent ou que son industrie arrieiee est incapable de conloctionner. Cette ile , s^paree de la terre ferme par un canal etroit qui fournit un excellent mouillage , meme a de gros na- fi) L'iiilrepide vnvapeui- fran(;ai'; . Iloni' C;iill>- , conrnnni' par la So- •".(■le de geogiaphi'.'. ( 542 ) vires, nV-st qu'uu (icueil sterile quo Je travail des coraux a fait sortir du scin de la iiier : son etendue , deja si bornee, a 616 encore dirainu^e par une cata- strophe qui en a ens^louti presque la moitie. La partie qui n'est pas occupee par les maisons possede quel- ques citernes; mais comme elles sont insut'fisantes , le peuple est oblige , apres I'epoque des pluies, d'aclieter I'eau que les habitants de la terre ferme apportenl dans des oulrcs. iMassoiiah appnrtient a Mnhnmutcd-AJi; une centaine de fanlassins ct quelqucs artilleurs forment sa garni- son, et un petit batiment de guerre est charge de la police ct de la defense du port. La partie du Dnncali voisine de I'ile est gouvernee par un rollokt qui prend le titre de Aa'/'b. 11 est depuis long-temps tri- butaire de /a Porte , a laquelle il paie tous les ans un impot de mille talaris; mais a son tour il recoif tous les mois une pareille somme moycnnant laquelle il s'engage a fournir de I'eau a la ville, et a entrctcnir une garnison capable de delendre les caravancs con- tre les cntreprises hostiles des feroces tribus qui lui sont soumises. Cette somme est prelevee sur les produits de la douane , qui, dans des <^poques favorables , s'el^ve annuellement a in 0,000 francs, et qui atteintapeine le tiers de ce chilTre lorsque les guerres qui desolent si souvent I'Abvssinie ne permetlent pas aux marchands de s'aventurer au milieu d'un payslivre an pillage el a I'anarchie. Le Aaib est dans I'habitude de faire subir toutes sortes de vexations aux bluncs qui tentent de p«'?n6trer en Abvssinic : il exige d'eux des cadeaux de valour en raarchandises ct en argent, et comme Ton no peul ( 345 ) Iraverser son lualheureux pays sans sa pioteclion » on est oblige de se soumeltre a ses exigences. 11 avait ete pr6venu de notre arrivee , et altendait avec impatience Ic moment oil nous nous presente- rions devant lui. Le i5 avril t835, nous partimes de Massouah , apres nous elre pouvvus de domestiques et d'un drognian. Un vent favorable nous poussa vers Jrkeko , residence de celui que nous avions lant de raisons de redouter. Nous dressames notre tente sur le rivage, et apres avoir pris un linger repas , nous nous dirigeames vers la maison du Naib. On nous annonca ; il vint au-de- vant de nous, et nous entrames avec lui dans sa salle de reception, espece de cage entierement construite en roseaux, et dont la porte 6tait gardee par un soldat a I'epaisse chevelure , recouverle d'une forte couche de beurre. Hetman, c'elait le nom du Na'ib , etait un bel homme dont le port avait une certalne majcste ; mais d^s que sa pliysionomie voulait prendre une expression quel- conque , son regard etait si faux , que , malgre ses ef- forts, son ame s'y revelail tout enllere. Apres de grands debats , nous convinmes du prix des guides , des mules et des chameaux qui nous etaient n^cessaires , et un firman de Mohaniined Alt , dont nous avions cu soin de nous munirau Caire, nous laissa maitres, au grand d^sappoinlement de notre cerb^re, de lui faire le cadeau que nous jugcames convenable. Le 1 7 nous <^tions deja en marche , selon la pro- messe du JSaih. Le chcmin qui, a travcrs le Sanihnr, conduit au pied du Tnienta est assez connu, et nous nous dispenserons ici de le decrire. Nous dirons seu- lement que nous fumes frappes de la richesse surabon- ( 344 ) dante de la v^g^tation ; nous admirames I'^tonnante vari6t6 des quadrupedes , des oiseaux et des insectes qui ont choisi ce sejour, ainsi que la beauts de ses points de vue , qui deviennent de plus en plus pittores- ques a mesure que Ton s'^loigne de la mer. Lcs sta- tions ordinaires sent celles de Ckiiloki, Ham/tamo , Manta-Sagla,Thatai-Tobo et rAoM/w/rtito (i), parceque ces lieux fournissenl de I'eau dans toutes les saisons. Arrives a Choiimfa'ito , nos guides qui, plus d'une fois d^ja , avaient fatigue noire patience , refuserent de poursuivre leur chemin si nous ne leur livrions une forte somme d'argent. Nous fimes quelques tentatives pour les decider A renoncer a leurs pretentions; mais voyant qu'ils voulaient absolunient abuser de notre position , nous chargeames sur notre dos les ef- 1'ets les plus precieux, et conduits par notre drogman, qui heureusement connaissail la route , nous commen- cames k gravir la montagne escarpee jusqu'au plateau ou Halai est bati, et en moins de six heures de temps, un de nos guides, qui avait suivi nos traces, put nous voir assis tranquillement a I'enlour du foyer du CIioHtn (2), depegant avec avidite les membres d'un mouton qu'on venait de sacrifier pour celebrer notre arrivee , et que nous arrosions de fr^quentes rasades de bi6re, liqueur favorite des Abyssiniens , et dont un homme de Y'lvor- portance de notre bote ne se trouve jamais de- pourvu. Le lendemain nous vimes arriver nos effets, et, a notre grande surprise, I'ien n'y manquait. Nous dres- (1) Nous laissons les noms des lieux , lels qu"ils soul datus le m.inu'-cril. {Note de I'liditenr. ^ (a) Gouverneur. { o'i^ ) sames sur-le-chainp noire tenle, nous aclietames deux mules pour nous servir de monture et une troisieme pour le transport; nous dimes adieu au Chouinqu'i nous avaitsuscite une foule de tracasseries , etnous avanca- mes vers Jduiia , la capitale du Tigrc, en passant par Mania, Mogouscas, Achera , Damehel , Seda , Giieur- zobo et Himni-Harnias dans la province d^ Agghela. A peine etions-nous arrives dans ce dernier village, que nous vimes venir a nous un inconnu vetu a I'ar- m^niennc. Ilavait a son bras une jeune dame blonde , dont la vue nous d^dommagea des nombreux desagri- ments que nous avions eprouves a cliaque pas dc notre penible voyage. C'6tait un missionnaire envoye par une soci6t6 protestante de Londres. Le lendemain , nous venions de lui faire nos adieux , et nous nous dispo- sions a le quitter, lorsqu'une circonstance aussi mal- heureuse qu'imprevue vint retarder notre depart, et irriter notre impatience , pouss^e a bout depuis long temps. Notre drogman voulant manier un pistolet, vcnait de blesser par maladrosse un des nombreux curie ux qui entouralent notre tente. La balle avail p^netre dans le talon, et avail disparu sous les chairs. Les Abyssiniens sont iiiexorables quand le sang a ete r6- pandu : les parents du blesse s'assemblerent sur-le- champ ; le coupable fut arrele et enchaine avec I'un d'eux, scion I'usage du pays, et on le conduisit le soir devanl le gouverneur qui I'avait reclame. Apres etre restes deux jours sans avoir de ses nou- velles, nous nous decidames a partir; mais la famille du malade ameuta contre nous tout le village, et a peine avions-nous chemine pendant quelques minutes que nous vimes courir vers nous une Iroupc d'environ [ 540 ) trois cents hommes arrays de lances, dc sabres ut de fusils. Mous conllnuumcs lian(|uillemenl notre route jusqu'au moment oil un soldat, depeche par le gou- verneui', nous pria d'altendre rarrlvee de son maitre qui s'avancait pour nous prolegcr. Nous obeimos, et nos cnncmis s'arreterent a qucl- quos pas de nous. Nous vimcs la polite armce de notre protcctcur descendre en toute liute des liauleurs oil est situ6 le village, et so diriger vers nous. Les ])arents du blesse , forces de justilier leur conduite , oserent nous accuser d'einporlcr les effets de notre drogman ; cclui-ci, appel^en t^moignage, ne tarda pas a donner le dementi le plus formel a nos accusateurs, etd'apres sa deposition, il fut declare que nous etions libres de nous rendre oil bon nous scmblerait. Mais commeriiomme bless6 etait dangereusementmalade, et que s'il eut succomb6 avant sept jours le drogman etait perdu , nous oilVimes pour sa ranoon six talaris , que Ton accepta avec empressement, et ses fers tom- b^rent. Nous poursulvimes notre route. Apres une heure de niarche, nous atteignimcs la riviere d'Ounguea qui borne la province A'Jgglwla . et nous stationnames aupres du torrent de Kebita , oil finit le district de Zebun-Guila. La nous fiimcs de nouvcau allaques par des gens armes de lances et de boucliers. lis voiilaient exiger de nous un droit de douane ; mais les canons de nos fusils dirig^s conlre eux nous delivrerent do ces nouveaux importuns. Nous nous trouvaraes bienlot au milieu des monta gnes noiratres et fracassees qu'on nous avait indiqu^es depuis llalai comme voisines d'yJdoiia. Lcurs som- mets, presque inaccessiblcs , servaicnl dr refuge aux ( 347 ) malheureux habitants de ces contr^es, ravagees pai* lo. fleau de la guerre ; et la nult les feiix allumes sur ces hauteurs nous rappelaicnt Ics illuminations du mois de Ramadan sur les minarets des villes musulraanes. Nous traversames des valines admirables de fraicheur et de fecondite, mais abandonnees et silencieuses, car la vie est concentree sur la cimc des montagnes. Le 2 mai nousparlimes de Pwbbcrini : nousapercumes sur les sentiers traces delongues tiles d'hommes el de fem- mes charges de leurs denrees qu'ils allaient vendre au marche &' Jdoua , que nous ne tardames pas a aperce- voir avec la belle plaine qui le precede. Cettc capitale , siluee sur une colline peu elevee, renferme trois mille ames de population ; elle a plu- sieurs ^glises remarquablcs par les groupes toulTus d'arbres qui les abrilent et les cachent, et le ruisseau ^ Asseia qui ne tarit jamais suit les sinucsites du bas de la ville qu'il arrose. L'heureuse position ^ Adona, entre Gondar et Mas- souaJt, lui permet de prelevcr des droits importants sur les caravanes qui sont obligees desuivre cette route. Le douanier qui en a I'entreprise'paie a Oubi, pos- sesseur actucl du pays, la somme de trois mille talaris, et on pretend que son benelice se monte au moins a une semblable valeur. Apres quelques jours do repos, nous resolumes, pour rompre la monotonie de notre vie, d'aller faire une visite a Onbi^ dont Tarmac se trouvait campee a sept jours de distance d'yJdoua, et nous profitames du depart d'un corps de troupes qui allaient le rejoin- dre. L'n nombre considerable de femmes , dont plu- sieurs etaient enceintes ou portaient des cnlants a la mamelle, accompagualLiil ks ^oldals. Mous aimions a ( 548 ) entendre les sons barbares de leiir musique militaire, et nous admlrions les scenes plttoresqL:es , ndes au sein menie du d^sordre et dc la confusion qui nous entouraicnt. A cliaque station, les cbelsfaisaient dresserleurs ten- tes,etles soldats se construisaient surle-champ des huttes auxquelles ils ne manquaient jamais de mcttre le feu avant de partir. Lc soir, Ic cri Sg/iio (dieu) parti d'un des coins du camp , se r6pandalt bientot comme un vent impetueux a Iravers une immense foret , et le prince, pour se dcilivrer de I'imporlunite de ce bruit, permettait a ses sujets d'aller piller les villages voislns qu'il leur sacrifiait, comme on donne un morccau de pam a un chien hargneux pour se delivrer de son aboiement , car ce cri sauvage tlitait I'expression de leur faim. Le site de Daha , la vallee de Dngassonc , ou com- mence la province dJJgami^ le ruisseau de Guebcta aupres de Saret^o, et la montagne inaccessible de Dei'/ri- Dammo, sont les lieux les plus remarquables de notre trajct. Cette dernierc position est imprenable, et pour ce motif, les habitants d'//i>aw/ sont dans I'habitude d'\ dfiposer une partie de leurs ricliesses. Le plateau qui forme le sommet n'est autie chose qu'un enorme ro- cher que la nature a taille a pic de toules parts. L'n sentier qui autrefois y conduisait a ete detruit , et ceuxqui aujourd'hui veulent visiter le monastere, dont I'asile est sacr6 et inviolable , sont obliges de se faire hisser par le moyen d'une corde fix6e sous les ais- selles. La longueur do ce voyage acirien n'est pas moin- dre de Irenle brasses, et plusieurs personncs, cffray^es ou epuisecs, arrivcnt dans lc plus complet evanouisse- ( 549 ) incnt, Le plateau , recouvert dc lerre vegetale , possfede un village habite par des moines, une eglise pittores- que environnie d'arbres elances, etplusieurs citernes creusees dans le roc qui sont intarissables. Les cul- tures y sont belles, ot les prairies nourrissent un grand nombre de vaches, de ch^vres, et meme de che- vaux. Les principaux villages que nous rencontrames sur notre route sont ceux de MagJiat , Gagiies , Gualdamo et de Tarsaro , a dix lieues d'Adrigat, capitale tVA- gami , et ancienne residence d« Sabagadis, Cetle province est couverte d'une infinite de pla- teaux, dont une des faces est toujours a pic ; d'autres ne possedcnt qu'un seul senlier tres facile a defendre, et pour parvcnir sur certains d'cntre eux, on est oblige de se glisser dans des chcniins creux, espece de ta- nieres obscures ou deux liommes ne sauraient mar- cher de front. C'est la que les fils intrepides de Sabagadis, chasses de toutes leurs positions par I'infatlgable Oubi, etalent venus cherclier leur dernier refuge. Soutenus par un corps de cinq cents fusiliers, les plus renomm^s de I'Abyssinie , ils faisaient la resistance la plus opinlatre, et bi'avaient I'armee entiere de leur ennemi, a I'abri de ces fortllications naturclles. Ces plateaux etaienl tout ce qui leur restait de I'heritage de leur pere , et des que le roi du Siiniii revenait chez lui, ils en sor- laient pour piller ceux qui s'etaient d«!!clares en faveur du vainqucur, ct devenaient ainsi le fl^au du pays qu'ils auraient du defendre. Le i5 mai, nous nous prt^sentames a Oubi. II ^tait sous une grande tente, divisee en deux comparti- ments, dont I'un lui servait de cbambro a coucher et ( 35o ) I'autre de salle do receplion. Lc prince ^lail a demi renvers^ sur un lit de forme rectangulaire , reconvert d'lin tapis de satin; a chaqiie extrtJmite se trouvait un coiissin d'etoffc d'un rouge eclalant. Lcs pieds d'Ondi retoml)aiont verlicalemont sur les genoux d'un de ses ministros assis sur le sol, tapissc d'uno couche de joncs do marais. Dorriere lui, a un dcs bambous qui soute- naient sa mobile demeure, on voyait un faisccau assez gracieux compost de sa lance, de son bouclier, de son sabre, et de cetle peau de mouton que les Abyssiniens jettent sur l(;urs epaules. Quelques personnages im- portants foi-maiont un groupc separc, et quelques jcunes garcons, dont Tcmploi est analogue a colui des pages des cours d'Europe, etaient ranges pros du siege duroi, pr6ts a obeir a sosmoindros volontes. La physionomie d'Oiibi n'a du typo abyssinien que sa roidc chevolure : il rcssemblc parfailemont a un ch^rif arabe. Sa manileslalion rnaleriolle est rabougrie , et sa figure annonce un profond et ruse politique. 11 nous recut avec les plus grands egards> et causa familiore- ment avec nous jusqu'a I'beure du diner. Lorsqu'on servit, nous nous lovames pournous retirer, mais il no voulut pas y consentir, ot nous j)ria on m6me temps de venir tous les jours manger a sa table. Un moment aprc'-s, nous vimes onlror sa bollc-m6re, sa belle sceur, fdle de Sabngadis ^ ol une foule de jolies courtisanes qui suivaient le prince dans loutcs ses expeditions. Le repas, ou Ton nous avait r6scr\e la niciilouro place, fut brillant de convives. Le vin, I'hydromcl et I'eau-de-vio y circulaiont a jilcins bords ; des ^normes pieces de btjouf cru otaiont distributes a la rondo; un des premiers personnages fut cliarg6 de nous en servir un morceau cboisi qu'il tint lui-meme devanl nous. ( 35' ) jusqu'au moment oii il nous j^lut de le renvoyer. Vers la fm du diner, un pretre improvisa un discoursdonl le texle roulait entierement sur la politique du jour, et des chanteurs, accompagnes par la musique , celebre- rent le courage et le succ^s du prince. L'epoque des pluics approchait ; Ouhi nous annonca I'intention qu'il avail de quitter le theatre de la guerre et de relourner dans le Siinin. Nous primes blentot le chemin d'Adoun. Durant la route, une grande par- tie des soldats se detacherentdu prince pour aller, cha- cun de leur cote , passer I'hiver dans leurs foyers. Notre sejour prolonge au milieu du camp nous permit de falre de norabreuses etudes sur les moeurs si etranges de la sociele parmi laquelle nous vivions, et nous re- grettons , vu le peu d'^tendue de'ce resume , de n'en pouvoir donner une description. De veKouY k A dona , nous npprimes v^uOiibi , qui avalt concu pour nous le plus vif attachement, avait resolu de nous retenir aupres de lui, et d'em- ployer meme la force si elle devenait n^cessaire. II fallait done agirde ruse , et I'un de nous feignant d'e- tre malade, sous prelexte de changer d'air, se rendit a Aaiini, I'ancienne capitale de I'Abyssinie, remarqua- ble encore aujourd'hui par ses antiquities et son eglise, la plus belle du pays. Le pr^tendu mal s'aggravant, celui qui 6tait resle ' pr^s du pi'ince eut la permission d'aller visiter son compagnon souffrant, ct nous nous trouvames ainsi reunis. Les pluies journalieres qui tombaient par tor- rents avaient dt^ja fait elever le niveau du Tacaze , et un plus long retard aurait pu nous rendre le passage du fleuve impossible. Le 5o juin, nous levames secre- tement noire camp , ol malgre nos prccaulions, nous ( 552 ) ae piimes 6vlter une grande suile, compos^e surtout de prelres, que nous congcdiames dix minutes aprfes notre depart. Deux routes menent au Tncaze : Tune traverse la province de Sire, I'aulre passe par le dislr\c\. d'Adet. Nous preferames celle-ci, parce qu'ellc nous conduisait plus directemcnt au ileuve. Pendant deux lieures le chemin fut doux , les alenlouvs bien cultives ; les bos- quets de Colnnquats et de Mimosa, delicieusemnt par- fumes , nous offraient la perspective d'un paysagc cbarmant; mais bienlot le pays, changcant brusque- ment de forme , nous presenla de vastes plateaux cou- ptis de temps en temps par de profondes vallees dans lesquelles il nous fallait descendre pour rcmonler en- suite p , oil nous recueillimes quelques fails moraux d'une grand(! importance Ici le ciel n'etait plus aussi piile que dans le Simin ; le sol,moins tourmenteetmoins fracasse.se nivclail en plaines magnifiques, recouveites d'immenses [>rairies. OiKii^did jouit d'uno asscz douce lem|>c''ralure : ses ha- ( 355 ) . bitants sont riches en grains et on bcsliaux; les trou- peaux de betall y sont plus nombreux que partout ailleurs; les denrees alfliient sur ses marches, et s'y vendent a tres bas prix. Heureuse influence de cet 6tat de pais qu'Oiilj/ sait maintenir dans les pays qu'il tlent de ses ancetros. Le 97 juiilet, nous qultlames notre sejour. Dnoiigua, A antiba , C haitibclgiie cl Ddbnt , sur les bords du ruis- seaa d'^nclioca, nous olTrirent une bien douce hospi- talile. Ce dernier villac;e n'est qu'a quelques heures de (joitdar, que nous ne vouUons visiter qu'a notre re- tour. Nous admiriiines , a Dnncaz , les restes gothiques d'un chateau et d'une eglise batis par les Portugal's. Quoique nous eussions continuellement descendu depuis le Sinu'n, noire chemin se trouvait encore trace sur la Crete dc montagnes bien elevees au-dessus des belles plaincs de Belessa , de Fckara et de Deiuhea , si- tuees sur les bords de I'immense lac dc Tana (1) , au- quel elles doivent leur fecondite. Les paysages du Simin sont majestueux et sev^res ; ils imposent le silence et le recueillement : ceux des provinces ^QMariain-Onaha et 6^ Qucnudega apres Oua- gara sont gracieux, pitloresques , et laissent votre ame sous I'influence d'un sentiment de joie et de bon- heur. Le village d' lolnsgnerar et la villc de Deri'ta , boulevard des Musulmans, sont tr^s remarquables sous ce dernier aspect. Le valine, qui de Dnita conduit aux bords du lac , est arrosee par les ruisseaux de Dendeno et de Cheni. Au-dela d'^/(0-//o/, nous passames le Rebb sur un pont a six arches jele sur cette riviere par les architectes ;iu (1) On Tfann. 1 ri5G j chateau do Duitcar; nous sejoiirnainos a (Joiib, el re- monlant de nouveau sur le prolongeinenl des hauteurs d'oii nous elions descendus depuis Oucnadega , etnous arrivames lo 21 aoiit a Devra-Tabour , residence de Raz-AIL Nous nous Irouvions depuis Derila dans la province de Beghemder, Depuis Davarik , le pays nc conservait aucun souve- nir d'hommes blancs; aussifiimes-nous entouresd'une foule innombrable qui nous accompagna jusqu'a Ten ■ lr6e de la demeure du Rnz. iNous arrivames dans unc vaste cour a rexli-emile de laquelle nous apercuines quclques individus assis sur des pierres, et plusieurs aulres debout ranges sur deux files. Nous approcha- nies; on nous adressa quelques questions que nous laissames sans i'(^ponse , car nous elions dans ce mo- ment dune humeur un peu sombre. On nous engagea a nous avancer davantage; nous demandames le roi, el nous apprimes avec surprise que nous elions en sa presence. Comme on nous I'avail annonc<^ depuis long-temps, c"6lait un jeune homme d'environ dix-liuil ans. 11 pa- raissait d'une assez belle taille , et ses grands youx noirs ne manquaient pas d'expression. On assurait qu'il se batlail aussi bien que le meilleur des soldals; mais il elail bien loin d'avoir encore assez de jugemenl pour diriger les operations d'une campagne ; car, pen- dant la paix , une de ses principales occupations 6tait d'aller luer des singes dans les bois voisins de la capi- lale. II se faisail suivre par une foule de jeuncs gens, tous a son service , el tout homme tant soil peu raison- nable elait banni de la chasse. Pendant les journees pluvieuses, il faisail combatlre ses pages centre des beliers enormes Aleves a eel usage. ( '■>h ) Ce jeune ecervele gouverne Bc^/w/n^/rr, Cajtini , Daniot, une partie d'Ef/ou et de Oiiai^om, sans compter Dembea et les riches provinces qui, depuis Goiidar, s'e- tendentpar Raz-e[-FU \u?,c^uixu voisinage des fronlieres du Senncir. Mais on savait qu'il ne faisait rien sans les conseils de sa mere , femme vraiment digne de la place qn'elleoccupe. Mcnen, c'etaitsonnoin, n'avaitpascraint pour s'elever, d'abjurer la religion musulmane pour embrasser cello du Christ, et elle avait entraine dans son parti scs deux freres Dcjaj (i) /Imede qX Dcjaj bechii\ qui fir nit iioinmagc au Rnz de leurs riches domaines, situes sur les frontieres sud du royaume de Ldsta. AH-Fares , qui en est roi , profitant du moment ou le Tiaz etait campe a Ejjoii , s'elait porte rapide- nient sur Devrn-Tabour, avait pille et incendie la ville sans epargner la demeure de son ennemi. Lne grande salle, construite a la hate, lui servaitmomentanement de demeure. Vers le milieu, on voyait un grand snrir (2) reconvert d'un riclie tapis de Perse et de coussins de ve- lours cramoisi. A c6t(^, on avait creuse en cercle un ^norme foyer alimente par une prodigieuse quantity de bois, presque aussitot devor6 par la flamme qui lancait jusqu'au plafond ses vives 6tincelles. En face, on avait pratiqu6 trois embrasures pour ses 'ueilleurs chevaux; non que le Raz manquat d'ecuries, mais a cause seulemcnt du plaisir quo rossentont les plus grands personnages d'Abyssinie d'avoir en leur pr(^- sence les animaux qu'ils airaent le plus. Devra-Tahoui'^?X^Q\iX-Q\xG, le s^jour leplus agr^ablc (1) General. (2) Espt-;x- di' III conifjose tie cordis ou Jc laiiiiMes t-iili t'lii:e.'s. ( 558 ) de loult; rAbyssinie. Les coUines donl celte ville est enlourcie sont occuptics par une foule d'dglises super- bement oiubiagees de sabinos et d'oliviers , qui leiir donnent I'aspect de delioieux ertnitages. La popula- tion osl coinposee presquc entierement de soldats jouissant du present, sans s'inquieter de I'avenir, et depensant Jargemenl Je butln qu'ils ont acquis pen- dant la guerre, ear vie d'insouciance joyeuse attire parmi eux un grand concours de danseuses et de cour- tisanes, et les bijoux donl elles sont parees prouvenl d'une maniere evidente que ieur profession est aussi lucrative pour elles qu'agreable pour les autres. La politique des puissants rois (l'Al)yssinie consiste a se choisir pour victimc un ennemi plus faible qu'eux. Chaque annee, apres I'epoque despluies, ilsne inan- quent pas d'envahir son tcrritoirc , ou Ieur armee Irouve au moyen du pillage unesubsistance facile. C'est ainsi qa'Oubi descend des hauteurs du Siiuiii pour aller ravagcr le Tigi-e , tandis que le Rnz s'empresse de se porter sur les dcmaines A' Ali-Fares , roi de Lasta, qui n'est pas capable de lui resister de front. Ali-Fares est un homrae de petite taille ; mais, mal- gre son etat valeludinaire, il est actif , audacicux ; il liarcele continuclicment son ennemi, I'attaque en de- tail, evite de se rencontrer avec lui en balaille rangee ; mais comme ses forces sont trop inferieures, il ne peul empeclier le Raz de s'6lablir dans son pays, et de le livrer au pillage. Alors Fares se retire sur le sommet de la niontagne de Ckara , oil il est impossible de le poursuivre. Son epouse reside ordinairemenl a Z^//- hela, asile inviolable, famcux par ses antiques tem- ples creuses dans le roc a peu de distance de la source du Tdcaze. Les habitants de son royaumc, ruin<^spar { ^59 ) Cei etal de guerre continuol, out pris le parll d'aban- donner leur mallieureux pays , at so porlent par mil- liors vers la province de Dernben , ou ils cultivent Ics terrains voisins du lac de Tana. On croit qu'il exisle entre Oiibi et Fares un traite secret d'aillance , form6 dans I'intention de fondre sur Raz-Ali quand ils jugeront I'instant favorable. L'oc- casion se serait probablement deja presentee depuis long-temps, si les deux parties interessees ne redoii- laient pas leur mutuelle ambition. Le royaume d'A/i- Faii's est borne a Test par Ic Dancnli ., au nord par le Figre , au coucliant par le Siinin et Bcghi'nuler; au sud il coriline avec le territoire d'.linede et de Bcchir qu'il a\ ait battus depuis peu; et dernierement, s'etant em- par6 de la province d'AH-Marie , roitelet Galla , il a e!cndu ses possessions jusqu'aux tiibus musulmanes d^Ouello et d' Ada'. Les premiers jom'S que nous passanies a Devra-Fa- hour sont pour nous une source d'agreables souvenirs. ^'ous 6tions fet^s et caresses par le roi et la reine; notre maison, tapissee intericurement dcs mombres sanglants des nombrauses victiraes quo nous inimo- lions, est le rendez-vous d'une societe d'hommes et de temmes aimables. Nous avions vu avec plaisir la fin des pluies approcher ; et nous comptions continuer joyeu- sement notre route; miiis notre astre allait s'eclipser ])our faire place a une nuit qui dcvalt durer long- lemps. Nous ne tardames pas a aller chez le roi pour pren- dre conge de lui. Mais il nous contraignit par ses in- stances a lui accorder encore quelques jours. Le 6 seplembre, voulant pi'ofiter, pour partir, de I'absence du Baz , qui avail etc prcntire les eaux a Carroda , ( 56o ) nous lunics rolenus de force par Ucjaj hcchir, qui sul admirabloment concilicr la sdv^rll^ des ordres dc son mailro avec Ics menagemenls qu'il nous devait. Ccpen- dant nous nous plaignimes anicrenient dc cetle viola- tion faitc a noire liberie; majs a leur rctour, le roi cl sa mere prolcslerent de la loyault^ de Icurs intcnlions, el nous fironl les offres les plus brillanles et les plus flatleuses pour nous engager a demeurer parmi eux ; pour toute reponse , nous annonoames notrc depart pour un jour designc. Alors, ne voulantpas user directement de violence a notre dgard, on r^solut d'agir par une voie delournde. Ln de nos domestiques, charg^ du soin de nos mules, les abandonna au milieu des palurages , el disparut pour nc plus so monlrer; un autre nous ddsroba la parlie la plus precieuse de nos effets. Le droguian, allire chez le Raz sous un faux pretexte , fut enchaine clandestinement, cc qui n'empecba pas une des femmes du palais de nous en fairc la revelation. Nous avions forme depuis long-temps le projet de p6- netrer jusque dans les royaumes de Choa et d'E/'af, et d'examinerdepr^sles peuplados^nrZ/rt, que les relations desvovageurs et les rapporls des Abyssiniens nous pci- gnaienlcommeferocesetsanguinaires. Plusieurs routes pouvaienl nous conduire a cc but : I'une traverse Cojnm et le tcrritoirc des Galln-Boreim ; la seconde , plus orientale , passe par la province A^Ejjou et les propri(^tes d' Ad-Mane, et la dernicre, au centre, est trac6e a liavers les dislricls d7,'.s7/V' cl du Scinada , oil elle se subdivise en deux branches , dont I'une se dirige vers Moja et I'autrc vers Galla-Godnua, pour arriver a la riviere de Bnchilo. Comme nous avions form6 le dessein de nous ^cliap- ( 5(n ) per parla fuite, nouspreferames cette derni6rc,coramc moins longuc et comme nous meltant plus prompte- ment hois des domaines de celul qui nous avail voue une aircction si importune. Nous finies secretemenl las pr^paratifs de noire voyage , el pour donner le change d'une maniere plus complele, nous vendhnes une mule, ce qui fit croire a tout le monde que nous avions xenonce a nos projets de depart. Cependanl la reine s'elait retiree dans sa ville favo- rite de Mahdcia-iMariaiu, ou nous etionsalleslui rendre visite, et le Raz nous voyant prlves d'une monture, de noseffels, denosdomestiqucs etdu drogman, secroyait sur le point d'avoir gagne sa cause; j)0ur obtenir plus vile noire consentemenl, il nous priva des provisions debouche quil nous envoyait lous les jours du palais. Nous nous rendiines chez ie roi pourlui reprocher s^verementla deloyaute de sa conduile enversnous; un de ses grands nous insulla gravemenl, et dans un acces de colere, nous allames jusqu'a lui cracher a la figure en presence du jeune prince, qui Iremblail de lous ses membres. Alors nous nous relirames , en annoncant a haute voix que nous alliens demander salisiaclion a la reine . dont nous savions que lout le nionde re- doutail la s6v(!!rile , et nous parlimes le lendemain , laissanl enlre les mains du proprielaire de noli'e mai- son la plupart des effets que nous possedions encore , pour faire croire a noire relour. entail le 52 seplembre. Nous chargeames notre mule du leger bagage qui nous restait, et couverts d'une toile abyssinienne , nous nous acheminames vers la demeure de la reine, qui, heureusemenl, sc Irouvait sur noire veritable route, et nous eumes grand soin de I'divitor. Depuis Dmrnrik nous marchions nu-pieds. ( 0G2 ) pour nous conformer aux usages de rAbyssinie. Nous n'avions pas encore beaucoup souffert du manque de chaussure; mais ici, priv^s de monture, nospieds de- cbires par Ics pierres et les roncos nous firent eprou- Vcr Ics plus vives douleurs. Tantot surpris par la nuit, loin de loute babitation, nous nous cndonnions pro- fondement au milieu des champs, dans un pajsrem- pli d'animaux feroces; tantot, craignant d'etre surpris pendant le jour, nousparvenions, a la faveur de la pale lumi^re d'une lune naissante, a alteindre des villages que nous aviohs remarques avant rarrivee du crepus- cule. Quelquelois les eglises nous pretaient un asile , au milieu des vertes sabines qui les enlourent tou- jours de leur ombre. Les femmes venaient y prier pendant la nuit, et leur recueillemenl s'iiarmonisait avec I'aspect du lieu, sombre, triste , melancoliquc. In jour, fatigues de I'etat precaire de notre fuitc aven- tureuse,nous nous Dresentames chcz llailo ^ beau- frerc de la reine , et la liberte dont nous y jouimes tut pour nous une preuve que Ic R;iz ignorait la direc- tion que nous avions suivie, i\ousarrivames ainsi jusqu'a/o^«rM\s(/, silueal extre- mile du plateau qui dominc la riviere de Unchilo que nous brulions de laisser derriere nous. Les sites mon- lagneiix et boisd's de DiH'ra-Taboiir ct d'Ksti'e avaienl fail place a des plaines immenses , riches en bestiaux ct en palurages, mais qui, cntierement denudes d'ar- bres, donnaient aux pays une physionomie peu at- Irayanle : nous 6tionscnlour6s dans le loinlain de inon- tagnes noires, arides et oscarp^cs, mais loujours . originales el pilloresques. Celles de I'ouesl , frontieres naturelles jelees enlre Beghemder c\. Gojani , voyaient couler a leurs piedsle flcuve Abawi ( le Ml) qui se re- ( 5G5 ) v6lait par la longue file de nuages qui planaieul au-des- sus de ses eaux. Les rivieres les plus imporlanles de ce trajet sont : Zora et Goutnara entre DcH'ra-Tabour ei Mahdera-Dla- rinrn, celles de Chena etde Serenech qui arrosent le dis- trict d'Estie et celui de Rloja-EUe-Necada, Mekaii.Joiis- sous , Tararoch, Onalake^ GaUa-Godana et Joqnassa sont les villages les plus remarquables. A Joqmissa , nous d^couviimes lout d'un coup I'ini- mense vallee du Bnchilo : c'etail un horizon de roche d'un gris rougeatre tachcte de petits points noirs formes par les arbres rabougris qui s'efTaraienl dans le loin- tain. Lepaysage, d'un aspect grandiose, niais tiistt; et severe, paraissait inhabite : maiscn chercbanl desveux avec attention, Ton apercevait, au fond des vallons, quelques huttcs solitaires suspendue.s au-dessus des torrents qui roulaient a leurs pieds. Nous nous enga- geames dans la descente , en nous dirigeant vers le pla- teau d'lninha couronne d'un bosquet qui, par sa pi'e- sence, seinblait nous annoncer un village; mais nous ne trouvaraes qu'une 6glise abandonn^e. Le soleil avalt disparu , la route etait atroce : nous n'avions rien mange depuis la veille. INous contiuuames a des- dendre, et nous apercumes enfin, au-dessous de nous, deux miserables cabanes. Nous appelames a haute voix, mais personne ne repondit. Nous entrames, et nous vimes que nous n'avions trouve autre chose qu'un abri : le foyer 6tait froid, nous ne trouvames pas meme une goutte d'eau pour 6tancher notre so if. Nous etions la tristes et alTam«^S5 les animaux feroces hurlalent ct miaulaienl. Nous nous etions a peine blot- tis dans notre elroite demeure , que nous enlendimes une voix plaintive qui d'abord nous fit esperer; nous I 56/, j ■pensions qu'ellc approclierait, mais ello se fit toujours entendre a la nirme distance : on eut dit les soupirs d'une fillo infoiiiin^e. Le lendemain nous nous tirames d'cmbarras au moyen dc quelques amulelles qu'on nous ilomanda, et nous arrivamcs enfin au bord dc la riviere, a I'endroit ou elle recoit Bejenn , I'un de scs aflluenls. Elle avail un metre d'eau dans sa plus grande profondeur, sa largeur elait a peu pr^s de vingt-cinq metres. Les en- virons etaient peuplcs de singes, et son lit recelait une grande quanlito d'hippopolanios qui ne se montrent gu^re que pendant la nuit. Nous avions laisse derriere nous le petit district de Dosa, et nous n'avions plus a craindre les pouisuites de Raz-Ali : nous venions de toucher au lerritoire des Galla. Nous escaladames le col de Gouambel domine par I'eglise inaccessible di'Aragn'i dans la province de Mvsxabit a I'ouest de celle ik' Anibn-Samher; et avan- cant au milieu d'une vegetation plus fraiche et plus riche, nous arrivames le 5 octobre dans la ville de Malt'k-Sanka , residence de Dejaj /)«owf/ premier roi Galla. Li' tcrritoire de ces tribus connnes sous le nom iXOkcIIo , est borne a Test par le royaume d'Ada/, a I'ouest par les Galla-Borena; au nord , il s'dtend jus- qu'au Uar.hilo, et au sud il est limite par la riviere Onahet, marquee, parerreur, sin- Icscartes sous le nom de Guec/w [i). hapvonncc dc Mfi/c/i-Sa/i/>a seule etait gouvern^e par OeJaJ Brii/U, jirince chr^tien; mais de- puis deiix mois il avait el6 fait prlsonnier par Daottii , qui, soutenu par ylincde , onclc de Raz-Ali , avait force le paysi reconnailre son autorite. (i) Ou Gcsclien. ( 365 ) Ccs pcuplcs musulmans, jetes par descirconslances <^lranges enlre Begheiiu/er el Choa, dont la population est totite chretienne, sont divises en pe tites provinces.sou- mises chacune a un roitelet independant. Ces princos peuvent, en un seul jour, monies sur leurs mules ou leurs chevaux, parcourir facilement tous leurs domai- nes. Ce sont de grands proprlelaires, ou plutol des seis;neursf6odaux avantdroit de vie et de mort sur leurs sujels, et sortant de temps en temps de leurs manoirs pour faire la guerre, comme moyen de distrac- tion. Ces tribus ne sont pas cependant d'humeur fort bel- liqucuse.On y compte presque autant de Chretiens que de musulmans, et lepays n'est censeapparteniracette deiniere religion, queparce que ceux qui jouissent de I'autorite la professent. Les premiers se servent entre oux de la langue aiiihara ; \qs seconds de celle des Galla; mais les uns et les autres lesparlent toutesdeux avec la naeme facilite. Le type male de ces peuplades ne differe presque pas de celui d'Abyssinie, et ce n'est que chez les femmes que la phvsionomie est diverse- ment caracterisee.Les femmes Galla sont moins vivcs que les AinJinra; mais elles sont plus ardeptes, plus voluplueuses ; on dirait la France et I'Espagne, avccla difference qui distingue Paris de Gnndar. Les Galla, concenlrant leur activitesur I'agricullure, negligent les arts industries. Aussi , sous ce dernier rapport, sont-ils bien inferieurs a leurs voisins. Trop eloignes des provinces voisines de la mer, ils ne posse- dent qu'une petite quanlite d'argent monnaje, ct lours marches sc font par voie d'echange, ou bien au moyen de ces moi'ccaux de sel gemme dont la forme res- ( 3G6 ) semblo oxacloment a ces pierres t les Anihara, sont dans riiahitudo d'emasculer les ennemis qu'ils onl lerrasses. Mais ici eel usage est pousse plus loin, car les memhres virils des vaincus sont empailles et sus- pendus au-dcssus de la porle principale de leurs mai- sons, ou ce barbare trophee temoigne de la valeur de leurs proprietaires. Les provinces traversees par la route qui conduit a Chon se nomment : Maloh-Sankn , Jinha - taret , Bousso , Ellada, Goitel , Gatira , Chnra , Macliella , Ouchenoit. Les principaux cours d'eau, generalement assez importants, sont ceux de Gowidan, Oualaka , Salach, Boteiir, C'/inrti , Machella, SclgJii , Nedad , dont quelqucs uns portent, comme on le voit, le nom du pays qu'ils arrosenl. Dc/'a/ , Dnoiid , Guo- baze , Botto , Hassan-Doullo , Abbie , tels sont les noms des roitelets qui se partagent I'etendue de terrain que nous avions a parcourir. Retires au fond de leurs chateaux fortifies, ces pctits souverains, presque lous unis par les liens d'une pa- rente elroite, s'endormcnt dans le scin d'un delicieux far nien(e, inteiTompu sculement par la visite de leurs cbeiklis, venant aux heiires de la priere leur lix'e quel- qucs versets du C.oran, ou leur donner cctto etrangc ( 367 ) l)6nt'{llclion dont rusago leur est parliculier, et qui se termine toiijours par uno bouflee de salive lanc^o siir le visage , pour figurer Ic souffle de I'esprit dii Diou que Ton invoque. A Mnlek-Stinkn , nous etions loges chez le premier cheikh, et pendant les deux jours que nous y dcineu- ranics, nous fumes temoins de leurs plaisantcs cere- monies religieuses. Wous y recumes une bien douce hospilalile, ct nous ne pumes suflire aux nombreuses invitations qui nous arrivaient de toutes parts. Moven- nanl un pistolet, nous achetames une mule, et nous echangeames contre un cheval celle que nous posse- dions deja. Lc 5 , nous nous remimes en marche , et au bout de deux beures, nous fiimes rejoints par un choum assez important, qui avait une grande envie de nous volcr noire manteau. Nous arrivames pourtant sans mes- aventure a Tagntn , demeure de Guobaze; nous y pas- sames une partie de la nuit a boire du cafe et de I'by- dromel au miliju d'une nombreuse compagnie, oil se trouvait I'epouse de notre bole , femme d'une beaule nijigique, et dont les grands yeux noirs respiraient une ardente langueur. Un des cbeikbs de (jiinbaze , qui avait fait le peleri- nage de la Mecque, parlait passablement I'arabe , et nous eiimes le plaisir de causer avec lui dans cclte langue qui nous etait phis familiere que i'arii/ifua. Pendant qu'il nous trailait bien en face, rhvpocrilo pelerin ne ccssait de tourmenter son mailre pour nous faire piller, et ne jiouvanl y leussir, il lenta de nous enlever notre ceinture , au moment de notre de- part; niais ses complices, eflVayes de noire allilutle menacante, rcculerent au moment de I'execulion, ( 5(i8 ) nous demaniierent pardon, cl avouero.it qii'ils avaient et6 poussi'S a cet acte de violence par le venerable pretre musulman. Nous \imes clairement alors que nous marcliions sur un volcan qui ne pouvail manquer de faire Erup- tion tot ou lard; car nous nous trouvions chez un peu- ple oii la force est encore consid^ree comme un droit incontestable , et qui pille les \oyageurs avec aussi peu de scrupules qu'en meltaient les seigneurs f6odaux a dctrousser les nobles ou vilainsqui passaient par leurs torres. La jeune reine de Botisso, Jncha, dont le mari (itait absent , nous rccut d'abord avec cette bontE de femme qui seule peut faire oublier tant de maux. Mais nous n'etions pas destinc^s a goiiter un plaisir pur, il un cruel desanchantomcnt devait bientot aneanlir notre illusion. Au retour d'une promenade, durant laquelle nous avions admire la feconditedu pays, la reinc nous depouilla de trois cents feuillesde papier, donl la perte nous iut trcs sensible, et il nous fut facile de voir qu'elle avail el6 poussee a cet acte par les instigations d'un cheikli de son manoir ; car si elle eiit agi d'apr^s ses inspirations, AncJm aurait pr6fer6 le drap , la soie ou le velours qui nous restaient, et dont elle avait admire la finesse et la beauts. Un instant apres, elle nous invila a manger un gigot cru et a boire de i'hydromel £vdc le rneme bon coeur qu'un AUemand vous offrant un verre de bi^re. Le lendemain , die notis donna unc femme pour guide, nous pria de nc plus penser & Taffaire de la veiile, et fit quelques pas hors de sa cour pour nous accom- pagner. Nous traversames le village de Ghenneti, la proviiice d'AV/a-'/rir, gouvernee par Ainedce Belido, sou- ( '^69 ) mis a Botto , roi de Boiixso , et le soir, ijous arrivames a Gouel. Ici on nous lit line reception plus hrillanle que partout ailleurs. Hassai/'Do/il/o sc leva par respect quand nous parumes devant lui , et nous fit servir tout te que son pays renfcrmait de plus exquis. Le matin, comme il 6tait a se consultcr avec ylmede-Covo , un des rois voisins, sur une guerre qu'il devait entrepi-en- dre, sa mere fut chargee de nous laire les honneurs de sa maison. Nous lui exprimames notre reconnais- sance, et nous primes conge d'elle. Mais a peine avions- nous fait quelques pas , qu'un horame vint nous re- joindre en toute hate, pour nous prier de relourner chcz son maitre. II r^gnail dans la demeure iV Hassan quelque chose de sombre et de triste, et nous nous felicitions d'etre sortis sans mesaventure d'lin lieu que notre instinct nous faisait redouler. Nous revinmes sur nos pas, non sans quelque apprehension; mais pourtant nous lais- sames nos niontures et nos armes entre les mains des domestiques venus, comme la veille, pour les recevoir. Quand nous entrames chez Hassan-Doidio , il etait avec Amede-Coro , chef du complot trame centre nous. A peine fumes-nous introduits, que des hommes postes a cet effet, se jeterent sur nous, et nous enleverent lout ce que nous possedions, pendant que les gens que nous avions trouves a la porte conduisaient en lieu de suiete cc que nous leur avions confie. Nous supportames lierement toutes ces perles; mais il nous fallut un courage a toute epreuve pour r^sister a celle de nos manuscrits , renfermant le Journal de notre voyage depuis Adoua. C'etait sur eux que nous comptions pour nous dedommager des souffrances et VII. jum. 5. 25 ( 570 ) Hos lutigiies {|u«> nous endurions. Maiiilenant, lout elait perdu , plus despoir, ol pourtanl tout n'elail pas encore fini. Les homnies a coeur de bourreau et a la face ignoble cboisisparleurs mailrcs pour executer leurs volonlcs, jelalenl dos regards de convoilisc sur nos loiles, cten examinaicnt le fin lissu , pour rappeler a ceux-ci qu'il leur reslait quelquc chose a I'aire. Mais Hassan, qui jusque la n'avait pas depasse les bornes d'une impas- sible nullile , leiir dofendit de nous en depouiller. f^es roilclets, iinpatients de se parlager les fruils de ce couj) de main , nous fuent conduire dans une mai- son qui devait nous servir de prison. II parait que les objets voles etaient bien au - dossous de la valeur des ricliesses qu'ils nous avaicnt supposecs, car un moment apres, un hommevint noussignifier une sen- tence de mort, qui devait etre executee sous peu do jours , si nous ne consentlons a livrer les trcsors qu'on prelendait que nous vouiions soutraire a leur barbare cupidite , et nous recumes la visile sinislre de eel emissaire pendant tout le temps que nous reslames pri- sonniers. Notre teint brunl par le soleil , el nos muscles gon- fles par de longues fatigues, nous donn.aient I'exlerieur d'honnnes forts et robustcs, et sur noire front severe, mais calme , se jjeignait une male resignation. Nous etions enloures de visiles lugubres, et les fcmmes pleuraient; tout le monde gardait un moi'nc silence, inlerrompu seulement a de longs intervalles par ces mols : Ce sont de grands personnages. Et notre amour- propre (itait sensible a cct lionnnage , uieme en pre- sence de la tombc. Chaquc matin , un pain de .piolqnos onccs et une I ( ^^7* ) corned'eau formaient la nourrilurede la journ^e. Heit- reusement, notre geoli^re, bonne femme de quaranle ans, nous faisait vider quelques verrcs de bierc , et nous donnait quelques poignees de ble grille ou d'orge en epi, qui alors commencait a murlr. Vers le qua- trieme jour, Zaliali , I'epouse A' Hassan, jeune enfant de qulnze ans , nous envoya secretement du pain , du lait et du miel, et nous fit dire qu'elle elait ^trangere aux tourments qu'on nous laisait subir. Chaque minute s'ecoulait trisle et lente, car cliaque minute pouvaitetrerinstantclioisi pour notre supplice. Nousvoyions "annver la nuit avec assezde plaisir, parce que c'etaitle seul instant de notre repos, quoiqiiepour- tantla lachetedesbourreauxnous fit qiielquefois crain- dre qu'ils altendissent les tenebres pour accomplir leuis noirs desseins. Pourtant nous nous cndormions d'un paisible sommeil , berces jusqu'au matin des reves les plus doux. La suite au Numero prochain. ) Siir fjiiclqiirs phenoiiidries Dieteorologiquesobsen'es dans les Pyrenees, par M. Peytier. Les observations geodesiques que j'ai execut6esavec M. Hossard dans la partie occidentale de la chaine des Pyrenees(depuisla Garonne jusqu'a Saint Jean-de-Luz), pendant les annees 1826, 1826 et 1827, m'ayant mis dans le cas de camper sur lesprincipalesmonlagnesdc celte partie de la cliaine , j'ai cu occasion d'y faire , sur divers phenomenes meteorologiques , quelques obser- vations qui peuvent oflrir de I'inleret, et dont je vais donner un resume. ( '^1^ ) i» Siir It's luiuges. — II est oxtrcmemcul raioqu'il ii'y ait absolument aucun nuaj^e sur la chalnc des Pyre- nees : ainsi , pendant I'eie de 182G, je n'ai vu que quatrcjourneessans aucun nuage : le I'imai.lc 18 juin, le 00 juillet etle 7 aout. C'est le matin, au lever du soleil, que Ton voit le plus i'requemment les montagnes sans nuagcs; maisil est excessivement rare qu'ellesnese couvi'cnt pas avant le milieu de la journee. Lorsquc les montagnes sont decouvertes lo matin , on observe ordinairemcnt quo uneheure» deux heu- res , trois hourcs, plus ou moins , apres le lever du so- leil, lorsquc la chaleur commence a se faire sentir, il se forme, dans les plaincs, au pied de la cliaine, des pelits nuages qui s'elevcnt graduellement et gagnent les inonlagncs. Si Ton est place sur une monlagne elevee, on voit ces pelils nuages se former et s'elever quelquelois assczrapidcnientcommcdes fusees; ilsvonl se grouper dans les montagnes , ou il formenl frequem- ment des orages; d'autres fois iis s'el^vent Icntement, se groupent en masse en se nivelant, et torment une couche plus ou moins epaisse el plus ou moins 6lev6e, qui couvre la plaine , et ressemble a une raer de va- peurs blanches. Cette couche ainsi formee s'el^ve graduellement pendant le jour (quelquefois de plus de looo""), et baisselesoir el la nuit. Souvcnt cette couche de nuages, s'elevant le jour et baissant la nuit, reste ainsi plu- sieurs jours de suite. On la voit quelquefois se dissou- dre, et alors I'air devitnt vaporeux , et on apercoit or- dinairemcnt les limites de la bande vapox'euse qui sont colics qu'avait la couche de nuages. II arrive aussi qu'a- pres s'etre dissoule elle se rcforme. ( 570 ) Fori souvent Ics images se dissolvent la nuit el se rcformenl lo jour, quelque lemps apres le lever du soleil. Les nuages , en s'ele\ant dans les montagnes, sui- vent ordinairement la direction des vallees , quoique le \ent nail pas cetle direction. On remarque souvent, dans les iiaules vallees, des nuages adosses aux deux flancs des montagnes, tan- dis qu'on voitle ciel au-dessus, du milieu de la vallee, enlre les deux bandes de nuages. On voit encore frequemment un chapeau de nuages sur des pics eleves, lorsqu'il n'y en a point sur la masse de la cliaine. Souvent les nuages couvrent tout un versant de la - cliaine , tandis que I'auti-e cole est sans nuages, et on remarque que le versant francais est plus sou\ent con- vert que le versant espagnol. On voit quelquelois des nuages comme a cheval sur le faite de la cliaine. C-ela arrive lorsque, pousses par le vent, les nuages alteignenl Ic faile de la chaine ; alors ils retombent par leur poids sur I'autre versant. On remarque aussi quelquelois deux etages de nua- ges marchant dans des directions contraires. II y a alors quelque probabilite pour un cliangement de temps. Quand ily a deux etages de nuages bien prononces, le superieur est ordfnairement plus eleve que le falle de la cliaine ; raremeiit il couvre quelques sommets. La difference de niveau entre les deux couches est souvent tr^s considerable. Les nuages ne sont pas niveles par les temps de pluie. Ils sont generaleraent has par les temps piu- vieux, et oidinaii-ement bien plus Aleves dans les orages. La conqiositioM des images no ]>arail pas eire lou- ( 574 ) jonrs la meme ; qiielquelois il sont legers el Iranspa- renls, et d'aulres lois ils sont epais ct non Iransparonts; quclqucfols ils sont sees , el d'aulres fois Ires liumidcs. J'en ai vu produisant I'arc-en-ciel de la pluic ( c'cst qu'alors unc parlie du nuage se r^solvail en plule ex- cesslvcraent fine). Les nuages qui produisent les hallos paraissent tr^s Aleves, tres legers et tres transparents. Nous avions eu I'id^e , avec M. Hossard , mon colla- borateur pour les travaux geodesiques dans les Pyre- nees, de determiner les epaisseurs dcs couches dc nuages, en observant a des heures d6terniinees, du sonimet des hautes montagnes , la hauteur du plan su- perieur des couches de nuages (par rapport a des sommets dont la hauteur ctait connue), tandis qu'un observateur place a Pau aurait observe celle du plan in- ferieur. Malheureusement nous n'avons pu mettre ce dessein a execution , et nous n'avons pu observer que deux epaisseurs de couches de nuages que voici : Le 2t)scptfrubre 1826, dansles envirous de Saint-JeaiiPied-Port : lU. Hauteur du plan iiiferieur ^^^ Id. du plan suptrieur 9"" Epiiisseur de la couche A&o Ije 00 seplembre , meme localile : Plan inforicur l^oo IJ. supuricur ' 'i'o Epaisseur dc la couche. .' o5o ( ~^l'^ ) TABLEAL LIES UAtTEl US llES COICIIES l)E MiACES OUSEllVUtS EN \ S26. ( On a observe le plan siiperieur lorsqu'on etait au-dessiis des nunges, et le plan infdrieiir lorsqu'on et;iit au-dessous.) LAN LVFEUlEl'Il. i4 if). 17- 21. 85o 85o 1 5oo 2 5 00 22 2000 20 2200 27 ■ . 55o 28 900 4 aoiil itioo 5 iGoi) 21 1000 22 i5oo 5 st'pti'inbre . . 2000 6 i5oo 7 1000 9 i4oo 12 1000 10 )5oo 18 1200 21. .... 1000 2 ?l I o 1 1 o 2.5 200 24 )45o 25 1 25o 26 if)5f' ^9 . 45<) 1" octobre i55o 5 1200 4 1200 1'!. AN SIPEUIEI'U. 5 juilkl 1200 12 1600 20 2000 21. i85o 22 2900 2.5 .1 i ... . 25oo 2() 2200 27 25oo 28 2200 1 1 aout _ '!)oo \'j. 1800 i5 1600 16 i(i5o 17 ... '.',000 27 0000 28. . . .■ i5oo 5o 2000 29 sepleinbrc 900 Snr les orages et la grclc. — Les orages sont tr^s fre- quents pendant I'ete sur leshautesmontagnes. Comme je Taideja dit , presque tous les matins lorsque le soleil a acquis une cerlaine force, des petits nuages se fer- ment dans la plainq au pied de la chalne, ou se deta- chentd'une grandc masse deja existante . sV-levcnt, ei ( -^/G ) vont se grouper siir quelquc inontagno on ils lormoTit un orage. Je n)e suis trome qLulquofois bicn pros dc I'orago, etmenic dans les nuages orageux, sans avoir pu cepcn- daiil faire d'iniporlantcs observations sur la formation de J'orago et de la grele qui s'cn est plusieurs fois sui- vie, quoique plusieurs de ces orages aienl dure Tort long-temps. Les citations suivantes d'orages dont j'ai 616 temoin sur les hautes montagnes font voir que les orages ne sont pasloujoursbas, comme quelquespersonnes i'ont avance. Le 10 juin i8'i5, etantoccupe avoc M. Ilossard a faire 6tablir un signal au sommet du pic d'Anic ( 6leve de 'i,5o4"") , nous y eprouvames un orage par moments tres fort , accompagne de grele, ct qui dura fort long- temps. Des notrc arrivee au sommet, nous cnlendlmes un petit bruit occasionn6 par un courant d't'lectricit^, passantpar ma cannc qui avail une pointe d'acier. Nous elions vers la limite des nuages orageux et courions grand risque d'eire foudroyes. Par moments nos clie- »eux se dressaient, et les liommcs qui conslruisaicnt notre signal disaient que lo diable leur tirail les clie- veux, et qu ils avaient des moucbes autour des orcilles. Nous recumes par intervalles une grele assez forte , quoique nousfussions dans le nuage oi-ageux, et meme dans la partie culminante. Le i5 juillet 1826, au pic Lcstibetc, vallee de Lou- ron (ele\c dc i,85i'"), nous ossuyames vers 5 heures et demie du soir, un violent orage venanl i\r I'ouest , avec grele lenticulaire de pres dun pouce dc diametre ct dc 5 a G ligncs d'epaisseur. liCS grelons ('laicnt for- ties dun noyau blunc , grossi par une cnveloppc ( '^77 ) transparente contournee en dtoilc. Cclte grele ravagea une partie des communes du canlon d'Argolez. Le4 juillel, nous avioiis recu sur le meme pic un vio- lent orage qui avail dur^ toule la nuit, ct nous avail fort inquieles. Le 9 aout 1826, dans la nuit, un violent orage, avec pluie el grele , eclala sur la montagne de Troumouse (5,086™), el avec tant de force que les habitants du village de Heas ne s'altendaient pas a nous voir I'eve- nir, nous croyant foudroyes. Nous eprouvames deux fortes commotions dans noire tente, el le fusil dti M. Hossard, qui etait a quelque distance , eut deux ou trois points fondus. Les 25 et 26 aout 182G , au pic de Baletovis (3, 146"'}. orages et grele. Celui du 2O fut tr^s fort, el il tomba tant de grele que les montagnes cnvironnantes en furent couvertes, et qu'elle n'etait pas fondue deux jours apres. Les habitants d'Arrens pensaient que nous avions peri. Le tonnerre tomba aquelquespas de noire tente, sur un piquet auquel etait pendue une pei'drix. L'exlremite du piquet fut charbonn6e, et une trainee de plumes ful enleve^se a la perdrix. Le 20 aout 1827, au pic d'Anie (2,5o4™), orage accompagne de grele. Dans le commencement, quoi- que le nuage orageux parut assez eleve au-dessus de nous, nous senlions I'effet de I'electricile par le di*esse- ment de nos cheveux. Plus lard il tomba une assez forte grele accompagnee de pluie. Le 5 seplembre 1827, au pic IMontespe (i,84y'"), 1« sommel etant dans les nuages, il y eut des coups de tonnerre pcu forts iniitant le decbirement de quelques parchemins, et il tomba dans les environs une forte grele. Des grclonsde 2 centimetres de diametre etaient ( 578 ) on eloilo , formes par la reunion d'lin certain nombre de petils de 9. millimetres dc diaractre se fondant Ics uns dans los aufres. Les grC-lons 6taienl g^ne^ralement ronds , qiiolqucs uns un peu irreguliers. Le noyau , taniot opaque, lantot transparent, etait de forme va riablc, rond , Icnliculaire ou irregulier. II resulle des faits qui vicnnent d'etre cil6s que les orages se ferment souvent sur dos monlagnosfortelevees, et que la grele parait acquerir dans les nuages une cer- taine grosseur avant dc tomber. L'exemple d'orages fixes long-temps sur une monta- gne (au pic d'Anie) semble delruire I'hypotbese de la formation de la grele par un \ent d'aspiralion qui re - froidit, gelc el soutient les grelons asscz long-temps pour qu'ils grossissent. A I'appui dc I'opinion que les orages sont frequents sur les hautes montagnes, on pcut citer la destruction des rochcs que Ton observe sur les liaules montagnes, et que Ton ne pcut attribuer qu'a la foudre, aux nciges et aux geluos. Lorsqu'il existe un ])otit plateau sur les hautesmontagnes, on rcmarque qu'il est couvert de ])e- tils fragments de rochcs, comme ceux que Ton met sur les grandes routes. En 1826, il y cut dans les Pyrenees 6 jours d'oragc en juin, 5 en juillet, et 10 en aoiU. t^ents. — Nous avons remarque que le vent est pres- (|ue toujours du sud ou du sud-ouest sur les hautes montagnes, ce qui annonccrait un courant d'air sup(!:- ricur de I'cquateur aux poles. Neige. — II tombc quelquefois de la neige sur les hauts sommets, meme pendant les fortes chaleurs de Vi^id. Ainsi,en iSuG, il en est tombc les 20 ct 24 juillet, 'u) el 5i aoiU, 1, 'i ct 1 1 soplembrc, etc. ( 57<) ) Temperature. — Sur les montagncs d'environ 0,000 metres , le thermometre centii^vade ne depasse jamais 108 dans les mois de juillet et d'aoiil, ot descend au- dessous de z6ro prcsque toutes les nults. On obllenl loujours de la glace la nuit en exposant de I'eau en plein air ; mais il y a un effet de rayonnement que Ton observe presque tous les soirs sur la neige , dont la surface gele apres le coucher du soleil j^ar une tempe- rature de b^ cenligradcs.- Hallos. — Le 21 juillet iSsG, au pic du midi de Bi- gorre, j'ai observe un hallos double autour du soleil , dont j'ai mesure les diametres apparenls que j'ai trou v6s de 101' et 48^6. Petitsarcs clans les images.- — Lorsqu'on est place sui un sommet, et qu'il existe une coucbe de nuages au- dessous, et pas tres eloignee, si les rayons du soleil, passant par ce sommet, vont rencontrer ces nuages, on volt un ou deux arcs colores concentriques, plus quelquefois un point central colore. Les couleurs sent a peine dislinctes , on voit a peine le bleu et pas le vert , le rouge est a Texlerieur. J'ai observe plusieurs fois les diametres apparents de ces petits ai-cs dans les nuages, et j'ai Irouve : pour le plus petit 6*, 7*^ Pour le plus grand 10^.6, io% vf.h Si Ton a la masse de nuages devant soi comme une muraille, on voit aussl ces arcs, et si une partie se resout en pluie fine , on voit en meme temps I'arc-cn- ciel. ( .18o ) Cliinat de la Grece ; jxir M. PcYTiiiR. Lo cliaial tie la Grecc esl doux vi variable , les hivers sont geneialenient si peu rigoureux, qu'ils se passeiit souventsans gelees.Ainsi, pendant ceuxde 1828 a i82(), de 1829 a 1800, et de 1 85oa 1801 , que j'aipassi, le pre- mier a Corinlhe , etles deux autres a ^iauplie, le Iher- mom^tre est a peine descendu a 7,«^ro , et je n'ai vu que des gel6es blanches. La neige a cependant sejourne quelques jours a Corintlie , pendant le premier de ces hivers; mais les trois hivers de i83o a 1804, de i854 a J 855 et de 1800 a i85G, que j'ai passes a Athenes, ont et6 plusrigoureux , et le thcrmometre est descendu a 3 et a 4 degr(js au-dessous de z6ro. La neige a se- journe quelques jours dans la ville pendant le der- nier de ces hivers. On serait porle a croire , d'apres cela, que le climat d'Athenes est moins doax que ce- lui dc Nauplie. Je dois cependant I'aire remarquer que les habitants d'Athenes regardaient ces Irois hivers comme extraordinaires , et disaient que les Bavarois leur avaienl apporle le froid de lour pays. Dans les hivers ordinaires, le Ihermonielre descend rarement au-dessous de z6ro , et dans les plus froids , il descend a 5 ou 4 degres. II est fort rare de voir de la neige dans les plaines basses; je n'cn ai vu que deux fois sur six hivers; mais dans les hautes montagnes de 1,800 in. a 2,000 m., elle commence ordinairement a tomber vers le milieu d'oclobre. Ces premieres neiges i'ondent , et ce n'est gu6re que dans la seconde quinzaine dc novembre ([ue les haules montagnes se consiciil de neiges. Les der- nieres lonibenten mars, quelqui;lbis, mais rarement. en aviil. II 11'v a poini de neiges p(r|)»''luclles sur ( ^S' ) los haules montagnes de la Gr^ce ; elles fondent peri- dant I'ete. La chaleur est assez soutenue en Grece , pendant r^te , et s'elevc presque tous les ans au maximum de 4^ degres centigrades (en 1828 4o".5 aNauplie, en i853 /iO".& a Alhenes). Mais cette temperature ne s'observe qu'un ou deux jovirs dans I'annee , encore pas tous les ans. Pendant les mois de juillet et d'aout, le thermometie depasse presque tous les jours oo", et, comme les nuils ne sont pas fraiches pendant ces mois, et qu'il n'y a presque jamais de pluie pour ra- fraicliir I'almospliere , la chaleur scrait accablante sans le vent de mer que Ton a presque tous les jours avant midi , et qui produit un effet tel , que Ton souflre quelquefois plus dc la chaleur entre sept et huit heu- res du matin , qu'a midi quand le vent de mer est arrivi^. 11 ne pleut presque jamais en Grece pendant I'et^. A parlir du 1" mai jusqu'au T' octobre , il y a une se- cheressc extraordinaire , et les mois de juillet et d'aout se passent souvent sans un jour de pluie. L'au- tomne, I'hiver ctle commencement du printempssont les saisons des pluies; et c'est a la fin de I'aulomne et au commencement de I'hiver que tombent les fortes pluies , qui renvcrsent quelquefois des maisons, a la virile mal construites. Docembre et fevrier sont ordi- nairemcnt les deux plus vilains mois de I'annee ; le mois de Janvier est souvent assez beau. II y a quelques localites ou les pluies sont frequentes. Ainsi Livadia, ville situec au pied nord de la chaine dc I'llelicon, passe pour un lieu oil il pleutsouvent, ce que j'ai ete a meme de verifier (quoiqiic j'y aie vu faire uneprocession pour avoir de la pluie onmai i854)« ( 582 ) ii plciit oussi plus souvent a Tliebes que dans rAtlique. Cela vienl sans doulc do ce quo la chaino do nionla- gnes formee par le Cilh<^ion ct lo Parnos garanLillAl- tique des nuages venanl du Parnasse ou des monlagues de I'Eubee, et que ces nuages, egalcment arretes au nord par la cliaine qui joint le Mcssapius a VGElci , sont inainlenus dans la Boeolie, et occasionncnl des pluies frequentes a Thebes, et surtout aLivadia. 11 pleut encore souvent dans la partic nord de I'Eu- bee, dans Ics environs des villages de Mandoudi et Achmol-Aga , situos au pied nord de la chaine qui joint le Delphi aux monts Kandili. On remarque que celte chaine arrolc les nuages venant du nord ou du nord- est, ct qu'il pleut souvent au nord dela chaine, tandis qu'il fait beau au sud. On remarque encore que laneigesojourne blen plus long-temps sur les montagnes dont on vient dc parler que sur celles de pareille elevation sur le continent. Ainsi le Delphi , elev6 do i ,745 metres au-dessus dc la mer, conserve sa neigeaussi long-temps que le Parnasse, eleve do 5,409. (Les habitants des villages voisins du Delphi avaiontla corvee de t'ournir de la neigo ]iour les besoins de la maison du pacha dclNogreponl.) U parai- trait aussi, d'apres les observations metcorologiques que j'ai faites en Gr6ce, qu'il pleut plus souvent en Mo- ree qu'on Attique. Lesorages sont rares I'ele, exccpte dans les hautes montagnes, et c'est a la fm de I'aulomne et a I'entree de I'hiver qu'ont lieu les grands oragcs accompagnes de fortes pluies. On ne peut cependant pas dire que les orages soient frequents en Groce. La grele y est rare. Les nuages sont rares dans la belle saison. Ainsi il n'est pas extraordinaire de voir un mois enlicr sans ( 585 ) nuagos, excepts dans les haiiles monlagncs , ou ils sonl cependant bien plus rares que dans les montagnes do la France. On remarque que le Salnt-Elie d'Oro et Ic Delphi , montagnes les plus rcmarquables de I'Eu- bee, sont prcsque constamment couvertes de nuages. On observe generalenienl, dans les vllles pres de la mer, que la nuit on a de petites brises de terre dont les marlns profitent pour mcttre a la voile ; tandis que le jour, vers neuf, dix ou onzeheui-es du matin , arrive la brise de mer, qui est souvent assez forte, et rend la cbaleur de I'etc supportable. Dans certains golfes on observe aussl des periodici- tes de vent. Dans le golfe de Lepante, il existe souvent des vents tres forts vers les chateaux ou le golfe est tres etroit. Ces vents restent quelquefois plusieurs jours du meme cote, et avec une telle force, que lesbatimenls ne peuvent passer le detroit. Pendant I'ete, les vents sont frequemment de la re- gion du nord a Test. Ces vents durenl quelquefois quinze jours, un mois, sont chauds et paraissent occasionner des maladies. C'est par un vent dunord constant qu'est venue I'espece d'epidemiequi regna aAthenesen i855. Les vents du sud, au contraire, raffaichissent Fair et sont sains, Le vent est souvent assez fort a Atbenes, et pendant la secheresse de I'ete , il enleve de la poussi^re et du sable qui s'introduisent jusque dans les appartements, en general mal clos. La promenade est alors fort d6s- agreable. Les grands vents ne sont cependant pas fre- quents , non plus que les ouragans, car les tuiles (ci'euses) sonl scuicment posees sur les maisons et maintenues sur les bords de la toiture par quelques pierres seulement, ce qui annonce que les vents vio- ( 384 ) ItMils el \vs ouragans sonl rares, car Us cnloveralenl facilemenl de pareillcs couverlures. Loslrembloments de terre sont assez conimunsdans la saison des grandes pliiios d'orago; mais ils sont tn'js falbles, et quelqiiefois on les scnl a peine. II y en a en, deux nulls de suite, vers la fin dc Tautomnede 1 855, qui ont occasionne a Alhenes des sccousses dans la direction dc I'csl a I'ouesl. La lumlere parail plusvivc, el le ciel est, sans con- tredit, plus pur en Grcce qu'en France. Le ciel est rarc- ment couvert pendant I'ele. Les eflets de soleil levant et de soleil couchant y sont tr^s beaux, Pendanl les gi'andes chaleurs , vers lo niiltcu du jour, I'air est quelquefois si vaporeux qu'on nc voit pas Ar- gos de Nauplie (2 licues). Les plaines elant fort rares , cc n'esl guore qu'on mor qu'on observe le mir;igo sur dc pelilos lies ou sur des balimenls en vue. Observations Dictenrulogiqiies en Moree. Les observations tiiermomelriques et barometriques que j'al failesen Moree ne prescntcnt pas des series as- sez coniplelcs pour en deduire des inoyennes. Je dois dire cependant qu'il parail resulter des premieres que la temperature moyenne de Nauplie esl plus c4evde que celle d'Albtines. Ayanl lenu note des jours de pluie et d'orage pen- dant mon sejour en Moree , je vais donner les nombres tolaux pour chacune des quatre annees 1828, 1829, i83o et i83i. Je ferai remarquor que ces nombres rc- presenleronl une moyenne pour la Mor^e , allendu qu'une grandc parlie de ces observations (^lant failes pendanl mes voyages dans Tinterieur du pays, elles nc se rapporlcul pas loutes a un memc lieu. (385 ) NOMBRE NOMBRE NOMRHE ANNEES. de de de • jouns i)E PLfir,. JOUn« D OB AGE. JOIIRS PE GRELE. 1828 81 12 B 1829 io5 25 7 iSoo 101 18 , 4 i83i 93 i5 » Moyenno cics 4 i«s- 95 17 t Observalions meteorolo giques fakes a Athenes cii |855 , iS34 et i835. Les observations tliermomelriques ont ete faites avec un tbeimometre a minima de Bunten. place sur une fenetre expos^e au nord. On observait tousles matins le minimum de la temperature que donnait dlrectement le thermometre , el vers deux beures on observait le maximum. Les minima ont duelre en general trop fai- bles, a cause du rayonnement dont le thermometre n'elalt garanti que par la saillie du toit de la maison , et a cause de la proximile des muis de la fenetre. Aussi pcnse-t-on que la temperature moycnne , deduite des Iroisanneesd'observalions, est trop faible, lant a cause de cela, qu'acause des liiversrigoureux de ces trois an- n^es. Les maxima ont cependant bien pu etre aussi un peu trop forts a cause de la reverberation d s murs blancs des maisons voisines, mais cela n'a pas du com- penser les erreurs des minima et les hivers rigoureux. Toutes les observations thermometriques ont ete faites a Athenes meme; mais il n'en est pas de meme des observations relatives aux jours de pluie et d'orage qui ont ete faites a Athenes pendant I'hiver et les fortes VII. JuiN. 4. 26 ( 586 ) chaleurs do I'lUe, ol dans divers aulres lieux pendant le resto de I'annoe. Ainsi , conimc pour la Mor^e, dies ne se rapportent pas au ineme lieu. annf.es ti.mp6rature luoyenne NOMBRE jotns DE ruiE. NOMRliE .1.' JOtnsD'onA(.E. i8o5 i83/, i8o5 Moycnnc?. 15.-57 i5. 77 i5. i5 i5.5o nniigradesl. 86 85 87.0 d 18 / 11.0 D'apres les raisons que j'ai cxpos6es , je crois cette temperature moyenne un peu faible. La formule empirique 27". 5 cos" L donnerait pour temperature moyenne a la latitude d'Allifenes i7".oi . M. Puillon-Bo- l>kiye,qui a observe les tempc^raturcs do quolques sour- ces abondanlesenMoreo, atrouvepourcelle de I'Erasi- nus i7".5, ct pour celle de Lome 17", resultats que donnerait a Ires peu j)res la formule 27". 6 cos" L pour la temperature movenno dela latitude de ces sources, qui est a peu pros celle de Nauplie. Suria maree de VFinipe, par M. Pettier. Bien des voyngeurs ont parld' de la mar^e de I'Eiiripe, mais aucunn'afait des observations assez suivies pour cndeduirelamarche de cette mart^e; aussi y a-t-il peu d'accord enlre les divers recits relatifsicephdnomone. Quelquos uns disent que le courant va chaquc jour deux fois dans un sons, ot deux fois dans I'aulre, commc dans les maroos ordinaires; d'aulros paraissent mome mettrc ce ph6nom^ne en doute. Los ancicns ont dit qu'il y avait par jour sept flux el sept reflux. ( "^87 ) On Irouve dans le voyage de Spon etWeler unc Icttre d'un josuite, Jacques-Paul Babin, qui dit avoir observe pendant deux ans la maree de I'Euripe, et avoir ques- lionne les propri^taires des deux moulins qui etaient pr^s du pont depuis douze a quinze ans, et qui lour- naienttantot dans un sens, tantotdans I'autre. D'apres ce jesuite, la marec do I'Euripe serail reguliere dix- huit ou dix-neuf jours par mois lunaire, et alors elle aurait lieu de six en six lieures comme les niaiees or- dinaires, et irr^gulieres pendant onze jours, et dans ce dernier cas, la maree irait onze, douze, treize et quatorze fois dans un sens, et autant dans I'autie. II dit avoir vu le courant changer trois fois en i heure ~. Pendant les jours de maree irr^guliere le courant monte (dit le pere Babin) | heure , et descend - d'hcure ; I'eau s'6leve ordinairement de i pied, rarement de 2. Le raontant arrive quand le courant va au sud, et le des- cendant quand il va au nord. Entre le montant et le descendant il y a un intervalle de repos. Le meme j^suile ajoule que la maree de I'Euripe est reguliere pendant les trois derniers jours de la lune jusqu'au 8 inclus de la nouvellc , irr^guliere jusqu'au i5 inclus; reguliere du i4 au 20 inclus, irreguliere du 21 au 26 inclus; reguliere le 27 , etc. Quoique le pere Babin dise avoir observe pendant deux ans la maree de I'Euripe , il parait difficile d'ad- melti'e les fails qu'il annonce, et je regrette bien de n'avoirpu faire des observations suivies sur ce pheno- m^ne, n'ayant jamais sejourne a Negrepont plus d'un a trois jours. Toutce qucj'aiobserve, c'estquele courant de I'Euripe est assez fort (ilfait lourner des moulins), el je I'ai vu meme fort malgre un vent oppose, Les renseignemcnls que j'ai obtenus du porlier de 26. ( 388 ) Porte , pr^s du pont, ne sont pas d'accord avec les fails cites par le pere Babin. D'apn'-s ce portier, la niaree de I'Euripe serait toujouvs a peu prfes rogiiliere , ct le courant irail trois a quatre heures dans un sens, et trois a quatre dans I'aulrc, cc qui annoncerait une mar6e double , a laquelle les vents violents occasionneraient cependant quelquos irregularil^s. II serait bien a desircr qu'il fut fait des observations suivies sur ce pb(!!nonifene. Siir/cs malatlies qui legnenl en (trece, par M. Pi- YTiKR. Quoiqu'il n'y ait pas de causes apparentes dinsa- lubrile dans la majeure parlie de la Grece , les mala- dies qui se declarentpresque tousles ans,etquelijucfois dans les contrees qu'on pourrait supposer les plus sa- lubres, doivent fairc presumcr qu'il existc des causes particuli«^rcs d'insalubrite donl il parait difilcil'e de se rendre compte. Lorsqu'on voit tous les ans des maladies se declarer al'Acrocorinthc, elevee de 5oo metres au-dessus du ni- veau de la mer, il faut bien lour altribuer une cause; mais il n'est peut-etre pas facile de la d^couvrir. Les habitants de Corinlhe atlribucnt ces maladies a une plante vent^neuse , la tithvmale, qui croit en abon- dancc sur les flancs de la montagne, que Ton coupait du temps des Turcs , et que Ion a neglige de couper pendant plusicurs annees; d'aulres personnes cber- client la cause de ces maladies dans un petit marais forme par I'ancicn port des Corinthiens, le L«!!ch6 ; d'autres eniln les attribuent aux vents venant desbautes montagnes du Cvllene, du Parnassc et de I'Helicon qui occasionnent des refroidissements aux soldats qui ( '^% ) liabilent I'Acrocorinlhe, et qui souvent y arrivent en transpiration apies uni' ascension rapide de la ville. Celle dcrnitre hypotliesy parait la plus probable : cependant il est bon de faire remarquer que les mala- dies qui regnentarAcrocorinthene sont pas en general des pleuresies, ni des fluxions de poilrine, etc. , mais des fi^vres , comme dans les conlr^es basses et peu ac- rees.L'Acrocorinthe est assez souvent couverle de nuages qui pcuvent etre encore une des causes des maladies qui y regnent. Les maladies qui aUectent les villcs pourraient aussi avoir pour une de leurs causes principales le di^faut de proprele. Ainsi, celles qui regnerent a Athenes pendant I'cte de i835, et que Ton altribua a un vent constant du nord, pourraient bien avoir 6le occasionnees en parlie par le defaut de proprete de la ville , par une accumulation de population , et par une gxande quan- tity de terres remuees pour les constructions nouvelles. On remarque que les localites qui recoiventla brise de mer sont salubres, et que celles exposees au sud le sont en general plus que celles exposees au nord, Les iles sont salubres. On remarque qu'll estl'ort imprudcntde voyager par les grandes clialeurs , surtout pour les ctrangers. C'est ainsi qu'en 1899 presquc tous les membres de la Com- mission scientifique de Moree et de la bi'igade topp- grapliique lomberentmalades, et que deux des derniers perirent de fievi'es pernicieuses. Les maladies les plus communes en Grece sont les fievres intermittentes ; on y observe aussi des fi^vres con- tinues, des fievres pernicieuses, des typhus, des dys- sentories, etc. ; la peste meme , comme maladie acci- dentelle,a 6t6 observ(^een 1828 dans J'Argolide, et en ( '"'9" ) 1829 aCalavryla. On traite les premieres par des sai- gnees ou dcs sangsues, etpar unc assez grande quanlil6 dc sulfate dc quinine. On fail suivre un regime V(ig6tal et cesser I'usage des spiritueux. Les convalescences sont assez longues, surloul apres la premiere maladie; mais apres les rechules, qui sonl frequentes , elles le sont moins. Apres ces rechutes , on a beaucoup de peine a coiiper la lievre d'une maniere definitive. Le changement d'air est alors un dcs meil- leurs moyons. J'ai vu des Grccs niemes olre plus d'un an sans pouvoir se d^barrasser dc ces fievres. On remarque qu'il arrive souvent que la rate des personnes attaquees de ces maladies enlle beaucoup. S'il est des localit^s ou Ton ne voit pas de causes dc maladies , il en est d'autrcs ou les causes d'insalubritd sont (^videntcs. C'est ainsi que les villages quiavoisinent les lacs marecagcux de Topolias (Copais) (Btcolie) , et de Disto (Eubee) , sont tellement insalubres, que lous les babitanls sonl plus ou niolns nialades tousles ans. Quelques uns onl de simples indispositions , la plupart ont les fievres. Ces maladies ont lieu a I'epoque des fortes clialeurs. Les liabitants des villages du lac Topo- lias m'ont dit que lorsqu'ils out encore du vin a boire a ccUe epoque, la maladie les attaque avec moins dc force. Un fait assez extraordinaire, c'est que pendant I'^tci de 1834 les habitants des environs du lac marecagcux de Disto (Eubee), qui sonl tourmentes tons les ans par les cousins et par les fievres , n'curent cetle ann^e ni cousins ni fievres; mais la maladie se porta sur leurs besliaux, parliculieremenl sur lesmoulons, quiperirent presque tous d'une maladie du foic. Cette maladie regna dans unc parlic de I'ile, les habitants pretendaient ( ^(Jl ) qu'elle etait occasionnee par des insectes plats comme de petils papillons qui s'introduisaient dans le foie des animaux et le rongeaient. lis disaient avoir examine plusieurs foies de moutons morts de cette maladie , et que ces foies paraissaient remplis de petits insectes resseniblant a de pelils papillons. Ces foies fondaient a la cuisson. Cette maladie, quiattaquaitdes bceufs, des cochons, et meme des lievres , au dire despaysans, (^pargnait les chevaux. Elle commencait sur les mou- tons par ime grosseur a la gorge renfermant de I'eau. Pendant cette meme annee i854, les maladies qui ont epargne les habitants de la plaine de Disto ont attaque les bergers dans les liautes montagnes. La maladie sur les moutons ne s'est pas bornee aux villages des envi- rons de Dislo, ello s'est etendue sur un tiers de Tile, partie cenlrale. ExTRAiT 0'j. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. M. Guizot adresse ses remerciements a la Sociel(^ , qui lui a confere, dans sa derniere asseinbl^e generale, la presidence de I'annee iSSy-iSSS. II ajoiite qu'il sera heureux de concourir a ses utiles travaux, et que la Societe ne pouvait faire eel bonneur a un homme qui y flit plus sensible. M. Paradis adresse aussi ses remerciemenls a la Societe qui vienl de radmeltrc au nombre de ses membres. M. Jomard communique une lettre de M. H.Vidal, membre de la Society, datee d'Alep, le i5 fevrier iSSy. Cette Icltre contenant des details inleressants sur les cours du Tigre et de I'Eupbrate , est renvoyee au co- mile du Bulletin. Le meme membre donne lecture dun memoire de M. Dubois de Montpereux , contenant le resultat des obervalions que ce voyageur a faites sur quelques points d'arcbeologie et de gdtograpbie ancienne pen- dant son dernier voyage en Crimee , au Caucase et en Armenie. M. Jomard signale , comma de veritables d^couvei'- ( 098 ; les , roniplaccmcnt quo M. Dubois assigno a plusieurs \illos ancicnnes, ct nolainmcnt auxvillcs d'EactdePha- sis , qui onl ete I'objet des rcclierchcs les plus oxactes. Ce momoiro , dont la Commission ccnlrale (5couto la Ipclure avcc un vif inlorfit, osl i-envoyo an comilr du Bulletin. Seance rlit iG ////// 1807. Le proces- verbal dc la dcrniere seance est lu ct atlopt^. Rf. Prinsep , secretaire de la Soci6t(i do Calcutta re- mercie la Soci6t6 de geographic dc I'envoi complet de ses Bulletins, et lui adrosse les volumes V, VII , XIII, XIV, XV et X\ I du llecucil dos reclicrches asiatlqucs,en regretlant de ne plus avoir a sa disjiosi- lion les volumes qui manqucnt a cettc serie. II an- nonce egalement le prochain envoi dc la premiere partie du tome XIX*". M. le comte de Uaffctot adresse quclques observa- tions barom6trlques qu'il a faites en i835, dans plu- sieurs cantons des Pyrenees. Ce travail est renvoye au comite du Bulletin. M. Bottin ecrit a la Societe pour lui faire hommage d'un exemplaire de I'Almanach du commerce, ct lui oCTrir au nom dcM. Noellat, de Dijon, un Precis de geo- graplde imiverselle , et une Petite geographic de la France, a lusage des ecoles primaires. M. Bianchi fait hommage du Iroisiemc et dernier volume du Diclionnaire turc-francais dont il vicnt d'a- chever la publication. M. leprc^sident adresse a I'auteur les felicitations de la Societe -sur le z^le eclaire qui I'a di- rige dans un travail si important. In ouvrago destine k faciliter I'etudoet la comparaison des deux langueslui ( ^99 ) parait encoi'c plus precieux, a une epoqiic oi'i la con- naissance du francais se ropand davanlage en Orient, ou plusiciHS journaiix et d'autres ouvrages y sont d6ja publics dans cet idiome , el ou on peut le regarder comme la langue in terniediaire destin^e apropagei' dans ces contrdcs les progrfes dcs connaissances humaines, M. Beauffillot-Dumesnil, ex-guide de rarmee d'A- frique , ecrit a la Societe qu'il est sur le point d'entre- prendre un voyage en Norwege ct en Laponie , el il lui oflVe ses services pour recueillir dans co pays tous les documents qui pourraient I'interesscr. La Commission cen,lrale accepte avec reconnaissance les offres de M. Dumesnil, et I'engage a sc concerter avant son depart avec plusieurs membres de la Societe qui ont voyag6 dansle nord, et qui pourraient lui don- ner des directions utiles sur les objels les plus dignes de son attention. M. Jomard communique plusieurs letlres de M. le colonel Galindo, deslinees a completer ses recberchcs sur la geographic et les antiquites de FAmerique cen- trale, el dont la Society prepare la publication. M. Jomard propose ensuite, comme membre de la Soci6l6, M. Lanier, lieutenant du genie et g^om^lre du gouvei^nement espagnol a la Havane , qui a recueilli un grand nombre de materiaux sur la geographic physique, hislorique et geologique de Tile de Cuba. M. d'Orbigny lit une letlre de M. Mocrenhout, dalee d'Olahili , le i4 novembre i856, et contcnant le recit d'une excursion qu'il a faitedans I'lle de Nuhuine, une desiles de la Societe. Celte letlre renferme aussi quel- ques details sur les causes de rallaque des Indiens a Maouna, une dcs lies des navigaleurs ou M. de Langle et ses malheureux compagnons, atlaches a I'expedi- ( 4oo ) tlon cle Lap^rouse furent massacres le 1 1 d^cem- bre 1787. Ln extrait de cclte lellre esl renvoy6 au co- mite du Bullelin. Apres quelques reflexions tendant a prouverla haute importance de rexpedirion marilime ct scientifiquc que M. le capilaine d'Lrville doil cnlreprendre, M. do Mon- trol propose de nommer une Commission chargec de dresser une serie de questions qui puisse etre remise a ce navigaleur, dans I'inleret des sciences geographi- ques. La Societe accucille cette proposition, et IM. le president nomme MM. Berard, d'Orbigny et de Lare- naudiere membres de la Commission cliargee de ce travail. M. de Santarem continue la lecture de ses observa- tions sur Americ \ cspuce. MEMBRE ADMIS DANS I,A SOCliri. Seance du iG /iii/i 1857. M. Alexis-Hehetius Lamer , lieutenant du g^nie et g^om^tre du gouvernement espagnol a la Havane. BULLETIN D£ LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. Deuxieme Serie. TOME VIII. lURKAl Dli LA SOClf.Tfi. (election Di; 7 .wtm. 18.$7.) Prendtnt. yire-Presidents. Scriitalt'iirs, Sicrhnire. -M. GUIZOT, mcmbrc Jc la Cliaiiibre dcs di'|uil»'s. ( M. le lieutenant-general BAIIDRAND. I M. BOUCHER, sfcrelaire-gcDeral dii minislero de la marine. i M. DESAUGIERS , direcleur an ininislere drs affaires ('■Iraii^eres. '^M. LEIiEAU, cons, ilk'ra la Cwnrde rassalinn. jW. AixiDE D'ORBrCXY. Liste (Jcs Presidents honoraires de Ui Snciete depiiis son on gin e MM. l.(> inar(|uis do Lmt.acc Le niaripiis df P,\sTOKtT Lr viconitodt! (^HATEAlDRtAND. Le comte Cbabroi. de Voi.vic. Becquey . Le baron Ar,.£x. de IIlmcoix.t. Lc cotntc Chaiiroi. dk Cr.gv.soL-. Le baron Clvie'i. Lc baron Hvue de NEuvii.i.E. MM. Lc due lie Doudeauvu.t.e. J. 15. Eyries. T,c romte de Ricny. DuMONT d'Urvji.le. Le dnc Decazes. Li' roiiile do .Montalivet. Le iiaron de Bar ante. Lc licntoiiaiil-Kcncial Pei.et^ Coriespnndnnts etnuigers dans /'ord/r de /cur nomination. :nlm. Le dorlenr J. Mease, a Piiiladelphie. H. S Tanner, a Pbilad. Ipliie. W. 'WooDRRiDGu, a Boston. Lerapil. EinvARD Saeine. a Linierik. Le colonel I'oin.sett, aux E(als-Unis. Lei'ol. n'.-ViiRAiiAMsoN, .1 (^upeiilia^iie. Le iirnfesseur ScHCMAniER, a Altona. De Navarrete, a Madrid. F. Ant. OoN7.M.i;s, a Madiil. Le dorteur Beinoasum. a Berlin. Le capit. sir J. Frankmn, a Londros. Le doctenr Ri<:haruson, a I ondres. Le professeur Rafn, a Copenhagne. Le capitaine Graaii, a Copenhajjue. AiNSwoRTH, a Edii)d)onr^. .MM. Adrten Bai.bi, a Vienne. Lc eonile Graberc, he Hemso,;! EIo- rcnco. Le colonel Long, aiix Elals-Unis. Sir .Idhn Barrow, a Londres. Le eapitjiiie MA<:o;«ociiiE , a .Sidnev Nonvellc-Galles}. Le lapilainc sir .Fohn Ross. Le eonseiller de Maodo, a Lisbonne. Le profcsS'iir Kari, Hitter, a Berlin. P.-S. i)U Ponceau, a Pbiladelpliie. Le eoliinel Ju\N Galisdo, a San .Salva- dor (Ameri(pie centrale . Le eapiianie G. Back. r.\Rlf'. iJiPiiiMi;r.iK nv: nouii.ioiiuE ex juuriNETv ULLETES DK LA f f SOCIETE DE GEOGRAPfflE. Deuxieme Serie. f omc l^witihnc. PARIS, CHEZ ARTHUSBERTRAND, tiBRAIRE DE LA SOCI^Ti DE GEOGRAPHIEj RUE HAUTEFEUILLE, N° 23. 1837. COMMISSION CEMRALE. President. COMPOSITION DL' BUREAU. (Election du i6decembre i836,; M. ROCX DE ROCHELI.E. >■. - ■ , .i ( i\I. lc baron A\Ai.rKiNAER. ice-Prestdents. \ ^, ^ (^M. LARKNAUDII- RE. Secretaire- sen era I. M. Noel-Desvehgers. Section de Cnrvespundance . MM. Bajot. Berard. Callier. Dan.ssy. nubiic. I.sambert. Jaiiberl. MM. Lafond. Cesar- M'oreai;. D'Orbii;ny. Peytier. Tardiin. Warden Set •tion de Publication. ^ MM. Albert Monlcmont. Aiisart. Barbie du Borage Bianrbi. l,e colonel Coraboeiif. Le baron Closlaz. D'Avezac. MM. F.yries. Jomard. Lc baron Ladoiicelt*, Dc Ponimeuse. Poulaiii. Puillon-Boblayc. Section de Coniptabilitc. MM. Boncher. Cadalvene. Le colonel Denii.x. MM. Le },'ineral Haxo. De Montro!. Lc baron Roger. Coiiiite charge de hi piihlicatiori dii Bulletin, MM, Albert-Monteniont. Ansart. lUrbie du Borage. Berai d. l>cd)laye. Daussy. MM. D'Avezac. Jomard. Montrol. Noel-Desvergers. I'onlaii). Warden. . )J i A H H ! 1 M. Cbapelbcr, notairc bonoraire , Iresorier dc la Societe , me de Seine. 6. M. Noirot , agent-general et bibliolbecaire dc la Societe, rue de I'Unive?- BULLETIN DE L\ I I SOCIETE DE GEOGLIAPHIE. JUJLLET 1807. PREMIESIK SECTIOIV. MEMOIHES, EXTHAITS, ArsALYSKS ET HAPPORTS. ExTRAiT (le la relation ilu voyage de MM. Mauricu Tamisier et Edmond Combes en Ahrssinie pendant i835 et i856. (Suite.) Le cinquieme jour, on renon^a au sjsteme de frayeur qui n'avait pu reussir. A daler de celte epo- que , on nous laissa unc feinle liberie. On nous pernieltail de nous ecarter un peu ; mais on avait grand soin de placer des espions charges de survoiller le moindre de nos mouvements, crojant ainsi decou- vrir la cachetic mysterieuse ou nous renfermions nos pretendus Iresors. Enfin, un jour nous parlames si savammenl sur le Ramadan, le Goran et la religion musulmane, qn Hassan , qui deja avail di^ ebranle par les prieres de son epouse , nous fit anpelei^ chez lui , el nous .annonca que nous etions lihres de parlir qu;iud Ixm { C. ) nous semblerait, el la relne nous remit de sa propre main nos manuscrits ot une (icritoire que nous lui avions fait deniander avec de si vives instances. Au point du jour, nous rccilmes deux chcvaux et deux guides. Us nous menerent a travers ^//Z jusqu'a Mac/iella, oil le chef du village rerut ordre de nous fournir deux montures, et de nous conduire chez Abbie , dernier roi galtu. Nous n'^tions alors que de pauvres niallieureux , n'ayant pour toute fortune que la toile qui nous enveloppait le corps, et pourtant nous inspirions encore de I'int^ret. Hassan, qui, apres nous avoir recu sous son toil, avail ett^ asscz lache pour nous depouiller, n'avail pourtant pas eu le ccEur de nous laisser partir a pied. Lne femme que nous renconlranies en route, vint se proslcrner devant nous, a Machclla. Quand nos guides nous quitterent , ils nous baiserenl les mains, et unc autre femme qui, ]iar respect, n'osail pas s'approcher de nous, bai^a , en s'inclinant, les vetements de noire hotesse , par cela seul qu'elle avail louche les notres. Notre nouveau guide nous demandait a chaque in- stant si Hassan ne nous avail rieii laiss6 donl nous pussions lui faire cadeau , et avant d'arriver a Ou- cliennit, il nous pria de lui donner une de nos toiles, que nous lui refusames silichemcnt en lui reprochanl son cffrontorie. Nous ne trouviimes ])as Abbie k Ou- cherroii, ct nous primes la route de De'it, situ6 sur les bords escarp^s de la riviere d'Oiiahet, oil il faisail balir une forteresse. Nous ^tions arrives dans un lieu solilairo; nous n'apercevions plus ni liommes ni mai- sons ; nolro guide, s'arretant lout-a-cotq), nous de- manda oil nous allions? — Chez Jbbie , r^pondimes- pous. — Vous s;i\cz done la route? Poinldu lout — ( 7 ) iNi moi non plus; descencioz de vos montures. -^ Pourquoi ? — ■ Je letourne chez luoi. — ■ Bon voyage. Nous continuames a suivre a pied le sentier trace ; mais au bout dun instant, il nous cria : Attcndcz done ; ets'avancant acconipagne de deux aulrcs Galht, il voulut nous arracher unc de nos toiles, qui n'e fut abandonn^e quelorsque celui qui la portait vil sur sa poitrine les lances de ses ennemis pretes a le percer. Un moment apres, nous arrivames ehez Abbie , dont la physionomie elait peu rassurante. Son \isage etait cmpreint de celte lerocile native qui devait ca- racteriser Ics hommes do la premiere epoque. Les Iresses de ses cheveox cr^pus ressemblaient a des ser- pents; lexpression de son ceil etait farouche, sa voix sombre, son corps pesant elcompacte; Enloiire de ses guerriers moins sauvages que lui, assis sur une peau , a I'ombre d'un miinoxa , il avait pres de lui ses deu*x Ills, espece de jeunes inonstres que le p<''re carcssait et semblait couvrir de cet amour protecleur de I'oui's pour ses petits. II tit retirer tout le inonde, s'enlrelint long-temps avee le chef de Machclla , et nous adressant la parole : — Allez choz Saiiimon-Aoi/oniis, nousdit-il; allcz. iNous etions encore a jeun ; il nous hiissa parlir Cjuoiqu'ii fut tard. Le guide qu'il nous donna nous vola notre derniere toile. Nous faillimcs. plus loin, etre tues a coups de lances; enfin, nous trouvamesmi lieu de re[)os a Mutler-Houdi , d'ou nous parUmes lo lendemain. ' - . i Nous avions sous nos pieds Oiuilut ^ don't jti'Valfec, aussi profonde que celle do" Bnc/ufH, est ericore fillis cscarpee. Au-dela de la rii'i6re', 'rovince do Gtnchc , reinent par les soins de la guerre , trouve le temps de se dinger vers les arts iudustriels pour k'squels il a une veritable passion. L'interieur de son palais est occupe par des lissc- rands, des menuisiers, des inarons et d'autres ou- vriers qui s'occupeul a faire la poudre, a reparer les fusils, ou a lourner et Iravailler I'or, I'argent et I'ivoire. lis sort de sos ateliers des loiles luagniliqucs et une foule de bracelets, de sabres, de boucliers, de bras- sarts, etc. Salhe-Sellassi ne parait en public qu'entoure d'un cortege riche etbrillant, sans lequol la royautc^ perd bientot le prestige secret de sa ])uissance, Ses chcvaux et ses mules sont raagniliquomcnt barnaclics, ses lances et ses boucliers couverts de plaques d'argent aux dessins varies, I'esplendissent au soleil. Le ven- dredi , du haul d'une galerie situee au premier clage , et recouverte d'un tapis de Perse, il passe une grande partie du jour a rendre la justice a ses sujets, et son jugement est toujours suivi du silence du coupable et des cris de joie dc son adversaire. Ses repas ne sont pas publics comme ceux d'Oiibi; il n'y admet qu'un ])etit nombre de pcrsonnes, et ses soirees se termincnt 1(.^ plus souvenl par des lectures de I'Evangile ou de la ( i5 ) Bible , qui lui sont failes par quelques preU'cs jouis- saiit de sa confiance. Ce roi , clone d'une sagacite peu commune, ne peul se lasser d'admiier la beaul^ des objets manufactures qui lui arrivent d'Europe. La verrerie, les tissus de laine at de soie , et surtoul les amies, sont pour lui des objels de predilection. Prive de moyens faciles de communication avec les pays civilises, ce qu'il desire surtout , ce sont des ouvriers capables de confectionncr ces objets cliez lui , et ccux qui voudraient tenter ce voyage seraient siirs d'acqudrir en peu d'annees une position brillante. Les caravanespeu nombreuses, pai'ce que les mar- chands redoutcnt le passage des Galla , viennent de Gondar ou de Dertia a Choa pour y acbeter des toiles et des cbevaux. Comme le trajet a la mer par Massonah serait beaucoup trop long, les commercants ont pre- fere la I'oute qui conduit a Zeila , d'ou ils se rendent facilenient a Moka. Aliou-Ainbd , a quelques lieures ^ Aakober , leur sert d'entrepot, et le marche de cette ville , presque entierement musulmane, est le plus important de tout ce royaume. Les caravanes parties d^ Aliou-Amba , desccndent sur les bords de VAouach, et de la traversant les Iribus d'Aclal, elles arrivent a Zei/a par thirurgue et le pays des Sawnoli. Cette route , quoique preferable a celle de Mas- sonnh, presente pourtant d'assez grands inconvenienls. D'abord les tribus d'Ada/ sont d'une ferocity extraor- dinaire; la riviere de Aoaach ne peut etre pass^e que du temps des basses-eaux, et ses environs, sujets a des fi6vres mortelles, sont peuples d'animaux dan- gereux. Le royaume de Chna est borne au nord par Ouello ; ( «4) vers Test, il s'etc-nd jusqu'a la i-lvicre d'Aonach, dont les environs sont luibitds par les Iribus cVAcla/,- an sud , il (Hail limitc par Damknt, derniere ramilicalion dcs monlagnes de la Lune; mais lo pays dc Menjnr ayant ele conquis depuis poii , a fait reculer ses fron- tiercs jusqu'au grand pays des Galla ; au sud-ost ct ouest, il poni'Ire jusqu'a Guragiic , Choa-Mcda el les Galla-Borma. Les Iribus d'//<'/<^;/ so sonlroconnues depuis quelque lenips Iributairos do Choa , el elles fournissent un impot de sol en poudre. Cotle denr^e leur sort aussi a achetor quclquc peu de grain. Quoique leur terrain soil ferlile, ils ne rensemencenl pas, et se nourrissent prosque exclusivement de lait et de la cliair de leurs nombreux troupeaux. Cclle de leurs cabiles qui se- parent Hiinir^ite de V /loiiach scnomme Carrnyoii-Ilon. Au-dela de Menjar, les fronlioros sont liabil^es par les Gaila-GaraoiL et Aroussi. Choa-Meda est occupe \)?.Y los Jhrou, ct le pays cnlre AngoloJa et Devvd- JAbanos est peuplc paries GaJIn Abichnii , Gclan Oii- 1x1 n\ et Gojiinbichoti. Choa se divise en deux regions bien distincles : I'uno, et c'est la plus grandc, se trouvant extremement de- vee au-dessus du niveau de la mcr, correspond a ceitc parlie de I'Abyssinie qui domino le Dancali , et que Ton pourrail apjoler superioure; I'aulre, siluee entre le versanl oriental dl'.fnt el la riviere d'Aounch , n'cst que le prolongemenl du Sam/uir, compris entre JJas- souoh etle Tarei>t(i. La premiere de ces regions jouil d'un climal lein- p(^r6; ses babilants sont sains, robuslos, et son lorri- toire est d'une grande fecondile; la seconde, peu ha- bitcc , est ravagcc a ccrlaincs epoques par dc lerribles ( '5 ) maladies; mais aussi poui' raclieter ces dcsavaiilages, elle fournit une grande quantite d'oranges, do citrons, dc baiianes et de canncs a sucre. Le roi y descend quelquefois avec une nombreuse escorte , pour so don- ner le plaisir dangereux de la cliasse a Telephanl. Depuis Ics Onello , la pliysionomie de la population est devenue plus sauvagc , et inferieure en beaute a cc que nous avions vu jusqu'alors. Les fenimes se rasent le dessous de la nuque ei les sourclls qu'ellcs teignent en noil-. Leur cbevelure , simplcment bouclee , est bien loin d'etre aussi gracieuse que les lonj^uos ti'esses des Amhara ct des Galla , et cette inferiorite n'est que legerement racliete par les fleurs et les jilu- nies d'autruche qu'elles y entrelacent. Le gout de la verroterie, des pendants d'oreiiles et autres bijoux est general. Quelques jeunes filles portent a leur cou ou a leurs bras de petiles clocbettes, et d'aulres sc passenl une teinte de rouge sur la figure par exces de coquet- terie. Le costume des hommes se compose dun ample ca- lecon drape a I'albanaise, d'une ceinture et d'une loile qui les couvrc entierement. lis portent au cote droit un petit sabre au fourreau de cuir ou d'argent selon leur ricbesse. L'usage des bracelets leur est commun avec les femmes; ils sent dans I'babitude de se raser la barbe et les mouslacbes, qui semblent eU'e exclusi vemenl I'apanage des prelrcs. Ln des traits caracleristiques de la population dont nous tacbons de donner une idee, c'est que les meui-- triersne peuventpas s'affrancbir du supplice au moyen de I'argent comme dans le Tigre on le pays d' Amhara. lis deviennent justiciables du roi, qui ne peut faire grace aux coupables. Ils sont lues a coups de lances ( "^ ) par los parents de la viclime ; ct ce que Ton aura peine a croire, c'est que, bien que les executions ne se iassent pas clandestinement , personne n'est assez cu- rieux pour y assisler. Les arines a feu ont m inlroduites depuis troppcti de temps pour qu'elles aient opere une revolution notable dans I'art de la guerre que Ton trouve encore ici dans son enfance. Les armeos dirigees contrc les (jct//a se composent enlierement de cavalerie , car il faut qu'un homme soit bien pauvre pour ne pas posse- der un cheval. Ces soldats , habitues a vaincre les Galla , les considerent comme une race que Dieu a jetee sur la terre pour servir dans I'esclavage , et quand ils veulent designer un homme ignorant ou m^chant, ils disent : C'est un Galla. Ceux-ci leur ont vou^, a leur tour, une haine implacable, et toutes les fois qu'un ennemi succombe sous leurs coups, il est ^mascule sans compassion; quelquefois, ils ont pousse la f^ro- cite jusqu'a couper le sein de malheureuses femmcs tombees entre leurs mains. Le jour de noire arriv^e a Angolala , nous fumes rccus par I'intendant du roi. D'aprfes les ordres de son maitre, il s'informa avec empressement si nous savions faire de la poudre, des fusils ou quelque autre travail de ce genre , ct apres avoir entendu nos repon- ses negatives, il se retira d'un air un peu mecontent. Pourtant nous fumes loges convenablemcnt , et le len- demain nous allames faire notrc visite au roi , qui nous recut avec la bonte qui le caracteriso. A peine fumes-nous entres , qu'il fit retirer tous ceux qui I'environnaient. La conversation prit alors une lournure generale , mais peu anim^c , et nous eiimcs occasion de remarquer son erudition sur cerlaines ' '7 ) questions politiqucs et religieuses, quoiqu'il ne d^^ passal jamais les bornes d vine juste reserve, qu'il lui convenait de garder en presence d'hommes dont la Jmoralile lui etait inconnue. II nous demanda bientot quelle cause nous avait port^s a visiter son royaume, et il ne put jamais sc persuader que ce voyage eut 6te entrepi'is dans le seul but de reculer les bornes des connaissances acquises sur cette partie de I'Afrique. Enlin, il tomba sur la question industrielle , etnos den^gationsr^pet^es , ap- puyees du temoignage de nos mains dont il admirait la finesse etla blancheur, ne lui laiss^rent qu'un bien faible espoir de notre liabilete sous ce rapport. PoUr- tant , comme il n'etait pas encore convaincu , il nous conduisit dans les nombreux ateliers renferm^s dans son palais; car, aussi ruse qu'Llysse, il avait pense que nous nous laisserions aller a la vue des instruments de travail , si quelques uns nous etaient familiers ; miais beureusement notro ignorance nous rendit plus prudents qu'Acliiile. Alors il lui vint a Fid^e que nous pouri'ions bien posseder quelques connaissances en medecine , et nous fumes etonnes de nous voir presen- ter une foule de medicaments venus de I'Europe ou des Indcs. Mais nous 6tions bien decides a ne rien con- naitre ; car, dans le cas contraire , nous aurions ete infailliblement retenus sans espoir de retour. Malgre notre apparente nullity, nous avions fait sur I'esprit du roi une impression favorable. Quelques jours apres noire premiere visile, il nous lit present d'un beau costume complet, et la plupartde nos journeesse pas- saient a lutler avec lui d'habilete a la cible, ou bien a caracoler sur ses chevaux, dans nos promenades aux environs de sa capitale, VIII. JUILLET. 2. 2 ( "8 ) Dans nos inomenls tie loisir, nous vciiions oner sur les bords dii ruisseau de ( haclut ou sur la pclouse dcs inimenscs prairies r^servees a Salhe-Scllassi , oii nous avions seuls le droit d'entrcr. Apres les heures du repas , nous etions visites par des Galla ou des femnaes du pays , el le caractere peu curieux du peu- ple de Choa nous laissait jouir en paix de celte tran- quillile dont nous clions prlves depuis si loncj-lonips. I ne chose pourlanl Iroublall noire bonheur, c'etait rincertilude ou nous nous Irouvions rolalivemcnt a noire deparl; car chaquo lois que nous avions touclie coUe corde , Ic roi ne nous avail donne que des re- ponscs evasives. Nolro tcMilc elail [irincipalcment Irequenlee par deux csclaves gnlla. Sur la figute de I'une d'elles, sc dessinaienl ces lignes qui semblenl apparlenir exclu- sivemeiit aux niagicions el aux aslrologues. Elle s'e- lait familiarisee avec nous, ct un jour ello nous propose do nOus dire la bonne avenlurc; nous y consenlhnes par complaisance. Kilo 61a do son cou un collier de verroterie, el le roulant aulour de sa main , elle lirait ses augurcs d'apres la maniere dont les grains se dis- posaienl enlroeux aux points de contact. Dans peu de Jour, nous dit-elle, vous recevrez des mules et de I'ar- genls, el vous screz libres de parlir |i()ur voire pavs, ou Ton vous attend avec impatience. iVIalgr6 noire incrc- dulile, nous la remerciames avec I'econnaissance , commc si sa prediction nous a\ait inspiie quolquo confiance. Le 9.0 novemi)re, par une froide matinee, nous etions en maiche pour Ankoher. Le roi, qui nous avail fail donner deux mules , ayanl su f\\\& nous avions pris los dcvants, nous envova un cavalier a loule bride, ( "! ) poiii' nous prier dc I'altendre. Le soleil avail i'ait dis- parailre les l^geres conches de glace que nous avions ieinarqu6es a notre de^part, la temperature s'etait adoucio; nous nous arretames a Alahelt , eloigne de cinq lieues ^ Angolola. Nous fumes rejoints presque aussilot par les premiers coui'euis du roi qui s'annon- cait dans le lointain par les nuages de poussiere que soulevait le pietinenient des clievaux, el a travers les- quels pcrcaient detemps en temps deux immenses pa- rasols en velours cramoisi , sui-montes d'une croix d'argent, et ornes d'une riche frange du meme metal. Des que Salhe-Sellassi nous eut rejoints, il nous sa- lua familieremcnt en arabo,, pour nous faire savoir qu'il connaissait quelques mots de cetle langue. En considerant sa suite brillante, nous comprimes qu'un peu d'amour-propre s'etait mele a son d^sir de nous voir pres dc lui. Au bout de trois heures , nous arriva- mes au ruisseau de Aerura, separt§ iV Jnhobcr par un espace de deux lieues. Cette capitale, arros^e par les ruisseaux de Deim et de Cachini, conlient environ cinq mille habitants. Ello est batie sur le penchant d'une coUine, dont le soni- met est occupe par le palais du roi, remarquable par son (itendue. Plusieurs eglises s'^levent sur les emi- nences* Elle jouit d'un magnifique point de vue, au mi- lieu duquel se dessine le cours de Vyiouach, qui va s'ensevelir plus has au milieu des sables. Du cdte du sud , de belles forets de sabines rappelaient a notre souvenir les frais paysages d'Europe, et cette analogic etait encore augmentee par d'^pais brouillards qui , a cette epoque, viennent envelopper la ville pendanl des journ6es entiferes. La France nous apparaissait alors a une distance Si ( ••^<' ) immense. Tonics nos clomandes de depart avaient 6t6 esquivees on relusees. Notre occupation principale dtait do songer aux moyens de sortir de noire cscla- vage. Nos jours s'6coulaienl Iristes et longs; nous ne quillions plus noire demeure , el I'ennui de noire soli- tude nous plongeait parfois dans une melancolie som- bre. Ce fut dans ces circonstanccs que nous revlmes notro devinoresse iV^ni^o/n/d . (jul vonait nous rcnou- veler sa prediction, Neanmoins le roi se laisait loujours. JNous aclicva- mes de prendre les notes dont nous avions besoin , nous vendimcs une toile, dont le prodult fut consacre a I'achat de deux paires de souliers , el nous allames pr^vcnir I'intendant Scti-tol que nous etions decides a partir le lendemain. Vous eleslibres,nous r6pondil-il ; en route, I'eau et le bois ne vous raanquoronl pas. — INous ne vous demandons rien , ajoulaines-nous, Dieu pourvoira a nos besoins; lln'abandonne pas des honi- mes tels que nous; nous sommcs arrives ici pauvres, couverts de haillons, nous saurons bisn nous en re- tourner comme nous sommes venus. Sartol, etonn6 do noire reponse, alia la porter au roi, qui avail peul-etre cru nous relenir par ccttc manceuvre , et un moment apres nous le vimes revenir pour nous prier, de la part de son niaitre, de relarder noire depart encore de quelques jours. Ln matin , le roi nous fit appeler, nousle Irouvames seul ; nous ayant fait asseoir a ses cotes : N ous ve- nez a peine d'arriver, nous dit-il, et vous parle/. deja de partir; que vous manque-t-il ici, el pourquoi nic quitter? Je vous donnerai des parents, des epouses , des pays a gouverner, et je vous servirai de pere. Mais nous persistamos dans nos refus. Le bon roi , qui nous ( "-^ ) aiiuait, en tut peine, el pour nous eaipecher tie voir los larmes qui roulaient dans ses yeux, il nous quitla sans rien ajouter, et nous laissa tie nouveau clans une cruelle incertitude. Le 2 2 decenibre , nous nous rendimes aupres de Sar- tol, resolusaenfuiir avoc lui; maisquel futnotre 6ton- nement iorsqu'il nous dit : Le roi est afflige de voire resolution, neanmoins il ne veut pas vous I'etenir de Force; il lui serait doux de vous voir demeurer pres de lui , il vous donnerait ses fiUes et vous rendrait puis- sants. Si vous consenlez a rester , venez le voir, il en sera joyeux; mais si vouspartez, votre vuc le feraitlrop soullVir , et dans ce cas , il fait des voeux pour que Dieu vous conduise heureusement dans votre foyer. Dcman- dez tout ce que vous desirez pour voire voyage, soyez 611 rs qu'il vous I'accordera. Ji.;.. i. .; . ../■ii^i Touches de la conduile loyale de Shlhe Sellnssi, nous ne voulumes pas abuser de sa generosite, et noire am- bition se borna a la dcmande de vingt talaris et de deux mules qu'on nous donna sui-le-cliamp; et un domeslique fut charge de nous conduire jusqu'aux Ironti^res, avec ordre de nous faire bien trailer par les chefs des villages qui se trouvaient sur noire route. Nous avions resolu de nous diriger vers Gojain, alin de pouvoir observer par nous-memes les Galla idola- tres. Deux principaux chemins conduisent sur leur teri'iloire : I'un passe a travers Kateha , Dcvra-I era , Argani , Ouera , Choa-Meiln , Dei, Jolo , Ensaro, et De- vra-Liba/ios , celebre par son monaslere compose de irois mille moines , donl les deux tiers, Jadis soldals , sonl revenus cunuques de leurs expeditions-conlre les Galla. Nous abandonnames celte route, comuic Irup longue, el laissant derriere nous Motadit^ Gouna-Guu- ( -^^ ) net ^ Ic beau village de J cggUadu , ilonl los revenus ap^ paiiiennent aux pretrcs, nous croisames la roule de Stilla-Demrhin a Ahifnlnla , el nous anivames a Moutti, dans la province de Tegnlet. De la nous Iraversames la rivitirede (uulaii, nous visilames S^/.v.svV, <'>'/<^^/«^vet Zaro, en face ^ Addabai , qui reroil les ruisseaux de Mofer , d'Jioiitel de Ghcrit; les sources deces dernieisdescen- dent des provinces d'-Anna-MnruuJi , d'Jga/ii et iV Jnko- Ir.'v. Le lit d'Addabai est peuple de crocodiles, et ses environs servent de repaires aux malfaileurs des villages voisins , ce qui rend son passage dangereux. De la noire senlier nous conduisil sur le lerriloire des trols \illes de Zaghi, Debebet ^ Jul, soumises a Arg/ii, un des chefs de Choa-Meda; plus loin, nous Irouvames le village d' A reck. Nous descendimes encore dans Ad- dabai, d'oii nous rcniontames vers Gaida, peu eloigne de Znmn , ou se Irouvait alors lo gouverneur Beznbbe , vers lequel nous nous dirigions. Le pays, depuis Aidober'jyisquk MoiUtt, jouil d'une douce temperature, et produit toutes sortes de cer6a- Ics. Des prairies bien arrosees nourrissenl un grand nombre de troupeaux de gros betail, dont la majeure partie appartient au roi. Tegnlet est riche en tounba,; et en bois de sapin ; mais les provinces de Moret et de Mara-Eiie, qui s6parent Am\s/V de Zoma , se trouvant sillovmees par les profondes vallees des riviiires donl nous avonsparle, ne i-ecueillent que du mais, a I'ex- ccplion des points culminants dont ratmosphere est plus rafraicbie. Le plateau de Zoiiui renfenne plusieurs villages : deux passages aussi bien defendus que celui de Dher, vous conduisenl sur son sonunet, el rendenl cette po- sition inq)ronabl<'. Sa plus grande longueur est de trois ( u5 ) lieues, salargeur vaiie depuis dix melres jusqu'adeux mlUe environ. Dii cote du sud, la vue plonge au fond de la vallee A' Addaba'i , qui forme les liinites de Choa-Meda , dont les principales villes se nomment : Choa-]\Jeda , Ao , Geineoniecha, Cheina et Iiiiina. Au nord, vous dominez la riviere de Ouancket^ grossiedes caux de Oualtct, et les terrains has el arides de la pro- vince de Deira;i\ I'ouesl, on npcrcoit dans le lointain les hautes montognes dont le Nil baigne la base , et plus pres de nous le conQuent d'/cn',vr»,- la se reunissent dans un seul lit Ouanchct, Addahai. , Zegoaniel , qui descend de Dcfra-Libanos, et toutes les eaux provenant des Gnlln-Onello, d'E/at, do Tcgu/et et de Chna-Medit, dont le nombrc total s'eleve a quarante-qualre, Bezabbii I'envoya le guide quo ni'us avait donne Sa- /herSeZ/assi , elnov,is en donna un autre chaige de nous conduire jusqn'aux fronticres de Go/am. Notre nouveau conducteur nous fit passer par Oinbaioc/i-Aniba et le- tra. Nous traversames la riviere de Ouanchef , dont la fraicbeur nous rappela ces beaux sites que nous avions si souvent admires en entrant en Abyssinie, et nous ar- rivames a Dcrra , ou nous descendimes chez Odalge , cheigalla soumis a Sallie-Sellassi. C'etail j )ur de marcbe : Odalge, assis a I'ombre d'un grand arbre, etait occupe a prelever les droits de douane sur les piarcbands. II nous fit donner sur-ie- champ une maison spacieuse. Cebon vicillardnous re- tail a bras ouverts, nous engagea instamment a passer buit jours cbez lui; mais voyanl que ses prieres elaient inuliles, il nous fit conduire par un de ses bommes cbez Abba-Oaassel ^T^xemxQv Galla independanl,qui, acanse d(! sa vicillosse, avait cede son pouvoir a Abbate, son Ills aine. ( 24 ) yJiico, tel est le noni du village qu'il hubite , est slliie a douze lieues de Goiief, qui nous liippelait de si Irisles souvenirs. Lcs instances reit6r6es de nos holes nous iorcerenta passer chcz eux le premier jour de I'ann^e 1806; et le lendemain nous nous rendimes chez Joiiri, ilont les propriet(!'S s'elendent jusqu'au tcrritoire de (lojani. ^ous passaines la riviere de Onalaka , qui se jette un peu plus bas daps Ic i\il, et le [\ Janvier, par un sen tier penible, nous arrivamessur lesbords du tleuve avec une foule de personnes revenant d'un march6 voi- sin. Le lit du Nil ^\vS\. largo, mais le courant peu ra- pide. Apres un instant de rcpos, les Galln , hommes et femmes, quitterentleurs vetemcnts, qu'ils enferme- rentdans des oulres au moyen dcsquelles ils gagneront la rive opposee, ayant grand soin , avant de se joter a I'eau , de lancer des pierres et do pousscr de grands cris pour 6pouvanter les crocodiles qui , de temps en temps , faisaient quelqucs apparitions. .Nous avions examine atlentivement cos Galla ido- latres dont I'etudo nous paraissait si int^ressante. Ce n'etaientplusces^j«//rt musulmans, avec leurs chefs stu- pidesetleursotte emphasepour le maliom6tisme;ceux- ci n'ont aucune notion religieuse , et sans pens6e d'a- venir, leur vie s'^coule avec les peines el les plaisirs du moment. Leur physionomie sauvage se point sur- tout dans leur regard vague, incertain , myst^rieux : on dirait que fraichement co' vies a la vie humaine, 6lon- n^s de racial ct de la pompe de la fete, ils s'eQraient de leur petitesse en presence de tant de magnificence. Noosetignssurprisdc leur ignorance el de I'ingf^nuit^ de Jeurs questions. Nous recumes partout une hospitality g6noreuse;souvent nos holes nous cedaient leurs lits.et no voulaient toucher au repasqu'apr6s nous en avoir vus ( 2^ ) compl^tement rassasi^s. Lt'ui'complaisance memo aliait jiisqu'a nous envoy er des femmes; et comme cette cou- lume singulicre n'est etablie dans aucune aube partie de I'Abjssinie , nous en manifeslames quelque elonne^ nient; mais nos bons Galla nous disaient qu'un pau- ple qui prlverait de femmes un voyageur celibataire, serait aussl coupable que celui qui le laisserait souffrir de soif, de faim ou de froid. Les Galla occupant encore, surle territoire de Gojani, une lisifere de terrain , unique reste de leurs anciennes Conquetos sur TAbyssinie. Gojain appartient a Rnz-Ali^ qui en a donne le commandement a DejazDesta , son beau-fr^re. Cette province, qui etalt jadis une des plus lieureuses du royaume, a vu ses riches plaines aban- donn^es par ses nombreux habitants que le fleau de la guerre a forces a emigrer dans le A'zw/of,- les terrains qu'ils avaient cullives ont ete depuis envahis par une vegetation naturelle, formant des prairies immenses, oil paissont encore quelques chevaux et un petit nom- bre de troupcaux de gros b^tail. Le reste de la popula- tion s'est groupee autour de ces villages, proteges par des eglises inviolables, et dont la prosperity s'est accrue en raison de I'etat malheureux de cette conlr^e. Aussi, peu de pays poss^dent-ils des centres aussi pcupl^s que Bichana , Diiiin , Deina-Oiierk , A eraiio et Moutta , que nous trouvames sur notre route. Les grands chemins sont pcuples de brigands; aussi les marchands qui frt^quentcnt le pays ne partent jamais qu'en grandes caravanes. Notre trop grande con- fiance nous exposa souvent a de grands dangers. Malgr^ tous ces elements de desordre , les cereales y sont a un tres has prix ; les marchands viennent y acheter des toiles , des besliaux et des chevaux qu'ils ( 2i-a-Taboiir, ou nous arrivames le i 9 Janvier 1 856. Deux jours sulfirent pour nous faire oublier les fati- gues de notre longue marche. Tous ceux que nous avions espere revoir dans cette ville etaient absents. Nous nous trouvions sans domestiques depuis Moiitn , et ilfallaitnous tenir en garde centre les hyenes qui rodaient toute la nuit autour de notre demeure. Toutes ces considerations nous forcerent a lever notre camp le plus promptement possible pour nous rendrc a Goiular en cdtoyant les bords du lac de Tana. Ces deux capitales sont separeespar les districts de Jmora-Gadel , Focara , H((g[\) et Zellan, arroses par Mnza, Rebb, Chejii , Jriio , Ganio cl Gonmaia-Zen- gach. Sur les bords de Mnza, nous couchames au mi- lieu de Indies de pasteurs , et nous fumes obliges de porter sur notre dos la ration de paille accordee a nos mules. Nous nous arretames quelques heures a Hag, renorame par son marclie. A Emfras, nous n'obtin- mes un asile que lorsqu'on vitles betes feroces pr^tesa nous df^vorer. Mais a Boula , nous fumes parfailement bien recus par un pretre , et nous lui rendons cette justice d'aulant plus volontiers, que ses confreres ne sont pas les plus empresses a ouvrir leur porte aux voyageurs. La route , trac^e gen^ralement sur une plaine ma-, (.) Ou If.g. ( 28 ) gailiquo couveiie daihres et de troupeaux, serponto quel(|iiorois sur la crele de ces collines Iransversales , s'ecarlanl a angle droit des montagnes de Mnriuin- Ouaha (^id'OueiiKidegka ^ pour venir se niveler avec le sol sur les rives du lac.Les paysans qui liahilcnt ce de- licicuv paysago cuUivent, coniuie en hu;ypte, los ter- rains arroses par I'inondation ; mais les rccoltcs sont devastees par les grues , a moins qu'une garde vigilante ne les en preserve. (Joiular est bati sur un pele-mele de montagnes d6- solees. C'est une ville fracassee , mais qui olTre encore des restes de son ancienne grandeur; ses edifices en pierre, qui pour des Europeens ne meritent aucunc description de detail, se presenlent dans une impo- sante majeste au milieu de cliaumieres qui les environ- nent. A un quart d'heure, vers le nord-ouest, sous des bosquets de sabines, on apercoit encore dos clia- teaux delabres avec leurs ponls-levis el leurs fosses. Lorsqu'on jette un coup d'oail vers ces debris d'liabi- lalions royales, vers ces Fontaines taries et ces jardins abandonnes , on eprouve un sentiment de tristesse comuieu I'aspectd'un raausolec : pourtant Gondarel3iit autrefois renomme par sa richesse et son etenduc ; mais depuis la revolution (jui a anient la chute de ses rois au profit d'une race ffa//a , la guerre , le pillage et I'in- cendie ont constainment resserr6 ses liinitos, et sa population, jadis sinombreuse, s'^leve a peine aujour- d'liui a six mlUe bidjilanls. / , La ville est abreuvee par les deux riviiires de Caha el A' .Ingaieb , qui operent leur jonction au-dessous du faubourg musuhnan. Les bords de i'eau sont occupes par des tanneries, et Ion y blanchit aussi le colon que I'on liansrormc plus lard cii de soyeux lissus. Los ( -^9 ) niarchands, pour la plupart uiahomelans , cnvoionl des caravanes a Gonderan , Caffa , Ennarea , oil elles aclietent des esclaves, du cafe, du muse el de la pou- dre d'or, que Ton evacuo ensuite vers Massouah et le Sen' dr. Nous 6tions log^s cliez Liki-Atsko, I'un des juges des- cendant de la race iS! Israel , et , suivant M. Ritppel , le seul honnete liomme d'Abyssinie. II nous donna une genlille maison au milieu d'une cour planlec de sabi- nes et d'oliviers, et comme il sevante d'etre erudit, il nous monlra sa bibliotheque , dont presque tousles ouvrages ont ete traduits de Varabe ou de Vindicii. Ce bon vicillard , a I'exemple des anciens f^odaux , nous parlait sans cesse de la puissance dont il 6tait dechu ,j et ses discours 6taient pleins d'amertume lorsqu'il 6tait question de la nouvelle aristocratic, espece de tige parasite qui a fnii , disait-il , par etouffer le Ironc genereux ou il a pris naissance. Deux routes conduisent de Gondnr h Adoiia , non comprise cellc du Siniin que nous connaissions deja : Tunc passe par la province de Ounlkn'it , ei I'au- trc par cellc de Otinldonbba , renomm^e par son monastere. Les stations ordinaires de la premiere/ sont : Maraba , Mai-Gana , Chouagar-Oudn , Ulai-Zon- hoid , J nd)a- Abraham, Masseri, Mai-Islaniai, apresles- quelles on se trouvc sur le tcrriloire de Sire. Si Ion prend la seconde , on traverse Magach sur un pont a trols arches, et Ion arrive apres trois heures de mar- clie sur les beaux plateaux de Oiiagara , oil Ton re- marque les plaincs desertes d'Arg/icf, de Massali- Dongldan et de Baltet-Ouaha , qui ne poss<^de qu'un seul village noram6 Kerkos. Nous rencontrames sur cette route la ft mnie d'(hd>i, ( 3o ) qui, flo (jon(l(ti\ se rendait a Enchelkab avec une nom- hreuse suite. Elle porlail uu riche manteau de drap hrode en soio, ct son visage elail voil6 a I'instar des musulnians du Cairc. Nous I'unios a\cc cllo jusqu'a Dnvniik ^ ou elle prit Ic cliemin de Si'mtn. Lne heure et demie apres Dm'arik , notre roulc nous conduisit a rexlr6mile du plateau. Lo sentior qui descend etait perce dans le flanc de la monlajine; c'(^lait une gorge etroite et profonde; mais tout d'un coup elle s'elargit, et nous laissa voir a nos pieds une masse compacte de monlagnes arides, surniontees, sur ledevant, de sommets en forme de pvramides , de tours ou meme de basiliques du moyen age. Apres Irois lieures de marche sur un chemin infernal , nous arrivames a Debbe-Baliar, eloigne de deux lieues de la riviere de Zarinia qui coule entre les districts de Da- goiis.sil et de iJoarn-Gmbia , et nous \lnmes coucher au liaineau de Coleiiui, dont les environs sont couverts dc hambous. Nous stationnames successivement a houu- lilda , Mai-Tsubcri ei sur les bonis du Tacnze. Peu dc pays sont ausl bien arroses que celui-ci : les eaux qui dcsccndent des hauteurs du Siniin forment un grand nombre de rivieres, dont les plus considerables sont celles dc Ouzo , Ancia , Ergaf , Oiibea , Madacha el Soiirentia, qui toutes se jettent dans le Tacaze au voi- sinage de OnaUiait. La vallee de 1 (icazc ^n-o(\ix\i de grands bamboos et des bois de construction de grande dimension ; elle est babilee par de beaux oiseaux, de jobs singes, et les traces iinprim6es sur le terrain , maiecageux ou hu- mide , annoncent qu'elle est frequenlee par les ele- phants. Nous alluuianies (le grands iv\\\ , et couches sous de deliciciix osnUrages, nous ecoulions le hurle- ( 5, ) inenl ties luenes el dcs hippopotames avcc ccUe tranquillite que riiabitude seule peut donner, II nous reslait a parcouiir la province de Sire pour nous rendre a Aduua. Le paysetait livre aux desordros inseparables d'une guerre civile. Diverses bandes de partisans cou\raientles roulcs et pillaient lespassanls. Nous lie leur aurions probablenient pas echappe, si nous n'eussions rencontre des chefs que nous avions connus pendant notre sejour clicz Oubi, Les riches plateaux de Sire s'etendent depuis le Tacaze jusqu'a A.vnin , et sont interrompus de temps en temps par des collines transversales que Ton est quelquefois oblige de gravir. Ces montagnes paraissent de la meme na- ture que celles du Siiviii , et semblent appartenir a la meme formation ; mais comme ces dernieres sc sont trouvees exposees a une plus grande force d'impulsion, elles se sont ^levees a une hauteur bien plus conside- rable. Sire se trouvc divise en deux districts , Ataro et AV- Icssa. Son lerritoire est arrose par les ruisseaux de ChekJia ^ Chcheiini , Temen , Goumek) ^Lnnni et Totiaroit. Les principaux villages que nous rencontrames en route sont ceux do Adegn^ Dabba-Gniina , Chebenni , Gherdat , Ludtn et Tonnrnu , qui generalement nous olTiirent une assez genereuse liospitalite. Le 91 fevrier, nous revimes Axnm, et le Icndemain , nous arrivames a Adoua , oil nous relrouvames d'anciennes connais- sances qui nous recurent avec d'autant plus de joie , qu'elles n'esperaientplus nous rcvoir, carles bruits les plus sinistres avaient couiu sur notre compte. Adoua etait moins brillant que lorsque nous I'a- vions quilte. Oubi et son armc^e avaient repris le che- min du Simin, et aprc^s leur depart, la ville, privee des ( 52 ) troupes qui lui donnaicnl un aspect si aniin^ , avail repris sa physionomie ordinaire. Les fils de Sahagadis , fatigues de kilter conlre leur puissant enncmi, elaieiil venus lui iaire leur soumission, et le Tigre jouissait pour le moment d'unc tranquillile dont il avail bcsoin pour repiiror ses pertes. MM. Gobnt eilsenibi'ig , ainsi que leurs epouses, nous accueillirent avec cetle bont6 prevenanle que Ton ne peut trouver qu'en Europe , et ces attentions nous i'urent d'autant plus sensiblos , que depuis long-temps nous en avions perdu I'habitude. Apr6s avoir passe pai'mi eux quinze jours, pendant lesquels nous jouimes de toules les douceurs d'une bospitalit^ genereuse, nous nous mimes en marclie vers Mnssonah avec Jto-Derez, cbarge par Oitbi de conduire a la mer une caravane cliarg^e do dents d'^lepliant. Notre premiere station a Mai-Scgainm^ au milieu des monlagnes d'Jdonn , nous offrit un beureux paysage; mais ceux de Chnhngne ct de Jhsa , que nous par- courumes ensuite , no pr^senlent qu'un aspect triste el desole , el ce n'est qu'avec peine que Ton paivient a trouver quelque mare d'eau cachee sous de hauls sy- comores s'<^levant sur les bords des torrents ou des ruisseaux desseclies. A Ahsa , on nous avail annonce le Mnreb pour Ic lendemain ; au lever du soloil, nous nous dirigc^mes vers celte riviere, designee j)ar Bruce comme dimge- reuse a cause de ses lourbillons. Son cours ne presen- laitpas t\ cetle 6poque ]<'s dangers signal^spar le voya- geur anglais, car nous n'y Irouvames qu'un cloaquc de mauvaise eau, senlant forlcmcnt I'urine des bcs- liaux qui vonl s'y desalterer lous !cs joins. Les abords du Mnreb sont bien dilT(^renls de ccux des aulres ri\ic- ( 55 ) res, toujoiirs profondement encaiss^es. La vallee a plu- sieurs lieues de largeur, et vers le nord elle est sil- lonnee par des torrents dpnt le cours , a peine trace sur le sol, est comme sable de fin gravier; avec les arbresdont ils sontbordes, on les prendrait volontiers pour des promenades europeennes. Le Mcu-eb separe le Tigre de la province de Scraoae , qui, jointe a Jniassen, forme les pioprietes de Dejaj- Hdilo. Ce pays 6tait reslt^ independant jusqu'a Saba- gadis, qui parvint a le soumetlre et lui imposa un Iri- but annuel. Apres la rnort de ce prince, il recouvra sa liberte, Mais O/ibi s'en empara de nouveau, et le con- traignit a lui payer tous les ans un impot de 00,000 talaris. Malgre ces fortes impositions, les liabitants , deli- •\res des desastres de la guerre qu'ils ont su prudem- ment eviter, sont riches en bestiaus, en cereales et en ai-gent monnaye que leur procure leur commerce avec Massonah. lis supporlont avec impatience le joug de leur vainqueur, et attendent en silence le moment fa- vorable pour le briser. Non seulement les chefs de village refusaient de donner les rations a Ato-Derez , mals ils I'auraient memo force a acquitter le droit de douane, si Hn'ilo ne lui eiit envoye un homme charge de Ten exempter , et de le conduire jusqu'aux derniferes limites de son territoire. Nous etions au mois de mars. Dans cette saison, les paturages sont peu abondants a Ai>iassen, et I'eau ne se trouve qu'a de grandes distances. Alors les carava- nesn'ont pas la permission de s'arreter ou elles le d6- sirent, et il faut qu'elles choisissent des stations 6loi- gn^es des villages qui reservent I'eau pour leurs besoins. On est meme oblige d'acheter des fourrages pour les viii. .11111.1.ET, 5. 3 ( 3/, ) animaux, ce qui n'arrivc dans aucun auire pays d'A- byssinie. . , -. Les villages les plus importants de noire route sont ceux de Goundet , Oukluila, Aessrnou, Takhnln , Moii- golte et Terainni , ou nous trouvumcs le camp de Dejaj-Hailo. Ce prince , que nous avions connu chcz Oubi^ est borgne ; son caracltTe de douceur et de bont6 rachete celte imperfection, ct le fall aimer de tous ceux qui le connaissent. 11 venait de rassomblor son arm6e, dans I'intenlion de dompter quelques chefs voisins, qui avaient refus^ de solder leur part de I'im- pot exig6 par Ouhi. Nous partimes avec lui de Tera. mni; nous campames dans la fraiche vallee de 75^- mnliha, et sur les belles prairies de IhtUtnIi, arros^espar une source des plus abondantcs. Les parures des ferames et le costume des bomraes d'Aniassen different un peu des modes ordinaires d'Abyssinie. Les femmes portent une grande quantlte de perles de diverses couleurs , aux jambes, aux bras et au ecu ; lour chevelure est ramass^e en deux toulTos qui, relombant sur les joucs, laissent ecbapper deux longues tresses floltant jusque sur leur sein. Lesbom- mes, la plupart a pied, portent des lances grossieres et de pctits boucliers en pcau debuffle. La conformile de leur cbevelurc avec ccllc des Dichari , nous annon- ^ait que nous n'c^tions pas loin de leurs frontleres; et nous n'etions en effet qu'a une journ^e des monta- gnes de Zegghi, qui formcnt la limile entre le pays Chretien et le pays musulman. Nous quiltames I'armde au village de Guaret , et noire caravane campa successivement a Debaroa, Chic- keti , Mni-Segnna , Guoda'if ei Asmara , dernier village d'Amassen. Nous cOmes a nous plaindre, dans noire ( 35 ) route (le la lonlcur du chef de la cai'avane ; nous fumes souvent moulllc^ispai' de terribles orages, et notre sommell parfois trouble par le rugissement des lions, qui rodaient Ires pres de nous , lorsque nous avions neglige d'allumer des feux pendant la nuit. Nous ren- contrames encore , pi'es de Debaroa, le March, dont la soui'ce se trouve a dix lieues de distance, au pays de Tsnmni. Depuis ]\]ai-Segana, I'horizon est toujours ferme par des collines que Ton semble devoir gravir; mais a votre ap[)roclie elles s'entr'ouvrent et donnent passage au che- min qui se maintient toujours au meme niveau. A yis- mara , le pays est couvert d'oliviers et de sabines. Par- venus a I'extreniite des plateaux d'Amasseii , nous decouvrimcs , a travers une echappee de la montagne , la mer, qui 6tait noire beau reve depuis C/ioa. Du haut des sommets ou nous nous trouvions, le Samhar tout entier disparaissait sousun voile de vapeurs epais- ses qui nous derobaient le pays que nous devious parcourir. Arrete par la barriere insui'montable de la haute montagne d\irgaeUo , le brouillard s'avancait dans les intcrvalles des vall(^es formant comme une foule de baies, et la mer nous apparaissait a I'hoxnzon comme une bande de velours bleu. Nous nous trouvions sur le prolongement des mon- tagnes A' Halai : le sommet d' Jrguello est aussi elev6 que celui de Tarenta. Nous commencames a descen- dre dans une vallee dont I'aspect devenait de plus en plus frais a mcsure que nous avancions, et nous nous arretamcs dans un lieu appele Madel, Pendant la nuit, les gens de notre caravane craignant d'etre attaques par les fievres , se construisirent un lit exhausse au-dessus du sol, au moyen de grosses pierres, et allum^rent de 3. ( 56 ) grands feux pour chasser^hulnidite.Do^Hlisy^/rtc/<»^ nous trouvaraes de Veau en abondance. A cclte dpoqiic , los habitants de la fronliere d'y^massen abandonnent leur pays, ct conduisent dans la vallec leurs troupeaux , qui ne pourraient pas vivre dans leurs prairies dcs- s^chees. A Ghinda , nous quitlames la vallee , et nous gravi- nies une colline d'ou nous decouvrimes la surface de lamer a Iravors les clairiercs. Nous avions devant nous une longue descente; vers le milieu nous enlendimcs le bruit du torrent de Raam , que nous travcrsames aplu- sieurs reprises, et nous arrivames sur une belle plaine toute encombr^e dc niimosd, qui nous conduisit an vil- lage de Dembehc , habite par des Clioho , peuplade dc pasleurs. DeiuheJie, situ(5 surlebord du torrent de Gourgmiret, renfcrme un assez grand nombrc d'habitants logos dans des maisons construites avec des branches et re- couvertes de nattcs. Leurrichcsseconsiste en troupeaux de gros b^tail, qui leur fournissent une grande quan- tity de lait et de beurre qu'ils apportcnt au marche de Massoiuih. Le terrain, peu (^leve au-dessus du niveau de lamer, est enipreint d'une humidltemalsaine; I'airy est chaud ct I'eau des ruisseaux est toujours ti^de. La vegetation diminue sensiblement de beauts a mesure que Ion approche de la mer. La route traverse une infinit(i de torrents dont le plus romarquable est celui dc Melfie. Celte partie du Snmhar est habilee par les CJioho- Vebara , dont les moeurs ont etc adoucies par le contact des chr6licns. Leur pays I'enferme une grande quantite de lions et d' TUUQUIE. (Exlrail d'une Icltrc (i) adressee de Vieiine a M. W'Ai.rEBDiN vers la fin de iSliS. ) Je profile d'une occasion favorable pour vous donner signc de vie et dc bon souvenir, lout en espc^rant un jour me rapprocber de vous et de voire aimable so- ciety. Vous me voyezpour le moment cnfonce dans le lure et la lurcomanie ; c'est un beau cbamp encore inculte, je lacberai de le culliver aussi bien que je pourrai, sans toulefois negligor de mo lenir loujours pret a faire volte-face vers d'aulres degres de civilisa- tion. Chaque moment de la vie a ses conditions. \ ous voyez, que je n'avais pas tort d'aller a I'Orient par ici ; car, sans m'isoler loul-a-fait des progres des sciences pour plusieurs annees jeviens me rcmcttre au couranl en liiver, etl'ele je suis en cinq jours bors de I'euro- pdanisme. J'esp^re que mes compagnons de voyage ferontcon- naltre en France le vc^rilable 6tat de I'interieur de la Turquie d'Europe. Quant a moi, ce moment n'est pas arriv6; jeme contenle de donner mes r^sultats g^ologi- (i) Nous ne somines point auloriscs a noinmer I'auleur de coUe lettre ; jnais a la varieh- de scs ronnui^saiuts , a la |iii]uaiile oi iginalite de son style, qui se resscnt de la tnidliplicite des langues (iii'd park-, on reron- nailra faciiement le savant au^si modesle qu'infaligahle , qui, pendant son dernier sejour en Fiance , a si puissainmcnt conlribu6 a y fonder la Soelele gcologlque, et qui, apres avoir explore, avcc tant de proGl pour la science , les parties de I'Europe qui offraient le plus d'interet sous le rap- port geologique , elend maintenant scs rccherchcs vers la Turquie , oii il diiige cliaque aniie'e une expedition scienliGqur. I 4' ) ques. VicjLiesuel a suiiout letini assez cle dtmueosgeogra- phiques locales. J'aurai, on reloiirnanl sur les lieux, I'an prochain, I'avantage inestimable de comparer mes notes aux siennes. Descriptions de lieux, indications de toutc espece deviendront ainsi de veritables em- preintes, landis qu'opres un premier voyage si rapide onne peut espererd'eviter les erreurs. Revoir la Servie, un peu de la Bosnie, toute la Bidgaric et la Romelie, le Bosphore, peul-etrela \ alachie, ct surtout traverser plusieurs fois Ic Balkan, tel est le plan de mon voyage pour lequel jc desirei-ais hien trouver quelque natura- liste ou peintre. Voyez done parmi vos connaissances; ce ne sont pas des voyages tres couteux; ces messieurs vous donneront tons les renseignements a cet egard. Les courses deMM. de Verneuil, Texier, etc.,enAsie- Mineure et sur le Bosphore, vont m'epargner bien du temps; deja, par le peu que le premier m'a commu- nique sur lesbordsdu Danube, j'ai lieu d'esperer que le sol tertiaire sera riclie en fossiles en Bulgarie orien- lale. On s'occupe beaucoiip en AUemngne et meme en liongrie d'une question qui vous inleresse, savoir, la betterave et son sucre; ellc a meme manque ici de sou- lever en partie une dislocation ministerielle. C'est ton- jours la question du controle et de I'impot ; en atten- dant on cree des etablissements. La mania des chemins de fer continue, et a cote de leur utilite, ces mille et un projets servent a rcmplir les journaux allemands et a amuser le public. Le cae- min de fer d'ici a Brunn, et de la a Bocbnia en C allele est sous le rabot; on distribue la besogne; M. Riepl, un des principaux instigateurs, est encore en tournee pour cela. On espere, avantun an, rouler deja sur une ( 42 ) partie. On attend, dit on, pour I'an prochaln, les voi- lures, et ily a deja dans les usines une certaine masse de rails prels. La navigation du Danube occupc toujours beaucoup. Nous voila avee une navigation a la vapeur a service double depuis Prosbourg jusqu'a Galatz; depuis ce pr'inlcinps, Ic Fenf inn /id, deccntchevaux, fait le voyage de Galatz a Constantinople, et vice versa. En descen- dant d'iciaPeterwardein, et nieme jusqu'a Semlin, les bateaux font bien Icurs affaires, et seulement avec les passagers. Les plus petits bateaux, de Pest a Prcsbourg, sonl surtout toujours pleins et marchent tr^s frequem- ment. Au-dela de Semlin, ils ne transportcnl guere que des baigneurs aux celcbres bains Iherniaux do Meha- dia, des voyageurs allant en Turquie ou en Valaclue, et quelques voyageurs se rendant en Transylvanie. Le long du Danube valaque, les voyageurs reviennent remplir les navires. En remontant, cene sontpas les voyageurs qui don- nent le plus d'argent aux bateaux a vapeur, mais bien les marcbandises. Cost enormo la quantite de coton, de cuirs, et d'autres produils bruts qui remontent des fitats turcs en Allemagne; les bateaux a vapeur ne sont pas encore assez nombreux pour suffire a toutes les demandes des negociants. Malbeureuscmcnt le Danube, cntre Pest et Pres- bourg, s'elargit beaucoup trop au-dessus de Romorn et de llaab, de maniire qu'en 6t^, aux eaux tr5s basses, on n'y passe qu'avec peine, et il est mfime plus facile (le remonter de Prosbourg a Vienne que de francliir celte espece de barre. A cot cffot on tiiche de regler k' coui's du fleuvo, (in a fait quolquos jeteos, mais cola (43) demanderait un bien plus grand travail. En Ilongrie, on commence a sentir la necessite de regler le cours du bas Danube, parce qu'il fait beaucoup trop de si- nuosites; d^ja prfes de Tadd ou Fadd on a coup6 un canal par lequel les bateaux font en sept minutes et demie un cliemin qui dcmandait une heure un quart. II y aui'ait bien d'auti-es coupures possibles et a faire. Le cours du Danube est anim6 non seulement par dcs bateaux a vapeur, mais encore parbeaucoup de grands et longs bateaux couverts tires par des chevaux ; tout cela pourrait aller a la vapeur. Pest deviendra necessairement une ville de grande importance commerciale. Quant aux travauxcntrepris sur le defile du Danube, de Moldava a Orschova, la route de voiture, le long du Danube, sera ouverte I'an prochain au printomps; je I'ai toute parcourue, et j'ai admire ces travaux dignes des Romains, dont la voie se voit vis-a-vis sur le cote ser- vien. Neanmoins, enlre Panscbilova et Moldava, il restera encore a percer une route en corniclxe le long des es- carpements d'un defde a Test de Moldava ; on evile a present ce defile par une auti-e route qui tournoie dans la montagne, ce qui occasionne une ascension et une descenle assez grandes. Le bateau plungeur qui sc construit a Kasan, dans le defde, avance trop lenlement; I'idee patriotique de lout construire avec des bois indigenes aurait du ceder le pas a I'idee plus rationnelle de faire venir tout d'An- gleterre ou de Trieste, ct de commencer le curage des rapides du Danube le plus tot possible, A Rasan, il y a des ingenieurs anglais et italiens qui fontlcurschoux gras. Ln bateau sera lini I'an prochain. ( /./. ) mais 11 en laul deux pour Ja cloche a plongeur. Faire sauler ces rocliors sous I'cau sera long; neanmoins il faut dire que le gouvernemenl y prete bien la main, et qu'on rcgarde la chose comine nalionale. On comple aussi rendrepraticaLlc la porte dc fer en Valachie, au- dessus de Skela Gladova.En attendant, on descend en petils bateaux, et les bateaux a vapeur ne peuvcntpas- sci' les rapldes que lors des plus giandes eaux. L'eta- blisscmenl d'un canal lateral y cstinipraticable a cause des monlagncs a pic ; ce que Quin dit a cet egard n'a pas le senscommun. Lc haut Danube, de Vienne a I Im, doitaussi voir des bateaux a vapeur, mais il faudra les faire petits. Lne compagnie bavaroise s'en occupe et est en pourparlers avec celle d'ici. J'ai vu faire ici des essais pour appli- quer la vapeur aiix radeaux qui descendent en foule du Tyrol et de la Baviere, je ne sais quel en sera le re- sultat. On reparle de nouveau de crcusor un canal sur le bas Danube entre Rassova ou Tschcrnivoda et Kos tendsch ; il v a la des lacs salins et seize lieues dc terrc basse a percer, ou des llts de cours d'eau a approfon- dir. On dit que la compagnie danubiennc des bateaux a vapeur veut se -charger de cc travail, mais je ne vois pas trop comment elle retireraitl'int^ret de son argent. Cela demande le consentement de la Turquie. Ce ca- nal relrancherait cent quarante-huit lieues de la route dc Vienne a Constantinople ; mais il faudrait le faire bien profond pour que les batiments dc mer pussent venir Jusquc dans les ports valaques, ce qui, moyen- nant un octroi, donncrait de I'argcnt. II parait que le gouvernemenl autrichien a appuyd la demande de la compagnii' pi es du grand sultan. ( 45 ) Dii resle, la conipagiiie dos bateaux a vapour a einis I'an passe une nouvelle serie d'aclions, et avcc cette augmentation de capital elle compte accroitre le nom- bre de ses bateaux, et pousser de nouvelles lignes soil de Constantinople a Tiebizondc, soil de Smyrne a Alexandrie et a Athencs peut-etre. On voudrait aider le commerce allemand a enlver davantage en concur- rence avec I'industrie anglaise et francaise sur les mar- clies d'Erzeroum et de Tauris. En Baviere vous savez que le canal qui doit joindre le Haut-Mein au Danube avance rapidement. Un fait curieux, c'est que les fouilles faites a cet ^gard cette annee sur le plateau si sec de I'Alb ont donn^, a peu de distance de la surface du sol, beaucoup d'eau. II n'y a pas la moindre probabilite dc I'accession des Etats aulricbiens aux douanes germano-prussiennes; il y a trop d'interets bostiles. La Bobeme y gagnerait beaucoup, parce qu'elle pent produire a meilleur compte que certains Etats allemands; d'autres parties des Etats autricbiens y perdraient. II y a eu ici, depuis un an, assez de stagnation dans les fabriques de soie- ries qui occupent quatre a cinq des vingt-quatre fau- bourgs de Vienne. La soie d'llalie, accaparee par des speculateurs anglais, dit-on, revenait trop chfere ici pour que les fabricants trouvassent leur compte a em- ployer autant d'ouvriers. Cet 6tat dure encore en partie, mais est devenu plus tolerable. Tout ce qui regarde I'industrie interesse vivement le gouvernement, mais il a quelquefois a combatlre les anciens privileges, les corporations. Ainsi, par exemple, les Omnibus pour les environs deYienne se sont multiplies a I'infini el partent pour les lieux fr^- quenles a toute beure; co sont dos voitiues suspenducs ( 4^. ) ;'i vilrcs, a ncuf ou doiizc places, el trois portieres. Dans la ville, Ics Omnibus n'onl pas encore pu I'cmporter sur los fiacres, qui sont tri^s chers. Les bornes-alTicljes, les horames-alTiches, les afTicliesgazelles fixoes clans les rues ont ele aussi introduils. L'iniprimorie et la lithographie ne sont pas encore parvenues au point ou ces arts le sont en France ; je ne sais pas s'il \ a a Vienne une imprimerie ou les presses inarchent a la vapeur. Le systeme des publications a bon marcb6 ol par livraisons a ))iis |);nl(uit en Allema- gne comme ici. II y a eu des delracteurs de cette me- Ihode qu'on taxait d'etre Irop mercantile, parce qu'on visaitplulota donnervite, beaucoup ct a bon marche que du solide. Cela n'a pas empeche que les Penny Maqa- zine ont fait ct font fortune, et qu'un grand debit est assure a une foule de pclits traitos usucls. Toutes les meilleures petites bibliotheques anglaises en ce genre sont ti'aduites en allcmandetadaptees au caract6re na- tional, car le pathos religieux anglais ne nous va guere. L'^clairagc au gaz est pratique dans une partie de la ville-cit6 de Vienne, et le soir les boutiques, coinuie a Paris, ont envahi les cotes des rues avec de grands re- verberes au gaz. Nous avons ici trois ponts suspendus en chaines et barres de fer, dont I'un est soutenu par un arc place sous le pont et non pas dessus. On vienl d'achever unpont dune arche, en plaques et en barres de fer, qui parait avoir quelque rapport avec le systeme de votre nouveau pont en fonte. Les armes a feu a percussion ou capsules sont intro- duites dans certains corps et ont faveur. En llongrie , le centre du pays 6tant fort plat et man- quant d'eau courante, et surloutayant eprouve ce be- soin depuis deux ans, on a commence a 6lablir des ( ^7 ) moiilins a la vapour dans la Hongrle occldentale. II Taut voiis (iire que la plus grande parlie du ble de la plaine de Hongrie se moud sur le Danube dans unc foule dc petits moulins places sur des bateaux au mi- lieu du fleuve. On y amenele ble depuis vingt etlrente lieues a la ronde. Les Ilongrois fabrlquent assez de vin de Cbampagne et d'autres contrefacons. II y a aPest unendroit ou tous les proprietaires de bons crus peuvent deposer des t^chantillons de vin poui' favoriser la vente. Ln Ilongrois vient de proposer I'etablisscment d'un bazar continuel de tous les produits de la Hongrie a Pest; mais je crois que la taxe prelevee pourle permis du depot est Irop elevee pour proinetlrc du succes a celle cnlreprise. Les Magyares sont plus que jamais idolatres de leur langue: ils font precheraux Slaves et Serviens en ma- gyare, ils ont elabli des ecoles magyares, et ont voulu forcer les Slaves et les Serviens a y cnvoyer leurs en- fants; malheui'eusement la langue magyare estdinicile, et un grand tiers des mots sont slaves, ou latins, ou alle- mands; puis les Ilongrois ont affaii'e un contre trois. D'ailleurs la litterature magyare est tres restreinte. On publie a present les lois en magyare et en latin ; le roi ou ses commissaii'os lisent des discours ou pr^sentent des r^fi'^'ntions en magyare; les Ilongrois sontenclian- tf"", mais au bout du compte cela les 6loigne encore plus de la civilisation. Du reste, dans la diete, on s'est quelquefois occupe d'objets fort ridicules, tel que le port de la moustache, etc. ; les Serviens et Slaves- Hon- grois en font des gorge-chaudes. A c6t6 de cela il y a eu, ces derniei'es annees, H'importantes ameliorations r«^glementaires pour les paysans et la juridiction. Line ( 48) grande 6cole niiHUiirc a elc creeo a Post sculemenl pour les nillltaires liongiois. Beaucoup de routes ont el6 ameliorecs, surloul vers les fronli^res dans les pa\s de niontagnc. L'Academie de Pest a publie de beaux volumes de m^moirespliilologiqucs et d'liisloirenalurclle in 4°, en niagyare; le muscle national de Post, pi(jue d'euiulation par celte publication, et cellc des Annalcs du musee de \ ienne, va enfin publlor un deuxieme volume de ses Acta inns, luilioiidli's hiini^ativi , in-4° avcc pi. On parle toujouis de faiie un ponl en pierre entre Pest et Bude a la place du pont dc bateaux. La ques- tion est dc savoir quclles sont les sommes que fourni- ront lecomitat et Ic gouvcrnemcnt central. Ce qui manque a la Ilongrie, ce sont des fabriques, et surtout encore plus des ports commc cxutoires pour I'exuberancc de ses produits agricolcs. Ce n'est pas as- sez que les routes de Vicnne soientsanscessecouvcrtes de voilures remplles de plusieurs dtages dc cages a vo- lailles, ou de troupeaux de Ijoeufs et dc coclions ou dc cbevaiix, ou bien de chariots reniplis dc peaux ct de ble de toutc cspece, etc. ; cela ne ponipo un pen que la Ilongrie occldentale, niais tres ])cu la llongric m6ri- dionale tt orientalc. Les vins de Ilongrie devraient avoir plus de debit dans le nord. Le gout des Alle- mands pour le vin blanc aigrclet limite la vente du bon vin rouge de Ilongrie. Les tabacs, abondants et bons en Ilongrie, 'sont prohibesen Autricbe, ouily a mono- pole, et oil ils n'enlrent que pour une petite partic dans les fabriques imperialcs. Un commerce qui rapportc beaucoup a la Ilongrie, etsurtoutala partie appcldc le Bakongwald, et a I'Es- clavonie, c'est celui des cochons, nourris dans les fo- ( 49 ) i-ets (le chenes, vivant commc sauvages'; ils son I ame- nesengraissescn Autriche. MalheureusementlesSerbcs de la Servie sont pour les Hongrois des concurrents dangereux, surtout lorsque ces troupeaux de cochons ne font que traverser la Hongrie et n'y restent pas pour s'engraisser. Toutes les forets de Servie sont remplies do cochons dont les males ont de longues dents comme les sangliers. lis sont de la meme race que les cochons hongrois, et generalement blanchatrcs, gros et trapus. Leur voyage est naturcllement trfes lent, trois a quatre lieues par jour; depuis quelques annees des Esclavons viennent directement de chez eux jusqu'ici avec leurs troupeaux, et d^pr^cient la marchandise des Hongrois en I'offrant a unpeu meilleur march6. Un cochon bien engraissd se vend ici environ quatre-vingts francs. Un autre commei'ce sur lequel j'ai pu avoir quelque renseignementest celui dessangsues, qui, grace a votre illusti-e ami M. Broussais, s'est deja etendu a toute la Turquie d'Europe et m6me en Asie-Mineure. Lcsma- rais de Hongrie comme ceux des divers pachaliks de la Turquie et de la Servie, sont affermes al'annee par des Fran^ais, des Italiens, des Grecs ou des Juifs. II y a de ces marchands qui ont des reservoirs pour la mar- chandise, qu'il faut transporter par des temps ni trop froids, ni tropchaudsouorageux. A Semlin.il y a tou- jours des courriers et des voitures pretes pour porter la marchandise au loin ; aussi entend-on du francais dans toutes les auberges. Les marches se concluent a Belgrade ou bien au parloir de la Contumace ou Qua- rantaine. Bien des gens se laissent tenter par ce chan- oeux mais quelquefois fructueux trafic. On porte les sangsnes dans des sacs qu'on mouillo de temps a autre ot qui sont places sur des etageros dans des boites, ou VUI. JtlLLliT. 4- 4 (5g ) tlepnis SomMn dans dcs voilures-fourgons suspcndues. /^our queraflaire soil bonne elpour combler les pertes. incsilables par la mortde ccs animaux, 11 faiit trouver a Belgrade pen dc vendeurs,'beaucoiip d'aclieteuis, et debitor sa marGliandise alors a dlx ou vingt pour cent de sa valeur prirallive. Ln autre commerce que je nc connaissals pas encove, c'cst celui du cotnn, que j'ai vu cultiver en abondance dans la Macedoine, dans les plalnes de Seres et du \ ar- dar. Cctte maliere ani\e a la rroniiere autricbienne en ballots tres longs etgros a enveloppe grlse ou a raies grise et brune ; pour la purifier, on n'y fait que quel- ques trous et on laissc les balles de colon pendant quaranle jours a I'air. Si la peste est dedans, je nc comprends pas comment I'air qui n'y pent circuler la ferait evacuer. Du reste, ce n'est pas la seule 6nigme de la propaga- tion du miasnie de la peste : les cliats et les rats, les- oiscaux m'amusaient beaucoup dans ma quarantaine en sacbant si galamment eluder la vigilance de mes- cerberes. Sous de certaines circonstances, le raiasrae dc la peste, comme cclui (hi cbol6ra, paraitbien contagieux, mais il faut des circonstances locales et des dispositions et habitudes particulieres cliez les indlvidus; c'est, en un mot, le cas des fievres continues; ainsi ordinairement une fievre nerveuse n'est pas conlagieuse, mais si elle attaquc un bopilal militaire et trouve beaucoup d'hom- mcsaffaiblis, elle deviont conlagieuse. I ne fievre puer- perale n'est conlagieuse que pour les femmes en cou- ches. Le miasme de la peste parait encore plus subtil que celui des fievres ordinaires et surtout plus aisemenl transportable; compare au cholera, la guerisoncst plus ( 5' ) difficile, Neanmoins combicn de gens touchent des pestift^res comme dcs choleriques qui neprenncntpas la inaladie ! Les Turcs soignent en general leurs amis pestiferes. D'ailleurs, s'il en etait autrement, les villes turques ayanl la peste et etant isol^es de tout le reste du monde pai- les cordons mililaires turcs comme nous en avons vu en Macedoine , de semblables villes de- vraient etre desertes au bout de quelques semaines; or il n'en est point ainsi, cela dure des mois, et, au bout du compte, il ne s'y est effectue qu'une mortalite tres forte. A cote du cbol^ra qui a rudement sevi cet ete dans la plaine de Hongrie, a Vienne et en Bobeme, nous avons de nouveau en Moravie une epizootic. Les ecoles-refuges ou salles d'asiles pour les jeunes enfants, et en meme temps les ecoles d'enseignement mutuel sont depuis quelques annees en pleine activity dans les divers faubourgs de Vienne ; c'est joli a voir tous ces enfants aller avec joie a I'ecole et apprendre a lire et a ecrire sans s'en douter. Des nouvelles scientifiqucs ou tecbnologiquos, des nouvelles des provinces, s'annexent depuis quelques annees a la gazette de la ville de \ ienne. La Soci^te des naturalistcs d'Allemagne se i-assem- blera I'an procbain a Prague sous la presidence de I'excellcnt vieillard le comle de Sternberg. L'empereur Francois avail fonde, en i8ao, une ecole polytecbnique, c'est-a-dire jiour I'iadustrie et le commerce, dans un beau et vaste batiment. On y ensei- gne les matbeniatiques, les sciences pbysiques, cbimi- ques et naturelles, puis a la tlieorie sont ajoutes des cours pratiques sur le calcul commercial, la chimie in- dustriclle, la fabrication des instruments, les raalieres 4. ( 52 ) . |)remieres employees clans Ic commerco tl la drogue- rie, elc. Ln pelil mus6c des arts et iiniliors ct un cabi- net d'hisloire nalurelle, surlout minciralogique, el un atelier d'inslrumcnlsde physique ol d'aslrononiie, sonl annexes a cet elablissement, d'oii est sortie deja une pepiniere de bons ingenieiirs civils et de mallrcs de fab riq lies. L'cnipercur actuel a toujoiirs eu une grande predi- lection pour la technologies il avait, comiue j)rinco he- r^ditaire, une collection technologique ; aussi a present il fait completer lebatimentderinslilutpolvlechnique, c'est-a-dire que I'edifice sera un grand carre complet dans la partie nouvelle duquel sera un bazar pour I'ex- position annuellc des produits de I'industrie nationale avec des salles de cours, etc. Ce sera fort beau, et, ce qui vautmieux encore, fort utile. Le mustie d'histoire naturelle imperial est sons des- sus dessous, parce qu'on y intcrcalle les collections du liresll qui formaient jusqu'ici un mus6e a part. Le lo • cal n'y suffitplus, il faudra envahir des maisons voisines au risque d'empilcj- les objets comme dans un raagasin, du moins pour la zoologie. La bibliotheque imperialc qui est a cote manque aussi de place ; en outre, I'em- pereur a une bibliotheque particuliere ou se trouvent, pour son usage particulier surtout, les beaux voyages et les ouvrages do luxe, ce qui n'empeche pas qu'on ne les Irouve aussi, soit a la bibliotheque imperiale, soit ci la bibliotheque du musee d'histoire naturelle. L'em- pereur est aussi abound; a plusieurs journaux scienti- fiques. II parait qu'il aime aussi les objets d'histoire naturelle comme son pere, car les arbres et los plantes rares de ses jardins ont toujours leurs noms latins sur des etiquettes, et 11 so fait faire des dcssins-peintures ( ^3 ) tie beaux coqiiillages, elc. II est possible qu'll y enlrc iiussl le d^sir d'occuper de jeunes artistes. Vous savez que le gouvernement int^rieur ici mar- cbe a present avec plus de rapidite que dans les der- nl^res annees de Tempereur Francois ; les signatures se font moins attendre, I'ex^culion suit plus vite les resolutions. U parait que le comte C... est un des mi- nistrcs les plus influents et de haute portee pour I'in- terieur. On a bati ici, dans un faubourg, un nouveau tribu- nal, et on a ainsi commence a sorlir les etablissemenls imperiaux de la cit lorsqu'elle est bonne et sagement conduite, une des plus douces et des plus dignes de I'liommc ?... Je suis iei au milieu des fabriques, et n'y vols pas, il est vrai, aulant demisere qu'en Angleteire ; n^anmoins c'est une vie toute factice, de serre-chaude et sujette a mille caprices du sort. La sole etant devenun trop chere, nous avons eu des centainos donvrlers sur le pav6. Je vois dans noire Europe les viHes encombrees de pau- vres, tandis qu'en Tuiquie et meme en Hongrie, la vie agricole donne a manger suffisamment a tout le monde; il n'y a pas de pauvres. Je trouve ici des fdous en quantite, tandis qu'en Turquie il n'y en a guere, excepte dans les villes mari- times, vrais receptacles cosmopolites. D'une autre part, quand je vois la Servie administree par des rouages si simples et si peu couteux, je suis toujours a me demander rulilile des grandes bureau- craties dans notre vieille Europe. Esl-ce de I'argent utilement depens6? Ln maire soldd; vaut-il mieux que cclui qui ne Test pas? Puis viennent mes doutcs sur I'indispensable necessite de toules ces constitu- tions, et surlout decelles qui sont trop longues. Vous voyez, mon cber monsieur, que voila bien des sujets que j'aimerais a considei-er avec vous, et sur les- quels je tacbe, en attendant, de rassembler mes idees etde formuler ma pensee. Ln autre fait social qui me parail meriter I'attention, c'est la comparaison exacte de I'Lglise catbolique romaine avec I'Eglise grecque ; leur extension reciproque, les avantagesdont cbacune jouit dans les divers Etals, et les resullats qui en d^*- couleront pour I'avenir de I'Europo. Vous dcvriez en- gager quelque publiciste a s'occuper de cette question. 4* ( 5G ) Je vous r^ptte que je me vols entour6 ici el memo en Hongrie de vie comiminale, qui me semhle, si ce n'esl manquer cliez vous, du moins ) elrc lerriblemcnt en- travee. Comme exemple : les maires de la ville de Vienneetdes vingt-quatre faubourgs sont elus tousles trois ans par les propri^taires de maisons, hommosou femmes, et chacun est oblige de parailre et de donner son vote, risque a payer I'amende si Ton s'absente sans cause valable. Chacun recoil son invitation chez lui pour parailre a la maison de ville. On sail Iris bion sc debarrasser des maires paresseux ou pen soigneux des interels de leurs commeltanls. Le gouvernemenl ne s'embarrasse pas des pclits details du menage, il ne Tail que surveiller le gros. Un autre fait est relatif a la destitution d'un em- ploye. Dans toute adminislralion elle ne peut avoir lieu que d'apres un jugement prononcd a I'unanimite par trois conseillers, et encore alors le destituc^ peut-il en appeler au ministrc sous lequel il est, el enfin a I'em- pereur. Aussi cescas sont-ils fort rares et n'arrivent ils que lorsqu'il y a eu vraiment malversation, fdoule- rie,elc. ; alors on est Ires sevc're. Toulcs les fournitures publiques et mCnne I'entretien des routes sont mis a I'enchere. Pour que les gendarmes ne puissenl pas impun^-^ ment molester le mondc, chacun d'eux porle son nu- mero d'ordre sur sa giberne et son shako, ainsi on peut aisement trouver justice : ce serait quclquefois fort utile a Paris. (57 ) NOUVELLE ENTRi;£ DU PORT DE BOULOGNE. La cliambre de commerce de Boulof^ne ( Pas-de-Calais) vicnl depublicr sur la nouville entree dii porl de relle ville uiie notice deslinee a por- ter a la coniiui.ssaiice des niarins ies fails suivanls. Lo port de Boulogne , situe.dans le detroit du Pas-de- Calais, enlre le cap d'yVlpreck at celui du Grinez, est a o" 45' ' 6" ouest de longitude du meridian de Paris , et a 5o" 43' Sy' nord de latitude. Son ancienne entree, cre6e vers la fin du siecle der- nier, n'existe plus. Ellc presentait des difficultasqiii la faisaient rcdouter des navigateurs, occasionnaienl cliu- que annee plusieurs echouements , et rendaient rares ct tres chers les frets pour ce port. Le gouvernement ayant accorde pour I'execution des plans de M. I'ingenleur Marguet une sommo de a, 000,000 fr., dont 325, 000 donnes par la ville dc Bou- logne , une nouvelle entree a et6 ouverte a I'ouest de I'ancienne. Son axe fait avoc le nord vrai un angle dc 5o", ancienne division. Sa situation est done S.-E. i/4 S. — et N -0. i/4 N. du compas. Son etablissement est de 1 1 heures. Cette entree est determinee par deux jetees: Tunc a I'ouest, pleine jusqu'au niveau des hautes mors, se prolonged Goo mt'lres (1,847 pieds) de la ligne des fa- laises; I'autre, a Test, est a simple claire-voie. Le chenal a 72 metres de largeur au plat-fond. Lamai-ee y monte, dans les vlves-eaux, a 7 m. 47 cent, (20 pieds) , et dans les mortese-aux a 5 m. 20 ccni. ( iG pieds) Ces liautcurs sont iesmoindras; car lorsque le vent est favorable, e'est-a-dire lorsqu'il souffle de I'ouest, ce ( 58 ) t]ui arrive pendant les trois quarts dc I'annee , les hau- teurs d'eau sont 8 m. 44 cent. (26 pieds) , et 5 m. 85 cent. (18 pieds). Ainsi, lamer y monte de 8 a 9 metres, landis qu'elle ne s'el6ve que de 5 a 6 metres dans les ports voisins ])lus avanc(!fs vers le Nord. Dans les mortes-eaux ordinaires, il reste de 4 ^ 6 pieds d'eau a marde basse, dans loute I'etcndue des jctees, en sorle que lorsque la mer est monl6e seule^ inent uneheure en cote , les batiments d'un tirant de 7 a 8 pieds peuvent entrer et sortir. Dans les mortes- eaux des equinoxes, la hauteur d'eau qui se maintient dans le chenal est beaucoup plus elev6e. Ainsi, les i4, i5 et 16 mars 1887, il y restait de 7 pieds 1/2 a 8 pieds 1/2 ; et pendant ces (mis jours ^ le^ pnquebots ati- raient pu entrer en mer basse. Le 1 3 avril 1 887 , la malic anglaise le Firefly est entree 5 //. 1/ npresla pleine mer, Une autre particularlle bien remarqiiable ajoute en- core a ces avantages , c'ost que la mar^e pleine reste etale une demi-henre entiere; dans I'ancien port, die ne restait pas etalo pendant 5 minutes et renvoyait pres- que a linstant. Aussi estil arrive qu'un paquebot a vapeur parti de Boulogne a pu aller a Douvres , d6- barquer ses passagers, en prendre d'autres et revcnir encore an point de depart dans la tncnie tnaree. Les navires et paquebols peuvent, a leur gr^ , entrer et sortir une heurc et demic plus I6t ou plus tard que dans I'ancien port. Ainsi, a toutes l(?s mnrees, le port est accessible aux batiments tirant de 8 a <) pieds d'eau , pendant sijc henres ei demie a sept hcurcs. C'esl un avantage que ne pr^sentc aucun port franrais sur la Manche. Le gouvernement se propose d'y ajouter encore par ie creuscmcnt du port int^rieur , qui est moyenne- ( ^9 ) inent plus iS\e\(i do i metre Go centimi;tres quo k ni- veau de la mer basse de vive-eau. II sera mis a la memo profondeur que I'enlree. Ln projet de loi a ot6 pr(^sent6 aux Cliambres le 8 mars^ qui renferme une disposition spociale pour alteindre ce resultat, apros lequel les navires de 5 metres de tirant d'eau pourront relaclier avec facilite a toittes les marees. Le but de ces travaux ayant ele de faire du port un refuge pour les navires surpris dans le detroit par la tempete, il n'est pas inutile d'ajouter que, dans la con- struction des jetees, toutes les dispositions ont t^te i'aites pour faciliter le lialage des navires, et que le sys- leme des signaux de jour et de nuit a i-egu tous les pei'fectionnemenls possibles. L'entrt^e du port est si facile que les capitaines qui Font frequente une seule fois ne prennent plus de piloles, memo pour Tentree ou la sortie de nuit; et que depuis i834, date de la suppression complete de I'ancienne entree, aucun si- nistre n'a eu lieu dans la localite ; pas un des nom- breux bateaux de peche qui chaque jour entrent et sortent par les plus grosses mors, n'y a fait d'avaries, Cest ce dont les registres du port font pleine foi. Enfm, son importance sous le rapport du mouve- ment des paquebots, s'est accrue dans les proportions suivantes : En i834 19,061 |iass;igei-s. Ell i835 25,910 — til 1836 55,5 12 — Ainsi done, aucune des causes qui rendaient I'an- cienne entree difficile n'exisle plus, el le port de Bou- logne peut otro consid^ro par les marins et par les compa^nies d'assurance comme I'un des plus surs el vdes plus faciles do la Manchc. ( 6o ) DELXIEME SECTION. Actes de la Societe* PROCfeS-VEHBAUX DES STANCES. Seance da -j juin i83[j". M. le president rend comple de la reception faite par iM. deSalvandv , ministre de I'instructlon publique, aux membres du bureau de la Commission cenlrale, qui lui ont pi'dsenle le cinquieme volume des Mi^moires de la Societt^. M. le ministre a recu cet hommage avec bienveillance; il souscrira au Recueil des Memoires comme ses predecesseurs ont sousci'it au Bulletin, et sachant que le premier volume, renfermant les voyages de Marco Polo , 6lait dpuise , il a temoigne le dtisir que cet ouvrage fut reiraprlme, et il a promis de prendre un certain nonibre de souscriptions pour couvrir une partie de cetle depense. M. le ministre s'est long- lemps cnlrelcnu des travaux de la Societe, et il se propose de les encourager par tous les moyens qui d6- pendront de lui. Le section de publication est invitee i sc r(!!unir apres la seance de la Commission centrale pour don- ner son avis sur ce projet de rdimpression. L'Academie royale des sciences de Turin adresso tin volume de ses Memoires pour I'annde iSSG. ( 6. ) M. de Saint-Hilaire, directeur des polonies au minis- t^re de la marine, fait hommage d'un volume de No- tices statistiques sur les colonies francaises ; ce travail a 6t6 fait sous sa direction, d'apr^s des documents au- tlientiques , et M. de Saint-Hilaire le recommande a I'attention et a I'interet de la Society. M. le baron d'Hombres (Firmas) vient de faire par- venir pour le musee g^ograpliique de la Socidste soixante-dix 6chanllllons de fossiles ou de mineraux , dont il avait annoncel'envoi par una lettre precedente. Des remerciements seront adresses a M. d'Hombres. M. John Washington , secretaire de la Soci^te g6o- graphique de Londres , remercie la Commission cen- trale de I'envoi du tome V de ses Memoires, et lui annonce I'envoi de plusieurs cahiers du Journal de cette Soci6t6. La lettre de M. Washington renfermant aussi quelques nouvelles geographiques , est renvoy^e au comite du Bulletin. M. Iloury, secretaire-adjoint de la Soci^te d'emula- lion du Jura, remercie la Commission centrale de I'envoi qu'elle lui a fait de la premiere sdrie de son Bulletin. Lesimportantes observations que renferme la lettre de M. Houry deviendront I'objet d'un rapport special. MM. les membres de la chambre de commerce de Boulogne-sur-Mer adressent a la Societe cent exem- plaires d'une Notice sur la nouvelle entree du port de cette ville; il sera donn^ une grande publicity a un document si important pour les navigateurs. M. le docteur Mease, coiTespondant de la Societe a Philadelphic, adresse quelques documents geographi- ques et statistiques sur les fitats-L'nis d'Ameriquo ; ils seront remis au comite du Bulletin. ( G-^ ) M. le docleur Barbe, do Salins, fait hommage de son Essaisur les c/irnats , et annonce son prochain de- part pour la Louisiane , oil il va dinger iin grand eta- blissenient medical et clnrurgical. M. Barbe avant le projet de se livrer a des observations sur dil'f^rents su- jets qui peuvent interesser la Societe , lui offre scs services, etla prie de lui signaler les princij)aux points de rechercbcs sur lesquels elle desire des informa- tions. La Commission cenlrale accueillc les offres de M. Barbe , ct plusieurs questions lui seront adres sees. M. Berard, membre de la Commission cenlrale, an- nonce son depart pour Toulon, ou il va remplir une mission tcmporaire. M. Jomard annonce qu'il vient de s'operer de grands cbangements dans Tadministralion de I'hgypte. Le vice-roi a charge Mouktar-Bey , president du conseil d'inslruction publique , de tout organiser, autant que possible , a Teuropdenne. II y aui'a sept minisleres : ceux de I'interieur, de la guerre, de Tinstruclion et des travaux publics, des finances, des arts et manufactu- res , de la marine , du commerce et des relations extd- rieures. Le service medical, qui est d'une haute impor- tance pour I'amelioration g(^nerale du pays, vient d'eprouver aussi des changcments essentiels dont il sera rendu compte plus tard. M. Eyries offre de la part del'auteur, M. le g6n6ral Saint-Cyr Nugues, une A'otice sur /e passage des J/pes, par Annihal, et M. Warden fait hommage au nom de M. du Ponceau , de Philadclphie , d'un Expose som- maire de la eonstUution des Etats-lJnis (T Amerique ^ Iraduit de I'anglais, par M. d'llomergues. Des remer- ciemcnls seront adrcsses aux auteurs. ( G5 ) M. Warden communique une note sur la decouveilo des ruines d'une ancienne ville a laquelle on a donne le nom d'Aztalan; die esl siluee sur le lerriloiro de Wisconsin. M. le secretaire donne lecture d'une notice de M. le comte de Grandpre sur I'ancicnne ile Pancliaia, de- critc par Evhem^re. M. d'Avezacfait un rapport sur la Description ?iaiiti(j ite f/es cotes de FA/gerie , olTerte a la Soci^te par M. le ca- pitaine B^rard. Ges diverses communications sont renvovees au co- mite du Bulletin, M. de Santarem continue la lecture de ses observa- tions sur Americ Vespuce. La Goramission centrale apprcnd avec unvif regret la mort de M. Lamande, membre de la Societe de geographic , et inspecteur general des ponts et chaus- sees. Aprfes la cloture de la seance , la section de puUica- tion se reunit et decide qu'il y a lieu a reimprimer le premier volume des Memoires, si M. le ministre de I'in- struction publique veut bien assurer a la Societe un nombre de souscriptions sulfisantes pour couvrir une grande partie des frais. Le devis des frais a faire pour cette reimpression sera communique a M. le mi- nistre. Sconce du 21 jnillet 1857. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. M. John Washington , secretaire de la Society royale g^ographique de Londres , accuse reception de la me- daille d'or decernee a M. le capitaine Back pour ses de- ( G4 ) couvertes dans les regions arcliques, elil exprime luvl\o gralitude de cetle Soci(!:t(i pour la distinction accord(^e plusieurs fois a ses coinpatriotes. M. le capitaine Back est attendu aLondres vers le mois denovcmbre procliain : la nit^aille lui sera remise a son retour, et dans la premiere seance publique. M. Harkncs , secretaire de la Societe royale asia- tique de la Grande-Bretagne, remorcie la Commission ccntrale de I'envoi du tome V de ses M^moires et du tome M de son Bulletin. M. le conseiller de Macedo, secretaire perpetucl de I'Academie royale des sciences de Lisbonne , adresse les memes remerciements a la Societe , et se felicitc des relations qui existent entre ces deux corps. Par une scconde lettre, M. de Macedo remercie M. le president du diploma de correspondant etranger qui vient de lui parvenir , el il rappolle qu'il a fait per- sonnellement liommage a la Society des N°' 2, 3 et 4 des Aoticias para a /ti'ston'a e geographia des JVacoes iil- tramarinas , etc. , de I'/iistoire de Ceylan de Jean Ribeiro, de la vie de Joao de Castro , et du Mchnoire slatistiqne de M. X. Bothelo sur les possessions portugaises de V Afri- /jneorientale. Des remerciements serontadresses a M. de Macedo. M. de Navarrete , correspondant de la Societe a Ma- drid , adresse les tomes IV et V de I'ouvrage qu'il pu- blic sous le titre de Coleccion de las nnages r descubri-. mientos que hicieron por mar las Espanoles desde fines del sig/o XF, etc. La Commisson centrale vote des re- merciements a M. de Navarrete pour ce nouvol bom- mage, et ellc prieM. le vicomlc de Sanlarcm de luifaire un rapport sur les cinq volumes dont se compose d(^ja ccttc precieuso collection. ( G5 ) M. de Serre, consul cle France ii Elseneur, annonce a la Societe qu'il vient do lui expedier un envoi de la Sociel(^ royale des anllquaires du Nord. M. Ambroise Tardieu fait hommage a la Societe de I'Atlas qu'il a compose pour I'Histoire universelle de M. de Segur, ainsi que de la carte des voyages de M. de Moerenhout dans les lies du Grand-Octian ; M. Roux de Rochelle ol'fre leslivraisons 21 el 22 de son Hisloire des Etats-Unis d'Amerique. M. le capltaine Benjamin Morrell , des l^tats-Unis , connu par ses iraportantes navigations , ecrit a la Society pour la prier d'offrir ses services au gouver- nement francals dans I'expedition qui se prepare pour les mers antarctiques ; il annonce qu'il a vu , dans une des iles dont il a fait la decouverte, deux enfants de M. Lavaux, chirurgien attache a I'expedition de la Perouse. Sa letlre sera communiquee a M. le minis- tre de la marine. M. Warden transmet a la Commission centrale une lettre qu'il a rogue de M. le colonel Galindo : elle a pour objet de rectifier un passage de ses Notices sur les anti- quites de I'Amerique centrale. M. Jomard entretient I'assemblee des travaux de M. Jal qui vient d'obtenir la deuxieme medaille d'or au con- cours A'antiquites nationalcs , ouvcrt par I'Academie des inscriptions et belles-lettres. Le Memoire de M. Jal iraite des vaisseaux ronds du temps de saint Louis, ct de I'etat de la inarine aux \if et xiii'' siecles. M. Dallas Bache, de Philadelpbie, profcsseur au nou- veau college fonde dans cotte villo par Stephen Gerard, est present a la seance. II est adresse a M. le president par M. du Ponceau, et il est venu en France dans le but d'otudier nos diverses methodes d'enscignement. ( 60 ) L'Asseniblt'C accucille avec le plus vif inlerel un pelil fils de Franklin , et les membres de la Commision centrale qui se livrent d'une maniore specialc a I'inslruclion puhlique, s'empresseronl tic lui olTrlr tons les rensei- gnemenls qu'il d(^sire. M. dc Sanlarem continue la lecture de ses observa- tions sur Amcric ^ cspuce. M£MBR£S ADUIS DANS LA SOCliiTi. ■ M. DuTOT , employ^ au domainc prive du roi. Don JosE DE Urcullu. OUVBAGES OFFERTS A LA SOCliT^. Seances de jiiin et Jtiillet 1807. Par M. Ic baron Humboldt: Kxamen critique de la geographic du nouveau continent, ih' liv. in-fol. — Par la Socii-te royale geographi'que de Londres : Jour- nal de cette Societe, tome VII, 1" partic. — Par M. Hunter Christie : Discussion of the magnelical obser- vations made by captain Back. R. N., during his late Arctic expedition. Broch. in-4°. — P'lr M. Bianchi : Dictionnaire turc-franrais k I'usage des agents diplo- matiques et consulaires, des commergants, des naviga- teurs et autrcs voyageurs dans le Levant. Tome II, in-S"* . — Par 31. Roux de Rochelle : llistoirc des Ltats-Unis, 19* a 22" liv. — Par M. Botti/i : Almanach du com- merce pour 1807. — Par M. Aoellat : Precis dc geo- graphic universelle a I'usage des ccolcs primaires. 1 vol. in- 12. — Petite geographic de la France. 1 vol. in-i 2. — - Pfir M. le ministre de la marine : Etatsde popu- lation, de cultures olde commerce relatifs aux colonies franraises. Broch. in-S". — Par M ■ de Saint-Hilaire. No- ( fiy ) tices slatistiques sur les colonies francaises, Imprimecs par ordre de M. le vice-amiral de Rosnmel, i"" partie , Martinique, Guadeloupe etdependanccs, i vol, in-8". — Par V Academie des sciences de Turin : Memoire de cette Academic, tome XXXIX, in-4*. — Pnr laSociete asiati- que du Bcngnle: Asiatic Researches, t. XIX, i"^" partie. — Par M. de Navarrete : Coleccion de viages y descu- brimentos que hicieron por mar los Epagnoles desde fines del siglo XV , tomes IV et V. — Par M. de Ur- cullu : Tratado elementar de geografia astronomica fi- zica, historica on politica antiqua et moderna. 2 vol. in-80. — Par M . le lieutenant-general Saint-Cyr Nugues : Notice sur le passage des Alpes, par Annibal, ou Com- mentaires du recit qu'en ont fait Pohbe et Tite-Live. ( Extrait du Spectateur militaire. ) In-8°. — Par M. le dncteur Barbe : Des climats en general , ct plus particu- liorement des climats chauds, in-^"- — Par M. du Pon- ceau : Expose sommaire de la constitution des Etats- Unis d'Amerique, traduit de I'anglais par M. d'Homer- gue, in-8". — Par MM. Reiuaud et de Slane : Geogra- phic d'Aboulfeda. Textearabe, i'"'^ partie, in-°4.— ^«/' M. Am. Tardieu : Cartes pour servir a I'intelligence de rilistoire universelle de M. le comte de Segur. (Geographic ancienne.) 20 feuilles. — Carte pour I'in- telligencc des voyages de J. A. Moerenhout dans les lies du Grand-Ocean. 1828 a i834. 1 f"^ — Par l' Academie royale de Metz : M^moires de cette Academie pour 1 835- i836. — • Par les auteurs et editeurs : Plusieurs livraisons des nouvclles Annales des voyages, — des Annalos de la propagation de la foi, — du Bulletin do la Societe de geologic, — du Recueil de la Societe d'agriculture de I'Eure , — du Memorial encyclopedique , — du Voyage pittoresque en Asie, — des Annales mari- [ G8 ) times el coloniales, — du Journal de la marine, — do la Bibliolht'qiie uni\erselle de Geneve, — du Journal asialique, — du Journal des missions dvang^liques , — du Journal de I'lnslitut historique, — dullecueil in- dustriel, — du Bulletin dela Societe industrielle d'An- gers, — de I'lnstitut, — de I'licho du monde savant, — du Monitcur ottoman, — du Journal de Smyrne, — du Journal de Candie , el du Journal du Kaire. BULLETIN DE LA. SOCIETE DE GEOGUAPHIE AOUT 1807. PREMIERE SECTION, MEMOIHES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. ExTRAiT cViine communication faite a l Acadeniie des inscriptions et belles-lettres sitr qnelques points d'nr- cheologie et de geographie ancienne ^ par M. FnEDi'iRic Dubois de MoNTPiREUX (1). J'ai rccueilli environ cent cinquante dessins dans mes voyages pour servir a Fhistoire funeraire des peuples de rorient de I'Europe, depuis les tombes qu'ont laissees les Varegues ou Normands sur les rives de la Scanie et de Riigen, jusqu'a celles des ancicns Armeniens sur les bords de I'Araxe. Les tombes des Geants ou Iliinengriiber des anciens Scandinaves avec leuvs caveaux en pierrcs gigantesques; les terlres cir- C(mscrits de blocs de granit des anciens Lilhuaniens ; les Moghiles des nomades de la Podolie , do la Volhy- (1) Voii' 1p Bulletin d'avril i85-, page 234. VIII. AOUT. I. 6 ( 70 ) nie, de 1'Lkraine , el ceux plus rdcents des Slaves- Rosses et des Cosaques ; les tumulus des vllles grecques a Olbia, a Panticapee, a Phanagoree , etc. ; les kour- gans des plaines du nord de la mer d'Azof ct du Cau- Gase avec leurs s^atues en pierrc ; les tumulus de I'an- Gienne Albanie sur les bords de la mer Caspicnnc ; les coUines tumulaires de TArmdnle , et entre aulres celles de cettc vaste Artaxata dent les murailles ensevelies sous riierbe ont pres dc deux lieues de tour; que de sujets a des recherchcs historiques, sans comp|er toute cette longue serie d'autres especes de tombcaux, pierres levies, sarcophages, etc. , donl je mels quel- quesechantillons sous vos yeux ! ^ ous y verrez les mo- numents du Juif Caraite , de I'Arm^nien , du Grcc moderne en Crim<^e, du Tatare , etc. 11 me sera aussi fovl diflicile , messieurs, de passer en revue les notices que j'ai rccucillies sur I'hisloire , I'origine, la destination des nombreuses cryptes creu- s6es de main d'homme dans cerlaincs parties de la Crimee , et dans nombre de vallecs du Caucase et de I'Armenie. Les rocliers de la Crimee recelent des villes entieres ainsi taillees dans Ic roc vif. Vous connaissez par des descriptions les grottos d'Inkerman, dont une partie sont percees avec une eglise sous I'ancienne forteresse de Kl^nos ou Theodori. En poursuivant ces mcmes roclics, on trouve encoi'c des milliers de ces grottes groupies ensemble aTcher- keskerman , a Mangoup, a Filski , a Tepekerman; toutes ont ele habitees dans des temps cbr^tiens , car chaque groupe a son Eglise. A I'exceplion des iieux sacres, qui sont travaill^s avec un peu plus de soin. ( 71 ) loutes cesgroUes sont assez grossiferemenl taill^es, sans ornemenls, sans inscriptions quelconques. L'atre ^ I'armoii'e, la cave, le niagasin , les eslrades pour les lits, etc. , lout cela s'y retrouve, et indique de vraies habitations : quelques unes otaient cependant rdsci- vdies pour servir de caves sdpulcrales ; j'en ai vu qui etaient comblees d'ossements, L'antique Cherson parait avoir adopts ddja, des la plus haute antiqulte, les cryptes pour tombeaux ; les rochers qui entourent la ville etaient sa Necropolis. J'ai toujourstrouve ces grottos dispos^es pour servir de sepulture, et jamais comme habitations; les corps etaient disposes dans des niches longues. Cette colonic grecque n'avait pas de tumulus. Panticap^e par contre, ainsi que toutes les ancien- nes colonies des Milesiens, Nymphee, Phanagoree, etc., avaient adopte tres anciennement les tumulus; mais il parait que, plustard, cette capitale duBosphore adopta aussi les cryptes pour lieu de sepulture , car on en retrouve de fort grarides et en grand nombre , meme sous les tumulus; elles sont profondement creusees sous terre, et datent, selon toute apparence, des pre- miers sifecles de notre ere. La Cnnmerium , placee a I'extremit^ du rempart d'Akkos, avait aussi ses cryptes; mais elles n'ont au- cunc importance. Colles de I'ancienne residence du roi des Scythes, Scilouros, sont mieux ouvrag^es, et ont toutes servi de tombeaux : on pcut les visiter facilement dans le voisinage de Simferopol. La Crimee offrait ainsi une grande vari^t^ dans les caracti'res et la destination de ses cryptes. Le sud du Caucase est tout aussi riche en monuments G. ( r^ ) de cc genre ; mals rinlcret s'accroitici, parce que I'his' loire vlont e'l Tappiii de nos iccherchcs, ot que I'archi- leclure a adopte dans ses edifices une espece de somp- tuosite tres voisine dc Vart. L'origine de ses groltes ou cryples remonle blen haut, puisque les chronlques g^orgicnnes nous citcnl deja I'un dcs plus anciens rois du pajs, Ouplos, fils de Karthlos, regnant avant I'invasion des Scythes, comme ay ant fait tailler en partie celles auxquelles il donna son nom ; il en fit sa residence. Ses successeurs augmenterent ses ouvra- ges , et le dernier de ces rois inentlonnes dans Ics chroniques, comme ayant fait cnibcllir celtc vllle Iro- glodylique si remarquable, fut Arcliag qui commenca a regner vingt ans avant J.-C. Ouplostsikhe ( chateau d'Ouplos ) est aujourd'hui desert; mais la dent du temps n'a rien pu enlever a I'elegance de ces antiques habitations, ou vous retrouvez les voules en plcin cein- tre, supportees par des piliers presque gothiques, a cote des plafonds plats a caissons de la Grecc ou de Rome; ou les boiseries, les poutrcsd'un plafond sculp- iecs dans la piorrc sont servilenient imitees d'une maison en bois. Aucune de ces grotlcs n'a sorvi d'e- glise ; I'une a etc peut-etre un ateckegnh. Ouplostsikhe est sur les bords du Cyrus, non loin dc Gori, dans la Karlhalinic , la principalo dcs provinces dc la Georgic. De pareilles villes, beaucoup plus grandes, plus vastes peut-6tre , mais moins bien ornecs , planenl suspendues dans les rochcrs qui bordent le Haul-Cy- rus ; Tune dos plus ( uricuses est Wartsihe, cmbellie par la rcinc Tbaniar dans le xu' siecle. La majeure partie dc la villc date de cclte epoque; car cette rcine , qui aimait a y passer quelqucs moment dc I'annee, y ( 75 ) avail fail tailler des appartcmenls d'etci el d'hiver pour elle , el plusieurs eglises considerables. Dans les parois de dolomie qui bordent les rives du \ral Phase des anciens, la Kvirila d'aujourd'hui , I'homme profita des cavernes innombrables que la na- ture y avail creusees pour s'y refugier. Agrandies , rendues habilables, elles sei'virenl de foiieressesnalu- relles aux Colclies dans tons les lemps d'invasion. lis echappeKenl ainsi aux Perses , a Mourvan-Krou , etc. La piele religieuse y deva des Eglises superbes el des monas teres. L'Armenie eut aussi ses crvptes comnie la Georgie. Harcliapert , si antique, est une ville du genre d'Ou- ploslsikhe, a nioilie chemin entre Lrivan et ce fameux monasleredeRiegliarl, ou I'liomme s'esl plu a donner essor a sa patience. La nalure I'avait favoris6 ici enlui offrant un sol facile a tailler, un tuf volcanique qui se pretait au ciseau , et voila comment on vit nailre ces charmantes eglises de Rieghart, oii Ton conservait la lance sacree et une planche de I'arche de Noe. Le versant septentrional du Gaucase eut aussi ses cryp- tes ; sur les bords du Podkoumok, a peu de distance de P^tigorsk, j'ai visile celles de ces troglodytes que Stra- bon place dans ces regions. Remarquez que toules ces cryptes du Gaucase ou de I'Armenie sorvaient d'habita- tions, et que Ton n'y retrouve aucune disposition pour servir de lombeaux. Oii ensevelissaient-ils leiirs morls? Je I'ignore. Les briilaient-ils? G'est fort probable. Apres ces details sur I'antiquite, je ne sais, mes- sieurs , si j'ose vous dire aussi quelques mots des styles d'architedure qui onl preside a la construction des edifices plus modernes , et des Eglises de ces con- trees. ( 74 ) On reconnail autour du Caucase Irois styles d'archi- locture dilTorents. Jusqu'a la I'm du x" siccle les princes d'Abkliasle et de Georgie avaient ut6 plus ou molns influcnct's par leinplrc grcc. Le christianisme s'intro- duisant dans les pays du Caucase, vonait de Constan- iinople, el les empereurs saiulemenl ompressos ne se contenterent pas d'envoyer des colonies de prfetres et demoines, ilsfonderent aussi nombre d'eglises sur les bords de la mer Noire; la plus belle, long-temps alTec- tee aupalriarched'Abkhasic, futconslruile aPitzounda, parrordredel'empereur Juslinicn, en 5Go environ : elle est presque enlil-re. II reste beaucoup d'autres traces de ces eglises byzanlines, loules dans le meme style , lant en Abkbasie, en Colcbide, que sur les bords du Haut-Couban : notre style romain en est une imita- tion. Cependant depuis long temps la Grande-Arm^nie etaitunbeau royaume, couvert de monuments. Terdat ou Tiridate, contemporain de Conslanlin , et grand ami des Remains chez lesquels il avait ete ^leve, avail voulu y introduire I'arcbitecture grocque. II conslruisit pour sa sceur Khosrovitoukbd le magnifique palais io- nique dont j'ai dessine les ruines a Garni. La premiere eglise d'Arm^nie, construile aussi sous Terdat, apres que saint Gregoire I'eut enfm convcrti au cbrislianisme, eut sos frontons et ses corniches ornds de caissons i la grecque. Mais ce style se perdit bientot apres la mort de Terdat. Les Armeniens reste- rent fideles a eel ancien style oriental , a ce luxe d'or- nemcnls ct de ciselures, et a cette lourdeur de masse de Pcrsepolis qu'on remarque aussi dans leui's monu- ments; et combinant ce style parliculier avec les be- soinsde I'tglise , ils se creerent une arcbitecture sacrce I ( 75 ) a eux. Celte architecture peut s'etudier dans leseglises de Sainlc-Piipsime et de Sainte-Raiane, dii vi* sifecle a Vagarschabad ; des Apotres a Arghouri, du ix' ou X* si^cle ; de Marmarachene , meme ^poque ; de Ran- damal, du xi' si^cle, etc. Tous ces monuments sont ant^rieurs aux invasions des Turcs Seldjoukides ; je pourrais en citer encore bien d'autres a Kicghart , a Garni , etc. A cetle epoque, c'est-a-dire vers la fin du x' siecle, moment ou I'Asie etait agileo par des revolutions reli- gieuses, un hasard d'hdritage fit passer la couronne de Geoi'gie sur la tete du roi d'Abkhasie ou de Colchide , Bagrat III. Cette union des deuxroyaumes, concentrant dans une seule main toutes les forces du versant meri- dional du Caucase, depuis la mer Noire jusqu'a la mer Caspienne, donna a cette monarchie un elan remarqua- ble. La Georgie eutle bonheur d'etre gouvernee par une suite de princes qui surent profiler de Icur position, et se mettre a la tete de la reaction qui devait necessaire- ment avoir lieu queique part centre I'envahissement du maliometisme. Leurs alliances avec les empereurs de Constantinople leur donnerent le goiit des letti'es et des arts. La langue georgienne se forma , eut des au- teurs, des poetes; les rois envoyerent recueillir dans I'empire grec les ouvrages des anciens qu'ils firent tra- duire dans leur langue. Ce fut le beau moment de la Georgie et de la Colchide. Les peoples de I'invasion du Caucase se soumirent en grande partie volontairement a ces rois et se convertirent au christianisme ; la moiti*^ meme de I'Armenie vint agrandir cette puissance. La Georgie parvint au faite de la prosperite sous la celfe- bre reine Thamar, dont j'ai deja parl6 plus haut. Son vegne, qui dura dc 11-4 a 1201, fut rcmax'quable par ( 76 ) loute espccc do gloire. Des monumenls qui out su braver I'oubli etle temps, tomoignenl hauteiuent pour celle brillante cpoquc. Les premiers rois copierent d'abord rarchitecture armenienne , comme le prouvc I'dglise de Sion pres d'Atene , en Rartlialinie , executee sous Bagrat III , a la lin du X* siecle. L'architecte armeinien y a mis son nom en arm^nien , sous celui du roi Bagrat, qui est en georgien. George I , son successeur, fit construire la plus an- cienne eglisc de Ghelati dans un style approchant de Tarnienien. Mais deja sous son Ills et successeur, Bagrat IV, qui regna de 1027 a 1072, les Georgiens se cre^rent un style a eux : ils combini^rent le style byzanlin avec les ornements armeniens; la superbc catliedrale de Cou- tais i'ut conslruite en commun par des ouvriers grecs et georgiens. Cette oglise a servi dans la suite de type pour loutes les ^glises qui ont etc conslruiles par les successeurs de Bagrat, jiar Da\ilh 11 , George li , Tha- mar, etc. ; et voila comment le style georgien s'est perp^tue jusqu'a nos jours. Telle est en raccourci I'histoire de I'arcbiteclure sa- cree dans le Caucase et I'Arm^nio. Tous ces Irois styles ont adopte le plein ceintre, les fcnetrcs etroites, la coupole qui eclaire le centre de I'edifice, etc. Je passe maintenant a quclques geneialiles sur la geographic ancienne de I'orienl el du nord de la mcr iNoire. II faudrall avoir du temps de resle pour com- menter Scylax , H^rodote , Diodore de Sicile , Slrabon, Pline, Arrien , Procope , Conslanlin, Massoudi, etc. Aussi me contenterai-je seulemcnt de metlre sous les yeux dc I'Acailcmie une carle de la Chersonese h6ra- (77) cleollque, IVuit d'un Uavail sur place de plus do deux mols : vous y voyez la position do la ville et de sa ban- licLie avec tousles chemins, tous les hameaux, toutes los maisons de campagne et cryptcs qui recouvraient la Chersonese, et dent on retrouvait les traces en i85i et i855, quand je I'ai visit^e. Je suppose qu'au- jourd'hui une infinite de ces monuments auront dis- paru , tant est grande I'activite des constructions a Sebastopol et I'ardeur des enti'epreneurs pour enlever les pierres de ces ruines comme materiaux de ba- tisse. Une seconde carte fera connallre a I'Academie tout ce quireste des colonies grecques et des villcs des Cim- m^riens sur les rives du Bosphore cimmerien. J'ai chercli^ a rendre en petit la disposition des ruines etdes tumulus qu'on y relrouve aujourd'liui. Les positions de Cimmerium, d'Acra, de Nymphee , do Panticapee, de Myrmecium, de Portlmiion sur la rive occidentale y sont precisecs : sur I'autre rive, vous voyez I'exacte position de Phanagorie et de ses innombrables tumu- lus , de Corocandamc , du monument de Comosai-ie, de la Cimmerium asiatique, du bourg d'Achilles, de Svrambe , etc. En longeant la cote de la Circassie , le periple d'Ar- rien en main, et en s'en tenanta la lettre de ses pa- roles, il ne peut exister aucune incertitude sur la ma- jeure partie des endroits qu'il norame; il est trop exact pour qu'on puisse facilement s'y meprendre quand on a vu les localites. La ville des Sindes est pres de I'Anapa de nos jours; la baie de Ilieros avec la ville dc cc nom est la baie de Soudjouk-Kalc d'au- jourd'hui ; la baie ct la ville de Pagra sont les baie et I'ortercsse actuollcs de Cliclindjik ; iln'y a pas d'inccr- ( ;» ) tiludc , car il n'y a que cos deux baies sur la cote de lu Circassie, et ce sont bion Ics deux Limt;nes d'Arrien. Ici commence rancicnne Achaie de Scvlax , de Pline , etc. Vous avez plus au sud-est les Zygbes , lo seul de ces pcuples dont le nom se soil consent apres tant do siecles; les Georgiens les appellent encore Djikbi, et leur pays DjikbtHi. Je tais noml)re de details sur cette cute, connue aujourd'bui sous le nom de Cir- cassie, sur ses noms successifs, et sur les ruines d'an- ciennes villes, de vieux cbateaux et d'^glises, qui sont semes le long du rivage. Nous passons le fameux defdd de Gagra, qui s(^pare la Circassie actuelle de I'Abkbasie ; le pays change du tout au tout; une i)laine va en se r^largissant, tan- dis que les montagnes reculent ; ici s'dtendait jadis une seconde association de colonies grccques , celles des lleniocbcs de Scylax, de Pline, etc. Aujourd'bui il ne reste plus dc doute sur cette ancienne r^publique, a la lete de laquellebrillaitlagrandeDioscurias, al'cmbou- chure de la Marmartskali. J'ai reconnu les emplace- ments de Pylbius, d'Anacopia (la Tracbee de Procope), de Dandara, de Dioscurias, d'lleraclee; j'ai vu une partie de la longue muraiUe que ces republicains avaient construite , depuis Dandara a Heraclee , en demi-cer- cle, en longeant le pied des montagnes, afm de se defendre contre les invasions des peuples des bautes valines, Traversant I'Engour, le Singnmes d'Arrien et Singn- ma dc Pline, dontrcmboucburo appnrtonalf auxGrecs, landis que lo cours suporieur dcpendait de la province d'Egrissi , et que ses sources se trouvaient dans los do- maines des Souanes, nous entrons enfin dans la Col- cbidc aux vieux souvenirs. ( 79 ) Debarquer a rembouchure du Phase , c'est a pen pr^s debarquer a Damiette ou dans les lagunes de Ra- vonne. Semblable au Delta du Nil , ou aux plaines de la Lombardie , I'ancienne Colchide , aujourd'hui la Basse-Mingrelie et I'lmmirette , n'est qu'une vaste ])lalne uniforme arrosee par le Phase ou Rhion. Form^e par les atlerrissements de ce fleuve presque toujours trouble, cette plaine, de cinquantc lieues de long sur qualie a liuit lieues de large, est d'une lertilite dont on ne peut se faire une idee. Le noyer, le helre, I'aune noir, le plaqueminier^ sont toujours charges de lon- gues guirlandes de vigne ; le chataignier , le figuier, le buis, le grenadier, le Phrocan'a caspica , le Plaiiera Richardii et les lauriers croissent pele-mele et ne for- ment qu'une vaste foret dans laquelle sont clair-sera^s les villages en bois des habitants d'aujourd'hui. Des fo- rests de priiniers, de poiriers , de pommiers , etc. , bor- ilent la mer enlre le Phase et le Chobus. Deux chaines de montagnes, celle du Caucase au nord, et celle d'Akhaltsikhe au sud, enserrenl ce beau bassin. Le milieu de la plaine est traverse par le Phase, qui coule au milieu de cette vigoureuse vegetation, rece- vant a droile et a gauche les rivitires nombreuses qui font souvent deborder son onde. On peut remonter le Phase en bateau jusqu'a une distance de -25 lieues, en s'enfongant dans les terres. La oil il cesse d'etre navigable, la geographie des anciens n'est plus d'ac- cord avec celle des modernes. Le Phase des modernes est cette riviure considerable qui prend sa source au pied du Passemta, c'est le Glaucus de Strabon, le Su- riuin de Pline, le Rhcoiie de Procope, le Riou des Geor- gicns.Le Phase des anciensestcet autre affluent presque aussi grand que le Rion , qui, sous le noin de Qmrila, ( So) prcnd sa source aussi dans la haute chainc du Caucase, au pieddu Tchekhivanismta, et traverse le fond du bas- sin do la Colchide. Celle riviere devait etre infiniment plus connue dcs anclens que le Rion , parce que I'une des routes principales qui menait de la Colchidc a riberie ou Georgie, remonlait le long de ses rives, a travers un dc^fili^ dont Ics parois sonl si rapproclx^es qu'il ne reste souvent plus de chemin , ni memc dc senlier, el qu'on est oblige d'aller le chercher sur I'autre bord : c'est ici qu'etaient les cent vingt ponts , ou plutot les vingt ponts de Strabon ; c'est ici que je l"us oblige de passer vingt fois la riviere a gu6 avanl d'atteindre la haute vallee de Satchekheri. Les chateaux de Sarapana et de Scanda cominandaient les debou- ches de cette route vers la Colchide ; leurs ruines , que j'ai visitees, sont 'faciles a trouver, car ces lieux n'ont pas change de nom. II n'en est pas de meme de Phasis, d'Ea, dont jus- qu'a present aucun voj ageur n'a pu indiquer la posi- tion. Cependant la chose 6tait assez facile avec un peu de temps et de patience. Transpoi'tons-nous a I'embouchure du Phase pour chercher la ville de ce nom , et commen^ons par le texte de Strabon. « Au bord du Phase s'etend unc ville du meme nom, I'Emporium des Colches ; le fleuve i'entoure d'un c6t6 , un lac de I'aulre , et la mer d'un Iroisicme cote. » Ce peu de mots nous suflisent pour nous guider; le fleuve est la , la mer aussi ; je trouvc au sud , a peu de distance du Phase , un lac dont le nom bizarre de Paliastoma (ancienne embouchure) est encore grec, el je m'informe si sur cet emplacement il n'y a point quelques ruines; j'apprends enfm que dans un ma- ( S' ) rais impraticable , qui se forme pendant la plus grande partie de I'annee entre le Phase et le lac, il y a les. resles presque ellac^s d'une lorteresse ou Ton allalt jadls chercher des briques pour les constructions de Poti. Guide par un soldat, je ni'y transporte au risque de resler vingt fois enfonc6 dans le marecage. Heureu- sement je m'en tirai, quoique avec grand'peine, et je fus Lien recompense de mes efforts en retrouvant, sans pouvoir en douter, ce chateau ou castrnm dont Arrien nous donne la description dans son Periple. « Le mur ceint d'un large fosse , dit-il , jadis etait de terre , g\ les tours etaient de bois : main'enant on a construit les murs et les tours en briques cuitcs, etc. » J'ai mesure ce qui en reslait; chaque tour avait 4o pas de face; I'interieur du fort formait un carrede 1 4o pas de long; il y avait juslement assez de place pour les qualre cents hommes que les Romains y avaicnt mis en garnison. Plus loin Arrien dit : « Et puisqu'il me semble que le port, ainsi que les autres lieux qu'habitent ceux qui sont libres du service et qui se livrent aux affaires et au negoce, doivent etre aussi defendus par eux-memes, il m'a jjaru qu'il faudrait construire, depuis le double fosse qui entoure le mur du castel jusqu'au fleuvo, un. autre mur qui embrasserait le port meme, ainsi que les autres edifices qui sont hers du fort. » Nous devons done chercher la ville et le port de Phase entre ce castel et le fleuve ; I'espace est de 700 pas; mais c'est inutilcmcnt qu'on tacherait de de- couvrir de ce c6te-la des traces d'habitations : a peine ce sol s'eleve-t-il de deux a deux pieds et demi au-dcs- sus des basses eaux, et dans le printcmps tout est inonde. Vous pouvez en juger vous-memes, messieurs. ( 8« ; par le plan Ac ce caste! , dont I'inlerieur , ele et hiver , n'est qu'une marc profondo , et la porle qu'un canal bourbeux. Tout est cache sous les roseaux, les plantos de inarais, et les di^pols de limon. Voila done un endroit qui a ete habite , devenu un marais impenetrable. Dira-l-on que le sol s'est enfonc6 ? Cliantcra-t on , avec les fables du pays, que les habi- tants d'une grande ville, cntre le Phase et le lac Palia- stoma, etaient devenus si impies que Dieu les enfonra, eux, leur ville et leurs prelres , dans le lac, et qu'il v laissa les restes d'une tour comme lemoignage dc celte terrible punition?... Mais la raison de cet apparent enfoncement est facile a trouver : cc fort et la ville qui sont aujourd'hui a une lieue et quart de I'embou- chure actuelle du Phase, etaient, selon le temoignage meme de Strabon , lout pres du rivage qui I'enceignait d'un c6l(^, inj'aucibus selon Pline. Cette lieue et quart qui s'etend entre la mer et les ruines, sont done un sol nouveau, un don dc la mer et du fleuve, ce qui se prouve par les d<^bris de coquilla- ges tres recents dont une partie du sol est formee : le niveau de la mer n'a pu changer; ainsi done, pour que le Phase, d'ailleurs encore assez rapide ici , obticnnc la chute necessaire pour faire cette lieue el quart, il a fallu qu'il exhausse son niveau au point de son ancienne embouchure, au moins de sept a huit picds, et c'est plus que suflisant pour inonder un sol aussi has et le changer en marais. C-e qui est arrivd a Pluisis arrivera l)ienl6l a Poti , qui est loujours plus menace d'lnonda- tions , a mesure que les allerrisscmcnls angmentent. La longue ile surlaquellc deja Cliardin suppose qu'6- jait I'aulel de la dt^esse Phasieniic ou llhca , elail en face dc I'ancion emplacement de Phasis ; elle est ( So ) inondee aussi chaquo annee ; quant aiix ruincs qu'on y remarquait jadis, elles ont completement disparu lorsque les Turcs construlsirent le nouveau Poti, en 1578. Remarquons que Poti n'est que I'interpi'etation geor- gienne , par les aspirees , dePhasis, avec I'accent min- grelien, qui change le plus souvent en o ce que le geor- gien prononce en a (Phothi). ;:,r, . Mainlenant que nous sommes a peu pres certains de Phasis , allons a la recherche d'Ea ou j^ea. Strahon dit : « On montre aussi , aux environs du Phase, la ville d'Ea. » ^'' -^.^r'' Plinc s'exprime ainsi : « La plus celebre fut cettc Ea, qui s'etend a i5,ooo pas de la mer , cu I'llip- pus et le Cyanus, venant de differents cot^s, so jettent dans le Phase. » Etiennc de Byzance , qui parait vouloir corriger Pline , parle ainsi : « Aia est une ville de Colchide , fon- dee par Aietes, eloignee de 5oo stades de la mer; deux riviferes, I'llippus et le Cyaneus, qui forment une presqu'ile, passent aupres. » L'Hippus n'est pas douteux, puisque ce n'est qu'une traduction de Tskhenitskali ([a riviere desChevaux), nom que les Georgiens donnent actuellement encore a la principale riviere qui se jelte a la droite du Phase , au-dessous du Rion. Mainlenant quel est le Cyanus? Ce ne peut etre le Rion que Pline nomme Scocium, et Strabon Glaucus. C'est au contraire la riviere qui est de I'autre cote de la Tskenitskali, la Tekhouri des Geor- giens, qui regoit a gauche I'Abacha avant d'entrer dans le Phase. Nous cherchcrons done Aea entre la Tskhe- nilskali et la Tekhouri. Mais precisement dans cettc memelocalite, Procope, ( 84 ) l)e bello Gof/iico , place line ville nomm^c Arch^opolis, (loot il fait la capllale du royaumc des Lazes, ct dont il donne une description si exacle qu'il nedoit regncv aucun doule sur sa position. Joir que les colleclions deja faites arriveronl en France en bon etat. Moins sera long le tenne qui s'ecoulera onUe I'epoqiie de la recolte el celle de I'envoi , et plus la conservation dcs objelssera piobable. Toule occasion sdre de lesfaireparvenir promptcinent ne doit done pas clre negligee. ( <)4 ) vonons a multiplier que par drageon, et qui, 161 ou tarcl , sera cullive avec avantage dans les contr^es me- ridionalos de la France, ct sans doute aussi, on Espa- gnc etenllalie. Dans I'inleret special de la bolanique, lout envoi de graines sera bien accueilli; mais on coni- prendra que les cspeces que nous priserions le plus seraient celles qui joindiaient au merile de ropandre sur la science des lumieres inallenducs , celui non moins grand desalisfaircquelquebesoinde I'lmmanitd, et de se developper sur noire Icrre comme sous leur ciel natal. Autrefois, dans les voyages de longcours, il etait Ir^s diilicile de transporter au loin dcsvegetaux vivants. Tout se r^unissait, bommes et clioses, pour les faire perir durant la travei'see, ct, a leur arriv^e, il iallait paver des frais considerables sans le moindre dedomniage- nicnt. Celte triste exp(^rience, trop frequemment r(^pe- J serres de voyage , qui, sans doute , sont encore susceptibles de modifi- cations el de perfectionnements , ne doive contribuer beaucoup aux progres de la phytologie , et nous osons affirmer qu'il ne sera pas moins favorable a la natura- lisation en Europe , d'unc multitude d'especes utiles ou agr6ablcs, qui compteraient deja parmi les ricliesscs de notre sol , si Ton avait Irouve plus lot I'art de les y transporter vivantes. Nous souhailons que des appareils scmblablcsaceux que nous avons decrits, soienl mis a la disposition do ( 'o<» ) MM. les medecins charges specialemontdola rccollc dos objels d'hisloire nalurello. La dt'pense est trop legorc pour qu'clie soil un obslaclo. Nous savons que I'admi- nlstralion du Museum a fait parvenir a Toulon un petit modele de serrede voyage, parfailement execute, avec des instructions sur I'emploidecet appareil. Le module et les instructions sont probablement a cette heure en- tre les mains de MM. les collecteurs. InstruclioDS pour la Zoologie. redigees par M. nr Bl4i:oi ) cription extn5 ) pSdition , d'explorer le dotroit de Torres avec le plus de persevei-ance possible et d'aborder a la Nouvelle- Guin6e,dans un lieu ou existe un comptoir hollandals, el oil , par consequent , il sera possible de sejourner , doit nous faire esp^rer des decouvertes importantes dans la zoologie de cette grande terre que les naviga- teurs n'ont presque fait que cotoyer jusqu'ici. En y sejournant, et surtout en p^n^trant dans I'int^rieur, il sera peut-etre possible de decider comment se trouve dans cette grande lie une race de negres au milieu d'hommes d'autres races, et si la cessent tout-a-coup les animaux de I'archipel Indien ou s'il y a , ce qu'on peut deja soupconner , un melange avec quelques uns de ceux qui peuplent la Nouvelle-Hollande; continent singulier sous ce rapport que, sauf \e pteropits polyo- cephalus et les hydromys , auxquels il faut ajouter I'es- pece voisine des rats dont M. Gray a fait le genre pseudomys ^ une autre espdce rapprocbee des chin- cliillas, que M. Lichtenstcin nomme hnpalotis, et enfm le cbien laiss^ peut-elre anciennement par les Hollan- dais, tous les mamniiferes qu'on v a rencontres jus- qu'ici appartiennent a la sous-classe des didelphes eta celle des ornithodelphes ou monotremes. On peut egalement esperer beaucoup de choses nou- velles des rechercbes auxquelles I'exptidition devra n6- cessairement se livrer en traversant I'archipel des Mo- luques, dans le but de se rendre a Mindanao, ou peu de naturalistes ont abordd depuis Sonnerat. C'est surtout dans les detroits, les bavres, lescriques qui s^parent, qui d^cbiquitenl la Nouvelle-Guinec ainsi que les ilos nombreuses composant les Moluques et les Celebes , que Ton doit pcnser que les naturalistes de i'exp^dition pourront renconlrer , outre une grande. i 106 ) quantity de poissons dont ces mers founnillent , de nouvelles espdces de s6ches , de poulpes, de calinars, et en general lieaucoup d'animaux mollusques nus ou conchyliferes, ct surtout le nautile flanibe, qui est lel- lenienl abondant vers le detroit de Tol•r^s, que les lia- bllaiits le niangent; notez aussi le veritable animal de I'argonaute, sigale deja a MM. Quoy et Gaymard, par un consul hoUandais , comme existant a Amboine. C'est aussi sur les rivages de ces nombreuses iles exposees a toute la chaleur 6quatoriale, que Ton peut esperer dercncontrcr des aniraaux mollusques nus, et entre autres lesplacobranches, des cbetopodes ou an- nclides sans tubes ou a lubes et pourvues de soics , les ampbinomes, par exemple, et des zoophytes de toutes les classes. L'Academie recommande plus particulierement de rechercher les ter^bratules et les encrines, que Ton ne peut obtenir qu'en draguant a d'assez granges profon- deurs , mais dont I'^tude approfondie est de plus en plus desir6e par la geologic. Pourquoi meme ne pas esp^rer que par des recher- ches suivies au fond de la mcr, dans ces lieux si ri- ches en nautiles , on ne finirait pas par renconlrer une ou plusieurs especes d'ammoniles vivanles? Les vers de terre, les sangsues, les planaires et les myriapodes meme , ont dite jusqu'ici lellement ni^gli- ges, si ce n'est dans le dernier voyage de MM. Quoy et Gaymard, que cetle partie de la zoologie doit etre plus particulierement recommand^e aux circumnaviga- teurs. lien est de meme des dyptferes, des hym^nopleres ol aussi des orthopteres, parmi les insectcs hcxapodes. ( 'f>7 ) ainsi que ties pelites esp^ces de inammilVTes fouisseura ou non, volants ou qiiadiupfedes terrestres. Parmi les grands carnassiers, il sera curieux de re- chercher ou finit le genre des ours, et celui des para- doxures ou martes a queues prenantes, et s'il en existe dans la Nouvelle-Guinee. II faut aussi constater si cette derniere region renferme ou non des singes. Les oiseaux de paradis, qui ornent d'une manifere si I'emarquable les forets de ce pays, devrontetre rap- port^s entiers et conserves dans I'alcool, afm qu'il soil possible d'en etudierl'organisation , ce qui nous man- que presque compl^temenl jusqu'ici. Si I'expedition touche a la Nouvelle-HoUande, ci la terrc de Van-Diemen et a la Nouvelle-Zelande , nous ne saui'ions trop lui recomniandcr de rechercher plus sp^cialement les mammiferes monodelplios; de tacher d'eclaircir I'histoire de rornithoiliynque et de 1'^- chidne; de rapporterde ces espfeces plusieurs individus femelles, et s'il se peut vivants. Nous luidemanderons aussi de s'occuper du singulier oiseau nomme apteryx, a cause de son manque d'ailes, et dont on n'a vu encore en Europe qu'un seul 6cbantillon, I'objet le plus rare de la collection ornithologique de laSociete zoologique deLondres. Get animal, dont il parait que M. Mac Leay fils a pu se procurer une seconde peau , il y a peu de temps , est connu parmi les sauvages do la Nouvelle- Zelande sous le nova ^Q kivihivi ; il parait etre assoz abondant pour que sa peau leur sei've d'ornement. MM. Quoy et Gaymard parlent aussi dun crocodile do la Nouvelle-Iilande qu'il serait bon d'observer. En revenant en Europe par le d^troit de la Sonde , si r Astrolabe touche a Borneo , a Java ct a Sumatra, nos collections s'enrichiraient d'objels qui leur man- ( 'o8) qaent, si Ton pouvait nous rap|)orter le gymnure de Java, Taictonyx, le squelette du panda, celui de I'es- pece de glouton ( i.'///o orientalis) que M. Isidore Geof- froy Saint-llilaire a placee dans son genre Melogale, genre nomiut^ depuis son elablisseuienl licUctis par M, Gray. Les orangs-outangs, les gibbons, el surtout ces animaux vivants, seraient aussipournousdes Glio- ses fort inleressanles. En s6journanl al'ile de France et a Bourbon , si cela se pent, il serait utile de prendre quelques informa- tions sar les tenrecs parmi les mamiuiferes que Ton suppose importes dans ces iles, et dont quelques es- l)Lces dill'erent des autres par le nombre de leurs inci- sives , trois en haul comme en bas de chaque c6t6 (centenes -variegatus , etc.) au lieu da ~ [C. setosns, ou \ C. spinosiis), et qui font le passage aux carnassiers propremenl dits ; sur le dronte , oiseau disparu , a ce qu'il paiait de nos jours , du nombre des etres vivants ; et enfin surleschauves-souris autres que le rnolosstis aco- ttibulosus et particulierement sur les taphiens. Si r Astrolabe relachait a Madagascar , il serait im- portant qu'on s'occupat de I'aye-aye ou cUeironiys, dont les collections d'Europe ne possedent encore qu'une peau bounce, quoique Sonnerat disc en avoir posscdcdeuxindividus vivants ; dcl'avabi, dont Betnnet avail fait le genre propit/iecus ; des tenrecs propres a cette lie ; du falanoue do Flaccourt, devenu le type du genre Euplere de M. Doyere, et enfin de I'animal inlerni(i- diaire aux viverra , dont Betnnet a fait le genre Ciyptor pvocta , et qu'il suppose identique avec le paradoxwHS aureus de i\l. Fred. Cuvier. Enfin nous verrions avec satisfaction qu'en passant r.u capde Bonnc-Esperanco, il fiit possible aux natura- ( 109 ) listes de rexpedition do nous procurer le squelelte du Cynictis de Stedmann, d'Ogilby, espece de carnassier signals dans ces derniers temps , et qui est tr^s proba- blement VHerpestes penicillatus de G. Cuvier. Nous re- conimandons de meme I'esp^ce dePeripate [P. hrevis, nob. ), qui se Irouve sous les pierres de la montagnede la Table. Le genre auquclelle se rapporte est intermci- diaireauxMyriapodes etaux Cbetopodes, entrelesquels il forme une coupe particuliere. Nous terniinerons cette longue Enumeration de nos desiderata , liste que nous aurions pu aisement dou- bler et tripler, en recommandant encore : i" de noter les substances trouvees dans I'estomac de tous les ani- maux que Ton tuera ; 2°d'etudier le nombre , la forme, la couleur des ceufs, chez les oiseaux, les reptiles, les poissons , et les animaux articules ou moUusques, en tachant de rapporter en meme temps I'espece de la- quelle ils proviennent. ( La suite au Numcro prpchain. ) Hauteur des priacipaux points de la vnllee de Bareges ( Hautes-Pyrenees ) , consideres relatii>ernent an niveau de Luz (chef-lieu de cette vallee ) (i) , et relativement au nis'eau de la mar. Nous indiquons ici la hauteur des chefs-lieux de toutes les communes , celle de quelques hameaux , et celle de plusieurs lieux non habites qui donnent lieu a des ob- servations interessantes. (i; Baieges , loin d'etre le lieu principal de la vullee qui porte ce nom, ii'ist qu'un liameaii qui, diirani la m.ijeure parlie de Taiince , ne ren- IVrme pas cent liabilanls. rtuJdiit la saison dus eau\ ( du \" juiii au i'' oclobre ) , il recoil une ulll i-.'iiie tres considci nble d'flnuisfis. ( "o ) En calculant la liautour de ces divers points, au-des- sus du niveau de la mer, nous avons suppose ici que , conformenient au beau travail de MM. Reboul et \ idal, I'eglise de Luz est siluee a "^oi) metres on ojg toises ati- dessus clii nh'cau de la mer (i). (0 On sail, i>ar les Iravaux que MM. Reboul el VicUil ont executes au pic du midi de Bi{joiic, que cetle moula- gne avail ele cboisie comme point de depart el lernie de comparaison aux autics observations, en sorle que, par suite de reccnles dLtermiiiations ligoureuses , la conection c[ue p(Wt subir la liauteur de celtc somiiiite au-dessus du niveau de la mer, donnee par ces deux observaleurs , devra etre appli()uee a la bautcur absolue de Luz, mentiomicp, ci-dessus de 789 metres (879 toises). Or, le nivellenient geo- desique pour la nouvclie carte de France que Ton a execute sur les Pyrenees, dans les amides 1825, 182G et 1827 , en partani du niveau des deux mers^ a fait connaitre que le pic du midi de Bigorre, une des stations de ce nivellement, est eleve au-dessus dejrOcean (mer moyenne) de 2876">74(*,- MM. Reboul et Vidal avaient trouve cette bauteur de 149'i toises (**1 ou '909 91 La determination de ces observaleurs est done trop forte de ^ii*"; par consi'(jucnt, il faut que la bauteur absolue de Luz soil diminuee de 33 metres (17 toisfs) jiour etre lamcnee a»i resultat qu^on obtiendrait en partant de la hauteur exacle (*} Nouvelle description geomeliicjue de la France , i" partit' , page 55i , formant le tome VI du Memorial du depot de la guerre. M>'moire sur les operations geodesiques des Pyrenees, et la comparaison du niieau des deux mors, insdr6 dans le tome III des Memoires des sr.vants c'trai\- gers. (**) Memoire de M. Reboul , insert dans les Annates de chimiecl de physique , tome V, juillet 1817. ( M. Reboul a commis une erreur de pris d'lin uu'lrediins la transform, il ion dt-s 1^95 toises en v;iUnr inclrifpic. ) ( I'J ) La hauteur de toulesles communes el dc tous les hameaux cites ici a et6 prise au niveau de I'^glise de chaque endroit (les hameaux de Bareges, de Gavarnie et de G^dre except^s) (i). (ill pic du midi de Bigorre , selon le nivcllemcnt geodesique dcs Pyrenees. On aura done ^of) metres (362 toises) pour la liatiteur definitive de haz , au-dessus du niveau de la mer, hauteur qui sen de point de depart dans les determinations barometriques de M. le comte de Raffetot, rapportees a ce ineme niveau. C. (1) II est indispensable d'indiqtier ainsi d'une nianicre precise les sta- tions oil les observations onl ete failes. Malheureusement , de semblables inijitations maiiquent dans la plu|iarl des ouvrages oil la hauteur dis lieux est citee. Ainsi , dans YAnnuaire du bureau des longitudes , les points oii les observations out ete faites dans les lieux habitis, ne sent point indiques (exceptc relativemenl a un tres petit nombre d'endroits ). Cetle inil^terminatinn ole aux resultats Jes calculs una partie de leur nierite ; elle a, notamment, I'inconvenient grave d'empecher qu'ils puissent ser- vir de base a d'autres calculs. ( -l^ ) n A L T E L U S D E S C B E F S - I. I E U X D E COMMUNES. Au-iiessus du niveau de Luz. Lii/. . . . , Betpouey. Biella. . . Cheze. . . Esqiiieze . Eiterre . . Grust . . Saligos . Sassis. . Sazus , . Sere . . . . Sers ... Viey. . . . ViilKiiave. Viscos . . Visos . . . Mi-llfS. 1 Toi.SOS. 272. »> 88. .. 5a. >• 12. n 46. 5 261. >> 139.5 45. -. 26. 7 6... 2.', l3v! Au-dessous du niveau de Luz. Metres. 33. 6.S. Toidfs. 17- 35. Au-dessus du niveau de Luz. Alirlres. j Toisrs. 118. O. ■■ 4o5i 254. 6(). i38. 116. 60. 3 o. >■ 208. » i3o. 3 34... 71. .. 59.5 Au-dessus du niveau de la mcr. Metrea. 706. » 978 .. 794. » 758. .. 718. .. 752. 5 967... 673. 638. 824. 706. r 1 1 1. 960. 772. 844. 822. T■ 388. 7 368. .. 386. .. 496. - 345. 32-. 422. 5 362. .. 570. » 492. 3 396. » 433. .. 421. 5 ( "5 ) HAUTEURS DBS PRINCIPAUX HAMEAUX DE I. A COJIMUWE DE Luz. Gavarn'e ( rez-de-chaussce de raubergej (i) Gedre ( le poiil ) Heas (2) Pragiieres Saint Sauveur (tenasse dcs bains) A'-i-dessus I An-dessus du E du niveau de Luz. f niveau de la mer. Melies. 6ag. » 281. . 791. .. 193. .. 22. :> Tois ! Melirs 322. 7 [x335. » i44- 2 9''7- " 406. -. 1 1 497- " 99- " : 899. .. I 728. .. Toises. 684. 7 5o6. 2 768. » 461. » 373. .. (i) L'^imuairedv bureau des longitudes iiiilique la hauleur de Iroislitux hahites de la valine de Bareges au-dessus du niveau de la mei' , nolamment ccile deGavarnie. Son chiffre (i444 metres) differe beaueoup de celui que nous donnons ici. Mais a q'K lie partie du village de Gavarnie se rajiportp la hauteur citee dans I'Annuaire ? Cei tainenient ce n'esl ni a Vtiiberge ( point dont il nous a paru ulile de douner la iiauleur, a rai-on de ce qu'il est un lii-u do slalioii pour tous Ie> voyagcurs qui visilcnt la hranche principale de la \allee de Bareges), ni a \'eglise. Nous nous .sommes assure de ce fait, de conrerl avec M. le docteur James Forbes, professeur de philosophie nalurelle a Tuiiiver^iie d'l^diinbourg. (2) lei, aussi , i^st une difference consi>ierable entre nolle indica- tion et celle donnee par I'Annuaiie ( i/i(>5 metres). Mais a quel point precis se rapporle I'mdicatiou de I'Annuaire ? ( "/, ) IIAIITKUR DE BAREGES, BAMEAU DE lA COMMUNE DE BeTTOIEY. Au-dessiis (1(1 niveau doLiiz. Aii-de«siis du niveau de la nicr. Baiegi's ( coiir des bains ) . . 532. .. 2:3. .. ^I^■I^^■^ 1238. .. Toi5es. 635. .. HAUTEURS DE QUELQUES POINTS NON UABITES. Aii-dessus du niveau de Luz. Breclie de Roland Cirque do Oavaniie (pclil plateau silne a sa partie inferieure ) Lac. d'Esrouboiiz Lac de la Giaire Lac de Porlanet Lac deXroumouse Somniel du Pic du Midi(de Biyorre) Mil res. Toises. 2 1 I I . ■> io83. .. 889. .. 456. ., I 20a. >> 616. .. 1254. .. 643. 5 1 654. •> 848.6 1 356. .. 696. .. 2173. ■> 1 1 1 5 . .. Au-dessus du niveau de la mer. Melrps. I Toisi 2817. 1 595. » 1908. .. i960. » 2 3 60. >> 2062. >■ 2879. 1445. 8 I 3. n 978. .. oo5. 5 210. 6 o58. .. R. Comte dk R\ffetot. (1.5) Rapport verbal fait a la Commission centrale , par M. d'Avezac , sur h livve intitule : DcscripUon nauti- que des cotes de I'Algerie, par M. BiRARO , capi- taine de corvette, suivie de Notes, par M. de Tessan, ingenleur liydrographe. Messieurs, Vous avez bien voulii me deniander un rapport ver- bal sur le volume que M. le capitaine de corvette Berard vous a presente a Tune de vos dernieres sean- ces, et qui forme le complement de sou beau travail hydrographique et nautiquc sur I'Algerie. La tache que vous m'avez imposee est douce et fa • cile aremplir, car elle est devancee paries ^loges qui de toutes yiarts ont salue I'apparilion de ce volume, aiiquel cliacun de vous d'ailleurs accorde I'estime qui lui est due. Toutefois , ce n'est point a des expressions generales de louange qu'il convient de borner I'appreciation que vous m'avez demand^e de ce livre ; des marins en ont fait ressortir FutiUte nautique, des pbysiciens y pour- ront prendre le theme qui plait a la specialite de leurs etudes; pour nous, qu'a reunis I'amour des sciences gt^cgrapbiques , c'est en geograpbes que nous avons a nous en occuper. Sous ce point de vue, le volume que vous avez devant les yeux offre un interet tout particulier. Sans doute les cartes des cotes algeriennes , dont la publi- cation a precede, avaient et6 accueillies avec toute la confiance qu'inspirent le nom de M. Berard et celuide M.Dortet doTessan qui lui est associe d'une raaniere ( "C> ) si 6lroUe. Mais cet enlrainement d'eslime ( et pDur beaucoup d'entre nous, je dois ajouler d'amllid) n'esl guere concillable avec les s6v6res exigences d'une cri- lique rigoureuse, qui n'admct aiiciin point sans lo disculer, aucun rc^siillat sans en conlroler les bases et les m^lhodcs de deduction. Le livre qui nous est pre- sente vient metire sous ce rapport noire conscience k I'aise, car il offre, dans le simple expos6 du mode d'o- p6rallon employe par MM. Berard et de Tessan , la justification la plus complete que nous puissions desi- rerdesr(isultatsconsign^s sur leurs cartes. II y amioux : leurs cartes elles-memes, pour §tre appreciees tout ce qu'ellcs valent, ont besoin des explications du livre, car c'est par lui que nous apprenons comment un in- genieux emploi des proc6d6s de la gc^odesie procure ti ces relil'vements de cotes fails sous voiles, des ga- rantics d'exaclilude auxquelles doivcnt allacher un grand prix tous les amis de la geographic posi- tive. Cette heui'cuse application aux operations de I'c- connaissance bydrographiquemeritede vous etre parti- culifereraent signalee; pour en r^duire I'exposition g(5- ntirale a ses terraes les plus simples, je me bornerai a vousmontrerarestriledelaGalite, i I'ouesl les ilesZa- farines, comme les points extremes d 'une base determi- n^e aslronomiquemcnt par une s6rie de stations au large de la cote, a environ i5 mllles de distance; on a ainsi mcsure dans le ciel les arcs tcrrestrcs destines a former aulant de bases speciales pour une s6rlede grands triangles ayant leurs sommets aux monlagnesles plus elev^es , aux caps, anx points les plus saillanls. Cette operation iondamentalc a procurd le cadre dans lequel sont venus se placer les resultats d'une triangulalion ( >i7 ) sccondoire obtenue par une nouvelle serie de slalions a 5 ou 4 luillcsdela coto; et cette dcuxleirie opcrallon vient a son tour encadrer Ics details hydrographiques releves en longoant la cote de plus prcs; cette dcrniere tache oflVait des perils dont se montraient bientot degout^s les caboteuis corses, francais , nnaures et espagnols, successiveznent pris a loyer pour ce travail ; la science inspire a ses adeptes un plus ferine courage, et M. de Tessan a parcouru ainsi en travaillant une etendue de plus de 4oo mllles. Voila comment I'expedition que dirigeait M. Berard a rassemble les elements g^ograpliiques dont la con- struction a fourni une carte generale en deux fouillcs, cinq cartes particulieres dont I'une a eu deux edi- tions, et six plans speciaux d'iles et de mouillages. Cette construction elle-meme a ete ex^cutee avec tout le scrupule qui distingue I'ecole hydrographique fran^aise , ou Ton trouve encore , aprfes les noms si chei's a la science de M. Beautemps-Beaupre et de M. Daussy, autant de noms a citer avec eloge, que le Dit-pot de la marine compte d'ingenieurs. Pour eux , chaque campagne est I'occasion de quelque perfec- lionnemenl dans les methodes ou les applications, et personne n'oubliera que M. de Givry a ainsi inlroduit, dans I'emploi grapliique des relevements angulaires, I'usage d'une correction importante dans la deduction des differences en longitudes. Les notes de M. de Tes- san , qui font suite au travail de M. Berard, sont remplics de vues ingenieuses pour I'amelioralion des procedes et des instruments en usage dans les opera- lions hydi'ographiques. La description nautique des cotes de I'Algerie, qui remplil la majeure partie du volume, nous offre un vin. Aoi'T, 4- 9 ( >>8 ) pcripledotailledont rinloiel g6ograi)Iiiqno ncpontulrc mis on doiile; mais cet inleret est singulicroment aug- menle par I'heurcuse idee qu'a eue M. Bcrard de met- tre en regard de son toxic une sirie de vucs orUiogo- nalcs des points d^crits, en sorte que les \ciix aldont I'esprit a se former une idee nelle et pr(§cise de ce long ridcau que deploie en regard de lEurope la plage al- gerienne couronn^e en arriere plan par les hauteurs de I'Atlas. C'est encore la une innovation digne de for- mer precedent pour les publications a \ cnir de descrip- tions nanliques : le zele du Depot de la marine n'y d6- faudra cerlainoraent point; c'est aux officicrs charges des reconnaissances a en recueillir soigneusement les materiaux. Espt^rons que I'exemple do M. Bcrard eveil- lera leur emulation. Je dois borner a ce peu de mots le compte sommaire que j'avais h vous rondre du livre dont M. Bcrard a en- richi voire bibliolh^que ; j'ai indique comment les r^sullats avaient 6te obtenus et comment ilssont expo- ses; quant aux resultats en eux-memes, tout le livre en est plein , et je ne saurais avoir la pretention de les resumer dans un simple rapport. Ceux qui peuvent etre constates par des cliiffres meritent d'cli'e enregis- tr6s dans voire Bulletin, et j'ai I'honneur de vous proposer de los y insercr. (Ces conclusions ont ete adoptees. Voir la table des positions ci-jointe. ) ( »>9 ) POSITlO^iSGKOGP.APHIQUESDES PRINGIPAUX POINTS DE LA COTE DE L'ALGEP.IE, DliTEI'iMIlNEES I'AR M. BeRARI), CAI'ITAINE I)E CORVIiTTE (I). NOMS LI EU X. I Alger (phare) A;;iia (rap del) VrcsclHimil (ilej, point le plus 6lev6 I lie rexliL'iiiile N lA'sfiiaq (roche peu clevee 'Abuja ijiicUe de la polnle) lArzew ilicu des observaliuiis) . . . J lililoii, Ic inut du pavilion du fori. . ilJabibas (iles) lieu des observations I a la parlie S.-O. de la jjrande ile. iJiloii. SiHiimel graiide ile ... , .;, pelil ilol pres du cap Cavallo. jr.erinshcl (ilot) r.one (minaret de I'liOpital). . . . j/(/t)/i (lieu des observations). . . . jliougaroni (polnle N. du cap) . . . Iiougic (Goureya ) ,t;ale l''raii(.M.!se (lemoulin) Cavallo (soinniel conique du cap). jCoilo viiiosquee ) Collofile] LATITUDES IV. LONGITUDES. POLNT.S LES AZIMUTS 36». 47' 35. 8. 35. 3G. 35. 35. 19. 35. 53. 51. 20' 47 37 43 25 37 A A A A O 35. 51. 30 A Colonmbiou Palonias (ilol) Tralelli (le grand) Dellvs (le marabout) D-llys (roche N.-O.) c ilite (ile) lieu des observations. . \J(lcm, pic oriental 35. 35. 36. 43. 43. 46. 31 28 45 O A 0°. 4. 3. 0. 9 10" E.O 56 O. A 59 O. O 30 O. Ji 8 O. A 17 O. O 37. 21 O. A 48. 28. 48. 37. 3. 27. 3. 27. 3. 12. 36. 38. 57 36. 36. 37. 36. 36'. 36. 37. 36. Fer (^iliit , cap de, , lieu des obser- I valicMis a la parlie S F.ilcon (parlie K. du cap) jFegalo ^siiinmct du cap) 'Ferrat ijielit soinmet (lu cap). . . 1 ilbla (rociier du cap) • ■iiile (tounuiuee du cap de). . . liaginiss (marabout du cap). . . . IlLiiie (parlie iN. du cap) 36. 37. 36. 36. 37. 37. 53. 53. 6. 46. 53. 46. 0. 57. 20. 18. 55. 55. 31. 31. 58 56 20 34 55 57 40 43 20 0 20 40 25 14 A Q*- A A A A A Qic O O A A A 50 O.O 53 O. A 58 E. O Monl A'mnial, S. 5S». .52',24",E S. 29°, 28', 4G".E (Tuur de gardej. iMiimelon n* 3S, S. 47", 28', 23", £. Soaimel cap Al>iij.i N. 73", as . S', Iv 37. 35. 35. 35. 30. 36. 36. 35. 5. 46. 34, 54. .^5. .58. 19. 8. ,') 25 18 20 15 4 6 20 O ^ A A A A A A A Beny Amroiis, S. 54", Vi', ^7", O. j Maison 5ign<-9 Q * ;iuli.|tinnl les n'.-ult.its ol)tfinis [.iir le» obM-rvali'-H!, du M.l.il ft drsttoll. s, It- sigiie A *J''''^'r'**' li |iosi(it>Ms dedtiin'.s i\v hi (■(iii>tru(:lion. ( 120 ) NOMS des LIEUX. .lisclli (rocher />, lieu des observ) . Idrm (la iiinsqiiec) hi (pailie N.-lv du cuii) M.iiisciurjaii (sotiiiiict do I'ilc) . . Malifmi (soniini't E. du cap). . . Mcrs-el-Kebir (ie pliare) Mcrs-rl-I'arin {sommct du cap). . .Mildiiia (parlieN. du cap) .Miislaj-'hancm (le fori) Nciirc (sijinmet le plus eiev6du cap) Niic ; iiuml ) . I'cuch (soniniet jioinlu d'une mon- lajiiie Ires ri'niar(iuablc) I'isan (ilc), lieu des observalions, ii rextiemilc O f'dinlc-Basse r,oi-a (part. escarpeeduN.E. du cap) Sciral (rnameloii du cap) Snrclle 'daiiper iIl' la (lalile). . . . Suly-Fcrou'ij \ii lour) Si;;li (sommel E. du cap) ral>ar(|uc file), lieu des observa- lions (le la poiule N /itt}ii, lour du N Ti'delcs ou Tedles (sommel du cap.) Icnes somiiiot du cap) reiu'-s 1^ inosiiuee de la ville). . . , TouKousih (parliecscarp(?('du N.). 'Iiiinuhis ou Qobr-el-l'.oumyeh. . /.afaiiiK's ( sommel, ile du milieu ). /ilrm, lieu des observalions Schcrschel le fori de lapresqu'ile). .Sri;iina ou Slora (ile) Salamandre (danger au N. E. du cap Cavallo LATITUDES N. 36°. 49'. 'lO" O • 3G. 30. 30. 30. 35. 30. 35. 35. 37. 35. 35. 49. 0. 41. 48. 44. 53. 6. 65. 5. 8. ■} 19 3G 21 45 10 57 20 0 ^ A A A O * A A A A A 3. 3 A 30 30 30. 50 49. 45 10. 40 58 37. 14. 0 37. 23. 55 45. 52 52. 0 .30. 30. 03f A A A A A A 30. .57. .59 G * 30. 5S. 2 A 30. 54. 0 A 30. 32. 45 A 30. 30. 0 A 37. 5. 0 A 30. 34. 38 A 35. 11. 0 A 35. 10. 53 O >♦• 30. 30. 48 A 30. 50. 18 A 35. 50. 5 0 A LONGITUDE.S. I'Ol.NTS DOST OH A PUIS I.ES AZIMUTS. 3°. 25'. 0" 24. S. 31. 14. 39. 1. 23 32 37 55 25 28 0 40 0 15 E. Al i^litison ^Ollllllel. S. 42», lU', 3J' ,(). E. a' O. A E. A E. A O.G E. A O. A O. A E. A O. A r.c)cbr-Aliiiia N. OO", 7 , ;10 55. .50 O. A 39. 0. 53. 52. 10. 30. 25. 49. 57. 0. 2. 13. 40. 32. 33 E.O 30 O. A 65 E. A 8 E. A 30 E. A 37 E. A 45 E. A 13 E. A 2 E. A 30 E. A 30 O. A 10 O A 58 E. A 19 E. A 10 (). A 19 30 O.Q O. A E. A 3. 17.54 E. A Mom '[ clioiii! j.i. S. 54°, -Vi , U". O. r)pnt "III cap N. 5J°, ii' 31) ■. i:, Monl.-ipn'- S. 44", 40'. I'.'ll.li. ai ',0. DECLINAISONS UE L AIGUILLE. Alger (phare) Arzew r.one Galite (ilc) I'er ilol, cap de) . . . Ji(iclli frocber) Mcrs-el-Kebir (le phare) Pisan (|ile) /.afarincs (sommel). . l"- aoill 1832 , a 20 aoiU 22 juin 31 niai juin aoiU nov. aoOt sepl. 22 19 5 12 13 1 833 , 1832 , 1 833 , 1832, 1832 , 1831, 1832, 1833 , 9 b. du matin. niidi niidi niidi 10 b. du malin. 4 h. du soir. . . midi 10 b. du nialin. midi 19«, 25', N. O. 20, 17, 17, n, 18, 20, 18, 21, 0, N. O. 39, N. (). 7, N. O. 33, N. (). 10, N. (). 9, N. O. 24, >. O. 7. N. (). ( 121 ) Notice sur V He Huahinc , V nne des iles de la Societe. (Extrait d'lsne lettie de M. Mokreiviiout , dalee d'Olahili , le i4 novein- bre i836 , a M. d'Orbigivy , meinbre de la commission ceiilrale. L'ile dc Huahine placee si pres d'ici, et fai- sant partie du meiiie groupe , n'offre , sous le rajiport de I'histoire naturelle], presque rien de aouveauj ; la v(^- getationy estabsolument la meme qu'ici, et quoiquc je I'aieparcoui'ue dans tousles sens, me rendant d'uncote a I'autre de l'ile par des montagnes assez elevees, je n'ai pas rencontre une seule plante qui me fut ^trangere, et meme parmi les coquillages que les Indiens m'appor- t^rent, il ne s'en trouva qu'un seul que je n'avais ja- mais vu, ni a Otahiti, ni ailleurs. J'ai fait deux fois le tour de l'ile , et, comme je I'ai dit, je I'ai parcourue a plusieurs reprises dans tous les sens ; il y a des endroits charmants , quant a I'aspect ; il y en a beaucoup d'interessanls par leurs rapports avcc des ev^nements historiques et traditionnels , et c'estla seule ile ou I'ontrouve encore plusieurs mrt/Yi/V absolu- mentcomplets, entre autres celuidu dieu Tan6, une des premieres divinite de ces iles. Dans une de mes tour- nees, j'etais accompagne de M. Baff, le missionnaire, et de sa famille. M. Baff a de rinslruction , il est bien au courant des (!;vOTE SUR l'IlE PANCHAiA D'EVHfeMliRE. L'antiquite nous a laisse a decider une question trt;s importante pour la geographic et pour I'histoire , je veux parler du periple d'Evhemere et du recit qu'il a fait de l'ile Panchaye. Evh^mere etait contemporain de Cassander , roi de Macedoine. Cette antiquite n'est pas extreme ; c'cst d^ja dans le domaine de I'histoire ecrite. Evhemere , chen de Cassander, fut charge par ce monarque de plusieurs voyages, dans I'un desquels ilvisita l'ile Pan- chaye. Un voyage entrepris par ordrc d'un souverain ( '20 ) prend rang dans la classe des falls conslales, ot ce- pendant on a nie le recit de celui-ci. Calllniaque, Kia- losthene, Polybe , Slrabon, onl soulenu que I'ile Pan- cliaye ^tait une fable. D'autres ecrivains sont d'un avis contrairc. Lucr6ce , Virglle , Ovido, Tibulle, Servius, Mela, Pline el Solin placenl I'ile Pane, aye dans la merPtouge. C'esl de celle ile que Virgile dit dans ses Georgiques: Tolaqiie lliuriferis Faiirluiia dives arenis. Ennius a traduit en latin le periple d'Evhemcre. Mallieureusement I'orlginal el la Iraductlon se sont perdus; on n'cn connait que des fragments cites par Deveri. Evhemere vit a Panchaye une belle ville dans la- quelle il y avail un temple d^die a Jupiter Tripbylicn. Dans ce temple , on conservait des inscriptions faites par Merciire, el qui faisaienl connailre la vie des dieux du paganisme. A la publication de ce I'ecit, on cria a I'im- pi^le, et le voyageur passa pour un imposteur; on alia jusqu'a nier I'existcnce de celle ile. Plutarque dil qu'au- cun navigaleur n'a pu la retrouver. Bochart la nonime Meriini Ei'Jienieri Jignicntuni . M. Fourmont a venge Evhemere et ressuscite Pan- chaye. Son opinion est honorablement inserec dans les Memoircs de I'Academie des inscriptions. Malgr6 cela, il est a desirer que de nouvellcs observalions bien faites permetlent enfin a la science de se fixer d'une manit're certaine sur cette ile fameuse. L'ile Panchaie est situ6e dans la mer Piouge , Ires pres de la cote d'Arabie , a Ires peu de distance de Medine. Elle se nomme aujourd'hui Pdii/c. Elle est vis- a-\is d'un lieu nomme Phank el Phanik. (".'(>st cctlc ile ( 127 ) Pank qui estl'ancienne Travxata. Quant au Phank, il est dans le yoivixov C'est le Palmaris cles g^ographes. Le mot phank, en arabe et en syi'iaque, veutdire delicicux. Comme renseignement, j'ajouterai qu'il exisle en- core dans ce parage une villa decline nominee rravapa, et par methalh^se .^apava. II ne faiit pas voir dans ce mot le nom du dt^sert de Pharan , oii campa Moise apr^s avoir quitte Kibrolh-Taava. II y a cinq degres de latitude de difference. Celte erreur a ccpendaut (^te commise. Ainsi, Medine, Panara, Phoinikon, le Phank, voila les donnees pour retrouver I'ile Pank, I'ancienne Pan- chaye. Si quelque Latiment francais devait explorer la mer Piouge, ilserait important pour la science d'observers'il existedes mines sur I'ile Pank, dans quelle partie de I'ile elles sont, quelle est leur etendue , leur aspect et les materiaux dont elles sc composent, et surtout s"il entre des laves dans leurs constructions. II faudrait princi- palement recherchcr d'anciennes inscriptions , se faire aider par des traditions du pays, determiner I'alpha- bet de ces inscriptions, leur langue , les copier si on ne pent les enlever, et recueillir tout ce qu'on pourrait de lumieres capables de justifier Evhemere. etles con- sequences que I'arch^ologie peut tirer du recil de ce voyageur. Le corate de GnANUPRi. ( l'-^« j DELXIEME SECTIO]^, Actes de la Societea PKOCES-VEUBAUX DES SEANCES. Seance dii 4 noiit iSoj. Le proc6s-verbal dc la derni^rc seance est lu et adopte. M. le minislre de la marine remercie la Society de la comniunlcalion qu'elle lui a faitc d'une leltre de M. le capitaine amt^ricain Benjamin Morrell. Apr^s avoir re- pondu sur cet objet, M. le minislre exprime le desir d'obtenir des notions positives sur les parages ou ce na- vigateur annonce qu'il a trouv^ deuxenfants de M. La- vaux, cbirurgien attach^ a I'ancienne expedition de La Perouse , et M. le president annonce qu'il a eci'it en ce sens a M. le capitaine Morrell. M. Dutot adressc ses remerciements a la Commis- sion centrale pour son admission dans la Societe. L'Academie royale des sciences de Turin remercie la Societe de I'envoi du tome V de ses memoires. La Societe royale des antiquaires du Nord accuse reception des dcrniers volumes du Bulletin, et adresse le lo*^ volume dc ses Foruinaiuia sbgitr et le 2' volume des Sanilede Jfhaudliiiger de M. Ic professeur llask. La Societe philosopliique amerlcaine de Philadel- pliio accuse ogalement reception du Bulletin, et adresse la S*" partie du tome V de ses Transactions. [ i'^9 ) MM. les president et membres de la Sociele geo- f^raphique de Francfort-sur-le-Mein remercient la Com- mission centrale de I'offre qa'elle leur a faite de la col- lection de son Bulletin et de ses Memoires , et ils designent le correspondant qui pourra servii- d'inter- mediaire aux envois mutuels des deux Societes. M. Jomard fait don a la Societe , pour concourir a la formation de son Musee geographique, de cent echantillons dc roclies qu'il a recueillis dans ses voyages en Egypte, en Allemagne, en Angleterre , en Suisse, dans les Pyrenees, ainsi que dans diverses provinces de France, et il annonce Fintention d'enri- chir plus tard par de nouveaux dons les collections de la Societe. M. le president lui adresse les remercie- menls de la Commission centrale. M. Jomard donne connaissance de deux cartes ita- liennes offertes par M. Tastu au cabinet geographique de la Bibliotheque royale et trouveespar ce voyageur a Barcelone, Ces cartes ont ete apport^es a Paris parM. le baron Taylor; I'une I'epresente la Mediterran^e et une petite partie de I'Ocean ; I'autre reproduit sur une plus grande echelle les lies de I'Archipel et les cotes voisines. Elles n'ont ni date ni signature, mais elles paraissent appartenir au xvii" siecle. Le meme membre saisit cette occasion pour annon- cer qu'il a fait recemment I'acquisition , pour la Bi- bliotheque royale, d'un nouvel Atlas dc Gratiosus Beninchasa , date de Fan 1467, et compose a Rome par ce cosmographe. Le continent de FAfrique y est represente jusqu'au cap Roxo , de meme que dans I'Atlas du meme auteur de i446, egalement depos^ a la Bibliotheque I'oyale. M. d'Abbadie , qui vient de terminer un voyage au ( '5o ) Bresil, dans le but d'observer les variations de I'ai- guille aimanloe pros de rcqiialeiir lerreslre et de I'e- qualeur magnetique , fait part a la Societe du regret qu'il a de ne pouvoir en ce moment conlribucr, par ses proprcs observations, aux progres dos sciences gi^'ographiques. II ajoute que M. Bcrlliou, Francais etabli aFernambouc , a copie plusieurs carles dioce- saines du nord du Bresil sur Ics minutes deposees chez les eveques du pays. M. Berthou a promis d'en- voyer la collection de ces cartes a la Society, et il se pro- pose d'y ajouter unc nouvelle topograpbie dc la pro- vince du Para, faitc par un Bresilien. M. d'Abbadie a donne a M. Bertbou un baroniutre compare h celui de I'Observaloire , afin qu'il puisse faire quelque nivelle- ment dans ses voyages a travers les provinces de Fer- nambouc et du S6ara. M. Bertbclot presenle a la Societe M. Scbousboe , fils de I'ancicn consul-gdn6ral d'Autriclie a Tanger, qui se propose de faire de nouveaux voyages dans I'cmpire de Maroc et dans les contrees voisines. M. le president lemoigne a M. Scbousboe I'intei'et avec Iccjuel la Com- mission cenlrale recevra les communications geogra- pbiques qu'il voudra bien lui faire. M. deLa Benaudl^re fait lecture des questions que la Soci6le I'a cbarg^ de r^diger, de concert avec M^l. Be- rard et d'Orbigny, sur plusieurs points g6ograpbiques recommandes a I'attention de M. le capitaine d'LJrvilJe pendant son voyage de circumnavigation. M. d'Avezac lit une note sur les variations qu'a eprouvees Ic sort de la Numidie anlericurement au morcellement des provinces de rcmpiro romain sous le regnc de Dioclclien. Le m6me membre appclle raltenlioa de la Commis- ( 1.^' ) sion centrale sur divers memoires g^ograpliiqucs con- tenus dans le journal de la Sociele asiatique de Cal- cutta ; il j)ense qu'on pourrait en inserer une partle dans le Bulletin, et MM. Jomard et Desvergers sont pries de s'occuper de ce travail. Seance da 18 aoiit i85'. Le proces-verbal de la dernierc seance est In et adopte. M., le colonel Juan Galindo , correspondant de la Societe , lui adresse quelques nouvelles observations relatives a ses travaux sur Palenque. Ses reniarques se- ront prises en consideration. M. Henri Ternaux annonce a celte occasion qu'il vient de recevoir de Madrid une collection considerable de manuscrits dans laquelle se trouve le Rapport fait au roi d'Espagne, en 1785 , par le president de Tau- dience de Guatemala, surlesruines de Palenqu^, avec les plans et les dessins qui furent alors executes par Bernascuni. M. H. Ternaux se propose de publier «n catalogue coniplet de cetle precieuse collection. M. d'Avezac comnaunique une lettre de M. le comte Graberg de Uemso, membre de la Societe, a Florence, dans laquelle ce savant lui recomraande un vojageur distingue , M. de Cariniani , qui a vislte plusieurs re- gions inleressantes de I'Orient et de I'Afrique. M. de Cariniani est present a la seance. M. le presi- dent lui adresse les felicitations de la Societe et lui temoigne qu'elle recevra avec interet et reconnaissance toutes les coramunicalions vcrbales qu'il pourra lui faire, et tous les ouvrages qu'il a le dessein de publier. M. de Rerdaniel, enseigne de vaisseau de la marine royale , 6crit a la Societe pour lui offrir ses services pendant son sejour au Senegal, ou il va rcmplir une ( >3'- ) mission. La Commission ccnlrale accucille avec em- pressemont les oilVes de M. do Kerdaniel, el MM. Jo- mard ct d'Avezac sont prices de pr«^parer une s6rie d58 ) sphere austral que rcxp6dllion va parcourlr, soltl'objet de reconnaissances sulTisantes. A quelques exceptions pres, tout est inconnu au g^ologue dans cclle parlie du mondc. Aussi peut-on dire que le moindre echanlillon de roche, s'il est choisi avec discernement, deviendra un jalon precieux. Plus on pourra se donner de points pour de lelles recoltes, plus on multipliera les 6chan- lillons, la ou la composition du sol sera complexe, plus les rep^res ainsi acquis a la science, au milieu du grand Ocean et des niers polaires, prendronl d'iuipor- lonce. On rccommande suilout de rapporlor, aulant qu'il sera possible, des echantillons qui puissent nous donner une notion certalne des malicres qui consti- tuent les terres qui, sous divers m6ridiens, s'avancent le plus vers le pole, particulierementla terre de Feu, la ierre des litats, les terres de Sandwich, les Nouvelles- Slietland, les terres de la Trinite et de Graham , enGn la terre d'Enderby , decouverte en 1802 par le capi- taine Biscoe. II sera curieux de comparer les mat6- riaux ainsi pris aux extremil4i ) parlie du versant ou des monlagnes qui Ic Icrmineni, et 11 en est de meme du versant oppose. Ajoulons comme une particularlle reinarquable , que les iles situ^es au nord de Tanclen continent, et celles situees a I'ouest, telles que I'Angleterre et I'lrlande , ont eprouv6 les meines effets. Les geologues different d'o- pinion , non seulement quant a I'explication du plie- nomene, mais encore quant a sa generalile. Plusieurs supposent qu'il n'a affects qu'une partie de la surface de la terre. Ce qui importeralt avant lout , ce serait que Ton fut fixe a I'egard de la question de savoir si la grande inondation dont il s'agit a ete universelle. Nous Savons dejaqu'elle s'est etendue dans une grande partie de rAmeriquc septentrionale. Les moindres notions du meme genre que MM. les naturallstes de ['expedition pourront recueillir dans I'liemisph^re aus- tral seront pre^cieuses. II leur sera aise de se p^netrer des caracteres des terrains-meubles qui appartienncnt a la grande alluvion diluvienne , en consultant les ou- vrages modernes qui font partie de la bibliothique de I'expedition. lis auront en outre a 6viter trois sortes d'erreurs que Ton peut commettre dans la re- chercbe de ces terrains. En effet, on a qui;lquefois confondu avec eux, soit de veritables alluvions fluvia- liles bordant des cours d'eau actuellement ires en- caiss^s, soit des couches-meubles superficielles faisant partie de I'un des etages de la periode paleotherienne , soit enfin de certaines alluvions marines assez moder- nes, dont il sera parle ci-apres. Les recherclies qu'il s'agit de faire seront faciles, car les lieux ou elles peuvent avoir le plus de chance de succes, cc sont pre- cisement lesplaines, Icscollines, les plateaux qui ter- mincnt presque \oujours les grandes tcrres ou les ( '42 ) grandcs lies du cote de la mcr. II est spticialement re- commando do rapporlor des echanlillons des sables, des graviers, des galels et des blocs orratiques compo- sant les depots diluvlens qui auraienl ote rcconnus. On rccucillera de nieme les osseinenls de grands manimi- leres ou lous aulres debris organiques qu'on y aurait Irouves. Les g^ologues dislinguent avec raison d'avec le grand systeme dont il vient d'etre question, un certain noni- bro de petils depots marins, disperses a des bauteurs de lo a 80 metres au-dessus du niveau de TOcdan sur les coles de Suede, d'Angleterre, de France, de Sardaigne et des [environs de Suez en Lgypte, et qui ne contiennent que des debris de corps marins appar- tenant aux especes qui vivent actuellement dans les mers adjacentes. Ces depots sont les Ic^moins des dcr- niers dv^nements geologiques do quelque importance qui aient affects la stabilite des continents dans les contrees dont il s'agit. Si des faits du meme genre ve- naient a elre reconnus dans d'autres contrees et a se multiplier, ils caracleriseraient un pbdnom^ne qui, malgre son peu d'intensil6, n'en aurait pas moins HiS general, et nous aurions ainsi la connaissance du der- nier effort de la nature pour aniener la terre a I'c^tat oii nous la voyons. L'espoir d'arriver a ce result at n'est pas sans quelque fondement.DejaM. Lesson, sur les cotes du Perou , IM. d'Orbigny , sur les coles de Cliili, ont ob- serve des depots de coquillos moderncs qui sont pla- ces au-dessus de I'ocean a des elevations telles, qu'elles n'auraientpu elre produltes par les cffots des tromble- mcnls de terre, tels , du moins, qu'ils se manifestent depuis les temps bistoriques. MM. les naturalistos de I'expcdition auront a repiiter ces observations, puis- ( i4r^ ) qu'ils aljorderont a Valparaiso. lis chercheront a les ^tendre dans tous les autres parages qu'ils visiteront. lis decriront avec soin les depots qu'ils pourraient d^- couvrir. lis en prendront des echanlillons nombreux , ainsi que des roches immediatement inferieures , no- lamment celles sur lesquelles quelques coquillages adU6reraient encore. Enfin, ils d^lermineront exacte- ment la hauteur des depots au-dessus du niveau de la mcr , ainsi que leur ^paisseur, leur ^tendue et leur distance des plages actuelles. MM. les naturalistes de I'expedition profiteront de la relaclie a Valparaiso pour recueillir des renseigne- ments sur les effets non seulement du tremblement de terre de i834, mals encore de celui non moins vio- lent de 1829, ct nieme de celui de 1822. Au r6cit de madame Maiia Graham, ce dernier tremblement de terre aurait, sur une etendue de pres de cent milles, exhausse toute la cote du Chili de trois a quatre pieds anglais au-dessus de I'ocean. Mais ce r6cit est contreditpar les renseignements que le rapporteur de I'Acad^mie pour les presentes instructions, a re- cueillies aupres de deux naturalistes exerces, savoir, M. d'Orbigny, qui a visite une partie de la cole dont il s'agit, et M. Gay, qui est occupe a explorer tout le pays depuis plusieurs annees. 11 y a question et des lors necessite de multiplier les temoignages. On demnndo a MM. les naturalistes de I'expedition, non pas une opinion sommaire , mais un detail circonstancid des faits qu'ils auraient observes et une sorte de proccs- verbal de tous les r^cits qu'ils pourront obtenir de la part de personnes eclair(5ies. lis visiteront particuliere- ment le cap granitique voisin de Valparaiso, oii ma- ( "44 ) damo Graham a fail Ics observalions qu'cllc a pu- bliees. Les relations de I'expcdilion anglo-araericaine de decouverle cxecut^e en i85o, nous ont fail connailie quo Ics plages des Nouvelles-Shelland sonl couvcrlcs de grands blocs erratiques formes dc granile, et par consequent d'une nature diffcirente des aulres roches du pa)s. M. James Eights, naluralislc de I'expddition, n'hesite pas a considerer ccs blocs comme ayanl cle apportes par les glaces dont il s'aglt, el comme ctanl les indices de terres inconnues siluces plus prus du pole que la lerre de Trinity. II sera curieux de verifier la nature de ces blocs, de conslalcr leurs dimensions, leur forme, la nature des sables el des graviers qui les accompagnent, et surlout la maniere dont ils ont (ile apporlos. Cc dernier point de vue a un iiileret tout particulier : parmi les blocs erratiques qui dans nos climats font partie du terrain diluvicn, il y en a , principalcmcnt au voisinage des hautcs chaines dc montagnes, qui sonl enormcs, dont les angles ne sonl point emousses et que Ton s'etonne de voir comme suspendus sur des croupes (^le\ees, el cela a des hau- teurs qui alteignent quelquefois 7 a 800 metres au- dessus des vall(5es adjacentes. On connait des blocs de ce genre qui ont 4oo, 800 et jusqu'a i,4oo metres cubes et qui sc Irouvent incontestablement a des dis- tances de plus de 20 lieues des points dont on pent supposcr qu'ils ont ete originaircincnt detaches. D'a pres ccs caruclcres, beaucoup de gcologues prcsument que le transport de ces masses nc peut avoir eu lieu que par rinlermediaire de glaciers qui auraienl ctt^ mis a flot dans les hautes montagnes voisines et entrai- n6s par a grande erosion diluvienne. Quoi qu'il en ( i45 ) soit de celte opinion, le fait que les Nouvelles-Shel- land paraissent presenter sur une grande ^clielle ne mcrite pas moins un examen spt^cial. Enfin , parmiles fossiles qui pourraient etre trouv^s dans ces parages comme dans tons ceux au reste aux- quels on abordera, on recommande d'une manicre parliculiere de recliercher des trilobites, famille singu- Here de crustaces, dont la perte remonte aux temps les plus recules. On n'en trcv.ve en effet les debris que dans les terrains secondairjs les plus anciens. C'estdans les regions temperees de Th^misphere boreal et principalement dans le nord de I'Europe et de I'A- m^rique septentrionale que ces curieux debris fossiles ont 6t6 observes jusqu'a present, II s'y presente sou- vent par niilliers eniasses dans la nieme couche. Leur decouverte dans les roches de I'hemisphere austral aurait evidemment un grand intdret. Une telle re- cherche mcrite toute I'attention de MM. les natura- listes de I'expedition ; en cas de succes ils auraienten- richi la science d'un fait Ires important. Continuation des Notes additionnelles a la Lettre deM. le Vicomle de Santarem , publiee dans le Bulletin de la Societe de geograpJiie da niois d'octoore i855 , sur les -?'oj«^e^ r/'AMJt.Ric Vespuce , de i5oi et i5o3, adres- sees par Vauteur a la Societe de geographic. Nous avons d(^montr6 dans notre pr^c^dent tra- vail (i) , i" qu'il n'existait pas une seule trace, pas un (i) Voir les Cahiers d'oelobre i835 el du moii de scplembrc i8>6 , et (Ic ftvi-icr 1S37. ( i4G ) seul document dans les ai'chives royales du Portugal , concernanl Vespucc et ses voyages problonialiqucs de i5oi et de i5o3 , malgre ce qu'il raconte lui-meme de rinvitalion que le roi Emmanuel lui aurait faite en lui envovanl dcs lellres palentes. On a \u que I'laslorien Goes.comrae tous les ecrivains porlugais du xvi'^siecle , tous les llaliens conleniporains de revenement, ne prononccnt jamais son nom , et allrlbuent tous a Co- lomb I'honneur de la dccouverle du Nouveau-Monde, Nous avons ddmontr^ avec Navarretc I'incohtirence des relations de ce navigateur qui pretend avoir pendlre avec ses vaisseaux a i65 lieues dans I'inlcirieur du continent, et s'y etre etabli au nom du roi d'Espagne, tandis que le voyage, selon lui, avait 6t6 fait par ordre du loi dc Portugal, el que ses vaisseaux se reduisaient, d'apics lui-meme, aun bateau monte parqualre ou cinq marins. Comment, avec un pareil equipage, eut-il pu faire une travers6e de 3oo lieues, jusqu'a Bahia, et ime autre de 260? Comment le bateau restant dans le dernier port, \ espuce serait-il retourn^ a Lisbonne ? Comment admettre aussl qu'il eut adress(^ des lettres a un roi mort vingt-qualie ans avant le temps ou elles sont censees ecrites? Comment avait-il 6t6 elev6, ainsi qu'il le raconte dans sa dedicace , avec Ren6 de Lorraine , puisque ce prince avait quarante-deux ans a I't^poquc de la naissance de Vespuce? Ses lettres n'ontpu etre adressees non plus niaReni^ II, ni a Lau- rent Pierre de Medicis, mort avant son voyage en Am(5- rique , ni a Laurent II, qui a peine clait ne quand il fut termind. Enfm, nous avons prouv6 , I'histoirc ct la chronolo- gic a la main, qu'il n'y avait pas un soul fait exact, ( '47 ) pas un seul vrai dans les relations des pretendues d6- couvertes altribuees a Vespuce. Nous avons discute , soit avcc des livrcs contempo- rains, soit avec des nianusciits inedits et des docu- ments extraits deniieremeiit des Arcluves, tous les faux jugemenls porles jusqu'a present sur ce navigateur et sur ses voj ages. Nous nous sommes principalement arret(^ sur les publications de Bandini et du Pere Canovai, les deux seuls ecrivains entierement favorables a Vespuce , parmi plus de deux cents que nous avons examines. L'ouvrage de Bandini n'a jamais et6 une autorit^ pour ceux qui doutent de la veracite des relations de Vespuce ou de celles qui lui sont altribuees, car il fut a I'instant meme vigoureusement refute par les savants redacteurs des Memoires de Treuou.v , par Robertson , Napione et par d'autres, et quiconque aura examine celui de Canovai, ne doit non plus ni convertir, ni persuader les geograpbes. Moins discredite , il ne md- rite pourtant pas plus de credit. Vingt bommes emi- nenls par leurs etudes ont signale ses eiTeurs, et mille documents recemraent decouverts sont venus consta- ter I'exactitude de leur critique. On a objecte en faveur de Vespuce, que Colomb avait garde le silence sur ses decouvertes , et qu'on en fit meme un mystere en Espagne, tandis que Vespuce, en publiant la relation de ses voyages , acquit tout de suite une grande celeb rite. Mais outre ce que nous avons dit precedemment , nous ajouterons que les voyages de Colomb n'ont ja- mais eu le caraclere de voyages clandestins ; ses de- couvertes furentconnues de I'Europe a I'instant meme , et surtout des Veniticns et des Roniains. Les lettres de ( i48 ) Colomb furcnt publices avant ccUes attribuccs a Ves- puce, car, en iliijo , Leandro Cosco avail dt^ja traduit en espagnol et public une de ces lelli'es, qui, dans la meme onnee, cut unc dcuxicmc ct troisiomc edi- tion. IM. Ternaux observe Ires bicn (i) qu'on ne Irou- vej'ait peut-etre pas i» celle epoque-la un autre exemple d'un ouvrage reimpiime Irois fois dans la meme an- n6e, ce qui prouvc I'inti^ret general qu'excita des le commencement la d^couverte de Colomb. Dans Tannine suivante, C4barles V^rard , auteur de la conquete de Grenade, parle dcs iles de I'Oc^an In- dien decouvertes par Colomb. Dansl'annee looi, Angelo Trevigiano, secretaire de Domenico Pisani, alors ambassadeur de la ripublique de Venise aupr^s de la cour d'Espagne , ecrivit a Do- menico Malapieri'o, autre noble Venitien , au sujet de ces meracs decouvertes, et ce fut sous la dictee du susdit Trevigiano, qu'AJberto Vercelle de Lisona im- primaa Venise en i5o4, un opuscule devenu trcs rare, ayantpour litre : Libretto di tiitta la iicwigazione del Re di Spagtia colte hole et terre nuovanicnte trovatl (2). Si ces fails neprouvaient pas combienpeu les voyages de Colomb claient ignores, des son relour en Europe, la buUe d'Alexandre YI de i493 sulTuait pour en don- ner un ^clatant lemoignage. Nous lisons dans celle buHc les expressions sui- vantes : Dilccluin -virum Christophonim Coliimbum , vi- luiii utique digiiJini , et pluriinnin commendalum ac tdiito negotio apturn , cum nnvigiis et onenbus ad sinidia I'li- structis , non sine maximis laboribus, et pericidis ac expen- (1) Bibliollit'que america'me. (2) Voyez Bossi. ( i49 ) sis destinatis ut terras firrnas et insulas ramotas , et iiico- gniUis per marc uhi hacteiiiis nat'igatnm non fiterat , dill genter inquireret {\).Qiit tandem^dlvino auxilio, facta extrema diligentia , in niari oceauo navigantes, cerlas ijisidas remotissinins , et etiam terras firmas , quce per alios hacteiuis repertie non fue rant , invenerunt , etc. (2). D'autre part, Colomb avait I'habitude d'envoyer a dirfei'cntes pcrsonnes des copies des lettres qu'll ecri- vait a I'une d'elles (5) , particularite qui doit exclure I'idee du mystc-re dont il avait voulu cntourer ses de- couvertes. Ellcs n'ontdoncpuetre ignoreesderEurope au moment oil elles s'effectiierent, ct on ne peut pas s'appuyer sur le pretendu silence de Colomb pour pre- tendre que Vespuce parla le premier, que ses letlros se repandirent partout , tandis que celles du navigateur genois etaient un secret. Ajoutons que, du vivant de Colomb, on n'a pas ose imposer le nom d'Amerique au Nouveau-Continent, ct que pourtant les leltres de Vespuce furent ecrites avantsa mort, arrivee en 1006. Ce ne fut que I'annee suivante que le pseudonyme llacomylus proposa le nom d'Amerique, ainsi que le presume M. de Humboldt. Cette particularite reclame une s^rieuse attention ; ' nous ne pouvons croire a une telle injustice, unique- ment parce qu'Ilacomylus aurait pu confondi-e les deux navigateurs. II n'est pas presumable qu'un savant de Fribourg, qui entretenait des correspondances avec (i) Cladera. Invest igationes historicas , [>. 27. (2) Cladera n'a donne que la premiere parlie de cet iuiportiint passage, el il le'transcrit en alterant le teste. Ce que nous venons de (ranscrire se Irouve dans le dorument integralemenl produit par Canoelliere , p. 184. Dissert, sopra Cristof. Co!ombo. (3) liuniboldt. Examcn critique, p- ioS, if edition. Note 2. VIII SEPTliMKRIi. 2. 1 1 ( «5() ) llingmann do Bale, el que M. do lliiinbolill croil etrc Ic g^ographo ^^ aid Socniler, auleur d'linc carte ma - I'ine allemande (i); il n'est pas presumable, dis-jo , que le pseudonyme ignorat la r6a]it6 de la d^couverle du iNouveau-Continent par Colomb, d'aulantplus que cello decouverte avail eu lieu quatorze ann^es aupara- vant; il n'est pas presumable enfin , que ce pseudo- nyme ignorat jusqu'a I'existence des leltres de Colomb, dont il y avail dojalrois editions. IlacomUus n'ourait-il eu non plus aucune connaissance de I'ouvrage de Vo- rardi, imprime u Bale on i494> P^r Bergmann do Olpe, lui qui etait en correspondance avec les savants deBale, et s'occupait de geographic, ainsi que le prouve rinfluence qu'il a euo dans la publication de la Cosmographiae inlroUuctin. Or, si nous devons admet- Ire qu'il connaissait le nom de Vespuce qui se trouvait en Espagne, a plus forte raison devait-il connallre ce- lui de Colomb et de tous les navigateurs qui preced^- rent I'annee iSoy, epoque de la publication de la Cosmo^raj)]u(eintro(hictio. Si Vespuce etait aussi sincere qu'on lo presume, pourquoi, otant en rapport par la Lorraine avec Ila- comylus, no s'opposa-t-il pas a ce que ce geograplie appelat le Nouveau-Monde de son nom , au prejudice de la gloire de Colomb son bienfaiteur? On ne peut pas alleguer que Vespuce eiit ignor6 ce qui se passait en Lorraine a son ^gard ; car non sculement une pa- roille allegation ne serait pas logique, mais ce serait nier I'existence de I'Duvrago de la Cosmographia) intro- duction ce serait nior sos rapports avec Ilacomylus. Si < \') Clironolojjie (io ) nvolt sur I'analyse cl lapprc'cialion dcs ancieiis docu- ments et des caracleres des difrerenles epoques. Ou'a-t-il fait pour donncr une prcuve d'aulhenticllo aux documents de la Ricardienne? II avouo lul- memc que des raisons (sans due losquellcs) Vont detennine plulot a relondre ccs lettres qu'a les reim- primer. II les a collalionnecs sur I'edilion de Valori (i) avec Ramusio ct GiuiUini. Mais nous ne pouvons pas comprendre comment Canovai a pu parlcr de Icdltlon de Raccio de Valori, quand cet aulcur elait mortvingt- qualre ans avant la naissance de \ espuce I Ainsi nous venons de voir que Randini avait donne comme nouveau un document imprime et publie ; mainlenant nous voyons que I'aulre panegyriste de \ espuce, au lieu de faire reimprimcr ce document pretendu nouveau, I'a refondu et alterd'. Quel credit, quelle autorile peut-on accorder, nous le repd'tons , a de lels documents? II est done evident que les documents que Canovai produit dans son ouvrage , comme provcnant de la precieuse bibliolheque Ricardienne de Florence, on il se trouvait in vecchio carattere, ne sont pas meme une copie fiddle de ces documents imprimis ! II a meme la naivete d'avouer que , pour etre plus commode aux lecteurs , U avait divise dans les quatre voyages la Icttre a Soderini , ct qu'll a commence de celle de i497 (2), et ainsi de suite. (1) Ce n"est pas rauU'iu- de la vie de Lament de Medicis dont noii> avoiis Iraile. Voyez BuUelin de la Societe de geographie du mois de sep- teinbre iS56. C't'si Ilaccio dc Valori (jui na(iuil en ijjj, el mourut en 1427- Voir Scipion Amiralo. (2) Oapres les docunierils aulhcnliques que nous avoiis ciles page 9S , Cahier de fevrier, nous avons inontre qu'a celle epoquo Vespuce s'oeeu- (lait des fourniUires dcs vaisscaux. ( 'G. ) Non content encore de toutes ce§ alterations , il s'cst permis de substituer les mois d'avril et de juin aux mois de juillet et de septembre. Perdu dans cc lourbillon de contradictions des deux bitres de Vespuce, il n'en sort qu'en dechargeant sa colere centre Herrera, et contre tous ceux qui s'opposent a ses vues el a ses plans. M. de Navarrete a observe lallcrationdcs noms, tant des personnes que despays, lesmemes evenements ap- pliqu«!!S a des voyages et a des ^poques differents, les variantes consid(^rablos qu'on trouve dans ces memes leltres et dans les relations publlecs , les absurdites en cbronologie , en hisloire, en nautique , en astrono- mic , etc. ; tous ces faits contribuent a faire soupcon- ner ces relations de faussete, sinon dans leur entier, du moins dans plusieurs parties. Ainsi, on ne doit pas s'etonncr, dit le savant ecrl- vain, de voir tons ceux qui ont essay<^ de se faire les historiens et les panegyristes de Vespuce, s'egarer et se perdre en deviant du chemin de la verite, etc. Nous ajouterons a ces observations , que personne ne doit se permettre de telles mutilations et dc telles alterations des documents primitifs, et nous remar- querons que ce travail de Canovai fut attaque a Flo- rence meme aussitot qu'il parut. Cette particularile nous est revelee par deux petits pamphlets, I'un pu- blic sous le litre A nnotazioni sincere deW autore dell' elogio prcminto di Amerigo Vespucci per una secunda edizione , et I'autre , Lettcra alio Stanipatoj'c Sig. Pietro AUegrinini a nome deW autore dell' elogio preniiato di Amerigo Vespucci, 25 f«!!vrier 17S9 (i). (») Barlolozzi rOfule vigoureuscment re ['ani]ihlrl dc Canovai. La idu- ( i(i2 ) Dans ce dernier pamphlet siuiout, Canovai monlrc une grande fureur centre ses advcrsaires, cl nolara- ment contrc ceux qui prenda'ano il fresco suIla piazza (li S. Croce , pendant qu'il s'occupait de devorer la Cosmographic de Sebastian Munsler! Les paniplilcls que nous venons de citer nc sonl pas les seiils qui jettcnt beaucoup de lumierc sur los dis- cussions soulcvees a Florence mfime , a I'occasion do r^loge de \'espuce par Canovai ; il en est d'autres que nous citerons (^galement, et comme ils sont peu con- nus, nous ne croyons poinl inutile de les annoncer, d'autant plus qu'ilsfont parlie des productions relatives au travail de Canovai. Sept ann^es apres I'apparilion de I'dloge de Vespuce par Canovai , cet ouvrage avait si peu converli les in- cr^dules, qu'outre les pamphleLs que nous venons de citer , un pseudonyme qui avait pris Ic noin du ina- Ihematicien grec Diophante, d'Alcxandrle, ct que nous croyons etre le nieme Canovai, en publia un autre sous le litre Difesa cV Jvierigo Vespucio. Ce pamphlet est in-12, ct contient quinze pages, il porte la date du 29 fevrier 1796. II est en forme de lettre adressee a I'auteur des reflexions sur I'eloge de Machiavel , ouvrage dedie a Munoz, imprlm<^ i Cesenc , I'annee precedente ( 1795) , cl dans lequel cet auteur avait traite Vespuce d'imposteur (malgre I'apparition du I'ameux eloge de Canovai). Les six premieres pages ne contiennent point un mot pour la delense de V es- puce; celle ilefense est done rcnl'ermee dans les neufau- jtres. Ce petit (icril, quine vautpasmcmela peine d'etre t.-ilion lie eel uiiteur est lre» cuiieuse. Vovez Appiylo^ui dcllc Ricorche istorico ciilicln-. Florence, 17S1J. ( i63) analyse , conlienl neanmoins une prcuvc dc plus de la guerre litteraire qui 6clata a Florence dans les annees 1788 et 1789 sur r^loge de Vespuce. Du reste, celte j'roduclion n'esl remarquablc que par sa confusion , et par le manque complet de prcuves qui puissont I'aire cesser I'incertitude sur la veracite des relations de Vespuce. line vigoureuse et spirituelle refutation de Canovai aparu a Florence en 1 789 sousle titi^e : Ricerche storico- criticlie, etc. L'auteurde cette rf^futation dit pag. 7, qu'a Feloged'Am^ricVespuce, Canovai aajout6 une disserta- tion justificative dans laquelle, voulant defendre ce ce- lebrenavigateur.il altera beaucoup la verite de I'bistoire. 11 ajoute qu'on publia conlre cet ouvrage, sous le titre d'/liinota:ione sincere, un pamphlet auquelon repondit par un autre encore plus indecent intitule : Lettera alio stampatore. « Je voudrais passer sous silence , dit-il , ces deux m^prisables pamphlets, qui deshonorent la litlt^raturc , et dont le second ne fait pas I'apologie de Teducation et du merite littt^raire de I'auteur qui I'a ecrit, et qui n'a pas rougi d'y apposer son nom. » En- fin, Bartolozzi consacre le chapitre XIV de son travail h la refutation de I'ouvrage de Canovai. Nous nous en occupcrons ailleurs. Disons maintenant un mot d'une autre particularity non moins cui'ieuse, k propos de ce qui se passa a Florence au sujet du prix dont les rares partisans dc Canovai, et partant de Vespuce , ont argumente pour justifier ce Florentin, sans nous donner d'autres raisons que celle que Veloge ai'ait remporte le prix. Ceux qui ont cru que le prix fond6 par le comtc do Durfort avait 6te propose au meilleur Eloge de V espuce, sc trompent completcmenl. Les lottres adressecs par ( M ) CO diplomate a I'Academie de Crotonc , los 9.4 et 28 septembrc 1 787 , montrent qu'il ne Icnait en rlon a r^loge de Vespucc. Ce furent seuloment des conside- ralions posterlcures , et lout- a- fait 6trangeres aux intentions dii fondatcur, qui decid^rent cclle Acado- mie a ajouter au sujct propose par M. Durfort, I'eloge de Vespuce. Or, dans son programme , rAcademic elle-meme dit en I'honneur de Colomb, et parlant de \espuce, il quale dopo le gloriose gesta del celehre Colombo, etc. (1). Ainsi cette savante Academie avait elle-meme fait le plus grand eloge de Colomb, tandis que Canovai s'est efforce , autant qu'il I'a pu , de per - suader au public que Vespuce avait le premier d(!!Cou- vert le JNouveau-Continent. Ce plan de Canovai se decele d^s le commencement de son travail sur la vie de Vespuce (2). II signalc les passages de quelquos auteurs, qui prctendirent que rAmerique ctait connuc avant Colomb. 11 n'oublie pas meme Cabot, en disant que celui-ci 6lait de tous celui qui pouvait causer le plus de prejudice a Colomb , sans rellechir qu'en admettanl cela il diminuait 6galement la prditendue gloire de Vespuce, qu'il voulait clever aux depens de celle de Colomb. Cependant, malgre ces cilations , il n'a pas fait preuve de grande Erudition ; il a oublie Erasme Shmid (5), qui pretendait qu'llomere avait connu I'Ameriquc ; il a oublie Adam de Breme et Casselio dans ses observations bisloriqucs de Nai'ign- tione forluita in Americam sceculo XI facta (4) ; il a (i) Moinimenli relativi algindizio prononziato dall' Academia Elrusca di Crolona di un clogio di Amerigo Vcspuccio, Arczzo, 1787. (2) Piig. 120. (3) Fabricius, l)il)li()lli. grace, i. i45. (4) M.igdeburgi, ij^i. ( i65) oubli6 Gottolol) Fritsch dans son ouvrage : Dispidatio historico- geograpJdca in qua qiuKiitiir iifriim veteres Ainencam noverint nee ne? II a oublie, enfin, I'ouvrage de Daniel Victoi' (i) et celui de Tropheo (2). Quoi qu'il en soit, nous le repetons ici, si Colomb jugeait comme Aristote, Marin de Tyr et d'autres anciens Tavaient juge , que les extremites de I'lnde ne devaient pas etre tres ^loign^es des rivages de I'Espagne, celte heureuse erreursur les dimensions du globe, qui futle principal motif de I'entreprise de Colomb, prouve qu'il etait plus savant que les ennemis de sa gloire ne I'ont pense (3). Canovai , qui ne peut s'empeclier de faire dans un autre endroit I'eloge de Colomb (4) , montre la plus grande reserve sur ce qui tient a la decouverte de la terre ferme, pour accorder celle gloire a Vespuce. Et en effet, a la page 182 , il ne dissimule plus. II dit : Qui Vaudace Colombo dovea guingere il prima si pre- tendeua di togliere altrui la speranza di superarlo . Ora e i>a?io ogni sforzo^ e chkinque miro la scoperta del con- tinente come una povera appendice alia scoperta delle Isole, f esse guerra alia verita, senza, offendere per (lueslo la sloria invulnerabile di Ameriso. Autre part I'auteur monlre plus encore ses senti- ments contre Colomb , en parlant de Vespuce... Com- se fossero state aculte alVacuto navigatore Viunilianlc ripulsa , la gelosie , le sventure , e la mercantile ingordi- gia del Colombo (5). (1) Jenae, 1670, inS. (2) Hafriae , 1706 , in-8. 1715. (3) Voyez Malle-Biun. (4) Caiiovai , p, 170 , edition poslli. i!e 1817. (5) Ibid., p. 26i. Vni. SEPTEMBRE. 3. 12 ( ><>fi } Ce pan^gyriste dc N cspuce declare sa surprise dc voir riinportaiice el la colobrile des enneniiset dos ad- vcrsalros dc Vospuce. 11 parailsiutoul s'6lonner do voir figurcr parmi eux Ic savant Tiraboschi , dansl'ouvragc duqucl il dit avoir lrouv6 tout cc qii'on avail ecril con- tre Vespucc (i), assertion qui ne prouve pas non plus r^rudilion de Canovai;n6anmoinsila voulii repondre a Tiraboschi, malgrd la grande moderation de cet auteur, qui voulait au conlraire (comrae il le dit en parlant de Vespuce) trouver des motifs pour le justifier , ct qui I'accuse a peine de peu de sinccrite dans ses rela- tions, pour avoir cache les noms de Hojeda ct dc Jean de la Cosa , ainsi que pour ne designer jamais les noms des ports ou il aborda. Nous allons voir comment Canovai juslifie Vespuce de cette accusation de Tiraboschi. 11 prend un parti fort commode , mais aussi tres dangereux : il aflirmc que Vespuce n'a jamais voyage avec Ilojeda ! II ajoute , comme preuve , qu'il fait mfime abstrac- tion de la difference des caract6res, desinlerets, et de la moralite de ces deux bommes , diCfei'cnce qui ren- drait impossible la reunion d'un savant ( c'esl Ves- puce ) avec un soldal ignorant (c'esl Ilojeda ); cnfin il s'avise d'appeler Tiraboschi copiste eternel de tous les mensonjres ! Malheureusemenl pour Canovai, les documents au- Ihentiques prouvent tout le conlraire de ce qu'il avance. lis prouvent que ce fut avec Hojeda et Jean de la Cosa qu'il fit le seul voyage qui ne soil pas probldmalique , le seul qui ne puisse pas 6tre conteste (2). (i) Canovai, p. 170, i'>ilition poslli., p. 213. (2) V'oycz (locumtnls tie Si-ville el tie Simancas ajiud Nav.irrt>«.f. ( '^iy ) Ces documents , en demonlrant la fausset6 do la supposition de Canovai , renversent tous les arguments dontcet auteurs'efforce d'^tayer son assertion erroncie, et en meme temps tout I'echafaudagedesa dissertation justificative. Bartolozzi lui-meme, dans une parlie de son tra- vail , quoiqu'il ne conniit pas les documents derni^re- raent publics, traite d'irreflechi Canovai pour avoir atlaquc Tiraboschi sur un autre point, et dit que la pr^tendue errcur de Tiraboschi ne subsistepas, que c'est Canovai qui en a commis lui-meme une veritable enreprenantTiraboschi, etqu'en s'efforcant deladtfen- dre , il est tomb^ dans un grand nombre d'autres , ce qui ne lui serait pas arrive s'il eut etudi6 la questioii g^ograpbique avant de blamer I'auteur de I'Histoire de la litterature italienne. Mais Canovai dans son ouvrage adopte une singulifere maniere de faire I'eloge de Vespuce. C'est aux d^pens de tous ceux qui Font precede qu'il semble avoir pris a taclie de I'cxalter, et pour y parvenir il n'epargne ni les injures les plus grossieres , ni les assertions les plus absurdes. Bornons-nous a quelques uncs de ces dernieres, S'agit-il de nous faire croire au passage de la ligne equinoxiale parYespuce, il nous dira : Resto surpreso delta sua inagnaniina audacia lo stesso Vespucio ! Et il oubliera I'audace de ces Portugais qui le prd-cederent, quand Vespuce etait encore en Ilalie, et qui decouvri- rentAnno-bom en 1471 , le Congo en 1484, et enfm Bartholomeo Dias , qui decouvrit le cap Tormentoso Tome III, I'l lis Ciiliiers (In liiilietin de In SocicHu lie geographie de sr()- t.iiilire )85G t-t de ft-vricr 1807. »2. ( •nto e deciso il Fespucio 3). Le nom d'Am^rique proviendrail^ selon lui, d'une eclatanle recompense que Ferdinand -le-Calholique accorda a Vespuce , en ordonnant par des Icttres pa- ?ert/e^que leNouveau-Continent futappel«i de son nom, honorant ainsi lui et le Nouveau-Monde. II ajoutera a toute cette histoire que/a sempUcith del pcusiern a dl6 si agreeable a I'Europe/que la grace accor- d6e par le rol devint presque une loi pour toute celle partie du monde. Si touthomme inslruit dansl'bisloire des docouvertes et dans celle de I'Espagne , sait le conlraire, et n'a ja- mais trouv6 le nom d'Am^riquc dans les historiens principaux de I'Espagne; s'il sait, disjo, que les Es- pagnols ne donn^renl au Nouveau-Continent que les novas di hides- Occidentales , Canovai ne se seucieraguere (i) La lei Ire seule de Pierre Vas Caminlia, au defaut de riiistoire cii- ticre , renverserait toules les assertions de I'aiiteur. Voyez Culiier du moi; de fevrier 1837. (2) Canovai , p. i53. (5) Canovai , p. iSo.nolc i/)?- ( >e Muiidus Novus, et dans la position du cap Saint-Augustin, on lit Caput Sanctce-Crucis. Dans la mappe-monde d'une edition de Ptolcmee de 1 5 1 1 , par Bernardits Sybanus Ebolensis (3) , on voit la partie meridionale duNouveau-Continent d6sign6e par Terra Suiictcv- Cruets. Dans la carte qu'on Irouve dans la premiere edition de Pierre Martyr (i5i 1), on ne voit dans la partie me- ridionale du Nouveau Continent, quele cap Saint-Au- gustin, designe par Caput Sanctoe -Cruets. Dans la belle edition de Ptolem^e de i5i3, publi^e a Strasbourg par Johannes Scotius , on voit dans une carte du Nouveau Continent, dans la partie meridionale seulement, le cap Saint-Auguslin design^ Caput Snncta;- Crucis. La cote y est reconnue jusqu'au 4o'= degre de la- (ij L'anOvai , Eloge de Vesp. , p. 34'>. {1) Voir Notes addition. , Caliier de la Sociele de geographic du mois de fcvrier 18/)- , p. 76. (5) Ewiuplaiie do la Bibliollii(|ue du Uoi. ( '7' ) litude australe, et dans une autre carle qui porle le litre de Terra Novw , on voit du cote de Paria la note sui- vante. « Hcec terra cam adjacentibus insuUs inventa est per « Colunibuin Januensem^ ex maudato regis Castellai. » Dans une preface qui prt^code los nouvelles cartes , on lit que la carte marine qu'on appelle de V Amiral avail ele offerte par le roi de Portugal Ferdinand (i), et par d'autres d'apres la demande de R<^ne de Lorraine. Or, nous remarquerons ici que ces pai'ticularites sont fori curieuses et d'une grande importance dans la discus- sion qui nous occupe. INous voyons que la carle ma- rine etait appelee carte de V Amiral ; ainsi elle fut pri- mitivement dessinee par Colomb, ou par Cabral, mais jamais par Vespuce, car celui-ci n'a pas en ce grade Eminent, II parail liors de doute que la carte ainsi de- signee a 6t6 dessinee soil par I'amiral Colomb , soil par ses ordres , soil d'apr^s ses d<^couverles ; d'autre part on continue a trouver, comme on le voit dans la carte Orhis typus universalis, la parlie meridionale du Nouveau Continent sans la designation d'Amerique, au conlrairc le nom de Sanctce Ca-wc/a, primitivement im- post par Cabral, est toujours employe dans cetle partie du Nouveau Monde. Outre ces particular) les extreme- ment curieuses, nous en signalerons encore une autre, savoir, que Philesius, c'est-a-dire Ringamann, profes- seur a Bale, le correspondant d'llacomylus, a cu une grande part a cetle publication , ou I'amiral CoJomb est designe comme le piemier qui ait decouvert le Nouveau Continent, et oil la parlie meridionale con- serve le nom impose par Cabral. (i) Firdinaiid iluil loi ilT'oimgne, et iion di' rurtii^.il. ( '72 ) P/iiiesii di/igentiani in hoc plurimum cooperntain scias^ cujus Jideli doclaqiie nianii totum quodi'ides opus trans - cr/pttim , secundaria dein ret'isione ejus (jui prestitit sum mis vigilantia cl curis grap/iafum est (i), Dans line autre edition do Ptolemde , impriniee a Strasbourg (i52o) et dedi^e a Charles V, on voil dans une mappe-monde Orbistypus universalis , le Nouveau Continent nit^ridional sans aucune denomination , mais on y remarque le cap Saint-Augustin design^ par Caput Sanctce Crucis , et dans une autre carte qui porta le titre Tabula Tcrrce Aovce , on lit du cot^ de Paria la note suivante : n Hcec terra cum adjacentibus insulis inventa est per « Lolumbuni Januensem , et mandato regis Castellcc. Toutes les cotes y sont reconnues avec loui-s noms. Dans celles du Bresll lous les noms sont portugais, et seulement le cap de Saint-Augustin se trouve design^ par Caput Sanctcb-Crucis. Ainsi done d'aprtss I'examen des carles du Nouveau Continent , qu'on peut appeler anciennes, c'est-a-dire cntre la preml(!;rc de loules ces cartes et celle d'une mappe-monde d'Appianus de 1620 (3), ou se trouve pour la premiere fois le nom d'Aradriquc, on remarque tout le conlraire de ce que croyalt Canovai, et on y volt constamment conservee la denomination primitive imposce par Cabral , et du cote dc Paria la note qui constate la decouvcrte de Colomb, sans qu'il soit nullement question ni du nom d'Am6- rique, ni de Vespuce, dans les cartes pr^citees. N6an- moins ces cartes ne doivent pas etre les seules consi- ddrees corame anciennes d'apres I'expresslon de (1) On ptul voir raj)ol()gie de celle eiiition de Ftoldmee en Raidel Cvmmentatio eritico UtUraria de Claudii Ptolemci geosrapliia . {■>) Dans le Solin de Ciimcrs. ( '75 ) Ganovai, mais encore toutes celles anl^rleures a la tra- duction de la Cosmograp/iia de Munster de i55o, car le point de depart de ses raisonnements c'est Touvrage precite. D'apr^s cela nous citerons encore d'autres cartes, qu'on peut classer comme anciennes, qui nous oftront de nouvclles preuves de ce que nous avons demonlre plus haut. Dans Vlsohirio de Bordone, imprime a Venise en 1628 , on reraarque une carte d'une partie septentrio- nale duNouveau-Continenl ct on y lit la note suivanle* Parte del strecto del nioiido /uiocn , et il ajoutc dans le texte que ces iles fiirent decouvertes par les Espagnols et par les Portiigais, et a la page 1 o, parlant de la partie meridionale , il I'appelle du nom impose par Cabral , Terra di Santa C/vce uiver Mundo I\iioi'o (1). Dans une seconde t^dition du meme ouvrage, impri- mee ^ Venise en i53d , on trouve une raappe-mo nde, etonyvoitla partie meridionale du Nouveau Continent d^sign6e par Mondo Nuovn , et on I'emarque dans lo meme volume une autre mappe-monde de I'annde pre- c6dente (i53-2). Dans cette carte, la partie meridionale du Nouveau-Continenty est designee par Terra Santce- Criicis , SW6 Mundus ISoi'us (2), Dans la mappe-monde de I'edition de cet ouvrage de 1547, noustrouvons encore la meme partie meridionale du Nouveau-Continent di^signee par Mondo Nnovoio). Nous nous permettons de faire ici une observation que nous croyons pouvoir interesser dans cette discus- (1) Excmplaire de la Bibliotheque del'Institiit. {■?.) Eii'Uion de la Bibliollieque du loi. (5) Nous devons la cotnmuniealion de calte edition a noire savant ami '■et confrtre M. Jomard. ( 1/4 ) sion, savoir, que rautoril6 de cet ouvragc estd'autanl plus iraportanlo que les dtinominations dcs lextes el des cartes de Bordone ajoutcnt encore aux preuves precedentes produites dans le cours de notre travai), centre les pretentions des panegyristes de Vespuce; car Bordone etailconlemporain de Vespuce (i),et 6tail aussi Italien, el Ir^s instruit sur les voyages, sur la geographie et sur les d^couvertes, et il acquit plus de c<^lc4nite par I'ouvrage en question , que par ses recueils de traductions lalines des dialogues de Lucien, el par sa description de Vllalie, Dans r^dilion de Mela de Vadianus, de Bale (2), on remarque une carle de iSao , oil on lit dans la partie meridionale du Nouveau-Conlinent la note suivanle : Anno 1497 /'«'<^' terra cum adjacentibus insidis in- venta est per Columbum Janiiensein , ex mandate regis CastcUce. Dans une edition de Mela, de i54o, on lit dans la position du cap Saint-Augustin, Caput Sanctce-Crucig- Dans une autre edition de Mela de 1572, publide a Paris, on remarque une carle du Nouveau-Monde , et dans la partie meridionale on lit : Noms Orbis. Dans cette rafime partie, outre la denomination de America sive Novi Orbis pars , on lit encore dans la partie por- lugaise le mot Brasilia. Dans une carte gravee vers 1062 , on voit la partie meridionale du Nouveau Contment d^sign^c par Pm/- i'iana{?)). Dans une autre, gravee vers i6G5, par Paulo Forlani Veronese , on voit le Nouveau Continent sans la designation d'Am^rique (4). (1) Bordone naquil dans le x\* siecle, et mouruteii i55i. (2) Bibliolheque de M. JomarH. (5) Depaitemenl des carles geo[;rai)liiques a la Bibliolheque dtjUoi Ci) J bid. ( 175 ) Dans une mappe-monde d'un atlas dont les cartes !5ur v6lin sont dessinees et enluminees en iSfiy, le Nouveau Continent n'est pas d^slgn^ par le nom d'A- merique , et la partie poitugaise Test par le nom de Br(5sil (i). On voit done, d'apris ce que tious venons d'obser- Ver, dans quelles erreurs est tombe Canovai en ce qui concerne les cartes anciennes du Nouveau Continent, qu'il n'a pas examinees. Passons maintenant a une autre erreur de ce pan^gyriste de Vespiice. Cet auteur afiirme que dans presque tons les Ptolemees publics depuis i5i 1 jusqu'a iSgo, on trouve la carte delle nuove terre col Bresile chiamato America (2). Or cette assertion du pfere Canovai est 6galement inexacte. Vingt-cinq editions de Ptol^mee que nous avons consultees , depuis celle de i5ii jusqu'a celle de i584 (3), fournissent la preuve ducontraire. Ces (i) Dans la bibliolheque de M. Ternaux. (2) Elogio , pag. 347. (3) ^ous indiquerons rapideme.nt dans celte note la serie chrouologique de ces Ptolemees d6s iSii. i5ii. Ptol6mee de ZJernarfifus 5y/»an»i. i5i3. Edit, de Strasbourg de iSco^u*. i5i4. — de Nuremberg { sans cartes). i52o. — sans cartes. iSaj. Plolemee , oil Ton trouve pour la premiere fois dans une carle le nom d'Amerique. i534- Edit, de Nuremberg. iSaj. — de Paris. 1 528. — de Venise. 1 555. — avec le texte grec (irecede d'une preface d'Erasme ( sans cartes). i555. — de Belibaldi, Pirchaetncri. i638. - de B51e. lu-fol. i54o. — in-i2 de Cologne ( sans cartes ). i54i. — de Villnnovano. ( '76) Plol^nnies, les uns n'onl que \g loxle groc sans carles geographiquos, d'aulres ont simplement les carles du monde tel qu'on le connaissait au temps du grand geographe ; les auties, enfin , el c'cst le plus grand nombre, contiennent des cartes nouvclles. Ce sont ces dernic^res qui d^mentont , comme nous venons de le dire,rassertion de Canovai. Telle est, outre celles que nous avons citees plus haul, I'edition publico a Vcnisc in-8, par Matliolo ( 1 548) . Dans I'une des carles de cetle edition, le Nouveau-Continenl inerldional est design^ sousle litre de Terra ]\oi>a. Dans la partieportugaise,on lit seulement Bresi/. Dans les deux autres carles, ou I'on rcmarque le Nouveau- Monde, cetle partie de la terre est dc^sign^e par Terra Nora. Dans le Plolem(^e de Ruscelli, de i56i, la partie m^ridionale du Nouveau Continent est d^sign^e par Teira No\'a, Dans celui de Malombra, de iSyS, la partie meridionale du Nouveau- Continent est designee sous le memo nom que danslc precedent. Ainsi done vingt-deux Plol^m^es prouvent le contraire de I'assertion de Canovai. Examinons maintenant les editions dans les carles desquelles on trouve le nom d'Amerique impost au Nouveau Continent , savoir celles de i522, i54i ct j545. Edit. ( une autre ). i546. : — de Paris. In-i". Texte grcc ( san? carlfis ). i548. — Iraduciion italienne par Mattiolo. In-8o avec cartes. 1 552. — (le Biile avec ties cartes. iSSg. Ptolemee (sans carles ). i56i. Ploletnee de Ruscelli (Venise). 1 568. Autre edition de Venise. I. '174. Autre edition. iSjS. Edit, de Venise avec des carles. i58a. — de Bale, i584. — (ie Mercator. ( '77 ) i552. Nous fei'ons remarquer d'abord que ces cartes elles-memes ne sont pas entlerement favorables aux pan^gyristes de Vespuce. Dansle Ptolemde de i54i de Villanovano , on voit le INouveau-Conlinent indiqud dans la Tabula TerrcE No^'a'. Colonib y est d^sign^ comme celui qui a decouvert le premier la Terre-Ferme; on y lit de cote du Paria la note suivante : Hcec terra cum adjacentibus insidis itwenta est per Cohimbiim Ja- nuensem ex mandato regis Castellce; et dans le centre on lit Terra nova. La seule note ou il soit question de Vespuce est la suivante : Toto itaque , quod aiunt , aberrant ccelo , qui hanc continentem Aniericam nun- cupari contendunt , cum Americas multo post Colum- hum eamdeni terram adierit. Dans celui de iSSa imprime a Bale, nous remar- quons la partie meridionale avec le nom d' America; mais ce nom y est ajoute a d'autres, de maniere que ia carte 26 nous prouve la confusion et I'incertitude qui existait sur ce nom. On y lit dans la partie meri- dionale : Insula Atlantica , quam vocant Brasilii et Aniericam ! D'apres ce que nous venons d'observer, il ne reste point le moindre doute surl'inexaclitude des assertions de Canovai , qui n'a nullement connu ni etudie les cartes anciennes. La fameuse mappe-monde qu'on trouve dans le So- lin de Gamers de iSao, oflre , il est vrai, dans le titre ces mots : Typus orbis uiu^>ersalis , juxta Ptolomcci Cosmographi traditionem, et Americi Vesputii, aliorum- qne lustrationes a Petro Appiano elaborata. yl. D. i52o; mais la note qu'on lit dans la carte de Isl partie meridionale est touta-fait contraire aux assertions ox- clusives de Canovai, ctaux pretentions dcspanegyrisles ( '78 ) de Vcspuce. Voici cette note : ylnno 1497 lt<^c Terra cum adjacctitibus insulis inventa est per Colitmbian Ja~ nuensem ex mandato regis CasteUce, et plus bas Jme- rica Provincia. Les cartes qu'on trouve dans les difTerentes editions de la Cnsmo^rap/iie de Munster ne sent pas aussi fa vorables aux pretentions de Canovai, qu'il a voulu nous le {'aire croire. Dans ces cartes on ne trouve non plus aucune de- nomination arrel^e etuniforme, appliquecauNouveau Continent. Dans la inappe-monde de I'edilion allemande do i544. on lit dans la partie meridionale du Nouveau- Continent : Jinerica sive Insula Brasilii, et dans une autre carte de la partie meridionale du IN ouveau- Conti- nent on \oit la note suivantc : Insula Atlantica quaui. vacant Brasilii et Americani. On lit la mfime ddnomi- nation dans une autre carte de I'edition de i552 qui porte le titrc de Table des lies Neuves. Dans la Cosmographie de Belleforest de xb-jb, dans la carte du Nouveau-Monde, la partie septenlrionalc est designee par Ametica sive India Nova , et on y lit la note suivanle : Anno i4<)2 a Christnpharo Columbo nomine regis Castelloi detecta,idiX\d\s, que dans la partie meridionale on n'y voit pas le nom d'Amerique, mais celui de Bresil. Dans la mappc- monde du Tkeatruin orbis lerraruni du savant Ortelius (1570), on remarque la partie sep- tentrionale du Nouveau-Continentd(isigneepar Ameri- ca sive India Nova, tandis qu'on ne lit pas cetle denomi- nation dans la partie meridionale. Dansceltc parlie, les possessions portugaises sont designees par le nom de Bresil. 1-a carle de cc continent qu'on trouve dans le ( '79 ) meme ouvrage n'a aucune denomination ; on y lit sur les possessions portugaises la note suivante : Brasilia a Lusitanis, anno i5o4 inventa (i). Au surplus I'opi- nion du savant geographe n'est pas favorable aux pre- tentions des pan^gyristes de VesjDuce. Nous nous hor- nerons a transcrire le passage suivant : Totum hoc he- mispheriiun ( quod America , atque ob imtnensam suam amplitudineni Novus Orbis liodie f^ocatur) veteribus in- cognitum mansisse usque ad annum 1492, quo primum a Christopho Columbo Januense detectum fait,humanoe, ad- mirationis modum excedere videtur. Dans la Cosmographie de Thevet, imprim^e a Paris en 1675, on voit une carte du Nouveau Continent sans autre dc^signation que celle de Terre-Neui>e appliqu(!!e a la partie septentrionale. Dans les cartes d'une autre edition d'Ortclius de i584, le Nouveau Continent dans la partie meridio- nale n'est pas d^signe par le nom d' Amerique. Dans le Miroir du monde , publie a Anvers en 1.584 . on trouve une carte du Nouveau Continent gravee en I'annee 1574. Dans celte carte, on ne voit pas le nom d'Amerique, et on y lit une note qui constate la prio- rite de la decouverte par Colomb , I'ann^e 1492. De ce long examen fait sur un grand nombre de cartes anciennes du Nouveau-Continent, resultentdonc, ce nous scmble , les faits suivants : 1° La priorite de la decouverte du Nouveau-Conti- nent, c'csl-a-dlre meme de la terre ferme, par I'amiral Colomb, est signalee invariablement dans les carles geograpliiques jusqu'a I'annee iSso. 2° Durant la meme p^riode, la partie meridionale , (r) Celtc dale ii'i'sl pas exaclc : on ilovail dli-e , i 5oo ( 'So ) ct nolammcnt le Bresil , sont egalement d(isign6s dans les carles geographiques par Term Sanctce Criuis, nom primitivcmcnt impost a celte parlie du globe par Ta- miral portugais C4abral(i). Ces deux particularil^s se trouvent encore conser- vees dans les cartes geographiques du xvi'' siecle , et plus gen^ralemcnt admises que d'aulres denomina- tions qu'une bonne critique ne pent pas reconnailre, car les decouvertes de Colomb ct de Cabral etaient inconteslables , landis que la designation platonique d'Insula Atlnntica des cartes de Munster, et d'lttfiila BrasiUca, n'elait que la continuation des erreurs geo- graphiques de I'antiquiie et du moyen-age , et celle d'Am^rique une veritable usurpation. (i) Dans le tome 111 ilm Mimoires pour servlr a I'liistoire des Nations d'oittre-mer , publies par I'Academie royale des sciences de Lisbonnc , on Irouve une loiigiie notice sur le Bresil , plus im|)orlanlc, scion nous, que celle de Miigalliiies Gandavo, ayant etc egalement or rite a la uit'me 6pnque que Magaliiaes composa son Ilistoire dc la province de Santa- Cruz. Ce travail fut dedie a dou Cliristovao de Moura, conseiller d'l^tat, iSSg. L'autcur avail reside au Bresil dixsepl ans. Conuiie Gandavo , il consacra le premier chapilre a la decouveite de celle j)artie du Nouveau- Monde, et il nous dit que ce fut Cabral qui la decouvril le a5 avril i5oo, etque ce vaste paysfulnomme plusieurs aniiees province de Santa-Cruz. 11 ne dit pas un seul mol de Vespuce; il nous dit au contraire qu'apres Gabral, Gon^alo Coellio y fut envoye avec trois caravelles pour decouvrir et reconnailre les cotes. 11 aflirme que ce capitaine longea ces cOtes pendant plusieurs mois, clierclianl les ports, et faisant des demarcations. L'auleur ajoute que Coellio tiprouva de grandes souffrances , et courut de grands dangers par suite du pen d'experience el du manque d'informa- lionsoii Ton elait alors relalivement a la direction des coles et des vents pour pouvoir bien diriger la navigation. Or, il n'est nullement croya- ble que les pretenducs decouvertes de Vespuce et ses veriGcalions fus- sent inconnues alors a l'auleur, qui consacra une parlie de sa vie a I'etude de ce pays et de sa decouverte , et qui vivant du temps dc Coellio , aurait pu avoir vu I'ouvrage de ce capitaine , el le rapport de sou voyage ; car il c.-t de tous les liistoriens du xvi« siecle celui qui nous duiine Us nolions les plus dclaillecs sur son voyage. { '8i ) 5" Apr6s la carte qu'on ti'ouve dans le Solin de Gamers, de i52o, ou Ion voit pour la p^emi^re fois le nom di! Amerique impose au INouveau-Continent, ce nom ne se trouve jamais, dans Ics cartes, employe comme une denomination indubitablement arretee et generalement admise dans la cartographic ; car , meme dans les cartes ou on la remarque, elle est toujours mise en rapport avec d'aulres, comme avec celles A' Insula Atlantica , Brasilia., Terra ]\oi>a, Pennnana, India Nova, etc. , et presque toujours on lit en meme temps dans ces memos cartes, sans en exceptermeme la carte du Solin de Gamers, la note qui designe Go- lomb comme celui qui le px^emicr a decouvert le Nou- veau Gontinent. Telle a el6 la grande lulte de la \6rile contre I'usur- pationj telle a 616 I'h^sitation de ceux qui, tantot par partialite, tantot par ignorance, Iravaillaient pour ravir au grand navigaleur la gloire immortelle qu'il a attach^e a son nom! Ganovai, ne pouvant se dissimuler la faiblesse de ses arguments, cherche enfin a nous persuader que Golomb etait le navigatear iVIsabelle, et que Vespuce etait le navigateur de Ferdinand ! G'est-a-dire que Go- lomb, protege par la reine, 6tait detesle par le roi , tandis que Vespuce etait I'homme du roi ! Mais cette supposition suffirait seule pour nous prouvcr I'aveugle- ment dece panegyriste de Vespuce (i). Si Vespuce etait I'homme du roi, qui I'employait dans dos navigations pour son compte et a I'insu de la reine, comme Gano- (i) L'epilaphe que Ferdinand a fail f;iirc [lOur le tonibeau de Colonib (dil Tautpur de I'ecrit intitule Patria di Colombo ) sufGt pour justiGer la conduile de Ferdinand envers ce grand iionime. Voyez Cunccllieii , Dis- terlazioni, p, 1 14. VUI, SEPTEMBRE. 4- l3 ( '8^« ) vai le prd'lend, comment, un an apres la niorl de fa reinc, qui out lieu en i5o4, \ espuce so trouva-l-il r'^duit a avoir Lesoin de la recommandalion de Co- lomb, parcc qu'il elait malheureux? Canovai, pour soutenir cette supposition , so jierd encore dans un labyrinthe do contradictions. 11 nous dit que Ics Cas- tillatis seals avaient le droit d'aller en Ameriqiie , et il ne remarque pas que Colomb ct Vespuce n'6taient pas Castillans et que Jean de la Cosa elait Biscajen! Si les Caslillans souls pouvaienl otrc employes dans ces na- vigations , comment la roinc employait-ollc Colomb ? Comment Ferdinand lui-memo, qui, dans cette Inpo- th^se, n'avait pas memo le droit d'y employer ses pro- pres sujets, pouvait-il employer Vespuce? Pour sorlir doncde ce labyrinthe, Canovai suppose I'existenee d'in- structions secretes donn(!;es par Ferdinand a Vespuce, et dont I'une des dispositions (i^sai A' eviter tout bruit , fnute publicite , et ogiii pompa , di nan imporrc nicun name alle terre che discoprisse ; mais il oublie que ce passage, ou plutot cette singuliere supposition est en contra- diction manifesto avec cello qu'il a precedommont soutenue de pretendues leltres patontos de Ferdinand en favour de Vespuce, imposant le nom d'Amerique au Nouveau Continent pour honorer V espuce , et par une nouvelle contradiction il accuse ici Colomb d'avoir impose des noms aux terres qu'il decouvrait (i)! Mais les contradictions ne coutenl rien a Canovai. S'il nous signale ici le caraclfero faiblc do ce roi, qui employait Vespuce en cachetto, il nous dira tout lo conlraire quand cela lui conviendra. II nous diia que (i) CaiiDVJii , p. a56. (2) Id., i-. agi. ( i83 ) Ferdinand avail unc volonldi absolue ct despoliquc, ct qu'il ne laisait aucun cas des inhibiturias delT in- sof'ferente Colombo (i ). Et blentol il oubliera aussi cette assertion pour lomber dans une autre contradiction encore, savoir, que / notl prii'ilegj del Colombo por- talent prohibition expresse contre tout ce qui aurait pu porter atteinte aux decouvertes <:/fyVt ). Autre part il nous faitvoirl'anachronismc oul'auteur de I'Eloge est lomhe surle voyage altribue a Vespuce en i497 (4)' Uprouve que Canovai ne connaissait pas les cartes gcographiqucs anciennes ; mais tout en faisant preuve lui-meme de connaissances plus ^tendues sur cette parlic, que celles de I'auteur de I'Eloge (5), il laisse voir a son tour qu'il n'a pas connu non plus les premieres cartes du com- mencement du xvi' siecle. Bartolozzi enlin dtimontre les erreurs que Canovai a commises dans les calculs de longitude et aulres, et prouve qu'il n'a pas meme compris ceux de Vespuce. D'apres ce que nous venons d'exposer, il n'est pas etonnant que cette production de Canovai en faveur de Vespuce n'ait point fait la rnoindre impression sur les auteurs qui 6crivirent sur ce Florcnlin depuis (i) Bartolozzi , p. 90. (a) Ibid. (3) Voycz le mCme ouvrage jusqii'a l.i [la^c 100. (4) Id. , p. 96 et 97. (5) Parlolozzi, p. 102 et suivanlcs, oii il discule cette m.'ilieie, el revHe lis erreur? de Vespuce, de Minister et de Ciiiiovai. ( >«'3 ) 1788 , et qu'eile n'ait point modifie los opinions dc Camus, de Fleurieu, de Peucliet, de Munoz, dcMalte- Brun, dii savant Cancellieri (1) , de Bossi, de Lanzi , de Mariano Llorente (2), ni d'un grand nombre d'aulres dont nous citons les passages dans cos notes, ni celle du laborieux auleur de la Bibliotheque bistorique , Meusel , qui en parlant des ouvrages relatifs a Colomb, nous dit: » Licet Cbristopbori Colombi navigatio et ex- »pedilio novae partis orbis terrarum inveniendi; causa »instituta, testes babuerit permullos, nee dubilandum » fucrit, ilium non solum insulas, sed etiam terram Ame- »ricse continen4,em vidisse ; tamen nequitia et teineiitate •DJere uiaudila Americi Kespntii gloria hujus facinoris illi itpcene ademptce, certe duhia reddita J'ult . » Hanc igitur glorlam Columbo, post alios qui obiter » idem egerunt, vendicare fellci ausu Tosius sluduit.-> Le meme auteur en citant des Merits de Vespuce, et pai'lant de I'ouvrage de Bandini, nous dit (5) : « Ves- » putium, dum narrat se jam an. 1/197 Americee terram » continentem vidisse, impudentem menlitum luisse, » immo potius ilium demum anno 1/198, in navigatione » tertia , American continentem attigisse. Quid ? quod (1) Ce savant, doue d'line remarquable eiudilion , appelle I'Elo^e de Vesj)uce par Canovai , Ingcnioslssiino , el iroiiiqiiement il declare se Tapproprier pour Golomb. On pcut voir le ton ironique de Cancellieri en difierenls passages de I'ouvage cilc , el nolamnii nt a la paf;e 25 7. (2) Mariano Llorente Saggio Apologelico , dcgli slorlci c conr/uistalori Spagnuoli dell' America; refutation jvuhliee a Florence en 179G , et a Naples dans la mcine annec, (3j Menzelj Bibliolhcca hislorica, tome III, pag. 260, 2G4. L'au- leur en cilant I'ouvi-age de Bandini en fuveur de Vesjjuce, apres avoir dit que celte production n'est qu'une apologie, termine par ces mots : lluam (amen operam irrilam esse demonstraritnt Tosius ct Tiraboschius inodo commeri'oraii. ( «86 ) a jam in secunda a i/|<)5 viclisso, licot lam non calcasse » (Pariam nompe) a pluribus contra ^os|)utii faulorcs » ac defcnsorcs probalum est. » En ofTet, comment une production oii le paradoxe, la partiality et I'erreur se ronconlrent a cliaque in- stant, pourrait-elle convaincre el persuader ( i ) ? 11 reslc done demontr6 qucles documents produits par Canovai , loin de pouvoir 6tre consideres comme ayantdt^ r(';cemment publics, le sont depuis quarantc- sepl ansel qu'ilsont au contraire el6 muliles ou altdr^s par cc panc^gyriste de Vcspuce pour etaycr une oeuvre donl les critiques, les savants et lous ceux qui s'occu- pent aujoui'd'hui avec tant de succes des Eludes geo- graphiques peuvent appr^cier la valeur; il resle egale- mentd^montr^queles documents les plus auShcntiques et les pluspr^cieux sur ces malirres sont ceux dernie- remenl publii^s, provenant des Archives de Seville et de celles de Simancas (2), documents d'une tout autre importance que ceux qu'on availconnus jusqu'a present. Nous terminonsces notes en declarant que plus nous ^tudions celtc matiere , plus nous Irouvons de motifs elde raisons solides pour persister dans nos opinions et dans les conclusions que nous avons d^duilcs de toutc cctte discussion, et que viennenl confirmer les documents autlientiqucs les plus r^cemment publics. (i) Canovai tiait Jfja connii [/ai- ses parndoxes i-l par son esprit i!e conlroverse avant mi'ine la pviblication de l'Eiot;e di' Vespuce , roinnie on peul s'cn assurer par sa quercUe au sujct du tliealrc des Grecs. Voir le 7« volume de I'ouvrage de Saverio Mattel de I'edilion de Naples, p. 216 ; on lui rrproche Tcxagerdtion , et d'avoir confondu les mimiques avec les philosophes, les comediens avec les Iragiques, et de ne pas connailre la legislation des Grecs et des Iloniains sur le* mimiques. (2) Voye/. Navarrete , lome III , et Bdlietin de la Sotitilc de geojjra- j)hic du moisde fevrier 1837 , p. 98 et gij. ( '87 ) Tableau clc la population de la Norwcge pendant I'annc'c 1 835, (iapres le recenseniciit ofjiciel. (Communique par M. de la Roquelle, consul de France en Norwege.) BAILLAGES. \OJIS tvi rOrOLATION. Agcrsliiius. I'opul. 94,832. Sm.i le'.inene. Popiil. 65,290. Kfdemaikcii. Popul. 79,7'28. Christian. I'upul. 95,C77. fJuskerud. Poj)ul. 76,786. Jarlsljer^ el Laurvig. Popul. 36,759. Bralsberg. Popul. 67,793. Nedenres ct Raabyg- dolaget. Popul. 47,584. VILLESET PLACES. NOMS. r-liri.slianra. Diol)ak. Holeu. Suon. Moss. Frt'ilerikslnd. [■"reJuriksliahl I.illehammcr. Drammen. Kongsberg. Holmeslrand. AasgaaJstrand. Tonsljerg. Sandeftord. Laurvig. Skien. Porsgruud. Brevig. Stallielle. LangosunJ. Osehakken. K.raget6e. Oiterriisocr. Tvedestrand. Arendal [b). (irimstad. Liliesand. PopuljtioD. 23,12 I i,3i4 17 392 3,277 2,4o5 4,921 7,25o 3,540 i,56i i'970 703 3,4 1 3 2,625 1,572 1,167 238 528 646 i,6i6 1,846 338 1,962 623 491 DISTRICTS RURAUX DIVISES EN FOGIIF.RIE ('((V Notts UES FocDBnIB. Agcr el Follong. NedVe-Romnier, Ovrc-Rommeiigf RuKkeslad. fde et Marker. Moss. SoltierelOndalen Osterdalen. HcJomarken. Toten. GuldhrantJalen. Valder. Rlngerige etHal- lingdal. Niiinmedal et SaiidsvcEP. |P)U.skeiiid. Popul.rion. Jarlsherg. Laurvig. Nedre-Tellemar- ken. Ovre-Telleraar- keii. Nedenoes. Raaljygdelaget. 23,393 21,602 24,832 2i,85i, 1 1,407 2 1,42 1 3o,74J 19,146 29/839 29,190 30,764 34,969 24,000 11,999 29>997 32,38o 16,341 35,538 23,863 28,5s i3,743 (ol LfsF(igrferiesonlli'8.irron'app<-lk Fogil, n esl e[i menie limps chargB clc siiivrc 1 ixeculiou des jugfiueiils tt de la pt)licr ruralc. ((>) On ponnail ppul rlrc aiouler a Aiclidal. Noi'daior. Oikc.t Guldal. Slriiuk'tlSn'lljOf Foseu. Siorei Verdal. Iiidei'oen. Nummcdal. Helgclaud. Sal ten. Vesteraalen Lofoden. 127,795 Populalion. et SenjenetTromsoe Vesl-Fininarkoii Ost-I'iiiiiiaikeii. ig,o 1 3 24,5a4 25,974 35,409 45,204 4 0,3 J 1 33,o34 37,742 27,178 iP.9'' 25,045 29,611 1 7.075 20,590 26,141 19,20s 14,443 27,695 18,844 11,985 2 5,3oi 2,845 1,067,01 ' Total de la population de la Nonvpge en t835 1,194,812 D'apres le recensenient de 1825, la populalion etait de i,o5i,3i8 Augmentation de la populalion de la ^^I^vege , de [825 a 1 835. 143,494 ( '89) VOYAGE DE LA FRicATE la VeilUS. La frigate la Venus , command^e parM. le capitaine de vaisseau Dupetit-Thouars, est arrivee a Valparaiso le 26 avril, venant de Piio-Janeiro qu'clle avail qulttd le 16 fevrier. Colte fregate, dont la mission speciale eiit de proleger la peche de la baleine, devait d'abord visi- ter la partie orientale de la terre des Etats, ou Ton pre- sumait que le navire la Noiwelle-Amevique avait pu se perdre. Le 1 1 fevrier, la Venus etait en vue de la cote 0. de celte ile, qu'on aperccvait du bord a travers la bi'ume, lorsqu'iin coup de vent Ten eloignaforcement; le 12, le vent ay ant tourne, la frigate fit route vers le port du Nouvel-An, etparvenue a un ou deuxmilles de terre, elleniit en panne. M. Dupetit-Thouars fit alors tirerun coup de canon pour altirer I'attcntion des nau- fragt^s qui auraient pu se trouvcr dans cette parlie de File , et pi'olongeant cnsuite la terre a petite distance par Test, jusque sur la cote mdsridionale , il manifesta encore la presence de la fregate de ce cole par un se- cond coup de canon. Pendant toule cette navigation, on dislinguait tr^s bien du bord tous les objels sur le rivage , mais aucun indice de feu, de fumee , de signaux, de debris ne fut apercu , et Ton doit en conclure que si le navire la ISouveUt-Anievique a r^ellement peri sur ce point, ce qui parait fortdouteux, la partie de I'liquipage parve- nue a se sauver aura ^16 recueillie par quelques balei- niers. Quant h la Terre-de-Feu, que frequentent tous Ics ans les pecheurs de loops niarins, il est probable que si le naufrage avait eu lieu sur ses cotes, I'equipage de la IS om>elle-J merique aurait ete promptement re- trouve et secouru. Le temps etait Ires beau quand la Venus so Irouvait ( '1)0 ) clans ces parages. CcUe circonstance a ^te mise a profit pour determiner la longitude et la latitude de la poinle orientale de I'ile et pour fairs la reconnaissance ddlail- l6e de la cote. De frequents coups de vent, dcs cahnes, des brumes et des vents contraires ont accompagne la fregatc jusque sur le point ou so trouverait i'ile de Chris- tian , si celtc ilc cxislail , et M. Duj)clit-Th()uars a tente de rcconnaitrc cclte ile ; mais les recherchcs lentes el penihles auxquelles il s'est livre dans ce but n'ont pas eu deresullat. L'equipage de la Venus a peusouffertdu IVoid dans sa travers6e , et les hommes qui le compo- sent, quoique fatigues par une navigation penible, sont en bonne sant(i. La Venus etaitle oimai surla,rade de Callao. M. Du- pelit-Tliouars allait partir pour se porter sur Payta, et de I-i a la rencontre des balciniers francais. Au Callao , les ofliciers de la fregate se sont occupies a le\cr le plan de la rade et a perfectionner par de nouvclles observa- tions les carles de celle parlie de la cote , ils ont en- suite determine la position des roches Ilermigas. De semblables travaux avaient ddja signals leur s^jour a Valparaiso. M. Dupetil-Tliouars s'est rendu le 27 a Lima pour vi- siter le general Santa-Cruz, protectcur de la federation P^ru-Bolivienne , qui montre pour les Francais beau- coup de bienvcillanceel une grande veneration pour le roi. Le general , a son tour, a visile le 00 la frigate la Venus. II a paru Ires salisfait de la reception qui lui a €te faite. AFRIQUE OCCIDENTALE. Teddah , roi du pays de Bolobo , n'ayant jamais vu un blanc , voulut rendrc une visile a M. A\ ilson pour satisfairc sa curiosilc; il fut si enchanl6, qu'il ne con- I '9' J seiilit a parlir que lorsqu'il en regut la promesse qu'il vicndralt le voir a son tour. L'arrivt^e do ce mission- naire americain a Boloho fut signal(^e par le tambour et une decharge de mousquet. hay est la residence de Teddah; ce pays a pres de 45 milles de circonfercnce et une population de 2,600 a 5,000 individus; celle de la ville, qui est palissad^e, est dc 5oo. Le peujilc y est decidement plus simple que celui dos cotes voisines. L'esclavage regne aussi a Bo~ lobo, quelquesunssontanthropophages.Quand on leur demande s'ils ne pensent pas qu'ils font mal en cap- turantetvendantleurs semblables, ilsrepondent: Non, non; aucun blanc ne leur a dit que c'etait mal, et si cela etait, pourquoiles blancs leur avaient-ilsconseill6 de le faire ? {Colonisalioii-Hcmld ^ ]5 juillet )857). Liberia. La traite se continue avcc une nouvelle vi- gueur. A Galenas on emploie d'autres moyens pour se procurer des esclavcs. L'acheteur accordc a credit des marchandises jusqu'a la valeur des esclaves qu'il a achetes, c'est-a-dire que celui qui en vend deux, recoit d'avance la valeur de deux aulres qui doivent etre bientot livres. L'acheteur, par ce mo}en, fait un commei'ce lucratif, car il gagnequalre lois Ic prix des esclaves s'il peut les conduirc a un marche etranger. Le prix d'un bon Africain de 4 picds 4 pouces, est de looliv'res de tabac et 2;") livres de poudre a canon. Si Ton estime le tabac a 10 dollars, et la poudre a 4, il a I'esclave pour 1 4 dollars, quand il peut le vendre a 4oo. L'objet de ce sysleme est d'etablir l'esclavage dans tout le pays ; car d'apres une loi, toute la li'ibu est respon- sable de la delle contract^e par un seul de ses indi- Vidus. Moioi'ia- Hcra/d, mavs iSSy. ( lyi* ) DELXIEME SECTION. Actes de la Societe* PROCES-VEIIBAUX DES STANCES. Seance chi i" septembre iSoj. Le pi'ocfes-verbal de la derniere S(§ance est lu et adopts. M. le docteur Mease, corrcspondant de la Societe a Philadelphie , adresse une Nolicc sur le pays d'llli- nois et une Topographic de cet filat, qui fait chaque jour de nouveaux progrtjs. M. Noel Desvergers est prie de faire pour le Bulletin une analyse de ce do- cument. M. d'Avezac entre dansquelqucs details surles divers manuscrils des voyages de PlanCarpin, Bernard et Soevulffj.dont la Societe prepare I'impression. M. F. Lavallec , membre de la Socidle a la Trinidad de Cuba , rappelle I'envoi des diverscs notices geogra- phiques qu'il a fait precddemment a la Comuiission centralc. Ces documents ont etc ins(!!res au Bulletin. M. Jomard entrctienl la Society d'unc nouvcUe co- pie de la picrre de Rosette, qui se trouve dans la belle collection d'antiquites rapportdc d'figypte par feu M. Mimault, consul g^nciral de France a Alcxan- dric. M. Jomai'd rcmettra une note a cc sujet a« comilc du Bulletin. ( '93 ) M. de Montrol communique une leltre de M. le ca- pitaine d'Unille, qui le pine d'etre son interprete, en exprimant a la Societe sa reconnaissance pour I'inle- ret qu'elle prend a son expedition. M. d'Urville , qui attendait alors les differentes questions de la Commis- sion centrale , se promettait de faire tous ses efforts pour r^soudre celles qui lui seraient adrcssees dans I'interet dela science. UJstroIahe ei la Zelee devaient mettre a la voile de Toulon , le 8 septembre. M. d'Avezac lit unMemoire sur I'etendue territoriale qu'avaient eue les possessions des Carthaginois en Afrique avant les guerres puniques. Seance (III \^ septembre 1807. Le proces-verbal de la demiire seance est lu ei adopte. M. Dezoz de la Roquctte, membre de la Societe, consul de France en Norw^ge , adresse q'uelques re- flexions qui lui ont ete suggerees par I'insertion au Bulletin du Meinoire de M. J'f ashinstoii Irmnsr sur la noiwelle theorie de M. de Navarrete a regard du premier point du Nouveau Monde, oil debarqua Vamiral Colomb. II rappelle qu'il avait traite lui-meme cetle question avec quelques developpements dans une note sur !'//95 ) observations la geographic ties departemenis ou clles sont 6tablies. Une Commission est nommee pour indiquer les questions particulieres qui pourraient leur etre prn- posdes ; elle se compose de MM. AValckenaer , Jo- mard et d'Avezac. M. Albert Montemont lit une introduction a I'astro- nomie et un fragment sur les comeles, extraits de la troisieme edition de ses Lettrcs snr Vasti'onomie , ac- tuellcment sous presse. M. d'Avezac lit quelques fragments de la notice sur Plan Carpin, qu'il prepare pour le tome IV du Recueil des Memoires. M. Warden communique une Note extraite du Co- lonisation Herald sur Teddali, roi du ])ays de Bolobo, dans I'Afrique occidenlalc. OUVRACES OFFEUTS A LA SOCI^Ti;. Seance des \" ct i5 septemhie iSoj. Par M. P. Jacquemont : Voyage dans I'lnde, par V. Jacquemont. i4'' livraison. — Par M. Jndot : L'ltalie, la Sicile, les lies Eollennes, File d'Elbe, etc., iG* a i4o^ et derni^re livraison. — Par 31. Roii.v deRocheUe: Ilistoirc desttats-Unis aS?, a/^^et aS'et derniere livraison, — Par M. dit Ponceau .-The History of the Silk Bill, in a letter from Peter S. D. P. to D. B. Warden, brochure in-S''.— ParM. Cassirt: Bulletin des Concoui's, i'^ livraison. — Par M. Picquet : Catalogue methodique d'un cboix de globes et spheres, d'atlas et de cartes, etc. In-8'. — ParM. le baron de Ladoucette : Compte-rendu des tra- vaux de la Societe i)bilotecbnique (stance du i8 juint »-' ( '9^ ) iSSy). In-8°. — Pnr Ics auteius et editeurs : Plusieurs livraisons du Voyage piltoresque en Asie , — des Nou- velles Annalcs des voyages , — des Annales marilimes, -de la Biblioth^que de Geneve, — du Journal de la Marino, — du Recueil dc la Society d'agricullurc de I'Eure, — du Bulletin de la Sociele industricUe d'An- gers, — du Memorial encyclopcidique, _ du Journal des Missions evangcliques, — du Bulletin de la Socidtd eleraentaire, — du Journal de I'lnslitut historique, et diC I'Echo du monde sa\ant. EBBATOU DD CAniKB d'aOLT. Page 129 , ligne Si , nw lieu de ii46, Ihcz i46G. BULLETIN DE L\ T r SOCIETE DE GEOGRAPHIE. OCTOBRE 1837. PHEMIEUE SECTION MEMOIRES, EXTJ5A1TS, ANALYSES ET RAPPORTS. INSTRUCTIONS coticemant la physique du globe, Hdigees par M. Arago pjour le voyage de la Bonite. Lorsque I'Academie nous chargea de r^diger une sorte de programme dans lequel se trouveraient r^unies les questions varices de physique du globe qu'il pourrait paraitre convenable de recommander a MM. les officiers de la Bonite, nous n'apercumes pas d'abord loutes les difficult^s de cette mission. Ces difficult^s n'etaient cependant que trop reelles. Nous avouerons meme sans detour que nous ne croyons pas les avoir surmontees. Au reste, nous Irouverons noire excuse et dans la bri^vel^ du temps qui nous 6tait accorde, et surtout dans I'obligation, a laquelle il nous eut dt6 impossible de nous soustraire, d'en consacrer la plus grande partie a la verification et VIII. OCTOBRE. I. J 4 ( >98 ) aux epreuves des nombreux et cxcellenls inslrumenls dont nos jeunes compalrioles vont etre pourvus, grace a la deference empressdse que M, le minislrc de la ma- rine a Lien voulu montrer pour les d6sirs de rAcadcmie. La question de savoir quelle forme il faudrait donner a cette partie des instructions nous a particulierement embarrass^. Signaler les experiences a fairc sans in- diquer par aucune explication les lacunos de la science qu'elles sent destinees a remplir, eut (^le sans doute Ic plus court; mais, tout balanct', il nous a paru prife^ra- ble d'accompagner I'^noncii de cliaque probleme de ddiveloppements qui en montrassenl I'iniportance. Par la, les officiers de la Bonite se trouveront , en quelque sorte , associ^s d^s ce moment aux investigations sa- vantes queleurs recherchcs feront surgir; par la, aussi, leur courage , leur perst^v^rance, leur zele , recevront une nouvelle et viva excitation. PHliNOMliNES MiTiOROLOGlQUES. En m(!!teorologie, on doit savoir se r^signcr a faire des observations qui, pourle moment, peuvcnt nc con- duire a aucune consequence saillante ; il faul, en cllet, songer a pourvoir nos successeurs de tormes de com- paraison dont nous manquons nous-memes; il faut leur preparer les moyens de rd'soudro une foule d'im- portantes questions qu'il ne nous est pas permis d'a- border, parce que I'antiquit^ neposs6daitni barometre ni Ihermometre, Ces simples reflexions sufTiront pour expliquer comment nous dcmandons que pendant lontc la fliiree du voyage de la Bonite, de jour comme de nuit^ et d'henre en hcure, il soit tenu note de la tempe- rature de I'air, de la temperature de la surface de la ( '99 ) mer, el de la pression almosph^rique, Ellos sufTironl aussi pour nous faire esperer que ce cadre d'obser- vations sera rempli avec le zele dont les ofiiciers de I'Uranie, de la CoqidUe, de V Astrolnhe , de (a Clie- vrette et du Loiret ont doniK?! I'exemple. Toutefois , si des circonstances qu'il ne nous est pas donne de pre- voir, venaient a exiger I'ahandon d'une portion de ce travail, il serait bnn que le sacrifice porlat de prefe- rence sur les parlies les moins essentielles. Les details dans lesquels nous allons entrer nous sembleraient propres a dinger, en pareil cas, le choix du comman- dant de I'exp^dition. La terre, sous le rapport de la temperature, est-elle arrivee a un etat permanent? La solution de cetle question capitale semble ne de- ^voir exiger que la comparaison directe, immediate, des temperatures moyeimes dn itirnie lieu, prises a deux epoques eloignees. Mais, en y renecbissant davantage, en songeant aux effels des circonstances locales , en voyant a quel point le voisinage d'un lac, d'une foret, d'une montagne nue ou boisee, d'une plaine sablon- neuse ou couverte de prairies, peut modifier la tem- perature, tout le mondc comprendra que les seules donnees tbermometriques ne sauraient suffire; qu'il faudra s'assurer, en outre, que la contr^e ou Ton a opere, et meme que les pays environnants n'ont subi dans leur aspect physique et dans le genre de leur cul- ture aucun changement trop notable. Ceci , comme on voit, complique singuli^rement la question : ^ des cbiiTres positifs, caracteristiques, d'une exactitude sus- ceptible d'etre nettemcnt appr^ciee, viennent mainte- nant se meler des apercus \ agues en presence desquels un esprit rigide reste toujours en suspens. 14. ( 200 ) IN'y at-il done aucun moyon do r<^soudrc la difli- cult^? Ce moyen existe et n'cst pas complique : il consiste a observer la temperature en pleine nier, ties loin ties continents. Ajoutons quo, si Ton choisit les re- gions ^quinoxiales, ce ne seront pas dcs ann^es de reclierches qu'il faiidra ; que les temperatures maxima, observees dans deux ou trois travers^es do la ligne , pcuvenl amplemcnt sufTirc. En oiTet, dans I'Atlantique, les extremes de ces Icmpt^ialurcs , determlnees jus- qu'ici pai- un grand nombre de voyageurs, sent 27" et 29° cenligrades. En faisant la part dcs erreurs de gi'adualion, tout le mondccomprcndra qu'avec un bon instrument, I'incertilude d'une seule lobservation du maximum de temperature de I'oc^an Atlantique equa- torial, ne doit guere surpasser un degr^, et qu'on peut compter sur la Constance de la moyenne de quatre determinations distinctes, a une petite fraction de de- gr6. Ainsi, voila un r^sultat facile a oblenir, dirccle- ment li6 aux causes calorifiqucs et refroidissantes dont dependent les temperatui'os leirestres, cl tout aussi dc'- gage qu'il est possible do i'influence des circonstances locales. \ oila done une donnee meteorologiquc que cbaque siecle doit s'empres?er do leguer aux si^cles a venir. Les ofTiciers dc la Bonite ne negligeronl certai- ncment pas cclte parlie de leurs insliuclions. Les ex- cellents instruments qui lour seront confies nous per- mettent d'aillcurs d'esperer toulo Texactitude que I'etat de la science reclame et comporlc aujourd'hui. De vives discussions se sont elevees entre les meteo- rologistes, au sujol deselfcts calorifiqucs que les rayons solaires peuvcnt produirc par voic d'absorplion dans diirerenls pays. Lesunscitont des observations recueil- lies vers le cerclearctique, et dont scmblerait resultcr ( -iOI ) celte etrange consequence : h solellichaiifje plus fovte- ment dans les hantes que dans les basses latitudes. D'au- Ires lejeltent ce resullal , ou pretendent dii moins qu'il n'est pas prouve : les obseivalions ^quatoriales prises pour terme de corapai'aison ne leur semblent pas assez nombreuses ; d'ailleurs , Us Irouvent qu'elles n'ont point ete failes dans des circonstances favorables. Celte reclierche pourra done 6lre recornmand6e a MM. les officiers de la Boiiite, lis auronl besoin , pour cela, de deux thermoni^tres, dont les recipients, d'une part, absorbent inegalement les rayons solaires, et de I'autre, n'eprouvent pas trop fortement les influences refroidissantes des couranls d'air. On satisfera assez bien a cette double condition, si, apr^s s'etre muni de deux thermometres ordinaires et tout pareils, on re- couvre la boule du premier d'unecertaine 6paisseur de laine blanche, et celle du second d'une epaisseuregale de laine noire. Ces deux instruments exposes au soleil, I'un a cote de I'autre, ne marqueront jamais le meme degre : le thermometre noir montera davantage. La question consistera done a determiner si la difl^rence des deux indications est plus petite u I'^quateur qu'au cap Horn. 11 est bien entendu que des observations comparati- ves de cette nature doivent etre faites a des hauteurs 6gales du soleil, et par le temps le plus serein possible. De faiblcs dissemblances de hauteur n'emjiecheront pas, toutefois, de calculer les obsex-vations, si Ton a pris la peine , sous diverses latitudes, de determiner depuis le lever du soleil jusqu'a midi, et depuis midi jusqu'a r^poque du coucher, suivant quelle progres- sion la difference des deux instruments grandit durant la premiere p^riode, et comment ellc dimiuuc pendant ( 20-2 ) la soconde. Les jours de grand \cn\. devrunl clro lou- jours exclus, qu(3l que soil d'allleurs I'olat du ciel. Une obsorvalion qui ne serait pas sans analogie avec celle desdeux Ihcrmomelres vetus de noir et de blanc, consistcrait a determiner le maximum de lemp(^rature que, dans les regions (^quinoxiales, le soleilpeut commu- niquer a un sol aridc. A Paris, en 182G, dans le mois d'aoilt, par un ciel serein, nous avons lrouv6, avec un llicrmomelre couclie horizonlalemtnt, et dontla boule n'etait recouverte quedo 1 millimeU'e de terre v6getale tres fine, + 54°. Le meme instrument, recouvert de 2 millimetres de sable de riviere, ne marquait que-|-46°. Les experiences que nous venons de proposer doivenl, touteschoses d'ailleurs egales, donner la mesure de la diaphaneite de I'almospbere. Cette diapbaneile peut elre appreci^e d'une maniere en quelque sorte inverse etnon moins in t^ressanle, par des observations de ray on- nement nocturne que nous recommanderons aussi a rallenlion de relat-major de /a JJonitr. On sail, dcpuis un demi-siccle, qu'un lliermometre place, par un ciel serein, sur I'berbe d'unpre, marque 6", 7° et meme 8" centigrades de inoins qu'un tbei-mo- melre tout semblable susperulu dans I'air k quelque ele- vation au-dessus du sol; mais c'estdepuispeud'annees qu'on a irouve I'explication de ce phenomene; c'est depuis 1817 seulement, que Wells a constate, a I'aide d'experiences importantes et varieesdemille manieres, que cette inegaliiede temperature a pour cause lafaible vertu rayonnnnte dun ciel serein, Un ecran place entre des corps solides quelconques etle ciel, empficbe qu'ils ne se refroidissent, parce que eel ecran intercepteleurs communications rajonnantes avec les regions glacees du firmament. Les nuages agis- ( 'io5 ) sent de la memo mani^re ; ils tiennent lieu d't^cran. Mais, sinousappolons«M«^>e toute vapeurquiinlercepte quelques rayons solaires venant de haut en bas, ou quel- ques rayons calorifiques allant de la terre vers les es- paces celestes, personnene ponrra dire que I'atmosph^re en soit jamais enlierement depouill6e. U n'y aura de difference que du plus au moins. Eh bien ! ces difft^reuces , quelque li^geres qu'elles soient, pourront etre indiquees par les valeurs des re- froidissements nocturnes des corps solides, et meme avec cetle particularile digne de remarque , que la dia- phaneite qu'on mesure ainsi est la diapJianeite inoyentie de I'ensemble du firmament, et non pas seulement celle de la region circonscrite qu'un astre serait venu occuper. Pour faire ces experiences dans des conditions avan- lageuses, il taut 6videmment choisir les corps qui se refroidissent le plus par rayonnement. D'apr^s les I'e- cherches de Wells, c'est le duvet de cygne que nous indiquerons. Un thermometre , chut la houle devra etre entouree de ce duvet , sera plac6 dans un lieu d'oii Ton apergoive a peu pres tout I'horizon, sur une table de bois peint supportee par des pieds dailies. Un second thermometre «^o«/ert«e sera suspendu dansl'aira quel- que hauteur au-dessus du sol. Un ecraii le garantira d^ tuiit rayonnement vers Vespace. En Angleterre , Wells a obtenu, entre les indications de deux thermomfetres ainsi places, jusqu'a des differences de 8°, 5 centigrades. 11 serait certainement strange que dans les regions equi- noxiales, tantvanteespour la purete de I'atraosphfere, on trouvat toujours de moindresr^sultats. Nousn'avons pas besoin, sans doute, de faire ressortir toute I'utilitd qu'auraient ces memes experiences , si on les repetait ( 204 ) sur une tri^s haute monlagne telle que le Mo^vna-Ro3 oil le Mowna-Raah des iles Sandwich. La temperature des couches atmosphoriques estd'au- tant moindre que ces couches sont plus ^lev^es. 11 n'y a d'exceplion a cette r^gle, que la nuit , par un temps serein et cnhne; alors, jusqu'a cerlaines hauteurs, on observe une progression croissante ; alors, d'aprt-s dos experiences de Plctet, a qui Ton doil la decouverte de cette anomalie , un thermomelre suspendu dans Fair a 2 metres du sol peut marquer, loute la nuit, 2° a S"^ ccntigrades de mains qu'un Ihevmometre egalement suspendu dans I'air, mais i5 a 20 metres plus haut. Si Ton se rappelle que les corps soUdes places a la surface de laterre passenipar-voie de rajonnement quand le ciel est serein, a une temperature notablement in- ferieure a celle de I'air qui les baigne, on ne doutera gutre que cet air ne doive, a la longue et par voie de contact, participera ce meme refroidissement, eld'au- tantplus qu'ilse Irouve plus pros do terre. Voila, comme on voit, une explication plausible du faitcurieux signale par le physicien de Geneve. Nos jeunes navigateurs lui donneront le caract^re d'une veritable demonstration, s'ils repetent I'experience de Pictet en pleine mer; si, par un ciel serein et calme, ils comparent de nuit un thermomotre place sur le pont avec un thermomotre attache au sommet du mat. Ce n'est pas quo la couche superficielle de I'Ocean n'eprouve los effets du rayon- nement nocturne, tout comme I'edredon, la laine, I'herbe, etc. ; mais des que sa temperature a diminue, cette couche seprecipile, parce qu'olle est devenue spe- cifiquemcnt plus dense que les couches liquides infe- rieures. On ne saurait doncesperer, dans ce cas, les enormes rcfroidissemcnts locaux observes par Wells sur ( 2o5 ) certains corps places a la surface de la terrc , ni le re- froidissement anomal de I'air inferieur qui en semble fitre la consequence. Tout porte done a croire que la progression croissante de temperature atmosph^rique observ^e a terre, n'existera pas en pleine mer; que la, le thermometre du pont et celui du matmarqueront a peu prc'S le meme degr^. L'exp^rience, toutefois, n'en est pas moins digne d'int^ret : aux yeux du physicien prudent, il y a tonjours une distance immense entre le r^sullat d'une conjecture et celui d'une observation. Dans nos climats, la couche terrestre qui neprouve ni des variations de temperature diurnes, ni des varia- tions de temperature annuelles, se trouve situ^e a une fort grande distance de la surface du sol. 11 n'en est pas "de meme dans les regions equinoxiales; la, d'apres les observations de M. Boussingault , deja il suffit de des- cendrc un thermometre a la simple pi'ofondeur de j de metre , pour qu'il marque constamment le meme degr6, a un ou deux dixiemes pres. Nos voyageurs pourront done determiner tres exactement la temperature moyenne de tons les lieux oil ils stationneront entre les tropiques, en plaine comme sur les montagnes, s'ils ont la precau- tion de se munir d'un /7e«/-e« de mlneur, a I'aide duquel il est facile en peu^d'instants de pratiquer dans le sol un trou d'un tiers de mfetre de profondeur. On remarquera que Faction du foret sur les roches et meme sur la terre donne lieu a un developperaent de chaleur, et qu'on ne saurait se dispenser d'attendre qu'il se soit entiferement dissipe , avant de commencer . les experiences. II faut aussi, pendant toute leur dur^c, que I'air ne puisse pas se renouveler dans le trou. Un corps mou, tel que du carton, recouvert d'une grande pierrc, forme un obturatcur suffisant. Le thermometre ( 206 ) devra elrc muni cl'un cordon avec lequel on le retirera. Les obsorvalions de M. Boussingaull, dont nous vc- nons de nous 6tayei-, poui' recommandcr dos forages a la faible profondeur d'un tiers de metre, comme de- vant conduire Ires expeditivement a la determination des temperatures moyennes sur toute la largeur des regions interlropicales, ont ete faitcs, dans des lieux ahriles, dans des rez-de-chaussee , sous des cabanes d'Indiens, ou sous de siuipies hangars. La, le sol se Irouvearabri de rechaulTemenl direct produit par I'ab- sorpliohde la lumieresolaire.durayonncment nocturne etdel'inljltraliondespluies. Ufaudraconsequeramentse placerdanslesmemesconditions, cariln'estpasdouteux qu'enplcinair, dans des lieuxnonabril^s, on serait force de descendre a plus d'un tiers de m^tre de profondeur dans le sol pour atteindre la couclie dou^e d'une tem- perature conslante. L'observalion de la temperature de I'eau des puits d'une mediocre profondeur donne aussi , comme tout le monde sait, fort exactemenlet sans aucune difficult^, la temperature moyenne de la surface; nous ne devons done pas oublier de la faire figurer aunombre de celles que I'Academie recommande. Nous insisterons aussi, d'une manifere sp^ciale, sur les temperatures des sources thermales. Si ces tempera- tures, comme tout porte a le croire, sontla consequence de la profondeur d'ou I'eau nous arrive, on doit trouver assuremenl fort nalurel que les sources les plus chaudcs soient les moins nombreuses. Toutefois, n'.est-il pas extraordinaire qu'on n'en ait jusqu'ici observe aucune dont la temperature approche du terme de I'ebullition a moins de wngt degres centigrades (i) ^ '^i quelques (i) Nous ne comprenons pas ici dans la categoric des sources Iher- ( •-'"7 ) relations vagues nc nous Irompent pas, les Philippines et I'ile de Lucon en parliculier pourraient bien faire disparaitre cctte lacune. La , au surplus, comme dans tout autre lieu ou il existe des sources thermales, les donnees a recueillir les plus dignes d'interet, seraient cclles d'oii pourrait resulter la prciwe que la tempera- ture d'une source tres abondante varie ou ne varie pas avec la suite des sieclcs, et surtoul les observations locales qui monli-eraient la necessite du passage du liquide emergent a travers des couches terrestres tres profondes. Si la rclache de la Bonite aux ilcs Sandwich doit avoir quelque duree, iljjourra paraitreconvenable de mesurer le Mowna-Roa barometriquement. Les observations thermometriques faites au sommel de cette montagne isol^e, compai'(ies a celles du rivage de la mer,donneront, sur le decroissement de la temperature almospherique et sur la limile des neiges perpetuclles , des r^sultats que I'eloignement des continents rendra particulicre- ment pr«^cieux. L'ofiicier qui gravira le Mowna-Roa ne devra pas n6- gliger de noter, a chacune de ses stations, la direction du Tent (2). Barometre. II y a peu d'annees on se serait fortement r^cri^ con- tre toute id6e d'une difference permanente entre les hauteurs barom^triques, correspondantes aux diverses regions du globe, au niveau de la mer. Aujourd'hui de males , les Geysers d'Islande et aiitres phenomenes analogues qui depen- dent evidemment de volcans acluellement en activite. La plus chaude source thermale proprement dile qui nous soil connue, celle de Cliaudes- Aigius, en Auvergae, marque -f- 80" cenligrades. (1) Voir plus bas , pag. 226 et 227, le motif de cette recommandation. { -ioS ) Idles dlffiironccs sonl regardces non seulemenl comme possibles, mais encore comme probables. MM. Ics olliciers de la Bnmte doivent done s'altacher, avec un soin scrii- puleux, a conserver leurs barom6tres en bon elat afin que les observations de loutes les relaches soient par- faitement comparables. II ne faudra jamais negliger de tenir note de la hauteur exactede la cuve tie dubaromelre au-dessus du niveau de la mer. Ilexistedenombreux memoires surla variation diiirne du harometre; ce phenomene a die etudi6 dopiiisrequa- teur jusqu'aux regions les plus voisin^s des poles; au niveau de la mer, sur les immenses plateaux de I'Ame- rique, sur des sommets isoles de Ires bautesmontagnes, et n6anmoins la cause en est restee jusqu'ici ignoree. II imporle done de multiplier encore les observations. Dans nos climats, le voisinage de la mer semble se manifester par unc diminution sensible dans I'ampli- tudede I'oscillation diurne; en est-ildemfime entre les Iropiquos? Pluie. Les navigateurs parlent des pluies qui parfois tom- bent sur leurs batiments pendant qu'il traversent les regions dquinoxiales, dans des termes qui devraient faire supposer qu'il pleut beaucoup plus abondamment en mer qu'a terre. Mais ce sujel est resld jusqu'ici dans le domaine des simples conjectures; raremcnt on s'est donnd la peine deprocdder a des mesures exactes. Ces mesures, cependanl, ne sont pas difliciles. Nous voyons, par exemple, que le capitaine Tuckey en avait fait plu- sieurs pendant sa malheureuse expedition au fleuve Zaire ou Congo. Nous savons que la Bonite sera pour-, vue d'un petit udometro. 11 nous semble done convenable i 209 j d'inviler son commandant ale faire placer sur I'arriere du batiment, dans una position ouilnepourra rccevoir ni la pluie que recueillent les voiles, ni celle qui tombe des cordages. On ajouteraitbeaucoup al'inl^retde ces observations, si I'on determinait en meme temps la temperature de la pjuie, et la hauteur d'ou elle tombe. Pour avoir, avec quelque exactitude, la temperature de la pluie , il faut que la masse d'eau soit considerable relativement a celle du recipient qui la re^oit. L'udo- metre en metal ne satisferait pas a cette condition. II vautinfmimentmieuxprendreun large entonnoir forme avec une etolfe l^gere, a lissu tr^s serre, et recevoirl'eau qui coule par le bas dans un verre a minces parois ren- fermant un petit thermometre. Voila pour la tempei^a- ture. L'6l6vation des nuages ou la pluie se forme ne pent etre determinee que dans des temps d'orage ; alors, le nombre de secondes qui s'ecoulent entre I'eclair et I'arriv^e du bruit multiplie par 357 metres, vitesse de lapropagation du son, donne lalongueur de I'liypotenuse d'un triangle rectangle dont le cotd vertical est preci- sementla hauteur cherchee, Cette hauteur pourra etre calcul6e, si, a I'aide d'un instrument a reflexion, on lvalue Tangle que forme avec I'horizon la ligne qui, partant de I'oeil de I'observateur, aboutit a la region des nuages ou I'eclair s'est d'abord monli^e. Supposons, pour un moment, qu'il tombe surle na- vire de la pluie plus froide que ne doivent I'etre les nuages d'apies leur hauteur et la rapidile connuedu dd- croissement de la temperature atmosphdrique ; tout le monde comprcndra quel role unpareil rdsultat jouerait en mdteorologie. Supposons d'aulre part , qiiun jour de grele (car il ( 510 ) gi'clc en ploine mer) le memc syslemc d'obscrvalions vienne a prouvcr que Ics grclons se sont formes dans une region oh la temperature atraosphdriquc (itait su- perieure au terme de la congelation del'e.tu, et Ton aura cnrichi la science d'un r^sultat pr^cieux auqucl ia theo- riea venlr de la grcle devi'a salisfairc. Nous pourrions, par bion d'autres considerations, faire ressortir I'utilite dcs observations qucnousvcnons de proposer; mais les deux qui precedent doivonj suffire. 11 est des phenom^nes extraordinaires sur lesquelsla science possede peu d'observations , par la raison que ceiix a qui il a etc donne de les voir, evitent d'enparler depeur de passer pour des reveurs sans discernement. Au nombre de ces phenomenes, nous rangerons cer- taines pluies des regions equinoxiales. Quelquefois, entre les tropiques, i I pleat, par I'at- raosphore la plus pure, par un ciel du plus bel azur! Les goultes no sont pas tres serrees; mais ellos surpas- sent engrosscur les plus larges goultcs de pluie d'orage de nos cliraats. Le fait est certain ; nous en avons pour garantetM. deHumboldt, quiraobservedansl'iniericur des terres, et M. le capitaine Beechey, qui en a ete te- moinenpleine mer; quant aiix circonstances dont une aussisinguliere precipitation d'cau pent dependre, elles ne nous sont pas connues. En Europe on voit quelque- fois, par un temps froid et parfaitement serein, tomber lentement en plein midi de petits cristaux de glace dont le volume s'augmentc dctoutes Icsparccllcs d'humidite qu'ils congulcnt dans leur trajcl. Cc rapprocbcmcnl ne mettrait-il pas sur la voie de rexpliculion desiree? Les grosses gouttes n'ont-elles pas ete dans les plus hautes regions de ratniosplicrc , d'abord de trfes petites par- ( 211 ) celles cle glace excessivement froides; ensuite, plus has, par voie d'agglomeration, de gros glacons; plus bas encore, des glagons fondus ou de I'eau. 11 est bicn entendu que ces conjectures ne sont consignees ici que pour montrer sous quel point devuelephenomenepeut etreetudi^; que pour exciter, surtout, nosjeunes voya- geurs a cliercher avec soin si pendant ces singulieres pluies, les regions du ciel d'ou ellcs tombent n'olfri- raient pas quelques traces de halo. Si ces traces s'aper- cevaient, quelque Idsgeres qu'elles fussent, I'existence de cristaux de glace dans les liautes regions de I'air se- rait d^montree. II n'est presque pas de conlree oii, maintenant. Ton ne trouve des mel^orologistes; mais, il faut I'avouer, ils observent ordinairenient a des heures clioisies sans discernement et avec des instruments inexacts ou mal places. II ne semble pas diflicile, aujourd'hui, de rame- ner les observations d'une heure quelconque a la tem- perature moyenne du jour; ainsi, un tableau meteoro- logique, quelles que soiont los heures qui y fjgurcnt, aura du prix, a la seule condition que les instruments employes auront pu etrc compares a des barometres et thermom^tres ^talons. Nous croyons que Ton doit recommander ces com- paraisons a MM. les officiers do la Bonite. Pai^tout oii on les aura elTectu^es, les observations m^teorologiquos locales auront du prix. Unc collection des journaux du pays suppleera souvent a des copies qu'on obliendrait difficilcment. Magnetisme terrestre. La science s'est cnrichic , dcpuis quelques annecs, d'un bon nombre d'observutions de variations diurncs ( 2.. ) do I'aiguillc aimanlee; inais la pluparl de ces obser- vations ont m failes ou dans des lies ou sur les cotes occidentales des continents. Des observations analogues, correspondantcs faites sur des cotes orientales , seraient aujourd'hui Ir^s utiles : cllcs servlraient, en elTet, a sou- mettre a une 6preuve presque decisive la plupart des ex- plications qu'on a essaye de donner de ce mvsterieux phiinomene. L'itineraire de I'exp^dition ne pcrmet pas de supposcr que la Boidte puisse relacher ou du moins sejourncr quelque temps dans des points situes enlre I'equaleur terrestre et I'equateur magnetique, tels que Fernambouc, Payta, le cap Comorin , les iles Pelew; sans cela , nous eussions recommande d'une mani^re particullt;re d'y etablir soiidement , et loin de toute masse ferrugineuse, le bel instrument de M. Gambey, et de suivre les oscillations de I'aiguille avec un soin scrupuleux (I). (i) A tout 6venemenl , nous posprons ici le prohleme que serviraient a r&oudre des observations faites (i.ins les jioints que nous venons de nommer. Dam riiemisplwrc nord , la pointe d'une aiguille horizontale aimanlee , tournee verf le nord , marche Do Vesy a Voiicst, depuis 8/, j du inalin jusqu'a i* )- apre» midi ; DeA'auest'd Vest, depuis lA ; apres midi jusqu'au lendemain matin. * f,' Notre hemisphere ne peul avoir, a eet egard , aucun privilege ; ce qu'y eprouve U poinle du nord , doit se prodtiire sur la pointe sud , au sud de I'equateur. Ainsi , Dans t'ltemisphere sud , la pointe d'une aiguille horizontale aimantee , touriico vers le sud , nia;ciiera De Vest k Youest , depuis 8/, 7 du matin jusqu'a \h -, apresmidi; De V Quest a Vest , depuis i'' \ apres midi jusqu'au lendemaiu matin. L' observation , au surplus , s'est trouvee d'accord avec le raisonne- mcnt. Comparons mainlenant lis rnouvenienls simultanes des deux aiguilles, ( 2.5 ) En general , dans les lieux oii I'expedition ne sejour- nera pas une semaine entiere , il serait peu utile de se livrer al'observation des variations diurnes de Yaipiille ainmntee horizontale. 11 n'en est pas dememe des autres elt^ments magnetiques. Partout oii la Bonite s'arretera, ne fut-ce que quelques heures, il faudra , si c'est pos- f'n les r;i[iiiort,)nt a la meme pointe, d celle qui esl lonrnic vers te nord. Dans I'hemlspliire sttd , la po'unte iotirnde vers le sud marche De Vest a Voiicst, ilepuis 8'' 1 tin malin jusqu'a 14 1 apres midi; done la poiiile nord de la memc aiguille eprouve le mouvement contraire ; ainsi definilivf^menl , Dans I'hemisphire sud , la pointe. tournee vers le Noao. marche t>e j'ouest a Vest , depuis 8'' 4 du malin jusqu'a i*! i 7 apres midi : c'est precisement I'oppose dii mouvemenl qu'effectue , aux memes heures, la meme pointe nord dans notre hemisphere. Suppiisons qii'un obervateiir parlanl de Paris s'avanee vers I'equaleur, Tant qu'il sera dans notre hiimisphere , .'a pointe nord de son aiguille effectura tous les matins un mouvement vers toccidenl; dans I'hemisphere oppose, la pointe nord de cetle meme aif^nille eprouvera Ions les miilins un mouvempnt vers I'orient. II est impossible que ce passage du mouvement occidental au mouvemenl oriental se fasse d'une maniere brusque^ il y a necessairement enlre la zone ou s'observc le premier de ees mouvements , et celle oil s'optre le second, une ligne ou, le matin, I'aiguille ne marche nl a I'orient ni a I'occidenI , c'esl-a-dire reste stationnaire. Une semhlahle ligne ne j»eut pas manquer d'exister , mais ou la troii- ver ? Esl-elle Tequateur magnelique, I'equateur terrestre, ou bien quel- que couvbe d'egale int.?nsite ? Des recherches i»\lvs , pendant plusieurs mots, sur des points situes dans I'un des espares que I'^qnateiir teirestre et re()ualeur mflgnelique comprennent enlre eux, lels que Fernambouc, Payta , ia Conception , ks iles Pelew, etc., coiiduiraient certainement a la solution desirtJe; mais plusieurs moisd'observations assidues seraient neceasaires; car, mal- gre I'habilete de Tobstrvateur, les courtes reliiches de M. le capitaine Dupcirty, a la Conception et a Payta, faites a la detnande de 1' Acade- mic , ont laisse subsister quelques doiites. VIII. OCTOBRE 2. l5 ( 2.4 ) siblu, mesurer la declinaison, rinclinaison cl I'inlen- En chcrchanl a concilier les observations d'inclinai- son , faites a des epoques t'loignt^es dans divcrscs re- gions de la tone poudistanles derequalcurniagnetiqiio, on avail reconnu, depuis qnelques ann^es, que cet equaleur s'avance progrossivcment ct on totality de rorienl a I'DCcident. Aiijourd'hui on suppose que ce mouvemeiit est acconipiigne d'un changcraenl de forme. L'etude des lignos d'(^gale incHnaison envisagee sous le meme point do vue n'oH'rira pas inoins d'in- t6r6t. II sera curieux, quand toutcs ces lignes auront et6 trac^es sur les carles, de les suivre do I'oeil dans leurs deplacemonts et dans leurs cliangemonls de courbure ; d'importantes v6rit«^s pourronl jaillir de cet examen. On comprend maintenant pourquoi nous de- mandons aulant de mcsures d'inclinaison qu'on en pourra recueillir. Les observations d'inlensite ne datent que des voya- ges de d'Enlrecasteauxelde M. de Humboldt; ct cepen- danl elles ontdeja jele de vivcs lumit'res sur la question si compliqu6e, mais on meme temps si intdressanle, du magn^tisme terrestre ; et cependant a chaque pas le Iheoricien est arrete par le manque de mesures exactes. Ce genre d'observations merile , au plus liaut degr^, de fixer I'atlention des ofliciers de la BoiiUe. Quant a la declinaison, son immense utility est Irop bien senlie des navigateurs, pour qua cet egard loute recommandation ne soit pas supcrflue, Les voyages aeroslatiques de MM. Biot et Gay- Lussac, executes jadis sous les auspices do I'Acadcimie, etaient en grande parlie destin<^s a I'examen de celte question capitale : la force magnetique qui , a la sur- ( 2i5 ) face dc la terre , cUrige I'aigLiillo aimantde vers le nord, a-l-elle exactement la meme in tensile a quelquc hau- teur que Ton s'elfeve ? Les observations de nos deux confreres , celles de M. de Humboldt faites dans les pays de montagnes ; les observations encore plus anciennes de Saussure, sem- blerent toutes monlrer qu'aux plus grandes hauteurs qu'il soit perinis a riiomme d'atteindre, le decroisse- ment de la force magnelique est encore inappreciable. Cette conclusion a recemment ele conlredite. On a remarqu^ que dans le voyage de M. Gay-Lussac, par exemple , le thermGm^tre qui, a terre , au moment du depart, marquait -\ o\° centigrades, s'etait abaiss^ jusqu'a — f)",© dans la region aerienne ou noire con- frere fit osciller une seconde fois son aiguille; or il est aujoui'd'hui parfaitement etabli, qu'en un meme lieu, soils Taction d'unc meme force, une meme ai- guille oscille d'autanl plus vile que sa temperature est moindi'e. Ainsi, pour rendre les observations du bal- lon et celles de terre comparables, il aurait fallu , a raison de I'^tat du tbermomelre, apporter une certaine diminution a lo force que les observations supericures indiquaient. Sans cette correction, I'aiguille semblait egalement allir(^e en haul el en has; done, malgr^ les apparences, il y avail affaiblissement i'6el. Celle diminution de la force magnelique avec la hauteur semblc aussi resulter des observations faites, en 1829, au sommet du mont Elbrouz (dans le Cau- case) , par M. Rupffer. Ici Ton a lenu un compte exact des elTels de la temperature , et cependant di- verses irregularit^s dans la marche de I'inclinaison jettent quelque doute sur le resultat. Nous croyons done que la comparaison de I'inten- i5. { 2iG ) silo inagn^liquc, au has el au soiiiincl d'unc mon- lagne, doit elre sp^cialement recommandee aux oHQ- ciers de la Buitite. Le Moivna-Roa , des Slcs Sandwich, semble devoir elre un lieu Ires propre a ce genre d'ob- servations. On pourrail aussi les r«^peler sur le Tacoin, si rcxpedition s'arrete sculement Irois on qiialre jours a Arica. On a souvent agit6 la question de savoir si , en gene- ral, dans un lieu delermine , I'aiguille d'inclinaison marquerait exacleraent le meme degre a la surface du sol, a une grando hauleur dans les airs el a unegrande profondeur dans une mine. Le manque d'uniformil^ dans la composition cliimique du terrain rend la so- lution de ce probleme Ir^s difficile. Si Ton observe en ballon , les mesures ne sont pas suffisamment exactes. Quand le pliyslcien prend sa station sur unemontagne, il est expose a dcs attractions locales; des masses ferru- gineuses peuvent alors alterer notablement la position de I'aiguille sans que rien en uverlisse. La memo in- certitude affeclo les ob^^ervations failes dans les galcries de mines. Ce n'csl pas qu'il soil absoknnent impossible de determiner en chaque lieu la part descirconstances accidentellcs; niais il faut pour cela avoir des instru- ments ties parfaits; il faut pouvoir s'6loigner de la sta- tion qu'on a elioisic , dans toutes les directions, et jusqu'a d'assez grandes distances; il faut enfin multi- plier les observations bcauccup plus qu'un \o\ageur n'a ordinairement les mojens de lefaire. Quoi qu'il on puisse elre, los observations do cclte ospece sont dignos d'interfit, Leiti ensemble conduira pcul-olrc un jour a quelque resultat general. ( 217 ^ M^TtORliS LUMINEUX. Fjoiles fUantes. Depuis qu'on s'est avise d 'observer quelques etoiles filantes avec exactitude, on a pu voir combion ces ph6- nomones si long-tenops dedaignes, comblen ces pr^ten- dusmeleoi'esatmospheriques, cos soi-disant trainees de gaz hydrog^ne enflamme meritent d'allention. Leur pa- I'allaxe les adeja places beaucoup plus baul que, dans les theories adoplees, les liinites sensibles de notre atmosphere ne sembleraient le comportor. En cher- chant la direction suivant laquelle les etoiles filantes se meuvent le phis habituellemeiit , on a reconnu , par une autre voie, que si elles s'enflamment dans notre at- mosphere, elles n'y prennent pas du moins naissance, qu'elles vieiment du dehors. Celte direction Id plus ha- bituelle des etoiles filantes senible (lidinctralenientopposee on nioin>ement (le trnnslntion de la terre dans son orbite! 11 seralt desirable que ce resullat I'lit etnbli sur la discussion d'une grande quantitt^ d'observalions. Nous croyons done qu'a bord do la Bonile , et pendant touts la dur^e de sa navigation , les ofjiciers de quart devront 6tre invites a noter I'heure de I'apparilion de chaque eloile filante, sa hauteur angulaire approchee au-dessus de I'horizon , et surtout la direction de son inoui'einent. Enrapportant ces mel6ores aux principales etoiles des constellations qu'ils traversent, les diverses questions que nous venons d'indiquer peuvent elre resolues d'un coup d'oeil ; voila done un sujet de recherches qui n'oc- casionnera aucune fatigue. En tout cas, pour que nos jeunes compatriotes s'y attachent, il nous suffira de leur I'aire remarquer combien il serait piquant d'^tablir ( «'.« ) que la leiTo esl uno planOlo par des preu\es puisees clans des plienomfcnes lels que les eloilos filantes, dont rinconslance elait devenue provorbialu. Aous ajou- It'iions encore , s'il 6tait n(^cessaire, qu'on n'enlrevoit guere aujourd'luii la possihilile d'expliqucr I'elon- nante apparition de holides, observee en Amerique danslanuitdu i2au i5 novembre i855, si ce n'est en supposant qu'oulre les grandes planetes (et dans ce noinbre nous comprenons menic Ceres, Pallas, Junon et Vesta) , il circule aulour du soleil des milliards de pelils corjjs qui ne deviennent visibles qu'au moment ou ils penetrent dans notre atmospbere et s'y enflam- ment; que cqs asteroides (pour nous servir d'une ex- pression d'Herscbel) se meuvent en quelque sorle par groupes; qu'il en existe cependant d'isol^s; cl que I'ob- ser\ation assidue des 6toiles filantes sera , a tout ja- mais, le scui moyen de nous ^clairer sur ces curieux pbenomenes. Nousvenons de laire mention del'apparition d'etoiles filantes observee en Amerique en i853. Ces meteores se succedaient a de si courts inlervalles qu'on n'aurait pas pu les compter; des evaluations moderees portent leur nombre a des cenlaines de niille. On les apercut le long de la cote orientale d'Amerique, depuis Ic golfe du Mexique jusqu'a Halifax, depuis 9 beures du soir jusqu'au lever du soleil, et meme, dans quelques en- droils, en plein jour, a 8 beures du matin, lous ces meteores partaieiit (run tiie/iie point du cie/ situ6 pres do y du Lion, et cela, quelle que fut d'ailleurs, par TelTet du mouvement diurnede la spbere, la position de cette (itoile. Voila assurclsment un rt^sullat Tort etrange; eh bien ! citons-en un second qui ne Test pas moins. La plulc d'etoiles filantes de i855 cut lieu, nous I'a- ( 2'9 ) vons d^ja dit, dans la nuit du 12 au i3 novembre. En 1 799, line pluie semblable fut observee en Amd- rique par M. de Humboldt; au Groenland par les Fr6res Moraves; en Allemagne par diverses personnes. La date est la nuit du 11 au 1 2 novembre. L'Europe, en i832, fut l^moindu memeph(5nomene, niais sur une moindre ^chelle. La date est encore la nuit du 12 au i3 novembre. Cette presque identity de dates nous autorise d'au- lant plus a inviler nos jeunes navigateurs a veiller at- tentivement h lout ce qui pourra apparallre dans le firmament du 10 au i5 novembre, que les observa- teurs qui, favorises par une atmosphere sereine, ont altendu le ph^nomene en i854, en ont apercju des traces manifesles dans la nuit du i2au 1 3 novembre (1). (i) Di'piiis (jui' C' iii|i|JOi't ;i t-[f lu n rAc.idcniif, M. Berjird, I'un des ofOcicis Irs |)lus insliuih lit' Ih iniiriiit^ IV.iiK^aise , m'a fail rarnilie de ni'adressir I'exliail ci-a[>res dii JDurnal dii brick le Loiret. M. Berardetait If rommaridaiit ilu ce naviie. n Le i3 novcrnliie i83i, a qnalie lieuri's du matin, Ic rie! I'lait parfaite- • mnil [uir, la losee U'es abDridanle ; nous avoiis vu un noiiihre considerable "d'cloile^ (ihiiilt's el de nieleores hiiiiintux dune grandc dimension : pen- odant plus lie tiois lieures, il s'en est nionlre, terine moyen , deu\ par p minute. Un de ces nieleores qui a paiu au zenilii , en faisant une enorme • trainee dirigee lie I'esl a i'ouesi , nous a presenle une bHiule lurnineuse otres lai'ne ( e^a'.e a ia moitie ilu diamelie de la lune ) , ef oil Ton a tre« • bien distingue plusieurs des coideurs de I'are-en-ciel. Sa trace est restce • visible pendant plus de six minutes. oNous elions alois sur la cCte d'Espagne prcs de Carthajjene : Temiomelre dans I'air. . . 17", o Tem|)eral. dela mer. . i8">, 5 cenlig. Barometre 28?" 5/,j, o. » Ainsi se confirme de plus en plus I'existeitce d'une zone composfee de millions de petits corps dont les orbiles reoconlrent le plan de I'eclip- tique vers le point que la terre va occuper tous les ans, du 11 au i3 no- vembre. C'esl un nouveau monde planelaire qui commence a se reveler a nous. ( 2 'id ) Luniiere zodiacale. La huniere zodiacale, qiioiqu'elle soil connue depuls pres de deux si6cles, ofl're encore aux cosiiiologues ua probl^rae qui n'apas ete resolu d'une mani6re satis- faisante. L'6tude de ce pb^nomene, par la nature meme des clioses, est principalement reserve aux ob- servateurs places dans les regions equinoxlales ; eux seuls pourront decider si Dominique Cassini s'elait suffisaniment defie des causes d'erreurs auxquelles on est expose dans nos atmospbcres vai'iables; s'il avail pris en assez grande consid(^ralion la purele de I'aii', lorsque dans son ouvrage il annon^ail: Que la lumiere zodiacale est constamment plus vive le soir que le matin; Qu'en peu de jours sa longueur peut varier entre 60 et 1 ooo ; Que ces variations sent li^es a I'apparition des tacbes solaires; de telle sorle , par exeniple, qu'il y aurait eu dependance directc , et non pas sealcment coincidence fortuite , entre la faiblesse de la lumiere zodiacale en 1688, et I'absence de toute tache ou fa- eule sur le disque solaire , dans cette meme ann(^e. II nous semble done que FAcadt^nie doit desirer que les officiers de la Bonite, pendant toute la durc^e de leur sejour entre les tropiques , et quand la lune n'^ciairera pas Iborizon, veuillent bien, soir et matin, api'^s le coucber du soleil ou avant son lever, pren- dre note des constellations que la lumiere zodiacale traversera, de I'etoile qu'atleindra sa pointe , et de la largeur angulaire du pb^nomine pr6s de Iborizon , a une hauteur determinoe. II serait sans doute superflu dedire qu'il faudra lenir comptede I'licurc des obser- ( 22» ) valions. Quant a la discussion des resullats , elle pourra, sans aucun inconvenient, 6tre renvoyee a r(ip6que du retour. Nous n'ignorons pas, et deja, comme on a pu voir, nous I'avons insinue, que de tres bons esprits regar- dent les resultats de Dominique Cassini comme pcu dignes de confiance. II leur repugne d'admeltre que des changements physiques sensibles puisscnt s'ope- rer simultanement dans I'etendue immense que la lu- mi^ie zodiacale embrasse ; suivant eux, les variations d'inlensit^ et de longueur signalees par ce grand astro- nome n'avaient rien de r^el, et il ne faut en cUercher I'explication que dans des intermittences de la diaplia- neite atmosph^rique. II ne serait peut-etre pas impossible de trouver des ce moment, dans les observations de Fatio, compaiees acelles de Cassini, la preuve que des variations atmo- sph6riques ne sauraienl suffire a I'explication des ph6- nomenes signales par I'aslronome de Paris; quant a I'objection tiree de I'immensite de I'espace dans lequel les changements physiques devraient s'operer, elle a perdu toute sa gravite depuis les ph^nomfenes du meme genre donl la comete de Halley vient de nous reudre t^moins. Nos jeunes compatriotes peuvent done se livreravec ztjle aux observations que nous leur signalons. La ques- tion est importante, et personne jusqu'ici ne peut se flatter de I'avoir defmitivement resolup. furores horeales. II est assez bien ^tabli, maintenant, que les aurores polairos nc sontpasmoins"frequentesdansrhemisplierc ( .2'>. ) sut! quo dans riiemisphcrc nord. Tout porto a penser que If s apparitions des aurores auslrales et cellos dont nous somnios lomoins en Europe, suivenl les uiemcj lois. Cependant, ce n'est la qu'une conjecture. Si une aurore australe se monlrait aux ofliciers de la Bonite sous la forme d'un arc, il serait done important de noter exactemenlles azimuths des points d'intersection de cet arc avec I'horizon, et, a leur d(!!faut, I'azimuth dii point le plus eleve. En Europe, ce point le plus eleve parait loujours situe dans le m^ridien magnetique du lieu ou se trouve I'observateur. De nombrouses recherches, faites a Paris, ont prouv97, ) goullcs dV-au aionl perdu les proprieli'-s dont cllos jouissaiont d'abord ; il faul qu'elles soienl sorties des conditions d'inlerf^rences efficaccs ,• il faut qu'elles aient beaucoup grossi. N'est-il pas curieux, pour le dire en passant, de trouverdans un phenomene d'optiquc, dans uno pai- ticularite de I'arc-en-ciel, la preuve qu'en Europe la quantile de pluie doit 6tre d'autant moindrc, qu'on la recoit dans un recipient plus eleve! L'augmenlation de dimension des gouttes, on ne peut guere en douler, tient a la precipitation d'iuimi- dite qui s'opere a leur surface a niesure qu'en descen- dant de la region froide ou elles ont pris naissance,' elles traverscnt les couches atmosph^riques de plus en plus chaudes qui avoisinent la teri'e. II est done a peu pres certain que , s'il se forme dans les regions dqcri- noxiales des arcs-en-ciel suppl^naentaires, conime en Europe, ils n'atteindront jamais I'Ik rizon ; mais la comparaison de Tangle de hauteur sous lequel ils ces- seront d'y etre apergus avec Tangle de disparition ob- serve dans nos climats , semble devoir conduire a des resullats mett^orologiques qu'ai:cune autre melhode, aujourd'hui connue, ne pourrait donner. Hal OS. Dans les latitudes elevees, dans les parages du cap Horn, par exemple , le soleil et la lune paraissent souvent entourcs d'un ou de deux cercles lumineux, que les m6l6orologistes appellent des luilos. Le rayon du plus petit de ces cercles est d'environ 22° ; le rayon du plus grand dilTtire a peine de 46". La premiere de ces dimensions angulaires est a peu dc chose pres la ( 2.5 ) deviation minimum que la lumi^re eprouve en traver- sant un prisme de glace de 60"; I'autre sei'ait donnee par deux prismos de 60° ou par un seul prisme de 90". II semblait done natural de cliercher , avec Mariotte, la cause des halos, dans dcs rayons r^fracl^s par des cristaux flollanls de neigc , Icsquels presentent ordinai- rement, comme tout le monde sail, des angles de 60 et de go". Celte theorie, au surplus, a recu une nouvelle vrai- semblance, depuis qu'a I'aide de la polarisation chro- matique, on estparvenua dislinguerlalumiere r^fract^e de la lumiere rdjfl^chie, Ce sont, en elfet, les couleurs dela premiere de ces lumieres (de la lumiere refractee) que donnent les rayons polarises des halos. Que peut- il done I'ester a dclaircir dans ce phenomene ? Le voici : D'apres la Iheorie, le diametre horizontal d'un halo etle diametre vertical devraienl avoir les memes dimen- sions angulaires; or, on assure que ces diamelres sont quelquefois notablement in^gaux I Des mesures peuventseules conslater un pareil fait; car si, parhasard, on n'avait juge de I'inegalit^ en ques- tion qu'a I'ceil nu, les causes d'illusion ne manqueraient pas pour expliquer comment lephysicienle plus exerc6 aurait pu se tromper. Les cercles a reflexion de Borda se pretent a morveille a la mesure des distances angu- laires en mer. Nous pouvons done, sans scrupule, re- commander a MM. les ofliciers de laBonite^ d'appliquer les excellents instruments dont ils seront tous pourvus, a la determination des dimensions de tous les halos i:;rapltie. Comme rexpedillon que je viens d'accomplir a »il6 proposee par la Sociele dc g(^ogi-aphio, et qaec'esta sa recommandalion quo Ic gouvcrnomenl I'a mise a exe- cution, je croisde mon devoii' d'offrir a la Societe une esquisse des principaux ev^ncrnents qui nous sent ar- rives depuis Ic :noim'nt ou j'ai quitle I'Angleterre , en juin i85G , jusqu'a mon relour a Lough-SnilK , en Ir- lande, dans la nuit du 3 de ce mois. Dans ce coup d'oeil rapide , il se-ralt impossible de tenir compte de loutes les circonstances extraordinal- res, et je puis dire sans exemple , qui out marque Ic cours de notie navigation. Ces details, j'espcre les metlve bientot sous les }eux de la Society et du public, sous une forme plus complete ; mais , en attendant, je doisaux personnes qui onl oris un viCinltiret a I'exp^- dition , de leur presenter une narration , quoique nd;- cessairement Iresbreve, des evenements singuliers qui onl caract^ris6 ce voyage. Nous avonsquitt6 les cotes le 2? juin, et le 29 julllel nous rencontrames lesglacesflotlantes; le jour sulvant, nous vimes la cote de Labrador, pr6s le cap Cbudleig. Le 1" aout, nous passames le detroit de Hudson, et le 5 nous apercumes des navircs de la compagnie pris par lesglaces. En serrant la cote de pr6s, nous pumes faire du cbemin; mais, le jour suivant, nous nous trou- vames pris nous-memes : la glace 6tait compacte et couvrait I'liorizon vers le fond de la baie aussi loin qu'on pouvait d^couvrir du haul du mat. II y avail quelques cclaircies vers le N. 0.; jc n'hesilai pas a prendre celle ( -^s. ) direction, En effet, le i d aoul nous avions I'ait 4o niiHes, a partir des lies de la Trinite, el nous ne vimes cepen- dant I'ile de Baffin que lo tjS; nous avions aussi en vue I'ile de Soutliamplon dans le S. O. Deuxjours de venls d'O. dans la silualion oil nous nous trouvions nous ou- raient fail atleindre la bale Repulse , mais les venls d'E. conlinuerent el reunirenl loute la glace en une seule masse, lellemenl ([ue nous perdimes lout espoir de revenir sur nos pas, et de passer au S. de Tile de Southampton. Le 29 , nojis fumes enlraines par la glace sous la la- titude de65° 5o' N.et longitude 8'i" y'O. Ce fut noire point le plus septentrional, et icl nous elionsa4o milles de File Winter , ou les navires CHvcId et la Furie pass6- rent I'liiver de 18 >, i a 1822. A force de rompre la glace, nous pumes conduire le navire vers I'ile de Southamp- ton , ou nous allirait I'apparence flalteuse d'espaces li- l)res de giaces. Le 4 septcmbre , nous netions qu'a i3G milles de la bale Repulse , el deux jours de forte brise nous auraicnt conduits a noire destination. Pen- dant la quinzaine suivanle, nous fumes enlraines dou- cement a I'O., en passant a 5 milles du cap Comfort , promontoire qui s't^leve abrupt d'environ 1,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le 29 septembre, nous ^lionssifortement serres par la glace que quelques uns de nos bordages lacherent. Le 22, nous nous trouvames a 25 milles de la baie du due d'York. ^'ous essayames de couper noire chemin dans la glace, mais cela fut impraticable : la glace se reunissait a mesure. A partir de celte date , le navire ne fut plus sous noire direc- tion. Encash^ de lous cot^s, il etait emporte ca et la suivant le vent et la maree. Le 26 septembre, nous sommes par la latitude de 65" 48' el longitude 85" 4o': ( 252 ) c'est le point le plus occidenlal que nous ayons alteinl a ()0 milles dc la baie Repulse. Le 27, un llol de glace venanl do I'E. souleva la poupe du navire de sept pleds ct dcmi hors de I'eau. Les vents sont toujours de I'E. Le 9 oclobre , un canal libre vers le rivage se pr^senla jusqu'au cap Bylot pen- dant Tespaee de douze lieures, et encore le i 1 , mais nous etions si completement enclaves que nous ne puines en profiter, uialgre tous nos efforts pour ma- nceuvrer les scies a glace, les haches ct tous les inslru- monts dont le gouvernement nous avait si liberalement pourvus. Toute I'energie des ofTiciers et de I'equipago fut employee dans un moment aussi decisif, mais ce fut en vain ! Le 17 octobre, le thermom^tre descendit a 27'cen- tigrades au-dessuus de zero. Dans le commencement de novembro . toutes les manoeuvres furenl serrees , et nous fimes nos arrangements contre la sevi^rit^ de I'hi- ver, qui nous envahissait. Nous ^levames des murs de neigc autour du navire pour nous garantir du vent, et de cetle manifere nous dtions derivt^s en avant des liau- tes terres du cap Comfort , et parfois si pr^s des rocbes que nous etions alarm^s pour la surete du batiment. Le 21 d(^cembre , un furieux coup de vent de I'O. nous cbassa a i4 milles a I'i'. du cap. De ce point, nous pumes relever la cote qui n'(^tait point marquee sur nos carles; nous fimes ce travail landis que le cou- rant nonsenlrainait, et pendant une distance d'en\iron 120 milles, jusqu'a la pointe Sea-IIorse, I'extremit^ E. de I'lle Soutliamplon. Le caractere general de la cote consiste en collines st^riles et falaises, variant de 760 a 1 ,000 pieds au-dessus de la mer. Le jour de Noel nous apercumcs les premiers sjmptomes du scorbut. .. ( 253 ) qui s'elendit bienlota tout I'equipage. Pendant un mo- ment vingt liommes furents^rieusementmalades; mais seulement troissuccombeient victimes de cette cruelle maladie. Au commencement de Janvier, pendant un calme, notre banc de glace se rompit avec un bruit effroyable, et ce fut le commencement d'une s6rie de chocs que le navire n'aurait pas pu supporter sans la force extreme de ses membrures et la grande masse de fer employee pour le fortifier; n^anmoins il etait tourment6 dans toutes les directions. Le 18 fevrier, des le matin de bonne heure, le thermometre ^tait a 46" centigrades au-dessous de zero : le banc se separa , el des vagues de glace brisde de 5o pieds de haut vinrent sur le na- vire qui craquait de toutes parts; le pont fut enfonce , des membrures sortirent de leurs joints, toutes les amarres furent bris^es, et meme des boulons de fer furent a moiti6 arraches ; toute la carcassc du navire trembla si fort de ce clioc que quelques uns des hommes ne pxirent se tenir debout ct tomberent. Et ceci n'etait pas encore notre plus terrible d^saslre ! Le i5 de mars, tandis que nous d^rivions au S. 0., vers une pointe basse nomm^e depuis, avec raison , Pointe de la Terreur , un flot de glace du N. 0. pi^it le navire en poupe, et bien qu'enseveli jusqu'aux paltes des ancres dans un banc de glace, la pression fut telle qu'il fut enlev6 et renverse de c6t6 sur babord. La principale piece de la poupe, I'etambot, fut arrach^e , et I'arriere du navire elev^ de 7 pieds au-dessus de I'eau. La meme nuit, un second flot de glace dissipa les restes du banc qui nous enclavait, et poussa le navire sur un glacon, lellement que la partie anterieure de la quille, le brion, etait enticrement hors de I'eau , tandis que ( 254 J . la poupe, inonclec, oluil menac6e parunc lame do plus de 5o pieds, qui, providcnliellement, s'affalssa en lou- chanl la hanclie du navire. L'eau enlra a (lots par I'ar- casse (parlie superieure de la poupe). Le bailment cra- quaithoi'iiblement ct se tourmentaitdans lous lessens. On monta les provisions sur le pont; on mit los cha- loupes a lamer, et on piit toutes les precautions contre le danger qui nous menacait ; et, dans robscuritci etle silence de la nuil, nous altendimesavec calme la venue d'un autre clioc , qui, selon toutes les probabilites lui- maines, aurait 6te le dernier. Le ciel en ordonna autrenient, et dans ce nouveau berceau de glace, nous derivames sans nouvel accident jusqu'a la pointe Sca-Ilorse. La glace qui nous portait avail 70 pieds depaisseur, et ce ne I'ut qu'apres avoir scic des portions qui n'avaient que ^5 pieds que nous pumes sorlir le navire de celte situation; mais ce ne ful que plusieurs jours apres. Mous d^terminames la position de Sea- Horse a 65° 43' de latitude et 80" 10' longitude O., la variation etant de 29° a I'O. La plus basse temperature que nous eprouxames ful de 74° centigrades au-dessous de zero : le mercurc etl'eau-de- vie elaient gelcs. Le i'"" de mai, le navire toujours sur la glace, ful entraine pres de I'ile Mill, et (Je la vers la partic sudde Nottingham, entre cetlc lie ct le cap ^\ olslhenholme, falaise perpendiculaire de 1,000 pieds de haul, puis de la vers le nord de I'lle Charles, que nous alteignimes le 21 juin. La glace commen^a -i montrerdes sjmplo- mes de rupture; toulle monde semita manceuvrer une scie a glace de 35 pieds, et le 11 juillel, n'ayant plus que 5 pieds a scier , le banc se rompit de I'avant a I'ar- ri^re eldebarrassa le cole jiauche du navire ; nous vou- ( .55 ) lumos immeclialomenl J'ulre voile, maisnous trouvanies que le wavire etait embarrass^ d'une masse enorine de glace, Line vraie montagne qui s'elail i\x6e entre les porle-haubans. Nous eumes de nouveau recours a nos leviers; mais le monceau de glace , toujours attache au navire, vint a la surface de I'eau , et nous jeta sur le cote. L'eau pe- neti'a avec une elTrayante I'apidite. Tout le monde se mit a I'ceuvre jour et nuit , sans cesser un moment. On travailla a I'operation fatigante, mais indispensable, de scier la glace, jusqu'a ce qu'enfui , epuises par des efforts si long-temps soutenus , je fus oblig^ de faire sortir les hommcs de dessus le glagon pour prendre quelque repos et se rafraicliir. 11 n'y avait pas un quart d'heure que Ton avait quitte I'ouvrage qu'une rupture soudaine eul lieu ; et la masse, poussee avec violence conire les flancs du navire , enlevait sans effort tousles cordages et les espars que Ton avait places dans la craint'e de cet accident; et, sans la misericordieuse interposition de la Providence, tous auraient ete ine- vitablement ecrases par la masse de glace sur laquelle ils sorlaient de travailler. Au moment ou la glace se s^para, le navire se re- dressa et fut en derive. Comme il etait impossible de retablir I'ancien gouvernail , on en mit un tomporaire, tton feventa les voiles. Ce fut un moment d'anxidtt^ de savoir si le batiment obeirait au gouvernail; et , lors- qu'il put tenir le vent et porter le caj) sur I'Anglelerre , une acclamation de reconnaissance sortit de toutes les bouclies de I't^quipage sans distinction. J'avais, jusqu'au dernier moment, entretenu I'espoir que les avaries que nous avions souffertes ne seraient pas asscz considerables pour nous empechcr de gagner ( 256 ) la Clique VV'inler, el la nous dchouerel nous r^parer, tandis que quelqucs uns dc nous, dans des canots, ac- compliraienl rohjet de noire expd;dition. Maisquand jc m'aperQus qu'il fallait le travail continu de deux pom- pes pour nous tenir 4 flot, que I'dtambol elait tout-a- fait enlev6 etla quille fort endommagee , je sentis qu'il (^tait de mon devoir , quoique avec repugnance, de nous hater de regagner I'Angleterre. La premiere parlie de noire voyage i Iravers I'Ocdan ful heureusemenl assez prospore, mais lo temps devint mauvais, el lesvoies d'eau augmonlerent tellement que nous ne piimes un moment quiller les pompes. Pour maintenir le navire, nous iCimcs obliges de I'entourer et de le serrer avcc noire cable comme avec une cein- ture. Le 6 aout,nous avions traversd de nouveau le delroit de Hudson , et le 7 septcmbrenous arrivames aLough- Swilly, n'ayant pas pu mouiller I'ancre une scule fois depuis le mois de juin 1806. George Back. ( 257 ) DEUXIEME SECTION. Actes de la Societe* PROCES-VERBAUX DES STANCES. Seance dii 6 octobre 185-. Le proces-verbal de la derniere seance est lu ct adopts. M. le ministre de I'instruction publique ecrit a la Soci(!!t6 pour lui demander des renseignements sur le mode de publication quelle adoplera pour la reim- pression des Voyages de Marco Polo. M. le president annonce a I'assembl^e qu'une depu- tation de la Commission cenlrale a eu I'lionncur de presenter a M. le ministre de I'inlerieur le tome V du Reciieil des Memoires. M. le comte de Monlalivet s'est entretenu avec interet des travaux de la Soci6t6, des voyages d'exploration qui se font aujourd'hui, et prin- cipalement de I'exp^dilion de M. le capitaine d'Urville. M. le docleur Barracliin, sur le point de retourner en Perse avec une mission scientifique qui lui est con- fiee par MM . les ministres de I'int^rieur et du commerce , 6crit a la Societc^ pour lui offrir ses services et lui ex- primer le desirde recevoir ses instructions. Son projct est de visiter particulierement le Laurestan , province moins frequent^e quo los autres par les voyageurs, ( 2 58 ) parcc (ju'clle nc so Irouvc pas sur Ics grandos voies tie conimunicallon. La Societe accueille avec cmpresscmont les ollrcs de M. Barracliin , et elle I'invite a lui adresser toules les coiiimunicalions qu'il croira utiles an hut qu'elle se propose. Les Acad(^mles de Salnt-Petersbourg ct de Turin remcicient la Societe de I'envoi de la suite de ses Me- moires et de son Bulletin. M. Renault-Becourt, aMetz, (Merita la Sociel(^ pour lui annoncer I'envoi dc son Precis annlytique crun nou- i'eaii s/stenie de /'i/n/i>ers , et il lui rappelle son Torii- henii de tvides les pjdiosopliies et le Tableau plaidsphere qu'il se propose de publier avec le secours des sou- scriptions qu'il soUicile. M. Van-der-Maelen ecril a la Soci(^t6 pour lui ofTrir le specimen de la nouvelle carte lopograpliique ile la Belgique, qu'il se propose de puhlier a la meme echelle que la nouvelle carte de France ; il adresse ^galenient le plan parcellaire dc la commune de Woluwe-Sainl- Elienne, faisant parlie de V Jtlas cadastral du royaiinie de Belgique, qu'il public a recbelle dc 7,'—, et qui sera compose d'environ l^,r>oo feuilles. Seance flu 90 octohre iSS'j. Le proces-vorbal de la dernicre seance est lu ct adopted. La Socidld royale aslalique de Londres envoie les tomes ^ I ct Ml de son journal. M. d'Abbadle , en adressant a la Sociilti ses Etudes sur la laugue eusharienne , recommande a son attention la classification des peuples par les rapports ethnogra- phiqucs des langues. ( 2^9 ) M. le docleur J. Mease, correspondanl de la Societe a Philadelphie , adresse a la Commission ccnlrale un rapport dii secretaire de la Tresorerie sur le commerce et la navigation des Elats-Lnis pendant I'annee i85G; il rappelle les diverses communications qu'il a faites precedemment sur les paquebots a vapc-ar et sur le systeme pdnilenliaire de Pensjlvanie, ainsi que ses melanges de geographic etde slalistique, qui lui avaicnt sembl6 de nature a intc^resser la Society. M. le presi- dent fait remarquer, a cettc occasion, que la plupart des documents envoyes par M. le docteur Mease ne sont point encore parvenus a la Society, et queceux qu'elle a d6ja regus ont ete communiques au comity du Bulle- tin pour qu'il en lit I'usage convenable. M. RafTelsperger , membre de la Societe a Vienna, lui ecrit pour lui faire hommage de la premiere feuille d'une carte g^nerale de I'Autriche, execut^e d'apres un systeme typographique dont on a fait heureusement Tapplication a ce genre d'^tudes. M. Noel Desvergers depose sur le bureau un cxom- plaire de la traduction francaise qu'il vient de faire de la vie de Mohammed , d'apres le texte arabe d'Abou'l- f^da. M. Renault-Becourt, de Metz, adresse a la Soci^t^ copie d'une lettre qu'il a ecrite a divers journaux au sujet de I'expedition de M. le capitaine d'l'rville. M. Jomard donne connaissance : 1° d'une lettre de M. Delaporle , consul de France a Mogador , accompa- gnee d'une lettre originale ecrite par un juif d'Ibyh au sujet de I'assassinat du voyageur anglais Davidson ; 2 d'une lettre de M. Delaporte fds, contenant quel- ques details sur la ville et les environs de Mogador. Le memo membre, arrive recemment de Belgiquc, ( uGo ) donne dos renseignemeiils sur I'dlal acluol du Musee geograpliiqiie de M. \'an-dcr-Maclen a Bruxelles, sur les divers travaux que Ton execute dans ce bel elablisse- ment, ct entre autres sur les carles cadaslrales et sur la nouvellc carte de Belcique dressee a I'^chelle de — ' — . II donne ensuite des details sur les liois nouvelles sections de chemins de fer ouverlescette annee en Bel- gique, ind^pendament de cellc de Waremme, qui doit 6tre ouverlc dans le courant de ce mois. La section de Louvain a Tirlemont conlient un tunnel qui n'a pas moins de 900 metres. M. Jomard est prie de remettre au coinil(^ du Bulle- tin un extrait des lettres de MM. Dclaporle, et une note sur les diverses communications qu'il vient de faire a I'assembl^e. M. le capitaine Gabriel Lafond, qui, pendant ses nombreuses navigations dans les niei's de I'lnde , a\ait et6 a meme d'appr^cierl'importance du Guide maritime de Horshurgh , annonce qu'il etait sur le point d'acbe- ver la traduction de cet ouvragc , lorsqu'il apprit que M. Pr^dour avail aussi entrepris le meme travail, el que ses deux premiers volimacs venaient de parailre sous les auspices du Ministere de la marine. M. le capitaine Lafond se proposait egalement d'ajouter au Guide de Ilorsburgb un appendice sur les arcbipelsMalaisiens et Polyn^siens, et il offre a la Soci6t6 de lui communi- quer quelques uns des fragments qui devaient compo- ser cet appendice. M. le secretaire donne lecture de la traduction des statuls de la Society g^ograpbique de Francfort-sur-le- Mein. 11 en sera insert^ un extrait au Bulletin. M. AVarden communique une note extraile du Mon- rovia Herald ^ relative a la colonic de Liberia. BULLETIN DF. LA. SOCIETE DE GfiOGRAPHIE. NOVEMBRE ET ciCEMBRE 1857. PREMIERE SECTION. Ml^MOIRES. EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. ASSEMBLfiE G^NERALK DO I*' D^CEMBRE iSSt. DISCOURS D'OUVERTURE PRONONCfe PAR M. GuiZOT , Membre de I'lnslitut, President de' la Sociele. ' Messieurs , Appel6 par vos bienveillants suffrages a riionneur de vous pr^sider, qu'ajouterai-je aujourd'hui aux sa- vantes paroles qui, depuis seize ans, et I'an dernier entr'autres, a pareille epoque , ont deja si bien expli- que dans cette enceinte I'importance et la beauty de vos travaux ? VIII. NOV. ET Die. 1. I 8 ( 262 ) Voire Soc'uH(i , Messieurs , n'est plus une oeuvre naissanlo ot fjui ail besoin do so faire connaitrc; clle a jiris place parini les nobles inslilulions scientifiques (lout le public prononco le nom avec reconnaissance et respect. Notre siecle verra, je I'espere . ccs institutions pros- perer et grandir dansl'estime des hommes. Comment rcsprit d'association , si rt^pandu el si puissant pour ce qui tient a I'Drdre materiel, n'obliendrait-il pas, dans I'ordre intellectuel, autant de faveur el d'empire ? La science et les amis de la science ont besoin , grand be- soin de son appui. Dans des temps bien ^loignt^s de nous, au milieu des violences brutalcs qui rcndaient la vie civile trislo el precaire, des csprils eleves, avides de meditation el de savoir, se reliraient du monde et s'associaient dans la retraile pour ^tudier et penser en paix, chcrchant et goutant ainsi ensemble le double cliarmc du travail et du rcpos, de la solitude el de la sympathie inlel- lectuelle. A Dieu ne plaise que notre temps essuie , de ma part, une injuricuse et absurde comparaison ; jamais la socielt^ civile n'a ete plus reguliere ct plus sure. Ja- mais clle n'a ofTert i la science paisiblc plus de liberlt'! el de garanlic.Maisla securile, la liberie nicme ne suflisent point a la science. File est susceptible etfifere; elle veut etreencouragee, r(^compens6e par un interet cmpresse, dominant, alTectueux ; elle veut lenir une grande place, la premiere peut-etre, dans le cceur du public qui as- sisle a ses Iravaux. On ne saurail le m^connaltre : c'est aux pensees, aux preoccupations politiques, que cette place appar- lient aujourd'hui. Acleurs on spectateurs, c'est vers la ( 263 ) politique quo se porle la passion des espi'its. La sciencr a I'estime du public; et quand olle se met au service de ses inlerets, quand clle lui fournit des resullals promptement applicablcs a son bien-elrc ou a ses espc- rances, elle pcut obtenir boaucoup do lui. Mais a son pur litre de science , comme recherche d(^sinteressce et pers6v6rante de la verite , elle n'est point Tobjct d'une sympathie g^nerale, vive; et c'est de la sympa- thie qu'il lui faut. Elle la trouve, elle la Irouvera de plus en plus. Messieurs, dans des associations comme lavotre, dans ce public choisi , form6 des hommes qu'attire et lie le gout des memos 6ludes , des memos plaisirs intollec- tuels, C'est la que la science viendra chercher et reco- voir le soul prix digne d'elle, une approbation 6clair6e el reconnaissanle. Et los sciences, les etudes diverses auront ainsi leur public , lour monde. curieux , attenlif , fidele , qui suivra, dans une assidue intimity, leurs travaux el leurs destinees, au milieu de ce monde agit^ et distrait qui so presse a la poursuite des int^rets prives ou au spectacle des affaires de I'Etat. A quelle science , Messieurs, ce public special con- vient-il mieux qu'a celle qui vous occupe ? Les etudes goographiques sont ou sechcs et peu attrayanles, ou pleinos de didicullcs et de perils, et toujours solitaires. Si c'est au fond de son cabinet, d'apres les textes et les relations ecrites, en fouillant une multitude de do- cuments divers , que le geographe etudie la terre et ce qui la couvre , quelles recherches plus minulieuses, plus compliquees , plus elrangeres a ce qui attire ou emeut I'csprit des hommes? Si , au contraire , c'est sur la scene mfime du monde, dans des regions loinlaines, 18. ( 5-<»4 / chez des pciiptes harbarcs ou inconnus que Ic geograplie va cliercher la vorile, quelle entreprise plus penible el plus bardie ! quelle solitude d'une autre sorle , soli- tude cbargie de trouble, d'effort , de danger! Qui mesurcra lout cc qu'il faul de sagacity, de patience, d'obstination intelligente et modeste au geograpbe eru- dit? dc courage, d'inslruction variee, de savoir-faire, de fermete de cocur et d'espritau geograpbe voyageur? Assistez a la longue vie de d'Anville , dcvinant, d^cou- vrant, restituant tant de contr6es, dc villes, dc nionta- gneSjde fleuves, sans sortir un seuljourde son infali- gable inimobilile. Suivez Ics pas de ces gen^reux explorateurs qui ont tout quitt6, tout bravo pour aller consumer ca et la , sur la face de notre globe , leur jeunessc, leur sante, leur vie: P6ron, Jacqucmont, d'autres que je ne nommc pas, car vous Ics voyez. Songez a ces missionnaires qui, au fond des deserts de I'Afriquc, adonnes avec une passion sainte a conqut^rir des ames , ont encore du zMe et du torups a donner auxconquetcs de la science, ct vous adrcssent, Dieu sail avec quelles fatigues! leur bumble tribul. Qui appro- cicrale m6rite de tcls travaux , tantot si arides, tantot si rudes? Qui leur portcra , non pas une curiosite mo- mentan^e ct frivole , mais un long , et s^rieux , ct fidelc interet? Vous seuls , Messieurs, vous et les associations form6es a I'exemplc de la votre, vous pouvez acquittcr, envcrs los etudes geograpbiques et les bommes qui s'y devoucnt, cette delte dc la patrie. C'cst a vous d'etre pour cux ce public competent et ami qui recompense et encourage vraimcnt la science, car il comprend ce qu'elle coule et ce qu'elle vaut. Et sans parlcr du plaisir que vous prendre?, a la ( -265 ) prosperile de vos etudes favorites , vous aurez pour vous-memes, Messieurs, pour voire proprc recom- pense, la satisfaction de vous dire que ces 6ludes sent d'un grand profit pour la soci^te tout enti^re ; bien plus grand qu'elle ne le sait oun'y pense, dans la pre- ■cipitalion de sa vie et de ses passions. Sous quelque aspect que Ton considere les connaissances geogra- phiques , leur importance sociale eclate et grandit chaque jour. A une epoque si avide de richesses el de jouis- sances mat^rielles, quels travaux sont plus propres a en elendre la sphere? quelles decouvertes sont plus favorables, en ce sens, au progres de la civilisation et du bicnetre, pour toules les classes de'la sociele ? Si nous porlons plus haul nos regards, si nous nous inquietons, non plus seulemenl de la prosp6rit6 materielle , mais de I'organisation et de la direction politique du pays, la valeur des etudes g(^ographiques n'aui-a rien a y perdre. La politique aspire a devenir une science de fails, essenlicllement fondee sur la con_ naissance exacte et complete de cc qii'ont ett^, de ce que sont, sous leurs faces diverses, les societ^s hu- maincs. L'liistoire , I't^conoraie publique, la statislique et toules les sciences analogues, sont les elements de celte science nouvelle. Quel flambeau leur est plus indispensable, el jette sur leur route plus de lumiJjre que celui de la geographic? Comment comprendre les peuples et leur histoire, si Ton ne connaSt bien le theatre de leur vie, les rapports qui lienl I'homme a Vair, a la tcrre , et I'influence , grande quoique bor- nee, que ces rapports exercent sur sa destin^e et sur lui-memc ? Montons plus haul encore. Degageons-nous des in- ( 200 ) lorels ordinairos cic la vie ; aJ)ordons celle region ou riiommc no cliorche quo le pur jdaisir cie rinlelligencc el leslibrcs Amotions de I'tuno. De nos jours, et malgre d'elranges ecarts, la poiisie semble vouloir renailre. L'imaginallon , long-leinps ^louffoe ou fausst^c par I'esprit de speculation et dc critique pliilosophique, a rcpris quelque chose de sa veritt!! et de son eclat. Ce n'est plus seulement pour raisonner a son sujet que les iiommes considerent le monde : ils le regardent aussi dans le seul dcssein de jouir d'un spectacle si beau , si riche,si anime. Le vif sentiment de la nature, I'intelli- gence simple, promptc, vivante de I'liomme et de la societe, ces elements essentiels de la poesie. quelle etude, quelle connaissance (si ces mots etude et con- naissance peuvent £'lre ici prononces) , les scrviront mieux que la connaissance vraie, detaillee do noire lerre et de ses aspects, des peuples qui la couvrent el de leurs moeurs? U'illuslres exemples nous onl r6v6l6 combien de beautes poeliques peuvent etre puisees a celte source , et ce que peuvent gagner les poetes a do- vcnir voyageurs. Et si nous touchons enfin a des besoins dun autre ordi'e, de I'ordre a la fois le plus eleve ol le plus pra- tique ; si nous recherchons comment peut s'affei'mir ct se dovelopper cet esprit vraimont liberal, c'esl-a-dire jusle, bienveillanl, humain, qui est deja , qui doit etre de plus en plus I'esprit des temps modernes, quelles (Etudes lui soul plus propiccs que celles qui, en fai- sanl connailre et comprendre les elals divers de riiomme et de la societe, dissipent les pi-6juges lo- caux, les sentiments etroits, el entreliennent, propa- gent cetlc disposition equitable;, tolcranle, qui, lors- qu'cUe aura trouvc sa vraie place et sa juste mcsui'o ( ^^7 ) dans Tame humaine , n'^teindra ni les convictions fermes, ni les sentiments 6nergiques, mais sera le gage le plus sur des progres de la liberie et du long main- tien de la paix ? Ni les mdriles, ni les attraits les plus divers ne manquent done. Messieurs, aux travaux que vous en- coui'agez et a vos propres travaux. Us ne charment pas soulement votre esprit; ils ont beaucoup d'importance sociale. Et cette importance ne se borne point a I'ordre materiel; elle embrasse I'humanit^ tout entiere, ses besoins les plus nobles aussi bien que ses plus com- muns inlerets, et au-dela ineme de ses besoins, ses plaisirs les plus vifs et les plus purs. Et ne craignez pas de considerer ainsi dans toute son etendue le cercle de votre activite. Vos pretentions sont modestes, mais votre oeuvre est grande. Toutes les sciences sont grandes aujourd'hui, car ellcs se tiennent toutes, et elles se communiquent rapidement leurs conquetes , et ces conquetes se transformenl rapidement en resul- tats sociaux et pratiques. Poursuivez done, Messieurs; poursuivez avec confiance, avec esperance; vous ne ferez pas tout ce que souhaiteraient vos g^n^reuses pensees ; mais vous ferez plus, beaucoup plus, soyez- en certains, que vous ne croirez avoir fait. Notice annuelle des travaux de la Socictd de Geographie en iSSy, par M. Noel Desvergers, secretaire general de la Commission centrale. Messieurs , En venant ici vous offrir , conforratiment a vbs statuts , le tableau des operations de votre commission ( 268 ) cenlrale et des Iravaux de la Soci^W pendant I'annee quivient de sV'Coulcr, permellcz-moi d'appeler d'a- bord voire attention sur une pensde consolanle pour riiomme qui, consacrant sa vie a I'etude, s'arrete ddcourag(^ par la brievct^ du temps etreloignemcnl du but auquel 11 veut parvenir. Maintenant, en effel, que les progres de la science sont si rapides, ne voit-on pas le ccrcle s'dtendre , les limitos se rcculer a mesure qu'on fait plus d'efforl pour les atteindre. Les jours se passcnt, les annees se succ6dent, et il arrive que les for- ces sont^puisees, alors qu'a peine on a acquis les con- naissances necessaires pour oser se charger d'une la- che importante. Mais voila seize ans que vous vous ctes assembles pour la premiere fois dans celte enceinte, et voila seize ans que vous avez pu vous convaincre qu'il n'existe plus cct inconvenient si grave pour rhommc isol6, lorsque, dans des institutions telles que la votre, des personnes unies par le gout des memes recherches apportent le tribut de leurs vcillcs etde leurs travaux. Chaque decouverte nouvelle alors cause un jilaisir sans mdilange , chaque fait qui vicnt s'ajouter aux faits dejA connus est un gage de plus pour I'avenir d'une association ou chacun s'appuie sur le devouenicnt de lous, dans I'cspdrance d'arriver un jour a la connais- sance du vrai, unique fondement de toute science. Cetteann^e encore, Messieurs, la Society peut s'ap- plaudir des resultatsqu'elle a oblcnus, et si le but de ni)s Iravaux comniandait la conliance, elle ne nous a pas iil6 refusee. Des associations nouvelles onl eto crepes en Europe dans ce mcme espoir qui vous a in- spire autrefois I'id^e gcnereuse d'unir vos luinieros pour Ic progres des sciences geographiques, et toutes ellcs ont recherche votre alliance. Lu Societe royale ( 269) g^ographique de Londres, si richc de curieux docu- menls; la Society de Berlin , a laquellc s'attachc le nom des Humboldt, des Ritter, des Reinganum ; cette institution recente, nouvelle, soeur qui vient de pren- di'e naissance a Francfort-sur-le-Mein, sous la direc- tion de MM. Ki-iegk et Meidinger sont avec vous en relations et 6changent leurs publications avec les v6- tres. D'autres Societes etrangeres, bien que n' ay ant pas la geographie pour objet special, vous envoient le r6- sultatde leurs travaux;lellessont: I'Academieimpt^riale des Sciences de Saint-Petersbourg , les Academies royales des Sciences de Berlin, de Turin, de Lisbonne, d'Kdimbourg, I'Association britannique pour I'avance- ment des sciences, la Soci^te philosophique am^ri- caine de Philadelpliie, I'Academie americalne de Bos- ton , les Societes asiatiques de Londres et de Calcuta , la Soci^le royale des Antiquaires du Nord a Copenha- gue. Si, de toutes les parties du globe, les nations etrangeres qui aiment et cultivent les sciences sont ve- nues a vous ou ont r^pondu a votre appel, le concours des Societes francaises ne vous a pasmanqu^, tin grand nombre de celles qui ont leur si^ge a Paris , un plus grand nombre encore de celles qui resident dans nos belles provinces, ou le mouvement intellectuel se fait sentir avec tant deforce, vous fonthommage de leurs publications, etce temoignage flatteurde consideration est une de vos plus douces recompenses. Cette liste doit se grosslr encore du nom des recueils p6riodiques , tributs individuels qui viennent augmen- ter la masse de vos documents et fom-nir de nouvelles acquisitions a la g^ograpbie. Les Nouvelles Annales des voyages, recueil si habilementdirige par MM. Eyries et Larenauiliere, noms aimes de la science , auxquels ( 270 ) sonl vcnus s'unir Ics nonis des Ilumbolclt, dcs Wal- cknaer et des Bureau de la Malle; les Annalcs mari- llmes ct colonialesde M. Bajot, le Journal de la Marine et des Voyages deM. deMontrol, laBlbliollieque univer- selle de Geneve, le Memorial encjclo[)ediquc,rinslilut, rEclio du Monde savant dirig6 par M. Bouhee, le Moni- teur ottoman, le Journal de Smyrne, celui du Caire, en- richissent votre bibliotheque, qui, chaque annee, prend un accroissement rapide, et oflVe aux personnes de- vou^es a I'elude des ressources de plus en plus pre- cieuses. Ln membre de la Societe, M. Agasse, vous a fait don de plusieurs centaines de volumes ; le Musce geograpliiquc, que vous avez fond(i, s'est enrichi des offrandes de MM. Roux de Rocliellc, Jomai-d, d'llom- bres Firmas , Lafond, et un grand norabre de savants francais ou elrangers vous ont adress6 leurs ouvrages. Aussi, grace a ces communications bonorables, la So- ciete est comrae un centre auquel viennent aboutir les productions diverses qui int^ressent la geograpliie ; et cet avanlage, il lui est permis de s'en faire honneur, puisqu'clle le doit aux gen«^reux efforts qu'elie a faits pour favoriser de plus en plus les progres de la science a laquelle elle s'est vou6e. Le concours de cette annee n'a pas cte moins im- portant que celui des annecs pr^cedentes; vous avez ecoute avec un grand interet le lapport que vous a adress6 M. Eyries au nom d'une commission sp^ciale, et, conformement a ses conclusions , vous avez donn6 le prix annuel a M. lecapitaine Back, pour ses beaux voyages dans les regions arctiques. \ ous avez aussi ac- corde des mentions bonorables auxtravaux de M. Bru- guieres, de MM. John Smith et Lowe , Andre Smith, Arbousset et Daumas, pour les pi'ogres qu'ils ont fait I 27* ) faire a la geographic , le premier dans I'une des extre- mities orientales dc I'Asie, les seconds dans rAmcrique inerldionale , et les derniers dans la partie australe de lAfrique. Les sujets de prix testes au concours appcllent I'at- lention du voyageur inslruit et d^voue, dont I'emula- tion courageuso sait apprecier la gloire des decou- vertes , ou aime la recherche de la \erite. Un prix de deux mille francs, fond6 par S. A. R. monsieur Ic due d'Orleans, est destin6 au navigateur ou au voyageur dont les travaux geographiques auront procure, dans le cours de 1857, la decouverte la plus utile a I'agri- CLilture, a I'industrie ou a I'humanite, Un si noble en- couragement, une si honorable bienveillance , Mes- sieurs, est un gage bien r6el de I'interet qu'excitent voire zMe et vos travaux. Le prix annuel pour la de- couverte jug(!!e la plus importante pendant I'annee 1 834 sera decerne dans la prochaine assemblee gene- rale, et vous avez proroge jusqu'en 1809 celui qui est destine a I'auteur d'une descx'iplion complete des ruines de Palenque , debris myslerieux sous lesquels se cache peut etre la lumiere qui doit eclaircr un jour riiistolre encore si obscure de I'Amerique cenlrale et de I'ancien Anahuac. La publication de vosMemoires, qui se lie si intime- ment aux questions que vous proposez , se poursuit avec activity, et bientot I'apparition du quatrieme vo- lume comblera la lacune qui existe encore. L'Edrisi que vous avcz public par les soins du savant orientaliste M. Jaubert , vous a merile la reconnaissance de tous Icshommes quiapprcciaienlquelle lumiere avait autre- fois repandue sur la geographic du moycn age I'appa- rilion de I'abrege du geographe de Nubie, et qui , d'a ( 272 ) prCis le parti qu'en avaient tir6 les Bocharl, les Rciskc, les Casiri , les Harlmann , comprenaient loule I'impor- tance d'une edition bicn autrement pure et complete. Ce beau monument sans doute ne restera pas isol6 : nous devons au zele et au talent de M. Reinaud la pu- blication de la traduction deja fort avancde de la geo- graphic d'Aboulfeda dont dou/.e nouvellcs feuillcs ont 6le tiroes , corapUtanl ainsi plus des deux tiers de I'ouvrage. Le Bulletin , destine a reproduire tous les actes de la Society, fait assister h. vos stances les mem- bres qui n'usent pas de ce droit, et vous save:: ainsi qu'une correspondance active , que de precieuses com- munications ont occupe les heures consacrees aux reunions de votre Commission centrale. Ciler quelques noms, rappelor MM. Roux, Jomard, d'Ave/.ac, Peytier, Santarem , d'Orbigny , Bianchi , Barbier Dubocage , Ansart, Tardieu, qui veut bien donner ses soins desin- leresses a la gravure des cartes, Poulain, auquel nous devons une nouvelle edition de son utile Atlas, Albert de Montemont dont la Collection de voyages, maintcnant termin^e , contribue fortement a populariscr I'etude de la geographic ; nommer pour la correspondance MM. Mease , Francis La Valine , Washington , de Ma- cedo , Falbe , dcGrandj)re, Graberg de llcmso, dc la Roquette, Galindo , c'est vous dire assez I'interet qui s'altache aux documents fournis par eux. Mais ce se- rait Irop peu si, dans la revue rapitlc de quelques uns des travaux geographiques de I'annee dans les diverses contrees du globe , ces noms ne devaient pas de nou- veau retentir. Le D(3p6t de la guerre. Messieurs, a continue, sous la direction du g6n6ral Pelet, ses utiles travaux; et la grande carte topographique de la France se public [ ^7^ ) avec louto raclivite ct rcxactitiidc dcs liommes dc science charges de celte vasle entreprise. Douzc feuilles nouvelles ont paru cette ann^e. Messieurs les colonels Puissant ct Coraboeuf, charges de faire connailre les travaux necessaires aux operations qui lui servent de base , ont acliev6 la seconde partie de la nouvclle des- cription g^ometrique de la France qui paraitra dans le tome viii du Memorial du d(^p6t de la guerre , tome dont I'impression est deja commencee, II contient I'ex- pose des resultats des operations geod^siqucs du pre- mier ordre executees depuis la publication de la pre- miere partie, forniant le tome vi du Memorial. Le depot a public encore les cartes des provinces de Constantine, Oran , Bone , Alger. 11 termine une carte du depar- tement de la Seine, ainsi que la carte de la Guyenne entreprise par les ordres de Louis XV. M. le general Pelet s'occupe aussi de la publication des raemoires militaires sur la guerre de la succession d'Espagne , faisant partie de la grande collection des Memoires sur I'histoire de France , commencee sous les auspices do M. Guizot , dont la pensec grande et gencreuse saisit toutes les occasions d'etre utile a la science. Ges me- moires sont accompagnes d'un Atlas compose do vingt- deux cartes , execute au D^pot , et dont IM. le directeui* general a fait don a votre bibliothequc. Le Pilote francais, public sous la direction de M. Ic baron Hamelin , si dignement seconds par MM. Beau temps Beauprd et Daussy est une de ces entreprises que riiydrograpliic et I'humaniti accueillcnt avec uno egale reconnaissance. Les ingenicurs gcograplies, gui- des par M. Beaulemps Beauprc!;, que les Anglais cux-memes appellent le pere de Thydrographie , avan- ccnt rapidement vers raclievemenl de la reconnais- ( '^Ih ) sance dcs cotes de France sur TOcoan el surlaManclic, Get immense travail, cntrepris en 1816 ct conlinue sans inlerriiplion jusqu'a ce jour, sera probablcmcnt terminc I'annec prochainc. En outre , des cai-los qui sont le resultat de cette reconnaissance, le Dt^pot de la marine en a fait parailre en 1837 plusicurs aulrcs que nous mentionnerons tout a I'heure ; et le ministre de la marine qui ne neglige rien de ce qui pout etrc avanla- geux a la navigation , a fait publier cctle annee divers ouvrages qui interessent (iminemment la geographic. Tels sont la traduction des Instructions d'Horsburgh pour la navigation des mors de I'lnde par M. Le Prc- dour, et le Voyage de la Recherche en Islande , dont quatre livraisons ont deja paru. Le grand voyage de la Thetis et de I'Esperance , execute en iSsS et 26 , sous les ordres de M. de Bougainville , et attendu depuis long-tomps, va nous etre donn6 en entier. D'autres publications imporlantes, dues a des hom- mes connus depuis long-temps par leurs utiles travaux geograpbiques, sc pr^parent ou s'ach5vent. M. le colo- nel Lapie s'occupe activement de meltre la dcrnifere main a un grand travail sur I'empire remain : ce tra- vail se composora d'une carte en neuf feuilles, ac- compagnee de tous les itineraires romalns , ainsi que des peryples grecs mis en ordrc ct revus par MM. Haze, Guerard et Miller. Les itineraires neufs et varies de M. le capitaine Callier pendant son voyage en Asic , ont ete consul tos utilcment pour cette oeuvre impor- lante. Des enlraves inseparables d'une execution do- pendante du concours de plusicurs pcrsonnos ne por- metlent a M. le colonel Denaix dc presenter aujourd'hui que des epreuves de la secoiide livraison de son Atlas phvsique, politique ct historique do la France. L'eten- ( 27'^ ) due des rochorches consignees dans ccs belles pages , la ncltcte de Icur execution , sont une sure garanlie jjour colle lache immense dont M. Denaix poursuit I'accomplissement avec un talent et un zele qui n'oni d'autre mobile que I'interfet de la science. M. Jomard vous avait r^vele par d'interessantes com- munications tout I'avenir du bel ^tablissement g^o- grapliique fonde a Bruxelles sous les aupices de M. Van- der Maelen. Get habile directeur vous a envoye un plan geomelriquc de celte ville, par M. Craan, en cinq feuilles; la premiere feuille d'un atlas cadastral de la Bel- gique , ainsi que le specimen d'une carte topograpbi- que de ce royaume construite a I'echelle de j-'oc par Gerard, et qui se liera ainsi a la grande carte de France. Partout dans la vieille Europe , ou ce ne sont plus des d^couvertes qu'il y ait a faire , mais ou bien des con- trees encore n'ont ])as ete decriles ou mesurees avec cette perfection malbematique que demandc mainle- nant I'elat avanc6 de la science, de nouvellos carles sont dressees, de nouveaux documents sont produits; plus de pays bientot dont on nc puisse etudier dans le silence du cabinet , les delimitations les plus minu- tieuses , le plus leger relief ou la moindre depres- sion. L'Anglelerre continue, sous la surveillance du capi- tainc Colby , les travaux de sa grande carte topogra- pliique a I'echelle de —^rn. ' ^^ les investigations geolo- giques du celebre Labeche font connaitre dans ses plus minuticux details la composition du sol j le colonel For- sel en faisant paraitre son utile ouvrage sur la stalistique de la Suede ; M. de la Roquette en vous adressant de cu- rieux relevds de la population en Norwege ; en Prusse , ( 27«> ) Engclhardt;onSaxe,Schlicben, Papcn dans IcIIanovrc, RalToIspcrgor on Auti-iche , par la publication de nouvelles feuilles des cartes qu'ils dirigenl, nous four- nissent sur le nord et le centre de rEuroj)e de precieux documents. M. Jules Roux deRochelle vous a fait don d'une carte de I'ile de Se^land en deux feuilles : un atlas de I'Europe centrale a r^chelle de rrz';^, ; unc carte du duch^ de Bade et du Wurtcmbcrg en douze feuilles, une carte de la Suisse et des pays limitro- phes en vingt feuilles ont et6 terrain ) tant plus cher que I'^poque de I'ann^e est plus d^fa- vorable et que Ton exige una plus grande vitesse. Le clieikli-es-Sea s'engage a remplir les comli lions impos^es, et il accepte toute la responsabilite du traile. Lorsque tout est convenu , il choisit lui-meme le mes- sager qui lui parait le plus propre a s'acquitter avec intelligence et fidelile de la mission proposee. II recoit des mains du negociant les Jeltres ou les valeurs en argent qu'il faut expedier ; il les I'emet au courrier, a qui il donne en meme temps ses instructions , et il I'accompagne jusqu'aux portes de la ville pour s'assu- rer de son depart. Si le pays est tranquille , I'cnvoye peut faire diligence et suivre le chemin ordinaire; mais s'il y a quelques lieux dangereux a traverser, il est oblige, pour fuir le peril, de se detourner el de prendre souvent des sentiers de clievre au milieu des rochers. Ces pielons onl une connaissance complete des localites qu'ils frequentent d'habitude; ils n'igno- i^ent aucune de leurs communications; ils savent I'em- placement de tous les puits , de toutes les sources, et quand ils sont tres presses , ils abregent les distances en dvitant les grandes sinuosites de la route, lis vont alors a travers cbamps et gravissent des montagnes a pic. Leur instinct des directions , et leur longue re- sistance aux fatigues de la marclie ont de quoi sur- prendre dans un pays ou les habitations sont rares et ou les cbemins sont affreux. Ils peuvent marcher jusqu'a quinze heures par jour durant un voyage de cent a cent cinquante lieues. Chaque soir, ces pauvres messagers trouvent asile dans le village ou ils s'arretent. L'hospitalitd ne leur manque jamais; il n'est pas de maison dont la porte ne leur soit ouverte , et oil ils ne soient accueillis avec ( 292 ) bonie. lis partagcnt le rcpas do la famille chez laquoUc le hasard les a conduits; ils passent la nuit au milieu d'elle, commc le ferait un parent ou un ancien ami, et avantle lever du soleil , ils prennent congd do leurs holes pour se remettre en route. Les hommes qui font ce peniblc metier sont pres- que tous fort malheureux. Jen rencontrais souvent dans raes voyages, et j'^tais toujours frappe de leur aspect miserable. Get air de pauvrele , ajoul^ a cer- taines allures particulieres , tlitait merae devenu pour moi un indice qui me les faisait infailliblement recon- naitre. II est probable aussi que la crainte d'etre de- pouilles les engage a se vetir de liaillons; c'esl un moyen d'^cliapper a I'envie , ou de perdre fort pen si Ton tombe entre les mains des voleurs. Les courriersqui font le service entre Alep el Bagdad sontbeaucoup plus rares que ceux dont nous venons deparler,d'abord parce que Ton n'a recours a eux que dans les occasions imporlantes, et cnsuite a cause de la dilficulte de Irouver des hommes assez inlelligenls , assez couragcux et connaissant assez les coutumes du desert pour etre propres a ce genre de mission. On concoit sans peine qu'il ne soil pas facile de renconlrer dans un seul individu loules les qualiles qui sont indis- pensables pour surmonter les obstacles et affronter les dangers de ces sorles de voyages. On comprend encore la marche des caravanes ; dans ces rc^unions, on trouve les secours qui naissent de Vassocialion, les ressources de I'appui mutuel; mais dans la marche isolee des courriers , ces avantages n'existcnt plus; on ne doit csperer aucun soulicn elranger, il ne faul compter sur les conseils de per- sonne, on ne peut rien allendre que de soi. ( 293 ) Dansces courses diiliciles, on s'(ilonne aulant de la force et de la sobri6t6 du dromadaii'e que de rinstinct da mailre qui le conduit: c'est le meme animal qui parcourt le trajet d'Alep i Bagdad , et quand les de- peches sont pressees, une semaine lui suflit pour fran- chlr cetle distance ; sa vitesse est alors de vingt-qualre lieues par jour. Dans ces rapides travers^es , ce n'cst pas asscz d'evilerles Iribus cnnemics, il faut encore ne pas s'^cai'ter de la lignc directe , et surtout ne jamais perdre I'Drientalion ; il faut manager sa rnonture par des halles faites ci propos et lui laisser le temps de cherclier sur un sol ingratles plantes dont il se nourrit. On doit posseder un sentiment assez parfait des direc- tions et des distances pour etre sur d'arriver, sans hesitation, i tel endroit ou Ton trouvera de I'eau, des que la provision est ipuisee. II y a une foule de difli- cultes a vaincre et de perils a fuir : le moindre indice , la plus l^gi're trace laissee sur le sable doivent servir d'averlissement ou de guide ; la vue la plus eloign^e d'une tente ou d'un chameau, le plus petit point apercu h I'horizon, tout cela doit avoir son explication et son cnseignement ; c'est toule une science d'appr^ciations delicales et fines. J'ai vu un de ces courriers ariivant de Bagdad h Alep ; son dromadaire paraissall liarasse; il avait des formes elegantes et des jambes tres deliees; sa taille ^tait moins grande que celle du chameau. L'Arabe portait le cos- jume de Bedouin ; son teint c;tait fort brun, son regard vif el j)orcant, I'expression de sa figure pleinc d'espril etdp nol)lcsse. En examinant cct homme qui venait de franchir toute lY'tendue d'un vaste desert; en voyant encore ses hahits tout blancs de la poussiere de ces vni. NOV. ET DEC. 3. 20 ( 294 ) solitudes si difliciles a aboriJer; cnsc repr^sentantlcsob- slaclesclles dangers qu'il vonait d'alFronler, onne pou- vail sc d(ifendre d'une sorle d'admiration; c'etailcorame rinipressionqueprodiiitla vuc d'une personne celfebrc. Au lieu de ces bahiles courriers, on employaitaulre- lois la poslc aux Pigeons. Cesmossagers a^riens etaient bien plus rapides, mais sans doule moins siirs que ceux d'aujourd'bui. Je sais qu'on a renonc6 depuis un si^cle environ a I'emploi ingiinieux de ces oiseaux ; mais on n'a pas su me dire le molif de cet abandon- J'arrive maintenant a la description des coutumes de la caravane qui traverse le mcme desert. Dans ce ta- bleau , jc me suis propose de dire comment ces soci^tes voyageuses s'organisent , avec quelles precautions elles marcbent a ti'avers ces arides contrees , de quelle ma- ni^re elles prot^gent leur ricbe cbargement contre la rapacite des tribus, ou le pillage est regarde commc une verlu guerrifere, et enfm comment lordre se main- tient durant ces longs voyages , loin de I'aulorit^ des pacbas et sans I'intervention des cadis. II y a trois routes pour se rendre de Bagdad a Alep. Les circonstances et les saisons delerminent ordinairc- ment le cboix de I'une d'elles : la plus suivie est cellc qui passe par Hit et Ana ; elle s'^loigne peu du cours de I'Eupbrate et presents g6n(^ralcment moins de dilli- cultes que les deux autres. Lorsque des evenemcnls extraoidinaires enipecbent de la pi-endre, on traverse la Mesopotamie, appcl^e par ,les Arabes Tchot-i'd- djezire (I'jlc du d6sert) , et Ton nc gagne I'Eupbrate qu'a Bi're. On est quelquefois oblige de passer plus au nord par Maidin el le Diarbekv; c'est le cbemin le plus dangereux et celui sur lequel il y a le plus de droits a acquitler pour oblenir le passage. Bagdad envoie ses grandes caravanes a Alep ou a ( 29-5 ) Damns. Quand approche le moment du depart, on s'occupe d'abord de I'tiloctiondu chef, appele cheikk-el* keroiiaii. Les n^gociants et les proprl(^taiz'es dcs cha7{ mcaux qui doiventporter les marchandises se reunis- sentpourfairecette nomination, et onla soumet ensiiile h I'approbaliondu pacha. Basque le chef est recoimii, rien ne pent plus se faire sans lui ; son aulorit^ s'excrcc en toutes choses et rencontre raremcnt de Topposilion.; Place enlre les interets descharacliers etducommerceV sa position n'est j)as sans difficultes et reclame souvent un grand esprit de conciliation. L'hahilet^ et la consir, deration sont indispensables pour pretendre au litre de clieikh-^l-kerouan ; aussi le choix des ^-lecteurs porte-t il toujours sur un horame qui a d(!!Ja fait ses preuves. C'est ordinairement parmi les chameliers les plus riches , les plus anciens et les plus en renom que Ton choisit ce chef; il apparlient toujours a une iribu di'Jgueli, Ces Arabes jouisscnt d'une grandc reputation de bravoure et de loyaute; leur palrie est la province du Ncdjd , si celebre par ses bons chevaux.> Depuis long-temps ils n'habitent plus celle contree, el ils ont abandonn6 les mceurs de la vie nomade pour s'elablir A Bagdad et a Bassora. La pluparl des chame-i liers qui font les voyages de Syrie sont de memeoriginc que le chef. Ces nobles tribus ont encore le privilege de fournir des soldals aux pachas de Bagdad, aupres desquels ils sont en grande estime. Avant de s'occuper des pr^paratifs de depart, on commence par fixer le prix de la charge d'un chameau et Ton determine en meme temps la route a suivre. Une fois ces conditions etablies, on r6unit le nombre d'animaux n^cessaires, on prepare les ballots et Ton d^signe le jour ou Ton devra se mettre en route. Les 20, ' ( -^y^i ) provisions de voyage sonlachel(^cs, Icstentes et tons les uslensilcs incUspensables sont apprcltis. Le cheikh-M- k(^rouan pri^side a tout , et pour rcndre I'organisalion plus reguli^re ct la surveillance plus active dans toulcs les parlies de la caravane, il partage les chameliers on plusieurs troupes, dont chacune a son chef particulior qui prend le titre de cheikh. Quand tout est pret ct que le jour fixe arrive , les marchandises sont charg^es, et Ton va se riunir a peu de distance de la ville pour con- venir des ordres de marche et de campement. Le chef supi'eme assemble tous les cheikhs dans un conseil o£i Ton arrele ces derni^res dispositions; toutcs les pre- cautions de surety sont prescrites , et chaque troupe a son escorte pour la protdger. Dans le cours du voyage , on se met tous les matins en route suivant I'ordre indiqu6; les soldats reslinl fidelement i lours posies et marchent a c6l6 de ceux dont la garde leur est confide. Ces soldats sont eux- memes des Agudlis qui fournissent des chamcaux a la caravane et dont les int(^rets se trouvent ainsi associ^s au sort du convoi. En protegeant les marchandises conlre les lentalives des Arabes dont on traverse les lerritoiros, ils defendent en merae temps leur pro- priety et leur vie ; de sorte que , quand bien m6me le sentiment d'honncur qui distingue ces Agudlis ne lour ferait pas un devoir de conservcr leur reputation do bravoure , on Irouverait encore un garant de leur cou- rage dans rinlerot qu'ils ont a repousser des allaqtics oil leur existence et leurs biens sont menaces, llabiluos aux fatigues du desert, ces hommcs vont a pied , veins dune sini])le chemise attach6e autour du corps par uno ceintiirc de peau ornee d'une agrafe; ils portent presque loujours par-dessus cetlc espijce do tuniquo ( '^97 ) un aba qui leur sei't de mantoau ; ils sont coiHt's tlu kafiye, retenu sur la tele par plusieurs tours de Vagucl. Cest sansdoute a celle sorle de turban qu'ils doivent leur nom de tribu. Jamais ils ne se font coui)er la barbe , et quelquefois ils laisscnt croitreleurs cbcveux pour les arranger en belles tresses. Leurs armes sfe composent d'un fusil a meche nomxniibendekiye, et sou- vent d'un large poignard appel6 khamljav. lis sont tres sobres et d'une r(^signation excmplaire ; en un mot, ces horames paraissent fails pour les penibles traver- sees du desert ; on dirait que la nature les a doues a dessein de toutes les qualit^snt^cessairespoursurmon- ler les difficultes de ces longs el dangereux voyages. Lorsqu'on est en marche, lescheiklis, monti^s pres- que tous sur des chevaux ou sur des dromadaircs, de- vancent les chameliers avcc le chcikli-fel k^rouan, et forment ainsi une sorle d'avant-garde qui ne s'eloigne jamais a plus d'une heurc. A cctte distance, les cheikhs metlent pied a terre et se reposent jusqu'a ce que la caravane les ait rejoinls. Ce temps est employe a boire la liqueur du moka et a fumer le ghnlioun ou le nav- ij;nile , pendant que lesmontures])aissenlaux environs. Cette avant-garde fail plusieurs lialles semblables dans la journ^e, et a la derniere elle cherche un lieu de station povir la nuit. Le chef envoie d'abord des cava- liers pour faire des reconnaissances dans loules les directions, et quand aucunvoisinage hostile nes'oppose au choix d'un emplacement qui parait convenable , le bn'iractar ou porte-enseigne , deploic son drapcaupour indiquer aux chameliers I'endroil ou il faul s'arrOler. ('.'est autour do ce signal que vienncnl se grouper cha- eune des petites troupes qui coniposcnl la caravane. A mesuie que les chauieaux arrivenl; ils se baissont do- cilemcnt a la \oix de leurs muilres, ot aussilol qu'ilt. ( 298 ) sont delivr^s de leurs fardcaux, ils so reinvent ct se dispersent pole-Ill (^le aux alcnlours du camp, ou ils Irou- vGiit quelquofois dos paturagos , parfois sciiloniont dos licrbos oparses sur le sol aride du dosorl. Ln certain nonibre de soldats sont commandos pour la garde des aniniauxet ils serventen meme tomps de sonliiielles avancees. Dans le campenient, toutleraondo sc contorme aux i6gles ^tablies ; Ics'^tenles se placent d'aprds les dispo- sitions convenues, et partoutla discipline cstrespeclee. Le pavilion du clieikh-o)-k(^rouan[s'el6ve au^contre, et ceux des difforents chefs se rangent en cercle a droite et h gauche suivant I'ordre do preeminence et non sans quelque symd'lrie. Lorsque chacun est instalid et quo les ballots sont rounis en divers groupcs, ceux qui sont charges de la cuisine font les dispositions ntices- saires pour appreler le repas du °soir. En attendant, los chameliers s'occupenl do roparer les avaries do la journee et se I'eposent ensuitei I'ombre protectrico do lours Icntcs. Quaiid I'heure du diner arrive, on so partage en petites compagnies, et Ion s'assied a lerre autour de I'uniquo plat qui compose le repas frugal de chacun des groupcs. L'oau torreusc du fleuvo ou I'eau saumalre des puits est la soulo boisson des Aguolis; de grands vases en bois grossioromont lailios loursorvont d<; coupes etpassent domain en main a la fin du diner; quelques instants suflisent pour prendre celte modeste nourriture, el chacun va se placer cnsuile pros des marchandisos qui lui sont confieos. Au couchor du soleil, on plieles pavilions, soit dans la crainte qu'uno surprise ne force a lever le camp durantia nuit, ou bien iiiin d'etre plus lot prel a parlirle matin. Dans la soiree, lous les cheikhs sc r^unissent en un ■ cousoil preside par le chef do la caravane. Cost \h qw J ( 299 ) •se disculent toules los affaires ; on y regie la inarche tin lendemain , les droits a acquitter dans les ti-ibus arabes; on y rend la justice 'ct Ion y accueilie toutcs les plainles. Cclteassembl^e est investie de droits civils et judiciaires, en un mot on lui accorde le privilege do r^soudre toutes les questions qui peuvent s'6lever dans le sein de la societe voyageuse. To us ses arrets son I re^us avec soumission, et Ton s'y conforme comme h ceux d'un pacha ou d'un cadi. Les loisn'ont passeules des interprtjtes au milieu de ces cai-avanes , la religion elle-meme a ses ministres, ctcbaque soir la priere se fait publiquemenl Ln ineaddhi fail entendre le chant d'usage, et chacun se rend a ce pieux appcl pour preter sa voix au concert de louangcs que Ton adi-esse a Dieu. A la fin du jour les chameaux renlrent tous aucam- pement et vont s'accroupir pres de leurs mallres. On place alors des sentinelles dans toutes les directions paurveiller a la surete de la caravane, etlorsque toules les precautions sont prises , de nombreux groupes se foi'xnent autour des feux allum^s de distance en dis- tance. Pendant que chacun fume la feuille odoranlc du totoii ou du toiimhak , les chefs font dislribuer dans leurs troupes la liqueur parfumee du moka. Souvent des contes poetiques du desert , des chants h^roiques ou bien des danses pantomimes occupentles loisirs de la soiree et terminent ainsi une journ6e de fatigues par d'agreables d^lassements. Quand I'heure du repos est venue, chacun se i^etire aupres de sea chameaux et de ses marchandises; on se couche sur un feutre grossier appel6 lebbad, et Ton dortsans crainte a la belle etoile, gardd par de vigilantes sentinelles qu'on envoie relever a ininuit. Les jours se.succedent en ramenant sans ( ooo ) ccsse Ics niomes Iravaux el les mfemos plaisirs, ot c'csl ainsi qu'on paivienl au lermc clii voyage. S'il arrive qu'une caravane soit nienacie d'une at- taque, lesdiverses Iroupes se resserrent avec ordrepour nc point laisscr d'ouverlure a I'cnnemi. R6unies en une masse compacte et flanquees par les soldals d'escorlo, ellcs marchent lentement el obscrvent avec soin les regies de la defensive ; quelquefois ces simples dispo- sitions el le calme des Aguells i\ rapproclie du peril suflisent pour faire rotirer les Arabes. 11 est rare en effel que ces pirates du desert se d6cidenl a Tatlaque lorsqu'ils ne se croienl pas assures du succijs. Ouand le combat parait inevitable, on suspend la marcbe, les ballots sonlrang^s avec art en forme de retrancbements derriere lesquels on abrite les cbameaux. En un instant unepetite armeesetrouve improvis^e; les chefs donnent I'exemple, etpersonnenerecule en presence du danger. Le drapeau se diploic pour marquer le lieu de rallie- ment, et les sons datable, espfece de tambourin , ap- pellent cbaque soldat a son poste. Au moment d'enga- gerla lultc, des chants h(^roiquesse font entendre et r6- pandenl Tenlhousiasmedanslous lescceurs; les Aguelis pleins d'un noble bravoure jettont au loin leur coiffure et laissent leurs cheveux flotter librement sur leurs 6paules. D6barrass6s deleur aba pourcombattre plus a I'aise, ilsse d^couvrent encore la poitrine comme pour defier les coups de I'ennemi; a leurs yeux lan^ant des regards pleins de feu, a I'aspect de leurs vives allures, au courage avec lequel ils affronlcnt la mort, on les dlrait inspires par le dieu de la guerre; c'est la valeur brillanle des temps chevalcresques avec un <^gal mepris du trepasclun scmblable amour do la gloire. Ces sorles de combats coulenl toujours la vie a uu ( 3oi ) ' assez grand nombrc de guerriers; depart etd'aulre on se bat i outrance jusqu'a ce que la vicloire soil dt'ciddc Lorsque les Agu^lis sont vainqucurs,les Ai'abes se dis- persent de tous cotes et ne trouvent de salut que dans la fuite; I'ordre se r^lablit promptement, etbienlot rlen n'empecheplqs de continijer la marche. Mais sile sort des armes est contraire aux braves defenseurs de la caravane, ils se retirentderri^re lesretranchements, ou ils se defendent encore avec vaillance jusqu'a ce qu'ils soient forces de se rendre, et leur defaite meme n'est jamais sans gloire. Apr^s une bataille perdue on traite de la rangon des marchandises , et dans certaincs cir- constanceson est oblig(^ de loutabandonner. Ces perles peuvent aloi's s'elever a plusieurs millions de piastres turques. Les caravanes partent ordinairement de Bagdad a r^poque du printemps pour profiler des paturages, et les retours ont souvent lieu en 6te ; dans cette saison le voyage est beaucoup plus penible a cause des grandes chaleurs et de la raret^ de I'eau. Mais dans tous les temps les dilTicult^s de ces longues courses sont sur- mont^es par les Aguelis avec une parfaite intelligence. On pourrait les regarder avec raison comme les navi- gateurs de la mer de sable. Piloteshabiles, ils n'ontpas besoin de boussole pour se diriger au milieu de ces vastes solitudes sans chemins j voyageurs prevoyanis, ils emportent avec eux tout ce qui manque dans un pays sans ressources ; hommes de courage et de resi- gnation, ils affronlent sans crainte comme sans peine les dangers et les privations du desert; ing^nieux dans I'art de conduire un convoi, ils marclient avec ordre et savent prevcnir une surprise ; ils n'ignoi'cnt point les conditions d'un bon campement , ni les moyens de ( 502 ) pourvoir a sa siiretd ; s'il taut rt^sisler a une altaquc , la science des retranchements ne leur est point incon- nue et la vaillance ne leur manque jamais. Cot assem- blage dc talents nalurels n'apparlient pas seulcraenl aux Agu6lis, iln'est point le privilege de quelques tii- bus, c'est un avantage commun h lous Ics habitants du desert. N'est-ce pas une chose admirable qu'une reunion de si nobles qualil^s chez des homnies a qui I'onn'a su donnercependant que le nom de barbares? Pour moi , je pense qu'il est impossible do ne pas voir autre chose que de la barbaric dans un people chez qui Ton Irouve a un Ires haut degr6 le sentiment de la poesie, I'amour de la gloire et I'instinct de toutes los choses que la science ne lui a pas apprises. CAMILI.li Cai-lier. UOUTEDE DUiiR A ANGOI-ALA DANS LE ROYAUME d'eI AT, A LA FIN d'octobue 1 856. Fragment d'un voy^f;e en AbYS-^inic. Nous vlmes arriver avec joie I'instant fixt' pour le de- part : apres avoir traverse los hordes redoulables de Galla-OucUo , apres Gouel, Machella et Abbi^ , nn voyage sans danger nous souriait autant que le repos. Au jour d«^sign6, nous nous rcndimes de grand matin chez Sammou-Nougoue pour lui faire nos adicux ; il 6tait assis sur le seuil de sa porte, occup6 a rendre la justice avant d'allcr faii'c une excursion dans la cam- pagne voisine pour le pr^levcmeiit des inipots. Lorsquc nous parumcs, on amonait devanl lui deux homuics enchain(is ensemble qui s'accusaicnt mulucUement ( 3o5 ) d'homicido. Sammou-Nougous croyait que I'un d'eux elail innocent ; mais le coupable seul, en confessanl son crime, pouvait faire connailre la v6rit6. On Iqs interrogea long-temps pourcliei'cliera lesembarrasser, etcomme ils s'obstinaient dans leur accusation r^ciproque, Sam- mou-Nougous ne voulant pas se charger d'une affaire aussi importante que difficile, les renvoya au jugemenl du roi son maitre, elil fut decide que d^s le lendemain on les conduirait a Angolala pour les soumeltre a la justice de Sahlo Sallassi. Comme I'imagination saisit avec avidit<^ tout ce qui peutlui donner de grandes Amotions, au lieu de croire a la culpabilito de ces deux hommes, nous pensames avec le gouverneur que I'un d'eux (^tait viclime de la mauvaisefoi de I'autre, el en nous arretanta cetleidee, nous I'umes saisisd'un sentiment d'horreur. Jamais, en eflct, position ne nous a paru aussi dramalique que celle de ces personnages vivant ensemble a loutes les houresdu jouret de la nuit, I'un avec son innocence, et I'autre avec son crime que, dans le mystc're du ca- cliot, il avoue a son compagnon avec un rire infernal. Un semblable sujet serait digne de fixer rattentioa d'un artiste. Nous eumes encore avec Sammou-Nougous unc longue conversation qui roula 8ur lesdivcrsesraani^res de supplicier employees on Europe. Apr^s avoir parl6 des procedes horribles mis en usage par lesgen(!;rations passecspour le chatimentdoscoupables, nousnousarre- tames a la guillotine que nous lui decrivimes de notre mieux, il en admira le m^canisme ing^nieux, et nous dit qu'il n'aurait cependant pas cru qu'on put exercer son talent a desemblables- inventions. Sammou-Nougous, (jui, d'apres nosrecits, avait etc frapp6 de la haute su- ( 5o4 ) periorile intelleclucUc ct indiislrielle des Europeons, leur supposaitunc morality plus douce. Api't;s avoir remerci^ ce chef puissant de sa g6nc- reuse liospilalil6, nous primes congi de lui ; il fit ame- ner deux mules ffui devaient nous porter jusqu'a An- golala, et trois liommes furenl charges de nous accom- pagncr jusqu'aupres de Sahle-Sallassi, clde nousservir de domesliques durant la route. Nous descendlmes Icntemcnt ct avcc diflicull6 Ics t;rands escaliers du plateau, tandis que les habitants de celte province, habitues dcpuis leur bas age k ce peril- leux Irajet, couraient avec unehardiesse etunerapidite qui nous faisaient trembler pour cux. Nous arrivi\jncs jusqu'aux bords de la rivi^ro de Cachini par une route effroyable ; elle etait si glissante, si escarpce, que nos liommes, qui marcbaient dcvant nous, ^laient souvcnl obliges de nous tenir les pieds afin d'assurer cbacun de nos pas, et cependant nos mules, douees d'une adresse incroyable, descendirentbeureusement par ces terribles passages , et quoique abandonn^es a ellcs- memes, elles arriverent a la ri\iere en meme temps que nous. L'importancc de Cachini est moindre que celle de Gheche, et ses bords nc sont pas aussi d^licieuscment ombiages; mais les plans de la montagne que nous gvavimes apr^s avoir traverse ce cours d'eau nous of- iVirent un passage imposanl et pittoresque : de grands arbrcs 6pars dtendaient leurs longues branches les uns vers les aulres, comme pour s'attirer et serapprocher ; d'd'normcs blocs de roche a moilie detaches cUi corps de la montagne nous menat^aient de leur chute epou vantable ct semblaicnt n'atlondrc (ju'un souille, qu'un signal pour se precipilcr, pour rouler dans Tablmc ( 3o5 ) hommes, plantes et animaux. Ca ct Ja on d^couvrait dans le creux des rochers des marcs d'eau profondes, reservoirs formes par la nature, ou les oiseaux seuls pouvaient se desalt^rer. Avant d'arriver au sommet, nous nous arretames sur les bords d'une source claire, majestueusement protegee par les beaux arbres qu'ellc rafraichissait. Apr^-s nous etre desalterd'S et reposes un instant, nous poursuivimcs el nous parvinmes bientot sur rimmense plateau d'Anna-Mariam. L'aspect du pays avail compl^tement change ; devant nous se d^roulait une vaste plaine couple par des ruis- seaux aux abords et au lit de roche profondement en- caiss^ ; d'innombrables villages s'6levaientdetousc6t6s, et leurs maisons, plus spacieuses et plus solidemcnt construites que dans les autres provinces d'Abyssinie, avaient toujours la naeme forme , seulement la tour etait en pierre au lieu d'etre en chaume ou en bois. Les arbres, qui depuis le Bachilo devenaient tous les jours plus rares, avaient presque enti^rement disparu, et nous ne decouvrions plus de ces oiseaux mervcilleux que nous avions si souvent admires depuis Arkeko jusque cbez les Galla : ils ne trouvaient plus ici de grands sycomores, plus de mimosa parfumee, plus de gracieux col-qual pour voltiger sur leurs brandies, et ils avaient clioisi une autre patrie. Mais en revanche, la terre 6tait paree de belles cultures qui enricbissaient cette contr^e; derriere nous 6tait la podsie, et les ha- bitants d'Efat elaient positifs. Nous n'avions pas encore tiouvedepeuplade qui sutharmoniscr ces deux aspects de la vie. Nous dejeunames frugalement sur les bords d'une abondantefonlainc. Saramou-Nougous, qui connaissait le caraclere peu hospitalicr de cctte nation, avail cu ( 5oG ) soin dc nousmunir dc provisions qui auraient pu, ;i la rigueur, nous suffire jusqu'a Angolala. Apres nolro le- ger ropas, nous remonlames sur nos mules, et nous cheniinanies rapidemonl pour ne plus nous arrelcr qu'au village d'Ouacha ou de la grolle que nous allei- gnimcs au couclicr du soloil. Avanl d'arriver a celle station, nous remaiquanies un troupeau de nioutons dont Ics laincs epaissos tralnaient jusqu'a terrc. La province d'Anna Maoam 6tailcomprise dans les pos- sessionsde lamtire do SalileSellassi ; en vain nos guides dcmand^ront-ils riiospitalile aux habitants, au nom de leur souverainc et de tous les saints du paradis ; nous 6tions menaces de couclier dans les champs, si ce ha- meau n'eutposs6d6 une superbe grotto pratiquee dans im enorme rocher qui derobc lo village. Les gens du hameau pai'aissaient elonn^s de Tobslinalion de nos hommcs a demander une maison, lorsque, dlsaient-ils, nous avions pr6s de Dous un abri si commode que Dieu offrait a tous les voyageurs. En entendant pro-»" noncer le nom de Dieu, I'un de nos guides fit une gri- mace significative, dont nous nous reservames d'.avoir plus lard I'cxplication ; ct coramc nous n'(^tions pas hien aiscs de resler plus long-temps dehors, nous nous dirigeamcs aussitot vers la grottc fermee par un gra-* cieux ridoan de verdure que nous soulovames l6gerc- ment et qui rclomba derriere nous pour nous preser- ver de I'intemperie des nuits. De nombreux moincaux qui avaicnt cherche leur glle dans les carreanx du fcuil- lage cntrclace s'onvolerent elfrayiis, ct semblerent par leurs cris plain fifs nous reprocher d'avoir inlerrompu leur sommcil. Des que les habitants du village nous virent decides ii nous etablir dans cet asile malsain, ct dont I'humi- dite nous faisail rcdoutcr le s6jour, ils parurcnt s'hu- ( 3o7 ) maniser lout-a-coup, et nous offrirent dos lits que nous iicceplames aussilot; on nous apporia del'eau, ol on nous fournit du bois pour noU'e feu qui briila toulo la nuit et purifia noire demeure ; mais leur generosity ne fut pas plus loin, et personne ne demanda si noire souper etait pret. Ce fut encore Sammou-Nougous qui fit ies frais de notre repas du soir, et au fond du coeur, nous le remerciames de sa prevoyance. U faisait froid,et le foyer qui eclairait notre cavernc avail allir6 quelques visiteurs qui nous importum'- rent plusieurs heures de leur presence ; lorsqu'ils se I'elirerenl.l'un d'eux, en jetant un coup d'oeil aulourde lui, Irouva que la grolle avail unc pliysionomie at; tray ante qu'il n'avail pas rcmarqu^e d'abord, et il ne put senipecher d'admirer I'ouvrage de Dieu par une exclamation qui nous rappela la grimace de noire guide ^ et des que nous fumes sculs, nous le queslionnamcs pour avoir un ^claircissement. . ,,j,j^j Ce domeslique (ilail un de ces hdmmes qui sont au courant de loutesles vieilles traditions, et qui se croient des savants parce qu'ils ont assez de memoire pour rc- tenir Ies contes Ies plus absurdes qu'ils vous debitent avec un sang-froid el un air de conviction rcmarquables. Aux premieres paroles que nous lui adressames , il re- pondit sur un ton d'imporlance qui nous fit pcnscr qu'ilallaitnous egayerdc quelqu'une de ces revelations cxlravagantes a la portec de son esprit , et nous nous promiincs d'avance d'en rire de grand coeur. Ces vil- lageois, nous dit-il, appellent cello grolle la maison de Dieu; ilsont oublie sans doule que c'etait autrefois la maison du diable , et qu'on ne pouvait en approchev sans courir Ies plus grands dangers. Certcs,si cellc demeure cHait I'ouvi'age dc Dieu , clle n'aurait pas 616 ( 3o8 ) lemoin des crimes sans nombro qui I'ont souilloo. Comme il paraissait dispose a nous donner un sermon dont on ne pouvait provoir la fin, nous rintcrrompi- mes pour lui demander son hisloire , en I'assuranl que nous lui faisions grace de loutc reflexion ; alors ilnous apprit que cctte cavcrnc servait jadis de repaire a une troupe de sorciers, qui venaient y cxercer leurs cou- pables maldfices. lis 6taient, nous dit-il , la lerreur de toutlc pays, car tout c(idait a leur affreuse puissance; ils commandaient aux esprils et aux (Elements , el malheur a quiconquc osait braver leur colere et s'ex- poser a leur inevitable vengeance. Tous les habllanls etaient en prieres pour demander a Dieu de les dtMi- vter de la presence de ces sorciers, plus terribles que le plus redoutable fleau; mais le ciel fut long-temps sourd aux voeux de tout un peuple, et ces etresinfer- naux afiligerent pendant plusieurs annees celte mal- heureuse province. Ileureusement le Art*a/Y^ conduisit en ces lieux le v^n^rable Tecle-IIaimanout, dernier abouna de race abyssinienne; il se rendail au monas- tere de Devra-Libanos, donl il elait le fondaleur. Sur- pris par la pluie dans les environs de ce repaire in- fiime , et n'apercevanl pas d'autre refuge dans les en ■ virons , il vint y cherclicr un abri; les sorciers ^taient absents, et, quoique rien n'indiquat a la vue que celte grolte fut complice de tanl de forfaits, en entrant, le saint personnage ful saisi d'une horreur involontaire, el il sentil »«(' ofleur d'en^er qui le fit frissonner ; il lomba a genoux sur la tcrre humide, et, apr6s avoir pri6 avec fervour, il cntendit une voix mysterieusc qui lui rendit loutson courage. Quand la nuil survint, les sorciers se disposerenl a rcntrer; mais, arrives au seuil dc la portc, ils se senlircnt arrelcs par une ( 5oo ) j?uissance invisible qui ne leur permit pas de penelrer dans I'inlerieur de la caveine. Ne pouvanl s'expliquer ce prodige qui les effrayait, des qu'ils sc vircnt tous r^unis, ils evoqu^rent les osprils dcs t^nebrcs, qui ar- riverent a leur secours, ct qui, malgre tous leurs el- forls, furent impuissants a leur Irayer un passage. Alors ils remplirent les airs de leurs blasphemes etdo leur vociferations, Tccla Haimanout , qui s"'elait en- dormi dans une pais profonde, s'cveilla en sursaut u ces hurlements sinistres, et parut devant ces damnes, environnd d'un ^o/e«7 resplendissant, qui, au milieu de la nuit, eclaira toute la province. A son aspect, les de- mons epouvantes s'envolerent avec des sifilements horribles, et les sorciers, qui n'avaient pas des ailes pour s'echapper, tomberent roides morts, et la terre s'entr'ouvrit aussitot pour les d^vorer. Le saint de- meura Ic rcste de la nuit en pritjres pour remercier Diou de I'avoir sauv6 d'un si grand danger; ct, quand le jour parut, les alentours, qui, la veille encore , avaient un aspect sombre et lugubre, ^taient devenus frais et rianls. Tecla-Haimanout passa plusieurs jours dans ccttc rctraite, et ces lieux, purifies par sa pre- sence, sontdesonnais a I'abri des atteinlesdes sorciers. Depuis celte epoquc , les campagnes ont loujours etc fecondes, et on a bali le hameau qui n'existait pas alors, et qui porte le nom de la Grolte. Quand le narraleur eut lermine son recit, nous fu- mes etonnes de voir ses compagnons s'ebahir d'une his'oire qu'ils ne connaissaient pas encore, quoiqu'ils fussenl du pays; et, malgre I'assurance que leur avait donnee le conleur, de I'entiere disparition des sorciers, ils ne s'endormirent pas sans quelque apiirehension. Pour lui, fier d'avoir captive pour un inslanl notre VIII. NOV. ET Die. 4- ^ ' ( '^"^ ) allonlion , il s'imagina qu'il avail acquis a nos \ou\ uni' plus grandc iraporlancc, el il se coucha avoc la pleine salisfaclion de lui-mfime. Le Icndcmain , nous paiUmcs au poinl du jour ; nous 6lions sur la frontiere d'Anna-Mariam ; ap. d-s un quart d'lieure de morche, nouslraversames le profond ruisseaud'Igam, quidoiinc son noma la province dans laquclle nous venions d'entrer. Les environs 6laient toujours parsemcs dc villages, et les cliuinj)s, bien cullives, prodiguaicnt aux labourcurs d'abondanles moissons. 11 faisail un vent glacial , el, ([uoique bien enveloppes dans les grandes loilcs que nous avail donneesSammou-lNougous, en plcinmidietpar un so- leil pur, nous grelottions sur nos mules. Les palurages, si communs dans I'Abyssinie propre- menl dile, sont extremement rarcs dans le royauinc d'Efat, ou presqueloutes les campagnes sent labourees el ensemcnc^es. En longeant un cours d'cau, dont les bords elaienl lapisses d'une riche verdure , nous rcn- contrames un troupcau qui paissait sans bcrger. Sous pr<^lexte de faire bcire nos monlui-es , nos guides nous priferent de nous arreler, el apres s'elre bien assures que nous 6tions seuls, en virilables loups , ils sappro- cht'renl furlivemenl des moutons , enleverenl le plus petit, afm de Fomporlcr plus facilcmenl, et le caclie- renl sous Icur toilc : mais nous avions fail a peine quolques pas qu'ils virenl parailre le niailre du Irou- peau , el, cralgnanl d'etre d^couverls , ils abandnnne- renl leur proie avec un sensible regret, lis se plal- gnaient de la falalite qui les cmpecliait, disaienl-ils, d'accompllr un aclc de justice ; car, ajoulaient-ils, dans unc conlrec ou les babitantsrefusenl I'liospilali'.c a des voyageurs (Strangers , il est permis dc volcr poui i ( 5'' ) lour compto. Nous les renierciamcs du virinl(!;n'i (ju'ila scmbh.ient nous t^moigner ; loin d'approuvei' Iciir coupal)le conduile, nous les dispcnsamcs a ravcnir d'appuyer ainsi noire cause , et nous les blamamps sc- vercment de leur tentative de laicin dont ils voulaicnt nous rendremoralemcnt complices. Depuis les hauteurs qui dominent Cachini , nous avions toujours chemine sur un immense plat.au ; apres une forte journee de marche, nous entramrs dans la province de Zemamo et nous coramencamos a descendre vers la riviere dc Mo/ei: Nous vinmcs stu- lionner dans un genlil liameau, bati sur le flanc de la monlagne; il (ilait precede d'une grande eglise prcs- que entiercment ruinee ; et, dans un pays si decou vert , nous fumes frappes de la masse des arbres clo- ves ct touffus qui ombrageaient cet asile sacre. Ca". village qu'on nous d(^signa, comme la province, sous ie nom de Zemamo, voyait s'elevcr devant lui une muraille de roclie perpendiculaire, du sommot do la- quelle s'elancait en bondissant une cascade a I'onde claire ctbruyante qui, dans son oours vagabond ct dc- rcgle, vcnajt arroser ct rafralcbir im deliciotix paysage qui contrastait avcc la nudil<^ des environs. Arrives dans le bameau, nous nous dirigeames vers la demcure du clioum; nous nous assimes sur le scuil de laporte , ct nous limes enlrcr un de nos domestiqucs pour annoncer noire presence ct r^clamer une maison. Lorsqu'il rcvint, 11 nous dit que le chef 6lail absent, ct qu'on ne pouvail par consequent nous faire donner rhospilalile. Nous ne fumes pas dupes de ce subter- fuge dont on s'clail deja scrvi plusieurs fois pour nous eloigner d'un village; nous nous plaignlmcs de la du- rele des habitants , el nous repondhiics h la feniuic du 21. ( 5.2 ) clioiim, qui nous engageaitacherchcr nous-rnemes un gSle, que nous elions dcicides a couchor tlcvanl sa porte pour la faire rougir de son pcu d'humanile. Pour I'in- limider, nous la mcnacamos de nous plaindre aupn'-s de Salile -Sellassi de la conduite inhospilaliere de son mari, dont nous dcrivimesaussilot le nom. Nous ajou- tames, en elevant la voix, que nous n'ignorions pas que le choum elait clicz lul, etqu'il ne se cacliait ainsi que pour ne pas se donner la peine de nous procurer un asile. Ainsi que nous avons deja eu I'occasion de I'obser- vcr, si les manidres douces et polios produisaienl peu d'effel sur I'esprit des Abyssinicns, les parol s rudcs et severes manquaienl raremenl leur but, et une nou- . velle experience vint, a Zeinaino , nous confirnier celte verile imporlanle. Quand on nous vit irriles et menacants, ccux qui nous avaient d'abord repousses avec une cerlainc brusquerie se radoucii'ent aussitot,. et un hommc qui paraissail jouir d'une assez grande consideration donna ordre de nous conduiie dans une maison voisinc et de nous fournir tout ce qui nous etait necessaire pour passer agreablemcnt la nuit. Le choum lui-inenie , qui veiinil d' arru'ei- instantaiicnu-nt ^ nous en- voya un enorme nioulon, avec une pro\ision conside- rable de bois, et il nous priait d'oublier les mauvais procedes de ses gens, qui avaicnl profile de son ab- sence pour nous trailer indigneinent. Lc jour suivant, nous arrivames par une pcnle assez douce sur les bords de Mofei'Ouaha , qui sc jette dans la riviere d'Addabai , dont nous parlerons plus lard. Apres I'avoir Iraversec , nous la c6to\ ames pendant quelque temps, en clicrainanl sur lc flanc de la montagne ; nous nous elevames insensiblcmcnt 1 ( 5i3 ) pour redescendre vers I'un des affluents de Mofer, qui coule au pied do la chaine ojue couronne Sa//a-Den<^fhia , que nous alteignimes par une pcnible montee. Ls lem]>erature , qui s'6'ait considerablcment adoucio dans les bas-fonds, ^lait redevenue ft'oide. Habitues depuis quelque temps aus climats cliauds, nous re- grettions alors le soleil ardent d'Egypte ou d'Arabie. Salla -Dengbia servait de residence a la m^re de Sable-Sellassi. Au moment ou nous entrames dans Ic village, elle allait monter sur sa mule pour se rendrc avec sa suite dans une eglise eloignee de quelques heures. Informee aussitot de notre arrivee, elle donna ordre a un pretre de pourvoir a tous nos bcsoins, et comme elle ne pouvait relarder son depart, elle s'eloi- gna immediatement. Ses volont^s lurent pariailement ox(^cutees , et nous recumes une liospitalite digne d'elle. Le pretre nous tint fidele compagnie; il nous questionna avec avidite sur notre pays , sur nos moeurs et noire religion, et son intelligence incontestable nous donna du clerge de Choa une opinion assez fa- vorable. Le lendemain nous nous 6loignames de Salla-Den- ghia par un ciel radieux : au moment de notre depart, on nous montra dans le lointain la m^re de Sahl6- Sellassi, qui revenait sous son parasol en percale orne de franges retombantes; elle 6tait environn^e d'une escorte eblouissante de blancheur; les cavaliers cara- colaient avec grace autour du grou])e de femmes qui marcbaient aux c6t6s et a la suite de la reine, et des qu'elle parut, les cris de jole des babitanls temoigne- rent de leur affection pour leur souveraine. Nous cheminames pendant quelque temps sur un plateau onduleux , ou nous remarquames quelques ( 3'4 ) praiiios aux luaigres paluragcs ol dos arbrcs moins clairsemcs que cJoiTJ6re nous, ])anui Icsquels on d(5- couvrail dii grands cossos; los villages etaieiil plus raics ct les cultures moins belles. Apres environ qualrc bcures de marche , nous vinmes couclier dans iin hamcau de la province de T<^goulet, cl nous n'ob- tinincs I'bospitalil^ qu'apres avoir i-enouvelu nos me- naces do Ztinamo. ISousavions a nos picds unc gorge prolonde admirablement ombrageo. Au point du jour nous nous rcmimcs en route, cl nous nous enfoncumes dans Ic creur dc la province do Tcgoulcl, celebrc dans les annales abyssinicnnes, et (lonl nous aurons occasion de parlor plus lard. iNous doscondimes dans le vallcn ; nous Iraversames un cours d'eau rapide et abondant, et nous commencames a escalader une monlagne dilTicilc cl rocailleuse. ^'ous renconlramcs une foulo de niarchands qui rcvenaionl du grand marcbo dc Devra-Vera, que nous allons \oir sur noire route. Arriv(5s au sommel, nous nous trouvames au milieu dun cortege assez singulier. Avec une troupe de gucr- riers supcrbement monies , cheminaient quelquos lionunes charges I'un d'une grande lance , I'autrc dun bouclier resplendissant de plaques d'argent, un Iroisiemc porlait un sabre a la belle poignoo , landis (ju'un qualrieme conduisait par la bride une mule I'ringante au richo collier. iNous demandames oil allail celle troupe ainsi disposoc, el nous apprimcs que, d'apres une coulume elabliis dans ce pays, ello scdi- rigeail aupr^s de Sahl6-Scllassi pour lui rendre les armes el la monlure d'un chef puissant qui venait de inmu'ir. Co roi distribiiail iiiiisi de magnifujues pre- sents aux gouverncurs dc province qu'il voulail bono- (3i5) rcr cle scsfaveurs ; ccs biens renlraient en sa possession a la mort de ses lieulenanls, et il en tlisposait do nou- veau scion sa volonle. Dans une contree ou lo pi'incc regnant elait r^ellement riiomnie le plus capable de I'Elat , line pareille constitution de la propriele , loin d'etre nuisible aux interets generaux, ne pouvait inan- quer de produire lesplus lieureux resultats. La route que nous suivions depuis la bouteur, quoi- que bien tracee , avait encore ses asp^rites, el nous avions souvent a traverser des ruisseaux au lit profond. Nousremarquames, a notre gauclie , un village consi- derable appele Damharo , et plus loin nous laissames a notre droite Devra-Vera, I'une des residences roy ales: on y dislinguait une cbapelle entouree de quclques arbres. Nous vimes sur la place du marcli^ que les conimercants venaient d'abandonner, quelques en- iants pauvres occupes a ramasser les grains de ble ou d'orge repandus ga el la. Trois heures avanl de parve- nir a Angolala , nous cbeminames par une route large et unie. Elle etait couverte de cavaliers et de pietons qui se rendaient en foule a la cour. Nous traversames les belles prairies du roi, une demi-beure avanl Dt^vra- Vera, nous depassamesrimportant village de Baressa, ct, le I*''' novembre , nous arrivames, fatigues d'une longue journee, au pied des murs qui entoui-ent le pa- lais d'Angolala, qui est encore un des sieges du gou- vernement, Le village est abreuve par le rulsseau de Chncka. Lnc nuee de vaulours ct d'aulres oiseaux de proie planait au-dessus des tentes drcssees dans la plaine. Le pays que nous venions de parcourir 6tait convert dune nombreuse population entierement adonnec aux fravaux penibles de I'agricullure , el les clianij)S mieux ( 3.6 ) labourers, niieux culliv^s que dans Ics aulrcs parties de I'Abjssinie, ne sc monlraicnt pas ingrals. On voyait seulement on frichc de vasles prairies naturellos oii paissaienl des chevaux innonibrables el des Iroupeaux de gios et menu betail; cllcs appartcnaient loules au roi ou a quelque grand de cctto conlrec. Les paysans, proteges par une vigilante administration, ct n'ayant rien a craindre de la rapine des soldats , se livraient avoc plus d'ardeur a la culture de leurs terres, certains de recueillir apres avoir seme : aussi rcmarquait-on, dans les villages ou nous stalionames, un air d'aisance peu commun en Abyssinie. Mais, au desavantagc des habitants, nous devons dire que cctle habitude de bonheur a developpe leur egoisme et eteint dans leur coeur les sentiments de generosite qui distinguent cer- taines peuplades que nous avions deja visilecs : ainsi qu'on a pu I'observcr, ils sunt genfiralcmcnt peu hos- pilaliers. 11 6lait dijii tard quand nous arrivames a Angolala, ct nous nc fumes inlroduils que dans la matinee du Icndemain. La vellle, Sahle-Sellassi nous avail fait lon- guement questionnerpar son intcndant,nomme Sariol, pour savoir si nous n'(5tions pas aptcs a quelque travail induslriel; il nous demanda surloul si nous n'etions pas capablcs d'achcvcr un fusil etde faire de la poudre; mais , conlre son attenle , il n'obtint jamais que des riponses negatives. Le lendcmain nous fumes ap- peles de bonne heurc par le roi, ct nous fumes frap- pes en entrant de voir qu'il elait borgne de I'ocil gauche, circonstancc que tout le monde nous avait ca- chee, et plus tard nous fumes encore bien plus sur- j)ris , lorsqu'en parlanl de rinlirinilr di' ce prince a quelques uns de ses sujels, ils pretondirenl que nous ( 3i7 ) nous Aliens trompt^s, ct soulinrent eirronlemenl que leur souverain avail les deux yeux, avec un air morti- fie qui nous laissa entrevoir qu'ils croyaient presque avoir a I'ougir d'etre gouvernes par un roi dont Ic pliy- sique n'etait pas sans defaut. Sahl^-Sellassi 6tait un homme d'environ quarante ans ; sur sa pbysionomie se peignait la soufTrance mo- rale el une penetralion qu'il juslifiait a bien des egards; il etail vigoureusement conslitue , et n^an- moins la peau de ses mains el de ses pieds etait d'une finesse peu commune en Abyssinie. Lorsque nous nous presentames devant lui, il elaitassis sur un grand sarir recouvert d'un magnifique couvre-pied en soie de diverses couleurs; devanl lui s'etendait un ricbe tapis de Perse, sur lequel il nous fit placer. II fit reti- rer tout le monde, et nous renouvela les questions que Sarlol nous avail adressecs la veille; mais le roi n'eut pas plus de succ6s que son inlendant, quoiqu'il cut cbcrcbe a nous seduire par les plus brillantes pro- messes de gouverncment , de femmcs, de cbevaux et d'urgent. INous I'epetames que nous n'etions pas des induslriels; que, n'etant venus dans son pajs que pour noire instruction, nous ne lui serions jamais d'aucune ulilite, et que noire seul desir etait maintenant d'aller rcvoir noire terre nalale, que nous avions abandonnec depuis long-lemps. Saiile-Scllassi , persuade , comme la plupart des Orientaux, que les Europeens sont doues de connaissances universelles , douta de noire ignorance, et quoique I'inspection de nos mains, li'op douces pour des ouvriers, commencat a lui faire ci'oire a noire sinceritt!!, il ne fut pas encore entierc- ment convaincu. L'aclivilede cc roi, (]ue Ion croirail absorbe paries ( 5i8 ) soins dc la guerre , trouve le lonips dc so dirigor vers les ails induslriels qu'il ainie a\cc passion; 11 vrnl qu'on execule sous ses yeux tous les Iravaux de main , ct I'interieur de son palais est rempli jiar des lissc- rands, desmenuisiors, dcs masons el d'aulres ouvritrs qui s'occupcnl a fairc la poudrc, h rcparer les fusils, ou a lourncr et Iravaillcr Tor, Targcnt cl I'ivoire. 11 soil de ses ateliers des loiles magnifiques , des brace- lets, des sabres, des boucliers et des brassarls. Les principaux personnagcs de sa suite sonl lous des ou- vriers qu'il entoure de la plus grande consid»!;ration. Sahle-Sellassi ne pouvait abandonner qu'avec peine riiypolbese de noire haute valeur industnclle, ct vou- lanl s'assurer de la verite, il nous pria de le suivre : sans nous rien dire, il nous conduisit lui-menie dans la plupart des ateliers qui se trouvaionl dans le palais. Quandnous cnlrions, tous les ouvriers , qui dans ces conlrees Iravaillent assis, se levaicnl par respect, ct le roi nous faisait admirer leurs ouvrages. Aussl ruse qu'Lilysse, ce prince avail pens(^ que si nous posse- dions quelque talent special, nous nous laisserions aller a la vue des instruments de travail ; mais quoique garanlis par noire ignorance, nous elions d'ailleurs plus prudents qu'Achille, et Salile-Sellassi n'eul pas lieu d'etre salisfait de sa tentative. Nous renlrames dans la Icnte que le roi nous avail fait donner le soir de noire arriv6e ; quand vinl lanuit, on nous envoya un soupcr plus abundant que celui de la veillc, et le jour suivanl, un bonime cbargc dc nous servir nous amena une cbevre dnorme, 11 se preparait une expedition contre les Galla dc Choa-Mcda , ou la plaine de Choa ; Sabl^-Sellassi a\ail convoquc I'armee a Angolala , ct , de tous les points ( ^'9 ) du royaume, on voyail avanccr les chefs les plus impor- tanls, avcc Icurs arniiircs brillantcs, et suivis chacun duni: Iroiipo nombrcuse qui semblait impatiente d'al- lor gnerroyer. Sanimou-Nangous arriva aussi de Dhcr avcc sa pelile armee , et, avant meme d'enlrer chez lo roi , il envoy a iin de scs cavaliers pour nous saluer. Nous revimes alors quelques unes des fenimos que nous avlons connues pendant notre sejoui' cliez ce j^ouverncur, et nous eiimes le lendemain de leur ani- \ee une conversation sur les moeurs, qui nous amusa singulierement. Nous les accusions en general d'ab- sence d'amour , elles convinrent naivement de leur in- souciance, et comme nous pr^tendions que les Galla elaient bicn prefcrablos, parce qu'elles sc monlraient plus sympatliiques, elles nous demanderenl la raison de celle difference, et elles rircnt de grand coeur lors- quc nous leur repondimes que c'etait la circoncision qui 6inoussait Jeurs sens et elail la veritable cause de leur Iroideur. Les Galla ne sent pas soumis a cette coutunie. Les pr^paratifs de la gucne dlrigee contrc Choa- M6da absorbalcnl tons les instants de Sahle-Sellassi : des que rexp6dition fut parlie , 11 nous fit encore ap- peler, etSartol nous donna de sa part un calecon, une ceinlure et une superbe toile pour cliacun de nous. II etait venu a I'ldee du rol que nous pourrions bicn etre medecins , el nous fumes etonnes de nous voir presen- ter une foulc de medicamcnls d'Europe qu'il avait regus de I'lnde par Zeyla; niais 11 ne fut pas plus heu- reux que le jour ou 11 nous avail fait visiter ses ateliers. Nous ne savions rlcn de ce qui aurail pu lul plaire , el d'alllcurs nous ellons bicn resolus a lout ignorer; car si on nous out rcconnu une \aleur quelconque, nous ( 020 ) aurions ete infaillibleiiioiil rolcnus, el nous n'avions alors d'aulre d6sir que cclui cle revoir la France, qui , vue d'Angolala , nous paraissail plus belle ct plus al- trayanle que jamais. Meannioins, nialgre noire nullite , nous avions plu a Sahle-Sollassi, qui ne cessait de nous nianifcslcr unc bonte toutc palcrnclle ; ainsi il nous faisait appcdcr a cliaque inslanl pourmonlor a clicval avec lui ou pour iircr a la ciblc : le but qu'il I'allait alteindrc 6tail une omoplate de boeuf fixee au sommct d'une chauniierc conique , el chacun des principaux personnages venail a son tour faire preuve d'adresse ou de nialadresse. Pendant noire sejour a Angolala, nous vhnes ari'iver deux Turcs dont I'un savait reparer un fusil ct faire de la poudre : lo prince los Iraita bien, parce qu'en g6- n^ral il ainie les blancs ct surlout les blancs Iravail- leurs; mais les toiles qu'on leur donna ctaicnl infe- rieures aux nolrcs. Le roi vcnait de nous envoyer un bccuf par noire donicslique , ct nous le fimes imnioler aussilot : un artiste du pays, inspir6 a I'aspcct de la viclime san- glanle , prit son instrument a cordcs, qui reposait a ses coles dans une lenle voisine de la noire, el dans I'espoir d'oblenir une portion de Tanimal,!! impiovisa a noire louange des paroles qu'il chanta sur un air du pays. Si, pour comprcndre le g^nie d'un peuple, le phi- losopbe a besoin d'etudier ses mceui'S ct sa religion; si le savant veut, pour I'appri^cicr, connaitrc ses oeuvres d'esprit ct de science; si I'induslricl doil toucber ces Iravaux qui exigent de plus grands elTorts de bras que d'imagination , rartisle , pour le sentir, demandc sa poiisie , ses inspirations, ct c'est surlout pour lui que ( 591 ) nous alJons noter ici quelques uns de ces airs na- tionaux, qui lui donneront unc idoo de I'etat de la musique cUoz ce peuple, et qui I'aideront sans doulo. a avoii" la mesure de sa civilisation. Edmond CoMBiis, Maurice Tamisieh. Notice sur les iles de Lanceroite et Fortaventure , ]mr M. S. Berthelot. (Fraf^raeut dc I'Histaire uaturelle des iles Canaries.) Dans les difterenlcs lectures que j'ai eu I'honncur de faire a la Sociele de g^ographie , el qu'elle a daign6 ccouter avec tant de bienveillance, j'ai decrit succe3- sivement plusieurs iles du groupe des Canaries : je vais renlretonir cette fois de mes observations sur Lance- roite ot Fortaventure. Durant le sejour que je fis dans la premiere de ces deux iles avcc M. ^\ ebb , mon compognon de voyage ctcoUaborateur, nous noi:s proj^osames d'etudier plus particulierenient les districts envahis par la grande eruption de 1730. Un systeme de montagne, de 02 millcs d'etendue du N.-O. au S.-O, a ete demantele par les revolutions physiques qui boulcverserent cette malheureuse con- ree a une 6poque ant^i'ieure. On n'apercoit plus au- jourd'hui que quelques fragments detaches de I'an- cienne chaine ; niais, nialgre la debacle, on peut en- core reconnaitre la direction que durent suivre les monlagnes primitives. En effet , une suite de mame- lons et de pics, disposes sur plusieurs ligncs paralleles, indiquent cet enchainement. La montagne del Fuego ( 52«i ) alloint \/i'\ piocis dohauleiir ril)S()luc, ctsV'lcvoau mi- lieu dc rcnceinlo volcanisee. Quelqiio cliosc d'aiialn- gue avail dt-ja 616 observe par M. dc lliimboldl sur la croupe dos Andes. A Lancerolle, Ics lignes de vol- canisation semblent se raltacher, d'une part aux deux grands embranchcmenls dcs monlagncs de Faniara , dont elles suivenl la direction , et de I'aulre aux prin- cipaux caps qui accidentenl la cole. Dc ce premier cxamen, on pcul diduiro les probabilites suivanles : lo La debacle qui a isol6 la cbainc de Famara el rompu la ligne dc continuity, ful Ic r^sultat de di(- f6i-enles 6ruptions. L'aclion volcaniquc parait s'etie prolongee Ic long d'une crevasse qui s'ouvrit du N.-O. au S.-O.. dans le sens du grand axe dc I'ile, c'esl-a- dire d'apres la direction du systeme orograpliique. 2° Lesbasallcs, diss^mines parmi les produils d'e- ruptions modernes, sent evidemmenl les fragments du systeme d6mantel6. Ces rochesdparses, dont qucd- qucs unes surglssent encore, comme de grandes ruines, au milieu dc champs dc lave, frappfercnt aussi I'atten- lion dc M. de Buch qui leur attribua la meme origine. 5° Les pb6nom6nes qui sc sonl manifcsles de nos jours prouvent que la loiumenle g^ologique a eu ]ilu- sicurs dpoques de reaction, el que ses clfets se sunt toujours reproduils en suivant la direction primitive. En outre , I'activitd permanente des foyers volcaniqucs sur divers points doit fairc craindre que I'ilc n'6prouvc encore do nouvelles revolutions. Donnonsune analyse des pli6nom6nes observes el dd'- crits par le cure Cuberlo, pendant les 6ruplions de i "jTto. Le !•''■ septembre, on \it tout a-couj) la terre s'ou- vrir avcc fracas dans les environs dc hi Jn/a, ct un volcan dcs plus lerribles envahir lout cc district. ( 3.3 ) Quolquos jours apr6s , d'aulros goiifl'rcs so t'ormeront i"i loriont cle Munldiia del Fitego sur la ligne ties ar.- ciens cones d'eriiplion. Le 18 octobre , le sol se cre- vassa de nouveau dans Irois endroits dilTdrcnts, niais loujours dans la raeme direction. Les scories qui s'accumulerent autour des crateres produisirent des mamelons de plus de 3oo pieds de haul; des toi-rents de inali^ros incandescentes detruisirent le bourg do Sauta-CalhaliiKi ol ravagerent son terroir. Les vapeurs deleteres qu'exhalaient les volcans en aclivil6 as- phyxi6rcnt le bc^tail : dans toute la conlree, les clia- meaux, lesclievros, les brebis et les autres animaux domestiques lurent frapp^s de morl presque en menie lenips. L'annee suivanto, de nouvclles eiuplions in- cendierent les villages de Rodeos et de Tingajh; des montagnes s'alTaissereni etd'autres surgirent au milieu des convulsions du sol. Le calme se retablit ensuite, et les malheureux habitants espd-raientenfin un termo a cet epouvantablo desaslre, Jorsque, le 4 juin, Irois crateres s'ouvrirent a la fois dans le ccrcle de I'ancien foyer. L'ile parut s'ebranler jusque dans sos fondo- ments, et les districts \olcanises furent cntieremcnl bouleverses. Le aS decembre, a la suite d'une secoiisse plus violente que toules celles qu'on avail resscntics jusqu'alors, un courant de lave, qui se pri^cipita d'a- bord sur le bourg de Jaretns, se repandil jusqu'aux en- virons de la la/sa et an^antit lout ce qu'il rencontra sur sun passage. II est a rcmarquer que ces divers ph^nomenes se manifeslerent constamment du N.-E. au S.-O, commc si l'ile avaitete IVacturee dans ce sens, f.es populations, perdant alors tout espoir, abandon- nerent une contree quelles craignaienl de voir s'en- gloutir a cliaquo instant, et se refugi^rcnt en masse a ( 3'4 ) la Grande Canaric. Pendant cinq annees consectilivps lesvolcans continu6rent Iciirs ravages, el ne sc calme- rentenlieremenlqu'en 1-56. Leur action s'elait elen- due a plusicurs rcjirises sur la ligne des premieres Eruptions; des torrents de matieres brulanles avaienl d^vaste la belle vallee de Tomara, cngloutl huil villages dent les noms ne se relrouvcnl plus que sur les an- ciennes cartes; la terre s'etait recouverte de scories ct de cendres sur un espace occup^ par quatorze lia- meaux. Ainsi, le tiers de Lancerolte avait ete d^lrult; des fleuves de feu avalent forme un immense lac de lave, d'ou s'elevaicnt de proche en proche des groupes de montagnc comme aulant d'archlpels. La fournaisc soulcrraine avait debordd par ses soupi- raux : tanlot liqulde et bouiliante, la lave, en se pr(^- cipilant par cataractes, avail enlraine au loin des ro- chers calcin(^s , ct s'etait amoncekV* sur le rivage, ou de noirs promonloires signalcnt encore le lerme de sa course ; tantot compacte et plus lente dans sa marche, elle avait coul(!! comme un limon epais, poussanl dc- vant elle de grandes masses, s'agglomerant au pied d'un obstacle pour I'envahir , se delournant de ceux qu'ellc ne pouvait surmonler, suivant toutes les in- flexions, du sol, se moulant sur loutes les formes. On la voit encore aujourd'bui telle qu'elle est reside apres son refroidissemenl. Le courant devastatcur s'etend ici sm' une vaste plaine; la, il franchil un dcfd(i entre deux coUines pour venir debouclier sur celte parllo de la cole qui a conserve le nom de Plage Bruise {P/ftja (jiieinada) ; plus haul, il cerne lout le dislricl de San liarthalomc , force le passage en Ire les ruines de Zonzainas ci\e. village de Ta/iiche, menace Jm'ci/'r, et vienl se perdre pres du port de Naos. A I'occidenl, il ( 525 ) envaliit le pelit golt'e de Januhio, isolo Monlana del Fiiego, et se repand sur un cspacc de plus dix milles geographiques, portant avcc lui I'incendie el la deso- lalion. Nous avons parcouru cettc region volcanique; nous avons gravi sur tous les sommels qui la dominent, et dent plusieurs fument encore. L'imagination s'6pou- vante en presence de ce grand desastre ; c'est un spec- tacle imposant et sublime; il serait peut-etre difficile d'en trouver un plus extraordinaire dans les aulres parties du globe. Aussi File de Lancerolte offre un beau cliainp d'observations aux geologucs, et les sa- vanles considerations de M. de Bucli en sont uno preuve convaincante. Mais notre illustre devancier n'a pu visiter que quelques lambeaux de ce vastc systeme volcanique : malgr^ ses explorations ct les notres, il teste encore de grands espaccs a parcourir et bien des etudes a faire. C4ette action puissantc qui, en 1700, r^agit avec tant de violence pendant sept annees, a eu par con- sequent ses temps d'arrets ct ses retours ;mais aiijour- d'bui, pluslenlcct moins active dans ses eftets, elle parait avoir atteint I'i^poque de ses dernieres revolu- tions. En 1824, trois Eruptions vinrent encore d^soler le pays; la premiere cut lieu au centre de lile, les doux autres percerent la grandc nappe de lave de lySo; plusieurs cratercs vomircnt des torrents enflammes qui allerent se perdre dans la mcr. Cespbcnomcnes pre- senterent la meme r(!)gul;irite dans leur marcho flu nord au sud , et se manilesterent a plusieurs reprises pendant trois mois. Les volcans deLancerottc convent peut-elrc d'autres VIII. M)\. \:V DEC. 5. 22 ( 3'2(i ) inccndles dans leurs caviles soulerraincs ; el apris des inlorniillences plus ou moins loniiiios, lis so loronl jour do nouvcau au travcrs de ce sol loiirmenlt^. Toulefois, apres dc si grands desastres , los inimcii- ses amas de matic'-rcs volcaniques qui ont couveit Ic |)ays lui ont procure des avantages inaltendus. La ualurc du sol a et6 chang^e sur une parlie dc sa sur- face, ctl'agriculture en a fait son profit. La vigne pros- pore mainlenant dans tous les districts ou une Ibrte couclie de scories est venue favoriser son d6vcloppo- raent; le mais a privalu dans les champs cnvaliis par les rapillos ct les cendres. La culture de la glaciale a repard aussi bicn des pertes ; on a seme cctte planto le long du littoral et dans les terrains volcanises sus- ceptibles de labours. Tous les ans , plus de 4^.000 quintaux dc soude naturelle sont exportes en Anglo- terrc. Si Ton excepte les valldes de la cote oricntale , 011 la couclie dc tcrre vegetalc a facilite la croissance des ar- bres fruitiers , il laut convenir que la campagnc do Lanccrotte est loin de prc'senter I'aspcct seduisant dos beaux sites dc hi Vega et de VOrotava. Ici, la vegc^ta- tion, toujours masquec par des cones d't^ruption tpii portent encore tous les caracleros dc leur originc , ca- ch6e dans les crati;res fcrtilisf^s, ou encaissoe enlrc deux torrents de lave, ne semontrc que par larabcaux. TiOrsque du somnict d'unc colline on promonc la vue sur les champs des alentours, on est surpris d'apor- cevoir les vigncs onfouies dans de petits cspaces cir- culaircs qu'on a pris soin de deblaycr. Des ramcaux vigoureux rampont sur la terre ct tapissent ccs craleres arliliciels ; inais, au niveau de la plaine, toutc cette vcgt'lation disparail; on ne d^couvrc plus alors dcvanl ( 327 ) soi quo Ics noircs ondulatlons du sol, et I'ien ne vicnt rompre la monotonie de ce triste paysage. Lesfigiiiers ct Ics autres arbres qu'on a plantes dans quelques can- Ions s'elevent a peine sur celte campagne sans ver- dure; il a fallu leur creuser des fosses a travers la oouclio de lave pour leur procurer un terrain plus propice. Les bords de ces esp^ces de puils, qui garan- lisscnt Ics arbres centre les vents et les ardeurs du so- leil, sont relev^s par desmurs; une ouverture lat(^rale donne entree dans I'enceinte. Ces fosses , que nous renconlrions do loin en loin durant nos p^nibles ca- ravanes , sont situ^es ordinairement dans le voisinage des fermes,et Ton a praliqu6 des citernes dans leurs environs. La seulement, nous trouvions la fraicheur et rorabi'e; mais que de detours et combien d'obstacles ne fallait-il pas francbir avant d'arriver a ces oasis! Durant notre s(§jour dans Tile , nous residames pen- dant quelque temps a ylrrecise. Malgr6 la suprematic qu'exerce celte ville maritime par sa position et la prosperile de son commerce, elle est soumise a la ju- ridiction de Teguize qui commandc tous les bourgs du centre. Teguize, ou les seigneurs de Lancerolte avaient jadis leur palais, s'enorgueillit de son titre de capilale et de ses privileges; mais les riches marcliands d'Ar- recise so rientdeces avantagcs : I'aristocralie des pias- tres a effac6 I'ancicnne noblesse , et les habitants de la cil(^, dont les ancetres guerroycurs setaient enri- chis des depouilles des Maures sous les Herrera ct les Peraza, sont devenus tributaires des n^gocianls du port. Le bourg de Haria est le chef-lieu des villages compris dans les vall(^es du Nord Est; Yaisa com- mande a ceux de la partie occidentale; sa juri 22. ( 528 ) dirtion cmbrassr le disliict que lietliancniirt oc- cupa d'abord a I'opocfue de la conqudte. On voil en- core dans les environs de Femes la chapoUe de Saint- Martial de Rubicon , conslruilc par les Normands er» i4o5, etqui fut, dans les premiers temps, le siege de I'dveclie des Canaries. Dans le village de la I'cgeta Im- bitent encore qiielques descendants des conquerants; on les designe dans le pays sousle nomde Miilatos. Ce singulier sobriquet leur a ele applique probal)lement a cause de I'alliancc; que leurs peres conlracterent avec les femmcs aborigtnes. Un individu de I'ancienne fa- niille de B(!!lhancourl, que nous cumes occasion dc voir, avait en effet le leint plus basan6 que sos comjia. triotes. C'etail un homme d'une cinquantainc d'an- n6es, d'une taille elevee et bien prise; ses formes mus- culaires etaiont tr^s prononcees, son visage rdgulior, le nez aquilin ; ses cheveux frises avaient ete blonds dans sa jeunesse ; I'expression de la pli) sionomic mar- quait en general la bardiesse et la determination, lo regard semblait indiquer la penetration el la ruse; on y relrouvait quelque cbose del'audace normande et de I'astuce alricaine; il y avait dvidemmenl melange des deux natures, et rensembleoffrait un bon t\pe dc la race caucasienne. Mous quillames Lancerolle pour nous rendre a Forlavcnlure, que nous desirions explorer; un bateau caboleur nous conduisit a Puerto Cabins, d'oii nous nous mimes en marcbe pour comnicncer nos excur- sions. Les plaines de la partie orientalc dc I'ile n'onl rien de bien attrayant ; ce sont de vrais Sa/iaras, et Ton pourrait se ci'oire dans les deserts de I'Afrique en traversant les illanos de Triquibijalc. Notre premiere expedition ne fut pas beureuse ; nous etions alors eu ( 329 ) iuillel; on nous conseillait de voyager de riuit pour e/e valbel ct honny, et y pent bien m'oir Itnit cents palmiers qui ombrcnt la vallee , et les rnisseaux des fontaines qui courent pavniy. et sont par troupeaux aussi longs que mats de ncf , dc plus do vingt brasses de hault^ si uerds et si feuillus , cl tant charges de dattes que c'est une moult belle chose a regardcr. »0n dcrit mieux aujourd'hui, inais Ton n'cst pas plus vrai. A notrcretoura Puerto Cabras,no\isnou?, emharqiui- mes pour Canaria. Co fut abord d'uii brigantin du pajs que nous fimcs cette travers6c. Cos grandes barques sont depourvues de tout; le materiel de rarnicmcnt se reduit aux choses les plus indispensables ; la plu|)ait n'ont pas d'habitacle ; le patron se pourvoit d'uni' m^cbante boussole pour la forme, otla lient renferniei' dans un des coffres de sa cabane. La nuit, le timonicr se guide sur les aslres , et ce n'est guere que par uii temps couvert qu'il envoie consultor I'instrument de- laisse. Les agres du navire sont ordinairement dans I'etat le plus pitoyable , ct pourtant, en dcpit dc eel abandon, I'c^quipage est loujours pionipt a la manoiu- vre, ct sait, dans I'occasion , se cr6er cics ressources inatlendues. Cesbommes de mer ont I'instinct du me- tier; une pratique consommee leur iait prevoir d'a- vance toutes les cbances dc la navigation : aussi Icur securite va jusqu'a I'insouciance. « Nous ai'ons depnsse la pointe de Tenc/c , disait Ic patron de la barque ; la tour de Gando est la dcvaiit nous, sous ce gros nuage noir ; (I six hcures du /ntitin/ious moiiillerons an port de la Luz » VA nous arrivames en efl'cl a riieure indiquee. Pourtant, lorsqu'il nous par- ( 55'i ) lail ainsi la null elail ilos i)kis sonibros , ct I'liori/on n'avait rion dc rassurant. ^olls elions partis do Forla- venlure avec un chargcmcnl do bcsliaux qu'il 6lail dil'ficile dc conlonir ; on parvint loulefois a s'assuror dc qualrc chamoaux, acci'oupis a I'avant, et qu'on brida a force d'amarres. Ccs pauvres belcs reourent sur leur dos loule la l)ourrasquc. Le vent, qui nous avail assaillis en doublant le promontoire de Handin, devint line lempete a mesure que nous ccssames d'etre abriles par la tcire.Nous courions a sec de voiles. La boussole i^isait a son postc accoutum6 dans un recoin du bati- ment, et ne fut consultee qu'une fois , aprfes un coup dc mer qui faillit nous balayer lous. Un matelot quitla le pont un instant pour faire son observation a la lueur d'un cigare , et ccrtifia qu'on ne s'elail pas ecarle de la route : »Nous allons bien .'» cria-t-il au pilotc. Get averlissement suffit jusqu'au jour. ( 535 ) COMPTE- RENDU lti:S REGETTES ET DES DEPENSES DE LA SOCltTE PENDANT l'exercice 1836-1837. Recettes. Reliquat du compte de 1 855- 1 836; inljieler au souvenir ce quo Ton sail deja , ils servent diflicilement a apprendre ce qu'on ignore. Ceci est vrai surloul pour la gcographie ; pour l'(itudicr, on a bcsoln de carles, qui sont los meillLMus etlcs verilablcs tublcmx synopliqucs, ct d'un iivrc oil ( 355 ) chaque chose soit rang^e dans un ordre m^thodique comme dans les tableaux , mais oil la m(^inoirc soit aidee parl'arrangementdes niolset par renchainement des ideas. Les tableaux ont encore conlre eux I'incom- modit^ du format. M. Paradis, sans se dissirauler ce dernier inconvenient, a surtout et6 frapp6 de leurs avantages, et sous le titre de Tableaux sjnoptiques ct chronologifjues de geographic, il a public un ouvrage, fruit d'un travail long et rainutieux, et qui a exig6 une grande patience plutot que de longues recherches. Get ouvrage se compose : 1° d'une introduction con- tenant des notions pr6liminaires,c'esl-a-dire les lermes de geographie 5 2" de tableaux gi^neraux de I'Europc, de I'Asie, de I'Afrique, de I'Amerique seplentrionale, de I'Amerique meridionale et de I'Oceanie ; 3" de ta- bleaux particuliers de chaque contr^e de I'Europe ; 4° de tableaux nombreux de la geographie physique et politique de la France et de ses colonies; 5° enfin d'une table alphabetique. M. Paradis a divis6 son tableau general de lEurope en deux zones, qu'il intitule geographie physique et geo- graphie politique ; dans la premiere il a place par co- lonnes et dans un ordre symetrique les noms des iles- caps, fleuves, golfes, etc., puis les noms desanimaux, des vegetans et des mineraux qu'on trouve en Europe; dans la seconde zone il a indique les races d'hommes, les religions , la division et la population de I'Europe. Pour les autres parlies dumonde, le travail estlememe; seulement M. Paradis, donnantmoins d'extension dans les autres tableaux h la geographie physique, a pu placer les divisions politiques avec les villes principales et des indications sur les productions, I'industrie et le commerce. ( 336 ) Viennentcnsuite Ics tableaux pailiculicrs flo chaqiio contrce do J'Europe, la France excepteo , avec leurs divisions et leurs subdivisions, el confenanl en detail tout ce qui a rapport a la geographic physique et a la geographic politique. L'autcur y a joint unc notice historique depuis les temps les plus recules jusqu'iV nos jours, notice pleine de fails et de dates, et tr6s propre a donncr une id6e gdn^rale sur rcnsemblc do I'histoire de chaque peuple. Enfin M. Paradis termine ses tableaux par ceux de la France ; le premier conlient tout ce qu'il est impor- tant de savoir sur la geographic pliysique el sur la sta- tislique; le second faitconnailre les dinerentes divisions adminislralives, judiciaires, universilaires, ecclesias- tiques, mililaires, marilimes, foreslieres, des ponls ct chaussees et des mines. L'autcur passe ensuile en revue toutes les provinces de la France , y compris les colo- nies, et donne lous les details hisloriqucs, statisliqucs ctbiographiques px'opres i bien faire connaltre chaque province; ses tableaux contiennenl done la geographic complete du globe ; I'Europe y est Iraitee avec plus de developpement que les aulres parlies du monde, et la France avec plus de developpement que les aulres contrees de I'Europe. J'ai dil que ce travail avail plutol exige une grande patience que de longues recherches; en eflet, on y re- Irouve en grande parlie I'abrege de geographic de Balbi. Je ne veux pas dire qu'il n'y ait dans les tableaux que ce que conlient le livre de M. Ikilbi ; jo serais injusle, oar M. Paradis y a place des details hisloriqucs ct bio- graphiques que Ton nc voil pas dans I'ouvragc d(; son devancicr; j'ai seulemcnl voulu dire que la geographic dc M. Balbi a scrvi de base au travail de M. Paradis, ( 537 ) et )c suis loin do faire un reproche a ce dernier d' avoir choisi un paroil guide. On pourrait encore contester a M. Paradis le mdrilo de I'invention de ses lablcaux. M. I'abbe Daniel, au- jourd'hui proviseur du college royal de Caen, a public des tableaux synopliques de geographie ancienne et niodcrne comparees , et ces tableaux ont beaucoup d'analogie avec ceux de M. Paradis ; mais I'ouvrage dont j'ai a vous rendi'e coniplc est bien plus etendu et bien plus complet que celui de M. Daniel, quoique ce der- nier aitcependant sur I'autre I'avantage de donner les noms anciens a €616 des noms modernes. Le plan que s'etait trace M. Paradis ne I'exigeait pas ; mais sos tableaux elant synopliques el c/iir)/ioioi;;uiiies , il devait indiquer les divers changements survenus dans la geo graphic politique ; c'est ce qu'il a fait avec details, mais souvent d'une maniereerronee et incomplete. Afm qu'on put comparer les divisions ancicnnes avec les divisions modernes, M. Paradis a donne en deux colonnes marginales la geographic ancienne de I'Eu- rope. II commence par dire que I'Europe des anciens se divisalt en ncuf contrees ; mais a quelle ^poque ? car auti'efois, comme aujourd'hui, I'Europe subissait de fr(^quenls changements dans sa geographie politique. A la page 13, il est vrai, on voit que I'auteur veut par- ler de I'Europe sous Its Piomains , mais c'est encore Ires vague. La Gaule , par exemple , a subi sous les Remains bien des variations dans sos divisions; M. Pa- radis ditqu'elle etaitdivisee en cinq provinces; c'est la tlivision d'Auguste; mais la plus connue, parcc qu'elle a lalsse 1^ plus de traces , est cello de Gration en dix- ept provinces. L'article Italic ou Hespciie prosente des orreurs. ( 338 ) L'llalic meridionale, dit-il, comprenaitle Samnium, la Campaiiie ct la grande Gr6ce formee de TApulic ct de YOEnotrie !! Je n'attache point aces errcursplus d'lm- porlance qu'il ne faut ; dans I'ouvrage dc M. Paradis la gdographie ancienne n'est qu'accessoire ; elle pour- rait 6tre relrancli^e sans que les tableaux cessassent d'avoir leur utilite; mais puisque I'auleur a juge hon de donncr la geographic ancienne des pays dont il parlc, il serait a desirer quo cette partie de son travail flit trait^e avec plus de soin. Avant ses tableaux delailles de TEuropc, M, Paradis a place une introduction indiquant I'etat de cette con- tree en 395 , a la fin du cinquiime siecle , en 800 , a la fin du neuvieme siecle, en lOT-i, en 1300, en I -15 3,' en 1 5o6, en 1716 et en 1 8 1 3 . Ce sont les grandes epoques indiqu6es par Koch et popularisocs dans les coll(^ges par les cartes dc Selves. — De memo, avant les tableaux de la France, se trouve une introduction indiquant I'etat de la Gaule, puis de la France avant les Romains, apres la conquete romaine, sous Constantin, sous Clo- vis , sous Charlemagne, sous llugues Capet, sous Charles V II , sous Louis XIV, sous la rdpublique el sous I'empire. Je n'ai point vu dans cette introduction assez de nettete ni asscz de precision; ainsi avant la conquete des Romains on trouve en Gaule les S^qua- nais, les Beauvoisins, les Art^siens, les Morins, les Au- vergnats, lesyfrmoriques ou Bretons, les Parisiens. . . . ! N^anmoins, ces introductions valent infinimenl inieux que la gc^ographie ancienne dc I'Europe, et quand meme I'auleur sc serait souvent ti'omjx-S il faudrait encore lui savoir gr6 d'avoir donnd' un ossai de g(iographic de la France a dilfercntes epoques, Comme i\l. Balbi, M. Paradis divise rOccanie en ( 339 ) Malaisie, Australic etPolyn^sie; la division cnMalaisie, Micronesie , Polyn^sie etM6lan6sie, division propos^e par M. Dumont d'Urville, me semble plus ralionnelle, ct je crois qu'en I'adoptant on ferait faire un progres a I'enseignement de la geographic. J'ai signalequelques erreurs; dans les notions prt^- liniinaires j'en ai remarqud une quine doit etre qu'uno faule de typographic : on appelle dcfd6 , pas, puy ou gorge, est-il dit, Ic passage etroit qui se trouve entre deux montagnes; evidemmentau lieu AePiiy I'auleur avail ecrit pertuis. M. Paradis a pris pour ^pigraphe : Indocti discant et nmeiit meininisse periti. Je n'affirmerais pas que la ma- niere dont il veut enseignerla g^ographie soit la plus commode et la plus profitable pour Ics ignorants; mais bien certainement ses tableaux sont trfes commodes et tr^s utiles pour retrouver promptement cc qu'on a ap- pris , pour cmbrasser bcaucoup de choses d'un seul coup d'oeil , et sous ce rapport ils ont un tres grand avantage sur les livres. Je serais injuste si je terminais sans parler du fron- tispice de I'ouvrage et sans rendre hommagc au talent qu'ont deploycMM. Lallou et Jouvenel fds, I'uncomme dcssinatcur et I'autre comme graveur. POULAIN DE BOSSAV. UMPIRE DE MAROC. FAlr.iil d'une leltre de M. Dblaporte, endate JeMogador, 16 aniit 1857, A M. JOUABO. Mogador n'a qu'unc saison , celle du vent d'esl, qui est alis6 dans cette region ou il souffle avec violence ( 34o) Ics sept neuviemes de I'annee. Ce vent fait la salubiUc- de la ville , ou plulot de ses liabitanls; il enlraino ics miasmes morblfiques qui s'6l6vent des marais que la maree laissc quand clle sc relire. Ce vent est tclle- ment frold que, quand il souffle, il faut se couviir , de peur de transpirations arretees. M. Davidson, dent vousme parlez , n'est pas parti du pays de Sous, mais de la terre de ^^ adnoun ; il a ct(i assassinc a Ighidy, conime Ics journaux ont dii Ic publier; scs depouilles ont etc apportecs et vendues, ou denaturees dans un village des confins du Drna , nomme Mahamid. Sen voyage a ^te lieureux jusqu'a Tatab, ou 11 est restepour attendre la grande caravano de I'interieur. Le juif qui m'a donne des rensrigne- nients sur la mort de ce malbcureux voyageur, ni'a dicte I'itineraire de Mabamid a Mogador: le voici : Dt- Miilinniiil ;i Khi-ou-Pilal , journeif. ... i De Ii];i-ou-B.!al a Tatali — ... 6 De Tiiliili a Tarondnnl — ... 4 De Turoiidanl a Mogador — ... 5 Total des journet.':. Tatab est un gros bourgbabit^ par des raabometans quiconnaissent a peine leur religion, ou qui, s'ils la connaissent, la praliquent tres peu. lis se rasenl l;i barbc. On peut se fier sur lour parole, car, une fois qu'ils I'onl donn^e , ils la liennont religieusemont. II y a done seize journces de route de Mogador an bourg de Mabamid , limile de la province de Draa. La province de Draa est arrosi^e par une riviere qui Itii donne son nom. Cetle riviere, Heuve ou torrent, soil de plusieurs sources (pii se trouvenl pres de Dadus dans I'Atlas. II se reunit a celui d'Occa. a Tagbadil, ( o4i ) et se rend aWadnoun ou il se pcrd dans les terres, que Ton cultive quand le soleil ct I'air en ont lai i les eaux. Tatah est a une journ^e ouest d'Accah. Entre le Draa et Tatah est le Souq-el-amm ou marche annuel , qui se tient en un lieu nomnie Mpgliiminia , a deux jours est de Tatah. On trouve a Meghimima trois sour- ces, une d'eau salee , une d'eau douce, et une d'eau sauraatre; ces trois sources alimentent ensemble un lac assez vaste qui a plusieurs qualltes de poisson, entre autres, celle que I'on appelle Boury , que je crois etre celle qu'on nomme Bhdets en fran^ais. Je vous envoie I'extrait d'une leltre ( en idiome arabe , 6crit en caract^res rabbiniques , et Iransciit en caracteres arabes, etpuis traduit en idiome fran- ^ais), ecrile par un juif d'//e^-A, ville du Wadnoun ou du pays des independants, a un rabbin, negociant de la meme ville , qui se trouvait ici , et dans laquelle il lui donne la nouvelle de I'assassinat de M. Davidson. Signe Delaporte. ExTRAiT dhine letlre de M. Delaporte ^A", nii meme. Mevoici enfm de retour apr^s une longue et p^nible travers^e de 55 join's; mon sejour a Mogador n'a (^te que de Sg jours , pendant lesqiiels j'ai eu I'honneur de vous ccrire, et de vous donner la descrqjtion d'un petit voyage qae je suis alle faire a Boutazert, environ a 12 lieues d6 Mogador, dans la province de Kaha. J'y avais joint un autre voyage que j'avais fait en remontant a rivifere de Mogador (que les Arabes appcUent Onad-el- VIH. NOV. ET DEO. 6. sS ( 042 ) Cassah, riviere dcs roseaux), comme vous me I'avioz recomniandd. Je n'ai pu i-emonter qu'onviron 8 lieues, jusqu'au bas d'une grande montagne ou elait un cam- penicnt, cnnenii de la province de Chiadma. Pendarft que je suis rcste a Mogador, j'ai fail une pelilc collection d'objets pour le mus6ura d'histoirc naturelle. Ma petite collection a lieaucoup soufTert en mer : arrive le (i septenibre au soir au golfe de Valence, nous avons essuye un ouragan terrible; le vent sou- flait avec tanl de fureur , qu'il m'enleva un jeune arbre d'Argan , qui 6tait la cbose la plus curieuse , et pour laquelle j 'avals pris le plus de soins. J'ai perdu aussi un cbat-tigre , et mes plantes secbes ont subi le sort de la marcbandise, qui a el6 pour la plupart avarice. J'ai pris le plan dii port de Mogador , la vue de la ville px'ise du nord-esl, et quelqucs autres petits cro- quis. SigneV. Delaporte. EXTRA ITS DBS STATtJTS DE L4. SOCIEXi DE ciOGRAPHIE DE FRANCFORT-SUR-LE-MEIN. Art. i". La Societe de g^ograpbie a pour but d'en- coui-ager et d'6tendre les connaissanccs geograpbi- ques ainsi que les sciences qui s'y rapportent. D'une pari, elle se propose de rassembler et d'augmenter continuellement une collection de livres, de cartes et autres objcts relatifs a ces sciences; de fournir aux inembrcs de la Society la facility d'ecbanger leurs id6es, de poursuivre en comniun le d^veloppenient de ( 543 ) la geographic , de I'elhnogi'aphie et de rastronomie ; de venir, selon ses ressources, au secours des tra- vaux scientifiques ; d'aulre part, prenant en conside- ration particuliiire les besoins du commerce , elle s'est propose de faire connaitre dans des assemblees regu- lieres des membres de I'association, les decouvertes et les recherches nouvelles , et de developper d'une ma- nifere instructive, selon le besoin de I'epoque, les objets speciaux de cette branche de connaissances ; elle a de plus pour objet d'assurer au public instruit, par le moyen des cours qu'elle etablira , I'occasion d'acquerir une instruction solide dans ces sciences. Art. 2. La Society se compose de membres effec- tifs , de membres correspondanls et de membres ho- noraires. Art. 3, Quiconque voudra devenir membra effectif devra s'adresser auconseil superieur, qui statuera sur son admission. Art. 4' Tout membre effectif est tenu de fournir a I'avance une contribution qui a 6t6 fix6e a cinq florins vingt-quatre kreutzers ( n fr. 75 cent. ) pour I'ann^e fmanciere, qui commence au 1" juillet et fmit le 3o juin. Art. 5. Un membre effectif ne pent se retirer de la Society qu'a la fin d'une annee financiere , et apres avoir informe par 6crit le conseil superieur de sa dt!;- termination, au moins trois mois a I'avance. Art. 6. Les membres effectifs seuls peuvent jouir de droit de ce qui appartient en propre a la Soci^td. Celui qui cesse d'avoir cette quality perd en meme temps tout droit a colic jouissance. Art. 7. Les membres correspondanls et les mem- bres houorairessout nommes par le conseil superieur. 23. ( 544 ) Art. 8. Onne peut r^guliL'icmonlnommermcmbrcs honoraires que des (Strangers qui ont rendu aux sciences naturelles ou a la Societ6 des services signales. AnT. 9. Les membres correspondanls et les mcm- bres bonoraires recoivent des diplomcs iraprimes. Les articles 10 a 48 concerncnt I'adminislralion in- I6rieure de la Societe ; nous n'en reproduirons que les suivanls : Art. 10. La direction et les afl'aircs de la Societ(5 sont confiees au conseil sup^rieur. Art. 16. La totality des membres eflectifs compose I'assemblee generale. On delibere, dans celle assem- blee, sur los aflaires de la Societe d'apres la proposi- tion du conseil superieur, el menie d'apr^s celle des simples membres, et Ton y prend les resolutions con- venables. Art. 29. Les membres qui, outre le montant de la contribution annuelle, prennent, d6s a pr«!!sent ou pour I'avenir, I'engagement de travailler personnclle- ment en commun, d'une maniere active, au but de la Society , en forment la partie reellemont active. lis peuventetre convoques particulieremenl par le conseil superieur, soil pour donner des avis quelconques, soit pour entendre la lecture de memoires savants, soit pour deliberer en commun sur des objets scientifiques. Les autres membres peuvent, s'ils le desirent, et s'ils font connaitre leur voeu au conseil superieur, ctre (^ga. lement invites a ces seances ; ces membres n'ont aucun privilege sur les autres. Art. 5o. Lorsqu'un membre se propose de traiter un objel scientifiquc dans une seance, il doit pi^ala- ])lemcnt enobtcnir I'autorisatlon du conseil superieur. Art. 02. Lorsque les moyens de la Societe le per- ( 345 ) mellront, des propositions seront faites a I'assemblee g^n^rale pour I'^lablissement d'un professeur. Art. 34. Le conseil superieur doit veiller, autant que Je permettent les moyens de la Soci^td, a la for- mation cl aubon entretien d'une collection d'ouvrages g^ograpbiques , de cartes et d'objcts etbnograpliiques, suivant les besoins de la Societe el les progriis de la science. Art. 44' Le conseil superieur devra-, au mois de juillet ou d'aout de cliaque annde, faire iniprimer et distribuer un rapport aux membres de la Societe. Art. 45- Si la Societe venait a se dissoudre, sa propriete pecuniaire , ses collections, ses archives, seraient abandonnees a un ^tablissement de la ville qu'il reste a designer, pour en laisser jouir le public. Art. 48. Aprfes trois ann6es r^volues , les presents statuts seront soumis a une revision dans I'assemblee generale. Le nouveau projet de statuts qui pourra etre propose, devra, avantla resolution de I'assemblee ge- nerale, etre expose pendant quatre semaines dans Je local de la Society , pour que les membres puissent en prendre connaissance. ( 346 ) TROISIEME SECTION, Actes de la Societea MUS^E Gfeor.RAPIIIQDE. Ini'itotion a MM. les voyageurset navigateiirs de concourir a Vagrandissement du Musee geographique , J'oniie pres de la Societe. Mars 1837. Monsieur,* La Commission centrale de la Soci(^te de geographic a ddcide, dans sa seance du 22 septcmbre 1806, qu'il serait form6 auprfes d'elle un Museum geographique ou Ton ddposerait les objets d'histoirc naturelle, d'arl et d'antiquile qui auraient ^ih offerls par les mambres de la Sociiti , par ses correspondants, par les savants et les voyageurs qui sorit en relation avec clle. Cel appcl fait aux amis de la science a (itti favorable- mcnt accueilli : plusieurs presents ont et6 faits a la Soci6t6, d'aulres luionl^te pioniis, et cette collection, nous osons I'esperer , sera enrichie d'un grand nonibrc de dons volontaires. Nous desirous que les lieux d'ou provicndront ccs divers envois puissent clrc soigneusemenl indiques par ( 547 ) les donateurs, afin qu'en visitant la collection on soil a port^e de mieux connaitre sous ce rapport les difl'^- rentes contrees du globe , une partie des productions qui leur sont propros, ot qnelques uns des monuments de leur Industrie et de leur histoire. Cet inl6ret de curiosite et d'instruction ne se borne pas aux pays les moins polices et les plus recemment decouverts: il doit egalement s'appliquer aux regions les plus anciennement connues et les plus eclairees , et il serait a desirer qu'il piit embrasser les deux termes de la civilisation et en parcourir les anneaux interme- diaires. Toutobjet, toula production d'un faible volume, appartenant, soit a la nature, soit aux arts, pourra done trouver sa place dans la collection qui se forme sous les auspices de la Soci^le de geographic : tout y deviendra un sujet d'elude et de comparaison, et ces nombreux rapprochements tcndront a rendre plus sensible ce que diverses contrees cnt de commun ou dedissemblable dans leur formation geologique et leur mineralogie; la meme etude pourra c'appliquer aux bassins des eaux, et aux coquillages , aux madr(^pores qui les distinguent. Quant aux terres habitees et aux travaux de I'indus- trie humaine, on pourra egalement reconnaitre paries rapports des diverses parties de cette collection leg analogies des differents peuples et les secours mutucls qu'ils sc sont protes, ou les progres qu'ilsont faits iso- lement , par I'impulsion seule de la nature qui conduit insensiblement les hommes a un ordre social plus avance. Ln grand nombre de notions do ce genre nous sont donneps par les vojageurs , et lours relations nous in- ( 548 ) t^ressent encore plus vivement lorsquelles nous eclai- rcnt sur les richcsses naturellcs des clifT^rents lieux et sur le degre d'industrie des homines qui les habitent; mais les descriptions et les r^cits onl souvent besoin d'etre aid^s par des images qui frappent les sens, et les objets que Ton voit sont mieux compris. Ln Museum g^ographique ofliira une nouvelle source d'instruclion, on devenant I'annexe et le supplement de la biblio- theque et de la collection de cartes, formees pr^s de la Societe. La g^ograpliie, en s'unissant ainsi d'une maniere plus intime Ix I'etude de la nature et a celle des liomraes, verra s'agrandir le champ de ses observations, et pourra devenir a la fois plus attrayante et plus inslruclive. Si Ton pent esperer le rapide accroissement d'unc collection formee par les dons volontaircs des hommes de tons les pays, c'est surtoul dans une capitale ou se rendent habiluellement un si grand nombre de voya- geurs, attires par la beautd de ses ctablissements , les ogrements de son sejour, I'hospitalite etle bon accueil dont les etrangers y jouissent. La Society de gc^ographie a souvent I'avantage de les reunir dans ses assemblees ou de recevoir leurs com- munications; ct comme elle appartienta tous les pays, par ses membres, ses correspondants el la nature de ses travaux, elle croit former un nouveau lien entre tous les amis de cette science, en lespriant de concourir a I'accroissement de la collection commencf^e, et en les invitanl A \enir jouir en commun des progres d'un 6tablissenient qui sera devenu leur ouvrage. Les noms des donateurs seront joints a ceux de tous les objets qu'lls auront oft'crts ; c'est un t^moignage dc reconnaissance que la Soci6te leur doit. ( 54 <) ) Les envois, meme les pluslegers, auront du prix a ses yeux , el en entrant clans ses collections de m6- dailles, d'objets d'art el d'liistoire nalurelle , ils aide- ronl a en reniplir les lacunes. Tout devient utile a observer dans la marclie de I'industrie humaine, et tout a son importance dans les ceuvres de la creation et dans la serie des merveilles de la nature. Agreez, etc. Le President de 1(1 Commission cenlr(di\ IIOUX Uli ROCHELLE. ciOGRAPIHE DE LA I'llA.NCE. Lettre adressee au.x Societes saranles du royaunie , qui Jont entrer cette etude dans leurs rccherches. Noveinb'-e iSSj. Les hommes attaches aux progr^s de la geographic vont souvent chercher au loin les sujets de leurs etudes : ils aiment les voyages fails dans des contrtses peu con- nues, et ils suivent, avec un juste sentiment d'interet, ces expeditions savantes et p^rilleuses qui ddvelop- pent a nos yeux le grand spectacle du monde, qui peuvent nous enrichir de productions nouvelles, et qui tendent a perfectionner la plus importante de nos connaissances, celle de Thorame, et des differenls de- gr6s de la civilisation. Mais si la science voit interrompre ces conquetes eloignees, si les voyageurs lui manquent, ou s'il faut attendre le retour de ces savants explorateurs, pour ( 35o ) jouir do leurs decouvertes , d'aulres sujels d'observa- tion ne sontils pas ci notre port6e ? Le pays qui nous a vus nallre esl-il suffisammcnl connu? Avons-nous jete les ycux sur tout co qui nous environne? La g6oj,'raphic de la France a donn6 lieu a des pu- blications nombreuses, sans toutefois que Ton ait epuise un sujet si riclie. Chaque ^crivain, occupe d'un but special, y a ramen^ ses etudes journalicres : le nierite de ses ouvrages se proportionne a I'^tendue do ses facultis intellectuelles ; il depend aussi du point de vue oil I'auteur s'est plac6 : tous les aspects ne sont paslesmemes, et leur ensemble serait difficilement apeigu par un seul homme. II taut, pour agrandir le domaine dos observations, qu'elles puissent elre faitcs en meme temps sur un grand nombre de points, et que Ton oblionne dans cliaque lieu le concours des esprits les plus eclaires. Un seul faisceau de lumi^res ne suffirait pas : il serait utile de les multiplier et de les distribucr de toutes parts, alin qu'un jour egalement vif put se r^pandre sur tous les objets. La geographic d'un vaste pays de- viendrait ainsi le commun ouvrage d'un grand nombre d'liommes ; elle serait le recueil de toutes les reclior- chcs locales et positives, que chacun d'eux aurait fai- tcs dans I'etenduc de sa sphere, et qui pourraicnt etrc ensuite rassemblees et coordonnees avec soin. Nous avons lieu de croire, Messieurs, que cette cooperation, dont vous reconnaissez rulilite, pent cnlin etre mise en pratique, grace au zelc (iclair6 des societies savanles qui se sont forinees dans les dilTerenles parties de la France. La Societe d'(^mula- tion du Jura nous a offert de concourir, par des re- cherclies geographiques dans toute I'etenduc de cc ( 35i ) d^partement, aux Iravaux de meme nature qui pour- raient etre entrepris sur un plan encore plus vasle, et nous avons legu avec reconnaissance une proposition si utile aux progres de la science. D'autres corps qui s'interessent h nos reclierches , et avec lesquels nous aimons a entretenir de fraternelles relations , se mon- trentanimes du meme espi'it; et la Societe industrielle d'Angei's nous a lemoigne la premiere le desir de sui- vre I'exemple donne dans le Jura , et de prendre part h de si louables Iravaux. Cette association, cette communaute d'efforts pa- x'ait d'autant plus necessaire, que I'etude de la geogra- phic prend, chaque jour, une nouvelle extension : elle attend le tribut de toutes les sciences qui ont avec elle des affinites; et c'estpar leur secours qu'elle pcut com- pleter ses observations et ses propres richesses. II ne lui suffit plus de determiner avec precision le coqrs des fleuves , la direction des montagnes , la position deslieux; elle veut connaitre le relief de la terre, et calculer la difference de ses niveaux : elle pen6tre dans son sein, pour se rendre compte de ses formations g^ologiques, de meme qu'elle observe les principalcs productions qui embellissent sa surface, et qu'elle dis- tingue les espaces occupes par la culture, de ceux qui restent abandonnes aux sables des deserts, aux ro- chers nus ou herisses de glaces, aux vastes solitudes des forets. La plupart de ces indications naturelles nous sont donn^es dans les belles cartes que public le depot general de la guerre, dans celles des mines et des fo- rets, et dans les autres plans, oil Ton s'attache h desi- gner une branclie speciale de richesses et de produc- tions. Les rivages maritimcs de la France et de ses ( 552 ) possessions sont relev^s avcc le meme soin par le d6- parlementde la marine; et nous jouirons , en geogra- phic , de tout cc que le trac6 des cartes peut represen- ter; mais ce genre d'indicalions a ses limitcs, et il ne peut tcnir lieu des descriptions locales. S'il offre le dessin d'un pays, les doscrij)tions seules en font un tableau anime ; et Ton ne peut point en juger toutes les formes, si Ton est priv6 de ces fideles peintures. Nous ajouterons meme qu'elles ont besoin d'etre re- nouvel^es par intervalles de temps : I'image d'un pays n'est pas loujours la meme , car il pcul avoir diderents ages. Sa pbysionomie, ses traits se modifient souvent commc les phases de la vie sociale; ils changent, ils se developpent, ils vieillissent : I'hommc qui habite une contree parvient a la faconner a son gr6 , et il pcrfectionne ou bouleverse son propre ouvrage. La pdlure meme, quoique son action soil plus uniforme, a aussi ses revolutions, ou subites , ou prt^parees par le temps; et toutes ces vai'iations , qui viennent de I'homme ou de la nature, ont besoin d'etre observ^es; elles entrent dans I'etude de la geographic, et des sciences qu'elle prend pour auxiliaires. La Commission centrale a d(§sir6 favoriser les deve- loppements de cette reunion de connaissances, lors- qu'elle a resolu la formation d'un musee g^ographi- que, ou les productions de la nature et celles des arts pourraicnt etre classees, et ou I'on trouverait de nou- veaux sujels d'clude en geologic, et des points nom- breux de comparaison enire I'industrie de differents peuples. Nous avons eu ^galemenl en vue d'«!!tendre ces pro- gi'es, en accueillant I'onVe qui nous a et6 faile par plusicurs soci^tes savantes, de perfectionncr la g6o- ( 000 j graphie des contr6es qui sont sous leurs jcux : c'est un nouvel essor donne a la science ; et nous vous prions, messieurs et honorables collaboraleurs, de I'encourager par le concours de vos lumieres, en re- cueillant, sur Ics diverscs regions auxquellcs vous ap- parlencz, lous les documents dont la geographic pent s'enrichir. Les m^moires, les relations que vous vou- driez bien nous adresser deviendraient, par leur lec- ture, un des ornements de nos seances; ils pourraient enrichir d'obscrvations nouvelles les bulletins ou les mt^moires de notre Society? et le caractere national imprime a cette partie de ses travaux en releverait encore le m^rile et I'interet. N'otre Soci^t^ de geographic est la premiere qui se soit form^e : faisons en sorte que, sous un rapport si important, elle puisse encore etre pi'ise pour module; elle aspire a un tel succes , et nous pourrons esperer de. I'oblenir, a I'aide des societ^s savantes qui vou- dront bien seconder nos travaux. La France, si souvent 6tudiee par les autres nations, merite de I'etie sans cesse par ses propres habitants; ce genre de recherches peut concourir A sa prospe- rite, en faisant mieux apjir^cier la vaii^te de ses res- sources et les moyens d'en fairc ustige. La science elle-meme y trouvera quelque gloire, et lapiitrie aura ^gaiement a remarquer les services de oeux qui la fe- ront mieux connaitre, et de ceux qui etendront, par leurs voyages dans des r(^gions lointaines et quelquefois ignorees, les relations de son commerce, le respect dij a son nom, et les bienlaits de I'ordre social. Agreez , etc. Le President de la ComDiission centrale, RoUX DE RoCIIELI.E. ( 554 ) 1>R0C1:S-VERBAIIX DES siANCES. Senncc da 4 iiovembrc 1807. Le procfes-verbal cle la dernlere seance est lu ct aclopl6. L'Acadt^mieroyale ties sciences de Berlin remercie la Socicle de I'envoi dii tome \ de ses Memoires, el lui adressele volume de sespublicationspour I'ann^e i855, ainsi que les coinptos-rendus de ses seances. MM. les direcleurs de la Soci6t6 gdographique de Francfort-sur-le-Mein remercient la Commission cen- trale du don qu'elle leur a fait des collections de ses Memoires et de son Bulletin, et lui annoncent le pro- chain envoi d'un relief de leur contree, que le presi- dent et le secretaire de celle Societe vont publier en I'ac- compagnant d'un traits g^ographiquesur la vallee infe- rioure du Mein et sur la partie adjaconte du Taunus, Les auteurs de ce relief conlinuent de s'occuper de sembla- bles travaux sur d'autres parties de I'Allemagne. M. Jose de Lrculu ecrit d'Oporto a la Societe , dont il vient d'etre recu membre, pour la remercier et lui offrir de cooperer a ses utiles travaux. M. lecomte J. de Berton 6crit de Beyrout a la Society ot lui adresse quelques details sur les diverses excur- sions qu'il a faites, depuis i85o, en Syrie et dans quelques autres contrd'es voisincs. 11 se propose de con- tinuer ses rechercbes, et ollre ses services a la Societe en la priant de seconder ses efforts. M. Francis Lavallce adresse de la Trinidad de Cuba unc dissertation geograpbique sur celte question : L' yimcrique fut-elle coiinne des anciens? Cette disserta- tion , qui est pr6cedee d'une analyse des travaux de la ( 555 ) Soci^te dc geogi^aphie , est extraite d'un journal publiii a la Ilavane. M. Desgraz-Bory adresse un second Memoiro siir I'assainissement du port de ]\Iarscille, pour servir de complement au projet d'agrandissement de ce port , dontil a Hi rendu compte a la Commission centrale. Ce nouveau Memoire est renvoye aucomitcdu Bulletin. M. Jomard annonce que MM. Tamisier et Combes sont pr(?!senls a la seance et qu'ils ont a communiquer une carte itineraire de leur voyage en Abyssinie. M. le president leur adresse les felicitations de la Societe sur les heureux resultats de leur voyage , et il les invite a preparer pour la procliaine assemblee generale une partic de la relation qu'ds se proposent de publicr. M. Jomard depose sur le bureau, i° une Notice de M. Ainsworlh relative a la navigation de I'Euphrate el a I'expedition anglaise dont il faisail parlie; 2° un Memoire de M. Fr. Lavallee, contenant un proced^ pour la mesure dcs bauteurs par le tbermometre ; 5° trois atlas publies par M. Woerl , et ofTerts a la So- ciete par M. Heck , un de ses membres. M. le presi- dent prie M. le capitaine Peytier de rendre compte du deuxi^me Memoire, et renvoie au comite du Bulletin la Notice de M. Ainsworlb. Le meme membre annonce le procbain depart de M. Gaimard pour le Spitzberg; il est decide que I'ex- pedition qu'il dirige se transportera jusqu'a cette re- gion. M. Gaimard prie la Societe de I'aider de ses lumieres, ct 31. le prdjsident invite M. Eyries a lui preparer quelques instructions. M. d'Avezac communique I'extrait d'une lettre de M. W. B. Hodgson , aujoui^d'hui attacbe par le gou- vernement des l^itats-Unis aux affaires clrang6res, el ( 55G ) il ollie, pour clre inscrec au BuUolui, unc nole qu'ila rccue de ce voyageur et qui est relative aux FcUalahs de I'Afrique cenlrale. M. d'Orhigny lit un 3Ienioire surla distribution geo- graphiquc dcs oiseaux dans I'Am^rique meridionale ; il en sera insere un extrait au Bulletin. Le meme membrc olTre h la Soci6te, de la part de M. de Moerenhout, la relation de ses voyages dans los iles du grand Ocean. M. Bertlielot depose sur Ic bureau plusiours nou- vellos livraisons de son Ilistoiro generale des iles Cana- ries , et M. le president I'invitc a preparer pour la pro- cliaine asscmblee generale un fragment des nouvelles publications qu'il prepare. M. le capitaine Callierest^galemenlpri^ de lire, dans laojeme reunion, un chapitre de ses voyages enSyrie. Sea/ICC du \r nnvcnibre 1807. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. L'Acadd'mie royale des sciences de Lisbonne adresse la premiere partie du tome XII de ses Mt^moires, et la Soci^te royale geogropbiqiie de Londrcs envoie la se- conde jKirtic du tome VII de son journal. M. Mtireau de Jonn^s adresse , au nom du ministre des Iravaux publics, le 1" volume dc la statistique de France qui vient de parallre sous ses auspices. M. L. de Maslatrie fait horamage d'une statistique historique des archev6ch(^s , 6v6ch6s et monastt-res de France sous les trois dynasties. M. Roux de Rochelle ofTre de la part de son fils les deux prcnoi^res feuilles d'une carte de Tile danoise de ( 557 ) Seelande, et il remetlra aiissitot qu'elles auront paru les deux autres feuillt's qui completeront celte publication. M. Jomard fait hommagc de la premiere partie d'un recueil de dissertations compos^es par sept 6l6ves <^gyp- tiens envoyi^s en France pour 6ludier la nid;decine et obtenirledoctorat. Ces recherchessontcontcnues dans les theses soutenues publiquement par les Egyptiens devant la Faculte de inedecine pendant le mois de no- vembre. Les sujets principaux sent les suivants : Ele- phantiasis des Arabes, dyssenterie d'Egypte, ophtalmie, (L'liologie des maladies epidemiques etendemiques d'Lgy pte, bernies, etc, Ces ouvrages demonlrent pleinement les progrfes qu'ils ont faits dans la langue francaise et dans les sciences naturelles, et I'aptitude pour les connais- sances positives qui distingue les Egyptiens. Cetlememe aptitude s'est fait remarquer dans les derniers examens subis a I'Ecole Polytecbnique par un 6l6ve-ingenieur ^gyptien. L'un de ces examens avait pour objet I'ana- lyse et la mecanique ; I'autre la geometrie descriptive et r analyse a trois dimensions. M. le docteur Barrachin, qui a r^cemment entretenu la Soci^te de son voyage en Perse, 6crit a la Commission cenlrale pour lui annoncer que son depart est fix(^ au 1 deceiubreetlaprierde lui remettre avant cette epo- que les instructions qu'elle aurait a lui adresser sur diff^rents points de g^ograpbie. M. d'Avezac offre a la Society pour sa bibliotbeque une notice des travaux de d'Anville, par feu M. Barbi6 du Bocage. Le m6me inembre donne lecture de quelques frag- ments de la notice biographique sur Plan Carpin qu'il destine au tome IV du Recueil des m^moires. M. Poulain rend compte des tableaux synoptiqucs et viu. NOV. ET Dtc. 7. 24 ( 358 ) chronologiques de g6o}?r;iphie ofTirts A la Sociel«i par M. Paradis, un de ses membres. Proces-vcrbal de i Assemblee generalc du \" decembre. La Socicile de geographic a tenu sa a* assemblee ge- neralede i857,levendredi i" decembi'e, dansles salles de ril6tel-de-Ville , sous la pr^sidence de M. Guizol, membre de la Chambre des d6put6s et de I'lnstilut, M. le prc^sidcnt ouvrc la seance par un discours dans lequel il rappelle les services rcndus aux sciences par les associations qui ont pour but de favoriser leurs progres. L'imporlance sociale des connaissanccs g^o- graphiques eclate et grandit sans cesse ; mais si cepcn- dant les preoccupations poliliques privent la science de cetlesympathievive et generale dont elle abcsoin, elle la retrouve dans des institutions telles que la Society dc g^ographie form6e des hommcs qu'attire et lie le gout des raemes etudes. Les travauxde laSocietedoivent etre poursuivis avec confiancc; leurs resultats em- brassent I'humanite tout entiere, ses besoins les plus nobles aussi bien que ses plus communs interfits. Le discours de M. le prcsideiit, ^coute avoc une profonde attention, est accucilli par de vifs applaudissements. M. d'Orbigny, secretaire de la Socit^tii, lit le proces- verbal de la dei'niere assemblee g^ndrale ; la redaction en est adoptee. M. le president proclanic les noms descandidats pr6- sent6s pour etre admis dans la Societd , et M. le secre- taire communique la lisle des ouvrages deposes sur le bureau. M. Noel Desvergers, secretaire general de la Com- mission centrale, lit ensuile la notice annuelle des tra- ( 359 ) vauxde la Sociele pendant Tanni-e 1807. Aprfes avoir dit qucUcs seniles relations de la Societede geograpliie avec les autrcs Socieles Irancaises et elrangeres; apres avoir examine sous le rapport da concours, de la pu- blication des M^moires et de celle du Bulletin , quelle a ^te Taction de la Society sur les etudes geographiques, M. le secretaire fait I'analyse rapide des progr^s de la geographie dans los cinq parlies du monde pendant I'annee qui vientde s'ecouler; il termine en appreciant la bonne direction imprimee a la marclie de la science dont lo domaine s'agrandit chaquejour. M. le capitaine Callier lit un fragment de la re- lation inedite de son voyage en Orient. Apres avoir fait connaltre I'organisation des Tatars de la Porte, et celle des couiriers qui parcourentles diverses routes de la Turquie, M. Callier pr6sente un tableau compUt des moeurs interessantes de la caravane qui se rend de Bagdad a Alep a travers L s contrees desertes de I'Arabic. M. Combes lit en son nom et au nom de M. Tami- sier un fragment de relation de leur voyage de Db^r a Angolala , dans le royaume d'Efat en Abyssinie, et il donne des details pleins d'intc^ret sur la topograpbie deslieux qu'ils ont visil»^s, sur les moeurs des babitants, et sur leur sejour a la cour de Seble-Sallassi. Ce roi, qui est un ami passionne des arts industriels, a transforme son palais en un vastc atelier ou il fait fabriqucr sur- tout des armes. M. Berlhelot, dans une nouvelle notice sur I'Archi- pel dont il ecrit I'bistoire , rend compte des eruptions volcaniques qui ont bouleverse I'ile de Lancerolte a dilTerenles epoques; il decrit celles de 1700611824, ct fait connailre le systeme d'agriculture mis en prati- que dans les districts volcaniscs. Passant ensuite a For- 24. ( 56o ) lavenlurc , il donne dos renseignemonls curieux sur Betnncuria , villc gothique fond^o par Jean de B<^lhan- court en i4o5, ct sur les mceurs el coiilumes de sos habitants. M. Berlhelot termino sa relation par nno sc^ne de nuit au milieu d'une bourrasfjue, pendant sa travers^e de Puerto- in bras a la grande Canarie. M. Chapcllier, trfisorierdc la Socieli , litle comptc- fendii des [rocettes et des d^penses pour Tcxcrcice 1856-1857. La sf^ance est leV(ie a onze heures. Seance du i5 decern bre iSSj. Le proces-verb;>l de la doini^re seance est hi et adopts. LaSoci(^tero\alede Londres remercie la Commission centrale de I'envoi du tome V du Recueil des Memoires et des tomes VI et \I1 du Bulletin. La Socidt^ royale des anliquaires du Nord adrcsse trois volumes de Sagas en langue danoise, deux volumes de rhisloiie ancienne du Danemark et plusieurs autres memoires , formant la suite de ses publications pour les ann^es i856et 1857. M. le capilaine Back, de retour a Londres d'une nou- velle expedition vers le nord , (5crit a la Society et lui exprime combien il est sensible a la faveur qu'clle lui a faite , lorsqu'elle lui a decerned un grand prix pour son voyage de i852 a i854 dans les regions arctiques; il remercie ^galemenl la Societe d'avoir plac6 son nom sur la liste des Correspondants efi-nngers, M. John Washington annonce que la grande medaille d'or qui «5tait envoy<^e a M. le capitainc Back lui a ^id remise dans une stance solennelle de la Societe geo- graphiquo do Londres. ( 56l ) eS»;5*«i*V^-w M. le pr(isidenl de la Societe induslrielle d'Angors, a I'exemple de la Soci(ile d'^mulation du Jura, ecrlt a la Commission centrale pour lui offrir le concours de ses coUegues dans les utiles recherches qu'elle se propose de faire sur la geographic de la Fi'ance. M. de Vaubicourt, consul de France a Santandor, ^crit a M. le president pour le pr^venir d'un prochain envoi destine a la Societe par le commandant de lia marine de ce port. M. Jose de UrcuUu , membre de la Societe a Porto, envoie le prospectus de la relation du voyage de Vasco de Gama, de i497. qui doit paraitre incessamment en portugais. M. Jomard communique une leltre de M. Martin (de Beaune) accompagn^e de plusleurs essais d'unc carte historique de la France. M. Martin fait hommage de son travail k la Societe; il sera remercie de son olTrande €l sa carle sera dt^pos^e dans les archives. M. d'Avezac, en sa qualitc!; de membre honoraire de la Society mct^orologique de Londres , fait hommage d'un exemplaire des statuts de celte Society ; il com- munique en raeme temps une serie de questions rela- tives a la m^t^oi-ologie, et il en propose I'insertion au Bulletin afm de leur donner une publicity qui ne peut tourner qu'au profit de la geographic physique. La Commission centrale renvoic a la section de comp- tabilite une proposition faite parM. Jaubert, au nom de la Societe asiatique de Paris, et relative au prix d'ac- quisition i-^ciproque des m^moires publics par I'une et I'aulre Socidt^. M. Poulain depose surle bureau quelques questions de geographic ancienne sur la Syrie, destinees a M. de Berton ; et M, Ic capitainc Callier est prii de prendre ( 5G'2 ) coramunlcalion d'une leltre adresst^e par ce memo voyageur a M. Barbie du Bocage, el de joindre de nou- velles questions au travail delM. Poulain. Ces questions seront envoyees avec la r^ponse que le president avail d^ja preparce pour M. de Berton. La Commission cenlrale, conformement a ses sta- luts, procede au renouvellementannuel de son bureau pour I'annt^e 1 838, et nomme pour en faire parlie : President : M. le baron AValckenaer. ( M. de La Renaudierc, Vice-Presidents :\ ,, j i ( M. rlomard. Secretaire : M. Noel Dcsvergers. M. Roux de Rochelle, en quittant la presidence, ex- prime a ses collegues sa vive reconnaissance pour la bienvcillante affection qu'ils lui onl conslammenl temoignce pendant lout le cours de ses fonctions. La Commission procede ensuite a la formation de ses trois sections, qui sont compos^es ainsi qu'il suit : Section de correspondance. MM. Bajot, Berard, Callier , Daussy , Dubuc, Lsam- bert, Jaubert, Lafond, C. Moreau, d'Orbigny, Peytier, .Tardieu et ^^ arden. Section de publication. MM. Alberl-Montcmont, Ansart, Barbie du Bocage, Biancbi, Boblaye, Coraboeuf, Cosla/, d'Ave/.ac, Eyries, lluerne de Pommouse , Ladoucelte, Poulain et Roux de Rocliclle. Section de co'nptdbilite. MM. Bouclicr, CeTnhre. Par C Acadewie royale des sciences de Berlin : Mi- moires de celle Acad(''mio pour )835, 1 vol. in-4". — ( 565 ) Comptes-rendus des stances de cette Acad^mie, de mai i856 a juin iSSy, in-S". — Par V AcacUmie royale des sciences de Lisbonne : Memoires de cetle Acad^mie, tome XII, i" partie. — Par la Societe royale geogra- phi(jm de Londres : Journal de cette Soci6t^, tome VII, 2' partie. — Par M. Berthelot : Histoire naturelle des Canaries, g^ographie descriptive, feuilles 27 a 3i et 5 planches. — Par M. I'amiral Krusensterii : Carte de la Nouvelle-Zemble, par M. Ziwolka , i836, 1 feuille. — ' Par MM . Heck et JVoerl : Atlas de I'Europe centrale a r^chelle de 5-7^771- — CaTte du Wurtemberg, du grand diiche de Bade, etc., en 12 feuilles a I'^chelle de rri^Ti' — Carte de la Suisse et des pays limitro- phes.en 20 feuilles, al'echelle de iv"Irr^ Par M. An- sart : Essai de g^ographie historique ancienne , 1 vol. in- 8» — ParM. Moerenhout : Voyages aux iles du Grand Oc^an, 2 vol. in-80. — ParM. fides Roux de Rochelle: Carte de I'ilede Seelande, feuilles 1 et2. — ParM. Cor- tambert : Cours complet d'^ducation ( a* partie , g(5o- graphie), livr. 1 a 5. filaments de geographic, 1 vol. in- 18. — ParM. de Maslatrie : Archevfech^s, evfich^S et monast^res de France sous les trois dynasties, 1 vol. in- 18. — Par M. d'Avezac : Notice des travaux de d'Anville par feu M. Barbid du Bocage. — ParM. Bine- teau : Atlas universel de geographic ancienne et mo- derne, par H. Langlois. Seance generate du \" decembre iSSy. Par le Depot general de la guerre : Nouvelle carte to- pographique de la France, 1 2 feuilles (Boulogne, Arras, Cambrai, Montdidier, Laon, Saverne, Vassy, Colmar, Strasbourg, Altkirch etFerney). — Environs dc Paris, ( 5(i6 ] 1 rouille. — Environs tic \ ersailles au r^ — , i feuUlo. — Carle des possessions francaises en Afrique et d'une partie de la regence de Tunis, 3 louillcs. — Croquis des environs d'AIgcr au ^tzt^.^ • feuille.— Cartes des pro- vinces dc Conslanline et d'Oran au zt17T%'> 2 feuilles. — Par le Depot general de (a marine : Carles des cotes de France publiees en 1857, G feuilles. — Carte des alterages et plan du mouillage d'Alger, 2 feuilles. — Plan des bales de Tanger, Diego Suarez ( ile Madagas- car) etde la cote de Sainl-Gilles (lie Bourbon), 5 feuilles. — Carle g^n^rale de la mer des Indes. — Carte de la cole occidentale de Sumatra. — Routier des cotes de Portugal , 1 vol. in-8". — Inslruclions nauliques sur la navigation de la mer de Chine, Iraduites de I'anglais par M. Le Predour, i vol. in-8v — Inslruclions nau- liques sur les mers de I'lnde, par Janies llorsburg, Iraduites par M. Le Predour, tome I, in-S". — Rapport sur le bassin d'Arcachon , par M. Monnier, in-8". — Instructions pour naviguer sur la cote ouest de Sumatra, in-8-. — iNote sur les operations hydrogra- pliiques a ox6cuter dans le voyage de la Bonile , par M. Beautemps-Bcaupr6, in-8°. — Apergu general du systeme adople au Depot de la marine pour determiner les positions des points qui se trouvent sur les carles du Pilote fran^ais, par M. B6gat, in-S". — Description nautique des coles del'Alg^rie, par M. Berard, i vol. in-8°. Rcnseignements sur le mouillage des lies Medas, ole. , par M. E. Ollivier, in-8". — Memoire et instruction sm' la barre de Bayonne, in-8''. — Memoire sur les divers moyens de se procurer unc base, etc., par M. Chazallon, in-8»- -— Par 31. le minis! re de i'instruc- lion piihlique : Voyage dans I'Amerique rneridionale, par M. d'Orbigny , 24' a 29*^ livraisous. — Par ISl. le ( 3G7 ) ministre des affaires etravgeres : Voyages piltoresques et romantiques dans I'ancienne Fiance, par MM. Cli. Nodler, Taylor et Callleux; Languedoc, 5o* a jS*" li- vraisons. — ParM. le miiii'stre dii commerce : Stallstique de la France , territoire et population, tome I , in-fol. — Par M. P. Jacquemont : Voyage dans I'lnde , par V. Jacquemont , i5* llvraison. — Par MM. Leroux et Reyimiid : Encyclopedic nouvelle , tomes II, III. — Par M. Picquet : Nouvelle carte de I'Espagne et du Portu- gal , 1 feuille. — Par M. Jomard : Recueil de theses soutenucs devant la Faculte de medecine et I'ficole royale de pharmacie de Paris par les eloves de la mis- sion egyptienne en France'. — Par M. de la Sagra : Ilistoire physique et naturelle de File de Cuha, i" li- vraison. — ParM. Tcrnaur-Compans : Voyages, rela- tions et memoires orlginaux pour servir a I'hisloire de la decouverte de I'Amerique, vol. l^, 5 et 6. Seance du i5 decembre 1837. Par la Societe royale des aiitiqitaires du Nord : An- nales de cette Soci6t6 pour 1830-1807, ' ^'^^- in-8". — Foriuiiaima Sogur, tomes Mil et IX. — Scripta historica Islandorum , tomes VI et VII. — Toblur yfr solarinnar synilega gang a Islandi af Birni Gunnlogssyni , i85G, in-4° — Acta solemnia quibus tertiuni jnbiUeuni sacrorum in regno Dania',reforniatorum celebravit universitas regia Hcifniensis, 1857, in-fol. — Ridrag hil det Kjobenliai'ns uiuwcrs/tels historie , 1857, in-fol. — Udvigt orer Kjobenliavns unii'ersitets Rygnings historie, in-fol. — Par M. le baron de Chaudoir : Aper(^u sur les mon- naies russcs et sur les monnaies elrangeres qui ont cours en Russie, 1" parlie, 2 vol, in-8^ —Pur M. Gra- ( 568 ) herg de Ilcniso : Reise-Schiklerungen und I inrisse aus svidliclicn Gegendcn (compte-rendu) , in-S". — Notice des travaux statistiques publitis en Ilalie pendant Tan- nic 1 836, in-S". — Par lesauteiirs etec/iteurs :P\usiouvs livraisons du voyage pittoresque en Asie, — des INou- velles annales des voyages, — des Annales maritimes, — du Journal de la marine , — de la Bibliotheque dc Geneve, — du Journal des missions ^vangdliques, — des Annales dela propagation de la foi, — du Journal asia- tique, — du Journal de I'lnslilut liistorique , — du Recueil industriel, — du Memorial encyclopedique, — du Jouinalde la lilterature fran^aise, — de I'lnstitut, el de I'Echo du monde savant. TABLE DES MATlfeRES COMTEKUES DANS LE VJir VOLUME BE LA 2' SERIE N»* 43 a 48. (Juillel a Dccembre liSj. } PREMlfeRE SECTION. MiMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. Pages. Exiiail cle la relation du voyage de MM. Maurice Tamisiek et Edinond Combes en Abyssiiiie pendanl Ls aiin^es i835 et i856 ( suite ct fin ) 5 Voyage dans la Turqiiie d'Europe (Eilrait d'une leltrc de M. A. B... a M. Walferdin ) i-,,- ■;:• 49 Nole sur la nouvelle enlrtSe du port de Boulogne-sur-Mer. . . 67 Extrail d'une communication fjiiie a I'Acadtimie des Inscrip- tions sur quclques points d'archtologie el de geographic nncicunc , par M. F. Dubois de Montpereuv 69 Inslruclions de I'Academie royale drs sciences relatives au voyage de circumnavigation tie (Astrolabe tt de la Zelie. 86, i33 Hauteurs des principaus points de la vallee de Bareges, con- siderdes relativement au niveau de Luz et relativement au niveau de la mer, par M. le comte de Kaffetot log Rapport verbal fait h la Commission cenlrale, par M. d'AvE- ZAC , sur la Description naulique des cdtes de ( 4lgirie , par M. Berard, capitaino de corvette ii5 Notice sur I'ile Huaheine , I'une des iles de la Soci(5l6 , par iVl oEBEiMiouT. ja 1 ( 57'> ) Nclicc siir 1 lie PiiiU'halii irKvliLiniie , par M. Ic comic ilu Gbandpre ,25 Conlinualion des nolcs do M. Ic viconile dc SiNTAnEM sur Ics voyages d'AuK^ric Vcspuce, niure ( fragment (Ic riiistoire nalurellc des Canaries), par M. S. Bertuelot). Oil Couiple-rendu des rcccllcs el des depenscs de la .Societe pen- dant rexercice : 85G-i837 555 Tableaux synopliqucs et clironologiques dc g<5ograpliie , par M. Paradis (ooin|ilc-rendu par M- Poi'lain ) 554 ( 37. ) Empire dc Maroc — I'.xlr lil dune leltie eciitc a M. Jomaril par M. DtLAPonTE , consul do France a Mogador 55() Extrail d'une lellrc de M. Delaporie Cls , au meme 34 i Eslrait des slatuls de la Sociele de geographio de Francforl- sur-le-Meiii ^^"^ DEUXifeME SECTION. ACTKS DE LA SOCltTi. Mus6e geograpbiqiie. — Invitalioti a MM. lesvoyageurs et na- vigalcurs de concoinir a ragraiidissemcnl du Musee geo- gi'aphique forme piia de la Soci<5le 54*^ (i6ograpliie de la France. — Leltre adressee aux Socieles sa- vanles du royauine, qui font entrer cetle elude dans leurs reclierches 049. Procfjs-verbaux des sennres de la Commissiaii cenlrale de juillel a dtScembre 60, 129, 192, 267, 554 Membres admis daus la Society 66 , 565 Ouvrages offerls a la Sociele 66 , 102 , 196, 363 Table dea inatiercs du 8 volume , 069 •r; >C'-^ '7/ , ..>:-\^y l\V- Erratum clii BuUelin n" 4 • . page Jai , ligne 4. Rive gaucUc >le la CC-ze lisez rive druitc. u^ -'