ss jus i 1144 Hs ji Cu in je 45 BULLETIN DE LA SOCIÈTÉ DES SCIENCES HISTORIQUES ET NATURELLES DE L'YONNE. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES HISTORIQUES ET NATURELLES DE L’'YONNE. DOUZIÈME VOLUME. AUXERRE PERRIQUET ET ROUILLÉ, IMPRIMEURS ÉDITEURS DE LA SOCIÈTE, RUE DE PARIS, 91. 1558. LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. ———@ñ@> PEre— MEMBRES D'HONNEUR. : ; . , É Président : M. 1e Prérer de l'Yonne. Membres : Mgr l’ArcnevÈèquE de Sens. M. Le Mare d'Auxerre. MEMBRES TITULAIRES. MM. Amé, architecte du département, à Vannes. Marquis ANsorrAnT, maire de Flogny. ArrauLT, membre du Conseil général, à Toucy. Comte Léon pe Basrarp, à Maligny. BarDiN, professeur au collége d’Avallon. Baupouin, architecte, à Avallon. Bazor, avocat, à Auxerre. BELGRAND, ingénieur en chef de la 3° section de la na- vigation de la Seine, à Paris, rue de l'Université, 29. BELIN, pharmacien, à Auxerre. BENoir, juge au tribunal de la Seine, à Paris. Berr fils, licencié, rue d'Ulm, 27, à Paris. Bzin, professeur au collége d'Auxerre. DE Boxpy (comte), ancien préfet de l'Yonne, à Paris. Il BONNEVILLE, avocat, à Auxerre. De BoxtiN, juge au tribunal de la Seine, à Paris, rue d'Assas, 3. BouranGé, vérificateur des domaines, à Auxerre. Bréarp, médecin-vétérinaire, à Villeneuve-l’Archevèq. BrETAGNE, directeur des contribut. directes, à Auxerre. BreuizLarD, curé de Savigny-en-Terre-Plaine. BruLrée (l'abbé), aumônier de Sainte-Colombe, à Sens. CamiLze Dormois, économe de l’hospice, à Tonnerre. Camprenow, docteur en médecine, à Tonnerre. Carré (l'abbé), maitre de pension, à Auxerre. Cuazran-BeLvar, percepteur, à A1zy. Cnazce, membre du Conseil général, à Auxerre. Cuazce fils, sous-préfet, à Barbezieux. Cuarié, juge au tribunal civil, à Auxerre. CHENET, premier commis à la direction des domaines, à Melun (Seme-et-Marne. CHEREST, avocat, à Auxerre. CLAUDE, vérificateur des poids et mesures, à Auxerre. Marquis de CLermonT-Tonnerre, à Ancy-le-Franc. Cogrret-Ouivier, orfèvre, à Villeneuve-l’Archevèqu. Cou, inspecteur des écoles primaires, à Tonnerre. Cornar (l'abbé), à Sens. CoTrEaU, Juge au tribunal civil, à Coulommiers. Couarp, curé d’Asquins. CourrauT, sous-chef à l'administration des domaines, à Paris, 35, rue de l'Ouest. CourTauT, 4° commis de la direction, des domaines, à Auxerre. Dacnez, inspecteur de l’enreg. en retraite, à Auxerre. ER Devizce, médecin, à Villeneuve-l'Archevèque. DéLicanD, avocat et maire de la ville, à Sens. Déy, inspecteur de l'enregistrement et des domaines, à Auxerre. Dionis DES Carrières, docteur en médecine, à Auxerre, Dopux, propriétaire, à Chemilly. DonnENxe, professeur de mathém. au collége d'Auxerre. Dorzuac, directeur de l’école normale, à Auxerre. Doureau, juge de paix, à Seignelay. Droir, curé de Charbuy. Dueors, ancien notaire, à Sens. Ducné, docteur en médecine, à Ouaine. Duru (l'abbé), aumônier de l’Asile des aliénés, à Auxerre. Duru, propriétaire, à Auxerre. FaucaE, homme de lettres, à Meaux. Farrow, peintre d'histoire, à Paris, rue Pigale, 66. Freurecor (Henri), à Auxerre. Fosseyeux, notaire, à Cravan. Foucarp, opticien, à Auxerre. Fournerar, à Ancy-le-Frane. François-CHascin, membre du Conseil général de l'Yonne, à Bazarnes. FRémY; gouverneur du Crédit foncier, à Paris, cours d'Orléans, rue Saint-Lazare, 36. Fronrier, maire de Merry-sur-Yonne, à Magny. GALLOIS, vice-président au tribunal civil, à Paris, rue de Verneuil, 11. GaLLy (l'abbé), aumônier du collége d’Avallon. Garnier, ancien député de Yonne, à Vassy, commune d’Etaules. 11 GIBERT, propriétaire, à Sens. GirFarD, curé de Saint-Georges. GIGUET, propriétaire, à Sens. Girarp pe CaizLeux, directeur de l’Asile des aliénés, à Auxerre. GrarioT, professeur au collége, à Auxerre. GRENET, docteur en médecine, à Joigny. Du Havezr (le baron), membre du Conseil général, aux Barres, commune de Sainpuits. HermeLiN, juge de paix, à Saint-Florentin. HerNoux, ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Auxerre. Horror, ancien sous-préfet, à Avallon. Jacques-Pazorre, ancien député de l'Yonne, à Serrigny, Paris, rue Chaussée-d'Antin, 27 bis. Jarry, fils, à Auxerre. De Joxcuëres, docteur médecin, à Héry. JuuioT, professeur au lycée de Sens. Baron DE LAGONDE, à Paris, quai d'Orsay, 4. LALLIER, juge au tribunal, à Sens. LAMBERT, avocat, à Auxerre. LauserT fils, à Tanlay. LaraBiT, sénaleur, à Paris, rue de l'Université, 8. B. pe La Rurezce fils (Henri), à Tulle. . B. pe LA Rupeze (Paul), juge suppléant, à Versailles. Laureau (l'abbé), directeur du séminaire, à Auxerre. LaurenT-LesserÉé, adjoint au maire, à Auxerre. LEBERTON, médecin, à Sergines. LeBERTON, notaire, à Sergines. Leseur, Juge au tribunal de Cosne. LegLane, ingénieur en chefen retraite, à Auxerre. Legranc (Léon), propriétaire, à Auxerre. Lecnar, chef de divisionà la préfecture, à Auxerre. Leccerc DE FouroLces, président du tribunal à Joigny. Le MaistREe, receveur municipal, à Tonnerre. LePère fils, avocat, à Auxerre. Lescuyer, avocat, à Auxerre. Licrer, percepteur, à Sanzay (Cher). G. pe Lorière, géologue. à Paris, rue de l'Ouest, 52. Lori, architecte, à Auxerre. Marquis pe Louvors, à Ancy-le-Franc. Marre, juge au tribunal civil, à Auxerre. Baron MAnrTINEAU DES CHESNEZ, ancien sous-secrétaire d'Etat, maire de la ville d'Auxerre. Mérarrie, juge suppléant au tribunal civil, à Auxerre. Monceau, pharmacien à l'asile des aliénés, à Auxerre. Monpor DE La Gorcf, ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite, à Auxerre. MonrazemBert (comte de), à la Roche-en-Brenil, par Saulieu {Côte-d'Or). Moreau, professeur de mathém. au collége, à Avallon. Morueré, vérificateur à la préfecture de la Seine, à Paris. Muraour, docteur en médecine, à Auxerre. Ouvier, horloger, à Rigny-le-Ferron. | Paris fils, docteur en médecine, à Champlost. PasseponT, peintre, à Auxerre. Perriquer (Eugène), avocat, à Paris. PerRIQUEr (Gustave), imprimeur, à Auxerre. Perir-SiçauLr, maitre de pension, à Auxerre. Vi Piériu, architecte du département, à Auxerre. Pie, ingénieur des ponts et chaussées, à Sens. Pixar», conseiller à la cour impériale, à Paris, rue Madame, 26. Pouerau, pharmacien, à Auxerre. QuANTIN, archiviste du département, à Auxerre, Quicnarp (l'abbé), à Paris. Rampowr, docteur en médecine, à Leugny. Raupor, ancien réprésentant, à Orbigny, près Avallon. Ravix (Eugène), pharmacien, à Auxerre, Ravix, professeur de logique au collége, à Auxerre. Réuy, docteur en médecine, à Auxerre. RIBIÈRE, avocat, à Auxerre. RicuarDp, libraire, à Auxerre. Ricorpeau père, docteur en médecine, à Seignelay. Ricorpeau fils l'abbé), à Sens. RogLor, architecte, à Joiguy. Router, aumômier de l'Ecole normale, à Auxerre. RouILLÉ, imprimeur, à Auxerre. Rousseau, docteur en médecine, à Auxerre. Rozar DE Manbres, ingén.desponts etchaussées, à Paris. SALLÉ, pharmacien, à Auxerre. SALMON, avocat, à Paris. SALOMON ainé, à Samnt-Florentin. SiVANNE, inspecteur de l’Académie, à Auxerre. SocHeT, ingénieur, directeur des constructions navales, à Cherbourg. SOUPLET ainé, médecin, à Charbuy. TazmonT, à Saint-Sauveur. Tamsour fils, licencié en droit, à Auxerre VIE Marquis pe Tansay, membre du Conseil général de l'Yonne, à Tanlay. Tarrois, propriétaire, président de la Société des Amis des arts, à Senan. TonxezLiEeR, président du tribunal civil, à Auxerre. Toxxezuer, greffier en chef, à Sens. Tryon-MonTaLEmBERT (vicomte de), maire, à La Ferté- Loupière. Vrzuiers, receveur des hospices, à Auxerre. Vurrry, ancien député de l'Yonne, à Paris, rue de la Pépinière, 19. MEMBRES LIBRES. MAL. GUÉRIN, insütuleur, à Serrigny. Henry, curé de Quarré-les-Tombes. JossiEr, secrétaire de la mairie, à Joigny. Lasnier, instituteur communal, à Auxerre. Meunier, sculpteur, à Vézelay. MouicLor, instituteur, à Tanlay. PELTIER, instituteur communal, à Auxerre. Pror, inspecteur des écoles primaires, à Loudun. RosiN, mritre-adjoint à l’école normale d'Auxerre, ZAMBkowSkI, prépar. de physique au collége d'Auxerre. MEMBRES CORRESPONDANTS. AT. BarBier, peintre, à Paris. Banro (Joseph), à Chorey près Beaune. VII Baupior, curé de Dhun-les-Places. Baupois, géologue, à Châtillon-sur-Seine. Bizcor, professeur, à Haguenau. BernarD, médecin, à Uriage (Esère). Brancue (Isid.), vice-consul de France à Tripoli (Syrie). Buzzior (Gabriel), membre de la Société Eduenne, à Autun (Saône-et-Loire). Bure (de), présidentde la Société d’Emulation, à Moulins. CARRELET, à Saulieu. À. DE CONTENGIN, directeur général des Cultes, à Paris, 8, rue Las Cases. Coquanp, professeur de géologie, à Besançon. Couranr, des Riceys, à Paris. CROSNIER, vicaire-général, à Nevers. DaNTiIN, capitaine d'état-major, à Mâcon. Derenre, docteur en médecine, à Paris. Drouer, aut.du Catalog. des MonEquee de Champagne. Dorix, médecin, à Ervy. Durcës-Acié, archiviste-paléographe, à Paris. Ferexoux, membre de la Société géologique de France, ‘à Cusset {Allier). FLanDin, conseiller à la cour impériale, à Paris. J. FLeuTeLoT, professeur, à Paris. De FoxTenaY, secrétaire de la Société Eduenne d'Autun. Freny (Charles), docteur en médecine, à Paris. De FRromMEeNTEL, membre de la Société géologique de FRANCE. GALL, chanoine de Saint-Ours, à Aoste (Savoie). GARNIER, archiviste de la ville, à Dijon. GRASSET, antiquaire, à La Charité-sur-Loire Gaupry, géologue, à Paris. GERMAIN DE SAINT-PIERRE, docteur en médecine, à Paris. Baron DE GIRARDOT, secrétaire général, à Nantes. GRENIER, professeur de botanique, à Besançon. GuÉRIN DE MENNEVILLE, directeur de la Revue zoolo- gique, à Paris. Baron DE GUERNE, À Douay. HéserT, professeur de géologie au collége de France, à Paris. LaLLeMAND, curé de Dompère. LasourpertE, docteur en médecine, à Bercy. LEevuertE, professeur de géologie, à Toulouse. DE Loxcuemar, à Poitiers. DE Loncrérier, conservateur au Cabinet des Antiques, à Paris. MicueuiN, ancien président de la Société géologique de France, à Paris. Mienarp, membre de l'académie de Dijon. De Missery, conservateur des forêts, à Troyes. Moucsor, docteur en médecine, à Bruyères (Vosges). D'OrBiexx (Charles), aide-professeur de géologie au Muséum. Passy (Antoine), ancien président de la Société géolo- gique de France, à Paris. V. Perir, dessinateur et archéologue, à Paris, rue de Lille, 23. Prisser, numismatisie, à Dijon. Prorar, de l'académie de Dijon, V. RauLin, professeur de géologie à la faculté de Bordeaux. x Roy, ingénieur des mines, à Paris. Jules Ray, pharmacien, à Troyes. SALOMON, inspecteur de colonisation, en Algérie. S ELLIER, président de la Société des arts de la Marne. Suvrrere (de), directeur de l'asile des aliénés de Lille. Comte Georges pe Sourrratr, membre non résidant du comité de l’histoire, à Toury (Nièvre). Vée, curé d'Entrains. Vienon, directeur du dépôt des cartes au Ministère des Travaux publics. De Voucoux (Mgr), évêque d’Evreux. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. Société d'Emulation de l'Allier. Société des Sciences et des Lettres de Blois. Société des Antiquaires de France, à Paris. Muséum de Paris. Académie de Bordeaux. Société Archéologique de Sens. Société d'Emulation des Vosges, à Epinal. Société d'Agriculture, Sciences et Arts, à Troyes. Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, à Dijon. Société d'Histoire et d'Archéologie de Chalon-sur-Saône. Société des Antiquaires de Picardie. Société Nivernaise, à Nevers. Société Vaudoise des Sciences naturelles de Neuchâtel (Suisse). Société Eduenne, à Autun. NE Société d'Emulation du Doubs, à Besancon. Société des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers. Société Archéologique du Midi, à Toulouse. Société d'Archéologie Lorraine, à Nancy. Société des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer. Société Archéologique de l'Orléanais, à Orléans. Commission Historique du Cher, à Bourges. Société des Sciences et Arts, à Toulon {Var). Aladémie de Mâcon. Société Dunkerquoise pour l’encouragement des scien- ces, à Dunkerque. Société des Sciences, Belles-lettres, etc., des Pyrénées- Orientales, à Perpignan. Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Meaux. Académie du Gard, à Nimes. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne, à Chàälons-sur-Marne. BUREAU D'ADMINISTRATION. President : M. CHaLze, membre du Conseil général, à Auxerre. Vice-Presidents : MM. QuanTiN,, archiviste du département, à Auxerre. Comte DE Basrarp, à Maligny. Secrétaires : MM. Cuéresr, avocat, à Auxerre. LePère, avocat, à Auxerre. XIE Archiviste : M. Lorin, architecte, à Auxerre. Trésorier : M. Perir-Sicaucr, maître de pension, à Auxerre. Classificateurs : MM. Ravix (Eug.}, pharmacien, à Auxerre (Botanique). Monceau, pharmacien de l'asile des aliénés, à Auxerre (Musée entomologique). BERT fils, avocat, à Auxerre (Zoologie et orni- thologue). SOCIETE DES SCIENCES HISTORIQUES ET NATURELLES DE L'YONNE. Compte-Rendu des travaux et des publications de la Société pendant l’année 1858. Messieurs, On aurait pu craindre que les publications de la Société fussent ralenties ou même suspendues par suite du Congrès convoqué à Auxerre en 1858. Le temps consacré par vos membres aux études et aux discussions, que motiva cette réunion solennelle, semblait devoir être ravi à nos séances ordinaires et aux travaux de. notre Bulletin annuel. Il n’en a rien été. Vos procès-verbaux attestent qu’en 1858 la Société a Continué sa marche progressive, comme si la meilleure part de son activité n'avait pas été consacrée à d’autres efforts. Votre Bulletin n’est pas indigne de ceux qui l'ont précédé, malgré l'honorable contingent que vous avez fourni aux pu- blications du Congrès. Vous en pourrez mieux juger par une rapide analyse des travaux accomplis pendant l’année. Dans le domaine des sciences, je citerai d’abord M. Duché, et son article sur le choléra de A854, article plein de re- cherches et d’aperçus curieux, qui rappelle et complète ceux XIV COMPTE-RENDU de M. Moret sur le choléra de 1849. Nous devons encore à M. Duché une notice remarquable sur les angines couen- neuses, autre fléau qui désole trop souvent notre pays. Pour combler une lacune, qui existait jusqu'alors dans nos travaux, M. Villiers nous a donné plusieurs études sur la minéralogie de l'Yonne. Vous vous rappelez sans doute les récits à la fois piquants et instructifs de ses Excursions dans la forêt d'Othe et dans l'Avallonnais. En même temps qu'il explorait, il collectionnait aussi au profit de la Société. Grâce à lui, nous pouvons montrer aux étrangers de beaux échan- tillons minéralogiques, rangés dans notre musée à côté de notre collection géologique. Enfin il nous a rendu compte des richesses nouvelles que nous avons acquises, dans un mé- moire inséré comme les précédents au Bulletin de 1858. A la même époque, M. Monceau sollicitait de la Société l'autorisation de pratiquer des fouilles aux grottes d’Arcy. Il annonçait déjà de précieuses découvertes que ses efforts n’ont pas tardé à réaliser. Mais les travaux historiques sont comme d'habitude plus nombreux parmi nous que les travaux scientifiques. Notre président figure à lui seul dans la liste pour trois articles : Une note sur les débris de constructions gallo- romaines trouvées près d'Auxerre vers la fontaine Sainte- Nitasse ; 2 des Réflexions sur la correspondance de Fourrier avec M. Bonnard; 3° une Analyse et des extraits d’un manuscrit de l'abbé Rousseau. Cependant, en 1858, M. Challe remplissait les pénibles fonctions de secrétaire général, organisateur du Congrès. La Société lui doit done cette année de doubles remerciements, soit parce qu'il n'a pas négligé ses publications particulières, soit parce qu'il l’a dignement représentée à la tête du Congrès scientifique. DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. XY Non moins zélé, notre vice-président, M. Quantin, achève son grand travail sur les Pagus, qui doit servir de préface au deuxième volume du Cartulaire. Il nous promet aussi les plans complets du réseau de nos voies romaines, promesse dont nous avons pris acte et que nous n’oublierons pas. M. Déy nous a donné une notice sur les Armoiries consi- dérées comme matière imposable au xvn° siècle, et la fin de son Histoire du comté de Saint-l'argeau. W ne lui reste plus, pour accomplir son œuvre, qu'à publier divers docu- ments complémentaires, lesquels trouveront place dans le Bulletin de 1859. Nous devons, en outre, à M. Camille Dormois, une Note sur un cimetière gallo-romain découvert à Tonnerre ; A M. Lambert, la communication d'un mémoire sur les voies romaines du canton de Cruzy, mémoire destiné à l'Annuaire départemental, et que nous regrettons pour le Bulletin ; A M. Dantin, notre jeune et vaillant compatriote, une notice sur Mégret d'Etiqny. M. l'abbé Laureau nous a commencé la lecture de son travail sur les monnaies baronnales de l'Yonne. Chacun de nous en attend avec impatience la publication complète. Enfin notre archiviste, M. Lorin, a recueilli pour nous charmer les Chansons populaires de l'Auxerrois, et nous les à livrées, paroles et musique, avec une introduction et des notices pleines de verve comme les chansons elles- mêmes. 4 Je n’ajoute rien à cette énumération significative. Je ne vous parle ni de l’accroissement rapide et continu de toutes vos collections, ni du second tome du Cartulaire préparé par M. Quantin et qui sera livré à l'impression dans le cours de XVI COMPTE-RENDU DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. 4859, ni du beau livre de M. de Bastard sur Jean de Ferrières, ni des autres publications que vos membres ont entreprises en dehors du Bulletin. J'en ai dit assez pour établir qu’en 1858 l'abeille auxerroise, dans sa modeste ruche, a vaillam- ment poursuivi son œuvre, toujours fidèle à sa devise : Col- ligut, et elaborat. Le Secrétaire, AIMÉ CHEREST. SOCIÉTÉ DES SCIENCES HISTORIQUES ET NATURELLES DE L'YONNE. NEANCE DU 10 JANVIER 1858. PRÉSIDENCE DE M. A. CHALLE. Il est fait hommage à la Société des ouvrages suivants : 4° Mémoires de l'Académie de Bordeaux 1856, 4° tri- mesire ; 20 Bulletin de la Société Vaudoise 4856-1857, n° 39, 40, 4 ; 3° Bulletin du Comité de la Langue et de l'histoire, t. IV. n®1,2, 3, 4, 4857; 4° Mémoires de la Société archéologique du midi de Ja France, à Toulouse, t. VIE, 1857; 5o Essai historique sur l’église de Saint-Hilaire, de Poitiers, par M. de Longuemare, 4 vol. in-8°. M. le directeur des Ecoles chrétiennes d’Auxerre fait don d’ane statuette d'ivoire, représentant une femme nue, qui paraît appartenir au type africain. \ 2 PROCÈS-VERBAUX. M. Chamoin, caissier à la recette générale, a donné une vingtaine de jetons, sous et liards de l’ancienne monarchie française. M. Quantin a déposé sur le bureau deux petits bronzes des empereurs Tetricus père et Tetricus fils, qu'il a trouvés dans le massif même de la maconnerie de la tour d'Orbandelle, dont les restes ont subi l’été dernier de nouvelles démolitions. Ces travaux avaient aussi mis au jour quelques pierres seul- ptées qui faisaient partie d'anciens monuments et dont la face travaillée éfait noyée dans la maçonnerie. Ces nouvelles décou- vertes confirment l'opinion qui fait remonter la construction de cette tour, seulement au 1e ou au 1v° siècle de J.-C. ; c’est-à- dire à une époque postérieure aux Tetricus. On ne peut douter dès lors que l'inscription AVLVS HIRTIVS ET CAIVS VIBIVS PANSA coss. qui existait encore au siècle dernier, dans le mur de la tour d'Orbandelle, ne fût bien antérieure à la construction de cette tour, c'était un fragment de pierre, qui faisait partie d'une ancienne construction ou de quelque autel, et qui était entré par occasion dans la confection du mur. Dans les murs d'enceinte de la ville de Sens, se trouvent ainsi des pierres sculptées, dont la face non taillée forme le parement exté- rieur, et qui, primitivement, avaient une autre destination, et ont été arrachées à d'anciens monuments. Il est ensuite procédé aux élections. M. Victor Claude, vérificateur des poids et mesures à Auxerre, présenté par MM. Bert et Monceau, Et M. Jarry fils, présenté par MM. Bazot, Lorin et Petit- Sigault, sont nommés membres titulaires. M. le Président annonce la présentation de deux membres titulaires. La Société, sur la proposition de M. le Président, nomme SÉANCE DU A0 JANVIER. 3 la Commission chargée de recueillir les renseignements sur la géographie et la topographie de la Gaule jusqu’au ve siècle, qui doivent être transmis à M. le Ministre de l'Instruction publique. M. Déy, désigné pour faire partie de cette commission, déclare qu’étant auteur d'une géographie ancienne du dépar- tement, et d'une carte qui en fait connaître la division en civitales eten pagi, ilne peut considérer ce travail comme étant encore à faire, et qu'il ne saurait dès lors accepter la mission qui lui est confiée. Il ajoute qu'ayant l'intention de publier le plus promptement qu'il lui sera possible cette earte et le sommaire de l’ensemble de son œuvre, il ne veut pas prendre part aux travaux de la Commission, pour qu'il ne soit pas possible de supposer plus tard qu'il ait profité des lu- mières de ses collègues. M. le Président répond que puisque M. Déy a en porte- feuille un travail préparé sur le travail proposé, c'est une raison de plus pour qu'il accepte de faire partie de la Com- mission qui recevrait ce travail, l’apprécierait, et ne man- querait pas de le mentionner dans son rapport pour en laisser l'honneur à son auteur; que ce sujet a occupé d'autres membres de la Société, dont les uns ont publié déjà des mémoires, et les autres ont des travaux prêts à être publiés; que s'ils imitaient l'exemple de M. Déy, la Société donnerait ce spectacle, que les hommes spéciaux s’exelueraient volon- tairement de la Commission qui devrait alors être composée d'hommes incompétents. Malgré l'insistance de la Société, M. Déy persiste dans son refus. La Commission, qui sera présidée par le président de la Société, est composée de MM. Hernoux, Quantin, l'abbé Duru, Bretagne, Lemaistre let Lambert. k PROCÈS-VERBAUX. M. le Trésorier présente le projet de budget pour 1858, qui est adopté après discussion. Nature des Recettes : Reste disponible Sur ASTRA CRETE 1,000 fr. 145 cotisations de membres titulaires. ........ 1,450 Subvention du Conseil général .............. 500 Subvention de Etat. PIE MIE RME 300 Legs de M. Chaïllou des Barres. ...... ...... 200 Admissions nouvelles. 12 cotisations. ........ 120 Douzétdiplümesses tr en PE AMEN AE 72 Souscriptions à la bibliothèque historique . . .… 170 Souscriptions au Cartulaire................. 50 Produit delimédaille entente 12 Produiisdivers Mi al arm ls 15 Dessins à la charge des auteurs ............. 100 3,989 Dépenses : BOOT RTE eee aie 2 OR een ue nt 100 fr. Collections. (Achat et entretien)... ...:....... 650 Bibliothèque historique, 15 feuilles .......... 480 DARDUTAITE. Let rt ae ete Le be eee ce 600 En e S AIS TIQUE benne mt en 400 BAISE e DULEAU TN een eine decor 100 AICON He DUreAUE. Een MR Eee 100 Frais d l'OCCASION JU CODETES. 4... ce 300 ROUES nées eo ce ne ie lu den ER 100 Réédition des 4 premières feuilles de la Flore départementale Er. een RARE AU 50 Réserve pour les prix de statistique 4859. ..... 509 SÉANCE DU A0 JANVIER. 5 Nora. Dans le cas où les 400 fr. accordés au prix de sta- tistique ne recevraient pas d'emploi, 300 fr. seraient consa- crés à la gravure sur cuivre de quatre dessins de M. Amé, relatifs à l’église de Chablis et 100 fr. ajoutés à la réserve. Sur une proposition de M. le Président et après les obser- vations faites par plusieurs membres, la Société arrête la délibération suivante : En 1827 est décédé à Auxerre M. Louis Crochot, ancien conseiller de Préfecture. Il laissait un testament qui, après plusieurs legs de bienfaisance, contenait la disposition sui- vante : « Je charge mon légataire d'acheter une inscription de « rente sur l'Etat de 4,000 fr. produisant 200 fr. pour lac- « quisition d’une médaille d'or de 500 fr. qui sera délivrée, « tous les trois ans, par M. le Préfet, à l’auteur du mémoire « qui aura mérité le prix sur une des vertus morales. Les « intérêts des 4,000 fr. s'élèveront tous les trois ans à 600 fr. « Mais les 400 fr. en plus seront employés en frais de pro- « grammes et autres, et s’il y avait quelque reste, il sera dis- « tribué aux pauvres. M. le Préfet touchera la rente et les « intérêts. Le programme sera rédigé dans une assemblée « composée de M. le Préfet, le maire de la ville, le principal « du collége, le président du tribunal et le procureur du roi. « Il aura pour objet une des vertus morales, telles que la « bienfaisance, la sagesse, la probité, la pureté des mœurs, « la religion. Ces mémoires seront envoyés francs de port « avant le 4e août à la Préfecture. Les mêmes magistrats « décideront, dans une séance qui aura lieu huit jours après, « quel sera le mémoire qui aura remporté le prix, qui sera « délivré le jour de la célébration de la Saint-Louis, par M. le « Préfet ou par son délégué, qui mettra une couronne de 6 PROCÈS-VERBAUX. « chêne sur la tête de l’auteur, fera la lecture deson ouvrage et « fera mention de ceux qui ont mérité le prix et qui ont le plus « approché. Il voudra bien aussi faire lecture du programme « relatif au prix suivant, et faire un discours analogue à la « circonstance. J'ai l'espoir qu'on voudra bien donner à cette « cérémonie toute la publicité et l’éclat dont elle est sus- « ceptible. » Ce legs a été accepté par le Préfet de l'Yonne en vertu d’une ordonnance royale du 20 août 1828. La rente a été achetée au nom du département, et les arrérages en ont été depuis touchés chaque année par l'administration départe- mentale, mais jamais les conditions de solennité et de publi- cité, prescrites par le testateur, n'ont été remplies. On a parfois annoncé et décerné Le prix, mais à huis-clos ; et parfois il s'est écoulé des intervalles de einq à six ans, sans que l’on s’en oceupât, et les fonds ont alors reçu une autre destination que celle que le testateur avait prescrite. Il faut dire, pour expliquer cette inexécution, que lors du testament, il n'existait, à Auxerre, aucune institution littéraire ou scientifique, que le testateur pût associer à l'exécution de ses œuvres, et que dans les changements de Préfets, son legs a été souvent et pendant longtemps oublié. Puis la Commission qu’il avait instituée, quand elle avait fonctionné, s'était mal à propos crue enchaînée à mettre au concours ce texte ingrat, l’une des vertus morales. De là stérilité des concours, et sans doute aussi l'obstacle à la solennité que devait recevoir la céré- monie de la remise du prix, Dans cetétat lelégataire universel était peut-être fondé à demander la révocation du legs pour cause d'inexécution de ses conditions. Toutefois en 1853, il se borna à adresser une pétition à M. le Préfet pour demander que l’on se conformât à l'avenir à la pensée du testament de son auteur, et qu’à cet effet : 1 SÉANCE DU A0 JANVIER. 40 La Commission instituée par le testament appelât, tant pour la désignation des sujets à mettre au concours que pour la distribution des prix, la Société des Sciences historiques ei paturelles de l'Yonne qui est légalement établie à Auxerre; 2 Que le prix fût décerné tous les deux ans dans une séance publique de cette Société par M. le Préfet qui est son président d'honneur; 30 Que dans le choix des sujets à soumettre au concours, la Commission et la Société consultassent l'esprit plutôt que le texte littéral du testament, et admisseut tout sujet qui fut à la fois moral et littéraire. Cette pétition fut communiquée à la Société des Sciences historiques et naturelles de l'Yonne, qui arrêta, le 3 novembre 1853, une délibération pour y donner son adhésion pleine et entière, et prendre l'engagement de faire tous les frais d’an- nonce et de publicité dans le cas où l'administration admet- trait son concours dans le choix des sujets, la rédaction du programme, et la distribution du prix. Cette délibération fut immédiatement transmise à M. le Pré- fet en même temps que la pétition du légataire universel, mais elle est restée jusqu'à présent sans solution. Le Préfet qui administrait alors le département n'ayant pas jugé à propos de prendre une décision. Cependant le légataire universel est peut-être sur le point de donner suite à son projet, de faire révoquer le testament faute d'exécution des conditions imposées. Ce résultat serait déplorable. Le testateur a voulu, par sa disposition testamentaire, susciter et maintenir dans le pays une louable émulation d’études. Rien de plus facile à accom- plir que ses conditions, en empruntant, comme le demande le légataire universel, la coopération de la Société, qui tient une 8 PROCÈS-VERBAUX. séance publique tous les deux ans, où elle décerne déjà un prix de statistique, et qui serait heureuse dans cette solennité d'assister M. le Préfet pour remplir les conditions de publi- cité qui seules peuvent vivifier l'institution de M. Louis Crochot. En conséquence, la Société, en persévérant dans sa déli- bération du 3 novembre 1852, prie instamment M. le Préfet de vouloir accueillir la demande du légataire universel. M. Déy donne lecture d'une notice sur les armoiries consi- dérées comme matière imposable au xvure siècle. SÉANCE DU JEUDI 11 FÉVRIER. PRÉSIDENCE DE M. A. CHALLE. Il'est fait hommage à la Société des ouvrages suivants : 1° Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, t. 1 et IVe: 2° Documents inédits concernant la Picardie, t. HI : 3° Bulletin de la Société de Picardie, n° 4, 4857; 4° Lettre à M. Ernest Renan, de l'Institut, sur Alesia, par M. Desjardins ; 5° Bulletin de la Société centrale d'Agriculture de l'Yonne, no À, janvier 1858 : 6° Journal de l'Agriculture de la Côte-d'Or, n° 4, janvier 1858 ; 1° Les archers, les arbalétriers et les arquebusiers de Troyes, par M. Finot ; 8° Dissertation sur quelques : monnaies épiscopales de SÉANCE DU  FEVRIER. 9 Strasbourg et de Constance par M. A. de Longpérier, de lInstitut ; 9° Mémoires de la Société impériale des Antiquaires de France, t. IL, 2e série ; 10° Annuaire de l’Institut des Provinces et des Congrès scientifiques, 1850, t. X ; La Société d'Emulation de Montbéliard propose l'échange de ses publications avec celles de la Société. Cette proposition est acceptée. On procède ensuite aux élections. M. Benoît, juge au tribunal civil de la Seine, présenté par MM. A. Challe, Quantin et Chérest, et M. Dodun, maire de Chemilly, près Seignelay, présenté par MM. A. Challe, Quantin et Ricordeau, sont nommés membres titulaires. M. Challe lit une note sur les débris de constructions gallo-romaines trouvés près d'Auxerre sur les bords de la route départementale n° 9, à 300 mètres de la fontaine Sainte- Geneviève. M. Quantin lit un mémoire sur la géographie des cités d'Auxerre et de Sens, du n° au x1° siècle. Il dépose sur le bu- reau deux cartes dressées à l'appui de son mémoire. Ceile concernant le diocèse d'Auxerre présente plus de 150 lieux dont la situation est déterminée et celle du pagus de Sens en contient plus de 200. M. Quantin ajoute que le travail sur les voies romaines, dont il a entretenu la Société en 1853, se poursuit activement grâce aux soins de M. Boucheron, agent- voyer central du département ; il espère pouvoir mettre pro- chainement sous les yeux de la Société le réseau complet de ces voies. 40 PROCÈS-VERBAUX. SEANCE DU 1% MARS 1858. PRÉSIDENCE DE M. A. CHALLE. Il est fait hommage à la Société : Par la Société archéologique nivernaise et par la Société archéologique d'Orléans d’une livraison de leur bulletin. Par M. l'abbé Duru, de l’ingénieuse traduction qu'il vient de publier, avec le texte en regard, des Enigmes de Sym- posius. Par M. le comte Léon de Bastard : 4e D'une lettre autographe de Lacurne Sainte-Pallaye à Grosley ; 2° D'une petite nouvelle de Rétif de la Bretonne, intitulée le Père qui se dit philosophe. Elle paraît inédite ; 30 Et enfin d’un volume de poésies, intitulé les Odes péni- tentes de moins que rien, par Nicole Bargède, poète auxerrois du xvi* siècle, que l'abbé Lebeuf n’a pas connu et dont les œuvres sont fort rares. La Société remercie M. le comte de Bastard d’une généro- sité à laquelle il Pa depuis longtemps habituée. M. le Président donne lecture d'une lettre de M. le Préfet annonçant que sur la recommandation de la Société il a ac- cordéun secours de 500 fr. à la commune de Pontaubert pour la réparation de son église. La Société vote des remerciements à M. le Préfet pour cet acte de munificence éclairée. M. Olivier, numismate de Rigny-la-Nonneuse, est présenté comme membre titulaire par MM. Bretagne et Edmond thalle. Une lettre de M. de Caumont au sujet du Congrès scien- tifique, rappelle que chacune des questions du programme, SÉANCE DU Â4 Mars. 11 relative à l’histoire ou à l’industrie locale, doit avoir son rap- porteur parmi les membres des Sociétés du département, attendu qu'il ne faut pas, sur ces questions spéciales, compter sur les membres étrangers. La Société a déjà pris, en ce qui la concerne, des mesures pour répondre à cet avertissement, qui sera ensuite transmis aux autres Sociétés du département. Différentes communications sont faites à la Société. 4° M. Ribière lit pour M. Lorin, absent, un curieux travail sur les chansons populaires des vignerons Auxerrois. 20 M. Challe lit de piquantes réflexions sur onze lettres adressées par Fourier à M. Bonard, son maître et son ami, et qui viennent d’être données à la bibliothèque de la ville par M. Alph. Bonard, fils de ce dernier. M. Challe fait ressortir tout l'intérêt que présente cette correspondance ét la lumière qu'elle jette sur la vie, sur les sentiments de notre savant compatriote. À ce propos, M. de Bastard signale une brochure peu connue, intitulée Napoléon et Fourier, et publiée par M. Champollion-Figeac, Paris, 1831. 3e La Société entend lecture d’un travail de M. Roussel, de la Lozère, sur le pape Urbain V, qui fut abbé de Saint-Germain sous le nom de Guillaume de Grimoard, et qui rendit de si importants services à la ville d'Auxerre au xiv° siècle. —“ûû) QT Gr RECHERCHES STATISTIQUES SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 185%, DANS SES RAPPORTS AVEC LA NATURE GÉOLOGIQUE DU SOL. Il y à bientôt six ans, M. le docteur Moret, au nom d'une commission instituée par la Société pour rechercher quelle avait pu être l'influence des couches géologiques du sol sur le développement et l'intensité du choléra en 1832 et 1849, lisait dans cette enceinte un remarquable travail dont nous avons tous gardé le souvenir. On a justement admiré l’ordre, le plan, la sagacité, la réserve philosophique qui avaient présidé à la rédaction de ce rapport. Depuis cette époque, une troisième épidémie, venant confirmer les craintes exprimées par notre collègue, vous a mis en demeure de vous livrer à de nouvelles études. Par malheur, cette fois votre savant rapporteur manquait à votre appel: la mort, empruntant son glaive à la terrible maladie qui avait éveillé en lui tant de sollicitude, n’a pas voulu qu'il poursuivit sa noble tâche; un grand vide s'était fait dans vos rangs. En acceptant la place qu'il laissait vacante au sein de votre Commission, nous ne nous sommes pas fait illusion sur l'état de nos forces; mais en considérant que le travail de Moret est un guide lumineux et sûr; que sa méthode est la plus rationnelle, et que nous n'avions que des cadres à Âk RECHERCHES STATISTIQUES remplir, nous nous sommes mis à l'œuvre avec confiance, et nous vous apportons le résultat de nos investigations. Pour établir la statistique des décès par le choléra en 1854, nous avons suivi le relevé qui a été fait à la préfecture. Son exactitude laisse certainement beaucoup à désirer: nous y avons suppléé quelquefois par des renseignements particuliers, et nous espérons encore de nouvelles rectificatians avant la publication de ce travail. La belle carte géologique de MM. Leymerie et Raulin nous a permis d'apporter quelques modifications dans le classement primitif des communes par terrains. Enfin, nous avons consulté les dernières révélations de la science au sujet de l'épidémie qui a décimé la France pour la troisième fois depuis vingt-cinq ans, et nous les avons mises à profit pour la solution du problème qui nous occupe. Si nous hasardons, en finissant, quelques théories pour expliquer des faits dont le retour constant, dans des conditions iden- tiques, semble faire un appel aux hypothèses, nous ne les offrirons que sous notre responsabilité personnelle, tout prêt à les retirer devant une doctrine qui semblera plus conforme à la vérité. Avant d'entrer au cœur de notre enquête, nous devons nous arrêter un instant pour vous faire part de quelques protestations qui se sont élevées contre le travail du docteur Moret et contre les conclusions qui en découlaient natu- rellement. Mentionnons en premier lieu un rapport émané du Conseil d'hygiène publique de la Gironde, et signé par M. le docteur Charles Levieux. Cet honorable confrère s'exprime ainsi, à la date du 29 octobre 1852 : «Je ne vous aurais certaine ment pas entretenus, Messieurs, SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 15 des influences techniques et géologiques qu'on n’explique, ne définit, ni ne comprend, et qui ne consistent guère qu'en des hypothèses mystérieuses, s’il ne m'était tombé sous la main un long travail de l'académie des sciences de l'Yonne, dans lequel on s'applique, par des recherches statistiques minutieuses, à démontrer l'influence du sol, considéré principalement dans sa composition géologique, sur les deux épidémies de 1832 et 1849. « Ces observations tendraient à prouver que c'est sur les terrains calcaires et plus spécialement sur la zône oolitique moyenne, sol d’une sécheresse et d’une aridité constante, que le choléra aurait établi son siége de prédilection, tandis qu'il aurait épargné par deux fois, et d’une manière absolue, les terrains alumino-siliceux de la Puysaie, ainsi que la zône granitique, qui, par suite de son imperméabilité, est constamment pénétrée à sa surface d’une humidité telle, qu'elle se trouve complètement réduite à un élat presque marécageux. « En outre, que ces remarques sont opposées avec ce que nous avons observé dans le département de la Gironde, et qu'elles me paraissent avoir été faites sur une trop petite échelle pour pouvoir en tirer des conclusions sérieuses, je ne crois pas qu'elles soient de nature à mériter une frès-grande importance, par suite de ce fait reconnu, que les contrées du département de l'Yonne que l'épidémie a épargnées sont très-remarquables par l'isolement des habitations, tandis que, dans celles au contraire où elle à sévi, les maisons sont groupées en forme de bourgs ou de villages très-rapprochés les uns des autres. Cette explication du phénomène est bien plus satisfaisante pour notre raison que ces influences telluriques qui nous échappent, et me paraît surtout beaucoup 16 RECHERCHES STATISTIQUES plus en rapport avec les données que nous possédons déjà sur le mode de propagation du choléra. » Nous répondrons d'abord à notre savant confrère de la Gironde, que dans le domaine des faits, la raison peut être séduite par telle ou telle interprétation qui nous satisfait parce que nous la comprenons, mais qu'il serait peu scien- tifique de rejeter l'existence des influences telluriques parce qu’elles se refusent à notre grossière analyse. Or, combien de bourgs agglomérés pourrions-nous citerici qui ont échappé aux atteintes du choléra, probablement en vertu de leur situation sur des terrains imperméables; et combien de hameaux isolés ont été décimés sur les couches arides du calcaire oolitique? Nous faisons certainement la part des grandes agglomérations qui favorisent l'infection miasmatique d'une manière si puissante dans les villes populeuses, mais cette cause n’a plus de raison d’être dans nos villages où l'encombrement des habitants n’existe jamais à un degré bien fâcheux. Voyons maintenant quel a été le choiéra de la Gironde en 1832et49, comparé à celui de l'Yonne dans les mêmes années. Le chiffre total des deux épidémies s'élève, pour la Gironde, à 1,255 décès sur une population de 568,000 habitants, tandis qu'il atteint dans l'Yonne le chiffre énorme de 6,737 décès sur une population qui ne dépassait pas alors 370,000 habitants. C'est-à-dire que la Gironde a perdu dans ses deux premières épidémies 4 habitant sur 452, tandis que l'Yonne en perdait un sur 54; en d'autres termes l'Yonne perdait proportionnellement 8 fois plus d'habitants que la Gironde (1). (4) En 1854, la Gironde, sur une population de 614,307 habitants, a enregistré 12,963 décès, tandis que l’Yonne, qui comptait alors 381,133 habitants; accuse 11,764 décès. SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 17 Or, la plus grande partie de l'Yonne est constituée par le calcaire perméable, tandis que le sol de la Gironde est essentiellement imperméable et marécageux. C’est la seule réponse que nous ayions présentement à faire aux critiques de nos confrères de Bordeaux (1). Au mois de janvier dernier, une autre polémique s'élevait entre M. le docteur Caffe, rédacteur en chef du Journal des (4) 11 était important de savoir si les résultats que nous consta- tons dans l'Yonne étaient isolés, ou s’ils étaient confirmés dans les autres parties de la France. Prenons l'annuaire du bureau des longi- tudes pour 1848, et cherchons : Voici les 12 départements où l’excé- dant des décès sur les naissances, en 1854, a été porté au chiffre le plus élevé, ce sont : 4. L'Ariège où les décès ont excédé les naissances de. . 49,794. DA SHAUE-SAUDE RAR CN TRE ES ES" 2406207 PAPA HAULE-MATe ET ee NE ER MO ITS HRATRIMEUSC RU MPa TRE MANIERE. MS CAE NPA ee RES 2182028: Eee Van OU IE OUTRE NS DALNINE SIERX NS 860: GTA Lt EE Emme ttes 9 OMIDAHPIONENI. AÉTINL 206 EU EMON: PE TO RE OS naine de chiant te 404 786: 8. La Marne SD LES SE MENT PSS ET SU ART er CE 9. La Meurthe . ENS TER ES 20) 40. La Côte-d'Or . 9,988. > — . L'Yonne . ! : CRAN MAN RON 0070 12. La Haute-Garonne . . . 2,883. La majorité de ces cn ee un ## loire très-per- méable; c'est un fait incontestable. Ils ont été décimés par le fléau. Maintenant, parmi les départements où le choléra s'est fait le moins sentir nous trouvons : L’Allier, le Cher, les Côtes-du-Nord, le Finistère, la Gironde, l'Indre, les Landes, la Loire, le Maine-et-Loire la Vendée, la Vienne, tous situés sur un sol humide, marécageux imperméable, où prédominent les couches tertiaires, la craie infé- rieure et le granite. La conclusion est facile. 9 4 18 RECHERCHES STATISTIQUES Connaissances médicales, et moi, qui l'avais prié d'insérer le résumé de nos recherches sur les tendances, du choléra. « Toutes les cartes géographiques, objectait-il, qui ont été dressées pour dessiner la marche du choléra dans différents pays, indiquent que les habitants des fleuves et des rivières ont été les plus maltraités par le choléra. » Je répondis : « Ce fait qui s’est également reproduit dans le département de l'Yonne n'infirme en rien la doctrine que Jj'émets au sujet des terres marécageuses. Il n’y a aucune analogie, ainsi que l’a fait observer le docteur Moret, entre les contrées parcourues par des courants d’eau vive et celles qui sont occupées par des eaux dormantes tenant en disso- lution des matières végétales ou anintales décomposées. «Nous en trouvons la preuve dans l'absence des fièvres périodiques comme maladies endémiques chez Îles riverains des rivières, tandis que le contraire à lieu dans les pays paludéens. L'air humide stagne, séjourne, pénètre tout ce qui vit dans les terres imperméables et qui retiennent l’eau à leur surface; il court, au contraire, il passe avec la vitesse des eaux de nos valléees à la périphérie des courants... Si donc le choléra remonte les larges vallées arrosées par des rivières, cela s'explique naturellement par les vastes courants d'air atmosphérique qui demeurent continuellement à leur surface, et le miasme épidémique y trouve des constitutions aussi prédisposées que dans les terrains les plus secs. Obser- vez les hommes qui, des sources de l'Yonne, conduisent journellement les bois de flottage, vous les trouverez grands, forts, à fibre sèche et sanguine, et cependant ils passent toute leur existence à la surface des courants d’eau vive. Voyez, au contraire, les naturels de la Sologne et de la Puisaye, et vous comparerez les résultats opérés par ces divers milieux sur l'organisme tout entier. » SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 19 Je dois enfin faire mention ici de quelques lettres sur le choléra de la Meurthe, que M. le docteur Ancelon m'a fait l’honneur de m'adresser dans la Gazette des Hôpitaux. Ce savant confrère, pénétré de l'idée, aussi neuve que hardie, que le déplacement de la petite vérole par la vaccine a seul été la cause du mode d'action du choléra, n’attache pas une grande importance aux influences géologiques. Cependant il ne peut s'empêcher d’avouer que la marche du choléra dans les communes rurales s'est montrée d'autant plus rapide que la constitution médicale de ces communes était moins influencée par l’action des eflluves paludéens ; que le canton de Dieuze, en particulier, préservé en 1832, avait eu dans les deux dernières épidémies une invasion très-modifiée par la présence des marais de l'Indre basse. M. Ancelon termine ses observations en proclamant que les paysans les plus entêtés à boire de l’eau froide à haute dose ont seuls guéri du choléra, et il les propose plaisamment au concours où l’Académie des sciences doit décerner un prix de cent mille francs à celui qui aura trouvé le spécifique du choléra. Je prends note de cette eau froide à haute dose, me promettant d’y revenir bientôt. On me pardonnera cette digression, peut-être un peu longue, sur les bruits éveillés au dehors par les travaux de votre Commission; j'ai pensé qu'ils ne seraient pas sans intérêt pour vous; ils prouvent combien la question que nous agitons est encore peu connue, et combien il est urgent de provoquer dans tous les départements de la France et chez les nations étrangères une enquête semblable à la nôtre. Nos résultats sont dignes de frapper l'attention des hommes sérieux ; mais un seul département ne peut sufire pour autoriser des conclusions définitives; il faut donc, par tous les 20 RECHERCHES STATISTIQUES moyens possibles, provoquer chez les autres la curiosité qui fut notre mobile. On nous objecte qu'il est peu philosophique de considérer la choléra sous le seul point de vue de la question géologique. Nous savons très-bien que le problème est plus complexe. Aussi la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne n’a pas prétendu faire un traité ex professo surla terri- ble maladie qui depuis 25 ans a fait invasion en Europe ; elle n’a voulu mettre à l'étude qu’un élément isolé du problème, et n’a pas d'autre prétention que de laisser une simple note historique qui trouve sa place dans l'exposition générale des faits qui se rattachent à ces vastes épidémies. Nous n'avons nulle part eu la pensée de donner la sécheresse ou l'humidité des terrains comme causes déterminantes du choléra, mais seulement comme agents modificateurs des miasmes infectieux, et même aussi comme agents modificateurs des hommes qui vivent dans ces différents milieux. Cette explication donnée, poursuivons l’exposé de notre tâche : On comprendra que nous n'avons pas dù retracer ici les conditions générales qui servent d'introduction au rapport de M. Moret; nous n'avons rien à ajouter à ses remarques judi- cieuses et nous y renvoyons le lecteur qui ne les aurait pas présentes à la mémoire. De même, pour la description topographique des différentes couches géologiques qui apparaissent à la surface de notre département, nous renvoyons au mémoire précité; On y retrouvera, tracé de main de maître, le tableau fidèle des éléments constitutifs du sol, des diverses conformations des terrains, de leur humidité ou de leur sécheresse, des variétés de cultures et de productions, et des dispositions particulières SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 21 des habitations, suivant leur hauteur, leur groupement et leur dissémination. Qu'il nous suflise de rappeler que les 482 communes du département ont été partagées en 12 groupes géologiques, qui sont: 4° Le granite. 20 Le granite et le lias. 3° Le terrain liasique. 4o L'oolithe inférieure. 5° L'oolithe moyenne. Go L'oolithe supérieure. Te La craie inférieure et les sables ferrugineux. 8o La craie inférieure et supérieure. 9° La craie supérieure. 100 Les terrains crétacés supérieurs et tertiaires inférieurs. Alo Les terrains tertiaires inférieurs et moyens. 12° L’alluvion. Pour éviter la nomenclature fastidieuse des communes dont les groupes divers constituent les terrains que nous venons d'énumérer, nous renvoyons au tableau des décès par le choléra en 1854, qui est déposé aux archives de l'Yonne, et que tout le monde peut consulter par l'intermédiaire de notre savant et très-obligeant collègue, M. Quantin. Nous nous bornerons à donner le total pour chaque terrain, et la propor- tion des décès au nombre des habitans. I. Le Granite, dont la population est de 7,590 habitants, a joui, comme dans les deux épidémies précédentes, d’une parfaite immunité. C’est le seul terrain de notre département qui soit resté totalement à l'abri de l'infection cholérique. IT. Le granite et le lias, sur 41,122 habitants, compte 19 décès, et ils se rapportent à la seule ville d’Avallon. Il 22 RECHERCHES STATISTIQUES faut ici faire la part d’une population agglomérée, et de la situation sur une vallée à courant d'eau vive, et qui, d'après les observations antérieures, paraît une cause prédisposante. III. Terrains liasiques. 5,590 habitants. 8 décès. Il y en avait 30 en 1849, et 3 seulement en 4832. On voit que le choléra n'a pas une grande aflinité pour eux. IV. Oolithe inférieure. 22,642 habitants. 330 décès. Ici * la perméabilité de la couche oolithique se fait vivement sentir. 18 communes sur 44 ont subi l'invasion. Dans ce nombre, Ravières a perdu 4/18 de ses habitants ; Lichères et Chamoux 4/15; Blacy 4/7. C’est la proportion la plus forte qui soit accusée dans l'Yonne. V. Oolithe moyenne. 61,257 habitants. 1,038 décès. Le tribut payé par cette formation a été celte fois moins consi- dérable que dans les épidémies précédentes où 1/36 de la population avait succombé. En 1854, le fléau n'a frappé que sur 4/59. Néanmoins le nombre des communes atteintes a été à peu près le même, c’est-à-dire environ la moitié. Parmi les communes les plus maltraitées, nous citerons : Mailly-la-Ville, qui à perdu de sa population A/24 Gigny — id — id. 1/24 Escolives 0 7e Aid: 1/22 Accolay — id — id. 1/22 Vincellottes — id — id. 41/21 Précy-le-Sec — id — id. 1/19 Bessy — id — id. 1/18 Lucy-sur-Cure — id — id. 1/47 Arthonnay CE CE 4/47 Villiers-les-Hauts — id — id. 15 Essert =") jdi — id. A4 Fouronnes — id — id. 1/8 Sambourg — id — id. 1/7 SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 23 Le docteur Moret, dans son travail, signalait 14 communes tout-à-fait épargnées dans les deux premières épidémies : quatre d’entr’elles ont été frappées par la dernière invasion ; il n’en reste plus que dix qui soient encore intactes dans la couche oolitique moyenne, ce sont: Etais, Fontenay-sous- Fouronnes, Lichères, Aigremont, Fyé, Jouancey, Etivey, Frêne, Stigny et Pimelles. Cette immunité persistera-t-elle dans l'avenir ? VI. Oolithe supérieure. (Terrain kimméridien et portlan- dien.) 40,860 habitants, 421 décès. La population des décès, dans la zône oolitique supérieure, ne dépasse pas la moyenne des deux épidémies précédentes. La ville d'Auxerre, à elle seule, donne 152 décès; elle en avait eu 218 en 1832, et 420 seulement en 4849. Parmi les communes qui ont payé un tribut aux trois épi- démies, nous citerons : Gy-l'Evêque, Vallan, Auxerre, Saint- Cyr-les-Colons et Dannemoine. Au nombre de celles qui avaient été signalées comme n'ayant pas été atteintes dans les deux premières épidémies et pour lesquelles le docteur Moret semblait craindre que cet heureux hasard ne füt pas continué, nous citerons comme ayant été frappées en 1854: Escamps, Leugny, Ouanne, Fontenailles et Mélisey. Il existe encore quatorze communes environ qui ont échappé au terrible fléau. VII. Craie inférieure et sables ferrugineux. — 1"° section de l’ouest. — Etage néocomien : 22,269 habitants, 75 décès. Les faits sembleraient ici contradictoires avec les anté- cédents de ce terrain. 75 décès ont été constatés, mais il n°y a eu à proprement parler que deux communes véritablement frappées par le choléra. Merry-la-Vallée en compte 36 à elle seule; or, une étude plus attentive sur le classement géolo- 24 RECHERCHES STATISTIQUES gique nous démontre qu'elle n'appartient pas à l'étage néocomien dans sa totalité. La craie moyenne et les sables du grès vert en constituent une bonne partie. Quant à la commune de Chevannes qui donne 21 décès, son territoire est en partie situé sur le calcaire portlandien et sur les sables verts. Etage albien. 18,642 habitants. 50 décès. L'épuration subie par ce terrain en 4832 et 4849, qui perdait 455 habitants, peut seul nous expliquer le chiffre proportionnellement minime deses décès en 1854. VIT. Terrain cretacé inférieur et superieur. 9,213 habi- tants. 44 décès. Cette zône, très-peu considérable, n'offre pas de résultats assez décisifs pour mériter un commentaire. Elle appartient aux deux terrains crétacés et participe de leur double influence. IX. Terrain cretacé supérieur. 98,228 habitants, 1,319 décès. Il a souffert en 1854 plus que dans les deux autres épidémies ensemble. Il a perdu 4/74 de sa population. Parmi les communes les plus maltraitées se trouvent Courlon qui en a vu périr 4/12, Chanvres 1/43, Villecien 4/14, Paroy-sur Tholon 1/15, La Celle-Saint-Cyr 4/16, Joigny 4/24, Sens 4/76. &1 communes sur 407 ont été frappées. X. Terrain mixte crétacé supérieur et tertiaire inférieur. 43,050 habitants. 497 décès. La proportion des morts est ici beaucoup plus forte que dans les deux épidémies précédentes. 4/87 de la population a succombé tandis que les deux autres n'en avaient frappé qu'un 4/260. Parmi les communes les plus maltraitées, on peut citer Villemanoche, Champigny, Rogny et Saint- Fargeau. SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 25 XI. Terrains tertiaires supérieurs. 19,688 habitants. 29 décès. Dans les deux épidémies précédentes, les terrains tertiaires inférieurs avaient joui d'une immunité à peu près complète. Le chiffre de 29 décès est trop minime pour mériter d'être pris en considération. Il ne change rien aux conclusions du docteur Moret au sujet du climat de la Puisaye, dont l'atmosphère sans cesse modifiée par les émanations palu- déennes semblent opposer un antagonisme puissant aux miasmes du choléra-morbus. XII. Alluvion. 12,444 habitants, 236 décès. Les faits qui concernent le terrain d’alluvion dans l'Yonne ne sont pas d'une importance considérable, par cela même que ce terrain n'offre chez nous qu'un très-faible dévelop- pement. Nous avons conservé ce groupe par respect pour l’œuvre de notre confrère. Il nous semble préférable d’assi- gner à l'influence des vallées la part que ces communes ont eue dans les désastres épidémiques, et de reporter chaque commune à la zône géologique qui constitue la plus grande portion de son territoire. Ainsi, Appoigny, qui a perdu 4/17 de ses habitants devra être reporté aux sables verts et à la craie inférieure. Gurgy n'a souffert que dans son hameau de Sougères qui est en dehors de l’alluvion. M. Boubée, dans un travail présenté à l'Académie des sciences, a démontré l'influence des vallées alluviales sur le développement du choléra. « La vallée de l’Ariége, écrit-il, est remplie par un terrain diluvien très-puissant qui, sur divers points, acquiert un très-large développement et une grande profondeur. Elle se trouve ainsi, plus que beaucoup d'autres vallées pyrénéennes, dansles conditions qui favorisent le plus le développement de l'épidémie, et, en effet, le 26 RECHERCHES STATISTIQUES choléra s’est appesanti sur l'Ariége et y exerce de cruels ravages...» À une époque où il n’était pas encore question du choléra, j'avais indiqué les villes de Foix et d’Ax comme devant, à raison de la constitution géologique du sol sur lequel elles reposent, échapper à ce fléau. J'avais aussi indiqué Bagnères de Luchon et Saint-Bertrand de Comminges, dans le centre des Pyrénées, ainsi que Barèges et Cauterets, comme ne pouvant pas être atteints ; or, bien que l'épidémie paraisse se répandre sur beaucoup de points tout à l’entour des Pyrénées, et jusqu’au sein de ces montagnes, je ne crains pas de répéter avec assurance que ces villes, et toutes celles qui reposent sur des rochers compactes, et surtout sur des rochers appartenant aux terrains de granite et de micaschiste, seront complétement préservées, quelque faible que soit leur altitude au-dessus de la mer. (Séance de l’Aca- démie des sciences, du 2 octobre 1854.) Voici l'ordre dans lequel les terrrains ont été proportion- nellement affectés dans les trois épidémies : Le granite a perdu 0 deses hab. Le terrain tertiaire inférieur — 41/5955 — Le terrain crétacé inférieur et supérieur — 41/290 — La craie inférieure. Etage néocomien — 1/190 — Le granite et le lias (ville d’Avallon — 41/176 — Le terrain liasique — 1/138 — Le terrain mixte crétacé supé- rieur et tertiaire inférieur — 1/65 —— La craie inférieure (étage albien) — 1/40 — 19 —? SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 4854. L'oolithe inférieure — 1/40 — Le terrain crétacé supérieur — 1/39 — L'alluvion — 1/34 — L'oolithe supérieure — 1/31 — L'oolithe moyenne — A4 _ Nous arrivons à la partie la plus périlleuse de notre tâche, à la conclusion théorique où ces recherches devaient néces- sairement nous conduire. La statistique pure n'aurait pour résultat que de satisfaire une vaine curiosité, si la science ne venait pas y chercher quelque nouvelle idée, profitable en même temps à la philosophie et à la pratique de l’art de guérir. Or, après trois épidémies séparées par un certain nombre d'années et se reproduisant toujours chaque fois dans des conditions identiques, frappant les mêmes contrées à terrains perméables, épargnant au contraire les sols grani- tiques ou argileux qui retiennent l'humidité à leur surface, il est permis de hasarder une interprétation. L'histoire de la médecine semble n’avoir jusqu'ici rien enregistré de semblable quant aux causes prédisposantes des maladies; et certai- nement la docte Faculté, consultée à priori sur les lieux les plus exposés à l’invasion du choléra-morbus, aurait désigné sans hésiter les localités humides et marécageuses comme les foyers le plus probables de Ja future infection. C’est précisément le contraire qui est observé. Comment expliquer cet étrange phénomène ? Voici notre réponse: nous la livrons seulement à titre provisoire, heureux de la retirer, nous le répétons, si les faits venaient plus tard la démentir, ou s’il en surgissait une autre qui nous semblât plus satisfaisante et plus rapprochée de la vérité. On admet généralement que la propagation du choléra + (o) RECHERCHES STATISTIQUES s'accomplit par l'intermédiaire d’un effluve ou d’un miasme dont l'origine est encore inconnue. Qu'il nous arrive de l'Inde, ou qu'il prenne naissance au milieu de nous, telle n’est pas la question que nous devons nous poser ici. La nature de ce miasme reste également pour nous un mystère; atôme, gaz ou animalcule, il échappe aux subtibilités de l'analyse. Ce que l'on sait, c'est qu'il a la propriété de s'unir à l’eau, que l'atmosphère tient constamment en dissolution, et cette eau va- porisée lui sert de véhicule dans ses migrations insaisissables. Eu un mot, c’est un poison dont l'air et l’eau sont les inter- médiaires, et qui pénètre chez l'homme par les organes de la respiration, du moins nous croyons, comme la majorité des physiologistes, que c’est le mode le plus ordinaire de l'infec- tion cholérique. Pense-t-on maintenant qu'il soit indifférent, pour l’activité du poison, que ce miasme vienne à être absorbé à son plus grand état de concentration, c’est-à-dire, dissous dans une faible quantité de vapeur d'eau, ou à son état le plus extrême de dilution, c'est-à-dire, emprisonné dans une couche très-dense de vapeur aqueuse? Les lois de l'analogie autorisent à dire que plus le miasme sera divisé par une dissolution considérable, plus il aura perdu de ses propriétés délétères. C'est ainsi que pénétrant dans les organes de l'homme par le moyen d’une atmosphère très-chargée d'humidité, il semble entouré d’une enveloppe protectrice qui ne permet pas à son contact et à son séjour au sein de notre économie, d'avoir des conséquences aussi désastreuses que dans des conditions opposées. L'eau étant le fluide pour lequel le miasme cholérique a le plus d’aflinité, on comprend qu'introduit dans le corps de l'homme il s’unira de préférence à la partie séreuse du sang, et que ce liquide modifié par un poison spécifique devient SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 29 incompatible avec la santé ou avec la vie, selon l'intensité de l'infection. Il y a donc un travail d'élimination fatalement nécessaire, et ce travail s’opère par la voie gastro-intestinale, et d'autres fois par la voie cutanée, car il existe entre ces deux organes de sécrétion une solidarité qu'il est impossible de ne pas reconnaitre. Aussi, regardons-nous le choléra et la suette comme deux maladies provoquées par la même cause. Tous les observateurs ont constaté la coïncidence épidé- mique de ces deux modes d'élimination : le choléra commence le plus souvent par les évacuations intestinales, et si par le bénéfice de la nature ou de l’art, cette déperdition est suspendue, on voit le plus souvent les sueurs terminer la crise éliminatoire et le danger est désormais conjuré. El est rare que les sueurs soient assez abondantes pour enlever au sang toute la sérosité nécessaire à la circulation capillaire, et pour amener ces défaillances organiques qui sont si rapi- dement provoquées par la crise abdominale. La suette simple n'est done pour nous qu'un empoisonnement léger qui précède ou qui suit les graves épidémies de choléra, et par cela même que les déperditions séreuses n’atteignent presque jamais une importance majeure, les décès par la suette sont des excep- tions, tandis qu'ils sont presque la règle par le choléra confirmé. Après avoir pressenti l’action d’une atmosphère constam- ment humide sur le miasme cholérique, cherchons dans quelles conditions se trouve l’homme vivant dans ce milieu, et comment il réagit contre l'infection épidémique, quand cette infection est un fait accompli. Tout le monde sait quels caractères présente le tempérament des personnes habituel- lement exposées aux émanalions marécageuses : leur fibre est molle, leur système lymphatique exagéré, leur facies est 30 RECHERCHES STATISTIQUES pâle et bouffi; elles sont prédisposées aux maladies séreuses, aux fièvres périodiques, aux hydropisies ; chezelles le système sanguin est pauvre en fibrine et riche en sérum. Le contraire a lieu chez les habitants des lieux secs et arides ; leur consti- tution est généralement forte, leur fibre sèche ; les maladies franchement inflammatoires les atteignent de préférence, parce que le sang chez eux est pauvre de sérum et riche de fibrine. Quelle est maintenant la cause finale de la mort chez l'immense majorité des cholériques ? Personne ne le nie, c'est l’asphyxie lente, c’est l’engorgement des vaisseaux capillaires des principaux organes qui ne peuvent plus donner passage au sang épuisé de sérum par les déjections effrayantes qui ont été le prélude de la maladie ; le sang n’est plus qu’une gelée incapable de progresser dans les canaux cireulatoires, et le maläde s'éteint parce que l’action du cœur est désormais impuissante à porter la vie dans les divers systèmes de notre organisation. Telle est, ce nous semble, l'explication la plus plausible de la mort chez les individus qui ne peuvent pas impunément perdre une certaine quantité de sérum ; telle est la condition essentielle des habitants de nos contrées à terrains perméables et constamment privés d'une humidité durable. Pour ceux au contraire qui ont leur demeure dans un milieu constamment baigné de vapeurs aqueuses, le sang, contenant des proportions exagérées de sérum, peut se dessaisir sans inconvénients {rès-graves d'une bonne partie de ce liquide ; il en reste toujours assez pour tenir la fibrine en dissolution, et pour permettre aux vaisseaux capillaires de laisser passer le fluide indispensable à l'existence. La circulation n’est done que peu modifiée chez les individus à système séreux très- développé ; ils peuvent être pris de la cholérine grave, SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 1854. 31 avoir à subir de copieuses déjections, sans que pour cela les conditions essentielles de la vie soient compromises. C'est ce que l’on a journellement observé pendant le cours des épidémies de choléra ; l'influence générale se fait sentir sur les terrains imperméables, mais elle est atténuée par les causes que nous venons d'exposer; on y voit régner la cholérine, et rarement le choléra confirmé. N'oublions pas en outrela modification que le miasme a dû éprouver par son contact avec une atmosphère très-chargée d'humidité, et nous aurons la double interprétation de l'heureuse immunité dont jouissent les habitants des terres marécageuses. Voyons maintenant à quel traitement nous amènent les données précédentes. Dans l'épidémie de 1849, un médecin du département de l'Oise, M. le docteur Tourette de Chambly, avait été frappé du rapport qui existe entre la soif des cholériques et cette grande déperdition de liquide par les selles, les vomissements et les sueurs : il en vint à se demander si la nature n’indiquait pas elle-même le traitement rationnel de cette affreuse maladie. Il dirigea donc tous ses eflorts contre cette soif intarissable, et reconnut qu'il triomphait presque toujours du danger dont ses clients étaient menacés en leur accordant d’abondantes boissons aqueuses et froides, et par cela même en substituant dans le système circulatoire une nouvelle quantité de sérum à celui que l’action toxique du miasme en avait expulsé. En 1853, M. le docteur Tourette publiait le résultat de ses observations, et il retrouvait, en 1854, l’occasion, malheu- reusement trop favorable, de poursuivre ses expérimentations qui furent couronnées du plus heureux succès. Le besoin de combattre ces évacuations qui épuisent les 32 RECHERCHES STATISTIQUES malades et tarissent les sources de la vie, avait été généra- lement compris par le corps médical. En Angleterre, puis en France, tous les efforts des médecins, dans la dernière épi- démie, tendaient à supprimer cette diarrhée prémonitoire, qui est le début de l'empoisonnement, et l’on avait conçu l'espoir d'arrêter les progrès de l'épidémie en ayant recours à certains moyens qu'indiquaient l'hygiène et la théra- peutique. Il est donc évident que l'indication la plus pressante dans le choléra est de maintenir le sang dans les conditions les plus favorables à la circulation capillaire, c’est-à-dire, de lui conserver où de lui restituer Île fluide séreux nécessaire à tenir constamment la fibrine en dissolution. Pour obtenir ce résultat, M. le docteur Baudrimont avait préconisé une méthode qui consiste à administrer le bi-carbonate de soude à dose assez élevée pour diminuer la fibrine et augmenter le sérum du système circulatoire. Comme moyen préventif employé longtemps à l'avance, nous croyons que cette idée serait féconde, mais quand les malades sont en proie aux étreintes du choléra, que doit-on attendre du bi-carbonate de soude? La saignée faite en temps opportun nous paraît agir dans ce sens d'une manière bien plus prompte et bien plus radi- cale. Aussi, quand parut la théorie de M. Baudrimont qui proposait de dissoudre le sang par le sel alcalin, nous écrivions dans la Gazette des hôpitaux, du 24 octobre 4854 : « Croyez-vous, Monsieur le Rédacteur, qu'un coup de « lancette n’opère pas plus promptement et plus radica- « lement ce miracle ? Et le choléra, tel que nous le eonnais- « sons, est-il assez patient pour attendre que ce sel alcalin « ait terminé son opération chimique à travers un système SUR LE CHOLÉRA DE L'YONNE, EN 4854. 33 « intestinal qui n’en absorbe souvent que des portions « infinitésimales ? Je vous avoue que nos paysans préféreront &« toujours une saignée à l'ingurgitation d’un médicament « nauséabond qu'il faut prendre à très-forte dose pour en « espérer un résultat. Et s'il est prouvé qu'une saignée « produise instantanément l'effet que 150 grammes de « bi-carbonate de soude ne produiraicnt peut-être pas en € quarante-huit heures, qui voudrait hésiter? » Ces observations ont provoqué l'adhésion de quelques médecins qui avaient reconnu eux-mêmes l’eflicacité de la saignée au début du choléra, et même de la saignée dite de précaution, moyen qui fut préconisé en 1832 par le docteur Héreau, qui exerçait alors la médecine à Auxerre. M. le docteur Tourette, dont nous avons déjà parlé, a publié des observations analogues, et démontre d’une manière victo- rieuse l'immunité dont jouirent toutes les personnes qui, par l'effet du hasard ou de leur volonté avaient été saignées quelque temps avant l'invasion du choléra. La saignée pré- ventive nous à paru à nous-même avoir une action réellement préservatrice, ainsi que nous l’annoncions dans la même lettre insérée dans la Gazette des Hôpitaux. I] n’en devait pas être autrement. Qu'est-ce, en effet, que la saignée préventive, sinon une prévoyante dissolution de la fibrine du sang au profit de la sérosité? Les individus récemmient saignés rentraient donc dans les conditions de ceux qui vivent au sein des terres humides et marécageuses. Enfin la diplétion sanguine facilite merveilleusement l'absorption des boissons ingérées dans un but médicamenteux. D'après tout ce qui précède, quelles sont les substances qui doivent obtenir la préférence dans le traitement du choléra? Pour nous il n'en est pas de plus eflicace que l’eau 3 34 RECHERCHES STATISTIQUES froide. Tous les malades la réclament à grands cris; c’est un besoin irrésistible qu'il faut se hâter de satisfaire. Sous l'influence de l’eau fraiche, donnée à doses réfractées, mais continuelles, on voit bientôt les vomissements s'apaiser, et une espèce de calme renaître chez les pauvres malades. Par elle, le miasme empoisonné reçoit une dilution plus considé- rable ; la portion séreuse du sang éliminée par l'effort de l'organisme est bientôt réparée par une prompte absorption ; la circulation reprend son cours dans les vaisseaux capillaires, et une réaction franche et rapide dissipe bientôt toutes les angoisses. — Cette méthode peut sembler triviale au premier abord ; mais sa puissance lui fera pardonner sa simplicité. Nous n’avons pas à examiner ici tous les moyens qui ont été préconisés contre le chcléra; notre rapport doit se renfermer dans de certaines limites. Nous avons indiqué la saignée et l’eau froide parce que ces deux agents dominent pour nous toute la médication du choléra. Ensuite, ils sont des arguments irrécusables de la vérité de notre théorie, à savoir que le choléra ne sévit avee tant de violence sur les terrains secs et perméables que parce qu'il y trouve du sang trop riche en fibrine et pas assez pourvu de sérosité. La lancette et l’eau pure sont là pour ramener les choses à de plus heureuses proportions. On nous dira peut-être: Vous faites dépendre la vie de l’homme d’une simple question d’hydraulique! Et pourquoi pas, s’il vous plait? La circulation n'est-elle pas une admi- rable machine hydraulique qui porte à tous les organes l'existence qui leur est propre, et le grand tout n'est-il pas solidaire des moindres altérations qui peuvent survenir dans la quantité et dans la nature de ses éléments constitutifs. SUR LE CHOLÉRA DE L’'YONNE, EN 4854. 39 Le système nerveux, auquel on veut faire jouer un rôle capital dans la terrible scène du choléra, n'est-il pas lui-même profondément modifié par la cause morbide que lui apporte le fluide circulatoire, et les cris de souflrance qu'il jette dans l'organisme tout entier ne sont-ils pas des expressions secon- daires de l’empoisonnement du sang? Nous ne croyons pas qu'il puisse y avoir le moindre doute à cet égard, et nous regardons la question comme résolue en faveur de notre théorie. On s’est beaucoup occupé dans ces derniers temps de la composition de l'atmosphère et de ses modifications pendant les épidémies cholériques. On a cru remarquer une notable diminution de l'azote, mais aucun fait pratique n’a surgi jusqu'à présent de ces recherches. L’électricité elle-même doit avoir une part très-grande dans ces manifestations gigantesques contre la vie de l’homme ; mais son étude n’a rien fourni que d'ingénieuses hypothèses. L'avenir, si riche d'espérance et de progrès, trouvera le motde bien des énigmes qui font aujourd'hui notre désolation. Contentons-nous des faibles lueurs qui nous arrivent d’un lointain horizon; plus tard, la lumière grandira, et il sera donné à nos enfants de la conquérir pour le bonheur de l'humanité. E. Ducué, Docteur-médecin. ETF NOTE SUR UNE PIERRE TUMULAIRE D'UN SEIGNEUR ET D'UNE DAME DB MALIGNY. (|) La pierre, sur laquelle cette inscription est gravée, a été trouvée dans un petite serre attenant au château de Maligny, où, selon la tradition, aurait été bâtie jadis la cha- pelle du château. Le sol de cette serre a été remanié plu- sieurs fois et il est hors de doute que cette pierre n’occupait pas la place qui a dû lui être assignée dans l’origine. Des fouilles, faites, il est vrai, peu profondément, n’ont amené la découverte d'aucun cercueil. On dit que des maçons au- raient, il y a plus de vingt ans, découvert à la même place une boîte de plomb en forme de cœur. Rien n’est prouvé à cet égard. Cette pierre, épaisse de 42 centimètres, a 2 mètres 13 cen- mètres de long et 4 mètre 8 centimètres de large; elle a été cassée en trois morceaux; elle ne porte la trace d’au- çun ornement. Son périmètre est couvert d'une inscription en lettres capitales gothiques, de X centimètres environ de hauteur; elles paraissent postérieures au xiv° siècle. On y lit: Ci-gist messire Jehan, sieur de Mellign?, qui trespassa PEUT de grâce .... mil .... priez Dieu ...: Ci-gist madame Agnès de Linières, fame de monsieur Jehan de Melligne qui trespassa l'an mil ccexxinr, le xxnu de janvier. Priez Dieu pour elle. (1) Cette pierre est conservée au musée de la Société. NOTE SUR UNE PIERRE TUMULAIRE. 31 Après le premier mot frespassa on doit restituer celui-ci l'an, comme après priez Dieu, ces deux mots pour lui. Il ne semble pas possible de retrouver sur cette pierre l’année de la mort de Jean; la dalle, qui servait de pa- lier à un escalier, est, en cet endroit, complétement usée. Le personnage, dont il est fait mention dans cette in- scription, est Jean, sire de Maligny, un des seigneurs coalisés, en 4314, contre Philippe-le-Bel (1); il vivait encore en 4319, ainsi que le témoigne un acte du cartulaire du comté de Tonnerre (2). L'année de sa mort, relatée sans aucun doute sur la pierre, nous est inconnue. Quant à Agnès de Linières, sa femme, morte le 24 jan- vier 4324, des lettres du roi Philippe VI (3), en date du mois de septembre 14338, qui homologuent un partage, antérieu- rement conclu entre les fils de Jean de Maligny, apprennent qu'après la mort de son premier mari elle s'était remariée à Ythier de la Broce. A propos d'inscriptions qui peuvent encore servir à l'his- toire de Maligny, D. Viole (4) en reproduit une, trouvée sous les ruines de l’abbaye des Iles et ainsi conçue : «€ Cy gist madame Marie qui fut fille monseigneur Gauchier de Melligny et madame de Segllener. » M. l'abbé Henry, qui cite cette inscription, mais pas tex- tuellement (5), en conclut que cette Marie, abbesse du mo- nastère des Iles, était sœur de (rui de Maligny, croisé en 4248, et fille de Marguerite, veuve de Gaucher de Maligny, mort vers 1241. (1) Archiv. de l'Empire, Sect. hist. J. 434. n. 1. (2) Copie aux arch. de l'Yonne, p. 141. (3) Arch. de l’Empire, Trés. des Ch., Reg. LXVII, n. 49, f 30, r°. (4) Ms. 430 de la Bibl. d'Auxerre IT, 2232. (b) Hist, de Seignelay, I, 188. 38 NOTE SUR UNE PIERRE TUMULAIRE. Gaucher ou Jobert, Jobertus qui vocatur Galterius (A), mourut effectivement vers 1241. Mais aucun document, à notre connaissance du moins, ne mentionne sa femme sous le nom de Marguerite. Gui de Maligny, qui prit la croix en 1248, n'était pas le fils de Gaucher, mais bien son frère, (dicti Galcheri fratrum suorum, Florentii et Guidonis, armi- geri (2). M. l'abbé Henry ne cite pas la preuve sur laquelle il s'appuie pour faire de Marie une abbesse des Iles; lin- scription ne dit rien de semblable et le Gallia chistiana ne mentionne pour ce monastère aucune abbesse de ce nom. Il est cependant facile de faire concorder cette inscriptian avec la suite des seigneurs de Maligny, telle que les docu- ments contemporains permettent de l’établir. Il s’agit, en effet, dans l'inscription rapportée par Dom Viole, de Gaucher Il, seigneur de Maligny, en 1377; lequel Gaucher fit cette année-là même, le 45 janvier, une donation à Sebille, abbesse des Iles, en considération de Marie de Maligny, religieuse de cette abbaye, fille qu'il avait eue de son premier mariage avec N. de Seignelay (3). En secondes noces, Gaucher épousa, de 1383 à 1385, Marguerite de Valery, veuve d'Etienne de Tan- lay, seigneur de Ravières (4). C’est ce nom de Marguerite qui aura sans doute induit en erreur M. l'abbé Henry, et qu'il a attribué à la femme de Gaucher de Maligny, premier du nom, lequel vivait au xm° siècle. Telle nous paraît être l’explication à donner à cette seconde inscription qu'on ne retrouve plus que dans les manuscrits de Dom Viole. L. DE BASTARD. (4) Biblioth. d'Auxerre, mss. 155, f° 238. (2) Hist. de Seignelay, IT, p.252. P.J. n° 24. (3) Mss. D. Viole, fo 2226; Gall. Christ. XII, 481. (4) Copie du Cart. de Tonnerre, p. 174, aux arch. de l'Yonne. HISTOIRE DE LA VILLE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. TROISIÈME PARTIE. Temps modernes. CHAPITRE IL. MAISON DE MONTPENSIER. ST François de Bourbon, dauphin d'Auvergne, fils de Louis IT de Bourbon, duc de Montpensier, et de Jacqueline de Longwy, comtesse de Bar-sur-Seine, est né en 1542. Il n'avait que 24 ans par conséquent, en 1566, lorsqu'il épousa Rénée d'Anjou. A cette époque, cependant, il s'était fait remarquer déjà au siége de Rouen, dont s'étaient emparé les huguenots et qui fut repris, le 26 octobre 1562. Il se distingua également à la rencontre de Messignac, en 1568, à la bataille de Jarnac et à celle de Mon- contour, en 1569, et il avait été appelé au gouvernement du Dauphiné, lorsqu'il obtint du roi Charles IX, le 6 janvier 1572, une déclaration portant que les appels des sentences des prévôts 40 HISTOIRE DE LA VILLE el juges des bourgs et villages de Mezilles, Saint-Privé, Sept- fonts, Oussery, Naïlly, le Fort, Vessy, et la Motte-lez-Saint- Privé, seraient portés devant le bailli de son comté de Saint- Fargeau. Le prince Dauphin, comme on appela François de Bourbon jusqu'à la mort de son père, reçut bientôt de Henri II une fa- veur beaucoup plus signalée. Ce monarque, qu'on a représenté comme l’homme le mieux fait pour dégoûter un peuple de toute royauté (À), après avoir dit, dans des lettres patentes uunnées, à Paris, au mois d'avril 4575 : Que Dieu, dans sa providence éternelle, ayant pour la conservation de toutes cho- ses, établi une première et principale puissance qui, communi- quée à plusieurs, est d'autant plus admirable qu’elle demeure entière et parfaite, comme les corps célestes lumineux auxquels les planètes empruntent leur éclat; et qu'il en est de même ici- bas, dans une monarchie où la souveraine puissance réside en un seul, mais qui, lorsqu'’elle-est distribuée à plusieurs personnes illustres et vertueuses, en reçoit un accroissement de grandeur loin d’en être diminuée, voulut recompenser, à son avénement, François de Bourbon de ses bons services, de ses héroïques faits d'armes et de sa fidélité, et érigea à cet effet en sa faveur le du- ché-pairie de Saint-Fargeau. Ce duché fut formé du comté tout entier auquel on adjoignit les châtellenies de Saint-Maurice-sur- Aveyron, de Fontenouilles et de Meilleroy tenues du roi à cause du château de Montargis, enfin de la seigneurie de Villeneuve-les- Genets, tenue aussi du roi à cause de la grosse tour de Ville- neuve-le-Roi, avec stipulation : 1° Que le duché de Saint-Fargeau subsisterait perpétuelle- ment uni en faveur de François de Bourbon, de dame Rénée (1) Théophile Lavallée. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 41 d'Anjou, sa femme, du chef de qui il procède, et de leurs suc- cesseurs, dant mâles que femelles, procréés en loyal mariage ; 20 Qu'il serait distrait, eximé et exempté de toutes cours et juridictions tant ordinaires que présidiales, pour ressortir, par appel, en la cour de parlement de Paris en laquelle est la séance des Pairs de France; 3° Et qu'il ne pourrait jamais être revendiqué par les rois de France, dérogeant expressément à l’édit de 1566, sans laquelle dérogation, ledit nouveau duc et pair n'aurait voulu accepter ledit don, grâce et libéralité. Cette patente mentionne également que le comté de Saint- Fargeau est l'une des fortes places du royaume, de telle mar- que, valeur et grandeur pour la sûreté non seulement du pays de Puisaye, dont c'est la ville capitale, mais de tous les pays circonvoisins et limitrophes, que le roi a le plus grand intérêt qu'elle soit tenue et possédée par un prince du sang. Soumise à la vérification du parlement, le procureur-général donna un avis favorable; mais la cour, par un arrêt du 28 avril, ordonna qu'elle serait lue, publiée et enregistrée, en ce qui con- cerne seulement les titres d'honneur, prérogatives et préémi- nences, sursoyant de statuer, quant à la juridiction, jusqu'à ce qu'il ait été fait récompense au domaine du roi de la diminu- tion que lui cause l'érection du duché de Saint-Fargeau, et ce n’est que le 6 juin 1580 que François de Bourbon fut admis à présenter les roses au parlement en qualité de due et pair. Ce que nous venons de voir de la grandeur de Saint-Fargeau prouve jusqu’à l'évidence que la seconde enceinte qui n'existait point encore en 4481, lorsqu'Antoine de Chabannes dota lhô- pital, situé ès-faubourgs de cette ville, avait été établie depuis et lui avait donné un aspect militaire que les lettres patentes de 4575 se sont plu à exagérer. 42 HISTOIRE DE LA VILLE Les provinces unies des Pays-Bas s'étant soulevées contre la tyrannie espagnole, les unes voulaient se constituer en républi- que, les autres se donner un roi chargé de continuer en quelque sorte la dynastie de Bourgogne. François de Bourbon s’attacha à la fortune du duc d’Anjou que la cour de France s’efforçait de porter à ce trône éventuel, et fut bientôt chargé de la négociation la plus importante qu'on pût alors confier à un diplomate au point de vue des intérêts européens. Il s'agissait de conclure le mariage de Monsieur, duc d'Anjou, avec la reine Elisabeth d'Angleterre ; mais l'ambassadeur ne tarda pas à pénétrer Le secret de l’astucieuse princesse, qui ne voyait, dans ce projet d'union, qu'un moyen d’opposer la France à l'Espagne et d’épuiser ces nations l’une par l'autre au profit de l'Angleterre. Aussi la proposition de subordonner au mariage la déclaration de guerre par Henri IN à l'Espagne, mit-elle promp- tement fin à La mission de François de Bourbon. Le roi se trouva alors de nouveau fort embarrassé de son frère. Le laisser en France, c'était conserver un chef aux fac- tieux; l’établir dans les Pays-Bas, c'était peut-être exciter son ambition et créer des embarras à l'avenir. Henri III abandonna donc le dauphin à ses propres forces et celui-ci parvint à se faire couronner duc de Brabant et comte de Flandre. Mais il fallait une armée pour se maintenir dans cette position. Fran- cois de Bourbon vint la recruter en France, où il reçut le der- nier soupir de son père, prit le titre de duc de Montpensier et revint dans les Pays-Bas à la tête de 12,000 hommes. Bientôt le duc d'Anjou, alarmé du peu d'affection que lui portaient les Flamands dégoûtés de ses vices ; excité d’ailleurs par sa mère à renoncer plutôt à la souveraineté que de ne lavoir point complète, résolut de s'emparer du pouvoir absolu par une sorte de Saint-Barthélemy qui le laisserait dominer par la terreur, PR ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 43 Ce plan abominable était partout organisé et le prince s'était réservé pour lui-même la surprise d'Anvers, quand il s’ouvrit de ce projet au duc de Montpensier. A cette confidence, celui-ci resta muet d’étonnement et d'horreur, mais le dauphin insistant pour qu'il s’y associàt : Non, Monsieur, lui dit Montpensier, non! Je m'appelle Bourbon et je ne flétrirai jamais la gloire du nom que je porte. Ne comptez donc sur moi que quand al s'agira de vous servir dans des entreprises justes et légi- times. Cependant cette affreuse conjuration, qui réussit à Dunker- que, à Alost, à Dendermonde, échoua à Bruges, à Ostende, à Anvers. Ici le désespoir décupla la force des victimes; on vit les Flamands mâcher des pièces d'or et d'argent pour en faire des balles; les assaillants furent précipités dans l'Eseaut et 1,200 Français tués ou noyés. Et, au milieu de cet affreux pêle- mêle, le peuple indignement, traitreusement attaqué, ivre de rage et de vengeance, respecta Montpensier qui s'était placé au- dessus de tout soupçon, et l’on ne sait guère lequel on doit le plus admirer, ou du prince qui avait su inspirer une telle con- fiance dans sa loyauté, ou du peuple qui avait honoré et res- pecté à ce point la vertu jusque dans l'enivrement de la victoire. Montpensier, du reste, couronna sa noble conduite dans cette affaire en se souvenant de la France. Il se mit à la tête des fuyards et protégea leur retraite avec autant d'abnégation que de courage. Et maintenant la France va s’agiter et se déchirer elle-même dans une série de guerres civiles, mais le duc de Montpensier, toujours brave et généreux, ne s’associera à aucun des excès de cette époque. Appelé au gouvernement de Normandie au moment où s'était formée, dans cette province, une insurrection de paysans connus 44 HISTOIRE DE LA VILLE sous le nom de Gauthiers, du nom du bourg de la Chäpelle- Gauthier où elle conmenca, il n'oublia point, en combattant et en réduisant cette formidable insurrection, qu’elle avait eu pour but primitif de repousser les pillards qui, au nom de la sainte Union, dévastaient les récoltes et brülaient les chaumières. En- ivrés de leurs succès, se recrutant de proche en proche, les Gauthiers eurent bientôt une armée de 46,000 hommes et se livrèrent à des ravages et à des cruautés de toutes sortes. Com- bien ul fallait qu'on leur eût fait de mal, dit l'historien de la maison de Bourbon, pour porter à tant d'inhumanité des homies simples et laborieux. Habile à profiter de ce secours jnespéré, la ligue s'était hâtée d’envoyer des officiers aux Gau- (hier que commanda bientôt le comte de Brissac. Montpensier n’attendit pas ce capitaine, il marcha à sa rencontre, le battit à Pierrefite, eut le même succès à Villers et vint attaquer Com- neaux où les Gauthiers s'étaient réfugiés en grand nombre, mais, comme dit encore Désormeaux, ayant une extrême répu- gnance à verser le sang de ces hommes utiles qui n'avaient pris les armes que pour empêcher de moissonner le grain qu'ils avaient semé et se mettre, eux, leurs femmes et leurs enfants à l'abri des violences et de la brutalité du soldat, en vainqueur généreux, il les reçut à merci, condamna 400 des plus coupables aux travaux publics et renvoya les autres à la charrue. Ce succts laissa disponible l’armée de Montpensier, et lors- qu'Henri LIL tomba sous le poignard de Jacques-Clément, Fran- cois de Bourbon fut au nombre des seigneurs qui signèrent Ja reconnaissance d'Henri IV pour roi de France et de Navarre, à la condition de convoquer les Etats-généraux, de conserver le culte catholique comme religion de Etat, de tolérer la reli- gion réformée, et de se soumettre personnellement, quant à Lu de ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 45 la question religieuse, à la décision d'un concile national. Cependant tout le comté d'Auxerre et la plupart des places voisines reconnaissaient l'autorité de Charles X. Quelques capi- taines de partisans tenaient seuls la campagne pour Henri IV. Edme Dupé, l'un des seigneurs du duché de Saint-Fargeau, fut bientôt le plus audacieux, le plus habile et le plus cé’èbre de ces capitaines. Son aïeul, Jacques Dupé, avait épousé Antoinette de Choisy et avait laissé, en 1530, la seigneurie de Tannerre à son fils Pierre. Celui-ci qui épousa, en premières noces, Mel- chiore de la Châtre, fille de Joachim, seigneur de Nançay, capi- taine de la-grosse tour de Bourges, et de Françoise Foucher, et, en secondes noces, le 26 juin 4549, Jeanne d’Arpajon, fille de Jean, sénéchal de Rhodèz, et d'Anne de Bourbon, dame de Mire- beau, eut pour successeur son fils Edme, dont nous venons de parler, qui devint la gloire de sa maison et la terreur de l'Auxerrois. Edme Dupé avait, comme son roi, contre lui le nombre et la puissance, mais il avait, aussi, l'activité qui multiplie la force, l'intelligence qui y supplée et le courage qui la brave. Il savait enfin, comme son roi, joindre à la valeur de l'homme d'épée l'art du politique, et il ne manqua guère au seigneur de Tannerre qu'un théâtre plus digne de lui. Au mois d'avril 1590, on annonça à Auxerre qu'il allait faire une tentative sur cette ville et l'alarme s'y répandit aussitôt. Tous les postes furent gardés avec soin, tous les suspects furent jetés en prison, mais le capitaine Tannerre, c’est ainsi qu'on l'appelait, ne vint pas, et les Auxerrois en furent quittes pour la peur. Il n’en fut pas de même des habitants d'Ouanne_ Surprise à l'improviste et enlevée d'assaut, leur ville n'opposa guère aux vainqueurs qu’un noble défenseur, Le Sage de Jussy, qui tomba dans la lutte mortellement blessé. 46 HISTOIRE DE LA YILLE Pendant que Cravan et Toucy étaient tenus en échec, une entreprise des plus hardies fut tentée sur Joigny. Assuré de la coopération du capitaine La Bourdinière, Tannerre vint voir au château de Bontin le marquis de Rosny, lui communiqua son projet et le pria de l’assister dans l'exécution. Le futur duc de Sully accepta celte proposition avec empressement, rassembla à la hâte deux cents arquebusiers et marcha à leur tête. Secrète- ment réunie, le 22 novembre 4594, la petite armée se présenta tout à coup devant la ville, fit sauter à coups de pétards une poterne qui ne servait plus depuis longtemps, s’ouvrit un pas- sage, et Tannerre avait fait déjà plus de 300 pas dans la ville quand les habitants, surpris inopinément, se précipitèrent enfin à la défense de la brèche, blessèrent l’audacieux capitaine d’un coup de feu à la cuisse, et accourant de toutes parts, jetèrent un tel désordre, une telle frayeur parmi les assaillants qu'après avoir essayé de sauver leur chef, ceux-ci abandonnèrent la place en le laissant à trente pas de la poterne. Mais Rosny y pénétra intrépidement à la tête de vingt hommes, enleva Tannerre, ras- sembla les fuyards et revint à Bontin. Tannerre, de son côté, gagna péniblement Saint-Fargeau et se retira à Gien dont il était gouverneur. Quant à la Bourdinière, blessé lui-mème dans la retraite, il alla mourir à Saint-Maurice. Tannerre, cependant, reprit bientôt l'offensive, etse rendit si redoutable qu'une trève fut sollicitée de lui et obtenue. L'in- fluence qu'il s'était acquise sur les autres capitaines était si grande que tous se crurent obligés par l'engagement qu'il avait contracté sans leur participation ; mais le maréchal Biron ap- parut, au milieu de cette trève, dans l’Auxerrois, y leva une contribution de guerre et se retira, laissant les deux partis con- tinuer la suspension d'armes. L'inaction, toutefois, ne pouvait convenir au Capitaine Tan- ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 47 nerre. La trêve, enfin, expira le 31 décembre 1593. Le 27 janvier, après avoir joint ses forces à celles du capitaine de Champlivault, il enlevait Villeneuve-le-Roi ; le 46 mars, il s'emparait, sous les yeux de la garnison d'Auxerre, de tous les vins du village de Champs et les vendait à vil prix; le 48, il paraissait devant Auxerre, le guetteur de la porte du Pont sonnait l’alarme et toute la ville était dans l'agitation; le 49, il recevait la capitulation de Jussy, et le 4% avril, il établissait son quartier-général au faubourg Saint-Gervais d'Auxerre. Le corps municipal s’assemble aussitôt à l'hôtel de ville et députe deux commissaires au capitaine Tannerre, pour sollici- ter une nouvelle suspension d'armes. Celui-ci accorde un délai de quinze jours, mais il exige que le maire vienne conférer avec lui. Ce magistrat satisfit le 2 à cette condition; il sefit précéder par l'envoi des meilleurs vins de la ville, offerts en présent au capitaine, et la conférence commença sous ces heureux aus- pices. L'entrevue dura trois quarts d'heure. Elle eut, du reste, tous les résultats qu’en attendait Tannerre, car, dès le lendemain, la division était dans la ville et l’on n’y pouvait guère plus compter sur l’obéissance des soldats que sur la fidélité des bourgeois. Le 7, les habitants, réunis en assemblée générale, firent leur sou- mission à Henri IV, et chargèrent une députation de lui en porter Ja nouvelle. Cette habile négociation valut à Tannerre les plus grands éloges et la charge de bailli d'Auxerre dont il prit possession le 30. Le même jour, il obtenait la remise du château de Régennes ; et quand, le 2 mai, le maréchal Biron arriva pour en faire le siége, il trouva la place soumise et prête à recevoir garnison. Le 3, Tannerre accompagna le maréchal au siége de Cou- 48 HISTOIRE DE LA VILLE langes-la-Vineuse, qui bientôt ouvrit ses portes, et le 7, il était rendu à ses fonctions et recevait le serment de fidélité des cha- noines, des Bénédictins et des Cordeliers. Une honorable récompense était due au capitaine Tannerre : le roi ne l'avait pas fait attendre, mais il avait, dans le choix, manqué de convenance pour une ville dont il avait accepté la soumission avec joie, et de politique, au point de vue de ses propres intérêts. Aussi Tannerre ne put-il faire oublier aux Auxerrois qu'il avait vendangé leurs vignes, ruiné leur commerce et ranconné les habitants surpris dans la campagne. Le zèle du magistrat ressemblait trop pour eux à l’insolence du vainqueur. Tannerre fut assassiné. Il y avait moins d’un mois qu’il exercçait la charge de bailli (1). Revenons au duc de Montpensier. Après avoir servi Henri IV, au combat d'Arques où il commandait l’avant-garde, à la bataille d'Ivry, sous les murs d’Avranches et de Rouen, il se retira à Lisieux où 1l mourut le 4 juin 4592. De son mariage avec Renée d'Anjou, morte à la fleur de l’âge, il n'avait eu qu'un fils, Henri de Bourbon, né à Mézières-en- Brenne ie 12 mai 4573. Celui-ci débuta de bonne heure dans la carrière des armes et s’efforça de marcher glorieusement sur les traces de son père, sous le nom de prince de Dombes. Appelé au gouvernement du Dauphiné en 4588, il obtint le comman- ment de l’armée envoyée en Bretagne contre le duc de Mercœur, fit lever le siége de Vitré, s’assura de Rennes, prit Hennebon, (1) Le zèle qu’il déploya dans le parti de Henri [V a donné lieu de penser qu’il était protestant. Aucun document ne confirme cette opinion. Les nombreux actes de catholicité auxquels son fils Eustache a participé, donnent beaucoup plus de probabilité à l'opinion con- traire. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 49 Montcontour, Guingan, Lamballe, demeura victorieux à Lou- déac, à Chastelaudran, mais fut vaineu à Craon, après s'être trouvé pendant sept heures dans la mêlée et avoir, avec sa seule compagnie d'ordonnance, recommencé une charge brillante où il eut un cheval tué sous lui. Nommé gouverneur de Normandie le 28 septembre 1592, il recut au siége de Dreux une blessure dangereuse à la machoire, réduisit Honfleur, combattit devant Cambray, La Fère, Calais, Amiens ; suivit le roi à la conquête de la Savoie et de la Bresse, et présida l'assemblée des Notables tenue à Rouen en 1596. Après la perte de Calais, Henri IV, qui cependant avait con- fiance en son étoile et qui savait mieux qu'aucun prince dissi- muler aux cCourtisans sa pensée, avait laissé paraître un tel découragement que les grands seigneurs avaient cru le moment opportun de vendre cher leurs services et de reconstituer l’an- cienne féodalité. Ardent, enthousiaste comme on l’est à 23 ans, le due de Montpensier s'était même chargé d'en parler au roi, et il s’acquitta assez habilement de cette délicate mission. Il re- présenta à Henri IV la dificulté d'organiser et d'entretenir, dans l'état déplorable où se trouvaient les finances, une armée forte et dévouée, et lui insinua que le seul moyen d'atteindre ce but serait de revenir aux traditions dont les rois se prévalaient autrefois, c'est-à-dire de trouver bon que ceux qui avaient des gouvernements, par commission, les pussent posséder en pro- priété, en les reconnaissant de la couronne par un simple hommage lige. « Mon cousin, mon ami, » lui répondit avec fer- melé et modération Henri IV, « eroy que quelque malin esprit € a charmé le vostre, ou que vous n’estes pas en bon sens, car « le langage que vous venez de tenir est entièrement disconve- « nable à un homme de bien et un bon naturel comme le vostre, € et tellement disproportionné à la qualité d’un prince de mon 4 50 HISTOIRE DE LA VILLE € sang qui se voit à présent plus proche de la couronne que je « n'en ai autrefois été. » Ne songez plus à ce projet, ajouta le roi, qui ne Vient point d’une nature si débonnaire ni d'un es- prit sa doux que le vôtre; je l'oublierai moi-même et nous res- terons, vous, bon ann et fidèle sujet, moi, bon ror et bon parent. Le jeune Montpensier se le tint pour dit. Le 27 avril 1597, il épousa Henriette-Catherine duchesse de Joyeuse, et il n’en eut qu'une fille, Marie-Henriette de Bourbon, née au château de Gail- lon le45 octobre 1605. La blessure qu'il avait reçue au siége de Dreux ne s'était jamais complétement guérie. Au commence- ment de 4608, elle prit un caractère alarmant et le prince y succomba d'épuisement le 27 février, au milieu de la tristesse et de la douleur publiques. Le duché de Saint-Fargeau doit à Henri de Bourbon une construction importante, le chœur de l'égiise de Lavau, qui ne manque ni de grandeur ni d'élégance. Cette église et le village tout entier avaient été incendiés, au mois d'août 1594, par le régiment de Valizot, et ce fut peu d'années après qu'ils com- mencèrent à se relever de leurs ruines. Le chœur de l’église de Lavau se compose de trois travées. L’abside, qui en occupe une, est entourée de huit colonnes à cha- piteaux toscans sur lesquels repose un deuxième ordre composé de huit pilastres également toscans qui élèvent hardiment la voûte à une grande hauteur. Les armes de France chargent la clef de cette travée. Les collatéraux font enceinte autour de l’abside et leurs voûtes reposent d'une part sur les chapiteaux des colonnes du chœur où les arêtes viennent se réunir en un faisceau de ner- vures, et, d'autre part, sur des colonnes demi-engagées, sans chapiteaux, dans le fût desquelles viennent s'implanter les ner- ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 51 vures correspondantes. La clef de voûte de la travée du milieu figure un écu portant en chef trois étoiles ou molettes et en pointe un mouton. Tout le système d’arcature est ogival. La chaire en pierre sculptée, à laquelle on arrive par un massif es- calier, également en pierre, est aujourd'hui ridiculement peinte couleur bois. La partie inférieure de l’église, construite sans art et sans goût, au xvuie siècle, et à la fin du xvn°, est voûtée en bois et flanquée de deux chapelles en guise de collatéraux. La chapelle sud conserve dans son pavé une tombe de 1322 et dans un des murs un éeusson sculpté figurant les deux bars adossés des ar- mes de la maison de Bar, qui a possédé Saint-Fargeau de 1255 à 1430. Le clocher quadrilatéral, construit en charpente et couvert en ardoises, est terminé par une flèche octogone, peu élancée, flanquée de quatre elochetons. Il est assis sur la travée la plus occidentale du chœur. Des piliers, sur lesquels font saillie de monstrueuses gar- gouilles, soutiennent les ares-boutants. Marie-Henriette de Bourbon-Montpensier avait, comme nous l'avons vu, moins de trois ans quand elle succéda à son père; mais Henri IV, pour donner à celui-ci un dernier et éclatant té- moignage d'estime et d'affection, l'avait fiancée au duc d'Anjou, son fils, à peine âgé de quelques mois. De son côté le due de Montpensier, comme complément et corollaire de cette royale promesse dont les articles avaient été rédigés par écrit, avait, par un testament du 43 février 1608, assuré, à tout évènement, à la maison royale, l’ancien domaine de la maison de Bourbon. IL avait aussi, par une donation entre-vifs, du lendemain 14, assuré au jeune fiancé la possession du duché de Saint-Fargeau. De douce et gracieuse enfant, Marie de Montpensier devint 52 HISTOIRE DE LA VILLE bientôt charmante jeune fille. Aussi sage que belle, elle atteignit enfin l'âge où le cœur à d'autant plus besoin de tendresse qu'il en renferme un plus riche trésor. Louis XIHL, alors, songea aussi à la marier, et lui destina également Jean-Baptiste Gaston de France, son frère, né le 25 avril 4608, moins pour satisfaire à la promesse de son père qu'aux exigences de sa propre politique. Cependant ce jeune prince, à peine adolescent, n’éprouvait aucun goût pour le mariage ni aucune préférence pour Me de Montpensier. Il était même détourné de cette union par le parti qui se formait autour de lui et qui rêvait pour son chef futur une alliance étrangère propre à servir ses projets ambitieux. La cour au contraire, pour des motifs opposés, pressait la conclusion de ce mariage par toutes sortes de moyens, même les plus ignobles. Le duc d'Elbeuf se chargea de ménager au prince de fréquen- tes entrevues avec M'° de Montpensier, et pour que sa beauté fit une plus vive impression sur celui-ci et qu'elle éveillât ses désirs, il le livra aux caresses d’une vieille fille nommée de Serre. Cependant, ce honteux moyen n'aboutissant pas, la duchesse de Guise imagina un autre expédient. Elle fit offrir à Puylaurens et à Lebois d’Annemets, favoris du prince, cinquante mille écus, garantis par la remise de son grand diamant, s'ils lamenaient au mariage projelé. Cette invention fut plus heureuse que la première. Pressé bientôt par ses amis mêmes qui auparavant opposaient aux vues de la cour la plus vive résistance, Gaston finit par se rendre et ne chercha plus qu'à gagner du temps. Le moyen qu'il employa à cet eflet est digne de ceux dont on avait usé envers lui. Il prétexta d'une maladie vénérienne qui demandait des soins longs encore. C'est dans de telles conditions qu'on disposa définitivement de la main de la gracieuse et chaste jeune fille. Monsieur ms ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 53 reçut en apanage les duchés de Chartres et d'Orléans, Île comté de Blois, cent mille livres de rentes en immeubles, et sept cent soixante-dix mille livres en argent, et l'on se hâta d'en finir avec une affaire qui avait coûté tant de tribulations. Fiancés le 6 août 1626, dans l'après-midi, les jeunes époux furent mariés le soir même, à Nantes, par le cardinal, dans le cabinet dela reine-mère, la princesse en simple robe de satin blanc, Monsieur sans avoir pu se procurer un habit neuf. Gaston prit, depuis lors, le titre de duc d'Orléans et quitta celui de duc d'Anjou qu'il avait porté jusque-là. I avait eu, au milieu de tant de précipitations, à peine le temps de penser à sa femme. A plus forte raison oublia-t-il ses amis Ornano et Chalais enfermés à la Bastille pour avoir, avec lui, opposé aux volontés de la cour, à l'occasion du mariage qui venait de s'accomplir, un vaste projet de conspi- ration. Quinze jours après, Chalais eut la tête tranchée. Gaston jouait quand cette triste nouvelle Jui parvint. En l’apprenant.…., il continua à jouer (1)! C'était le premier acte d'un long drame où Gaston devait compromettre et perdre aiasi tous ses amis, pour qui son caractère égoïste et irrésolu le rendit toujours plus dangereux que pour ses ennemis eux-mêmes. Henri IV et Marie de Médicis avaient eu pour Gaston une prédilection marquée qui éveilla dans le cœur de Louis XIE un profoud sentiment de jalousie. Mais les qualités qui purent, dans l'enfance de ce prince, justifier jusqu'à un certain point cette préférence, se perdirent une à une par les suites d'une mauvaise éducation. (4) Ornano mourut à Vincennes. 54 HISTOIRE DE LA VILLE Trois ou quatre fois, Gaston fut obligé de quitter la France ; trois ou quatre fois, il eut le malheur d’y rentrer les armes à la main. Dès le mois d'octobre qui suivit son mariage, on annonça la grossesse de Madame, et on la vit, au Louvre, suivant l'expression du duc d'Orléans, faire parade de son ventre (1) et sourire à l'espoir d’avoir un fils, Dauphin, pour ainsi dire, à sa naissance, puisque.le roi, marié en 1645, n'avait point encore d'enfants. Tous les courtisans s’empressaient autour d'elle et allaient à Monsieur comme au soleil levant (2). Mais tous ces vœux, toutes ces espérances furent trompés; le 29 mai 1627, MapamE accoucha d’une fille. Laissons grandir cette enfant. Le nom de MADEMoISELLE que la cour lui donna, moitié par dépit, moitié par ironie, s’élèvera un jour dans l'opinion publique bien au-dessus de celui de MONSIEUR. Quant à la mère, elle mourut quelques jours après la naissance de sa fille, le 4 juin, à peine âgée de 22 ans! Elle fut inhumée à Saint-Denis. Toute une oraison funèbre, en forme d'épitaphe, fut gravée sur son tombeau. Nous la repro- duisons iei, car, moins la jeunesse et la beauté ont laissé de trace sur la terre, plus on aime à recueillir les souvenirs qui s’y rattachent. EPITAPHIUM NOBILISSIMÆ, CLARISSIMÆQUE PRINCIPIS MARIÆ HENRICE Bor- BONIÆ MONPENSERIÆ, GASTONIS (4) Mémoires du duc d'Orléans. (2) Mémoires du duc d'Orléans. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 55 AvreuiorvM Ducis Lupovict DECIMI TERTI, REGIS CHRISTIA- NISSIMI, FRATRIS UNICI CONIVGIS CHARISSIMEÆ. Accumbe suppler marmori vialor quisquis es, nam puris- simus isleic cinis, augustissimæ mortalitatis reliquiæ : diuimus est heroinæ spiritus qui locum seruas. Quod natura potuit, sanguinem dedit et pulchritudinem : quod virtus exhibet, innocentiam dedit et castilatem. Quod fortuna prœæfert, diuitias dedit et subditos. Quod terra ostentat, gloriam dedit et prolem. Quod cælum promittit, beatitu- dinem dedit, et immortalitatem. An vltra quis moriatium cupiat! ex istis, opinor genus conieclas el nomen, sin rudis adhuc ex dio in hanc orbem delatus ades, volens tumulum aperiam volenti. Maria heic quiescit Monpenseria quæ à Borbonia Ducum Montis-penserii origine in regium Borboniorum familiam transient, Gastoni Aurelianiorum Duci regis fratre nupsit Requm neptis : Princeps principi, virgo viro, formosa amabili, forti generosa sic lauro laurus insertus est: Vnicam e viro filiam concepit, peperit: est wnica parentum proles adoleuerunt: ita singulos sinqulæ melior conchæ ferunt: in nubu vixit amor supra vigint duos: marita, heu dolor : cor tantum imenses, qui ad fætu- ram et partum et supplicium maturant. Discedentem cum decisset lachrimis Rex prosecutus est, fletibus et lamentis gasto Regium. Compleuit. Lacrimatur suis gallia prinet- pibus. Quin ipsa mors emittat lachrimas si habeat oculos vnde fluant. At superi. Cœca est vsurea, imù si videat, non faciat rapinam eius quam adoressit, in hospes, in alto quodam stupore ad casum sensus habent largis dolens tmbribus sazum rigu, quod mærentis reyni totius lachrimis mpluitur : 56 HISTOIRE DE LA VILLE restare suspirüs pietatem, cultu reuerentiam, precibus amorem..…., et Vale. SAIT Depuis longtemps déjà le seigneur de Bléneau était l’ainé et le chef de la maison de Courtenay. Cependant on remarqua, au commencement du xvn° siècle, que son château était devenu plus habituellement le rendez-vous des membres de sa famille, quoiqu'on ne les vit alors ni fêter quelque noble alliance, ni courre le cerf dans les bois d’alentour.C'étaient Gaspard, seigneur de Bléneau ; Jean de Courtenay, seigneur des Salles ; Jacques de Courtenay, seigneur de Chevillon; Réné et Jean de Courtenay, seigneurs de Frauville. Les plus graves intérêts occupaient leur esprit, car ils se concertaient sur les moyens de revendiquer des droits éventuels à la couronne de France. La maison de Courtenay faisait rédiger sa généalogie; elle établissait par l'histoire sa descendance en ligne directe et masculine de Louis-le-Gros, et signait, dès le 15 janvier 1603, une requête au roi tendante à faire reconnaître son état. Ses droits étaient incontestables. Elisabeth de Courtenay, seule descendante de cette illustre maison, épousa, comme nous l'avons dit, Pierre de France, septième fils de Louis-le-Gros, connu depuis sous le nom de Pierre de Courtenay. Celui-ci eut plusieurs enfants dont la descendance s'éteignit au xive siècle, mais notamment Robert, dont la descendance continua la lignée jusqu'au xvir. Ce dernier était seigneur de Champignelles, de Château-Renard, de Charny et de Vermen- ton, à qui Louis VII conféra la charge de bouteiller de France, alors la seconde du royaume, et qui donna, au mois de juin 1218, plusieurs héritages à la paroisse de Villeneuve-les-Genêts, dt ti LE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 57 détachée du territoire de Champignelles, et que Pierre, archevêque de Sens, venait d'établir à sa demande. Robert épousa, en 1197, Mahaud, fille unique de Philippe, seigneur de Mehun-sur-Yère et de Selles-en-Berry, et en eut plusieurs enfants. À son second fils, Philippe, échut la seigneurie de Champignelles; mais celui-ei étant mort en 1245, il eut pour suceesseur Guillaume, son frère puiné, destiné d’abord à l’église, mais qui suivit la carrière des armes; épousa, en 1252, Marguerite de Chàlon-Bourgogne, puis Agnès de Toucy, et mourut vers 4276. Le fils ainé de Guillaume, ayant préféré l’état ecclésiastique à son droit d'ainesse, la seigneurie de Champi- guelles fut attribuée à son second fils, Jean [°, qui épousa Jeanne de Sancerre, dame de Saint-Bricon et de Chätillon-sur- Loing, au mois d'octobre 1290. A Jean de Courtenay succéda Jean IF, son fils, qui épousa, vers 1328, Marguerite de Saint-Verain, dame de Bléneau, eteut pour successeur, à la seigneurie de Bléneau, son fils Pierre, lun des vingt gentilshommes donnés en otage par le roi de France au roi d'Angleterre pour garantie du traité de Calais. Pierre de Courtenay épousa Agnès de Melun. Il assista, sous les ordres du due de Bourgogne, à la bataille de Roosbecq, en 1382, et mourut à Champignelles, le 22 mars 1395, après avoir légué quelques sommes à l'hôpital, à l'église et à la chapelle Saint-Cartault de Bléneau. La châtellenie de cette ville passa alors à Jean IT, son fils. Elle ressortissait à la prévôté de Villeneuve-le-Roï, et consistait, indépendamment des terres, ville et châtellenie, en droits seigneuriaux dont nous pouvons donner la nomenclature. C'étaient la prévôté et sergenterie, les cens pour cas de vente, la halle, le minage les jours de foires et de marchés, le droit de mesures e! d'ajustement de poids, le péage à travers la châtellenie, les 58 HISTOIRE DE LA VILLE bourgeoisies, le scel et tabellionage, enfin le droit de haute, moyenne et basse justice et les amendes qui en dépendaient. Jean TIT de Courtenay épousa, en janvier 1424, Catherine de L'Hospital. Les plus grands événements de sa vie semblent avoir été la réunion successive au fief héréditaire des seigneuries de Villards, de Chevillon, de Tannerre, de Laferté-Loupierre, ete., et surtout le retrait de lignage qu'il exercça, en 145%, sur celle de Champignelles, vendue par son neveu à Jacques Cœur et confisquée sur ce dernier. Jean IV, son fils aîné, épousa, en 1457, Marguerite de Boucard, dame du Coudray, paroisse de Bléneau. Il succéda, en 4460, à son père, qu'il fit peindre, dans le chœur de l'église de cette ville, sur un cheval de guerre, caparaçonné de trois écus aux armes de Courtenay, partis de celles de sa mère, de son ayeule et de sa bisayeule. Nous avons retrouvé des traces de cette peinture restaurée, vers 4544, par Jean V, son fils. Devenu seigneur de Bléneau, en 4480, celui-ci conclut avec la communauté des habitants, le 23 février 1497, un échange par lequel il leur céda des usages et un droit de pêche dans la rivière de Loing, et reeut d'eux l'obligation de se soumettre à la banalité du moulin de la ville, exempt jusque-là de ee privilége gênant et abusif. Jean V épousa d’abord Catherine de Boulainvilliers, qui mourut sans postérité; puis, vers 1494, Madeleine de Bar, dont il eut quatre enfants. En 1497, il accompagna Gilbert de Bourbon, vice-roi de Naples, dans le voyage que celui-ci fit en Italie, et mourut le 7 janvier 4544. I fut inhumé dans l’église de Bléneau, près de son père, devant le crucifix, et l’on y voyait encore sa tombe en 4661, ainsi que celle de Madeleine de Bar, sa femme, décédée le 25 août 4516. Le successeur de Jean V à la seigneurie de Bléneau fut François 1%, son fils ainé, qu'Henri IE choisit pour gouverneur ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 59 des enfants de France et qui, veuf de Marguerite de la Barre, épousa, en secondes noces, en 1547, Hélêne de Quinquet, sa cousine, N'ayant eu que deux filles de son premier mariage, il mourut, laissant la seigneurie de Bléneau à son fils aîné, Gaspard de Courtenay, que nous venons de voir siéger aux conseils de sa famille comme chef, par ordre de primogéniture, des descendants directs de Pierre de France. La qualité de princes du sang appartenait donc bien légi- timement aux Courtenay. La cour, du reste, sans nier leurs droits, repoussa leurs prétentions par une volonté négative plus irritante, pour les opprimés, que la tyrannie qui s’affranchit ouvertement de tout sentiment de justice. On reprochait aux Courtenay leur pauvreté, mais Henri IV savait mieux que personne que le cœur est la fortune des princes ; on leur reprochait leur grand nombre, mais la justice ne commence pas à l'unité pour finir au nombre cinq; on leur reprochait enfin leur peu de valeur personnelle, mais lorsque la noblesse d'Auxerre eut à se faire représenter aux Etats de Blois de 1588, c'est cependant à l’ainé des Courtenay, au seigneur de Bléneau, qu'elle confia cette honorable mission. Quant aux princes qui devaient continuer la famille, nous les verrons, accueillis avec faveur à une cour étrangère, se montrer dignes des plus augustes protections. Dans les six mémoires présentés au roi par la famille de Courtenay et tous restés sans réponse, ils attribuent le peu de succès de leurs démarches à des courtisans envieux; mais les courtisans ne réfléchissent guère que l’image du maitre, et il put suflire à celui-ci d'exprimer, par une simple marque d'impatience, l'ennui que lui donnait cette affaire, pour que chacun se crût en droitet se fit un devoir d’éconduire des solliciteurs impor- tuns. Cependant, Gaspard de Courtenay mourut le 5 janvier 60 HISTOIRE DE LA VILLE 1609, laissant la seigneurie de Bléneau à Edme [*, son fils. Depuis plusieurs années, tous les Courtenay avaient rétabli dans leurs armoiries les fleurs de lis et la couronne royale, et prenaient publiquement le titre de princes. Un tombeau en marbre noir érigé dans l’église du Bléneau, portait notamment les deux épitaphes suivantes, qui existent encore aujourd’hui, et qui se trouvaient placées dans les entre-colonnements. À droite : Gy gist madame Emmée du Chesnay en son vivant fême et espouse de très-hault et très-illustre seigneur du sang royal de France, Morsieur Gaspard de Courtenay seigneur de Bléneau, Villard, Lermilte et la mothe Me Raoulx, laquelle décéda le Xe jour de Mai mil VI Hu. Priez Dieu pour vlle. À gauche: Cy gist très-hault et très-illustre prince Ms Gaspard de Courtenay, seigneur de Bléneau, Villard, Lermitte et La mothe-mre Raoulx, lequel est décédé le ve Jour de janvier mil vis VIE. Priezs Dieu pour lui. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 61 En prenant le titre de princes, les Courlenay avaient espéré que leurs ennemis les attaqueraient sur ce terrain etles mettraient par là même en position de justifier de leur naissance. Mais c'était un parti pris, on ne contesta pas plus leurs titres qu'on ne les avait reconnus. Une circonstance malheureuse faillit toute- fois mettre fin à ce long déni de justice. Le baron de la Rivière-Champlemy, s'étant introduit nuitam- ment dans lé château de Neuvy-sur-Loire, appartenant à Edme de Courtenay, dans l'intention de séduire Catherine du Sart, sa femme, celui-ci tua sur place son audacieux rival, et, bientôt après, sur la plainte des parents de la victime, le prévôt des maréchaux d'Auxerre informa contre le meurtrier. Edme de Courtenay revendiqua sa qualité de prince du sang ; il demanda à Cire jugé par le parlement, et, cette fois du moins, on fit droit à sa demande. Mais, hélas ! cette demi-justice devint presqu’aussitôt une amère dérision: l'affaire fut portée à la Tournelle. L'accusé protesta et demanda à être jugé à la grand'chambre, les pairs admis et le roi présidant, mais l'affaire fut retenue à la Tournelle sans enquête préalable. Dans cette position, Edme de Courtenay émigra, le8 mai1610. Avant de quitter la France, il exposa au roi les motifs de sa retraite dans un mémoire que celui-cine put recevoir, car, le 44, il tombait sous les coups d’un assassin. Le prince de Condé, premier prince du sang, ne voulant pas s'associer au système d'iniquité opposé à la maison de Cour- lenay, reconnut publiquement ses droits et s'établit son protecteur. Sür de cet appui et comptant qu'un changement de règne pourrait lui être favorable, Edme de Courtenay rentra &n France et se constitua prisonnier après avoir protesté toutefois, dans l'acte d'écrou, de sa qualité de prince et du cas de force majeure. Mais cette protestation fut rayée en exécution d’un 62 HISTOIRE DE LA VILLE arrêt du 4 septembre 1610, rendu également sans enquête. Une condamnation n'eût pas afiligé plus profondément la famille. Il ne restait plus alors aucun espoir aux opprimés d’obtenir justice. En conséquence, après avoir mis ordre à leurs affaires, Jean de Courtenay, seigneur des Salles, et Jean de Courtenay, seigneur de Frauville, demandèrent à la reine régente, le 24 janvier 4613, l'autorisation de se retirer hors du royaume pour conserver libre l'honneur de leur maison et ne pas introduire dans les familles des princes souverains le mauvais exemple dont leur maison était victime. Le 29 décembre, n'ayant recu aucune réponse, ils firent connaître, de Calais, au parlement, les motifs de leur exil, passèrent en Angleterre et furent accueillis à la cour avec la distinction et les égards dus à des princes malheureux. Le roi d'Angleterre ne se borna pas à ces témoignages exté- rieurs de bienveillance, il écrivit plusieurs fois en faveur de ses hôtes et, comme le prince de Condé, s'efforça en vain de leur concilier les bonnes grâces de Louis XII. Nous verrons plus tard que l'avenir ne leur sera pas plus heureux. CHAPITRE JIL. MADEMOISELLE. $ I. Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier (1), (4) Et non Anne-Marie-Louise de Montpensier, Duchesse d'Orléans, comme on l’a inscrit malencontreusement sur le piédestal de sa statue au jardin du Luxembourg. ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 63 est née, comme nous l'avons dit, le 29 mai 1627, au château du Louvre. Elle a été baptisée, le 417 juillet 4636, par Dominique Séguier, évêque d'Auxerre, et tenue sur les fonts par la reine Anne d'Autriche et par le cardinal de Richelieu. Se trouvant, dès sa naissance, la princesse la plus riche de son temps, ayant de la beauté, élevée sur les marches du trône, près du berceau de l'héritier de la couronne de France, on concoit les sentiments d'orgueil et d’égoisme qui envahirent insensiblement le cœur de Mademoiselle et durent l’amener à se dire un jour, suivant l’espression du père Félix : Mot pour personne, tous les autres pour mot; moi le but, tous les autres moyens; mot le maître, tous les autres serviteurs ; moi la gloire, tous les autres reflets de ma gloire; moi la voix, tous les autres des échos de ma voix ; moi le centre, tous les autres des points dans ma sphère. On s'explique également l'air noble et fier de son maintien qui la posait en quelque sorte au-dessus de l'humanité pour en éblouir les regards et en recevoir les hommages. Et si cet orgueil n'eut point atteint de bonne heure les dernières limites, de combien ne se futil pas accru quand, au sortir de l'enfance, elle put réver qu'elle serait un jour reine de France et que la reine elle-même encourageait cet espoir. Mademoiselle avait, il est juste de le dire, pour racheter ces défauts, des qualités royales ; elle était généreuse, résolue ; elle avair l'esprit ferme, l’âme noble et les sentiments élevés. Mais ce qui la sépara de son sexe et en fit en quelque sorte un être anormal, c’est une absence complète de sensibilité qui s’étendit jusqu’au-delà des limites de la jeunesse, comme si la tête chez elle eut absorbé le cœur. Louis XIV n'avait pas cinq ans à la mort de son père, et Mademoiselle en avait alors seize. Nommée régente, Anne 64 HISTOIRE DE LA VILLE d'Autriche s'abandonna à son double instinct du pouvoir absolu et de l'amour maternel ; elle appela à la direction des affaires le cardinal Mazarin et l'associa à tous ses projels, à toutes ses pensées, à toutes ses affections. Les intrigues, les conspirations incessantes qui s'agitaient autour du duc d'Orléans avaient perdu beaucoup de leur importance depuis que la reine avait donné deux fils à Louis XHIT; cependant Ga pouvait craindre encore que les mécontents ne se ralliassent au nom du prince comme on relève un drapeau; on pouvait craindre surtout que l'union de Mademoiselle avec un des souverains de l'Europe ne püût prêter appui à la sédition. Amener Mademoiselle à contracter un mariage sans impor- tance politique, en lui faisant comprendre la difficulté que l'âge du roi opposait à ce qu'il püt un jour fixer son choix sur elle, et l'empêcher d'accepter une alliance menaçante pour la tran- quillité de la France et la sûreté du trône, en la flattant de l'espoir que le jeune roi serait élevé à la considérer comme la femme choisie pour lui par l'amour d’une mère et par la raison d'Etat, tel était le double hut que s'étaient proposé d'atteindre la reine et le cardinal. Le duc d'Orléans avait destiné à sa fille Louis de Bourbon, comte de Soissons, tué à la bataille de Marfée en 1641. Anne d'Autriche, de son côté, lui destinait son frère, le cardinal-infant, gouverneur général de la Flandre; mais ce prince mourut en 1642, et ce ne fut que trois ans plus tard que Philippe IV, roi d'Espagne, devenu veuf, sollicita la main de Mademoiselle. Alors la régente et Mazarin abusent le duc d'Orléans et sa fille de fallacieuses promesses, en même temps que, pour plus de sûreté, ils font arrêter et emprisonner l’émissaire secret du roi d'Espagne. Mademoiselle fut indignée d’une conduite dont elle ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 65 entrevit toute la portée; elle en conçut une haine implacable contre le cardinal et jura d'en tirer vengeance. En attendant, Mademoiselle, après avoir sacrifié le prince de Galles, depuis Charles IF, roi d'Angleterre, à la pensée d’épouser l'Empereur, ce qui satisfesait mieux son ambition, et avoir été trompée dans son attente, vit également échouer deux autres projets de mariage, l'un avec l'archiduc Léopold, l’autre avec le duc de Savoie, et elle dépensa toute son intelligence, toute son activité en intrigues aussi savantes que malheureuses, pour arriver à une conclusion qu'elle placait bien au-dessus des grandes commotions politiques qui pouvaient agiter le monde et bouleverser les empires. Pendant ce temps, de petits événements s'étaient accomplis à Saint-Fargeau et de graves événements en France. Les revenus de la maladrerie étaient sans scrupule détournés de leur destination, car on ignorait en Puisaie qu'il y eut encore des lépreux à secourir, quand une ordonnance du grand aumônier de France, du 47 avril 4633, manda à tous huissiers requis de faire commandement aux administrateurs de la mala- drerie de Saint-Fargeau, dont les biens furent réunis plus tard au domaine de l'Hôtel-Dieu, en exécution de lettres patentes de décembre 1696, de payer 30 francs de rente à Catherine Moillard, pauvre lépreuse, recluse en la maladrerie de Pontaubert. Raymond de la Garde avait pris possession du doyenné de Saint-Fargeau le 9 juin 1644, et n'avait pas tardé à se trouver en querelle avec son chapitre, chacun interprétant à sa conve- nance et suivant ses intérêts les dispositions réglementaires de l'acte de fondation de 1472. Après de vifs débats qui aigrirent les esprits sans amener de solution, le litige fut déféré à l’évêque par un compromis du 47 avril 1643. La sentence fut rendue au 5) 66 HISTOIRE DE LA VILLE château de Régennes le 19 mai suivant. Elle décide notamment que le doyen ne pouvait prétendre à être payé de son gros, pendant son séjour à Païis et son absence de Saint-Fargeau dans l'intérêt exclusif de ses études; qu'il lui serait défendu de prendre pour vicaire un des chanoines ; qu'il recevrait seul les oblations faites par les communiants, à l’oceasion de la communion, le droit ordinaire pour la purification des femmes après leur accouchement, et les oblations de pain et de vin qui ont lieu le jour des obits, le corps présent, mais que toutes les autres oblations appartiendraient aux chanoines; enfin que ceux-ci auraient la faculté de prendre communication, au greffe du chapitre, du registre des délibérations capitulaires. L'année suivante, les chanoines, enhardis par le demi-suecès qu'ils avaient obtenu, suscitèrent une nouvelle difliculté, véritable querelle d’allemands eette fois. L'acte de fondation du chapitre porte que le doyen sera en même temps curé de la ville, mais il ne dit pas que l'exercice des fonctions curiales puisse le dispenser d’assister aux offices qui donnent droit à une distribution de deniers. Donc le doyen, absent comme curé, ne doit pas participer à cette distribution. Telle était la thèse des chanoines. L’évêque en fit bonne justice en décidant, le 31 décembre 1644, que le doyen serait tenu pour présent aux oflices toutes les fois qu'il serait empêché par ses fonctions curiales. Mais ce n’est pas tout: Raymond de la Garde n’est pas homme à laisser en définitive le tort du côté des chanoines. Il soutient bientôt que toutes les oblations faites à l’occasion des obots lui appar- tiennent, contrairement à la sentence de 1643, et il ne fallut rien moins, pour lui en expliquer les termes, si clairs et si précis, qu'un arrêt de lofficial, du 27 mai 1651, qui mit, pour ainsi dire, les points sur les i, en décidant que les oblations faites, ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 67 le corps présent, appartiendraient au doyen, mais que celles faites, le corps non actuellement présent, appartiendraient aux chanoines. | A cette époque, les luttes du parlement avec la royauté avaient amené Ja Fronde, et la guerre civile le triomphe définitif de la couronne sur la-féodalité et sur les libertés populaires. Mais, vainqueur de la Fronde, Condé prouva bientôt qu'il n'avait vaincu que pour lui-même. « Enivré des flaiteries de la noblesse, séduit par la duchesse « de Longueville, qui le berçait des plus ambitieuses illusions, « plein de mépris pour le cardinal qu'il avait, disait-il, tiré du « gibet, le vainqueur de la Fronde voulait dominer le gouver- « nement; il demandait sans cesse des faveurs pour lui et ses € amis ; il tyrannisait le conseil ; il prétendait qu'on ne donnât € aucun emploi sans son consentement ; il insultait brutalement « le ministre et la régente elle-même (1). » Fort de l'appui des seigneurs, Condé, en un mot, préparait une nouvelle Fronde : la reine le fit arrêter et conduire à la Bastille. Mais le due d'Orléans, sans le concours de qui ce coup d'autorité n’aurait pas eu lieu, abandonne le parti de la cour; Mazarin est exilé, Condé déclaré innocent; la vieille et la nou- velle fronde marchent, pour ainsi dire, parallèlement en rivales, le cardinal rentre à Paris, les deux frondes s'unissent et de toute part on en appelle aux armes. Bientôt l’armée royale, commandée par Turenne et d'Hocquincourt, se présente devant Orléans. Mais Mademoi- selle, avec l’ardeur d’un jeune capitaine et l’exaltation d’une héroïne, est parvenue à s’y introduire. Elle agite, enthousiasme, entraine la population, elle assemble le corps de ville, le (4) Lavallée, histoire des Français. 68 HISTOIRE DE LA VILLE harangue, l’exeite et le décide à fermer au roi les portes de la place. Quelle heureuse occasion de se venger du Mazarin ! Condé, de son côté, réduit à l'impuissance en Guyenne et espérant plus de succès avec une armée, composée de vieilles troupes, dont il avait déjà expérimenté la valeur, remit son commandement au prince de Conti et partit, accompagné seulement de einq gentilshommes et de quelques domestiques. Peu de jours après, il parvenait, sain et sauf, le 4 avril 1652, sous les murs de Lorris, au camp des ducs de Beaufort et de Nemours. L'arrivée du prince rendit à l'armée le courage et la confiance qui l'aban- donnaient, et, dès le à, Montargis lui ouvrait ses portes. Pendant ce temps, les maréchaux de Turenne et d'Hocquincourt avaient passé la Loire à Gien, et, après avoir laissé la cour en celte villé, étaient allés prendre leurs quartiers, Turenne à Briare, et d'Hocquincourt à Bléneau. Quatre régiments, sous les ordres de M. de Navailles, se trouvaient entre les deux cantonnés à Ouzouër. Au résultat, Îles deux cerps réunis de l’armée du roi formaient 5,000 hommes de pied et 4,000 chevaux. Le prince de Condé commandait 7,000 hommes de pied et 5,000 chevaux. Aussitôt ses dispositions prises à Briare, Turenne vint visiter d'Hocquincourt à Bléneau. Il y fut informé que des partis, envoyés jusque vers Château-Renard, avaient appris que le prince marchait dans cette direction. Sous l'impression de cette nouvelle, les deux maréchaux visitèrent le camp de Bléneau. Turenne en trouva les quartiers très-éloignés les uns des autres et crut devoir communiquer ectte remarque à d'Hocquincourt, avec lequel il partageait le commandement de l’armée royale. Celui-ci n’en tint aucun compte. La reine, en divisant ainsi l'autorité militaire dans un moment de crise, avait commis une grande faute. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 69 A peine rentré à Briare, Turenne y reçut, le même jour à 7 heures du soir, l'avis que Condé marchait sur Bléneau. D'Hocquincourt avait placé ses dragons à Rogny, avec ordre de défendre le passage du canal de Briare. Il comptait que la résistance qu'ils opposeraient sur ce point lui permettrait sufi- samment de rassembler ses troupes et de Les former en bataille. Mais le 6, à l'approche dela nuit, lorsque Condé se présenta, les dragons, pliant au premier choc, laissèrent à péine au maréchal le temps de réunir sa cavalerie et de marcher à l'ennemi. Trois fois il le charge avec intrépidité, mais ses lignes à la fin rompues, n'ayant point d'infanterie pour les soutenir, sont forcées de toutes parts et dispersées. Presqu'en même temps, les quartiers d'infanterie les plus avancés, qui avaient été établis sur les hauteurs de Bléneau, au lieu dit les Arpents, sont surpris et enlevés. Une partie des troupes s'échappe dans les bois; le reste de l'infanterie se jette dans la ville. En apprenant le danger que courait d'Hocquincourt, Turenne avait donné l’ordre à toute sa eavalerie de se réunir entre Ouzouër et Bléneau, et il se dirigea lui-même vers le lieu indiqué à la tête de son infanterie. Arrivé sur les hauteurs d’Ouzouër, il vit plusieurs quartiers du maréchal d'Hocquincourt en feu, et, quoiqu'il n’eût alors avec lui que 2,000 hommes d'infanterie et deux régiments de cavalerie, il précipita sa marche sans guide, au milieu de la nuit et contre l'avis de tous ses ofliciers généraux, dans l'espoir de rencontrer sa cavalerie en chemin. Jamais, dit-il depuis, à ne s’est présenté tant de choses affreuses à l'imagination d'un homme qu'il s'en présenta alors à la mienne. Toutefois, au milieu des pensées qui l’agitaient, une seule dominait toutes les autres : sa cavalerie pourrait-elle le rejoindre à temps? 70 HISTOIRE DE LA VILLE Arrivé au milieu des Gdtines, il se décida à l’y attendre, car on devait être près de l'ennemi, et il pouvait être également dangereux d'avancer ou de reculer. Enfin sa cavalerie parut avec les premiers rayons du soleil et alors il put compter 4,000 hommes de toutes armes. Quoique Condé en eut plus de 12,000, il n'hésita plus à s’avancer à sa rencontre. Cependant, après un quart d'heure de marche, il se trouve tout à coup dans une sorte de défilé formé par un étang sur la gauche et un bois sur la droite. Les dispositions da grand capitaine sont aussitôt prises. Il laisse le bois dégarni et se forme en bataille au-delà, hors de la portée de mousquet de l'infanterie ennemie qui pourait s’y jeter. Le prince, arrivant presqu'aussitôt, ordonne, en effet, à son infanterie d'enlever le bois. Mais, surpris de n’y rencontrer aucune résistance, il s’arrête un instant indécis. Turenne alors, simulant une retraite précipitée, Condé engage sa cavalerie dans le défilé et 20 escadrons sont sur le point de le franchir quand Turenne, revenant brusquement sur ses pas, les charge avec impétuosité et les pousse avec tant de vigueur qu'ils jettent le trouble et la confusion dans le reste de la cavalerie. L'infanterie en même temps essaie en vain de se mettre en bataille dans un espace insuflisant, et augmente ainsi le désordre. En ce moment, l'artillerie de Turenne s’avance et fait sur les ennemis, selon l'expression du due d’Yorck, une terrible exécution. Cependant la canonnade dura tout le jour et l’arrivée du maréchal d'Hocquincourt, avec sa cavalerie qu'il avait ralliée, détermina la retraite de Condé. Le prince gagna Châtillon-sur-Loing et Montargis, Turenne, Briare et Gien. Le succès de cette journée fut immense, puisqu'il empêcha le roi et toute la cour d’être enlevés; mais ce fut le ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 71 véritable coup de canon qui tua le mari de Mademoiselle, car son mariage avec le jeune roi fut devenu une nécessité politique si la tentative de Condé avait réussi. Les deux armées se retrouvèrent bientôt aux prises sous les murs de Paris. Battu devant Etampes et jeté dans le faubourg Saint-Antoine, Condé y luttait avec courage, mais sa petite troupe serrée entre l’armée royale et les murailles s’éclaircissait; « les soldats de Turenne filaient par les rues, à droite et à « gauche, et allaient l’envelopper; lecarnage était effroyable (1): » J'ai perdu tous mes amis, s’écrie Condé, il ne me reste plus qu'à mourir! Mais, Ô secours inespéré! la porte s’est ouverte à la voix du due d'Orléans, et Condé, après une dernière charge, se précipite dans la ville. Les troupes royales se jettent à sa poursuite, elles atteignent son arrière-garde et vont l'écraser, « soudain une décharge d'artillerie, presqu'à bout portant, « jette le désordre dans l’armée royale: c’est le canon de la « Bastille, c’est Mademoiselle qui vient d'y mettre le feu. « Le dernier soldat de Condé est rentré dans la ville, les portes se referment ; le canon de la Bastille redouble, et Turenne, qui se voit arracher son ennemi vaincu, se met lentement en retraite sur Saint-Denis (2). » Deux jours plus tard, nous voyons encore Mademoiselle, intré- pide et généreuse, se jeter au milieu d’une populace effrénée et arracher de ses mains les bourgeois qu'on égorge ; mais la fièvre est passée et l'héroïne, descendue au rang de femme, n'aura plus que les faiblesses de son sexe sans en avoir ni la grâce ni les qualités attachantes. Enfin le parti de la Fronde va se dissoudre, l'autorité royale triompher et Mademoiselle, se reti- = À À (1) Lavallée, histoire des Français. (2) Idem. 12 HISTOIRE DE LA VILLE rant à regret dans ses terres, portera avec elle, à Saint-Fargeau, une vie toute nouvelle d'animation et de prospérité. $ II. Obligée de quitter la cour, Mademoiselle était libre de choisir le lieu de sa retraite. Elle donna la préférence à Saint-Fargeau, sans le connaître autrement que par sa position sur la earte et par son isolement de toutes les agitations politiques. Made- moiselle avait, du reste, raisonné son choix et elle s'était décidée à se retirer dans sa maison de Saint-Fargeau parce que, dit-elle, € J'en avais observé la situation avec soin, que j'avais reconnu « qu'elle était proche de tout, qu’elle n’était qu’à trois journées « de Paris, pour en avoir des nouvelles, et à pareille distance de « Blois, et qu'en cela je sauverais les apparences de ce côté. Je € savais assez dès ce temps-là à quoi m'en tenir, et qu’en quatre € jours, tout au plus, on allaitet venait de Saint-Fargeau à € Stenay, qui est un lieu ou apparemment M. le Prince passe- « rait l'hiver; qu'ainsi j'étais proche du monde, de mes amis et « de ceux qui devaient l'être et cependant dansun grand désert, « et, parce que Saint-Fargeau était un lieu peu connu, que Pon « croirait que je serais dans une autre maison. » Elle partit donc secrètement, après avoir informé le prince de Condé seul du parti qu'elle venait de prendre, et elle partit avec d'autant plus de confiance qu’elle avait agi avec plus de pru- dence et de circonspection. Mais, Ô sagesse humaine, que tu es folle dans ton orgueil ! Mademoiselle était en route pour Saint- Fargeau quand une missive royale, gracieuse dans la forme, mais poignante d’ironie, suivit ses traces et trouva le moyen d'arriver usqu’à elle : le roi approuvait la résolution qu'elle avait prise de choisir Saint-Fargeau pour sa demeure ; il disait combien ce ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 73 choix lui était agréable et lui donnait l'assurance qu’elle pouvait y rester en toute sûreté. Les extrêmes se touchent et se heurtent. Dès cet instant, Mademoiselle est saisie de panique. Tous les bruits l’épouvantent, toutes les figures lui semblent sinistres, tous les gens d’armes lui paraissent hostiles. Elle n’a plus que deux choses devant les yeux :la Bastille qu’elle craint, Saint-Fargeau qu'elle désire. On aperçoit enfin les tours du vieux manoir. Les chevaux, épuisés d'une traite de vingt lieues, frémissent sous l’éperon et arrivent, couverts d’écume, à la tête du pont-levis. On est au mois de novembre ; il est six heures du soir. Le pont-levis est rompu, il faut mettre pied à terre et franchir la passerelle. Dans la cour, les ronces et les orties se disputent l’espace; les portes et les fenêtres tombent en débris. Au dehors, les bois ont tout envahi ; ils sont descendus dans les fossés et menacent d’escalader les murailles. En dedans, la chambre d'honneur, triste et silencieuse, est du moins à peu près close, mais un ignoble poteau soutient le plafond prêt à s'effondrer. C'était partout des ruines; partout le silence du tombeau. C'était trop aussi de contraste et de déception ! Mademoiselle se prit à pleurer.…, puis, rappelant à elle toute son énergie, elle donna l'ordre qu'on lui trouvät, pour la nuit même, un autre gite. Bientôt on put lui indiquer le château de Dannery, et aus- sitôt, accompagnée seulement de deux de ses officiers et de la comtesse de Frontenac, une de ses dames d'honneur, elle était sur le chemin de Septfonts. Elle arriva à Dannery à trois heures du matin (1). (1) Le château de Dannery n’a rien de monumental, Il est situé sur 74 HISTOIRE DE LA VILLE Il était temps, pour le corps et pour l'âme, de prendre un peu derepos, mais la journée avait été trop fatigante et trop pleine d'émotions pour que la nuit ne fût pas agitée. Mademoiselle avait fait coucher dans sa chambre madame de Frontenac, sa maréchale de camp, comme on l’appelait du temps de la Fronde, mais générale et lieutenante n'étaient à Dannery guères plus braves l’une que l’autre. Elles dormaient toutes deux cependant, quand soudain Mademoiselle s’éveilla effrayée : elle à entendu tirer les rideaux de son lit. La comtesse s’impression- pant, par degrés, au récit de cet événement mystérieux, se per- suade à son tour qu'elle a entendu le même bruit. Cependant les rideaux ne sont ni plus ni moins ouverts qu'au moment du cou- cher; les portes et les fenêtres sont bien exactement fermées, et le vent du dehors n’a pu pénétrer dans la chambre par aucune issue. C’est quelque chose pourtant et quelque chose d’extraordinaire | L’héroïne d'Orléans et de la Bastille avait appris quelques jours auparavant la mort de son frère de lait, tué sur le champ de bataille ; elle pensa que c'était lui qui était venu lui dire adieu et sans doute lui demander des prières. Elle s’'empressa de lui faire dire des messes et tacha d'oublier cette visite un peu cavalière. Le lendemain, un des ofliciers de Mademoiselle, La Guéri- nière, se rendit à Saint-Fargeau. Il visita, en homme de guerre et en serv:teur intelligent, le château dans tous ses détails et s'empressa de venir donner à Mademoiselle l'assurance que sa maison était bonne et forte et qu'on ne pouvait y être surpris, parce que, forcé par une porte, on pouvait s'évader par l'autre. le territoire de Seplfonds et appartenait alors à Nicolas Davau que Ma- demoiselle, en souvenir sans doute de l'hospitalité qu’elle reçut chez lui, nomma contrôleur de sa maison. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 75 Ces renseignements la tranquillisèrent un peu; cependant elle hésitait à quitter Dannery parce que, disait-elle, je nem'ennuyais pas en cette petite maison; j'y trouvais des livres, je me pro- menais, je me couchais de bonne heure et je me levais tard. Et puis, le souvenir de Saint-Fargeau, lieu si sauvage, dit- elle, que l'on n'y trouvait pas des herbes à mettre au pot, était trop récent encore; il fallait se hasarder d’abord à revoir le château, à le parcourir, à user une à une les fâcheuses impres- sions qu'il avait causées et arriver à y substituer une confiance stratégique et un plan de restauration. Ce fut l'affaire de deux jours et Mademoiselle vint s'installer non pas, cette fois, dans la chambre au poteau, mais dans un appartement qu’elle trouva plus propre, plus commode, et qu'avait oecupé naguères le due de Bellegarde. Ce n’était pas tout, il fallait un lit, car Mademoi- selle n'avait pas encore reçu le sien. Heureusement le bailli du duché venait de se marier. Il avait un lit neuf qu'il s'empressa de mettre à la disposition de Mademoiselle. Les jeunes époux en avaient à peine repris possession quand ils furent obligés de le céder de nouveau à mesdames de Sully et de Laval, qu’il fut im- possible de loger au château. Mademoiselle voulut enfin pourvoir à tous les besoins. Elle fit réparer et meubler ses appartements, et pendant ce temps, elle se retira sous les combles. Des ouvriers ouvrirent et taillèrent en plein bois, sur les glacis, une allée en forme de terrasse. Quelques autres appartements furent également mis en état, tant bien que mal, et bientôt on put se dire définitivement installés. S'il n'était pas facile de trouver à Saint-Fargeau les commo- dités de la vie princière, il était plus difficile encore de s'y pro- curer des jouissances intellectuelles et des plaisirs. C’est à quoi cependant voulut pourvoir Mademoiselle, Dans ee but elle s’im- 76 HISTOIRE DE LA VILLE provisa auteur et travailla, de concert avee madame de Frontenae, à divers essais politico-littéraires. Mademoiselle débuta par la vie de madame de Fouquerolle, la comtesse par une lettre du royaume de la lune, titre piquant qui mit en verve les deux auteurs. Mademoiselle écrivit aussi de son royaume de la lune, le seul qu’elle posséda jamais, et parsema sa prose des vers de madame de Frontenac, de telle sorte que toutes deux furentcon- tentes l’une de l’autre et d’elles-mêmes. Quel bonheur alors si ces pages avaient pu tout à coup se multiplier, franchir l'espace, et aller tomber au milieu de la cour ! Et pourquoi pas ? Désir de femme est un feu qui devore..……. Et rien n’est impossible quand on a plus que l'honneur d’être prince, c’est-à-dire le bonheur d'être riche. On séduisit donc l’imprimeur d'Auxerre qui dédoubla son modeste matériel et vint secrètement avec lui se mettre aux ordres de Mademoiselle dans le réduit le plus ignoré du château. Bientôt vers et prose s’alignent rapidement, prennent du corps et se mettent en pages sous les yeux attentifs, inquiets et émerveillés de la princesse dont le cœur ressent alors toutes les émotions d'une jeune mère qui perçoit avec amour le premier signe de vie de l'enfant qui n'existe encore que pour elle. En même temps les visites se multiplièrent et Mademoiselle commença à former autour d'elle les éléments d’une petite cour que nous verrons chaque jour s’accroitre et s’embellir. Dès ce moment on convertit en théâtre une des galeries et l’on fit venir des comédiens, puis, quand le carême obligea de les congédier, on joua au volant jusqu'à quatre heures par Jour. Ces plaisirs, on le concoit, n’étaient pas de nature à faire ou- blier la politique et ses espérances, ni la Bastille et ses frayeurs. Un échange fréquent de lettres et d’émissaires avait lieu entre ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 77 Mademoiselle et le prince de Condé, et chaque jour un oflicier du régiment d'infanterie d'Orléans venait à l’ordre au château de Saint-Fargeau. Mademoiselle y était depuis peu de temps quand elle conçut le projet d'en faire reconstruire les parties principales. En attendant et dans l'espoir peut-être de ne le réaliser jamais, Mademoiselle dépensa la surabondance de son activité à former une galerie de portraits de famille, heureuse à chaque nouvel envoi, gémissant à chaque place vide et se consolant par la pensée qu'elle avait assez de cousins germains pour les remplir toutes. Un billard enfin, placé dans cette galerie, vint offrir aux hôtes du château un nouveau genre de distraction. Mademoiselle était au milieu de toutes ces occupations, plus ou moins graves, quand la mort surprit la comtesse de Fiesque, sa gouvernante. Cette femme, détestée vivante, ne put être supportée morte; aussi vit-on Made- moiselle s'enfuir précipitamment cherchant, cette fois, un refuge à Raully (1) pour donner le temps d'ouvrir le corps, l'emporter et donner de l'air à la chambre. D'ailleurs, ajoutait-elle, 7e crains la senteur des morts dans une maison. Elle aurait pu dire aussi peut-être qu'elle craignait les revenants à Dannery, mais respectons un auguste secret et voyons à Ratilly comment on pourra passer cinq ou six Jours dans ce désert. Tei Mademoiselle, à qui il fallait avant tout du nouveau et de l'extraordinaire, s’éprit d’une passion subite. non pour quelque noble seigneur, car elle avait foujours eu, suivant son expression, grande aver sion pour l'amour, même pour celui qui allait au légitime, tant cette passion lui paraissait indigne d'une äme (1) Ancien manoir dépendant de la paroisse de Treigny et de la Ba- ronnie de Perreuse, qui appartenait alors à Louis Menou, chevalier, gouverneur du duché de St.-Fargeau, et à Jeanne Du Puits, sa femme. 78 HISTOIRE DE LA VILLE bien faite, mais d’une passion des plus vives pour la chasse. Dès lors, elle ne rêva plus que chiens et chevaux ; elle en envoya chercher en Angleterre et bientôt le reste de la campagne de 1653 se passa dans les grands bois de Puisaie à la fumée de la poudre, au son du cor, au milieu des abois des chiens et des cris des piqueurs. En hiver seulement, et pendant deux mois à peine, on eut des comédiens à Saint-Fargeau. L'année suivante fut employée plus utilement. Mademoiselle ne renonce pas encore à la chasse, il est vrai, mais on sent que la passion s’en va. Elle songe à bâtir, et l’architecte Levau est mandé dans cette intention. C’est d'après les plans et sous la direction de cet artiste, qui construisit Vaux, le Rainei, les hôtels Lambert, Lionne et Colbert, que le château de Saint- Fargeau se releva de ses ruines ; c’est sur ces dessins que fut créé le premier pare qu'eut cette résidence prineière. Toutes les constructions qui la composent existent encore aujourd'hui. Une partie, antérieure au temps de Mademoiselle, a été conservé par Levau ; une partie a été ajoutée à son œuvre. Nous tâcherons, en les appréeiant séparément et dans leur en- semble, de faire la part de chacun avec la justice qu'il mérite. Quant au parc, dont nous reproduisons iei le plan, nous nous efforcerons de le juger aussi sans prévention, en restituant par l'imagination ses ombrages et ses perspectives, et en oubliant, s'il se peut, le pare actuel qu'on ne peut voir une fois sans un sentiment d’admiration, qu'on ne peut voir souvent sans désirer le voir encore. A distance, le château de Saint-Fargeau, avee ses tours jetées çà et là sans symétrie, et ses clochetons à jour, a quelque chose sinon d’oriental, au moins de capricieux qui plaît comme une surprise et qui fixe involontairement la pensée. Cette première impression dure plus ou moins, une demi heure pour le touriste ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 79 qui voyage modestement à pied, quelques minutes pour le voya- geur qu'entraine le trot d'un cheval. A l'entrée de la ville, les tours ont presque disparu dans les fossés, et leurs combles tronqués, sur lesquels sont entés pour ainsi dire des clochetons dont les pilastres sont amaigris et les dômes arrondis avec effort, n'ont plus rien ni de gracieux ni d'original ; mais le château prend en revanche un aspect sévère qu'il n'avait pas d’abord ct une physionomie sombre et féodale qui contraste fortement avec les constructions modernes de la ville et les absorhe en quelque sorte. Avançons : le portail resserré entre deux tours appelle aussitôt l'attention de l'archéologue. Il ne se demandera pas pourquoi la porte n’en occupe pas régulièrement le milieu ; deux rainures servant à la manœuvre du pont-levis et une troisième placée au-dessus de la poterne des piétons pour lever et abaisser la planchette, expliquent assez cette position excentrale. Mais il embrassera d’un seul coup d’œil le cintre surbaissé de la porte principale, l’agive à accolade qui couronne la porte de la passe- relle, l'ogive en application qui ornemente la façade avec ses pilastres à nervures prismatiques, ses moulures flamboyantes, ses pinacles et ses choux déchiquetés, et il saura qu'il est en face du xvre siècle ou de la fin du xv°. On pénètre dans la cour intérieure par un portique étroit et sombre du même âge que les tours et ie portail. La paroi de gauche est percée de deux meurtrières et un assommoir s'ouvre au centre de la voûte. Arrivé à l'extrémité du portique, la pre- mière vue est favorable à l'agencement des lignes qui constituent l'œuvre de Levau. Elle consiste en quatre facades. La première, à gauche, est sans fronton et sert de revêtement aux constructions conservées du xvi° siècle. La seconde fait un léger retour et se termine en fronton. On sent cependant qu’elle a quelque chose d'insolite dont il n’est pas facile d'abord de se rendre compte ; 80 HISTOIRE DE LA VILLE mais on remarque bientôt qu'un pilastre au lieu d’une fenêtre en oceupe le centre. Cette facade s’unit à la troisième par le portique à trois ar- cades de la chapelle que 21 marches élèvent au-desus du rez-de- chaussée, et dont la saillie est d’un tiers de cercle. La troisième façade, également à fronton, fait aussi un léger retour et dans son ensemble ne laisse rien à désirer. La quatrième est occupée par l'escalier d'honneur et l'entrée du pare. L'étage de soubassement est percé d’une série de portes à plates bandes carrées. Le premier étage est éclairé par des fenêtres cintrées ouvertes dans une série d’arcades simulées, à plein cintre, séparées par des pilastres toscans, et que continuent les arcades de la cha- pelle. Ces fenêtres sont garnies de balustrades, toutes aussi d'ordre Loscan. Les fenêtres d'amortissement ou du second étage sont petites, presque carrées et sans grâce. Leurs trumeaux sont ornés alter- nativement d'écussons sculptés en losange aux armes de France, avec des palmes pour supports, et du chiffre, en grand relief, A. M. L. O. C’est partout le nom et les armes du maître; il n’y manque que ces mots pour devise : Vitam impendere siba. Les combles en mansardes sont couverts en ardoises. L'espace étant limité d'avance par les fondations, les tours et quelques-uns des murs extérieurs qu’on voulait conserver (4), et les façades se trouvant ainsi forcément d’inégale longueur, on ne saurait reprocher à l'architecte d’avoir méconnu les règles de (1) Les dispositions intérieures du château ont disparu par suite de l'incendie qui eut lieu en 1752 et ne laissa guères intacts que les murs. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 81 son art en plaçant un pilastre au centre de l’une des ailes, mais on ne saurait excuser le peu d’élévation qu'il a donné à la cha- pelle dont le dôme semble aspirer à grandir pour respirer au- dessus des combles qui l’écrasent. Quant à la grande façade bourgeoise qui s'étend de l’est à l’ouest sur toute la longueur de la cour, nous en laissons la res- ponsabilité à Michel-Robert Lepeletier qui l'a fait construire vers 4730. Elle choque la vue, brise l'harmonie des lignes et oppresse l'âme en donnant au château l'aspect d’une prison. Son seul mérite, pour l'historien, est de p:ouver combien, dans l’es- pace de moins d’un siècle, était devenu impérieux le besoin d'appartements plus vastes, plus nombreux, plus confortables. Ce qui suflisait à une princesse et à sa cour ne suflit plus à la maison d’un intendant des finances. Au lieu de franchir maintenant le grand vestibule et le pont- levis qui donnaient accès sur les dépendances du château, mon- tons au premier étage de l’aile principale dont le soleil levant vient éclairer la façade extérieure et Jetons rétroactivement un coup d’œil sur le pare de Levau. Après être tombée sur une terrasse placée immédiatement au- delà du fossé d'enceinte et qui se termine par deux ronds points, la vue s'étend sur une immense pièce d’eau et va se perdre, à travers les bois et les prairies, sur les coteaux accidentés que la nature à jetés avec tant de grâce sur la rive droite du Bourdon. La largeur de cette pièce d’eau n’est point égale à ses deux extrémités ; elle s'accroît insensiblement dans l'espace de ma- nière à détruire l’eflet naturel de la perspective et à rester égale dans toute la longueur. C’est la passion de la ligne droite poussée jusqu'au délire. À gauche est le cours du ruisseau dont l’eau scintille à tra- vers le feuillage des vernes, des saules et des peupliers. A droite 6 82 HISTOIRE DE LA VILLE un coteau, mollement incliné, avec ses pelouses et ses massifs à angles aigus étend ses ondulations jusqu'à une vaste étendue de futaie dontles nombreuses allées en lignes droite s’entrecoupent en forme de labyrinthe. De la tour enfin qui termine cette aile, on apercoit au sud-ouest les broderies du parterre et les plantations qui cachent le potager relégué derrière les bâtiments de service. Et maintenant que Mademoiselle a son pare, une partie de son château, sa maison et sa Cour, pénétrons discrètement dans ses salons, et, marchant timidement sur la pointe des pieds, jetons un coup d'œil furtif jusque dans ses appartements ; évoquons les ombres de cette fière et intelligente aristocratie et essayons de repeupler le château de cette société polie et galante, qu’exalte la gloire militaire ; de cette société légère et frivole qu'enthou- siasme l’amour de la littérature et dés beaux-arts. Les visites se succèdent indéfiniment ; c’est un va-et-vient continuel d’arrivées et de départs, un cercle qui se modifie chaque jour sans changer, comme une roue qui tourne sur son axe. Cette femme qui captive les plus gracieux sourires de Made- moiselle, quis’en est presque fait aimer, et que viennent saluer le comte de Fiesque, homme d’un bon cœur et d’un bel esprit, le marquis de Gamache et le due de Candale, un des plus beaux hommes de cette époque, est madame de Sévigné, qu'on appelle alors Sévigny. La jeune et belle marquise, à qui Montreuil adressa ce madrigal : Sévigny, vos yeux pleins d'attraits Eblouissent les nôtres, Et quand l'amour n'a plus de traits, Il'emprunte les vôtres, plait autant par la douceur de son caractère que par ses grâces ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 83 et sa beauté. Sa conversation attire et charme tout le monde ; elle à tant d'esprit qu’elle en donne en quelque sorte à ceux qui n’en ont pas. Ici, ce groupe autour duquel papillonnent Vantelet, les che- valiers de Charny, de Brigneuil, de Bethune et le jeune D'Arrêts de la Tour à peine âgé de 16 ans, est formé de mademoiselle de Pienne, bientôt marquise de Guerchy, qui joue comme par enfan- tillage avec l'amour de cet adolescent, mesdemoiselles d'Har- court, mademoiselle d'Aumale, et mademoiselle de Vaudy, la spirituelle conteuse; aussi la conversation animée et rieuse est- elle bien près de devenir bruyante. Là, ce sont la duchesse de Châtillon, qui a plus de beauté que d'esprit et que le beau duc de Nemours, devenu son amant, céda un jour au prince de Condé; la comtesse de Thianges, la femme la plus excentrique du monde, qui suppléait Mademoiselle comme marraine à Saint-Fargeau quand celle-ci ne pouvait l'être elle-même et qui, quoique très-belle, a désarmé la médisance ; la comtesse de Maure, l'adorable marquise de Monglat, Dont la voix s’égalait aux doux chants des sirènes (1) ; brune piquante, au nez retroussé, aux traits fins et délicats, dont le cou, les bras et les mains étaient dignes de servir de modèles à la statuaire; enjouée, folàtre, étourdie, à l'esprit vif, pénétrant, plein de sel, à qui son amant Bussy ne reprochait que d’avoir un mari trop commode. Il lui manquait le piquant de la jalousie et s’écriait : Et si tu n'es jaloux pour ton propre intérêt Sois-le du moins, s’il te plait, Pour augmenter dans mon âme L'amour que j'ai pour ta femme. (1) Segrais. 84 HISTOIRE DE LA VILLE Ce sont : madame de Frontenac dont s'éprend M. de Matha ; mademoiselle Desmarais dont les amours avec M. de Béthune commencent dans les jardins de Saint-Fargeau par une sérénade et finissent ailleurs par un enlèvement ; mademoiselle de Vertus Dont toutes les vertus ont le grand cœur orné À qui, jusqu'à leur nom, elles ont tout donne (2) ; puis la comtesse de Fiesque qui ne trouvait rien d’égal à l'amour pour former l'esprit d’une jeune fille; etenfin toute l'aristocratie des environs parmi laquelle Mademoiselle distingue tout parti- culièrement madame de Courtenay-Chevillon. Mais un signe de Mademoiselle met tout ce monde en mouve- ment; on s’empresse à se ranger en cercle autour d'elle et debout par derrière les gentilshommes se sont accrus d’un nouveau personnage : c'est Segrais, le secrétaire des commandements, le gentilhomme ordinaire, le ministre, le poète de Mademoiselle. Segrais à la gracieuse figure, à l'air heureux, à la physionomie ouverte et fine, à la veine poétique, douce, fluide, facile, amou- reuse, a recu des nouvelles de la cour; il vient les conter avec esprit et finesse et en relever avec originalité les détails que demain il rédigera sous le titre de Divertissements de la prin- cesse Aurélie. Segrais, ce matin, a mis le nez à la fenêtre de la tour qu’il habite, il a vu le ciel bleu, la plaine viporeuse, les feuilles humides et perlées, les rayons du soleil levant traverser les grands arbres et illuminer une lointaine chaumière, il a rêvé bergers et bergères et il vient dire leurs amours à la petite cour attentive. La journée est chaude aujourd’hui, car l'air est brûlant en Puisaie quand à l'aube la prairie fume et se voile de vapeurs; (1) Segraiïs. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 85 mais demain la nuit aura rafraichi l'atmosphère et le soleil brumeux à son tour aura amorti ses feux. Il fera bon alors dans les bois. Aussi verrons-nous Mademoiselle y faire transporter une splendide collation et, pour égayer la fête, ses six violons ayant pour chef d'orchestre son ex-marmiton le petit Baptiste, qui sera bientôt l’auteur d’Armide, le grand Lully. Mais qu'est-il done arrivé? On parle d’un bal au château, d'un bal où toutes les femmes doivent être charmantes, tous les hommes aimables et spirituels, où tout le monde doit s’enivrer de bonheur, d’un bal enfin pour ce soir même. Ce soir, ça n’est pas possible, à la mi-juillet? Et qu'importe, puisqu'il faut se réjouir, et que demain il ne sera plus temps. De quoi enfin se réjouir et quel bonheur imprévu? Chut !... Condé a forcé l'armée royale à lever le siége de Valenciennes. Il faudra s’attris- ter demain officiellement; aujourd’hui on tait la bonne nouvelle et voilà pourquoi on danse. Le bon tour ! comprenez-vous ? Deux scènes encore et l’on verra que l'exil n’est point trop triste et la vie point trop austère à Saiat-Fargeau. Mademoiselle a acheté pour le chevalier de Charny, son frère naturel, une compagnie dans le régiment d'infanterie de la couronne; le jeune capitaine fête ses amis et arrose ses épau- lettes. Les têtes s’échauffent, tous les convives parlent, rient et chantent à la fois ; le bruit éveille madame de Thianges qui ne se levant ordinairement que pour diner croit être en retard, s'habille à la hâte et passant devant la chambre ouverte du chevalier, son busque à la main, voit Béthune élevant son verre au-dessus de sa tête et portant la santé de Mademoiselle. Mais un coup de busque, vivement appliqué, fit voler le verre en éclat et répandre le liquide sur une figure si grotesquement interdite qu’un fou rire prend tous les convives et fait trembler le château. Madame de Thianges, du reste, ne s’y fera plus reprendre. 86 HISTOIRE DE LA VILLE Quelque temps après tout le monde est à table; sa place seule est vacante. On dîne, mais tout à coup voici venir la belle ab- sente en simple deshabillé, toute échevelée encore, trainant à sa suite tout ce qu'il y à de valets de pied au château et faisant follement porter la queue de sa robe par quatre pages. Mais 1657 est arrivé, Mademoiselle fit sa paix avec le cardinal ; elle fut présentée à la cour et son exil cessa. $ II. Rentrée à Paris, Mademoiselle s'installa au palais du Luxem- bourg et s’occupa d’y donner des fêtes. Elle revint toutefois, vers Noël, à Saint-Fargeau, visiter les travaux intérieurs du château qui s’achevaient et s'assurer que les bâtiments qu'elle faisait construire pour l'hôpital se trouvaient en état de remplir leur destination. Voyons nous-même quelle est alors la situation de la ville : Le droit de la courte pinte constitue tout son revenu. Il n'excède pas 1,200 livres et c’est avec cette somme qu'il faut pourvoir à l'entretien des ponts, des portes et du pavé, payer le traitement du principal du collége et subvenir à toutes les autres charges communales. La ville a, du reste, 5,000 livres de dettes, sans compter une somme de 30,000 livres, montant estimatif des ré- quisitions imposées aux habitants pendant le séjour de l’armée royale à Bléneau, Saint-Privé et Saint-Martin-des-Champs. Ces réquisitions, qui avaient eu lieu depuis le 4 jusqu'au 17 avril 1652, consistaient notamment en vingt mille rations de pain, en vin, blé et avoine, enfin en dix chevaux pour la con- duite des canons et des poudres. M. Le Maigre, un des échevins, qui avait signé les réquisitions, avait été poursuivi personnelle- ment, mais il put obtenir un arrêt du Conseil, accordant à ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 87 la ville un délai de dix ans pour se libérer, dont elle profite heureusement. Bientôt, Mademoiselle, sans oublier son Saint-Fargeau, qui ayait fini par lui devenir véritablement cher, n’y vint plus que rarement. Cependant, en 4664, Me d'Orléans, sa sœur germaine, ayant été accordée au grand duc de Toscane et se rendant en Italie pour célébrer son mariage, Mademoiselle voulut la recon- duire, et comme la jeune fiancée n’était point pressée de quitter la France, elle désira passer par Saint-Fargeau et y rester quel- ques jours. Monseigneur l'évêque de Béziers, donné pour mentor à l’expédition matrimoniale, consentit volontiers à cet arrange- ment. On arrive donc et sans perdre de temps, voulant jouir sans doute de son reste de liberté, s’étourdir sur quelques agi- tations du cœur ou rêver à loisir, M! d'Orléans monte à cheval à deux heures de l’après-midi, part à travers champs, avec deux femmes de Mademoiselle, un valet de chambre, et les pages du roi, effrayant avec joie les bons paysans qui les prenaient pour des gens de guerre, et s'enfonce dans l'épaisseur des bois. Mais la nuit est venue et personne n’est rentré; une heure, deux heu- res se passent. personne ! Ah! Monseigneur !.... Elle est partie sans doute, se disait-il. Partie! Vous saviez done quelque chose, Monseigneur? La folle troupe arrive cependant et l'in- quiétude cesse au château. C'était le vendredi, on devait partir le dimanche; toutefois, à la condition de ne plus sortir, Mon- seigneur accorda un sursis de quelques jours et le dimanche arriva. La messe sonne, tout le monde s’achemine à l'église, mais quel est ce gentilhomme avec sa suite qui s’y rend de son côté. Ce n’est point un hôte du château; serait-ce un seigneur du voisinage ? M'e d'Orléans ne s’y trompe pas; elle à deviné son cousin, le prince Charles de Lorraine, et si ses prières mon- tèrent jusqu’à Dieu, ce jour-là, ce fut hélas ! bien mélées de sou- 88 HISTOIRE DE LA VILLE pirs et de pensées profanes. Le prince fut reçu au château; le soir, se firent les derniers adieux, et la princesse employa toute la nuit à pleurer pour purifier son cœur par ses larmes et le porter au grand due, car elle avait compris que Monseigneur de Béziers donnerait, dès le lendemain, le signal du départ. Pénétrons, nous, dans l’église et voyons ce qu’elle était à cette époque. Cette église est un mélange un peu confus du xm° et du xv° siècle. Jlreste de la première date notamment le portail, les nefs et la tour. Les chapelles ajoutées à la nef sud et le chœur tout entier sont du xv° siècle, ainsi que les verrières, mais le clocher, élevé en flèche octogone jusqu’à trente mètres de hau- teur (1), appartient au xvi°. Au temps de Mademoiselle, en entrant par la grande nef, on voyait au pied du premier pilier de droite un bénitier en fer de fonte, et des orgues au-dessus de la première areade de gauche. Au deuxième pilier de droite était adossé l'autel sainte Mar- guerite et à gauche l’autel saint Edme. Au troisième pilier de droite se trouvait l'autel saint Fiacre et la statue équestre d'Antoine de Chabannes; à gauche l’autel saint Michel et la chaire. Au quatrième pilier de droite, était l’autel saint Blaise dont le retable fleurdelisé était couronné par un dais aux armes de Chabannes. Ce retable représentait sur le plan central saint Jean, et de (1) Cette flèche ayant depuis longtemps perdu son applomb et mena- çant ruine, un jeune architecte, M. Vachey, dont la mort prématurée a été pour beaucoup et pour nous particulièrement regrettable, en- treprit de la redresser en la soulevant par la base et y parvint heureu- sement en 1852. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 89 chaque côté saint Claude et saint Blaise, celui-ci mitré, mais du reste entièrement nu. L'autel saint Louis était adossé au pi- lier de gauche. Comme aujourd'hui le collatéral sud avait seul des chapelles. La plus rapprochée du portail était consacrée à sainte Marthe. Elle a été bâtie et fondée, à la fin du xv° siècle, par Simon Gui- lois, licencié en chacun droit, grand archidiacre d'Avignon et doyen curé de l’église collégiale de Monseigneur Saint- Fergeau. Le tombeau était celui du fondateur. Cette chapelle servait dn reste à la tenue du chapitre. Plus rapprochée de la tour, la chapelle seigneuriale était peinte aux armes de Chabannes; elle avait un caveau sépulcral et une porte de communication avec le doyenné. Venait enfin la chapelle absidale d’un assez bon style. Quant au chœur, il était séparé de la nef par un jubé auquel on arrivait par un étroit escalier en passant devant le chapitre. Du côté de l'Evangile se trouvait la place de Mademoiselle. Le maitre-autel, accosté de quatre piliers de cuivre supportant cha- cun un ange, était assez avancé pour que la sacristie, extrême- ment exiguë, fût placée par derrière. Deux portes y donnaient accès et deux anges en couronnaient l’entablement. Mademoiselle resta, de ce voyage, un mois tout entier à Saint- Fargeau et ce fut alors qu'elle songea à transmettre définitive- ment à son frère naturel la terre de Charny dont elle lui avait fait prendre le nom. En conséquence, elle obtint, au mois de juin 4661, des lettres patentes portant distraction de cette terre du duché de Saint-Fargeau, mais le Parlement refusa de les enregistrer et ce ne fut qu’en exécution de lettres patentes de jussion du 24 avril 1663 que l'enregistrement eut lieu le 44 mai suivant. Ainsi doté, le chevalier de Charny prit le titre de comte. 90 HISTOIRE DE LA VILLE Louis, bätard d'Orléans, fils de Gaston et de Louise Roger, est né à Tours en 1638. Abandonné de son père, Mademoiselle l'avait fait élever pour la carrière des armes qu’il suivit avec distinction. D'abord gouverneur d'Oran, il s'établit en Espagne et y prit du service dans la guerre contre le Portugal (1). En ce moment, Mademoiselle avait manqué une nouvelle série de pro- jets de mariage et Louis XIV, pour satisfaire aux besoins de sa politique, voulait, à la fin de 1662, lui faire épouser Alphonse- Henri VI, roi de Portugal. Mais elle opposait aux volontés de Ja cour un refus énergique de s'unir, elle, la grande Mademoiselle, à ce prince stupide, et cette fois elle avait raison. Elle fait plus, elle provoque toutes sortes de plaisanteries contre lui et écrit au comte de Charny pour lui exprimer la joie qu’elle éprouverait s’il pouvait battre d'importance le roi Alphonse. Mais cette lettre est interceptée et Mademoiselle recoit l'ordre de se retirer une seconde fois dans sa terre de Saint-Fargeau, où elle arrive pour les fêtes de la Toussaint. Mais cette surabondance de vie, d’ac- tivité et de Jeunesse que nous l'avons vu apporter dans son exil de 1652, n'existe plus : {{ me fallut bien, dit-elle, me résoudre de passer ma vie dans la solitude qu'on m'avait prescrite ; J'y demeurai le plus tranquillement qu'il me fût possible et je me fis des occupations innocentes. Elle fit même une œuvre utile en faisant dessécher l’étang destiné à la défense du chà- teau, et si elle gagna à cette opération une maladie, elle put heureusement exploiter cette circonstance au profit de sa liberté et obtenir d'échanger la résidence de Saint-Fargeau contre celle (1) Le comte de Charny re fut jamais reconnu par son père, et c’est pour cela sans doute qu'il quitta l’armée française. Il se signala de reste dans la guerre contre le Portugal, devint général des armées de la côte de Grenade en 1684 et mourut en 1692. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. M d'Eu qu’elle avait en vain primitivement sollicitée. Rappelée enfin à la cour, Mademoiselle parut, quelques années après, re- noncer aux rêves ambitieux du passé. Elle ayait quarante-trois ans. L'âge d’une douce inclination et d’un tendre sentiment était passé ; l’âge de la raison était venu, et la raison semblait lui commander de vivre dans le célibat, de céder sans contrainte à ses goûts de munificence généreuse et d'occuper dignement à la cour la seconde place où l’appelait sa naissance. Persuadés qu’il en serait ainsi, les membres de sa famille, comme de vul- gaires collatéraux, convoitèrent les dépouilles de la vieille fille, et se plaisant à grossir par un secret espoir chacun sa part au partage, trahirent dans leur contenance lajoie d’une douce expecta- tive. Le roi, dans son esprit, prenait Ja part du lion; c'était pour le dauphin; Monsieur s'adjugeait les meilleurs domaines pour ses filles; le prince de Condé les gardait pour ses fils. Attristée de cette position, et résolue de s’en délivrer, Mademoiselle mani- festa hautement son intention de chercher dans le mariage, pen- dant qu'il était temps encore, des héritiers directs et son bonheur personnel. N’avait-elle point, au fond du cœur, quelque pensée préconcue Contre laquelle avait lutté jusque-là sa raison ou l'empire des convenances ? Quoiqu'il en soit, les prétendants ne se firent pas attendre. Le beau comte de Saint-Paul, secondé par tout ce que Mademoiselle avait d'anciens amis, et Monsieur frère du roi, aussitôt qu'il fut veuf, se placèrent au premier rang. Sur qui va tomber enfin le choix de la princesse. On en était là à la cour quand on y annonce tout à coup, le 15 décem- bre 1670, suivant l'expression de Madame de Sévigné, « la chose & la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, € la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdis- € sante, la plus inouie, la plus singulière, la plus extraordinaire, € la plus incroyable, la plus imprévue.… une chose qui fait erier 92 HISTOIRE DE LA VILLE « miséricorde à tout le monde, une chose qui comble de joie « madame de Rohan et madame d’Hauterive, une chose enfin « qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la « berlue; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut- « être pas faite lundi... M. de Lauzun épouse dimanche au « Louvre... Mademoiselle, la grande Mademoiselle ; Mademoi- « selle, fille de feu Monsieur, Mademoiselle, petite fille de «€ Henri IV ; Mademoiselle d'Eu, Mademoiselle de Dombes, Ma- « demoiselle de Montpensier, Mademoiselle d'Orléans; Made- « moiselle, cousine germaine du roi; Mademoiselle destinée au « trône; Mademoiselle, le seul parti de France qui fût digne de « Monsieur... » Quel concours de circonstances à pu amener une solution qui excite à ce point la surprise et l’étonnement? Disons d'abord ce qu'était M. de Lauzun. Antonin-Nompar de Caumont, né en 1634, était fils de Ga- briel-Nompar de Caumont, comte de Lauzun, et de Charlotte de Caumont de la Force. Cadet de sa famille, il vint à Paris, sous le nom de marquis de Puiguilhem qu'il conserva jusqu'à la mort de son père, protégé par le maréchal de Grammont, son parent. Introduit chez la comtesse de Soissons, nièce du cardinal, où le roi passait tout le temps qu’il pouvait dérober aux affaires, il eut d'excellentes occasions de se produire et de se faire remar- quer. Lauzun était petit, blond, mais bien fait. Il était sans lettres et n'avait aucun des agréments qui attirent l'attention, mais il savait la fixer par la vivacité de son regard, par une physionomie expressive et spirituelle. Envieux, inconstant, toujours brave, quelque fois dévoué; né avec le génie du courtisan et de l’ambi- tieux, connaissant admirablement le monde et les femmes, il avait l’art infini de déprécier les autres, de se faire valoir, de ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 93 jouer toutes les vertus nécessaires au succès de ses entreprises et de persuader qu'il les avait au plus haut degré. Il vécut comme un autre rêve et su-tirer de sa destinée, bonne ou mau- vaise, le parti le plus habile et Le plus extraordinaire. Il s'acquit promptement les bonnes grâces du roi, devint son favori et obtint successivement le commandement d’un régiment de dragons, la charge de maréchal de camp, puis celle de colo- nel général des dragons, créée exprès pour lui. Mademoiselle avait assisté au carrousel des Tuileries et n'y avait pas remarqué Puiguilhem, mais le récit de cette fête ayant été imprimé et llustré, comme nous disons aujourd’hui, elle le parcourut et la devise de Lauzun, appendue à une fusée qui montait aux nues : JE VAIS LE PLUS HAUT QU'ON PEUT MONTER, frappa son imagination que charmait toujours l'imprévu et exaltait l'extraordinaire. Depuis cette époque, qui remonte à 1666, Lauzun devint pour elle la personnification d'une idée et comme un ami mystérieux. Et quand nous nous attachons à une idée, que nous aimons à nous en occuper et à y revenir, l'idée n'est bientôt plus à nous, c'est nous qui sommes à l'idée et quelque voilée qu’elle soit pour nous, c'est déjà une passion. Les préférences dont l’honorait Louis XIV justifiaient du reste en quelque sorte ses préférences à elle-même. Le service qu'il faisait à la cour donnant du reste à Mademoiselle l’occasion na- turelle de le voir, de lui parler, de l’observer à loisir, la plaçait constamment sous le charme de ses impressions; car, dès qu'avec sa perspicacité merveilleuse, Lauzun eût deviné l'in- fluence qu'il exercait sur ses pensées, tout en lui, tout autour de lui fut organisé pour servir ses projets. Dans les marches, Lauzun montait le plus beau cheval; c’est lui qui commandait aux plus belles troupes. Dans les campe- 94 HISTOIRE DE LA VILLE ments que visitait la cour, c'était la tente de Lauzun qui était le plus magnifiquement meublée. Dans les conversations, sa parole était mesurée, toujours sage et réfléchie; il déguisait avec le soir d’une noble modestie tout ce qui pouvait lui faire honneur; et l'entourage de Mademoiselle au contraire trouvait toujours à citer quelques-unes de ses belles actions; il était discret et réservé avec les femmes et tout en lui semblait ex- traordinaire sans cesser d’être naturel. Respéctueusement atten- tif près de Mademoiselle, il arrivait toujours à propos pour lui être agréable en quelque chose et le faisait avec autant de grâce que de soumission. Sûr enfin que l'amour s’était consolidé dans le cœur de Mademoiselle, Lauzun évita, autant que possible, de se trouver près d'elle et il rendit les exigences de son service si impérieuses qu'il ne la vit plus que rarement. Alors elle s'en- nuya, elle souffrit de son absence; sa pensée le suivait, son cœur le cherchait partout et ses yeux le retrouvaient toujours avec bonheur. Ne pouvait-elle lui parler, elle était heureuse en- core de l’apercevoir; elle pensait à Jui dans le silence de la soli- tude; elle le comparait avec toutes les préventions de l'amour aux hommes les plus accomplis, le trouvait supérieur à tous, s’applaudissait d’une amitié si chère et réfléchissait à quarante- trois ans, comme on rêve à seize, aux prédestinations sympathi- ques et à l'union mystérieuse des âmes. Dans ces dispositions, elle feuilletait Corneille, y cherchait des analogies avec l'état de son cœur et revenait avec bonheur à ces vers : Quand les ordres du ciel nous ont faits l’un pour lautre, Lise, c’est un amour bientôt fait que le nôtre. Sa main entre les cœurs par un secret pouvoir Sème l'intelligence avant que de se voir. Il prépare si bien l’amant et la maitresse Que leur âme au seul nom s’émeut et s’intéresse, ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 95 On s’estime, on se cherche, on s’aime en un moment; Tout ce qu’on s’entredit persuade aisément, Et, sans s'inquiéter de mille peurs frivoles, La foi semble courir au-devant des paroles; La langue en peu de mots en explique beaucoup, Les yeux plus éloquents font tout voir tout d’un coup, Et de quoi qu’à l’envi tous les deux nous instruisent, Le cœur en entend plus que tous les deux n’en disent. Mademoiselle enfin aima bientôt avec toute l’ardeur d’une pre- mière passion. Ne pouvant plus alors se dissimuler l’état de son cœur, elle appelle à son aide la raison, la vertu, la religion; elle évite avec soin toutes les occasions de voir Lauzun et s’ef- force de concentrer le foyer qu'elle croit éteindre. Vains efforts ! Epuisée d’une lutte où son amour combattait tour à tour l'orgueil de sa naissance, l'opinion publique, les sarcasmes de la cour, la risée de l'Europe, elle se jette dans le sein de Dieu, le prie avee ferveur de lui dicter une règle de conduite, et comme Dieu, sous l'influence d’une violente passion, ne nous inspire guère, hélas! que ce que nous désirons, il lui fit, dit-elle, {a gräce de la de- terminer à ne pas travailler davantage à chasser de son esprit ce qui s'y était établi si fortement et à épouser M. de Lauzun. Mademoiselle aimait trop sincèrement du reste pour douter qu’elle fût aimée ; il lui restait donc seulement à trouver un moyen que pût approuver sa pudeur, d’enhardir M. de Lauzun à se déclarer. Une fois fixée à ce sujet, elle se reprend à chercher les occasions de le voir en particulier, mais celui-ci semble si respectueuse- ment empressé à abréger des entretiens secrets ménagés avec tant de peine et de prudence, que Madémoïiselle, troublée, con-- fuse, né sait comment rompre un douloureux silence. Elle ima- gine enfin de consulter Lauzun sur le mariage qu'on voulait lui faire contracter avec le duc de Lorraine. Lauzun accueille cette 96 HISTOIRE DE LA VILLE ouverture avec les témoignages du dévouement le plus respec- tueux et, protestant de sa sincérité, il exprime l'espoir que le roi ne Contrariera pas à cet égard le vœu de Mademoiselle, mais celle-ci s’empresse de déclarer qu'elle tient plus aux considéra- tions du cœur qu’à celles de la gloire et de la puissance et que son choix ne tombera que sur un homme qu’elle peut aimer. Lauzun approuve ces pensées pleines de sagesse, mais il lui fait des objections qu’elle combat sans peine sur le mariage en lui-même, au moment où elle était si heureuse. Charmée du vif intérêt que Lauzun prenait à son bonheur, Mademoiselle gémissait seulement que le respect le rendit si peu perspicace et mit sa pudeur à de si cruelles épreuves. Dans un autre entretien, elle le prie de vouloir bien la con- seiller sur son choix et promet de suivre ses avis en toute con- fiance, mais Lauzun éprouve tant de difficultés à trouver un homme dont la naissance, la valeur, le mérite, la vertu fussent dignes d’un bonheur si inespéré, qu’il n’ose se prononcer. Oh! alors s’écrie la princesse l'œil animé, les lèvres tremblantes, si le choix seul vous embarrasse, je verrai moi-même à satisfaire à toutes les exigences. Une autre fois, Lauzun lui conseille de renoncer au mariage, et plus tard Mademoiselle lui ayant avoué que son choix était fait, il la prie de ne pas nommer celui qui en était l’objet dans la crainte de lui déplaire peut-être en ne l’approuvant pas. Il ne restait plus que deux mots à dire, c’est vous, mais tremblante d'émotion et d’attendrissement, Mademoiselle essaya dix fois en vain de les articuler. Le lendemain, elle éerit sur un papier ces mots que sa bouche n’avait pu prononcer et que Lauzun, toujours modeste et réservé, n'avait pu comprendre; épie le mo- ment de le lui remettre, le glisse entre ses mains et lui dit qu'elle attend sa réponse. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 97 Ce n’était point assez pour Lauzun, il fallait que la fille des rois, humiliée et confuse, dit ces mots elle-même, et se mettant en quelque sorte à sa merci, ne püt replacer entre eux un voile déchiré par sa pudeur. Il feint l’incrédulité, devient triste, réveur, se montre désolé, jaloux même ; suprême épreuve que Made- moiselle ne peut supporter; et ces mots c’est vous, c’est vous que j'aime tombent enfin de sa bouche. Lauzun alors manifeste sa joie et s’enivre de bonheur; Made- moiselle sollicite et obtient l’assentiment du roi...; mais lais- sons continuer Madame de Sévigné : € Vous en êtes à la joie, aux transports, aux ravissements de « la princesse et de son bienheureux amant. Ce fut donc lundi « que la chose fut déclarée, comme vous avez su. Le mardi se & passa à parler, à s'étonner, à complimenter. Le mercredi, « Mademoiseile fit une donation à M. de Lauzun, avec dessein « de lui donner les titres, les noms et les ornements nécessaires « pour être nommé dans le contrat de mariage qui fut fait le « même jour. Elle lui donna donc, en attendant mieux, quatre « duchés. Le premier, c’est le comté d'Eu, qui est la première « pairie de France et qui donne le premier rang ; le duché de € Montpensier dont il porta hier le nom toute la journée; le « duché de Saint-Fargeau, le duché de Châtellerault ; tout cela € estimé vingt-deux millions. Le contrat fut fait ensuite où il € prit le nom de Montpensier. » Le jeudi, le roi devait signer, comme il l'avait promis, mais sur les huit beures du soir, ayant fait appeler Mademoiselle, la conversation suivante s'engagea entre eux : — Je suis au désespoir d’avoir à vous annoncer une triste nouvelle. On croit dans le monde que je vous sacrifie pour faire la fortune de M. de Lauzun. Je ne puis permettre que ces bruits s’accréditent ; ils me compromettraient dans les pays étrangers. fl 98 HISTOIRE DE LA VILLE Ainsi ne songez plus au mariage projeté. Je conçois que vous vous plaigniez de moi; aussi suis-je prêt à excuser même vos emportements. — Ce projet, sire, m’appartient tout entier; vous n'aurez pas la cruauté d'en empêcher la réalisation. Mon respect pour vous est sans borne; rien ne légale que celui de M. de Lauzun. C’est à vos genoux, sire, que Je sollicite la permission de l’épouser. Il est mon repos, mon salut. Toute ma tendresse, toute ma vie sont à lui. Tuez-moi, sire, ne me l’enlevez pas. Et qui donc cette alliance pourrait-elle blesser puisqu'elle ne saurait blesser ma gloire. Des sœurs, des filles de roi n'ont-elles pas épousé des seigneurs moins nobles, moins dignes que M. de Lauzun ? Les deux filles de Dagobert I ont-elles rougi de donner leur main au comte Herman et au premier forestier de Flandre Lederie. N'a-t-on pas vu Landrale, fille de Charles-Martel, épou- ser Sidromme de Hasbannise; Berthe, fille de Charlemagne, mariée à Angelbert, gouverneur d’Abbeville ; les filles de saint Louis, unies au comte de Champagne et au comte de Flandres ? N'a-t-on pas vu Aline, fille de Charles VIT, devenir la femme de Guillaume de Pontieu ; Isabelle, fille de Philippe-le-Long épouser Guy, comte d’Albon; Catherine, fille de Charles VI, mariée à Owen Tudor ? —C'est sans doute là ce qui vous a le plus touchée dans la vie de ces femmes. C'était piquant, extraordinaire, vous avez voulu les imiter. On me sollicite de m'occuper du soin de ma généalogie. Je n’y entends rien, ma cousine, mais je vous enverrai ces messieurs; vous pourriez au besoin leur donner des leçons (4). (4) Ce dialogue est extrait presque textuellement des mémoires de Mademoiselle. Le mariage, selon son désir, devait avoir lieu à Eu ou à St-Fargeau ; mais Lauzun qui voulait plus d'éclat à son triomphe pro- posa Conflans qui fut accepté, puis Richelieu ayant refusé poliment le château qui lui appartenait, il fut décidé qu’il se ferait à Charenton. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 99 Il n’y avait pas moyen de continuer sur ce ton et Mademoiselle dut se retirer la mort dans le cœur. Mandé à son tour par le roi, Lauzun reçut la même confidence et le même ordre, mais si Mademoiselle éelata en pleurs, en cris, en douleurs violentes, en plaintes excessives, il se tint d'abord à la hauteur de son rôle. Il recut ce revers de fortune avec calme et dignité, avec soumission et respect, en courtisan accoutumé aux caprices et aux retours du maître. Mais tout était fini, le roi fut inébranlable. En perdant tout espoir, Lauzun perdit aussi toute mesure, et pour compromettre madame de Montespan et surprendre ses secrets, il poussa l'audace aux dernières limites, s’attira une éclatante disgrâce, fut arrêté le 25 novembre 4671 et conduit à la prison de Pignerol. Ici commence un nouveau rôle pour Mademoiselle. Obtenir la liberté de Lauzun et la permission de l’épouser, rôle de solli- citations, de promesses, d’humiliations, de sacrifices sans nombre qui dura dix ans, êt dont nous devons rappeler au moins la con- clusion. Le roi et madame de Montespan, se laissant attendrir, pro- mirent à Mademoiselle miséricorde en faveur de Lauzun, en échange de la principauté de Dombes et du comté d’'Eu pour le duc du Maine, un de leurs bâtards; mais quand, le 29 octobre 1681, la donation fut réalisée, Mademoiselle n’obtint, en effet, que la liberté de son amant et il fallut négocier encore pour obtenir l’autorisation de l’épouser par un mariage secret. Elle lui donna alors en cadeau de noce le duché de Saint-Fargeau, la baronnie de Thiers, et 8,000 livres de rente sur les gabelles du Languedoc. Ce mariage, du reste, comme on peut le penser, ne fut pas heureux. Mademoiselle devint jalouse, irritable ; Lauzun infidèle, insolent et brutal. Réfugiée de nouveau alors dans le sein de 100 HISTOIRE DE LA VILLE Dieu, elle put trouver, cette fois, dans la pratique des bonnes œuvres et d’une piété sincère, les consolations que les âmes soufirantes et fatiguées de la vie n’y cherchent jamais envain, et elle mourutle5 mars 1695. Le 7 mai suivant, l'abbé Anselme prononça à Saint-Denis son éloge funèbre, vérité de convention que le journal des savants résume en ces termes et que nous plaçons à côté de la vérité de l’histoire : « Elle avait possédé ce que le monde désire le plus, la gloire « et la richesse. La gloire dont elle était environnée ne l’a point « éblouie, parce que la justice chrétienne en avait tempéré « l'éclat. Les richesses dont elle avait été comblée ne lui avaient € point corrompu le cœur, parce qu'elle avait été exempte de « l’orgueil qui d'ordinaire les accompagne et qu’elle les avait « sanctifiées par ses libéralités et par ses aumônes. » Mademoiselle a accepté la dédicace d’un grand nombre d’ou- vrages de piété. Un d'eux, dont la date remonte à 1663, mérite une mention spéciale. C’est la cinquième édition de limitation de J.-C., traduite par de Beuil, dont le frontispice, représentant un ange qui soutient une croix au sommet de laquelle est placée une couronne royale et qu'accompagne cette légende : Tolle crucem si vis auferre coronam, semble aujourd'hui une amère dérision. Une couronne n’aurait pas rendu plus lourde la eroix de Mademoiselle. Indépendamment de ses mémoires plusieurs fois édités, des Nouvelles du royaume de la lune échappées aux recherches des bibliograshes, et de la Vie de madame de Fouquerolle, made- moiselle de Montpensier a publié deux ouvrages, l’un la relation de l’Isle imaginaire et l'histoire de la princesse de Paphla- gonie, Bordeaux, 1659, in-8o, tiré à 100 exemplaires; l’autre, Divers portraits, in-ko, même année, tiré à 100 exemplaires seulement sous les yeux de Segrais. | î L ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 101 Disons enfin, pour payer une dette de reconnaissance au nom des pauvres de Saint-Fargeau, que Mademoiselle, après avoir relevé de leurs ruines les bâtiments hospitaliers, donna succes- sivement à l'hôpital de cette ville : 1° Immédiatement une rente de deux cents livres ; 20 Le 23 octobre 166%, par lettres patentes datées du châtean d'Eu, trente cordes de bois-mort ou mort-bois à prendre annuel- lement dans les bois les plus proches et les plus commodes pour l'hôpital ; 3° Le 29 octobre 4681, dans l'acte de donation du duché en faveur de Lauzun, cent livres de rente ; 4o Enfin par son testament et alors que Saint-Fargeau ne lui appartenait plus, une autre rente de cinq cents livres sur l'hôtel de ville de Paris. Jeune, elle s'était attachée à sa terre d’exil, comme nous nous attachons au collége, et cet amour-là n’a pas de déception et dure autant que la vie. Déry. DÉBRIS DE CONSTRUCTIONS ROMAINES SUR LE BORD DE LA ROUTE DÉPARTEMENTALE N° 9, À 1,500 MÈTRES D'AUXERRE, AU-DESSOUS DE LA FON- TAINE DE SAINTE-GENEVIÈVE. Lorsque l'on changea, il y a quelques années, à la sortie d'Auxerre, la direction de la route départementale ne 9, on trouva dans le sol, près de la fontaine de Sainte-Geneviève, des débris de construction qui semblaient appartenir à une époque reculée. Il en a été question dans le Bulletin de la Société, t. IT, p. 2, séance du 5 février 1849. Récemment on a creusé, à trois cents mètres au-dessous de cette fon- taine, et à quinze cents mètres environ de la porte d'Eglény, le fossé droit de cette route, le long d’une pièce de vigne de madame Baudesson de Vieux-Champs, et de semblables dé- bris y ont été trouvés en abondance. J'y ai reconnu de larges tuiles à rebords, un fragment d’une meule de moulin à bras, des tessons de poterie blanche, etun morceau de pierre de taille de forme cubique de quinze centimètres environ et dont le grain est pareil à celui des carrières de Courson. On m'a dit que l’on trouvait souvent des débris semblables dans cette vigne, quand on creusait des fosses de provins. Je mets sous vos yeux quelques échantillons de ces débris. Ils ne permet- tent pas de douter qu'il n’y ait eu en ce lieu, à une époque très ancienne et probablement au temps de la domination romaine, un établissement de quelque importance ; probablement une DÉBRIS DE CONSTRUCTIONS ROMAINES. 103 villa, pour laquelle on avait pu dériver les eaux de l’abondante fontaine de Sainte-Geneviève. Il y a tout près de là, de l’autre côté de la route, une dépression presque circulaire du sol sur un diamètre d'environ soixante mètres , où l’on a fait ré- cemment une plantation d'ormes, qui peut bien avoir été le bassin d'une grande pièce d’eau. Lebeuf avait sans doute connaissance des débris de cons- tructions antiques qui se rencontrent dans ce lieu, lorsqu'il supposait,p. 2 de ses Mémoires sur l'histoire civile d'Auxerre, que là ou près de là, à une demi-lieue au levant de la ville actuelle, se trouvait avant la domination romaine la ville gau- loise d’Autricum qu’il appelle Vellaunodunum. Sans admettre l'exactitude de son hypothèse, il n’est pas permis de douter qu'il n’y ait eu sur ce point, sinon avant l'invasion romaine, du moins dans les siècles qui l’ont suivie, des constructions considérables. À quelle époque ont-elles disparu ? c'est un point assez diflicile à éclaircir, les documents écrits n'ayant Jusqu'à présent rien révélé sur ce sujet. Cependant un jeton de bronze, qui a été trouvé au milieu de ces débris, peut fournir quelques lumières sur ce point. Il porte à l'avers deux léopards superposés, remplissant le champ, avec la légende DVX NORMANNORVM. Ce sont les armes du duché de Normandie dont le champ était de gueule et les léopards d’or. Au revers, dans une rosace, les armes de la ville de Rouen figurées par l'agneau de Dieu marchant à gauche et par un chef à trois fleurs de lis ran- gées et autour CIVITAS ROTHOMAGENSIS. Ce jeton est indiqué dans l'histoire du jeton au moyen- âge de MM. Jules Rouyer et Eugène Hucher, qui font re- marquer que la marque qui précède la légende de l'avers est la même que sur les monnaies frappées à Rouen sous le 104 DÉBRIS DE CONSTRUCTIONS ROMAINES. roi Henri Vi avec le titre de roi de France (1422-1448). Il se pourrait alors qu'il eût été apporté par les corps d’armées des comtes de Salisbury et de Suflolk qui vinrent débloquer Cravan, assiégé par les troupes de Charles VIT en 1423. Ce- pendant MM. Rouyer et Hucher doutent qu'on puisse faire remonter ce jeton aussi haut et ils sont tentés de le rapporter à l’époque où Louis XI, non sans quelque regret, rendit aux Normands un due en la personne de son frère Charles qui fut reconnu en cette qualité en 1466, mais à qui Louis XI donna par la suite en apanage le duché de Guyenne, en échange de la Normandie. Il y eut de 4466 à 1468 de grands passages de troupes du due de Bourgogne qui était allié avec le jeune duc de Normandie, et il se peut qu’elles fussent accompa- gnées par quelques officiers de la maison de ce prince. Il faut conclure de tout cela que l'antique villa, dont nous cons- tatons l'existence dans le voisinage de la fontaine de Sainte- Geneviève, subsistait encore au xvy° siècle. CHALLE. LETTRES DE JOSEPH FOURIER. M. Alphonse Bonard vient de faire à la Bibliothèque de la ville un don extrêmement précieux. Ce sont onze lettres adressées à son père, ancien professeur de mathématiques, d'abord à l’école militaire, puis au collége d'Auxerre, par notre illustre compatriote Joseph Fourier, dont il avait été le professeur à l'école militaire et dont il resta toujours l'ami. Ces lettres sont précieuses à plus d'un titre. Nous n'avions ici que très-peu d’autographes de leur auteur, qui ayant quitté notre ville en 1794, dans des circonstances qui vont être bientôt expliquées, n’y était jamais revenu et n'y avait conservé aucun relation suivie. Puis elles éclaircissent et jus- tifient les diverses phases de sa vie publique, dont quelques- unes avaient été dénaturées par la prévention et l'esprit de parti, et elles peuvent servir de pièces justificatives à l’ex- cellente notice biographique qu'a publiée M. Mauger dans l'Annuaire de l’Yonne de 1837. Elles le suivent, en eflet, de- puis son début dans l’enseignement à l'abbaye de Saint-Be- noît-sur-Loire, où à l’âge de dix-huit ans il professait les mathématiques, jusqu'à Grenoble dont il fut préfet de 1802 à 4815, et le font connaître à la fin comme professeur, comme personnage politique, comme savant et comme homme privé. On se rappelle que le fils d’un pauvre ouvrier tailleur et privé dès l’âge de huit ans de ses père et mère, Fourier, fut 106 LETTRES recueilli par un artiste distingué, qui avait eu des relations d'amitié avec Jean-Jacques Rousseau, l’organiste Pallais, qui, maitre de musique à la cathédrale d'Auxerre, tenait en même temps une petite institution secondaire et lui donna les premières lecons de français et de latin. Ses heureuses dispositions le firent ensuite accueillir gratuitement à l’école militaire d'Auxerre où dès l’âge de quatorze ans il avait fini sa rhétorique et ses mathématiques, et à Paris au collège de Montaigu où fut complétée son instruction. Rappelé à Auxerre par les Bénédictins, ses protecteurs et ses amis, il y donna, n'ayant encore que dix-sept ans, des leçons de mathématiques conjointement avec M. Bonard, qui, comme l’a rappelé M. Mauger, s’enorgueillissait d'avoir formé un tel élève. Deux ans après, il avait présenté à l’Aca- démie des Sciences un mémoire sur la révolution des équa- tions algebriques, qui avait fixé l'attention de Lagrange, Monge et Laplace; puis il était allé à l'abbaye de Saint- Benoit-sur-Loire diriger l’enseignement des mathématiques de l’école des Novices. C’est de là qu'il écrit les trois pre- mières lettres qui le montrent tout entier à la science, com- plétement étranger au mouvement politique qui passionnait alors la France, uniquement occupé de l’enseignement de ses élèves et du perfectionnement de sa propre instruction, et toutefois, ayant déjà le sentiment de sa valeur personnelle et le pressentiment de son illustration prochaine. Ce 22 mai 1788. MONSIEUR , On m’a fait quelquefois la grâce de me pardonner un silence trop long; j'espère de vous la même indulgence. Gette maudite qualité me suit partout, vous la nommerez comme vous voudrez ; DE JOSEPH FOURIER, 107 tant il y a que j'aime et que j’estime infiniment les personnes et que je ne leur écris pas. Au reste je ne fais tort qu'à moi, c’est un plaisir de moins et vous savez que j'ai fait lrève ave le plaisir. Je me permettrai peu de détails sur ma situation présente : sunt bona mixta malis. J'assiste aux études , aux classes, aux récréa- tions, aux lecons d’arithmétique; nous sommes bientôt aux frac- tions; toutes ces minuties et mille autres ne me rendront ni moins content ni moins heureux. Je n’ai pas voulu me consacrer aux plaisirs, mais bien à l’étude et à la religion. L’estime et l’amitié consolent de tout. Bien des personnes ici sont prévenues en ma faveur, et, de bonne foi, je crains de ne pas répondre à l’idée qu’elles ont de mes talents. J'ai fait des mathématiques et des sciences une étude si exclusive, qu’il ne me reste pour la littéra- ture que du goût et très peu d’acquit. Je perds entièrement de vue ce que j'ai écrit sur lalgèbre, il faudra bien qu’un jour je m’en occupe. J'attends des nouvelles. Je serai charmé de connaitre l’avis des géomètres. Mais il serait très- inutile de songer à autre chose, je ne doute pas de Pintérêt que vous y mettriez; je vous en remercie sincèrement, mais je vous prie d'oublier tout. Je paye avec usure à Morphée toutes les nuitsque je lui ai dé robées à Auxerre; il ne reste plus le temps de vivre quand on dort 8 heures, et ce ne sont pas là les nuits de Descartes. Ma santé est aussi bonne qu’elle peut l'être; le repos et la régularité de la vie contribueront sans doute à l'améliorer. En somme je suis loin jus- qu'ici de me repentir d’une démarche que j'ai faite contre l'avis de bien des personnes. Jai examiné votre solution de cette petite question d'analyse, elle est très élégante; le résultat est conforme au mien, et ne l’est guère à celui de M. de Guistiniani; il faut l’en consoler mali- gnement; je lui écrirai peut-être ces jours-ci; je voudrais savoir comment il s’acquitte de son nouvel emploi, quel est à ce sujet votre avis et celui de dom Laporte et de ses écoliers. Je ne sais encore si Je pourrai vous envoyer, par l’occasion qui se présente, 108 LETTRES un certain mémoire que je ne puis en conscience garder plus long- temps, car il est bien à vous, je ne l’oublie pas. Voici une petite question d’un genre assez singulier; elle me vient dans l’esprit au sujet de certaines propositions d’Euclide dont nous avons parlé quelquefois. Disposer dans un même plan 17 lignes droites de manière qu’elles donnent 101 points d’inter- section. Il faut supposer les lignes prolongées à l’infini et qu’un point d'intersection n’appartienne pas à plus de deux lignes. Il faut ramener le problème à une pure analyse, en sorte que metn étant déterminés, on puisse parvenir aux équations nécessaires. On a dû vous remettre votre mémoire sur une courbe à double courbure. L'auteur de cet ouvrage est à un bon géomètre ce que les chercheurs du grand œuvre sont aux bons chimistes. Dom Vaudret et moi vous recommandons notre cadran; si ce- lui qui a fait le style s’en est mal acquitté, je vous charge de me venger de sa maladresse. Je pense bien que sitôt que M. de Montuclas vous aura répondu, vous ne manquerez pas de m’en donner avis. Vous pourriez aussi me mander les nouvelles mathémathiques, physiques, astronomiques, etc.; M. de Guémadeuc est à portée de vous en instruire. Je voudrois savoir si le marquis de Condor- _ceta fait imprimer ce qu’on dit qu’il a écrit sur les calculs mo- dernes; s’il est vrai que lui, M. de la Grange et d’autres académi- ciens, employeront huit mois de l’année pour visiter les Écoles mi- litaires; je ne puis me résoudre à le croire. Quant aux nouvelles politiques : qu’on se balle, qu'on se dé- chire, etc. Jai cédé à Du Plessis mon droit d’abonné pour le journal de Genève. Le monde et moi nous allons vieillir quelques années sans nous connaitre. Je finis ma lettre déjà trop longue, vous pourriez vous en ven- ger par la longueur de la vôtre; il y auroit aussi un moyen de me corriger de ma négligence, ce seroit en me donnant l'exemple de la qualité contraire. Je vous engage à tenter ce moyen, vous obli- DE JOSEPH FOURIER. 109 gerez celui qui a l'honneur d’être avec les sentiments de l’attache- ment et de l'estime, Votre très-humble et obéissant serviteur , FOURIER. A Monsieur, Monsieur Fourier, à l'abbaye royale de Saint-Benoîl-sur-Loire. Par Orléans. MONSIEUR , Pour cette fois je ne me plaindrai plus de votre silence; il faut bien que je prenne un parti puisque vous avez pris le vôtre. Gette correspondance dont vous-même m'aviez flatté n'étoit qu’une agréable chimère ; mais de quoi le temps et la raison ne peuvent ils pas consoler ? Le désir de publier ce que j'ai trouvé sur lPalgèbre, le long silence de M. de Montuclas, et peut-être la crainte d’être prévenu, tout cela m’a engagé, tout récemment, à faire quelques tentatives pour répandre ces vérités que je crois importantes et dont Bonnardot m'a promis de communiquer un précis à M. Monge, et même de le faire insérer dans les papiers. Je me suis rappelé que vous auriez pu présenter votre exemplaire à M. Legendre, car il me souvient que vous m'avez dit deux mots à ce sujet, Vous m'obligeriez de me faire savoir aussitôt que vos occupations vous le permettront si M. Legendre a lu ce mémoire; et dans ce cas quelle est sa réponse. Je désirerois la connaître avant que d'offrir le précis dont je vous parle à M. Monge. Si vous mettiez, entre votre réponse et ma lettre, un trop long intervalle, je perdrois peut-être l’occasion qui va se présenter d'envoyer mon écrit à Paris. Je suis votre très-humble et très-obéissant serviteur, FOURIER. P. S. — Bien des civilités à madame Bonnard. Ce n’est pas contre elle que je suis fàaché. M. Aubry, le père, est passé ici avant-hier. Il est ami de M. Montuclas, il a promis de lui parler de mon mémoire, Saint-Benoît, ce dimanche 7Tbre 1789, 110 LETTRES MONSIEUR, Je vais pour un instant vous dérober à des occupations peut-être plus agréables, et certainement plus utiles. Je m’efforcerai de n’être pas long, et le serai toujours trop. Dans le moment où lout retentit de la nouvelle du jour, vous n’altendez cependant pas de moi que je vous en entretienne; il n’y a pas longtemps que je sais que les États se tiendront à Orléans, et je l’ignorerois peut-être encore, si je ne savais que le Père prieur y est actuellement pour contribuer à l'élection. Je pourrois vous apprendre cependant que M. Favre n’est plus le chevalier le l’'Hongry ; il me marque dans une lettre datée du 21 décembre qu’il est postulant chez les Bernardins, c’est une métamorphose bien étrange. Il m’écrivoit à l’Ecole mili- taire. Je lui ai répondu de Saint-Benoist. Je ne vous parle pas des accidents causés par la Loire ; ils ont fait peur à beaucoup, du mal à quelques-uns, et à moi ni l’un ni Pautre. Un malheur bien plus sensible pour moi, c’est le manque de livres. N'est-ce pas être condamné à l’ignorance que de ne pouvoir lire d’autres ouvrages que les siens. C’est une privation dont toute la philosophie ne peut consoler. Je n'ai de livres à lire qu'un chétif exemplaire de Montagne auquel il manque des feuillets que je suis réduit à deviner; je m'occupe un peu de grec; vous croirez bien que c’est plutôt pour lire Euclide et Diophante que Pindare et Démosthène. Ma santé n’est pas brillante, j'ai toujours l’estomac bien faible et le sommeil difficile depuis cinq semaines. Je pense quelquefois que jai acheté bien cher de bien frêles connaissances et dont j'aurai peine à trouver du débit. J'ai encore travaillé ces méthodes d'élimination; il n’est pas dif- fcile de reconnaître combien celles dont on fait usage sont défec- tueuses, mais il l'est beaucoup de leur en substituer de meilleures. Vous voyez bien qu’il faudroit que j’eusse sous les yeux l'ouvrage de M. Bézout sur le même sujet. Seul et sans secours on peut DE JOSEPH FOURIER. 11 méditer mais non découvrir : souvent de fuir les hommes on en devient meilleur, mais non plus savant; le cœur y gagne et l'esprit y perd. Montagne a beau précher l’incuriosité, il ne pourra de moi faire un prosélyte. J’ai mis en ordre tout ce que renferme le mé- moire que vous avez sur les équations numériques. Tout est éclairci et démontré, mais rien n’est écrit. Si je pouvois être juge et partie je vous assurcrois de nouveau que ce sont là les véritables mé- thodes, que celles des Italiens sont absurdes et opposées à tout ce que l’analyse à de plus certain, qu’elles ont arrêté les progrès de l'algèbre, qu’il faut leur attribuer tout le désordre et limperfection qu'on trouve avec peine dans une science àgée de plus de vingt siècles; qu’il est impossible qu’un géomètre de bonne foi se refuse à une évidence aussi utile. Ainsi, Monsieur, ces vérités, soyez-en certain, n’ont besoin que d’être connues pour être approuvées, mais le seront-elles ? Avouez qu’il m'est permis d’en douter. Je commence à croire sur sa parole M. Montuclas, quand il nous dit qu’il est brouillé avec l'analyse savante; j'attends en paix qu'il se reconcilie. Pour vous, Monsieur, qui avez mis à cela l'intérêt de l’amitié, je n'ai à vous offrir qu'une reconnaissance stérile mais sincère. Je vous disois que j'ai médité ce qui concerne les équations numé- riques ; j’ai reconnu dans le mémoire que vous avez un passage très-inexact ; il s’agit d’un théorème sur la nature des racines lorsque quelques-uns des coefticients sont zéro, l'énoncé en est vicieux. L'application qui en est faite à un exemple ne l’est pas moins. Je vous prie et c’est même, après le plaisir de vous assurer de mon amitié, l’objet de ma lettre, d'y faire une petite note. Je vous dirai une autre fois l'énoncé tel qu’il doit étre. Cette remarque est d’une certaine conséquence ; il ne faut pas remplacer des er- reurs par des erreurs. Me pardonnerez-vous l'ennui que vous a causé cette lettre, tout le désordre et toute l’aigreur que vous y trouverez. Si vous con- naissiez ce que produit la passion de la vérité lorsqu'on la contraint d’être stérile, et toute I paerfidie que l’ingrate destine à ses amants? Mais s’il est dur de souffrir de ses caprices, il est bien doux de 112 LETTRES s’en plaindre. EL qui pourrait m'en envier le plaisir? pour moi, les plaisirs sont si rares. Je suis avec toute l'estime qui vous est due et l’amitié la plus sincère, Votre très-humble et très-obéissant serviteur, FOURIER. Ce 22 mars 1789. Hier j'ai eu 21 ans accomplis ; à cetâge Neutonet Paschal avoient acquis bien des droits à l’immor- talité. En 4789, les Bénédictins d'Auxerre avaient obtenu que Fourier leur fût rendu, et il était revenu professer chez eux à la fois la rhétorique et les mathématiques. Quelques mois après, les congrégarions religieuses étant dissoutes par la loi, le collége succédait, sous la direction de l'ancien prieur dom Rosman, à l’école militaire, et les lecons de Fourier ne con- tribuaient pas peu à en soutenir le succès. Mêlé alors au mouvement du monde, l'enfant du peuple en avait un peu subi les entraînements. Ayant eu occasion de parler à la société populaire pour réclamer son exemption du service militaire, les applaudissements du public et les flatteries des membres du club, désireux de se l’attacher, l'avaient, plus qu'il n'eut dû, engagé dans le parti qui se disait le seul patriote et qui n’était que le parti de l’exagération et de la violence. Après la fermeture du collége, nous le voyons, au commen- cement de 179%, agent national dans le département du Loiret pour les subsistances. Il s’est acquitté avec intelligence et avec activité, mais aussi avec modération et droiture, de sa mission. Et à raison de l'appui qu’il a donné aux idées de justice et d’impartialité, il est dénoncé comme modéré et le représentant du peuple Ichon va réclamer du comité de salut DE JOSEPH FOURIER. 113 publie, sa révocation, avec un ordre de l'arrêter. C’est en ce moment critique qu'il écrit la lettre suivante : Égalité ou la mort. Ce 7e jour, 2®° mois, 2° année de la rép. fr. un. indiv. Joseph Fourier, agent national, au citoyen Bonard. Je vous prie, mon très-cher concitoyen et collègue, de me rendre, aussitôt la présente reçue, deux services également importants. Je désirerais premièrement que vous vissiez le citoyen Roux, mathématicien, pour savoir de lui s’il a recu de moi une lettre dans laquelle je le prie de me faire passer 400 fr. environ, j'ai dépensé beaucoup plus que je ne comptais dans mon voyage, et il me reste de 550 fr. 5 fr. au plus. Cette somme ne suffit pas pour ce qui me reste à faire de route. Je l’avais prévu et je m'étais adressé au citoyen Roux; je ne sais s’il aura rempli cette com- mission, {| pourrait se faire que la lettre chargée fût restée à Orléans que j'ai quitté il y a assez longtemps. Si le citoyen Roux n’a pu me rendre ce service, je vous prie de le faire pour lui, au moins pour la moitié de la somme. Et dans le cas où il les aurait envoyés à Orléans, vous m'en informeriez. Cependant, dans ce dernier cas, je vous prierais également de me faire passer un supplément de finances quel qu'il soit, pour que je puisse attendre, ou plulôt, comme il y a apparence que je ne retourneral point à Orléans, j'écrirai sur-le-champ pour faire reve- nir la lettre à Auxerre, où je ne tarderai pas non plus à me rendre, car ma mission est terminée et avec tout le succès possible. Les chevaux et effets militaires vont arriver incessamment. Je passe au second objet, vous aurez pu apprendre que le dépar- tement du Loiret n'est pas absolument tranquille et que la ville d'Orléans est un peu agitée. Je ne suis pas étranger à cette affaire el je m'y suis montré conséquent aux principes de la révolution. J'ai éprouvé comme cela devait être des difficultés que j'ai réso- 8 414 LETTRES lues avec trop de succès pour ne pas irriter mes adversaires. On m'a informé qu'ils allaient me dénoncer à Ichon qui m'a délégué. Je d'sirerais connaitre les circonstances et les suites de cette dé- nonciation qui n’est qu'uue bagatelle pour moi et qui, je l’espére, deviendra avec le temps terrible contre ses auteurs. J'ai écrit à Milon à ce sujet, je voudrais savoir s’il a reçu ma lettre, et quel est le parti qu'Ichon a pris. Je m'attendais, je l'avoue, à être rappelé provisoirement. Mais aujourd’hui il n’est plus temps, puisque tout est fini. Veuillez, je vous en prie, mettre dans tout cela la promptitude de l'éclair Je suis accoutumé à ce langage, moi qui depuis quinze jours ne fais que courir jour et nuit. Le plus pressé, vous le pensez comme moi, c’est l'argent ; faites- le moi tenir poste pour poste. Ce qui me reste ne peut suffire pour deux jours, puisque j'ai à nourrir deux chevaux et mon postillon. Si le citoyen Roux à fait déjà l'avance que je lui demandais, je vous prie de lui dire qu'elle lui sera remise aussilôt mon arrivée. Je vous remercie d'avance de toute la peine que je vais vous donner. Votre complaisance accoutume à vous importuner et vous ajouterez ce service à tout ce que je vous dois. + FOURIER, Agent national dans le département du Loiret, à Montargis, hôtel de l'Ange. De retour à Auxerre, il apprend que l’on a décrété son ar- restation, en le déclarant incapable de remplir aucunes fonctions publiques. Il se cache et ne reparaît qu'après la révocation de cette mesure arbitraire. Resté très-populaire à Auxerre, il est envoyé, sur sa demande, par le département de Yonne comme élève à l’école normale qui vient d'être fondée dans le but de former des maitres pour toute la France dans les sciences et les lettres, et qui comptait parmi ses profes- seurs Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet, Haüy, Vol- ney, Garat, Laharpe, Sicard et Bernardin de Saint-Pierre. Hp. Le DE JOSEPH FOURIER. 145 Il adresse, dès les premiers moments, à M. Bonnard la note suivante qui contient de précieux renseignements sur le degré de mérite et la méthode de chacun de ses professeurs: NÔÛTES SUR L'ÉCOLE NORMALE ET LES PERSONNES ATTACHÉES A CET ÉTABLISSEMENT. L'École normale tient ses séances an Jardin-des-Plantes, dans un emplacement médiocre, de forme circulaire ; le jour ne vient que du haut; les élèves, qui sont très-nombreux, y sont rangés sur les gradins d’un amphithéâtre fort élevé ; il ne peut y avoir de place pour tous, et tous les jours il y en a un bon nombre qui trouvent la porte fermée; si l’on est dans le cas de sortir pendant la séance, on ne peut plus rentrer. Les élèves seuls y sont admis sur la présentation de leurs cartes à l'oflicier de garde ou au factionnaire. Il y a cepen- dant quelques exceptions en faveur d’un petit nombre de ci- toyens dévoués et de plusieurs femmes. Au fond de la salle et dans une enceinte séparée par une grille, sont assis plusieurs savants de Paris et les professeurs. En face, et sur un plan- cher un peu plus élevê, sont trois fauteuils pour les profes- seurs qui ont à parler et pour leurs adjoints. Derrière eux, et sur un second plancher plus élevé, sont les deux représen- tants du peuple Lakanal et Deleyre, avec le costume des dé- putés en mission. La séance s'ouvre à onze heures lorsqu'un des députés arrive; des applaudissements nombreux se font entendre dans ce moment et lorsque le professeur prend sa place. Les leçons sont presque toujours interrompues et ter- minées par des applaudissements. Les élèves gardent leur chapeau, le professeur qui parle est découvert; trois quarts d'heure ou une heure après, un second professeur lui suc- cède, puis un troisième, et l'huissier annonce que la séance 116 LETTRES est levée. Les noms des professeurs sont connus parmi les gens de lettre qui assistent aux séances ou aux conférences. J'ai remarqué Cousin, Lalande, Brisson, le libraire Pancouke, plusieurs professeurs du lycée. Plusieurs sont amenés dans les voitures nationales ou avec les députés : les professeurs ne viennent pas autrement. Voici quelques détails sur les profes- seurs : Ces minuties paraîtront superflues, mais je les écris parce que les journaux n’en rendent pas compte. Lagrange, le premier des savants d'Europe, paraît avoir de 50 à 60 ans: il est cependant plus jeune ; il a dans les traits de la dignité et de la finesse dans la physionomie ; il paraît un peu grèle et pâle; sa voix est très-faible, à moins qu'il ne s’échauffe ; il a l'accent italien très-marqué et prononce les s comme des z ; il est très-modestement vêtu en noir ou en brun; il parle très- familièrement et avec quelque peine; il a dans la parole Fembar- ras et la simplicité d’un enfant. Tout le monde voit bien que c'est un homme extraordinaire, mais il faut l'avoir vu pour y recon- naître un grand homme. Il ne parle que dans les conférences, etil y a telle de ses phrases qui exciterait la risée. Il disait l’autre jour : « Il y a encore sur cette matière beaucoup de choses importantes à dire, mais je ne les dirai pas. Les élèves, dont la plupart sont incapables de l’apprécier, lui font assez peu d'accueil, mais les professeurs le dédommagent. Laplace, qui est ainsi que lui professeur d'analyse, avait été nommé à Melun élève de l'École normale, il avait accepté ; le gouverne- ment a réparé celte erreur administrative. Laplace est au pre- nier rang parmi les savants, il est connu dans l'Europe pour excellent géomètre, physicien et chimiste; il parait assez jeune, a la voix faible, mais nette, il parle avec précision, mais non pas sans quelque difficulté; il est d’un extérieur assez agréable et vêtu fort simplement; ik est d'une taille DE JOSEPIT FOURIER. 117 moyenne. L'iustruction mathématique qu'il donne n'a rien d’extraordinaire et est fort rapide. Haüy, ci-devant abbé, est d'une simplicité et d'une mo- destie fort extraordinaires; il n’est pas vieux, son costume est encore à peu près celui d’un homme d'église; il à en outre refusé de prêter le serment. I a la voix très-nette, se fait parfai- tement entendre et parle avec beaucoup d'élégance et de faci- lité. Il est impossible de s'exprimer en meilleurs termes. On assure qu'il sait de mémoire sa lecon ; il paraît qu'il en lit une partie, ce qu'il n’est pas toujours aisé de distinguer, car les professeurs sont éloignés, et ils ont toujours leurs cahiers sous les yeux. Il est tellement timide que si quelqu'un prend la parole pour lui demander un éclaircissement, il se brouille et répond mal ou ne répond point du tout. Ce n'est pas qu'il ne soit fort instruit, et s’il ne brille pas comme les deux pre- miers par le génie, il a du moins tout l'éclat de la méthode et l’appareil de la démonstration la plus élégante. D'Aubenton est un vieillard cassé que l’on porte pour ainsi dire au fauteuil ; illit et parle alternativement et n’est entendu de personne. Il y a quelques répétitious dans ses leçons, mais elles sont remplies de raison et de science. Il n'y à point eu de naturalistes plus complétement et plus sagement instruits. Il a dans la parole un ton de bonhomie qui ajoute au respect qu'il inspire. Berthollet est le plus grand chimiste que nous ayions, soit en France, soit chez les étrangers; il n'est pas âgé et d’un extérieur assez ordinaire, 11 ne parle qu'avec la plus extrême difficulté, hésite et se répète dix fois dans une phrase et pa- raît embarrassé dans les moindres détails d'une expérience. Son cours n’est compris que de ceux qui étudient beaucoup ou qui savent déjà, c’est pour cela qu'il déplaît à la grande 418 LETTRES majorité. Son cours est un assemblage de dissertations utiles, très-sages et très-savantes; il a assez de peine à se faire entendre. Monge a la voix forte, il est actif, ingénieux et très-savant. Comme on le sait, il excelle dans la géométrie, la physique et la chimie; la science dont il donne des lecons est infiniment curieuse, et il l’expose avec toute la clarté possible. On trouve même qu'il est trop clair ou plutôt que sa méthode n’est point assez rapide. [l donnera des lecons particulières de pratique. Il parle très-familièrement, avec précision le plus souvent. II n’est pas seulement recommandable pour les hautes connais- sances, on le dit très-estimable sous tous les rapports publics et privés. Son extérieur est fort ordinaire. Thouin est un naturaliste très-instruit; il est maintenant dans la Belgique, où le gouvernement emploie ses talents. La Harpe est fort connu, parle avec beaucoup d'élégance et de goût ; il n’a pas le ton de charlatanerie qu'on peut repro- cher à quelques autres, mais il a le ton goguenard et tran- chant, il parle sans avoir l'air gêné et a la voix fort nette. Littérateur très-savant, il ne fait point parade de science, ne la montre qu'à propos, ne cherche pas, comme d’autres, à vanter son art plus que tous les autres, et se fait écouter avec plaisir par les gens de bon goût. Il s’est montré partisan dé- claré, comme on peut le voir dans son programme, et ne sera approuvé en cela que de la multitude. Là persécution injuste qu'il dit avoir éprouvée n'est pas une excuse suflisante, car il faut être tolérant, même à l'égard de ceux qui ne le sont pas toujours. Au reste, je trouve qu'il est de tous les professeurs celui qui parle le mieux. Volney estun homme assez jeune, fort bien vêtu, grand, d'un extérieur très-agréable, Je connais peu ses écrits. IL parle avec DE JOSEPH FOURIER. 119 facilité et en termes extrèmement choisis ; sa parole est lente, et il semble s'y complaire. Si les connaisseurs ne sont pas flattés sous le rapport du goût, ils sont du moins étonnés par l'éclat de la diction. El a voulu remplir son cours de trop de philosophie, et au milieu de ces accessoires brillants, l’objet principal de l'instruction disparaît. Sicard est fort connu comme instituteur des sourds et muets. Petit de taille, encore jeune, il a la voix forte, distincte et tim- brée. Il est ingénieux, intéressant, actif, et sait comment oc- cuper une grande assemblée. I plaît à la multitude, qui l'ap- plaudit à tout rompre. Il vante son art, sa méthode et ses principes, et parle à tout propos de l'homme de la nature, qu'il prétend être le sourd et muet. C’est un homme de beau- coup d'esprit, sans génie, qui paraît fort sensible et qu’au fond je crois modeste, mais qui a été séduit par je ne sais quel système de grammaire qu'il prétend être la clef des sciences. Il parle souvent longtemps et avec emphase, il a dans l'ac- cent et dans la diction quelque chose de capricieux. Son projet de grammaire, qui a quelque côté brillant, est un des plus fous que je connaisse. Cependant on parle de l’adopter et même de le prescrire dans toutes les écoles de la République. Si on en vient là nous aurons de quoi rire. Du reste Sicard est rempli de zèle, de patience et donne l'exemple de toutes les vertus, mais il est fou ; cela me fait songer qu'il plait aux femmes, quoique petit et assez laid. Mentelle est connu à Auxerre. Ses lecons sont extrêmement familières et n’ont rien qui soit digne de l'établissement; il converse passablement, autant que j'en puis juger, car je ne l'écoute presque jamais. Buache est un géographe très-re- nommé qui parle fort mal et indique quelquefois de la science. Garat est un homme assez jeune, d'une taille médiocre et 4120 LETTRES d'un extérieur assez agréable. Il à la voix forte, le ton animé et très-oratoire. Sa parole est forte et éloquente, il a moins de goût que La Harpe, mais plus de chaleur, de vivacité. Quant au fond, jelui trouve les idées un peu exaltées : ilne parle rien moins que de perfectionner l'organisation humaine et d'ouvrir des routes jusqu'ici inconnues à l'esprit humain. Il vante beau- coup et presque exclusivement Bacon, Locke et Condillae, dont il est admirateur enthousiaste. Au reste, il faudrait être injuste pour refuser à Garat des talents supérieurs et extraor- dinaires : c'est, après La Harpe, celui que j'aime le mieux entendre parler. On me trouvera fort téméraire d’oser juger ainsi des hommes supérieurs, mais je ne fais qu'indiquer les premières impres- sions que j'éprouve, et je ferai part de mes erreurs à mesure que je les reconnaîtrai. Dans une autre note, je dirai mon avis sur les élèves, et j’en parlerai avec cette liberté de penser que j'ai toujours chérie et que je ne quitterai jamais. J'enverrai aussi une note des livres qui pourront le plus utilement diri- ger l'instruction dans le sens que le gouvernement veut lui donner aujourd'hui. Cependant le neuf thermidor est arrivé ; la réaction se dé- clare avec énergie et parfois elle franchit les bornes légitimes etse montre injuste dans l'expression de ses rancunes. Fou- rier avait eu le tort de consentir à faire partie du comité révo- lutionnaire d'Auxerre, qui avait mis en état d’arrestation un grand nombre d'habitants dont l'opinion était opposée au ré- gime nouveau. Hätons-nous d'ajouter que les mesures de terreur de ce comité s'étaient arrêtées là et qu'aucun habi- tant d'Auxerre ne fut traduit au tribunal révolutionnaire. DE JOSEPH FOURIER. 191 Nous qui avons vu tant de vicissitudes politiques, nous pou- vons conserver quelque indulgence pour les hommes qui se laissent entraîner à la suite des partis extrêmes, et se mêlent à leur action, soit par faiblesse, soit par l'espoir d'y empêcher le mal. On n'eut pas alors, à Auxerre, cette indulgence pour Fourier. Des inimitiés particulières, peut-être même-des Jalousies personnelles aigrirent l'opinion contre lui. Les assemblées de section arrêtèrent qu'il serait dénoncé -en leur nom aux quarante-huit sections de Paris, et l'on trouve, à cette date, sur les registres de la municipalité une délibération qui formule cette dénonciation daas les termes les plus violents. Hàtons-nous de dire que le comité de sûreté générale n’y eut aucun égard, et que Fourier non seulement conserva sa liberté, mais fut presque immédiatement associé aux travaux de ses professeurs et chargé d’une partie de l’en- seignement mathématique. C'est sous le coup de cette dénonciation qu'il écrivait la lettre suivante où le tutoiement s’introduit selon les usages de l’époque, et dont nous n'avons pas besoin de faire ressor- ur le vif intérêt pour notre histoire locale. Elle justifie sans doute Fourier du reproche d’avoir partagé les passions vio- lentes des jacobins. Mais, en même temps elle trahit les re- mords qu'il éprouve de s'être laissé atteler, lui, paisible et inoffensif, homme de science, au char sinistre et compro- mettant de la Némésis révolutionnaire. Paris, ce 28 ventôse, l'an 3%° de la République francaise. Je m'adresse à toi, mon cher Bonard, pour connaitre plus distinetement ce quise passe à mon sujet dans la commune d'Auxerre; on ne m'en a rien écrit encore. J'apprends d'une ma- 122 LETTRES nière vague que je suis accusé et condamné dans ses sections. Quelque désagréables que soient ces détails, il m'importe cepen- dant d'en être informé. On veut absolument que l'abbé d’Avigneau soit au nombre de mes dénonciateurs et j'entends toute sorte de contes à ce sujet. Je n'ajouterai jamais foi à de pareilles sottises, et ce qui rend tout ceci incroyable encore, c’est qu'on me présente, dit-on, comme un dilapidateur et un ivrogne. Assurément je ne ferais que rire de tout cela si je ne savais à quel excès peut se porter la vengeance armée de l'autorité des factions. Je te prie de me faire parvenir quelques détails qui puissent m'aider à apprécier ces dénonciations et à les prévenir s'il est nécessaire. J'attends de ton amitié ce triste service. Je sais que les assemblées de section, dans la séance de décadi dernier, ont arrété que je serais dénoncé en leur nom et qu'elles demandent en même temps mon exclusion de l’école normale A qui cette dénonciation doit-elle être adressée? Sur quels motifs la-t- on appuyée? quelle en a été la forme et quelle suite a-t-elle eu jus- qu'ici? Je Le prie de me satisfaire sur ces points. Tu y ajouterais, si tu le veux, une notice de la discussion qui a précédé cet arrétépris, à ce que l’on n’assure, dans les quatre sections. Gette délibération me parait très-peu régulière, car devant qui pense-t-on porter la dénonciation? Penserait-on que je suis dans le cas de la loi du 5 ventôse ? Mais elle ne m'est nullement applicable. Je ne suis ni destitué ni comptable. Si je pouvais me considérer comme ayant été destitué, ce ne pourrait être que par la lettre de l’ancien co- mité de salut publie qui crdonnait de m'arrèter, mais avant le neuf thermidor. Au reste, l'effet de cette loi est suspendu. Mais d'un autre côté, étant attaché à un établissement national et même employé d’une manière toute particulière par le gouvernement au collége de France, il n’y a que des faits matériels qui puissent me nuire ; et qui les trouvera ces faits? qui peut me reprocher un acte qui ne soit point autorisé par les lois. Pimagine bien qu’on ne me demandera aucun compte des deniers, à moins que ce ne soit des miens, ni du sang que j'ai fait couler, ni du vin que j'ai bu. DE JOSEPH FOURIER. 123 C'est donc de la terreur que j'ai inspirée. Ma foi je ne vois pas que j'en aie trop fait éprouver aux êtres les plus faibles, aux femmes. Et si jen avais cru quelques-unes, elles me paraissaient fort disposées à d'énormes sacrifices. Au reste, mes adversaires peuvent s’en reposer sur ma cons- cience et je suis jugé par elle beaucoup plus rigourensement qu’ils ne le feraient eux-mêmes. Qu'ils tiennent pour certain que je nai rien fait d'arbitraire el qui n’émane directement d’une loi. C’en est assez pour que je ne puisse pas être rnquiété dans tout bon gou- vernement. Mais ce n’est peut-être pas assez pour moi-même, aussi je puis ajouter que jamais mon cœur n’a été complice du mal que les circonstances ont pu produire. ai fait volontairement ce que j'ai cru juste et utile à la cause que j'ai embrassée: le reste je ne l'ai point empêché, mais le plus souvent je ne le pouvais pas sans Courir à une perte assurée. Je devais, dira-t-on, m'y ex- poser plutôt que de tolérer l'injustice et de lui servir d’instrument; cela peut être vrai, mais du moins que je ne sois blämé que par ceux qui l'eussent fait à ma place. Il n'y à dans Auxerre qu’un seul homme qui soit en droit de me haïr, c'est Moreau que tu connais; j'ai contribué indirectement à son arrestation, mais je l'ai fait en public et j'ai refusé de délibérer contre lui. Peu de temps après, c’est moi qui l'ai fait mettre en liberté. Loin de me repentir de cette dénonciation je la ferais encore parce qu'un homme de cette sorte doit être dévoilé. Excepté cet individu je puis atlester sur ce qu'il y a de plus sacré que je n'ai contribué en aucune manière à l'arrestation de qui que ce soit, que ceux (qui ont éprouvé cette disgrâce doivent l’attribuer aux circon- stances et qu'il y à plusieurs personnes qui me doivent la wanquil- lité dont elles ont toujours joui. Au reste, je crois fermement qu'il y a des moments de danger public où de pareilles mesures sont légitimes. Comme je ne puis me dissimuler à moi-même que j'ai fait à peu de chose près tout ce qui était possible sans nn péril cerlain, jai l’âme parfaitement tranquille et c’est beaucoup. Je suis, comme fu le sais, très-disposé à prendre une extrême 124 LETTRES inquiétude, aussi tous ces bruits m'ont ils beaucoup affecté ; cepen- dant, en y réfléchissant, je l’avoue que je ne vois pas que mes ennemis puissent réussir, Car je serai soutenu ici par des personnes fort en crédit. J’avais eu envie d'écrire à la section où se trouvait mon domicile, de la fraternite, je crois; j'aurais présenté ma justification en peu de mots, et si on l’eüt jugée convenable, j'aurais obtenu la faculté de me rendre pour quelques jours à Auxerre, pour me disculper en personne. Crois-tu qu’il soit convenable de faire cette proposition ou d'adresser une lettre à l’assemblée ? Je suis tout prêt à faire cette démarche; tu me marqueras si tu la crois ulile, ainsi que les points sur lesquels il faudrait appuyer et qui paraissent avoir fait le plus d'impression. Je me repose sur ton amitié de ce soin el j'attends incessamment la réponse. Tu me diras aussi des nouvelles de toute la famille; je sais que tu es père pour la troisième fois, c’est une occasion de compliments et de respects pour la citoyenne Bonard. Jusqu'ici ma santé était assez bonne; celte misérable aflaire me trouble beaucoup; soit inquiétude d’esprit, soit excès de travail, je me porte assez mal; j'ai été obligé de garder la chambre au- jourd’hui. Je me livre à l'étude avec plus d’ardeur que jamais, et j'aurais toutes les satisfactions possibles si on me laissait tranquille dans votre pays. Tu sais peut-être que j'ai été nommé directeur des conférences de mathématiques; elles ont lieu tous les jours, c’est un surcroît de fatigue. Tu dois voir quelquefois mon nom dans les journaux de l’école, ce n’est pas ce qui me plait le plus, car ils estropient tout ce que je dis. Je Lai parlé d’une démonstration de la fameuse règle de Descartes, je l'ai donnée à Laplace et à Lagrange qui m'ont dit qu'ils la fe- raient publier; je suis fort bien avec ces deux géomètres, je leur parle quelquefois d'Auxerre. On est encore incertain sur le mode d'organisation des écoles centrales. Laplace qui est du conseil du comité d'instruction publique ne sait pas encore si on les organi- DE JOSEPH FOURIER. 125 sera sur-le-champ. Il paraît que plusieurs professeurs seront choisis dans l’école normale, ce qui n'exclut pas ceux qui comme toi se trouvent en place; il pourrait se faire que les personnes qui, n’é- tant point déjà instiluleurs ou qui l’étant, ne seraient point assez connues, fussent tenues de venir soutenir à Paris un examen, c’est l'avis de Laplace, je le crois impraticable, Quant aux élèves de l'école normale, ils seront examinés ici. L'organisation actuelle des écoles primaires sera supprimée selon toutes les apparences. Le nombre des instituteurs qui peuvent être appelés aux chaires des écoles centrales est très-petit. C’est pourquoi tous ceux qui ont des talents reconnus sont assurés d’être placés. Je te prie de me rappeler au souvenir de nos amis communs ; je te salue et l’embrasse. FOURIER. Les deux lettres qui suivent, datent d'une époque où Fou- rier venait d’étre nommé professeur à l’école polytechnique, où il était adjoint à Lagrange pour les cours de mathéma- tiques. Leurs détails ne sont pas sans intérêt. Paris, ce 20 brumaire. Je quitte à l'instant, mon ami, un particulier d’Avallon qui s'intéresse beaucoup à un jeune homme de ce pays aspirant à l’école polytechnique. Villetard à qui on l’a pareillement recommandé m'a fait demander mon avis à ce sujet. Je lui ai répondu qu'il n’y avait qu’une porte pour entrer à cette école, et qu'il ne dépendait ni de lui ni de moi de l’y introduire autrement que par la voie des examens. Le citoyen Boileau, frère d’un homme à qui son patriotisme et son infortune ont donné quelque célébrité, m'a assuré que ce jeune homme l'avait entièrement satisfait et qu'il s'était livré à l'étude des mathémathiques avec une ardeur qui promet de grands talents. Tu auras sans doute distingué facilement les dispositions que cet enfant annonce, el dans ce cas je désire beaucoup qu’il entre dans l’école 126 LETTRES Il sera fort difficile cette année d’y étre admis. Il est arrivé précisément le contraire de ce que l’on m’avait annoncé. Le nombre des candidats à Paris est considérable, les examinateurs m'ont dit qu’ils étaient beaucoup plus satisfaits, et qu’il n’y avait aucune comparaisou à établir entre cette anuée etles précédentes ; ils veulent bien attribuer une partie de ce changement à mes lecons qui se sont répandues dans le public. D'un autre côté, le nombre des élèves sera beaucoup réduit par le gouvernement, et plusieurs seront forcés de quitter l’école. Ces circonstances rendront l'admission très difficile, en sorte qu'il faudrait donner de très-bonnes notes aux jeunes gens dont on désirerait l'admission parce qu’on les jugerait en effet propres à faire de grands progrès dans les mathématiques. Ayant prévu ces difficultés et sachant que les membres du jury d'élection se défient beaucoup, sous le rapport des talents, de plu- sieurs examinateurs des départements qui ne leur sont pas conuus, je les ai prévenus sur celles qu’ils recevraient d’Auxerre, et Laplace en particulier, dont l’avis est prépondérant, est convenu avec moi d'y avoir beaucoup d’égard comme ayant des renseignements pro- venant d’un homme juste et très-instruit. Je n'ai vu que ce moyen de répondre au désir de Villetard et des citoyens d’Avallon, en rendant témoignage à la vérité. Roux a dû te parler aussi d’un jeune élève du citoyen Billy, professeur à Fontainebleau. Tous ceux qu'ils nous à envoyés avaient la capacité suffisante, et lui-même est parfaitement dans le cas d'enseigner, J'ai cru, mon ami, que tu recevrais avec plaisir ces renseigne- ments et cela me fournit l’occasion de te réitérer ainsi qu’à ta femme et à ta famille les assurances de l'attachement sincère avec lequel je suis Ton ami, Sioné : FOURIER. Embrasse pour moi madame Bonard et le petit Réné. Mes com- pliments à tous tes collègues. DE JOSEPH FOURIER. 127 Paris, ce 30 vendémiaire de l'an IV. Mon ami, je réponds fort à la hâte à la lettre que tu m'as fait ‘amitié de m'écrire. Je savais que tu étais chargé d'examiner les aspirants à l’école polytechnique, quoique je ne crois pas y avoir contribué. Tu me demandes des renseignements que je suis peu à portée de te donner ; il me semble que le texte de ta commission doit suffisamment l’iustruire de ce que tu as à faire dans cette occasion. Les notes qui résultent de ton examen sont remises à un jury composé de plusieurs savants distingués qui comparent, autant qu'il est possible de le faire, celles qui leur sont envoyées par les autres examinateurs, et ils choisissent les candidats qu'il leur parait convenable de préférer. Les membres de ce jury sont Laplace, Cousin, Legendre et Lacroix, si je ne me trompe sur ce dernier. Tu sens toute Pimperfection de ce mode d'examen. Quelqu’uni- formité que l’on essaye d'exiger dans les notes, il est manifeste qu’on ne peut obtenir de cette manière rien de satisfaisant, Les aspirants, une fois élus de cette manière, ne subissent aucun autre examen, du moins il n’y en a point eu jusqu'ici; je ne crois pas qu’il en soit autrement cette année, et si l’on devait à leur arrivée à l’école les interroger de nouveau, il n’y aurait probablement que moi qui en serais chargé. Je pense que les membres du jury seront d'autant plus satisfaits de l’examinateur particulier, qu’ils paraitront s'être davantage conformés au mode qui leur est preserit. En mon particulier, ce que je désire le plus, est de voir entrer dans l’école des jeunes gens qui aient des dispositions très-distin- guées, quelque soit d’ailleurs leur degré d'instruction. Ge qu'ils peuvent avoir appris m'importe assez peu s'ils n’ont pas un goût marqué pour les mathématiques, et des dispositions peu ordinaires, joignant à ces qualités de l’aversion ou du moins de l'indifférence pour les frivolités dont Paris donne tant d'occasions. Le pire de tous les défauts serait la nonchalance. Je l'ai malheureusement remarquée trop souvent dans les jeunes gens venus d’Auxerre. 128 LETTRES Gette manière de voir est aussi celle des professeurs de l'école, lesquels d’ailleurs ne sontribuent en aucune manière aux choix des candidats. On à cru nécessaire de s'adresser pour cet objet à des savants étrangers à l'établissement. On m'’assure que le nombre des élèves qui se présentent est moindre qu'il n’a été les autres années. D’après le témoignage de Roux, il me paraît que les deux, jeunes gens donttu me parles sont dans le cas d’être admis. J'aurai heureusement l’occasion de lécrire de nouveau, et j'entrerai dans des détails que le temps m’oblige d’omettre. Je te prie de ne pas négliger cette correspondance ; tu ne peux douter du plaisir que tu me feras. J’approuve très-fort le projet qu’a madame Bonard de quitter Saint-Georges dont lhabitation n’est peul-être pas très-saine. Ta place, qui jusqu'ici ne La rien produit, ne peut que devenir très-bonne, etelle aune consistance qui la rend préférable à toutes les autres. Je sais de bonne part que l'instruction publique pourra être modifiée en bien des points, mais non en ce qui concerne les mathématiques. Rappelle-moi au souvenir de madame Bonard et embrasse pour moi loute ta pelite famille, et surtout notre petit Réné. Ecris-moi quelquefois et sois persuadé que je n’oublierai jamais notre ancienne amitié dont je t'offre les assurances les plus sincères. Ton ami, FOURIER. Cependant, lorsque Bonaparte a résolu d’attacher une bri- gade de savants àson expédition d'Egypte, Fourier lui a été pré- senté par Berthollet, Monge et Caffarelli. El part et ne revient qu'en lan X, après la mort de Kléber et la capitulation. Ces trois ans de son séjour en Egypte n'ont pas été perdus pour la science, bien qu'il a été attaché en même temps à l’admi- nistration. À son débarquement, il écrit la lettre suivante où se révèlent les travaux du savant, mais en même temps les Re — FT e MP NQ EE Ar fe FES 2 ne Re End ti DE JOSEPH FOURIER. 129 erreurs de la science, car on sait aujourd'hui par les décou- vertes de Champollion que les zodiaques dans les signes des- quels les astronomes de l'expédition avaient lu l'antiquité la plus reculée, ne sont que du temps des Ptolémées, ce qui, au reste, ne retranche rien à la haute antiquité d’autres mo- numents et à cette longue suite de dynasties de rois attestées aujourd'hui par le texte des hiéroglyphes comme elles l’é- taient par le témoignage d'Hérodote. Toulon, le 29 brumaire, an X. Je viens, enfin, mon cher Bonard, de terminer mon voyage d’Egeyple qui ne me laisse que le plus agréable souvenir. Je suis entré il y a quelques jours dans le port de Toulon et je suis d’une santé aussi bonne que je puis le désirer après d’aussi longues fa- tigues. J'espère que vous m’aurez conservé votre amilié, et que vous apprendrez avec satisfaction mon heureux retour en France ; on ne pourrait pas y entrer dans des circonstances plus favorables. L’examen des antiquités de l'Egvpte et les fonctions que j’ai remplies dans le gouvernement civil de ce pays ne m'ont point détourné de l'étude de la géométrie; je n’ai pour ainsi dire jusqu'ici publié aucune de mes recherches. Je ne tarderai point à le faire, si, comme je le désire beaucoup, la fortune me laisse enfin jouir à Paris d’un loisir durable, mais il faudra que je donne mes prerniers Jours à la publication de mon travail sur les monuments astrono- miques que nous avons découverts dans la Haute-Egypte. Comme il pourrait se faire que vous n’eussiez pas encore été informé de ces résultats, je vous dirai, pour m'en tenir à une idée générale, que les anciens habitants du climat de Thèbes ont représenté dans les sculptures qui décorent les édifices religieux, l’état du ciel tel qu'ils lobservaient alors, et que la dispocition de cette ancienne sphère est très-diffécente de celle que nous voyons aujourd’hui, changement qui estprincipalement dù à la précession des équinoxes ; la quantité et même la cause de ce mouvement sont aujourd’hui 9 130 LETTRES parfaitement connues, en sorte qu’on peut déterminer l’époque que les Egypliens ont eu le dessein de représenter. Une foule de cir- constances accessoires et l'interprétation d’un emblème hyérogli- phique confirment les conséquences que l’on peut tirer de ces sculplures, pour assiener l’âge des monuments. On peut fixer ainsi le temps où le peuple égyptien cultivait l'astronomie et les arts, et placer dans lenrs véritables limites des époques chronologiques qui semblaient devoir rester toujours ignorcées. Je n’entrerai point dans de plus grands détails aujourd’hui, et réserve votre attention pour un autre temps... Présentez mes respects à madame Bonnard et embrassez en mon nom toute votre aimable famille. Mais je garde une amitié toute particulière pour celui de vos enfants que j'ai rendu chrétien. (1) Si M. Rosman, habite encore Auxerre, faites-lui agréer les témoignages de mon respect et d'un attachement inaltérable que la réflexion et l’âge ne peuvent qu’augmenter. Je me recommande aussi au souvenir de nos amis communs, Roux, professeur de physique et mathématiques, Mathon et Amé. J'ignore si les citoyens Defrance et Balme sont encore vos collègues ; veuillez bien les saluer de ma part et leur famille. Je pense que je n’ai poin! encore perdu tous les amis que j'avais depuis mon en- fance parmi vos concitoyens ; en vérilé je croirais les avoir conser- vés tous, à n’en juger que par mes propres sentiments ; veuillez donc prévenir de mon arrivée ceux à qui celte nouvelle ne serait pas indifférente ou désagréable. vous avez le loisir de m'écrire à Marseille, où je ne tarderai point à me rendre, j’apprendrai de vos nouvelles avec la plus vive satisfaction. Adressez vos lettres à Marseille, poste restante, au citoyen Fourier, ex-commissaire du Jouvernement en Egypte. Je désirerais être informé avec quelques détails de ce qui se passe dans votre canton, plutôt sous le rapport des personnes que sous (1) M. Joseph-Antoine-Réné Bonard, chirurgien-major de l' classe en retraite, ancien médecin en clef de l'hôpital militaire de Calais, chevalier de la Légion-d' Honneur, cor- respundant de la Société, est mort à Calais le 14 juillet 1858. DE JOSEPH FOURIER. 131 celui des affaires auxquelles je deviens de plus en plus étranger. Je vous recommande spécialement de prévenir mes parents de de mon heureux retour et d'assurer plus particulièrement de mon amitié celui de mes frères que j'ai vu à Paris; il pourrait vous remettre une lettre que vous m’adresserez à Marseille. Je vous réitère les assurances de mon attachement, et je désire que vous vouliez bien me conserver toujours votre bonne amitié. P.-S.-J. KRoURIER. Les deux dernières lettres ne concernent que la vie privée de Fourier, mais elles n’en sont pas moins d’un haut prix à nos yeux, en ce qu'elles montrent que le savant illustre et l’admi- nistrateur éminent élait en même temps un noble cœur, un parent affectueux et plein de générosité, et que les dignités et les positions élevées n’avaientrien desséché chez lui des pieux et tendes sentiments de la famille. ; Grenoble, le 4 brumaire an XI. Le Préfet du département de l'Isère, Permettez-vous, mon cher M. Bonard, que je vous charge de quelques petits soins relatifs à mes affaires personnelles ? J'écris à Paris pour que l’on fasse remettre à M. Bastide et fils, rue du Mont-Blanc, à Paris, la somme de mille francs qui vous sera comptée par le receveur général du département de l'Isère, Jai prévenu M. Sauvalle de cet envoi; il vous indiquera les petits payements que vous effectuerez à M. Amé et à mon neveu. De plus, un de mes frères qui est au service et que j’en dois retirer, mais qui se trouve présentement en semestre à Auxerre, a vraisemblablement besoin d'argent; je vous prie de lui remettre 100 fr. et de le prévenir qu'il ait à m'indiquer la somme néces- saire pour obtenir son congé, je la lui fournirai si elle n’excède point ce dont je puis disposer. Aussitôt qu'il sera retiré du service je lui ferai une petite pension et lui indiquerai comment je désire qu’il l’emploie; mon intention est d’ailleurs qu'il reste à Auxerre. 132 LETTRES Si vous vouliez vous charger de sa première correspondance avec moi, je vous en aurais beaucoup d'obligation et vous prie de lui demander quelle facilité il espère trouver dans son corps pour acheter son congé; M. Sauvalle peul vous donner sur cet objet des renseignements très précis; au reste le chef de la brigade m’a écrit il y a quelque temps, il est infiniment disposé à le servir; veuillez, mon cher Bonard, prendre quelque intérêt à cette affaire. Je voudrais bien aussi que vous m’entrelinssiez des vôtres; personne ne désire plus que moi que vous jouissiez du bonheur auquel vous avez tant de droit. Embrassez de ma part toute votre famille et continuez-moi votre amitié. J'écris aujourd’hui à Paris; les fonds seront parvenus avant huit jours; vous recevrez une lettre d’avis de M. Lefort, employé à Paris. FoURIER. Monsieur et ancien ami, je ne sais comment m’excuser auprès de vous des retards continuels de ma correspondance, il ne faut cependant les aitribuer qu’en parlie à ma négligence; car les cir- constances où je me trouve depuis quelques mois ont attiré exclu- sivement loute mon altenlion. J'ai écrit ce matin à Grenoble et j'ai chargé la personne char- gée de mes affaires de vous envoyer sur-le-champ la somme de 800 francs dont vous me parlez dans votre lettre. Ma lettre arrivera le 1er février et vous recevrez certainement ladite somme le six ou le sept du mois prochain. Si cependant vous trouvez quelqu'inconvénient à ce délai je vous prie d’avoir la complaisance de vous adresser à monsieur Guichard, receveur général, et de lui demander de ma part la somme de huit cents francs. Je connais assez son amilié pour moi pour être certain qu’il vous satiefera. Je vous prie d'offrir mes respects à madame Bonard et de la remercier de ses attentions pour ma nièce. Je ferai mon possible à mon retour pour passer un jour on deux à Au- xerre. En me rappelant au souvenir de M. Guichard, témoignez- DE JOSEPH FOURIER. 133 lui tout le regret que j'ai de ne l'avoir point vu à son dernier voyage à Paris; je rencontre souvent à la cour M. Dumolard, son ami, et nous nous entretenons de lui. Je touche enfin au terme de mes ennuis, l’impression de mon aiscours est bientôt terminée (1); je m’occuperai alors avec plus de soin et d'exactitude de mes affaires personnelles. En continuant d’avoir recours à votre complaisance je tàcherai d’y micux répon- dre que je re l’ai fait jusqu'ici. Je vous prie de me rappeler au souvenir de M. Roux et de me donner des nouvelles de sa santé. Recevez l’assurance de tous les sentiments de reconnaissance que je dois à votre ancienne amilié. P. S. J. FourIER. Préfet de l'Isère, Paris, 25 février 1810. Il faut remarquer en terminant que même aux époques d’effervescence et de passions violentes, le ton général de ces lettres respire toujours une grande sérénité d'âme et une mo- dération de goûts et d'humeurs aiguisées d’une pointe d'iro- nie douce et bienveillante autant que spirituelle. Fourier n'était pas seulement un grand mathématicien, c'était aussi un esprit charmant, plein de finesse et d’enjouement. Je me souviens d’avoir entendu dire dans mon enfance par ses an- ciens amis, dom Laporte et notre excellent professeur de cin- quième, M. Amé, qu'il faisait des vers avec une merveilleuse facilité et qu'il excellait dans la poésie légère. Parfois à la fin de la classe, le bon M. Ami faisait trève à l'austérité de Quinte-Curce où du Selectæ, pour nous raconter avec une piquante bonhomie des anecdotes de sa Jeunesse et nous ré- citer quelques-unes de ces pièces de vers de Fourier dont le (1) Il s agit ici de la Préface du grand ouvrage sur l'Égypte. 134 LETTRES DE JOSEPH FOURIER. souvenir vague m'est resté dans l'esprit comme des modèles de grâce et de bon goût. Je me rappelle entre autres qu'en nous contant l'histoire de son mariage, il nous lut une chan- son que Fourier y avait improvisée, c'était autant qu'il m'en souvient, le même fond d'idées que dans la chanson si con- nue que fit plus tard Béranger sur le mariage de son ami Wilhlem, du célibat fidèle appui; mais la premiere, quoi- que non moins spirituelle, était, dans sa gaieté, d'une dé- cence irréprochable. J'ai regretté bien des fois depuis ce temps- là de n'avoir pas copié ces poésies dont l'impression m'est toujours présente, et dont le style des lettres que je viens de transcrire m'a remis en mémoire la touche fine etexquise et le ton facile et gracieux. CHALLE. OBSERVATIONS MÉTÉORO LOGIQUES FAITES A L'ÉCOLE NORMALE D AUXERRE, PENDANT LE 1* TRIMESTRE 1858. 136 OBSERVATIONS 1858. ne Mois OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES Enr : : 1 OP RATER TRES OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES cs à 9 heures | ni | à 3heures | à 9 heures [température |tempérs ature |lempérature = à F du matin. | du soir. du soir. minimum. | maximum. db re moyenne. ÉS. — ee En LES a ——— | | R— _ 1 1766 1017660m/5 766Mm30|766mms5l Q 8|_ 4 n = 2 40 9 [764 411763 81,763 621765 13] 1 1|- 3 7|— 9 40 2062010 TEL 8076 611159) 180| = to EE 0 08" 040 4 1758 401758 9251757 841157 18|— 3 8 + 1 2|— 1 50 5 1756 381756 92117356 551756 901 8 5|— 6 o0l— 7 93 CARO TE RNES | 7671 MONTS NO SM OS) PES 70110 511759 25,759 4560 AN) ER ER EAUS 8 1762 9281762 481762 541763 40|— 8 8 + 2 9— 9 95 9 1762 311161 O00!761 151761 31] 6 81 3 8|— 4 35 10 1762 481761 911761 401761 18|— 1 GIE 53 8|+ 1 10| 5 14 1760 931760 92351760 501762 941— 0 6 MONS CONGO 19 [764 351764 351764 451764 8] O0 1|41 3 O|L 1 45) 3 13 1763 601762 531761 821760 74|— 4 8|1 2 8|L 0 50| 4 14 1760 911760 611760 801761 69]— 1 4|+ 92 5|+ 0 55| 5 15 1761241761 3017610 25)7640445|— 4 522 4 5101070010 16 [762 111762 981762 251762 58|— 0 9|+ 4 O|+ 1 55| 4 17 1765 381768 021768 501768 .74|— 2 9|+ 2 1|— 0 40| 5 18 [767 441766 641766 411766 O041— 3 9|+ 3 8+ 0 80! 5 19 1765 341764 511763 501762 141— 0 1|+ 5 0! 9 45| 5 20 1759 611759 21,786. 421752 0721-40 3-4 6 5|+ 3 306 21 [7553 191753 1441754 00755 94|1L 4 91 3 9|41 9 20| 9 29 1758 721758 551759 451765 91|— 1 4|+ 2 S8+ O0 70| 4 23 1765 381765 881766 121767 91|— 1 5+ 2 6G|+ 0 55|"4 24 1765 441165 311765 281764 91|— 3 4|+ 5 B|+ 1 05| 8 25 1764 171763 801763 121760 491 3 5 +9 6Gl— 0 45, 6 26 17570 63/7151. 611757 587500 40) 6 5119 41 2 0518 DNS TMS) TO MAS TE 49) 7580) = AG US ENG O0 251145 28 [759 701759 921760 151760 96|— 7 O1 6 2|— 0 40113 29 [762 491762 471762 60|763 68l— 8 8+ 4 8— 2 0013 50417650035|762 711762 431759 008) = 77) 58) 0 95) EU 154 731153 871753 011752 A10|— 2 O|+ 6 9]+ 2 45) 8 = © SS|761. 58/761 20761 19/761 15|° Me pe ET | Différence des extrèmes 18,8. Moyenne du mois :— 0,57. Moyenne de la variabilité journa- liére 6,38. | Plus grande élévation 768,74, le 17, à 9 h. du s- Moindre élévation 752,10, le 31, à 9 h. du s. RACE MÉTÉOROLOGIQUES. e Hanview. 137 VENTS ÉTAT DU CIEL avant midi. | après midi. avant midi. | après midi. S S. brouillard br, ép., couv N. N.-E id id. N.-O. N. couvert serein N.-E N.-E. Îserein | id N.-E. N.-E. l'ouvert couvert M=S.-E. | NE. ciel gris serein N.-E N.-E. id. | id S. S: brouillard | id. S. S. auag. blanes |lég. brum. S. S: br-très-épais br. épais. S. S. brouillard brouillard N. O0 N.O. f[pet. pluie couvert or* ép IS. id. : couvert Ruide N.-E. IN. N.-E id. id. D. (0) brouillard. |pluie, couv. .-N.-E. Na clel blarc “ouvert =N.-0.! N.-O. [brumeux | id. -N.-0. | S.-0. Jcouvert | id. ÈS, 0. | S.-0. id. RATE 0. N.-N.-0 fouigeux niageux N.-0. N.-E. [rouvert Iciel gris SE. |N.-N.-E, [lég. nuages [quelq. nuag. N. N.-E. feouv., brum.llég nuag. N. E brouillard | id. E. SE. {serein serein S. S.-E lég. brum,s jclair, serein Isereln brume lclair légers nuag. légers nuages couvert [couvert De S.-E. | S -S. BE. |S.-S-0 SE, S. ES-0. | S.-S..O. beaux et couverts, ou jours de beau temps 22. de pluie *, | de brouillard 7. de gelée 29, Observations pluviométuiques. mm Oo 1 0 14 :1qqs. flocons de neige. mm 0. 84 : — = ——— OBSERVATIONS GÉNÉRALES. Résultat du brouillard qui tombe sous la for me d’une pluie fine. Dégel. Résultat du brouillard. OBSERVATIONS OBSERVATIONS à 9 heures L=] LE du matin. 1 |7490m39 OMIT7OMENS 3 17151 89 2 1751 87 SUIS 49 6 1754 191 PMITOUN AS QAITo2 ES 9MITDS 055 10 1751 39 14 [750 10 12 [756 0: 13 [756 70 14 1750 31 15 1746 7: 16 1748 69 AT IT 52 NCS 18 [750 08 19 1752 15 20 [751 28 24 1748 79 29 1747 27 23 1743 86 24 [7149 54 25 1752 55 26 [751 54 27 [747 76 28 [759 18 1581750 71 A OÔ DE TEMPÉRATURE x“ à 3 heures à midi. du soir. 7490n95|750mm75 150002750005 1520400|75 298 151% 50751 50 155 801756 V7 154 005 |T550 186 TD MO 2)| 7 ST 7/0) 152 591752 62 155 44753108 751 4151751 10 754. 29|751 60 715 401756 27 156 001755 50 149 411749 O2 RNN LE (A 7149 021749 54 FD2.811|75 2090 749 51749 41 151 49]751 62 150 10748 95 149 05|749 920 745 041744 05 144 02744 90 150 311750 75 152 811752 64 54059) TD INT 140 85744 82 158 801758 70 150 501750 36 BAROMÉ!RIQUES à 9 heures du soir. 7 5 | mmo(} TA 9NAIS 71520099 (ho) LR) 7156, 11359 78100 A 752102 2 1) 71521099 TA OS T0 7100 7153 08 148 8Ù 746 12 F5 ONE 753 164 7490059 7510099 7410000 750 39 7AATIN2IS 746 66 15 24 715 2 NT 715 AS 742 065 IS TU MIO 15059 Plus grande élévation 757,03, le 12, à 9 h. dus. Moindre élévation 737,70, le 28, à 9 h. dus. Mois | OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES DO Œ O OI À I QI © OI Où D D = OO I 0 = I ON RO O1 D © = OI température température température È e 8 minimum. | maximum. | Moyenne. EE — 0 444 5|+ 9 201% == % € + SU + 0 9! 7 = ME AIG LOIS 4S Nr + 4 4411 4,+ 5 00110 + 4 9|+ 9 0|+ 6 69| 4 — 4 US|L 7 ,0|+ 1 55/1 —13 AE 6 S|E 4 40h10 — 5 344 0— 0 65| 9 — 7 OS 7— 0 65/12 — 4 0|+ 92 1|— 0 93! 6 — 14 5142 O|+ 5 25113 L 4 OÙ+13 1|+ 7 35/19 LE 4 0415 6|+18 80| 9 + 0 3|+10 9+ 5 60110 + 0 6+8 7+246:3|8 — 9 9+4 7|+ 0 90| 7 — "500 IMEMA4 NUE 0 30! 9 — B 9149 92— 4 50| 7 — 3 147 2+ 1 70110 — 5 6|+ 9 7|+ 2 05115 — 1 9|+8 1|+ 3 10110 — 1192406 2<Æ'2' 4807 LH 0 1|+ 9 8|+ 4 95] 9 — 0 2+6 2+ 3 00! 6 —1704|409 9 29510 = 9 2+ 1 4|— 3 90|10 50119) 06 61055 40 mu + 3 50/10 | | | : Maxim. extr. 413,7, le 12. Minimum extr — 9,2, le 26. Différence des extrêmes 22,9. Moyenne du mois+ 2,26. Moyenne de la variabilité journa- lière 9,43. N RÉCAPITULATIO) | MÉTÉOROLOGIQUES. ide Février, ÉTAT DU CIEL VENTS avant midi .| après midi. avant midi. après midi. O0. N. nuageux clair 0. 0.S.-0. id nuageux S. S.-S.-0. id. id. ns. S.-0- [couvert couvert ne 0. N. nuageux clair S.-E. | S.-S..E, [brouillard {clair E. E. serein serein E, E. id. id. E. E. nuag. légers |couvert De E. S..S..E. [nuageux id. S.-E. S. serein id. S.-E. S. nuageux nuageux NS. E. S. nuag. bl. f. |pommelé M S. O: serein serein ( k 2 PRE fe ee MUN-E. | NE. id, id. MPN.-E. N.-E. id. serein Nr E. E. id. id. Pl E. N. brouillard [nuageux PL S. S. id. pluie, couv. | | S. N.-E. [nuageux id. | | E. S.-E. ‘ouvert. id, A S.-E. N.-E pluie couv. |4qs. nuages MN: N.-E. N. serein serein MNE. | NE folie couv. | id. N.-E S, nuag. légers couvert RUN.-E S.-E. nuageux id. 1 auag. légers |couv. pluie Il [l | | beaux et couverts, ou jours de beau temps 21. de pluie 6. de brouillard 3. de gelée 21. de neige 1. ations pluviométriques. 0 139 OBSERVATIONS GÉNÉRALES. pluie et neige fondue. Neige. 140 OBSERVATIONS OBSERVATIONS BAROMÉ JES À | Ê ROSETRIQUES OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES n È A O DE TEMPÉRATIRE. ce à 9 heures pe à 3 heures | à 9 heures [température | température | température 5 4 | Œ à midi. | S3 du matin. du soir. du soir. | minimum. | maximum. | moyenne. 5 4 1 [758mm40|758mn5s|;58mm20|758mm04|t Q 9|+ 8 9+ 4 55| 8 AJ 2 7155 58755 511153 80/1330049| 1 à 42 74425) 0 3 1737 661758 00|739 1421759 36|+ 3 6|+ 6 8+ 5 20| 3.2 4 759 651159 98|139 19/7537 42/4 4 114 4 0|+ 9 55] 2 AN 737141417580 2017580 0908175956) = 05) EM 61" 00025) 6 1736 091732 351132! 25732041] 4002/2020) "1 10/0 7 |156 49/7137 O02|757 411758 77|— 6 4|+ 8 8|- 0 30| 125 8 [7535 59/1737 811740 00744 O8[— 2 01 8 9|+ 3 10|10.A 9 |747 291748 06|748 350748 83|- 2 O|+ 5 G|+ 1 80| 7 M8 10 BIC LAS 7540 891735 1P 1607490875) = timre lee No) 2620) 8 11 [746 081747 101748 301749 11[- 3 41|+ 5 1|+ 1 00! 82 19 [753 661754 3551754 751755 85 3 Gl+ 3 2|— 0 20/68 13 [153 771750 411746 90759 66|- 3 6|+ 6 7|+ 1 551104 14 |744 911743 88/7453 5017142 08| O0 ol 8 9|+ 4 45) 88 18 [747 851748 621749 811732 74l— 0 841 8 5|4+ 3 85| 08 16 [753 9221756 20/7356 821758 O05|+ Oo 1l+11 0! 5 55|10 17 759 711759 9281758 491559 41lL 0 71413 1|-L 6 901122 18 [188 401788 271758 301757 O05]— Oo 94112 414 5 7511388 19 [188 601758 531758 5:1759 54|+ 4 911153 411 7 30/12 8 20 [Gt 121761 551761 68|761 8x]+ 2 o!+113 8|+ 7 7511 A] 21 762 651762 701162 411162 924|4+ O a|+12 5|+ 6 50/12 29 1163 051763 121762 4151763 352]4+ 0 414115 9|+ 7 65150 23 |:62 00761 80/761 581760 70[+ 2 9|+119 5|+11 20/16 {| 24 |356 181755 871783 451754 44|+ 3 414119 41411 25|16& 28 154 O117154 421554 641153 517|4+ 4 0|115 5|+ 9 75|MS 26 {156 021756 281756 67/7157 89|-- 4 9214 8 &|+ 3 80|10 ME 27 |758 871756 301736 141753 50Ï+ O 9|H10 S|+ 5 70] 9 28 [754 831734 631154 B41754 B4|— 9 Gl+12 5]+ 4 85| 14) 29 [754 941753 081751 4717181 15|— 4 9|117 1|4 7 6019 130 1748 911748 601748 261747 72|+ 2 34118 9|+10 50|16 34 742 851741 391740 621758 79] 7 11115 9|+11 50| 8 le ee ——_—_—_Ù— 2 à fran onlras élan or Go Mumeur 6er. ne = Différence des extrèmes 25,9. Plus grande élévation 763,32, le 22, à 9 h. du s 2 Men A A journä Moindre élévation 732,11, le 6, à 9 h. du &. ‘| lière 10,43. MÉTÉOROLOGIQUES. A41 Mars. MENT ÉTAT DU CIEL € OBSERVATIONS avant midi. | après midi. avant midi. après midi. = GÉNÉRALES. n.-S..E. SE nuageux clair {ww 80 SE. S.-E. l'ouvert puie 152 N.-E. N. pluie pet. pluie 11 58 N. N. couvert couvert 0 40 N. N-O. fJnrige ciel gris 4 T1 N.-0). N. O. Junageux neige 0 O0 clair id. 2 74 0. (8 couvert pet. pluie 1 40 N.-0. (OR clair peiye 0 15 e) O. nuageux neige etgrés.| 1 80 S brumeux couvert 0 24 N N. clair nuageux 5.-S. O. 0. ciel gris neige el pluie EN. -O. N. QUATEUX pluie 8 00! N. N.-N.-O {ciel gris nuageux 4 25 N. N.-N.-E. leouvert couvert 2 05! O. 0.-S. O0. [nuag. blancS|légèrs nuag. | S. O. N.-E. |br. épais nuageux N.-E. N.-E. [riel gris id. N.-F. NE. felair serein E. E serein . id. | E. N-E. id. id. H-N.-E | N-E. id. id. | EN. -E. S.-E. id. id, B-S.-0. | NE. {[lég. nuag. [nuageux | E.-N.-E.| N-E. |serein serein | S. SE. Jbrumeux id. | N.-E. | E.-N. E. [brouillard clair | S, O. lég. brumeux/serein | S S.-S. O. {serei il. | S. S.-0. [nuagenx pluie beaux et couverts, ou jours de beau temps 20. : E 4! de pluie 6. 46 64 | de hrouillard 5. | | de neige 5. de gelée 14. ROBIN, Mailre-adjoint à l'Ecole normale. | LUE RU . x ny » ou DE FAUX ra EUX COTE CA qu (ie bats d 4 “ f de 4: PA Mabisir dyth | : ns : É Ha À Û Ve CAP HET in at dise enfant, Jah mt tarot AE 2 - : épis MAS ' te À tr À : “14 Va. AE VU ni 4 io FR Ont, Eu d'a ri 1% DA haie ie not ass CIMOL Hoi one | G'thio tee - DONS FAITS À LA SOCIÉTE : SCIENCES NATURELLES. — MINÉRALOGIE. M. CHALLe, président. — Une collection de minéraux d'Islande, desti- nés à la collection de minéralogie générale (32 échantillons). SOCIETE DES SCIENGES HISTORIQUES ET NATURELLES DE L'YONNE. SÉANCE DU 15 AVRIL 1858. PRÉSIDENCE DE M. CHALLE. Il est fait hommage à la Société : Par M. Hébert, directeur des études scientifiques et profes- seur de géologie à l’école normale supérieure, membre corres- pondant de la Société, de deux brochures intitulées : 1° Les mers anciennes et leurs rivages dans le bassin de Paris ; 2 Recherehes sur les Mammifères Pachydermes du genre Coryphon. Par M. Gomart de Saint-Quentin, de ses documents iné- dits pour servir à l'histoire de Saint-Quentin. 1856. 2 val. in-8°. Par M. Desmaisons, de sa Notice historique sur le pont d'Auxerre. 146 PROCÈS-VERBAUX. La Société vote des remerciements à MM. Hébert, Gomart et Desmaisons. M. Gomart est en outre présenté comme membre corres- pondant par MM. Challe, Quantin et Déy. M. le Président donne lecture d’une lettre adressée par le Ministre de l'instruction publique et relative à la création d’un Bulletin et d'une Revue des Sociétés savantes de la province. 2 D'une autre lettre de M. de Contencin, directeur-général des cultes, qui promet son concours pour obtenir à la Société la continuation du secours annuel qui lui est attribué par le ministre de l'instruction publique. La Société témoigne toute sa reconnaissance à M. de Con- tencin pour le bon souvenir qu’il a gardé de ce département en général, et en particulier de la Société des sciences histo- riques et naturelles. M. Ollivier, présenté à la séance du 14 février, est nommé membre titulaire. Sont présentés comme membres correspondants : 1° M. Bardy, conseiller à la cour de Poitiers, par MM. Challe, Quantin, Cherest. 2° M. Louis-François Denoult, docteur en médecine à Paris, par MM. Quantin, Lorin, Cherest. M. l'inspecteur de l'académie Sivanne est aussi présenté comme membre titulaire par MM. Challe, Quantin, Dorlhac. La Société entend ensuite la lecture des travaux suivants : 4e Note de M. Camille Dormois, sur un cimetière Gallo- Romain nouvellement découvert à Tonnerre; cette note est accompagnée de plans et de dessins ; —2° Notice de M. Lam- bert, sur les voies romaines qui traversent le canton de Cruzy avec carte et dessins , — 3° Note de M. Déy, sur l'erreur dans SÉANCE DU A5 AVRIL. 147 laquelle persistent quelques historiens modernes à propos de l'emplacement de la bataille de Fontenoy, et sur la nécessité d'éclairer la question par un mémoire, avant d'ériger une colonne commémorative, comme la Société doit le faire. Un membre témoigne le désir que la question signalée par M. Déy soit soumise à l'attention du Congrès. Un autre répond que l'emplacement positif où s’est livré la bataille de Fon- tenoy est parfaitement connu des hommes spéciaux, et il ne pense pas qu'il y ait lieu par la Société de se prononcer de nouveau là dessus. Il ajoute qu'une commission a déjà été nommée pour fixer l'érection de la colonne, et que M. du Havelt a mis à la disposition de la Société une somme de deux cents francs : faut-il ajourner cette création? M. le Président de la Société fait observer qu'il s’agit d’un point important de l’histoire de France et qui mérite la publicité assurée aux discussions et aux travaux du Congrès, publicité beaucoup plus grande que celle de notre Bulletin et des travaux ordi- naires de la Société historique. Enfin, sur la proposition d’un membre, la Société décide que l’érection de la colonne com- mémorative coïncidera avec la réunion du Congrès et que le procès-verbal de cette érection réunissant les autorités qui ont traité la question d'emplacement, sera soumis au Congrès lui-même par le rapporteur de la Commission. Cette Commission, nommée le 6 mai 1852, est renouvelée et composée définitivement de MM. Quantin, Duché, Dondenne, l'abbé Carré et baron du Havelt. | M. Challe annonce que par suite de la nomination de M. Ed Challe, son fils, à la sous-préfecture de Barbezieux, il y aura lieu de procéder à la nomination d’un nouveau secrétaire. -_ L'élection est ajournée à la prochaine réunion. A 4 heures la séance est levée. 4148 PROCÈS-VERBAUX. SÉANCE DU 9 MAI. PRÉSIDENCE DE M. CHALLE. Il est fait hommage à la Société : Par M. Cotteau — dela deuxième livraison de ses Echini- des du département de la Sarthe, publiés en collaboration avec M. Triger. Par M. Raulin, de son factum contre M. Leymerie au sujet de la Statistique géologique de l'Yonne. M. le président dépose également sur le bureau : lo Les mémoires de la Société d'Agriculture, Commerceet Arts de la Marne. Année 1857; 2 Ceux des antiquaires de la Morinie. A+ trim. 1858. 30 Ceux des antiquaires de la Picardie. Année 1858. N° 1. Il est ensuite procédé à l'élection de M. Sivanne, inspec- teur de l’Académie comme membre titulaire. Sont aussi nommés, comme membres correspondants, MM. Gomart, Bardy et Denoult présentés à laséance précédente. M. Lasnier, instituteur à Auxerre, est présenté comme mem- bre libre par MM. Quantin et Ravin. M. le Président annonce la mort de M. Bazin, Président honoraire de la Société. Cette triste nouvelle est accueillie par de vifs sentiments de regret. Le scrutin, ouvert dès lecommencement dela séance pour la nomination d’un secrétaire est dépouillé. M. Lepère, ayant réuni 47 voix sur 18 votants, est proclamé secrétaire. M. Cherest donne lecture du compte-rendu des travaux de la Société pendant 1857. | M. Quantin communique un article de la Bibliothèque de l'école des Chartes qui contient de curieux détails sur Geoffroy de Sergines et Érard de Valery. L'ordre du jour épuisé, la séance est levée. SÉANCE DU 6 JUIN. 149 SÉANCE DU 6 JUIN. PRÉSIDENCE DE M. CHALLE. Il est fait hommage à la Société par M. Desmaisons de sa notice sur le drainage : La Société à aussi reçu les envois suivants: 1° Bulletin de la Société Vaudoise, tome V. N° 42. 20 Journal d'Agriculture et de la Côte-d'Or. 3° Bulletin des Antiquaires de France. 1858, premier tri- mestre. 4o Divers livres Hollandais adressés par l’Académie d’Ams- terdam. M. Lasnier est admis comme membre libre. Sont présentés comme membres titulaires: 1° M. Courtaut premier commis de direction à Auxerre, par MM. Déy et Courtaut. 2° M. Muraour, interne à l'asile des Aliénés, par MM. Ravin et Rousseau. Lecture est donnée par M. le Président d’une lettre de remerciement de M. Bardy, nommé membre correspondant à l’une des séances précédentes ; et d’une lettre de M. Bert, au sujet de la collection zoologique de la Société. Sur la proposition de son Président, la Société remercie M. de Smyttere, présent à la séance, pour le cours public d'his- toire naturelle ouvert par lui dans notre ville. C'est le premier dece genre qui ait été fait à Auxerre. L’habile professeur y montre à la fois une grande lucidité et une grande profondeur de savoir, en sorte qu’on peut dire de ses leçons : /ndocti das- eunt et amant meminisse periti. La Société, comme témoi- gnage de son estime et de sa reconnaissance, offre à M. de Smytere un exemplaire de ses diverses publications. 150 PROCÈS-VERBAUX. M. Lambert, de Tanlay fait hommage à la Société d'une petite statuette Gallo-Romaine qui représente Isis, assise sur un siége en osier et tenant un enfant dans ses bras. Cet objet a été trouvé près de Gigny. On a trouvé dans le même lieu un petit bronze de Septime-Sévère et diverses autres médailles. M. Lambert demande à y faire des fouilles. Pour les commen- cer la Société ouvre un crédit de 30 fr. et nomme une commis- sion composée de MM. de Tanlay, Lemaistre et Lambert. Lecture est ensuite donnée d'un article de M. Duché sur le choléra de 4854 et d’un chapitre de l’histoire de Saint-Fargeau par M. Déy. M. le Trésorier présente son rapport sur la situation finan- cière de la Société. MM. Dondenne, Villiers et Peltier sont chargés de l’examen de ces comptes. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. LES ARMOIRIES DES PRINCIPALES VILLES DU DÉPARTEMENT. Les armoiries étaient les signes symboliques que chaque corps constitué, chaque famille honorable, chaque corporation portait autrefois pour se distinguer et pour rappeler son ori- gine ou quelqu’exploit glorieux. C’est encore aujourd’hui -un emblême respecté malgré les changements que les sociétés politiques ont subis ; il y a dans ces énergiques et bizarres devises quelque chose de mystérieux qui a survécu aux plus grandes vicissitudes. Les armoiries des villes offrent en particulier un intérêt historique qui réclame l'étude de l’antiquaire. Mais, comme les signes héraldiques qui sont gravés sur les écussons mu- nicipaux ne se rattachent pas à une famille spéciale, per- sonne n'a daigné, du moins dans notre pays, en faire l’objet d'études particulières et conserver le souvenir des événe- ments qui les ont fait créer, ou la date de concessions que les rois ou les seigneurs en ont faites. Cest donc le plus souvent par induction que j'essaierai d'expliquer les blasons des villes de notre département. Cependant, il y à un fait admis sur l’origine des armoiries des villes, c’est qu'elles leur ont été données en général par leurs seigneurs. La concession du droit de sceau avait lieu par l'autorité supérieure, et le signe qu'on gravait sur le 152 ARMOIRLES DES VILLES sceau devait représenter nécessairement quelque partie, du blason seigneurial. La suite des temps a fait apporter des modifications à cette institution primitive ; toutefois on en re- trouve encore les vestiges en étudiant l’histoire des villes et des seigneurs. La Révolution fit disparaître les emblêmes des armoiries des villes comme ceux des familles nobles, mais lorsque l’Em- pereur eut restauré l’ordre social, il porta son regard sur cette partie de l'administration publique comme sur le reste, et par un décret daté de Schœnbrunn, le 17 mai 4809, il or- donna que les villes auraient besoin de lettres-patentes pour prendre des armoiries. En 1815, le gouvernement de la restauration invita les _villes à reprendre leurs anciennes armoiries, et des ordon- nances particulières régularisèrent l’état des choses pour plu- sieurs villes du département de l'Yonne. AUXERRE. La ville d'Auxerre porte pour armoiries d'Azur au lion d'or armé et lampassé de queules, le champ semé de billettes d'or. La comtesse Mathilde, fille de P. de Courtenay, en affran- chissant les habitants de la ville d'Auxerre en 1293, y créa l'administration municipale et voulut que les citoyens eussent un sceau pour les affaires communes (1). La description de ce sceau répond aux armes de cette dame et de plus c’est celui des comtes de la première maison d'Auxerre et Nevers au (1) Præterea volui et concessi ut dicti cives sigillum habeant ad communitatis suæ negotia sigillanda. Lebeuf, t. 11, n° 329. DU DÉPARTEMENT. 153 xu° siècle. On peut croire, en effet, que les habitants ont pris le lion dans leurs armes comme étant le vieux symbole héral- dique du pays. La comtesse Mathilde, en reprenant les armoiries de ses ancêtres maternels, les donna ainsi à la ville chef-lieu de son comté d'Auxerre. (1) La ville de Nevers norte les mêmes armoiries que celle d'Auxerre. Elles proviennent probablement de la même ori- gine, si l’on remarque la date de la charte d’affranchissement des bourgeois en 1231. L'usage du lion dans les armoiries des officiers des comtes d'Auxerre de la maison de Nevers à cette époque, est démontré par des faits incontestables. On peut en citer une preuve dans le sceau de Gui, bailli d'Auxerre, de l’an 1263 (2). Lors de la séparation des trois comtés d'Auxerre, Nevers et Tonnerre, et de leur partage entre les trois filles de Mathilde, arrière petite-fille de la première Mathilde de Nevers, après le milieu du xime siècle, le comté de Nevers passa dans la mai- son de Flandre, et les: armes des prévôtés continuèrent à por- ter le lion de cette famille. L’écusson de la prévôté de Cla- mecy (3) était en 1286 un lion rampant avee des billettes. La ville d'Auxerre, fidèle à ses traditions, fit peindre au xv® siècle, à la tête de son cartulaire, le lion de ses armes exactement blasonné comme il l’est encore aujourd'hui. Un ange aux cheveux d'or, au large manteau vert et or sou- tienW'écusson qui est encadré dans un large C initial. Les temps modernes n’ont rien changé au blason auxerrois. (4) V. Un sceau de la comtesse. F, Pontigny, Arch. de l'Yonne. (2) F. Pontigny, an 1263, Arch. de l'Yonne. (3) Fonds saint Marien, ibid. 154 ARMOIRIES DES VILLES En 4670, le maire et les échevins, attestant la pauvreté des religieux Jacobins, scellèrent la pièce d’un sceau au lion ram- pant semé de billettes et avec cette légende : scel de la mai- son de ville d’Avcerre (Archives de l'Yonne L. L. Jacobins). La ville paya la taxe du droit d’armoiries sous Louis XIV, pour faire consacrer ses armes par la finance. A la révolution, elle les perdit; puis les retrouva sous l'empire. La restau- ration les consacra de nouveau par une ordonnance royale du 9 octobre 1815. Mais le rédacteur du décret ne paraît pas être sorti de l'école de d'Hozier, car on y lit ces mots : d'azur au lion d'or semé de billets d'or (A). AVALLON. Porte d'azur à une tour d'argent maconnée de sable et pour devise : Esto nobis Domine turris fortitudinas. Il est difficile de déterminer à quelle époque la ville d’Aval- lon à pris ou reçu des armoiries. Celles qu'elle possède ne rappellent en rien: les écus de Bourgogne ancien ni moderne, qui se voient sur le sceau de la prévôté d'Avallon au xiv° siècle (2). Elles sont fort simples et semblent anciennes, à l’exception de la devise qui rappelle le xvi siècle et les temps de la Ligue. A défaut de documents plus anciens, je rappellerai qu’elles sont inscrites dans l’armorial général ordonné par l’édit du mois de novembre 1696, Généralité de Bourgogne, Ÿol. 2, P, 264, art. 27. | Une empreinte de ces armes en noir de fumée, datant de (1) Arch. de la ville, (2) F, documents historiques, 1388, archives de l'Yonne. DU DÉPARTEMENT. 155 l'an 1701, représente une simple tour à trois créneaux avec les seuls mots : Torris Avalonis (1). Une ordonnance royale du 28 décembre 1821 confirma la ville dans la possession de ses armoiries. JOIGNY. Les armoiries de Joigny sont d'argent. la ville en pers- pective, vue du côté du sud-ouest, l'Hôtel-de-Ville gi- rouetté, les églises, le chäteau et les bâtiments ajoures de même, essorés de queules, la porte ouverte, les tours ajourées, maçconnées de sable, et sur l'ouverture de la porte un maillet d'or le manche en haut. — Deux aigles d'argent pour supports (2). Cette disposition archéologique du blason de Joigny figure assez bien le site et les monuments de la ville qui est disposée en amphithéâtre sur la rive droite de l'Yonne. Ces armoiries sont d'un genre original, et tout-à-fait parti- culier à Joigny. On s'est souvent enquis de leur origine. M. Febvre, ingénieur géomètre, chargé en 4815, par le Maire de Joigny, de composer le blason des armes de Ja ville, lui fit un rapport où il lui signalait notamment un écusson qu'on voit encore dans l'escalier de l'Hôtel-de-Ville, et un dessin mis en tête d’un manuscrit intitulé: des biens patri- moniaux appartenant à la ville de Joigny. Ces faits, tout intéressants qu'ils puissent être, ne remontent (2) Fonds des Doctrinaires d’Avallon. (1) Les armes des comtes de Joigny du xiv* siècle étaient de gueu- les à l'aigle d'argent au bec et aux pieds d'or. Les supports de celles de la ville en sont un vestige. 156 ARMOIRIES DES VILLES pas haut. Mais il existe un sceau de la prévôté de Joigny, qui nous donnera quelques éclaircissements. Il faut se rappe- ler d'abord que Joigny, simple chef-lieu de comté, n'a jamais joui d'institutions communales. Ses seigneurs, en l’affranchis- sant, ne lui donnèrent aucun privilége, ni justice, ni droit de sceau. Le sceau de la prévôté de Joigny de 1398, a dû donner l’idée des armoiries toutes modernes de la ville. Il porte sur Ja face trois tours crénelées, dont la princi- pale est percée d’une large porte, rappellant les armes de la première maison des Noyers. Au contre-sceau s’éploye l’aigle, autre blason de Noyers des xin et xive siècles. Tout cela a inspiré dans la composition des armes de Joigny, qui ne da- tent pas de plus haut que du xvur siècle. La disposition com- pliquée de ces armes est toute moderne et le maillet qui se présente au milieu de la porte ouverte est une allusion au sobriquet de maüllotins donné aux habitants de Joigny, à quelle occasion, c’est encore une énigme de plus. Les uns veulent qu’il s'agisse là du maillet qui sert à frapper les fûts destinés au bon vin que Joigny produit en abondance sur ses côteaux renommés. D’autres veulent y voir un souvenir de l’action où les habitants de Joigny, zélés Bourguignons, se révoltèrent contre leur comte Gui de la Trémoille (4409 à 1431), qu'ils soupconnaient de vouloir livrer leur ville aux Armagnacs, et s'étant armés de maillets de fer, le chassèrent de Joigny. Quoiqu'il en soit, il a sufli problablement de la fantaisie d'un maire de Joigny pour faire placer le maillet sur le blason lors de la composition de ces armoiries, et comme on constate rarement les faits au moment où ils s’'accomplissent, celui-là a passé comme tant d’autres et a fini par devenir une énigme héraldique. DU DÉPARTEMENT, 157 SENS. Porte d'azur à la tour d'argent, semé de 6 fleurs de lys 3,2 et 1. Et pour devise : Urbs antiqua Senonum. Lors de la constitution de la commune de Sens, au xn° siècle, le maire obtint le droit de justice, et dès ce temps-là il scellait ses actes et ses sentences du sceau de la commune (1). Une empreinte conservée aux archives impériales représente ainsi ce sceau (2) : en arrière d'une muraille crénelée s’élèvent trois tours également crénelées, celle du milieu bien plus haute que les deux autres. Sur la porte ouverte au milieu de l'enceinte, on lit ces lettres : is qui semblent la fin du mot Senonis, la légende étant cassée ne permet de voir que ces fragments non. j'ai recueilli un reste de sceau de l'an 1274, qui est identique à celui-là. Au contre-sceau est un buste d'homme à longs cheveux, et pour légende ce mot qui sent son romain d’une lieue : Ci- vitas. Telles furent dans l’origine les armes de Sens. Le P. Gui- chard, moine de Picpus au dernier siècle, a voulu les ratta- cher à la grosse tour de Sens qui était le siége féodal des comtes, puis des rois. On voit que c'est une erreur. La commune fut supprimée en 1317, mais il est probable qu'on ne changea l’écusson de la ville, que lorsque Louis XI eut créé le mairat en 1474, et que ce prince donna aux ha- bitants la permission et la faveur de placer 6 fleurs de lys dans leurs armes. (4) Voy. mon Mémoire sur l’affranchissement des communes, Bul- letin de la Société, V. p. 238, au paragraplie de la commune de Sens à l'an 1195, et Bulletin, t. x, histoire de la même commune. (2) Bibl. imp, collection de sceaux, n° 5156. 158 ARMOIRIES DES NILLES ' Le document le plus ancien où se trouvent les armes ac- tuelles de Sens, est le procès-verbal de la coutume de Sens, redigé en 1555 et conservé à la Bibliothèque de la ville. Le cartulaire des franchises de Sens, dressé en 1571 ,par Taveau, représente également les mêmes armoiries peintes à la pre- mière page, mais on ne sait si la tour est d’or ou d'argent, parce que la couleur en est effacée. L'écusson y est encadré dans une guirlande de feuillages et au-dessous pend une ban- derolle dorée sur laquelle on lit ces mots prétentieux : Nulla expugnabilis arte. Cette devise se retrouve sur une médaille frappée par les ligueurs de Sens (1) et sur laquelle on lit en outre : URBS ANTIQUA SENON., de manière à former ce vers: Urbs antiqua Senon.; nulla expugnabilis arte. Tarbé, dans son histoire de Sens rapporte qu'on lisait autrefois sur la porte Notre-Dame ces mots : Antiqua urbs Senonum, nulla expugnabilis arte. Cette inscription, peinte à l'occasion de quelque fête, s'accorde avec la légende de la médaille des ligueurs. C’est probablement sur la fin du xvre siècle, au temps des beaux esprits de la renaissance, que fut composée la devise des armes de Sens. Dans la composition des écussons modernes, on a mis la devise Urbs antiqua Senonum, laissant de côté le nulla expugnabilis arte, comme trop belliqueux. M. Prou pense que la véritable légende résulterait de la réu- nion de deux hémistiches corrigés : Urbs antiqua Senon., nulla expugnabilis arte. Je ne suis pas de son avis, j'aime mieux l’énergie dela deuxième partie de la devise; elle est plus dans l’esprit du sièele où on l’a faite. Et d’ailleurs comme le fait remarquer M. Prou, il était inutile d'annoncer le nom de la ville de Sens sur son écu, car cela n’est pas très-héraldique. (1) Autrefois dans le cabinet Tarbé. DU DÉPARTEMENT. 159 SAINT-FLORENTIN. Cette ville dont l'histoire municipale est peu connue, ne paraît pas avoir eu des armoiries qui lui soient propres. Les armes de la mairie et commune (1) de Saint-Florentin ont re- présenté successivement celles des différents seigneurs de la ville et particulièrement celles des comtes de Champagne : Ainsi la prévôté en 1330 portait : parti à dextre d'azur à la bande d'argent accompagnée de deux cotices potencées et contre-potencées de deux pièces ; à senestre de queules, aux chaines dor, posées en croix, sautoir et orle qui est de Navarre (1) avec un chef d'azur, chargé d'une tour accostée de deux fleurs de lys qui rappellent les armes de France. Un sceau trouvé à Ervy, appartenant à la commune de Saint-Florentin, et qui paraît du xvie siècle, donne des armoiries à peu près semblables aux précédentes excepté que les fleurs de lys du chef ont disparu et sont placées au nom- bre de trois dans les lobes supérieurs d’un quatre-feuilles qui encadre l’écu. Le chef lui-même n’existe plus. (Voy. la plan- che ci-jointe. MONTRÉAL. Ancienne chatellenie féodale importante, située sur une montagne à pie, cette petite ville n’a pas eu d’armoiries. Ce- (1) Ce titre de mairie et commune fut donné assez anciennement à l'administration de la ville de Saint-Florentin. On le trouve en 1234 dans la charte d’affranchissement des habitants par le comte de Champagne, et en 4421, dans une charte donnée par les habitants en faveur de l’abbaye de Pontiguy. (Cartulaire, in-8, p. 183, Bibliothè- que d'Auxerre). (2) Les armes Navarre sont : de gueules chargé de chaînes d’or de deux pièces, disposées en orle, croix et sautoir. (Histoire de Navarre, par A. Fauvin, in-f° p. 617). 160 ARMOIRIES DES VILLES pendant il m'a été communiqué l’empreinte d'un large sceau fort compliqué et de fabrique très-moderne qui paraît avoir été gravé pour Montréal. Il représente un écusson au champ d'azur, sur lequel un mont porte une tour crénelée contre la. quelle sont gravées une salamandre et trois fleurs de lys. A côté une Notre-Dame entourée d'étoiles dans le fond ; au pied du mont une église, sous les pieds de la Vierge une M capi- tale, et le mot monT-RÉAL en capitales suit les ondulations des bords du mont. Un ange tenant un rameau fleuri accoste l’écu à senestre et un lion passant se voit à dextre. Au-dessus est une couronne fermée. Cet accouplement confus ne mérite pas la qualification d'armoiries. (4) SAINT-BRIS. La ville de Saint-Bris, qui dépuiait aux Etats de Bourgogne, avait un sceau à la fin du dernier siècle. L’empreinte de ses armes, mal reproduite, ne permet que de reconnaître deux fleurs de lys dans le bas de l’écu avec ces mots pour légende : scel de la ville de Saint-Bris. (2) VÉZELAY. L’écusson des armes de la ville de Vézelay en 1790 est de gueules à trois fleurs de lys d'or, au chef d'azur semé de fleurs de lys chargé d’une chässe romane d'argent, maconnée de sable. I y a là les deux souvenirs, celui des rois qui ont tant de fois visité le fameux monastère de la Madelaine et ce- lui de la sainte sous le vocable de laquelle, depuis le xu° siè- cle, l'église célèbre de Vézelay est dédiée. (1) M. Delavaut, ancien maire de Montréal possède ce sceau. (1) Archives de l'Yonne, pièce de l’an 1792. DU DÉPARTEMENT. 161 NOYERS. Courtépée rapporte que les armes de cette ville étaient une Notre-Dame entourée de brañches de noyer (1), Un amateur possède encore une plaque de cuivre qui pré- sente cet emblème parlant. (2) Le curé-doyen actuel scelle lui-même avec un cachet de la Vierge au noyer. TONNERRE. Nous ne savons pas si la ville de Tonnerre posséda des armoiries dès l’époque de la première organisation de son administration municipale vers l’année 1214. Son blason actuel prend sa source dans celui de ses sei- gneurs et comtes, les sires de la maison de Chalon, qui possé- dèrent cette seigneurie du xre au xve siècle. Voici ces armoi- ries qui sont très simples : d'azur à la bande d'or. Mais il s'élève de nombreuses diflieultés sur la couleur réelle que l'on doit donner aux émaux. Nous allons les expo- ser, sans prétendre à les résoudre. Le blason ci-dessus décrit se trouve sur les anciens sceaux de la ville, sur l’écusson gravé dans le Recueil des chartes publié en 1630, sur une plaque en métal déposée à la biblio- thèque de la ville et sur un ancien drapeau blane. Mais d’au- tre part, on trouve à la Bibliothèque impériale, dans l’armorial de l'élection de Tonnerre dressé à la fin du xvue siècle, sous le n° 442, fo 448 vo, ces armes désignées ainsi : de gueules à la bande d’or. (4) Description historique du duché de Bourgogne, t. vi, 448, in-12. (2) M. Maison de Noyers, pharmacien à Troyes. 162 ARMOIRIES DES VILLES La confiance qu’on doit accorder à des monuments du pays même, me porte à croire que le véritable blason serait d'azur à la bande d’or, et que c’est par erreur que les documents ofliciels ont donné celui de gueules à la bande d’or. Cependant les armoiries des comtes de Tonnerre de la mai- son de Chalon étaient — d’après l'armorial de Segoing, publié en 165% — de gueules à la bande d’or ; ce qui ferait pencher à croire que les auteurs du xvue siècle, en dressant les listes officielles, ont pris pour le blason de la ville celui des anciens seigneurs. La différence du champ que l’on remarque dans les deux blasons ne viendrait-elle pas de ce que les habitants, lors de la transmission du comté de Tonnerre de la maison de Nevers à celle de Chalon, ont gardé l’ancien champ de l’éeu qui était d'azur (1) et se sont bornés à y placer la bande caractéristique de leurs nouveaux seigneurs ? Les sceaux du temps ne donnent pas précisément les moyens d'éclaircir ces difiicultés. Guillaume de Chalon, comte d'Auxerre et de Tonnerre, porte pour armoiries un écu uni dont la bande est couverte d’un réseau très-fin semé de croisettes, ce que semble indiquer le pointillé de l'or héraldique (2). Mais d’un autre côté, le sceau de l’an 1286 de la cour du comté d'Auxerre, lequel dépendait aussi de la maison de Cha- lon, présente un écusson chargé d’un réseau semé de rosettes, et la bande unie. (1) L’écu de Nevers était d’azur au lion d’or semé de billettes du second. ; (2) Voy. ce sceau aux Archives de l'Yonne, an 1299, Fonds Saint- -Marien; il porte en outre en haut de la bande un petit écusson de Bourgogne ancien. T.XII AVALLON JOIGNY ST-FLORENTIN VEZELAY RMOIRIES DES PRINCIPA LES VILLES : Med CAT DU DÉPARTEMENT. 163 Les comtes de Tonnerre-Auxerre, successeurs de Guillaume, ont continué de porter l’écu à la bande, mais sans distinction d'émaux. C’est par les faits postérieurs seulement qu'on peut établir que le blason des comtes de Tonnerre de la maison de Chalon était de gueules à la bande d'or; mais il reste toujours du doute sur les armes réellement anciennes de la ville de Ton- nerre. VILLENEUVE-LE-ROI. Les armes de Villeneuve-le-Roi sont représentées par une porte crénelée et flanquée des deux tours, la porte ouverte, les tours ajourées à 2 étages. C’est ainsi que ce blason est figuré sur le plan de la façade de l’église de Villeneuve dessiné en 1575 (1). Un document plus moderne qui m'a été communi- qué par M. le Maire de cette ville, présente pour armes le champ d'azur chargé de 3 tours surmontées d'autant de fleurs de lys, le tout d'or; et chaque tour percée d’une porte. C’est à ce qu’il paraît les armes officielles. L'origine en est assez explicable. La ville, fondée en 1163 par Je roi Louis-le-Jeune, a près le champ de l’écu de France. Sa porte et ses tours sont le signe parlant de ses deux en- trées ; les trois fleurs de lys sont plus modernes et rappellent que c'est une ville royale. Je ne connais pas de sceau ancien qui détermine davantage l'authenticité de ces armoiries, il faut s'appuyer sur l’écus- son placé sur le dessin du portail de l’église, et qui était autrefois sculpté sur ce monument. Max. "Ouen (4) Ce plan sur parchemin est conservé aux archives de Ville- neuve-le-Roi. HISTOIRE DE LA VILLE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. TROISIÈME PARTIE. Temps modernes. CHAPITRE IV. LAUZUN. En sortant de la descendance de la maison de Bourbon, la terre de Saint-Fargeau cessa d’être titrée, mais, désunies de droit, ses diverses parties restèrent incorporées de fait jusqu'au jour d’une nouvelle érection au titre de comté. La ville avait quatre foires, qui se tenaient le mardi après Pâques et les jours de Saint-Jacques, de Saint-Mathieu et de Saint-Thomas. Elles duraient deux jours, parce que la vente des toiles avaitlieu spécialement la veille. Maïs ce qui prouve mieux 4 encore la prospérité locale à cette époque, c’est que la bou- LL HISTOIRE DE LA VILLE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 165 cherie publique ne comptait pas moins de douze à quinze élaux. Le bailliage tenait une audience tous les vendredis et ce jour- là, à huit heures du matin, les ofliciers de justice entendaient préalablement la messe dans la chapelle Notre-Dame-des-Vertus ou de la Halle. La justice, du reste, était alors si peu expéditive, qu’elle avait bien besoin des lumières du Saint-Esprit. En voici un exemple : Le cinq mars 1660, les agents de Mademoiselle avaient fait pratiquer, à sa requête, contre un nommé Poulet, une saisie de cent bichets de blé méteil, et Etienne Pavillon avait été établi gardien. Le saisi forma opposition, demanda main-levée de la saisie et gagna son procès, en fin de cause, devant le Parlement, le neuf août 4677, dix-sept ans après la demande introductive d'instance. Pendant ce temps, qu'était devenu le blé saisi? Le gardien Pavillon l’avait mangé, puis il était mort insolvable en 1671, de sorte que Poulet réclamait encore, en 4784, le prix de son blé. Voici, du reste, d’après une consultation de l'avocat Colosson, de Montargis, ce qu'il devait faire pour être enfin désintéressé : obtenir condamnation contre les héritiers Pavillon, discuter leur solvabilité et, après les avoir fait déclarer insol- vables, actionner Mademoiselle, partie saisissante. C'était pour plus d’un quart de siècle encore! d’où il résulte qu'en ce temps là, on ne pouvait guère se permettre qu'un bon procès en sa vie. En revanche, d’autres embarras se terminaient avec moins de dificulté. En 1688, le chapitre ayant rédigé un inventaire des messes et des services fondés en l’église de Saint-Fargeau, s’aperçut qu'ils avaient fait l’objet de cent-six contrats et qu'ils étaient devenus si nombreux, qu'il n’était plus guère possible d'y satisfaire. Il 166 HISTOIRE DE LA VILLE faut dire aussi que la dépréciation de la valeur monétaire avait rendu sans doute insuffisante la rétribution attachée à ces services. Dans cette position, le chapitre, devançant l'invention d’un trois pour cent consolidé, sollicita de l'évêque une réduction qui fut autorisée, le 30 septembre 1691, par un règlement spécial en 34 articles. La même année 1688, nous voyons tout-à-coup Saint-Fargeau reprendre l'air actif et animé qu'il avait du temps de Mademoiselle. Une grande fête se prépare comme alors, mais les plaisirs bruyants et les joies profanes n’y auront, cette fois, aucune part. La piété seule, avec ses bonheurs intimes, en fera tous les frais. Cinquante-deux ans se sont écoulés sans qu'un des évèques d'Auxerre ait fait en Puisaie une visite pastorale. Deux générations tout entières attendent à Saint-Fargeau messire André Colbert pour recevoir le sacrement de confirmation. Le 26 juin, au soleil couchant, on signale la voiture de Mon- seigneur sur la route de Donzy, et, vers neuf heures, il descend au doyenné. Presqu'aussitôt commencèrent les réceptions. Les chanoines, en surplis, se présentèrent d’abord. Le doyen porta la parole et offrit à Monseigneur le pain du chapitre. Vinrent ensuite les officiers du bailliage, au nom desquels parla le bailli ; puis les officiers du grenier à sel dont la harangue fut prononcée par l’ancien grenctier, puis les échevins qui ofrirent à l'évêque le vin de la ville. Le Directeur des religieuses bénédictines termina les visites par un compliment de la part des dames. L'heure avancée n'ayant pas permis à Monseigneur de recevoir les officiers de la gruerie (4), ils vinrent le lendemain lui offrir de la venaison et du gibier. (4) Les agents forestiers. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 167 Le vingt-sept, jour de dimanche, il commença sa visite pasto- rale, qui se prolongea, tant à Saint-Fargeau que dans les paroisses composant cette station, Jusqu'au cinq juillet. Ce premier jour, dès les huit heures du matin, l'évêque était à genoux sur un carreau disposé à cet effet à la porte du doyenné. C’est là que vinrent le prendre le clergé, les officiers de justice, les échevins et toute la population, avec croix, dais et bannières. Le dais était porté par les trois officiers et le premier avocat du bailliage, en robes. Au moment où Monseigneur s’y plaça, ses deux aumôniers entonnèrent l'antienne Sacerdos et pontifex, et le cortége se rendit processionnellement à l’église paroissiale en chantant Benedictus. Les autres jours, toutes les fois que Monseigneur devait se rendre à l'église, le chapitre allait, sans croix, le prendre au doyenné ; 1l l'y reconduisait de la même manière. Pendant tout le temps de son séjour, on eût soin de ne sonner ni les matines ni la messe coupetée, le chapitre ayant eu cette déférence pour Monseigneur afin de ne le point incommoder par le bruit des cloches. Suivons-le dans ses visites. Il en est peu qui ne puissent fournir à l’histoire de la contrée quelques détails intéressants. Au chapitre (1), il donna un règlement d'ordre intérieur, et remarqua que le doyen etles douzes chanoines étaient tous natifs de Saint-Fargeau. (1) Le 30 juin 1688. Le chapitre était ainsi composé : Doyen. Alexis Archambault, docteur en théologie, âgé de 35 ans, prêtre dès 1678, promu au doyenné en 1680. Chanoines. Jacques Filion, 62 ans ; 168 HISTOIRE DE LA VILLE A Septfonds (1), il plaça dans une châsse élégante, qu'il scella de son sceau, les reliques que possède l’église de cette paroisse de Saint-Clément, Saint-Alexandre, Saint-Constantin et Saint- Benoît. Elles ont été apportées de Rome par Etienne Vilion, qui les a obtenues du cardinal Carsogna, vicaire du pape, ainsi que le constate l’authentique de leur translation inscrit dans le re- gistre de l'Etat civil à la date du 40 septembre 168% ; mais, changées de châsse en 1846, sans qu’il en ait été rédigé acte, elles ont perdu dès lors leur caractère d’authenticité. A Saint-Privé (2), Monseigneur était à peine descendu au pres- bytère que les habitants de la paroisse vinrent lui faire entendre leurs griefs contre leur curé (3). Ils exposèrent notamment qu’il était incapable de faire un prône; qu’il faisait rire les parois- siens au lieu de les édifier; ils l’accusèrent, en précisant des faits, d’être violent et emporté, de battre les enfants au catéchisme et les habitants aux processions et de faire à cheval la procession de Champoulet. Ils ajoutèrent, enfin, qu’il était intempérant, et ils rappelèrent à ce sujet, qu'un jour étant ivre et tout balafré, Bertier, son dixmeur, fut obligé de le mettre dans son tombe- reau pour le ramener à Saint-Prive. Transportons-nous maintenant à l’église, nous verrons cette accusation grave et circonstanciée s’amoindrir et se dénaturer François Stamplè, 47 ans ; Nicolas Bidault, 47 ans ; Jacques Nau, 33 ans ; François Archambault, 28 ans ; François Regnaullt ; Jacques Naulet, 24 ans. (1) 2 juillet. (2) 4 juillet. (3) Nicolas Ducros, natif d'Auxerre. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 169 dans la mise en scène. Monseigneur a pris place dans un fauteuil au chœur, du côté de l'Evangile. L'assistance est nombreuse ; elle observe le plus religieux silence, mais bientôt le prélat pre- nant la parole : — Avez-vous, monsieur le curé, quelques sujets de plaintes contre vos paroissiens ? — Oui, Monseigneur, tous manquent de respect pour moi. Du reste on commet des immondices dans l’église et l’on y cause pendant les offices. — Et vous, habitants de cette paroisse, avez-vous à vous plaindre de votre curé? — Oui, Monseigneur. 77 chante mal, il a une voix discor- dante, et on se moque de lui dans tout ce qu'il fait. La vérité oflicielle diffère un peu de la vérité historique, mais une ordonnance rendue le même jour par l’évêque, et notifiée au curé, complète l’une et l’autre. En voici deux dispositions : « Ordonnons au curé d’avoir plus de douceur, de modération « et de patience à l'égard de ses paroissiens, particulièrement « dans l’église, en sorte que ses vertus puissent paraître non- « seulement dans ses paroles, dans ses discours, mais même « dans tout son extérieur ; recommandons aux habitants d’avoir € un grand respect pour leur curé, auquel nous enjoignons de « faire une retraite, dans notre séminaire, de dix jours avant € l’avent prochain... Et sur les plaintes qui nous ont été faites « contre le dit sieur curé, ordonnons qu’elles seront commu- « niquées à notre promoteur (1). » Monseigneur visita ensuite les dames Bénédictines (2). Nous (1) A cette époque, il n’y avait point d’instituteur à St.-Privé, et le vicaire qui en remplissait les fonctions n’avait qu'un seul élève. (2) 5 juillet. 470 HISTOIRE DE LA VILLE franchirons avec lui les portes du cloître ; mais disons aupara- vant deux mots de cette maison. L'établissement des Bénédictines à Saint-Fargeau ne remonte qu’à 1647. Elles y furent appelées pour faire le service de l’'hô- pital et recurent à cet effet, le 44 avril, des lettres de provision du duc d'Orléans, au nom de Mademoiselle, sa fille mineure. Tous les biens, revenus et émoluments de l’hôpital furent mis à leur disposition, à la charge par elles d’y nourrir et soigner les pauvres, comme d'ancienneté, et d'y faire célébrer l'office divin. Le 20 mai 1649, l'hôpital fut, à leur sollicitation, érigé en prieuré conventuel, à la condition que la nomination de la prieure appartiendrait à Mademoiselle. Les habitants de Saint-Fargeau n’accueillirent pas facilement cette transformation. Cependant, après en avoir délibéré dans deux assemblées générales, les 13 et 15 juin 1654, ils accordèrent leur consentement, mais en y atta- chant comme conditions expresses que les sœurs ne pourraient quêter dans la ville, qu’elles ne posséderaient aucun bien comme communauté et qu'elles ne feraient dire aucune messe à l'hôpi- tal pendant la messe paroissiale. Depuis, les Bénédictines essayèrent en vain de se concilier la bienveillance des habitants de Saint-Fargeau. Ils placèrent au nombre des bienfaits les plus signalés de Mademoiselle la tran- saction qu'elle fit avec ces dames, le 49 juillet 1656, par suite de laquelle elles délaissèrent l'hôpital, conservèrent leur prieuré, et reprirent le droit d’élire leur prieure. Leur position nouvelle ne futtoutefois régularisée que parlettres royales de février 1673, enregistrées au Parlement le 7 septembre suivant, après que l’évêque d'Auxerre eut donné son consen- tement. Elles ont suivi l’ordre de Saint-Benoît suivant la règle et la discipline en pratique dans l’abbaye de Saint-Armand de Rouen. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 471 Au moment où nous allons parcourir leur monastère , les Bénédictines viennent de perdre leur supérieure, Marguerite Brochot, décédée à Paris; elles sont encore treize, douze sœurs de chœur et une converse (1). Le désordre et la misère semblent impatronisés au couvent. La chapelle à vingt pieds de long et seize de large ; elle est lambrissée et éclairée comme une mansarde. Le jour passe entre des ais mal joints et blanchis à la chaux. La sacristie et la chapelle communiquent aveclemonasière, l’une par une porte qui tombe en morceaux et livrerait facilement passage à un homme ; l’autre par une fenêtre, grillée, il est vrai, mais en fer blanc et comme pour la forme. Le tour, au contraire de ces gens qu'on n’aime à voir que de profil, n’est bon qu'à être vu de face. Un de ses côtés offre un large passage. La fenêtre du parloir d'en haut et celle du palier sont sans vitres. Un dortoir de trois lits est éclairé par une croisée dont les vitres cassées sont raccommodées avec du papier; un autre, de quatre lits, a son papier de tenture en (L) Nous indiquons ici leurs noms et leurs fonctions : Elisabeth de Chabanne, sous-prieure et sacristine ; Anne de Cisternay, tourrière et lingère ; Antoinette de Branthier, maîtresse des novices et secrétaire du cha- pitre. François Naulet, célérièree ; Gabrielle Coupé, sous-sacristine ; Marianne Coupé, chantre ; Perrette Graillot, sonneuse ; Madelaine Gaudry, sous-portière ; Jeanne Louiset, Madelaine le Tanneur, Suzanne Lemaigre et Françoise Legoux, sans charges ; Jeanne Orriot, converse. 172 HISTOIRE DE LA VILLE lambeaux; un troisième a ses cinq lits serrés les uns contre les autres sans ruelle intermédiaire; un quatrième dortoir de deux lits, où couchent deux religieuses, est établi à l'un des angles du jardin, dans un bouge dont la superficie n'excède pas douze pieds carrés. Quatre fenêtres dont les vitres sont plaquées de bandes de papier, et les baies d’un pied de largeur, ne laissent pénétrer dans le réfectoire qu’un jour insuflisant. Partoutles plâtres tombent en ruines. A l'aspect d’un si grand dénuement le cœur se serre et l'on se sent apitoyé. La visite toutefois n'est pas complète, nous rechercherons avec l’Evêque la misère jusqu'à sa source, en forçant avec lui la caisse du monastère. Nous ne glisserons cependant dans le coffre ni un œil curieux, ni une main profane, et nous nous bornerons à inventorier, sous la dictée de Monseigneur, 2,829 francs 7 sous, en or, 1,174 francs 10 sous, en argent, 5,037 francs 9 sous, en créances, 227 francs de rente en argent, Des près, des vignes, deux étangs, des bois et sept domaines. Pauvres femmes |... Et nous le disons dans la sincérité de notre cœur, car à côté d'un coffre-fort bien garni, la misère n’est pas moins misère, et l’avarice de la supérieure a déterminé la communauté souffrante à prier l’Evêque de vouloir bien décider qu’à l’avenir, la prieure ne serait pas élue à vie, mais seulement pour trois ans. Cette élection se fit, du reste, le 7, sous la présidence de Monseigneur, et avec la modification demandée, Voici comment il y fut procédé ; ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 173 Le matin, l'Evêque dit la messe dans la chapelle du couvent et communia toutes les religieuses. Dans l’après-midi, il vint seul, prit place à la grille du chœur et recut lui-même dans une boite les treize bulletins. Le dépouillement du serutin donna huit voix à Antoinette Brouthier, dite sœur Euphrasie. Elle fut conséquemment proclamée prieure triennale, conduite dans la chaire par les religieuses, qui entonnèrent le Te Deum. Nous avons nommé les six chapelles qui existaient dès avant cette époque, dans l'étendue de la paroisse. Nous pouvons maintenant ajouter quelques renseignements à cette nomen- claiure. La chapelle des Vergers était en ruines dès la fin du xviie siècle. La chapelle Notre-Dame-des-Vertus, mieux connue sous le nom de Notre-Dame-de-la-Halle, était située à l'extrémité est de la halle, au-dessus de laquelle s'élevait son clocher. Deux messes y étaient dites chaque semaine, une par les Augustins, à l'intention des seigneurs, le vendredi; l’autre le samedi, par .les chanoines, à l'intention des habitués du marché. Deux statues grotesques en bois, représentant en cordonniers saint Crépin et saint Crispinien, étaient placées dans le ue du côté de l'Evangile. La chapelle ERA, provenant de l’ancienne maladre- rie, était placée à l'extrémité du faubourg de Bourgogne. Elle dépendait de la commanderie d'Auxerre. Une procession s'y faisait annuellement le jour de Saint-Barthélemy. La chapelle Saint-Maurice Hôtellier, située à un quart de lieue de la ville, possédait un mauvais tableau de Saint-Maurice, aux armes du duc de Bellegarde. La chapelle Sainte-Anne, la seule qui existe aujourd'hui, est I 174 HISTOIRE DE LA VILLE placée au milieu du cimetière. Elle est voûtée en bois et percée à l’abside, de trois fenêtres ogivales, mais ses Caractères architectoniques ne sont pas assez neitement déterminés pour qu’on puisse en préciser l’âge. Elle est remarquable toutefois par ses peintures à fresques qui couvrent toute la surface des murs, et qui représentent les différentes scènes de la passion divisées en tableaux ou compartiments, dans le genre de la Renaissance. Enfin, si la sixième chapelle n’était pas celle du château, ce pouvait être une petite chapelle située derrière l’église collégiale, mais où aucun service n’était fondé. Quant à la paroisse, elle comptait 16 à 1700 âmes et 42 à 1300 communiants. Tous, sauf deux, avaient satisfait à leurs devoirs de Pâques. Disons, enfin, qu'il y avait à Saint-Fargeau, le dimanche, deux messes de paroisse, l’une basse, où l’on faisait le prône et à laquelle on assistait régulièrement, l’autre, chantée et qui était beaucoup moins suivie. Nous avons perdu de vue le nouveau seigneur de Saint- Fargeau, il est temps d'y revenir. On ne peut persuader aux habitants de la Puisaie que Lauzun n’a été ni détenu ni exilé au château de Saint-Fargeau, qu'il ne l’a même jamais habité et probablement jamais vu. Leur erreur, du reste, a été puissamment entretenue par une inscription placée dans le parc par l’un des propriétaires, que nous avons plusieurs fois lue et qui est restée dans notre mémoire : J'ai brûlé pour Lauzun d’une royale flamme ; L’ingrat ne sut jamais que torlurer mon âme. Sur ce banc de ses fers j’adoucissais l’ennui ; Quand on me l’arracha, jy vins penser à lui. Non seulement rien dans les mémoires du temps ne justifie ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 175 ce quatrain que le propriétaire actuel, M. le marquis de Boisgelin, a eu le bon goût de faire disparaitre, mais encore aucun des actes nombreux relatifs à l'administration de la terre de Saint-Fargeau, qui portent la signature de Lauzun, n'est daté de cette ville (1). En quittant sa prison, en devenant secrètement l'époux de Mademoiselle, Lauzun n'était point rentré en grâce. II lui était même interdit d'approcher de plus de deux lieues des châteaux où le roi faisait sa résidence, mais comme Louis XIV tenait sa cour à Versailles, Lauzun pouvait venir à Paris et y chercher des distractions. Toutefois, une vie sans agitation ne pouvait convenir à l’esprit actif et remuant d’un homme dont la destinée semblait faite pour les choses extraordinaires. Il demanda done au hasard des émotions nouvelles, joua gros jeu, joua avec fareur et gagna des sommes énormes. Ne trouvant plus enfin de Joueurs au gré de son désir, il vint en chercher en Angleterre, fut accueilli avec distinction à la cour de Jacques IL et vit grossir sur la tête du malheureux roi l'orage qui devait briser son trône. Trompé par ses favoris, trahi par ses ministres, abandonné par ses sujets, ayant tout à craindre de l'avenir et ne sachant plus à quise fier, Jacques IT confia à Lauzun, quand le danger fut imminent, ce qu'il avait de plus cher au monde, Sa femme etson fils, pour les conduire en France; tâche difficile, qui s’effectua heureusement à travers mille dangers. Débarquée à Calais, la reine n’oublia pas son libérateur. Elle s’empressa d’expédier un courrier à Louis XIV, et, en lui exprimant sa joie de se trouver en sûreté dans ses états, elle lui peignit sa douleur de ne pouvoir mener elle-même à ses pieds l’homme qui l'avait (1) Son hôtel à Paris était situé rue Neuve-St.-Honoré, 16, au com- mencement du xvi° siècle. 476 HISTOIRE DE LA VILLE sauvée. La réponse du roi ne se fit pas attendre. Il assura la reine qu'il considérait comme un service personnel ce que Lauzun avait pu faire pour elle, et lui promit de recevoir son protégé et de lui rendre ses bonnes grâces. Rétabli dans ses grandes entrées, logé au château de Versailles, Lauzun retrouva toute son habileté de courtisan. Il regagna insensiblement, par la cour d'Angleterre, la bienveillance de Louis XIV qui lui permit de recevoir, des mains de Jacques IT, l’ordre de la Jarretière, et le commandement d’une armée de secours qu'il conduisit en Irlande. Rentré en France à Ja suite d’une campagne malheureuse, le roi d'Angleterre obtint pour Lauzun des lettres de duc au mois de mai 1692. Miraculeux retour de fortune ! Lauzun jouit depuis lors de son rang, de ses distinctions à la cour; il s’acquit une grande considération, et maître enfin d’une fortune considérable, il tint l'une des maisons les plus magnifiques et les plus recher- chées de Paris. Après la mort de Mademoiselle, il épousa, le 21 mai 1695, Mile de Durfort, fille du maréchal de Lorges et belle-sœur de Saint-Simon, à peine âgée de seize ans, mais ce mariage ne fut pas plus heureux que le premier. Nous touchons au xvine siècle. La grand siècle a passé sur la France, mais si les sommets en ont reçu un vif éclat de lumière, grand Dieu! quelles ténèbres il a laissées dans les vallées, au sein des campagnes. A cette époque, il n’y avait dans tout le diocèse qu’un seul collége, celui d'Auxerre, où l'on püût faire ses humanités et la plupart des paroissesrurales manquaient absolument de maîtres d'école. Saint-Fargeau occupait alors une position moyenne qui fait honneur à son administration. La ville avait pour instituteur un ancien régent de quatrième au collége des Barnabites de Montargis, qui, secondé par un ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 177 adjoint, enseignait la lecture, l'écriture, l’arithmétique et le latin jusqu'à la troisième. Son traitement se composait d’un logement, de l’exemption de toutes tailles et contributions, d’une somme annuelle de cent cinquante écus et d’une rétribution scolaire, fixée mensuellement à cinq sous pour les enfants apprenant à lire, à huit sous pour ceux qui apprenaient à écrire, à dix sous pour ceux qui apprenaient l’arithmétique et à quinze sous pour ceux qui apprenaient le latin. En tenant compte de la valeur de largent à cette époque, certes, la condition de cet instituteur était enviable. Mais l'ignorance n'était pas le seul fléau contre lequel les populations avaient à lutter au commencement du XVIIL: siècle, la culture était négligée et l’incurie amenait la misère. La famine de 4709-1710 est la page la plus lugubre de notre histoire. Les ministres du roi en ont rougi devant la postérité, et c’est en se voilant la face qu'ils ont ordonné la destruction des registres accusateurs de l’état civil de cette époque. Malgré cette précaution, plus d’un fragment de ces registres est arrivé jusqu’à nous, et ce serait bien, pour les amateurs du genre, la plus curieuse et la plus effrayante statistique qu'on puisse imaginer. Pour ce qui nous concerne, le registre de Bléneau, qui a survécu, donnera une idée suflisante de la contrée. Voici d'abord ce que nous lisons dans un placard affiché à Paris par les soins d’un comité d’assistance publique (1). « De Bléneau, dès le mois de mars, on mandait que les « habitants étaient si languissants qu’on n’en pouvait raison- « nablement attendre que la mort; que sept malades étaient « morts de faim dans une même maison en huit jours; que les (1) Magasin pittoresque, juin 1854. 178 HISTOIRE DE LA VILLE « femmes voyaient mourir leurs enfants à la mamelle, sans € avoir ni pain ni lait à leur donner. » Et voici comment le registre de l’état civil résume la situation pour les douze mois qui se sont écoulés du 4e juin 4709 au 951 mai 1740 : Naissaneess-inuss rs tasminemanihn re aile 32 Décès : De personnes connues. . . , . 152 De personnes étrangères à la localité 164 mortes par les chemins, dans les granges oulesiécuriesens ani use dis ul 12 Excédant des décès sur les naissances. . . . . 132 Quelques années plus tard, et le 5 février 1714, le duc de Lauzun vendit la terre de Saint-Fargeau et pays de Puisaie à Antoine Crozat, marquis du Châtel, et pieusement retiré dans le couvent des Petits-Augustins, il s'y prépara à la mort de la façon la plus exemplaire, supporta les souffrances avec un Courage véritablement héroïque et une résignation toute chrétienne, et mourut le 19 novembre 4723, à près de 91: ans. CHAPITRE V. CROZAT. Antoine Crozat, l’un des célèbres financiers de la France, est né en Languedoc en 1655. Attaché, dès son enfance, au service d'un homme magnifique et de beaucoup d'esprit, le banquier Penautier, de laquais il devint commis, de commis caissier de son maître; puis, nageant dans de plus grandes eaux, il se fit armateur, obtint la concession du privilége exclusif du ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 179 commerce de la Louisiane et gagna une fortune énorme. En sorte que, lorsqu’en 1716, le roi établit une banque générale du royaume sous le nom de Law et compagnie, Crozat avait préparé la voie, et les actions de la Louisiane avaient fait fortune avant celles de Mississipi, du Sénégal et des Indes. Du reste, Crozat n’ajouta qu'un instant à ses titres celui de seigneur du duché de Saint-Fargeau, et n’ayant fait que passer, pour ainsi dire, au milieu des illustres possesseurs de cette terre, 1l la vendit, le 46 décembre 1745, à Michel-Robert Lepeletier des Forts. Nous n'avons ‘point à le suivre, par conséquent, à travers les phases d’une destinée qui n’appartient point à notre sujet, mais cette courte histoire ne pourrait-elle, comme les fables, finir par une moralité? Law avait gagé 1,000 guinées, en 1698, avee lord Williams Nordingthon, qu'il ruinerait un jour la France par le papier. On sait s’il a tenu sa promesse, aussi n'est-ce point ce que nous voulons raconter; nous voulons rappeler seulement les termes de la lettre par laquelle il réelama la gageure. « J'ai outrepassé, dit-il, les conditions du pari; j'en prends € pour juge, vous d’abord, et la voix publique de toute l'Europe. « Ainsi, Milord, comptant sur votre parole, je compte sur les « mille guinées, et vous dispense d’y ajouter quoique j'aie € ajouté au pari. Voyez, s’il vous plait, ce que j'ai fait sans « autre aide que mon génie: j'ai réduit le roi de France a être «€ mon sujet, et l'Angleterre doit me savoir gré de mon système « à cause de cela. Je poursuis mon éloge, car ici la modestie « serait mensonge. J'ai fait du régent mon camarade et « complaisant; des plus hauts seigneurs mes commis; des « plus grandes dames mes maîtresses; de toute la France, ma « dupe et ma vache à lait... 11 ne m'a manqué que des lettres « de noblesse et le titre de duel N’est-il pas plaisant de 180 HISTOIRE DE LA VILLE « se moquer de toute une nation pendant quatre années « consécutives ? » CHAPITRE VE. MAISON LEPELETIER. $ Ier. Michel-Robert Lepeletier, né en 4675, fils de Michel Lepeletier de Soucy et de Mlle Guérin des Forts, successivement conseiller au parlement de Metz, au parlement de Paris, et intendant des finances, était membre du conseil d’Etat lorsqu'il fit acquisition, moyennant cinq cent mille livres, de la terre de Saint-Fargeau. « À cette époque, » dit le chevalier Déon dans ses mémoires sur les finances, « les Français, peuple généreux, avide de la « « « « gloire de ses rois, jaloux de contribuer à leur grandeur et à leur prospérité, parurent ne sentir le fardeau de leurs cala- mités que quand ils en furent accablés..…… Le paiement des dettes semblait une chose impossible. Il n’y avait pas le « moindre fonds, ni dans le trésor royal, ni dans les recettes, € pour satisfaire aux dépenses les plus urgentes; le domaine de « la couronne était aliéné ; les revenus de l'Etat presqu'anéantis « « « « « « par une infinité de charges et de constitutions ; les impositions ordinaires consommées par avance; les arrérages de toute espèce accumulés depuis plusieurs années ; le cours des recettes interverti ; une multitude de billets, d'ordonnances et d’assignations anticipés, de tant de natures différentes qu’à peine en put-on faire la supputation. » Dans cet état violent et désespéré, le Régent institua un conseil de finances, où fut appelé Lepeletier des Forts, mais ce conseil n’avait guère de choix qu'entre la banqueroute totale, ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 181 qui simplifiait singulièrement sa tâche, etla banqueroute partielle, qui lui laissait l'invention des moyens. «€ M. Lepeletier des Forts, » ajoute le chevalier Déon, « conseiller d'Etat et l’un des principaux membres de ce conseil, € donna pour lors le plan d’une des plus belles opérations qui « se soit jamais faite en matière de finances, ce fut le vwisa et « la réduction de près d’un milliard de différentes dettes. » Nous recueillons ce témoignage flatteur avec d'autant plus d'empressement que nous n’aurions pas osé le donner nous- même, le wsa n'ayant été qu'une forme de banqueroute avec réduction et consolidation, sous un nom honorable qui dissi- mule, il est vrai, toujours beaucoup en France l’odieux de la chose. Homme grave, laborieux et austère, intègre dans ses charges autant que sévère dans ses mœurs, Lepeletier des Forts fut nommé membre du conseil de régence en 4719. Au mois d'avril de l’année précédente, la terre de Saint-Fargeau et pays de Puisaie avait été, en sa faveur, érigée de nouveau en comté. Pendant ce temps, les actions de la compagnie des Indes, qui étaient la base du fameux système de Law, et dont le taux d'émis- sion était de 500 fr., après avoir atteint la valeur fabuleuse de 18,000 fr., venaient de descendre à 50. Jamais désastre finan- cier ne fut plus complet et n’amena de plus grands et de plus subits changements de fortune. Dans cet instant de ruine et de désespoir, Lepeletier des Forts fut nommé commissaire général des finances. Ce n’est pas toutefois sous sa direction, mais sous celle du contrôleur Lepeletier de la Houssaie, son parent, qu'on eut de nouveau recours au visa dont l'invention avait été si heureuse. Soit que le remède eut vieilli, soit qu'il n'ait pas été appliqué avec le même esprit de justiee, les Français, qui rient de tout, lui 182 HISTOIRE DE LA VILLE appliquèrent ce passage du cantique : Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes. Impuissant à réparer les désastres qu'avait amenés le système de Law, Lepeletier de la Houssaie fut remplacé par Dodun, et celui-ci par Lepeletier des Forts, en 1726; mais, malgré les efforts les plus méritants, ce dernier fut obligé lui-même, en 1730, de céder la place à Orry. Au mois de janvier 4729, il avait obtenu des lettres portant que les justices de Saint-Privé, Mezilles, Lavau, Faverelles et Villeneuve-les-Genêts seraient réunies à celle de Saint-Fargeau, en un seul siége, ressortissant directement au parlement comme la justice des pairies. Michel-Robert Lepeletier fut enfin grand baïlli de Gien et membre honoraire de l’Académie des sciences. Aux vertus les plus solides, il joignit une capacité incontestable, mais il n'eut à aucun degré le sentiment du beau dans les arts, car c’est lui qui fit construire l'aile du château de Saint-Fargeau, connue sous le nom de pavillon des Forts, dont nous avons eu déjà occasion de parler. Son moindre défaut est de n’appartenir à aucun ordre d'architecture. Avant cette construction, la tour de l'horloge et celle du pont-levis communiquaient par une galerie à jour, conforme au style de l'ensemble du château et que Levau avait subtituée à une ancienne courtine. Lepeletier des Forts avait épousé Marie-Madelaine de Lamoi- gnon-Bâville. Il mourut en 1740. Pendant la période que nous venons de parcourir rapidement, la paix avait de nouveau été troublée au sein du chapitre de Saint-Fargeau, et le jansénisme, sous l’influence et la direction puissantes de M. de Caylus, avait fait de tels progrès, dans le dio- eèse, que deux curés seuls ne s'étaient pas ralliés à ses doctrines. Parlons d’abord des querelles du chapitre, nous dirons ensuite quelques mots de celles du jansénisme. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 183 Le 12 avril1726, un chapitre extraordinaire est convoqué au son de la cloche, etla majorité délibère. Le doyen Pierre-Alexis Roudaut proteste avec la minorité. Il soutient qu'à lui seul appartient le droit de convoquer les chapitres extraordinaires, il invoque le règlement de l'évêque Pierre de Broc, porte une plainte à ce sujet devant le bailliage de Montargis et conclut à l'annulation des délibérations prises dans le chapitre irréguliè- rement convoqué. Jugement interlocutoire dont le doyen interjette appel au parlement. Les chanoines prétendent que les revenus du chapitre sont mal administrés ; qu'il n’est pas fait emploi des rentes remboursées; que les fondations sont mal acquittées, et qu'il n’y a pas d'ordre dans l'exercice du service divin. Le doyen dit que ces allégations sont contraires à la vérité et portent atteinte à l'honneur et à la réputation du chapitre; que ces prétendus redresseurs de torts ne sont parvenus à donner une apparence de justice à leur cause qu’en altérant plusieurs articles des statuts, et qu'ils s'efforcent de mettre en suspicion, dans l'esprit publie, la religion et la probité de leurs confrères, par des exagérations imaginaires et monstrueuses. Le scandale devenait public; le comte s’interposa officieuse- ment et fut choisi pour arbitre. Sa sentence, du 21 juin 4727, décide que les chapitres ordinaires se tiendront sans convocation le premier vendredi de chaque mois ; que les chapitres extraor- dinaires ne pourront avoir lieu sans que le doyen en connaisse la cause, mais sans qu’il puisse refuser la convocation; que le doyen, tenu pour présent, par suite d'empêchement résultant de ses fonctions curiales, n’aura pas à prouver cet empêchement et sera c7w en sa conscience; que les chanoines ne pourront célébrer la messe la calotte sur la tête, ni assister au chœur sans rabat et sans habit canonial; enfin que, pour entretenir la 4184 HISTOIRE DE LA VILLE paix, l'union et la concorde dans le chapitre, le doyen et les chanoines se rendraient service les uns aux autres, comme de vrais confrères, disposition difficile à faire passer d’une sentence juridique dans le cœur de plaideurs endurcis. Aussi ne satisfit- elle point aux difficultés du moment, et il fallut que l’évêque vint en personne, le 2 juillet suivant, à Saint-Fargeau, pour obtenir, au pied de la sentence arbitrale, un acquiescement quelque peu forcé. Il régla, par un décret du même jour, toutes les autres contestations qui s'étaient élevées entre le doyen etles chanoines, les exhortant tous à avoir, les uns pour les autres, charité et prévenance, et décidant, du reste, que le chapitre se procurerait, dans les trois mois, des livres de chant conformes au nouveau bréviaire du diocèse; que les chanoines ne se dispenseraient plus d’acquitter les fondations auxquelles ils étaient tenus; qu'un pointeur serait nommé par eux, à la pluralité des voix, pour marquer les absents aux offices ; enfin que les chanoines Godard et Lambert seraient tenus de résider ou d'envoyer une démission de leurs prébendes. Quant au jansénisme, nous nous garderons bien d'entrer dans le cœur de la question, et nous nous bornerons à citer quelques faits locaux peu connus ou ignorés. Dans ses controverses relatives à la bulle Unigenitus, le jansénisme n'eut point de champion plus actif, plus intelligent, plus infatigable que M. de Caylus. Toujours sur la brèche, le dernier de l’épiscopat, il y tint ferme le drapeau de son parti et s’en fit un linceul au jour de la défaite. Quand le cardinal Fleury eut remplacé au ministère le duc de Bourbon, le nouveau ministre avait, dès 1627, chargé deux prêtres, anciens agents de Dubois, d'organiser une sorte de persécution pour extirper le jansénisme, que la raison d'Etat, la seule qu'il nous convienne de toucher, ne permettait guère de ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 185 conserver. Un pareil choix gâtait la cause du pouvoir et attachait à celle des victimes. M. de Caylus continua la lutte avec ardeur ; il était un peu ménagé, il faut le dire, soit à cause du respect _qu'inspirait son beau caractère, soit à cause du souvenir que conservait le cardinal Fleury de l'avoir eu comme collègue à l'aumênerie du roi. Quoiqu'il en soit, l’évêque d'Auxerre, vivement attaqué par l'archevêque de Sens, son supérieur ecclésiastique, et par l'autorité civile, ne pouvant plus tenir, en quelque sorte, la campagne, avait disséminé ses meilleures plumes dans les lieux les plus retirés de son diocèse, et faisait une guerre de partisans d'autant plus dangereuse que les in-12 et les in-8° frappaient toujours sans qu'on pût savoir d'où le coup était parti. On à dit qu'une presse janséniste, dans ces graves circon- stances, fonctionnait nuit et jour, suivant les uns dans les souterrains du château de Ratilly, suivant les autres dans une loge de charbonnier, au milieu des bois de Ronchères. Les deux versions peuvent être vraies, mais si celle de la loge du charbonnier est exacte, nous sommes bien près de connaître l'imprimeur, et c’est le curé de Ronchères, Fleur de Rouvroy, qui, avant de se compromettre lui-même, va nous le signaler dans un éloge funèbre qu'il a pris soin de consigner dans les registres de sa paroisse. € L’an mil sept cent trente-deux, le vingt-neuf septembre, « dom Jean-Joseph Tillons, prêtre religieux profès, ancien € sous-prieur de l’abbaye d'Orval, ordre de Citeaux, obligé de « fuir et de se cacher, non par lâcheté ni par faiblesse, mais € par prudence et par charité, sa fuite lui ayant été suggérée, € ainsi qu'à plusieurs de ses confrères, par l'esprit de Dieu, € pour ne point s’exposer à la violence des supérieurs qui, 186 HISTOIRE DE LA VILLE « « « « « « « « « « « « dans les circonstances présentes, quittent la qualité de pères et prennent celles de persécuteurs pour engager leurs inférieurs à abandonner la vérité: Fuit formido illa justa quæ dominum timeret offendere. En cela, il a suivi à Ja lettre ce que dit saint Cyprien, dans son épiître 56°, que les chrétiens qui seront obligés de se séparer de leurs frères par la nécessité du temps en seront séparés de corps, mais n’en seront point séparés de l’esprit; aussi l'éloignement et la fuite ne lui ont point donné de frayeur; la solitude du désert où il s’est caché ne l’a point épouvanté et l'on peut dire de lui qu’il a imité les anciens fidèles qui, selon que nous l’apprend l’Ecriture, allaient chercher la justice et le jugement dans les déserts : Descenderunt multi quærentes judicium et Justiciam in desertum. » « S'il quitta une communauté respectable, composée d’un grand nombre de frères, occupés aux exercices les plus laborieux de la pénitence, et à la retraite la plus exacte, ‘où il tenait la place de sous-prieur, il ne chercha pas dans le monde à se dédommager des ennuis de cette retraite; l'obligation d'y rester quelques jours fut pour lui un exil où il fut aflligé jusques au moment qne la Providence le conduisit dans sa dernière solitude, où, s’il changea de retraite, ce fut pour entrer dans une plus grande. € Il quitta un grand nombre de frères pour s'unir à un seul, il abandonna une maison riche, où rien ne lui manquait des choses nécessaires à la vie, pour se retirer dans une pauvre chaumière, au milieu des bois, sans autre conver- sation que celle de son compagnon, se nourrissant de légumes, exact à suivre les exercices de son ordre, tant pour la récitation des offices que dans le travail. C'est dans cet exercice qu'il est décédé le jour d’hier, fermement attaché à ET DU GOMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 187 « son appel de la constitution Unigenitus, très-opposé à la « signature pure et simple du formulaire (4), en ce qu'elle est « contraire à la paix de Clément IX, adhérant au saint évêque « de Senès et à ceux de Montpellier, d'Auxerre et de Troyes, « regardant le concile d'Embrun comme une assemblée capable « d'attirer l’indignation de Dieu et de faire verser les larmes « les plus amères aux vrais défenseurs de la vérité, opposant « aux prétentions des Ultramontains, au sujet de l'église « gallicane, et a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse, «& près le mur de l’église, vis-à-vis la petite porte du presbytère, « cejourd’hui, en présence de Pierre Hodeau, potier de terre, « de Louis Chaisiau, manœuvre, de Edme Loup de la Pierre, « domestique, qui ont tous déclaré ne savoir signer, de ce « interpellés suivant l'ordonnance. « Signé FLeur pe Rouvroy, curé. » Et maintenant que nous connaissons la profession de foi du curé de Ronchères, disons, par un exemple, ce qu'était son influence comme pasteur : Le 1% mai 1733, à huit heures et demie du matin, après l'Evangile chanté, Henri Jolivet, potier de terre, se présente à la (1) Ce fameux formulaire est ainsi conçu: Nous soussignés nous soumellons sincèrement à la constilulion du pape Innocent X, du 51 mai 1655, selon son vérilable sens qui «& élé déterminé par la conslilulion de notre Saint Père le pape Alexandre VII, du 16 octobre 1656. Nous reconnaissons que nous sommes obligés, en conscience, d'obéir à ces constitutions el nous condamnons de cœur et de bouche la doctrine des cinq propositions de Cornelius Jansenius contenue en son livre intitulé AueusriNus, que ces deuxpapes el les évéques ont condamnée, laquelle doctrine n’est point celle de saint Auguslin, que Jansenius « mal expliquée, contre le vrai sens de ce Saint docteur. 188 HISTOIRE DE LA VILLE principale porte de l'église et s’y agenouille, nu-tête, un cierge à la main et les yeux fixés vers la terre. Le curé s'approche de lui et la foule des fidèles suit son pasteur. Là, Jolivet déclare qu'il a causé, le dimanche précédent, un grand scandale en se présentant à vêpres ayant sa raison ensevelie dans le vin, et il demande publiquement pardon à Dieu et à toute la paroisse. Le curé récite alors sur la tête du pénitent le psaume de Miserere, et il l’exhorte à persévérer dans sa pénitence; lui donne pour pénitence particulière de ne point boire de vin hors les heures des repas et de réciter, quatre fois par jour, à heures différentes, l’oraison dominicale, jusqu’au jour de l’absolution, puis il permet au pénitent d'entrer dans l'église avec le reste des fidèles pour ne point trop le contrister. Fleur de Rouvroy tenait, on le voit, d’une main ferme la discipline dans sa paroisse, mais il va sentir bientôt lui-même s’apesantir sur lui la main du pouvoir. Une fois la désunion introduite dans le clergé du diocèse, par les efforts des agents du cardinal Fleury et de l'archevêque de Sens, les secrets du jansénisme cessèrent d’être bien gardés ; les convertis firent du zèle et les dénonciations secondèrent activement les recherches de la police. Un jour enfin, le 27 octobre 1735, M. Terrasson, curé de Treigny, et M. Fleur de Rouvroy, curé de Ronchères, furent enlevés par des archers, avec plusieurs ecclésiastiques qui se trouvaient avec eux, et conduits à Vincennes. M. de Caylus réclame alors énergiquement la liberté de ses curés, il cite leurs vertus, rappelle leurs antécédents honorables ; il peint la douleur de leur paroissiens et la sienne, mais vains efforts ! des lettres polies, évasives, c’est tout ce qu'il obtient. Il presse alors, il argumente, il accuse, il menace, et le cardinal lui répond enfin : ET DU COMTÉ DE SAINT-TARGEAU. 189 « Si je n’ai pas répondu à la lettre dont vous m'avez honoré, € il ya quinze jours, c’est que je n'ai eu ni le temps ni l'envie « d'entrer dans des détails de disputes de controverse. Si le Roi € s’est cru obligé de tenir en prison MM. les curés de Treigny € et de Ronchères, je ne crois pas que vous prétendiez obliger € Sa Majesté à rendre compte de ses motifs, ni lui contester le « droit qu’elle a d’ôter la liberté à ses sujets quand ils en « abusent..…. Lorsque vous dites que vous ferez retentir vos « cris et ceux d’un peuple désolé, tout le plus loin qu'il vous « sera possible, je ne sais si vous ne passez pas un peu les « bornes de la soumission que vous devez, quoiqu’évêque, aux « volontés du Roi. Il serait assez étrange que vous voulussiez « l’assujettir à penser comme vous, quand il a des raisons si « fortes et si légitimes de ne pas conformer ses sentiments aux « vôtres. » A de semblables raisons il n’y a rien à objecter; l’évêque le comprit; il se tut, et les curés de Treigny et de Ronchères restèrent en prison, le premier, jusqu’en 1743, époque où il donna sa démission et se désista de son appel; le second, dont rien n'ébranla la fermeté, jusqu’en 4758. Obligé de fuir lui- même, M. Archambaud, doyen du chapitre de Saint-Fargeau, se retira près de Paris, et mourut, appelant au futur concile jusqu’à l'heure suprême où le curé de Rueil lui refusa l’abso- lution. $ IL Du mariage de Robert-Michel Lepeletier des Forts et de Marie-Madelaine de Lamoignon est né, en 1713, Anne-Louis- Michel, qui prit le nom de Saint-Fargeau, épousa Marie- Charlotte d’Aligre, devint successivement avocat du roi et conseiller au parlement de Paris, et mourut un an ayant son 190 HISTOIRE DE LA VILLE père, laissant deux jeunes orphelins, un fils et une fille (1). Ce fils, Michel-Etienne Lepeletier, né en 1736, succéda à son ayeul comme comte de Saint-Fargeau. Il n'avait point encore terminé ses études quand un terrible incendie vint effrayer cette ville (2) et ravager le château. De Ia maison d’un boulanger, le feu gagna quelques habitations voisines et- atteignit l'aile nord, c’est-à-dire la partie du xve et du xvre siècle dont la façade extérieure et le grand escalier existent encore aujourd'hui. De là, la flamme pénétra dans les combles, s’étendit rapidement aux trois quarts de l'édifice et en ruina les toitures et. les emménagements intérieurs. Les murs toutefois restèrent debout et rien ne fut changé à l'aspect général du château, mais une partie des appartements et le théâtre ont conservé jusqu'à ce jour leur état de ruine. Toutes les toitures ayant été refaites, du reste, l'aspect général a pu perdre du caractère monumental que lui avait donné l’architecte Levau, et qu'avait déjà profon- dément altéré la construction du pavillon des Forts. Destiné à la haute magistrature, en quelque sorte héréditaire dans sa famille, le jeune comte reçut une éducation grave, sérieuse, telle enfin que les passions de la jeunesse, en s'empa- rant de l’homme, n’apparussent jamais dans le magistrat. Pourvu, dès 1757, de la charge d’avocat-général qu'avait exercée son père, il dut, à vingt-un ans, siéger au parlement de Paris, en cette qualité, se pénétrer de l’esprit et prendre les mœurs de (1) Marie-Charlotte Lepeletier de Saint-Fargeau, qui épousa dans la suite Thomas-Aiexandre-Marc Dalsace, prince de Chimay et du saint Empire romain, grand d’Espagne de prexière classe, capitaine dans les grenadiers de France, de la première compagnie des gardes du roi de Pologne et de Bar. (2) Le 24 juin 4752. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 191 ses collègues. Moins de deux ans après, il était appelé au conseil d'Etat, nommé chevalier, gouverneur pour le roi et grand bailli du comté de Gien. L’avocat-général Lepeletier épousa, à cette époque, Louise-Suzanne Lepeletier de Beaupré, sa cousine, et ce n'est que plus tard que se fit sentir, dans divers actes, son in- fluence personnelle dans les affaires du comté de Saint- Fargeau. : De graves difficultés, calmées plutôt que résolues en 4559 et en 4560, s'étaient élevées de nouveau entre les habitants et les agents du comte. Une transaction du 22 octobre 1759 mit fin aux causes les plus immédiates d’irritation. Il fut réglé, par cet acte, dans l'intérêt du comte, que le droit d'usage, de pacage et de panage, appartenant aux habitants et mazuriers d'entre les quatre bornes et anciens fossés de Saint-Fargeau, dans les usa- ges de Bailly et de la Royauté, demeureraient restreints à la partie comprise entre l’avenue des noyers et celle de Lavau, et que les habitants n'auraient plus le droit de pêche qui leur avait été autrefois concédé dans les rivières de Loing et de Bourdon. Dans l’intérêt de la communauté, il fut arrêté qu’elle n'aurait plus à payer au comte la redevance fixée par les transactions de 1559 et de 1560; enfin qu'il serait facultatif aux habitants de faire cuire leur pain chez les boulangers de la ville, à charge par ceux-ci de payer la redevance due au four banal, et, pour l'exécution de cette dernière clause, ce droit de banalité fut affermé moyennant une somme annuelle de 400 livres. Nous avons vu que la présentation au doyenné-cure de Saint- Fargeau appartenait alternativement au comte et à l'abbé de Saint-Germain d'Auxerre. Depuis longues années déjà, l'un et l'autre choix n’était tombé que sur des prêtres pourvus du grade de docteurs en théologie, quelquefois même en l'un et l’autre droit; le comte rompit le premier, en 4760, cette coutume qui 192 HISTOIRE DE LA VILLE déversait sur le chapitre une véritable considération. L'inno- vation parut même d'autant plus blessante que messire Paul de Figuières, le dernier titulaire, était honoré du titre d’archiprêtre de Puisaie en l’église d'Auxerre. Ce n'était pas non plus au comte qu'appartenait, cette fois, la nomination, en sorte qu’il y avait de sa part non-seulement inconvenance, mais encore usur- pation. Le chapitre et l'abbé de Saint-Germain s’émurent, cha- eun de son côté, et celui-ci ayant pourvu à la vacance, le cha- pitre reçut deux doyens à la fois Jean-Joseph-Guillaume Bruté, docteur en théologie de la maison de Sorbonne, par un acte capitulaire du 2 août, et Charles Follereau le 25 du même mois. Dans cette position, le comte dut céder, mais il est curieux de voir comment il sauvegarde son amour-propre aux dépens de celui de sa créature. L'acte qui met fin à ce débat en dit assez à ce sujet, le voici : € Par devant le notaire et tabellion du bailliage et comté de € Saint-Fargeau, les témoins y résidant, soussignés, l’an mil sept « cent soixante, le vingt-septième jour d'octobre après midi, fut « présent M° Charles Follereau, prètre, maître ès-arts en l’univer- « sité de Paris, curé de Saint-Sulpice au diocèse de Nevers, « demeurant audit Saint-Sulpice, étant ce jour en cette ville; » « Lequel, aprèss’être consulté, reconnaît et déclare que n'ayant « point les degrés et capacités nécessaires pour le doyenné-cure « de la ville de Saint-Fargeau, il se désiste pour le présent et pour « l'avenir d'y prétendre, en vertu de ses grades, comme aussi de « tous titres et actes par lui ci-devant reçus ou faits à cet effet ; « Etrenonce à y troubler en aucune manière, en quelque temps « etsous quelque prétexte que ce soit, le sieur Jean Bruté, pourvu « par Monsieur l'abbé de Saint-Germain d'Auxerre, patron alter- « natif dudit bénéfice, avec très-haut et très-puissant seigneur « comte deSaint-Fargeau. » « « « « « « ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 193 « Lequel J. Bruté, ledit sieur Follereau reconnaît pour être seul et légitime possesseur dudit doyenné-cure de la ville de Saint-Fargeau. » « De laquelle déclaration ledit sieur Follereau a requis acte qui lui a été octroyé. » « Fait et passé en l'étude, les an et jour que dessus, en présence de M. Nicolas Cabanne, greflier, et Louis Leron, sergent, demeurant tous les deux audit Saint-Fargeau, témoins qui ont signé avec le sieur Follereau. » Le trois novembre de la même année, dans une modeste maison du faubourg de Bourgogne, au milieu des émotions et des tendres affections de sa famille, naissait un enfant dont la vie ne sera pas sans gloire pour la France. Ayant du reste occasion de reve- nir à Regnauld de Saint-Jean-d’Angely, nous nous contenterons de donner ici son acte de naissance pour faire cesser, parmi les biographes, toute espèce d'incertitude à ce sujet : « « « L'an mil sept cent soixante, le troisième jour de novembre, a été baptisé par nous soussigné, Michel-Louis-Etienne, fils de M. Etienne-Claude Regnault, avocat au parlement, con- seiller du roi et bailly du comté de Saint-Fargeau et de Marie-Madelaine Allenet, son épouse, né de ce jour. Le par- rain à été haut et puissant seigneur messire Michel-Etienne Lepeletier, chevalier, comte de Saint-Fargeau et pays de Puisaie, grand baïlly d'épée et gouÿerneur pour le roi des ville et comté de Gien, conseiller d'Etat, avocat-général de sa Majesté au parlement de Paris, représenté par Me Nicolas Hérisson, son procureur fiscal audit Saint-Fargeau, et la marraine haute et puissante dame madame Louise-Suzanne Lepeletier, épouse dudit seigneur comte de Saint-Fargeau, représentée par demoiselle Jeanne-Madeleine Regnault, tante de l'enfant, lesquels ont signé en présence dudit M° Regnault 13 194 HISTOIRE DE LA VILLE « père, de Me Jean-Moreau, avocat au parlement, conseiller du « roi et président au grenier à sel de cette ville, et de M° Fran- « çois Cheron, prêtre desservant ladite paroisse de Saint-Fargeau « qui ont signé avec nous. « Signé : Hérisson, J. M. Regnault, Morot, Regnault, J. L. « G. Bruté, doyen de Saint-Fargeau, et Cheron, prêtre des- « servant. Le vingt-neuf mai précédent, un fils était né au comte de Saint-Fargeau. Ce fils, Louis-Michel Lepeletier, jouera sur la scène agitée de son siècle un rôle plus retentissant mais moins fécond peut-être que son contemporain. Nous en parlerons à son ordre chronologique. Occupons-nous, en attendant, du rôle auquel est appelé le comte son père. Pour en comprendre l'importance et l'étendue, il est indispensable de résumer, aussi brièvement que possible, la situation où se trouve placé l’avocat- général Lepeletier de Saint-Fargeau. Une compagnie célèbre qui, deux siècles auparavant, avait étayé le monde social ébranlé par les prédications de Luther et était parvenu à le raffermir, semblait soutenir seule encore la vieille société prête à céder aux efforts de la philosophie, quand le vent de la colère des rois, venant en aide à cette dernière, se prit à soufller contre les jésuites, précisément à cause de ce qu’ils ve- naient de faire encore de véritablement grand et d’incontestable- ment glorieux. « Leurs missions de la Chine, » dit Lavallée, « où, en pliant trop humainement peut-être le christianisme aux mœurs du pays, ils avaient conquis des provinces entières et jusqu'au fils de l’empereur, furent tout-à-coup, par des jalousies exei- iées contre eux en Europe, renversées dans une persécution € sanglante où le christianisme disparut avec eux. Leurs missions € du Paraguay, où ils avaient fondé une sorte de république ESS SEE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 195 « vassale du roi d'Espagne et dans lesquelles is avaient trans- « formé cent mille sauvages féroces et misérables en chrétiens « agriculteurs ef heureux, leurs missions à jamais regrettables « du Paraguay furent détruites par les ministres d'Espagne et « de Portugal qui les accusaient de rébellion et de prétention à « la souveraineté de l'Amérique méridionale. » Les premiers coups étaient portés. Poursuivis bientôt en Portugai, déclarés traîtres et rebelles, ruinés, exportés, molle- ment soutenus à Rome, les jésuites étaient vivement attaqués en France par les jansénistes qui, opposant persécution à persé- cution, vinrent ainsi en aide à la philosophie et achevèrent de discréditer leurs ennemis. Alors, laissons parler encore Lavallée : «les ennemis de l'ordre « rappelèrent ses doctrines régicides, les troubles de la ligue, « la mort de Henri IV, l'attentat de Damiens. On remit en lu- « mière les livres immoraux de ses casuistes, sa soumission à la « cour de Rome, tout le long scandale de la bulle Unigenitus, « enfin l'ambition d’une société de moines qui visaient à jouer « le rôle de Romains, à faire une monarchie universelle. Le « mystère de leur constitution, disait-on, était une conspiration € permanente contre les peuples. Il ne fallait plus qu’une occa- « sion pour consommer leur ruine. » Elle s’offrit tout naturellement. Les jésuites étaient devenus une puissance politique qui fai- sait ombrage aux parlements, dégénérés eux-mêmes en corps politique. Une tacite coalition s'était formée contre eux entre la royauté à son déclin, jalouse d’un pouvoir qu'elle sentait lui échapper, la magistrature qui se posait en héritière présomptive de la royauté agonisante, et la philosophie qui tendait à reconsti- tuer la société sur des bases nouvelles. Les choses et les esprits étaient dans cette position quand le père Lavalette, jésuite 196 HISTOIRE DE LA VILLE français, procureur des missions de l’ordre à la Martinique et qui faisait annuellement un commerce immense pour satisfaire aux besoins de ses établissements, fut contraint, par la capture de ses vaisseaux par les Anglais, de déclarer une faillite de plus de trois millions. Alors, par un de ces aveuglements aussi ineptes qu'inconcevables, avant-coureurs de toutes les grandes catas- trophes, l'Ordre, au lieu de se meitre en mesure de payer, s’a- bandonna aux calculs d’une stupide avarice, aux subtilités des esprits faux et répondit avec ironie à ses créanciers volés et persiflés. : Le sieur Lioncy, marchand de Lyon, le seul qui osa prendre à partie une corporation religieuse si puissante encore, actionna l'ordre tout entier en la personne du père Laurent Ricci, son général, comme créancier du père Lavalette d'un million et demi, et la cause fut portée devant la grande chambre du parle- lement de Paris. L'avocat-général Lepeletier de Saint-Fargeau fut appelé à rem- plir, dans cette cause célèbre, les fonctions du ministère publie, et à formuler ses conclusions. Devant la cour, Ricci soutint d’abord que le père Lavalette avait, en faisant des actes de commerce, non seulement excédé son mandat, mais encore transgressé les constitutions de l’ordre, qui interdisent expressément le commerce, qu’en conséquence l’ordre ne pouvait être ni solidaire, ni responsable d'un fait ac- compli à son insu et malgré lui. Préalablement, la cour ordonna, le 17 avril 4764, que les constitutions dont se prévalait le général de l’ordre, seraient produites, et ainsi se révélèrent ces fameuses constitutions res- tées secrètes pendant deux siècles et qui venaient d’être éditées à Prague en deux volumes in-f°. Pour les jésuites, c'était livrer les portes d’un fort dans le but de le défendre. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 197 A l'audience du 8 mai suivant, l’avocat-général Lepeletier de Saint-Fargeau prend la parole. Il s'attache à prouver, en fait, que ce n'était pas spontanément mais par ordre de Ricci que Lava- lette avait établi un comptoir à Saint-Pierre, que les lettres et pièces lues à l’audience établissaient les pleins pouvoirs donnés à ce dernier et les rapports qui avaient existé entre le mandataire et son commettant, entre l'agent et son supérieur ; que d’après la base fondamentale de la société de Jésus, telle qu’elle résulte de ses constitutions, tout le domaine temporel de l'association est à la disposition du général, qu'aucun membre n’a une part déterminée dans l'actif, que tout est à tous, mais au pouvoir d’un seul ; que le général seul commande égalementet souverainement à tous ; qu'il est de règle qu'il faut obéir à la voix du général comme si elle était sortie de la bouchede Jésus-Christ; que l’o- béissance que l'inférieur doit à son général est une obéissance aveugle, qui exige l'abnégation de tout jugement et la persua- sion intime que la justice a dicié l'ordre qu’il a reçu. L'avocat-général soutient, en droit, que la corporation des jésuites n'ayant jamais été approuvée en France comme congré- gation religieuse, était soumise aux conditions d'existence des associations en général; que tout le bénéfice du commerce fait par le père Lavalette étant entré dans la caisse du général, toutes les pertes devaient être supportées par ce dernier, d’après l'ancien axiôme que celui qui profite de l'avantage d’une chose doit en souffrir le dommage ; que le mandant est responsable et solidaire de tous les actes faits dans les limites et en exécution du mandat. Envisageant enfin la question au point de vue de la morale publique, l'avocat-général reproche avec vivacité aux jésuites d'asservir leur cœur à un infâme commerce, au lieu de prêcher aux sauvages la parole de Dieu, et d'avoir violé ces divins pré- 198 HISTOIRE DE LA VILLE ceptes de l'Evangile : Nul ne peut servir deux maitres, car, où il haïra l'un et aimera l’autre ou il se soumettra à l’un et méprisera l'autre. Vousne pouvez servir Dieu et les richesses; et il conclut à ce que le général de l’ordre et tous ses membres soient condamnés solidairement à payer les sommes dues par le père Lavalette. Ce réquisitoire eut dans le public un succès d'enthousiasme, et la cour en admit les conclusions. Le premier président Molé êt l'avocat-général Saint-Fargeau furent reconduits avec accla- mations jusqu'à leurs voitures, à l'issue de l'audience, et portés en quelque sorte par la foule enivrée. Cet arrêt n’était d’ailleurs que la préface des volumineuses informations dirigées par les parlements contre l’ordre des Jé- suites avec le dessein prémédité de le perdre. Le parlement de Paris, par un arrêt du 6 août 1761, les avait ajournés à un an pour entendre prononcer sur leur constitution et avait ordonné, en attendant, la clôture de leurs colléges. Le 6 août 1762, un arrêt ordonnait la suppression de l'institut des Jésuites, les sécularisait et ordonnait le séquestre et la vente de leurs biens. Il nè restait plus aux parlements, pour faire passer dans leurs mains l’autorité souveraine, que de faire consacrer en leur faveur le droit de reviser les édits et ordonnances soumis à l’enregis- trement. Aussi bien, au degré d’infamie où était descendue la royauté, toute usurpation semblait légitime, et le due de Choiseul, qui voulait moins, les philosophes qui voulaient plus, secon- daient les vues des parlementaires. Maupeou, au contraire, pré- tendait affranchir le trône de leur tyrannie, et, comme il le disait, retirer la couronne du greffe. I en fit bientôt naitre l'oc- casion. Le duc d'Aiguillon étant poursuivi pardevant le parlement de ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 199 Rennes, Maupeou fit évoquer l'affaire au parlement de Paris, siégeant comme cour des pairs et tous les membres du parlement se réunirent à Versailles, le 4 avril 1770, sous la présidence du roi. Mais celui-ei se lassa vite d'assister aux séances et le par- lement, qui le fatiguait à dessein, recouvra bientôt sa liberté. IL discuta alors la valeur des lettres de cachet et blama tout haut les actes de la cour. Le roi lui donna l'ordre de se rendre le 27 juin à Versailles, où il voulait tenir un lit de justice. Lepeletier était devenu, depuis 176%, président à mortier et son zèle parle- mentaire en avait fait un des chefs de la résistance. Le parlement toutefois obéit, mais après avoir protesté contre les lits de jus- tice comme ne pouvant, ne devant et n'entendant y déliberer. Le roi mit à néant la procédure instruite contre le duc d'Ai- guillon et fit défense aux princes et aux pairs de se trouver à la séance du parlement. Quant à la cour, elle ordonne le même jour « que le duc d’Aiguillon sera averti de ne point prendre sa « séance en icelle cour, et de s’abstenir de faire aucune fonc- € tion de pairie, jusqu’à ce que, par un jugement rendu en la « cour des pairs, dans les formes et avec les solennités prescrites « par les lois et ordonnances que rien ne peut suppléer, il se « soit pleinement purgé des soupçons et faits qui entachent son « honneur. » Ce défi audacieux, semblant passer inaperçu, enhardit les parlements qui s'unissent comme les diverses sections d’un parlement unique ; bientôt ils refusent d'enregistrer un édit qui leur interdisait de s’intituler seul parlement et le roi enfin, dans un lit de justice du 7 novembre 4770, les traite en séditieux et obtient l'enregistrement silencieux de l'ordonnance. Mais le len- demain, les membres du parlement rendent un arrêt par lequel ils déclarent que dans leur douleur profonde, ils n'avaient point l'esprit assez libre pour décider des biens, de la vie et 200 HISTOIRE DE LA VILLE de l'honneur des sujets du roi, et ils cessent de rendre la justice. Mais, dans la nuit du 4€ au 20 janvier 4774, tous les membres des parlements furent arrêtés et sommés par deux mousquetaires, æu nom du roi, de répondre par où ou par non à l’ordre de re- prendre leurs fonctions. Quarante seulement signèrent ow et révoquèrent aussitôt leur signature pour s’associer à la fermeté de leurs confrères. La nuit suivante, des huissiers vinrent leur signifier individuellement un arrêt du grand conseil qui déclarait leurs charges confisquées et des mousquetaires les emmenèrent sur différents points de la France. Le président Lepeletier aurait été transporté à Felletin, petite ville d'Auvergne, si Félix Lepeletier a été bien renseigné à cet égard, mais ce qui est certain, c'est que, dès l'année sui- vante, il était installé à Saint-Fargeau et prenait, non sans or- gueil, dans un grand nombre d'actes, la qualification d’exile. Voici du reste textuellement le protocole de deux actes du 43 février 41773, conservés aux archives du palais de justice d'Auxerre : € Nous, Michel-Etienne Lepeletier, comte de Saint-Fargeau, « baron de Perreuse, seigneur de la Chapelle, Moutiers, Pont- « de-Remy, Duneq, Ménil-Montant, marquisat de Monjeu, € baronnie de Draey, châtellenie de Glaine et autres lieux, ayant « notre domicile de droit en notre hôtel, rue Culture-Sainte- « Catherine, paroisse Saint-Paul, à Paris, exilé par lettre de « cachet du roi dans nos terres audit Saint-Fargeau. » Cette dernière qualification n’est pas la seule du reste qui: soit remarquable dans ce protocole, car on sait que la châtelle- nie de Moutiers à appartenu jusqu’au dernier jour de la féoda- lité à l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre. Nous pensons que le comte de Saint-Fargeau, qui entretenait une justice dans la sei- gneurie de la Chapelle, voisine de Moutiers, y avait réuni, de ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 201 l'agrément de l'abbé de Saint-Germain, la justice de ce dernier lieu avec tous les droits seigneuriaux qui y étaient attachés, et que c’est ainsi que se trouverait justifiée la qualification de sei- gneur de Moutiers. On sait du reste que le parlement fut graduellement recon- stitué, que des éléments nouveaux s’y allièrent aux éléments anciens et les modifièrent, que cette puissance enfin fut vaincue par la royauté, comme les Jésuites l’avaient été par les parle- ments et que la royauté triomphante n’en fut que plus faible devant le peuple qu'elle n’avait pas compté au nombre de ses compétiteurs. A la mort du doyen Bruté, une difliculté nouvelle avait agité le chapitre. Jacques Lilament, présenté pour lui succéder par le comte de Saint-Fargeau, se démit de ses fonctions avant d’avoir été installé et fut remplacé lui-même par Jacques-Henri Ger- main, curé de l’église royale de Meudon, docteur en droit de la Faculté de Paris. Le nouveau doyen prit possession le 5 sep- tembre 1770 et fut installé par M° Duplessis, notaire apostolique à Auxerre, commis à cet effet par un des vicaires-généraux, mais non sans soulever toutes les susceptibilités des chanoines qui, jusqu’à ce jour, avaient procédé eux-mêmes à l'installation de leur doyen. Quelque vive contrariété que lui causa cette innovation le chapitre crut devoir éviter tout espèce de scandale en défé- rant à l'ordre de l'évêché, mais il protesta avec d'autant plus d'énergie qu'il Le fit en termes plus respectueux. Monseigneur répondit : € À Paris, le 42 septembre 1770. « J'ai recu, Messieurs, votre lettre du 6 de ce mois. Vous « devez être persuadés que l'intention de M. l’abbéde Morangiés, € en constituant un notaire apostolique pour mettre en posses- « sion M. le doyen de Saint-Fargeau, n’a point été de blesser, 202 HISTOIRE DE LA VILLE « en aucune manière, vos droits et votre possession. Je ne « désapprouve point les précautions que vous avez prises pour « leur conservation, et je suis très-satisfait au contraire de la « manière honnête avec laquelle vous me proposez les peines « que vous pouvez avoir sur la forme des provisions accordées € à Monsieur votre nouveau doyen. Je pars pour Auxerre, et « aussitôt que J'y serai arrivé, j'examinerai cette affaire et ver- « rai à faire ce que vous pouvez raisonnablement désirer. « Soyez persuadés de tous les sentiments avec lesquels j'ai « l'honneur d’être, Messieurs, votre très-humbre et très-obéis- « sant serviteur. € J. B., év. d'Auxerre. » Me Duplessis avait, de son côté, rendu compte à M. Villiard, secrétaire de l'évêché, des difficultés qu'avait rencontrées sa mission, et dès le 40 ce dernier avait écrit au doyen que les re- cherches faites dans les anciens registres eapitulaires avaient fourni la preuve que, depuis plus de cent ans, le chapitre de Saint-Fargeau avait procédé lui-même à l'installation de son doyen ; qu’il existe à ce sujet une très-grande variété d’usages pour les différentes collégiales du diocèse, ce qui a induit en er- reur; qu'il n’y a pointeu, dans l'emploi d’un notaire apostolique, intention de préjudicier aux droits du chapitre, et que le fait isolé, relatif à l'installation de M. Germain, ne peut avoir de conséquence pour l'avenir. Les chanoines, cette fois encore, furent promptement et com- plétement satisfaits. Presque toutes les paroisses du comté avaient au xvie et au xvir siècle une partie plus ou moins grande de leur territoire plantée de vignes. Depuis, cette culture a suivi une progression décroissante très-rapide. Cependant vers 4775, il existait encore à Saint-Fargeau une assez grande quantité de vignes pour que ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 203 les habitants, réunis en assemblée générale; crussent devoir nommer des garde-vignes et fixer un ban de vendanges. La seule commune qui ait conservé un vignoble jusqu’à ce jour est celle de Bléneau, et cette circonstance est d'autant plus remar- quable que ses produits sont peu estimés, et que c'est la seule nature de propriété qui s’y soit en quelque sorte démocratisée, comme si la terre la plus trempée de sueurs, de même que les enfants le plus péniblement élevés, était toujours la plus chère. Nous avons vu que Saint-Fargeau jouissait, au xvie siècle, de larges franchises municipales. Cette heureuse situation se trouve singulièrement modifiée au xvine. Le corps de ville se compose de deux éléments fort distincts, savoir, d'une part, de notables élus par les habitants, sous le titre de conseillers de ville, et, d'autre part, de tous les offi- ciers de justice du bailliage dont la nomination appartient au comte. L'administration est confiée à deux échevins. Quand et comment s'était consommée cette usurpation du comte sur les affaires municipales ? Nous ne saurions le dire, mais on com- prend la prépondérance que lui donnait dans les délibérations l'introduction des officiers de justice dans le corps de ville. Aussi ce droit lui fut-il contesté par les habitants en 1759, mais il fut maintenu par un arrêt de parlement du 49 décembre de la même année. Telle était la situation, lorsque le roi, par un édit du mois de mars 476% et un réglement du 31 mai 1765, tenta d’in- troduire, .en France, l’uniformité dans l'administration muni- cipale. La ville de Saint-Fargeau, ayant alors moins de 2,000 habitants, son administration devait se composer de deux écher vins, de trois conseillers, d’un syndis-receveur et d’un secré- taire-greffier, dont l'élection était confiée à une assemblée de notables élus eux-mêmes en assemblée générale des habitants. 204 HISTOIRE DE LA VILLE Ces notables étaient en outre investis, conjointement avec les échevins et les conseillers, du droit de représenter la commu- nauté dans certains cas déterminés. À ce nouvel état de choses, les habitants perdaient l’élection directe et le comte l'introduction de ses officiers de justice dans les affaires de la communauté. Celui-ci porta ses doléances au roi et sollicita en sa faveur le maintien de l’ancienne organisa- tion. La position personnelle du comte, qui était, depuis un an, président à mortier, l'éclat qu'il avait attaché à son nom dans le fameux procès des Jésuites, les amis qu'il avait à la cour, tout servait ses intérêts dans la circonstance. Il n'était guère possible toutefois de soustraire complétement la ville de Saint-Fargeau à l'application de l’édit général; dans cette position, le roi prit un moyen terme, et, considérant que les officiers du bailliage du comté avaient auparavant voix dé- libérative aux assemblées du corps de ville, et qu'il est juste, pour compenser la prérogative enlevée à ses officiers, d'accorder au comte et à ses successeurs d’autres droits et prérogatives; considérant aussi que, loin de vouloir diminuer les droits et prérogatives dont les rois nos prédécesseurs et nous-même avons décoré le comte de Saint-Fargeau et de Puisaie, nous serions plutôt porté à en accroître la dignité pour marquer notre satisfaction des services de celui qui en est actuelle- ment possesseur, il ordonne, par des lettres patentes données à Versailles le 21 juin 4765, que le décret de la même année serait appliqué à la ville de Saint-Fargeau, mais que, toutes les fois qu'il y aurait lieu de pourvoir au remplacement d’un des échevins, l'assemblée des notables élirait trois candidats parmi lesquels choisirait le comte. Un des premiers soins de l'administration nouvelle, ainsi cons- tituée, fut de réglementer l'exécution de l’édit de 1765 et c’est ET DU CGOMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 205 ce qu'elle fit par une délibération du 2 octobre de la même année, qui décide en substance qu'il y aurait deux sortes d’assemblées, lune appelée le bureau de ville, composée des échevins, des trois conseillers, du syndic et du secrétaire; l’autre, nommée le corps de ville, composée du bureau de ville et des notables ; qu'à la première seraient portées toutes les affaires de régie et d'administration, et que la seconde aurait dans ses attributions tout ce qui concerne les impôts, la*milice, les ouvrages publics et les propriétés de la ville. Un des derniers actes de l’ancienne administration avait été de traiter avec les Augustins pour transférer dans leur maison le collége établi précédemment dans la maison de ville, incen- diée en 1759 (1) et pour charger deux des frères de l’enseigne- ment de la jeunesse. L'un devait enseigner la lecture, l'écriture, l’arithmétique, le catéchisme et la religion; l’autre, professer tous les cours relatifs à l’enseignement de la langue latine. Un arrêt du parlement, du 4 mars 4765, sanctionna ce traité. Quant aux lettres patentes du 21 juin de cette année, après avoir été exécutées pendant dix ans, elles éprouvèrent tout à Coup une vive résistance. Le 7 mai 1775, les habitants sont convoqués en la manière ordinaire pour élire six candidats aux fonctions d'échevins eten présenter la liste au comte afin qu'il en choisisse deux, mais cette assemblée ne produit aucun résultat, parce que les habi- tants contestent au comte le droit de choisir ainsi les échevins. L'élection ajournée au 14 ne produit aucun résultat faute d’élec- teurs. On donne défaut contre eux avec nouvel ajournement au 31 mai. (1) Les restes de cette maison ont été vendus par la ville 350 fr., le A1 mai 1766. 206 HISTOIRE DE LA VILLE Pendant ce temps, le comte avait agi à la cour et un ordre exprès du roi, communiqué à l'assemblée, annonce que cette rébellion ne sera pas tolérée plus longtemps, mais qu'il sera laissé un temps suffisant aux esprits pour rentrer dans les voies de l'oheéissance. Deux avocats au bailliage, MM. François- Réné Grangier et Pierre-Francois Frémy, principaux auteurs de cette résistance, ne persistèrent pas moins dans leur volonté de s'abstenir. Toutefois, après avoir obtenu des électeurs présents la déclaration qu'ils se conformeraient aux ordres du roi à la pre- mière réunion qui serait indiquée, le bureau en fixa le jour au 5 juin et réitéra le défaut donné contre MM. Grangier et Frémy, circonstance qui les rendait passibles d’une amende. Le 5 juin enfin, ces derniers assistant à la réunion, la liste de six candidats est remplie, et le comte obtient pleine satis- faction. On peut croire toutefois que les opposants ne furent pas convertis, à en juger par cette mention mise en marge de la délibération du 5 juin 4775 : Le defaut de com (1) a été relevé par procès-verbal de Me Martin, du 17 mars 1779, et le droit payé le 2 juillet \TT9, car ce n’est pas sans motif sans doute que, quatre ans après, le pardon se change en rancune. Michel-Etienne Lepeletier de Saint-Fargeau n'eut de son ma- riage avec mademoiselle de Beaupré qu’un fils, Louis-Michel, mais il se remaria et eut de sa seconde femme cinq enfants. Il mourut de la petite vérole en 1778. $ IIL. Les révolutions littéraires, pas plus que les révolutions poli- (1) De comparaître, ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 207 tiques n'arrivent comme un hasard brutal. Elles sont l'expres- sion, à son degré le plus énergique, d’un besoin nouveau, d’un perfectionnement, d'une réparation. Les causes mêmes n’en sont point tellement secrètes que les esprits: éclairés ne les voient approcher et grandir et ne pressentent le terme où doit aboutir l'effet qu’elles préparent. Il à été donné à notre siècle de dégager la littérature des chaînes de fleurs fanées dont l'em- pêtrait la mythologie antique, d'avoir de l'imagination, de l'esprit, du génie sans la permission des Grecs et des Romains, et de constituer en quelque sorte notre nationalité littéraire. - Mais si quelques grands écrivains ont opéré cette révolution et l'ont consacrée par des œuvres immortelles , il s’en faut qu'ils aient été les premiers à s'insurger pour la cause qu'ils ont fait prévaloir, et la gloire du triomphe doit rétroagir Jusqu'à ceux qui ont, les premiers, arboré un nouveau drapeau. A ce point de vue Etienne Barbazan, né à Saint-Fargeau en 4696, mérite d’être signalé à la reconnaissance publique. L'étude approfondie de la langue et des patois de la France, depuis le xu° jusqu'au xvi° siècle, l'ayant excité à la recherche d'œuvres littéraires perdues dans les bibliothèques, et lui ayant révélé des beautés originales qui n’existaient pas pour nous parce que nous êtions inhabiles à les comprendre, Barbazan acquit un genre de science qui le fit remarquer des savants et l’attira au milieu d'eux à Paris. À cette époque, l’abbé Péreau avait formé lui-même un recueil d’antiquités littéraires , disposé par ordre alphabétique, et Pa- vait publié jusqu’à la lettre C. Barbazan s’associa à Graville et à l'abbé de la Porte pour la continuation de cet ouvrage qui pa- rut, l’année 1745 et les années suivantes, en 24 volumes in-42. En 1756, il publia seul un nouveau recueil sous ce titre : 208 HISTOIRE DE LA VILLE Fabliaux et contes des poëtes françois des xn, xur, xiv et xv° siècles, tirés des meilleurs auteurs. Paris, Vincent, 3 vol. in-12. Il avait, à la même époque, réuni les matériaux d’un glossaire considérable lorsqu'un/autre savant, membre de l’Aca- démie des Inscriptions et belles-lettres, du même âge, du même diocèse que lui, dont les immenses travaux avaient également pour but de révéler les trésors de noire littérature, de nos an- tiquités, de notre histoire nationale, de nous y attacher enfin en nous arrachant à nos préférences systématiques pour les Grecs et les Romains, fit paraître le prospectus, en 32 pages in-4°, d'un Glossaire de la langue française. Ce savant était Lacurne de Sainte-Pallaye, né à Auxerre en 1697. Barbazan éprouva une vive contrariété de cette annonce, mais, en homme du métier, il sentit le côté faible du travail de son antagoniste et, sans le signaler directement au public, ce qui aurait en quelque sorte exclu l'idée d'antériorité, il fit annoncer lui-même, dans son œuvre en cours d'exécution et à la même date de 1756, la remise entre les mains de son libraire du ma- nuscrit entièrement fini d'un nouveau trésor de Borel, ou dictionnaire de tous les termes de l'ancienne lanque francaise, usités dans les XII, XIII, XIV, XV et XvI° siècle, 2 VOL. IN-FOLIO. Cet avis s’expliquait du reste en ces termes: On y verra les variations de notre langue, l'auteur ayant eu soin de marquer les différents siècles où les auteurs qu'il CCC I CCEU EN R ERR RER RDS LEE LP ITMAS LR AE On donnera enfin, dans la préface, des modèles sur les différentes écritures de chaque siècle pour faciliter la lecture des écrivains de ces siècles. C'étaient là précisément les lacunes que laissait apercevoir le prospectus de Sainte-Pallaye. Celui-ci s’émut à son tour et ses amis bien davantage encore. _ ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 209 Brequigny notamment lui fit remarquer que son glossaire avait le défaut de tous les lexiques , celui de donner les diverses ac- ceptions d’un mot sans en faire l'historique et sans préciser la date de ses variations. Sainte-Pallaye sentit la justesse de la critique et, en homme de cœur, il se prit à recommencer son travail, et quel travail, grand Dieu ! Soixante-un volumes in-4o! Il s'adjoignit toutefois un collaborateur, mais, quelques efforts qu'ils fissent l'un et l’autre, l'ouvrage n’avancçait pas parce qu'il fallait sans cesse remonter aux sources. Barbazan éprouvait, de son côté, des difficultés d’une autre nature : Son œuvre avait-elle réellement trouvé un éditeur? Il est permis d'en douter. N'’avait-elle que deux volumes in-fe comme il l'avait annoncé ? C'était moins sûr encore. Quel suc- cès de concurrence pouvait-elle enfin raisonnablement espérer, en tenant compte de la position éminente que Sainte-Pallaye occupait dans la science, de ses relations dans le monde et de sa fortune personnelle? Tout cela était fort embarrassant ; Bar- bazan le comprit, aussi fit-il proposer à Sainte-Pallaye la vente de son manuscrit. Le prix fut diseuté, convenu même, mais une circonstance restée inconnue empêcha la réalisation de l'acte. À la mort de Barbazan, son manuscrit fut cédé au mar- quis de Paulmy, qui s’en servit pour ses travaux personnels, puis le céda à la bibliothèque royale, qui le céda à la bibliothè: que de l’Arsenal. La première partie toutefois a disparu et c'é- tait à coup sûr la plus intéressante. Elle contenait un traité complet de paléographie et une série de notices biographiques sur les écrivains français des premiers âges, suivies du cata- logue de leurs ouvrages. A-t-elle été perdue pour tout le monde ? L'œuvre rivale de Sainte-Pallaye ne fut guère plus heureuse. Arrivée à terme en 4780, après 24% ans de travail à nouveau, l% 210 HISTOIRE DE LA VILLE le premier volume fut imprimé. Il contient 735 pages in-f, en 1470 colonnes, finit au mot asseureté et coûta une somme s: considérable que ni un éditeur, ni les héritiers de l’avieur, qu mourut l'année suivante, ne voulurent contiauer la publication. Les deux œuvres, du reste, ont conservé entre elles la distance sociale qui séparait les deux hommes : L'une esi réunie dans de modestes portefeuilles, l’autre forme une longue suite de volumes reliés. Mais revenons aux fabliaux. En annonçant cet ouvrage, au mois de novembre 1756, le Journal des savants s'exprime ainsi: « Ces sortes de poèmes n’ont été connus jusqu’à présent que « des savants et de ceux qui fouillent nos anciens manuscrits ; « ils sont tombés dans l'oubli et on n’a point cru qu'ils mé- « ritassent d’être tirés de la poussière des bibliothèques dans « laquelle ils sont ensevelis. On ne pouvait détruire ce préjugé € qu’en les mettant à portée d’être lus et entendus de tout le « monde; c’est le but que l’auteur s’est proposé en donnant ce « recueil et en y ajoutant, à la fin de chaque volume, un voca- « bulaire de tous les anciens mots français qui se trouvent dans « ces fabliaux. La difficulté de les entendre a été une des prin- « cipales causes pour laquelle ils ont été si négligés, malgré « les avantages qu’on en peut retirer, tant pour notre languc « que pour la connaissance de nos anciens usages. » Cette publication eut un succès plus solide qu'enthousiaste. Dix ans après, Vincent, le même éditeur, en donna une nou- velle édition. Barbazan avait fait, du reste, remarquer dans la préface de la première, avec beaucoup de justesse, que la poésie était aussi ancienne que l’homme; qu’elle a été, comme le chant, une manière d'exprimer ses sensations, et que si nous ne trouvons point de poésies bien anciennes en langue natio- ET DU GOMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 214 pale, ce n’est pas du tout Ja preuve que, par une singulière exception, nos aïeux n’en ont point composé. Barbazan avait publié dans l'intervalle, à Lauzanne, ou plu- tôt à Paris, dans le format in-12, en 1759, l'ORDENNE pe CuevaLerie et, en 1760, Le CAsToIEMENT où anstruction du père à son fils, ouvraye moral en vers composé dans le trei- zième siècle, qui furent réédités en 4808 avec les fabliaux, Paris, B. Warée, 4 volumes in-8°. L'Ordenne de Chevalerie est suivie d’un diseours sur les étymologies et d'une dissertation sur la langue française à son origine. Le Castoiement est précédé d’une dissertation sur la lanque des Celtes où Gaulois, où Barbazan soutient que la langue celtique, toute de tradition, s’est dissipée insensiblement et perdue dans la langue latine; que toutes nos étymologies pro- viennent de cette dernière langue et que celles du bas-breton, quoique plus altérées, en proviennent également. Dans sa dissertation sur la langue française, il avait proposé déjà un grand nombre d'étymologies dérivées du latin,mais elles avaient été vivement attaquées dans l'Année littéraire par un anonyme, et, dans le Mercure de novembre 1759, par le baron des Escarts. I répondit à ces critiques, dans le Castoiement, sous le titre de Nouvelles observations sur les étymologies, et s'aitaeha sur- tout à prouver, par de nombreuses citations et de la manière la plus heureuse suivant nous, ce qui avait soulevé le plus de contradicteurs, que Baron (Ber) vient de Vin. Dans sa dissertation sur la langue des Celtes, il examine- beaucoup d’autres origines prétendues celtiques, les moins con testées, et les ramène aussi au latin. Ainsi l’origine latine de Lugdunum , composé de deux radi- caux celtiques, suivant l'historien grec Clitophon, cité par 212 HISTOIRE DE LA VILLE Plutarque, Lug, corbeau, et Dun éminence, ne paraît pas plus douteuse à Barbazan qu’à notre Héric (1). Lugduno celebrant Gallorum famine nomen Impositum quondam, quod sit Mons Lucinus idem. Suivant Barbazan, ce mot est composé de Lux et de la pre- mière syllabe de Tumulus, tum dont on à fait dun, qui a, comme tumulus deux significations différentes , éminence ou colline, et fombeau ou monument quelconque. En effet si Lugdunum (Lyon), à cause de sa situation primi- tive, a emprunté son nom à sa position sur une colline, comme Noviodunum (Noyon), Castellodunum (Chäteaudun), Novio- dunum (Nevers), d’autres noms analogues, attribués à des villes situées dans des vallées, sont dus à la présence d’un monu- ment quelconque, inconnu ou problématique, comme Verodu- num ou Virodunum (Verdun), Melodunum (Melun), quelque- fois certain comme Cæsarodunum (Tours), et Augustodunum (Autun). Quoiqu'il en soit de ces étymologies , l’origine purement la- tine de la langue française a perdu beaucoup de ses partisans et, depuis Gabriel Henri qui, le premier, a essayé de prouver, dans son histoire de la langue française, que le celtique s'était altéré au contact du latin, comme le latin lui-même s'est altéré au contact du celtique, les plus savants professeurs n’ont point admis l'opinion exclusive de Barbazan. Ce savant mourut à Paris le 8 octobre 1770. L'année suivante, la chätellenie de Bléneau cessa d’apparte- nir à la maison de Courtenay, qui la possédait depuis plus de quatre siècles. La vente qu'en fit madame de Beaufremont, (4) Vita sancti Germani, lib. 1v. ET DU €OMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 213 seule descendante de cette illustre maison, le 21 mars 17714, à François-Noël Haudry, se liant du reste à des événements déjà connus, il est nécessaire d'y revenir et d'en faire connaître les suites. À Edme de Courtenay, décédé en 1633, avait succédé Gas- pard IF, son fils; mais celui-ci, qui vécut à la cour sous la pro- tection du cardinal de Richelieu, son parent, étant mort lui- même, en 1655, sans enfant légitime, la branche de Bléneau s'éteignit avec lui. Toutefois, après avoir doté de la seigneurie du Coudray le fils naturel qu'il avait eu de mademoiselle de Corbelin, Gaspard IT avait fait ses dispositions pour que la seigneurie de Bléneau ne sortit pas de sa famille. Par un acte passé devant M° Jacques Haulnet, notaire royal en la prévôté d'Ouzouer-sur-Trézé, ès-quartiers de Saint-Cartau et Saint- Privé, le 4% avril 1653, il avait fait donation de la châtellenie de Bléneau à Louis de Courtenay, seigneur de Chevillon, son cousin, à la charge de la transmettre à Louis-Charles, son fils, de la conserver à ceux de son nom et armes, et de payer ses dettes jusqu'à concurrence de 80,000 livres. Cette clause financière ne fut pas, à ce qu'il paraît, facile à exécuter, car, quelques années plus tard, la seigneurie de Blé- neau était saisie et elle fut adjugée sur décret aux requêtes du palais le 44 septembre 1666. Toutefois, la déclaration de com- mand fit connaître que l’adjudicataire était Louis de Courtenay, pour la terre tout entière, sauf la jouissance de la rivière, le moulin banal et celui de l'Epalu qui furent adjugés aux pro- priétaires du canal de Briare. Louis de Courtenay avait épousé Chrestienne de Harlay, comtesse de Césy, et en eut trois fils. Louis-Charles, né le 25 mai 4640, lui succéda comme sei- gneur de Bléneau. 214 HISTOIRE DE LA VILLE Charles-Roger [, né le 29 mai 1647, devint abbé des Echar- lis et de Saint-Pierre d'Auxerre, comte de Saint-Jean de Lyon, seigneur spirituel et temporel de Choisy-en-Brie. Jean-Armand, né le 7 mai 1652, fut recu chevalier de Malte, dès l’âge de quatre ans, avec dispense du pape. Le cardinal Mazarin, enrichi de ses déprédations et triom- phant de ses ennemis, n'avait guère conservé d'autre ambition que d'humilier ceux-ci par l'exercice d’un pouvoir sans limites et de consacrer dans sa famille la possession d’une immense fortune par d'illustres alliances. La position du jeune Louis- Charles lui avait paru digne d'être exploitée dans ce sens et de concourir à ce double but. Il avait donc résolu de le faire éle- ver sous ses yeux, d'obtenir la reconnaissance des droits légi- timés que n'avait pu faire prévaloir le prince de Condé; enfin de donner à son protégé une de ses nièces en mariage. Mais celui-ci n'avait pu remplir les vues du cardinal : son intelligence était sans étendue, ses instinets sans noblesse, ses habitudes sans dignité; c’est-à-dire qu’il fut bientôt renvoyé à Bléneau où il vint briser les plus chères espérances de son père Rendu à son obseurité, Louis-Charles s'était marié et avait eu deux enfants, un fils, Gharles-Roger If, né en 1674, et une fille nommée Hélène. Pour la seconde fois, la maison de Courtenav n'avait plus qu'un représentant qui pût avoir postérité capable de la conti- nuer. Depuis un siècle, elle revendiquait l'honneur du sang royal ; depuis un siècle, tour à tour protégée et persécutée, elle semblait avoir touché à toutes les phases d’espoir et de décep- tion et l’on éprouve une sorte de besoin de la voir s’éteindre doucement ét trouver enfin, au lieu des privilèges de ce monde, la sainte égalité qui commence au sein de Dieu. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 215 Henri IV, Louis XIII, Louis XIV avaient été sollicités suc. cessivement en faveur de la maison de Courtenay. On prétend que ce dernier répondit un jour au seigneur de Bléneau : Si mon grand père vous a fait tort en vous refusant le titre de prince du sang, prouvez-mot que nos aînés vous aient reconnus el jevous reconnais à l'instant. Cette réponse, disons-le, si elle n’est pas apocryphe, ne prouverait qu’une chose, c'est que la bouche des grands hommes n’articule pas toujours des paroles dignes d'eux. La naissance est un fait ma- tériel, existant indépendamment de la possession d'état, et la filiation des cadets n’a jamais été, dans les pays les plus bar- bares, soumise à la ratification des aînés. Ce que rous trouvons de plus certain dans la conduite de Louis XIV, à l'égard de la maison de Courtenay, c'est qu'il to- léra ce qu'il ne voulut permettre et que du Bouchet put lui dé- dier son histoire généalogique et lui dire, avec courage mais impunément, dans l’épitre dédicatoire : « Sire, voici des « princes issus d’un de vos augustes aïeux que la renommée « et le bruit de vos incomparables actions et de vos vertus « héroïques obligent de quitter leurs tombeaux pour revivre « sous votre empire... Que si Alexandre n'a rien fait de plus « éclatant que d’avoir donné un diadème à ce prince de la mai- « son royale de Sidon, que l’inconstance de la fortune avait € fait jardinier, vous ferez sans doute quelque chose de plus magnanime si vous relevez le lustre obscurei des princes qui sont de votre sang. J’estime, sire, que vous en serez plei- nement persuadé par la lecture de cet ouvrage, que je con- sacre à Votre Majesté comme ne l’ayant'entrepris que pour votre seule gloire. » Revenons au seigneur de Bléneau. Bientôt la nouvelle d’un grave événement vint jeter la stu- RIPOSTE 216 HISTOIRE DE LA VILLE peur dans la petite cité, et, quelque soin qu’on prit pour en étouffer le bruit, il retentit dans toute la France Le 7 mai 1730, on trouvait Charles-Roger de Courtenay frappé, dans son lit, de deux coups de pistolets, et le nom de Courtenay s’éteignait dans le sang du dernier rejeton mâle de cette illustre maison. Quel était l’assassin? On l’ignorait. Qui avait armé sa main criminelle ? On n'’osait se le demander. Il ne resta plus alors du nom de Courtenay que l'abbé des Echarlis, vieillard de 83 ans, qui se courbait vers la tombe, et Hélène, sœur de la victime, mariée dès 4712 à Louis de Beau- fremont, marquis de Listenois. Rien ne pouvait donc plus porter ombrage, et cependant elle aussi allait baisser la tête sous le coup d’une lâcheté. Dès la fin du xv° siècle, nous l'avons dit, les Courtenay avaient repris le titre d’illustres princes du sang et l'avaient porté constamment et publiquement sans avoir été jamais in- quiétés à ce sujet. Hélène, continuant les habitudes et les droits de sa famille, avait inscrit, dans son contrat de mariage, la qualification de princesse du sang royal. Mais, comme si le courage de frapper ne dût venir qu’en lutte avec une femme, cet acte, dont la date remontait à 25 ans, fut déféré au parle- ment qui, par un arrêt du 7 février 4737, ordonna la suppres- sion du titre contesté. Madame de Beaufremont ne trouvant plus alors à Bléneau que des souvenirs douloureux, n’y vint plus que rarement et elle finit par aliéner ce débris de l’ancienne splendeur d’une famille illustre dont elle était le dernier rejeton. GAIN Depuis longtemps déjà les chanoines se montraient peu exacts à se rendre aux offices à l'heure indiquée par les statuts ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 217 du 31 décembre 1644. Naturellement, ils en attribuèrent la cause au mauvais état de l'horloge de la ville et, pour preuve, ils votèrent, par une délibération capitulaire du 46 juillet 1779, l'acquisition d’une pendule régulatrice destinée à être placée dans l’église. Mais une autre délibération, du 25 avril 4781 ; nous apprend que bientôt il s'était établi parmi les chanoines un autre usage, dont l'horloge et la pendule étaient forts inno- cents, c'était de ne plus aller du tout aux offices. Aux grands maux les grands remèdes : on décide, cette fois, que chaque absence non justifiée donnera lieu à une amende au profit des présents, savoir de six sous pour le doyen et de quatre sous pour les chanoines; on nomme enfin un pointeur pour con- stater les absences. Nous ne saurions dire le degré d’exactitude qu'amena cette mesure, mais il est agréable de penser que cha- cun des chanoines put ainsi acquérir une somme déterminée de franches aHures et d’heureuse liberté. Quant à l'horloge de ville, le fait est que, dès 1761, elle était en mauvais état, et que toutes les dépenses qui furent af- fectées à la réparer, ne purent en prolonger l'existence décré- pite que jusqu'en 1789, époque où Etienne Jamet, maitre ser- rurier et horloger en gros à Léré, fut chargé d’en faire une nouvelle qui fut installée six mois après. De ces petits intérêts de la ville, si nous voulons descendre à ceux du village, transportons-nous à Ronchères. La cloche sonne à toute volée, à l'issue des vêpres, le 7 janvier 4781. Toutes les femmes de la paroisse se réunissent-en conseil, tous les hommes sont consignés à la garde des enfants. S’agirait-il d'une requête en émancipation! Les temps n’en sont pas venus encore. Quelque grave intérêt cependant a bouleversé l’ordre or- dinaire des choses; de quoi s'agit-il enfin? La sage-femme du \ lieu est morte, on va pourvoir à son remplacement. Après en 218 HISTOIRE DE LA VILLE avoir mürement délibéré, l'assemblée fixe son choix sur Reine Format, femme de Louis Quinquery, qui se charge de ces fonc- tions, accepte le taux de la rétribution fixé à vingt-quatre sous par accouchement et prête le serment usité en pareil cas, tel qu'il est dans le rituel du diocèse. Il était d'usage, dans la même paroisse, d’affermer aux en- chères, moyennant une redevance fixe, le droit de quêter en l'honneur de Saint-Fiacre, et l’adjudicataire, on le conçoit, ne négligeait aucun des petits moyens d’honnête séduction pour faire prospérer sa ferme. Dans une assemblée des hommes de la paroisse du 9 septembre 1781, Francois Bouttevilain s’éleva contre cette coutume qu'il signala comme contraire à la décence publique et aux intérêts de l’église. Son éloquence fût entrai- nante; l'assemblée nomma pour trois ans un bâtonnier chargé de faire les quêtes et d’en remettre le produit au banc-d'œuvre. Les événements nous pressent, hâtons-nous d’épuiser ces détails ; aussi bien le peuple lui-même va s'occuper des grandes choses. La fabrique de l’église de Saint-Fargeau possède un manus- crit contenant notamment un office spécial de Saint-Ferréol, à l'usage de l’église de cette ville. A quelle date remonte cette œuvre ? Quel est l’auteur des hymnes et de la musique ? Nous avons cherché, dans le manuscrit lui-même, des explications à ce sujet; or voici ce que nous avons trouvé. Sous la couverture, à la fin du volume, on lit : Ces hymnes sont de l'annee mal sept cent qaatre-vingt-trois Qu'ont été dictez nar Monsieur ledoyen Germain curé de Saint- Fargeau. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 219 Et plus bas : Vous êtes un menteur Chivot en est l'auteur. On lit enfin à la page 119 : Ce livre a été écrit par celui qui l'a fait; Et à la page 482 : Fin des offices qui ont été faites par René Desbans, chappelier, ce 13 avril 1766. Il serait difficile, au milieu de ces notes contradictoires, de démêler la vérité, si des faits plus sérieux ne venaient à notre aide. M. Germain à été doyen du chapitre de Saint-Fargeau depuis le 5 septembre 1770 jusqu'au 20 septembre 1786, et c'est pen- dant son administration que la partie du manuscrit qui nous intéresse à été imprimée à Auxerre chez Laurent Fournier, 1783, o1 pages in-12, sous ce titre : OFFICE DE SAINT-FERREOL, MARTYR DE VIENNE, A l'usage de l'Eglise collégiale et paroissiale de son nom dans la Ville de S. Fargeau. Le XVIIIe Septembre. Enfin le nom de Chivot apparaît pages 4, 25 et 37 de ce petit livre, comme étant l'auteur dès hymnes. En rapprochant ces faits et circonstances, on peut conclure 220 HISTOIRE DE LA VILLE sans crainte d'erreur que l’auteur des hymnes, paroles et mu- sique, est le chanoine Chivot, que Desbans est le copiste du manuscrit et que M. Germain en est l'éditeur. Il est temps de nous occuper du dernier comte de Saint- Fargeau. Louis-Michel Lepeletier fut appelé, par sa naissance, au pri- vilège d'une double aristocratie, celle de la noblesse qui lui réservait un comté et d'immenses possessions féodales, et celle de la magistrature parlementaire qui tendait à s’ériger en repré- sentation nationale, sans le concours de la nation. L'éducation du jeune patricien fut grave et sévère, mais ce qu'elle emprunta d’aristocratique à l'influence de son père s’altéra bien vite au contact des idées philosophiques qui venaient de se produire et qui ouvraient à un monde nouveau les portes de l'avenir. Conservateur par principes, par piété et par orgueil, le prési- dent Lepeletier avait contribué lui-même, à son insu et malgré lui, à rendre l'esprit de son fils accessible aux idées nouvelles soit en s'insurgeant personnellement contre l'autorité, soit en posant en victime d'un pouvoir sans contrôle, pendant son exil à Saint-Fargeau, avec ses talents et ses vertus, au milieu des devoirs et des affections de la famille, à côté de l’image d’un trône souillé de tous les genres d’infamies. Il y a en effet, pour la jeunesse, quelque chose de plus ins- tructif et de plus durable que les leçons, ce sont les impressions. Au moment où l’homme prend en quelque sorte possession de son âme, l’idée du juste domine en lui tout le sens moral. L’in- justice alors et l'abus du pouvoir le révoltent et laissent dans son cœur un douloureux souvenir. Tout ce qui est bon, tout ce qui est beau au contraire, caresse et parfume son âme, et, si le bien n’était pas plus difficile à pratiquer qu’à sentir, rien ne serait plus facile à l’homme que la vertu. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 291 Louis-Michel Lepeletier prit à l'école de son père le senti- ment du devoir, à entrainement de son âge le goût des plaisirs, et à sa position de magistrat, car il était, à 48 ans, avocat du roi au Châtelet, la force de s’arracher, par la nécessité du travail, aux séductions frivoles et dangereuses. L’habitude, la possession l’attachaient aux priviléges de la naissance, mais la philosophie lui faisait comprendre la nécessité de libertés pu- bliques, et son père lui-même n'avait pu lui enseigner à révérer le passé sans lui apprendre à le juger. Lepeletier ne pouvait être, en cet état, ni un homme d'initiative ni un homme de résistance; il ne fut ni l’un ni l’autre. La vie politique de Louis-Michel Lepeletier commence avec l'assemblée des notables qui s’ouvrit Le 22 février 1787. Calonne y parut avec un large plan de réforme, mais, n’inspirant pas au peuple la même confiance que Turgot, ses plus sages proposi- tions furent accueillies avec défiance ou dédain. Il fut remplacé par le cardinal Loménie de Brienne, ambitieux irrésolu, impré- voyant, et incapable de réparer les fautes de ses prédécesseurs. Brienne reprit les propositions de Calonne qui passèrent sans opposition, mais le vent des révolutions agitait à ce point déjà le parlement et le peuple que l’un, aveuglé par son égoïsme, refusa d'enregistrer un édit portant création, en remplacement des vingtièmes, d’une subvention territoriale sans distinction de privilèges, et que l’autre accueillit cette résistance par des ap- plaudissements en quelque sorte insensés, mais qui avaient leur saine logique dans l'instinet révolutionnaire du moment. Le mot d'Etats généraux fut jeté dans la discussion, et le parlement, acceptant tout pour échapper à la subvention territoriale, déclara que les Etats généraux, dont on s'était jusqu'alors passé, avaient seuls le pouvoir de consentir les impôts. Le roi ordonna l'enregistrement dans un lit de justice, et, le lendemain, le par- S) 222 HISTOIRE DE LA VILLE lement ayant déclaré nul cet enregistrement forcé, fut exilé à Troyes. Lepeletier, depuis deux ans, était passé des fonctions d'avocat-général à celles de président à mortier au parlement de Paris; 1l ne s’associa point toutefois à cette espèce de révolte et il resta avec la minorité du parlement, dans le parti de la cour. Après avoir convoqué les Etats généraux pour le mois de mai 1789, Brienne se retira le 25 août 1788 et Necker rentra aux affaires aux acclamations du peuple. Celui-ci fit consacrer par un édit le doublement du Tiers, c’est-à-dire que le nombre des députés du Tiers-Etat aux Etats généraux égalerait celui des dé- putés du Clergé et de la Noblesse réunis ; un cri d'enthousiasme accueillit eet édit et bientôt on ne s’occupa plus que des élections. Lepeletier avait acquis de bonne heure une grande habitude des affaires, et quoiqu'il ne fût pas orateur, dans le sens vrai du mot, il était fort exercé à parler en publie, et ces deux avan tages, si importants dans les assemblées publiques, le recom- mandèrent au choix de la noblesse de Paris, qui n'avait point oublié non plus sans doute son attitude au parlement en 1787. Il fut l’un des dix députés qu’elle avait à nommer. Admis, le 6 mai 4789, dans la chambre de la noblesse, 1l y vota avec la majorité, et lorsque le 27 juin cet ordre fut amené, par la force des événements, à se réunir aux deux autres, Lepeletier resta dans la chambre de son ordre seul avec le comte de Mirepoix. Les 3, 9 et juillet, il se rendit aux séances particulières que tint la noblesse après sa réunion, et la constitution de l’Assemblée nationale, signa la protestation qui fut alors rédigée contre tout ce qui s'était fait depuis l'ouverture des Etats et se montra franchement opposé aux principes populaires. Et dès le surlendemain 43, sans que rien püt faire ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU 223 pressentir ce brusque changement, dès qu'on apprit que la veille Necker avait recu l’ordre de se démettre de ses fonctions et de partir secrètement pour Bruxelles, on lentendit s’éczier : Il en est temps, représentons le peuple si nous ne voulons pas qu'il se représente lui-même. Fidèle désormais à cette nouvelle profession de foi, dans la séance de nuit du 4 août 1789 où l'abolition du régime féodal fut admise en principe, renchérissant sur les sacrifices les plus spontanés faits en faveur du peuple sur l'autel de la patrie, « M. de Saint-Fargeau, » dit le Moniteur, « développe des « considérations de bienfaisance et de justice d’après lesquelles, « pour le soulagement des laboureurs et propriétaires aecablés « de tant d'infortunes, il croyait devoir stipuler que la renon- « ciation aux privilèges et immunités pécuniaires s'appliquât à « la présente année et que les communes des campagnes ressen- « tissent sur-le-champ ce soulagement par [a cotisation des « nobles et des autres exempts, faite à leur décharge dans la « forme jugée la plus convenable par les assemblées -provin- « ciales, » et avant que l'assemblée nationale sanctionnât, le 41, par un décret calme et réfléchi, la révolution qui, le k, s’était accomplie d'enthousiasme, renchérissant encore sur tout ce qu'avait fait l’'auguste assemblée qui venait en quelque sorte de détruire un monde et d'en créer un nouveau, Lepeletier s’empresse d'écrire au curé doyen de Saint-Fargeau la lettre suivante, que nous copions littéralement sur l'original conservé aux archives communales de cette ville : Je vous prie Monsieur De vouloir bien assembler au Plutôt dans L'église Les citoyens de la ville et de La Paroisse de Saint- Fargeau et de Leur faire Part du contenu en La présente Lettre. Conformement a L'arrêté Pris unanimement Par La chambre nationalle dans La fameuse nuit de mardi Dernier ; 224 HISTOIRE *DE LA VILLE Je renonce a tout droit de Bannalité, De moulins ou de four, et au droit de colombier Je renonce a tout droit de chasse exclusif. Je revoque toutes Provisions données a mes gardes; Leur conservant toutes fois leurs gages (1) Pour qu'ils viennent se joindre a La milice Bourgeoise et deffendre avec elle Les Propriétés communes et La sureté Publique. Je Renonce à tout droit de justice. J'observe que L'assemblée nationalle a ordonné que Les officiers des justices seigneuriales exerceroient leurs fonctions jusqu'a ce que L'on ait fixé Le nouvel ordre Judiciaire Par La constitution, — Malgré cette disposition si Les habitants et citoyens désirent d’avoir (2) Pour juges D'autres officiers que ceux que javois nommé Je Les invite a s’assembler et a choisir ceux qu'ils jugeront Les Plus Dignes de remplir ces fonctions. Je consens Le Rachat de tous mes droits seigneuriaux L'assemblée nationalle n’en a (3) Pas encor fixé Les condifions. L'assemblée nationalle n’a Pas encor statué sur les droits honorifiques Je Previens son decret, et je renonce a tous droits d'encens et eau (4) Benite ; J'espère que tous Les nobles consentiront a effacer cette distinction humiliante Pour Les autres. Je renonce a tout droit exclusif de Peche dans la rivierre et au droit de Boucherie hallage quoique Lassemhlée ny ait Pas encore statué. J'ai personnellement fait Dans Lassemblée la motion de faire (4) 1H ya paies dans les OEuvres de Michel Lepelelier, publiées par sonfrère Félix. Bruxelles, 1826, un vol in-8°. (2) Il y a avoir, même ouvrage. (3) N’en a pu encore fixer, mème ouvrage. (4) Et d’eau bénite, id. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 225 Payer aux nobles Leur Portion dans La taille et La corvée de cette année en deduction de La Part des contribuables employés au rolle ; L'assemblée n’a Pas (1) encor Prononcé de decret sur cet article; Je désire qu'il soit accueilli; mais des a present je declare que je me chargerai de Payer seul toute La taille e4 corvée des Pauvres habitants dont Limposition est Portée sur les Rolles au dessous de 4 livres. Ils pourront se faire inscrire chez M. D'Engerville qui Payera Pour eux Lors quil en sera temps au collecteur. Je fais La même Disposition Pour toutes les Paroisses du comté, et je Prie Monsieur Le doyen den faire Part a M Les Curés. J'invite tous les habitants a se monter en milice Bourgeoise Pour se mettre a Labri des Brigands qui Pillent Les campagnes. J'entrerai Pour un tiers Dans La contribution que fera La ville Pour Les dépenses de cette milice. Il est bien essentiel de deffendre Dans ce moment de trouble Les moissons et Les Propriétés. I faut au surplus se deflier Des faux bruits, on en repend de tous genres. entre autres je sais quon à Dit à Saint-Fargeau que mon opinion avait été contraire a La cause du tiers etat; Le vrai est que j'ai toujours été Pour La Paix, Pour la conci- liation Pour tous les sacrifices, Les Papiers Publies en font foi, tous rendent compte de mes opinions. Personne dans L'assemblée nationalle ne doute de mon sentiment, etelle vient de me donner une preuve honnorable de sa confiance, en me choisissant pour President du Bureau dont je suis membre; Je prie tous les habitants de me regarder comme Leur ami et Leur concitoyen ; (1) N'a pu encore prononcer, ouvrage déjà cité. 226 HISTOIRE DE LA VILLE tout ce que nous sommes de riches Proprietaires à Saint-Fargeau nous nous réunirons Pour aider et soulager Les malheureux que fait souffrir Laffreuse misere de cette annee. Je ne veux retenir de ma qualité de Leur seigneur que Le droit D’en (1) Donner L'exemple. Je desire fort que Les affaires Publiques Puissent me Laisser quelques jours Libres Pour aller juger Par moi même De ce quon Peut faire encor Pour Leur soulagement. Recevez Monsieur Le Doyen Les assurances de La haute estime que je vous ai vouée. Ce 8 aoust 1789. LEPELETIER DE SAINT-FARGEAU. (4) De donner, ouvrage déjà cité. Bull. de La Soc des Sciences hist et nat de l Yonne ALT: T XII AU, 1) MU) I) 11} 1} jun dur I] Mn 1241) “n) f} 1] ii) ui D 1 Fosse Qiouue. d D J 2 Voie Aowmaime de deus à lise 3 Voie towaine Auxerre. 4 Cuectière tomaiu developpe p (es ee, 5 Dombeau de S Moicouver. Chapelle à Koup 6 buuplaceneut Je l'église Le Ciquau Re in Chr & Traces D'anueuues ferificatious. 9 Tous. da Œuglais. IO Aucune Vous Decouverte eu 1840. te explore, >ep sultures » pau alien 10° 102, Pouille faite pour une clés £ ne 5 Le Sésu lt C2) cudinarres <2 pieures seulptees . vase DT fl © ue Jeccucertes eu 1521 Ca veut de î h e cpullure axe Le A - B € D uorues E F G 1 n H Cuux 0e peudus Dette en 1793 qu 1 a D HA UE Lt D N TOUL eZ à \\\ ll \ nl MZ \\S. Lun 2 \ TI Éqlse st 12 Cuueliere de Lx parouwse. ETES .0p P 13 Fertifialious de Ce basse ol 14 Massage Jiex 1e. À 2 ge tilenre 15 deutieu aucienw cheutir. Camille Pormeoëis ol Lüth. Perrique? à Auxerre oo DÉCOUVERTE D'UN CIMETIÈRE ROMAIN À TONNERRE. Partout où l’homme a habité, le hasard fait découvrir, de temps à autre, des traces de son séjour sur la terre : Ici la pioche du terrassier remue les cendres de populations éteintes depuis longtemps ; là le soc de la charrue soulève des débris d'habitations enfouis pendant nombre de siècles. Chaque épo- que se distingue par des caractères particuliers; mais celle qui offre des vestiges aussi nombreux qu'intéressants sous tous les rapports, c’est la période marquée par l'invasion des Romains, qui, en apportant la civilisation dans la Gaule, y ont laissé une foule de monuments attestant leurs progrès dans les arts. Après avoir été protégés par la terre, les objets enfouis dans leurs cimetières viennent aussi nous initier à leurs mœurs et aux usages alors observés pour les inhuma- tions. Ces découvertes sont assez rares, parce que depuis 16 à 17 siècles les lieux consacrés aux sépultures ont été, ou bouleversés pour faire place à des constructions, ou livrés à la culture ; de là l’oubli de leur ancienne destination. C'est ainsi qu'à Tonnerre on ignorait l'existence d’un cimetière romain près de cette ville, lorsque des travaux de terrassement sont venus en révéler un que nous avons exploré sur une faible étendue il est vrai; cependant ce que nous y avons observé et recueilli mérite d’être constaté. 228 CIMETIÈRE ROMAIN. Le plateau de la colline connue jadis sous le nom de Mon - bellant et maintenant sous celui de montagne du Vieux-Chà- teau, fut le siége de l’ancienne ville de Tonnerre. Fortifié naturellement sur plusieurs points par des rochers escarpés et n'étant facilement accessible qu'au nord-ouest, où il est dominé parla montagne des Sabots ou des Boussemis, ce pla- teau présentait une position toute militaire, lorsque chaque cité était une forteresse. La grande voie romaine de Sens à Alise, qui le traversait ajoutait encore à son impor- tance. Si on se reporte à des temps antérieurs à la création de ces voies, on trouvera que le nom de l’ancienne ville était d'origine celtique: Tornodurum (près du torrent), indiquait la proximité de la fosse Dionne, qui coule au pied de la montagne. Il est donc probable que cette position fut utilisée par les Gaulois. Les débris d’une architecture bizarre composant les substructions d’une tour découverte en 1840, proviennent d'un monument peut-être d’une époque antérieure à la domination romaine; mais Ce qui est certain, c'est que sous cette domina- tion la place devint une station principale, partageant à peu près également la distance de Sens à Alise. On y à trouvé un certain nombre de médailles du haut empire. Dans une fouille faite sur l'emplacement de l'ancien château, nous avons remar- qué des débris de tuiles à rebords. Enfin la découverte qui nous occupe vient compléter les preuves de l'existence du Ton- nerre romain. Du côté de Sens on y arrivait en descendant la montagne des Sabots. À la naissance du plateau était le point d'intersection du chemin d'Auxerre sur la grande voie. Si à gauche cette voie suivait le milieu de la colline, à droite on trouvait le grand chemin de la vallée de la Lice offrant une descente plus ° CIMETIÈRE ROMAIN. 229 douce en tournant cette colline. Alors, comme aujourd’hui, il devait être très-fréquenté. Nous insistons sur cette remarque parceque c’est près de ce grand chemin que nous allons trou- ver notre cimetière romain. Cependant, il faut le dire, une fouille que nous avons fait exécuter, .il y a trois mois, le long du chemin de la Lice, et plusieurs autres opérées à différentes époques, n’ont fait reconnaître aucune trace de voie romaine ; on trouve seulement, à deux mètres et plus de profondeur, les couches de l’ancien chemin empierré et élevé successivement par les graviers provenant des montagnes. On sait que les cimetières gallo-romains étaient placés sur le bord des voies publiques et au versant des coteaux exposés au nord ; c’est bien la position que nous constatons aujour- d'hui. El eut été difficile de trouver ailleurs toutes ces condi- tions, et qui plus est un arrivage aussi facile, puisque sur trois points on pouvait communiquer à ce champ de sépulture. De deux côtés par la montée ou par la descente du chemin de la Lice et au milieu par une rampe décrivant une courbe sur le flane de la colline. Aujourd’hui c’est un sentier de des- serte pour les propriétés qui y aboutissent. Reportons-nous maintenant aux cérémonies funèbres chez les Romains: la coutume de brûler les corps fut apportée par eux dans les Gaules où elle s’étendit à toutes les classes du peuple Gallo-Romain. Lorsqu'une personne avait cessé de de vivre, le corps était lavé, vêtu et exposé dans une dépen- dance de la maison mortuaire, ou l’on était admis à de visiter. Au jour fixé pour l’inhumation, le convoi composé des parents et amis du défunt, des pleureuses salariées et de gens por- tant des parfums, des plats de viande et des liquides pour les libations, se dirigeait vers le champ du repos. Là le corps était déposé sur un bûcher formé de bois see, couvert de bran- en 230 CIMETIÈRE ROMAIN. ches de pin, de cyprès et d'if; après avoir allumé le feu on jetait des parfums et des libations sur le cadavre embràsé. Quelquefois, près du bûcher on sacrifiait des victimes consis- tant en animaux favoris du défunt. Lorsque le corps était entièrement consumé «les parents ou les héritiers ramas- « saient les os et les cendres et les placaient, les moins « aisés dans des urnes en terre, les plus riches dans des « urnes en verre. » On y joignait parfois des objets ayant appartenu au défunt et une ou plusieurs monnaies destinées sans doute à payer Je passage du Styx ou de l’Achéron. L’urne principale, accompagnée d’un ou de plusieurs vases, et les cendres qui n’y avaient pas trouvé place, étaient ensuite introduites dans un coffre en bois scellé au moyen de clous, puis, deposé dans la terre avec quelques pierres posées à côté pour le protéger. C’est vers le milieu ou sur la fin du mt siècle que l’usage de brüler les corps cessa complétement. Le 1v° siècle ne pré sente plus que des inhumations ordinaires, montrant des squelettes entiers souvent accompagnés de vases. Ce sont ces deux modes de sépultures que nous allons trouver dans Île cimetière de Tonnerre. Une partie de son emplacement est converti depuis long- temps en verger, à la naissance d’un coteau dont la pente vient finir en pointe à l'endroit où bifurque le chemin de la Lice sur la nouvelle route d'Auxerre (voir la planche 4). Ce verger est porté au cadastre sous deux parcelles, section F n® 525 et 526. La première, tenant au sentier de la Croix- Blanche, était en nature de vigne il y a peu d’années. MM. Diard frères, mécaniciens, ayant acheté cette pro- priété pour y établir un magasin, les premiers jours de février dernier on y commençait des travaux de terrassement. Pré- PPT , CIMETIÈRE ROMAIN. 231 venu qu'une première fouille faite pour arracher un arbre avait amené la découverte d’un squelette avec un vase à deux anses dont la forme nous parut antique notre attention s’est portée, autant que possible, sur la suite des travaux. Le déblai d’une première couche de terre variant de 0,30 à 50 centimètres, selon que l’exigeait le niveau de pente, nous - a donné cinq médailles romaines qui sont: une petite pièce en cuivre jaune dont la face est complétement détruite; au revers un aigle aux ailes déployées, au- dessus le mot AVGVSTVS. Un grand bronze de Caligula, il porte la marque d'un poincon frappée après coup; une médaille de Néron, un grand bronze de Commode ; enfin, un petit bronze de Tétricus père. Ce déblai, exécuté sur le côté tenant au sentier, fit recon- naître une couche d’arène qui avait reçu plusieurs sépultures rangées à peu près sur une ligne. C'est à deux mètres environ de cette ligne que les ouvriers trouvèrent des endroits où la terre portait une teinte noire avee des traces de charbon et des débris de poterie. Examen fait de cette particularité, nous fûmes bientôt convaincu que l’on touchait à un quartier du cimetière spécialement affecté aux sépultures par incinéra- tion, quartier qui nous a semblé limité par une borne mise à découvert lors du premier déblai (PI. 4. D.). La suite des tra- vaux nous à permis de constater qu’il s'étendait dans toute la partie basse. Les portions fouillées, y compris l'emplacement creusé pour une citerne, ayant une superficie d'environ 75 à 80 mètres, nous ont montré les traces de 25 à 30 sépultures par ustion, qui souvent n'oflraient malheureusement qu'une masse de cendres, d'os brülés et de débris de poterie empätés par l'effet de la pression de la couche de terre, dont l'épaisseur appro- 232 CIMETIÈRE ROMAIN. chait deux mètres à l'endroit de la citerne, à cause du dépla- cement des terres qué les pluies et la culture de la vigne ont produit. Plus haut, cette couche était moins forte, elle variait de 0,80 centimètres à un mètre, aussi c’est là que nous avons pu étudier et recueillir quelques vases. Le plus important est une urne en verre (PI. IT n°1), qui a dû recevoir les restes d’un personnage distingué; il contenait, avec des cendres et des os brûlés, un anneau en cuivre (PI. III n° 9) l'ardillon d’une fibule de même métal et une médaille à l'efi- gie de Nerva: IMP. NERVA. CAES-AVG. COS. IIL. PP ; au revers un personnage debout avec la légende LIBERTAS PVBLICA et les lettres S. C. La capacité du vase, la massé de cendres qu’il n’avait pu contenir, indiquaient que le corps a été brûlé sur un bücher élevé à grands frais. Cependant les débris de poterie mélés à la cendre ne montraient que la pré- Sence d'un vase (PL. IT no 6). Le tout avait été placé dans un coffre dont les clous, conservés par le charbon, semblent sor- tir de la main de l'ouvrier. En découvrant nous-même cette intéressante sépulture, nous avons pu remarquer les pierres qui, placées à côté du coffre pour le protéger, finirent par opérer une pression funeste au vase et à l’urne. Nous avons trouvé plusieurs autres urnes en verre plus petites, mais elles ne contenaient ni médailles ni bijoux; on s'était contenté de les remplir de cendres et d'os et d'y join- dre un ou deux petits vases (PL. I n°° 5, 7 et 8), le tout placé dans le coffre obligé. Parmi ces urnes, celle dont nous donnons le dessin (PI. IT n° 2) n’était pas déformée quoique cassée ; deux autres ressemblaient aux anciennes timbales à pied (PI. II no 3). D'autres sépultures, et c’est le plus grand nombre, ne pré- sentaient que des débris de vases en terre, mais tellement muti- (@l Bull. de la Soc. des Sciences hist.et nat. de l'Yonne EX PI. 2. Les Vases N°] 9 et 3 sont en verre. | È ns 1 à (ochelle : Luulliuetres pour ceuluuelre rriquél à Auarre D ASS \ ne U Se Bull de la Soc. des Sciences hist et nat. de l'Yonne. T.XII LE) SN SORTE Cr Les figures 9 10. 12 ,ct 4 sont de grandeur reelles celles [°S Jet 13 sent réduits a moitie Camille Dormeois del. Lich Perriquesz à Auxerre CIMETIÈRE ROMAIN. 233 lés qu'ils semblaient avoir été brisés avant leur mise en terre; plusieurs avaient subi l’action du feu. On y rencontrait sou- vent des clous mêlés aux cendres, signe certain de l'usage que l’on avait fait des coffrets. Une de ces sépultures présen- tait celà de particulier, qu’elle était accompagnée d’un vase en terre gris ardoise (PI. IT n° 4) contenant les os d’un petit quadrupède. Nous ne pouvons y voir que les restes d’un sacri- fice offert aux dieux. L'orifice de ce vase était couvert par une pierre plate, était-il complet lors du dépôt ? Nous en doutons, car il a été impossible de retrouver le bourrelet de l’ouver- ture. Il est probable que l'on fit aussi usage de la grande urne ou dolèum qui remplacait parfois le coffre pour renfermer le vase contenant les cendres. Avec des débris ramassés sous la pioche du terrassier nous avons rétabli en partie une de ces urnes qui à la forme d’une boule (PL. IT n° 1), elle est en terre jaune avec des parois très-minces. Une autre plus forte en terre d'un gris verdätre présente une forme longue (PI. III no 2). Nous avons réuni plusieurs petits objets trouvés épars dans cette même fouille : Un anneau, une fibule en cuivre (PI. HT n° 12) ; un petit objet de même métal dont l'usage est inconnu (même planche ne 40); un ornement en plomb (même planche n° 13); une perle de collier en marbre veiné noir etblane (même planche n° 41); plusieurs débris de verre blanc et bleu; deux moyens-bronzes remontant au règne d'Auguste et portant le nom d'un Triumvir monétaire de cetempereur. A l'avers du premier on lit, dans une cou- ronne de chêne, AVGVSTVS TRIBVNIC POTEST, au revers C. CASSIVS CELER III VIR (Triumvir) AAA. FF. (auro argento acre flando feriundo). Dans le champ $. C. 234 CIMETIÈRE ROMAIN. Sur l'avers du deuxième était l’éfigie de l'Empereur. Au revers, M. SALVIVS OTHO (le reste comme sur la première) III VIR AAAFF. Dans le champ les lettres S. C. en partie cou- vertes par une contre-marque avee monogramme. Nous don- nons le dessin de ce revers (PL. 3 n° 14). Si quelques-uns des dépôts mortuaires avaient été remués, on peut en attribuer la cause à des fouilles faites depuis long- temps pour planter ou arracher des arbres, mais généralement ils étaient conservés et posés à une distance assez régulière pour faire croire qu'ils furent marqués sur le sol lorsque le cimetière était en état de service. On sait que les anciens pro- fessaient un grand respect pour les cendres des morts, qu'ils se gardaient bien de déplacer. Cependant, comment expliquer la présence de deux vases isolés trouvés sur le tuf et à 0,30 centimètres en contrebas des sépultures par ustion? lun d'eux était entier et en tout semblable à celui dessiné (PI. I n° 9). On demandera maintenant à quel temps on peut reporter ces sépultures. Si, comme le prétendent certains auteurs, la monnaie déposée dans un vase était celle de l’époque, la réponse serait facile, Nerva ayant règné l’an 96 de notre ère: mais nous ferons observer d’abord que son règne n'ayant duré qu’un an et # mois, il est probable que, de son vivant les mon- naies frappées à son efligie étaient peu communes dans la Gaule ; ensuite la pièce trouvée n’est pas à fleur de coin, elle paraît usée par l'effet de la circulation. On peut donc reporter au n° siècle l’inhumation marquée par cette pièce; nous avons dit que toutes celles faites par ustion ne peuvent dépasser le troisième. Après l’abandon de l'incinération, le même cimetière recut les sépultures qui se pratiquaient alors presque généralement avec cercueils en bois. On a vu qu'elles occupent un emplace- CIMETIÈRE ROMAIN. 239 ment situé immédiatement au-dessus de l’ustion ; son étendue superficielle est de 80 à 90 mètres environ. L'usage de dépo- ser des vases disparaissait peu à peu; sur vingt squelettes environ découverts, trois seulement jouissaient de cette faveur. Chacun de ces squelettes était dans une fosse creusée sur le tuf, c’est-à-dire à une profondeur plus grande que celle obser- vée pour les corps brûlés. Chaque fosse contenait une certaine quantité de clous provenant des cercueils. Si quelques-uns ne présentaient pas trace de clous, le nombre en est très-res- treint. L'orientation des pieds variait entre l’est et le sud-est. En général les têtes étaient peu déformées et complétement pleines de terre souvent noircie par la décomposition des matières organiques. Les fouilles continuées au sud de la borne ont mis à décou- vert des inhumations ordinaires et aussi quelques traces de sépultures par ustion. Ce qui semble marquer la période de transition qui vit les gens fortunés ou guidés par la foi sui- vre l’ancienne coutume, tandis que d’autres moins aisés ou moins fervents adoptaient la nouvelle méthode. Au nombre des sépultures placées sur la ligne du haut, une seule fosse contenait deux squelettes superposés ; cette fosse semblait avoir été creusée profondément pour recevoir deux corps déposés sans doute à peu près en même temps. Celui placé dessous était seul accompagné d’un vase (PI. IT n° 9). Près de là se trouvaient plusieurs sépultures d’enfants, toutes avec cercueil; une seule présentait un vase (PI. IE n° 40). Par la longueur de la fosse portant environ 0,60 centimètres, nous ayons reconnu qu'elle avait reçu un jeune enfant dont les os étaient complétement détruits par l’action du temps sans avoir été dérangés puisque la position des clous indi- quait la forme de la bière. Gette sépulture a d'autant plus 236 CIMETIÈRE ROMAIN. fixé notre attention que nous avons trouvé tout contre et à La même profondeur des débris d’os de la tête d'un petit qua- drupède ; probablement un chien. N’était-ce pas le compa- gnon fidèle immolé lors de la mort de l’enfant ? Le vase était entier et vide. La sépulture découverte en premier lieu, en arrachant un arbre au-dessus de la ligne fouillée indique la continuation du cimetière en amont du coteau. Le vase qui y fut décou- vert (PL. IL n° 41) est le plus curieux par sa forme grecque. Il y a plusieurs années on avait déjà découvert des ossements dans la partie basse. Il est certain que le cimetière se conti- nuait à l’est et sans doute jusqu’à la pièce de terre située de l'autre côté de la route, puisqu’en 1821 M. Viard-Hollier a trouvé à l'extrémité de cette propriété (PI. L. G.) plusieurs squelettes et un vase en terre contenant différentes médailles du haut empire. A l’ouest, le champ de sépulture dépassait-il le sentier de la Croix-Blanche ou des Pendus? nous l'ignorons. Ce que nous avons pu constater, c'est l'existence de deux corps avec cercueils en rive de ce sentier; l’un dans la partie haute, l’autre à l'extrémité de l'emplacement de la citerne et à 2 mètres 70 centimètres de profondeur, c'est-à-dire à 0,70 centimètres en contre-bas de la ligne de l’ustion qui se trouve à côté. Le déblai opéré sur la partie consacrée aux sculptures ordinaires a amené la découverte de débris de sépultures enfouies dans le tuf: une sirène appuyée sur deux nageoires, posées en avant du corps terminé par une queue aux contours élégants. Le col se dresse en décrivant une courbe non moins agréable, il fait regretter l'absence de la tête (PL. TIE ne 5); une portion de socle ayant servi de base à un lion qui devait avoir au moins 4 mètre 50 centimètres de longueur, il ne CIMETIÈRE ROMAIN. 237 reste plus que deux pattes et une partie de la queue (PI. HI n° 4); une pierre taillée de forme ovoïde, elle a du être placée sur un monument comme urne de couronnement (PI. III n° 3); plusieurs fragments de corniches et de pierres sculptées (PI. II n° 6); un peu plus loin on a trouvé la main d’une statue de grandeur naturelle; cette main tient une draperie (PI. IE n° 7). Toutes ces sépultures sont en pierre de Tonnerre, prove- nant, à coup sûr, de la carrière d’Areaut (4). C’est un caleaire à polypiers résistant à la gelée mais diflieile à sculpter. Il est parfaitement semblable à celui des substructions de l’ancienne tour découverte en 1840 sur la montagne du vieux château et des sculptures trouvées au lieu de la station romaine de Fulvy en 14849. Aucune trace de construction n'existait sur le lieu occupé par ces débris provenant sans doute d’un monument, peut- être d’un temple ou sacellum élevé près de l’ossuaire pour l'exercice du culte payen. | Nonobstant l’exiguité de l'emplacement exploré, tout fait présumer que le champ de sépulture n’a servi qu'aux païens. La trouvaille de monnaies appartenant exclusivement à l’épo- que romaine, et l'absence de tout signe chrétien sont des (4) L'exploitation de cette carrière, pratiquée en galeries souter- raines dans la montagne, remonte à une époque très-ancienne; tout porte à croire que c’est la première ouverte dans le pays. Elle est située à deux kilomètres de la ville. Son entrée était encombrée depuis longtemps, lorsqu’en 1842, le propriétaire, M. Rétif, la fit ouvrir. Dans le milieu de la principale galerie et sur une grande étendue, on trouva une masse considérable d’excréments provenant des chauve-souris qui, pendant plusieurs sièçles sont venues se sus- pendre à la voûte. 238 CIMETIÈRE ROMAIN. indices corroborés par un passage que nous lisons dans une notice publiée par M. Jacquillat-Despraux sur le comté de Tonnerre (1). « En #48, Micomer Hibernois, disciple de saint Germain, « l'ayant accompagné comme il allait au concile de Besancon « mourut à Tonnerre; il fut enterré dans le cimetière des « chrétiens par saint Loup; depuis, on bâtit sur Le tombeau « de Micomer une chapelle au lieu dit l’'Hermitage de saint « Loup (2). Les païens avaient leur sépulture le long d’un € grand chemin qu'on appelait les Lices. » C'est bien le cimetière qui nous occupe. Il dut servir jus- qu’à l’abolition du paganisme à Tonnerre. C’est alors que les chrétiens trouvèrent ce lieu très-convenable pour y enterrer les suppliciés. De là, la pose de la croix dite des Pendus. Cette croix existait à la naissance du sentier qui en porte le nom. Le chantier ouvert sur la principale partie de ce cimetière, les plantations faites sur le côté du haut, ne permettent plus de penser à de nouvelles fouilles. Celles qui ont été faites eussent été certainement plus fructueuses si un but purement scientifique les eût dirigées ; quoiqu'il en soit les découvertes qu'elles ont produites sont assez caractéristiques pour démon- trer que les habitants du Tonnerre romain n'étaient pas géné- ralement riches. En effet, nous avons trouvé beaucoup de po- teries grossières, mais seulement quelques fragments de vases avec dessins en relief et de faibles débris imitant la belle terre rouge dite de Samos; aussi absence complète de nom de fabri- cants, absence de ces objets de luxe, de ces armes et de ces (4) Annuaire de l'Yonne, annce 1839, page 208. (2). Planche 1 n°5 PTE DT ne 7e CIMETIÈRE ROMAIN. 239 ferrements de coffrets qui se rencontrent avec abondance dans certains cimetières de la même époque. Nous n’en devons pas moins un témoignage de reconnais- sance à MM. Diard, pour la complaisance qu'ils ont mise en nous facilitant la suite des travaux de terrassement et l'étude des lieux. CAMILLE DorMots. RAPPORT SUR DES DOCUMENTS CONCERNANT L'ABBAYE DE PONTIGNY ET LA VILLE DE SAINT-FLORENTIN. ET NOTICE SUR M. JEAN DÉPAQUY DERNIER ABBÉ DE PONTIGNY. Vers 1840, M. Cornat, alors juge de paix à Villeneuve- l'Archevêque, m'’apprit que son oncle,-M. Mathey, avoué à Saint-Florentin, possédait une petite cassette pleine de par- chemins qu’il croyait provenir de l’abbaye de Pontigny. En conséquence de cette communication, je fis une visite à M. Mathey et je lui parlai des précieux parchemins qui m'avaient été signalés. M. Mathey me dit qu’en effet le der- nier abbé de Pontigny, M. Jean Dépaquy, qui après la des- truction de son abbaye s'était retiré à Saint-Florentin, lui avait donné avant sa mort arrivée en A810, une cassette où étaient renfermés ces manuscrits et un certain nombre de pièces concernant les reliques de saint Edme. J’ignore, ajouta-t-il, si ces pièces ont réellement de la valeur; je ne pourrais présentement en faire avec vous le dépouillement à cause de mes nombreuses occupations, mais à votre pro- chain voyage, revenez me trouver et nous prendrons con- ABBAYE DE PONTIGNY. 241 naissance du contenu de ma cassette. Si ces parchemins ont réellement l'importance que vous leur soupconnez, mon inten- tion est d’en faire hommage à Monseigneur l’Archevéque de Sens. J'habitais alors l’Avallonnais : il me futimpossible de reve- nir à Saint-Florentin aussitôt que je l'aurais désiré et, sur ces entrefaites, M. Mathey vint à mourir. Pendant plusieurs années je perdis de vue cette affaire, mais en 1853, je fis un voyage à Dijon et je m'informai auprès de M. Cornat, direc- teur des contributions directes de la Côte-d'Or, l'aîné de la famille, de ce qu'était devenue la cassette aux parchemins de défunt son oncle. Il me dit que les héritiers l’avaient laissée chez leur sœur à Saint-Florentin, dans la place qu’elle avait toujours occupée et qu'ils en disposeraient volontiers confor- mément aux intentions de M. Mathey. Depuis que j'habite la ville de Sens, J'ai eu plusieurs fois l’occasion de voir M. Cor- nat, le juge de paix, qui m'avait mis sur la trace de cette affaire. Je la lui rappelai et il voulut bien s’en occuper active- ment. L'année dernière, il eut l’obligeance de rapporter de Paris trois bulles, les seules qui eussent été distraites et emportées par M. Chivot, son beau-frère. Enfin au mois de mai dernier, il remit entre mes mains intégralement le trésor que je poursuivais depuis si longtemps. Ouverture faite de la mystérieuse cassette, je n’y trouvai pas seulement les manuscrits de M. Dépaquy et de nombreu- ses pièces concernant les reliques de saint Edme, mais encore une soixantaine de bulles, chartes et autres documents qui avaient autrefois fait partie des archives de l’abbaye de Pontigny. J'en ai dressé la liste que je demande la permission de vous lire et je mets ici sous vos yeux ma précieuse trou- vaille. 16 242 ABBAYE DE PONTIGNY Les héritiers de M. Mathey, pour suivre les intentions de leur oncle, ont remis entre les mains de Monseigneur l’Arche- qvêue, pour être déposées aux archives du nouveau monas- tère de Pontigny, les pièces qui ont trait aux reliques, au culte et à la canonisation de saint Edme, et qui sont elles- mêmes de véritables reliques. Quant aux autres bulles et chartes, ils ont bien voulu s’en rapporter à mon avis et les donner aux archives départementales, où elles seront mieux conservées que partout ailleurs. M. le Préfet a dû recevoir aujourd'hui de M. Cornat, actuellement jugede paix à Troyes, une lettre qui lui annonce cette cession. Nous y joignons aussi quelques manuscrits de M. l'abbé Dépaquy parmi lesquels vous remarquerez une copie du car- tulaire de l'Hôtel-Dieu de Säint-Florentin, in-8° de 380 pages, et un pelit cartulaire de l’abbaye de Dilo. M. Dépaquy était un vrai bénédictin, passionné pour la recherche et la conser- vation des richesses historiques que nous ont léguées les siècles passés. Pendant les dernières années de son gouver- nement abbatial, il transerivit en un volume in-12, l’Abrégé chronologique de l'histoire de l'abbaye de Pontigny par Dom Robinet, dans lequel M. Henry à puisé son histoire de Pontigny et il y ajouta comme pièces justificatives, en deux autres volumes in-12, presque toutes les chartes que conte- naient les archives de cette célèbre abbaye. Ces trois volumes ont été donnés par M. Quantin à la Bibliothèque de la ville d'Auxerre. Devenu habitant de Saint-Florentin après la suppression de son couvent, M. Dépaquy fut un des membres les plus zélés de la Commission administrative de l'Hôtel-Dieu, et il rencontra dans cette charge l'occasion de reprendre ses étu- des de prédilection. Les années les plus scabreuses de la ET NOTICE SUR JEAN DÉPAQUY. 243 révolution furent employées par lui à rechercher, à mettre en ordre et à transerire en 3 volumes in-folio tous les titres, chartes et papiers qui intéressaient les divers établissements de la petite ville qui lui donnait une bienveillante hospitalité. L'Hôtel-Dieu de Saint-Florentin est resté en possession de ce travail dont les éléments se retrouvent parmi les manuserits que j'apporte aux archives du département. En 179%, M. Dépaquy fut nommé bibliothécaire du District que l’on appelait alors le Mont-Armance. La république avait fait une razzia complète des livres qui appartenaient aux émi- grés, aux prêtres réfractaires, aux Chapitres des collégiales et aux églises: le tout avait été entassé pêle-mêle dans le ci- devant presbytère de Saint-Klorentin. Notre laborieux abbé en fit le classement, veilla avec sollicitude à leur conservation et en dressa un catalogue par ordre de matières qui s’est également trouvé dans ses papiers. La haute réputation de savoir et de vertu dont il jouissait le mettait en évidence dans cette petite localité, et on lui pro- posa successivement les fonctions réputées les plus élevées. Il refusa celles qui lui semblèrent incompatibles avec sa qualité d’ecclésiastique. Sa charité, qu’il fallait déguiser dans ces mauvais Jours sous le nom de patriotisme, le porta à accepter les plus modestes, les plus utiles et les plus labo- rieuses. Il fut membre de toutes les Commissions de bien- faisance et d'utilité publique, notamment de celle qui avait pour objet la répartition des secours aux familles pauvres dont les enfants étaient au service de la république. Il parti- cipa aussi très-activement à la reconstruction du pont de Saint-Florentin et à l'achèvement de la route d'Auxerre par Pontigny. On me permettra de reproduire ici une petite correspon- 244 ABBAYE DE PONTIGNY dance quieut lieu à cette époque, entre M. Moriset, Procu- reur syndic du district,et l'abbé Dépaquy, et qui m'a paru très- honorable pour ce dernier. C'était en 1795: le représentant du peuple Guillemardet, délégué dans les départements de Seine-et-Marne, de l'Yonne et de la Nièvre, avait nommé M. Dépaquy administrateur du Directoir exécutif du Dis- trict de Mont-Armance; le bon abbé n'avait pas manqué de - refuser; sur ce, lettre de M. Moriset : « 4% messidor , an IIT de la république. « Le Procureur syndic du District au citoyen Dépaquy. « C'est ce matin, citoyen, que j'organise l'administration de ce District, le Représentant vous a appelé aux fonctions importantes d'administrateur du Directoire. « Le vœu de vos concitoyens, celui de tous les administrés de ce District, vous engageront sans doute à ne pas persister dans votre refus ; je désire, pour le bonheur publie, vous voir prendre séance ; le peuple a besoin de vos lumières et de votre prudence; vos collègues s’en forüfieront et vous aimez trop le bien public pour ne pas accepter des fonctions où un vœu unanime vous appelle. «Salut, fraternité. «MoniserT. » M. Dépaquy répond le jour même : « Au citoyen Moriset, Procureur syndic du District. « J'ai envoyé, le 21 prairial, ma démission au Représen- tant du peuple ; voici, en deux mots, les motifs que je lui ai exposés. «Je ne connais absolument aucune loi administrative; le fond, la forme, la langue même, tout, à | administration, me ET NOTICE SUR JEAN DÉPAQUY. 245 serait étranger: Je ne dois donc pas y accepter une place, sans les connaissances et les talents qu'elle exige. Je suis prêtre : les soupcons que l’on jette journellement sur les per- sonnes de ma profession, et le système si ardemment suivi de les perdre dans l'opinion publique, m'ôtent toute espèce de confiance : ce n’est point dans une pareille disposition d’es- prit, ni avec la crainte et la répugnance invincible qu’elle m'inspire, que je pourrais être utile. «Je vous répète aujourd’hui, citoyen, ce que j’ai écrit au Représentant ; il m'est impossible d’accepter la place d’admi- nistrateur. Je sens bien que j’encours la peine prononcée par la loi; je m'y soumets : j'aurai du moins l'assurance d’avoir acquitté le devoir le plus essentiel, en m’écartant de fonc- tions que je ne suis pas en état de remplir. » Nouvelle lettre de M. Moriset : « Citoyen, « Je vais faire valoir, autant que je le pourrai, auprès du Comitéde législation, vos motifs de refus. J'emploierai même le Représentant Maille qui, je l'espère, voudra bien appuyer ma demande. Veuillez me mettre à même de les proposer avec un grand succès en acceptant la place de juge de paix. Les fonctions en sont très-compatibles avec vos connaissances et votre caractère, et vous n'aurez presque rien de la nation, puisque sur un traitement de 4,700 fr., vous aurez à déduire la pension de 4,009 fr., que la Nation vous accorde. Il man- que un juge au tribunal, Beauvais y serait remis, ainsi vous né déplacerez personne. Je vous prie de m’accorder un mot de réponse. J'espère qu’elle satisfera tous vos concitoyens qui ont le plus grand besoin de vous voir occupé de leur bon- heur. » 246 ABBAYE DE PONTIGNY Réplique de M. Dépaquy : «€ Je vous remercie bien sensiblement, Monsieur, des offres que vous me faites, et surtout de m'avoir prévenu de votre projet, qui, motivé par les meilleures intentions, me jetterait néanmoins dans un nouveau danger pire que le premier. La place de juge de paix est encore occupée par le père Regnard : pourrais-je honnêtement succéder à cet homme dont on n’a pas à se plaindre, qui tient beaucoup à ses fonctions, qui a peut-être besoin du traitement qui y est attaché pour soute- nir sa famille, et qui, dans ce moment de disgrâce de son gendre, a déjà trop à souffrir de ses chagrins domestiques ? Je mériterais de perdre l'estime publique, et bien assurément je perdrais la mienne. Permettez-moi, monsieur, de vous faire une proposition que j'espère que vous me pardonnerez: que ne laissez-vous M. Regnard à sa place ? c’est une justice qui est due, je crois, autant à ses services qu’à sa situation actuelle; et rendez-moi les fonctions d'assesseur ; je l'étais et je ne me ferais pas de serupule d’en éloigner un nouveau venu. Si cet arrangement ne peut avoir lieu, je me résigne sans peine aux événements ; et je vous proteste que je ne ferai plus attention qu'au désir que vous me témoignez de m'y soustraire. » Grâce aux bons offices de M. Moriset l’arrangement pro- posé eut lieu et par arrêté du Représentant du peuple Guille- mardet, M. Dépaquy fut simplement nommé membre de la justice de paix de la commune de Mont-Armance. Il vit s’écou- ler en paix les dernières années de la tourmente révolution- naire, et il mourut dans l'asile qu'il s'était choisi, laborieux jusqu'à son dernier jour et constamment honoré de ses cori- temporains. Il me reste à vous parler, messieurs, de la partiereligieuse du trésor que nous a laissé le vénérable abbé Dépaquy, c’est-à- ET NOTICE SUR JEAN DÉPAQUY. 247 dire des documents originaux qui regardent le culte et la canonisation de saint Edme; ce sera l’objet d’un travail plus étendu et d’une nouvelle communication à votre bienveillante Société. L'abbé Cornar. NOTE DES CHARTES DONNÉES PAR M. CORNAT AUX ARCHIVES DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 10 Documents provenant de l’abbaye de Pontigny. 13 bulles des papes, de l’an 1138 à 1418, sur parchemin. 2 chartes du x1r° siècle, 5 du xr1°, 6 du xiv°, 5 du xve, 4 du xvie, le tout en parchemin. On remarque parmi ces pièces une charte de l'évêque de Poitiers, donnant juridiction à l’abbaye de Pontigny sur l’abbaye du Pin (1163). Une charte d’affranchissement des habitants de Montigny (1345) — une charte originale de Louis XI de l’an 1482. Avec ces pièces, sont joints divers actes sur papier du xv° au xvin° siècle et notam- ment un aveu et dénombrement fourni par l’abbaye de Pontigny au comte de Tonnerre en 1787. ‘ 2° Manuscrits de M. Dépaquy, dernier abbé de Pontigny. Cartulaire de l’Hôtel-Dieu de Saint-Florentin, in-8° de 380 pages, dressé vers l’an 1800. Petit cartulaire de l’abbaye de Dilo, in-12 de 33 pages, dressé vers 1800. Inventaire de titres de l’Hôtel-Dieu de Saint-Florentin (1797). Notice historique concernaut la Maladerie de Saint-Florentin, etc. (1798). Catalogue des livres déposés au district de Saint-Florentin (1793). Liasse concernant le Comité des subsistances du district de Saint-Florentin et autres objets (1794). EXCURSION MINÉRALOGIQUE DANS LA FORÈT D'OTHE. Sommaire : Etat des collections minéralogiques de la Société. —; Moyens de former la collection locale — Excursion. — Lignites, argiles et silex de l'Enfourchure de Grammont. — Inconstance des cours d’eau — Argiles et oxides de fer de la Tuilerie et de Beauregard. — Ferriers des Chênes de Haut-le-Pied. MESSIEURS, Depuis longtemps j'ai le désir de faire la Minéralogie de l'Yonne. Des difficultés de position y ont toujours fait obsta- cle, et ont rendu vaines jusqu'ici les sollicitations de quel- ques-uns de nos collègues et les bienveillantes provocations même de notre honorable Président auquel je fais ici mes excuses. Malgré ces difficultés, une circonstance, relativement peu importante, a été pour moi la goutte d’eau qui fait déborder le vase, c’est-à-dire, la circonstance déterminante. Vos salles sont maintenant garnies d’armoires. Les vitrines montrent, aux yeux de tous, les antiquités, la zoologie, la paléontologie et la géologie de l'Yonne. En présence de ces richesses locales, il n’était plus possible de laisser soit une collection de minéralogie générale, soit une armoire vide. D'ailleurs les hommes éminents qui, de toutes parts, vien- dront au prochain Congrès, ont le droit de compter sur la présence ici de tous les produits du département, ou au moins sur les principaux dans chaque genre. Le EXCURSION MINÉRALOGIQUE. 249 Plusieurs de nos collègues auraient seuls sans doute l’au- torité suffisante pour doter la Société d’une bonne collection minéralogique ; mais ils n’habitent pas Auxerre, et comme personne autre que moi, que je sache du moins, ne s’est oc- cupé jusqu'ici de la collection existante, j'ai dû m'exécuter. L'ancienne vitrine qui contenait la collection de la ville et dont l'étendue d'aménagement est à regretter dans les nou- velles, a été placée dans le vestibule, et a reçu la minéralogie générale proprement dite qui se compose maintenant de 830 échantillons. Comme terme de comparaison et comme moyen d'étude, il sera bien de conserver et de compléter cette collection qui s’est déjà enrichie de deux dons successifs de votre Président, de ceux de M. Salomon jeune et de quelques autres. Il à été distrait de la collection primitive les minéraux pro- pres au département au nombre de 130 échantillons qui con- sistent surtout en chaux carbonatées, quartz, silex, grès fer- rugineux, argiles, fers oxidés et sulfurés, et en quelques faibles morceaux de chaux fluatée et sulfatée, de baryte, et de plomb. Ces échantillons ont été installés provisoirement dans les vitrines neuves, car la plupart sont d’un trop petit volume pour y être maintenus. On y a ajouté les oxides de fer recueil- lis avec tant de soin par l’éminent M. Dubon, sans conttedit l’un de nos plus cstimables collègues, mort si prématurément d'un mal affreux dont l’origine fut dans son dévouement à ses fonctions. J'y ai joint une trentaine de gros échantillons qui étaient à ma disposition. Ce sont des chaux carbonatées et sulfatées, des fers oxidés et sulfurés, des grès ferrugineux, des silex rubanés et autres, etc. 250 EXCURSION MINÉRALOGIQUE Voilà, Messieurs, les commencements de la collection locale. On pourrait l’accroître du fond du cabinet, et au moyen de relations et de correspondances réunir à peu près toute Ja minéralogie de l'Yonne. Bien qu'il ne faille pas repousser complètement ce moyen, on peut dire, s’il est le plus commode et le moins coûteux, qu'il n’est pas le meilleur. En effet, des échantillons convenables exigent de çertains ménagements. Ceux qu’on obtient par cette voie ne sont pas toujours ce qu'ils devraient être, et quant à leur état, et quant à leurs caractères spécifiques. Puis, on n’est pas toujours sûr des provenances, et l’on n’a pas de moyen d'éviter des erreurs possibles et faciles. Enfin les véritables gisements ne sont pas toujours bien indiqués ou ne le sont pas du tout; et pour une collec- tion locale qui peut et doit présenter des applications à l’in- dustrie, ceci est un point important. La seule voie vraiment utile et sûre consiste dans les exeur- sions minéralogiques. On échantillonne sur lieu autant de fois que cela est nécessaire. On connaît les origines, et commet- trait-on quelques erreurs, il reste des souvenirs pour les rec- tifier. C'est ce mode qui me semble devoir être adopté pour for- mer la collection de l'Yonne. Je n’ai pas la prétention de réunir tout ce qu'il serait désirable pour l’époque du Congrès, mais j'espère avoir recueilli les principales espèces et surtout les espèces les plus intéressantes, tout en ne négligeant pas les minéraux secondaires qui seront sur mon chemin. Je lais- serai seulement à d’autres, dont la parole a plus de poids, le soin de discuter dans le sein de l’Assemblée si vivement at- tendue, les questions ardues de son programme; et je me consacrerai, provisoirement du moins, aux fonctions de col- DANS LA FORÈT D'OTHE. 251 lectionneur et de classificateur pour lesquelles je demanderai à la bienveillance de nos collègues l'appui qui pourra n'être nécessaire. Mon travail s’est inauguré dernièrement par une excursion aux lignites de Dixmont, sur les limites nord de la forêt d'Othe. Le lieu de gisement est situé à l’Enfourchure de Gram- mont à peu de distance au nord-est de l’ancienne abbaye du même nom et dans la propriété de M. Deichthal, là où la craie se montre au rampant de la côte nord de la vallée. Une tranchée conduit à la mine qui présente au jour une section verticale de 10 à 14" d'épaisseur et se continue sous le sol pour une égale profondeur. La tranchée est disposée semi-cireulairement et laisse apercevoir, à l’extrémité Est, des affleurements de lignites qui indiqueraient une inclinaison est-ouest de 40 degrés environ. Il n’a pas été possible de vérifier ce chiffre dans la partie exploitée, parce qu’elle ne présente pas de couches sensibles. La face supérieure, recouverte d'environ 3" de terre végé- tale et de sables, est très-légèrement inclinée dans le même sens. Un puits creusé dans la tranchée et maintenant rempli d’eau jusqu'à 2" de l’ouverture, a fait connaître que les ligni- tes reposent sur une couche de 4° 50 de sables blancs sous laquelle une autre formation de lignites recommence. La puissance de celle-ci n’est pas connue, mais les matières y présentent plus de densité. Il n’a pas été possible d'en obte- nir des échantillons. On pourra s’en procurer plus tard. Maintenant, pour se bien rendre compte des choses, qu’on se figure un énorme banc de 21 à 22" d'épaisseur de matières charbonneuses, passant par tous les degrés de carbonisation 252 EXCURSION MINÉRALOGIQUE depuis le bois roussi jusqu’à l’état de la tourbe compacte et peut-être de la houille, où les troncs d'arbres, dont quelques- uns ont jusqu'à 4” de diamètre, sont placés dans toutes les positions et sous toutes les inelinaisons possibles, où seuls ils ont conservé l'aspect et même l’état ligneux et semblent avoir été brisés à 2 ou 3 mètres du sol primitif; et tout cela, sans vide, sans intervalle, comme tassé par une pression énorme qui nous indiquerait la voie suivie par la nature dans la formation des houilles; — Qu'on se figure cette puissante couche, séparée d’une autre plus compacte et peut être aussi puissante, par un banc de sable de la hauteur d’un homme, le tout plus ou moins incliné vers l’ouest; et l’on n’aura en- core qu'une idée bien imparfaite de l’état des choses et de la puissance des phénomènes qui se sont passés sur ce point. Deux forêts paraissent avoir été successivement englouties. Il ne leur a peut-être manqué que de l'être plus profondément, pour doter notre pays d’un gisement de houille. À la manière dont les restes ligneux sont disposés, dans la partie visible, il semble qu'une nombreuse série de secousses, se suivant à des distances et à des intervalles très rappro- chés , soit venue bouleverser le sol dans tous les sens, renverser les arbres les uns sur les autres, mettre les racines de quelques-uns à l'air, et qu'un affaissement succédant à ce cahos a enfoui la forêt supérieure et permis aux terres voisines de s’épancher sur elle. Le manque de temps n’apas permis d'étudier assez longue- ment les lieux pour se bien rendre compte des phénomènes ; mais par quelques essais faits sur les échantillons recueillis, on pourrait au moins savoir si les vides ont été comblés au moyen des sables ou s'ils ne comportent guères que des détri- tus végétaux. DANS LA FORÈT D'OTHE. 253 Les espèces végétales existant alors sur ce point étaient en première ligne le châtaigner, puis un peu de chêne et 4/3 de sapin. On reconnaît en effet assez facilement la première par sa propriété à se diviser en minces lanières. Un échantillon que M. Desmaisons a bien voulu me communiquer pour la Société et qui vient du même lieu, présente tous les carac- tères du sapin. Nos collègues MM. Dey et Ravin pourront probablement reconnaître l'essence des autres échantillons. On évalue l'étendue de ce gisement à une lieue carrée. Il est généralement recouvert par le terrain tertiaire. Il s’étend à ce qu'il paraît au nord-est jusqu'à Vaudeurs à 40 kil de l'exploitation actuelle. Les autorisations d'exploiter ont été accordées, dit-on, pour tout l’espace compris entre Villeneuve- sur-Yonne, Cerisiers, Vaudeurs, Dilo, Villechétive et Dixmont. Je n'ai pas eu le temps de vérifier ce fait. L'exploitation faite à l'Enfourchure, bien que le gisement soit beau, paraît peu importante. Au moment où je lai visitée il n’y avait pas d'ouvriers. Trois ou quatre y sont employés de temps en temps et quelquefois même alternativement ; d’a- près ce qu'on m'a appris, les produits s’écoulent mal et seu- lement pour Paris. On les y envoyait d’abord en nature, et maintenant on les y transporte en briquettes destinées au chauffage. L'industrie des asphalteurs emploie assez volon- tiers les lignites brutes pour le chauffage de ses fourneaux ou de ses chaudières. Des cultivateurs de la contrée et notamment du hameau de la Tuilerie, se plaignent qu’on leur renvoie de Paris les ligni- tes de l'Enfourchure sous forme de Guano. J'oubliais de dire que sur les côtés de la tranchée le sol présente des dispositions singulières. A droite vers le haut de la côte, terres végétales, sables blanes, et lignites ; à gauche 254 EXCURSION MINÉRALOGIQUE vers la partie déclive, sables blancs, argiles jaunûtres et rougeûtres de 3® d'épaisseur. Il semble y avoir eu là dislo- cation ; les couches ne concordent pas. Ainsi qu'on l’a déjà dit, le temps a manqué pour l'étude des lieux. Trois échantillons de ces couches minérales ont été re- cueillis. Ainsi qu'on peut le voir, le sable est imprégné de craie, largile rouge est fortement plastique, la jaune est mêlée de silice. L'Enfourchure de Grammont doit évidemment son nom à la bifureation de la vallée 500 mètres en amont, et dont Ia branche nord (vallée de la Bique) conduit à Dilo, à 8 kil. de là, et la branche sud aux étangs de Saint-Ange à 6 kil. dans la forêt. L'Enfourchure a sa légende, comme beaucoup d'autres lieux de la France remarquables par leur antiquité, ou leur aspect sauvage ou sévère. Non loin des remarquables ruines de l'abbaye qui pré- sentait encore, il y a quelques années, les 22 cellules des moi- nes qui l’habitaient, était une fontaine selon les uns, selon d’autres un lac sans fond, qui a disparu. On raconte que le fils d’une princesse y perdit la vie, et que la mère, pour éviter à d’autres la possibilité d’une douleur semblable à la sienne, fit combler la source en y enfouissant cent arpents de bois. Une variante attribue l'accident au fils du seigneur du lieu qui, au retour d’une chasse, voulant se rafraichir, y disparut avec sa monture. Là serait l’origine, selon la légende, des lignites de Dix- mont. Là peut-être aussi serait celle de la dénomination de gueule sèche donné au ru sans eau qui passe dans la vallée et qui était autrefois abondamment alimenté par les étangs de Saint-Ange. DANS LA FORÊT D'OTHE. 255 Ce ruisseau de 10m d'ouverture, qui occupait toute la lar- geur du chemin et servait encore il y a 13 ans à peine au flottage des bois, n’est plus que le modeste fossé d’une belle route (1). Toutes ces circonstances ont une signification. Elles nous montrent la forêt d'Othe travaillée souterrainement par des cours d'eau et des mouvements que secondent peut-être les effets de dislocations antérieures. Il n'est pas rare dans ces cantons de voir tarir ou surgir des sources importantes : A Cerisiers, de mémoire d'homme, une famille Juniot vou- lant établir des moulins à vent, vit s'ouvrir dans son voisi- nage, sous le soc d’un laboureur, un cours d’eau si volumi- neux, que les jardins voisins en furent inondés. On y établit alors un moulin hydraulique. Dernièrement encore cette commune s’occupait de la recherche d’une source qui a dis- paru. On cite d’autres points, Brion, Bussy-en Othe, Chailley,ete., qui ont été dotés de fontaines abondantes à des époques peu reculées. On prétend même que l'apparition de la source de Chaïlley coïinciderait avec la disparition d’un cours d’eau qui aurait existé dans le voisinage des chênes de Haut-le-Pied, au point culminant de la forêt d'Othe, derrière Joigny, c’est-à- dire, à 20 kil. de là. Le sol présente en effet, au nord des ferriers, une dépression diflicile à reconnaître à cause de l’é- paisseur des taillis. Enfin tout récemment, en novembre der- nier, une source d'une section de 0" 40 de côté s’ouvrit un (4) Construite aux frais de M. Deichthal sur 3 à4 kil. de kil. de long, cette route, prolongeant en ligne droite la voie de Joigny à Cerisiers, évite un écart considérable par Dixmont. 256 EXCURSION MINÉRALOGIQUE passage dans un pré, à 4500" en amont de Sainte-Marie, pro- priété Deichthal. Pour la conserver, on encaissa la source qu’on laissa ensuite couler librement. À 500m plus bas, dans un fossé qui ne présente rien d’extraordinaire, elle s’engloutit complétement, favorisée en cela probablement par un terrain d'alluvion. Je dois la connaissance de ce fait curieux à M. Bou- cheron, agent-voyer central de l'Yonne. Au retour de l’Enfourchure, à 4 kil. de là, je visitai les affleurements de la craie supérieure, au voisinage du terrain tertiaire et j'y recueillis diverses variétés de silex pyro- maques et esquilleux. Les morceaux sphériques présentent presque tous un noyau poreux de matière siliceuse blanchâtre. Il semblerait que la silice à l’état de solution aqueuse se se- rait déposée tout d’un coup dansles limons de la mer crétacée soit sous forme de grosses gouttes étalées ou épanchées, soit sous celle de gouttes isolées,selon les accidents du sol, et que dans ce dernier cas, la matière s’asséchant, se solidifiant de la surface au centre, aurait laissé à l’intérieur un vide rempli imparfaitement par les éléments les plus grossiers de la solution. | Peut-être aussi, l'attraction moléculaire ou la solidification a-t-elle éprouvé des intermittences, ainsi que le feraient sup- poser les phénomènes que présente un ovule siliceux déposé sur le bureau et qui appartient à M. Desmaisons. Deux autres échantillons de silex, qui n’ont pas été trouvés sur place, mais qui viennent évidemment du voisinage, ont dû être en contact avec des oxides de fer. L'un d’eux en con- tient encore une partie et présente l’aspect des silex résinites. Ils ont perdu les caractères physiques des silex pyromaques dont ils n'ont pas la cassure conchoïde, pour prendre ceux des silex moins purs dont la cassure est fortement esquilleuse. DANS LA FORÈT D'OTHE. 257 Polis, ils donneraient probablement une espèce de cornaline. Tous ces silex servent dans la localité, soit aux construc- tions, soit à l'empierrement des routes. La route de Joigny à l'Enfourchure est entretenue avec ces matériaux, excepté du 6e au 1e kil. où les ferriers voisins sont utilisés. Sur la route on rencontre, au retour, dans le terrain ter- taire sur lequel on remonte, les gisements d'argile qui ali- mentent, d'une part, les tuileries du hameau de la Tuilerie, commune de Dixmont, de l’autre celle de Beauregard dépen- dant de Joigny et située à l'entrée de la forêt de ce côté. Les argiles du hameau de la Tuilerie sont généralement moins bonnes que celles de Beauregard. Elles sont de deux espèces ; l’une, dite terre blanche, de couleur blane verdàtre jaspée de jaune et de rouge, très-grasse, et par conséquent assez pure, y est presque sans emploi, parce qu'elle est trop réfractaire. Elle forme une couche d’un mètre 50 de puis- sance. L'autre, dite terre maigre, de couleur jaune, est impré- gnée de silice et demande néanmoins 4/3 ou 1/2 de sable pour être employée utilement. Au-dessous de cette argile règne un lit de sable fin argileux de 2» d'épaisseur auquel on donne le nom de sable carré parce que ses masses se divi- sent assez volontiers par faces planes: Cette propriété est très-remarquable dans l'échantillon de Beauregard qui pré- sente des herborisations dues à des solutions ferrugineuses. En contre-bas de cette dernière couche on rencontre un mètre de sables blancs et jaunes veinés de rouge, assez purs, qui servent à saupoudrer les produits avant la cuisson. Toutes ces couches sont inclinées généralement de l’ouest à l’est sous un angle d'environ 40 degrés. Les matières premières de la tuilerie de Beauregard ont des gisements analogues mais qui semblent bouleversés. Elles | 17 258 EXCURSION MINÉRALOGIQUE présentent des conditions de finesse supérieure aux précéden- tes, ainsi qu’on peut le voir à l'inspection des échantillons. L'argile jaune jaspée de rouge et de blane s'emploie quel- quefois presque pure sans beaucoup de retrait. La rouge jas- pée de blanc se boursouffle au feu et doit, dit-on, cette pro- priété au fer qu'elle contient. On est obligé de la mélanger avec le sable dit carré dans les mêmes proportions qu’au ha- meau de la Tuilerie. Les gisements de Beauregard offrent en nids ou en veines une matière blanche et savonneuse qu'on utilise peu ou point et qui est une argile apyre presque pure. M. Bertin, confiseur à Joigny, qui paraît être en même temps un artiste, en fait des pipes remarquables par leur dessin et la délicatesse de leur sculpture. Il a déjà exposé, dit-on, ses produits interlopes qui lui ont valu, je crois, une mention honorable, et se pro- poserait de les produire à la prochaine exposition du Con- grès. J'ai pris deux échantillons de cette argile qui est assez rare. Les pâtes préparées pour le moulage des produits ont aussi des représentants. Celle de Beauregard est jaune rougeûtre, l'autre est jaunâtre. Dans les deux localités, on le voit, les argiles les plus pu- res SOnt peu ou point utilisées. Les autres sont mélangées avec un sable d’aspect terreux dans la proportion de 4/2 pour la brique, et de 4/3 pour la tuile et le carreau. Les sables purs servent à saupoudrer Jes moulages. Au hameau de la Tuilerie on donne à la matière deux battages pour la brique, trois pour les menues marchandises. Les produits fabriqués de l'un et l’autre lieu ne présentent pas de grandes différences, si ce n’est qu'à Beauregard, ils laissent peut-être moins de déchet, et qu'au hameau de la DANS LA FORÈT D'OTHE. 259 Tuilerie les moulages ont quelquefois l'inconvénient de se fendiller. Une substance qui désespère souvent les tuiliers et qu'ils éliminent avec soin, se rencontre dans leurs argiles ; c’est un fer hydroxidé qui y est disséminé, soit en rognons, soit en plaquettes, qui fuse facilement et donne, dans les produits, des parties scorifiées, de couleur noir ardoise, quiles défor- ment. De Joigny à l'Enfourchure de Grammont, après avoir quitté la craie moyenne et supérieure dans le tournant de la côte Saint-Jacques, on suit presque constamment le terrain ter- tiaire, en dominant, à peu près à égale distance, les affleu- rements latéraux de la craie, placés dans les dépressions voisines. Sur ce terrain, dans la forêt, à 2 kil. à l’est de la route, sont placés d'importants ferriers qu'il n’était pas possible de négliger. Les conditions de température, le 24 juin, et les difficultés du chemin imposaient la nécessité de commencer la journée d’excursion par ce point. En effet, l'excessive chaleur qu'il faisait sous bois, rendait les grosses mouches de la forêt, (de 0" 02 de long, à ailes en toit et de couleur grise) très-mé- chantes. Nous avions de la peine à nous en défendre, et notre pauvre monture en ressentit rudement les effets. A la fin du jour, elle était presque couverte de tumeurs de la grosseur du doigt. Ce langage vous apprend, Messieurs, que je n'étais pas seul. Je dois à l'obligeance de mon confrère de l’hospice de Joigny, qui voulut bien m'accompagner, les moyens d'exécuter mon Voyage qui n’était pas praticable sans voiture et sans guide, Surtout dans une seule journée. Un médecin qui cultive les 260 EXCURSION MINÉKALOGIQUE sciences et qui se propose de devenir notre collègue aurait pris part à notre course s’il eût pu être averti à temps. À un rendez-vous de chasse nous trouvàmes un garde qu'on avait prévenu. Entre le 8e et le 9e kilomètre il nous fit quitter la route, et à 9 heures du matin se dressaient devant nous les ferriers des Chénes de Haut-le-Pied. Ils forment, sur une ligne nord-est sud-est, deux énormes buttes situées à environ 50 mètres de distance l’une de l’au- tre, et composées uniquement des restes d’anciennes fonde- ries de fer qui paraissent avoir occupé loute la zône du terrain tertiaire, voisine de la craie, et peut-être aussi celle des grès ferrugineux, qui traversent le département du nord-est au sud-ouest; fonderies sur lesquelles MM. Quantin et Tartois ont fourni des renseignements précieux dans l'Annuaire de l'Yonne 1846, et, le dernier, dans le Bulletin de la Société 1854. Le terrain tertiaire, on l’a vu plus-haut, contient en effet des argiles qui renferment beaucoup d'oxide de fer. Le voisi- nage des bois favorisait l'exploitation, souvent malgré l'absence de l’eau nécessaire au lavage du minerai, car les assises infé- rieurs du terrain tertiaire occupent dans notre département presque toujours les hauteurs. Aussi ne doit-on pas s'étonner de l’énorme quantité de scories laissées par nos ancêtres, comme des témoins de leurs travaux et de la quantité de fer qu’elles renferment encore, évaluée à 50 0/0 en poids. Ils exploitaient sur place: c'était l'enfance de l’art. Leur minerai chargé d’impuretés devait être en grande partie retenu par les matières qui se vitrifiaient, et nous le retrouvons maintenant dans leurs rési- dus qui présentent fréquemment dans la cassure des traces de la cristallisation métallique, Une preuve irrécusable de la richesse de ces résidus, c'est que certains d’entr'eux, soumis DANS LA FORÊT D'OTHE. 261 . à des influences convenables, repassent maintenant à l’oxide de fer, c’est-à-dire, qu'ils s’oxident absolument comme le ferait le fer pur lui-même.— On pourrait donc exploiter avan- tageusement les ferriers, et à ce titre on peut les considérer comme un gisement métallurgique assez riche. La plus importante des deux buttes, celle du nord-est, a environ 15 mètres de hauteur et 150 mètres de circonférence à la base. Le sommet de 45 à 16 mètres carrés de surface supporte un chêne de 3 mètres 95 de circonférence à 4 mètre au-dessus du sol. Le garde attribue à cet arbre, qui est indi- qué sur la carte du dépôt de la guerre, huit révolutions de 25 ans, c’est-à-dire 200 ans. Bien que je ne sois pas versé dans les matières forestières, je crois pouvoir lui attribuer un siècle de plus sans peut-être m'éloigner beaucoup de la vérité, Des premières branches, quand l'atmosphère est pure, la vue s'étend sur un horizon de 45 lieues, dans son plus grand dia mètre, aux extrémités duquel on aperçoit les tours des cathé- drales de Sens et d'Auxerre. La forêt s’est tellement implantée sur le ferrier qu'il est difficile d'en arracher quelque morceau un peu gros. Les vides ont été comblés par les poussières que le vent balaye et par les débris de la végétation, et les racines des arbres ont entouré les scories de leurs lacis. La deuxième butte, celle du sud-ouest, n’a plus guère que 8 m. de hauteur. Son périmètre ne peut plus être déterminé.Elle est en exploitation en ce moment, pour ferrer, c’est le mot, les lignes que l'administration fait établir dans la forêt, au grand avantage de ceux qui la fréquentent, “tar les gardes eux- mêmes, qui la connaissent, se trompent quelquefois de direc- tion, tant elle est coupée de nombreux chemins et sentiers qui se croisent en tous sens. 262 EXCURSION MINÉRALOGIQUE. Avant peu cette butte aura à peu près complétement disparu. Elle supporte encore quelques gros chênes dont les deux prin- cipaux ont été récemment frappés de la foudre du côté de la vallée. : La tranchée laisse apercevoir les lits des ferriers entremé- lés d’un peu de sable et de terre qui dégringolent au moindre choc. L'inclinaison des couches est de 45°. Leur direction paraît sud-nord. C’est là qu'ont été échantillonnés les 2 ou 3 kilog. de sco- ries que vous avez sous les yeux. On retrouve des scories disséminées à une grande distance autour des buttes qui sont toutes deux situées sur le territoire de Joigny, et qui ont dans leur voisinage les restes de deux puits maintenant comblés, témoignage probable d'anciennes habitations sur ce Lieu. Si l'on songe au temps qu’il a fallu pour former ces énormes amas, si l’on suppute celui qui a été nécessaire pour que la végétation vint y déposer son humus, et si l’on t'ent compte de la lenteur avec laquelle les chênes qui s’y sont implantés ont dû croître sur un sal aussi rude qu'ingrat, à quelle anti- quité ne devra-t-on pas faire remonter leur origine? Je laisse à de plus habiles, que cela concerne, le soin de la déterminer. Voilà, Messieurs, le resumé de ma première excursion. ViLLIERS. 3 juillet 1858. : CATALOGUE Des plantes phanérogames qui croissent naturellement dans le départ SIXIÈME CENTURIE. HABITATIONS , Le NOMS DES GENRES époques SYNONYMIE. de la floraison. d'ordre. et des espèces. | numéros 501 | ADONIS æstivalis Moissons des coteaux calcaires. juin-juille. (Lin) 502! RANUNCULUS hederaceus (Lin) Ruisseaux et lieux! humides des ter-| rains sablonneux. mai-septembre. tagneux.mai juin.| Toucy, ement de l'Yonne. LOCALITÉS. Gy-l’Evêque,Aillant, Gigny (nous); Seri- gny, Charentenay (Boreau); Saint- Bris (Ravin). Avallon; Pierre- Perthuis (nous); Chastellux (Sagot); Charbuy, Appoigny (Ravin). 503] — Aquatilis (Lin.) Eaux'stagnantes. |Partout. avril-juillet. 504! Ficanra ranuncCuloides Ranunculus ficaria |Lieux humides. Partout. ë (Roth.) (Lin.) mars-mai. 505|AQUILEGIA vulgaris (Lin.) Coteaux calcaires |Toute la bande de buissonneux. terrain jurassique mai-juillet. qui s'étend de Cruzy à Coulan- ges-sur-Yonne. 506 NymPHÆA alba (Lin.) Etangs. Bléneau, étang de juin-août. Luneaux ; Saint- Sauveur, étang de Moutiers; Charny, étang de Prunoy. 507|/PAPAvVER rhœas (Lin.) Moissons, champs|Partout. cultivés. mai-septembre. 508/CARDAMINE \ amara (Lin.) Terrains humides et/Lindry. marécageux. avril-mai. 509/DENTARIA pinnata (Lam.) Bois montagneux. |Val-de-Mercy, Ton- avril-juin. nerre (nous); St- Moré (Sagot); bois d'Arey (Saul). 510 Hesreris matronalis (Lin.) Boisetbuissonsmon-|Mailly-Château, Mer- ry-sur-Y, (Sagot). 264 PLANTES PHANÉROGAMES QUI CROISSENT gp 3 se NOMS HABITATIONS, à ES pes GENRES SYNONYMIE. époques LOCALITÉS. = t 2= et des espèces. de la floraison. ; 511|RAPHANUS Cà et là autour des Naturalisé, presqu sativus Lin.) habitations. partout. mai-juillet. 512|HELIANTHEMUM pulverulentum Cistus pulverulen-|Coteaux secs et pier-| Toute la bande d (D C.)| tus (Thuil.)| reux des terrains| calcairejurassiqu — polifolius(Vill.)| calcaires. qui s'étend 4 Helianthemum poli- mai-juillet. Cruzy à CoulanM à folium (Koch.) ges-sur- Yonne. M 513|/RESEDA luteola (Lin.) Bords des chemins|Partout. et des fossés. mai-septembre. 514/PARNASSIA palustris (Lin. Prés marécageux. |Quarré-les-Tomhes juillet-octobre. (nous); Druye (S: got ; Andries {Bt reau). 515|SAGINA procumbens Champs sablonneux.|Parto (Lin.) mai-octobre. 516| STELLARIA s holostea (Lin.) Haies, buissons , |Partoul. bois taillis. avril-mai. 517|ARENARIA serpyllifolia (Lin.) Champs sablonneux, | Partout. murs. mai-septembre. 518|CERASTIUM glomeratum Cerastium vulgatum|Lieux cultivés, |Presque partout. ! (Thuil ) (Sm.)| champs sablon- — viscosum (Lin.)| neux. Malachium aquati- avril-juin. cum (Fries.) 519 — aquaticum Lieux humides et |Auxerre, Sens, Qui! (Lin.) fangeux. cy. | juin-octobre. | 520| Mar va | alcea (Lin.) Bords des bois, buis-|Tanlay (nous) ; Gu sons. gy, Rebourceal juin-septembre. (Ravin). | 521| —sylvestris (Lin.) Champs, haies, lieux|Partout. incultes. mai-0ctobre. DANS LE DÉPARTEMENT DE L’YONNE, 265 nés NOMS HABITATIONS, dE DES GENRES SYNONYMIE. époques LOCALITÉS. 2= et des espéces. de la floraison. 522 | HYPERICUM montanum (Lin.) Bois montagneux. |Tanlay, Voutenay juin-août. (nous) ; Irancy, Arcy, Merry, Ma- gny (Sagot). 593| ACER pseudo-platanus |Acer montanum Bordures des routes. Partout. (Dub.) mai. 524] GERANIUM sanguineum (Lin.) Bois secs, prés mon-|Avallon, Mailly- tagneux. Château (nous) ; mai-septembre. St-Moré, Sermi- zelles, Voutenay | (Saul). 595 }ERODIUM | cicutarium Geranium cicuta-|Champs, murs lieux|Partout. (Wild.)| rium (Lin.)| secs. mars-octobre. 526 |IMPATIENS noli-tangere JR frais et cou-|Bords de la Cure à (Lin.) verts. Domecy (nous) ; juin-août. bords du Cousin à Avallon (Boreau). 527| SCLERANTHUS perennis {Lin.) Lieux sablonneux. |Charbuy, Branches, mai-octobre. Gurgy, Avallon. 528) HERNIANIA glabra (Lin.) Lieux sablonneux. |Bléneau, Saint-Sau- juillet-septembre. veur, St.-Georges, Joigny, Lailly, Villeneuve - l’Ar- chevèque, Dix- mont. 529 Senum reflexum (Lin. Lieux secs etsablon-| Auxerre, Coulanges- neux. la-Vineuse et tout juillet-août. le vignoble des environs d'Auxer- 2 re. 530 |ErrroBium parvi florum Epilobium molle Bords des ruisseaux, | Presque partout. (Schreb.) (Lam.)| lieux frais. juin-août. 531| — roseum Fossés et lieux hu-| Auxerre, Bléneau (Schreb.) mides des terrains] (nous); Guerchy sablonneux. (Ravin). juillet-septembre. PLANTES PHANÉROGAMES QUI CROISSENT 266 2 & NOMS Ë = DES GENRES 2= et des espéces. 532|GEUM urbanum (Lin. 533| Rosa arvensis (Lin. 534|SorBus domestica (Lin.) 535|ULExX L europæus (Lin.) 536] GENISTA anglica (Lin.) 537|MEnicaco lupulina (Lin.) 538|LorTus corniculatus (Lin.) 539| CORONILLA varia (Lin.) 540|ERVUM hirsutum (Lin) 541|EvonyMus europæus (Lin.) 542| PEUCEDANUM gallicum HABITATIONS, SYNONYMIE. époques de la floraison. Bois humides, bords|Presque partout. des eaux. \ juin-août. Bois, haies, sons. juin-juillet. Bois montueux. mai. Lieux stériles des terrains sablon- neux. février-mai. Bois et bruyères hu- mides. avril-juin. Lieux herbeux. mai-octobre. Prés, pâturages, bords des bois. mai-octobre. Champs, coteaux, bords des chemins. juin-août. Champs, des lieux sablon- neux. mai-septembre. Haies et bois. mai-juin. (Lat.)/Peucedanum pari-|Bois et prés secs. siense (DAC — oflicinale (Dubois )' buis-| Partout. LOCALITÉS. . | Cruzy, Baon, forët| de Pontigny (nous); bois de Merry-sur- Yonne (Sagot), forêt de Frétoy (Ravin). Presque partout. Charbuy, Saint-Geor-| ges, Villefargeau, Jonches, Branches. Partout. Partout. buissons|Presque partout. Dans tout le calcaire! jurassique. | | | | ( Presque partout. + Auxerre. E : |- 543|ANTHRISCUS 544|SAMBUCUS nigra 545|LONICERA 546 ASPERULA odorala 547 | SHERARDIA arvensis 548 | VALERIANA officinalis | 549/Binexs | cernua 950 | ACHILLEA ptarmatica 551|ARNICA * | montana 552| HyPOcHÆRIS glabra caprifolium (Lin. DANS LE DÉPARTEMENT DE L'YONNE. Do NOMS HABITATIONS, ns -E DES GENRES SYNONYMIE, époques [=] |Z2=| et des espèces. de la floraison. cerefolium Chærophyllum sati-| Haies des jardins. (Hoffm.) vum (Lam.) mai-juin. Scandix cerefolium (Lin.) ne juin Haies des jardins. mai-juillet. (Lin.) Bois montagneux. mai-juin. (Lin.) vés. mai-octobre. Lin.) Bois, mides, bords des eaux. juin-aoùût. (Lin.) Lieux humides. août-septembre, (Lin.)|Ptarmatica vulgaris| Lieux humides. (D. C.)| juillet-septembre. (Lin. bruyères. juin-juillet. (Lin.) Lieux sablonneux. juin-septembre. Haies des villages. LOCALITÉS. Partout. Partout. Presque partout. Maulne, près Cruzy, Soucy, Bellechau- me (nous); Cha- moux, forêt de Frétoy ({Sagot); bois d'Irancy, Li- chères, forêt d'Othe, Joigny, Mailly-Château, (Boreau. Champs, lieux culti-| Presque partout. buissons hu-|Presque partout, Presque partout. Presque partout. Clairières des bois et|Clairières des bois de Jonches, près d'Auxerre (nous); bruyères de Char- buy (Saul). Auxerre. 1 [er] NOMS DES GENRES d'ordre. et des espèces. NUMÉROS 553|LAcTuCcA perennis (Lin.) 554|H1ERACIUM pilosella (Lin.) 535|PRISMATOCARPUS speculum (Lhér.)/Campanula lum Specularia lum 556|MENYANTHES trifoliata (Lin.) 557|LITHOSPERMUM officinale (Lin.) 558] — purpureo-cæ- ruleum (Lin.) 559|Lycopsis arvensis (Lin.) 360|MENTHA sativa (Lin.) 561|Sarvra pratensis (Lin.) SYNONYMIE. PLANTES PHANÉROGAMES QUI CROISSENT HABIT ATIONS, époques de la floraison. Coteaux secs, champs|Auxerre et ses envi: pierreux. mai-juillet. Pelouses, incultes. mai-septembre. specu-|Champs, moissons. (Lin.) mai-juillet. specu- (Lin.)! Lieux fangeux, ma-|Saint-Sauveur, Tou- rais. avril-mai. Terrains calcairesin-|Bois de Baon, Tan- cultes. mai-juin. Bois et buissons des|Bois de Narmondà| terrains calcaires. avril-juin. Champs, lieux in-|Partout. décom- incultes, bres. avril-novembre. Lieux frais, fossés. juillet-septembre. Prés secs, Coteaux. mai-juillet. terrains|Partout. Partout. LOCALITÉS. rons. cy (nous), Quarré:- | les-Tombes, Saint- | Léger, Bleigny-le- | Carreau (Boreau); | étang du Riot, à Lindry{Ravin). lay, Cruzy (nous); | Yal-de-Mercy (Ra vin). | Tanlay (nous); CO-| teaux de la Cure près d’Arcy (Bo- reaux); Val-de-| Mercy (Ravin). Auxerre. Partout. | | DANS LE DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 269 TE NOMS HABITATIONS, E DES GENRES SYNONYMIE. époques LOCALITÉS. 2 et des espèces. de la floraison. ————_—_—_ Ze 562|SATUREIA Le: S hortensis (Lin.) Cultivée dans les|Cà et là, mais nulle jardins d'où elle! pan d'une ma- s'échappe pour se| nière stable, reproduire. juin-septembre. 562 MEL1ssA officinalis (Lin.) Lieux frais, bords|Abbaye de Quincy des haies et des| (nous) ; Sauvin murs. (Sagot); Avallon juin-septembre. (Boreau). 564|GALEOPSIS 4 * : tetrahit (Lin.) Haies, bois, lieux) Auxerre, ses envi- frais. rons, et toute la juillet-septembre. vallée de la haute Yonne. 565 SracHys 2 ] germanica (Lin. Lieux incultes, bords | Auxerre, Coulanges- des chemirs. la-Vineuse, Tan- juillet-août. lay, Bléneau et Coulanges-sur- Yonne, 566| — annua (Lin) Champs pierreux. |Partout. juillet-octobre. 567 LEONURUS cardiaca (Lin.) Bords des haies et| Auxerre, Saint-Sau- des murs, décom-| veur, Vermenton, bres. Voutenay, Marault juin-seplembre.| près Avallon. 568|UROBANCHE Oarobanche eryngii amethystea (Duby.)l Bords des chemins. |Vallan, Val-de-Mer- (Thuil.) juin-juillet. Cy (nous); Auxerre, Saint-Bris (Ravin). 569 SOLAN UM tuberosum (Lin.) Cultivé. Partout. juin-juillet, 570|ATRoPA belladona (Lin.) Lieux frais et cou [Forêt de Maulne, verts. près de Cruzy. juin-août. bois de Narmond à Tanlay, forêt d'Othe près d’Ar- ces (nous); Asnié- res (Sagol). 970 PLANTES PHANÉROGAMES QUI CROISSENT ER EL EEE AT IT LT Zi @ 2 ä NOMS HABITATIONS, Ê£T DES GENRES SYNONYMIE. époques LOCALITÉS Ee et des espéces. de la floraison, — 571|DATURA ; stramonium (Lin.) Décombres. Auxerre, Appoigny, juillet-septembre.| Toucy, toute la vallée de la haute Yonne. 572|VERBASCUM F ; nigrum (Lin.) Lieux secs et pier-|Chastellux, Cou- reux. langes-sur-Yonne juillet-septembre.| (nous); Avallon, | Mailly - Château, | Châtel Censoir (Boreau).. 513| SCROPHULARIA s ; | aquatica (Lin.) Lieux humides; fos-|Partout. | sés. | juin-septembre. | 574| DiciTaLIS | purpurea (Lin. Coteaux secs dester-|St.-Sauveur, Aval-| rains siliceux. lon, Chastellux! juin-août. et ses autres envi-| rons. 575] MELAMPYRUM ô , : pratense (Lin) Bois, buissons, prés|Partout. secs. juin-septembre. 576|RHINANTUS major (Œhrh.(|Rhinanthus crista |Prés. Partout. galli, var. B. mai-juin. (Lin.) 577|VERONICA à chamædris (Lin.) Haies, bois, prés|Partout. secs, mai-juin. | 578| — scutellata Lieux marécageux,|Saint-Sauveur, Blé- (Lin. mai-septembre. neau, Domecy- - sur-Cure. | 579 | AM ARANTHUS | blitum (Lin.)|Amaranthus ascen [Au pied des murs,| Presque partout. | dens (Lois.)| décombres. | — spicatus (Dub.)| juillet octobre. 580 EuPHORBIA : ; amygdaloides Euphorbia sylvatica| Bois des terrains|Partout. (Lin.) (Jacq.)| calcaires. mai-juin. DANS LE DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 271 RES ER EE EURE EE RIRE LE EE DCE DU TEE PV MR AS CE ER IE EI Rd CE 2e NOMS 2 HABITATIONS, = DES GENRES SYNONYMIE. époques LOCALITÉS. EE et des espéces. de là floraison. 581 MERCURIALIS perennis (Lin.) Bois desterrains Cal-|Val-de-Mercy, Com- caires. missey, Tanlay, mars-Mai. Quincy (nous) ; Vermenton, Bessy, Viviers, Tonnerre (Boreau) ; bois de la baute Yonne (Sagot) 582|PARIETARIA officinalis (Lin.) Décombres, pied des Auxerre (nous); Ton- murs. nerre (Boreau). juillet-octobre. 1583|Sarix aurita (Lin.) Bois humides, haïes| Presque partout. des prés. mars-avril. 584|PopuLUus tremula (Lin) Lieux humides des|Partout. bois. mars-avril. 585|Prvus < sylvestris (Lin.) Naturalisé par semis| Auxerre, Charbuy, dans les bois sa-| Gurgy, Bleigny, blonneux. St-Fargeau. avril-mai. 1586|Juxcus glaucus (Ebrb.)|Juneus inflexus Pelouses argileuses,| Partout. (Scop.)| lieux mouillés en -— tenax (Poir.)| hiver. juin-septembre. 587| — uliginosus Junecus supinus Lieux humides, ma-|Domecy-sur-Cure. (Meyer.) (Mænch.)| res, étangs. — fluitans (Lam.){ juin-septembre. — mulabilis (Dub.) 588|ASPARAGUS oflicinalis (Lin.) Cultivée dans les/Subspontanée çà et jardins et dans les| à, Appoigny, vignes. Seignelay, etc. juin-juillet 19 + 19 PLANTES PHANÉROGAMES QUI CROISSENT SE NOMS HABITATIONS, ; #= DES GENRES SYNONYMIE. époques LOCALITÉS. BS et des espèces. de la floraison. | - 589|/Ruscus aculeatus (Lin.) Bois des terrains sa-|Charbuy, Villefar- s blonneux. geau, forêt de Pon: novembre-mai. tigny aux Baudié- res, St-Maurice: aux - Riches-Hom: mes (nous); Blei: gny, Perrigny. (Ravin. 590|ALLIUM 5 ursinum (Lin. Bois. Boisde Maulne, prè avril-mai. Cruzy(nous); Aval lon (Boreau). 591/TaAmus | communis (Lin. Bois, haies. Toute la Puisaie mai-juillet. haute-Yonne, Cru ZY, Tanlay, Lin dry (nous) ; Saint Bris (Ravin). 592|/0rcHIs mascula (Lin. Prés, bois, haies. |Partout. avril-juin, 593|0pxrys | modes (Jacq.)|Ophys muscifera Bois el coteaux des|Tanlay, entre Saint (Huds.), terrains calcaires.} Bris et Saint-Cy mai-juin. (nous) ; Merry" sur-Yonne (Sagot Milly (Ravin). 594|ALOPECURUS ; à pratensis (Lin) Prés humides. Partout. mai-juillet. 595|ARENATHRUM elatius (Gaud.) Avenaelatior (Lin.)/Haies, buissons, |Partout. bois, prés. juin-juillet. 596|Poa pratensis (Lin.) Prés, pâturages. Partout. ; mai-juin. DANS LE DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 273 1e NOMS HABITATIONS, É= DES GENRES SYNONYMIE. époques LOCALITÉS. 2e | et des espèces. de la floraison. 597| HORDEUM murinum (Lin. Lieuxincultes, bords|Partout. des chemins. juin-août 598|LEMNA : gibba (Lin.) Eaux dormantes, fos-| Partout. ; sés. 599 |ASPLENIUM rula muraria Vieux murs. Partout. (Lin. tout l'été. 600 |Preris aquilina (Lin. Bois, haies, lieux|Partout. stériles et sablon- neux. juillet-octobre. DÉy et CoURTAUT. 18 214% OBSERVATIONS OBSERVATIONS BAROMÉTRI UES = ; A Ô DE TEMPÉRATURE. Q OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES É à à 9 heures Re à 3 heures à 9 heures température | température température à 2 | du matin. ; 1 du soir. du soir. minimum. | maximum. | moyenne. A ne | ss | | | | 1 1758 15/7400005/7420M20|745mMm96)LE 7 7413 9|L10 80! 6 2| 9 [745 701746 061746 851747 925]-L 1 9|+11 91 6 55| 9 3) 3 1747 201747 65/7147 801748 41|+4 2 O0|+14 O+ 8 0012 © 4 1749 9251750 17/751 481753 39|--10 1|+47 4|+13 60| 7 0 5 [752 901752 78752 721752 391 G O|H17 1|+44 55/11 4 6 [751 801751 48,751 021750 67]+ 7 92|+13 4|+10 30! 6 2 7 1748 80|747 041746 121742 99] 8 9|+L18 9|L13 55| 9 à 8 [742 00741 961742 10]742 39)]4L 9 8|+18 8|+14 30| 9 Of! 9 [737 041756 851736 10,735 74ÏL 5 0|+13 6|+ 9 30| 8 6|h 10 [739 1921741 141744 011744 95! 6 2|+15 1|+10 65| 8 9} 14 1745 011745 9231745 631745 9O0]+ G 6|+L14 5|+ 9 05| 4 9 19 1747 9281747 911749 751750 O00[— O0 6|+13 8|+ 6 6014 4 13 1750 9251750 481750 5/751 2414 0 91415 O!+ 7 95114 1 44 [751 181701 561751 751752 941 O 9|+17 4|+ 9 15116 5 15 1756 801756 531755 3551754 87|+L 2 B|192 S8|+119 65/20 & 16 [754 101784 951754 971754 59]L 9 4494 7|417 0515 3 17 [754 281754 451754 601754 961H10 S|I+17 4|+14 10| 6 6h 18 [755 971755 551755 221754 192 9 O|+15 5|+11 25| 4 à 19 1753 081752 811752 431751 O5l+E 6 O|+21 11413 55115 20 1752 101752 851751 631753 80!+ 7 2193 414115 50/16 2 21 [755 211755 481755 901756 9G|+ 9 2|+93 314116 2514 4} 22 1757 201757 321757 401757 71]+10 0+22 4|+16 20112 4 23 1757 891757 411746 6351755 75]+ 9 7|+95 0117 35115 3| 24 1756 701756 551756 481757 55] 8 11493 92115 65115 11 25 [754 121753 961753 481782 O8]+ 5 O16 44110 7011 4 26 [750 851750 711750 2921749 74]+ 8 431116 0112 05| 7 à 27 |749 801750 191750 68751 984 8 6|+18 11413 35| 9 5 28 1753 771755 401753 ,08|752 551 4 O|+19 2|+11 60/15 2) 29 [746 521746 131746 001744 26]+ 3 8|+921 4|+12 6017 6| 30 [740 411740 001739 641737 OH 9 92115 9]+12 55| 6 # — | | ——— Serie golrao o1f149 70780 02! £M eurème 00 le12, 22 5 [Différence des extrêmes 25,6. | UT x E (Moyenne du mois :+4-12,12. | Plus grande élévation 757,89, le 23, à 9 h. du m. £ Moyenne de la variabilité journa- | Moindre élévation 735,74, le 9, à 9 h. dus ÆHMIièrentl;3. MÉTÉOROLOGIQUES. VENTS ÉTAT DU CIEL OBSERVATIONS avant midi. | après midi. avant midi. après midi. GÉNÉRALES. Observations pluviométriques. RENE | CD CD | ÉD ee S.-0, N.-0. + me pDuageux 4 72 N. ’S.-O. Jclai couvert 2 15 0. S.-S.-0,. convert plu e 0 95 ). N.-E. légers nuag. | 4 73 LE S.-E es ciel gris 0. 0, couv. pluie {couvert 5 65 S. S. ciel gris id 0 40 S. 0. nuageux orage, pluie | 1 45 S. S.-0. id. ciel gris 12 87 0. N.-E. id. nuageux 4 40 N. à. N. pluie couv. {couvert 2153 E. N\. clair. clair N N.-N.-E. lciel gris lég. nuages no N. N.-N. O. Iclair - [serein HS. 0. S-0. [lég. nuages id. Re S. S. auag. blanes {clair we O. (9) pluie nuageux 5 78 N.-E N.-E. couvert ii. 0 15 | E. N.E. nuageux clair 18: SE. | S.-E. [lég. nuages (nuageux N. N clair serein N. N.-N.-E, [serein id. N.-E. N.-E. id. id. à E. N.-E. id. quelq. nuag. N. N.-0. id. QNUATEUX N'-N.-E. | N.-N.-E. leiel gris. id. N. N. couvert claire 0 70 ÆE. N. id. serein S..8.-0 0. nu geux id S--0. O. couvert pluies beaux et couverts, ou jours de beau temps 24. de pluie 6. 43 44 de brouillard 0. de gelée 1. 276 OBSERVATIONS OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES La À O DE TEMPÉRATURE. OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES (| 54 : =. 4 x À : 2 4 CE à 9 heures as à 3 heures | à 9 heures température | température | température 5 2 È du matin. du soir. du soir. minimum. | maximum. | moyenne. SE: | RS DD aEbS h ARE 71570m,9|757mm2%4|757M0S0|757Mm79 159 51739 941739 881739 82 139 961740 181740 831742 02 745 181745 951747 051749 04 150 181750 401750 751754 29 752 641752 751752 89 153 941753 951754 001754 355 154 071755 751753 211752 98 152 451751 841752 941753 33 151 3571150 831750 121749 50 44 1748 671747 111746 751746 89 19 1745 761745 851746 201747 88 13 1749 961749 551749 121748 05 14 1746 7351746 S01747 031747 58 15 [746 801746 751745 701746 59 16 1748 041748 951749 9251751 15 WATSON 6|To TT GATE TENS DIRE TEME 18 {353 161754 82/7854 701754 08 19 1754 631755 401754 511754 48 20 1755 181753 091753 211753 14 > +16 +13 +12 +18 AT +11 +10 +14 +11 +12 +19 +E+T+F+ Es Seœrommus— | er On Q S) (o +] g = M D © © O1 = OI À © © mel OO © 1 © 19 © I © © = où — Qt © 1 @Œ Ci © © © © ee = = co 4 à © RO =1 GO OÙ — Li OI OD == OÙ "1 O0 Or Eù O1 © tt A A EE A EE EEE nm D De pin pe eu => De D en => D © SH 19 = CO 19 Où 1 À O7 SE © À à O1 RO A OU © = GTR D RO CE =1 © CE ED 1 fn OI 1 GO Œ 1 © À CE © à = 1 DID 1 O 19 > O0 CE CO => D MN CO O1 À E © (DO CE O1 © © 1 9 © © hOOUCOWIGHONUUUUO OUUWWYOe= ANGES © RER RR EEE EREEEEEEEFFT 24 17592 971752 541782 601152 95 29 [783 161753 241755 201753 58|L1 25 754 1921754 151754 001755 91|11 24 |753 681753 841783 90753 S0|+ 28 [782 05/7151 681150 77/1154 811 26 1760 201760 331760 58|761 93|+ ! 27 [758 041757 92/7587 141756 94|1 1 28 755 021755 291755 621756 09] +1 8 29 756 76/7856 541756 121755 18|+ t 0 30 |754 80/7854 90/7858 021755 47|L n 1 31 |756 941756 981756 601756 392|+ 459 20 1 mms | commen | ç250 cc Enr É È F 93|7" © Maxim. extrême + 32,2, le31. © 181 02810 Nes TBE 25 TN QUE Minimum extr. Lie 9. [=] EN TE ER TR er. SERIES PRE = {Moyenne du mois + 12,18. | Moyenne de la variabilité journa lière 11,76. Plus grande élévation 761,93, le 26, à 9 b. dus 2 © ë 2 {Différence des extrêmes 30,7. à S Moindre élévation 737,12, le l‘r, à 9 h. du m. Fe MÉTÉOROLOGIQUES. ÉTAT DU CIEL après midi. avant midi. nuageux. nuag blancs nuageux qqs. nuag, couvert id. clair léyers nuag. nuageux serein pluie couvert elair nuageux id, ciel gris nuag. blascs couvert clair serein nuageux couvert. nuageux couvert nuageux clair . [couvert serein nuag. blancs légers nuag. ! auag. blaucs 0. E N..E. beaux et couverts, ou jours de beau de pluie 7, de brouillard 0, -de gelée 0. de neige 0. après midi. ciel gris pluie nuageux clair petite pluie pluie couvert serein clair id, nuageux ciel gris id. pluie couvert id. clair nuageux cou vert serein id. cisl pris nuageux pluie id. qqs. nuages serein nuag. blancs serein id. id. temps 24. 277 OBSERVATIONS GÉNÉRALES. Observations pluviométriques. 1 10 4 0 OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES à 9 heures du matin. F 7153Mm44 2 1752 55 4 1752 14 4 1754 17 5 1755 44 6 1755 14 717163 416 8 1750 55 9 [748 14 110 1749 12 11 1752 98 119 [753 40 [13 1752 91 l14 [752 57 [ns 1751 12 1146 [750 00 (147 1749 69 1148 1751 G3 l19 [753 89 lo [755 80 124 1754 14 l2a [755 72 93 1755 98 24 1756 70 DS 1755 A7 26 1754 68 DA ITTo 2002 28 1754 45 29 1755 93 130 1755 95 l£S 1755 21 | SE OBSERVATIONS A O DE TEMPÉRATURE es à 3 heures midi. ‘ du soir. 7156mn38|756MM1 4 151 28|751 20 152 101752 69 754 291754 41 155 19755 O1 7152 621753 15 152 0517520412 149 3591748 85 747 951747 95 152 741752 40 152 951753 03 7133 5171153 14 782 691751 45 782 161752 40 151 561751 48 150 121750 08 750 071750 4353 751 931782 O7 7854 181754 41 7155 721753 : 55 154 22/75 30 156 141756 95 155 941755 | 90 156 751756 72 155 301755 95 754 50|754 41 152 3501752 45 7154 51|754 60 156 02|756 12 à 9 heures {température AL Me ee = 4 du soir. | minimum. | maximum. | moyenne. ES 754nm60 + 9 84353 4|+21 60125 751.5190 +14 714534 0!+94 35119 758 « 45 +14 41458 3196 35113 1540097 +16 7|+33 7|+95 20117 154 60 +15 11437 0|+26 05|21 154 93 +15 514-531 8+93 55116 784 90/4144 9|+31 5|+95 20/16 148 18 +16 44355 6|+96 00/19 7471000 +16 2492 5 +19 25| 6 752 20|+415 9493 2|+19 20| 8 155 56444 11195 8|+19 95/11 155 08413 O0+54 2 +923 60121 150 63, +17 51453 2+95 55115 152 G5l+17 6E357 9|+27 75,120 151 481416 3|+37 11-4926 70,20 749 131+146 935 0|+95 95118 751 419)+49 11529 6|+94 35110 752 6GG|+16 35|+4925 9|+91 10! 9 755 20H14 9498 7|+921 80/15 154 89|+14 5|+97 4490 95112 154 56|+16 O0|+94 8|+920 40| 8 156 O8|+12 6G|+23 2|+17 90110 156 S85|+18 SI+96 11499 45| 7 756 81|+44 92|+98 5|+oi 35114 15 45411 SI+922 71417 25l10 155 4414 7 Gl+97 5|+17 45119 153 51|+410 2+29 ?|+19 70119 155 62H41 5|+95 O0|+18 15/13 136 45]+ 7 9|+926 41417 15118 155 O08|+10 1427 9|L19 00|17 153 35 Maxim. extr. 38,3, le 3. | Plus grande élévation 756,85, le 23, à 9 h. du s. | Moindre élévation 747,93, le 9, à 3 h. dus. OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES APITULATION. RÉC lière 15,24 Mois Minimum extr. + 7,6, le 26. Différence des extrêmes 30,7. Moyenne du mois 22,10. Moyenne de la variabilité journa= © Qt 1 © 1 © OI O1 © O0 CO CO ED Or CD OI I RO I © = 9 Où O1 © © © O1 MÉTÉOROLOGIQUES. 279 ) Juin. LE VENTS ÉTAT DU CIEL É = OBSERVATIONS avant midi. | après midi. avant midi. après midi. É = GÉNÉRALES. sn OS ë S S.-S.-0. Iserein nuageux mm E E. ouag. blancs serein E N.-N.-E. Iserein id. S. S.-E. id, id. S. S-0. id id. N.-O. N.-E. Jcouvert id, N. N. serein légèrs nuag. S: id. pluie et grêle OL S.-0. Îpluie couvert De (D N.-N.-0. [uuageux nuageux 1 18 O0. id. nuag, blancs! 4 42 S. S clair serein 0 65 S. E. nuag. blancs |nuag. blancs S.-E. S: serein serein S.-E. |S.-S.-E. [nuageux id. S. GS auag. blancs|orage 8 5.-S.-0. [pluie nuag épais. | 3 15 N. N.-0. orage, pluie [nuageux 2 55 N.-E E. clair serein N..0 N. nuageux nuageux N. N. auag. blancs |clair N-N.-E.| N.-E id. lég. nuages E. E.-N.-E. Iserein serein N.-E N. nuaÿ. blancs |nuageux N.-E N. id. ouag. blancs N.-E E. serein serein N. N. lég. nuag. |ciel pommelé N.-E. N.E. {serein serein N.-E N. id. id. N.-E. |N.-N.O.| id. id. beaux et couverts, ou jours de bean temps 25. FA ,{ de pluie 5. 46 G4 de brouillard 0. ; de neige 0. de gelée 0. ROBIN, Mailre-adjoint à l'Ecole normale. SOCIÉTÉ SCIENCES HISTORIQUES ET NATURELLES DE L'YONNE. SÉANCE DU # JUILLET 1858. PRÉSIDENCE DE M. CHALLE. Il est fait hommage à la Société : Par M. de Smyttere, de divers ouvrages publiés par lui et notamment de sa Physiologie pharmaceutique et médicale ; Par M. Corblet, de sa notice sur le tombeau de monseigneur Cart, érigé à Nimes; Par la Société d'Émulation du Doubs, d'un volume de ses mémoires publiés en 1857; Par la Société Eduenne, d’un volume de mémoires publiés de 1853 à 1857. M. Petit de Vausse, dont la propriété, sise près de Châtel- Gérard, est un ancien prieuré du Val-des-Choux, transmet à la Société le dessin d’une pierre tomhale lui appartenant, et 19 282 PROCÈS-VERBAUX. aussi le dessin de pierres supposées druidiques qu'il a décou- vertes dans les bois de Châtel-Gérard. M. le curé Minard, de Pontaubert, par lettre en date du 9 juin 4858, expose à la Société que pour achever les travaux de réparation de son église et pour obtenir les fonds qui lui sont nécessaires, il doit adresser deux demandes, l’une à M. le Ministre d'État, l’autre à M. le directeur des Cultes. Il désirerait que la Société appuyât ces demandes d’une recom- mandation spéciale. La Société : Considérant que l’église de Pontaubert mérite à tous égards la sollicitude du gouvernement ; Que déjà la Société a eu l’occasion, dans une excursion archéologique, de constater l'élégance de ce précieux monu- ment, etle zèle avec lequel M. l’abbé Minard a, de ses propres mains, entrepris une restauration diflicile ; Que malgré les plus louables efforts, les ressources que M. l'abbé Minard est parvenu à recueillir sont insuflisantes pour l'achèvement de son œuvre ; Décide à l'unanimité qu’elle joint ses supplications à celles de M. l'abbé Minard pour obtenir de M. le Ministre d'État et de M. le directeur des Cultes le secours demandé. Une double expédition de la présente délibération sera adressée à M. l'abbé Minard pour être par lui transmise à qui de droit. M. le Président communique à la Société une note par laquelle M. Mondot annonce qu'il fonde un prix pour la solu- tion d’un problème de géométrie {trisection de l'angle). M. le Président communique aussi une lettre de M. Coeffet Ollivier, laquelle signale deux découvertes de médailles qui viennent d'être faites dans les environs de Villeneuve-l'Ar- SÉANCE DU 8 AOUT. 283 chevêque. Ces médailles ne sont autres que des pièces con- nues, de Philippe VI, Jean IT et Charles VIL. On a encore trouvé dans les mêmes lieux une médaille grecque en argent. Sont élus membres titulaires : MM. Courtaut et Muraour, présentés à la séance précédente. M. Grenet, docteur-médecin à Joigny, est présenté au même titre par MM. Ravin et Villiers. La Société entend ensuite la lecture de divers travaux : 1° Excursion minéralogique dans la forêt d’Othe, par M. Villiers ; 2o Analyse et extraits d’un manuscrit de l'abbé Rousseau sur l’histoire de Sens, par M. Challe. L'ordre du jour épuisé, la séance est levée. SÉANCE DU 8 AOÛT 1858. PRÉSIDENCE DE M. CHALLE. Divers hommages sont faits à la Société : 1° Par M. Léo Drouhyn, d’un mémoire sur les eroix de processions, etc., orné de nombreuses planches ; 20 Par M. Adrien de Longpérier, de deux mémoires sur une découverte numismatique ; 30 Par la Société des Antiquaires de l'Ouest ; 4° Par la Société Archéologique de lOrléanais ; 5° Par la Société Nivernaise ; 6° Parla Société Littéraire de lOrléanais ; To Par l’Académie de Bordeaux ; 8° Par celle des Pyrennées Orientales : 284 PROCÈS-VERBAUX. 9° Par la Société des Antiquaires de Picardie ; Ces diverses Sociétés savantes adressent des exemplaires de leur Bulletin, ou de leurs publications les plus récentes. M. Mondot de Lagorce fait aussi hommage à la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne de plusieurs ouvrages par lui publiés. M. le comte de Bastard offre de son côté son livre sur Jean de Ferrières. Des remerciements sont votés par la Société tant à M. Mondot qu'à M. de Bastard. M. le président annonce qu’à la suite d’un rapport fait au maire de la ville d'Auxerre par M. Quantin, sur l’état et les progrès de la Bibliothèque, ainsi que des collections amassées, le conseil municipal a voté des remerciements à M. Quantin, pour son active direction, et à la Société des sciences histo- riques et naturelles de l'Yonne pour son puissant concours. M. Villiers lit ensuite un curieux travail intitulé: Excursion minéralogique dans l’Avallonnais. Cette lecture est accueillie par l’assentiment unanime, et la Société remercie M. Villiers des efforts qu’il a faits pour compléter nos collections avant l'ouverture du congrès. M. Monceau communique une note sur l'utilité de faire aux grottes d’Arey de nouvelles fouilles qui ne peuvent manquer d’être fécondes. La Société vote à cet effet un crédit de 50 fr. sauf à M. Monceau à se concerter avec M. Cotteau, pour la direction des fouilles projetées, et sauf aussi à compléter ultérieurement le chiffre du crédit alloué, s’il y a lieu. À 4 heures la séance est levée. NOTICE SUR LA VIE DE M. D'ETIGNY INTENDANT DE LA GÉNÉRALITÉ D'AUCH ET DE PAU. On dit souvent et bien vulgairement : Nul n’est prophète en son pays. Mais, pour aucune illustration la vérité de ce pro- verbe ne s’est manifestée avec plus d'éclat que pour l’homme éminent dont je veux vous entretenir. Sa famille, originaire du pays bourguignon, n’a guère cessé d'habiter nos contrées jusqu’à la génération qui précéda notre héros, et cependant, à part quelques parents du même nom, rejetons modestes et inconnus, nul dans notre pays ne connaît M. d’Etigny, dont la gloire a tant de retentissement dans les provinces de Gascogne et de Béarn, dont l'éloge est encore dans toutes les bouches, dont la statue et le nom décorent les places, les rues, les promenades, et à qui le département du Gers, reconnaissant, a voté un service perpétuel qui se célèbre tous les ans avec une grande pompe. Entrainé par un sentiment de compatriotisme, je veux essayer de retracer sommairement la vie de M. d'Etigny, qu'un historien n’a pas hésité à appeler un des plus grands administrateurs du xvin° siècle, et que nous devons, nous autres, enfants de l'Yonne, réclamer comme un des nôtres, puisque sa famille est originaire des environs de Sens. 286 NOTICE Antoine Mégret d'Etigny naquit à Paris en 1720. Son père, après avoir occupé, avec distinction, la haute position de receveur général des finances, mourut, jeune encore, laissant à ses enfants une grande fortune, un très-beau nom, et ce qui est plus beau encore, le souvenir d'une vie honorablement remplie par de longs services rendus à l'Etat. Le jeune d’Etigny annonça de bonne heure ce qu'il devait être un jour, un génie vaste et créateur, un Cœur généreux ; les succès qu’il obtint dans ses études et la prompte maturité de son esprit lui valurent d'être promu, avant l’âge et avec dispenses, aux fonctions de maître des requêtes au parlement de Paris, où ses hautes capacités le firent si promptement remarquer, qu'il fut nommé, en 1751, intendant de la généra- lité d’Auch et de Pau. C'était une preuve de grande confiance de la part de l’autorité, car la province, une des plus impor- tantes du royaume, était en même temps une des plus difficiles à administrer. La position était critique lors de l'arrivée de M. d'Etigny dans son gouvernement. La Gascogne, mal administrée depuis Henri IV, sans routes, sans commerce d'aucune espèce, sans voies de communications, était toujours dans une situa- tion proche de la misère, et quelquefois réduite à la détresse. Sans hésiter, et contrairement à l'usage introduit par ses prédécesseurs, M. d’Etigny abandonne Pau où l’attendait une résidence royale, le château d'Henri IV, pour s'établir à Auch, « voyant, dit-il lui-même dans une de ses lettres, tout le bien que sa présence y pourrait faire. » Il avait à peine pris en main les rênes de l'administration de la province, qu'il eut à lutter contre les plus grandes difficultés et à montrer en même temps toute son habileté et toute la bonté de son cœur. SUR M. D'ÉTIGNY. 287 Un orage épouvantable venait de porter dans toute la généralité le ravage et la désolation : M. d'Etigny dut songer à parer à tous les malheurs causés par le manque absolu de récoltes, par une disette générale. Il commenca par déjouer les spéculations des accapareurs, race de sangsues toujours altérées, et dont les honteuses opérations viennent, plus inelé- mentes que la famine elle-même, porter le désespoir au -milieu des populations sans ressources : puis il obtint un dégrèvement de 200,000 livres sur l'impôt, fit acheter à très bas prix plus de 600 quintaux de riz, et fit également acheter, et de ses propres fonds, pour plus de 100,000 livres de grains, dont il fit l'avance aux populations. C'était beaucoup faire, mais le remède ne pouvait arriver aussi vite que le mal était venu, et l'hiver de 4752 survint avec son hideux cortége de misères. Il fallut nourrir plus de 2,800 pauvres des campagnes qui, après avoir vendu tous leurs meubles et effets, refluaient sur les villes où ils espéraient trouver plus facilement à vivre, et pour comble de maux la récolte de 1752 qui se présentait sous les plus belles apparences fut gâtée par une pluie con- tinuelle et des brouillards qui laissèrent seulement les fourrages très abondants : malheureusement les débouchés manquaient à ce dernier produit, et le pays n’élevait pas de chevaux. M. d'Etigny sut parer au manque d'écoulement des fourrages en obtenant l’envoi de deux régiments de cavalerie en garnison dans la généralité. Sorti enfin de ces temps difiiciles, M. d'Etigny put se donner tout entier aux améliorations qu'il avait méditées, concues et fait approuver. Auch, la ville la plus importante de la généralité, et qu'on décorait du nom pompeux de capitale, présentait aux regards 288 NOTICE des rares voyageurs que leurs intérêts y appelaient, l'aspect le plus étrange pour ne pas dire le plus misérable. Bâtie sur une hauteur, elle était presque inabordable; ses rues étaient étroites, difficiles, impraticables souvent. Ce fut sur cette ville que M. d'Etigny concentra son zèle et son activité ; il commenca d’abord par créer des ressources à la municipalité qui, dans une ville de 7,000 habitants, ne disposait pas d'un revenu de plus de trois à quatre mille livres, en réformant la ferme des boucheries ; puis ce premier résultat obtenu, il se mit à l'œuvre. A l'extérieur, des chemins larges, garnis de ponts solides, bordés de levées, facilitèrent l'abord de la cité ; à l’intérieur on vit s'élever en quelques années le palais de l’Intendance, aujourd'hui hôtel de la Préfecture, l'hôtel-de-ville, la salle du spectacle dont les décorations furent faites aux frais de M. d'Etigny, des places, des établissements industriels, et la charmante promenade appelée aujourd’hui le Cours d'Etigny et sur laquelle la reconnaissance de la postérité a placé la statue de l’auteur de tous ces prodiges, au milieu de ses plus beaux ouvrages. M. d’Etigny fit, en même temps, construire des fontaines et des aqueducs, redresser, paver et éclairer les rues qui, jusqu'alors, restaient toutes les nuits dans l'obscurité. Dès lors la ville prend du développement : les vieux murs etles tours s’effacent; les maisons des xrr1° et x1ve siècles dis- paraissent pour faire place à d’élégantes constructions de pierre qu'élèvent à l’envi les riches propriétaires des environs, attirés par l'habileté de l'intendant et la vie agréable qu'ils trouvent à mener à Auch ; de nombreuses terrasses s’étagent sur le Gers, et de jolis faubourgs viennent s’ajouter à la ville, tout étonnée de son rapide accroissement. SUR M. D'ÉTIGNY. 289 Ce n'était là, pour ainsi dire, que la partie artistique des projets de M. d'Etigny; la partie sérieuse, productrice, indus- trielle, fut aussi de sa part l'objet des soins les plus assidus. Les environs d’Auch furent bientôt en rapport avec les embel- lissements intérieurs : des manufactures de drap et de faïence, des filatures, des minoteries s’élevèrent comme par enchante- ment; une vaste pépinière qui ne contenait pas moins de trente-six mille arbres fruitiers et que, dès 1759, M. d'Etigny plaçait parmi les plus belles du royaume, propagea dans la Gascogne des fruits rares et délicieux; le müûrier fut introduit dans le pays où l’on se livra en grand à l’élève du ver à soie, et une manufacture de soieries, que des obstacles trop facile- ment réputés invincibles firent tomber après la mort de son fondateur, fut élevée par les soins et sur les plans de M. d'Etigny. Je signalerai également, parmi les améliorations, l'établissement d’une Société d'agriculture et l'acelimatation des mérinos d'Espagne dans la province de Gascogne. En moins de dix ans ces travaux immenses furent exécutés sans être onéreux à la ville ni aux habitants. Un octroi qu'établit M. d'Etigny et qui rapportait une vingtaine de mille livres, les fonds qu'il obtint du gouvernement et sa propre fortune qu'il ne ménagea guère suflirent à l'achèvement de toutes ses entreprises. M. d'Etigny ne concentra pas sur Auth tout son intérêt, toute son activité. Pendant qu'il faisait de la vieille ville une cité nouvelle, il créait le réseau de chemins qui reliait le bas Armagnac, les Pyrénées, Bayonne, Toulouse, Saint-Gaudens, les villes d'eaux minérales surtout, Baréges et Bagnères, qui lui doivent les premiers jours de leur prospérité et qui lui ont voué une reconnaissance fort vive encore de nos jours. Par ses soins, des débouchés furent enfin ouverts aux récoltes du 290 NOTICE pays, et la Gascogne put envoyer ses céréales jusqu’en Espagne et ses vins jusqu'aux Pyrénées qui échangèrent avantageuse- ment contre ce produit les revenus de leurs forêts. En vingt-cinq ans la futaille de vin contenant six cents litres monta de six livres à trente-six livres et le sac de froment de trois livres à quinze et dix-huit. Il semble que tant d'activité, de sollicitude, de générosité ét de dévouement pour la ville d'Auch eussent dû concilier à M. d’Etigny l'amour et la reconnaissance des habitants qui s'étaient montrés si enthousiastes de leur intendant lors de son arrivée au gouvernement de la province ; il n'en fut rien. M. d'Etigny eut des envieux, des jaloux, des ennemis achar- nés qui abreuvèrent sa vie d’amertume et de chagrin. Pour rendre compte de la situation exactement, je ne puis mieux faire ici que de laisser parler M. l'abbé Sabathier : « Du reste, ne croyez pas que M. d'Etigny ait fait de « si grandes choses sans rencontrer des obstacles contre « lesquels serait venue se briser une volonté moins énergique «€ que la sienne. Il eut à braver les menaces, les insultes et « les outrages des grands et des petits propriétaires qui ne « comprenaient pas que les améliorations sociales ne sont « possibles qu'avec le concours eflicace de toutes les forces « particulières, et qui, dominés par l'instinct du plus étroit « égoisme, se montraient si ennemis de l'intérêt général, qu'ils « refusaient de lui sacrifier quelques lambeaux de terrains ; si « opiniâtrement attachés à leurs prétentions ridicules, qu'ils € n’hésitaient pas à les soutenir par les procédés les plus € indignes. Il eut à lutter contre les municipalités qui ne « pouvaient s’habituer à regarder comme un progrès des « transformations obtenues au prix de concessions dispen- SUR M. D'ÉTIGNY. 291 dieuses ; et contre les parlements, avides de se mêler aux choses administratives, comme s'ils n'avaient pas, dans leurs fonctions judiciaires, un assez riche apanage. Il eut à lutter, faut-il le dire, contre quelques hommes rétrogrades, admirateurs inintelligents d’un passé qui s’écroulait, pour lesquels toute innovation était un crime, tout perfectionne- ment une folie véritable. Ces derniers s’agitaient surtout dans nos murs, et ils poussèrent si loin leurs odieuses menées qu'ils ne reculèrent pas devant un crime, et osèrent un jour former le projet d’assassiner l’Intendant.…… Mais les faux prétextes furent dissipés, les prétentions jalouses anéanties, l'opinion des hommes de parti réduite à sa juste valeur, les complots de la haine déjoués. Les faits parlaient plus haut que de vaines invectives, et M. d'Etigny, fort de ses intentions et du glorieux succès qui avait couronné ses nobles éfforts, confondait par ces belles paroles les asser- tions calomnieuses et les tentatives impuissantes des vieux représentants d'un autre âge : « Ils devraient me connaître ; ils ont perpétuellement sous les yeux des témoignages bien authentiques de tout ee que j'ai fait à mes propres dépens pour tirer la ville d'Aueh de l'état humiliant où elle était jadis. Dans l’exacte vérité, c'était, avant que j'y fixasse ma résidence, un des plus affreux séjours de a province. » A la tête des hommes qui suscitaient sans cesse des tracas- series et des embarras à M. d’Etigny, étaient l'archevêque, M. Chastellard de Montillet, et les sieurs Boubée, procureur, et Estinguy, avocat: le prélat, d’abord chaud partisan de M. d'Etigny , ne tarda pas à se laisser influencer par les hommes turbulents et passionnés qui fomentaient la cabale. On se refuserait à croire de nos jours aux moyens qui 292 NOTICE furent employés par les chefs du parti rétrograde, pour ruiner les entreprises du généreux intendant. Les premiers symptômes d'opposition se manifestèrent à propos d’un droit qu’avaient autrefois les archevêques et le roi, comme comte d'Armagnac, de se faire représenter par un procureur dans les assemblées communales à titre deseigneur en paréage, droit qui avait été supprimé, depuis 60 ans, par divers édits successifs, et notamment par ceux de 1733 et de 4750, dont l'esprit et les dispositions étaient clairs et précis. En dépit de ces édits, l'archevêque voulut faire assister de “nouveau son procureur temporel aux séances du conseil municipal. Mais le ministre, M. de Courteille, fit droit aux justes réclamations de M. d’Etigny, et M. de Montellet fut débouté de ses prétentions. Évincés dans cette question, l'archevêque et son parti trou- vèrent de nouveaux embarras à susciter à M.d’Etigny, à propos d'un don gratuit que les communes faisaient au roi et dont le ministre avait, pour la commune d’Auch, fixé le chiffre à 10,000 livres. M. d'Etigny, qui tout d'abord en avait ontenu la réduction à 4,000 livres, voulut, pour ne pas diminuer le revenu de l'octroi, couvrir le montant de cette somme en établissant un minime impôt sur la viande. Aussitôt l’archevêque et ses adhérents s’empressèrent de réclamer à grands cris, prétendant que l'octroi seul devait subvenir à cette dépense, et, dans un mémoire plein d'asser- tions mensongères, d’atroces calomnies, ils s’empressèrent de peindre M. d’Etigny sous les plus noires couleurs au prési- dent de la cour des comptes, puis au ministre lui-même qui, sans cesse obsédé, se laissa influencer par eux. Il fallut à M. d'Etigny toute sa confiance en son bon droit et dans la SUR M. D'ÉTIGNY. 293 pureté de ses intentions pour arriver à se disculper et à faire ressortir toute la probité de son administration dans”une correspondance existant aux archives de la préfecture du Gers. Pendant dix ans, il y eut contre M. d'Etigny, de la part de ces brouillons et de ces malpensants, comme 1l les appelait lui-même avec beaucoup trop d’indulgence, une guerre tantôt ouverte et déclarée et se traduisant en mémoires, en factums, en procès dont l'un, suscité par M. Delaborde, directeur des domaines du roi et des eaux et forêts, ennemi acharné de l’intendant, au sujet de la maison construite sur la place de l'Hôtel-de-Ville, n’est pas encore terminé; tantôt sourde et cachée,et setrahissant alors par des dénonciations, des libelles, des menaces de mort, des lettres anonymes où le cynisme le plus dégoûtant le disputait à l'injure et à la calomnie. On alla jusqu'à fouiller dans la vie privée de l’intendant pour en livrer les faits les plus intimes à la publicité. Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède que M. d’Eti- gny, abreuvé d’amertume et de dégoût, sans cesse attaqué par un parti d'hommes puissants, il est vrai, mais, disons-le bien vite à l'honneur de la cité, en très-faible minorité dans ja ville dévouée tout entière à l'œuvre de son cher intendant ; il ne faudrait pas, disons-nous, conclure que M. d'Etigny ait eu un seul instant la pensée d'abandonner son entreprise et de demander son changement au ministère qui le lui aurait certainement refusé. Pendant longtemps, iltraita les agitateurs comme des enfants rebelles et sans conséquence, pour lequels il ne pouvait avoir que de l’indulgence, ou, tout au plus, du mépris. Ce ne fut que poussé à bout et pour la dignité du caractère dont il était investi, qu'il demanda et obtint la détention de ses deux incorrigibles ennemis : Boubée au château de Lourdes, Estinguy au fort de Brascou. 294. NOTICE Mais ces luttes, ces agitations, ces oppositions violentes ne retardaient en rien le développement de son œuvre. Tandis qu'il transformait la ville d'Auch, il ne négligeait pas Ja prospérité et l'avenir de la province qu'il avait à administrer. Malgré des contradictions incessantes de la part des proprié- taires d'usine, il parvint à faire pénétrer au milieu des Pyré- nées des routes dont la solidité et la hardiesse excitent encore l’étonnement; et, rendant navigable le cours du Gaye de Pau pendant vingt-quatre lieues, il eut la gloire d’avoir, le premier,conçu et réalisé l’idée de faire arriver à Bayonne, pour les besoins de la marine, les arbres superbes de la montagne qui pourrissaient sur place, faute de routes et de moyens de transportpour ces masses énormes. De plus, c’est à lui qu’on doit le projet de canalisation du Gers par la Nesle, projet qui est encore la base de toutes les études faites depuis et dont la réalisation, toujours promise, est reculée sans cesse d'année en année. Tant d'œuvres éclatantes, tant debienfaits répandus, avaient gagné à M. d'Etigny l'amour, et, pourquoi ne pas le dire, l’adoration des habitants et surtout des pauvres qui ne cessaient de se porter en foule sur son passage et de faire éclater bruyamment les transports de leur reconnaissance; et pourtant son administration ne s’écoula pas sans d’autres nuages: en 1765,une tentative d'opposition du parlement de Pau, qu'il vou- lutramener à la raison par la douceur et la clémence, contre le gré de la cour qui eût voulu lui voir employer la violence et la rigueur, le rendit suspect et lui valut une lettre de cachet qui e relégua dans ses terres de Sens. Heureusement qu'il n’y resta qu'une année, et son retour dans la province fut célébré par des réjouissances universelles. Tant de veilles, de luttes et de contradictions avaient SUR M. D'ÉTIGNY. 295 cependant usé les forces de M. d'Etigny, et quelques mois après son retour, il sentit la mort s'approcher. Son courage ne l’abandonna pas dans cette épreuve dernière, il se prépara pieusement à la mort et déposa ses pensées et ses volontés dans une lettre sublime qu'on peut regarder comme le testa- ment d'un sage et d’un chrétien. Le mal faisait de rapides progrès, et quelques jours après cette lettre, il mourut, pleuré de la ville entière, qui s'était portée dans les églises pour implorer Dieu en sa fa- veur (24 août 1767). La municipalité, pénétrée de douleur, fit porter aussitôt à M. d'Etigny et à son fils les plus touchantes condoléances ; le convoi du bienfaiteur d’Auch, qui eut lieu le lendemain, fut accompagné de l’universalité des citoyens, et d’un concours immense de peuple accouru des campagnes environnantes ; pendant quatre jours tous les travaux furent suspendus, les ateliers et les boutiques fermés et des messes célébrées so- lennellement dans toutes les églises, dans tous les couvents, dans tous les hôpitaux de la ville. Letombeau de M. d’Etigny, placé dans l'église métropoli- taine d'Auch, fut, comme elle, maltraité et saccagé par la tempête révolutionnaire. Mais le 16 germinal an IX, il fut reconnu et relevé de ses ruines par les soins de M.Sentetz qui a passé une partie de sa vie à rétablir, dans toute son intégrité, la gloire du grand administrateur. Le 27 juillet 1817, le baron de Lascours, préfet du Gers, inaugura, sur le cours d'Etigny, la statue que la reconnais- sance des-habitants du département a décernée à M. d'Etigny, statue dontles fonds furent fournis par une souscription pro- voquée par M. Sentetz. Telle fut la vie, telles furent les œuvres de ce grand citoyen 206 NOTICE SUR M. D'ÉTIGNY. dont le nom est à peine connu du pays d’où sa famille est ori- giuaire, el n'est-ce pas justice de s'inscrire en faux contre le proverbe que j'ai cité au début de cette biographie, et de faire connaître à nos compatriotes de l'Yonne tout ce qu'a fait un des leurs pour une des plus grandes, des plus belles, des plus riches provinces de notre France. OUVRAGES CONSULTÉS : Biographie universelle, article d'Étigny. Archives du département du Gers, correspondance de M. d'Étigny. Éloge de M. d'Étigny, par l'abbé Sabathéer, professeur de rhétor ique au séminaire d’Auch. Histoire de la ville d'Auch, par P. Laforge. Recueil de pièces pour servir à l’histoire de M. d'Étigny, intendant en Navarre, Béarn et généralité d'Auch, publié par M. Sentetz. Dictionnaire de Moreri, article Auch. Histoire de la Gascogne, par le chanoine Montlezun. France illustrée de V.Maltebrun, article Gers. errant EC — HISTOIRE DÉULA/#0; VILLE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. TROISIÈME PARTIE. Teanps modernes. CHAPITRE VIT. NOMENCLATURE DES FIEFS DU COMTÉ ; — ARMORIAL; — LISTE DES DOYENS DE LA COLLÉGIALE. L’abolition du régime féodal a creusé un abîme entre le passé et l’époque contemporaine. L'ancien état social est comme un vaste édifice, violemment écroulé, dont les ruines couvrent encore la terre. Le devoir de l’archéologue est d’en relever et d’en recueillir les débris. Reliques précieuses pour quelques-uns, trophées pour le plus grand nombre, légendes instructives pour 20 298 HISTOIRE DE LA VILLE tous, ces débris amoncelés marqueront la limite de deux âges, dans ce petit livre, comme ils l’indiquent dans l’histoire de la civilisation. i PASEL NOMENCLATURE DES FIEFS DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. La liste des fiefs et arrière-iefs du comté de Saint-Fargeau devrait être réduite, comme notre litre l'indique, à une simple nomenclature. Nous avons cru devoir réunir toutefois, sous chaque nom, les faits historiques qui s'y lient, soit qu'ils forment tout ce que nous savons de ces fiefs, soit qu'ils complètent ce que nous en avons dit, dans le cours de cette histoire, quand nous avons pu les y rattacher naturellement. 1. AVENIÈRES (Les). Situé dans la paroisse et relevant de la seigneurie de Lavau, ce fief avait une motte féodale ainsi que nous en avons trouvé la preuve dans un acte du 21 décembre 1636, et cette motte était entourée d’une enceinte de fossés, comme le fait voir un ancien plan conservé aux archives départementales d'accord avec un acte d’aveu et de dénombrement du 42 juillet 1542. Dès cette dernière époque, ce fief était du reste déjà tombé en roture. Les Avenières sont aujourd'hui une petite ferme de Lavau, à 1480 m.S.-0., pop. 5. 2. BARBET (Le). Cette seigneurie, qui relevait du château de Louesme, est aujourd’hui un petit hameau de la commune de Grandchamp, canton de Charny, arr. de Joigny, à 4 kil., pop. 9. (Acte de foi et hommage du 23 novembre 1695.) 3. BLÉNEAU. Entourée de murailles dès le commencement de l’époque féodale, cette petite ville a conservé ses fortifications jusqu'à la ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 299 fin du xvire siècle. La cure était à la nomination de l’évêque d'Auxerre. Il y avait, dans l'étendue de la paroisse, cinq chapelles, savoir : celle du château; celle de Notre-Dame-de- Liesse située dans la partie inférieure de la ville; celle de Saint-Cartaut dont nous avons retrouvé les fondations au lieu dit Les Chapelles, près du chemin du Coudray; celle de Notre- Dame-de-Saint-Posant, qui existait dans la cour du château du Coudray; enfin celle de Saint-Lazare, qui dépendait de la maladrerie. Bléneau a eu jusqu’à ce jour quatre lieux différents d'inhumation. Le cimetière primitif était placé entre la ville et les Chaumes-Blanches, à peu près à mi-chemin; le second entourait l'église; le troisième, supprimé depuis quelques années seulement, avait été établi dans l’enclos de la maladrerie ; et le quatrième est placé à environ 4 kil. au N.-E. de la ville. L'église à toujours été sous le vocable de Saint-Loup, évêque de Troyes. Bléneau est aujourd'hui un des chefs-lieux de canton de l'arrondissement de Joigny, à 56 kil. de cette ville et semblable distance d'Auxerre. On y compte 4,709 habitants, 9 hameaux, 5 moulins et 43 fermes ou maisons isolées. Pop. aggl. 1,078. Etendue territoriale 3,943 hectares. Le hameau de la Bretauche, à 2 kil. N.-E., était un ancien fief à manoir seigneurial dont les ruines et les fossés sont encore apparents. C'est de la ferme et de l’ancien fief des Gays, à À kil. N., que M. Leboys, député aux Etats généraux de 4789 par le bailliage de Montargis, a pris le nom de Leboys-des-Gays. La ferme de la Marinière, à 3 kil. S., a aussi donné son nom à M. Grangier, député aux Etats généraux par le bailliage de Berry, dont la famille était connue sous le nom de Grangier- de-la-Marinière. 300 HISTOIRE DE LA VILLE On remarque enfin, à la ferme de la Quillonnerie, à À kil. S.,- les ruines d’un ancien château, encore entourées de fossés, à 250 m. de la ferme, au S.-E., et l'on croit que ce château a été ruiné lors de la bataille de Bléneau, en 1652. 4 Buisson-pu-DEFFANT (Lei. Ce fief sans manoir féodal dépendait de la paroisse et relevait de la châtellenie de Mezilles. Au commencement du xvine siècle, il appartenait à Jean- Baptiste du Deffant, marquis de Lalande, lieutenant général des armées du roi. Le der août 1730, il était échu à Jean-Baptiste- Jacques du Deffant, chevalier, marquis de Lalande, brigadier des armées du roi, lieutenant général de l’Orléanais, héritier sous bénéfice d'inventaire de son père. Il n'existe plus d'habitations sur les terres de ce fief. 5. CHAPELLERIE La). Il a été fait hommage de ce fief, situé paroisse de Mezilles et sans manoir féodal, au seigneur de Saint-Fargeau, en 4399, par Henri de Pusseaux, et le 4 janvier 1618 par Claude de Beaujeu d'Angeville qui l'avait acquis, par voie d'échange, de Philippe de Maumigny. A n’y a plus d'habitations sur les terres de ce fief. 6. CHARRON (Le. Nous n'avons sur ce fief aucun renseignemeni, sinon qu'il dépendait du comté de Saint-Fargeau. (Acte de foi et hommage du 27 mai 1615.) Il n'existe plus, dans tout le département de l'Yonne, de lieu habité de ce nom. 7. CHÊne-Ronp (Le). F Ce fief sans manoir seigneurial, situé dans la paroisse de Saint-Sauveur et mouvant du chàâteau de Saint-Fargeau, a été vendu par Louis-Ignace, comte de Sampigny, chevalier, seigneur ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 301 d'Isancourt-du-Mesnil, à Jean Paris de Montmartel, conseiller du roi en ses conseils, garde de son trésor royal, seigneur du marquisat de Touey et de Fontaine, et celui-ci en fit hommage le 43 octobre 1731. Le Chéne-Rond est aujourd’hui un petit hameau de Saint- Sauveur, arrondissement d'Auxerre, à 3 kil. N.-E., pop. 18. 8. CHEsnoy (Le). Ce fief qui formait, en 1728, le grand et le petit Chesnoy et contenait 140 arpents {actes de foi et hommage du 16 dé- cembre 1685 et du 9 juin 4703) est représenté aujourd'hui par une ferme du territoire de Saint-Fargeau, à 3,400 m. S.-E., pop. 7. 9. CORMERIE (La). Ce fief, situé paroisse de Bléneau, relevait directement du château de Saint-Fargeau. Il appartenait au xvme siècle à Nicolas Guyot, écuyer, conseiller-secrétaire du roi, maison, couronne de France et de ses finances et, par suite du partage de sa succes- sion, il échut à Jean-Noël Arnauld, écuyer, seigneur du Chesne, du Pré et de la Cormerie, son petit-fils, qui en fit hommage le 13 novembre 1754. Il n'existe plus d'habitation sur les terres de ce fief. 10. Coupray (Le). Cette seigneurie, située dans la paroisse de Bléneau, sur la rive gauche du Loing, mouvait en plein fief du château de Saint- Fargeau. Son ancien manoir, auquel était annexée une chapelle sous le vocable de Notre-Dame-de-Saint-Posant, a été remplacé par une maison bourgeoise avec ferme et moulin, à 2 kil. N.-0,; pop. 8. Le Coudray à appartenu à la maison de Courtenay depuis le milieu du xve jusqu'à la fin du xvne siècle. 302 HISTOIRE DE LA VILLE 11. CouprE {La). C'était au xive siècle une forteresse qui a été détruite dans les guerres de cette époque. Sur ses ruines s’est élevé, vers le xvi° siècle, un nouveau manoir seigneurial, mais sans importance militaire. La forteresse de la Coudre était située paroisse de Faverelles, aujourd’hui département du Loiret, et mouvait en plein fief de la châtellenie de Lavau. Elle avait droit de justice jusqu’à soixante sous d'amende. Nous en avons trouvé des actes de foi et hommage par Alexis Terrier qui en avait fait acquisition sur décret le 43 août 1700 ; par Augustin Terrier, son fils unique, seigneur de Riaux, à la date du 1e décembre 1751, enfin par Georges-Roch de la Per- rière, seigneur de Marteroy, Foisseau, La Coudre et autres lieux, du 5 juin 1752. 12. CROZILLES. Le manoir de cette seigneurie, bâti à peu de distance du château de Bouron, connu dès le xme siècle et qu’il a remplacé, était situé dans la paroisse de Champignelles et relevait de la châtellenie de Villeneuve-les-Genêts. Crozilles est aujourd’hui un petit hameau de Champignelles, canton de Bléneau, à 2 kil. S.-0., pop. 44. Charles Larché s’en rendit adjudicataire en 1622, sur sentence aux requêtes du palais, mais il en fut dépossédé, deux ans après, par Simon Boisseau qui en exerca le retrait lignager, et le vendit, en 4659, à François de la Rivière. Les dames Ursulines de Montargis en firent l'acquisition vers 1703 et le conservèrent jusqu'à la révo- lution. 13 DanNNeRy. Dannery, autrefois Dampnery, était un fief à manoir seigneurial de la paroisse de Septfonts et de la mouvance directe du château de Saint-Fargeau. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 303 - Il appartint pendant le xvne siècle à Ja famille Davau, d’abord à Jacques en 1602, à Gabriel à 160%, puis à Nicolas en 1624. Celui-ci épousa Suzanne Voille, devint contrôleur de la maison du duc de Guise et constitua Dannery en dot à Marie Davau, sa fille, lors de son mariage avec Michel Dufaur, seigneur de Pierrefite. Marie-Anne, née de ce mariage, a été tenue sur les fonts de baptême, à Septfonts, Le 48 mai 1653, par Henri de Boulainvilliers et mademoiselle de Montpensier. * Un petit monument, qui existe encore, a été consacré à Ja mémoire de Nicolas Davau, dans l’église d’Ouanne où il a été inhumé. Dannery est aujourd’hui une ferme et une maison de maître de la commune de Septfonts, à 2,200 m. S., pop. 44. 14. FERRIER (Le). Ce fief était tombé en roture dès le commencement du xvin° siècle. Il était situé dans la paroisse de Saint-Martin-des-Champs et mouvait en plein fief du château de Saint-Fargeau. Réuni du reste au fief de Morellerie ou des Morillons, il s’est confondu avec lui, et il n’y a plus aujourd’hui, sur le territoire de Saint- Martin, d'habitation qui porte le nom du Ferrier. (Acte de foi et hommage du 12 mars 1752.) 15. FoissEau. Fief sans justice, mais à manoir seigneurial, qui paraît avoir été édifié sur des terres détachées du domaine de la Coudre. Un acte d’aveu et de dénombrement du xvi° siècle, par Jean d'Orléans, écuyer, l'indique comme étant situé près du chemin qui va de l’église de Faverelles au château de la Coudre. Il dépendait de la paroisse de Faverelles, aujourd'hui département du Loiret, et relevait de la châtellenie de Lavau. 304 HISTOIRE DE LA VILLE 16. Foussorres (Les). Nous n'avons recueilli aucun renseignement sur ce fief dont il a été fait hommage à Mademoiselle, à cause du château de Saint- Fargeau, le 2 juin 1545. Il n'existe plus de lieu habité de ce nom. 17. GARENNE-Noir-Epinoy (La). Ce fief relevait directement du château de Saint-Fargeau. I] comprenait 250 arpents. Son manoir, dont il subsiste encore aujourd’hui un bâtiment qui avait ses fenêtres divisées en quatre compartiments par deux meneaux en croix indiquant le xvi° siècle, une tour et un colombier, n’est plus qu’une simple maison de garde située sur le territoire de Saint-Fargeau à #,700 m. S.-E. Pop. 3. Son nom de (rarenne-Noir-Epinoy apparaît, dès le 26 décembre 1509, dans une transaction par laquelle Olivier de Poméard, écuyer, seigneur de ce lieu, qui avait épousé Sylvine d'Assigny, céda ce fief à Edmée de Poméard, sa fille mineure, née de son premier mariage avec Marguerite Plet. Roger de Laduz, chevalier, était seigneur de la Garenne à la fin du xvu° siècle, et dans le partage de sa succession, ce fief échut à Catherine de Laduz, sa fille mineure, qui en fit hommage au comte de Saint-Fargeau le 2 juillet 1703. Il passa ensuite à Jean de Laduz, puis à ses enfants et spécialement à Joseph de Laduz, écuyer, capitaine au régiment de Navarre, qui resta, par droit d’'ainesse, seigneur de la Garenne après l'hommage qui en fut fait le 20 janvier 41713. Celui-ci le vendit presque immédiatement à Henri Destut, qui en fit hommage le 12 décembre 1715. Il appartint enfin à Joseph Duverne, chevalier, seigneur de Moraney, demeurant 'à Annay, qui en fit hommage le 22 février 1752. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 305 18. GRANGE-HaRTuIs (La). Ce fief relevait de la châtellenie de Lavau. Il à été inféodé par Francois de Bourbon, suivant un acte du 14 janvier 1574, à Denis de Butin. Celui-ci fut autorisé à construire sur les terres qui en formaient le domaine utile un manoir féodal avec tours garnies de canonnières et de barbacanes, fossés pleins d’eau, pont-levis, colombier en pied, garenne à couilles et clapiers. Peu de temps après ce manoir existait. Il était flanqué de quatre tours, deux au levant et deux au couchant. Dans une de celles-ci était placée la chapelle dédiée à saint Augustin. La cour était fermée de hautes murailles et le tout environné de fossés. Le portail avec pont levis était placé entre les deux tours du levant. L'ensemble de ce château, avec les bâtiments d'exploitation, occupait une superficie de deux arpents et demi. André-Robert Perrelle de Vertamont, conseiller au grand conseil, en fit hommage le 21 juillet 1732. Sa sœur, qui lui succéda, le transmit à Augustin-Ferréol Archambault, archidiacre de Puisaie en l’église d'Auxerre. Celui-ci en fit hommage le 44 juillet 1749 et le légua à Augustin-Jean-Baptiste-Louis Stample, avocal en parlement, son neveu maternel, qui en fit hommage le 14 décembre 1752, La Grange-Hartuis est aujourd’hui un château, avec ferme et maison de garde, du territoire de Lavau, à 1,700 m. N.-0. Pop. 28. 19. GUILLOTERIE (La). Nommé aussi /a Guillotière et la Guillonnerie, ce fief relevait de la châtellenie de Mezilles. Il n'avait point de manoir seigneurial, mais il consistait, indépendamment des terres, en maison, grange, pressoir, cour et remise, le tout fermé de 306 HISTOIRE DE LA VILLE murailles, et tenait d’un côté au chemin de Septfonts et d’un autre au chemin de Tannerre. Il appartenait en 1635 à Etienne de Varennes, écuyer, seigneur du Plessis, et à Claude de Varennes, homme d’armes de la compagnie du cardinal de Richelieu. Il a été vendu, la même année, à Henri de Beaujeu, seigneur de Montréal, de la Motte et du portail, capitaine d’une compagnie de la maistre de camp, et s’est maintenu assez longtemps dans sa famille. La Guilloterie est aujourd’hui une petite ferme de Mezilles, à 2,120 m. Pop. 4. 20. LAULNAY ou LAUNOIS. Un écusson seigneurial sculpté sur le linteau de la porte d'une chétive maison est tout ce qui rappelle l'existence de ce fief. On croit que les terres en ont été inféodées par mademoiselle de Montpensier à l’un de ses officiers, mais c’est une erreur, puisqu'il lui en a été fait hommage dès 1615, époque où elle était en bas âge. Laulnayest aujourd’'huiune ferme de Saint-Privé, à 2,100 m.N,., sur le ruisseau de la Chasserelle. Pop. 9. 21. LAvau. Cette châtellenie formait, dès le x1e siècle, une paroisse du diocèse d'Auxerre. L'église avait pour patron saint Germain de Paris, et la cure était à la présentation de l'évêque. Ce bourg a été mis à l'abri d’une surprise par une enceinte de fossés en 1591. La commune de Lavau comprend aujourd’hui 4,492 habitants, 27 hameaux, 2 moulins et 38 fermes ou maisons isolées. Pop. aggl. 449. Sa distance est de Saint-Fargeau, son chef-lieu de canton, 8 kil., de Joigny 58 et d'Auxerre 52. Etendue territoriale 5,506 hectares. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU 307 On a exploité, jusque vers 1780, au lieu dit le Cormerat, où il n'existe plus qu'une maison de garde, à 4,500 m.S8., une verrerie dont on rencontre encore des bouteilles portant en. légende : Verrerie du Cormerat. La ferme de ce nom a été détruite vers 1820 et ses terres ont été converties en bois. 22. LOUESME. Le titre le plus ancien qui fasse mention de Louesme comme paroisse est du xm° siècle. Son nom était alors Loëmé, en latin Loima. Ce fut plus tard Loysme et enfin Louesme. Son église, par quelques caractères échappés aux restaurations qu'elles a subies aux xve, xvi° et xixe siècles, révèle une construction du x. Elle dépendait du diocèse de Sens, du grand archidiaconé et du doyenné de Courtenay. Placée originai- rement sous le vocable de la Vierge, elle est consacrée aujour- d'hui à saint Roch. La cure était à la nomination de l’arche- vêque. La seigneurie de Louesme relevait directement du château de Saint-Fargeau ; elle à été titrée de baronnie à une époque que nous ne pouvons préciser, mais ce titre a été formellement rappelé dans des lettres de ratification du 9 avril 4779. Elle avait haute, moyenne et basse justice, droits honorifiques, banalité de four, moulin, pressoir et boucherie, droit de mesure, droit de pêche dans la rivière de Branlin, lods et ventes, cens et rentes en argent, froment, avoine et volaille, chasse très-ctendue. Son manoir, avoisinant l’église, était composé de deux corps de bâtiments très-anciens, avec écuries, remises, étables, ber- geries et un enclos de 3 arpents 65 cordes, mais il ne restait plus de ces constructions en 4773 qu'une grande chambre voûtée, de deux travées, éclairée au midi par une fenêtre de quatre carreaux, et que deux chambres à l'étage. 308 HISTOIRE DE LA VILLE La châtellenie de Louesme a appartenu à la maison de Choisy, puis, pendant les deux derniers siècles de la féodalité, à la mai- son Dupé, dont plusieurs des membres se sont intitulés comtes et marquis de Louesme. Edme-François Dupé, l’un d'eux, ayant épousé, en 1680, Claude Bauchard, fille de Jacques, écuyer, conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances, réunit à sa terre patrimoniale celle du Parc- Vieil, paroisse et seigneurie de Champignelles, qui appartenait à son beau-père, et vint habiter cette belle résidence. A la mort d'Edme-François Dupé, chevalier, capitaine de cavalerie au régiment royal Piémont, les terres de Louesme et du Pare-Vieil arrivèrent à Pierre Dupé, son fils aîné, qui les donna à Pierre-Edme Dupé, son fils, marié à Marie-Francoise- Constance de Villemon, veuve de Charles-Auguste, baron de Helldorff, colonel d'infanterie. Celle-ci avait eu de son premier mariage deux enfants; il est nécessaire de les faire connaître. Son fils Maurice, baron de Helldorff, épousa, le 13 juillet 1764, Louise-Félicité-Emilie de Creil. Le comte de Louesme lui donna alors, par institution contrac- tuelle, les terres de Louesme et du Parc-Vieil, dont il se réserva l’usufruit, ou une somme de 175,000 livres, au choix du dona- taire. Françoise-Charlotte-Julie de Helldorf, fille de la comtesse de Louesme, épousa, étant veuve de Charles-Auguste, baron Duldoph, Louis-Pierre de Grimault, comte de Moyon. Tels étaient les nobles hôtes du Parc-Vieil vers 1767. Depuis longtemps déjà le marquis de Louesme et sa famille vivaient en mauvaise intelligence avec le lieutenant général Louis-Réné de Rogres, marquis de Champignelles. Celui-ci, comme seigneur suzerain du lieu, avait à l’église la ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU: 309 place d'honneur; c’est à lui que le bedeau faisait le plus profond salut ; c’est à lui que le fabricien offrait d’abord le pain bénit ; c’est à lui enfin que le curé envoyait le premier coup d'encensoir. M. de Louesme ne manquait pas d’orgueil, mais ami de la paix et d'humeur accommodante, il ne sentait pas assez vivement, au gré de la comtesse, la position inférieure qui lui était faite et l'injure permanente dont il était l'objet. Des cançans de village, colportés par les flatteurs des deux camps, envenimaient cette sourde querelle qui s’aigrissait aussi d'un levain de vieille rancune. Le marquis de Champignelles, créancier du marquis de Louesme d’une somme de 6,000 livres, avait cédé, en 1740, cette créance à son fils ; celui-ci en avait poursuivi le recouvre- ment, et les fils Dupé, pour se libérer, avaient été forcés de lui abandonner des biens en paiement. D’autres dettes étant deve- nues exigibles, les terres de Louesme et du Pare-Vieil avaient été affermées judiciairement au sieur Taconnet, bourgeois de Paris, qui en avait fait saisir les censives. Le comte de Louesme avait essayé de liquider complétement les dettes de son père et de conserver ces propriétés à la famille de sa femme; il était même parvenu à désintéresser le sieur Taconnet qui lui avait cédé, le 13 août 1775, les censives saisies. Ces embarras financiers augmentèrent toutefois, et pour les dissimuler, la maison du Pare-Vieil affectait, vis-à vis de M. de Champignelles , des airs de hauteur d'autant plus grands que ce dernier avait successive- ment réuni au fief suzerain presque tous les fiefs qui en relevaient et qu'on pouvait lui supposer le désir d’y joindre aussi le Parc- Vieil. Les terres de cette seigneurie s'étendaient jusqu'aux bords de lPAgréau, sous les murs du château de Champignelles et chaque jour la chasse de M. de Louesme y faisait une sorte de parade 310 HISTOIRE DE LA VILLE qui avait plus d’une fois excité la bile du vieux général. Enfin lès choses en vinrent à ce point que M. ce Moyon provoqua en duel le comte de Champignelles qui refusa, soit que ses soixante- trois ans lui en fissent un devoir, soit que sa position de lieutenant-général ne lui permit pas de mesurer son épée avec celle d'un simple capitaine. Quoi qu'il en soit, le dimanche suivant, quand M. de Champignelles sortit de la messe et que la foule, qui l'avait précédé, s'ouvrit sur son passage, la comtesse de Moyon vint au-devant de lui et lui offrit un sabre de bois, en disant : Je salue votre seigneurie avec cette épée comme Arlequin. Cette scène fit, dans le pays, une profonde impression ; les ennemis du général en augmentèrent le retentissement par des placards injurieux, et La passion ne connut plus de bornes. Ces placards étaient ainsi conçus: ÉPÉE A VENDRE. S'anresser AM. DE CHAMPIGNELLE. CETTE ÉPÉE EST TOUTE NEUVE QUOIQU'IL LA PORTE DEPUIS DO ANS. IL PRÉVIENT LES ACQUÉREURS DE NE CE POINT ALARMÉ SI ELLE EST S1 ROUILLIÉ CES QUI NE LA JAMAIS TIRÉ NI ICI NI A L'ARMÉE, IL EN FERA BON MARCHÉ LUI ÉTANT INUTILE. Cependant les créanciers du comte de Louesme se montraient de plus en plus pressants et obtenaient plusieurs jugements contre lui. Chargé de les mettre à exécution, Charles Jolivet, huissier à cheval du châtelet de Paris, à la résidence de Charny, avait vu le château du Parc se fermer devant lui et n'avait pu remplir sa mission. Il réclame alors l'assistance de la force publique et se présente de nouveau au Pare-Vieil, le 4er juillet 1768, appuyé de la gendarmerie de Saint-Fargeau, commandée par le brigadier Charles-Maurice-Hubert Labassé. Quand la petite troupe arriva devant le château, le pont-levis était levé : on tint conseil, mais pendant qu on délibérait, les murs se garnirent de ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 311 défenseurs et la résistance s’organisa. Sommant d’abaisser le pont-levis, la force publique fut sommée à son tour de se retirer si elle ne voulait essuyer le feu de la place. Une semblable menace ne pouvait effrayer un brave militaire comme Labassé ; elle hâta sa résolution. Il commande l'assaut et, qui le croirait, rivalisant d’ardeur, l'officier ministériel tente lui-même l'escalade. Aussitôt la fusillade commença comme on l’avait annoncé et ne discontinua qu'après la retraite des assiégeants. Deux des leurs étaient restés sur le champ de bataille. C'était Jolivet et le gendarme Gautray. La journée du 2 se passa à enterrer les morts; le 3, le siége recommenca. Mais, cette fois, le commandant a pris ses mesures. Ses hommes disséminés en tirailleurs arrivent d'arbre en arbre jusqu'aux bords des fossés, et combattant ainsi à armes égales, Antoine Godard, un des assiégés, tombe bientôt frappé d’un coup mortel. Presque aussitôt le pont-levis s’abaisse et la place est conquise (1). Cette seène sanglante, dontlemoyen-àge offrit tant d'exemples, a le droit de surprendre en 1768, et, circonstance aussi remar- quable, c’est que le sang versé au Parc-Vieil pour la défense des lois ne sera pas sans gloire pour la France. Marguerite Gillet, veuve Jolivet, obtiendra, pour ses enfants orphelins, 4,000 livres de dommages-intérêts qui seront consacrés à leur éducation; l'intelligence et la bravoure de Labassé se seront révélées, et puis le temps arrive où l'enfant du peuple aura aussi sa place au soleil de la patrie. Patience! (1) Les personnes qui prirent une part active à cette coupable résistance sont : 4° le comte ; 2° la comtesse de Louesme, 3° la comtesse de Moyon; l® Antoine Godard, 5° Pierre Pezet, 6° Louis Gauthier, domestiques du château; 7° Gabrielle Balzac, cuisinière ; 8° et Edme- Louis Dupuis, jardinier et vigneron du comte. 312 HISTOIRE DE LA VILLE Jean-Baptiste-Moïse Jolivet, fils de l'huissier de Charny, d'abord avocat, sera bientôt administrateur du département de Seine-et-Marne, député à l'assemblée législative, conservateur général des hypothèques, auteur de plusieurs ouvrages d’écono- mie politique, conseiller d'Etat, commandant de la Légion- d'Honneur et comte de l’Empire ! Quant à Labassé, quoiqu'il ait commencé trop tôt sa carrière, il aura le temps encore de conquérir les épaulettes de colonel de hussards et le bonheur de voir ses deux fils, l’un, Mathieu Labassé, général et baron de l'Empire, l’autre, Jean-Frédéric, colonel de cavalerie (4). Mais revenons au Parc-Vieil. Le comte et la comtesse de Louesme furent arrêtés et une instruction criminelle fut dirigée contre eux et leurs complices, au bailliage de Montargis. Un an s’écoula de la sorte, mais l'affaire ayant été portée devant le parlement de Paris, le 4 juillet 1769, la justice humaine , terrible, impitoyable , condamna le comte et la comtesse de Louesme à avoir la tête tranchée en place de Grève et prononca, au profit du roi, la confiscation de tous leurs biens. À cette époque, une prostituée, passée d’un infâme tripot dans le lit d’un monarque libertin, trônait en souveraine à la cour de France. Le chancelier Maupeou, sollicité en faveur des condamnés, affecta de se montrer inflexible; mais heureux de prouver son zèle à la Dubarry, en lui attribuant publiquement le mérite d’une bonne action, il la laissa demander elle-même au roi la grâce du (4) Le comte Jolivet est mort en 1818, à 64 ans. Labassé père, qui avait épousé Thérèse Grondal, est mort à Saint-Fargeau, le 22 avril 1814, à 79 ans. Le général Labassé est mort à Saint-Jean-d’Angely, en 1830. Son frère est mort également à Saint-Jean-d’Angely. ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 313 comte et de la comtesse de Louesme et il en contresigna alors les lettres avec empressement. Quant à la dernière disposition de l'arrêt, qui fut maintenue, ne pouvant préjudicier aux droits des tiers, le baron de Helldorft fit valoir ceux que lui avait conférés la donation de 1764; les créanciers des condamnés intervinrent également et formèrent entre eux un contrat d'union. La propriété des seigneuries de Louesme et du Pare-Vieil resta ainsi plusieurs années indéeise. Pendant ce temps le baron de Helldorff mourut, laissant pour héritière la comtesse de Moyon, sa sœur; puis, par un arrêt du conseil d'Etat, rendu à La Muette, le # juin 477%, le roi fit don au comte de Moyon, alors colonel d'infanterie, du bénéfice de la confiscation. Cette donation fut confirmée par lettres patentes du 31 décembre suivant, enregistrées au parlement le même jour; mais alors la comtesse de Moyon venait elle-même de mourir laissant pour héritier Anonyme de Grimault, chevalier de Moyon, son fils mineur. Les personnes ayant des droits sur Louesme et le Parc-Vieil étaient trop nombreuses pour qu'il leur fût possible de s'entendre; aussi ce fut sous réserve des droits de tous, qu'ils furent vendus par le comte de Moyon, le tuteur ad hoc de son fils, et les syndies et directeurs de l’union des créanciers du comte et de la comtesse de Louesme, à Louis-Pierre Saunier, conseiller du roi, maitre des requêtes ordinaires, par contrat du 23 décembre 1778, et le roiratifia cet acte par lettres patentes données à Montargis, le 9 avril 4779. Louesme est aujourd’hui une commune du canton de Bléneau, à 19 kil. Pop. 450 ; aggl. 210. Distance de Joigny 36, d'Auxerre 38. Il y à 9 hameaux et 10 fermes ou maisons isolées. Etendue territoriale 4,037 hectares. 21 314 HISTOIRE DE LA VILLE 23. MairoTTes (Les). Ce fief, sans manoir seigneurial, situé sur la paroisse de Saint-Martin-des-Champs, relevait directement du château de Saint-Fargeau et était tombé en roture au commencement du xviu' siècle. Il ne reste plus, du reste, de lieu habité qui porte ce nom sur le territoire de Saint-Martin. 24. MANCHECOURT. Fief sans manoir seigneurial relevant directement du château de Saint-Fargeau et situé dans la paroisse de Saint-Martin-des- Champs. (Acte de foi et hommage du 29 août 1654.) Il n'existe plus d'habitation sur les terres de ce fief, tombé en roture dès le commencement du xvne siècle. 45. MARTROY (Le). Ce fief était situé dans la paroisse de Faverelles, aujourd’hui département du Loiret, et relevait de la châtellenie de Lavau. Il appartenait au commencement du xvme siècle à Edme-Louis de la Perrière et à Charlotte Lecomte, son épouse, et leur fils aîné, Edme-Roch de la Perrière, écuyer, seigneur du Fresne et du Martroy, en fit hommage le 5 juin 4752. 26. MAZURE-AU-NAIN (La). Conau plus tard sous le nom d’Archambaud du nom d'Etienne Archambaud dans la famille de qui il s’est conservé jusqu'au 43 décembre 1753, ce fief contenait 62 arpents et mouvait en plein fief du château de Saint-Fargeau. I ne faut pas le confondre du reste avec la métairie Archam- baud, qui était une terre en roture. Le fief Archambaud est aujourd’hui une ferme de Saint- Fargeau, à 4,500 m. S.-E., à droite de l’ancien chemin de Saint- Fargeau à Saint-Amand. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 315 27. Mazures (Les). Situé paroisse de Mezilles et mouvant de la seigneurie de ce lieu, ce fief était de la justice de Vessy jusqu'à 60 sous d'amende et de la haute justice de Mezilles. Ses principaux seigneurs ont été: 19 juin 1573, François d’Assigny ; 13 novembre 1730, Louis-Achille du Deffand ; 9 mars 1765, Loup-Eustache-Francois comte du Deffand ; à septembre 1765, Charles-Edme Berthelot de la Villeurnoy, comme pour le fief de Vessy. IL n’y à plus de lieu habité de ce nom sur le territoire de Mezilles. 28. Merz (Le). Le Metz était un fief de la mouvance du château de Saint- Fargeau, ainsi que le prouve un acte de foi et hommage du 28 juillet 4615. Augmenté de plusieurs habitations, il a pris le nom des Metz et constitue aujourd’hui un hameau de la commune de Saint- Sauveur, arrondissement d'Auxerre, à 4 kil. Pop. 55. 29, MEZILLES. Cette châtellenie à clocher formait une paroisse du diocèse d'Auxerre dès le xe siècle. La cure était à la nomination de l’évêque, mais elle faisait, en quelque sorte de droit, partie du canonicat de l’archidiacre de Puisaie. L’archidiaconné de Puisaie n’a été créé du reste que par une bulle de 1249. Mezilles était possédé en 1224 par Renaud de Ratilly, mais depuis il est rentré dans le domaine des seigneurs suzerains et y est resté jusqu'à l'abolition du régime féodal. Une maladrerie y avait été établie et dotée par les seigneurs du lieu. Mademoiselle de Montpensier en donna la jouissance et l'administration à 316 HISTOIRE DE LA VILLE Michel Dufaur, seigneur de Pierrefitte et de Saint-Bault, le 2 mai 1657, à la charge d'entretenir la chapelle et de payer une rente de 12 livres à l’hospice de Saint-Fargeau. Le bourg de Mezilles n'a jamais été fortifié, mais, indépen- damment de sa motte, son territoire était couvert de châteaux- forts qui pouvaient au besoin protéger efficacement les habitants contre les entreprises des routiers. Les manants de Mezilles, de leur côté, devaient guet et garde au château de Saint-Fargeau, mais ce droit, dès le xvre siècle, était converti en une redevance en argent qui s’affermait au profit du seigneur. L'église, sauf une partie du côté du nord, qui est du xn° siècle, est une construction du xvie. Le patron de la paroisse est saint Marien. Le bourg de Mezilles comprend aujourd’hui 26 hameaux, 3 moulins et 49 fermes ou maisons isolées. Pop.1,#67 habitants ; aggl. 48%. Etendue territoriale 5,245 hectares. Distance de Saint-Fargeau, son chef-lieu de canton, 40 kil.; de Joigny 40 ; d'Auxerre 34. L'ancienne grange des dimes de la cure de Mezilles est située au hameau de Champdolent, à 1,530 m. N. On l'appelle encore aujourd'hui l'Eglise. La fontaine de Saint-Marien, qui surgit au-dessous du hameau des Pismols, à 500 m. S.-E., attire, le jour de la fête de ce saint, un grand nombre de pèlerins de la Forterre. 30. MONTRÉAL. Fief à manoir, mouvant directement du château de Saint- Fargeau. Ce n’est plus aujourd’hui qu'une ferme de la commune de Ronchères, à 640 m. E. Pop. 8. Voir N°49. 31. MORELLERIE. Connu aujourd'hui sous le nom de Morillons, ferme de FT ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 317 Saint-Martin-des-Champs, à 4,240 m. N.-0., pop. 9; ce fief, relevant directement du château de Saint-Fargeau, était tomhé en roture au commencement du xvure siècle. (Acte de foi et hommage du 42 mars 1752.) 32. MoTte-pE-CHAMPLAY (La). Il à été suflisamment parlé, dans le cours de cette histoire, de ce fief sur les terres duquel il n'existe plus d'habitation. 33. MoTTE-pE-CHASSENAY (La). Nous n'avons aueun renseignement sur ce fief dont il a été fait hommage le 28 juillet 4615. Il n'existe plus, du reste, de lieu habité de ce nom dans le département de l'Yonne. 34. MorTe-pE-Napres (La) Ce fief, aujourd'hui sans habitation, était mouvant du château de Louesme. {Acte de foi et hommage du 24 février 1678.) 35. MotrE-ne-NEsvoy (La). Appelée d’abord la Motte de Navoy, de Nesvoy et de Névoy et enfin le fort d’Assigny, elle dépendait de la paroisse et était mouvante de la châtellenie de Mezilles. Ce manoir consistait, suivant un acte de 1723, en « château, € avec deux pavillons à chaque côté, non achevés de parfaire, la « cour et lé pourpris, clos et entourés de fossés, aû-dedans de « laquelle il y a un puits, ladite cour contenant un quartier ou € environ, à l’entour de laquelle il y avait de naguères deux € tours d'assez de remarque, avec pont-levis et planchette et € au-dessus duquel portail était une prison. Attenant ladite « cour, il y a une basse-cour, aussi d'autrefois entourée de «€ murailles ; à l’un des coins de ladite basse-cour il y a un co- « lombier en pied, édificié d'ancienneté, ladite basse-cour de € contenance d'un arpent et demi. Au-delà de laquelle basse- 318 HISTOIRE DE LA VILLE « cour, il y à une autre cour de trois arpents, à un des coins « de laquelle il y a une chapelle. » Ce fief avait droit de justice provisoire, jusqu'à soixante sous d'amende, et d'institution de greflier, procureur et sergent. Le prévôt, nommé par le comte de Saint-Fargeau, à qui appartenait la haute justice, devait prêter serment entre les mains du bailli du comté. La rivière de Branlin appartenait au seigneur de la Motte depuis le point où finit l’arrière-biez du Foulon-du-Chesne jusqu’au point où finit l’arrière-biez du moulin du Pré-Sec. Après avoir appartenu, au commencement du xvie siècle, à Jean d’Assigny, la Motte-de-Nesvoy appartint à Antoine de Manieux, écuyer, seigneur de Saint-Bault, et à Perrette Bailly, sa femme. A leur mort, elle fut d’abord indivise entre Antoinette de Manieux, épouse de Jean-Louis de Blosset, écuyer, seigneur de Fleury, Villiers, la Motte et Bassou, et Edme de Manieux, écuyer, seigneur de Saint-Bault et de Navoy, puis licitée, par un acte du 21 mai 1564, elle appartint enfin à ce dernier seul. Nous la trouvons ensuite entre les mains de Charles Cariot, comte d'Auménil ou Du Ménil, et de Marie Dombret, son épouse. Vendue sur décret aux requêtes du palais le 10 avril 4709, à François Le Meilleur, chevalier, seigneur de Kohervé, ancien lieutenant aux gardes-françaises, celui-ci en fit hommage le 21 août suivant. Son fils sans doute, François-Xavier Le Meilleur, en fit hommage à son tour le 17 septembre 1723. Nous trouvons enfin la Motte-de-Nesvoy indivise entre Antoine-Jean Gauné de Cazeau, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel de dragons et lieutenant des chasses de M5 le comte d'Artois, et Delphin- Edme-Bernard Gauné de Cazeau, son frère, chevalier de Saint- Louis, capitaine au régiment royal, ayant rang de lieutenant- colonel de cavalerie; mais celui-ci acheta les droits de son frère ET DU COMTÉ DE SAINI-FARGEAU. 319 par un contrat du 27 juillet 1776 et fit hommage de la totalité du fief le 25 novembre suivant. La Motte-de-Nesvoy est nommée aujourd’hui simplement le Fort. Château et ferme de Mezilles, à 4,600 m. E. Pop. 43. 36. MOTTE-DE-SEPTFONDS (La). Nous avons dit de ce fief, aujourd'hui inhabité, tout ce qui en est venu à notre connaissance, au chapitre Ier de la deuxième partie de cette histoire. 37. MOTTE-LEZ-SAINT-PRIVÉ (La). Le manoir de ce fief était une forteresse dont nous avons vu enlever les derniers vestiges en 1831. En 1501, ses ruines étaient telles déjà qu’on ne les considé- rait plus comme lieu habitable. La Motte-lez-Saint-Privé, connue depuis sous le nom de La Motte-Levault était assise sur l'emplacement qu'occupent la ferme de la Motte et ses dépendances. Elle avait droit de justice haute, moyenne et basse, institution et garde de justice et autres officiers, et de lever fourche ou gibet, pilori et piliers. Ses seigneurs se sont montrés très-jaloux de la conservation de ces droits. Les fourches patibulaires destinées à en maintenir la possession légale étaient élevées sur le tertre circulaire, entouré de fossés larges et profonds, que les officiers d'état-major ont relevé sous le nom de tumulus dans la carte du dépôt de la guerre. Un baïlli et un notaire ont exercé leurs fonctions, plus honorifiques que profitables, dans la châtellenie de la Motte jusque vers la fin du xvure sièele. Et comme, à cette époque, il n'y existait plus d'habitations, Me Joubert intitulait assez plai- samment ses actes : par devant le notaire au bailliage de la Motte-lez-Saint-Privé, demeurant, ex ATTENDANT, en la ville et paroisse de Saint-Fargeau. Les principaux seigneurs de ce fief sont Antoine Sorbiez, 320 HISTOIRE DE LA VILLE gouverneur de Dammartin ; il le donna, à titre de bail à eens, le 9 octobre 1501. Arnaud de Sardine en fit aveu, le 6 septembre 1529. Jean-Baptiste du Tillet, chevalier, marquis de la Bussière, baron de Pontchevron, conseiller du roi en ses conseils et prési- dent honoraire au parlement, en fit aveu le 2 octobre 1733, et Jean-Baptiste du Tillet, seigneur de la Bussière et d’Ecrignelles, le possédait encore en 1789. La Motte est aujourd'ui une ferme de la commune de Saint- Privé, à 4,600 m. S.-E. Pop. 7. 38. MoTTE-POoNcEAUX (La). Nommé d’abord la Motte de Mezilles, ce fief, mouvant directe- ment du château de Saint-Fargeau, a emprunté sa dernière appellation au nom de Guillaume Ponceaux, un de ses seigneurs, qui en à fait hommage en 140% à Robert de Bar. La Motte avait à cette époque des murailles et des fossés, dont il existe encore des ruines et des traces. Il nous a été possible de reconnaître un assez grand nombre de ses seigneurs. En voici la nomenclature : 1224, Renaud de Ratilly. 1404, Guillaume Ponceaux. 21 mai 156%, Edme d'Ymonville. % janvier 4618, Philippe de Maumigny, qui possède ce fief, le cède par voie d'échange à Claude de Beaujeu d’Angeville. 1635, Henri de Beaujeu, capitaine d'une compagnie de eava- lerie de son altesse royale. 5 mars 1694, Edme de Beaujeu, qui avait épousé Madeleine de Raganne. 1709, David de Beaujeu, fils du précédent, cornette dans le régiment de la cornette blanche 1752, Edme-Henri de Beaujeu, officier de cavalerie, pension- naire du roi, marié à Constance Teigny, qui lui à survécu. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 321 1758, David-Alexandre de Beaujeu, chevalier, fils du précé- dent. Il épousa le 28 novembre 1758 Marie-Angélique-Francoise Lemaigre, fille de Charles-Alexandre, seigneur de Saint-Maurice, et d'Augustine-Françoise Naulet. 1785, Edme-Henri de Beaujeu, marié à Angélique Destut, mort le 20 mars 1791. La Motte-Ponceaux forme aujourd'hui un petit hameau de Mezilles, à 1,080 m. S.-0. Pop. 14. 39. Mourws-Neurs :Les). Ce fief, sans manoir seigneurial, était situé paroisse de Lavau. Jacques Moireau le possédait en 1608. Il resta longtemps dans sa famille, car nous le trouvons plus tard en la possession de dom Edme Moireau, religieux barnabite, puis en celle de Marie et d'Anne-Charlotte Moireau, ses sœurs, qui en firent hommage le 27 avril 1707. Le Moulin-Neuf dépend de la commune de Lavau, à 2,740 m. Pop. 10. 40. NaïlLLy. Fief sans manoir féodal, dépendant de la paroisse et mouvant de la châtellenie de Mezilles. Il appartenait à la fin du xvure siècle à Roch Destut, écuyer, qui le transmit à Jacques Destut, son fils aîné, seigneur de Trivez, du Berceau et de Naïlly, et se maintint dans sa famille jusqu'à la fin du régime féodal, car il appartenait en 1785 à Angélique Destut, femme d'Edme-Henri de Beaujeu. Un des actes d'aveu de ce fief que nous avons eus à notre disposition en rappelle d’autres de 1335, 1343, 1376, 1378, 1506, 1538, 1545, 1617 et 164%. Naïlly est aujourd'hui une maison bourgeoise de Mezilles, à 1,900 m. Pop. 16. 41. PAILLARDERIE (La). Ce fief, situé sur la paroisse de Thou-en-Puisaie, était direc- 322 HISTOIRE DE LA VILLE tement mouvant du château de Saint-Fargeau. Charles-Gaston de Brezé et Rose de Ranclin, sa femme, le transmirent à Cathe- rine de Brezé, leur fille unique. Celle-ci avait épousé Jacques Terrier, qui fit hommage de ce fief le 42 octobre 1751 en prenant les qualifications d’écuyer, garde du corps du roi, chevalier de l'ordre de Saint-Louis, capitaine de cavalerie, seigneur de la Chaise, la Paillarderie et autres lieux, demeurant au château de la Chaise proche de Thou. 42. PorraiL (Le). Ce fief, sans manoir seigneurial, dépendait de la paroisse et relevait de la châtellenie de Mezilles. La cure du lieu était dans la cens du Portail et lui devait homme vivant et mourant. Les seigneurs connus du Portail sont: 1535. Robert Duchesne qui le vend à Guyon de Rochemontois. 1635. Henri 1694. Edme | 1752. Edme-Henri | de Beaujeu, comme à la Motte-Ponceaux. 1758. David-Alexandre 1785. Edme-Henri } I n°y a plus de lieu habité connu sous le nom du Portail dans la commune de Mezilles. 43. Poussirs (Les). Situé sur le territoire de la paroisse de Saint-Martin-des- Champs, ce fief relevait directement du château de Saint-Fargeau. Il n'avait point de manoir féodal et forme aujourd'hui une ferme de Saint-Martin, connue aussi sous le nom de Grand- Boulin, à 3,140 m. Pop. 8. Louis-Charles d'Assigny, chevalier, seigneur de Lain, possé- dait ce fief en 4782. Il en a été fait hommage le 24 octobre de ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 323 cette année, aux noms de ses enfants mineurs, par Hyacinthe- Elisabeth de Courvol, sa veuve. 44. PRUNELLES (Les). Fief sans manoir seigneurial, paroisse, prévôté et châtellenie de Mezilles. De 1635 à 1685, ses seigneurs sont les mêmes que ceux de la Motte-Ponceaux. Il n’y à plus d'habitation de ce nom au territoire de Mezilles. 45. Puits (Le). Ce fief, situé sur le territoire de la paroisse de Faverelles qui dépend aujourd’hui du département du Loiret, relevait de la châtellenie de Lavau. Il a été inféodé, suivant un acte du 28 avril 1594, par Henri de Bourbon à Lancelot du Puits, écuyer, son premier maitre d'hôtel, avec droit de haute, moyenne et basse justice. Le manoir construit sur les terres inféodées consistait en un corps de logis avec pavillon, tours, portail, pont-levis et donjon, le tout fermé de murailles et environné de fossés. La basse-cour, située en avant et également entourée de mu- railles, comprenait plusieurs bâtiments et un colombier. La terre du Puits formait anciennement quatre métairies ex- ploitant ensemble plus de 500 arpents de terre. Lancelot du Puits laissa cette seigneurie et celie de Faverelles à Jeanne du Puits, sa fille, femme de Samuel de Chary, cheva- lier, seigneur d'Huée, qui en fit hommage le 14 août 1648. Celle-ci le substitua, le 29 août 1678, au chevalier Gabriel- Hubert-Edme de Chabannes, son petit-fils, qui se trouvait encore mineur quand on dut en faire hommage en son nom le 30 juin 1703. Ce fief appartint ensuite à Armand Boucher, en 1749, puis à Pierre-Armand Boucher qui en fit hommage le 21 décembre 1782. 324 HISTOIRE DE LA VILLE 46. Purte-Musse. Nommé aussi La Finnerie, ce fief ne nous est connu que par un acte de foi et hommage du 16 avril 1777, rendu au comte de Saint-Fargeau, à cause de la châtellenie de Villeneuve-les-Genêts, par Germain Bines, curé de Beugnon au diocèse de Sens. La Finnerie est aujourd’hui une ferme de Villeneuve-les-Genets, à 3 k. N. Pop. 6. 47. ROME. Fief sans manoir dépendant de la paroisse et de la châtellenie de Mezilles ; il touchait, d’une part, à la Guespière près de Saint- Bault et, d'autre part, au ru de Rome. Il y à des aveux de 1486, 4506, 14545, 4519, 1571, 1584 et 1643. Saisi féodalement, faute d'homme, le 3 novembre 41643, il appartint le 6 novembre 1697 à Edme de Beaujeu. Il n’y a point, au territoire de Mezilles, de lieu habité de ce nom. 48. RONCHÈRES. Cette châtellenie n’a jamais été détachée du domaine des seigneurs de Saint-Fargeau. Paroisse du diocèse d'Auxerre seulement depuis le xvie siècle, Ronchères est une commune du canton de Saint-Fargeau, à 5 k. Sa distance de Joigny est de 46 et d'Auxerre 40. L'église a pour patron saint Fiacre. La cure était à la nomina- tion de l’évêque. La population de la commune, qui comprend aujourd'hui 5 hameaux et 45 fermes ou maisons isolées, est de 253 habitants ; aggl. 73. Son étendue territoriale est de 1,136 hectares. 49. SAINT-BAULT. Ce fief, qui appartenait à la paroisse, à la châtellenie et à la justice de Mezilles, avait, au xvre siècle, pour manoir féodal une maison-fort dont il ne subsiste plus qu'une tour. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 325 Il eut, au xve siècle, les mêmes maîtres que la Motte-de- Nesvoy. En 1600, il appartint à Judith de Manieux, comme héri- tière d'Edme de Manieux, son père, et fut saisi, faute d'homme, le 20 juillet 1637. Il appartint ensuite à Michel Dufaur qui laissa pour héritière une fille unique. Celle-ci étant morte, le fief de Saint-Bault fut recueilli dans sa succession par ses cousins-germains Michel Dufaur, deuxième du nom, chevalier, seigneur de Pierrelite, et Jean Dufaur, seigneur de Courcelles-le-Roi. En 1706, il était indivis entré Jean-Louis Dufaur, chevalier, seigneur de Cour- celles-le-Roi, Jeanne-Michelle Dufaur, épouse d'Henri d'Orléans, chevalier, seigneur de Croix, et Jeanne-Marie Dufaur, femme de Jean de Bonnestat, chevalier, seigneur de la Fontaine. Il fut possédé ensuite, nous ne savons à quel titre, par Louis- François-Philibert de la Verne, major da régiment de la reine, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, qui laissa pour héritière Catherine-Francoise de la Verne, femme de Louis- Achille du Deffant. Elle possédait ce fief en 1730. Enfin Loup_ Eustache-Francois, comte du Deffant, le vendit le 9 mars 1765 à Charles-Edme Berthelot de la Villeurnoy, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Lôuis, commissaire provincial hono- raire et ordonnateur des guerres, ancien inspecteur général des milices et grenadiers royaux. Le nom de ce fief est souvent orthographié Simbaux et Cimbeaux. C'était originairement sans doute Saint-Bon, Sanctus-Baldus. 50. SAINT-FARGEAU. Aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Joigny, à 50 kil. de cette ville et 44 d'Auxerre. Population, 2,489 habi- tants; aggl. 4,914. Etendue territoriale, 5,080 hectares. La commune comprend 13 hameaux, 6 moulins et 28 fermes ou maisons isolées. 326 HISTOIRE DE LA VILLE Le hameau de Bourdon, à 5 k. S.-E., se compose d’un moulin à piler le laitier provenant d'un haut-fourneau autrefois situé en ce lieu et dont les débris, répandus dans les champs d’alentour, servent à émailler la poterie de terre de Treigny et de Saint- Amand, et d’une scierie mécanique dont les principaux produits sont des perches à treillage. Le petit ruisseau qui passe au hameau de Breuillambert, à 2,850 m. S., est appelé Boistrou dans un acte de 1748. Le hameau des Güirauds, à 2,440 m. S., comme beaucoup d’autres lieux de la Puisaie, a tiré son nom de celui d’une famille. Le dernier membre de la famille Giraud est M. Pierre- _ Augustin Giraud, né à Saint-Fargeau le 12 avril 1794, auteur de plusieurs ouvrages, notamment : Dictionnaire de la géo- graphie physique et politique de la France. Troyes, Bouquot, 2 vol. in-8°. — Dictionnaire de toutes les villes et de toutes les communes de France. 3 vol. grand in-4°. — Bibliographie historique et topographique de la ville de Paris. Paris, 1847, in-8°. 51. SaIxT-MARTIN-DES-CHAMPS. Châtellenie à clocher connue seulement depuis le xvie siècle, époque où cette partie du domaine des seigneurs de Saint-Fargeau fut, sans sortir de leurs mains, érigée en paroisse du diocèse d'Auxerre. On peut même croire que Saint-Martin a simplement remplacé l'ancienne paroisse de Blandy dont l'existence nous à été attestée par un bail de la terre de Saint-Fargeau au xvure siècle. L'église, consacrée à saint Martin et qui a succédé sans doute à une chapelle sous le même vocable, à donné son nom à la paroisse. Ellé a été construite à l'époque de transition, vers le milieu du xvie siècle, et elle n’est, dans son ensemble, qu'une mauvaise, imitation de l’église de Saint-Privé. Le fronton est ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 327 triangulaire ; la porte en anse de panier, et le tympan, surmonté d'un œil de bœuf,sans meneau. L'abside est à chevet plat. L'ogive est associée au plein-ceintre sans symétrie et le clocher qui sort des combles s'élève en flèche octogone. C’est du reste une solide construction à trois nefs voütées en pierre. La nef principale et le collatéral sud ne manquent ni de grâce ni d’élévation, mais le collatéral nord est bas et écrasé. Foudroyés le 21 août 1708, l'église et le presbytère de Saint- Martin ont éprouvé des dégâts considérables, et c’est de cette époque que date l’inclinaison de la flèche, qui semble braver depuis un siècle et demi, toutes les lois de l'équilibre. La cure était à la nomination de l'évêque. Saint-Martin-des-Champs est une commune du .canton de Saint-Fargeau, à 4 kilomètres de cette ville: 53 de Joigny et 7 d'Auxerre. Elle a 568 habitants, aggl. 482, et comprend 13 hameaux, 4 moulin, 1 forge et 18 fermes ou maisons isolées. Son étendue territoriale est de 3,422 hectares. La Forge-Colin, à 1,500 m. N.-E., convertit en fer de vieilles ferrailles et des gueuses tirées de Donzy. 52. SAINT-PRIvVÉ. Cette châtellenie à clocher est restée constamment unie au fief dominant. Elle en fut séparée, il est vrai, vers 4347, par le partage des biens de Jeanne de Toucy, mais Pierre de Bar, dans le lot de qui elle fut placée, la céda aussitôt à son neveu Édouard : de Bar, en sorte que le démembrement n'eut point eflectivement lieu. L'église, dont nous avons suflisamment parlé, est placée sous le vocable de saint Privat. La cure était à la présentation de l'évêque. Ancienne paroisse du diocèse d'Auxerre, Saint-Privé est aujourd'hui une commune du canton de Bléneau, à 5 kil. de cette ville; 57 de Joigny, et 51 d'Auxerre. 328 HISTOIRE DE LA VILLE Sa population est de 1,013 habitants ; aggl. 386. On y compte 7 hameaux, 3 moulins et 50 fermes ou maisons isolées. Etendue territoriale 4,141 hectares. 53. SALLES (Les:. Ce fief, mouvant directement du château de Saint-Fargeau, était situé sur le territoire de Bléneau où il est représenté aujourd'hui par une ferme à 2 k. E. Pop. 8. Il appartenait au xvure siècle, comme nous l'avons vu, à l'un des membres de la maison de Courtenay, et il en a été fait hommage le 5 juin 4615 à mademoiselle de Montpensier. 54. SEPTFONTS. Le nom de Septfonts n'apparaît dans la liste des paroisses du diocèse d'Auxerre que vers le xvie siècle. Son nom latin, Septem-Fontes, n'indique pas une origine bien ancienne. Ce- pendant on a découvert, dans des fouilles faites dans une partie du cimetière vendu révolutionnairement, plusieurs corps placés sur des massifs de maçonnerie et des débris de mosaique en ciment de couleur, ce qui indique du moins l'existence en ce lieu d’une église antérieure au xre siècle, qu'aurait remplacée l'église actuelle, consacrée à saint Pierre. La cure était à la nomination de l’évêque diocésain. La châtellenie de Septfonts a appartenu à Blanchet Braque, seigneur de Saint-Maurice-sur-Averon, de Chätillon-sur-Loing et de Courcelles-le-Roï. l’a transmise à Jeanne Braque, sa fille unique, mariée à Pierre IIT de Courtenay, lequel mourut en 1411, laissant un fils unique sous le nom de Jean IV. Jeanne Braque épousa en secondes noces le sire de Saligny. Elle en eut une fille unique qui épousa Guillaume IL de Coligny et mourut vers 1450 laissant plusieurs enfants mineurs. Le partage de la succession de Jeanne Braque, aïeule de ceux-ci, ayant eu lieu en 1454, avec Jean IV de Courtenay, leur oncle, il leur fut attribué les ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 329 seigneuries de Châtillon-sur-Loing, d’Aillant-sur-Milleron, de Dannemarie-en-Puisaie, de Zouray, de Saint-Denis, de Barbe- rouville, de Septfonts et de Mienne. Depuis, la seigneurie de Septfonts est rentrée dans le domaine des seigneurs de Saint- Fargeau et demeurée constamment unie à la terre suzeraine. Septfonts est aujourd'hui une commune du canton de Saint- Fargeau, à 7 kil. Popul. 325; aggl. 81. Elle est distante de Joigny de 45 kil. et d'Auxerre de 39. Son étendue territoriale est de 1,801 hectares. On y compte 8 hameaux et 41 fermes ou maisons isolées. 55. TANNERRE. Châtellenie à clocher, dont il est fait suffisamment mention dans cette histoire. Elle était directement mouvante du château de Saint-Fargeau et dépendait comme paroisse du diocèse de Sens. Son église est sous le vocable de Saint-Martin de Tours. La cure était à la nomination de l'archevêque. Eustache Dupé, qui succéda à son père comme seigneur de Tannerre, prit le titre de baron. Il était chevalier en 4606 et enseigne de la compagnie des gardes de Monsieur en 4613. Il avait épousé Anne Hallevin et mourut vers 1631, Tanperre continua, sous ses successeurs, à porter le titre de baronnie. Il appartint à ses deux filles ; d'abord à Madeleine, née le ? septembre 4612 et mariée à Henri de Boulainvilliers, puis à Francoise, née en 1613 et mariée à Jean-Henri de la Salle. Roger de la Salle, leur fils, écuyer, était baron de Tannerre en 1645. Depuis, cette terre changea si fréquemment de maîtres que nous avons pu avec peine en suivre la trace. Ce fut d’abord Henri Mathé, fils de Hugues, seigneur de Vitry-la-Ville, encore mineur en 1669 et écuyer en 1702. La baronnie de Tannerre avait été saisie sur lui faute d'hom- 22 330 HISTOIRE DE LA VILLE mage, et il l'avait vendue, avant d’en avoir fait aveu, à Nicolas de Boinvilliers, sur qui elle fut saisie pour dettes. Claude Forcadel, seigneur de Velledieu, nommé commissaire à l'administration du fief, en fit aveu, au nom du saisi, le 47 août 4703. Il appartint ensuite à Francçois-Pierre-Louis des Barres, conseiller du roi, qui en fit aveu le 42 septembre 1713; puis à Charles-Edme Berthelot de la Villeurnoy, écuyer, mousquetaire du roi, commissaire provincial des guerres ; à Bénigne le Ragois, chevalier, marquis de Bretonvilliers, maréchal de camp des armées du roi, ancien maître de camp du régiment Dauphin, cavalerie, qui mourut à Tannerre le 27 août 1760; enfin à Claudine-Augustine le Ragois de Bretonvilliers, sa fille, mariée à Bénigne-Henri Sacriste de Tombebœuf, officier au régiment des gardes françaises. Tannerre est aujourd'hui une commune du canton de Bléneau, à 16 kil. Pop. 988; aggl. 288. Sa distance est de Joigny et d'Auxerre de 39 kilom. On y compte 24 hameaux, 4 forge, 2 moulins et 14 fermes. Etendue territoriale 2,893 hectares. Le hameau de La Chapelle, à 5 k. E., situé sur les territoires de Dracy, de Villiers-Saint-Benoît et de Tannerre, a tiré son nom d'une ancienne chapelle desservie, certains jours de l'année, par le curé de Septfonts, à qui les habitants étaient obligés de conduire un cheval jusqu’au ruisseau de La Patouille, près du moulin de Béon. La forge de Tannerre, à 500 m. O., avait autrefois un haut fourneau. On en recherche encore aujourd'hui le laitier qui s'emploie à émailler la poterie commune. Le hameau des Ruisseaux, à 2 k. S., est un ancien fief dont une famille a porté le nom. Il existait, à 500 mètres environ au nord de la ferme de ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 331 Beauregard, sur le chemin de Louesme, une chapelle sous le vocable de saint Lazare, dont l'emplacement est marqué au- jourd’hui par une simple croix. La dévotion attire chaque année en ce lieu, le vendredi avant la Passion, un assez grand nombre de pèlerins qui viennent implorer la protection du saint pour obtenir la guérison de quelques maladies, pendant que des marchands y établissent leur petit commerce. La procession part de l’église paroissiale, avec eroix ét bannières, et revient y terminer la cérémonie. 56. TESTU. Le fief Testu ne nous est connu que par un acte du 24 novem- bre 1769, par lequel le comte de Saint-Fargeau en exerca le retrait féodal sur Edme-Charles Berthelot de la Villeurnoy. 57. TREMELLÉRIE (La). Ce fief de la paroisse de Saint-Privé avait pour manoir un château fortifié de tours et de remparts, qui couronnait la butte située au sud-est du bourg. Ce château, dont il reste de notables débris, défendait avec la forteresse de la Motte le passage de Saint-Fargeau à Montargis. Le grand chemin, après avoir passé entre la rivière ei la Motte, comme la route actuelle, coupait le bourg près de l’église, longeait les murs de la Trémellerie et l’ancien cimetière, placé au devant de cet édifice, et gagnait Bléneau par la rive gauche du Loing. Voici les possesseurs de ce fief pendant le xvnre siècle : Edme Moireau, conseiller du roi et son avocat au bailliage et siége présidial de Montargis, le transmit à ses trois enfants : Edme, Anne et Marie, et ces deux dernières en firent aveu, le 6 mai 4705, après La mort de leur frère, religieux barnabite. Jean-Edme Peyneau, seigneur de Planey, qui le posséda ensuite, épousa, le 23 janvier 4830, Catherine Durand de Blouzac, fille de messire Louis Durand de Blouzae, chevalier, 332 HISTOIRE DE LA VIILLE président trésorier de France au bureau des finances de Guyenne. À sa mort, la Trémellerie appartint à sa veuve, aux termes d’une transaction du 7 avril 4731, et elle en fit aveu le 17 mai suivant. La dame de la Trémellerie épousa, en secondes noces, Claude- Etienne Guériot, receveur des tailles, à Châlons, vers 1755, et, longtemps après, elle vendit ce fief à Philippe-Alexis Bureau de Servandy, receveur général des finances, à Châlons. Ce nouveau propriétaire étant mort avant la réalisation de cette promesse de vente, elle fut convertie en contrat, le 29 jan- vier 477%, en faveur des héritiers Bureau de Servandy; Antoinette-Maurice Bureau de Servandy, femme de Jean-Louis Millon d'Anival, écuyer, receveur général des finances, à Paris, et Augustin-Marie Jacobé de Faremont, écuyer, receveur des tailles, à Châlons. Claude Navier du Coudray posséda la Trémellerie après ceux- ci et en fit aveu le 18 décembre 1780. Ce fief, qui mouvait directement du château de Saint-Fargeau, est aujourd'hui une maison bourgeoise qu'on peut considérer comme faisant partie du bourg même de Saint-Privé. : 58. VACHERESSE. Ce fief était situé sur le territoire de Tannerre et mouvait de cette châtellenie. C’est, comme nous l'avons dit, sur ses terres que s’est formé le hameau des Cottez à 2,500 m. N. Pop. 50. 59. VESssy. Vessy, paroisse de Mezilles, avait une maison-fort au xvi° siècle. Son manoir, au xvine, était composé d’une maison basse, entourée de fossés, avec pont-levis et murailles. Situé sur le ruisseau de Branlin, le fief de Vessy avait droit de justice jusqu'à soixante sous d’amende et relevait de la seigneurie de Mezilles. En 1531, il appartenait à Jean d’Assigny, seigneur de Moulins- — ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 3933 en-Puisaie, qui avait épousé Perrette Le Chantier. André d’Assigny, curé de Saint-Privé, un de leurs enfants, le recueillit de leur succession et la possession lui en fut conservée par une transaction du 48 décembre 1569, intervenue entre lui et Paule de Chaumont qui avait épousé son père en secondes noces. Ce fief appartint ensuite à André d'Assigny, neveu du précédent sans doute et époux d'Edmée de Saint-Quantin ; il fut vendu le 49 juin 4573 à François d'Assigny, seigneur de Maigoin. À partir du xviue siècle, Vessy a eu les mêmes seigneurs que le fief des Violettes. C’est aujourd'hui une ferme et un moulin de Mezilles, à 4,800 m. Pop. 40. 60. VILLARS. Suivant le vidimus d'un acte de foi et hommage rendu à mademoiselle de Montpensier le 22 mai 1615, ce fief aurait été dans la mouvance directe ou indirecte du château de Saint- Fargeau. Nous avons acquis, d’autre part, la preuve qu'il relevait de la baronnie de Champignelles. Cette contradiction du reste n’est peut-être qu'apparente, car les terres réunies en corps de domaine, sous un même nom, pouvaient avoir une mouvance différente, et l’on peut supposer qu'une partie de celles de Villars avaient été détachées de la seigneurie voisine de Villeneuve-les-Genets. Villars est aujourd'hui un petit hameau de Champignelles, canton de Bléneau, à 3 k. S. Pop. 13. 61. VILLENEUVE-LES-GENETS. Cette châtellenie a appartenu à la maison de Courtenay, dès l’origine des temps féodaux. Elle a fait partie de la paroisse de Champignelles, diocèse de Sens, jusqu’en 1217. A cette époque, Robert de Courtenay, l'un de ses seigneurs, la fit ériger en paroisse, sous le nom de La-Ville-Neuve-des-Genets, VILLA 334 HISTOIRE DE LA VILLE NOVA GENESTARUM, qui a remplacé celui de La Chapelle-des- Genets, nom que ce hameau avait porté jusque là. Robert de Courtenay eut pour successeur à cette châtellenie son fils Raoul, comte de Chietti, qui épousa, vers 1247, Alixe de Montfort, dont il n'eut qu’une fille nommée Mahaut. Celle-ci, laissée fort jeune en France lorsque son père partit pour l'expédition de Naples, se rendit en 1270 à la cour du duc d’Anjou devenu roi. Elle y recueillit la succession de son père en 1272, y épousa, en 1284, Philippe, fils puîné de Guy, comte de Flandre et de Mahaut de Béthune, et y mourut sans enfant en 4300. La seigneurie de Villeneuve-les-Genets échut alors en partage à Jean de Courtenay, seigneur de Champignelles, qui la céda bientôt à Jean de Châlon, comte d'Auxerre et de Tonnerre. Celui-ci en fit donation, en 4308, à Jean HI de Courtenay, son petit-neveu , fils de Jean I, seigneur de Champignelles, et de Jeanne de Sancerre. Leur sixième fils, Pierre de Courtenay, écuyer, destiné d’abord à l'église, puis marié à Marguerite de la Louptière, succéda à son père comme seigneur de Villeneuve, vers 4331, et mourut le 7 septembre 1348 en laissant cette seigneurie à Jeanne de Courtenay, leur fille. Jeanne épousa, en 41362, Jean de Beaumont, chevalier, seigneur du Coudray-en-Berry, qui fut condamné à mort, pour crime de lèse-majesté, et eut la tête tranchée le 6 septembre 1367. Une autre enfant de Pierre de Courtenay, Isabeau, épousa Guillaume, sire de Rogny, seigneur d’Autry et de Cours-les- Barres, à qui elle apporta en dot la châtellenie de Villeneuve-les- Genets. Eudes de Rogny (1), né de cette union, avait moins de dix-huit (1) On disait alors Roigny. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 335 ans quand il succéda à son père vers 4380. Il fit hommage de Villeneuve, en son nom personnel, le 20 juillet 4388. Quant à sa mère, elle s’affranchit vite de l’état de veuve. Le sang royal qui coulait dans ses veines n’avait pas rendu son cœur inaccessible à l'amour démocratique; elle s’éprit, pour un vilain, de la plus violente passion. Peu de temps après, Eudes se trouvait à Villiers-Saint-Benoît avec les ofliciers d’un corps de troupe qui y séjournait en passage. Rogny et ses frères d'armes étaient à table, et la plus franche gaîté, unie aux plus libres allures, compensait largement ce qui pouvait manquer au festin. Un visage, toutefois, était resté soucieux et sombre; c'était celui d'Eudes de Rogny. Bientôt cependant le dialogue suivant s'établit : € Ha ! ça, » dit un des joyeux convives, « estes vous touiours « si troublez et mélancolieux, comme il semble à ceste heure ? &— Touiours et telement queie ne puis faire bonne chière et « que ie ne me ose pas souvent veoir entre gens donneur. € — Et pourrions-nous, Roigny, savoir pourquoi ? «€ — Triste histoire! mes bons amis. € — Parlez, Roigny, nous serons graves se il le faut. €— Quand mon père fut allé de vie à trépassement, ie cuidois € que ma mère, qui est du plus grand lignage du païs se deust € remarier notablement à l'onneur d'elle et de moi. « — Eh ! bien ? €— Eh! bien, comprenez si ie fus moult, eshahy, courrouciez € et honteux quand i’appris que ma mère, sans considérer le € grand lieu et noblesse dont elle estoit issue et descendue, avoit { espousé..…. un homme de très petit et vil estat...… UN € FERRON | » (1) (4) Maréchal ferrant. 336 HISTOIRE DE LA VILLE En ce moment, la figure sombre d’Eudes de Rogny prit un aspect terrible. « — Vous estes courrouciez et devez l’estre, mais le nom, s’il « vous plaît, de ce maudit ferron ? « — C'est un nommé Henriet Eullet, de Ferrières en Gasti- « nois, qui, par son malice et decevance, a espousé ma mère et « me fait si grant honte et courroux. « — Encore un mot! Où demeure Henriet Eullet? « — En l'hostel de ma mère, à Villiers-sus-Toulon. € — Maintenant nous pouvons vous vengier | «€ — Ah! bien vouldrois être vengiez | « — Monstrez-le nous donc ou faites monstrer; nous en « cheuirons bien. » Eudes, aussitôt, fit appeler le sieur Perrin, dit le Regnat, valet de ferme, natif de Moutiers-en-Puisaie, et le chargea de conduire ses amis à Villiers-sur-Tholon et de leur désigner Henriet Eullet. Lui-même les suivit à distance et fit en sorte, sans paraître ostensiblement dans cette affaire, d’être témoin des événements. Les hommes de l'expédition arrivèrent bientôt en la demeure d'Eullet, et, aussitôt que Perrin le leur eut signalé, ils se ruèrent sur lui et le frappèrent tant et si bien qu'ils le laissèrent mort sur la place. La justice disait alors : Ce n’est rien : C’est un vilain qu’on tue! Elle ne s’émut pas de ce lâche assassinat. Eudes reprit tranquillement son service, et sa mère se consola en épousant Pierre de Latour, écuyer, issu d’une noble maison. Rogny se distingua dans la carrière des armes et fut nommé chevalier ; puis, songeant que la justice, qui s’était endormie par système, pourrait s’éveiller tardivement, par caprice, il sollieita ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 391 tant pour lui que pour Perrin, son complice, des lettres de grâce que Charles VI leur accorda en 1390, de sa certaine science, autorité royale et grâce espéciale. En 1392, nous trouvons encore un acte d’aveu de Villeneuve- les-Genets par Eudes de Rogny, mais, depuis, le sort de cette seigneurie reste inconnu, jusqu'au moment où nous la trouvons entre les mains de Jacques Cœur sur qui elle fut confisquée en 1453. À partir de cette époque, elle a appartenu, sans inter- ruption, aux mêmes maîtres que la terre de Saint-Fargeau. L'église de Villeneuve, construite au commencement du xui° siècle et dédiée à la Sainte-Vierge, est arrivée jusqu’à nous à peu près dans son état primitif. C'est une simple nef à chevet plat, sans voûte, et éclairée par de petites baies, les unes à plein cintre, les autres à peine ogivales, toutes à chanfrein, et à claveaux d’inégale largeur. La porte, qui s'ouvre dans le pignon ouest, est Sans Caractère architeetonique, mais la fenêtre super- posée décrit un trilobe sous un are ogival et semble moins ancienne que celles de la nef. Le clocher, élevé en flèche octogone et construit en charpente partant de l’aire même de l’église, y a été introduit au xvre siècle. La cure de Villeneuve était à la nomination de l'archevêque de Sens. Villeneuve-les-Genets est aujourd’hui une commune du canton de Bléneau. Sa population est de 817 habit., aggl. 188. Sa distance est, de Bléneau 43 kil.; de Joigny 43 et d'Auxerre 42. On y compte 16 hameaux, 2 moulins et 25 fermes ou maisons isolées. Etendue territoriale 2,468 hectares. C'est sur les terres de la ferme des Grandes-Mottes, à 500 m. S.-0., que se trouvait au milieu d’un étang la motte féodale de Villeneuve, dont la butte est très-distinete encore. , 62. Viorerres (Les). Ce fief, appelé plus tard Misière, Coeslière, Derry et les 338 HISTOIRE DE LA VILLE Grenons, a pris le nom de la Vizceurnoy en vertu de lettres royales données à Versailles au moins de juin 1765, enregistrées en la chambre des comptes le 48 juillet suivant. Il dépendait de la paroisse de Mezilles et relevait en plein fief du château de Saint-Fargeau. A la fin du xvire siècle, Michel Dufaur, premier du nom, était en possession de ce fief qu’il laissa à sa fille unique. Celle-ci eut pour héritiers deux cousins germains, Michel Dufaur, deuxième du nom, chevalier, seigneur de Pierrefite, et Jean Dufaur, seigneur de Courcelles-le-Roi, mais, dans le partage de la succession, il fut attribué au premier qui le transmit à ses trois enfants, ainsi que le constate un acte du 21 octobre 4706, Jean- Louis Dufaur, chevalier, seigneur de Courcelles-le-Roi ; Jeanne- Michelle Dufaur, épouse de messire Henri d'Orléans, chevalier, seigneur de Croix, et Jeanne-Marie Dufaur, épouse de Jean de Bonnestat, chevalier, seigneur de la Fontaine. Louis-Francçois-Philibert de la Verne, major du régiment de la Reine, chevalier de Saint-Louis, qui posséda ensuite ce fief, le {transmit à Catherine-Francoise de la Verne, sa fille, femme de Louis-Achille du Deffant, chevalier, seigneur de Vessy, des Grenons et de Saint-Bault, et ceux-ci en firent hommage le 21 novembre 1730. Nous le trouvons, au mois de mars 4765, entre les mains de Loup-Eustache-Francois Comte du Deffant, puis, le 4 septembre de la même année, Charles-Ednie Berthelot de la Villeurnoy, chevalier, seigneur de la Roche, commissaire pro- vincial honoraire et ordonnateur des guerres, qui l’avait acquis quelques mois auparavant de ce dernier et qui avait obtenu les lettres patentes dont nous avons parlé, en fit hommage au comte de Saint-Fargeau. Ce nouveau seigneur constitua ce fief en dot à Charles- Honorine Berthelot de la Villeurnoy, son fils, par son contrat de ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 339 mariage, du 29 janvier 1776, avec Charlotte-Claude Droyin de Vaudeuil, à qui il fut cédé le 25 octobre 1799, après la mort de son mari, pour le remplir de ses reprises. Il est représenté aujourd'hui par le petit hameau des Grenons, commune de Mezilles, à 4 k. N. O. Pop. 16. À. $ I. ARMORIAL DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. D'Ansou-MÉziÈRES, maison qui a possédé le comté de Saint-Fargeau. D'azur à trois fleurs de lis d'or, brisé d'une barre d'argent, à la bordure de queules. (Thaumas de la Thaumassière, histoire du Berry, et sceaux des chartes du comté de Saint-Fargeau.) Les armes de cette famille, dans les verrières de l’église de Mézières-en-Brenne, porte le semé de France, ce qui est une erreur. ARNAUD DE SARDINE, Maison qui à possédé le fief de la Motte-Levault, n° 37. D'or à la bande d'azur chargée de trois sardines d’ar- gent. (Jouffroy d'Eschavannes, arm. univ.) D'AssiGny, maison qui a possédé les fiefs de Montréal et du Fort, n°* 30 et 35. D’Hermines au chef de queules charge dune vivre d’or. (Catalogue des élus aux états de Bourgogne, 1760.). DE Bar, maison qui a possédé la seigneurie de Saint- Fargeau et pays de Puisaie. D'azur semé de croix recroissettées, au pied fiché, l'écu chargé de deux bars adossés, le tout d’or. (Père Anselme, hist. généal. de la mais. de France.) 340 D. D 10. 14. HISTOIRE DE LA VILLE De BEaurrREMoNT, maison qui a possédé la châtellenie de de Bléneau, n° 3. Vairé d'or et de queules. (Diet. de la nobl. et généal. de la mais. de Vergy.) L'encyclopédie méthodique dit seulement vairé, et l'arm. de la généralité de Paris, 1696, porte varé de gueules et d'argent. DE BEAUJEU, maison qui a possédé la seigneurie de la Guilloterie, de Montréal, de la Motte-Ponceaux et du Portail, n° 19, 30, 38 et 41, etc. D'argent à 5 fasces de queules. (De Caumartin, et d'Hozier, I, p. 56. DE BEaumonr, maison qui à possédé la châtellenie de Villeneuve-les-Genets. D'azur au lion d'or. (Dict. de la noblesse.) BERTHELOT, maison qui a possédé les fiefs de Tannerre et des Violettes, n° 55 et 62, etc. D'azur au chevron d'or accompagné de trois besans de même. (Dict. de la noblesse.) Boucuer, maison qui a possédé la seigneurie du Puits, n° 45. D'argent à trois écrevisses de queules, 2 et A. (D'Hozier, arm. gén.) DE BouLAINviLLiERs, maison qui a possédé la châtellenie de Tannerre, n° 55. D'argent à trois fasces de queules. (Palliot, science des armoiries.) De BourBon-MonrPEnsier, maison qui a possédé le duché de Saint-Fargeau. 12. 13. 14. 16. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 341 D'azur à trois fleurs de lis d'or, 2 et 1, au bâton de gueules péri en bande, chargé d'un dauphin d'azur. (Thaumas de la Thaumassière, histoire du Berry.) Suivant le père Anselme, hist. gén. de la mais. de France, le bâton serait chargé d’un croissant d'argent. Les ducs de Saint-Fargeau de cette maison, dauphins d'Auver- gne, ont pris réellement un dauphin pour brisure. De BourBonx-ORLÉANS, maison qui a possédé le duché de Saint-Fargeau. D'azur à trois fleurs de lis d’or, 2 et À, au lambel d'argent de trois pendants. (Palliot, science des armoiries.) MapeMoiseLLe, dans les sceaux du duché de Saint-Fargeau, portait simplement de France, dans un écu en losange. BRAQUE, maison qui à possédé la seigneurie de Septfonts, n° 54. D'azur à la gerbe d’or, liée de queules. (D'Hozier, arm. génér., V. —.) Bureau DE LA RivièRE, maison qui à possédé la châtellenie de Tannerre, n° 55. D'azur au chevron de sable potence et contrepotencé d'or, accompagné de trois buires de même. (Père Anselme, hist. généal. de la maison de France.) De Burix, maison qui a possédé le fief de la Grange- Hartuis, no 18. D’azur à trois annelets d'or 2 et À. (Arm. de la gén. de Paris, 4696.) De CaumONT-LAUZUN, maison qui à possédé la seigneurie de Saint-Fargeau et pays de Puisaie. Tiercé en bande, d'or, de queules et d'azur. (Père Anselme, hist. généal, de la mais. de France.) 342 17. 18. 19. HISTOIRE DE LA VILLE De CHABANNES, maison qui à possédé la seigneurie de Saint-Fargeau et pays de Puisaie. De gueules au lion d'hermines, armé, lampassé et cou- ronné d'or. (Père Anselme, hist. généal. de la mais. de Fr.) De Caron, maison qui a possédé la seigneurie de Villeneuve-les-Genets, n° 61. De queules à la bande d'argent. (Père Anselme, hist. généal. de la mais. de France.) Cour, maison qui à possédé la seigneurie de Saint- Fargeau et pays de Puisaie, D'azur à la fasce d’or chargée de trois coquilles de sable et accompagnée de trois cœurs de queules, 2 et A. (Plafond de l’hôtel Jacques-Cœur à Bourges.) Palliot dit les cœurs d'or, et le dict. de la noblesse n'indique pas leur existence. De CoziGny, maison qui a possédé la seigneurie de Sept- fonts, no 54. De queules à l'aigle d'argent, becquée, membrée et couronnée d'azur. (Père Anselme, hist. généal. de la mais. de France.) De Courrenay, maison qui a possédé les châtellenies de Bléneau, du Coudray et de Villeneuve-les-Genets, n° 3, 10 et 61. D'or à trois tourteaux de queules. (Du Bouchet, hist. généal. de la mais. de Courtenay.) Crozar, marquis de Châtel, qui a possédé la seigneurie de Saint-Fargeau et pays de Puisaie. De queules au chevron d'argent, accompagne de trors étoiles de même. (Père Anselme, hist. généal. de la mais. de France.) 23. 24. 26. 28. ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 343 Davau, maison qui a possédé le fief de Dannery, no 43. D'azur au chevron cousu de sable, accompagné de trois coquilles d'or. (Monument de l'église d'Ouanne.) Du Derranr, maison qui a possédé le fief du Buisson-du- Deffant, de Dannery et des Mazures, n°® 4, 13 et 26. D'argent à une bande de sable, accompagnée en chef d’une merlette de même. (Vertot, et arm. de la généralité de Paris, 1696.) Desrur, maison qui a possédé les fiefs de la Garenne et de Naïlly, nos 17 et 40. Ecartelé au À et x d’or à trois pals de sable ; au 2 et 3 d’or à uncœur de queules. (Cat. des élus aux états de Bourgogne et Vertot.) Dupé, maison qui a possédé la seigneurie de Louesme et celle de Tannerre, n°5 22 et 55. De queules à trois lions d'argent, armés, lampassés et couronnes d'or. (Jouffroy d'Eschavannes, arm. univ.) Le dictionnaire héraldique dit : de queules à trois lion- ceaux d'argent, et l'armorial de la généralité de Paris, en 1696 : de queules à trois lions d'or. De HezLporr, maison qui à possédé la seigneurie de Louesme, no 22. D'argent à un demi-âne de sable coupé et contourné, la coupure et taillure de queules dégoutant de sang. (Walson, p. 314.) GAUNÉ DE CAZEAU, maison qui a possédé le fief du Fort, n° 35. D'or à l'aigle de sable; au chef d'azur chargé d'un croissant d'argent accosté de deux étoiles de même. (Sceau de la famille.) 344 29. 30. 31. 33. HISTOIRE DE LA VILLE Guyor, maison qui a possédé le fief dela Cormerie, n° 9. D'argent à trois bandes de gueules. (Arm. de la gén. de Paris, 1696.) Haupny, maison qui a possédé la châtellenie de Bléneau, n° 3. D'azur à la gerbe accompagnée en chef d'un aigle de profil, à senestre, fixant un soleil naissant à dextre, le tout d'or. (Jouffroy d'Eschavannes, arm. univ.) LarcHer, maison qui a possédé le fief de Crozilles, n° 42. D'azur ou chevron d’or, accompagné en chef de deux roses d'argent et en pointe d’une croix de Lorraine de même. (Arm. de la gén. de Paris, 1696.) LereLeTier, maison qui a possédé le comté de Saint- Fargeau. D'azur à la croix pattée d'argent chargée en cœur d'un chevron de gueules, en pointe d'une rose de même bou- tonnée d'or, et, sur la traverse de là croix, de deux mo- lettes de sable. (Sceau de la famille, litre de l'église de Saint-Fargeau et annuaire de l'Yonne.) C'est par erreur que l’arm. de la génér. de Paris, 1696, figure une croix pleine et que l’armorial du Nivernais n'in- dique pas que la rose est boutonnée d’or. Le Racois De BRETONVILLIERS, Maison qui a possédé la châtellenie de Tannerre, n° 55. D'azur à l'aigle d'argent tenant à la serre dextre un rameau d'or, au chef d'argent chargé de trois faucilles de queules. (Pailiot, science des armoiries.) 34. 35. 36. 38. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 345 L'arm. de la gén. de Paris, 1696, ne fait pas mention du chef, mais il ajoute avec raison que l'aigle est essorant. De Monrrerrar, maison qui a possédé la seigneurie de Saint-Fargeau et pays de Puisaie. D'argent au chef de queules. (Palliot, science des armoiries.} PERRELLE DE VERTAMONT, maison qui à possédé le fief de la Grange-Hartuis, no 18. D'argent à un chevron de sable chargé de cing mou- chetures d'hermine d'argent et accompagné de trois hures de sanglier de sable lampassées de queules. (Arm. gén. de Paris, 1696.) D'après le même armorial, Marie-Jeanne Lemaigre, d’une famille de Saint-Fargeau, femme d’André-Pierre de Verta- mont, écuyer, conseiller du roi, receveur général et payeur des rentes de l'hôtel de ville de Paris, portait: D’azur à un porc épic d’or, au chef cousu de queules, chargé de trois étoiles d’or. SACRISTE DE TOMBEBEUF, Maison qui à possédé la châtelle- nie de Tannerre, no 55. D'azur à trois lions passants d'or l'un au-dessus de l'autre. (D'Hozier, arm. gén., III, p. 481.) De Sainr-VERAIN, maison qui a possédé la châtellenie de Bléneau, no 3. D'argent au chef de queules. (Hist. généal. de la mais. de Courtenay par Du Bouchet.) De la SazLe, maison qui a possédé la châtellenie de Tan- nerre, no 55. 23 346 HISTOIRE DE LA VILLE D'argent à deux éperons d'or. (Arm. de la gén. de Paris, 1696.) 39. Du Tizzer, maison qui a possédé le fief de la Motte-lez- Saint-Privé, n° 31. D'or à la croix pattee de queules. (Palliot, science des armoiries.) Les membres de cette famille qui écartelaient portaient sur le tout Du TiLer. Suivant Wilson, La science héroïque, p. 140, la croix serait alaisée. 40. De Toucy, maison qui a possédé la seigneurie de Saint- Fargeau et pays de Puisaie. De queules à trois pals de vair, au chef d’or chargé de quatre merlettes de queules. (Le père Anselme, hist. généal. de la m. de Fr.) 4Â. De VazLery, maison qui a possédé la châtellenie de Tan- nerre, n° 55. De queules à la croix d’or. (Dict. de la noblesse.) 8 III. LISTE DES DOYENS DU CHAPITRE DE SAINT-FARGEAU depuis la fondation de cet établissement jusqu’à la Suppression des corporations religieuses . 1HGuillaumerde la Monet. cet 1472— 1492. 2. Simon GuiLoïs, licencié en chacun droit, grand archidiacre d’Avignon......... 1492—1495. 9. 1GuilAume de GHILEOT RES MERE 1495—1505. 1 1 12. 13. 14. 15. 16. 47. 18. 19. 21. k. 5, 6. Me 8. 9 0. À. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. Jean JO CHAVAGMA US ee er PUMA RTCLFO DESBARRESS ee SNMP ON. HEAD GONTONNNERNE PAPETERIE" LL DOPEN RAC IBRESDE ST MR ee ete Louis Ier DrE Te An Sr UNE AAA Guillaume de la Bussière, dont la prise de possession est du 49 juin,........... RARE AMIS EETEX LL REUAIR TER di Alexandre de Honane, dont la prise de pos- session est‘du 5 décembre........... Raymond de la Garpe, qui a pris possession LEO SSSR Ne More eu AHÉOIEMP RTE 2e EURE ANNEE Le La Pièrre Musnier, dont la prise de possession ESS UNE Se rs eee ne Pierre. de BLANGER: te memes cn Alexis Arcaampaur, docteur en théologie, desservant la cure avec le doyen dès 1679 et désigné pour la survivance. ........ 22. Augustin-Ferréol ArcHamBaur, docteur en DÉDASICS nn dE te DRPICnE-AlexIS RONDAULE 2. 2. : 20: 2... . Paul de Ficuières, docteur en théologie, archiprêtre de Puisaie. Par un testament du 15 juillet 4760, il institua l'hôpital de Saint-Fargeau pour légataire universel 347 1505—1525. 1525 —1547. 1547—1 560. 1560—1569. 1569—1577. 1577—1601. 1601—1632. 1632—1634. 1634—1636. 1636—1641. 1641—1656. 1656—1668. 1668—1670. 1670—1671. 1671—1672. 1672—1673. 1673—1680. 1680—1698. 1698—174 4. 1744—1735. 1735—1760. 348 HISTOIRE DE LA VILLE. 25. Jean-Joseph Bruré, docteur en théologie de la maison de Sorbonne, reçu le 2 août.. 1760—1770. 26. Jacques-Henri Germain, reçu le # septembre 1770, mort le 20 septembre 1786..... 1770—1786. 27. Pierre de Berxarp, bachelier en droit et curé de Bléneau, reçu le 24 novembre. 1786—1789. Ilest mort curéde Saint-Fargeau en 4815. Déy. CATALOGUE DE LA | COLLECTION DE ROCHES DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE DÉPOSÉES AU MUSÉE D'AUXERRE ; PAR V9 RAULIN, Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. Le complément utile, indispensable même, d'une descrip- tion géologique est sans contredit la collection des roches, des minéraux et des fossiles qui entrent dans la composition de chacun des amas, de chacune des assises de la contrée. Celle du département de l'Yonne a été recueillie, partie par M. Leymerie, de 1842 à 1845, partie par moi-même, de 1846 à 1852, lorsque successivement nous parcourûmes le pays pour lever la Carte, et recueillir les documents pour la rédac- tion de la Statistique géologique (A). La presque totalité des échantillons du terrain tertiaire et de l'étage crayeux a été recueillie par M. Leymerie, ainsi que ceux des terrains primi- tifs et houiller, du lias et de loolithe inférieure. C’est moi qui (1) Dans la Liste chronologique des travaux publiés sur l« miné- ralogie el la géologie du département, insérée p. 842-849, ne se trouvent pas les deux mémoires suivants de PAsumor, dont je n’ai eu connaissance qu'après l’impression et qui doivent être ajoutés à 350 DES ROCHES ai rassemblé tous les autres, comprenant surtout les deux étages inférieurs crétacés et les trois étages oolithiques. Une collection semblable ne possède toute lutilité et tout l'intérêt dont elle est susceptible, qu’autant que les échantil- lons de roches, les minéraux et les corps organisés fossiles qui la composent ont été déterminés et nommés avec soin;- lorsqu'en un mot le catalogue complet est dressé et mis entre les mains de ceux qui peuvent avoir le désir de pousser leur étude du pays plus avant qu'on ne peut le faire en lisant seulement une Statistique géologique. Mais de même que la grande carte géologique n’accompagne pas la Statistique et est principalement destinée à rester entre les mains des habitants du département, de même aussi il m'a semblé que la collection géologique étant déposée à Auxerre, il n’était pas nécessaire que son catalogue fit partie de ce même ouvrage qui doit trouver place dans les grandes bibliothèques géologiques de pays souvent fort éloignés. J'avais pensé qu'il serait mieux placé dans un recueil dont la plupart des exemplaires sont destinés à ne pas sortir du département ou à être répandus seulement dans les départe- ments circonvoisins ; aussi est-ce avec une grande satisfaction que j'ai vu la Société des sciences historiques et naturelles accueillir ma demande de l’insérer dans son Bulletin. Cette publication arrivant à un grand nombre de membres qui ne font pas de la géologie une étude assez suivie pour posséder là Statistique géologique, mais qui parcourraient son article, p. 843; Observations d'histoire naturelle dans la traversée de la province de Bourgogne, depuis l'Yonne jusqu'à la Saône. (Nouv. mém. de l’Académie de Dijon 1782, 2° semestre. p. 114 ; Descriplion des grottes d’'Arcy-sur-Cure, suivie d'observations physiques, avec une grande planche, (Id. 1784, 1° semestre, p. 33.) DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 351 avec intérêt un résumé de la constitution du département, j'ai pensé aussi, pour diminuer l’aridité naturelle d’un simple catalogue, à faire précéder la description des roches de chacune des assises, d'un court aperçu de la composition de celle-ci et de sa distribution tant à la surface du département que dans les profondeurs où soa existence a été parfaitement reconnue. Dans un premier article inséré dans le tome II de ce Bulletin, p. 109-126 (1848), j'ai donné un essai sur l’oro- graphie du département; dans un second, inséré dans le tome VI, p. 87-96 (1852), j'ai parlé de certains accidents ou failles qui viennent déranger la stratification normale des roches ; dans un troisième inséré dans le tome vin. p. 403-420 (1854), j'ai donné une notice sur l’oxford elay ; je m’abstien- drai done de revenir sur ces divers points. La répartition des roches en assises et la nomenclature de ces dernières sont les mêmes que dans la Sratistique géolo- gique. Dans le résumé des divers tableaux de classification que je donne ici, les chiffres placés à la suite de chacune des assises sont ceux des roches qui se rapportent à chacune d'elles dans la collection départementale. { Alluvions et dé-\ Jr FIRMES tritus. 901-947. Diluvium. Miocène ? | Limons rouges à silex, OPEN { Calcaire d’eau douce, 798. ( $ { Eocène. Arte, sables, grès, pou- 8- 900. dingues, etc. fGraie supérieure, 672-727. Craie moyenne, 654-671. 3 l Craie inf. ou à ammonites, 599 - 655. Etage , Sables verts ou ferrugineux. 527-598. des sables verts ? Argiles à grandes exogyres, 508-596. Sables et argiles bigarrées, 479-507. Argiles ostréen.ou à lumach.466-478. Calcaires à spatangues, 440-465. fs de la craie / T. crétacé, D. Étage néocomien | 352 DES ROCHES Étage SE eo | Calcaire portlandien, 419-439. supérieur. | Marnes et Calc. kimmérid., 390-418. Calcaire à astartes, 363- 389. Etage Calcaire corallien blanc, 307-562. oolithique Calcaire oxfordien supér., 270-306. moyen. Marnes ou calc. oxf. moy.. 190-269. Argile oxf. inf, à min. de fer 185-189. T. jurassique. Étage Grande oolithe, 100-184. oolithique Marnes et calcaires à pholad., 95-99. inférieur. Calcaire à à entroques, 86-94. Marnes Sup. à bélemnites, 69-85. Calcaire à gryphée cymbium, 66-68. Marnes inf. à bélemnites, 62-65. Calc. et argile à gryphée ar q.,58-61. Ark. granitoide, lumach. à card.,39-57 te dei | Étage liasique. T.carboniïfère | Etage houiller. | 34-38. T.detransition | Porphyres quarzifères et pinitifères,27-53. y Massif. ; Granite, 10-26. T° primitifs. | Stratifié. | Gneiss, talsischistes,etc. 1-9. Il n’y à guère de différences, comme on le verra, que dans la succession des roches de chaque assise; pour les terrains primitifs et houiller et les assises du lias et de l’oolithe infé- rieure dont la composition est uniforme, les roches des diverses localités sont réunies de manière à former une seule série, pour les assises suivantes, qui présentent de plus grandes différences dans les diverses localités où elles existent, les échantillons représentant chacune d'elles sont réunis en petites séries locales; l'assise est alors divisée en un certain nombre de groupes comprenant chacun, soit les surfaces séparées par les grandes vallées qui sillonnent le pays, soit les environs de points où les assises sont bien développées, soit même parfois des coupes locales. Dans tous les cas ces groupes'se succèdent presque invariablement de l'E. à l'O. et du N.au S. Considérées au point de vue zoologique ou botanique, les espèces fossiles ont toutes leur importance; mais au point de vue géologique elles se divisent en deux catégories : celles DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 353 qui, très-abondantes, font en quelque sorte partie intégrante des roches, et celles qui, beaucoup plus rares, ne forment que de simples accidents. Dans ses divers travaux insérés dans le Bulletin, notre confrère, M. Cotteau, a donné la liste des espèces de certains groupes jusqu’à présent découvertes dans le département; moi-même je les ai toutes énumérées deux fois dans la Statistique géologique, tant dans la description de chacune des assises que dans un tableau général ; je crois done inutile d'y revenir une quatrième fois dans ce catalogue, et cela d'autant plus qu'il existe une collection paléontologique spéciale dont le catalogue sera sans doute dressé et publié par la suite. Des numéros d'ordre seront donc donnés seule- ment aux roches; à la suite de la description de celles de chacune des assises je ne donnerai qu’une simple liste des espèces qui la caractérisent le mieux par leur abondance. TERRAINS PRIMITIFS (Statist., p. 207-218). Ces terrains sont le résultat des premières consolidations opérées à la surface de la terre par le refroidissement; ils gisent au-dessous de tous ceux qui renferment des corps organisés fossiles. On a désigné la partie stratifiée sous le nom de schistes cristallins ; la partie massive à pris le nom de terrain granitique, tiré de celui de la roche principale, le granite. Les terrains primitifs qui constituent le Plateau central de la France forment aussi l'extrémité du Morvan, promontoire qui s’avance de dix à douze myriamètres plus au nord que le reste du plateau, au milieu du terrain jurassique. Dans le département ils forment un massif triangulaire, limité au nord par une ligne courbe passant par Sainte-Magnance, Avallon, Pierre-Pertuis et Domecy-sur-Cure, et surtout compris dans les cantons de Quarré-les-Tombes et d'Avallon. C’est 394 DES ROCILES dans le Morvan que se trouvent les parties les plus élevées du département qui sont aussi les plus accidentées et les plus pittoresques. Les granites se trouvent associés surtout dans la partie orientale, à des gneiss ordinaires très-schistoides. Le tout est coupé par des filons de pegmatite, de porphyre et surtout de quarz hyalin d'un blanc laiteux. Ces roches peuvent être divisées en quatre catégories assez distinctes : les gneiss proprement dits, les granites à grains fins associés aux gneiss, les granites roses ordinaires et les granites blanchâtres à gros grains ou porphyroïdes. Les espèces minérales en cristaux disséminés dans ces roches sont seulement l’amphibole et la tourmaline ; les espèces qui accompagnent les filons de quarz, soit en cristaux, soit à l'état cristallin, sont : la bary- tine, la fluorine, l'oligiste et la galène. Usages. Les gneiss et les divers granites donnent partout du moellon grossier pour les constructions rurales ; mais la pierre de taille est fournie exclusivement par le granite blan- châtre à gros grains, des environs de Quarré-les-Tombes. Le granite rose de Meluzien, près d’Avallon, donne d'excel- lents pavés pour l'arrondissement. Les fragments de quarz provenant des filons donnent les meilleurs matériaux réser- vés pour les routes de l'Etat. 4° GNEIss. 4. Gneiss noiratre à grains moyens. — Auxon à l’ouest de Saint- Brancher. : 2. Gneiss gris-jaunâtre à grains fins.— Entre Auxon et Villiers- les-Poteaux, au nord de Quarré-les-Tombes. 3. Gneiss gris-verdâtre à grains fins. — La Villarnoux à l’ouest de Bussières. 4, Gneiss gris-verdâtre à grains fins, à feldspath altéré. — Bus- sières. 10. AL. 42. 15. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21: 22 DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 355 Gneiss gris-violàtre, à grains très-fins. -— Cure à l’est de Domecy. Gneiss gris-jauntre à grains très-fins, en décomposition, — Chastellux. Quarz hyalin blanchâtre, en filons dans les gneiss et les granites. — Bussières. Protogyne gris-verdaätre à grains fins, avec veine de pegmatite blanche. — Villiers-les-Nonains au nord de Saint-Brancher. Protogyne gris-verdätre à grains très-fins. — Villiers-les- Nonains. 20 GRANITES. Granite grisätre à gros grains. — Carrière dans les bois au sud de Quarré-les-Tombes. Granite grisätre à grains moyens, porphyroïde, à grands cristaux de feldspath blanchâtre. — Saint-Germain-des- Champs. Granite grisätre à petits grains. — Vaupitre à l’est de Saint- Germain-des-Champs. Granite rougeàtre à gros grains. — Trinquelain au sud de Saint-Léger-de-Foucheret. Granite rougeûtre à grains moyens. — Les Lavauts près de Quarré-les-Tombes. Granite rougeätre à grains moyens, prismatique. — Les Mengeots. Granite rougeàtre à grains fins. — Cure à l’est de Domecy. Granite rougeàtre à grains très-fins. — Villiers-les-Poteaux au nord de Quarré-les-Tombes. Granite grisatre très-quarzifère à grains moyens. — Pierre- Pertuis. Granite gris-rougeàtre à grains moyens. — Galerie de Cure. Granite gris-rougeàtre à grains moyens, en décomposition. — Saint-Germain-des-Champs. Argile sableuse très-micacée jaune-brunâtre, provenant de la décomposition d’un granite à petits grains. — Les Villards au nord de Quarré-les-Tombes. Leptynite jaunätre, — Villiers-les-Poteaux. 396 DES ROCHES 25. Leptynite blanchâtre. — Les Villards. 24. Pegmatite rose à grains fins. — Marrault au sud de Magny. 25. Pegmatite grisätre à gros grains, avec tourmaline noire. — Fonmoulin près Saint-Léger-de-Foucheret. 26. Pegmatite rosâtre à très-gros grains, avectourmaline noire. — Villiers-les-Poteaux. TERRAINS DE TRANSITION (Statist., p. 219-224). Les terrains de transition stratifiés manquent complétement dans le département. Pendant qu'ils se déposaient, il sortait de l'intérieur de la terre des matières qui venaient former des amas et des filons, tant au milieu d’elles que dans les terrains primitifs. En raison de leur nature, ces roches ignées massives sont généralement désignées sous le nom de por- phyres. La partie granitique du Morvan se trouve limitée au sud par un amas considérable de porphyres quarzifères don Château-Chinon occupe à peu près le point central. Ce: mêmes roches, par suite du refroidissement terrestre, se sont consolidées au-dessous des terrains primitifs du Morvan et forment là une véritable zône à une profondeur plus ou moins considérable. Dans le département, d’après les dernières recherches de M. Moreau, il y a, au milieu des granites, trois directions rectilignes et parallèles principales, courant du nord 33° est au sud 33° ouest, suivant lesquelles sont sortis les porphyres quarzifères et pinitifères. Elles cessent ou se dévient à la rencontre des gneiss et des filons de quarz. Ce sont les lignes de Magny, de Presle et de Sainte-Magnance. Ces filons por- phyriques sont encaissés dans le granite qu’ils coupent à peu près verticalement ; en général ils ne jouent aucun rôle dans le relief ni dans la constitution générale du sol et ne doivent être considérés que comme un accident digne d'intérêt. Les DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 351 espèces minérales disséminées dans la pâte des porphyres sont le quarz, l'orthose, le mica et la pinite. À Presle un filon de quarz compacte rouge renferme de la barytine, de la fluorine et de la galène. Usages. Le porphyre de Marrault est employé pour l’entre- tien des chemins. 3 27. Porphyre grisätre, à moyens cristaux de feldspath, quarz et mica noir. — Au nord de Chastellux. 28. Porphyre rouge-violet, à moyens cristaux de feldspath rose, quarz et pinite verte en petits cristaux. Marrault au sud de Magny. 29. Porphyre rouge-violet en décomposition, à kaolin blanc, quarz et pinite verte. — Marrault. 30. Porphyre gris-rougeûtre, à petits cristaux de feldspath, quarz et pinite verdätre. — Presle à l’ouest de Cussy-les-Forges. 31. Roche noire de feldspath et de mica, à grains fins. — Saint- Léger-de-Foucheret. 32. Quarz compacte rouge, avec barytine lamellaire rose, en filon dans le porphyre. — Presle. 33. Barytine lamellaire rose et galène en grandes lames cubiques, dans le quarz. — Presle. TERRAIN CARBONIFÈRE (Statist., p. 225-229). Ce terrain, ainsi nommé parce qu'il renferme en Europe presque tous les gisements de houille véritable, présente deux types bien distincts : l’un de formation marine, au moins en grande partie, qui forme de grandes zones en Angleterre, dans le nord de la France, en Belgique, ete. ; l’autre exelusi- vement d’eau douce, qui forme de petits bassins isolés dans les autres parties de la France. Les traces qui ont été décou- vertes en 1836 dans le département, sur la lisière du Morvan, appartiennent à ce dernier type et présentent quelqu'intérêt par leur alignement presque rigoureusement de l’est à l'ouest, à un kilomètre au sud de Sainte-Magnance et à deux kilomètres 358 DES ROCHES à l'est de Villiers-les-Nonains. Il ne joue aucun rôle dans la constitution générale du sol, et ne doit être considéré que comme un accident digne d'intérêt. Les roches qui composent le terrain houiller sont des pou- dingues à cailloux de granite, de gneiss, de porphyre quarzi- fère et de quarz, des psammites grossiers à grains de feld- spath, des psammites fins souvent endureis et des schistes argileux carburés noirs ({rorre) passant au phyllade. Ces gîtes n’ont presque aucune importance au point de vue économique. Les recherches que l’on a faites dans ceux de l'Yonne n'ont conduit à d'autre résultat qu'à ladécouverte à Sainte-Magnance, de quelques lits d'un charbon dé mauvaise qualité. Il est naturel de rapporter ce terrain à la même époque que celui d'Autun avec lequel il offre beaucoup de traits de ressem- blance. D'ailleurs son âge est prouvé par les empreintes végétales qu’on a trouvées à La Charmée, à Roffey et même à Sainte-Magnance. 3%. Arkose gris-verdâtre, aveé caillou de granite rose à grains moyens. — Sainte-Magnance. 55. Psammite noirâtre à grains moyens, en contact avec un schiste argileux noir très-carburé. — Sainte-Magnance. 36. Psammite argileux très-fin gris-verdatre. — Villiers-les_ Nonains au nord de Saint-Brancher. 57. Schiste argileux noir, très-carburé, irrégulièrement fissile. — Sainte-Magnance. 58. Schiste argilèux noir très-carburé. — Villiers-les-Nonains. TERRAIN JURASSIQUE (Statist., 230-244). Comme il y a entre les assises diverses qui composent là chaîne du Jura et celles de la série oolithique d'Angleterre, une ressemblance qui annonçait une communauté d’origine, l'épithète de purassique à été proposée pour désigner cet ensemble, et elle est maintenant employée de préférence et DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 359 presqu'exclusivement sur le continent. Ce terrain, dans la Normandie, la Lorraine et la Bourgogne, peut, d’après la nature de ses roches, se diviser en quatre étages qui portent le plus généralement les noms de Las et d'étages oolithiques inférieur, moyen et supérieur; ils sont généralement bien développés dans le département et renferment une très-grande quantité de corps organisés fossiles. Le terrain jurassiqué, qui commence la série des terrains secondaires dans le département de l'Yonne, y est en grande partie calcaire; les assises purement argileuses de la Lorraine et de la Bourgogne septentrionale sont en partie remplacées par des alternances de marnes et de calcaires; l’une d’entre elles, même, dans la partie occidentale du département, Fest presqu'entièrement par des calcaires purs. L'étage le plus inférieur, toutefois, est presqu'entièrement formé par des argiles. La puissance moyenne du terrain jurassique n’est pas très-facile à évaluer, parce que, d'une part, on ne trouve jamais un grand nombre d'assises réunies dans une même coupe naturelle ét que, d'autre part, en passant d’une extrémité du département à une autre, les strates ne se suivent pas toujours avec une grande constance et régularité. Toutefois, on peut être à peu près sûr de ne pas s'écarter beaucoup de la réalité en prenant, pour exprimer cette puissance , le chiffre de 740 mètres. Ce terrain forme, dans l'Yonne, une zone dirigée du nord- est au sud-ouest, occupant à peu près les deux cinquièmes de la surface totale du département; zone qui se trouve comprise entre la ligne séparative des terrains primitifs du Morvan et la ligne extrême sur laquelle on apercoit les derniers prolon- gements du terrain jurassique vers le nord-nord-ouest, de Flogny à Ligny, Auxerre, Leugny et Treigny, dans le fond des 360 DES ROCHES vallées. Toutes les assises affectent une inclinaison légère, mais générale vers le nord-ouest; il est facile de s’assu- rer de cet état de choses pour celles qui composent le terrain jurassique, car dans chacune des grandes vallées on voit, à mesure qu’on les remonte, chacune des assises sortir successivement du fond de la vallée et aller, en se relevant, jusqu'au sommet des coteaux dans lesquels elle est creusée ; l'inclinaison est en moyenne de 0°,51”. Les deux assises de l'étage oolithique supérieur constituent la deuxième terrasse de la Bourgogne et occupent la partie la plus intérieure de la zone jurassique, un quart de sa largeur. Si l’on traverse cette zoné, en se dirigeant vers la limite extérieure, on voit ensuite les quatre assises de l'étage moyen qui forme deux cinquièmes, puis les trois assises de l'étage inférieur qui forme à peine un sixième; tous deux constituent la première terrasse de la Bourgogne. Il y a enfin les cinq assises de l'étage liasique qui forme un autre sixième et constitue la Terre-Plaine. Cette disposition à niveau dé- croissant qu'affectent toutes les assises et qui est une consé- quence nécessaire de l’inclinaison générale déjà signalée, se remarque même dans les différentes assises qui composent chaque étage. À l’exception du Morvan, c’est dans la portion de la Bourgogne qui fait partie du département de l’Yonne, que le relief du sol est le plus marqué et que se ‘trouvent les sites les plus pittoresques. On est surtout frappé de cet état de choses quand on suit une vallée qui entame à la fois le terrain juras- sique et le terrain crétacé ; en effet en remontant la vallée de l'Yonne à partir de la plaine d'Appoigny, on voit, à mesure qu'on quitte la zone erétacée, pour pénétrer dans celle qu’oc- cupe le terrain jurassique, les coteaux se rapprocher et devenir en même temps plus élevés et plus rapides. Abstraction faite DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 361 du Morvan, les plus grandes altitudes du département se trouvent sur la zone qui nous occupe. ÉTAGE LIASIQUE (Statist., p. 273-276). Sur les pentes du Morvan baignées par la mer, il s’est fait un dépôt très-peu épais, formé tout entier aux dépens des parties superficielles désagrégées du terrain primitif. Immé- diatement après a commencé le dépôt d’une longue série argi- leuse dans laquelle se sont précipités, vers le commencement, de nombreux lits calcaires, et, simultanément, sur la plupart des points compris dans le département, des dépôts siliceux, accompagnés de divers minéraux, formés par des sources analogues aux geysers de l'Islande. Le dépôt argileux a fait place pendant quelque temps, vers son milieu, à un dépôt de calcaire grossier jaune un peu sableux. Les cinq assises, pour la partie que nous pouvons toucher, sont formées de dépôts essentiellement littoraux, ainsi que l’indiquent, d’une part, les ostracées qui accompagnent les calcaires, et de l’autre, la proximité, à moins d'un myriamètre, de hauteurs granitiques qui, d’après les altitudes atteintes par les diverses assises liasiques, n’ont jamais pu être recouvertes par elles, et étaient par conséquent émergées, comme dans les précédentes périodes. 1°Arkose granitoïide etroches siliceuses (Statist., p. 242-256). Les bords du Morvan et de la Terre-Plaine sont remarquables par la présence, au-dessus du granite, de roches particulières désignées par M. de Bonnard sous le nom collectif d’arkoses, mais dont quelques-unes seulement doivent être ainsi dénom- mées. Ces roches résultent évidemment d'une consolidation qui s’est opérée au sein da granite désagrégé et décomposé, et 24 362 DES ROCHES des couches inférieures du lias, à l’aide d’un ciment siliceux qui a été produit sans doute pendant assez longtemps. Lorsque le ciment siliceux s’est introduit dans le granite désagrégé ou décomposé, superficiel, il en résulte une roche dure granitoïde à laquelle le nom d’arkose a été primitivement appliqué ; souvent alors il y a passage du granite à l’arkose plus ou moins bien stratifiée. Les roches qui résultent du dépôt de la silice au milieu des argiles et des calcaires du lias, sont en général plus compactes, moins cristallines, et présentent même des fossiles. Les roches qui se trouvent le plus souvent endurcies de cette manière, sont les argiles et les plaquettes calcaires à fossiles qui constituent la base du lias. La barytine rose, laminaire ou imparfaitement eristallisée, existe souvent dans les arkoses et les roches siliceuses; le quarz hyalin et la fluorine jaune tapissent cà et là des géodes; on y trouve aussi des mouches de galène et de blende et même des enduits de minerais de fer, de manganèse et de cuivre. L'arkose, dont l'épaisseur dépasse rarement 5 m., est entièrement dépourvue de corps organisés fossiles, mais les roches siliceuses en présentent le plus souvent à l’état d'empreintes, le test ayant disparu; quelquefois la cavité produite a été remplie postérieurement par de la barytine. Usages. Les fragments épars à la surface du sol donnent des bornes, des moellons bruts et surtout d'excellents maté- riaux pour les routes et les chemins. 39. Arkose très-siliceuse gris-jaunâtre grossière, avec barytine laminaire rose. — Avallon. 40. Silex gris à débris granitiques, avec barytine laminaire rose.— Pierre-Pertuis. AA. Silex verdätre à débris granitiques, — Uzy au nord de Domecy-sur-Cure. 42. Quarzcompacte jaspoïderouge.—Saint-Germain-des-Champs. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 363 45. Quarz compacte blanc et jaspoïde rouge, avec barvytine lamel- laire rose. — Saint-Germain-des-Champs. 44. Silex brunatre, irrégulièrement tabulaire, — Les Panats au sud d’Avallon. 45. Silex noiratre, avec cavités tapissées de petites lamelles de barytine jaunâtre, — Pierre-Pertuis. 46, Silex brunâtre, avec cavités tapissées de fluorine cubique blanche. — Pierre-Pertuis. 47. Silex brunätre, avec fluorine grenue jaunâtre, recouverte de fluorine cubique blanche. — Pierre-Pertuis. 48. Quarz grenu jaunâtre, avec cristaux de quarz et barytine laminaire rose. — Pierre-Pertuis. 49. Quarz grenu brunâtre, avec barytine laminaire rose, — Cure au nord de Domecy. 50. Quarz grenu gris, avec fluorine grenue grisätre el galène laminaire eubique. (1) — Cure. DA. Quarz grenu gris, avec barytine laminaire rose et galène lami- naire. — Ruisseau d’Island. 52. Silex grossier jaunâtre, avec empreintes de Cardinia. — Chaumes d’Avallon. 53. Silex grossier grisatre, avec empreintes de Pecten vimineus.— Avallon. 54. Silex grenu grisâtre, avec Cardinia en barytine lamellaire blanchâätre, — Domecy sur-Cure, AS Argiles et lumachelles à Cardinies (Statist., p. 246-247). Immédiatement sur l’arkose granitoïde ou bien sur le terrain primitif, lorsque celle-ci manque, viennent des alternances d’argiles noires où grises, et de lumachelles ou calcaires argileux compactes de même couleur, renferntant une très- grande quantité de coquilles bivalves du genre Cardinia. (4) D’après une analyse faite au laboratoire de l'Ecole des mines à Paris en 1851 et communiquée par M. Guyard, propriétaire, cette galène contiendrait deux millièmes d'argent. 304 DES ROCHES Cette petite assise n'a qu'une épaisseur de huit mètres au plus, qui diminue beaucoup lorsque les roches siliceuses sont très-développées ; elle renferme une très-grande quantité de fossiles, principalement des Cardinies. 55. Calcaire compacteargilifère grisätre, avec nombreuses coquilles et Spirifer. — Touchebœuf à l’est de Sainte-Magnance. 56. Calcaire grisätre, avec nombreuses coquilles et cristaux de barytine. — Touchebœuf. 57. Barytine laminaire rosätre. — Magny. FOSSILES PRINCIPAUX. Pleuromya striatula. Terebratula Causoniana. Cardinia crassiuscula. Spiriler Walcotti. 2 Calcaires et argiles à gryphée arquée (Statist., p. 256-261). Cette assise, qui constitue Ja plus grande partie du lias inférieur, est, de celles du terrain jurassique, la première qui forme une zone régulière et continue. Elle est formée par des argiles gris-bleuâtre ou noirâtres au milieu desquelles sont intercalés de minces bancs de calcaire argilifère de même couleur; elle est terminée par plusieurs bancs plus épais de calcaire semblable. Les deux roches renferment en abondance des fossiles, des veinules et cristaux calcaires et quelques silex et nodules pyriteux; l’ensemble de l’assise peut avoir 20 mètres environ d'épaisseur. Elle forme presque à elle seule la partie basse et plane de la Terre-Plaine, des bords du Serain, au sud-est de Guillon, jusqu’au-delà d’Avallon; de là elle se continue au sud-ouest en formant une bande qui longe le Morvan jusqu'à Pierre-Pertuis. Usages. Les calcaires donnent du moellon et de la chaux assez maigre ; en choisissant les lits, on pourrait obtenir des chaux hydrauliques plus ou moins comparables à celles de DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 365 Pouilly-en-Auxois. Les argiles sont employées dans plusieurs tuileries de la Terre-Plaine. 58. Calcaire argilifère compacto-grenu gris, avec Ammoniles bisulcalus. — Avallon. 59. Calcaire argilifère compacto-grenu gris, avec Ammonites. — Saint-Père sur le chemin d’Uzy. 60, Calcaire argilifère compacto-grenu gris, avecharytine laminaire rose. — Saint-André-en-Terre-Plaine. 61. Calcaire argilifère compacto-grenu gris, avec Montlivallia Sinemuriensis, — Menades. FOSSILES PRINCIPAUX. Montlivaltia Sinemuriensis. Ostrea edul«. Homomya ventricosa. Gryphæa arcuata. Pleuromya crassa. Terebratula indentata. — striatula. Spirifer tumidus. Unicardium cardioides. — Walcotti. Cardinia concinna. Pleurotomaria Marcousana. Pecten glaber. Ammoniles bisulcatus. — vimineus. Belemnitles acutus. 3° Marnes inférieures à Bélemnites (Statist., p. 261-263). Au-dessus du calcaire à gryphée arquée il y a,dans toute la longueur de la zone, de nombreuses couches d’argile gris- bleuâtre ou noirâtre, souvent fissile, dans lesquelles on ne trouve de fossiles que dans la partie inférieure, comme à Etaules et à Domecy-sur-le-Vault où ce sont principalement des bélemnites.Sur quelques points, les couches les plus infé- rieures sont formées par des marnes grises plus ou moins fissiles, renfermant quelques rognons de calcaire marneux à cloisons spathiques. Cette assise, dont l'épaisseur moyenne est dé quarante mètres, forme une bande continue qui affleure principalement sur la pente des coteaux qui bordent au nord la Terre-Plaine, de Vignes à Givry; elle forme aussi quelques 366 DES ROCHES lambeaux isolés dans cette région. Du Vault-de-Lugny elle se poursuit ensuite jusqu’à Pierre-Pertuis. Usages. Les argiles du bois de la Troquette alimentent:les quatre tuileries d’Avallon. 62. Marne schistoïde jaunâtre. — Saint-Père, sur le chemin d’'Uzy. 63. Calcaire argilifère grisâtre, en lits dans les marnes — Saint- Père. 64. Calcaire argilifère gris, avec Ammoniles fimbrialus. — Saint- : Père. 65. Calcaire argilifère jaune, avec Belemnites paxillosus. — Saint- Père. FOSSILES PRINCIPAUX. Pentacrinus basaltiformis. Ammoniles fimbriatus. Avicula Sinemuriensis. —_ planicosta. Terebratula numismalis. Belemniles clavatus. Spirifer roslratus. — paxillosus. 4° Calcaire à Gryphée Cymbium (Statist., p. 263-267). Cette petite assise est prineipalement formée par un calcaire grossier et terreux, renfermant très-souvent une petite quantité de sable quarzeux; il est de couleur jaune et assez fréquem- ment divisé en bancs de trois à cinq décimètres d'épaisseur ; il renferme aussi une très-grande quantité de fossiles, notam- ment la gryphée qui lui donne son nom. Il a environ six à sept mètres d'épaisseur et forme une bande continue dans les coteaux du front de la première terrasse de la Bourgogne, de Vignes à Tharoiseau; tantôt il couronne de bas plateaux en avant de la terrasse. Usages. Ce calcaire ne fournit que du moellon pour les constructions rurales. 66. Calcaire grossier grisâtre, avec quelques oolithesferrugineuses et divers fossiles. — Château de Caume à l’ouest de Domecy- sur-Cure, DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 367 67. Calcaire grossier jaunâtre, avec quelques oolithes ferrugineuses et Gryphæa Cymbium. — Saint-Père, sur le chemin d'Uzy. 68. Calcaire grossier dur grisètre, avec Térébratules, Ammonites, Bélemnites. — Fontenay-près-Vézelay. FOSSILES PRINCIPAUX. Homomya ventricosa. Spirifer rostratus. Pleuromya striatula. Rhynchonella acul«. Cardinia Phile«. — ringens. Lima gigantea. — letraedra. — Hermanni. = variabilis. Pecten œquivalvis. hus Albertinus. — disciformis. . + moniles armatus. Gryphœæa Cymbium. $ — fimbriatus. — lobala. — margarilatus. Terebratula cornula. Belemnitles compressus — resupinal«. — umbilicatus. 5° Marnes supérieures à Bélemnites (Statist., p. 267-273). Cette assise, la plus supérieure de celles du lias, forme une zone d'une uniformité de caractères minéralogiques et paléontologiques des plus remarquables, non-seulement sur tout le pourtour du bassin de Paris, en Angleterre et en Allemagne, mais encore dans le midi de la France, sur les versants méridionaux du Plateau central. Elle est formée de marnes et d’argiles souvent schistoides, noirâtres, brunes ou gris-bleuâtre, renfermant quelques lits de rognons ou quelques couches de calcaire argilifère; l'épaisseur moyenne est de quatre-vingt-dix mètres. Elle se montre d’abord dans la petite vallée d'Anstrude, puis elle forme une bande continue vers le milieu de la pente des coteaux qui bordent la Terre-Plaine au nord, de Pizy à Givry et du Vault-de-Lugny à Domecy-sur- Cure. C’est de la colline au nord d'Etaules que l'on extrait les bancs trop peu épais du caleaire argilifère, avec lequel on 368 DES ROCHES fabrique à Vassy le ciment romain si estimé. Le caleaire forme des veines qui renferment parfois des cavités tapissées de cristaux ; les argiles renferment encore du gypse, de la pyrite, qui par sa décomposition à l’air donne de la limonite et des efflorescences d’alun. Usages. Cette assise donne, au bas dé Marmeaux, la terre employée à la faïencerie des Cornes; elle alimente aussi les tuileries d’Asquins. À Vassy-lès-Avallon, elle fournit la ma- tière première du ciment si estimé, dit coment romain de Vassy, qui se fait au voisinage même des points d'extraction, dans la fabrique de superbe apparence de M. Gariel. 69. Argile noirâtre un peu endurcie, tabulaire, devenant schistoïde à Pair. — Carrières de Vassy au nord d’Etaules. 70. Calcaire argilifère gris, avec bélemnites pyriteuses, exploité comme ciment. — Vassy. 71. Calcaire argilifère gris-jaunâtre, en rognons dans la partie supérieure des marnes. — Vassy. 72. Lignite (Jayet) brun terne, à veines calcaires. — Vassy. 73. Calcaire spathique en veines, avec rhomboëèdre très-obtus. — Vassy. 74. Calcaire spathique en veines, avec prisme très-court, terminé par un rhemboèdre très-obtus. — Vassy. 75. Galcaire spathique en veines, avec prisme moyen terminé par un rhomboèdre très-obtus. — Vassy. 076: Argile schisteuse noiratre, avec Inoceramus cinclus. — Vassy. 77. Calcaire argilifère gris, avec Amvnoniles communis. — Vassy. 78. Argile schisteuse noirâtre, avec Ammonites. — Vassv. 79. Calcaireargilifère gris, avec Ammoniles serpentinus. —Vassy. 80. Cloison spathique de Nautile. — Vassy. 81. Calcaireargilifère gris, avec Belemniles tripartilus, pyriteuse à la surface. — Vassy. . 82. Argile schisteuse noire, avec portion d’une empreinte de pois- son. — Vassy. 83. Calcaire argilifère gris, avec vertèbre de Plesiosaurus. — Vassy. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 369 84. Calcaire gris en plaquettes à cassure fibreuse et conique (Nagelkalk). — Tharot. 85. Psammite fin brunâtre, micacé, de la partie supérieure. — Vassy. FOSSILES PRINCIPAUX. Thecocyathus Mactra Turbo duplicatus. Pentacrinus Bollensis. — Palroclus. Astarte Vollzii. Ammoniles bifrons. Leda rostralis. — communis . Nucula Hausmanni. — Desplacei. Posidonia Bronnii. — Raquinianus. Inoceramus cinctus. _— serpentinus. Pecten pumilus. Belemniles tripartitus. ÉTAGE OOLITHIQUE INFÉRIEUR (Statist., p. 505-509). Les trois assises entre lesquelles se divise cet étage sont très-constantes dans tout le département, malgré les petites modifications qu'elles éprouvent. Cette série qui a succédé au grand dépôt argileux du lias est essentiellement calcaire, quoique l'assise moyenne soit formée de nombreuses couches alternativement calcaires et argileuses. Toutes ces assises, au moins dans la portion visible dans le département, sont formées de dépôts à faciès moins littoral que ceux de l'étage liasique ; pourtant, les pholadomyes, si abondantes dans l’assise moyenne, indiquent suflisamment que la côte était assez rapprochée du point où elles pullulaient ainsi. D'ailleurs celle-ci n’était pas fort éloignée, puisque cet étage n’a, nulle part, recouvert complétement l'étage liasique (avec lequel il est partout en stratification parfaitement concordante) de manière à le dépasser et à venir reposer directement sur les terrains primitifs. 1° Calcaire à entroques (Statist., p. 276-281). Cette assise est surtout formée par des calcaires grossiers 310 DES ROCHES jaunes, assez durs, renfermant une très-grande quantité de débris d’encrines, ou entroques, qui lui donnent alors une texture demi-spathique et auxquels elle doit son nom ; mais à part ces corps organisés, il y en a fort peu d’autres suflisam- ment apparents pour être déterminés, excepté dans quelques lits supérieurs. Elle forme une bande d’une largeur assez peu considérable qui commence à Anstrude, passe à l'Isle, Lucy- le-Bois, traverse le Cousin à Givry, se montre dans le massif de Domecy-sur-le-Vault et se poursuit au-delà de Fontenay- près-Vézelay. Le bord de l’assise constitue la partie supérieure du front de la première terrasse de la Bourgogne qui limite la Terre-Plaine au nord et à l’ouest. L'épaisseur de l'assise est peu considérable ; elle paraït être au plus de trente mètres. Au nord-ouest de Provency, au hameau de La-Tour-du-Pré, une petite carrière montre, sur les derniers banes de calcaire, des alternances de marnes brunâtres et de calcaires marneux jaunes, à oolithes ferrugineuses, qui ont un mètre d'épaisseur et renferment une très-grande quantité de fossiles. C’est de cette localité que proviennent la plupart des espèces citées comme provenant de l’assise. Usages. Le calcaire à entroques donne d'excellente pierre de taille sur presque toute la longueur de la bande, mais sur- tout à Thizy, Taley, Annay-la-Côte et Tharoiseau. Certains bancs fissiles donnent, à Vézelay, des dalles ou /èves dont on se sert en guise de tuiles pour couvrir les bâtiments. 86. Calcaire compacte grisâtre, présentant des perforations de coquilles. — Anstrude. 87. Calcaire compacte grisàtre, rempli de lamelles d’entroques. — Carrières de Marmeaux. 88. Calcaire brunâtre, àgrains cristallins d’entroques.— Marmeaux. 89. Calcaire compacto-terreux grisâtre, avec traces de petites huîtres, — Marmeaux. sn pm DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 371 90. Calcaire grisàtre, à grains cristallins d’entroques. — Carrières de Thizy. > 91. Calcaire gris, à grains cristallins d’entroques. — Thizy. 92. Calcaire grisâtre, à grains cristallins d’entroques, — Carrières de Tharoiseau, 95. Calcaire compacto-terreux jaunàtre. — Asquins. 94. Calcairecompacto-terreux jaunâtre.— Fontenay-près-Vézelay. 4 FOSSILES PRINCIPAUX. Pentacrinus Buvignieri. Terebratula Kleinii. Dysaster ringens. — Philipsii. Pholadomya siliqua. Hemilhiris spinosa. Trigonia costata. Ammoniles Niortensis. Gervillia lata — Parkinsoni. Lima proboscidea. Belemnites sulcaltus. 20 Marnes et calcaires à Pholadomyes (Staiist., p. 281-287). En Bourgogne, M. Lacordaire lui avait donné le nom de calcaire à bucardes et M. de Bonnard, un peu plus tard, celui de calcaire blanc-jaunatre marneux. Cette assise, qui a une épaisseur d'environ trente mètres, est formée par de nom- breuses alternances de marnes et de calcaires marneux de deux à trois décimètres d'épaisseur moyenne, de couleur jaunâtre, brunâtre ou verdâtre, renfermant des pholadomyes en très-grande abondance et divers autres fossiles. Elle forme en général des pentes douces au-dessus de celles beaucoup plus rapides du calcaire à entroques, de l'Armançon à Aisy, par l'Isle, Lucy-le-Bois, Voutenay, Vézelay et Fontenay-près- Vézelay; elle apparaît en outre dans le fond du grand vallon de Châtel-Censoir. Usages. Les calcaires donnent partout du moellon grossier; mais les marnes ne sont pas assez argileuses pour pouvoir être employées dans les tuileries et briqueteries. 372 997 d’Asquins. DES ROCHES . Marne grossière jaune-grisatre, en partie endurcie.— Au nord . Calcaire grossier et grenu jaune-grisâtre, à fossiles, alternant avec la marne précédente. — Au nord d’Asquins. . Calcaire compacto-terreux jaunâtre, avec Ammonites, de la partie inférieure. — A l’ouest de Vézelay. Voutenay. . Calcaire compacto-terreux jaunâtre, de la partie supérieure. — Calcaire compacto-terreux jaunätre. — Annay-la-Côte. FOSSILES PRINCIPAUX. Panopæa Dane. Pholadomya Bellona. — bolina. — gibbosa. — Vezelayi. Gresslya lunulatw. Goniomya proboscidea. — Scalprum. Analina Ægea. Thracia Viceliacensis. Mactromya mactroides. Trigonia Cassiope. Arca Euryta. Pinnigena Bathonica. Gervillia Atala. Pecten Silenus. Ostrea acuminala. — coslal«. Terebralula intermedia. — ornilhocephala. Rhynchonella concinnu. Acteonina Vizeliacensis. Isocardia minima. Astarte rotunda. 3° Grande oolithe (Statist., p. 287-305). Ammoniles bullatus. subbackeritæ. Dans le département on peut distinguer trois groupes de couches caractérisés minéralogiquement; plus de la moitié inférieure est formée par des calcaires grossiers jaunâtres, des calcaires oolithiques blanchâtres renfermant très-peu de fossiles déterminables et donnant d'excellente pierre de taille sur beaucoup de points. Au-dessus il y à des calcaires compactes plus ou moins grossiers, jaunâtres. L'assise est terminée par des calcaires oolithiques parfois grossiers ou subgrenus, le plus souvent de couleur jaune, avec de grandes DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 3173 taches gris-bleuâtre et divers fossiles, et par des calcaires compactes; sur un grand nombre de points ces calcaires renferment des lits ou des rognons de silex gris qui se montrent souvent en fragments à la surface avec des em- preintes et des moules de fossiles. La grande oolithe, qui a plus de cent mètres d'épaisseur, présente souvent des pentes plus rapides au-dessus des marnes à pholadomyes. Elle forme une bande d’une longueur moyenne d’un myriamètre qui court de Laignes à Clamecy, par Ravières et Ancy-le-Frane, L'Isle et Noyers, Arey-sur-Cure, le grand vallon de Châtel-Censoir et enfin celui d’Andries.Le calcaire cristallisé sous diverses formes est la seule espèce disséminée dans cette assise. Usages. Cette assise fournit sur un grand nombre de points, notamment à Ravières, Cry, Anstrude, Coutarnoux, Grimaut et Avrigny, d'excellente pierre de taille, tantôt dure et tantôt demi-dure ou assez tendre. Les grandes carrières du Champ- Rotard, qui étaient déjà en exploitation dans le xiv° siècle, fournissent, avec celle de L'Isle, la plupart des pierres em- ployées dans Les grands travaux de l'arrondissement d'Avallon. Quelques couches fissiles supérieures donnent des lèves à Montillot et ailleurs. Vallée de l'Armancon. 100. Calcaire compacte et oolithique légèrement jaunâtre. — Carrières de Cry. 101. Calcaire compacte et oolithique jaunàtre, dont les fentes sont tapissées de cristaux calcaires. — Cry. 102. Calcaire compacte et oolithique blanchàtre inférieur. — Carrières de Nuits. 105. Calcaire oolithique supérieur, avec parties cristallines. — Carrières de Nuits. 104. Calcaire oolithique blanc inférieur, avec petites pisolithes, — Carrières de la chapelle Saint-Roch à Ravières, 374 DES ROCHES 405. Calcaire compacto-terreux blanc supérieur. — Chapelle Saint- Roch à Ravières. 106. Calcaire grossier jaune, à entroques, très-dur et pesant. — Carrières de Verdonnet à l’est de Ravières. 107. Calcaire grossier oolithique jaune, à entroques et assez dur. — Carrières de Verdonnet. 108. Calcaire compacte et oolithique jaune. Sennevoy-le-Bas. Coupe d’Aisy. 109. Calcaire compacte et grossier blanchätre, avec Peigne lisse. — Aisy. 110. Calcaire pisolithique blanchâtre. — Aisy. AA1. Calcaire oolithique fin blanc, — Aisy. 119. Calcaire compacte légèrement grisâtre. — Aisy. 115. Calcaire compacte et grossier légèrement jaunâtre, avec quelques pisolithes et fossiles. — Aisy. A14. Calcaire compacte et grossier légèrement jaunâtre, — Aisy. 115. Calcaire compacte et grossier jaunâtre, avec baguettes de Cidaris maximus. — Aisy. 116, Calcaire compacte et grossier jaunâtre, pétri de petites Rhynchonelles. — Aisy. Entre l’Armançon et le Serain. 417. Calcaire grossier et terreux fin jaune. — Carrières de Givry. 118. Calcaire compacte et grossier jaune, avec entroques, etc. — Carrières de L'Isle. 119. Calcaire compacte et grossier jaunatre (pierre de taille dure). Carrières d’Anstrude. 190. Calcaire compacte et oolithique jaunâtre, irrégulièrement perforé. — Les Souillats à l’ouest d’Anstrude. 121. Calcaire compacto-grenu grisâtre, avec térébratules. — Forèt de Champlive à l’ouest de Massangis. Valiée du Serain, rive gauche. 499. Calcaire oolithique très-fin blanchâtre, avec Gervillia. — Carrières de Grimaut. 193. Calcaire compacte oolithique blanchâtre, avec grande térébra- tule (pierre de taille). — Grimaut. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 315 424. Calcaire compacte à pisolithes, blanchâtre, reposant sur le précédent. — Grimaut. 195. Calcaire compacte grisätre et verdâtre, reposant sur le précé- dent. — Grimaut. 126. Calcaire compacte oolithique jaunâtre, avec Clypeus Palella. — Massangis. 127. Calcaire compacte jaune-rosàtre, avec parties grenues. — Grimaut. 198. Calcaire compacte et pisolithique jaune-rosâtre. — Tormancy au nord de Massangis. 1929. Calcaire compacto-terreux blanchâtre, avec Rhynchonelles. — Tormancey. 430. Calcaire compacte oolithique blanchâtre, avec Trigonie à Côtes. — Grimaut. 451. Calcaire tendre blanc, à fines oolithes. — Carrières de Coutarnoux. " 432. Calcaire oolithique jaunâtre, avec parties cristallines. — Cou- tarnoux. 435. Calcaire compacte jaunâtre, avec oolithes et parties grenues. — Coutarnoux. Entre le Serain el la Cure. 134. Calcaire oolithique jaunâtre, à ciment cristallin dur. — Girolles. 455. Calcaire compacto-grenu grisàtre, avec Térébratule, Apiocri- nus,etc. — Bois communaux de Thory à l’est de Lucy-le-Bois. 436 Calcaire compacte et pisolithique blanchätre, — Carrières de Lucy-le-Bois. 457. Calcaire compacte à grosses pisolithes, blanchâtre. — Lucy-le Bois. 158. Calcaire compacte blanchätre, à veines jaunes (marbre veiné de M. Gariel). — Lucy-le-Bois. 159. Calcaire compatte brunatre, à veines roses (marbre veiné de M. Gariel). — Lucy-le-Bois. 140. Calcaire compacte rose, à parties spathiques (marbré rose de M. Gariel). — Lucy-le-Bois. A. Calcaire compacte brunâtre et gris, avec parties spathiques. supérieur aux précédents. — Lucy-le-Bois. 376 142. 145. 144. DES ROCHES Silex compacto-terreux brunàtre.—Bois communaux de Thory. Silex jaspoïde jaune, avec empreinte de baguette de Cidaris.— Annéot. Calcaire oolithique gris, avec Ammonites, — Forêt d’'Hervaux à l’ouest de Massangis. Tunnel de Saint-Moré. 151. 152. j. Calcaire compacte et oolithique jaunâtre, de la partie inférieure, — Nailly au nord de Saint-Moré. . Calcaire compacto-grenu gris, de la partie inférieure. — Côle de Chaux au nord de Saint-Moré. . Calcaire compacto-grenu jaune, supérieur au précédent. — Côte de Chaux. . Silex blanc entouré de calcaire lamellaire brunâtre, en rognons dans le calcaire précédent. — Côte de Chaux. . Silex grisâtre, en rognons fissurés dans le calcaire précédent — Côte de Chaux. . Calcaire compacte et oolithique jaune, à nombreux fossiles spathiques. — Côte de Chaux. Calcaire compacte et oolithique noduleux, à veines et cristaux de calcaire. — Cote de Chaux. Calcaire compacto-grenu jaune, de la partie supérieure, — Côte de Chaux. Alouest de la Cure. 155. 154. 155. 156. 157. 158. Calcaire compacto-grenu jaune, de la partie inférieure. — La Côterette à l’ouest de Montillot. Calcaire grossier et oolithique jaune, de la partie inférieure. — Chemin de Montillot à Vézelay. Calcaire pisolithique jaune, à fossiles spathiques, de la partie supérieure. — Chemin de Montillot à Vézelay. Calcaire eompacte et pisolithique jaunâtre, de la partie infé- rieure. — Butte des Hérodats à l’ouest de Blannay. Calcaire oolithique jaune, à grains spathiques, de la partie moyenne. — Butte des Hérodats, Calcaire compacte et pisolithique jaune, avec nombreux fos- siles. — Butte des Hérodats. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 311 159. Calcaire compacte et oolithique brunâtre. — Sommet de la butte des Hérodats. À l’ouest de Vézelay. 160. Calcaire compacio-terreux jaunâtre, avec Ammonites, de Ja partie inférieure. — Fontenay-près-Vézelay. 461. Calcaire oolithique brunätre à ciment grenu, de la partie infé- rieure. — Carrières d’Asnières. 162. Calcaire grossier et grenu brunâtre, de la partie inférieure, — Carrières d’Avrigny à l’ouest d’Asnières. 165. Calcaire grossier et grenu brunâtre, avec quelques oolithes, de la partie moyenne. — Carrières d’Avrigny. 164. Calcaire oolithique blanchätre, de la partie süpérieure. — N Carrières d’Avrigny. 166. Calcaire oolithique blanchâtre, de la partie supérieure, — Carrières d’Asnières. 166. Calcaire oolithique et grossier jaunâtre, avec fossiles spathi- ques, de la partie inférieure. — Bois de la Ville à l’ouest de Vézelay. 167. Calcaire compacto-grenu jaune, de la partie supérieure. — Bois de la Ville. Vallon de Chätel-Censoir. 168. Calcaire grossier et oolithique dur jaune et gris. — Les Alouettes au sud de Châtel-Censoir. 169. Calcaire compacto-terreux verdâtre et gris, à nombreux frag- ments spathiques de fossiles. — Les Alouettes. 170. Caleaire compacto-grenu fin, jaunâtre, avec Peigne, — Char- mois à l’est de Châtel-Censoir. 174. Calcaire compacto-grenu jaunâtre, de la partie inférieure, — Lichères. 172. Silex opaque, grisâtre et jaunâtre, du calcaire précédent. — Lichères, 175. Calcaire compacto-grenu jaune, de la partie supérieure, — Magny au sud de Merry-sur-Yonne. 174. Silex opaque grisâtre, du calcaire précédent. — Magny. A75. Calcaire compacto-grenu jaune. — Bois au sud de Châtel- Censoir, 19 318 DES ROCHES 476. Calcaire oolithique fin jaune, de la partie supérieure. — Li- chères. 177. Calcaire grossier dur jaune, à fossiles spathiques. — Les Alouettes. 178. Calcaire grossier dur jaune, avec fossiles spathiques et poly- piers. — Châtel-Censoir. Vallon d'Andries. 479. Calcaire grossier et terreux fin jaunâtre. — Four à chaux d'Andries. 180. Calcaire grossier et terreux fin jaunâtre, avec Pholadomye, de la partie inférieure, — Fontenailles au nord d’Andries. 481. Calcaire grossier et grenu, verdâtre et brunatre, avec fossiles, de la partie moyenne. — Fontenailles. 182. Calcaire imparfaitement pisolithique blanchâtre, de la partie supérieure, — Fontenailles. 485. Calcaire grossier et grenu jaune, supérieur. — Chapelle Saint- Fiacre à l’ouest d’Andries. 184. Calcaire oolithique très-fin jaune — Les Ménages au sud de Druies. FOSSILES PRINCIPAUX. Anabacia Bouchardi. Ostrea costalta. Hemicidaris Icaunensts. Terebratula coarctata. Nucleoliles clunicularis. — digona. Pholadomya gibbesa. Rhynchonella concinnoïdes. Lima gibbosa. — quadriplicata — OViS. Nerinea Rayana. Pecten Germanie. Ammoniles macrocephalus. ÉTAGE OOLITHIQUE MOYEN (Statist., p. 309-382). Nous désignons avec la plupart des géologues, par cette dénomination, les assises situées entre les couches les plus supérieures de la grande oolithe et les couches les plus infé- rieures des argiles à Exogyra virgula. Ues assises sont ordi- nairement réunies en deux sous-étages, l'un inférieur marneux, DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 379 appelé Oxfordelay, l'autre supérieur calcaire, désigné sous le nom de Coral-rag. Dans le département, nous appliquons le nom d'Oxfordelay, ou d'assises oxfordiennes, à celles qui se trouvent au-dessous du coral-rag ou calcaire blanc de Tonnerre, Bailly, Courson, etc. Cette division forme une bande qui court de l’est-nord-est à l’ouest-sud-ouest, de Laignes à Entrains, et qui possède une largeur moyenne d’un myriamètre et demi. Examiné aux deux extrémités de la bande, dans les environs d'Ancy-le-Franc et dans ceux de Coulanges-sur-Yonne, l’ox- fordclay présente deux faciès très-différents : au nord-est, ce sont, à la base, des argiles avec limonite oolithique exploitée, puis des argiles et des marnes avec lits calcaires, et enfin, à la partie supérieure, des calcaires compactes tabulaires, un peu marneux, séparés par des lits marneux. Au sud-ouest les minerais de fer manquent; sur les derniers bancs de la grande oolithe viennent quelques couches de calcaire légèrement marneux, puis une immense masse mal stratifiée, de calcaire blane, souvent oolithique ou pisolithique, rempli de polypiers ; la partie supérieure, enfin, présente les calcaires compactes tabulaires de la partie orientale, mais sans lits marneux. La nature argileuse, les nombreux fossiles caractéristiques ont toujours fait ranger l'extrémité orientale de la bande dans l'oxfordclay, tandis que l'état de calcaire oolithique, avec nombreux polypiers, a presque toujours engagé les géologues à rapporter cette partie corallienne à une autre assise. 1° Argile oxfordienne inférieure, à minerai de fer (Stalist., p. 311-318). Cette assise est formée par des argiles et des marnes noirâtres, renfermant des parties calcarifères plus ou moins endurcies et des grains de limonite oolithique jaune-brunûtre ; 380 DES ROCHES lorsque ceux-ci abondent, la roche est exploitée et fournit, par le lavage, un minerai de fer de qualité moyenne, désigné sous le nom de mine grise ou en roche. Sur le plateau, entre l’Armançon et le Serain, cette assise se présente dans son état normal et-a dix mètres d'épaisseur au plus. Mais au nord-est, dans le Val-de-Jully, elle a été légèrement remaniée par les eaux, à une époque de beaucoup postérieure à son dépôt; une partie de l'argile a été entraînée; celle qui est restée a pris une teinte brun-rougeâtre, est ainsi devenue plus riche en limonite et fournit la mène rouge. Quoi qu'il en soit, les corps organisés fossiles sont les mêmes dans les deux sortes de dépôts. Usages. Le minerai de fer est la seule matière utileextraite de cette assise. C’est sur le territoire d’Etivey et de Châtel- Gérard que se trouve le premier,exploité pendant 300 ans pour les hauts-fourneaux d’Aisy et de Buffon et abandonné en 1847. Le second l’est depuis 1825 à Gigny, Sennevoy-le-Bas et Jully. 485. Argile brune avec limonite oolithique.—Minières de Sennevoy- le-Bas. 186. Caicaire argilifère avec limonite oolithique, en rognons dans l’argile précédente. — Sennevoy-le- Bas. 187. Calcaire argilifère avec limonite oolithique, formant une petite | couche. — Jouancy. à 188. Calcaire argilifère avec limonite oolithique et Ammonites pli- calilis. — Jouancy. 189. Limonite oolithique lavée. — Sennevoy-le-Bas. FOSSILES PRINCIPAUX. Millericrinus alternatus. Myoconcha ornata. Cidaris copeoides. — Rathierian«. Trigonia monilifera. Lima proboscideu. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 381 Pecten fibrosus, Cerilhium cingendum. Gryphæa dilatata. Ammoniles Arduennensis. Rhynchonella varians. — cordalus. Dentalium Moreanunr. _— Lunulu. Natica Calypso. _ perarmalus. Pleurotomaria Munsteri. — plicatilis. Chemnitzia Heddingtonensis. Belemnites hastatus. 2 Marnes ou calcaires oxfordiens moyens (Statist., _p. 319-346). Cette assise, qui a une épaisseur moyenne de quatre-vingts mètres, forme une longue zone commencant par la pente du plateau qui s'élève au-dessus dy Val-de-Jully, en le limitant à l’ouest, depuis Laignes jusqu'à Ancy-le-Franc ; au-delà de l’Armancon elle entre dans la composition de la première terrasse de la Bourgogne et forme à la surface de celle-ci une bande traversée par la vallée du Serain à Noyers, par celle de la Cure à Arey-sur-Cure et par celle de l'Yonne, de Merry-sur Yonne à Coulanges-sur-Yonne; elle quitte enfin le département près d'Entrains. Elle présente deux faciès extrêmement différents : depuis la limite orientale du département, à partir de Laignes,jusqu'au voisinage de la vallée de la Cure, ce sont des argiles et des marnes de couleur grise, alternant ensemble ainsi qu'avec des lits et des banes de calcaires plus ou moins argileux et compactes, de même couleur. Ceux-ci deviennent d'autant plus nombreux que les couches sont plus supérieures; les fossiles sont assez abondants. Depuis la limite occidentale, à partir d'Entrains jusqu'au-delà de la vallée de l'Yonne, la base est formée aussi par des calcaires un peu marneux, renfermant beaucoup des mêmes fossiles ; mais la plus grande partie est constituée par des calcaires blancs grossiers el un peu grenus, oolithiques et pisolithiques, alternant en gros bancs ou 382 DES ROCHES formant parfois une masse non siratifiée d'une épaisseur énorme, comme à Merry-sur-Yonne où il y a des escarpements verticaux de soixante mètres d’élévation ; les fossiles y sont très-abondants, surtout les polypiers. Dans les flancs de la vallée de la Cure et aussi dans les alentours de Druies, l’assise possède un faciès intermédiaire ; elle est formée par des calcaires plus ou moins marneux ou compactes, renfermant beaucoup de polypiers. Cette vallée est située à l'extrémité du Morvan, cette pointe du Plateau central qui s’avance au milieu de l'étage oolithique inférieur et qui occasionne un étranglement très-considérable dans la bande qu'il forme au nord d’Avallon. On doit supposer que ce cap avancé pouvait occasionner au voisinage de la côte, dans la mer jurassique, pendant le dépôt de l'étage oolithique moyen, des courants sous l'influence desquels les sédiments argileux de l'Est, qui se prolongent dans la Bourgogne et la Lorraine, faisaient place à l'Ouest à des précipités calcaires qui se continuent dans le Nivernais et le Berry. Le passage latéral, incontestable pour nous, du nord-est au sud-ouest, de bancs marneux et calcaires à des bancs calcaires avec polypiers, n’a rien qui nous surprenne. L'existence d’une faune en partie analogue et identique à celle du coral-rag, à une époque antérieure à celui-ci, ne nous semble nullement impossible à concevoir et à admettre; des dépôts, minéralogi- quement semblables, qui se font dans le sein des mers à des époques différentes, devant nécessairement permettre l'exis” tence d'animaux analogues et même identiques, si les périodes ne sont pas trop éloignées l’une de l’autre, ainsi que cela à lieu pour la partie moyenne de l'oxfordelay et le coral-rag,qui repose directement sur la partie supérieure du premier. Usages. Les argiles et les marnes sont toujours beaucoup DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 383 trop calcarifères pour pouvoir être employées dans les tui- leries et briqueteries; plusieurs bancs et couches pourraient donner des chaux hydrauliques de bonne qualité. À Pacy et à Lezinnes on extrait un calcaire grisätre que l’on réduit en dalles, carreaux et pierre, pour les fontaines, dans les petites scieries hydrauliques du voisinage. A Bessy, on tire un peu de pierre lithographique de petite dimension. Dans la partie occi- dentale,les calcaires grossiers et grenus ou oolithiques donnent de bonne pierre de taille dans un grand nombre de localités, notamment à Mailly-la-Ville, Crain, Coulanges-sur-Yonne, Etais et Sainpuits. FACIÈS ARGILEUX. Val-de-Jully. 190. Marne schistoïde gris-jaunâtre, un peu endurcie. — Descente de la route au nord de Gigny. 191. Calcaire argilifère tabulaire, gris-jaunätre, alternant avec la marne précédente. — Gigny. Vallée de l’'Armancon. 192. Calcaire compacto-terreux, solide, jaunâtre. — Carrières d’Ancy-le-Franc. 193. Calcaire terreux solide, jaunâtre. — Carrières de Pacy-sur- Armançon. 194. Calcaire terreux solide, jaunàtre,avecempreinte de Wycconcha Ralhieriana. — Pacy. 195. Moule intérieur de #yoconcha Rathieriana. — Pacy. 196. Silex rayonné très-poreux, grisâtre, à petites concrétions. — Pacy. Vallée du Serain. 197. Marne schistoïde un peu endurcie grisatre. — Noyers. 198. Calcaire compacto-terreux grisâtre, alternant avec la marne précédente. — Noyers. 199. Calcaire compacte grisàtre, alternant avec le précédent. — Noyers. 200. Calcaire compacto-grenu grisätre, — Jouancy. 38% DES ROCHES Entre le Serain et la Cure. 201. Marne schistoïde grise, endurcie. — Nitry. 202. CalCaire compacto-terreux grisätre, alternant avec la marne précédente. — Nitry. 203. Calcaire compacte grisätre alternant avec le précédent. — Nitry. 204. Calcaire grisatre avec Dysaster ovalis. — Joux-la-Ville. 205. Calcaire argilifère, compacte, tabulaire, jaunâtre. — Chemin d’Arcy-sur-Cure à Précy-le-Sec. Vallée de l Yonne. 206. Calcaire un peu marneux, jaunätre, reposant sur la grande oolithe. — Magny au sud de Merry-sur-Y onne. 207. Silex grisâtre, terreux, blanchâtre à Pextérieur, en rognon dans le calcaire précédent. — Magny. 208. Calcaire compacte jaunâtre. — Châtel-Censoir. 209. Calcaire compacte jaunâtre, avec rognon de silex de même couleur. — Châtel-Censoir. 210. Calcaire compacte jaunâtre, avec polypier et baguette de Cidaris. — Chatel-Censoir. 211. Calcaire compacto-grenu grisâtre, avec Gryphœæu dilatata. — Chatel-Censoir. 312. Calcaire compacto-grossier blanchàtre, avec polypier, de la partie supérieure. — Châtel-Censoir. 215. Calcaire compacto-terreux blanchâtre, avec pholadomye, de la partie supérieure. — Lichères. Environs d’Elais. : 214. Calcaire compacto-grenu jaunâtre, avec nodule de silex gros- sier grisâtre. — Bois au sud d’Etais. FACIÈS CALCAIRES. Mamelons isolés près de la vallée de la Cure. 215. Calcaire compacte et pisolithique blanc, — Rochignard au nord de Montillot. 946. Calcaire compacto-grenu blanc à pisolithes. — La Côterette à l’ouest de Montillot. 917. Calcaire compacte jaunâtre, avec baguettes de Cidaris et autres fossiles spathiques, — Colline au sud de Montillot. és. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 385 Environs de Merry-sur-Yonne el de Chälel-Censoir. 218. Calcaire compacte grisàtre, avec polypiers grenus.— La Croix- Ramonée à l’est de Merry-sur-Yonne. 249. Calcaire compacte blanchâtre, avec Ammoniles plicatilis. — La Croix-Ramonée. 220. Calcaire lamello-grenu jaune, avec cavités tapissées de cristaux calcaires. -- D’une petite grotte à Chevroches, au nord de Brosses. 221. Calcaire compacto-oolithique blanchatre, à fossiles spathiques. — Les Alouettes au sud de Châtel-Censoir. 222. Calcaire grossier et grenu blanc, rempli de fossiles. — Grande ° carrière de Châtel-Censoir. 225. Calcaire grossier et grenu blanc dur, rempli de fossiles — Plateau à l’est de Chatel-Censoir. 224. Calcaire pisolithique jaunâtre, avec quelques fossiles. — Pla- teau à l’est de Châtel-Censoir. 225. Calcaire pisolithique jaunâtre, avec Nérinées, etc. — La Place à l’ouest de Châtel-Censoir. 226. Calcaire compacto-grenu blanc, avec traces de fossiles à la partie inférieure. — Rochers du Saussois au nord de Merry- sur-Yonne. 227. Calcaire compacto-grenu friable blanc, avec nombreux fossiles, de la partie supérieure, — Rochers du Saussois. Environs de Maïlly-la- Ville. 228. Calcaire compacte et oolithique grisâtre, de la partie inférieure. — Garrières d’Avigny à l’est de Mailly-la-Ville. 229. Calcaire à grosses oolithes et grains spathiques, grisâtre. — Avigny. 250. Calcaire compacte et oolithique jaunâtre, de la partie infé- rieure. — Carrières de Mailly-la-Ville. 251. Calcaire marneux jannâtre, à pisolithes fines, de la partie moyenne. — Mailly-la-Ville. 232. Calcaire compacte et pisolithique jaunâtre. — Mailly-la-Ville, 235. Calcaire grossier et oolithiqueblanchâtre. — Carrières septen- trionales de Mailly-la-Ville. 234. Calcaire fin oolithique blanchâtre. — Mèmes carrières de Mailly-la-Ville. 386 DES ROCHES 255. Calcaire grossier et pisolithique blanc, avec empreinte de polypier. — Carrières méridionales de Mailly-la-Ville. 256. Calcaire grossier et terreux blanc. — Mèmes carrières de Mailly-la-Ville. 257. Calcaire compacte blanc, avec nombreux polypiers spathiques, de Ja partie supérieure. — Avigny. Environs de Maïlly-le-Château. 258. Calcaire compacte blanchâtre, avec polypiers. — Mailly-le- Chateau. 239. Calcaire compacte cavitaire blanchàätre, avec Nérinées. — Magny au sud de Merry-sur-Yonne. Environs de Coulanges-sur-Yonne. 240. Calcaire pisolithique blanc. — Carrières de Crain. 241. Calcaire compacto-grenu blanchäâtre, de la partie inférieure. — Crain. 242. Calcaire compacte jaunàtre, de la partie supérieure.— Misery à l’est de Crain. 243. Calcaire pisolithique dur blanc. — Festigny. 244. Calcaire pisolithique tendre bianc. —— Festigny. Environs d’Andries et Druies. 245. Calcaire compacte jaunâtre, de la partie inférieure. — Andries. 246. Calcaire compacte à grains cristallins, jaunâtre, de la partie inférieure. — Andries. 247. Calcaire compacto-terreux grisätre, de la partie moyenne. — Andries. 248. Calcaire compacte jaune-brunatre, pétri de petites huîtres, de la partie supérieure. — Andries. 249. Calcaire compacto-terreux violâtre, avec polypiers, de la partie inférieure. — La Ville à Druies. 950. Calcaire terreux avec grand polypier. -- La Ville à Druies. 251. Calcaire compacto-terreux jaunâtre, avec nodules siliceux, de la partie inférieure. — Au-dessus de Gulène près Druies. 259. Calcaire marneux compacte verdatre, avec polypiers, de la partie supérieure. — Au-dessus de Gulène. « 255. Calcaire compacto-grenu grisatre, à grains spathiques. — Les ; Ménages au sud de Druies. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 387 954. Calcaire pisolithique blanc, de la partie inférieure. — Montru à l’est de Druies. 955. Calcaire compacte cavitaire grisâtre, de la partie supérieure. — Montru. Environs de la montagne des Aloueites. 256. Calcaire compacte grisatre à grosses oolithes, de la partie inférieure. — Les Roches à l’est de Sougères. 957. Calcaire compacte grisätre à nombreux fragments de coquilles, de la partie supérieure. — Les Roches. 958. Calcaire compacte noduleux jaunàtre. — Etais. 959. Calcaire compacto-terreux jaunâtre à nombreux fossiles. — Etais. 260. Calcaire oolithique et pisolithique jaunâtre, à parties spathi- ques et petites huîtres. — Au sud de Sainpuits. 261. Calcaire pisolithique friable blanc. — Les Barres à l’est de Sainpuits. 262, Calcaire oolithique blanc avec Peigne, etc. — Le Gallois à l’ouest d’Etais. 963. Calcaire terreux solide jaunâtre. — La Sauvin au nord d’Etais. 264. Calcaire oolithique blanchâtre, de la partie inférieure. — Car- rières de Chevigny à l’ouest d’Etais. 265. Calcaire grossier blanchâtre, avec quelques oolithes, de la partie supérieure — Carrières de Ghevigny. 266. Calcaire compacte cavitaire blane, de la partie supérieure. — Au-dessus des Barres. 267. Calcaire à entroques légèrement grisätre. — Chauminet au sud de Sougères. 968. Calcaire grossier blanchâtre à grains spathiques. — Chauminet. 269, Calcaire grossier et oolithique jaunatre, avec divers fossiles. — Chauminet. FOSSILES DU FACIÈS ARGILEUX. Cidaris Blumenbachii. Panopæa subcylindrica. — coronula. Pholadomya ampla. Echinus pertalus. — cingqulala. Pygaster Umbrella. — daucicosta. Dysasler ovalis. Cercomya antica. 388 Mytilus pectinaltus. Myoconcha Rathieriana. Pinna sublanceolata. Gervillia aviculoides. Lima rigida. Pecten Moreanus. — subarlieulatus. — subfibrosus, DES ROCHES Ostrea gregarea. Gryphæa dilatata. Terebratula insignis. — lagenalis. Rhynchonella inconstans. Phasianella striata. Ammoniles plicatilis. Belemniles hastatus. FOSSILES DU FACIÈS CALCAIRE. Centrastrea granulata. Confusastrea Mosensis. Calamophyllia dichotoma. Eunomia flabella. Myriophyllia rasteliina. Thecosmilia Buvignieri. Eusmilia Semisulcal«. Apiocrinus Roissyanus. Cidaris coronat«. Hemicidaris crenularis. Glypticus hieroglyphicus. Echinus perlatus. Corbis Buvignieri. Cardium corallinum. Diceras arielin«. Opis Colleausia, Lima allernicosta. — proboscidea. Pecten coraltinus. — inœquicostalus. — interlexlus. OIENS. — subartliculalus. Spondylus inæquistriatus. Ostrea colubrin«. Terebratula insiguis. Pileolus costatus. Nerinea Calliope. — Defrancii. — Desvoidyi. — Moreana. — Mosæ. — subcylindrica. Dilremaria quinquecincla. —. Ralhierian«. Purpura Lapierrea. 2 Calcaire oxfordien supérieur (Statist., p. 346-354). Cette assise, dont l'épaisseur moyenne est de cent mètres, présente dans toute la longueur de la zone une uniformité de composition presque complète; ce sont des calcaires com- pactes tabulaires, grisâtres, donnant souvent des lèves pour la couverture des habitations, séparés par de petits lits de marnes grises qui deviennent d'autant plus minces et d'autant plus DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 389 calcaires qu'ils sont plus rapprochés de l'extrémité occiden- tale. Dans les environs de Vermanton, où se fait la réunion des vallées de la Cure et de l'Yonne, les marnes prédominent et les calcaires plus marneux ne forment plus que des lits et quelques couches subordonnées. L’assise forme à la surface de la première terrasse de la Bourgogne une zone dont la lar- geur dépasse souvent un myriamètre à l'est de l'Yonne, tandis qu’elle atteint à peine trois à quatre kilomètres à l’ouest. Elle commence à Cruzy et traverse la vallée de l'Armançon à Pacy, celle du Serain en aval de Noyers et celles de la Cure et de l'Yonne à Vermanton, de Mailly-la-Ville la zone passe à Courson, à Sougères et quitte le département à Sainpuits. Usages. Sur beaucoup de points, et surtout à Cruzy, à Saint-Vinnemer, à Augy et à Arton, les calcaires compactes donnent des lèves pour couvrir les habitations et des dalles pour le carrelage. En beaucoup d’endroits, notamment à Fou- ronnes et à Villepot, près Courson, les calcaires compactes fournissent de la chaux de très-bonne qualité. À l’est de l'Armancon. 270. Marne schisteuse endurcie grisâtre. — Carrières de Cruzy. 271. Calcaire compacte tabulaire grisâtre, alternant avec la marne précédente. — Cruzy. 272. Calcaire compacte tabulaire grisâtre, de la partie supérieure. — Musseaux à l’est de Cruzy. 273. Calcaire compacte tabulaire jaunâtre, avec diverses coquilles. — Crot-Courcelles à l’est de Cruzy. 274. Calcaire compacte grisâtre, en nodules tuberculeux irréguliè- rement cariés. — Grot-Courcelles. 275. Polypier en calcaire grenu, à orbicules siliceux. — Gland. 276. Calcaire argilifère compacte jaunâtre, avec huître.—Musseaux. 277. Calcaire compacte grisâtre, avec quelques petites oolithes. — Saint-Vinnemer. 390 DES ROCHES 278. Calcaire compacte grisatre, avec quelques oolithes et fossiles. — Commissey. 279. Calcaire compacte, avec moule de Pinne.— Commissey. Entre l’'Armancon et le Serain. 280. Calcaire compacte jaunätre, avec traces de fossiles. — Villiers- les-Hauts. 281. Calcaire compacte jaunâtre. — Cusy. 282. Calcaire compacte tabulaire jaunâtre. — Carrières d’Angy à l’ouest de Lezinnes. Entre le Serain el la Cure. 285. Calcaire compacte tabulaire jaunàtre. — Carrières d’Arton au sud de Molay. 284. Calcaire argilifère compacte, schistoïde, grisâtre, en petits lits dans le précédent. — Arton. 285. Calcaire compacte jaunâtre, avec empreinte de Gervillia. — Joux-la- Ville. 286. Calcaire compacte jaunâtre, avec empreinte d’Astarte. — Bois de Vezeau au nord de Vermanton. 287. Calcaire compacte brunâtre. — Cravan sur la route de Saint- Bris. 288. Calcaire compacte noduleux blanchâtre. — Cravan. Entre la Cure et l'Yonne. 289. Marne schistoïde un peu endurcie, grisatre. — Bessy. 290. Calcaire compacte grisàtre, alternant avec la marne précé- dente et essayé comme pierre lithographique. — Bessy. 291. Calcraire compacto-terreux grisätre. — Au-dessus des carrières de Mailly-la-Ville. 292. Calcaire compacte grisätre. — Mailly-la-Ville. A l’ouest de l'Yonne. 295. Çalcaire schistoïde grisâtre. — Trucy-sur-Yonne. 294. Calcaire schistoïde grisâtre. — Mailly-le-Château. 295. Calcaire compacto-terreux grisâtre. — Mailly-le-Chäteau. 296. Calcaire compacte tabulaire grisâtre. — Trucy. 297. Calcaire marneux grisätre, — Bazarne. 299. Calcaire compacto-terreux grisâtre alternant avec le précédent. Bazarne. DU DÉPARTEMENT DE L YONNE. 391 500. Calcaire compacte jaunàtre. — Bazarne. Environs de Courson. 301. Calcaire compacte et pisolithique jaunâtre. — Villepot au sud de Courson. . 302. Calcaire compacte et pisolithique jaunâtre. — Four à chaux de Fouronnes. 505. Calcaire compacte brunätre. — Four à chaux de Fouronnes. 504. Calcaire compacte grisâtre. — Grande source de Courson. 505. Calcaire compacte jaunâtre, alternant avec le précédent. — Grande source de Courson. Montagne des Alouettes. 306. Calcaire compacte jaunâtre, — Au-dessus des Barres à l’est de Sainpuits. FOSSILES PRINCIPAUX. Pholadomya ample. Perna foliaceu. — canaliculal«. Gervillia Kimmeridgensis. — cingulata. Lima proboscidea. Pleuromya recurva. Pecten vimineus. Trigonia clavellata. Ostrea gregarea. Mylilus consobrinus. Exogyra spiralis. — pectinalus. Terebratula insignis. Modiola imbricata. Rhynchonella corallina. — solenoïdes. Phasianella striaia. 4° Calcaire corallien blanc (Statist., p. 360-370). Le calcaire corallien, dont l'épaisseur moyenne est de quatre-vingt-dix mètres, possède une composition extrême- ment uniforme ; ce sont des calcaires crayeux blancs, à texture grossière, fine ou oolithique, alternant ensemble un grand nombre de fois, et renfermant quelquefois des rognons siliceux ; ils donnent d'excellente pierre pour les constructions; les bancs supérieurs sont toujours pisolithiques sur plusieurs mètres d'épaisseur. Les fossiles ne sont pas très-abondants, excepté dans les bancs supérieurs. Cette assise forme, au pied 392 DES ROCHES de la seconde terrasse de la Bourgogne, une zone dont la largeur moyenne dépasse rarement cinq kilomètres, à l’est de la vallée de l'Yonne; mais à partir de Fouronnes, celle-ci est réduite souvent à moins de deux kilomètres, parce qu’alors l’assise constitue la partie inférieure de la pente de la deuxième terrasse. La zone commence à l'angle nord-est du département, à l’est d'Arthonnay, traverse la vallée de l’Armancçcon au-dessus de Tonnerre, celle du Serain au-dessous de Chablis et celle de l'Yonne au-dessous de Cravan ; au-delà elle passe à Courson, Thury, forme la montagne des Alouettes et se termine à Per- reuse. Usages. Les grandes exploitations de pierre de taille sont celles de Saint-Martin, de Tonnerre, d’Yrouère, de Chablis, de Bailly, de Courson, de Molesmes et de Thury; la pierre tirée à proximité de la vallée de l’Armancçon est quelquefois portée jusqu’à Paris, où elle est connue sous le nom de pierre de Tonnerre. On en fait aussi des auges et des mangeoires. A Saint-Bris et à Bailly, des blocs fort coquilliers donnent une sorte de marbre légèrement jaunâtre, dont on a fait beaucoup de chambranles de cheminées à Auxerre. A l'est de l'Armançon. 507. Calcaire crayeux blanc. — Carrières de Saint-Martin. 508. Calcaire crayeux blanc, avec fissures tapissées de cristaux calcaires. — Saint-Martin. 309. Calcaire compacto-terreux à stylolites, de la partie supérieure. — Saint-Martin. Entre l'Armancon et le Serain. 310. Calcaire à entroques jaune, de la partie inférieure, — Sam- bourg. 311. Calcaire compacto-terreux jaunätre. — Carrières d’Angy à l’ouest de Saint-Vinnemer. 312. Calcaire crayeux jaunätre, avec rognons compactes brunâtres. — Angy DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 393 515. Calcaire crayeux blanc, avec Trigonie. — Angy. 514. Calcaire crayeux blanc un peu endurci. — Angy. 315. Calcaire compacto-terreux jaunâtre, avec rognons compactes brunâtres. — Angy. 316. Calcaire crayeux blanc, de la partie inférieure. — Vauligny à lest de Tonnerre. 517. Calcaire crayeux blanc, de la partie moyenne. — Vauligny. 318. Calcaire oolithique blanc, de la partie moyenne. — Vauligny. 319. Calcaire compacte et pisolithique jaunätre, de la partie supé- rieure. — Vauligny. 320. Silice pulvérulente blanche, en rognons tendres dans le calcaire crayeux inférieur. — Vauligny. 321. Calcaire crayeux blanc, à petites oolithes. — Carrières d’Yrouère. 322. Calcaire crayeux blanc, à petites oolithes et nodules compactes brunâtres, — Yrouère. 3525. Calcaire crayeux blanc. — Yrouère. 324. Calcaire crayeux blanc. — Carrière de Béru. 525. Calcaire crayeux blanc, avec Pinna ampla. — Béru. 326. Calcaire pisolithique blanc à dicérates, de la partie supérieure. — Béru. 327. Calcaire crayeux blanc, à petites oolithes et Pinmgène. — Carrière de Viviers,. 528. Calcaire compacte jaunâtre à stylolites. — Viviers. 329. Calcaire oolithique et pisolithique jaunâtre. — Béru. Entre le Serain et l Yonne. 350. Calcaire compacte avec quelques pisolithes, de la partie infé- rieure. — Carrière de Chichée, 351. Calcaire compacto-terreux blanc. — Chichée. 352. Calcaire oolithique blanc, à grosses pisolithes. — Chichée. 555. Calcaire compacto-terreux blanc, à petites oolithes, de la partie inférieure, — Chemilly. 4. Calcaire crayeux blanc, de K partie supérieure, — Chemilly. ). Calcaire compacte pisolithique et cristallin jaunâtre, de la partie supérieure. — Chablis. 356. Calcaire compacto-terreux blanchätre. — Cravan. 357. Calcaire crayeux blanc, — Bois de Senoy à l'est de Saint-Bris. 26 394 DES ROCHES 358. Calcaire crayeux un peu solide blanc, de la partie inférieure. — Carrières de Bailly au sud de Saint-Bris. 959. Calcaire crayeux blanc, avec quelques oolithes, corrodé à la surface, de la partie moyenne. — Bailly. 540. Calcaire compacto-terreux blanchâtre, de la partie moyenne.— Bailly. À l’ouest de l'Yonne. 341. Calcaire compacto-terreux blanchâtre, de la partie inférieure. — Carrières de Coulanges-les-Vineuses. 342. Calcaire compacte et oolithique blanchâtre, de la partie moyenne. — Coulanges-les-Vineuses. 545. Calcaire compacto-terreux jaunâtre, de la partie supérieure. — Coulanges-les-Vineuses. 344. Calcaire compacte et oolithique, avec Nérinées, de la partie inférieure. — Carrière de Bel-Ombre près Escolives. 345. Calcaire compacte et pisolithique blanc, de la partié moyenne. — Bel-Ombre. 346. Calcaire compacte et oolithique avec Nérinées, de la partie supérieuré. — Bel-Ombre. Environs de Courson et de Thury. 347. Calcaire crayeux blanc. — Carrière de Charentenay. 348. Sperkise fibro-rayonnée, en rognons dans le calcaire précédent — Charentenay. 349. Calcaire crayeux blanc. — Carrières de Courson. 950. Calcaire crayeux blanc. — Carrières de Molesmes. 551. Calcaire crayeux blanc avec pisolithes, de la partie supérieure. — Molesmes. 852. Calcaire compacte et oolithique blanchâtre, de la partie supé- rieure. — Charentenay. 855. Calcaire compacte blanchitre, avec empreintes d’Astrée. — 354. Calcaire crayeux blanc, de la partie inférieure. — Carrière au sud-ouest de Sementron. 599. Calcaire crayeux blanc avec pisolithes, de la partie supérieure. — Sementron. 896. Calcaire crayeux cavitaire blanc. — Carrière de Grande-Breuille au sud de Lainsecq. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 395 397. Calcaire crayeux et oolithique blanc. — Grande-Breuille. 358. Calcaire oolithique friable blanc, — Petite-Breuille au sud de Lainsecq. 559. Calcaire pisolithique blanc.— Plateau entre Thury et Sougères. Montagne des Aloueltes et Perreuse. 360. Calcaire crayeux et oolithique blanc. — Carrière sur la pente nord de la montagne des Alouettes, près Lainsecq. 561. Calcaire oolithique blanc. — Perreuse. 562. Calcaire oolithique blanc, à grosses pisolithes et nérinées, de la partie supérieure. — Perreuse. FOSSILES PRINCIPAUX. Prionastrea Noe. Slylina Delucii. Apiocrinus Roissyanus. Hemicidaris diademata. Pholadomya paucicosta. Cardium corallinum. — septiferum. Diceras arielina. Trigonia Meriani. Pinnigena Saussurei. Lima œæquilater«. Ostrea solitaria. Rhynchonella corallina. Nalica hemispherica. — Rupellensis. Nerinea Mandelslohi. — Sequanu. Ditremaria Rathierian«. Pterocera telracera. Ammoniles Achilles. 5° Calcaire à Astartes (Siatist., p. 374-378). Cette assise, dont l'épaisseur ne dépasse guère dix mètres, participe par sa composition minéralogique de la nature des assises entre lesquelles elle est interposée ; les calcaires compactes blanchâtres inférieurs présentent presque toujours des parties dans lesquelles il y a une grande quantité de grains oolithiques ; la partie supérieure est formée par des couches alternatives de calcaires compactes et de marnes légèrement grisâtres comme les marnes et calcaires kimméridiens placés au-dessus. Les fossiles nesont pas, en général, très-abondants, excepté sur quelques points où des lits sont à l’état de luma- 396 DES ROCHES chelle par suite de la grande abondance d’une petite exogyre. Cette assise forme une petite zone d’une largeur très-peu considérable, à la ligne de jonction du calcaire corallien et de ‘étage oolithique supérieur. Elle commence à Arthonnay, passe à Tonnerre, Chablis, Saint-Bris, Coulanges-les-Vineuses, Courson, Thury et se termine à Perreuse. : Usages. Les bancs inférieurs donnent presque partout un moellon dur estimé. Dans les environs de Saint-Bris, on en extrait de grandes dalles de deux mètres carrés de sur- face. A l'est de l’'Armancon. 565. Calcaire compacte jaunâtre. — Arthonnay. 564. Calcaire compacte jaunâtre, avec de fines oolithes. — Arthon- nay. 365. Calcaire compacte jaunâtre, avec de fines oolithes irrégulière- ment distribuées. — Saint-Martin. Environs de Chablis. 366. Calcaire compacte fragmentaire, avec Térébratules et Exogyres. — Chemilly. 367. Calcaire compacte, avec fragments de calcaire verdi et Exo- gyres. — Chablis. 368. Caicaire compacte, avec fragments perforés de calcaire verdi et Exogyres. — Chablis. 369. Calcaire compacte grisâtre avec Modiole, — Chablis. Environs de Cravan et de Bailly. 570. Calcaire à grosses oolithes, jaunâtre. — Bois de Senoy à l’est de Saint-Bris. 571. Calcaire compacte jaunâtre, à grosses oolithes. — Cravan. 572. Calcaire compacte jaunâtre, à grosses oolithes irrégulièrement disséminées. — Cravan. 373. Calcaire compacte jaunâtre, à oolithes irrégulièrement dissé- minées. — Bois de Senoy. 574. Calcaire compacte jaunâtre, à lits irréguliers oolithiques. — Bailly au sud de Saint-Bris. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 397 575. Calcaire compacte jaunâtre, avec quelques oolithes. — Irancy. 376. Calcaire compacte légèrement brunâtre. — Bois de Senoy. 377. Calcaire compacte blanchâtre, avec feuille de Zamia?. — Cra- van. Environs de Courson. 978. Calcaire oolithique jaunâtre, exploité comme pierre dure. — Molesmes. 579. Calcaire oolithique jaunâtre, exploité comme pierre dure, — Fontenailles. 580. Calcaire oolithique fin, avec pisolithes et divers fossiles, — Fontenailles. 581. Calcaire compacte tabulaire jaunâtre. — Fontenailles. 582. Calcaire bréchoïde jaune, avec exogyres. — Courson. 385. Calcaire compacte, corrodé et verdi à la surface, avec fucoï- des. — Courson. 384. Calcaire compacte grisâtre, avec divers fossiles. — Courson. 385. Calcaire compacte jaunâtre. — Charentenavy. Environs de Thury et montagne des Alouettes. 386. Calcaire compacte jaunâtre, avec pisolithes ét nombreuses Exogyres. — Plateau entre Thury et Sougères. 337. Calcaire compacte jaunâtre, avec oolithes irrégulièrement dis- séminées. — Thury. 388. Calcaire compacte jaunâtre, avec oolithes irrégulièrement dis- séminées. — Perreuse. 589. Calcaire compacte blanc, avec empreintes de Nérinées. — Moulins de la montagne des Alouettes, à l’est de Sainpuits. FOSSILES PRINCIPAUX. Diadema subangqulare. Exogyra Bruntrutana. Holectypus corallinus. Terebralula subsella. Astarle supracorallina. Phasianella striata. ÉTAGE OOLITIQUE SUPÉRIEUR (Statist., p. 396-399). Les deux assises qui composent cet étage se reconnaissent facilement dans tout le département à leur nature minéralogique qui n’éprouve aucune variation dans toute la longueur de la 398 DES ROCHES zone; pourtant il y a passage au point de contact, et quelque- fois même il semble qu'il y ait passage latéral de l'une à l’autre. La série qu’elles forment s’est déposée immédiatement après les dernières assises calcaires de l'étage oolithique moyen ; elle est argileuse et marneuse dans la partie inférieure et calcaire dans la partie supérieure. Les bancs calcaires, qui composent à peu près exclusivement cette dernière, ne sont qu'une suite de ceux qui alternent avec les marnes et les argiles dans la première. Dans leur partie visible, les deux assises sont formées de dépôts essentiellement littoraux, comme l'indiquent les pholadomyes et principalement les ostracées si abondantes surtout dans l’assise inférieure. L'étage entier repose, à stratification concordante, sur l’étage oolithique moyen el ne vient jamais recouvrir les précédents. 1° Marnes et calcaires kimméridiens (Statist., p. 383-389). Cette assise, dont l'épaisseur moyenne est évaluée à cent mètres, est formée par cinq ou six groupes de couches alternatifs, les uns d’argiles et de marnes gris-bleuâtres ou grises, renfermant quelques lits de calcaire argileux et de lumachelles grises ou brunâtres, en grande partie formées d'Exogyra virqula; et les autres de marnes grisàtres ou brunâtres et de calcaires soit marneux, soit compactes grisâtres ou jaunâtres, renfermant aussi très-souvent des Exogyra virgula disséminées. Elle forme, dans les pantes de la seconde terrasse de la Bourgogne, une zone d’une largeur moyenne de un à deux kilomètres, qui en atteint quelquefois trois ou quatre, comme au sud de Tonnerre et à l’est de Courson. La zone commence à Arthonnay, à l'angle nord-est du département, traverse la vallée de l'Armancon à Tonnerre, celle du Serain à Chablis et celle de l'Yonne à Coulanges-les- DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 399 Vineuses ; de là elle va passer à Moufly, Lain et Perreuse. Elle reparaît en outre dans plusieurs grands vallons au nord-ouest de la zone, notamment dans celui du Beaulches. Usages. Les calcaires compactes donnent partout du moel- lon et des matériaux pour les chemins ; à Tonnerre, à Quenne et à Saint-Bris, ils sont employés à la confection de chaux grasses de bonne qualité. Les lumachelles sont très-recher- chées pour les fondations, les constructions sous l’eau et les routes départementales. Entre l’'Armancon el le Serain. 590. Marne grise. — Vezannes. 391. Lumachelle jaunâtre. — Bernouil. 392. Lumachelle jaunâtre. — Viviers. 595. Lumachelle jaunâtre, avec Trigonia muricala ei Gervillia Kimmeriigensis. — Fléy. 594. Lumachelle jaunâtre. — Yrouère. 895. Calcaire argilifère gris-jaunâtre. — Viviers. 596. Calcaire compacte jaune, avec cavités tapissées de cristaux calcaires. — Tonnerre, Entre le Serain el l'Yonne. 3597. Lumachelle jaune. — Plateau au sud de Chichée. 598. Lumachelle grisàtre. — Saint-Bris sur la route de Saint-Cyr. Environs d'Auxerre. 399. Calcaire compacte schistoïde, grisàtre passant à la marne, — Vaux. 400. Calcaire compacte jaunâtre, alternant avec le précédent, — Vaux. Environs de Courson. 401. Argile grise. — Coteau au nord d’Ouanne. 402. Marne gris-jaunâtre. — Bois au sud-ouest d'Ouanne. 405. Marne gris-jaunâtre. — Nanteau au sud de Migé. 40%. Marne schistoïde jaunâtre., — Pierrefitte au sud d'Ouanne. 415. DES ROCHES. . Lumachelle grise. — Le Suchois au sud de Fontenailles. . Lumachelle gris-jaunâtre. — Nanteau. . Lumachelle gris-jaunâtre. -Ghamp-de-Vaux à l’est de Courson. . Galcaire argilifère gris-jaunâtre, avec Exogyra virgula. — Nanteau. . Calcaire argilifère gris-jaunâtre, avec Exogyra virgula. — Taingy. . Calcaire compacte jaunâtre, avec Peclen distrialus. — Sens près Merry-Sec. . Calcaire compacte jaunâtre. — Pierrefitte. . Limonite formantun rognon allongé dans le calcaire précédent. Pierrefitte. Argile grise avec Exogyra virgula. — Taingy. Environs de Perreuse. . Marne verdätre avec Terebratula subsella. — Moulins de Perreuse. 415. Lumachelle jaunâtre. — Moulins de Perreuse. 316 . Lumachelle jaunâtre à coquilles roses.— Moulins de Perreuse : 417. Lumachelle jaunâtre. — Sainte-Colombe. 418. Calcaire marneux jaunâtre avec Exogyra virgula. — Sainte - Colombe. FOSSILES PRINCIPAUX. Pholtadomya acuticosla. Peclen distriatus. — donacin«. Exogyra virgule. Thracia suprajurensis, Terebratula subsella. Mactromya rugosa. Natica turbiniformis. Cucullea lexl«. Chemnilzia giganteu«. Pinna granulala. Ammonites Lallierianus. Gervillia Kimmeridgiensis. — longispinus. 20 Calcaire portlandien (Statist., p. 390-396). Cette assise, dont nous avons évalué l'épaisseur moyenne à quarante mètres, possède dans toute la longueur de la zone une très-grande uniformité de composition pétrographique; elle consiste en calcaires compactes ordinairement jaunâtres DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 401 ou blanchâtres, divisés en lits ou baucs de un à deux déci- mètres, très-fendillés, séparés dans les parties inférieures seulemént par de petits feuillets marneux de même couleur. Dans quelques rares localités, ces calcaires possèdent un grain plus grossier et peuvent être taillés; parfois les lits supérieurs sont crayeux, tendres. Les corps organisés ne sont pas très-abondants. Elle forme le front et la partie élevée adjacente de la seconde terrasse de la Bourgogne; la zone possède, à l’est de l'Yonne, une largeur de cinq à six kilo- mètres, qui devient moins considérable à l’ouest. Comme les deux précédentes assises, elle commence à Arthonnay, à l'angle nord-est du département; elle est traversée par la vallée de l'Armançon à Tronchoy, par celle du Serain à Maligny et par celle de l'Yonne à Auxerre. De cette ville la bande va passer à Merry-Sec, Saints et Treigny, où elle quitte le dépar- tement. Elle pénètre aussi fort avant dans les grands vallons situés au nord-ouest de la bande, notamment dans celui du Beaulches. Usages. Le calcaire cou pacte donne du moellon et, après le silex, les meilleurs matériaux pour les routes et les che- mins. Dans plusieurs localités, il fournit de la chaux grasse de bonne qualité. À Rugny et Mélisey, quelques banes ooli- thiques donnent de la pierre de taille. Dans la Puisaye, on emploie les bancs supérieurs tendres pour marner les terres. À l'est de l’Armancon. 19. Calcaire compacte jaunàtre. -- Carrière de Rugny. 420. Calcaire oolithique et grenu jaune. — Rugny. 421. Calcaire oolithique et grenu jaune. — Carrière de Melisey. 422. Calcaire compacte, endurci rosàtre au contact du calcaire à spatangues, — Tronchoy. Entre l'Armancon et le Serain. 425, Calcaire compacte jaunâtre — Fléy. 402 DES ROCHES 424. Calcaire compacte jaunâtre, avec Pinna Barrensis.—Baccarat à l’est de Maligny. 425. Calcaire compacte jaunâtre, avec nombreuses empreintes de petites coquilles bivalves. — Plateau au sud-ouest de Dié. 426. Calcaire compacte jaune-rougeâtre, avec diverses coquilles, au contact du calcaire à spatangues. 427. Calcaire compacte jaunâtre, avec Cardium Dufrenoycum. — Bernouil. Entre le Serain el l'Yonne. 428. Calcaire compacte jaunâtre, avec Thracia portlandica. — Montalery à l’est de Venoy. 429, Calcaire compacte blanchâtre, avec empreinte de Thuytes. — Saint-Cyr-les-Colons. Eñvirons d'Auxerre. 450. Calcaire compacto-terreux blanchâtre, avec Trigonie. — Auxerre. 451. Calcaire compacte blanchâtre, avec Ammoniles gigas. — Auxerre. 432. Calcairecompacte brun-jaunàtre, perforé et endurci au contact du calcaire à spatangues. — Auxerre. 455. Calcaire compacte brun-jaunätre. — Escamps. Environs de Perreuse. 454. Calcaire compacte légèrement brunâtre. — Perreuse. 455. Calcaire compacte brunâtre, avec Trigonie et autres fossiles. — Saints. 456. Calcaire compacto-terreux blanchätre avec Cardium Dufre- noycum et Exogyra Bruntrutana. — Saints. 457. Calcaire compacte et grossier jaunatre, avec nombreux moules de petites coquilles. — Beauregard à l’ouest de Treigny. 458. Calcaire compacte jaunâtre, taché de brun au voisinage du calcaire à spatangues. — Beauregard. 459. Calcaire compact, brunâtre au contact du calcaire à spatan- gues. — Beauregard. FOSSILES PRINCIPAUX. Thracia portlandicu. Trigonia gibbosa. ns DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 103 Maclromya rTugosu. Pinna Barrensis. Pullastra Barrensis. Pecten nudus. Cardium Verioli. Exogyra Bruntrutana. Astarte Autissiodorensis Ammoniles gigas. Panopæa Piduini. — Gravesianus. TERRAIN CRÉTACÉ (Stalist., p. 400-411). Sur les côtes de la Manche, un calcaire tendre blane, que nous appelons craie en France, constitue les falaises de la Grande-Bretagne entre le Pas-de-Calais et l’île de Portland, et celles de la France en Picardie et en Normandie. En Angleterre d'autres portions interposées de la côte sont formées par des dépôts sableux et argileux verdâtres ou rougeàtres situés au-dessous, désignés sous les noms de Greensand, de Wealdenclay et de Hastings-sand et qui s'y rattachent par leurs fossiles. En 1813, M. d'Omalius d'Halloy proposa pour le groupe dont il s’agit le nom de cretace. Ce nom, traduit dans les diverses langues, a été universellement adopté, quoique souvent les roches qui composent le groupe, et notamment les couches inférieures, ne participent en rien de la nature et de l’aspect de la craie. Pendant longtemps on n'a compris dans la partie inférieure du terrain crétacé que les dépôts analogues au greensand des Anglais, et l’on a considéré comme jurassiques les couches immédiatement inférieures; mais les géologues suisses ont appelé l'attention sur le calcaire jaune et les argiles des environs de Neuchâtel, qui sont maintenant admis d'une manière définitive sous le nom de terrain où d'étage neocomien. Le terrain crétacé de la Champagne et de la Bourgogne est complet et peut, d’après la nature de ses roches, être divisé en trois groupes corres- pondant à ceux qui sont maintenant admis sur le continent, les étages néocomiens, des sables verts et de la craie ; ils 40% DES ROCHES sont généralement bien développés dans le département et renferment une très-grande quantité de corps organisés fossiles. Jusqu'à présent, on n’a pas constaté d’une manière certaine l'existence même d’une seule espèce jurassique dans la couche la plus inférieure de l'étage néocomien ; mais il n’en est pas de même entre les différentes assises qui le constituent ; une partie des espèces du calcaire à spatangues se retrouvent dans les argiles ostréennes. Le terrain crétacé qui termine la série des terrains secon- daires dans le département de l'Yonne, comme partout ailleurs, est essentiellement argileux dans son étage inférieur, sableux dans le moyen et calcaire dans le supérieur. Sa composition est assez analogue à celle qu'il possède dans le département de l'Aube, toutefois, avec certaines différences ; ainsi l'étage moyen est plus sableux et beaucoup moins argileux. C’est également celui-ci qui présente le plus de variations dans toute la longueur de la bande qu'il forme dans le département; dans la partie orientale, à l’est du Serain, les sables sont colorés en vert, tandis que, dans la partie occidentale, ils sont brun-jaunâtre ferrugineux. L'épais- seur moyenne du terrain crétacé n'est pas beaucoup plus facile à évaluer que celle du terrain jurassique, soit parce qu’on ne trouve jamais un grand nombre d'assises dans une même coupe, soit parce que l'épaisseur des dépôts sableux, très-variable d'abord en elle-même, influe aussi puissamment sur celle des autres dépôts, immédiatement superposés, soit encore parce que l'épaisseur des assises néocomiennes va en s’atténuant dans toute la longueur de la bande, de l’est vers l'ouest. Pourtant, nous croyons être à peu près sûr de ne pas nous éloigner beaucoup de la vérité en adoptant le chiffre de F2 DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 405 quatre cent trente mètres que l’on obtient en réunissant les épaisseurs que présente chacune des assises dans les pentes de la vallée de l'Yonne. Ce terrain forme plus de la moitié nord-ouest du départe- ment, dans les arrondissements de Sens et de Joigny et dans la partie limitrophe de celui d'Auxerre. La ligne séparative du terrain jurassique s’avance sur les plateaux jusque près de Bernouil et de Collan, à l’est du Serain, à Beine et à Quenne, entre le Serain et l'Yonne, et enfin à Coulanges-les-Vineuses, Ouanne et Perreuse, à l’ouest de cette dernière rivière. Dans les vallées, la limite reste en decà, parce que l'étage jurassique supérieur dépasse la ligne extrême, de cinq à dix kilomètres. Toutes les assises possèdent une inclinaison générale, mais faible, vers le nord-ouest. Il est facile de constater cet état de choses pour le terrain crétacé, à l'exception, toutefois, des deux assises supérieures; car, dans les grandes vallées, à mesure qu'on les remonte, on voit chacune des assises sortir successivement du pied et aller, en se relevant, atteindre les . Sommets des plateaux dans lesquels ces vallées sont excavées. L'inclinaison des assises, en moyenne de cinquante-trois minutes, est à peu près la même dans le terrain crétacé que dans le terrain jurassique. Les deux assises supérieures de l'étage de la craie consti- tuent les deux plateaux du Sénonais et du Gâtinais, à l’excep- tion de la partie tout-à-fait supérieure formée par le terrain tertiaire, tandis que l’assise inférieure forme le front et des collines avancées ; elles occupent la partie la plus inférieure de la zône crétacée, près des cinq sixièmes de sa superficie. Si l’on traverse cette zône en se dirigeant vers la limite extérieure, on voit ensuite les deux assises de l'étage moyen qui constitue près d'un sixième, en formant, à l'ouest de #06 DES ROCHES l'Yonne, la Puisaye; puis, les trois assises de l'étage inférieur qui forme beaucoup moins d’un sixième; ces deux derniers occupent, à la surface de la seconde terrasse de la Bourgogne, les parties les plus éloignées de son front, au pied de ceux du Sénonais et du Gätinais. Cette disposition à niveau décrois- sant, qu'affectent toutes les assises et qui est une conséquence nécessaire de l'inclinaison générale signalée plus haut, se remarque principalement dans les différentes assises qui composent les deux étages inférieurs. Dans le Sénonais le relief du sol est encore assez marqué, mais il n’y a guère de sites un peu sauvages et pittoresques que dans la craie moyenne. Si l'on prend pour exemple la vallée de l'Yonne, depuis Villeneuve-la-Guyard jusqu'à Auxerre, on peut voir les aspects variés qu'elle présente en passant au travers des différentes assises. Les plus grandes altitudes ne sont pas, à l'exception de celle du calcaire à spatangues, aussi considé- rables que celles des différentes assises jurassiques. ETAGE NÉOCOMIEN (Statist., p. 440-443) Les trois assises qui composent cet étage sont très- constantes dans le département et n'éprouvent que de bien légères modifications, d’une extrémité à l’autre de la zone. La série qu’elles forment est essentiellement argileuse ; toutefois, les deux assises inférieures renferment des banes et lits calcaires intercalés, tandis que dans l’assise supérieure c’est du sable, soit en mélange, soit en couches ou en amas distincts. Les parties visibles de ces différentes assises sont, au moins pour les deux inférieures, formées de dépôts essen- tiellement littoraux ainsi que lindiquent, d’une part, les nombreuses ostracées disséminées surtout dans les bancs calcaires et, d'autre part, la hauteur considérable au-dessus du niveau de la mer actuelle, que les différentes assises DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 407 viennént successivement prendre , tant l’inférieure sur la dernière assise du terrain jurassique que la moyenne sur l'inférieure, sans jamais la dépasser pour venir reposer sur une autre plus ancienne. 1° Calcaire à spatangues (Statist., p. 411-430). Cette assise, dont l'épaisseur est en moyenne de cinq mètres, est principalement composée de calcaires un peu marneux, gris-jaunâtre, en bancs irréguliers alternant avec des argiles et des marnes de même couleur; elle présente une grande uniformité. Sur quelques points des plateaux qui limitent la vallée du Serain, la base est à l’état de calcaire blanchâtre, tantôt grossier et tantôt très-compacte ; les fossiles sont très-fréquents, surtout dans les parties marneuses tendres. Le calcaire à spatangues forme une bande très- morcelée d’une largeur moyenne de cinq à six kilomètres, qui commence dans le département, au nord-ouest de Molesme ; elle traverse les vallées de lArmancçon à Flogny, du Serain à Ligny, de l'Yonne au-dessous d'Auxerre, de l'Ouanne à Moulins et du Loing au-dessus de Saint-Sauveur; elle pénètre dans le département de la Nièvre au sud-ouest de Treigny. Cette assise entre dans la composition de la deuxième terrasse de la Bourgogne; à l’ouest de la vallée de l'Yonne, elle forme le sol des parties basses de la Puisaye. Usages. Le calcaire donne un excellent moellon et d'assez bons matériaux pour les rontes départementales. Sur quel- ques points, comme autour de Chablis et d'Auxerre, un banc inférieur plus épais donne un peu de pierre de taille. Des argiles sableuses superficielles sont employées dans les tui- leries à Gy-l'Evêque et à Migé. A l’est de l’Armancon. 440, Calcaire grossier et terreux légèrement jaunätre. — Montserve à l’est de Tronchoy. 408 DES ROCHES 4M. Calcaire grossier et terreux jaune. — Grand-Virey au nord de Molesme. 442, Calcaire grossier et terreux jaune. — La Chapelle-Vieille- Forèt. Entre l’'Armancon el le Serain. 445. Calcaire argilifère gris, avecnombreux fragments de coquilles. — Ravin des Fontenottes à l’ouest de Méré. 444, Calcaire compacte jaunâtre, avec caryophyllie spathique orangée. —- Plateau au sud-ouest de Dié. 445. Calcaire compacte jaunâtre, avec caryophyllie spathique orangée. — Plateau à l’ouest de Collan. 246, Calcaire compacte jaunâtre, avec grains de calcaire spathique orangé. — Plateau à l’ouest de Collan. 447. Calcaire compacte jaunâtre, avec empreintes de caryophyllie. — Plateau à l’ouest de Collan. 448. Calcaire grossier jaunâtre, avec empreintes de coquilles. — Plateau sur la route de Maligny à Collan. A9. Calcaire argilifère jaune, avec empreintes de coquilles. — Plateau sur la route de Maligny à Collan. Entre le Serain el l'Yonne. 450. Calcaire compacte jaunâtre, exploité aux Ormes, signalés au nord de Beine. 451. Calcaire argilifère jaune, avec limonite oolithique et fossiles. — Bligny-le-Carreau. Environs d'Auxerre. 452. Calcaire grossier un peu oolithique jaunâtre, avec fossiles. — Carrières Saint-Siméon près d'Auxerre. 455. Calcaire argilifère dur jaune, avec limonite oolithique abon- dante. — Auxerre. Environs de Coulanges-les-Vineuses. 454. Calcaire argilifère gris-jaunâtre, avec limonite oolithique e, fossiles. — Plateau au sud-ouest de Gy-l’Evèque. 455. Calcaire argilifère gris-jaunâtre, avec limonite oolithique et fossiles. — La Grilletière au sud d’'Escamps. : 456. Calcaire argilifère gris-jaunâtre, avec gros grains de limonite et fossiles. — Volvent au sud de Diges. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 409 457. Calcaire argilifère gris-jaunâtre, avec limonite oolithique et fossiles. — Moulin des Aubues au sud de Chastenay. 458. Argile jaune-rougeâtre superficielle, — Les Chaudins au sud de Gy-lEvêque. Environs de Saint-Sauveur. 459. Calcaire argilifère jaune, avec limonite oolithique et divers fossiles. — Saint-Sauveur. 460. Calcaire argilifère jaune, avec limonite oolithique et divers fossiles. — Saints. 461. Calcaire argilifère jaune, avec limonite oolithique. — Sainte- Colombe. 462. Calcaire argilifère jaune, avec limonite oolithique. — Les Devaux à l’est de Treigny. 465. Calcaire argilifère un peu grenu dur jaune, avec limonite ooli- thique. — Beauregard à l’ouest de Treigny. 464, Calcaire argilifère un peu grenu dur jaune, avec limonite ooli- thique, en contact avec le calcaire compacte portlandien. — Beauregard. 465. Calcaire argilifère grenu dur, jaune, avec limonite oolithique. —- Les Billiens à l’ouest de Treigny. FOSSILES PRINCIPAUX. Hippalimus neocomiensis. Dimorphastrea alternata. Centrastrea excavata. Synastrea neocomiensis. Phyllocænia Cotialdina. Astrocænia Cornuelian«. Cryplocænia Icaunensis. Cidaris clunifera. Peltastes slellutat«. Holectypus macropyqus. Nucleoliles neocomiensis. — Olfersii. Toxaster complanatis. Multizonopora ramosu. Pholadomya elongata. Pholadomyu neocomiensis. Venus Brongniartina. — Robinaldin«. Cardium imbricatarium. — Impressum. — Voltzii. Astarte Beaumontit. — _ Moreana. Trigonia carinalta. — cauduta. Nucula planata. Area Robinaldina. Cucullea Gabrielis. Pinna sulcifera. Gervillia anceps. 410 DES ROCHES Lima Carteronian«. — Dupiniana. Pecten Robinaldinus. Janira atavu. Spondylus Rœmeri. Exogyra plicatu. —- subsinuala. Terebralula pseudo-jurensis. — prælonga. — semistriata. _ Tamarindus. Rhynchonella lala. Ampultaria bulimoides. — lævigala. Pleurotomaria neocomiensis. Scalaria canaliculata. Cerithium lerebroides. Chenopus Dupinianus. Rostellaria longiscata. Pterocera Dupiniana. — Pelagi. : Ammonites Leopoldinus. — radialus. Nautilus pseudo-elegans. Serpula filiformis. — heliciformis. Homarus Latreillii. Gebia digitata. — Munsteri. Xantho Agassizi. 20 Argiles ostréennes ou à lumachelles (Statist., p. 430-434). Cette assise, dont l'épaisseur moyenne est de vingt mètres, est formée par des argiles grises ou gris-jaunâtre, renfermant une grande quantité de lits irréguliers moins épais de luma- chelles grises ou jaunâtres, et quelquefois de calcaires marneux de même couleur; les caractères sont très-uniformes dans toute la longueur de la zône. Les fossiles sont très-fréquents dans les lumachelles et à leur surface. Cette assise accompagne partout ja précédente ; son épaisseur se réduit à sept ou huit mètres vers l'extrémité occidentale, au voisinage du départe- ment de la Nièvre. Usages. Les argiles alimentent en partie les tuileries du Buisson et de Sougères, au nord-est d'Auxerre, et y donnent des produits estimés. La lumachelle donne un bon moellon pour les fondations et les constructions dans l'eau ; mais son prin- cipal usage est dans l'entretien des routes, pour lesquelles elle fournit d'excellents matériaux durs et tenaces. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 411 Entre l'Armancon el le Serain. 466. Argile jaune, et grise bigarrée. — Méré. 467. Lumachelle jaune, à Exogyra Harpa et Ostrea Leymerii. — Méré. 468. Calcaire compacte brunatre, à Astarte et Corbules. — Méré. 469. Calcaire compacte brunâtre, à Astarte et Corbules. — Bernouil. Entre le Serain et l'Yonne. 470. Argile jaune et grise panachée. — Tuilerie du Buisson au N. de Venoy. 471. Lumachelle jaune à Æxogyra Harpa. — Croix de Saint-Bris. 72. Gypse en cristaux trapéziens, simples ou croisés. — Tuilerie du Buisson au nord de Venoy. 475. Argile brunâtre, avec petits cristaux de gypse. — Les Chèneaux à l’ouest de Diges. 474. Argile brun-jaunâtre. — Semilly au sud d’Escamps. h75. Calcaire argilifère brunâtre. — Semilly. 476. Lumachelle brunâtre. — Semilly. 77, Lumachelle gris-jaunatre, avec Corbule, Astarte et Exrogyra Harpa. — Saint-Georges près Auxerre. 478. Calcaire compacte jaunâtre, avec Cardium peregrinorsum. — Route au bas de Saint-Sauveur. FOSSILES PRINCIPAUX. Toxaster argillaceus. Trigonia caudata. Pholadomya Prevosti. Nucuia Cornuelian«. Corbula Punclum. Lima Royeriana. Lucina globiformis. Ostrea Leymerii. — Vendoperana. Exogyra Harpa. Cardium peregrinorsum. — . Subplicala. — Vollzii. Terebratula semistriala. Astarte lalicosla. Serpula helicifo/mis. Jo Sables et argiles bigarrés (Statist., p. 434-439). Cette assise, d’une épaisseur moyenne de cinq mètres, est constituée par des sables fins et des argiles panachés de blane, de jaune, de rouge, de violet, de gris, ete. ; tantôt les sables et 412 DES ROCHES les argiles sont mélangés à peu près ou intimement; tantôt, au contraire, ils sont nettement séparés les uns des autres ; il y à, au reste, comme pour les deux précédentes assises, une grande uniformité de caractères, dans toute la longueur de la zone. Quelquefois il y a des nodules ferrugineux; ceux-ci à Jaulges et à Varennes, près de Ligny, deviennent plus abon- dants, beaucoup plus riches en oxyde de fer et constituent un minerai que l’on exploite activement depuis quelques années. Les sables et argiles bigarrés forment une bande, d’une allure semblable à celles des deux précédentes assises, qui s'étend de Flogny à Treigny, en traversant les vallées de l'Armancon à Jaulges, du Serain à Pontigny, de l'Yonne à Monéteau, de l’Ouanne à Moulins et du Loing à Saint-Sauveur. Usages. Les sables sont employés dans la confection des mortiers à la chaux et pour mélanger les argiles trop grasses des tuileries. Les argiles sont employées exclusivement dans les grandes tuileries de Pontigny et de Jonche, près d'Auxerre, dont les produits sont de si excellente qualité: au Buisson et à Sougères, elles sont mélangées avec les argiles ostréennes. À Auxerre et à Saint-Florentin, elles servent à la confection de fayences grossières. Les minerais de fer de Jaulges et surtout de Varennes sont exploi és activement depuis quel- ques années pour le haut-fourneau d’Aney-le-Franc. A l’est de l’Armancon. 479. Sable fin blanc. — Flogny. 480. Sable fin micacé jaune, employé à la tuilerie des Croûtes. — Percey. Entre l’Armancçon et le Serain. ; 481. Sable grossier argilifère brunâtre, de la partie inférieure. — Bernouil. H82. Grès friable grossier argilifère jaune. — Bernouil. DU DÉPARTEMENT DE L' YONNE. 113 483. Sable fin micacé jaune-rougeàtre, de la partie supérieure. — Bernouil. 484. Sable pur jaunâtre, de la partie inférieure. — Varennes sur le chemin de Méré. 485. Sable un peu solidifié brun-jaunatre, de la partie supérieure. — Varennes. 486. Sable un peu solidifié jaune-orangé, de la partie supérieure. — Varennes. 487. Sable solidifié jaune-orangé, avec veine de grès ferrugineux brun. — Varennes. 488 Grès ferrugineux brunâtre. — Varennes. 489. Limonite brune cellulaire, exploitée. —Varennes. Entre le Serain et l Yonne. 490. Argile grisätre en partie rouge. — Tuileries de Pontigny. 49. Argile rouge. — Tuileries de Pontigny. 492. Argile grise et rouge. — Montigny, sur la route d'Auxerre. 493, Argile grise et rouge. — Venouse. 494. Argile‘sableuse grise et rouge. — Venouse. 495. Argile sableuse grisätre. — Venouse. 496. Sable argileux solidifié rougeâtre. — Tuilerie du Buisson au nord de Venovy. Environs d'Auxerre. 497. Sable fin solidifié jaune, de la partie inférieure. — Chemin d'Auxerre à Saint-Georges. 498. Sable argileux solidifié grisâtre, bigarré de violet.—Ghemin de Saint-Georges. 499. Argile sableuse grisâtre, panachée de violet. — Chemin de Saint-Georges. Environs d'Ouanne. 500. Sable un peu grossier micacé blanchâtre. — Maulay à l’ouest de Chevannes. 501. Argile sableuse rouge-brique. —- Serin au sud de Chevannes. 502. Sable argileuxrouge-violet.— Les Beaufumés au sud de Diges. 505. Argile sableuse micacée jaunâtre, — Les Beaufumés. Environs de Perreuse. 504. Argile sableuse gris-jaunâtre. — Les Devaux à l’est de Treigny. 41% DES ROCHES 505. Sable grossier jaune. — Les Devaux 506. Grès grossier ferrugineux brun, jaune et rouge à la surface, — Les Devaux. d07. Sable argilifère fin micacé, jaune-rougetre., — Vrilly à l’ouest de Treigny. ÉTAGE DES SABLES VERTS (p. 476-480). Les deux assises qui composent cet étage présentent des variations considérables d’un bout à l’autre de la zone, ainsi que nous l'avons déjà dit; la nature minéralogique reste par- tout à peu près identique dans la première, tandis qu'elle éprouve de grands changements dans la seconde ; mais, dans toutes les deux, les corps organisés manquent ou deviennent très-rares dans la moitié occidentale. Aussi le synchronisme des deux faciès de l’assise supérieure est-il, même encore aujourd'hui, mis en doute par les géologues qui n’ont pas exploré le département, ou qui n’ont pas visité les localités où la question peut être facilement résolue, La série qu’elles forment est essentiellement sableuse, quoique la petite assise inférieure soit exclusivement argileuse. Les parties visibles des deux assises sont formées par des dépôts essentiellement littoraux, ainsi que lindiquent, d’une part, les nombreuses ostracées disséminées surtout dans les argiles et aussi dans quelques couches de Sable et, d'autre part, l'altitude considé- rable qu'atteint l’assise supérieure sans jamais dépasser l'in- férieure, pour venir reposer soit sur l'étage néocomien, soit sur le terrain jurassique. L'élévation considérable que Fon voit atteindre très-rapidement par la partie supérieure de l’assise sableuse, près de l'étage crayeux, pourrait peut-être amener à penser qu'elle formait, au moins sur la côte, des dunes en partie émergées, sur les basses pentes desquelles celui-ci serait venu se déposer plus tard. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 445 1° Argiles à grandes exogyres (Statist., p. 443-454). Cette assise est formée principalement par des argiles grises, très-pures, renfermant parfois des rognons et des plaquettes de calcaire argilifère plus ou moins dur. Les corps organisés fossiles y sont très-irrégulièrement distribués. Cette assise, qui à cinq mètres d'épaisseur moyenne seulement, constitue, sans aucun doute, une assise Continue, qui se poursuit d’un bout à l’autre de la zône crétacée, au-dessous des sables verts et ferrugineux, de la Chapelle-Vieille-Forêt à Jaulges, Rouvray, Gurgy, Moulins, Saint-Sauveur et Treigny ; mais son peu d'épaisseur et la facilité avec laquelle s'éboulent les sables et les argiles qui sont au-dessus, sont cause qu'elle n’est guère visible que sur les points où elle est exploitée. Comme aussi, à l’ouest de la vallée de l'Yonne, les fossiles n’ont été rencontrés que jusqu'à une faible distance d'Auxerre, on ne peut arriver qu'à des présomptions plus ou moins fortes sur l'attribution, à cette assise, d’argiles grises exploitées à la jonction des sables bigarrés néocomiens et des sables ferrugineux de la Puisaye. Usages. Les argiles donnent des tuiles et briques de bonne qualité dans les tuileries de Flogny, Rouvray, Perrigny, Auxerre, Villefargeau, Escamps, Moutiers et surtout Treigny. C'est de cette assise que la plupart des poteries tirent les argiles employées pour les vases tendres ou de Grès, à Ligny- le-Châtel, Fontenoy et Treigny. A l'est de l’Armancon. 508. Argile grise. — Tuilerie de Flogny. 509. Argilegrise, avec Exogyra sinuala. — Tuilerie de Flogny. Entre l'Armancon el le Serain. 510. Argile brunâtre., — Tuilerie de Mont-Saint-Sulpice, 514. Nodules argilo-calcaires de l’argile. — Tuilerie de Mont-Saint- Sulpice, 416 DES ROCHES Entre le Serain el l'Yonne. 512. Argile grise veinée de jaune. — Rouvray. 515. Argile brun-jaunâtre, avec Ammoniles Deshayesi.— Tuilerie d’'Egriselles près Venoy. 514. Rognon de sperkise compacte, avec palais d’un petit Pycno- donte. — Berge de l’Yonne en aval de Gurgy. Environs d'Auxerre. 515. Argile noirâtre, avec quelques empreintes de coquilles, de la partie inférieure. — Tuilerie de Villefargeau. 516. Argile sableuse noirâtre, avec cailloux de quarz, de la partie moyenne. — Tuilerie de Villefargeau. 517. Argile rougeûtre, de la partiesupérieure. — Tuilerie de Ville- fargeau. 518. Argile brunätre et verdàtre. — Tuilerie d’Escamps. 519. Argile micacée, schistoïde noirâtre. — Les Guérins au sud- ouest de Diges. 520. Argile brunâtre, avec Exogyra sinuata.— Tuilerie d’Escamps. 521. Calcaire argilifère, avec empreinte d’une grande Ammonite. — Montmercy à l’ouest de Saint-Georges. Environs de Saint-Sauveur. 522, Argile sableuse jaune et grisatre panachée, et fragment de poterie. —- Les Compères au nord de Fontenoy. 925. Argile grise. — Rimatou au nord de Fontenoy. 524. Argile noire, de la partie inférieure. — Tuilerie de la Bâtisse au nord de Moutiers. 525. Argile brunätre, de la partie supérieure. — La Bâtisse. 926. Argile sableuse micacée grise. — Les Jolivaux à l’ouest de Treigny. FOSSILES PRINCIPAUX. Tetracænia Dupinian«. Exogyru sinual«. Mullicrescis Ricordeanu. Terebratula Sella. Corbula Gurgyaca. Terebratella Astierian«. Cyprina inornala. Rhynchonellalata. Nucula suboblusa. Dentalium cylindricun. Plicatula placuneu. Natica Cornueliana. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 417 Cerilhium Gargasense. Ammoniles Nisus. Toxoceras Royerianus. —— raresulcalus. Ancyloceras Cornuelianus. Ricordeanus. Ammoniles bicurvalus - -- Royerianus. — Deshuyesi. Nautilus Lallierianus. — Dutempleanus. — plicalus. 20 Sables verts ou ferrugineux (Statist., p. 451-476). Cette assise, dont l'épaisseur moyenne est de soixante- quinze mètres, présente, comme nous l'avons dit précédem- ment, deux faciès bien distincts ; la partie orientale jusqu’à l'Yonne et au Serain est formée, à la base, par des sables vert- foncé, souvent un peu argileux, renfermant des couches interrompues de grès souvent très-calcarifère et d'argile grise ; au-dessus et constituant la plus grande partie, viennent des sables gris-jaunâtre ou verdàtre, plus purs. La partie occi- dentale, surtout dans la Puisaye, renferme seulement quelques lits de sables argileux verts, à la base; la presque totalité de la masse qui est fort puissante se compose de sables jaunes ou brun-jaunâtre, ferrugineux, qui renferment à diverses hauteurs des couches très-irrégulières, de véritables amas d’argiles quelquefois grises, le plus souvent jaunes où rouges ; dans les parties supérieures il y a des banes de grès ferrugi- neux sur plusieurs points, et fréquemment des rognons de fer hydroxydé plus ou moins arénifère. Les fossiles sont très- abondants, surtout au milieu des couches inférieures, dans la partie orientale. L’assise forme une bande qui atteint un myriamètre de largeur à l’est de l'Yonne; mais elle se réduit à six ou sept kilomètres dans la Puisaye ; elle commence à Soumaintrain au nord de l'Armance, traverse la vallée de l’Armancon à Saint-Florentin et celles du Serain et de l'Yonne vis-à-vis de Seignelay et d'Appoigny; Touey, dans la vallée 418 DES RÔCHES de lOuanne, el Saint-Sauveur, dans celle du Loing, se trouvent sur la zône. À l’est de l'Yonne elle forme des collines, de petits plateaux sur la partie basse de la seconde terrasse de la Bourgogne, en avant de celle du Sénonais; à l'ouest, elle constitue en grande partie la Puisaye, au pied du front du Gâtinais. Usages. Les grès verts donnent du moellon et des dalles à Saint-Florentin, à Beaumont et à Seignelay; les grès ferru- gineux fournissent, surtout à Arran, à Toucy et à la Marcinerie, de la pierre de taille d'excellente qualité, du moellon et des meules pour les ocreries. Les parties les plus ferrugineuses et les plus dures servent à l'entretien des routes. Les argiles alimentent un grand nombre de tuileries dont les produits sont quelquefois de la meilleure qualité, comme dans les cinq usines de Rebourceaux; le plus souvent ils sont de qualité ordinaire, comme à Seignelay et à Saint-Sauveur. Au nord de l'Armancon. 527. Sable grossier gris-verdätre. — Carrière des Drillons à l’ouest de Beugnon. 528. Grès calcarifère spathique gris-verdàtre. — Les Drillons. 529. Grès calcarifère spathique tabulaire gris-verdâtre. — Neuvy- Sautour, 30. Grès un peu argileux grossier gris-verdatre, avec divers fos- © = siles. — Beugnon. Sable argileux brunâtre, avec Ammonites. — Les Drillons. Argile grise, supérieure au sable. — Les Drillons. Bois siliceux friable dicotylédone gris. — Les Drillons. . Bois pyriteux. —- Les Drillons. : Succinite jaune-rougeatre. — Les Drillons. Sable un peu grossier, micacé Jaune. — Avrolles. 7. Sable un peu argileux grossier, micacé verdâtre. — Frécam- bault au sud d’Avrolles. 8, Sable très grossier jaune-verdatre, à petits cailloux. — Avrolles. = Œ OC O1 N9 T : ©: = cz ox Qi O1 O1 O1 O1 O1 FS © © Q1 599. D40. ñ41. DU DÉPARTEMENT DE L YONNE. 419 Grès gris-verdätre, avec cailloux, lignite et empreintes de co- quilles. — Avrolles. Grès brunatre, avec empreintes de coquilles. — Avrolles. Grès brun-verdätre, avec /noceramus Salomoni. — Avrolles. Entre l'Armançon el le Serain. 542. 545. D44. 545. 546. 347. Sable fin micacé grisatre, à points verts, — Vergigny. Grès jaune-verdatre, avec Osfrea Arduennensis. — Vergigny. Sable un peu argileux vert, — Lordonnois au sud de Vergignv. Argile un peu sableuse grise, — Tuilerie de Lordonnois. Argile verdàtre. — Tuilerie de Rebourceaux. Argile verdâtre et rougeàtre panachée. — Tuilerie de Re- bourceaux, Entre le Serain et l Yonne. 548. Sable argilifère un peu grossier, chlorité vert, — Entre Héry et Montigny. . Sable argilifère un peu grossier, chlorité vert. — Eglise de Vil- leneuve-Saint-Salve. Grès quartzeux jaunàtre. — Beaumont. Sable argilifère fin chlorité vert. — Base occidentale du thureau Saint-Denis près Bligny-le-Carreau. . Sable argilifère un peu grossier, chlorité vert etjaune. — Base L=) Oo Ci . sud-est du thureau Saint-Denis, . Grès urgilifère grossier brun-jaunâtre et verdâtre. — Base sud- est du thureau Saint-Denis. Sable argilifère jaune-rosâtre. — Thureau Saint-Denis. Grès ferrugineux brun-jaunâtre. — Thureau-Saint-Denis. . Limonite arénifère brun-rougeâtre, — Thureau Saint-Denis. Grès ferrugineux brun-jaunâtre. — Thureau du Bard au nord d'Auxerre. Sable argilifère chlorité, gris-verdâtre. — Base du thureau Saint-Georges près d'Auxerre. Argile sableuse chloritée verte. — Base du thureau Saint- Georges, Sable argilifère rouge, de la partie inférieure. — Thureau Saint-Georges. . Sable fin rouge-brique, de la partie supérieure — Thureau Saint-Georges. DES ROCHES . Grès ferrugineux brun, en veines irrégulières dans le sable supérieur. — Thureau Saint-Georges. . Sable argilifère fin verdâtre, de la partie supérieure. — Le Bois-de-Charbuy. Sable argilifère jaune-rougeûtre, de la partie supérieure. — Le Bois-de-Charbuy. Argile ocreuse jaune, de la partie supérieure. — Le Bois-de- Charbuy. Limonite brune en rognons. — Le Bois-de-Charbuy. Sable argilifère brunätre à cailloux de quarz, inférieur à la craie. — Lindry. Grès verdâtre, avec Ammonites dentatus. — Canton d’Ail- lant. Environs de Toucy. 569. Argile sableuse micacée noirâtre, — Tuilerie de Bâle au nord de Parly. . Argile sableuse micacée noirâtre, avec sable argilifère vert. — Tuilerie de Bâle. Argile sableuse micacée noirûtre, avec Ammoniles mamillatus. — Tuilerie de Bâle. Sable argilifère vert-jaunâtre, de la partie supérieure. — Tui- lerie de Bàle. . Argile noirâtre tachée de jaune. — Les Chèneaux à l’ouest de Diges. Gypse en petits cristaux informes diversement groupés, de l'argile précédente. — Les Chèneaux. . Sable grossier jaune-rougeâtre. — Egleny. . Sable argilifère jaune-rosâtre. — Saully à l’ouest de Diges. Fer oxydé rouge schistoïde mamelonné. — Toucy. Grès ferrugineux brun, à gros grain. — Saully. . Grès ferrugineux brun, à grain moyen. —Le Petit-Arran au sud de Parly. . Grès ferrugineux brun, à grain fin. — Les Pinons à l’ouest de Toucy. . Sable grossier jaune, immédiatement inférieur au roc. — Ocrières de Pourrain. DU DÉPARTEMENT DE L' YONNE. 421 Environs de Fontaines. 582. 585. 584. 585. 586. Argile micacée noirätre. — Les Guétrons à l’est de Fontaines. Argile sableuse micacée brunâtre. — Fontaines. Sable un peu grossier jaune-rougeàtre. — Les Platières à l’est de Fontaines. Grès ferrugineux tubulaire contenant de largile sableuse blanche. — Les Platières. Poudingue quarzeux à ciment de grès ferrugineux. — Les Platières. Environs de Saint-Sauveur. 587. 588. 589. 590. 594. 595. 596. 597. 598. Argile grise. — Saint-Sauveur. Argile sableuse micacée gris-violâtre. — Tuilerie des Pullains à l’est de Saint-Sauveur. Sable très fin jaune et blanchâtre, de la partie inférieure. — La Marcinerie au sud de Moutiers. Sable un peu grossier jaune-rougeûtre, de la partie movenne. — La Marcinerie. Grès brun à grain moyen, en veinules dans les sables jaune- rougeàtre de la partie moyenne. — Carrières de la Mar- cinerie. . Grès brun dur à grain moyen, en bancs dans les sables de la partie moyenne. — La Marcinerie. . Grès très grossier brunätre tendre, de la partie supérieure. — La Marcinerie. . Limonite compacte brune, avec quelques parties à poussière rouge. — Bellevue au sud de Moutiers. Sable argilifère rouge-brique. — Ratilly à l’ouest de Treigny. Grès ferrugineux grossier brun. — Ratilly. Grès ferrugineux grossier dur brun. — Les Devaux à l'est de Treigny. Grès ferrugineux grossier brun, avec limonite compacte fibreuse ressemblant à du bois fossile, — Les Devaux. FOSSILES PRINCIPAUX. Trochocyathus Conulus. Thetis minor. Pholadomya acutisulcata. Lucina Arduennensis. Corbula socialis. — Vibrayeana. 422 DES ROCHES Cardila Dupiniana. Scalaria Clementina. — lenuicosla. Cerilhium Lallierianum. Trigonia aliformis. — trimonile. Nucula pectinal«. Rostellaria cosltata. Arca Hebertiuna. — Parkinsont. Cucullea fibros«. Hamiles alterno-luberculalus. Inoceramus concentricus. — Raulinianus. Janira Aibensis. Ammonites Beudanti. Plicatula radiota. — dentatus. Ostrea arduennensis. — Dupinianus. Dentalium decussatum. — mamillatus. Naticu Gaultina. —_ Milletianus. Natica Raulinian«. -— splendens. Solarium moniliferum. ; Nautilus Clementinus. Turrilella Vibrayeanux. ÉTAGE DE LA CRAIE (Statist., p. 541-515). Les trois assises qui composent cet étage sont très- constantes dans toute l'étendue du département, mais, ainsi que nous l’avons dit, il est presque impossible d'établir des lignes de démarcation entre elles, puisque les corps organisés fournissent les seuls caractères distinctifs. En eflet, la craie assez pure forme la masse entière, à l’exception de l’assise inférieure dont les couches renferment une proportion d'argile d'autant plus grande qu’elles sont plus inférieures. Les fossiles sont toujours des accidents; jamais ils ne sont assez abondants pour pouvoir entrer en ligne de compte dans la composition de la roche. L’assise inférieure, dans la portion visible dans le département, possède un faciès littoral beaucoup moins évident que toutes les assises qui lont précédée. Quant aux deux autres, et notamment la supérieure, la ténuité des parties qui composent les roches et la faible quantité de fossiles disséminés les ont toujours fait considérer, dans le bassin de Paris, comme des dépôts pélagiques ou de DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 423 haute mer. Aucune de ces assises, pas plus que celles des étages précédents, n'a débordé au-delà de celle qui la précé- dait immédiatement, pour venir reposer sur d’autres plus anciennes. 1° Craie inférieure ow à Ammonites (Statist., p. 480-499). Cette assise, dont l'épaisseur moyenne ne dépasse guère vingt mètres, commence par des marnes grises passant par- fois à de véritables argiles qui, sur quelques points de la Puisaye, entre Pourrain et Toucy, sont chargées de limonite et donnent l'ocre; la plus grande partie est formée par une craie marneuse grisâtre ou jaunâtre, tendre ou un peu dure, en couches souvent séparées par des lits un peu plus marneux ; on y rencontre ordinairement quelques petits rognons de pyrite ou de limonite provenant de sa décomposition; il y a aussi des rognons et des lits d’un silex terne, grisätre, qui passe insensiblement à la craie. La partie supérieure est formée par une craie blanchätre qui passe à celle de l'assise suivante. Les fossiles sont tantôt à l’état siliceux, tantôt avec leur test, et le plus souvent à l'état de moules. L'assise forme une bande d’une largeur variable qui commence dans la commune de Lasson et qui se termine dans celle de Saint- Fargeau; elle est traversée par les vallées de l'Armancon et de l'Yonne à leur point de jonction, et par celles de l'Ouanne à Dracy, et du Loing à Saint-Fargeau. A l'est de l'Yonne, elle constitue les pentes inférieures du front du Sénonais et forme, en avant, les collines on petits plateaux isolés de Saint-Florentin, de Mont-Saint-Sulpice et de Seignelay. À l’ouest de l'Yonne, elle va en s’élevant de plus en plus vers le sud-ouest el finit par atteindre, avant l'Ouanne, la partie supérieure du front du Gâtinais; devant cette seconde partie 424 DES ROCHES de la bande se trouvent les petits plateaux et collines isolés de Bassou, de Poilly et de Pourrain ; la bande jusqu'ici pos- sède une largeur de huit à dix kilomètres; à partir de Pour- rain, elle ne forme plus au bord de la terrasse qu’un étroit ruban qui n’atteint presque jamais un kilomètre. Usages. C'est à Pourrain, Diges et Parly que se trouvent à la base, les argiles ferrugineuses qui donnent l’ocre jaune que l’on transforme par la cuisson-en ocre rouge. À Diges et à Fontaines, la couche argileuse inférieure alimente de petites tuileries. De Saint-Florentin à Toucy, la craie, assez solide, donne un moellon très-employé; au-delà, elle est friable et sert à peu près exclusivement à l'amendement des terres. Au nord de l’'Armancon. 599. Marne grisâtre reposant sur les sables verts. — Turny. 600. Marne grise de la base de la craie, — Courcelles à l’ouest de Neuvy-Sautour. 601. Craie marneuse dure, grisätre et grise panachée. — Saint- Florentin. 602. Craie blanchàtre dure, avec Ammoniles varians. — La Roche à l’est de Saint-Cydroine. 605. Craie blanchâtre, avec Ammonite. — Carrière de Bligny-en Othe. 604. Craie blanchätre, avec Inocérame. -— Carrière de Lasson. 605. Craie blanc âtre, avec nodulesiliceux blanchâtre et Ammonite. — Carrière de Saint-Florentin. € 606. Craie blanchâtre solide, donnant une pierre de taille. — Car- rière de Venizy. 607. Silex grisätre en rognons. — Saint-Florentin. 608. Silex blanchâtre en rognon, avec nodule de limonite compacte mamelonnée. — Brienon. 609. Rognon de silex grisätre, de limonite brune et cristaux de limo- nite épigène. — Saint-Florentin, 610. Nodule allongé de limonite compacte. — Brienon. 611. Plaquette de limonite compacte et terreuse. — Avrolles, DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 425 612. Argilite brunâtre, en nids dans la craie. — Avrolles. Entre l'Armancon et l Yonne. 615. Craie marneuse blanchatre, avec Pecten quinquecostatus. — Carrière de Mont-Saint-Sulpice. 614. Craie marneuse blanchätre, avec Inocerame. — Carrière de Cheny. 615. Craie un peu solide blanche. — Cheny. 616. Silex grisätre en rognons. — Cheny. Environs d’Aillant. 617. Craie blanchäâtre, avec fossiles. — Carrières de Lindry. 618. Craieblanche, avec concrétion calcaire irrégulière. — Carrières de Neuilly. 619. Craie siliceuse jaunâtre, avec silex blond. — Carrières de Guerchy, 620. Craie jaunâtre, avec veine de calcaire en rhomboèdre allongé. — Carrières de Chichery. 621. Nodule allongé de sperkise altérée, à pointes prismatiques. — — Champvallon, Environs de Pourrain el de Toucy. 622. Limonite argilifère jaune-brunâtre, avec cailloux de quarz (roc inférieur). — Ocrières de Pourrain. 625. Ocre dure (caillou dur). — Ocrières de Pourrain. 624. Ocre micacée tendre (caillou tendre}. — Ocrières de Pourrain. 625, Ocre presque sans mica, tendre jaune (ocre de 1°° qualité). — Ocrières de Pourrain. 626. Ocre presque sans mica, tendre jaune (ocre commune). — Ocrières de Pourrain. 627. Ocre avec nodule sableux et limonite compacte (gruin). — Ocrières de Saully à l’ouest de Diges. 628. Ocre tendre (ocre de 1"° qualité). — Ocrières de Saully. 629. Ocre tendre (ocre commune). — Ocrières de Saully. 650, Ocre argileuse (ocre très-médiocre). — Les Groniers à l'ouest de Diges. 651. Ocre passée au four et devenue rouge (caillou cuit). — Ocrerie de Saully. 28 6355. 634. 655. 36. 637. 98. [er] DES ROCHES . Argile jaune et grisâtre, supérieure à l’ocre. — Ocrière des Groniers. Argile noire supérieure. — Ocrières de Saully. Argile grise supérieure à la précédente. — Les Groniers. Marne grisätre. — Les Groniers. ‘ Marne grisätre. — Ocrières de Saully. Craie grisätre avec Inocerame. — Les Groniers. Craie grisätre avec Ammoniles varians. — Les Groniers. Environs de Fontaines. 539. 640. 641. 642. 643. 644. 645. 646. 647. 648. 649. 650. 651. 652, 655. Argile grisàtre. — Tuilerie des Bidons au sud de Fontaines. Craie légèrement jaunâtre. — Les Bidons. Craie dure blanchâtre. — Carrière de Fours à l’ouest de Toucy. Marne jaunâtre. — La Potinerie au nord de Saint-Sauveur. Marne blanche et jaunatre supérieure. — La Potinerie. Marne sableuse chloritée gris-verdatre. — Les Grilles au sud- est de Saint-Fargeau. Craie marneuse légèrement grisätre. — Les Grilles. Argile verdätre. -— Les Prouts-de-la-route à l’ouest de Mou- tiers. Craie marneuse légère jaunatre, inférieure, — Les Landiers au sud-est de Saint-Fargeau. Craie marneuse légère blanchâtre, avec fossiles, de la partie moyenne. — Les Landiers. Craie légère jaunätre supérieure, avec Pecten quinquecosta- tus. — Les Landiers. Silex pyromaque blond et terreux jaunâtre, de la partie supé- rieure. — Les Landiers. Craie légèrement jaunâtre. — Marnière de la Forge à l’ouest de Moutiers. Craie siliceuse légèrement jaunâtre. — La Forge. Silex blond en rognons dans la craie précédente. — La Forge. FOSSILES PRINCIPAUX. Hippalimus infundibutiformis. Holaster Trecensis. Discoidea Subuculus. Inoceramus cuneiformis. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 427 Lima Hoperi. Rhynchonella Pisum. Pecten asper. Pleurotomaria formos«. Hinnitles Dujardini. Ammonités Mantellii. Plicalula aspera. = varians. Ostrea carinala. Turrilites costalus. Exogyra conica. Nautilus elegans. 2o Craie moyenne (Statist., p. 499-502). Cette assise, dont l'épaisseur, fort considérable, atteint en moyenne cent soixante mètres, est formée par une craie blanche ou légèrement jaunâtre, en grands bancs, générale- ment peu distincts, les uns tendres, les autres un peu endurcis et même durs ; elle est souvent âpre au toucher en raison des particules siliceuses qui y sont disséminées. Elle renferme à peine quelques rognons de silex, ce qui est un de ses carac- tères distinctifs; ceux-ci, toutefois, sont purs, gris ou blonds et se séparent nettement de la craie. La pyrite y est plus répandue que dans l'étage supérieur; elle forme des rognons dont la surface est hérissée de pointes montrant souvent des octaèdres empilés. Les fossiles ne sont pas aussi fréquents que dans l’assise précédente. Celle-ci forme une bande qui atteint, bien certainement, souvent près de deux myriamètres de largeur; elle s'étend de Sormery et Cerilly, à Lavau et Rogny et se trouve traversée par la vallée de l'Yonne, entre Joigny et Villeneuve-sur-Yonne. Elle constitue la partie supé- rieure du front des terrasses du Sénonais et du Gâtinais, jusqu’à la vallée de l'Ouanne, ainsi que les flanes d’un grand nombre des vallons qui les sillonnent. Nulle part elle n'en forme les pentes douces, car elle est partout recouverte par des dépôts tertiaires. C’est à sa solidité que sont dûs le resserrement et la rapidité des flanes de la vallée de l'Yonne, au-dessous de Joigny. 428 DES ROCHES Usages. La craie moyenne fournit, dans le Sénonais et jusqu’à Aïllant, un moellon gélif et se chargeant assez facile- ment de salpètre. Dans le Gâtinais, où elle est généralement trop friable, elle sert à l'amendement des terres sableuses et argileuses tertiaires; on l'extrait quelquefois d’une profon- deur de 15 à 20 mètres. A l'est de l'Yonne. 654. Craie blanche sans silex. — Carrières de Joigny. 655. Craie blanche sans silex, avec stries de glissement.— Carrières de Saint-Aubin-sur-Yonne. 656. Silex compacto-terreux jaunätre, avec nodule de silex pyroma- que blond. — Saint-Jacques près Joigny. 657. Silex blond-grisatre, avec petite druse de quarz. — Bussy-en- Othe. 658. Sperkise fibro-rayonnée, avec spatangue en partie gypseux laminaire. — Chailley. 659. Sperkise fibro-rayonnée, avec spatangue. — Bussy-en-Othe. Environs d’Aillant. 660. Craie jaunatre rubanée. — Saint-Aubin-Châteauneuf. 661. Calcaire bacillaire, formant des veines dans la craie. — Saint- Aubin-Châteauneuf, 662, Craie compacte grossière dure, de la partie supérieure. — Saint-Martin-d'Ordon. 663. Calcaire compacto-grenu jaune, de la partie supérieure. — Les Vodots au nord de Sépaux. 664. Limonite épigène fibro-rayonnée. — Étang de Saint-Vrain, à l’ouest de Merry-la-Vallée. Environs de Toucy et de Saint-Fargeau. 665. Craie blanchâtre, de la partie inférieure. — Carrière de Dracy. 666. Craie dure blanchatre, de la partie supérieure. — Dracy. 667. Craie blanche. — Marnières des Laidés près Louesme. 668. Craie blanche. — La Folie à l’est de Lavau. 669. Craie blanche. — Sur la route à l’ouest de Lavau. 570. Craie dure irrégulière blanche. — Sur la route à l’ouest de Lavau. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 429 671. Silex noirâtre, en rognons dans la craie précédente. -- Sur la route à l’ouest de Lavau. FOSSILES PRINCIPAUX. Galeriles Albo-gaterus. Spondylus spinosus. Micraster cor-anguinum. Terebratula carneu. Holaster Subglobosus. Rhynchonella octoplicata. Inoceramus strialus. — Vespertilio. Janira quadricostala. Ammoniles Woolgari. 3 Craie supérieure (Statist., p. 502-514). J'ai assigné à cette assise une épaisseur moyenne de cent quarante mètres, qui va certainement en augmentant beaucoup vers la partie centrale du bassin, c’est-à-dire vers Villeneuve- la-Guyard et Paris. Elle est formée par une craie blanche tendre, quelquefois légèrement endurcie, ne présentant le plus souvent que des indices de stratification, mais traversée par de grandes fissures, soit à peu près verticales, soit plus ou moins fortement inclinées. Ordinairement, il y à une grande quantité de rognons de silex pyromaque blond, gris ou noir, qui se séparent très nettement de la masse crayeuse; le plus souvent ils sont de la taille du poing ou deux à trois fois plus gros, disposés en lits irréguliers espacés de cinquante centimètres à un mètre. Sur plusieurs points la craie présente, à sa partie tout-à-fait superficielle, des calcaires extrêmement compactes, blanchâtres, qui se divisent assez fortement en plaquettes assez minces ; sans de petites particules spathiques d'échinides qui y sont disséminées, on ne saurait les distinguer des calcaires d’eau douce. Cette assise forme une portion con sidérable des terrasses du Sénonais et du Gâtinais, c’est- à-dire toute la partie N.-0. du département, comprenant l’ar- rondissement de Sens, et dans celui de Joigay, la plus grande 430 DES ROCHES partie des cantons de Cerisiers , Villeneuve-sur-Yonne, Saint- Julien-du-Sault et Charny. Dans ces derniers cantons, l’assise vient former une nappe plus ou moins épaisse à la surface du précédent; mais au N. de la Vannes, elle vient seule au jour par suite de l’inclinaison, quoique légère, des couches vers le N.-0. Usages. La craie donne une pierre de taille tendre et du moellon dans tout le Sénonais, notamment à Saligny, Soucy et Michery, mais gelive et se salpêtrant; on en fait aussi de la chaux. A Paron, vis-à-vis de Sens, il y à plusieurs fabriques de blanc de Troyes. Dans le Gâtinais, en raison de sa fria- bilité, elle ne peut servir qu'à l'amendement des terres. Les silex ont été exploités pendant longtemps à Cérilly pour la confection des pierres à fusil. A lest de l'Yonne el au sud de la Vannes. 672. Craie tendre blanche. — Crayère au nord de Villeneuve-sur- Yonne. 675. Craie légèrement solide blanchâtre. — Crayère au nord de Villeneuve-sur-Yonne. 674. Craie pulvérulente, de la partie supérieure. — La Folie à l’est des Sièges. 675. Craie un peu dure superficielle. — Vaudeurs. 676. Craie dure avec dendrites. — Au nord de Villeneuve-sur- Yonne. 677. Brèche de calcaire compacte, de la partie supérieure. — Vaudeurs. 678. Brèche de calcaire compacte, de la partie supérieure. — Les Sièges. + 679. Silex arrondi avec un prolongement. — Au nord de Villeneuve- sur-Yonne, 680. Silex rond. — Villeneuve-l’Archevèque. 681. Silex rond. — Chemin de Chigy aux Siéges. 682. Silex gris, en lit horizontal continu. — Au nord de Villeneuve- sur-Yonne 683. 684. 685. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 431 Silex gris, avec Ananchyte.— Route de Villeneuve-l’Archevèque aux Sièges. L Silex blond, avec petite druse de quarz. — Coulours, Géode de calcaire en gros cristaux rhomboèdriques, — Che- min de Chigy aux Sièges. À l'est de l'Yonne et au nord dela Vannes. 686. 687. 688. 689. 690. 701. 702. Craie tendre blanche. — Grande carrière de Soucy. Craie tendre blanche, avec dendrites. — Grande carrière de SOUCY. Craie tendre blanche, délitée en boule par son exposition à l’air. — Soucy. Craie très-friable blanche, — Petite carrière de Soucy. Craie blanche, donnant de la pierre de taille. — Carrières de Michery. Craie blanche, avec Spondylus spinosus.— Serbonnes. Craie blanche, avec cavité tapissée de petits cristaux calcaires, — Entre Bagneaux et Vullaine. Calcaire compacte jaunâtre, supérieur. — Les Clairimois à Pouest de Foissy. . Calcaire compacte jaunàtre, recouvert par une couche de 1 m. de craie tendre à Bélemnite. — Four à chaux de Ja Picar- die au nord de Courgenay. . Silex blond en rognons irréguliers, cariés extérieurement. — Michery. . Silex gris, exploité pour la fabrication de la porcelaine à Paris. — Grande carrière de Soucy. . Silex gris avec Bélemnite. — Soucy. Silex grisätre. — Fourà chaux de la Picardie. . Silex blanchi et vitrifié à la surface. -— Four à chaux de Fon- taine-la-Gaillarde. Sperkise en nodule cristallisé extérieurement. — Compi- gny. Craie jaunätre, avec cavités offrant de gros cristaux calcaires en rhomboëdres. — Saligny: Calcaire bacillaire jaunâtre, en veines dans la craie. — Entre Bagneaux et Vullaine. 432 DES ROCHES À l'Ouest de l'Yonne. — Arrondissement de Joigny. 705. 704. 705. Calcaire compacte blanc, avec rognons de silex, de la partie supérieure. — Dicy. Silex gris en rognons, de la partie inférieure. — Diey. Brèche crayeuse dure superficielle. — Diey. À l’ouest de l'Yonne. — Arrondissement de Sens. 706. 707. 708. 709. 710. 7A7. 718. 719. 720. 724. 729, Craie blanche, avec empreinte d’Ostrea vesicularis. — Ravin- Saint-Bon à l’ouest de Sens. Craie très-friable blanche. — Crayères de Paron. Craie jaunàtre rubanée. — Saint-Georges à l’ouest de Ville- bougis. Craie jaunàtre rubanée — Chéroy. Craie jaunâtre rubanée. — Pont-sur-Yonne. Craie dure à dendrites. — Villemanoche. Calcaire compacto-terreux. — Fond des puits de Saint-Sérotin au sud de Pont-sur-Yonne. . Calcaire compacto-terreux, avec veines calcaires et dendrites. — Jouy. Calcaire compacte concrétionné, enrognons dans la craie tendre avec Cidaris. — Jouy. 5. Calcaire compacte concrétionné, en rognons dans la craie tendre. — Chéroy. Calcaire compacte concrétionné, en rognonsempâtantdes silex blonds anguleux. — Chéroy. Calcaire compacte concrétionné, en rognons dans la craie tendre. - Courtoin. Calcaire compacte jaune, avec nodules de silex. — Villema- noche. Calcaire compacte jaune, avec nodules de silex. — Les Usages au sud de Chaumont. Calcaire compacte bréchoide, avec fragments de silex, de la partie supérieure. — Paron. Silex en petits rognons et boules. — Pont-sur-Yonne. Silex gris, avec cavité remplie de silice blanche pulvérulente. — Saint-Martin-d’Ordon. . DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 433 725. Silex blond en rognons, avec Ananchyte tapissé de cristaux calcaires. — Nailly. 724. Silex blond en lits. — Chéroy. 725. Silex blond, recouvert de concrétions de calcaire compacte jaune. —- Chéroy. 726. Silex ferrugineux brun et marne ocreuse jaune, enrognons. — Chéroy. 727. Limonite épigène, en boule hérissée de cristaux. — Pont-sur- Yonne. FOSSILES PRINCIPAUX. Tragos pisiforme. Ananchytes Striata. Bulimina variabilis. Inoceramus Cuvieri. Cristellaria rotulata. Lima Mantellii. Dentalina sulcata. Spondylus spinosus. Galerites albo-galerus. Terebratula carnea. Micraster Cor-anguinum. Rhynchonella octoplicata. Ananchytes ovata. Belemnites mucronatus. TÉRRAINS TERTIAIRES (Statist., p. 524-531). C'est à Al. Brongniart et à Cuvier que l’on doit d’avoir démontré, en 1808, et surtout en 1811, qu'aux environs de Paris, entre la craie et les alluvions proprement dites, il existe un ensemble composé de couches bien réglées et très importantes sous le rapport de la puissance, de l'étendue superficielle et aussi des débris organiques qu'elles ren: ferment. Dès lors ces couches devinrent le type d’une nouvelle classe de terrains que l’on ne tarda pas à découvrir dans une infinité d’autres lieux et que l’on nomma terrains tertiarres, à cause de leur postériorité par rapport aux cou- ches les plus récentes du groupe que Werner avait appelé secondaire. Les terrains tertiaires des environs de Paris et du nord de la France, auxquels ceux de l'Yonne se rattachent d’une 434 DES ROCHES manière continue, ont été déposés dans une dépression de la craie proprement dite, un bassin comme disent les géolo- : gues, allongée du N.-E. au S.-0., de Laon à Blois; les dépôts tertiaires ont une épaisseur considérable et se trouvent en couches régulières, dans cet espace où ils se sont accumulés dans des eaux profondes. En dehors les dépôts tertiaires for- ment une zône assez large, mais sur une très faible épaisseur, qui ne peut être attribuée à des dénudations postérieures, mais bien à la grande élévation de la craie. Cette zône éxté- rieure est loin de présenter une composition compliquée; le terrain crétacé n’est recouvert que par des dépôts argileux et sableux appartenant tantôt à une assise, tantôt à une autre, tantôt même à plusieurs à la fois; les corps organisés ne se trouvent guère que sur quelques points privilégiés. [ls sont terrestres ou d’eau douce, et il est probable que c’est hors des mers que la totalité de ces dépôts s’est faite. Au milieu d'eux, il y a des dépôts calcaires de divers âges caractérisés aussi par des fossiles d’eau douce. Dans la nomenclature que nous avons employée, nous n’avons adopté que des noms rap- pelant la composition minéralogique de chacune des trois assises; ce sont les suivants : Miocèné | Limons rouges à silex. ee DRE d’eau Ponee Argiles, sables, grès, poudingues, etc. Dans le département, les terrains tertiaires sont loin d’être continus comme le terrain jurassique et le terrain crétacé. Quant aux assises inférieure et supérieure, dans le Sénonais elles forment des lambeaux isolés au sommet des nombreuses arêtes et des petits plateaux que présente ce pays: dans le Gâtinais, elles forment pourtant, de Villencuve-la-Guyard à Saint-Sauveur, une nappe, interrompue seulement par les DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 435 vallées de l’'Ouanne, du Branlin et du Loing, mais dont le contour est découpé par une multitude de vallons dans le fond desquels apparaissent les assises secondaires. Quant au calcaire d'eau douce, il constitue deux petits dépôts entière- ment isolés, à l’ouest de Pont-sur-Yonne et au sud de Charny. Les terrains tertiaires ont une épaisseur moyenne de dix mè- tres ; dans certaines parties du Gâtinais cependant celle-ci va jusqu'à 20 à 25 m. Quelquelois, dans des poches, on a creusé de 40 à 50 m., sans en atteindre le fond. Ils participent aussi à l'inclinaison que les diverses assises du département pos- sèdent vers le N.-0.; mais celle-ci est à peine le quart ou le cinquième de celle des terrains crétacé et jurassique, de 8° à 10° seulement. Les terrains tertiaires formés par des roches meubles ne peuvent contribuer à donner au sol des formes très accidentées. En effet, dans le Sénonais, où ils couron- nent toutes les sommités, leurs débris descendent sur les pentes crayeuses et contribuent à les adoucir et à les rendre plus uniformes. Le Gâtinais est extrêmement uni et sillonné seulement par de légers vallons dont le fond ne dépasse pas le terrain tertiaire , ou bien est recouvert par des éboulis de celui-ci, s’il est entamé dans la craie. Ce n’est que sur quel- ques points que des parties dures, soit à l’état de grès, soit à l’état de poudingues, occasionnent quelques rochers ou quel- ques pentes rapides. Usages. Les silex arrachés à l'étage crayeux sont employés dans les constructions rurales et donnent d'excellents maté- rlaux pour les chemins. Les sables sont souvent assez purs pour entrer dans les mortiers à la chaux ; Tonnerre, Champi- gnelles, Etais, sont des centres d'extraction pour les com- munes environnantes. Les argiles alimentent plus des deux ciuquièmes des tuileries du département, notamment celles 436 DES ROCHES de Nailly, Paron, Villebougis, Villeperrot et Pont-sur-Yonne, dont les excellents produits sont embarqués pour Paris et la Basse-Seine sous le nom de tuiles et briques de Bourgogne, Les grès, brèches et poudingues siliceux sont exploités no- tamment dans la forêt d'Othe et à Marsangy, tant pour le pavage que pour bornes, marches et encoignures. Les cal- caires d’eau donce de Champigny et de Saint-Martin-sur- dOuanne donnent de la pierre de taille et du moellon. 1° Nappe tertiaire superposée au terrain crétace. (Statist. p. 531-549, et 556-558). Sur les plateaux du Sénonais et du Gâtinais, les dépôts tertiaires constituent à la surface de la craie un revêtement composé de sables et d’argiles souvent jaunes ou rouges, quel- quefois blancs, renfermant sur beaucoup de points, au N. du parallèle de Joigny, des cailloux roulés de silex, des pou- dingues et des grès exploités pour le pavage; à Dixmont, il ya,au milieu de sables blancs, un amas de lignite que l’on tente d'exploiter; partout, notamment dans les parties supé- rieures, constituées par un limon argilo-ferrugineux brun- rougeàtre, il y a une immense quantité de silex non roulés, arrachés à la craie sous-jacente. Sur deux points il y à, au milieu de ce dépôt, des calcaires d’eau douce, près de Charny et de Pont-sur-Yonne, qui paraissent se rapporter au calcaire siliceux de la Brie ; des rognons de manganèse oxydé accom- pagnent les derniers. Comme les silex non roulés leur sont supérieurs, il est infiniment probable que la partie du dépôt argilo-sableux qui les renferme est contemporaine d’'étages plus supérieurs du bassin de Paris. Le terrain tertiaire recou- vre ainsi en nappe continue, sauf les dénudations postérieures, les diverses assises de l'étage crayeux et une petite partie DU. DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 437 des sables ferrugineux de la Puisaye; nulle part, pas plus en petit qu’en grand, sa stratification ne concorde avec celle de l’assise sous-jacente. La difficulté, nous dirions presque l'impossibilité, de séparer l’une de l’autre les deux assises principales, nous a engagé à en donner une description simultanée et à n’établir dans celle-ci que des divisions géographiques. Les roches ont été disposées de la même manière. A lest de l Yonne et au sud de la Vannes. 728. Sable argilifère grossier jaune.— Palteau à l’est d’Armeau. 729 Sable argilifère fin rouge-vif, en amas. —Ravin près du mou- lin de Cérilly. 750. Calcaire arénifère et argilifère jaunâtre, formant un bloc très- volumineux. — Ravin près du moulin de Cérilly. 751. Grès grossier tendre, jaunâtre et rougeàtre bigarré. — Vau- mort. 732. Grès fin blanchâtre. — La Folie à l’est des Sièges. 755. Grès grisatre, en blocs errants. — Cerisiers. 754. Grès dur gris. — Cerisiers. 735. Argile jaune et violâtre. — Palteau. 756. Argile jaune-rougeûtre, en amas dans la craie, — Ravin à Villeneuve-l’Archevèque. 757. Argile jaune. — Beauregard au nord de Joigny. 758. Argile sableuse jaune. — Corvisart à l’ouest de Dixmont. 759. Ventriculites siliceux arraché à la craie. — Ravin de Cérillv. 740. Ventriculites siliceux arraché à la craie. — Brienon. 741. Galeriles Albo-galerus, moules siliceux arrachés à la craie, — Cerisiers. 742. Ananchyles ovata, moules siliceux arrachés à la craie. — Sormery. 745. Micraster Cor-anguinum, moules siliceux arrachés à la craie, — Sormervy. 744. Micraster Cor-anguinum, moules siliceux arrachés à la craie. — Villeneuve-sur-Yonne. 745. Micraster, moules siliceux arrachés à la craie. — Joigny. 438 DES ROCHES Lignite de Dixmont. 746. Argile grise. — Grande exCavation de la fontaine des brins, près Dixmont. 747. Sable argilifère très-fin blanc. — Fontaine des Brins. 748. Sable fin très-pur blanc. — Fontaine des Brins. 749. Lignite noir. — Fontaine des Brins. 750. Bois dicotylédone altéré tendre brun. — Fontaine des Brins. 751. Bois dicotylédone altéré dur brun. — Fontaine des Brins. 752. Charbon en petits fragments dans le lignite. — Fontaine des Brins. 753. Sable argilifère fin légèrement brunâtre, recouvrant le lignite. — Fontaine des Brins. 754. Limon brunâtre à silex non roulés, recouvrant le terrain à lignite. — Fontaine des Brins. À l'est de F Yonne et au nord de la Vannes. 755. Sable pur blanc. — Tuilerie du Marchais-au-Prieur au nord de Bagneaux. 756. Sable très-grossier gris. — Sablière de Foissy. 757. Sable argilifère rose. — Tuilerie du Marchais-au-Prieur. 758. Sable argilifère grossier rouge-brique.— Tuilerie du Marchais- au-Prieur. 759. Sable argilifère fin rouge-brique, à petits cailloux. — Tuilerie | de Mälay-le-Petit. é 760. Sable argilifère fin rouge-brique. — Montaphilant près la tui- lerie de Soucy. | 761. Sable avec galets de silex grisâtre et noirâtre. — Route de | Grange-le-Bocage à Thorigny. | 762. Grès argilifère compacte jaune-grisätre. — Tuilerie de Saint- | Martin-sur-Oreuse. | 765. Grès blanchâtre. — Le Marchais-au-Prieur au nord de Ba- gneaux. 764. Grès à gros grain grisâtre. — Mälay-le-Petit. 765. Grès à gros grain grisätre, avec petits cailloux siliceux. — Màlay-le-Petit. | 766. Grès brunâtre à grain moyen, avec rognons de silex gris. — Chemin de Vallières à Villiers-Bonneux. 4 DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 439 767. Argile réfractaire blanche. — Le Marchais-au-Prieur. 768. Argile grisâtre. — Tuilerie de la Grande-Croix à Thorigny. 769. Argile jaune. — Le Marchais-au-Prieur. 770. Argile maigre jaune-rougeätre. — Tuilerie dela Grande- Croix. 7714. Silex jaspoïdes peu roulés rouges, — Bois du Troucis au nord de Courlon. Limonite brune compacte géodique, avec enduit fibreux inté- rieur. — Tuilerie de Saint-Martin-sur-Oreuse. 775. Ventriculites siliceux arrachés à la craie. — Maillot. 77%. Ananchytes, moules siliceux arrachés à la craie. — Voisines. La Chapelle-sur-Oreuse et Michery. ’ 775. Micraster Cor-anguinum, moules siliceux arrachés à la craie. — Bagneaux, Chigy et Sergines. 772 Environs de Pont-sur- Yonne. 776. Sable très-pur blanc, inférieur au calcaire d’eau douce. — Champigny-sur-Yonne. 777. Gailloux de silex grisâtres et noirâtres, formant une eouche mince à la base de l'argile ferrugineuse. — Les Usages au sud de Chaumont. 778. Grès argilifère compacte légèrement grisâtre. — Grand-Gitry au sud-ouest de Pont-sur-Yonne, 779. Grès argilifère compacte légèrement grisâtre. — Terrier de Saint-Agnan. 780. Grès argilifère compacto-terreux grisâtre. — Terrier de Saint- Agnan. 781. Grès argilifère compacte, très-dur grisàtre.— Terrier de Saint- Agnan. 782. Grès calcarifère mamelonné jaunâtre, inférieur au calcaire d’eau douce. — Carrières de Champigny. 785. Grès fin blanc. — Villemanoche. 784. Grès très-grossier blanchâtre, des sables inférieurs à l’argile ferrugineuse. — Les Usages. 785. Grès très-grossier blanchâtre, passant au poudingue. — Les Usages. 786, Argile sableuse grisâtre, — Tuilerie de Grand-Gitry au sud- ouest de Pont-sur-Yonne, 798. DES ROCHES . Argile sableuse jaune-brunâtre, reposant sur l'argile ou la craie, — Les Usages. Jaspe géodiquebrunàtre avec ocre, en rognons dans les argiles ferrugineuses. — Les Usages. Jaspe géodique brunâtre avec ocre. — Champigny. Limonite très-argilifère terreuse — Champigny. Limonite sableuse, argilifère et manganèsifère brun-jaunàtre. Ciampigny. Peroxyde de manganèse concrétionné. — Champigny. Calcaire compacto-terreux noiratre (manganèsifère ?) avec dé- bris de coquilles d’eau douce. — Champigny. Calcaire compacto-terreux grisâtre, d’eau douce, — Cham- pigny. Caliaire compacto-terreux jaunâtre, d’eau douce. — Cham- pigny. Calcaire compacte cavitaire brunâtre. — Champigny. . Calcaire compacte cavitaire brunâtre, aveclymnées. — Cham- pigny. Calcaire cellulaire jaunâtre, avec lymnées. — Champigny. Environs de Sens et de Chéroy. 799; 800. 801. 802. 805. 804. 805. 806. 807. 808. Sable blanchâtre, en nids dans la craie blanche. — Chéroy. Sable siliceux grossier rougeûtre, avec cailloux siliceux. — Base du bois de Vallery. Sable argilifère très-fin jaune. — Chemin de Rusé à Jouy. Cailloux roulés siliceux noirs, dans l'argile. — Chéroy. Silex non roulés jaunâtres et rougeatres translucides. — Base du bois de Vallery. Grès argilifère compacto-terreux jaunâtre. — Tuilerie Rous- seau près Jouy. Grès argilifère compacto-terreux jaunâtre. — Chemin de Rusé à Jouy. Grès argilifère compacte jaunàtre. — Chemin de Rusé à Jouy. Grès argilifère compacte grisatre, inférieur. — Jouy. Grès grossier jaunàätre, avec nombreux grains de silex noir et fragments de craie compacte jaune, dans des poches de sable. — Chéroy. 817. 818. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 441 . Grès rosàtre à nodules plus durs et plus foncés. — Côte de Paron. Poudingue jaunâtre à silex blonds. — Côte de Paron. Argile blanche, en amas à la partie supérieure des grès com- pactes. — Rusé à l’est de Jouy. Argile blanchâtre, — Tuilerie Rousseau près Jouy. . Argile brunâtre. — Tuilerie des Brières au nord de Collemiers, . Argile avec fragments de grès compacte, de la partie supé- rieure. — Chemin de Rusé à Jouy. . Argile sableuse et ferrugineuse jaune-rougeàtre, avéc silex roulés. — Chéroy. . Argile calcaire concrétionnée, en rognons dans l'argile. — Chéroy. Jaspe brun-jaunatre très-pesant. — Base des côtes à Sens. Limonite sableuse brune. — Côte à l’ouest de Sens. Environs de Villeneuve-sur-Yonne, Aillant et Charny. 819, 820, 821. 822. 825. 824. 825, 826. 827. 828. 829. Sable argilifère grossier grisàtre. — Tuilerie de Bussy-le- Repos. h Sable argilifère grossier grisâtre, en poches dans la craie. — Chemin de Précy à Sépaux. Grès grossier grisàtre. — Chaumot. Grès grossier lustré grisätre.—Grosse roche de Val-Dampierre à l’ouest de Saint-Julien-du-Sault. Grès rosâtre, — Marchais-Beton. Grès ferrugineux jaune-brunatre. — Chemin de Précy à Sé- paux. Poudingue à gros blocs de silex grisàätre, — Grosse roche de Saint-Julien-du-Sault. Argile rouge-violacé, bigarrée de grisâtre.-— Tuilerie de la Haute-Epine à l’ouest de Villeneuve-sur-Yonne. Argile jaune. — Tuilerie de la Haute-Epine. Argile sableuse brun-jaunâtre. — Tuilerie de Bussy-le-Repos. Ventriculites arrachés à la craie. — Champvallon, Lindrv et Dicy. Ananchyles ovata arrachés à la craie. — Aillant. Micraster Cor-anguinum, moules siliceux arrachés à la craie. — Aillant, 20 it 442 852. 855. DES ROCHES Calcaire compacte et grossier tuberculaire jaunâtre, d’eau douce. — Carrière de Saint-Martin-sur-Ouanne. Concrétions calcaires (indusies) et planorbes. — Saint-Martin- sur-Ouanne. Environs de Toucy. 854, 859. 856. 837. 858. 839. 840. 841. 842. Sable grossier jaunâtre. — Les Champions à l’ouest de Dracy. Grès argilifère grossier jaunàâtre. — La Bruyère à l’ouest de Dracy. Grès fin jaunâtre. — La Roche au nord de Toucy. Grès grossier jaune. — La Roche. Grès ferrugineux grossier brun. — La Roche. Poudingue à ciment de grès ferrugineux compacte et à cailloux de quarz blanc. — La Roche, Poudingue à ciment de grès ferrugineux compacte et à cailloux de quarz blanc et de silex blond. — La Roche. Argile à foulon grisatre et rougeàtre panachée. — Les Godards au nord de Toucy. Argile jaune et rougeâtre panachée. — Les Champions. Environs de Louesme et Champignelles. 845. 844. 845. 846. 847. 828. 849 850. 851. Sable argilifère fin jaune-rougeûtre, environnant les grès. — Vallon à l’ouest de Louesme. Grès peu dur jaunâtre, en grandes masses. — Vallon à l’ouest de Louesme. Grès dur jaunâtre. — Vallon à l’ouest de Louesme. Grès dur blanchâtre, à grains siliceux. — Vallon à l'ouest de Louesme. À Sable grossier jaunâtre, avec cailloux roulés de silex. — Mai- soncelles à l’est de Champignelles. Sable argilifère grossier jaunâtre, à grains siliceux. — Sablière des Coureaux à l’est de Champignelles. Grès grossier jaune, à grains siliceux.— Sablière des Coureaux. Grès grossier lustré jaune et brunâtre. — Sablière des Coureaux. Poudingue à ciment de grès blanc et cailloux de silex blond, — Maisoncelles, DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 443 Environs de Tannerre el Villeneuve-les-Genèéts. 852. Sable fin légèrement rosàtre, de la partie inférieure.—Sablière de Tannerre. 855. Sable argilifère grossier, à nombreux grains siliceux, reposant sur le précédent. — Sablière de Tannerre. 854. Grès argilifère grossier friable rosätre, avec silex, formant un lit dans le sable précédent. — Sablière de Tannerre. 855. Grès argilifère fin friable rosätre avec silex, accompagnant le précédent. — Sablière de Tannerre. 856. Sable argilifère jaune-ocreux, supérieur. — Sablière de Tan- nerre. ° 857. Grès ferrugineux jaune-rougeàtre, reposant sur le sable pré- cédent. — Sablière de Tannerre,. 858. Grès ferrugineux brun, avec nombreux petits grains de silex.— Sablière de Tannerre. 859. Poudingue à ciment de grès friable jaune ou dur brun, et cailloux de silex, de la partie supérieure. — Sablière de Tannerre. 860. Sable argilifère grossier rosätre. — Villeneuve-les-Genèêts. 861. Grès argilifère grossier tendre rosâtre. — Villeneuve-les- Genèts. Environs de Bléneau el Rogny. 862. Sable en partie siliceux fin blanc. — Sablière de Bléneau. 865. Sable grossier jaune. — Sablière de Bléneau. 864. Graviers granitiques et siliceux, un peu argileux gris-rougeätre. — Rogny. 865. Graviers granitiques et siliceux, très-argileux gris-jaunatre, avec silex roulés. — Rogny. * Environs de Saint-Fargeau et Treigny. 866. Argile blanchâtre jaune et rouge, avec grains de silex, — Tui- lérie de la Royauté près Saint-Fargeau. 867. Sable argilifère grossier rosàtre. — Saint-Maurice à l’est de Saint-Fargeau. 868. Sable argilifère grossier rosâtre, avec nombreux fragments de silex grisaätre, — Saint-Maurice. pe 444 DES ROCHES 869. Poudingue à ciment de grès compacte, et cailloux de silex blond-grisatre. — Saint-Maurice. 870. Poudingue à ciment de grès ferrugineux compacie brun, et cailloux de quarz et silex noirâtre. -- Etang Chassin au nord de Treigny. 20 Lambeaux tertiaires épars sur le terrain jurassique. Statist. p. 549-554). Sur plusieurs parties des plateaux jurassiques il y à aussi des lambeaux tertiaires; à Etais, au S.-0. de Coulanges- sur-Yonne, ce sont des sables purs; à Montillot, au N. de Vézelay, ce sont des sables argileux, grossiers, jaunes. Sur le plateau, entre Vézelay et Coulanges-sur-Yonne, les sables argileux renferment encore des silex non roulés, mais ils pro- viennent des parties supérieures de la grande oolithe. Enfin à Yrouère, au S. de Tonnerre, on a exploité, dans des argiles sableuses brun-jaunâtre, du fer hydroxydé pisolithique qui appartient encore à celte période géologique. Environs d’Etais. 871. Sable argilifère légèrement jaunatre, de la partie inférieure. — Grande sablière d’Etais. 872. Sable argilifère rosâtre, de la partie inférieure. — Grande sa- blière d’Etais. 875. Sable argilifère jaune-rougeàtre. — Grande sablière d’Etais. 874, Sable argilifère jaune-rougeûtre et violâtre. — Grande sablière d'Etais. Environs de Festigny. 875. Argile jaune un peu rougeûtre. — Tuilerie de Festigny. Environs de Merry-sur- Yonne, à l’ouest. 876. Grès argililère en partie compacte jaune grisâtre, à gros grains de quarz. — Plateau de Magny. 877. Grès argilifère en partie lustré jaune et rouge, à gros grains de quarz — Plateau de Magny. 878. Grès grisätre à gros grains de quarz. — Plateau de Magny. DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 445 879. Poudingue à ciment de grès grisâtre, et cailloux de quarz et de silex jaune. — Plateau de Magny. Environs d'Accolay el de Bessy. . 880. Argile sableuse jaune-brunâtre superficielle. — Plateau à l’ouest de Bessy. 881. Rognon de grès argilifère et ferrugineux grossier jaune-bru- nâtre. — Bois du Gouvernement au sud d’Accolay. Environs de Merry-sur- Yonne, à l’est. 882. ko Argile blanche et jaunâtre, de la partie inférieure. — Tuilerie de la Croix-Ramonée. 885. Argile blanche et rose. — Tuilerie de la Croix-Ramonée, 884. Sable granitique argilifère grossier jaune-rougeâtre, dela partie moyenne. — Tuilerie de la Croix-Ramonée. 885. Sable argilifère fin caillouteux superficiel jaune-rougeatre. — La Croix-Ramonée. 886. Sable argilifère jaune-rougeâtre, à nombreux cailloux de quarz et de silex. — La Croix-Ramonée. 887. Sable argilifère gris-Jaunâtre superficiel, à nombreux cailloux de quarz et de silex. — La Croix-Ramonée. Environs de Chätel-Censoir. 888. Argile sableuse jaune-rougeûtre, — Tuilerie des Tremblats. 889. Sable argilifère grossier rougeâtre. — Tuilerie des Tremblats. Environs de Montillot. 890. Argile jaune-rougeâtre bigarrée de blanc. — Montillot. 891. Sable argilifère très-grossier jaune-rougeätre. — Montillot. Entre la Cure et le Serain. 892. Sable argilifère fin rouge-brique. — Le Grosmont à l’ouest de Domecy-sur-le-Vault. 895. Grès tendre assez fin rouge-vermillon. — Le Grosmont. 894. Grès très-ferrugineux brun. — Le Grosmont. 895. Limonite arénifère brune. — Le Grosmont. 896. Limonite arénifère compacte Brun-rougeñtre, — Bois com- munaux de Thory au nord de Lucy-le-Bois, 446 DES ROCHES Minerais de fer à l'est du Serain. 897. Argile sableuse jaune-fauve, à minerai de fer. — Tuilerie de l'Affichot au nord de Molay. 898. Argile sableuse jaune-fauve, avee limonite pisolithique.— Bois du Nid-de-Corneille, à l’ouest d’Yrouère. 899. Limonite pisolithique à grains compactes ou tendres intérieu- rement (minerai lavé) — Yrouère. (00. Argile brunâtre à grains ferrugineux. — Plateau de Collan. TERRAINS D'ALLUVION (Statist. p. 562-585). A une ou plusieurs époques postérieures à celles du dépôt des derniers terrains tertiaires proprement dits, une grande partie de la surface du globe, et notamment de l'Europe, a été sillonnée par des courants aqueux d’un volume et d'une violence extraordinaire ; ceux-ci ont eu pour effet, d’une part, la formation d’un grand nombre de vallées et particulière- ment de celles qu'on remarque dans les pays de plaine dont le sol est formé par des couches horizontales et où il n'existe aucune trace de phénomènes plutoniques; le second effet de ces courants, conséquence nécessaire du premier, à été d’avoir donné naissance à une grande quantité de débris qui, subdi- visés, roulés et lotis par l’action des eaux, ont été déposés par elle sur les surfaces dénudées, dans les vallées et sur le fond des mers, surtout au débouché de celles-ci ; ils ont formé des remblais et dépôts qui constituent ce qu'on appelle le terrain diluvien ou déiluvium. Ils consistent en cailloux roulés, graviers, sables et limons, renfermant fréquemment des coquilles d’eau douce et terrestres, et quelquefois des dépôts partiels de lignite. Ces divers éléments sont ordinaire- ment mal stratifiés et renfeyment des blocs erratiques ; ils sont accompagnés d’ossements d'animaux (notamment d'élé- DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 447 phant) qui n'existent plus, au moins dans les contrées où l'on trouve leurs restes enfouis. L -Les alluvions ou terrains qui appartiennent à notre époque, c'est-à-dire dont la formation est postérieure à la dernière grande catastrophe géologique, après laquelle l’homme est venu prendre possession de la terre apte à le recevoir, sont caractérisés par leur position superficielle, par la nature meuble et la position irrégulière de la plupart des éléments qui les composent, parleur faible puissance, par leur relation avec les causes dont nous voyons encore les effets se continuer actuellement sous nos yeux, et enfin par la présence de débris qui se rapportent aux espèces qui vivent encore dans les mêmes contrées et notamment de débris de l’homme accom- pagnés de traces de son industrie. Le diluvium comprend tous les dépôts qui n’ont pu être formés par les causes qui agissent actuéllement à la surface du sol du département. Dans les vallées, ce sont les matériaux que nous avons précédemment énumérés; dans celles de l’Armançon, du Serain, du Cousin et de l'Yonne, ils provien- nent, en partie, des terrains primitifs du Morvan, et leur nature est d'autant plus variée qu'on les observe dans une partie plus inférieure ou septentrionale de la vallée. Dans les grands vallons de l’Armançon et de la Vannes les matériaux proviennent exclusivement du terrain crélacé. Les alluvions comprennent tous les dépôts qui sont en voie de formation ; ceux-ci, soit d’après leur nature, soit d'après leur état, se divisent en quatre sortes synchroniques les unes des autres ; le terrain détritique et la terre végétale, les alluvions et atter- rissements, les tourbières et enfin les tufs calcaires. Les terrains d'alluvion occupent principalement le fond et les flancs des grandes vallées, dans toutes les parties du dé- 448 DES ROCHES partement : ils n’ont qu'une influence nivelante dans le relief du sol par suite de-leur état meuble ; c’est surtout dans les parties inférieures des flancs des vallées, qu'ils allongent en rendant ainsi les pentes plus douces et plus uniformes. Usages. Partout les terrains d’alluvion fournissent, en abondance, du sable et de la terre pour les constructions ; presque partout aussi on en ire des cailloux pour l’entretien des routes et des chemins. Sur quelques points, comme aux alentours de la forêt de Frétoy, les terres argileuses du pla- teau sont employées par quelques tuileries; sur d’autres, comme à Cuzy, l'Isle, Cravan, etc., ce sont les argiles d’allu- vion du fond des vallées. Des poudingues diluviens sont exploités dans la partie inférieure de la vallée de l'Armancon. Enfin, on exirait de la tourbe à Poni-sur-Vannes. Les échantillons sont répartis en trois séries dans chacune desquelles la disposition par vallée a été conservée. 1° Alluvions anciennes et modernes. Vallée de l'Armançon. 001. Argile limoneuse brun-jaunatre. — Tuilerie de Cusy. 902. Eonglomérat d'argile et de craie, vert-jaunâtre. — Les Drillons à l’est de Saint-Florentin. 905. Limon brunâtre. — Les Drillons. 904. Graviers calcaires avec grains granitiques. — Lit de la rivière à Tonnerre. Vallée du Serain. 905. Poudingue calcaire et granitique jaune-rougeatre. — Rues de Beaumont. 906, Sable quarzeux et granitique rougeàtre, — Lit de la rivière à Noyers. Vallée de l'Yonne. 907. Graviers calcaires, granitiques et porphyriques. — Plaine d'Auxerre. DU DÉPARTEMENT DE L YONNE. 449 908. Graviers calcaires, siliceux, granitiques et porphyriques. — Gron. 909. Graviers calcaires, siliceux, granitiques et porphyriques, — Gisy-les-Nobles. 910. Poudingue calcaire, siliceux, granitique et porphyrique. — Saint-Denis. 911. Graviers granitiques noircis par l’oxyde de manganèse ? — Montée de Saint-Siméon près Auxerre, 912. Limon grossier jaune-rougeâtre, — Tuilerie du Bouchet au . nord de Bazarne. 915. Limon très-sableux grossier jaune, — Auxerre. 914. Limon très-sableux grossier jaunâtre — (hamplaw. 915. Limon grossier jaunâtre. — Villeneuve-sur-Yonne. 916. Limon grossier jaunâtre. — Chaumont. 917. Sable quarzeux et granitique rougeâtre. — Gravan. Vallée de la Cure. 9M8. Sable granitique rouge, avec cailloux granitiques altérés. — Orbigny à l’est de Pontaubert. 99. Limon micacé brunätre. — Tuilerie de Bessy. Vallon du ru de Genotte. 920. Graviers calcaires. — Pont de la grande route au bas de Cou- langes-les-Vineuses. 921. Poudingue tendre à ciment calcaire. — Pont au bas de Cou- langes-les-Vineuses. Vallon de la Vannes. 922. Limon crayeux jaune. — Pied de la côte en face de Foissy. 925. Tourbe imparfaite, — Pont-sur-Vannes. 20 Detritus calcaires. Entre lArmancon el le Serain. 924. Erène du calcaire portlandien. Tissey. 925. Brèche calcaire de lPérène précédente. — Tissey. ‘ Entre le Serain et l'Yonne. 926. Erène du calcaire portlandien. — Au nord-est de Ghitry. 450 DES ROCHES À l'ouest de l'Yonne. = 927. Erène du calcaire portlandien. — Nanteau au sud de Migé. 928 Erène du calcaire portlandien. — Vaux. 929. Erène crayeuse. — Bois-de-Charbuy. 950. Limon avec débris crayeux. — Haut-de-Charbuy. 3° Incrustations calcaires. A l’est de Yonne. 951. Tuf calcaire granuleux friable, inférieur à la terre végétale. — Partie basse de Maillot. 952. Concrétions calcaires, renfermant des lymnées et des débris végétaux. — Maillot. 955. Tuf calcaire jaunâtre. — Mur de l'ancien moulin de Véron. APPENDICE. — PRODUITS D'ANCIENNES INDUSTRIES MÉTALLURGIQUES (Statist. p. 179-183). La collection est complétée par les produits d'industries métallurgiques qui, dans le département, ont existé prineipa- lement dans la partie du Sénonais, désignée sous le nom de Forêt-d'Othe, et dans celle du Gâtinais qui avoisine la Puisaye. Ce sont des laitiers et des scories formant des accumulations, désignées sous le nom de ferriers, parfois assez considérables, comme à Tannerre, pour former des buttes de 40 à 12 m. de hauteur. Ces matériaux, au lieu d’être vitreux et légers comme * ceux des hauts-fourneaux actuels, sont presque toujours fort pesants en raison de la grande quantité de fer qui entre dans la composition des silicates,ou qui s’y trouve même disséminé en granules métalliques. On admet généralement que c'est avant et pendant la domination romaine qu'avaient lieu les exploitations métallurgiques dont ils sont les résidus. Usages. Partout où les ferriers sont un peu considérables, on les exploite pour en retirer le eréey pour l'entretien des sensé h. g DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. 451 routes et chemins, qu'il rend excellents; quelques variétés sont réduites en poudre et servent à vernir les poteries de la Puisaye. À l'est de l’ronne. 934. Scorie compacte pesante mamelonnée noire. — Arces. 935. Scorie compacte pesante mamelonnée noire, — Le Marchais- au-Prieur au nord de Bagneaux. À l'ouest de l'Yonne. 936. Scorie compacteet grenue pesante, mamelonnée noire.— Saint- Sérotin au sud-ouest de Pont-sur-Yonne. 937. Scorie compacte et grenue pesante et mamelonnée noire, — La Grande-Justice au nord de Chéroy, 938. Scorie lamelleuse et grenue pesante noire. — La Grande- Justice. 939. Scorie compacte pesante noire. — Bussy-le-Repos, 940. Scorie compacte et grenue pesante noire, — Villiers-Saint- Benoit. 941, Gendre grise avec charbon et fragments de scories diverses, — A Grand ferrier de Tannerre. 942. Scorie compacte pesante noire. — Tannerre. 945. Laitier cellulaire pesant vert-bleuatre. — Tannerre. 944. Laitier à grandes cellules vert-bleuàtre, avec charbon et grains de fer. — Tannerre. 945. Laitier à petites cellules vert-bleuatre, avec charbon et grains de fer. — Tannerre. 946. Scorie à petites et rares cellules, pesante jaune verdätre, — Tannerre. Environs d'Avallon. 947. Scorie compacte cellulaire noire, avec charbon, — Girolles- les-Forges. V. RAULIN. SUR LES VERTÉBRES FOSSILES DE LA CAVERNE OSSIFÈRE D'ARCY-SUR-CURE, PROVENANT DES COLLECTIONS DU DOCTEUR ROBINEAU-DESVOIDY. (Grotte aux Fées). L'étude des animaux fossiles préoccupe beaucoup, comme on le sait, les géologues de notre époque, qui l’appliquent à l’étude de la terre. On les rencontre en effet dans presque tous les terrains, depuis le terrain silurien jusqu’au dépôt formé par la dernière irruption des eaux, connu sous le nom de diluviui. Une nouvelle branche de la science, la paléontologie, s’est donc formée de nos jours de la connaissance des êtres organi- sés qui ont peuplé anciennement la terre. Le docteur Robineau- Desvoidy, si ardent pour l'étude des sciences naturelles, ne pouvait rester étranger à cette science, et nous avons vu qu'il avait commencé avec l’aide de quelques personnes une série de recherches tendant à découvrir les richesses fossiles de notre département. Les grottes ossifères d'Arcy-sur-Cure, explorées imparfai- tement par Buflon et depuis par un petit nombre de visiteurs qui en ont fait un sujet de curiosité plutôt qu'une affaire sérieuse, ces grottes, dis-je, ne pouvaient manquer d’être ex- plorées par notre infatigable collëgue, et il avait réuni une assez grande quantité d'ossements de différents animaux dé- couverts par Jui dans la grotte aux Fées. Selon le vœu qu'il avait exprimé avant de mourir, ses héri- VERTÉBRES FOSSILES. 153 tiers ont remis à notre Société toutes ses collections. Nous nous sommes donc trouvés en possession de nombreux osse- ments’ de vertébrés fossiles qui malheureusement n'avaient été que très-imparfaitement déterminés. La partie de la pa- léontologie qui traite des animaux vertébrés offre de grandes difficultés; aussi n'est-ce que par une étude approfondie de l'anatomie comparée qu’on peut espérer reconnaitre d'une manière certaine la nature des animaux fossiles, leurs degrés de ressemblance et de différence avec ceux qui vivent aujour- d'hui. La science de Cuvier, qui a renouvelé la face de la géologie, n'est point une science d'enfant, et à moins d’études particulières on ne peut l’aborder d'aucun côté. N'ayant pas de spécialiste parmi nos collègues, nous au- rions peut-être été fort embarrassés pour déterminer les objets de notre collection si nous n’avions eu l’idée de nous adresser au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Nous devons des remerciements à cet établissement pour la complaisance avec laquelle on a mis à notre disposition conseils et collections. Nous devons èn particulier remercier M. Merlieu, préparateur des ossements fossiles de cet établissement, et surtout M. Lartet, savant aussi affable que distingué, qui à bien voulu vérifier lui-même la valeur de nas dénominations. Sans entrer aujourd'hui dans aucun détail sur les grottes d'Arey, qui ont été décrites ailleurs, et sur la manière dont les ossements ont pu se trouver dans les cavernes ossifères, nous allons essayer de vous rendre compte des richesses que nous -possédons maintenant. Dans les fossiles donnés par le docteur Robineau, nous avons reconnu huit genres d'animaux à espèces éleintes, qui se répartissent parmi les pachydermes, les ruminants et les carnassiers de la grande famille des vertébrés mammifères. 154 VERTÉRRÉS FOSSILES Nous espérions en rencontrer une autre espèce, l’hippopo- lame (H. major), mais nous n'avons pu en trouver aucun débris, quoique cependant il en existe certainement aux grottes d'Arey. Nous avons vu au Muséum d'histoire naturelle de Paris des échantillons assez nombreux de cet animal qui ont été découverts, il y a longtemps, par M. de Bonnard et donnés par lui au Muséum. PACHYDERMES. On ne peut expliquer la présence des pachydermes dans les cavernes par aucune particularité de mœurs. Aussi l'opinion la plus généralement admise par les géologues est-elle qu’ils ont été, soit vivants, soit morts, la proie des grands carnas- siers auxquels on les trouve réunis. Cependant il nous semble que cette opinion n’est point admissible pour les dépôts de la grotte ossifère explorée à Arey par le docteur Robineau. Tous les débris de vertébrés qu’on y rencontre, aussi bien les carnassiers et les ruminants que les pachydermes, ont été amenés pêle-mêle par les eaux. Pour quiconque a été à même d'observer, comme nous l'avons fait, les cailloux roulés, le sable fin et le limon rougeâtre qui accompagnent ces débris dans les grottes d’Arcey, le doute n’est pas possible. Mises en mouvement par suite du déplacement des ma- üères et poussées avec violence, les eaux ont envahi les terres et les ont couvertes entièrement. Par conséquent, tous les animaux terrestres qui peuplaient ces contrées ont été surpris à la fois; les courants les ont entraînés dans leur course im- pétueuse et ont déposé leurs débris çà et là, mais principa- nt gr à DE LA CAVERNE D ARCY-SUR-CURE. : 255 lement dans les grottes, que leur position mettait à l'abri du grand courant, et dans les plaines protégées par une chaîne de montagnes. Nous reviendrons du reste sur cette théorie, qui nous ser- vira peut-être à établir la différence de faune des deux grottes principales que nous avons l'intention d'explorer, sous les auspices de la Société. L'éléphant, le rhinocéros et le cheval sont les seuls pachidermes dont nous ayons reconnu des débris fossiles. 1. ELépaanr (Elephas primenius, Blum.) Eléphant fossile de Guvier ou Mammouth des Russes, à crâne allongé, à front concave, à (rès-longues alvéoles des défenses ; à mâchoire inférieure obtuse, à mâchelières larges, parallèles marquées de rubans serrés. C'est une espèce bien distincte des genres connus, l’élé- phant d'Afrique et celui de l'Inde, dont cependant elle se rapproche davantage. Les fouilles faites dans les grottes d’Arcy par le docteur Robineau n’ont amené la découverte que d’une seule molaire qui, jointe à celles trouvées dans le lit de la rivière du Serin en 4846 à Bonnard, et dans celle de l'Yonne à Chaumont, forme tout ce que nous possédons des débris fossiles de cet énorme pachyderme. | Les os fossiles d’éléphant se trouvent ‘dans tous les pays, aussi bien dans le nord que dans le midi. On les rencontre dans tous les bassins des grandes rivières, Aussi ne devons- nous pas nous étonner d'en retrouver des vestiges épars dans notre département. Cuvier cite des échantillons trouvés aux environs d'Auxerre et notamment au pont de pierre, qui est situé, comme on le sait, à une lieue de la ville. I rapporte 456 VERTÉRRÉS FOSSILES également la trouvaille faite, en 4773, dans l'Yonne même, d'une molaire pétrifiée d’éléphant. Il est probable qu’en faisant des recherches plus attentives on découvrira d’autres ossements; puisque nous avons déjà des molaires, nous pouvons dire à fortiori qu'on doit retrouver des parties de squelette et des défenses. Espérons, dans tous les cas, que les habitants du département qui ont où qui auront en leur possession des restes complets ou non, vou- dront en doter généreusement le musée de notre Société ou tout au moins nous les communiquer. Générablement les os de lPélephas primigenius sont bien mieux conservés dans le nord qu'ailleurs. Cette particularité ne fait que confirmer l'espoir que nous avons de retrouver dans notre pays des débris intéressants de cet animal. 1. Ruinocéros. À. Tichorinus (roïyos, paries et 5, nasus). Cuvier. De même que pour l'éléphant, la grotte aux Fées n’a fourni au docteur Robineau qu'une molaire (la 4e supérieure du rhinocéros à narines cloisonnées de Cuvier). Les ossements fossiles de rhinocéros ne sont pas rares el on les rencontre dans presque toutes les grottes ossifères en compagnie des éléphants, des ours, des chevaux, des hyè- nes, ete. Mais les dents, n'ayant pas un volume très-considé- rable, échappent souvent au naturaliste parce qu’elles sont peu remarquées des ouvriers. Aussi manquent-elles souvent dans les collections, et cette molaire dont nous nous occupons en est une preuve puisque le Muséum d'histoire naturelle de Paris, si riche pourtant en échantillons paléontologiques, ne possède pas de dent semblable. L'observation que nous avons faite au sujet de l'éléphant fr sai DE LA CAVERNE D'ARCY-SUR-CURE. 457 s'applique également au rhinocéros, et il faut espérer que notre coliection s’enrichira bientôt de débris plus nombreux du R. tichorinus. Tous les rhinocéros ont 7 molaires de chaque eûôté tant en haut qu'en bas, 28 en tout. Il existe plusieurs espèces de rhinocéros fossiles, et M. Lartet en a découvert et décrit plusieurs, mais l'espèce qui nous occupe est la seule connue dans les terrains dilu- viens et dans les cavernes. Cette espèce était bicorne, grande et à tête très-allongée. ni. CHEVAL, Equais fossilis (Cuvier). Les débris du genre cheval sont twès-communs, surtout les dents; mais comme jusqu'à présent l'anatomie comparée n’a signalé aucune différence entre les os des espèces détruites et ceux des espèces actuellement existantes, 1l arrive qu'on n'est pas toujours sûr de l'authenticité des échantillons qu'on découvre. Mais ici je crois que nous ne pouvons avoir de doute puisque les ossements découverts l'ont été dans les mêmes couches qui recélaient des débris d'animaux à espèces éteintes et inconnues de nos jours. On peut dire aussi que les squelettes de toutes les espèces du genre cheval (cheval, âne, hémione, ete.), se ressemblent tellement, lorsqu'ils sont de même taille, qu'on ne peut aflir- * mer que ce soit telle espèce plutôt que telle autre. Cependant les ossements que nous possédons, offrant les mêmes dimen- sions que celles du cheval, on peut dire avec quelque certi- tude qu'ils appartiennent bien réellemeut à cette espèce à laquelle on à donné le nom d'Equus fossilis Parmi les os que nous avoñs eu à déterminer on remarque principalement des séries de dents (canines, incisives, dents de lait, molaires inférieures el supérieures en très-grande 30 458 VERTÉBRÉS FOSSILES quantité), des fragments d’omoplate, de fémur, les os du carpe, du tarse, le canon, le stylet, l'astragale, les pha- langes, etc. Nous ne nous arrêterons pas plus longtemps sur ces osse- ments, qui n’offrent rien de remarquable et sont communs dans toutes les grottes ossifères. Rappelons seulement en passant que le cheval a 6 incisives et 2 canines à chaque mâchoire, 7 molaires de chaque côté en haut et 6 en bas. Il nous sera facile de faire des séries complètes, car on a ren- contré dans la grotte des Fées une quantité vraiment prodi- gieuse de ces dents. IE. RUMINANTS. Les débris de ruminants fossiles ont été, suivant les uns, apportés dans les grottes par les carnassiers qui habitaient la même contrée ; suivant d’autres, on doit attribuer leur pré- sence aux eaux qui les ont déposés ainsi que nous le faisions observer tout-à-l’heure. On en connaît de nombreuses espèces dans les cavernes, mélées aux débris des carnassiers et des pachydermes ; mais nous n'avons trouvé à déterminer que le genre bœuf et le genre cerf parmi les ossements fossiles qui provenaient des grottes d’Arcy. vi. Boœur, Bos primigenius (Bojon). La présence du bœuf fossile dans les grottes d'Arcy est constatée par des mdchelières et des molaires et par deux astragales n'ayant pas appartenu au même animal. L'un de ces os est long de 0,095 et large en bas de 0,065. Ce seraient les dimensions d’un très-grand bœuf. D'après Cuvier, le bos primigenius serait la souche de nos DE LA CAVERNE D'ARCY-SUR-CURE, 459 bœufs actuels. Il était plus grand d’un tiers que le bœuf do- mestique. v. CErr, Cervus giganteus? Cuvier. Nous n'avons dans notre collection que deux échantillons qu'on puisse attribuer à cette espèce de cerf, la plus célèbre des ruminants fossiles. Ce sont des débris de bois et une perche presque entière. Nous avons bien, à la vérité, reconnu d’autres fossiles se rapportant au genre cerf, mais il serait très-difficile, pour ne pas dire impossible, de les attribuer d’une manière certaine au genre qui leur convient. Le groupe des ruminants est composé d'espèces qui ont une grande ressemblance entre elles ; il a des représentants nombreux parmi les animaux fos- siles, et ce n’est qu’à l’aide de pièces bien caractérisées, comme celles de la tête, qu'on parvient à classer les osse- ments de ces vertébrés. Nous citerons done plusieurs débris de ruminants trouvés à Arcy, sans désigner le nom de l'espèce, qu'on n'a pu du reste nous donner à Paris. Nous possédons le métacarpe d'un ruminant, plusieurs échantillons des Are, 2e et3ephalanges, un canon, un radius d'un petit ruminant, des dents d'un animal ayant de l’analogie avec l’antilope, des phalanges et un onglet d’un ruminant voisin du renne. On approuvera la prudence de nos aflirmations si on réflé- chit qu'on compte dans le diluvium au mois 25 espèces de cerfs fossiles. (LEE CARNASSIERS, La famille des carnassiers est beaucoup plus facile à 460 VERTÉBRÉS FOSSILES classer pour le paléontologiste. Les dents, très-variées dans leurs formes, très-constantes dans chaque espèce, donnent des caractères toujours certains et permettent à l'observateur des déterminations rigoureuses et précises. Nous n'avons eu à nous occuper que de trois espèces qui sont bien distinctes entre elles, la hyène, le loup et l'ours des cavernes. vi. Hyène, Hyena spelæa (Cuvier). Parmi les ossements découverts par M. Robineau, on re- marque une tête, accompagnée d’une fausse molaire et d'une molaire; ces échantillons, quoique incomplets, suffisent pour nous montrer la présence d’une grande espèce de hyène dis- parue (fort heureusement du reste) et ayant vécu dans cette contrée en même temps que les éléphants, les rhinocéros et les ours. On la trouve en France, en Angleterre eten Allemagne dans plusieurs cavernes. D'après les auteurs, cette espèce paraît avoir été plus voi- sine de l’hyène tachetée que de l’hyène rayée. vi. Loup, Canis spelæus (Goldf.) Des canines et des molaires indiquent seules la présence de cet animal dans les grottes d’Arey. Du reste, nous n’avons rien de remarquable à dire sur cette espèce fossile dont les proportions paraissent avoir été plus grandes que celles du loup ordinaire. Il est fort dificile de distinguer le squelette d’un loup de celui d'un chien de même taille, et il n’est pas possible d’aflir- mer si les échantillons que nous possédons appartiennent à l’un ou à l’autre de ces carnassiers. Cependant la plupart des auteurs attribuent à un loup, le canis spelœus, les ossements qu'on trouve dans les cavernes avec les os d’hyène, d'ours et d’éléphants. DE LA CAVERNE D'ARCY-SUR-CURE. 461 VIII. OURS DES CAVERNES, Ursus spelœus (Blum.) Nous arrivons en dernier lieu aux débris les plus communs dans les cavernes ossifères. Nous voulons parler des osse- ments d'ours qu'on trouve en quantités considérables dans les grottes d’Arey et dont nous avons pu facilement déter- miner les échantillons nombreux. Ils appartiennent tous à la même espèce, l’Ursus spelœus de Blummembach, grande espèce à front bombé qui atteignent la taille des plus grands chevaux. Voici la liste des os reconnus : Pour la tête : Fragments d'os du crâne, Mâchoires inférieures, — supérieures, Incisives, canines et molaires en quantité. Pour la colonne vertébrale : L'atlas, Les vertèbres dorsales et coceygiennes. Pour les membres abdominaux : Le bassin, La cavité cotyloïde, Les fémurs, Les condyles, Les rotules, Les tibias, L'astragale, Le calcanéium, Les métatarsiens, Enfin les membres thoraciques sont représentés par l'omo- plate, l’'humérus, Le cubitus, le radius, 462 VERTÉBRÉS FOSSILES Les métacarpiens, Les phalanges, Comme on le voit, nous avons, à peu de chose près, de quoi reconstruire l'animal dans son entier, et nous pouvons espérer de retrouver dans des fouilles prochaines les os qui nous manquent pour former un squelette complet. .Je termine, Messieurs, en émettant le vœu que notre Société prenne l'initiative de nouvelles recherches. Des fouilles bien dirigées, dans les grottes déjà explorées et dans celles qui ne l'ont point encore été, amèneraient, j'en suis certain, la dé- couverte d'ossements que nous ne possédons pas encore, et peut-être trouverait-on sous la première couche ossifère une seconde couche plus ancienne et renfermant des débris d’ani- maux inconnus jusqu'à ce jour dans la paléontologie de notre pays !.… J'insisterai auprès de vous pour vous faire prendre ma proposition en considération parce que je sais qu'une per- sonne étrangère au département a parlé de faire faire des fouilles, et il serait très-regrettable de laisser échapper les richesses paléontologiques que nous avons à notre disposition. H. MoncEaux. 7 août 1858. f + L'hess de ei D LH: DT TER à Lt AE 1 ae ete sr Ch | dr pra EL Mie: nan AUS RE 493 r | EAU PAR : Fret #2 Ter LAS RL LCR RAPTIOU Serre RS TE HET EL Get ae: Fate N* pres pres i at as . # Ardant pe Marins MT VASTE Est LRE LR (LEE CE ss hole non 6 ie gsm 2 eine 08 rt * $ He PAP ARE “ t Le AG ef eat Nu ET ER Ar PROERA C4e +} Dr Hal Ur au AAAT HOT ARE. # NE 9 à LE 2 À rer dd né tr 164 1858. OBSERVATIONS > v A O DE TEMPÉRATURE. OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES Plus grande élévation 756,23, le 13, à 9 h. du s. Moindre élévation 744,03, le 6, à 9 h. du s. OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES 2-2 ec 2 = | à 9 heures raies à 3heures | à 9 heures |température | température température ë à DE à midi. 52% du matin. | | dusoir. du soir. minimum. | maximum. | moyenne. RE EL LL Ce | 1 [751 40/7512"49/754mm70)751mm85l titi 54196 6+19 0 [13 A 9 [752 701752 76,752 78|752 72]412 0:90 O|+16 00| 8 @ 3 [752 681752 951753 041754 90] 7 8 +920 9/14 35113 M 4 |754 321754 38|754 601754 68|+ 8 4 195 92|+15 80,14 8 5 [751 4181750 901750 681749 73l-+ 7 7 +22 7415 2015 0 6 [747 151746 14,745 05,744 95412 6|L17 8|+15 20) 5 2 7 [745 021745 851747 511750 53|+10 1 +21 92l+15 6511 4 8 1749 621749 201748 751748 10|+ 9 1 +920 4|+14 7511 3 9 1748 051748 021747 90747 34411 1|L47 5|+14 30| 6 Æ4 19 [749 291749 451749 501752 49]+11 9|147 o|+14 45) 5 4 14 752 61,752 80,755 25,754 82|+11 3|+199 3|+4+16 8011 0 19 [755 021755 121755 20755 28|441 1 +93 9+18 5014 8 13 1755 441756 051756 181756 5[+11 714196 5419 10114 8 14 [755 821755 721753 00752 MA10|+14 3 +55 7|+25 10121 08 15 [749 651748 751748 551748 45]+14 71136. 1|+928 40121 Æ4 16 1748 821749 641750 441751 471412 2|199 7|+920 95117 à 17 [752 871755 451753 631753 82|+11 84130 8|+21 30119 © 18 [754 741754 721754 781754 74H14 7|153 914925 9518 19 [754 351754 981755 3,755 14/4135 3196 114419 7012 & 20 1753 621751 50|750 1471748 6Il+12 4 +926 41419 40,14 0 21 [748 921749 201749 551749 72|+15 3101 3|+18 50] 6 | 22 [749 501749 481749 611749 97|+10 01926 6|+18 3016 6 23 1751 85,752 101752 75753 40]+12 5198 s|119 15113 4 24 |181 3541780 671751 68750 65|+17 4193 41420 410 0 28 |749 57/1749 621749 751750 74|+17 5194 9|+921 20, 74 26 1752 721753 661753 701753 80|+139 8|L96 141419 45113 3 27 [749 821748 7T7/747 941735 49/4114 6495 9418 4013 %6 28 [745 281745 551745 441746 72|4115 9|+191 9|+18 55| 6 A 29 |748 021748 161748 55750 79]j142 S|+L19 7|+16 10] 7 2 30 [752 201755 001753 101753 28|L14 4419 2415 30| 7 48 31 1754 141654 331754 821755 14141 8 5|+93 9|+16 20/15 M4 = .A2 2 Nr . = a fire œnbroe este sept qe Ps à L=| < 5 Différence des extrêmes 28.4. = Moyenne du mois : + 18,26. < Moyenne de la variabilité journa- lière 12,4. RÉCAPITULATION : © de JAuilleé. MÉTÉOROLOGIQUES. 465 VENTS dr ÉTAT DU CIEL : ARENA avant midi. | après midi. avant midi. après midi. = GÉNÉRALES. ER M mm DEEE TT 0. N. O. fquelq. nuag. |serein. 0. N. auag. blancs [nuageux N. N. id. clair N. N: nuageux id. S.-0, 0. ouag. blancs. |brouillard. S. (0) pluie couvert 11 04 0. 0. nuageux pluie. 1 67 S:-0; S. ciel gris ciel gris 2 95 S--0. S.-0. [pluie pluie. 4 50 0. 0. couvert id. 5 40 N. N.-0. id. nuageux 6 90 N.-0. N.-0. Jouag. blancs. |quelq. nuag. E. N.E. Î|leg. nuages [nuageux E. S.-E. {serein serein E. E. id. id. S.-0. 0. id. couvert N.-0. N. pluie violentelquelq. nuag.[19 72/0rage. S.-E. O. serein nuageux N. N. pluie violente!clair. 22 08|Orage. d). N. lég. nuages |nuag. blancs. 0. N. ciel gris nuageux 50 S.-E. N.-O. felair nuag. blancs | 4 55 S. S.-O. [ciel gris. nuageux. S. S.-0. S. couvert pluie. 4 80 0. 0. nu :geux inuag. blancs | O 75 0, O.-N. O. [clair quelq. nuag. | S. 0. ciel gris couvert S.-0. N. pluies pluie. 7 42 N: N.-N.-E. [ouagcux Ouageux. 3 45 Ne N.-E, fnuag. blancs! id N N.-N.-E, [serein serein £ | beaux et couverts, où jours de beau temps 24. mio 8, | de pluie 7. 92 70 È | de Raonitare 1, À 2 | de gelée Ë | de gelée 0. 2 | #66 OBSERVATIONS Mois. ei OSSERPARIONEEROMEE ROUE OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES © TR —— 8° à 9 heures | à 3 heures | à 9 heures température | température | température Ê e = à midi. SSE du matin. du soir. du soir. | minimum. | maximum. | moyenne. | & £ A © 1 |7540m99)78#4mm88|7540065|754mm55| + 9 +25 10 00113 2 [753 011752 561751 411750 97|+114 +26 20 60/12 3 [750 141750 131750 241750 69|+ 7 +28 18 20,20 201520237520. 771520099754 RAA EN +27 17 3520 5 [754 151754 9201754 321754 71112 6|+926 19 65|14 6 [755 141755 30/7535 821756 76|+L14 2|]+927 20 90113 100157 81/7157 62757: 58/7157 95) 9 +23 16 65/15 8 1756 481756 261756 12|755 75 + 8 +925 17 10/17 9 1752 35752 101751 84|751 36|110 +26 18 80/16 10 75113 1510 82/7517 76/7684 1 (68|7510 72 ELA 11 [751 66|751 681751 68]751 79]+16 12 1751 881752 031752 10]752 17|4+14 13 1751 921751 85/7381 751751 O03]+15 14 1751 611751 761752 27/7814: 65] 417 15 1754 731754 501754 481754 62] +115 16 [754 801755 081754 861753 62|+ 9 17 1748 1921747 761747 50|747 O08|+95 18 [746 051745 841745 981746 GOÏ+17 19 1747 65/1747 711747 78]748 920|+16 20 [749 001749 031749 10/749 26]1L14 24 [751 451750 941750 901750 65|+10 22 [749 541749 331749 08|748 62]+110 23 [750 241750 711750 961751 55|+11 24 |752 471752 681782 741753 O08|+10 25 [752 781752 701752 611750 O9!+11 26 |751 141751 221751 101751 16|+10 27 1750 87/1750 751750 621750 923|+ 8 28 |749 321749 211749 171748 70|+ 8 29 [749 801749 98750 25/1751 923|]+L141 30 1751 681751 521751 581750 83]+15 34 |350 171750 12750 07 tS tO +1O 19 NO AE I œæ © [er] Or _ EI 19 © = e 19 — © © 1 À © 19 KO O = O 19 C1 CO = OÙ © bn 19 => QI RO O0 dE RO © O0 Où Où D Où NO O1 On I O7 D I IN JE D OI ER EREREEEREER EE EEE EEE FE +++ — nn ne = me "= me me D me pis = mn LO O = OC 1 QE O1 OÙ OÙ O7 1 CO Es à ef © À 19 © [S14 © => Qi | | | :] : {Maxim. extrême + 33,8, le 13. | Minimum extr. +7,0le 4. Différence des extrèmes 26,8. Moyenne du mois + 21, 89. | Moyenne de la variabilité journa-| lière 12,74. | 151 741751 691751 60|' moyennes du mois.s LA | © D 2 1 © RÉCAPITULATION» Plus grande élévation 757,62, le 7, à midi. Moindre élévation 745,84, le 18, à midi MÉTÉOROLOGIQUES. 467 d'Aout. VENTS ÉTAT DU CIEL 82 SERA RONS 5 € >: avant midi. | après midi. avant midi. Lil après midi. Z È SEL E. serein serein. 8" E. id. id. E. nuages rayésinuages rayés N. qqs. nuag. |serein. E. serein flocons blancs N. auag, blanes [flocons blancs E: serein serein. E. id, id. E. id. ciel blanc. N'E. flocons blancs'nuages noirs. N. serein orage. S. .. [flocons blancsinuag. bla cs | 7 64 S. NE. serein id. Se auag. blances/pluie fine, 0 25 N.-O. N.O. lfloc. Dl. épais. nuag. blancs. S. S. serein serein. S. S. floc.bl. épais. | id, S. S. nuag. blancs couvert 0. O. [couvert pluie 0 88 0. 0. pluie * [couvert 15 35 0. (0) couvert nuageux 0 15 S: 0 nuages gris. pluie 2 45 E. S.-0. {couvert couvert S.-E. N. {serein. nuageux 1 83 N. couvert orage. 0 75 N. id. ouag. blancs.|50 35 0. serein id. E. couvert pluie 2 45 (: auag. blancs couvert. | couvert. id. | nuages gris. 0: | O0. Inuagesgris. pluie 3 95| beaux et couverts, ou jours de beau temps 23 Fe “: de pluie 8. d 66 05 de brouillard 0, | de gelée 0. | de neige 0. | | Nombre de | OBSERVATIONS EI Pre moyennes du mois à 9 heures a midi. du matin. 150mm135|750mMmI8 HDMI) TS 110025 153 981753 02 154 741754 66 155 0 44)1550049 7155 651756 66 153 341756 57 152 611752 170 153 281753 26 153 0821753 88 ASH OMEÉ T5 EU 455. 1811755 007 7193 921755 90 LM) rer 154 321754 58 750 601750 16 149 561750 07 540803751009 125 2166/7540 755 601755 76 154 841754 24 150 651750 58 150 181750 25 1540 45 |I7HAN GI to 75785; 159 51759 90 158 “361758 21 Honoraires 15506155 148 061748 63 1B500 8517560689 A O DR TEMPÉRATURE à 3 heures du soir. 1501Mm42 15i 30 15534408 1754 41 55m 0 755 15 154 14 1520072 155096 153 96 755224 T5 ART 153 86 15500198 154 47 750 08 7150 .43 150 !: 07 154 41 155000 15440 7150 51 710051 7151 80 158 754 760 12 158 09 1510068 1500024 149 O5 1552892 OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES | à 9 heures [température |température |température ES du soir. minimum. | maximum. | moyenne. CS 750MM84 +10 0419 2 +14 60! 9 2 15410005 +15 71492 6|+18 15] 8 9 754 55]+L15 2|+95 6|+19 40| 8 4 15900017 +12 8,+98 _8 +20 80/16 0 154 60Ï+15 0+422 61418 80, 7 6 154065 +12 2421 8 +17 00! 9 6 152 36G]+ 9 4|+419 5|+14 4510 1 153 O06|+15 35|+20 8417 05| 7 5 153 24|+11 7|+20 1 +15 90! 8 4 154 48]+ 8 0]+95 5415 75115 5 155 55]+ 8 9/+925 5/+17 20/16 6 154 17|+ 9 0!+24 9,+16 95118 9 1553 711 9 921428 5|+18 8519 3 154 O5l+L13 11428 21420 55113 1 754 87111 6|+27 8|+19 70116 2 749 68]L10 9+28 3+19 6017 4 151 66]+14 21420 6!417 40! G 4 756 66]+14 O0+32 2|+18 60, 9 2 755 60]+41 5|+926 5|+19 00115 0 184 8614142 7|+928 214920 45/45 5 153 411415 8450 5|+23 15/14 7 149 2114145 51423 5|+19 50! 8 0 750 70|+45 114920 O0|+17 55| 4 9 152 621442 7|+21 6|+17 15), 8 9 159 64l+ 9 7|+18 2|+13 95| 8 5 160 58]+ 7 7/+19 8|+13 7512 1 1517, 814 7 1|+21 5|+414 30114 4 7 35|+ 7 7+923 114115 40115 4 154 80]+ 7 8+25 6|<+116 70117 8 180 691+14 85|+21 1|+417 80] 6 6h 154 O4\£ Maxim. extr. 30,5, le 21. os #12 {Minimum extr. + 7,1, le 27. 5 {Différence des extrêmes 23,4 Plus grande élévation 760,58, le 26, à 9 h. dus. Moindre élévation 748,06, le 30, à 3 h. dus. = |Moyenne du mois+ 17,98. = Moyenne de la variabilité journa= lière 11,97 < ee} Le x à MÉTÉOROLOGIQUES. 469 e ScCptembre. : e VENTS ÉTAT DU CIEL E £ OBSERVATIONS avant midi. | après midi, | avant müi. après midi. É = GÉNÉRALES. 2 ERP RER à O. 0. nuages gris. [nuages gris. | mm 0. O. id. légers nuag. (. O. nuag. blancs id. SEA S.-O. Tband:s blanc{ciel blanc De NT 0. auag noirs. |pluie. 3 05 S/=0). N. nuaÿ. blancs|ciel blanc. O. O. id. auag. blancs S.-0. 0. couvert pluie. 2 75 S. N.-E. fnuag. blancs [serein 1 57 O: NE. {serein id. SE. E. id. id. E. E. id. id. S. S. id. id. S. SO. id. lég. nuag. E. E. serein serein S.-E. S.-0. id. id. O0. O0. pluie couvert. 1 48 | S-0. NO. Jnuag. blancs|pluie. 0 30 S.-0. 0. lég. nuages [nuageux S. S.-O. ciel blanc. id, N. O. couvert id. | E. S.-E. {serein ciel blanc. | DE S. O. [pluie nuag. fondus] 7 07) 1 O.-0.-N. | O.-O.-N. fouag. fondus|nuag. blancs N. N.-E. {pluie serein 9 53 N.-E. N-E. {serein bandesblanc. E. S.-0. id. quelqg. nuag, N.-0. E id. serein S. Sr0: id. id. | S.-0. 0. nuageux petite pluie. | 0 50! beaux et couverts, ou jours de beau temps 23. pre de pluie 7. 26 25} de brouillard 0. de neige 0. de gelée 0. Nombre de jours ROBIN, Maitre-adjoint à l'Ecole normale. * \ 4 DON FAIT A LA SOCIÉTÉ : VOS Par M. Lambert, de Tanlay, une statuette gallo-romaine d’Isis. SOCIETE DES SCIENCES HISTORIQUES ET NATURELLES DE L'YONNE. SÉANCE DU # NOVEMBRE 1858. PRÉSIDENCE DE M. CHALLE. Il est fait hommage à la Société : 1° Par la Société d'agriculture, des sciences, arts et belles- lettres du département de l'Aube, des 4° et 2° trimestres du tm exe de ses Mémoires ; 2° Par la Société d'Emulation du département des Vosges, du 3e cahier du tome 1x de ses Annales : 3° Par la Revue de l’Artchrétien, du n°5, 2e année de cette publication ; ko Par la Société des Antiquaires de la Morinée, des 26: et 27e années de son Bulletin historique ; oo Par M. Nicot, secrétaire perpétuel de l’Académie du Gard, du compte-rendu des travaux de cette Académie, par lui fait en séance publique du Conseil général et du Conseil municipal, le 8 août 1858 ; 31 474 PROCÈS-VERBAUX. 6° Par l'Académie impériale des sciences, arts et belles- lettes de Dijon (qui demande en échange la collection du Bulletin de la Société), de cinq volumes des Mémoires de “ladite Académie, auxquels M. Nodot, directeur du Musée d'histoire naturelle de Dijon, a joint un exemplaire d'un livre dont il est auteur et qui a pour titre: Description d'un nouveau genre d'édenté fossile, et qui est accompagné d'un atlas ; T° Par la Société impériale des sciences naturelles de Cherbourg (qui demande également le Bulletin en échange), du tome v, 1857, des Mémoires de cette Société, publiés sous la direction de M. Auguste Le Jolis, son archiviste perpétuel, lequel à joint à cet envoi quatre brochures dont il est l’auteur ; 8° Par M. Théodore de Rive, de la Société impériale d'a- griculture, sciences et arts de Valenciennes, d’une pièce de vers dédiée aux vétérans de l’Empire, et qui a pour titre : La dernière pensée. Il est fait don à la Société : 4o par M. Paris, adjoint au maire de Cbamplost, d'un exemplaire du chant ecclésias- tique de Lebeuf ; 2 par M. le docteur Morin, de Treigny, d’une hache celtique en silex trouvée dans le jardin du château de la Bussières, d’une médaille et de divers objets de cuivre trouvés à la Pommeraye ; 30 par M. Dondenne, de trois mé- dailles trouvées près d'Auxerre, au climat de Cassoir ; 4° par M. Bernardin, médecin à Ouaine, de différentes médailles ; 5o par M. le baron du Havelt, d’une médaille de la Société d'agriculture de l'Yonne, au millésime de 1819; Go par M. Challe,d'un exemplaire de la médaille de la grande exposi- tion de Londres de A851 ; 7e par M. le comte Léon de Bastard d'un manuscrit du chanoine Villiard ; M. de Bastard fait en ! en SÉANCE DU # NOVEMBRE. 475 outre hommage à la Société du petit livre qu'il a récemment publié sous le titre Entrée de Louis XIV à Auxerre. M. Bretagne est chargé de eataloguer les différentes mé- dailles qui font partie des dons ci-dessus détaillés. Sont présentés comme membres titulaires : M. Viault, curé de Poilly, par MM. Challe et Droit M. Ernest Petit, de Vausse, par MM. Quantin et Lepère. M. Déy remet à M. le Président une proposition ainsi conçue : « Dans un mémoire inséré au Bulletin de 1856, j'ai essayé « de prouver que la ville d’Alésia, des Commentaires de « César, était située sur le plateau du mont Auxois. — En « combattant cette conclusion, dans un article du Moniteur « universel du 19 octobre dernier, M. Desjardins a aflirmé « que j'avais rétracté mon opinion première et reconnu qu’elle « était erronnée. — Après avoir protesté par la voie de la « presse, autant que je l'ai pu, contre cette assertion qui est « absolument inexacte, je viens renouveler ma protestation « au sein de la Compagnie qui à bien voulu accueillir mon « mémoire ef en demander acte au procès-verbal. » La Société décide qu'il sera fait mention au procès-verbal de Ia protestation de M. Déy. M. Benoist, juge au tribunal de la Seine, adresse à la So- ciété une note avant pour titre : Traduction inédite en vers francais de l'Enfer de Dante, du xv° siéele. La Société décide que cette note sera insérée au procès- verbal; elle est ainsi concue : « En visitant, le 2 octobre courant, la bibliothèque de « l'Université de Turin, j'y ai vu une traduetion manuserite « en vers francais de l'Enfer du Dante. Le manuscrit, format € in-folio, est coté L. FE. 47. Le texte italien est en regard 476 PROCÈS-VERBAUX. « « « « « « « « de la traduction qui paraît être vers pour vers. Chaque chant est précédé d'un encadrement destiné à recevoir un dessin à la plume; quelques-uns seulement de ces derniers ont été exécutés. Le premier feuillet, qui devait contenir au verso les six premiers vers du premier chant de l'original, a disparu. Le deuxième feuillet présente, au recto, au- dessous d’un encadrement, les six premiers vers de la traduction, dont voici la copie exacte : Au milieu du chemin de la vie présente Me retrouvay parmi vne forest obscure On mestoye esgare hors de la dreicte sente Ha combien ce serait à dire chose dure De ceste forest tant aspre forte et sauuaige Quen y pensant ma paour renouuelle et me dure. « Le 31° chant est inachevé et le haut des dernières pages est lacéré. Quant aux trois derniers chants, ils paraissent manquer. Cependant, à la suite du manuscrit se trouvent dix feuillets remplis, au recto, de vers français, et dont le verso, destiné à recevoir le texte original, est resté entière- ment blanc. Pressé par le temps, j'ai eu le vif regret de ne pouvoir vérifier le sujet des vers français inscrits sur les rectos de ces dix feuillets. C’est sans doute la traduction des derniers chants de l'Enfer. La facture des vers français, ainsi que le caractère de l'écriture, m'ont paru remonter au xve siècle. Je crois d’ailleurs cette traduction entière- ment inédite. Elle peut éclaircir des passages de l'original demeurés obscurs ; d’un autre côté, le texte italien peut offrir de curieuses variantes. Il serait done vivement à dé- sirer que ce manuscrit fût livré à l'impression. « 25 octobre 1858. « Benoisr, juge au tribunal de la Seine, » k NOVEMBRE. 477 SÉANCE DU M. Bretagne donne communication d’une lettre de M. Adrien de Longpérier, relative à une pièce de monnaie de Quintilien, évêque d'Auxerre au vur siècle. Cette lettre contient les lignes suivantes : « Cette année, dans la Revue numismatique, p. 212 (13 « du tirage à part dont j'ai envoyé un exemplaire à la Société « de l'Yonne), j'avais proposé de lire sur un denier d'argent « mérovingien le nom de Quintilien, évêque d'Auxerre. « M. Rothaan Macaré d'Utrecht, qui a découvert cette mon- « naie, vient de nous écrire qu'il adoptait complétement cette « atiribution. « Je vous prie d'avoir l'obligeancé d'en informer vos col- « lègues d'Auxerre, lorsque vous assisterez à une séance de « Ja Société des sciences historiques. » Lecture est donnée d’un mémoire de M. Dantin (Louis), ayant pour titre : Notice sur la vie de M. Megret d'Etigny. M. le Président fait observer que le nom des Megret n’est pas oublié dans l'Yonne, ainsi que paraît le croire l’auteur de cette notice; un des membres de cette famille était membre du conseil général de l'Yonne sous la Restauration et encore depuis 4830. M. le comte de Bastard demande où en sont les travaux de publication de la Bibliothèque historique et du Cartulaire. On décide que les commissaires nommés pour surveiller les pu- blications s'assembleront le jeudi suivant et aviseront aux moyens d'accélérer le travail. M. Monceau, invité par M. le Président à rendre compte du résultat des fouilles qu'il à été chargé de diriger aux grottes d’Arcy, répond que son voyage a été très-fructueax, mais qu'il lui est impossible aujourd'hui d'entrer dans aucun détail sur les richesses paléontologiques qu'il a découvertes 478 PROGÉS-VERBAUX. dans la grotte aux Fées, richesses bien autrement considé- rables que celles qui sont actuellement dans la collection de la Société. Il peut seulement dire dès à présent que la décou- verte de cailloux roulés avec les débris d’ossements ne permet plus aucun doute sur l'origine diluvienne de ces couches. M. Moreau, d’Avallon, à pu bien constater le fait avec lui. Les résultats des recherches faites dans la grande grotte sont aussi très-satisfaisants, mais à un autre point de vue. On n’a point trouvé, il est vrai, de débris fossiles, mais grâce à l’obligeante initiative de M. l'Ingénieur en chef du départe- ment et à la complaisante coopération de M. l'Ingénieur d'Avallon, on à pu commencer des travaux pour avoir le plan complet des cavernes et la figuration de la colline, ce qui permettra d’être enfin fixé sur la direction des grottes et de trouver définitivement leur seconde ouverture. M. Monceau ajoute que l’opéra‘ion du nivellement a donné une preuve de plus de la rapidité et de la violence que devait avoir le courant dans ces grottes; au trou du Renard, on est à 25 mètres au-dessous de l'entrée principale, c’est-à-dire à 45 mètres au-dessous du niveau de la Cure. Du reste, les eaux ont dû suivre ce passage à des époques différentes ; car sous la première couche de stalagmite on à trouvé un lit d'ar- gile, puis une seconde couche de stalagmite recouvrant encore l'argile et différents lits de sable roulé qui ont formé, avec les eaux incrustantes, descouches excessivement dures et difiiciles à percer. Il faudra donc au printemps continuer les tentatives faites pour arriver au véritable sol, et ce travail permettra sans doute de découvrir dans la grande grotte des témoins fossiles qui nous permettront de juger définitivement la ques: tion d’origine et l'époque différente de l'invasion des eaux dans la grotte aux Fées et dans la grotte principale. SÉANCE DU * NOVEMBRE. x79 M. le docteur Duché donne lecture d’un mémoire sur une épidémie d’angines couenneuses qui sévit depuis un an dans la circonscription où il exerce. M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Boulard- Moreau, maire de Fontenoy, qui demande que l'emplacement de la colonne à ériger en commémoration de la bataille de Fontenoy soit fixé dans le bourg même de Fontenoy ; M. Bou- lard-Moreau offre, le cas échéant, de contribuer pour une somme de cent francs de ses deniers personnels à l'érection de cette colonne et propose d'ouvrir une souscription pour que le monument soit plus digne du grand fait historique qu'il doit rappeler. M. Ie Président donne ensuite lecture d’une autre lettre de M. Boulard-Moreau, qui, ayant appris que M. le baron du Havelt désirait que le monument füt élevé à ses frais, se borne à insister pour que la Société adopte l'emplacement qu'il propose et qui, dit-il, à paru convenable à M. le baron du Havelt. Une discussion s'engage à la suite de laquelle la Société décide que la colonne sera placée sur la route de Saint-Sau- veur à Ouaine, sur le finage de la commune de Fontenoy, au point d'intersection du chemin qui conduit du bois de Briottes au hameau de Sollemé. Cet emplacement à paru à la Société avoir le double avan- tage d'indiquer le point central de la bataille et de mettre en vue et sur un passage fréqenté le monument qui doit en perpétuer le souvenir. La séance est levée à # heures. 480 PROCÈS-VERBAUX. SEANCE DU 5 DÉCEMBRE 1858 PRÉSIDENCE DE M. CHALLE, Le procès-verbal de la précédente séance est In et adopté. Sont présentés comme membres titulaires : M. Victor Peut, déjà membre correspondant, par MM. Challe et Quantin; Et M. Dessignolles, instituteur à Chevannes, par MM. Petit- Sigault, Pelletier et Lasnier. M. Petit-Sigault, au nom du même M. Dessignolle, fait hommage à la Société d'une médaille en bronze d’Antouin et d'un fragment de fer très-oxidé, sans caractère appréciable. Ces objets ont été trouvés dans les environs de Chevannes et parmi les vestiges de la voie romaine. MM. Viault et E. Petit, présentés à la dernière séance, sont admis à l'unanimité comme membres titulaires. M. le Président annonce que la commission de la Biblio- thèque historique, qui devait faire un rapport sur les moyens à employer pour accélérer la publication de cette importante collection, n'a pu se réunir jusqu'ici d’une manière utile et s’est ajournée à la seconde quinzaine de décembre. M. le Président annonce ensuite que MM. Duché et Lorin, au nom de la Société, se sont concertés avec M. le baron du Havelt pour l'érection du monument commémoratif de la ba- taille de Fontanetum. Les travaux vont commencer immédia- tement, et le monument consistera dans un obélisque de cinq à six mètres de hauteur, élevé sur un socle également mono- lithe de deux mètres de hauteur. SÉANCE DU D DÉCEMBRE. 181 M. le Président consulte les membres présents sur la ré- daction de deux inscriptions à poser l’une sur l’obélisque, et l'autre sur le socle, et donne lecture des deux projets d'in- seription €i-après : Inscription à placer sur Pobélisque : Le 25 juin 844, ces plaines furent ensanglantées + par la bataille meurtrière que se livrèrent les enfants de l’empereur Louis-le-Débonnaire. Cent mille hommes y périrent. Mais la victoire du roi Charles-le-Chauve sépara définitivement la France de l’Empire d’occident et fixa le sort de la monarchie française. Inscription à placer sur le socle : Erigé en 1858 par M, le baron du Havelt, selon le vœu de son beau-père, M. le baron Chaillou des Barres, et sous les auspices de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. Sur quelques observations de M. Déy, appuyé par MM. Ché- rest et Quantin, la dernière ligne de la première inseription est remplacée par celles-ci : Et assura l'indépendance de la nationalité française. Une discussion s'élève ensuite au sujet des mots ensan- glantées et meurtrière, qui semblent à divers membres avoir l’inconvénient de former pléonasme. L'Assemblée consultée maintient sur ce point la rédaction primitive. 482 PROCÈS-VERBAUX. IL est fait hommage à la Société : 10 Par l'Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, du Fer semestre 185$, 20° année, du Recueil des Actes de cette Académie ; 2° Par la Société dunkerquoise pour l'encouragement des sciences, des lettres et des arts, de ses Mémoires pour 1857- 1858 ; 3° Par la Société des Antiquaires de Picardie, du tome v, 2° série de ses mémoires ; %° Par M. l'abbé J. Corblet, du numéro de septembre 1858, no 9, ?e année, de la Revue de l’art chrélien ; 50 Par la Société archéologique de l’Orléanais, du tome 1v de ses mémoires, avec atlas. I est également fait hommage à la Société, par M. Lepère, au nom de M. François-Chaslin, de divers objets trouvés dans les fouilles pratiquées au château de Bazarnes, dont M. Fran- çcois-Chaslin s’est rendu récemment acquéreur. Ces objets sont : une petite spatule en ivoire, un style romain en bronze muni de la petite plaque pour niveler la cire, une bague en fil de laiton, une plaque en cuivre doré découpée à jour, dont il est difficile de fixer la date et l'usage, et qui peut-être ornait l’harnachement d’un cheval; de divers jetons et mé- dailles en bronze et en argent de Mare-Aurèle, Claude le Gothique, Scobus, Constans, fils de Constantin, Jean, comte de Namur, ete., ete. M. le Président fait remarquer que le nombre d'exemplaires du Bulletin livré à la Société est devenu insuflisant et qu'il v aurait lieu de faire avec imprimeur un traité supplémentaire pour 40 exemplaires à livrer en sus de ceux spécifiés dans le traité primitif. SÉANGCE DU 5 DÉCEMBRE. 383 Le bureau est autorisé à faire avec l’imprimeur le supplé- ment de (traité en question. M. Richard, libraire à Auxerre, demande à être autorisé à prendre le titre de libraire de la Société. La question est renvoyée à l'examen du bureau. M. le Président annonce qu'un denier de Charles-le-Simple, frappé à Auxerre, est à vendre à Paris. Ce denier dépendait de la collection de M. facquinot-Godard. ‘La Société autorise le bureau à faire l’acquisition de ee denier et met à cet effet 15 fr. à sa disposition sur les fonds de la Société. L'ordre du jour appelle les élections pour le renouvelle- ment des membres du bureau, dont les fonctions sont ex- pirées. M. Dév, vice-président, annonce que devant être appelé prochainement à changer de résidence, il ne croit plus devoir accepter les fonetions de la vice-présidence, au cas où il serait dans l'intention de ses collègues de les lui confier de nou- veau, et persiste dans sa détermination malgré les regrets qui lui sont exprimés par les membres de la Société. Il est procédé au scrutin, qui donne les résultats suivants : Sur 25 votants, M. le comte Léon de Bastard obtient l'una- nimité pour la vice-présidence ; M. Quantin est également nommé vice-président par 23 votants ; M. Chérest est nommé secrétaire par 23 votants ; M. Lorin, archiviste par 23 votants ; M. Petit-Sigault obtient également 23 voix comme trésorier de la Société. U est donné lecture d'un travail que M. Urbain Prunier, curé de Soucy, avait préparé sur la 3° question (5° section) du programme des travaux du Congrès scientifique de France, qui est ainsi conçue : De l'importance historique et du 184 PROCÈS -VERBAUX. caractère littéraire des légendes hagiographiques. Le mé moire de M. Prunier s'applique spécialement à la chronique moine Robert, de l'abbaye de Saint-Marien, qui écrivit au commencement du xine siècle. M. Villiers lit un mémoire dans lequel il à pris soin d'énu- mérer et de décrire les nombreux échantillons minéralogiques dont s’est enrichie depuis quelque temps la collection de la Société. La Société, après cette lecture, exprime sa gratitude envers les diverses personnes dont les dons ont ainsi accru ses col- lections minéralogiques, et en particulier pour le témoignage tout spontané de bienveillant souvenir de M le Président Adrien de Bontin. M. l'abbé Laureau commence la lecture d'un mémoire sur les monnaies baronales de l'Yonne. Pressé par le temps, M. Lo- reau ne peut lire que la partie de son mémoire qui s'applique aux monnaies d'Auxerre, Il complétera sa communication dans une séance prochaine. La séance est levée à quatre heures. ETUDES SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE. ÉTAGE NÉOCOMIEN (SUITE). N°10. — PSEUDODIADEMA AUTISSIODORENSE, COt. 1859 (Diadema Cot. 1851). PL. LI, fig. 4-7. — Cotteau. Catal. méth. des Ech. néocomiens, Büûl. Soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne, t. V, p, 285, 1851. Diadema Autissiodorense, Cot. — Cotieau. Catal. méth. des Ech. néocomiens, Bul. soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne, t. v, p. 286, 1851. Diadema Picteti, Cot. (non Des.) 486 ÉTUDES Diadema Autissiodorense, Cot. — Wright. the paleont. of the isle of Wight, An. and. Mag. ofnat. hist:, 1°x, p. 91; 1852: = Le — Morris. Catal. of British foss. 2° id., p. 76, 2864. Diplopodia Autissiodorensis, Des. — Desor, Synopsis des Ech. foss., p. 79, 1855. Diadema Autissiodorense, Col. — Woodward. Mem. of the geol. survey, Dec. v,expl. de la pl. If, p. 11, 1856. Testà cireulari, supernè subinflatà, infernè planä. Ambu- lacris et interambulacris præditis duabus seriebus tubercu- lorum principalium. Tuberculis secundariis numerosis, præ- sertim ad ambitum conspicuis. Granulis inæqualibus sparsis. Poris supernè et infernè plurimis. Ore deciès inciso. Hauteur, 9 millimètres 1/2; diamètre, 2 millimètres 4/2. Espèce de taille moyenne, subeirculaire; face supérieure légèrement renflée; face inférieure presque plane. Interam- bulacres garnis de deux rangées de petits tubercules finement crénelés etperforés, serrés, uniformes, se touchant par la base ou séparés par un mince filet de granules, au nombre de treize à quatorze par série. Tubercules secondaires bien moins gros que les tubercules principaux, formant sur le bord des interambulacres une rangée très-régulière, apparente surtout vers l'ambitus et se prolongeant jusque sur la face supérieure. Près du sommet, les deux rangées de tubereules principaux aboutissent à l’angle des interambulacres et tou- chent aux zônes porifères, Zône miliaire très-large, presque nue au sommet, occupée par des granules abondants, inégaux, épars, au milieu desquels se rencontrent quelques petits tu- bercules perforés et mamelonnés. Ambulacres garnis de deux rangées de tubercules un peu moins gros que ceux des aires SUR LES ÉGHINIDES FOSSILES. 487 interambulacraires, placés sur le bord des zônes porifères et diminuant rapidement de volume à la face supérieure. Espace intermédiaire rempli de granules épars, inégaux, auxquels se mélent, comme dans la zône miliaire, de petits tubercules perforés et mamelonnés. Pores se dédoublant à la face supé- ricure. Appareil apicial grand et pentagonal à en juger par les traces qu'il a laissées, car il a disparu dans tous les exem- plaires que nous avons sous les yeux. Péristome de taille moyenne, décagonal, assez fortement entaillé. Le Pseudodiadema Autissiodorense offre une variété très- remarquable et que nous avons fait représenter (pl. LI, fig. 6-7) ; elle s'éloigne du type par sa taille un peu plus forte et relativement plus déprimée, par ses tubercules secondaires beaucoup plus développés, très-apparents à la face supé- rieure et à peu près égaux aux tubercules principaux, de manière que les interambulacres paraissent garnis de quatre rangées principales au lieu de deux. Malgré ces différences, nous ne pouvons considérer ce pseudodiadème que comme une variété du Pseudodiadema Autissiodorense. Nous connais- sons en effet certains exemplaires chez lesquels les tubercules secondaires, sans être identiques aux tubereules principaux, comme dans la variété qui nous occupe, sont cependant beaucoup plus développés que dans le type et établissent un passage incontestable entre ces deux formes. Rapports ET DIFFÉRENCES. — Voisine des Pseudodiadema rotulare Desor et Bourgueti Desor qu'on rencontre dans les mêmes couches, cette espèce s’en éloigne par son aspect moins granuleux, ses tubercules secondaires formant, sur le bord des interambulacres,edeux rangées plus régulières et surtout par ses pores dédoublés près du sommet. Dans notre Catalogue des Echinides néocomiens, nous avons réuni la 188 ÉTUDES variété à tubercules secondaires très apparents au Diadema Picteti Desor; mais cette dernière espèce, comme nous l'avons dit plus haut en la décrivant, est bien distincte, et par ses pores dédoublés à la face- supérieure, se range dans un groupe différent. Locarirés. — Auxerre, Saint-Sauveur. Calcaire à Echino- L spatagus. Rare. Musée d'Auxerre (coll. Perriquet), ma collection. LocaLiTÉS AUTRES QUE L'YONNE. — Ile de Wight (Wright), Lower green sand. EXPLICATION DES FIGURES. PI. LI. fig. 4. — Pseudodiadema Autissiodorense, vu de côté, de ma collection. fig. 2. — Le même, sur la face sup. fig. 3. — Le même, sur la face inf. fig. 4. — Interambulacre grossi. k fig. 5. — Ambulacre grossi. ig. 6. — Var. à tubercules secondaires plus deve- loppés, vue de côté, de ma collection. fig. 7. — La même, vue sur la face sup. N° 41. — Péeuponranema Rauzmi, Desor, 1855 (Diadema Cot. 1851). PI. LI, fig. 8-44. Diadema Raulini, Cot. — Cotteau, Catal. méth. des Ech. ; ® néocomiens, Bull. Soc. des se, hist. et nat. de l'Yonne, {. v, p. 286, 1851. _ SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 489 Pseudodiadema Raulini, Des. — Desor. Synopsis des Echan. fos. p. 71, 1855. Testà pentagonali, infernè et supernè depressà. Interam- bulacris præditis tubereulis conspicuis, æqualibus, approxi- matis, in quatuor seriebus dispositis, externis submajoribus” et supernè attenuatis. Granulis inæqualibus, raris, sparsis. Ambulacris subinflatis, duabus seriebus tuberculorut præ- ditis. Poris infernè et supernè plurimis. Ore mediocri, deciès inciso. = Hauteur, 7 millimètres 1/2; diamètre, 23 millimètres. Espèce de taille moyenne, très-sensiblement pentagonale, également déprimée en dessus et en dessous. Interambulacres garnis de quatre rangées de tubercules relativement assez développés, crénelés, perforés, saillants, très-rapprochés les uns des autres, diminuant rapidement de volume à la face supérieure. Les deux rangées internes composées chacune de dix à onze tubercules persistent jusqu'au sommet et abou- tissent à l’angle interambulacraire près des zônes porifères. Les rangées externes disparaissent à la face supérieure; elles ne comptent que six à sept tubercules, mais ces tubercules vers l’ambitus sont un peu plus développés que ceux des deux autres rangées. Zône miliaire très-étroite à l’ambitus et à la face inférieure, plus large et presque nue aux approches du sommet. Granules inégaux, très-rares, relégués çà et là à la base des tubercules. Ambulacres renflés, étroits et occu- pés exclusivement à leur partie supérieure par les zônes pori- fères, présentant deux rangées de tubercules au nombre de dix à onze par série, à peu près identiques à ceux qui gar- nissent le milieu des interambulacres, mais plus serrés et s’élevant un peu plus haut. Ces deux rangées de tubereules Sont très-rapprochées et laissent à peine la place à quelques 32 490 ETUDES granules inégaux et épars. Pores se multipliant près du som- met et de la bouche. Appareil apicial très-grand? Péristome médiocrement développé, décagonal, marqué d'entailles ap- parentes. Rapports ET pIFFÉRENCES. — Cette jolie espèce se distingue nettement de ses congénères par sa forme pentagonale et très- aplatie, ses tubereules nombreux, saillants, rapprochés les uns des autres et plus gros sur le bord externe des interam- bulacres qu’au milieu, par une zône miliaire très-étroite et l'absence presque complète de granules. Elle offre au premier aspect quelque ressemblance avec certains exemplaires du Pseudodiadema subnudum (Diplopodia Desor), mais elle est plus déprimée, plus pentagonale; ses tubercules sont moins espacés, plus saillants, plus uniformes et la zône miliaire qui les sépare beaucoup moins large. LocaziTés. — Auxerre, Marolles (Aube). Caleaire à Echi- nospatagus. Rare. Coll. Dupin, ma collection. EXPLICATION DES FIGURES. PI. LI, fig. 8. — Pseudodiadema Raulini, vu de côté, de ma collection. fig. 9. — Le même, vu sur la face sup. fig. 40. — Le même, vu sur la face inf. fig. 41. — Interambulacre grossi. N° 42. — Pseunoniapema RoBinazniNum, Cot., 1859 (Diadema Cot. 1851). Diadema Robinaldinum, Cot. … Cotteau. Catal, méth. des Ech. néocomiens, Bull. Soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne, t. v, p. 286, 1851. SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 491 Diplopodia Robinaldinum, Des. — Desor. Spnopsis des Echin foss. p.78, 1855. Testà cireulari, supernè et infernè depressà. Interambu- lacris præditis sex seriebus tuberculorum, quatuor principa- libus et duabus secundariis in medio dispositis. Granulis inæqualibus, sparsis. Ambulacris subinflatis, præditis duabus seriebus tuberculorum. Poris supernè et infernè plurimis. Ore parvo, deciès inciso. Hauteur, 9 millimètres; diamètre transversal, 23 milli- mètres. Espèce de taille moyenne, circulaire, subpentagonale, également déprimée en dessus et en dessous. Intérambulacres garnis de quatre rangées de tubercules principaux, crénelés, perforés, uniformes, très-rapprochés les uns des autres. Les deux rangées internes composées chacune de quatorze à quinze tubercules persistent seules jusqu'au sommet; les rangées externes s'atténuent, disparaissent à la face supé- rieure et ne comptent guère que dix à onze tubercules. Tuber- cules secondaires beaucoup plus petits, crénelés et perforés, espacés, formant, au milieu des interambulacres, deux ran- gées très-régulières, apparentes surtout vers l’ambitus. Une rangée plus irrégulière ct se confondant avec les granules se montre également sur le bord des zônes porifères. Granules intermédiaires abondants, inégaux, disposés en séries liné- aires autour des tubercules. Ambulacres légèrement renflés, garnis de deux rangées de tubereules à peu près égaux, vers lPambitus, à ceux des interambulacres, mais plus serrés el plus petits à la face supérieure, placés sur le bord des zônes porifères, au nombre de seize à dix-sept par série. Granules inégaux, irrégulièrement disposés, formant, au milieu des deux rangées, une ligne subsinueuse. Pores se dédoublant à 492 ÉTUDES la face supérieure. Appareil apicial pentagonal, médiocrement développé? Péristome petit, décagonal, marqué d’entailles peu apparentes. RAPPORTS ET DIFFÉRENCES. — Cette espèce présente beau- coup de rapports avec la variété à tubercules secondaires très-développés du Pseudodiadema Autissiodorense décrit plus haut: nous avons même hésité à l'y réunir; elle ne s’en dis- tingue réellement que par ses interambulacres pourvus au milieu de deux rangées régulières et parfaitement distinctes de tubercules secondaires, tandis que dans la variété dont nous parlons ces tubercules sont beaucoup plus petits, rares el isolés. Si plus tard des exemplaires intermédiaires entre ces deux formes venaient à établir que cette différence est toute accidentelle, il faudrait supprimer le Pseudodiadema Robinaldinum et ne le considérer que comme une variété plus tuberculeuse du Pseudodiadema Autissiodorense. Locarirés. — Saint-Sauveur. Calcaire à Echinospatagus. Très-rare. Musée d'Auxerre (Coll. Robineau-Desvoidy). EXPLICATION DES FIGURES. PI. LIL. fig. 4. —- Pseudodiadema Robinaldinum, vu de côté, du musée d'Auxerre. fig. 2. — Le même, vu sur la face sup. fig. & — Le même, vu sur la face inf. fig. 4. — Ambulacre et Interambulacre grossi. N° 43. — Acrociparis IcauNENsis, Cotteau, 1859. PL'LT, Hg:5: Testà parvâ, cireulari, supernè subinflatà, infernè planà. Tubereulis interambulacrariis conspicuis, proeminentibus , | SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 293 perforatis, vix crenulatis, biseriatim dispositis. Ambulacris stricuis, præditis tuberculis minoribus. Granulis intermediis raris, ferè nullis. Poris simplicibus, subundulatis. Hauteur, 41 millimètres; diamètre transversal, 20 milli- mètres. Espèce de petite taille, subcirculaire, légèrement renflée en dessus, presque plane en-dessous. Interambulacres garnis de deux séries de tubercules assez gros, à base renflée, pers forés et à peine crénelés, au nombre de huit à neuf par série. Zône miliaire peu développée, presque nulle. Granules inter: médiaires inégaux, peu abondants, relégués çà et 1à à la base des tubercules. Ambulacres relativement très-étroits, surtout vers le sommet, pourvus de tubercules plus serrés et beau- coup moins gros que ceux qui remplissent les interambu- lacres, diminuant très-rapidement de volume à la face supé- rieure, au nombre de onze à douze par série et accompagnés de granules fort rares. La base des tubereules ambulacraires est renflée et sillonnée du côté externe par les plaques porifères. Pores simples, formant une ligne parfaitement droite à la face supérieure, légèrement ondulée vers l'ambitus. L’appa- reil apicial et le péristome sont empâtés dans la roche. RAPPORTS ET DIFFÉRENCES. — Cette espèce par sa petite taille se rapproche de l’Acrocidaris minor Agassiz, qu'on ren- coutre, suivant M. Desor, à la base du terrain néocomien de Sainte-Croix (1). Elle nous à paru s’en distinguer très-nette- ment par sa forme moins renflée, ses tubercules interambu- lacraires moins gros, plus nombreux, à mamelons plus petits \ (1) Desor, synopsis des Echinides fossiles, p, 85. — Agassis, Echi- nides fossiles de la Suisse, 11, p. 50, pl. XIV, fig. 7-9, 39% ÉTUDES et marqués d’une perforation moins apparente, par ses ambu- lacres plus étroits et garnis à la face supérieure de tubercules qui diminuent beaucoup plus rapidement de volume. Notre espèce ne saurait non plus se confondre avec l'Acrocidaris depressa Gras, que caractérisent sa taille plus forte, ses ambulacres plus larges, ses tubercules interambulacraires moins nombreux; plus espacés et accompagnés de granules beaucoup plus abondants (1). M. Desor pense que l’Acroci- daris depressa doit être réuni à l’Acrocidaris minor; cepen- dant ces deux espèces, à en juger par les figures que MM. Agassiz et Albin Gras ont données, sont bien distinctes. Le genre Acrocidaris a été longtemps considéré comme propre à la formation jurassique. Les deux espèces signalées par MM. Desor et Albin Gras dans le terrain crétacé le plus inférieur sont fort rares. La présence de ce genre au milieu des couches néocomiennes inférieures du département de l'Yonne mérite d’être signalée, aussi n’avons-nous pas hésité à décrire et à faire figurer l’échantillon que nous avons sous les yeux, bien qu'il soit unique et en assez mauvais état de conservation. Nous en devons la connaissance à M. Letteron, de Tonnerre, amateur plein de zèle, qui a bien voulu nous communiquer tous les oursins de sa collection. LocaLirÉs. — Bernouil. Calc. néocomien inférieur. Très- rare. Coll. Letteron. EXPLIGATION DES FIGURES. PI. LI, fig. 5. — Acrocidaris Icaunensis, vu de côté, de la collection de M. Letteron. (4) Albin gras, oursins fossiles de l'Isère, p. 31, pl. 1, fig. 18-20. SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 495 No 44. — Hemipenina minima, Cotteau, 1859 (Arbacea Cot., 1851.) PI. LI, fig. 6-10. Arbacea minima, Cot. — Cotteau, Catal. méth. des Ech. néocomiens, Bul. Soc. des Sc. hist. et nat. de l'Yonne, t. v. p. 287, 1851. Psammechinus minimus, Des. — Desor, Synopsis des Echin. foss., p. 119, 1856. Testà minimà, circulari, supernè subinflatà, infernè planà. Tuberculis interambulacrariis perforatis, non crenulatis , distantibus, biseriatim dispositis, circumdatis granulis inæ- qualibus. Ambulacris strietis, præditis tuberculis minoribus. Poris simplicibus. Ore magno, deciès inciso. Hauteur, 3 millimètres 1/2; diamètre, 5 millimètres 1/2. Espèce de taille très-petite, circulaire, renflée en dessus, presque plane en dessous. Interambulacres garnis de deux rangées de tubercules de médiocre grosseur, perforés et non crénelés, largement espacés, au nombre de sept par série. Lône miliaire développée. Granules intermédiaires assez abon- dants, inégaux, formant autour des tubercules des cercles assez réguliers. Ambulacres étroits, pourvus de deux rangées de tubercules beaucoup moins gros que ceux qui garnissent les interambulacres, comme eux perforés, non crénelés et mamelonnés vers l'ambitus, mais diminuant plus rapidement de volume à la face supérieure et se confondant avec les quel- ques granules qui les accompagnent. Pores disposés par simples paires du sommet à la bouche. Appareil apicial rela- tivement très-développé, granuleux ; plaques génitales angu- leuses au sommet, marquées d'une perforation étroite, allon- sée, très-apparente ; plaques ocellaires plus petites, pentago- 496 ÉTUDES nales, intercalées entre les plaques génitales. Anus circulaire, renflé sur les bords. Péristome grand, décagonal, assez profondément entaillé. RAPPORTS ET DIFFÉRENCES. — Dans notre Catalogue des Echinides néocomiens de l'Yonne, nous avons placé cette jolie espèce parmi les Arbacia Agassiz (non Gray), bien qu'elle s’éloignât un peu des espèces de ce genre par ses aires ambulacraires et interambulacraires garnies d'une double rangée de tubercules principaux. Plus tard M. Desor, ayant avec beaucoup de raison supprimé de la méthode le genre Arbacia et reporté les différentes espèces dont il se composait dans les genres Glyphocyphus Haime, Cottaldia Desor, Psam- mechinus Desor et Magnosia Michelin, a fait de notre petite espèce le Psammechinus minimus Desor. Nous ne pouvons partager cette opinion : le genre Psammechinus, tel qu'il a été adopté par M. Desor, a pour caractère d’avoir les pores rangés par triples paires, comme on peut le voir dans le: Psammechinus miliaris (Echinus Lamark), espèce vivante, type du genre, et dans le Psammechinus fallax Desor, que nous décrivons plus haut, et il ne nous paraît pas possible de laisser dans ce genre des espèces dont les pores sont très- distinctement rangés par simples paires du sommet jusqu’à la bouche (1). Du reste, en soumettant notre espèce à un très- (4) Nous ne pouvons également conserver dans ce genre le Psammechinus Monilis, Desor (Arbacia, Agassis). Bien que les pores montrent, aux approches de la bouche, une certaine tentance à se grouper par triples paires, ils n’en sont pas moins simples et directement superposés, tandis que, dans les véritables Psammechi- nus ils sont depuis le sommet jusqu’à la bouche rangés par triples paires. Les pores sont des organes importants et il me paraît difficile de confondre dans un même groupe des espèces chez lesquelles ils SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 497 fort grossissement, nous avons remarqué que les tubercules dépourvus de crénelures étaient finement et distinctement perforés. Ce caractère, qui nous avait échappé et que M. Desor ne pouvait connaître, ne permet certainement pas de la réunir aux Psammechinus. Restait à fixer le genre auquel elle appar- tient. Sa forme subdéprimée, ses tubercules perforés et non crénelés, ses pores simples, son appareil apicial largement développé, la grandeur de son péristome marqué d’entailles apparentes nous ont engagé à la placer parmi les Hemipedina de M. Wright (1). Il est assez curieux de retrouver, au milieu de Pétage néocomien, un genre répandu surtout dans les couches du lias et dont la présence n’a pas encore été signalée au-dessus du coral-rag. L'Hemipedina minima est l'espèce la plus petite du genre et se distingue par cela même très- nettement de ses congénères. Au premier abord, on serait tenté de la rapprocher du Magnosia Richeriana Cotteau du lias moyen de la Sarthe (2), remarquable également par sa taille extrêmement petite, sa forme subsphérique, ses deux rangées de tubercules interambulacraires et la grandeur de son péristome. Mais ces deux espèces sont bien distinctes. Dans celle de la Sarthe, les tubercules ne paraissent pas per- présentent une disposition si différente. Il en est de même des Psammechinus Romanus et alataceus. Ne serait-il pas plus naturel de réunir ces espèces au genre Cottaldia? Qu'importe qu’elles ‘présentent moins d’uniformité dans leurs tubereules et laissent apercevoir plus ou moins distinctement deux rangées principales dans chacunes des aires ; c'est là assurément un caractère moins essentiel que celui qui résulte de la disposition des pores. (1) Wrigt, on a newgenus of foss, cidandæ, Ann. and Mag. of nat. history, 1855. — Monog. of the foss. Echin, p. 143, 1857. (2) Gotteau et Triger, Echinides de la Sarthe, p. 6, pl, I, fig. 18-22, 498 ÉTUDES forés, et c’est ce qui nous a déterminé à la placer dans le genre Magnosia. Nous ne connaissons qu'un seul échantillon de l'Hemipedina minima; il appartient à M. Graillot, professeur, qui a eu l'obligeance de nous le communiquer. Locazirés. — Auxerre. Couches à Echinospatagus. Très- rare. Coll. Graillot. EXPLICATION DES FIGURES. PI. LI, fig. 6. — Hemipedina minima, vu de côté, de la coll. de M. Graillot. lig. 7. — Le même, vu sur la face sup. fig. 8. — Le même, vu sur la face inf. fig. 9. — Le même, vu de côté, grossi. fig. 10. — Appareil apicial grossi, N° 45. -— Conropyqus PELraTUs, Agassiz, 1838 (Salenia Ag., 1836). PI, LE, fig. 11-44. Salenia peltata, Ag. — Agassiz. Foss. du Jura Neuchà- telois, Mém. Soc. des sc. nat. de Neuchâtel, t. 1, p. 140, pl. XIV,fig. 13-15, 1826. = = — Agassiz. Prod. d'une monog. des radiaires. Mém. Soc des se. nat. de Neuchâtel, £. r, p. 189, 1536. Echinus peltatus, Des M. — Des Moulins.EÆEtudes sur les Ech., p. 304. n° 85, 1837: Goniopygus peltatus, Az, — Agassiz. Monog. des Salenies, p. 20, pl. III, fig. 9-18, 1838. # SUR LES . !XIDES FOSSILES. 499 Goniopygus intricatus, Ag … Agassiz. Monog. des Salenies, ». 21, pl. IL, fig. 19-28, 1833. Goniopygus peltatus, Ag — Agas:iz. Catal. syst. Ectyp. foss., p.11, 1840. Coniopygus intricatus, Ag. — Agassiz. Catal. syst. Ectyp, foss., p.11, 1840. Goniopygus peltatus, Ag. — Agassiz. Ech. foss. de la Suisse, tr, p.092, -pl.PXXIIT, ! fs: 16-22, 1840. Goniopygus intricatus, Ag. — Agassiz, Ech. foss. de la Suisse, COTON TRAC ENT 0 PSG TETE 22-31. 1840. Goniopygus pelta'us, Ag. — Rœmer. Norddeutschen Kreide gebirges, p. 30 1840. = — — Agassiz et Desor. Catal. rais. des Ech.. Ann. des sc. nat. 3e sér.. t. vi. p. 344. 1846. 7 = — Albin Gras. Oursins foss. de l'I- sère. Suppl. p. 2. pl. I. fig. 9-11. 1848. = _ — d'Orbigny. Prod. de pal. strat. t.11. p.89. n. 494. 1850. — — — Cotteau. Catal. méth. des Ech. néocomiens. Bull. Soc. des se. hist. et nat. de l'Yonne. t. v. p. 284. 1851. = — -— Albin Gras. Catal. des foss. de l'Isère. p. 28. 1852. au E— — Morris. Catal. of British foss. 2° éd.. p 81. 1854? — = — Desor. Synopsis des Ech. foss. p. 94, pl. XIV. fig. 3-7. 1856. Q. 50. q. 66. q. 58. Hauteur, 5 millimètres; diamètre transversal, 410 milli- mètres. Espèce de petite taille, cireulaire, renflée et légèrement conique en dessus, plane en dessous. Interambulacres garnis 500 ÉTUDES de deux rangées de tubercules assez gros vers l’ambitus, diminuant de volume aux approches du scmmet et de la bouche. Ces tubercules, au nombre de six par série, sont sail- lants, dépourvus de crénelures et surmontés d’un mamelon imperforé relativement très développé. Granules intermédiai- res, rares, inégaux, isolés, se montrant çà et là à la base des tubercules. Ambulacres larges, garnis de tubereules plus petits etplus uniformes, au nombre de huit par série. Granules intermédiaires fins et très rares. Pores simples, se dédou- blant cependant sur les bords du péristome. Appa- reil apicial, grand, étoilé, chagriné, rugueux, fortement dentelé sur les bords, un peu saillant au-dessus du test; plaques génitales allongées, marquées à leur angle externe d'un petit pore oblique. C’est à tort que M. Agassiz et plus tard M. Desor ont représenté ces plaques comme perforées au milieu (4). Trois d’entre elles sont échanerées à leur base et présentent sur les bords de l’anus un petit renflement gra- nuliforme. Malgré le soin avec lequel nous avons examiné ces plaques génitales, nous n'avons reconnu sur aucune d'elles des traces du corps madriporiforme; il est proba- ble qu'il forme comme dans le Goniopygus Menardi un petit bourrelet spongieux autour de l'angle externe de la plaque genitale antérieure de droite (2). Plaques ocellaires beaucoup plus petites, subtriangulaires ; elles paraissent imperforées, nous croyons cependant qu'elles sont comme toujours mar- quées à leur extrémité d'une ouverture très fine. Anus assez (1) Echiaodermes foss. de la Suisse, pl. XXHIE, fig. 16, 20, 25 et 26. — Monographie des Salinées, pl. IL, fig. 9, 14, 19 et 24. — Synopsis des Echinides foss., pl. XIV, fig. /. (2) Cotteau et Tinger, Echinides foss. de la Sarthe, p. 458, pl. XXVILL, fig. 2. SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 501 peu développé, subcirculaire, déprimé sur les bords. Péris- tome grand, circulaire, faiblement entaillé. Les radioles n'ont pas encore été rencontrés dans l'Yonne. Suivant M. Agassiz, ce sont des petites massues tantôt plis- sées, tantôt lisses. RaPPoRTS ET DIFFÉRENCES. — Cette espèce, en y réunis- sant, comme l'ont fait MM. Agassiz et Desor, le Goniopygus intricatus Agassiz, qui n’en est qu'une variété plus allongée, se distingue assez nettement de ses congénères. Voisine du Goniopygus Delphinensis Gras, assez abondant dans le ter- rain néocomien de l'Isère, elle en diffère par son disque apicial plus grand, plus rugueux et marqué de dentelures plus fortes, par son ouverture anale circulaire au lieu d'être carrée, par ses ambulacres plus larges, garnis de tuber- cules moins nombreux et plus gros et presqu'entièrement dépourvus de ces granules si apparents dans le Goniopygus Delphinensis. Elle se rapproche également d’une petite espèce décrite et figurée dans nos Echinides de la Sarthe sous le uom de Goniopygus sulcatus Gueranger. Mais cette dernière espèce sera toujours reconnaissable à sa forme moins conique, à ses tubercules moins nombreux, à son disque apicial plus grand, composé de plaques fortement sillonnées et non rugueuses. LocaLirÉs. — Saint-Sauveur, Tronchoy, Marolles. Cal- caire à Echinospatagus, rare. Musée d'Auxerre (coll. R. Desvoidy), coll. Rathier, Dupin, ma collection. LOCALITÉS AUTRES QUE L'YONNE. — Fontanil (Isère) ; Merdasson, près Neufchâtel; Sainte-Croix (Suisse). Etage néocomien. 502 ÉTUDES EXPLICATION DES FIGURES. PI. LIL, fig. 11. — Goniopygus peltatus, vu de côté, de ma collection. fig. 42. — Le même, vu sur la face sup. fig. 13. — Le même, vu sur la face inf. fig. 44. — Appareil apicial, grossi. N° 16. — Copiorsis Loir, Cotteau, 1851. PI. LIL, fig. 15-16. PL. LILI, fig. 1-4. Codiopsis Lorini. Cot. — Cotteau. Catal. méth. des Ech. néocomiens. Bull. Soc. des sc. hist. et nat de l'Yonne. t. v. —- — Desor. Synopsis des Ech. foss.. p: 112. 1856. — — — Cotteau ei Triger. Echin. de la Sarthe. p. 164. 1859. Testà parvà, subpentagonali, supernè inflatà, subcostulatà, infernè plan. Ambulacris et interambulacris præditis infra tubereulis imperforatis, non crenulatis et biseriatim dispositis, suprà granulis conspicuis, sparsis, cadueis. Ambulacris strictis, inflatis. Poris simplicibus, infernè plurimis. Disco ovariali solido, subproeminente. Ore pentagonali, vix inciso. Hauteur, 7 millimètres; diamètre, 10 millimètres. Espèce de petite taille, pentagonale, renflée et subcostulée en dessus, large et plane en dessous. Interambulacres dépri- més au milieu, garnis à la base de deux rangées obliques de petits tubercules, non crénelés ni perforés, au nombre de trois ou quatre par série et qui vers l’ambitus et à la face supérieure sont remplacés par des granules épars, saillants, inégaux et un peu allongés dans le sens vertical. Ces gra- nules sont caduques ; dans la plupart des exemplaires, ils SUR LES ÉGHINIDES FOSSILES. 503 ont disparu en totalité ou en partie, et à la place qu'ils oceu- paient on remarque de petits renflements subeireulaires et en quelque sorte rudimentaires. Le test dépourvu de ces verrues paraît à la loupe finement ponctué, chagriné et ne nous a Jamais présenté ces stries fines, serrées et irrégulièrement onduleuses qui caractérisent le Codiopsis doma Agassiz. Am- bulacres très-étroits, renflés, garnis comme les interambu- lacres, à la face inférieure, de deux rangées obliques de petits tubercules, et au-dessus de l’ambitus de granules plus où moins persistants. Pores simples, se multipliant près de la bouche. Appareil apicial médiocrement développé, légèrement saillant, pourvu de granules identiques à ceux qui garnissent le surplus du test, souvent même plus persistants; plaques génitales allongées, égales entre elles ; plaques ocellaires sub- triangulaires, les unes et les autres largement perforées. Anus petit, subcirculaire. Péristome médiocrement développé, pen- tagonal, marqué de faibles entailles, relevé sur les bords. Rapports ET DIFFÉRENCES. — Cette rare et jolie espèce, qu'elle soit ou non recouverte de granules, se distingue des autres Codiopsis que nous connaissons. Elle diffère des indi- vidus jeunes du Codiopsis doma, par sa face supérieure plus sensiblement costulée, par sa base plus large et plus plane, par son appareil apicial plus saillant et plus granuleux, par son test finement chagriné; elle ne saurait non plus être confondue avec le Codiopsis Alpina, du terrain néocomien de l'Isère ; cette dernière espèce est beaucoup moins aplatie à la face inférieure et paraît garnie à la base des ambulacres et des interambulacres, de tubereules plus abondants. Locazirés. — Auxerre, Tronchoy, Marolles. Caleaire à Echinospatagus. Rare. 504 ÉTUDES Musée d'Auxerre. Coll. Rathier, Dupin. EXPLICATION DES FIGURES. PI. LIT, fig. 45. — Codiopsis Lorini, vu de côté, du musée d'Auxerre. fig. 16. — Appareil apicial grossi. PI LIL, fig. 41. — Codiopsis Lorini, recouvert de ses gra- nules, vu de côté, du musée d'Auxerre. fig. 2. — Le même, vu sur la face sup. fig. 3. — Le même, vu sur la face inf. fig. 4. — Ambulacre et Interambulacre grossis. N° 47. — PsamMEcHINUS FALLAX, Des., 4856 (Echinus Ag., 1840). PI. LUI, fig. 5-40. Echinus fallax. Ag. — Agassiz. Catal. syst. Ectyp. foss. p. 12. 1840. — — — Agassiz, Ech. foss. de la Suisse. | tu. p. 86. pl. XXII. fie. 7-9. 1840. — _ — Agassiz et Desor. Catal. rais. des Echin.. Ann. des sc. nat. 3e sér.. t. vi. p. 369, 1846. — — — D'Orbigny. Prod. de pal. strat.. t. 11. p. 89, n° 486. 1850. = — — Cotteau. Calal. méth. des Ech. néocomiens, Bull. Soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne. t. v. p. 288 1851. Echinus Rathieri. Cot. — Cotteau. Catal. méth. des Ech. néocomiens. Bull. Soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne. t. v. p. 288. 1851. P sammechinus fallax. Des. — Desor Synopsis des Echin. foss., p. 119. 1856. SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 505 Psammechinus Rathieri. Des. — Desor. Synopsis des Echin. foss.. p.119. 1856. S. 30. Testà cireulari, supernè subinflatà, sæpius hemisphæricà, infernè planà. Ambulacris et interambulacraris præditis dua- bus seriebus tuberculorum principalium. Tubereulis secun- dariis numerosis, infernè et ad ambitum presertim conspi- cuis. Granulis intermediis multis, æqualibus, approximatis. Poris per terna paria dispositis. Ore mediocri, circulari, vix inciso. Hauteur, 40 millimètres ; diamètre, 16 millimètres. Var. de grande taille (Psammechinus Rathieri) : Hauteur, 13 millimètres; diamètre, 24 millimètres. Espèce de taille moyenne, plus ou moins renflée en dessus, subhémisphérique, presque plane en dessous. Interambulaecres garnis de deux rangées de petits tubercules non crénelés et imperforés, assez largement espacés à la face supérieure, plus serrés et plus développés dans la région infra marginale. Tubercules secondaires presqu'’aussi gros que les tubereules principaux, formant, à la face inférieure et vers l’ambitus, quatre ou six rangées irrégulières qui disparaissent en se rapprochant du sommet et se confondent avec les granules qui les accompagnent. Granules intermédiaires fins, abon- dants, serrés, homogènes, disposés quelquefois en séries horizontales irrégulières, laissant près du sommet le milieu des interambulacres presque nu. Ambulacres garnis de deux rangées de petits tubercules à peu près identiques à ceux des interambulacres, mais plus nombreux et plus serrés et placés immédiatement sur le bord des zônes porifères. Au milieu de ces tubereules principaux se montrent deux autres rangées très-irrégulières, accompagnées de granules abondants et 33 506 ÉTUDES homogènes. Pores disposés très-régulièrement par triples paires obliques et se multipliant près de la bouche. Les zônes 2orifères ont un aspect granuleux dû à de petits renflements plus ou moins apparents qui séparent chaque paire de pores. Appareil apicial médiocrement développé, recouvert de gra- nules inégaux à l'exception de la plaque madreporiforme qui présente un aspect spongieux; plaques génitales étroites, allongées ; plaques ocellaires petites, pentagonales, presque carrées, les unes et les autres très-distinctement perforées. Anus très-grand, irrégulièrement ovale. Péristome de taille moyenne, circulaire, marqué de légères entailles. Cette espèce, toujours rare dans le terrain néocomien, est très-variable dans sa taille et dans sa forme. Le type de - l'espèce, décrit et figuré par M. Agassiz, est peu développé, subhémisphérique, presque aussi haut que large. Dans notre Catalogue des Echinides néocomiens, nous avons cru devoir en séparer, sous le nom d’Echinus Rathieri, quelques exem- plaires de taille beaucoup plus forte et remarquables par leur forme subdéprimée, recueillis par M. Rathier dans le terrain néocomien de Tronchoy. Depuis, nous avons rencontré des échantillons intermédiaires entre ces deux formes, et nous ne doutons plus que notre Echinus Rathieri ne soit une simple variété du Psammechinus fallax. RaProRTS ET DIFFÉRENCES. — Le Psammechinus fallax est parfaitement caractérisé par là disposition de ses tubercules principaux et secondaires, l'abondance et l'homogénéité des granules qui les accompagnent et par son péristome subcir- culaire et très-faiblement entaillé; il présente quelque res- semblance avec le Psammechinus Theveneti Desor (Echinus, Albin Gras), du terrain néocomien de l'Isère, mais il en diffère SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 507 par sa forme plus déprimée, ses tubercules principaux moins apparents, ses tubercules secondaires plus nombreux et sa bouche marquée d’entailles moins prononcées. — Nous lais- sons au Psammechinus fallax le nom générique que lui a donné M. Desor : le genre Psammechinus, tel qu'il avait été proposé par M. Agassiz et tel qu'il a été admis dans le Synopsis des Echinides fossiles, est caractérisé surtout par sa membrane buccale garnie de petites plaques écailleuses et par son péristome circulaire, très-légèrement entaillé. Le premier de ces caractères a nécessairement dispyu dans toutes les espèces fossiles; le second, qui n’est, suivant M. Desor, que la conséquence de la structure même de la membrane buccale, est plus persistant, plus facile à étudier et suflit du reste pour séparer les Psammechinus du genre le plus voisin, des Stomechinus Desor, qui sont spéciaux au terrain jurassique et si remarquables par les profondes en- tailles de leur péristome. Mais si nous admettons le genre Psammechinus, c’est en le limitant, comme nous l'avons dit plus haut, aux espèces dont les pores sont trigéminés, c’est en le débarassant des Psammechinus monilis, alutaceus et Romanus qui n’appartiennent même pas, suivant nous, au groupe des véritables Echinus. LocaziTés. — Auxerre, Saint-Sauveur, Gy-l'Evêque (mé- tairie Foudriats), Leugny, Tronchoy, Marolles. Calcaire à Echinospatagus. Rare. Musée d'Auxerre (Coll. R.-Desvoidy), coll. Rathier, Dupin, Foucard, ma collection. LOCALITÉS AUTRES QUE L'YONNE. — Néocomien du Doubs. 508 ÉTUDES EXPLICATION DES FIGURES. PI. LIL, fig. 5. — Psammechinus fallax, vu de côté, de ma collection. fig. 6. — Le même, vu sur la face sup. fig. 7. — Le même, vu sur la face inf. fig. 8. — Plaques grossies. lig. 9. — Appareil apiciai grossi. fig. 10. — Var. de grande taille (Psammechinus Rathieri, vu de côté, de la collection Rathier. N° 18. — SALENIA FOLIUM-QUERCI, Desor, 1846. PI. LIT, fig. 11-15. Salenia seutigera, Ag. (non Gray) — Agassiz. Ech. foss. de la Suisse, p. 89. 1840. Salenia folium-querci. Des. — Agassiz et Desor. Catal.rais. des Ech. Ann. sc. nat. 8e sér. t. vi. p. 342. 1846. — — — Marcou, Recherches géol. sur le Jura salinois, Mém. Soc. géol. de France, 2° sér. t. ur. p. 147. 1848. — — Prod. de pal. strat.t. 11. p. 89. no 497. 1830. — — — Desor. Synopsis des Ech. foss. p. 152. 1856. Testà circulari, supernè subinflatà, infernè plan. Tuber- culis interambulacrariis raris, proeminentibus, cireumdatis granulis inæqualibus, sparsis. Ambulacris strictis, rectis. Poris simplicibus. Disco apiciali lato, sulcato. Ano subtrian- gulari. Ore circulari, deciès inciso. Hauteur, 7 millimètres ; diamètre, 12 millimètres 4/2. SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 509 Espèce de petite taille, circulaire, légèrement renflée en dessus, presque plane en dessous. Interambulacres larges, garnis de deux rangées de tubercules, au nombre de quatre à cinq par série, erénelés et non perforés, très-inégaux, saillants et développés vers l'ambitus, plus petits près de la bouche et de l'appareil apicial. Granules intermédiaires assez apparents, quelquefois mamelonnés, inégaux, espacés, épars, formant cependant, autour des plas gros tubercules, des cercles assez réguliers. Ambulacres très-étroits, garnis de petits granules mamelonnés, serrés, homogènes, au nombre de douze par série. Ces deux rangées sont tellement rapprochées qu'on n'aperçoit aucune trace de granules intermédiaires. Pores simples, droits à la face supérieure, plus nombreux et plus irréguliers vers le péristome. Appareil apicial très-développé, couvrant la plus grande partie de la face supérieure, saillant au-dessus du test, composé de cinq plaques génitales, de cinq plaques ocellaires perforées et d’une plaque sous-anale imperforée, et recouverte, sur toutesa surface, de sillons irré- guliers, déprimés surtout vers la suture et qui se prolongent en s’atténuant jusqu'au centre des plaques. Anus excentrique en avant, triangulaire, légèrement renflé sur les bords. Pé- ristome un peu moins grand que l'appareil apictal, subdéca- gonal, assez fortement entaillé. Dans l’exemplaire que nous avons sous les veux, les pla- ques génitales sont marquées au milieu de deux pores bien distincts, mais peut-être ce caractère que ne signale point M. Desor est-il accidentel, et spécial seulement à notre échan- tillon. Raprorrs Er DiFFÉRENCES. — Le Salenia folium-querci présente beaucoup de rapports avec le Salenia scutigera Agassiz; il nous à paru cependant s'en distinguer par Sa 510 ÉTUDES forme plus déprimée, ses granules interambulacraires moins nombreux et plus apparents, son disque apicial plus déve- loppé et marqué de sillons plus profonds. LocaLiTÉs. — Bernouil. Néocomien inférieur. Très-rare. Ma collection. À LOCALITÉS AUTRES QUE L'Yonxe. — Billecul (Jura). Du roc près Neuchâtel (Suisse). Etage néocomien. EXPLICATION DES FIGURES. PI. LIL, fig. 41. — Salenia folium-querci, vu de côté, de ma Collection. fig. 42. — Le même, vu sur la face sup. fig. 143. — Le même, vu sur la face inf. fig. 4%. — Appareil apicial grossi. fig. 15. — Plaques grossies. No 19. — Hyposauenia sreLLuLara, Desor, 1857 (Salenia Ag. 1848). PI. LIV, fig. 4-10. Salenia stellulata, Ag, — Agassiz. Monog. des salenies, p. 15. pl. II. fig. 25-32. 1838. Salenia areolata, Ag. (non Cid areo- latus, Wahl.) — Agassiz. Monog. des salenies, p. 16. pl. ITf. fig. 1-8. 1838. Salenia stellulata, Ag. — Agassiz. Catal. syst. Ectyp. foss.. p. 11.1840. Salenia areolata, Ag. — Agassiz. Catal. syst. Ect p. foss. p. 11, 1840. x Salenia stellulata, Ag. — Agassiz. Ech.foss. de la Suisse, tu p 90,pl. XXII. fig. 6-10, 1840 . SUK LES Salenia areolata, Ag. Peltastes stellulatus, Ag. Peltastes punctatus, Des. Peltates pentagonifera, Gr, Pellales stellulata, Ag. Pellastes punclala, Des. Peltastes stellulata, Ag. Pellastes Courtaudina, Col, Peltastes stellulata, Ag, Peltastes punctata, Des. Peltastes stellulata, Ag. Hyposalenia stellulata, Des. ÉCHINIDES FOSSILES. 11 — Agassiz. Ech. foss. de la Suisse, t. 1np..90 pl. XXIIL, fig. 11-15. 1840. Agassiz et Desor. Catal. rais. des Ech. Ann. sc nat. 3. sér. t. VI. p. 342. 1846. Agassiz et Desor. Catal. rais. des Ech. Ann se. nat. 3. sér. L. VI, p. 342. 1846. Marcou. Recherches géol. sur le Jura salinois, Mém. Soc. géol. de France, 2. sér.t. 111. p. 140. 1848. Gras. Oursins foss. de l'Isère, p. 29, pl. I, fig. 11-12, 1848. d'Orbigny. Prod. de pal. strat., t. 11, p. 89, n. 495, 1850. d'Orbigny. Prod. de pal. strat., L. 11, p. 89, n. 496, 1850. Cotteau. Catal. méth. des Ech. néocomiens, Bull. Soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne, t. v, p. 284, 1851. Cottean. Catal. meéth. des Ech. néocomiens, Bull. Soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne, £. v, p. 284, 1851. Bronn, Lethea geognostica, Krei- degebirge, p. 183, pl. XXIX, fig. 5, 1852. Gras. Catal. des foss. de FTsère, p. 28, 1852. Desor. Ech. de l'étage valan- ginien, p. 9, ext. du Bull. soc des sc. nat. de Neuchâtel, t. n1, 1854. Desor. Synopsis des Ech. foss., p. 147, pl. XX, fig. 6-8, 1857. LA 512 ÉTUDES 6 Hyposalenia punctata, Des. — Desor. Synopsis des Ech. foss., p. 147, 1856. Hiposalenia Courtaudina, Des. — Desor. Synopsis des Ech. foss., p. 148, 1856. Q. 64, q. 65. Testà circulari, supernè subinflatà, infernè planà. Tuber- culis interambulacrariis, raris, proeminentibus cireumdatis granulis inæqualibus, Sparsis. Ambulacris strictis, reclis. Poris simplicibus. Disco apiciali lato, punetis et sulcis varia- bili. Ore mediocri, circulari, vix ineiso. Hauteur, 6 millimètres ; diamètre, 13 millimètres. Espèce de petite taille, circulaire, plus ou moins renflée en dessus, presque plane en dessous. Interambulacres larges, garnis de deux rangées de tubercules, au nombre de cinq à six par série, crénelés et non perforés, très-inégaux, saillants et développés vers l’ambitus, plus petit près de la bouche et de l'appareil appicial. Granules intermédiaires plus où moins abondants, inégaux, espacés, épars, formant cependant, au- tour des plus gros tubercules, des cercles assez réguliers. Entre ces granules, et notamment sur le milieu des interam- bulacres, se montrent d’autres granules beaucoup plus fins, serrés, microscopiques. Ambulacres très-étroits, garnis de petits granules mamelonnés, serrés, homogènes, au nombre, dans l'exemplaire que nous avons sous les yeux, de treize à quatorze par série et accompagnés cà et là de quelques autres granules beaucoup plus fins. Pores simples, droits à la face supérieure, plus nombreux et plus réguliers vers le péristome. Appareil apicial très-développé, couvrant la plus grande partie de la face supérieure, légèrement saillant au-dessus du test, composé de cinq plaques génitales et de cinq plaques ocel- laires perforées et d’une plaque suranale imperforée. Ce difé- SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 513 rentes plaques et surtout les sutures qui les séparent sont marquées de points ou de sillons souvent très-apparents. Anus excentrique en arrière, transversalement ovale, quel- quefois subtriangulaire ou en forme de lozange, légèrement renflé sur les bords. Péristome de taille moyenne, beaucoup moins grand que l'appareil apicial, subcirculaire, marqué de très-faibles entailles. | Cette espèce présente de nombreuses.variétés non seulement dans sa forme plus ou moins renflée, mais dans la structure même de son appareil apicial. Tantôt cet organe est presque lisse et la suture des plaques offre seulement des points isolés et arrondis : c'est l'Hyposalenia punctata Desor (fig. 8). — Le plus souvent la suture, au lieu de pôints, est marquée de sillons qui se prolongent en s’atténuant jusqu'au centre des plaques et donnent au disque apicial un aspect persillé très- remarquable : c'est le véritable type de l'Hyposalenia stellu- lata Desor (fig. 1-4). — Quelquefois ce caractère s'exagère ; les sillons se creusent et pénètrent dans l’intérieur même des plaques qui s'unissent et se confondent sur certains points et dont la forme est alors à peine reconnaissable : c’est la variété que nous avons fait représenter fig. 9; elle est fré- quente surtout aux environs d'Auxerre, -— Dans d’autres exemplaires assez rares, les plaques, indépendamment des points plus ou moins allongés qui marquent la suture, son bordées de petits bourrelets flexueux qui s'atténuent en se rapprochant du centre : c’est le type de notre Peltastes Cour- taudina (Hyposelania Courtaudina, Desor (fig. 10). Assurément toutes ces variétés, si on les examine isolément, devraient con- stituer des espèces distinctes. Le grand nombre et la belle conservation des échantillons que nous avons pu étudier nous démontrent qu'elles appartiennent à la même espèce : Îles 514 ÉTUDES pores suturaux arrondis et isolés de la variété punetata s’al- longent et arrivent par des passages insensibles à ces sillons profonds et contournés qui distinguent le type du véritable Hyposalenia stellulata. Il en est de même des petits bourrelets flexueux que nous avons signalés dans la variété Courtaudina, où ils sont très-prononcés; on les retrouve également dans les autres variétés, ils sont, il est vrai, beaucoup plus vagues, mais assez apparents pour enlever à ce caractère toute la va- leur que nous avions cru devoir y attacher; probablement ces lignes flexueuses sont dues à la décortication du test. Associés à ces différentes variétés, on rencontre de petits Hyposalenia remarquables par leur forme très-déprimée et la grandeur de leur appareil apicial qui est régulièrement pen- tagonal et occupe à peu près toute la face supérieure. Malgré les différences qui au premier abord paraissent les éloigner du type, ce sont, nous le croyons du moins, des individus jeunes de l'Hyposalenia stellulata ; au fur et à mesure qu'ils grandissent, la face supérieure se renfle et l'appareil apicial Sarrondit. Les différentes variétés que nous avons indiquées plus haut se retrouvent dans ces petits individus et leur appa- reil présente des dépressions plus ou moins accentuées. Rapports ET DIFFÉRENCES. — L'Hyposalenia stellulata, en réunissant, comme nous l'avons fait, les Hyposalenia pune- tata. Desor, pentagonifera (Peltastes Gras) et Courtaudina (Peltastes co.) constitue une espèce bien distincte, propre Jusqu'ici aux couches inférieures et moyennes de l'étage néocomien et remarquable surtout par la grandeur de son disque apicial toujours plus développé que l'ouverture buccale. C'est à tort, croyons-nous, que le catalogue de M. Morris (1) (4) Morris, catalogue of British foss., 2° éd., p. 89. SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 15 mentionne cette même espèce comme se trouvant dans le Lower green sand de Hythe, de Kent et de Faringdon (Var punctata) et dans l’upper green sand de Warminster (Var stellulata). Les échantillons de Faringdon, que M. Forbes nous a envoyés sous le nom de Salenia punctata, appartiennent à l’Hyposalenia Wrightii Desor (4), espèce voisine, il est vrai, de l’'Hyposalenia stellulata, mais qui cependant s’en éloigne par ses tubereules plus nombreux et moins saillants, son disque apicial plus lisse, moins épais et marqué seulement de quelques points petits et isolés. Locazirés. — Saint-Sauveur, Saints, Fontenoy, Leugny, Gy-PEvêque (métairie Foudriats), Auxerre, Monéteau, Flogny, Bernouil, Tronchoy, Marolles. Néocomien inférieur et calcaire à Echinospatagus. Partout assez rare. Musée d'Auxerre, coll. Courtaut, Foucard, Graillot, Dupin, Rathier, Letteron, ma collection. LOCALITÉS AUTRES QUE L'YONNE. — Censeau (Jura); Fontanil (Isère). La chaux de Fonds, Sainte-Croix, Hauterive près Neu- châtel (Suisse). Néocomien inférieur et moyen. Hisrorre. — Décrite d’abord par Agassiz dans sa Mono- graphie des salénies et dans ses échinides de la Suisse, sous les noms de Salenia stellulata et areolata, et placée dans la division des salénies dont l'anus est excentrique en arrière, cette espèce a été plus tard reportée dans le gentre Peltastes et le Catalogue raisonné des Echinides la désigne sous les noms de Peltastes stellulata Agassiz et punetata Desor. — Dans le Synopsis des Echinides fossiles, M. Desor, retran- (1) Desor, synopsis des Echinides foss. p. 148. 516 ÉTUDES chant cette espèce des Peltastes, établit pour elle et quelques espèces voisines le genre Hyposalenia, qui correspond exac- tement à la division des salénies où l'avait d’abord placée M. Agassiz. Nous adoptons cette nouvelle coupe générique de M. Desor. Les caractères qui la séparent du genre Peltastes consistent surtout dans la forme des plaques génitales et ocellaires ; ils n’ont assurément rien de très-essentiel, mais ils donnent cependant aux espèces de ces deux groupes une physionomie bien diflérente. M. Desor maintient dans le Synopsis les Hyposalenia stellulata et punctata comme espè- ces distinctes : la première, suivant lui, est spécial au terrain néocomien le plus inférieur {étage valanginien); la seconde caractérise les couches moyennes. Nous avons indiqué plus haut les raisons qui nous engagent à réunir ces espèces ; nous ajoutérons que, dans l'Yonne, les variétés stellulata et pune- lala se rencontrent associées aussi bien à Bernouil, dans les couches les plus inférieures, que dans celles plus élevées de Marolles, d'Auxerre et de Saint-Sauveur. EXPLICATION DES FIGURES. PI. LIV. fig. 1. — Hyposalenia stellulata, vu de côté, de ma collection. fig. 2 — Le même, vu sur la face sup. fig. 3. — Le même, vu sur la face inf. fig. #. — Appareil apicial grossi. lig. 5. — Individu jeune, vu de côté, de ma coll. fig. 6. — Le même, vu sur la face sup. fig. 7. — Appareil apicial grossi. fig. 8. — Var. punctata, de ma collection, appareil apicial grossi, = 1 SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 51 fig. 9. — Var. profondément sillonnée, de ma col- lection, appareil apicial grossi. fig. 40. — Var. Courtaudina, de la coll. de M. Cour- taut, appareil apicial grossi. N° 20. — Horecryeus macropyGus, Desor, 1840 (Discoidea, Ag., 1839). PI. LIV, fig. 11-18. Discoidea macropyga, Ag. — Agassiz. Foss. du Jura neuchä- telois, Mém. Soc. des se. nat. de Neuchâtel, t. 1, p. 137, pl. XIV, fig. 7-9, 1836. — == — Agassiz. Prod. d'une monog. des radiaires, Mém. Soc. des sc. nat. de Neuchâtel, t.1, p. 186, 1836. Galerites macropyga, Des M. — Des Moulins. Ztudes sur les Ech. p. 255, n. 14, 1837. Discoidea macropyga, Ag. — Agassiz. Ech. foss. de la Suisse, p. 85, pl. vi, fig. 1-3, 1839. — — — Agassiz. Catal. syst. Ectyp. foss. p. 7; 1840. = — — Deshayes in Lamarck. Animaux sans vert., 2. éd., L. 11, p. 314, n. 7, 1840. — — — Desor. Monog. des Galerites, p. 73, pl. VII, fig. 8-11, 1842, Holectypus macropygus, Des. — Agassiz et Desor. Catal. rais.des Echin., Ann. sc. nat., 3° sér., t. VIL, Pp. 146, 1847. -— — — Marcou. Recherches géol. sur le Jura salinois, Mém. Soc. géol. de France, 2°sér. t. 111, p.147, 1848. = _ — Gras. Oursins foss. de l'Isère, p. 41, 1848. 518 ÉTUDES = = — d'Orbigny. Prod. de pal. strat., | {. 11, p. 89, n. 485, 1850. 2e = — Cotteau. Catal. méth. des Ec#. néocomiens, Bull. Soc. des sc. hist. et nat. de l'Yonne, t. v, p. 289, 1851. Holectypus Neocom., Got. (non Gras)— Cotteau. Catal. méth des Ech. néocomiens, Bull. Soc des se. hist. et nat. de l'Yonne, t. v, p. 289, 1851. Holectypus macropygus, Des. — Gras. Catal. des foss. de l'Isère, p. 27, 1852. = == — Desor. Synopsis des Ech. foss., p. 173, pl. XXII, fig. 4-6, 1867. Q. 74. Testà cireulari, subpentagonali, supernè inflatà, conicà, infernè subconcavä. Tuberculis ambulacris et interambu- lacris supernè minimis, infernè et ad ambitum majoribus. Granulis numerosis, æqualibus, per series regulariter dispo- sitis. Poris simplicibus. Disco apiciali parvo; assulà impari perforatà. Ano maximo, elliptico. Ore subconcavo, deciès inciso. Hauteur, 41 millimètres ; diamètre transversal, 24 milli- mètres ; diamètre antéro-postérieur, 25 millimètres. Var. de très-grande taille : hauteur, 45 millimètres; dia- mètre transversal, 32 millimètres ; diamètre antéro-postérieur, 33 millimètres 1/2. Espèce de taille très-variable, subeirculaire, légèrement pentagonale, un peu plus longue que large; face supérieure renflée, conique; face inférieure sensiblement déprimée au milieu. Interambulacres garnis de tubercules très-petits à la face supérieure, un peu plus développés vers l'ambitus, plus SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. 519 gros encore et surtout plus espacés aux approches de la bouche. Ces tubercules sont perforés, mamelonnés et entourés d'une collerette crénelée ; ils forment des rangées verticales dont le nombre, suivant la taille des individus, varie entre douze, quatorze, seize et même vingt. Deux de ces rangées plus apparentes que les autres persistent jusqu'au sommet. Ces tubercules sont en outre, vers l’ambitus, disposés en séries horizontales d'autant plus prononcées qu’elles se rap- prochent davantage du milieu des interambulacres et ont cela de particulier qu’elles ne sont point égales entre elles et qu'à la face supérieure elles alternent avec d’autres séries composées de tubereules beaucoup plus petits. Granules abondants, homogènes, d’une délicatesse extrême, rangés au-dessus de l’ambitus comme les tubercules qu’elles accom- pagnent en séries concentriques plus où moins régulières er affectant à la face inférieure une disposition hexagonale. Ambulacres garnis de six à huit rangées de petits tubercules identiques à ceux qui remplissent les interambulacres, dis- posés comme eux en séries verticales et formant en outre des lignes obliques assez régulières. Ces tubercules sont égale- ment accompagnés decordons horizontaux et plus ou moins flexueux, de granules délicats, abondants, homogènes. Pores simples, rangés par paires plus obliques et plus espacées aux approches de la bouche. Appareil apicial très-peu déve- loppé, composé de cinq plaques génitales et de cinq plaques ocellaires, les unes et les autres distinctement perforées. Corps madréporiforme saillant, occupant une grande partie ‘de l'appareil apicial, intimement uni à la plaque antérieure de droite, entouré des autres plaques qui sont petites et sub- tiangulaires. Anus très-grand, pyriforme, ayant son extré- milé la plus aiguë tournée vers le péristome, remplissant à 520 - ÉTUDES peu près tout l’espace compris entre la bouche et le bord postérieur. Péristome subeirculaire, décagonal, assez forte- ment entaillé, s'ouvrant dans une dépression profonde de la face inférieure. Cette espèce est très-variable dans sa forme. La plupart des exemplaires que.nous connaissons sont renflés, subeo- niques. Quelques-uns cependant affectent une forme plus déprimée et se rapprochent davantage du type figuré par MM. Agassiz et Desor. Dans les individus très-jeunes, l’ambitus est plus sensible- ment pentagonal; l'anus est plus grand et il échanere d'une manière très-apparente le bord postérieur. RAPPORTS ET DIFFÉRENCES. — L'espèce qui nous occupe appartient à ce groupe des Holectypus que nous avons établi dans nos Echinides de la Sarthe (4) et dont le caractère est d’avoir les cinq plaques génitales perforées. Nous ne connais- sons encore que trois espèces se plaçant dans cette division : l'Holectypus Cenomanensis Guéranger, l'Holectypus Turo- nensis Desor, et l’Holectypus macropygus Desor. Le caractère qui les distingue est d'autant plus remarquable qu'il n’a été signalé jusqu'ici dans aucun autre des nombreux genres de la famille des Echinoconidées. Est-il suffisant pour motiver la formation d’une coupe générique nouvelle. Nous ne l'avons pas cru et provisoirement nous avons laissé parmi les Holec- typus les espèces chez lesquelles se présente cette singulière anomalie. Nous ferons seulement observer que jusqu'ici tous ces Holectypus sont crétacés, ce qui, au point de vue strati- graphique, donne à notre division plus d'importance encore. (4) Cotteau et Triger, Echinides de la Sarthe, SUR LES ÉCHINIDES FOSSILES. . 521 Cette perforation de la plaque génitale impaire est du reste un excellent caractère spécifique et suffit pour séparer nette- ment l’Holectypus macyopygus de l'Holectypus depressus et de plusieurs autres espèces jurassiques qui s’en rapprochent par leur forme plus ou moins renflée, quelquefois subeonique et la grandeur de leur ouverture anale. Parmi les Holec- typus à cinq plaques génitales perforées, celui avec lequel notre espèce présente le plus de ressemblance est l'Holectypus Cenomanensis Guéranger, de la Sarthe. Cette dernière espèce cependant sera toujours reconnaissable à ses tubercules plus petits et plus espacés, à ses granules beaucoup moins abon- dants, à sa face inférieure moins déprimée. Dans notre cata- logue des Echinides néocomiens, nous avons rapporté à l’Ho- lectypus Neocomiensis Albin Gras (Holectypus Grasii Desor) quelques échantillons de grande taille qui ne sauraient être réellement distingués de l'Holectypus macropygus. LocazirTÉs. — Saint-Sauveur, Saints, Fontenoy, Leugny, métairie Foudriats, Auxerre, Flogny, Marolles. Calcaire à Echinospatagus. Assez rare. Musée d'Auxerre, coll. Rathier, Dupin, Letteron, Gralliot, Foucard, ma collection. LOCALITÉS AUTRES QUE L'YONNE. — Bettancourt (Haute- Marne), Dampierre (Nièvre), Nozeroy, Billecul (Jura), le Theil (Ardèche) , Sancerre (Cher) , Fontanil (Isère), Neuchâtel, Sainte-Croix, Salève, Driesberg dans les Alpes du canton de Schwgtz (Suisse), hilsconglomerat de Berklingen et de Wol- fenbuttel dans le Hartz (Allemagne). Néocomien. EXPLICATION DES FIGURES. PI. LEV, fig. 11. — Holectypus macropygus, vu de côté, de ma collection. 34 522 . 12. nil . 4. . 15. . 16. AT. . 18. ÉTUDES — Le même, vu sur la face sup. — Le même, vu sur la face inf. — Plaques grossies. — Appareil apicial grossi. — Var. de grande taille, vu de côté, de ma collection. Tubercules de la face inférieure grossis. — Tubereules de la face sup. grossis. G. CoTTEAU. PIE, ; aS-) u ER F 29 F DÉNDr EL e L'Youne n ral des Jueuces hot ebuut. à [2 Rul£ d.f fouet (d Études sur les Échinides hossiles du Départemt del Yonne. P + ñ LS ?,Q # Pull. 0 Socvéré des Sciences ul et wat de L'Moume PLS5? AN # D Q\ Fe tof X Ÿ à Études sur les Échinides l'ossiles du Départem! de | Yonne. Dufl. cela duc. des Sciences fut & uat.de L'Houne PL.52 L Ali n = cludes sur les Échinides Fossiles du Departemt de 1 Yonne ut à { Societe des Saeuces fur uat de L'Youue . PL. 53. M I ] ; n [4 Codiopsis Loriu, L “hininoc L'ILLIUTIUE D [as] ca >] (ae) S! > (92) ES D ca [ei + Œ D LS > ) mo us) D c D ul dE, Societe des Scunces but ebnat. del Youne PL. 5} T. XIL | A D a Li Perriques & Auxerr. halle 0 .. | - c n : À ]) Iyposalenia stellulata Desor | Hole clypus macropygus , Vesor c0@ 53000? 2 ARTE Lh # Éuméeré de eë ji OBSERVATIONS STRATIGRAPHIQUES SUR LE TERRAIN CÉNOMANIEN DE SEIGNELAY (YONNE). En parcourant, en septembre 1858, les environs d'Auxerre, à l'occasion du Congrès scientifique de France, qui tenait en cette ville sa vingt-cinquième session, Je me suis dirigé, avec M. Moreau, d’Avallon, vers la petite ville de Seignelay. Pour un cenoman, c'était, on le devine, une assez bonne fortune que de pouvoir explorer une des localités de l’étage céno- manien citée par M. d'Orbigny. Aussi cette excursion fut-elle pour moi une source de jouissances, au nombre desquelles je place en première ligne le plaisir de la faire en si bonne compagnie, ainsi que l'avantage de saluer M. Ricordeau et de faire connaissance avec sa riche collection. Je ne mets qu’en second lieu la satisfaction, bien vive cependant, d’observer un dépôt cénomanien si éloigné du Mans et concordant si exactement par sa position stratigraphique avec les obser- vations qui ont été faites dans la Sarthe. Mais, comme ici- bas il n’y a point de plaisir parfait, j'ai dû, pour me pro- curer celui-ci, renoncer à accompagner mes autres collègues qui, ce jour-là, visitaient les grottes curieuses d'Arcy-sur- Cure et l’ancienne et célèbre église abbatiale de Vézelay. A Seignelay, l'étage cénomanien est loin d’être aussi com- plet qu'aux environs du Mans, puisqu'il n’est représenté que par une seule assise. D'où il suit que le géologue qui ne 524 TERRAIN CÉNOMANIEN l'aurait étudié que dans l'Auxerrois aurait peine à admettre toutes les subdivisions qui ont été proposées dans la Sarthe. Il faut avouer que ces subdivisions sont devenues bien nom- breuses et que, probablement, quelques-unes sont purement locales, mais les principales sont générales et constantes, ainsi que nous avons l'intention de le démontrer dans cette note, du moins pour l’une d'elles. D’après les raisons que j'exposerai tout-à-l’heure, le dépôt de Seignelay, dont l'ana- logue couronne plusieurs des collines qui dominent la vallée de l’Yonne, appartiendrait exclusivement, tant par ses carac- tères minéralogiques que par ses caractères paléontologiques, à la subdivision que nous désignons sous le nom de zône à Pecten asper. La puissance de cette couche est considérable, et, par une coïncidence heureuse, elle repose immédiatement sur le terrain albien, formation qui manque dans la Sarthe. Celle circonstance confirme l'opinion que nous avons conçue relativement à cette assise cénomanienne en la considérant comme la plus inférieure de l'étage. Dans la plaine de Seignelay, le terrain albien se montre à niveau, si j'en Juge par la rivière du Serein qui l’arrose et qui roule dans son lit de nombreux fossiles appartenant à ce membre important du terrain crétacé. Quand on gravit les hauteurs qui dominent Seignelay à l’est, on commence par trouver un sable très chlorité appartenant déjà au terrain cénomanien et qui se voit à la même place dans la Sarthe: en montant toujours on ne tarde pas à arriver aux carrières. La roche exploitée est de nature calcaire, de couleur blanche, tachant les doigts et par conséquent d’une assez faible dureté. Elle est disposée par assises régulières, excepté à la partie supérieure, où elle se trouve réduite en fragments plus ou moins anguleux noyés dans un sol friable, calcaire, de même DE SEIGNELAY. 525 origine. Le fossile le plus abondant de cette localité est un Inocérame qui s’y trouve à l’état de moule ou d’empreinte et que je rapporte à l’Inoceramus striatus, Mantell; 1n. concen- tricus, Geinitz. Vient ensuite l’Ammonites Couloni, d'Orb. En dehors de ces deux espèces, les fossiles sont rares pour le paléontologiste voyageur. Heureusement que M. Ricardeau habite sur les lieux et qu'il ne néglige aucune occasion de recueillir tous les débris organisés que l'exploitation met à découvert; sa belle collection témoignerait au besoin du zèle qu'il déploie pour rassembler les matériaux de la faune ense- velie dans cet étage. C’est au milieu des richesses accumulées par ce savant observateur que nous avons pu déterminer avec certitude la place que l’assise de Seignelay occupe dans l'étage cénomanien. À mesure que M, Ricordeau nous ouvrait ses tiroirs, nous y apercevions les espèces les plus caracté- “ristiques : le Nautilus elegans, Sow.; l'Ammonites Couloni, d'Orb.; l’Am. falcatus, Mantell ; le Turrilites tuberculatus, Bosc.; le Pleurotomaria formosa, Leymerie, l'Inoceramus striatus, Mantell; le Pecten asper, Lamk.; l'Ostrea Ricor- deana, d'Orb.; etc. Après avoir ainsi caractérisé le dépôt cénomanien de Sei- gnelay, reposant directement sur le Gault, comme appar- tenant à la base de l'étage; après avoir établi, par l’analogie des fossiles, son identité avec l’assise inférieure du même terrain dans la Sarthe, il restait encore à chercher la subdi- vision à laquelle il s’arrête dans la direction ascendante. Dans la Sarthe, l’assise qui repose immédiatement sur la zône à Pecten asper est l’assise à Scaphite. Cette subdivision ren- ferme en abondance le Scaphites æqualis, Sow.; le Baculites baculoïides, d'Orb.; l'Avellana cassis, d'Orb.; ete. Or, il est peu de localités qui offrent des circonstances aussi favorables 526 TERRAIN CÉNOMANIEN pour constater la présence ou l'absence de ces fossiles, ou même de ceux qu'on ne trouve qu'à un niveau encore supé- rieur. Je citerai : la collection de M. Ricordeau faite sur place et commencée depuis longtemps; la collection de la Société des sciences d'Auxerre, à laquelle est venue s’ajouter celle de M. Robineau-Desvoidy; la collection de M. Cotteau, et, surtout, le catalogue des fossiles de l'Yonne publié récem- ment par ce paléontologiste si consciencieux et si justement estimé dans la science ; enfin quelques collections d'amateurs résidant à Auxerre. J'ai tout consulté avec soin, documents et collections, sans trouver la trace de baculites, de scaphites, ni d’avellana. Je n'ai pas trouvé davantage les fossiles carac- téristiques des assises supérieures à la zône à scaphites, par exemple les Trigonia crenulata, Lamk.; Trig. dœdalea, Park.; Trig. sulcataria, Lamk.; etc. Je ne comprends pas néanmoins, dans l’absence remarquable que je signale, les espèces qui existent dans toute l'épaisseur de l'étage céno- manien, comme le Pecten subacutus "Lamk. ; Pect. orbicu- laris, Sow.; Pect. Gallienei, d'Orh.; Janira quinquecas- tata, d'Orb.; Rhynchonella compressa, d'Orb.; Terebratula biplicata, Defrance. Ces fossiles, qui ont existé pendant toute la période eénomanienne, se trouvent à Seignelay comme dans les autres lieux où se rencontrent des portions de cet étage, mais leur persistance ne permet pas de les appeler en témoignage quand il s’agit de constater la nature d'un simple horizon. Les caractères négatifs que je viens de signaler me parais- sent, suffisants pour résoudre la seconde partie du problème, et m’autorisent à considérer le terrain cénomanien de Sei- gnelay, qui est l'équivalent de notre zône à Pecten asper, comme s’arrêtant juste à ce niveau sans comprendre aucune DE SEIGNELAY. 527 des subdivisions supérieures qui existent dans la Sarthe. Ce qui précède me conduit aux conclusions suivantes : 1. L’assise du terrain cénomanien, qu’on désigne dans la Sarthe sous la dénomination de zône à Pecten asper, loin d'être un simple accident de localité, semble au contraire une coupe parfaitement naturelle puisqu'elle se retrouve dans l'Yonne à la même place stratigraphique, ayant les mêmes caractères minéralogiques ét paléontologiques, malgré [a dis- tance qui sépare ces deux départements. 9, Cette subdivision du terrain cénomanien, considérée dans la Sarthe, où le gault manque, comme la première dans l'ordre d'ancienneté, se trouve en effet, dans l'Yonne, repo- sant directement sur l’étage albien (partie du gault), montrant à sa base, comme dans la Sarthe, une couche de sable vert. 3. L'étage cénomanien de l'Yonne, si l’on s’en rapporte à sa faune étudiée tant dans les collections paléontologiques de la localité que dans le catalogue publié par M. Cotteau, ne dé- passe pas, dans l’ordre ascendant, le niveau de cette zône, puisque, à l'exception de quelques fossiles qui ont vécu pen- dant toute la période cénomanienne, on n'y rencontre pas ceux qui caractérisent les assises supérieures. Je terminerai cette note par une remarque qui se rapporte à un autre objet. J'ai dit plus haut que dans la plaine de Seignelay la rivière du Serein roule des fossiles de l'étage albien ; je dois ajouter qu’elle charrie également des nodules de phosphate de chaux. On sait généralement, surtout depuis que M. Elie de Beaumont à popularisé la doctrine déjà an- cienne des agronomes, combien ceux-ci recherchent tous les amendements qui renferment du phosphore. Les nodules du Serein, ainsi que les fossiles dont la plupart sont transformées en phosphates, se rencontrent en abondance au milieu de 528 TÉRRAIN CÉNOMANIEN galets sur la rive souvent à sec de ce cours d’eau, entre Seignelay et Hauterive. La collection de M. Ricordeau est remplie de fossiles ainsi métamorphosés. Depuis que j'ai signalé ce fait au Congrès d'Auxerre, je me suis occupé de l'analyse chimique des nodules que j'ai re- cueillis. J'en consigne ici la formule dans l'espoir qu'elle pourra offrir quelqu'intérêt aux agriculteurs de la contrée. Je joins à mon travail personnel l’analyse que M. de Gouve- nain, ingénieur des mines à Laval, a faite de son côté sur un autre échantillon recueilli par moi dans la même localité. Enfin j'ajoute à ces travaux deux autres analyses faites à ma prière par M. Ravin, pharmacien aussi distingué par la variété de ses connaissances que par son empressement à rendre ser- vice; c’est dans son laboratoire et avec sa coopération que j'ai déterminé chimiquement les échantillons de phosphate de chaux que je venais de ramasser à Seignelay. La différence dans les résultats obtenus fera voir que cesnodules proviennent d'un mélange à proportions variables de phosphate de chaux, de phosphate de fer, de carbonates de chaux et de magnésie, d'oxide de fer, de sable siliceux sali par de l'argile. Dans tous les essais la proportion de phosphates a été supérieure à 50 pour 100. Quelle est l’origine de ces nodules qu’on rencontre si fré- quemment dans l'étage albien ? On a parlé de coprolites; mais il est difficile d’admettre cette opinion en face d’Ammonites d'un volume aussi considérable, non seulement imprégnées de phosphates, mais totalement transformées. Je préférerais supposer un dépôt primitif de phosphate de fer qui, par un contact longtemps prolongé avec le carbonate de chaux com- posant le test des coquilles, aurait, peu à peu, fait échange de base. Cette sorte de métamorphisme par voie humide, qui DE SEIGNELAY. 529 se voit dans bien d’autres circonstances, expliquerait pour- quoi, la proportion d'acide phosphorique restant à peu près la même, Les différents échantillons renferment les uns plus de phosphate de chaux, les autres plus de phosphate de fer. 100 parties de nodules ont donné : Analyse : j de M. de Gouvenain. de M. Guéranger. Acide phosphorique 31 27 10 — carbonique k 3119 Chaux 39 20 86 Magnésie 1 » 35 Oxide de fer 6 15 19 Argile et quartz 23 33 50 100 100 » Analyse de M. Ravin. * (1) (2) Carbonaltes de chaux et de magnésie 6 3 Peroxyde de fer 12 5 Phosphate de chaux 52 67 Silice et argile 30 25 100 100 * L'analyse n° (1) a été faite sur un résidu de pulvérisation ; l’ana- lyse n° (2) sur un échantillon entier. ED. GUÉRANGER. HISTOIRE DE LA VILLE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. QUATRIÈME PARTIE. Age contemporain. CHAPITRE I. PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE, 1789-1800. Aussitôt que les députés de la nation eurent fait, sur l'autel de la patrie, le sacrifice des priviléges et constitué un peuple de frères, il fallut pourvoir aux moyens d’exécution. Alors les égoismes et les défaillances, les ambitions et les regrets se montrèrent et la réaction s’opposa aux conséquences du vote. Lepeletier, toutefois, resta dans les voies d’une révolution largement populaire, et la logique lui donna ce qui manquait de fermeté à son caractère. Organisés en milice civique conformément à ses inspirations, les habitants de Saint-Fargeau lui conférèrent, le 1% septembre 1789, le titre de colonel d'honneur, et le 43 il leur répondit : « « EC « « « « « « HISTOIRE DE LA VILLE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 531 « J'accepte, Messieurs, le grade d'honneur auquel vous avez bien voulu me nommer; c’est une marque flatteuse de votre estime et de votre confiance, je vous prie de recevoir toutes les expressions de ma sensibilité. «Je vous enverrai par l'ordinaire prochain des détails sur l'acquisition de nos 200 fusils. Je ferai l'avance du paie- ment, dont un tiers restera à ma charge, et je vous pricrai de me faire remettre les deux autres tiers par M. Frémy.… « L'Assemblée nationale n’a encore fait aucun règlement pour les milices nationales; elle s'occupera auparavant et très-incessamment de l’organisation des municipalités. » Ces 200 fusils furent achetés, peu de temps après, à la manufacture de Charleville, à raison de 10 fr. l’un. La ville de Saint-Fargeau s'était mise, en même temps, en instance pour obtenir un siège de justice royale. Lepeletier répondit à ce sujet à la municipalité : € Il y a, Messieurs, un comité de judicature formé dans le sein de l’Assemblée nationale. Je leur ai remis le mémoire que vous leur avez adressé. Je l'appuierai de tous mes moyens lorsqu'il sera question de déterminer les lieux où seront éta- blies les justices royales. Je regarde comme très-intéressant pour nous d'en obtenir une, et je crois que notre distance de toute autre ville nous donnera un droit légitime pour l’obte- nir. Je vous instruirai exactement de mes démarches sur ce point. » Cependant des partis, des agitations, des troubles se mani- festent à Saint-Fargeau comme dans toutes les parties du royaume. Le 14 septembre, les Augustins font signifier à la ville, par un huissier, qu'ils ne veulent plus tenir le collége en leur 532 HISTOIRE DE LA VILLE maison conventuelle. Le 47, la ville vote un traitement et se met en quête d'un principal. Des dégats considérables sont commié dans les bois commu- naux de Bailly, et la municipalité prend des mesures pour les empêcher. Mais le syndic, M. Lemaïgre de Saint-Maurice, se sépare de ses collègues en cette occasion; il convoque seul des assemblées d'habitants, fait battre la générale et jette l’effroi dans la population. Le 30 novembre, les officiers municipaux défendent ces attroupements, provoquent une ordonnance re- pressive en vertu de la loi martiale et décident qu’il sera rendu compte de la conduite de M. Lemaïgre. Le 13 décembre, elle reçoit pour instituteur Jean-Baptiste Le Roy, grammairien, et elle arrête, pour la direction des écoles communales, un règle- ment portant en substance que le choix de livres de lecture, latins et français, appartiendra au curé; que celui-ci et les offi- ciers municipaux et de justice auront le droit de visiter les écoles, d'interroger les enfants, d'examiner leurs progrès et d’aviser, avec le maître, à toutes les améliorations possibles ; enfin que ce dernier sera tenu de donner, au moins trois fois par semaine, une lecon de chant aux enfants reconnus aptes à suivre cetenseignement. Pas plus que les autres actes de l'administration, ce règlement n'eut l'approbation de la majorité des habitants. Le 26 janvier 1790, M. Lemaîgre fut nommé président de la municipalité. Cependant, le receveur et les officiers au grenier à sel de Saint- Fargeau avaient requis le corps municipal d'employer la force pour empêcher la vente sur la place publique d'une grande quantité de sel qu'ils appellent du faux sel, parce qu'il ne sort pas des magasins de l'Etat, et la municipalité avait décidé, le 9 janvier, sans se concilier pour cela la bienveillance des habi- tants, que la vente du sel étant devenue partout libre, sans que ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 533 l’Assemblée nationale y mit obstacle, les citoyens considéraient ce droit comme attaché à la conquête de la liberté; que ce serait provoquer à la guerre civile que d'en empêcher l'exercice, et que les ofliciers du grenier à sel pouvant requérir directement la la force publique, il n'y avait pas lieu de prendre l'initiative d’une pareille mesure. La célérité que nous admirons aujourd’hui dans la vapeur et l'éléctricité, employées comme agents de nos relations, était alors dans l'administration des affaires publiques. Le 25 janvier, la France était divisée en départements ; le 27, le comité de constitution donnait son avis, et le même jour la nouvelle organisation était sanctionnée par un décret. Le département de l’Auxerrois fut alors composé de sept districts : Auxerre, Sens, Joigny, Saint-Fargeau, Avallon, Ton- nerre, et Saint-Florentin, et le district de Saint-Fargeau de huit CanLons : Saint-Fargeau. Saint-Martin-des-Champs. Lavau. Ronchères. Saint-Fargeau. . ... Saint-Sauveur. Saints-en-Puisaye et le Deffand. Saint-Sauveur. .... Fonienon Moutiers. Sainte-Colombe. Lalande. Treigny. SOA RERO EL Perreuse. Sainpuits. 53% Druyesre Mézilles... Bléneau...... Champignelles . ... ss. HISTOIRE DE LA VILLE Druyes. Etais. Andryes. Taingy. Fontenailles. Molesme. Thury. Sougères. Lainsecq. d | Lain. ..... | Mézilles. | Villeneuve-les-Genêts. ....t Tannerre. Septfonds. Fontaines. . Bléneau. \ Champcevrais, | Rogny. | Saint-Eusoge. | Saint-Privé. ‘ Champignelles. Louesme. Saint-Denis. * Grandchamps. Les administrateurs du district, élus les 3 et 4 mai, se réu- nirent le 5 au chef-lieu, et l'administration fut composée ainsi qu'il suit : Président : Jean-Baptiste de la Bergerie, membre de l’Aca- démie royale d'agriculture, maire de Bléneau; Secrétaire : Louis Dhumez, avocat à Saint-Fargeau ; ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 535 Procureur-syndic : Sébastien Epoigny, avocat au Parlement : Administrateurs : Jacques Florent, procureur fiscal du comté de Saint-Fargeau ; Pierre Merlot, négociant; Pierre Simonnet, chirurgien, demeurant à Sougères ; Claude-Joseph Dardenne, notaire ; Claude-Louis Guy, notaire royal, demeurant à Treigny ; Pierre Gaudet, géomètre; Edme Loury, bourgeois, demeurant à Taingy; Jean Morienne, marchand et laboureur, à Fontaines ; Jean Thomas, notaire à Lainsecq; Jacques-Etienne Bélacq, maire de Fontenoy; et Nicolas Serrurot, colonel de la milice nationale de Champignelles. Le 19 juin, l’Assemblée nationale, qui avait supprimé les corporations religieuses le 43 février, discutait l'abolition des titres nobiliaires, et M. de Noailles s’exprimait ainsi : « [Il me semble que l'assemblée ne doit pas s'arrêter long- « temps à des dispositions qui dérivent de votre constitution. Ne « reconnaissons de distinction que celle de la vertu. » Après le vicomte, le comte, c'était une seconde représentation de La nuit du août: « Je ne viens point ici, » dit Lepeletier, « faire l'hommage « des titres de comte et de marquis; je n'ai jamais pris ces « noms, quoique j'aie possédé quelques ci-devant comtés et « Mmarquisats. Au moment où on vous demande des articles qui « soient le complément de votre constitution, je crois qu’il est bon d’ordonner que chaque citoyen ne pourra porter d'autre « nom que celui de sa famille et ron point celui d’une terre. « Je vous demande la permission de signer ma motion : Louis- Michel LePELETIER. » Ici, il faut bien le dire, Lepeletier avait à cœur de faire ou- blier qu’il s'était un jour séparé de l’Assemblée nationale avec la minorité de la noblesse. Il aspirait à la présidence de l’as- semblée, et un écrit intitulé : Bulletin de la grande assemblée EN ES À 536 HISTOIRE DE LA VILLE du club des Jacobins, lui ayant amèrement reproché ce dernier jour d’aristocratie, Lepeletier avait répondu par la voie de la presse : À « Eloigné par caractère et par principes des idées extrêmes, mon système était celui de la conciliation, que je ne croyais pas impossible. J'ai constamment fui les comités particuliers et clubs de la majorité qui, alors aussi, étaient le chemin des places distinguées dans la chambre de la noblesse, et où se préparaient les délibérations. » « Si, avec la minorité, je ne me suis pas réuni à l'assemblée nationale, j'ai partagé ce prétendu reproche avec plusieurs membres du ci-devant ordre de la noblesse, dont il suffirait de citer les noms pour rappeler les idées de révolution, de liberté, et pour désigner leurs plus zélés défenseurs. « L'assemblée nationale n'avait pas encore rendu son décret sur les cahiers impératifs ; une délicatesse qu'on peut blämer suspendait les démarches de plusieurs bons citoyens, et le cahier de la noblesse de Paris avait cela de particulier qu'il prêtait à deux interprétations ; cela a opéré une scission appa- rente entre les membres de cette députation, mais nous avons mutuellement honoré et respecté nos motifs dans une lettre commune que nous leur avons adressée aussitôt après cette réunion. « Tels sont les faits que le public ignore, parce que la chambre de la noblesse délibérait à huis-clos. € 5 juin au soir. » Cette explication, pour être tardive, n'en eut pas moins un plein succès. Lepeletier fut appelé à la présidence de l'assemblée nationale. Presqu'en même temps, le district de Saint-Fargeau ouvrit sa session par un discours du procureur-syndic. « K = À { CD < « ANT, TAN K < « Æ À « « ES « « « « « « ES ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 537 « Une province longtemps opprimée, dit M. Epoigny, par les agents du pouvoir arbitraire, libre enfin d’élire ses adminis- trateurs, nous à honorés de son choix et remis ses intérêts les plus sacrés. Elle vous demande l’ordre et le bonheur. Chacun des citoyens soumis à notre administration attend de nous impartialité, justice et protection, et la mesure de leurs espé- rances est, Messieurs, celle de nos devoirs. « Immédiatement placés par la constitution entre l'assemblée du départemént et les municipalités de votre ressort, vous tenez le milieu dans la chaîne de l’administration. « Dans cette échelle des pouvoirs, nous sommes subordonnés à l'administration du département; les municipalités le sont à la nôtre et ne doivent point reconnaître d'autre autorité immédiate. « Vous saurez donc concilier le respect et l’obéissance que nous devons à l'administration supérieure avec le maintien de l'autorité qui vous est attribuée. « Vous apporterez le même tempérament dans votre conduite à l'égard des municipalités. Nous leur devons, Messieurs, tout ce qué nous avons nous-mêmes droit d'attendre de l'administration du département, des égards et une confiance éclairée. € Plus attentifs à prévenir les fautes que jaloux du triste avantage de les punir, vous vous garantirez également et de ce zèle amer qui trop souvent fait servir l'intérêt public de masque à des passions méprisables, et de linsouciance qui dissimule les abus pour ne pas être obligée de les ré- primer. € Surtout, Messieurs, si vous voulez qu’on respecte vos déci- sions, qu'elles tendent toutes à l'utilité générale. Que le zèle du bien public seul préside à vos délibérations. Supérieurs 35 38 HISTOIRE DE LA- VILLE aux illusions les plus séduisantes, oubliez, je ne dis pas votre intérêt personnel, ce sacrifice n’en serait pas un pour vous, mais celui de vos proches, de vos amis, de votre pays même, pour ne vous souvenir que de votre qualité d'hommes publics et d'administrateurs. C’est à ce prix que sont la considération publique et votre propre estime. « Vous, Messieurs, qui êtes faits par vos places, et plus encore par votre civisme pour servir d'exemple à toutes les municipalités de ce district, tous les citoyens armés accou- rent en ce moment à la voix de leur roi et vont se confédérer pour le maintien de la constitution. Ces généreux citoyens offrent tout leur sang à la patrie. Et nous aussi, à qui elle ne demande que des vertus tranquilles, faisons entre nous une sainte confédération dont le bien public soit l’objet. « Citoyens, qui nous faites l'honneur de nous entendre, sou- tenez-nous par votre bienveillance dans les fonctions aux- quelles vous nous avez appelés. En choisissant des hommes, vous avez dû prévoir qu'ils pourraient quelquefois payer un tribut à la faiblesse humaine, et, sans exiger de nous une perfection chimérique, vous comptez pour quelque chose la pureté de nos intentions et le sacrifice que nous avons fait de notre tranquillité pour assurer la vôtre !.… La grande fête de la fédération à laquelle ee discours fait allusion occupait alors tous les esprits. Lepeletier avait écrit au district qu'il recevrait chez lui les gardes nationaux qui se rendraient à Paris pour cette cérémonie, et le district, dans sa première séance, en acceptant cette offre généreuse et en félici- tant Lepeletier de sa nomination à la présidence de l'assemblée nationale, répondait : « « Le président a fait lecture à haute voix de votre charmante lettre, qui nous a été communiquée, séance tenante, par ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 539 « M. de Saint-Maurice. Tous les administrateurs et le public « ont applaudi à vos offres que vous faites d’une manière si « engageante et dans un style si fraternel. » Fixée au 14 juillet, la fête de la fédération eut son corollaire dans toutes les communes du royaume, le même jour, et pour but final le serment à la constitution de tous les corps con- stitués. Les honneurs de la fête appartinrent toutefois plus spéciale- ment à la garde nationale, chargée de conserver et de défendre les institutions nouvelles, et comme tout était sujet de discourir, ce fut le commandant Borsat qui prononça, dans l’église de Saint-Fargeau, le discours de circonstance. « Paris, » dit l’orateur, « renferme dans ses murs, à l'instant, « Messieurs, où j'ai l'honneur de vous adresser la parole et d’être « écouté de vous, les députés de vingt-cinq millions de citoyens, « en présence d’un roi chéri, le restaurateur de leur bonheur « comme de leur liberté, en présence des augustes représen- € tants d’une nation libre, puissante et fière de sa régénération, « pour faire en votre nom le serment solennel de nous vouer « mutuellement amitié, force et secours, d'être fidèle à la na- « tion, à la loi et au roi, de maintenir et défendre avec courage € jusqu’à l’épuissement de nos forces et jusqu'au dernier soupir « les décrets de l'assemblée nationale, la nouvelle constitution, « cette constitution qui porte et renferme en elle tous les carac- « tères d’une précieuse liberté, qui respecte et protège la reli- « gion de nos pères, qui présente tous les attributs de la « bienfaisance et de la gloire, qui régénère le peuple français, « qui va faire disparaitre les abus, faire prospérer le bien pu- « blic, faire régner la paix et l'union parmi nous et faire de « tous les citoyens des frères et des amis ! L'orateur oppose ensuite, au tableau de l'oppression de l'an- 940 HISTOIRE DE LA VILLE cien régime et de la diversité des lois et des coutumes 2maginées la plupart dans le dédale ténébreux de l'anarchie féodale, ouvrage informe et monstrueux qui, partout en opposition avec lui-même, partout divisait les citoyens au lieu de les unir, l'image de l'égalité entre tous les hommes n’aspirant à se distinguer que par leurs talents et leurs vertus, et de la sa- gesse des délibérations de l'assemblée nationale d'où va émaner le décret définitif qui doit assurer la sécurité à tout l'empire français et embellir l'ordre judiciaire des charmes de l'uni- formité. Puis, après avoir réclamé les prières du clergé pour la prospérité et le bonheur des peuples, rappelé aux différentes administrations et aux gardes nationaux la sainteté du serment qu'ils allaient prêter, en présence du Dieu de paix, du Dieu des armées, du Dieu terrible aux parjures, 1 termine ainsi : « Que cette cérémonie auguste, Messienrs, resserre entre nous les liens de la fraternité, et persuadons-nous que ce ne sera que par l'unité de nos principes et de nos sentiments que « nous nous rendrons vraiment redoutables à nos ennemis, et € que nous entretiendrons sans cesse sur cet autel de la liberté « le feu pur et sacré de l'amour de la patrie! » Dix jours après, l'assemblée nationale votait la constitution civile du clergé, source cet prétexte de nouvelles agitations. Bientôt, en effet, on apprend que les gentilshommes de la Puisaie ont signé une protestation contre les décrets de l’assem- blée, et, à cette nouvelle, les habitants de Lain, Sementron, Levis, Thury et paroisses voisines se réunissent en ce dernier lieu, menacent d’envahir et de détruire le château de Test-Milon, appartenant à M. André, l’un des signataires de la protestation, et celui-ci s'enfuit pendant que le directoire du département prend un arrêté qui déclare responsables des événements toutes les municipalités voisines du lieu menacé. En même temps, la À À ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. o41 municipalité de Saint-Fargeau reçoit une pétition qui lui dénonce la même protestation, revêtue de 46 signatures; la garde natio- nale est convoquée ei la pièce incriminée est brûlée en place publique. Cependant les prêtres du district de Saint-Fargeau se sou- mirent promptement à la constitution civile du clergé, car, dès le 42 février 1791, l'administration annonçait à Lepeletier que tous, sans exception, avaient prêté le serment exigé et deman- dait, à ce sujet, une mention honorable dans le procès-verbal de l'assemblée nationale, car cet hommage, ajoute le directoire, est dû à nos ecclésiastiques, et nous ne le sollicitons que comme une justice que nous leur croyons due. Ce résultat n'empêcha pas toutefois le curé de Saint-Fargeau de suspendre brusquement ses instructions paroissiales. Deux partis étaient en présence. L'un menaçait le curé s’il officiait, l’autre s’il n’offi- ciait pas. L'administration du district intervint et ealma avec peine l’effervescence populaire. Elle s'occupait, en même temps et avec beaucoup de zèle, de grands travaux d'utilité publique. Le pont de Bléneau avait été inauguré, la route de Saint- Sauveur à Cravan était en construction entre la Chapelle et les Galemberts, et l’on provoquait, dans un intérêt public d’huma- nité, le dessèchement des marais de Druyes et de l'étang de Treigny. Du reste, l'historique de la construction du pont de Bléneau nous à été conservé dans une note de Ja brochure que M. de la Bergerie à publiée sur l’organisation et la classification des travaux publics, in-8°, 1792, imp. nationale. Cette note est ainsi Conçue : « Les citoyens de Bléneau, chel-lieu de canton du district de € Saint-Fargeau, département de l'Yonne, sollicitaient, depuis «€ vingt ans, la reconstruction d’un pont sur la rivière de Loing, 542 HISTOIRE DE LA VILLE « « « qui partage la paroisse; l’intendant d'Orléans n'avait pas même daigné leur faire réponse. € En 1790, époque où il n’y avait plus d’intendant, et où les corps administratifs n'étaient pas organisés, ils concurent le projet de faire faire eux-mêmes ce pont; une assemblée géné- rale fut convoquée : on y destina 2000 livres qui étaient dans la bourse commune. Cette somme ne suflisait pas; ‘elle fut destinée principalement à la main-d'œuvre; tous les labou- reurs offrirent de conduire gratis les matériaux ; les fournis- seurs de chaux et ciment donnèrent ces matériaux au prix coùtant : tous les citoyens ayant des voitures les fournirent gratis; les citoyens manouvriers donnèrent chacun 5 à 6 journées pour les déblais. Tous les dimanches et fêtes, après l'office, hommes, femmes, enfants, sans distinction, les maire et‘officiers municipaux à la tête, démolissaient des portes et créneaux de la féodalité, conduisaient les matériaux néces- saires pour la semaine. En deux mois, nous avons bâti (car je suis citoyen de Bléneau) un pont à trois arches : nous n'avons déboursé qu'environ 5000 livres. Si l'administration des ponts et chaussées s’en fût mêlée, nous ne l’aurions pas eu de dix ans : il eût coûté plus de 20,000 livres. » « Par décret de l'assemblée constituante, il s'appelle le pont de la Liberté. «Je crois que c’est le premier monument élevé à cette divinité tutélaire de la France, » Lepeletier, de son côté, était tout à son projet de code pénal. Disons d'abord en quels termes un savant magistrat a jugé ce travail ; nous en ferons ensuite un résumé suceint, et nous exprimerons à ce sujet notre opinion personnelle. « « Ce qui distingue, » dit M. le conseiller Pinard, « le travail de Michel Lepeletier sur la législation pénale, c’est le sen- « CN « K « K K « D, MAO, TA 4 À À À À ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 543 timent de l'humanité qui l'a inspiré et qui l’anime, qu'on remarque chez tous les hommes de l'assemblée constituante, et qui est un des traits principaux de la physionomie de cette époque. Lepeletier est humain sans exagération et sans fai- blesse, avec quelque chose de grave et de sensé, humain, en un mot, comme devait l'être un magistrat qui, dans les ardeurs de son zèle politique, ne peut oublier la mission qu’il a remplie, et songer à sacrifier l'intérêt de la société à d’a- veugles et imprudentes théories ; il ne cherche pas à dénaturer le sens des choses et des mots ; le crime, pour lui, c’est le crime, c'est-à-dire un acte réfléchi de la perversité humaine, dont l’homme doit compte à la loi, et il ne lui vient pas à la pensée d'en faire une de ces maladies involontaires de l’âme, que la société ne punit que parce qu'elle ne sait pas les guérir. Il s’y prend d’une toute autre manière et, à la veille d'une révolution qui va briser tant de liens, il a soin de dé- clarer que la plus dangereuse de toutes les erreurs poli- tiques serait le système de l'impunité dans le crime. Ce qu'il veut, c'est ce que voulaient les esprit les plus éclairés les plus généreux et les plus sages : la réforme d’une légis- lation devenue impuissante à force d'être barbare, et des lois pénales qui ne fussent pas désavouées par la raison, par le bon sens et l'humanité. El s’agit seulement de savoir s’il n’a pas été trop loin, et s'il n’a pas dépassé, à force de ménage- ments, le but qu'il voulait atteindre. Ainsi, sous l'empire des anciennes ordonnances, la peine de mort est prodiguée; on la prononçait dans cent seize cas ; elle reparaît sous toutes les formes, accompagnée de tortures et de supplices qui ne sont, en réalité, que les enjolivements d’une cruauté en délire. Par contre-coup, il demande l'abolition entière et absolue de la peine de mort, dans tous les cas, si cè n’est dans un seul, 544 HISTOIRE DE LA VILLE € et dans celui de tous qui exigeait le moins cette expiation « irréparable. » Le projet de code pénal de Lepeletier ne traite que de la justice criminelle. Les idées qui ont inspiré l’auteur et qui dominent sa pensée, au point de vue philosophique et humanitaire, peuvent se résumer ainsi : 1° Décroissance dans la rigueur de la peine, à mesure que la peine s’accomplit; 2° Isolement plus ou moins absolu des condamnés, suivant le degré de la peine ; Jo Amélioration dans le régime alimentaire des condamnés en y affectant exclusivement le produit de leur travail ; 4° Exposition fréquente des condamnés aux regards du peuple; 5° Conservation de la peine de mort, seulement pour les crimes politiques ; 6° Réhabilitation des condamnés attribuée au conseil général de chaque commune dix ans après l'expiration de la peine, et faculté de renouveler de deux ans en deux ans une demande précédemment rejetée ; T° Enfin, placement du duel au nombre des crimes, quels qu’en aient été les résultats, et condamnation des duellistes à être exposés en public revêtus d’une armure et à être ensuite déte- aus, pendant deux ans, dans une maison d’aliénés. « Michel Lepeletier, » dit M. Pinart, » repousse les peines « perpétuelles, la perpétuité des peines qui mène au désespoir € étant inconciliables avec l’expiation et le repentir; il veut « des peines dont la rigueur soit décroissante, afin que le cou- pable voie luire l'espérance du fond de son cachot, et rentre € dans la société déjà lavé de son crime, accoutumé au travail, À ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 545 « à la subordination, et à moitié réconcilié avec les autres et « avec lui-même. » Ces principes nous semblent d'une âme honnête et d’une saine philosophie. L'isolement des condamnés a été également bien compris. Lepeletier ne l’érige point en système, système barbare de tor- tures morales ; il en fait une peine, graduée suivant les crimes, et lui conserve ainsi son véritable caractère. L'amélioration du régime alimentaire des condamnés par le produit exclusif de leur travail peut être la conception d’un rêveur philanthrope; mais ce n’est point une idée pratique, car les condamnés débiles, maladifs, précisément ceux dont l’état réclame une nourriture et des soins particuliers, sont impuis- sants à se procurer ce nécessaire, tandis que les hommes d’une constitution robuste peuvent sans efforts se procurer une source de satisfactions superflues contraires au régime des prisons. Quant à l'exposition aux regards du peuple, Lepeletier s’ex- prime ainsi dans son exposé des motifs : « Une seule fois par mois, les peines du condamné ne seront « pas solitaires; les portes du cachot seront ouvertes, mais ce « sera pour offrir au peuple une imposante lecon; le peuple « pourra voir le condamné chargé de fers, au fond de son dou- « loureux séjour, et il lira en gros caractères, au-dessus de la « porte du cachot, le nom du coupable, la peine et le juge- « ment. » Il nous paraît difficile de résumer en moins de mots un plus grand nombre d'idées fausses et monstrueuses. Quelle moralisation que d'éteindre, dans une longue série d'humiliations, le dernier sentiment qui pouvait rester à l'homme de sa propre dignité et qui fût capable de le relever un jour de sa déchéance! Quelle éducation que le spectacle hideux du 546 HISTOIRE DE LA VILLE crime et de la souffrance! Quelle justice que cette solidarité infamante entre tous les membres d’une même famille et d'un même nom | Lepeletier, qui se montre ici du reste sans pitié pour les tor- tures morales, avait dit lui-même, en demandant ja suppression des tortures physiques : « Ces spectacles cruels dégradent les « mœurs publiques, sont indignes d’un sièele humain et éclairé; € la raison et la philosophie les proserivent. » L'abolition absolue de la peine de mort, envisagée au point de vue préventif des crimes, justifie peut-être les réserves de M. Pinart; mais au point de vue religieux, l’homme a-t-il le droit de disposer de la vie de son semblable, et n'est-il pas permis aux àmes habituées, dans les agitations de la vie, à se réfugier au sein de Dieu, d'espérer que l'avenir effacera de nos lois une peine qui répugne à beaucoup de consciences honnêtes, et qui fut infligée au plus juste des hommes. Malheureusement Lepeletier n’a point placé la question à ce point de vue élevé : législateur débonnaire, il propose l'abolition de la peine de mort; mais législateur inconséquent, il en de- mande le maintien pour les crimes politiques. Cette faute, du reste, a une grande valeur historique. Elle nous revèle, dans les moyens extrêmes dont Lepeletier, malgré ses répugnances, veut fortifier la loi, les orages qu’il entrevait dans l'avenir, et elle nous explique son impitoyable logique quand le danger prévu se présente à ses yeux, actuel et fatal. La réhabilitation des condamnés est une haute idée philoso- phique, et, quoique la pratique en soit difficile, elle n’en est pas moins digne de fixer de nouveau l'attention du législateur. Quant aux moyens imaginés par Lepeletier pour réprimer le duel, ils ne sont que singuliers ou bizarres, parce qu'un crime étant, suivant l'expression de M. Pinart, un acte réfléchi de la ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 547 perversilé humaine, tant que le duel sera dans nos mœurs pro- tégé par le point d'honneur, c’est à l'éducation, à l’enseigne- ment moral qu'il faudra demander de flétrir un usage barbare qui ne prouve rien, ne répare rien et ne justifie rien, avant de le déférer à la loi pénale. Bientôt les événements se précipitent. M. Rougier de la Bergerie quitte la présidence du district pour siéger à l'assemblée législative où l'ont appelé les électeurs du département de l'Yonne, et Lepeletier descend de la prési- dence de l'assemblée constituante à la présidence du directoire de ce département. M. Borsat, enfin, que nous connaissons déjà comme capitaine de la garde nationale, remplace M. de la Bergerie à la présidence du district de Saint-Fargeau, et son discours d'installation, du 17 octobre 1791, rappelle parfaitement l'excellent homme que nous avons entendu s’écrier un jour, vivement ému et désolé au fond de n'avoir pas les sympathies de tous ses concitoyens : Oui, je veux que les méchants me détéstent ! S'ils m'aimaient, On pourrait croire que j'ai quelque chose de commun avec eux. « Votre estime, » dit-il à ses collègues qui l'avaient élu à « l'unanimité, « vos sentiments pour moi, ceux dont je suis € pénétré à votre égard, le désir que j'ai de partager avec vous « la reconnaissance de la patrie qui doit être la récompense de € nos travaux, m'aideront à applanir les difficultés que je pour- « rai rencontrer dans le cours de la carrière que je vais com- « mencer et me faciliteront les moyens de m'en acquitter. » M. Epoigny, procureur-syndie, répondit, dans ce style concis que nous connaissons déjà, mais que l'expérience rend plus nerveux, même un peu amère : « Exposé, pour prix de vos efforts, à ne recueillir que l'ingra- À « 48 HISTOIRE DE LA VILLE titude et les calomnies des administrés, il vous arrivera peut- être, comme au citoyen que vous nous rendez sans nous le faire oublier, de tourner quelque fois vos regards vers la vie privée que vous venez de quitter. « Mais alors ne vous découragez pas et, satisfaits des senti- ments de votre propre conscience, et de l’estime et de l’atta- chement de vos collègues, sachez mépriser des tracasseries à l’abri desquelles un homme publie ne peut pas se mettre et qui ne doivent jamais détourner le sage de la route qu'il s’est une fois tracée. » | Lepeletier prit également possession de sa présidence, le 25 juillet 1792, par un discours qui marque d'autant plus dans sa vie politique, qu'il n’en n’a jamais prononcé qui approche de ceite valeur et de cette force, sur un plus grand théâtre. Le voici tout entier : « « « « « « « « « « Citoyens, «Il est de l’essence d’une administration franche et populaire de délibérer devant le peuple. « Cette conséquence, qui dérive des principes de notre consti- tution, ne pouvait pas être longtemps méconnue. Aussi déjà nos législateurs ont-ils émis leur vœu pour la publicité des séances des corps administratifs. « Nous n'avons pas cru devoir attendre que cette loi désirée ait reçu son complément, et dès aujourd'hui nous en adoptons les dispositions salutaires. « En effet, quelles circonstances plus impérieuses que celles où nous nous {rouvons, pouvoient commander de rapprocher le peuple de ses magistrats? « Quand cette correspondance prompte, entière, intime, pouvoit-elle être plus nécessaire qu’en cet instant, où tous les « {€ « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 549 événements peuvent être importants, où les mesures doivent être générales, où sur les frontières de l'Empire toutes les forces sont développées, où tous les ressorts intérieurs sont tendus; à cette époque où toutes les intrigues s’agitent, où toutes les passions fermentent; en un mot, lorsque la crise politique est pârvenue à son dernier période, en telle sorte que tout puisse être extrême, les inquiétudes comme les espérances, nos prospérités ainsi que nos maux ? « Citoyens, nous n'avions pas besoin pour vous-mêmes de la publicité de nos délibérations ; car, nous pouvons le dire, votre présence n’ajoutera rien à notre zèle. « Mais délibérer devant vous est une satisfaction pour vos Administrateurs ; ils désirent d’être entendus, d'être jugés par leurs concitoyens ; c’est une récompense dont notre patrio- tisme est flatté. « Déjà les principes que nous professons vous sont connus ; dès longtemps les marques de votre confiance ont fécondé nos eflorts : quelquefois même vous avez estimé jusqu’à notre silence. « En eflet, citoyens, vous n'avez pas trouvé les noms de vos administrateurs à la suite de cette longue file d'adresses éphémères et si promptement désavouées, qui, tandis que des vérités sévères avaient droit de se faire entendre, lorsque tant de souvenirs fàâcheux accumuloient de pénibles défiances sur l'avenir, supposoient encore dans la bouche même du peuple le langage vieilli de l’adulation, dans la bouche du peuple, qui jamais ne fut souillée par la flatterie. « Loin de nous ces petites manœuvres de l'intrigue : son cercle étroit ne nous enveloppera point. «Loin de nous surtout cet engourdissement politique, ce poison destructeur de toute énergie, le froid modérantisme… 550 HISTOIRE DE LA VILLE € alliage monstrueux de la servitude et de la liberté, sentiment «€ mixte, système faux dans les temps de crise, que Solon pu- « nissait dans Athènes, qu'en France tous les partis flétrissent € par le mépris, impuissant pour la chose publique, fatal à « celui-là même qui l’adopte, et dont les demi-moyens, épuisés « bien avant le terme de la carrière, nous la font voir toute « jonchée des débris de tant de réputations échouées, de tant « de héros avortés, qui n'ont pu fournir la course de la révo- « lution tout entière. « Administrés, administrateurs, que le danger de la patrie « nous rapproche et nous unisse encore davantage ! Soyons forts « de notre confiance mutuelle, élevons-nous ensemble à la hau- € teur des circonstances. Qu'un mouvement prompt et rapide « obéisse au premier signal que nous donneront nos législa- « teurs, qu'aucun effort ne nous coûte, qu'aucun désastre ne « nous abatte, qu'aucune mesure, quelle qu’elle soit, ne nous { paraisse extrême, si pour le salut du peuple nos représen- « tants l'ont jugée nécessaire; en un mot, que rien ne nous «€ semble impossible, sinon de supporter la honte de rétrograder « vers la servitude. » À peine installé, Lepeletier vint se présenter à l'assemblée législative et y rendre compte de l’état de l'opinion publique dans le département qu'il signale comme franchement attaché à la révolution, et annonce que rien ne peut entraver la marche de l'assemblée, ni un monarque lié à la constitution par son intérét même, ni des ministres perfides, ni des prêtres hypo- crûtes, ni les clameurs des bords du Rhin, ni les rois coa- lisés. | Lorsque l'assemblée constituante se sépara, Lepeletier avait été élu juge au tribunal de la Seine, et son refus avait blessé vivement les susceptibilités populaires. Il ne fut point appelé à ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 551 l'assemblée législative. C'était une lutte à la course entre la révolution et l'ex grand seigneur. Dépassé par elle en 1794, Lepeletier voulut la dépasser en 1792. Cette attitude assura son élection à la Convention nationale. 11 débuta dans cette grande et terrible assemblée par un discours en faveur de la liberté de la presse, qu'il veut sans entraves et sans restrictions, non qu'il en approuve les excès, mais parce qu'une loi limitative serait plus abusive encore. « Du reste, personne ne m'accusera, » dit-il, « d’être le com- plice et le fauteur des agitateurs. Dans l'assemblée consti- tuante, je n'ai connu que par oui dire le tarif et la théorie des agitations. On disait alors que ce tarif montait depuis trente- six livres jusqu’à cent mille éeus. < K ( PAT -AVr PR. PS « « Depuis que j'ai eu la confiance du département de l'Yonne, pour présider son administration, je crois qu’il n’y a pas eu « dans la république un département où les lois aient été mieux « respectées. Enfin personne n’a moins que moi le goût et les « intérêts des agitations. » À ES Malgré le ton modéré de ce discours, on comprit que Lepe- letier appartenait désormais à la révolution et qu'il n'avait plus rien à lui refuser. Les Girondins avaient préparé le mouvement insurrectionel du 10 août, mais c'étaient les Montagnards qui l'avaient exécuté et ceux-ci se trouvaient maitres de tous les pouvoirs avec la commune qu'ils avaient créée. Ce pouvoir illégal, du reste, dominant le pouvoir légitime, avait expédié partout des commissaires pour surveiller l’admi- nistration des distriets. La mission de ces commissaires dans le département de l'Yonne a provoqué à Saint-Fargeau, le 48 septembre 4792, une énergique et noble protestation, d'autant 552 HISTOIRE DE LA VILLE plus honorable qu’elle fut arrêtée en séance publique du conseil du district. La voici tout entière : « « « Vu l'arrêté du conseil général du département de l'Yonne du 43 septembre, imprimé à la suite d’un procès-verbal dressé, en la séance du 10, par des commissaires envoyés par le pouvoir exécutif sur la présentation du'conseil général de la commune de Paris, portant établissement d'un comité de surveillance des opérations des administrations de districts du ressort, chargé de recevoir les dénonciations qui pour- raient être faites contre elles, ainsi que les réclamations contre les tribunaux judiciaires, avec ordre de faire imprimer ladite réquisition et de l'envoyer à tous les districts et munici- palités; «M. le procureur-syndic entendu : « Les administrateurs considérant que, d’après le titre même de ces agents du pouvoir exécutif provisoire, leur mission était bornée à presser l'exécution de la loi du 28 août dernier, que leur réquisition du 10 était absolument étrangère à cette mission, et que le conseil du département n’a pu y déférer que d’après des considérations très puissantes qu'ils ne doivent pas chercher à pénétrer; « Que la loi, qui rend publiques toutes les délibérations des corps administratifs, place ces corps sous la surveillance générale des administrés, et que cette publicité est un véri- table triomphe pour des administrateurs probes et bien inten- tionnés, pour qui c’est un besoin de s’environner de la confiance de leurs concitoyens; « Mais qu'un comité de surveillance tel que celui que le dé- partement a reçu est une sorte d’inquisition, inutile si les administrateurs sont au niveau de leurs fonctions, insuflisante s’ils n’y étaient pas, parce que, dénoncés par cela même à « ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 553 l'opinion publique, ils se trouveraient dans l'impossibilité de « remplir avec succès leurs fonctions et sans force pour faire « exécuter la loi ; « « « Qu'il importe à la sûreté publique, à la tranquillité du département que ses administrateurs soient lavés avec éclat d'une ineulpation odieuse, et que ceux de ce district ont en particulier le sentiment de ne pas avoir méritée, ou qu'ils soient remplacés sans délai par des administrateurs qui, plus heureux qu'eux, réunissent à la confiance publique celle des sociétés populaires ; « Que les administrateurs du département ont pu sans doute ne ne rien craindre de cette surveillance, mais que non plus que ceux du district, ils n’ont pas le droit de faire le sacrifice de la considération publique, parce que cette considération, qui fait toute leur force, est la propriété du département entier ou des districts qui les ont appelés à leurs fonctions ; « Arrêtent que le conseil de département est invité d'adresser au corps législatif la proclamation la plus pressante pour demander le renouvellement entier de toutes les administra- tions de son ressort; « Et, cependant, qu'exemplaires dudit arrêté du 13 septembre seront adressés sans délai à toutes les municipalités du res- sort pour être publiés et afichés ; « Et seront expéditions du présent adressées tant au conseil général du département qu'au ministre de l’intérieur. » Pour honorer, autant qu'il est en nous, ce courageux senti- ment de l'indépendance et du devoir, nous copierons jusqu'aux derniers mots : signé au registre Bonsar, président, et DHUMEZ, secrétaire, el nous ajouterons que l'administration supérieure n'accepta pas ce noble défi. Pendant ce temps, et sous la pression de la commune de 36 594 HISTOIRE DE LA VILLE Paris, la convention décrétait les mesures les plus révolution- naires. Chargés de faire la constitution, les Girondins hâtaient leur travail dans l'espoir de rétablir l'ordre légal. Les Monta- gnards, au contraire, s’eflorcaient d'entretenir l’état révolution- naire, et pour perdre leurs ennemis et donner la mesure du modérantisme de ces derniers, ils soulevèrent la question du Jugement de Louis XVI. « Alors, » dit Théophile Lavallée, « une discussion très- « compliquée s'engage sur ces deux propositions : Louis peut-il « être jugé? Quel tribunal prononcera le jugement? — Nul « doute que le roi n’êut trahi la nation par ses intelligences « avec l'étranger; mais la peine était écrite dans la eonsti- « tution, et, aux termes mêmes de la déclaration des droits, « elle ne pouvait être prise que dans la constitution : cette peine « c'était la déchéance, et la déchéance existait de fait depuis le « 10 août. Il n’y avait donc pas lieu à jugement : tout ce qu'on « pouvait faire, par mesure de sûreté générale, était de bannir « Louis XVI ou de le tenir en eaptivité jusqu'à la paix. » Mais la Montagne voulait la mort et la mort immédiate du roi. Elle soutint dans ce but que l’on pouvait toujours comme législateurs ce qu’on ne pouvait pas comme Juges, et que cet article de la constitution : Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulquée antérieurement au délit, ne pouvait limiter le pouvoir souverain de la convention nationale. Quelsseront l'attitude et le rôle de Lepeletier dans cette solen- nelle et terrible situation ? Ses relations avec le due d'Orléans faisaient craindre aux royalistes qu’il n’inelinàt vers les mesures extrêmes. Ses senti- ments de modération et d'humanité leur permettaient d'espérer qu'il se rangerait au parti de l’indulgence. Lepeletier, du reste, on le savait, disposait dans l'assemblée d'un certain nombre de $ L K » 4 ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 559 voix. Il en fallait moins pour qu'il fût sollicité et circonvenu de part et d'autre. Félix Lepeletier, qui ne fut pas sans influence sur la conduite politique de son frère, s’est efforcé, en publiant les œuvres de celui-ci, de lui prêter l’exagération de ses propres sentiments en altérant les textes et en faisant servir les passions les plus orageuses à la manifestation de son attachement fra- ternel. M. Pinart ne s'est point assez défié des citations de Félix Lepeletier, notamment quand il dit : « Lorsque sonna l'heure « où chaque représentant de la France devait prononcer comme « juge sur le sort du malheureux monarque, on entendit de la « bouche de Lepeletier de Saint-Fargeau tomber ces mots : La « mort sans appel el sans sursis. » Ce n’est point ainsi que les choses se passèrent. Et quoique le résultat ne soit pas différent, il n’y a eu dans le vote de Lepeletier ni cette précipitation ni cette crudité. Voici les détails que nous empruntons à ce sujet au Moniteur : Séance du 45 janvier. « Louis Capet, ci-devant roi des Français, est-il coupable de « conspiration contre la liberté et d’attentats contre la sûreté « générale de l'Etat? Lepeletier. Oui. Cette réponse a été à peu près unanime dans l'assemblée. « Le jugement qui sera rendu sur Louis sera-t-il soumis à « la ratification du peuplée réuni dans ses assemblées pri- « maires. ? » Lepeletier. Non. Séance permanente du 16 et du A7. « Quelle peine Louis, ci-devant roi des Français, al en- « couru? » 556 HISTOIRE DE LA VILLE Lepeletier. Je vote pour la mort. Séance du 19. « Sera-t-il sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet? » Lepeletier. Non. Lepeletier était un homme de doute, non un homme de foi, et sur les hommes de cette nature nul n’a le droit de compter. La révolution, du reste, qui s’accomplissait sur un volcan, au milieu de luttes terribles et du déchaînement de toutes les pas- sions, n'avait point dans ses entraînements la froide logique des temps sans orages. Quoiqu'il en soit, l’indignation, la colère des royalistes contre Lepeletier à l’occasion de son vote indi- quent assez qu'ils avaient beaucoup espéré en lui et qu'ils s'étaient cruellement trompés. Le premier dépouillement du scrutin avait contribué aussi sans doute à cet état d'exaspé- lation. Le nombre des votants ayant été de .......... 721 larmajorité absolue etait de... ie 301 et il fut constaté pour la mort immédiate. ........ 306 voix. IL est vrai que la discussion qui suivit ce dépouillement et les explications données par plusieurs des votants firent porter de 366 à 387 les voix qui avaient prononcé la peine de mort sans condition, mais C'était là un détail que la vengeance ne pouvait pas entendre. Le 21 janvier, on annonça en même temps à la Convention la mort du roi et l'assassinat de Lepeletier. Voici en quels termes le ministre de la justice rendit compte de ce dernier événement : « Lepeletier avait diné au Palais-Royal, chez Février; il était € au comptoir pour payer le diner qu'il avait fait, lorsqu'un € particulier, qui était à quelque distance de lui, demanda si « ce n'était pas Lepeletier; on lui répondit que oui : aussitôt « « « « « « « « ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 557 il s'élance sur lui et lui dit : Etes-vous Lepeletier? — Oui, répond celui-ci. — Quelle opinion avez-vous eue dans l'affaire du roi? — J'ai voté pour la mort, suivant ma conscience, répliqua Lepeletier. — Eh bien! reçois-en la récompense, dit l'autre en tirant son sabre; et il le frappa d’un coup qui a été mortel. « Le meurtrier est connu, » ajoute le ministre; » il se nomme Pâris, c’est un ancien garde du roi, qui s’est déjà rendu célèbre par sa scélératesse et sa lâcheté. » Après avoir entendu ce rapport, la Convention nationale rendit le décret suivant: « « « « « « « « « € Art. [. Il y a lieu à accusation contre Pâris, ancien garde du roi, prévenu de lassassinat commis hier dans la personne de Michel Lepeletier, l’un des représentants du peuple français. € IT. Elle charge le conseil exécutif provisoire de faire pour- suivre et punir le coupable et ses complices par les mesures les plus promptes, et de faire remettre, sans délai, à son comité des décrets, les expéditions des procès-verbaux du juge de paix el des autres actes relatifs à cet attentat. « I. Les comités des décrets et de législation présenteront, dans la séance de demain, la rédaction de l'acte d'accusation. € IV. IT sera fait une adresse aux Français, qui sera envoyée aux quatre-vingt-quatre départements ef aux armées par des courriers extraordinaires, pour les informer du crime de Ièse- nation commis sur la personne de Michel Lepeletier, des mesures que la Convention nationale à prises pour la puni- tion de cet attentat, inviter les citoyens à la paix et à la tranquillité, et les autorités constituées à la plus exacte surveillance. @€ V. La Convention nationale assistera tout entière aux fu- 558 HISTOIRE DE LA VILLE { CS nérailles de Michel Lepeletier, assassiné pour avoir voté la « mort du tyran. « VI. Les honneurs du Panthéon français sont décernés à « Michel Lepeletier, et son corps v sera déposé. € VIT. Le président est chargé d'écrire, au nom de la Conven- « tion nationale, au département de l'Yonne et à la famille de « Lepeletier. » Frappé à cinq heures du soir, au côté gauche, entre les deux côtes inférieures, Lepeletier, après avoir recu les soins que réclamait sa position, se sentant plus mal, se fit transporter chez son frère Félix, place Vendôme. C’est là qu'il mourut à une heure du matin. Aucun prêtre ne le visita dans ses derniers moments, aucun n’assista à son convoi, qui eut lieu le 24. Nous emprunterons, du reste, à l’histoire des Girondins le récit de cette cérémonie. «Le génie tragique de Chénier avait dessiné le spectacle sur « le modèle des funérailles héroïques de l’antiquité. Au sommet « d’un catafalque porté sur un piédestal vivant de cent fédérés, « le cadavre demi-nu de Lepeletier était étendu sur un lit de « parade. Un de ses bras pendait comme pour implorer la « vengeance. La large blessure par laquelle sa vie avait coulé « s’ouvrait rougie de sang sur sa poitrine. Le sabre nu de l’as- « sassin était suspendu sur le corps de la victime. Les vête- « ments ensanglantés étaient portés en faisceaux, au bout d’une « pique, comme un étendard. Le président de la convention « monta les degrés du catafalque et déposa une couronne de « chêne parsemée d'étoiles d'immortelles sur la tête du mort. « Le cortége s’ébranla au roulement des tambours voilés et au « son d'une musique lugubre dont les instruments étouflés « semblaient plutôt pleurer qu'éclater dans l'air. La famille de « Lepeletier, en habits de deuil, marchait à pied derrière le hé Re K ES « EN « 2 « « AC PS Pr - 0 AA. AT RU À « ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU, 559 corps du père, du frère, de l'époux assassiné. Au milieu des sept cents membres de la Convention s'élevait une bannière flotiante sur laquelle étaient écrites les dernières paroles attribuées à Saint-Fargeau : Je meurs content de verser mon sang pour la patrie: j'espère qu'il servira à consolider la ’ hberté et l'égalité et à faire reconnaître les ennemis du peuple. « Le peuple entier suivait. Les hommes portaient à la main des couronnes d’immortelles, des femmes des branches de cyprès. On chantait des hymnes à la gloire du martyr de la liberté et à l’extermination des tyrans. € Arrivé au Panthéon, le cortége trouva le temple de la révo- lution déjà envahi par la multitude. Le cadavre, soulevé par les flots de la foule, qui disputait l’espace à la Convention, faillit rouler sur les marches du péristyle. Félix Lepeletier, frère de la victime, monta l’estrade, harangua le peuple au milieu du tumulte, compara son frère à l'aîné des Gracques et jura de lui ressembler. Le lendemain, Félix Lepeletier, tenant par la main la fille de son frère, enfant de huit ans, la présenta en pompe de deuil à la Convention. L'enfant adoptée par la nation fut proclamée, par un décret d'enthousiasme, fille adoptive de la République. » Après Félix Lepeletier, le député Barrère et le président Ver- gniaud prirent la parole. Barrère ne crut pas nuire à la gloire de son héros en rappro- chant les particularités les plus contrastantes de sa vie, et il l’a fait avec une verve qui contraste elle-même avec la partie pure- ment déclamatoire de son discours. « Michel Lepeletier fut noble, » dit-il, » mais c'était l'erreur « de ses pères et le crime de son siècle. Il a expié la noblesse « par son élection à la convention nationale. Lepeletier fut 560 HISTOIRE DE LA VILLE « riche, mais il a fait oublier ses richesses par ses bienfaits. « Lepeletier ne fut pas de la minorité réunie aux communes, « mais il a coopéré à l'abolition de la royauté. Il ne s’opposa « point à la révision, mais il a voté la mort du tyran. Comme « législateur, il a réclamé avec force contre la peine capitale « infligée aux assassins et il à péri sous le fer d’un assassin. » Vergniaud dit que Brutus est immortel pour avoir immolé César, que Michel Lepeletier a voté la mort du tyran des Fran- çais et que cet acte vaut une vie entière. H jura d’honorer la mémoire de son collègue en imitant son courage et ses vertus, et de donner une constitution à la république ou de mourir comme lui, et la Convention tout entière s'associa à ce ser- ment. La société des Jacobins, présidée par l’Auxerrois Maure ainé, avait entendu déjà, dans sa séance du 21, Félix Lepeletier rendre compte de la mort de son frère, et chargé Robespierre aîné et Collot-d'Herbois de rédiger une adresse à ce sujet aux sociétés populaires. Nous citerons une phrase de cette adresse, parce qu’elle peint assez fidèlement Lepeletier : € S'il manquait à son éloquence cette véhémence foudroyante « qui attère le crime, il possédait, dans un plus haut degré, la « force de la raison et la douceur des formes qui attire la fai- « blesse et qui éclaire la bonne foi. » De son côté, Marat consacra un article du Journal de la Répu- blique française à la mémoire de Lepeletier. Nous lui emprun- terons également le passage qui peut donner une idée exacte du : caractère de ce dernier : « Michel Lepeletier,'» ditl, « n'avait point ce génie trans- « cendant, cette énergie d’âme qui font les grands hommes ; « mais il avait cette douceur de caractère, cette justesse d’es- « prit, cette droiture de vues et cet amour du bien publie qui = À = ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 561 « font les sages, mérites d'autant plus éminents que les écueils « d’une grande fortune et les préjugés de la naissance mili- « taient à la fois pour l’entraiîner hors des sentiments de Ja « sagesse... » La France tout entière enfin retentit de l'éloge de Lepeletier,; partout on exalta son martyre et l’on proposa son exemple. Sa mort, en un jour, donna à son nom cent fois plus de retentisse- ment que sa vie, elle assura le triomphe de la Montagne, et le sabre de Pris arma en quelque sorte le comité de salut public. Le département de l'Yonne, qui avait placé Lepeletier à la tête de son administration et qui l’avait appelé à la Convention nationale, voulut, on le concoit, au milieu de cet enivrement général, honorer plus spécialement sa mémoire. Un service d’expiation fut célébré, le 4 février, dans l’église Saint-Etienne d'Auxerre. Plusieurs discours y furent prononcés. Celui du citoyen Delaporte, procureur-général syndic du département, déelamatoire suivant le goût du jour, affecte de plus une grande prétention littéraire. Il peut du reste, en quelques mots, donner une idée du prix que les hommes du mouvement révolutionnaire attachaient à la mort de Lepeletier : :« Je vois, » dit-il, « sur la tombe de Lepeletier s’anéantir « ces factions cruelles que l'intérêt ou la passion ont fait « éclore. «Je vois les mandataires du peuple jurer sur son corps san- « glant le salut de la patrie, le triomphe de la liberté. « Je vois disparaître aux pieds de son lit de mort les rivalités _« et les défiances. | « Son sang à cimenté l'horreur des despotes. » Son efligie fut placée à la façade de la maison qu'il habitait sur la place du département; cette place prit le nom de Lepe- letier, et un arrêté ordonna que les insignes de l’ancien président 562 HISTOIRE DE LA VILLE de l’administration départementale marqueraient la place vide qu’il occupait dans la salle des séances. Le lendemain 5, à son tour, Saint-Fargeau paya sa dette à la mémoire de Lepeletier par une cérémonie funèbre calquée sur le modèle de celle de Paris et dont un programme, en forme de procès-verbal, fut imprimé à Auxerre chez Le Baillif, en 8 pages in-4°, el adressé tant à la convention nationale et au Département qu'aux sociétés populaires et à la famille du célèbre conventionnel. La ville enfin prit le nom de Lepeletier. Le 29 mars, le député David vint offrir à la Convention nationale un tableau de sa composition représentant Michel Lepeletier assassiné, et ce tableau fut placé dans la salle des séances. Mais c’est trop d'honneurs pour sa mort, gardons-en pour sa vie. La Le désordre des affaires de son père ayant laissé à Lepeletier peu de fortune de ce chef, non plus qu’à ses frères et à sa sœur nés d’un second mariage, il prit soin de les doter lui-même, sa sœur d'une somme de 100,000 fr., l’un de ses frères de 6,000 fr. de rente viagère ; l'autre d’un capital de 60,000 fr. En 1788, sa terre de Pont-Remi près d'Abbeville est ravagée par la grêle. Il s'empresse alors d'accorder à tous ses débiteurs la remise entière de cette annuité de leur dette. Pendant le terrible hiver de 1788 à 1789, l’eau manquant dans les rivières pour moudre le grain, le gérant des propriétés qu'il possédait aux environs d’Autun céda à prix d'argent aux boulangers l’eau de ses étangs, mais il se hâta de lui écrire : Le riche ne doit point spéculer sur les malheurs publics pour auymenter ses revenus : donnez et ne vendez pas. Nous savons enfin qu'il accorda des secours considérables aux habitants de Sougères quand un incendie détruisit en quelque sorte ce village ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 563 et que Lepeletier s’est montré constamment digne de sa grande fortune par le noble usage qu'il en fit. Il nous reste à parler du plan d'éducation nationale qu'il avait conçu, œuvre posthume que Robespierre communiqua à la Convention le 43 juillet 1793. € Former des hommes, propager les connaissances humaines, € telles sont, «dit Lepeletier, » les deux parties du problême € que nous avons à résoudre. La première constitue l'éducation, € la seconde l'instruction. » Après avoir ainsi nettement marqué et défini son but, l’auteur ne tarde pas à le compromettre par des utopies de spartiates. Ainsi, il veut non seulement que l'instruction primaire soit gratuite et obligatoire, mais encore qu’elle soit donnée, pendant sept ans (de 5 à 42), à tous les enfants indistinctement, réunis dans une maison cantonale, dans les conditions de l'égalité la plus absolue, sans l’aide d'aucun domestique, et avec l’obliga- tion d’un travail manuel. L'instruction publique, divisée en quatre degrés, comprend vingt ans d'études; le premier degré, sous le nom d'éducation nationale, sept ans; le deuxième ou écoles publiques, quatre ans ; le troisième ou énstituts, cinq ans; et le quatrième ou lycées, quatre ans. Ce projet, du reste, élaboré dans le silence des passions et le recueillement de l'étude, prouve, pour nous, jusqu'à l'évidence que Lepeletier avait alors , sans arrière pensée, dépouillé le vieil homme et croyait fermement à la nécessité d'une réforme radicale de la société. Lu à la Convention par Robespierre, le 13 juillet 4793, il resta sans suite. Vers cette époque, une grande agitation existait dans toute la France et des mouvements hostiles au comité de Salut publie se manifestaient dans des nuances diverses d'opinion politique. Des réunions tumultueuses, des désordres avaient eu lieu à 564 HISTOIRE DE LA VILLE Saint-Fargeau. Le district, pour en prévenir le retour, blâäma la coupable indifférence de la municipalité, la déclara respon- sable des événements, par un arrêté du 47 août, ét dès le 28, annonça au département que les mouvements populaires dirigés par le fanatisme étaient assoupis. Un assez grand nombre de prisonniers de guerre étaient, à la même époque, internés à Saint-Fargeau et dans les environs. Ils recevaient dix sous par Jour et du pain. Peu de temps après, le 7 novembre, Gobel, évêque de Paris, accompagné de onze de ses vicaires, se présente à la Convention, déclare qu'il ne doit plus y avoir d'autre culte public et national que celui de la liberté et de l'égalité, et résigne ses fonctions. Le président ajoute : L’Etre suprême ne veut de culte que celui de la raison; ce sera désormais la religion nationale, et l'assemblée applaudit avec enthousiasme. Aussitôt, la commune de Paris transforme l’église métropolitaine en temple de la Raison, et toute la France suit cet exemple. Nous avons recueilli un curieux billet de convocation à la ridi- cule cérémonie qui inaugura le temple de Saint-Fargeau, en voici la copie : La citoyenne fille Silvestre est invitée de se trouver demain, heure de neuf du matin, au temple de la raison, avec une quenouille et un fuseau à la main. Signé : Carreau, maire; Prunier; Provin et Vée. Le nouveau culte, malgré ces réquisitions officielles, eut peu de succès. Les prêtres lui refusèrent leur ministère ; les popula- tions lui témoignèrent toute leur répugnance, et ce fut dans un temple à peu près désert que l'officier municipal de Saint- Martin-des-Champs, dans l’ardeur de son zèle et revêtu de son écharpe, consacra lui-même le pain bénit. Comme conséquence de l'abolition du culte catholique, il ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 565 fut ordonné aux communes dont l'appellation rappelait la reli- gion supprimée de changer de nom. Huit communes du district se trouvaient dans ce cas. Quatre s’empressèrent d'obéir. Saint- Fargeau s’appela Lepeletier; Saints, Coussy ; Sainte-Colombe, Loing-la-Source, et Saint-Sauveur, Sauveur-sur-Loing. Quatre opposèrent une résistance passive à cette mesure : Saint-Martin, Saint-Privé, Saint-Denis et Saint-Eusoge. Le district prit contre elles un arrêté. La Société populaire de Saint-Fargeau se nommait alors So- cité républicaine, et la Loge maconique, dont l'origine était déjà ancienne, Loge de la vraie lumière. Après les noms, on s'oceupa des choses : Le district donna l’ordre aux communes de lui envoyer les matières d’or, d'argent, de cuivre, d’étain, de fer et de fonte provenant des églises et des maisons d'émigrés, et, dès le 3 plu- viôse an IL, il put annoncer au département que toutes avaient effectué ces envois, sauf Louesme qu’il signale comme ayant refusé de déposer ses hochets du fanatisme. Une cireulaire du 22 du même mois prescrivit d'enlever les croix, Statues el autres signes extérieurs du culte ; une autre du 23 germinal, les bornes et signes féodaux, ce qui fut prompte- ment exécuté, sauf une exception embarrassante. Le ehâteau des anciens comtes, la demeure de Lepeletier conservait seule sa décoration d’armoiries fleurdelisées et d’attributs proserits ; mais les plaintes allaient plus vite encore que les démolitions ; elles forcèrent le président du district à écrire à l'agent de la citoyenne Le Peletier pour stimuler son patriotisme. Il l'invite, en conséquence, à faire disparaître, sans plus de retard, les armoiries que le marteau n’a pas encore atteintes et les figures qu'il ne serait pas possible de transfiqurer en statues de la liberté; un plus long délai, ajoute l'épitre oflicielle, dans 566 HISTOIRE DE LA VILLE l'exécution de ma demande serait un outrage à la liberté, à l'égalité dont Lepeletier est le premier martyr. Je l'engage aussi à faire ôter les fleurs de lys qui sont restées sur une fenêtre de la grosse tour donnant ses jours sur le biez du moulin appelé Paradis. Ces signes ont probablement échappé à ton œil républicain. Bientôt l’athéisme et le culte de la Raison firent place à une religion nouvelle dont Robespierre formula les dogmes et devint en quelque sorte le pontife, c'est-à-dire la religion universelle de la nature. En conséquence, la convention vota des fêtes à/a Liberté, à la Justice, au Genre humain, et décréta solennelle- ment : Le peuple francais reconnaît l'existence de l'être su- prême et l'immortalité de l'âme. Vers cette époque, le représentant Maure aîné vint en mission à Saint-Fargeau, et, peu de temps après, le 20 prairial an HE, on célébra dans cette ville la fête de l’Etre suprême, dont nous ne connaissons pas les détails; mais nous avons entre les mains le discours que M. Borsat, président du district, prononça à cette occasion sur la montagne symbolique, et nous le publions d'autant plus volontiers que cette œuvre littéraire est tout ce qui survivra d’un administrateur qui appartient à notre sujet aussi bien que le thême de son discours, et qui a laissé à Saint- Fargeau le souvenir d’un homme de bien. Plaçons nous donc au pied de la montagne et écoutons. « Citoyens, « Je ne puis vous donner une plus haute, une plus juste idée « du sujet dont je viens vous entretenir qu’en vous rappelant le & principe du décret de la Convention nationale du 48 floréal : « Le peuple francais reconnaît l'existence de l'être suprême « et l'immortalité de l'ame; le culte digne de lui est la pra- « tique des devoirs de l'homme. « « « « « « « « « « ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 567 « Ceprineipe portera la gloire de la république française jus- qu'aux extrémités de la terre; il portera dans le cœur du citoyen vertueux ces idées qui charment la douleur, et l’espé- rance qui console Phumanité souffrante. C’est pour partager ces principes avec la Convention qu'une si auguste cérémonie nous rassemble autour de cette montagne élevée par les mains de la reconnaissance à la bienfaisance, aux lumières, au courage et la gloire de la Convention nationale. « Quel sujet, quelle matière peut faire concevoir plus de grandeur, plus de majesté et inspirer plus de sentiment de grandeur, d’admiration et de gratitude. « Motifs de cette fête solennelle, Morale, Philosophie, Vertus, voilà le but de ce discours. € O vérité, toi qui n’habites point le tumulte, qui te caches dans la solitude où tu te plais à vivre en silence parmi des mortels libres et vertueux, ne permets pas à ma plume de peindre ce qui n'est pas Loi, ce qui ne te caractérise pas ; sois auprès de mes concitoyens l'interprète fidèle de la nature, de la raison et de mon cœur. € En célébrant la fête de l’Etre suprême, de celui qui de sa toute puissance soutient {a masse des mondes ; qui donne à la nature ce mouvement régulier; qui est l’auteur de la reproduction des êtres et de la végétation des plantes ; qui est l'arbitre des mortels ; qui gouverne et fixe la destinée des peuples, la Convention nationale à voulu donner un grand exemple à l'Europe qui abreuvait déjà le peuple français de calomnies; elle à voulu venger la morale publique que de lâches corrupteurs, de vils intrigants disséminés dans la république sous le masque du patriotisme, déguisés sous des noms respectables, gorgés de l'or de la tyrannie, nourris de crimes, S’eflorçaient d’avilir et d’oser vouloir transplanter 568 HISTOIRE DE LA VILLE « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « À à sa place tous les vices et la corruption. Ils faisaient publier chez l'étranger que l’immoralité et l’athéisme étaient à l’ordre du jour, tandis qu’eux seuls en étaient les apôtres, qu’ils sa- vaient que c'était la justice et la probité, tandis qu'ils outra- geaient tous les genres de décence, qu'ils tenaient la vertu en deuil et promenaient l’impudeur et l'hypocrisie sur des chars de triomphe. O peuples, c'était vous qui étiez le but de ces projets infâmes ; c'était votre perte dont ils s’oceupaient. La douce perspective de la félicité publique n'était pas ce qui errait devant leurs yeux, c'était celle de vous voir encore accablés sous le poids des chaines de l’oppression. O peuples, par quels monstres vous étiez trompés. O vertu, tu es vengée. Ces monstres ne sont plus ; que l’insulte et Je mépris dont ils l’abreuvaient cessent de te poursuivre ; viens te ranger auprès de la montagne que tu honoreras toujours ; amène avec toi tous ceux qui suivent tes préceptes sublimes ; qu’ils s'unissent pour le bonheur commun. Mille fois les malveillants se sont lignés pour le malheur et pour le crime; montrons, citoyens, à l’Europe étonnée une ligue nouvelle, la ligue de tous les citoyens vertueux pour faire le bonheur de la patrie. « Tels étaient, citoyens, les moyens de cette terrible conspi- ration, ourdie par l'étranger pour perdre la république par la corruption des mœurs. Tels ont été aussi les motifs qui ont déterminé nos législateurs à proclamer que le peuple français reconnaissait l'existènce de l'Etre suprême et l’immortalité de l'âme. «S'il existait parmi vous de ces hommes dont les productions de l’esprit annoncent la corruption du cœur, dont l'idée du néant est un besoin pour leurs crimes, il serait de mon de- voir de réfuter ici leurs principes immoraux et dangereux en leur opposant ceux qui démontrent et établissent l'existence ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 569 de la Divinité. Mais, trop heureux de n’en point compter parmi nous, parcourons quelques-uns de ses rapports avec nous-mêmes afin que les citoyens que leurs travaux ne per- mettent pas de s'exercer à des connaissances métaphysiques soient en garde contre les erreurs de l’athéisme que la mal- veillance propage pour corrompre leurs cœurs et les rendre esclaves. « Ilest, citoyens, des idées, des sentiments qui nous rap- pellent sans cesse l’existence d’un être au-dessus de nous- mêmes, et pour preuve je choisis cet exemple : Méditons pro- fondément sur les attributs de la pensée; portons notre atten- tion sur le vaste empire qui lui a été donné de fixer le passé, de rapprocher l'avenir, de ramener à elle le spectacle de la nature et le tableau de l'univers, et de contenir, pour ainsi dire, en un point l'infini de l’espace et l’immensité des temps, nous ne pourrons alors considérer ce prodige sans réunir à un sentiment continuel d’admiration l’idée d’un but digne d'une si grande conception et digne de celui dont nous hono- rons aujourd’hui et la puissance et la sagesse, Pourrions-nous découvrir {ce but, ainsi que l'ont prétendu plusieurs philo- sophes, dans une succession d’apparitions éphémères qui ne sembleraient destinées qu'à tracer la marche du temps? Pourrions-nous encore l’apercevoir dans ce système général de destruction où devrait s’anéantir, de la même manière, et la plante insensible qui périt sans avoir connu la vie, et l’homme intelligent qui travaille et s’instruit chaque jour ? Non, certes, citoyens ; ne dégradons pas ainsi nous-mêmes notre nature el jugeons mieux de ce qui nous est inconnu, Quoi ! on voudrait nous persuader que la vie, qui est un moyen de perfection, doit conduire à une mort éternelle; que l'esprit, cette source d'intelligence, de lumière, doit aller se perdre 37 570 HISTOIRE DE LA VILLE « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « dans les ombres du néant; que le sentiment, cette douce et pure émotion qui nous unit les uns aux autres avec tant de de charmes, doit se dissiper comme la vapeur d’un songe; que la conscience, ce juge si imposant, est destiné à nous tromper. Ah! citoyens, regardons comme ennemi de la patrie, comme corrupteur des bonnes mœurs quiconque chercherait à faire prévaloir de semblables erreurs. Ceux qui les ont professées étaient les auteurs de tous nos maux, de toutes les conspirations. « Enfin, et cette réflexion vous paraîtra peut-être la plus im- posante, voyez l'esprit de l’homme atteindre à la connaissance de l’Etre suprême; voyez-le du moins s'approcher d’une si grande idée; ce degré d’élévation ne vous semble-t-il pas préparer, en quelque sorte, son âme à une plus haute desti- née. Il cherche une proportion entre cette immense pensée et tous les intérêts de la terre, il n’en découvre aucune; il cherche une proportion entre cette méditation et le tableau rapproché de la vie, il n'en aperçoit point; il faut donc en conclure qu'il existe quelques magnifiques secrets, quel- qu'étonnantes merveilles dont, de toutes parts autour de nous, nous découvrons les commencements. € D’après ces différentes preuves, prises parmi les rapports qui existent entre l’homme et la divinité, pouvez-vous vous imaginer, pouvez-Vous vous résoudre à penser que tout ce qui nous meut ef nous anime, que tout ce qui nous guide et nous entraîne est une suite de prestiges et d'illusions. « Ah! citoyens, ce sentiment est loin de vos cœurs; la raison, la patrie attestent et confirment vos vertus. Que le progrès de l’une, que la prospérité et la gloire de l’autre seraient bien plus actives si, comme vous, tous les Français les avaient partagés et s'étaient toujours livrés aux douceurs de faire le ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 571 À bien pour jouir des consolations de la vertu. Le représentant, « juste et vertueux, qui vient de s'éloigner de vous, en empor- « tant votre estime et votre reconnaissance, n’a-t-il pas aussi « emporté dans son cœur le sentiment qu'y place la satisfaction. « Pénétrés des avis républicains qu’il nous a donnés, empres- « sons-nous de les suivre afin de mieux mériter encore de la « patrie. C’est le seul moyen de lui prouver, ainsi qu'à la « Convention nationale, que notre estime, notre gratitude et « notre attachement envers eux sont pour nos cœurs un devoir « et un besoin. » Cependant les excès de la révolution avaient atteint leur point culminant. Le 9 thermidor, l'arrestation et la mort de Robes- pierre marquèrent le point de départ de la réaction. À ce moment, Maure fut dénoncé pour avoir tenu, à la société des Jacobins, des propos incendiaires tendant à atténuer l’hor- reur qu'inspiraient les cruautés du gouvernement de Robes- pierre; mais il était à peine sous le poids de cette accusation, au sein de la Convention nationale, que l’administration du district de Saint-Fargeau y fit parvenir une adresse justificative datée du 26 vendémiaire an II. Elle s’exprimait ainsi : Pendant son séjour dans ce district, le citoyen Maure «4 montré la fermeté d’un législateur. la sensibilité d'un homme, la délicatesse et l'équité d'un juge. Loin de parler de sang, dans ses instructions, il n'a cherché qu'à faire aimer la révo- bution en en développant au peuple les avantages et en lui démontrant que les vertus morales sont la base essentielle d'une république, la garantie de sa prospérité et de son affranchissement..…. Il a persuadé et sa mission dans le district a affermi la paix que nous avons eu le bonheur de conserver. Le biographe futur de Maure appréciera. 572 HISTOIRE DE LA VILLE Vers la même époque et l’année suivante, un imprimeur, Amatre Provin, exercait sa profession à Saint-Fargeau et s’in- titulait imprimeur du distriet. Il n'est connu jusqu’à ce jour que par un prospectus de pension et une afliche annonçant la vente, comme domaines nationaux, des biens de l'hôpital de Bléneau, sur la mise à prix de 31,650 livres; de ceux de l'hô- pital de Saint-Fargeau, sur celle de 48,976 livres, et de ceux du bureau des pauvres de Villeneuve-les-Genets, sur la mise à prix de 24,000 livres. Et maintenant que, de crimes en crimes, la terreur a perdu la république dans l'estime des hommes, la réaction, de fautes en fautes, la conduira à l'anarchie jusqu'à ce qu'un homme nouveau, surgissant dans la gloire, excitant autant d’enthou- siasme que le gouvernement de mépris, s'empare du pouvoir sous le titre de premier consul, et pose la première marche du _trône impérial. CHAPITRE I. APPENDICE. Nous avons amené l’histoire de la ville et du comté de Saint- Fargeau jusqu’à la fin du xvmie siècle. C'est le terme que nous nous étions proposé d'atteindre. Plusieurs événements, toutefois, n'ayant eu leur solution, leur entier développement ou leurs conséquences qu'à une époque plus rapprochée de nous, notre tâche resterait impar- faite si nous n’en complétions le récit. sil TRIBUNAL DU DISTRICT. — CAUSE CÉLÈBRE, En même temps que son administration de district, Saint- Fargeau eut son tribunal de première instance. Le premier juge- 7” ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 518 ment de ce tribunal, présidé par M. Toussaint-Thomas Thierrat, est du 30 novembre 1790. Le 7 décembre suivant, le magistrat du ministère publie n'était pas encore installé, et c'est à la requisition de Edme-Pierre Bressoles, homme de loi faisant les fonctions de commissaire du roi pour l'absence et le défaut de réception de celui nommé par Sa Majesté, que le Président procéda, ce jour là, à la levée des scellés apposés sur les minutes et papiers du greffe du bailliage du Comté. Ce dépôt fut confié au greffier du nouveau tribunal, Alexandre- Claude-Martin Le Baïllif, à qui nous consacrons un paragraphe spécial de notre dernier chapitre. Le tribunal de Saint-Fargeau cessa ses fonctions le 2 bru- maire an 1v. Il n'y eut plus, à cette époque, qu’un seul tribu- nal par département. Le tribunal de Saint-Fargeau , pendant la durée de sa courte existence, fut appelé à statuer sur une question de revendication d'état civil qui, après beaucoup de bruit et de retentissement, a pris place dans les annales des causes célèbres. Nous ne pou- vons nous dispenser de rappeler ces débats. Il suffit du reste, pour en comprendre tous les détails, de savoir que le marquis Armand-Louis Rogres, sous-lieutenant des gardes du corps, dernier seigneur de Champignelles, avait appréhendé la succes- sion de sa sœur Adélaïde-Marie Rogrès, veuve de Louis-Joseph, marquis de Douhault, lorsqu'en 4788 on avait annoncé la mort de cette dame. Dans les premiers jours d'octobre 4791, on était à Champi- gnelles dans la plus vive agitation. La garde nationale était en armes; on parlait des quinze mille émigrés réunis à Coblentz, des quatre cent mille hommes de troupes étrangères qui devaient, avec eux, envahir la France; on parlait de l'absence de M. de Champignelles qui, sans doute aussi, passait la frontière; on 574 HISTOIRE DE LA VILLE jurait de briser à Jamais le joug oppresseur du passé et de repousser, par les armes, toute tentative d’invasion. Au milieu de ces émotions populaires, et à la tombée de la unit, un équipage s'arrête à la porte de l'auberge du Cheval blanc : Pierre Bauchet, l'hôte de céans, se présente, et madame Dumoutier de Mérinville, c'est le nom de l’illustre voyageuse, le prie de la faire conduire au château. Un instant après, la voiture est à sa destination, et le concierge Jean Loup, dit Saint- Loup, s’empresse à la portière, mais étonné de n’y rencontrer qu'une dame qu'il ne connaît pas et une femme de chambre, il s'enquiert du nom de la visiteuse et du but de sa visite. La marquise Dumoutier de Mérinville, cousine de M. de Cham- pignelles, demande à loger au château. — Je vous fais excuse, répond Saint-Loup, mais je ne connais à M. de Champignelles aucune parente de ce nom ,-et j'ai, du reste, la recommanda- tion la plus expresse de ne recevoir personne sans un ordre par écrit. Force fut done à la marquise de Mérinville de revenir au Cheval blanc et de s’y installer. Une grande dame logée chez Bauchet, et Saint-Loup lui refusant la porte du château ! Il en fallait bien moins pour exciter l'attention publique. Dès le soir même, une foule de curieux envahissaient l’au- berge. La marquise de Mérinville parlait à chacun avec bien- veillance ; elle interrogeait avec intérêt; elle répondait avec bonté. Le lendemain et les jours suivants, les visiteurs plus nom- breux se pressaient au Cheval blanc; Bauchet ne savait auquel entendre et la marquise oubliant, au milieu de ce peuple, l'orgueil d’un vain titre et des traditions surannées, descendit bientôt à une assez grande familiarité pour qu’on osât lui offrir un verre. Elle accepta sans difliculté et s’associa aux conversa- ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 575 tions de tout genre et aux libations de toute nature. On prétend, dit enfin la populaire marquise, que je ressemble beaucoup à feu ma cousine de Douhaulf, voyons, mes amis, regardez moi bien, est-ce vrai? Chacun s’empresse, et, après avoir rapidement analysé ses vagues souvenirs, assure qu'elle ressemble , en effet, à s’y méprendre, à madame de Douhault. « Ne vous en étonnez pas, braves habitants de Champignelles, « car je suis madame de Doubhault elle-même. Mon frère a fait « croire à ma mort, mais je vis pour-Vous aimer et pour « bénir avec vous la chute de tous les tyrans et de tous les « oppresseurs. » Des bravos tumultuçux couvrirent la voix de la marquise, puis, le silence s’étant rétabli, elle continua : « Oui, mes amis, pour satisfaire son insatiable cupidité, « mon frère a obtenu contre moi une lettre de cachet: il m'a « fait jeter, sans pitié, dans les affreux cachots de PIERRE- ENGisE et il a fait courir le bruit de ma mort; mais la Révo- « lution m'a rendue à la vie et à la liberté; je viens réclamer « mon patrimoine et vivre au milieu de vous. Je répudie et je « maudis ma famille; heureuse de consacrer ma vie à soulager « l'infortune, je vais fonder un hôpital et tous mes biens appar- « tiennent dès aujourd'hui à la ville de Champignelles! » Des bravos plus tumultueux encore accueillirent ces dernières paroles; l'émotion ne permit pas à l'orateur de continuer. En ce moment, le père Bauchet, trop occupé et éloigné de la marquise, est interpellé par un de ses voisins. — C'est singulier, mais c'est bien madame de Douhault; ces gredins de nobles ! — Dame! faudrait voir, et Bauchet se hausse sur la pointe des pieds. — Eh! bien ! — Ma foi, répond Bau- chet, 576 HISTOIRE DE LA VILLE Je vois bien quelque chose, Mais je ne sais pour quelle cause, Je ne distinque pas très-bien. — Comment, vous ne reconnaissez pas madame de Douhault? — Non vraiment, puisqu'il faut vous le dire. Un cri de réprobation s'élève à l'instant contre le malheu- reux Bauchet. La marquise indignée choisit un autre gite, et l'auberge si pleïre un instant auparavant, un instant après fut déserte. Le sieur Retard, secrétaire de la mairie, devenu en même temps secrétaire intime de la marquise, organisa une souscription pour subvenir aux frais du procès: elle s’éleva bien vite à 1700 livres. Il sollicita et obtint en même temps du maire l’au- torisation d'ouvrir une enquête par turbes, et, le 23 octobre, après annonce à son de caisse, on procéda à cette enquête. Quatre-vingt-seize témoins se présentèrent; tous reconnurent madame de Douhault. Dès ce moment, elle a reconquis à Champignelles son état civil, elle est appelée à toutes les fêtes de famille et trois fois elle y accepte le titre de marraine. Ces plaisirs toutefois ne l’em pêchent pas d’aviser aux moyens de rentrer dans la possession de ses biens usurpés, et de reprendre plus légalement sa position sociale. M. de Champignelles est assigné devant le tribunal du district de Saint-Fargeau, en partage de la succession de ses père et mère et en restitution des fruits dont le chiffre est porté à cinq cent mille francs. Une volumineuse procédure et un jugement du 26 mai 4792- viennent ici substituer à l’histoire de madame de Douhault une autre histoire. Anne Buiret est née à Paris, le 44 octobre 1756, fille de Jean- ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 571 Baptiste Buiret, menuisier, et de Marie-Madelaine Broquet. Celle-ci, abandonnée par son mari, mourut peu d'années après avoir donné le jour à la petite Nanon, et la laissa à la charge de Pierre Broquet, menuisier appareilleur, son aïeul maternel. Ne trouvant pas à s'occuper à Paris, Pierre Broquet fut em- ployé d’abord par M. de Champignelles, commandeur de l’ordre de Malte, à sa commanderie du Saulce, paroisse d'Esco- lives, puis par le cardinal de Luynes, archevêque de Sens, à son château de Nolon. Broquet avait fixé son domicile à Sens, rue de la Parchemi- nerie. Sa petite fille avait grandi et l’âge avait développé chez elle de mauvais penchants. Elle accompagna à Brienon son grand- père, employé par l'archevêque à construire des fours et des moulins banaux, et y épousa, au mois de février 1776, Jean Baudin, tourneur à Sens. .Lasse bientôt de son mari et de son état de rempailleuse de chaises, Anne Buiret quitta le domicile conjugal et suivit un épicier de Courtenay. Puis elle revint habiter avec son mari qu'elle quitta de nouveau pour se fixer à Paris, où elle accoucha d'un garcon, le 11 septembre 4777. Pendant quelques années, Anne Buiret mena une vie aventu- reuse au milieu de laquelle il est impossible de la suivre. En 1785, à l’occasion de la naissance du due de Normandie, la reine exprima la volonté de retirer, à ses frais, du Mont-de- Piété les effets engagés par la classe indigente. Anne Buiret, au moyen d’une légère altération du nom de son mari, prit celui de madame Bourdin, femme de chambre de la reine dont elle revêtit la petite livrée; elle loua une voiture et des gens et se mit en quête des reconnaissances du mont de Piété, s’appro- priant de la sorte les effets en dépôt. La police fut bientôt sur ses traces, et le 3 janvier 4786 elle 578 HISTOIRE DELA VILLE était écrouée à la Salpétrière, sous le nom de Grainville. Elle n'en sortit que le 46 octobre 1789, en vertu d'un ordre du comité de police délivré en exécution de l'arrêté de l'assemblée constituante. Prenant alors le nom d'Anne-Louise de Champignelles , mar- quise de Grainville, Anne Buiret mit sa maison en rapport avec la position sociale qu’elle affectait et fit des dupes nombreuses. Arrêtée et déposée à la Force, elle fut condamnée, le 24 février 1790, à un mois de prison pour supposition de nom et de qua- lités tendant à abuser le public, ce qui ne l'empêcha pas de prendre successivement les noms de marquise de Blainville et de veuve de Gourdin, marquise de Grainville et baronne d'Aigny. L'année suivante, elle quitta Paris et, vers la fin de septembre 1791, elle arriva à Auxerre, par le coche, et descendit à l’au- berge de la Pomme d'Orange, tenue par le sieur Roblin. Cette fois, elle se nomme veuve Dumoutier de Mérinville, née de Champignelles. Elle se présenta, sous ce nom, d'abord chez madame Deschamps, qui profita de son extrême obligeance pour faire parvenir à M. d'Avigneau, son neveu, député à l'assemblée constituante, un sac d'argent qu'elle avait à lui envoyer. Madame de Mérinville se rendit ensuite à Saint-Julien, mais l’abbesse, madame de Jaucourt, qui connaissait parfaitement la famille de Champignelles, accueillit fort mal la visiteuse qui, piquée au vif, lui adressa ce billet : Mad. je sui surpris de votre manierre de pansé a mon aigard si vous aître inquiette de mon nom le voilas Anne Louyse Odailaide de Chanphnelles, veuve du sieur Montiel de Merinville dame pour a conpagne madame Etlisabaite. Informée de cette circonstance, madame Deschamps s'em- pressa de faire saisir les effets de la marquise, puis, la plus ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 579 grande partie de la somme qu’elle lui avait confiée ayant été restituée, main-levée fut donnée de la saisie. Anne Buiret se rendit alors à Saint-Fargeau. A son arrivée, elle se présenta au château, comme parente de M. Champignelles, et pria M. de Saint-Fargeau de vouloir bien lui prêter sa voiture paree que la sienne venait de se briser et qu’elle ne pouvait con- tinuer sa route. C’est dans cet équipage d'emprunt que nous l'avons vue arriver à Champignelles; c’est enfin quelques jours après que nous l'avons vue se métamorphoser en marquise de Douhault. Le tribunal de Saint-Fargeau lui trouva peu de naturel dans ce dernier rôle : Elle était plus jeune, plus grande, plus forte que madame de Douhault; elle n'avait ni ses manières distinguées, ni son orthographe irréprochable, ni son style pur et facile. Elle ignorait tout ce que ne pouvait ignorer madame de Douhault : ses souvenirs d'enfance, de pension, de première communion, de jeunesse, de mariage, de fortune, de vie conju- gale ; elle dénaturait toute l’histoire de sa famille et la sienne, au point de faire assister à son mariage son parrain mort 43 ans auparavant, et de se séparer de son mari 8 mois après son mariage quoiqu'elle eût vécu avec lui plus de 2 ans. En conséquence, le tribunal débouta la demanderesse de ses prétentions, lui fit défense de prendre à l’avenir le nom et la qualité d’Adélaïde-Marie de Rogres, veuve de Douhault, et, pour l'avoir fait, la condamna à 5,000 fr. de dommages-intérêts applicables aux pauvres de Champignelles. Nous avons oublié de dire que madame de Douhault était décédée à Orléans le 19 janvier 1788 et que ce fait était attesté par un acte de décès en bonne forme. )80 HISTOIRE DE LA VILLE Mais cet acte ne cachait-il pas un mystère d'iniquité ? Peu de temps après ce jugement, M. de Champignelles avait été inscrit sur la liste des émigrés et ses biens placés sous la main de la nation. Notre marquise, comprenant que sa cause était perdue si elle la séparait de celle de la révolution, n’intervint, près de l’admi- pistration, ni pour réclamer les revenus des biens frappés du séquestre ni pour s'opposer à leur aliénation. Elle partit donc pour le Berry, où madame de Douhault avait longtemps habité et où se trouvaient les débris de sa fortune. Sa marche ressemble à un triomphe; partout la garde natio- nale lui fait cortége, rangée en haie de chaque côté de sa voi- ture, modeste équipage, mais paré de rubans et de guirlandes de fleurs. Arrivée à Bourges, le corps municipal s'empresse de rendre ses devoirs à la marquise. À Argenton, le peuple se porte en foule à son hôtel et l’envahit de toutes parts, aspirant au bon- heur de la voir et de la contempler. Quelques personnes seule- ment, comme à Champignelles, hasardèrent de timides déné- gations, mais, menacées par la foule, elles durent prendre le parti de laisser faire. La marquise avait interjeté appel du jugement du 26 mai 1792. En l'an 1, elle se décida à le porter devant le tribunal de Cosne, puis, l’organisation judiciaire ayant été modifiée, l'affaire vint de droit devant le tribunal de Nevers. Un jugement inter- locutoire du 19 nivôse an v, considérant que l’appelante s'était inscrite en faux contre l'acte de décès de madame de Douhault, sursit de prononcer jusqu'à ce qu'il eut été statué sur la ques- ion de faux. Ce jugement changea brusquement les rôles. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 58 Le 9 ventôse an v, la marquise déposa au directeur du jury d'accusation à Argenton (Indre) une plainte contre Claude- Philippe de la Vergne de la Ronsière, Armand-Jacques-François Guyon de Guercheville et André-Jérôme Egrot du Lude, signa- taires de l’acte de décès argué de faux. Presqu'aussitôt la marche decette affaire fut arrêtée par un conflit de juridiction : per- sonne ne semblait se soucier de la diriger. Nepouvant nous attacher pas à pas à la suite de la marquise pendant ces longues hésitations judiciaires, nous parlerons seulement ici d’une de ses mésaventures. Le 413 thermidor an var, elle se trouvait à Nevers, logée à l’auberge de la Nation, quand un vol de mouchoirs de poche, commis au préjudice d'un marchand habitué du lieu, attira sur elle tous les soupcons. Une perquisition ayant été faite en con_ séquence, elle fut trouvée nantie des objet volés, et écrouée le même jour dans la maison d'arrêt. Le jury d'accusation, consulté sur la question de savoir s’il y avait lieu à poursuivre, fit, le 28 thermidor, à l’ananimité, la répose suivante : Oui, il y a lieu. Traduite devant le jury de jugement, le 15 vendemiaire an vin, la réponse fut : L'accusée est convaincue d'être l'auteur de la soustraction; il n'est pas constant qu'elle l'ait commise méchamment et à dessein de nuire à autrui. La marquise, à la faveur de cette dernière partie de la réponse du jury, fut mise en liberté. Le conflit de juridiction ayant cessé quelques années après cet épisode, par suite de deux arrêts de la cour de cassation des 29 thermidor an X et 15 prairial an XI, la question de faux fut déférée à la cour spéciale criminelle de Bourges. Par une plainte additionnelle du 28 thermidor suivant, la marquise com- 582 HISTOIRE DE LA VILLE prit M. de Champignelles dans l'accusation, et un conseiller fut délégué pour instruire sur le tout. Près de 300 témoins furent entendus, le 16 brumaire an XII et les jours suivants, mais, divisés en deux camps, la moitié nia ce que l’autre moitié aflirma. On procéda ensuite à l’interroga- toire des accusés et de la plaignante. Celle-ci dut subir enfin une épreuve plus diflicile : des lettres de madame de Douhaut lui furent représentées, elle les reconnut comme étant son œuvre. A l'instant même le magistrat instructeur lui en fit re- produire le contenu sous sa dictée, et l'affaire ainsi en état arriva à l'audience du 28 vendemiaire an XIIH. Deux systèmes se trouvaient en présence ; le premier : Madame de Douhaut est réellement morte à Orléans le 21 janvier 1788. Le second : Partie de Chazelet pour Paris, madame de Douhault descendit chez madame de la Vergne de la Ronsière, sa cousine, où elle resta quelques jours. Pendant une pro- menade en voiture, celle-ci lui offrit un prise de tabac, qui fut acceptée. Immédiatement après, madame de Douhault se serait endormie le A% janvier ATSS et ne se serait réveillée que le A9, se trouvant seule avec madame de la Ronsière qui lui aurait fait prendre un bouillon et l'aurait fait monter en berline et partir pour Paris. La cour, après avoir repris une à une toutes les impossibi- lités qui avaient frappé l'esprit des juges de Saint-Fargeau, considéra que le second interrogatoire subi par la plaignante avait révélé des impossibilités nouvelles d’identité avec la mar- quise de Douhaut; que 12 ans d’études ne lui avaient pas suffi pour jouer convenablement ce rôle; qu’elle avait horriblement défiguré, par Son orthographe, les lettres originales qui lui avaient été dictées, au point de ne pouvoir comprendre elle- ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 583 même ce qu'elle avait écrit ; qu'il lui était échappé, dans l’in- struction, des expressions de corps-de-garde que ne permet pas une bonne éducation, et, devant la cour des mots que prohibe également la grammaire, tels que j'alla, je donna, je vena. Enfin, par ces considérations et autres, la cour dit que l'acte mortuairé du 21 janvier 1778 n’était entaché d'aucun faux et en Conséquence, sans avoir égard aux plaintes des 9 ventôse an V et 28 thermidor an XI, elle débouta la plaignante de sa demande. Tout finit-il ? Non certainement, et cette femme qu'on vit plaider à Bourges, à l’aide d’un certificat d'indigence délivré le 29 messidor an XI par le maire de Cosne, trouvera facilement le moyen d'occuper d'elle, pendant 8 ans encore, la justice et le public. Immédiatement après l’arrêt de la Cour criminelle de Bourges, M. de Champignelles avait assigné sa prétendue sœur devant la Cour d'appel de Paris, appelée alors à statuer sur le mérite du jugement rendu par le tribunal supprimé de Saint-Fargéau, et peu de temps après il mourut. Mais Louise-Charlotte-Adelaïde Rogres de Lusignan de Champignelles, sa fille et son unique héritière, reprit l'instance, et un arrêt par défaut du 15 ventôse an XII confirma le jugement du 26 mai 1792. L’appelante y forma opposition le 14 floréal et l'affaire revint devant la Cour le 23 prairial suivant. Elle conclut à ce que mademoiselle de Champignelles füt obli- gée de faire la preuve de l’état d'Anne Buiret, femme Baudin: qu'il fût ordonné une vérification d'écritures, et qu'elle, appe- 584 HISTOIRE DE LA VILLE lante fût de nouveau interrogée et admise à prouver qu'elle était réellement madame de Douhault. Mais la cour se trouvant suflisamment éclairée par une double et longue procédure ne voulut pas ajourner sa décision. En conséquence, s'appuyant principalement sur ces motifs : Que l’appelante étant, de son aveu, entrée à la Salpétrière le 3 janvier1786 et y étant restée, sans interruption, jusqu'au mois de juillet 1789, ne peut être madame de Douhault qui, en 1786 et 1787, à signé à Chazelet de nombreux actes authen- tiques ; Qu'elle ne peut non plus avoir été à la fois en janvier 1788 à la Salpétriètre, à Paris, et chez madame de la Ronsière, à Orléans ; Que le décès de madame de Douhault, qui résultait déjà de l'acte mortuaire du 21 janvier 1788, a été prouvé de la manière la plus positive devant la cour criminelle de Bourges ; Qu'on ne peut ajouter foi au récit invraisemblable de la ré- clamante, qui voudrait persuader qu'au mois de janvier 1788, après un sommeil continu de cinq jours entiers, occasionné par une prise de tabac qu'on lui a présentée, n'ayant eu à son revei] qu'un bouillon pour réparer une abstinence de cinq jours, et son corps couvert de sinapismes, elle a été mise, seule, dans une voiture qui l’a conduite à Paris, chez son frère, qui a refusé de la recevoir, elle qui était encore à la Salpétrière en 1788 et 1789, elle qui, au lieu de se pourvoir, aussitôt sa liberté rendue, en restitution d'état, s’est livrée à de nombreuses escroqueries sous des noms supposés ; Que ce n’est point à des traits si bas et si vils, mais sous les rapports les plus heureux que s’est toujours fait connaître la véritable veuve de Douhault ; Que le défaut d'identité entre elle et la réclamante se mani- ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 585 feste encore en consultant l'extérieur de celle-ci, à laquelle il est impossible de donner 6% ans qu'elle aurait aujourd'hui, si, comme elle le suppose, elle était née le 7 octobre 1744, date de la naissance de la veuve de Douhault; Que l’appelante parait d'une santé forte et robuste tandis que la veuve de Douhault était d’une santé faible, et sujette à des infirmités ; Que celle-ci avait recu la meilleure éducation, parlait et écri- vait correctement, ainsi que le constatent les pièces du procès, avantages que n’a pas la réclamante, ainsi que eela est égale- ment prouvé; Qu'elle est si peu ce qu’elle prétend être qu’elle a été long- temps dans l'ignorance des prénoms de la veuve de Douhault et que trois fois marraine à Champignelles, trois fois elle a signé les registre d’une manière différente ; La cour à ordonné que le jugement du 26 mai 1792 sortirait son plein et entier effet, que les noms et qualités que s’est faussement attribués l’appelante dans tous actes quelconques seraient biffés ; que les mémoires publiés sous son nom seraient supprimés, enfin qu'à la diligence du procureur-général impé- rial près la cour, expédition du jugement du 26 mai 1799, ainsi _que de l'arrêt de la cour de justice criminelle de Bourges, du 28 vendémiaire an XIIT, ensemble du présent arrêt, serait adressée au procureur-général impérial de la cour criminelle du département de l'Yonne. L'arrêt de la cour d’appel de Paris, exclusivement motivé sur des faits, semblait de nature à ne pouvoir être déféré à la cour de cassation. Cependant, tous les degrés de juridiction devaient 38 586 HISTOIRE DE LA VILLE être épuisés dans cette affaire et la hiérarchie des tribunaux parcourue tout entière. Un arrêt de la cour suprême, du 30 avril 4807, maintint l'arrêt du 23 prairial an XIII dans toute sa force et consacra définitivement que la réclamante était une audacieuse aven- turière. Mais ne croyons pas qu'elle soit femme à baisser la tête sous le poids de la maxime res judicata pro veritate habetur ; ne croyons pas non plus que la justice criminelle ait avec elle à la fin son tour. Habile à exploiter l'enthousiasme révolutionnaire, notre ex- marquise saura aussi exploiter l'amour du merveilleux et attacher à sa cause, à l’aide de quelque charme ou de quelque mérite inconnu, douze célèbres jurisconsultes. Depuis son arrivée à Champignelles, elle a vu s’écrouler le trône de Louis XVI; elle a vu passer la république, et c'est à l'Empereur Napoléon qu’elle demandera, en 4809, la révision des procès qui l'ont flétrie. Napoléon ne fera pas sans doute droit à sa demande, mais qu'importe ! La justice aura menti, et l'aventurière sera long - temps encore madame de Douhault dans ses requêtes, dans les mémoires à consulter des Desèse, des Huart-Duparc, des Chau- veau-Lagarde , etc., ete.; elle le sera pour beaucoup de journaux et pour une grande partie de leurs lecteurs. L'était-elle pour tous ses amis ? Le trône impérial à son tour sera brisé. Elle déposera aux pieds de Louis XVIIT, en 1817, une nouvelle requête en révision, qui n’aura pas plus de succès. Il n'entre pas dans notre but d'apprécier tous les moyens invoqués en faveur de la révision sollicitée ; il nous suffira d’ana- lyser ceux qui forment pour ainsi dire la clef de voûte de hée à. 2 ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 587 l'édifice, et de rechercher s'ils sont propres à changer en erreur déplorable la vérité judiciaire. 1° L'arrêt de la cour d'appel de Paris avait rejeté les conclu- sions de la réclamante tendantes à mettre à la charge de mademoiselle de Champigneiles la preuve de l'identité d'Anne Buiret avec la fausse marquise, sans songer même à donner à celle-ci un nom, une famille, un état, en échange de l’état qui lui était refusé. C'était, disent les savants jurisconsultes que nous avons nom- més, un exemple unique dans les annales de la justice en France, qu'un demandeur en revendication d'état civil soit délaissé sans nom par les tribunaux. La défense faite à la réclamante de porter les noms de Champignelles de Douhault ne satisfaisait ni la justice ni la société, puis qu'on ne cessait de dire qui est- elle? C'était violer enfin les principes de toutes les lois civiles que de laisser un citoyen sans état, n'ayant de place nulle part, dans la société à laquelle il appartient, et existant au milieu d'elle, sans étre rien. Pour nous, qui sommes, il est vrai, étranger à la science du barreau, nous ayouerons que ces motifs ne nous ont pas séduit, et si quelqu’aventurière se disait notre sœur, rous trouverions fort impertinent le tribunal qui nous obligerait de l’accueillir comme telle ou de lui trouver un autre nom en échange de celui qu'elle aurait couvert d’opprobre et qu'elle ne voudrait plus avouer. Voilà pour le droit. 20 En fait, nous rencontrons une troisième histoire. L'erreur judiciaire résulte uniquement, disait-on, de ce que la réclamante , dans l'interrogatoire qu'elle a subi à Saint-Fargeau, a déclaré être entrée à la Salpétrière le 3 janvier 4786 et y être restée, sans interruption, jusqu'au mois de juillet 1789. 588 HISTOIRE DE LA VILLE Cette réponse, faite dans un moment de trouble à une foule de questions sans lien, sans relation les unes avec les autres, est une déplorable fatalité, mais elle est un mensonge. En effet, Jean Baudin, amené à l’audience en présence de la réclamante, ne l’a pas reconnue pour sa femme. Donc elle n’est pas Anne Buiret. Sielle n’est pas Anne Buiret, 1l est prouvé par un extrait du registre d'entrée tenu à la Salpétrière que, le 3 janvier 1786, il n'y a été reçu qu'une enfant de 7 ans, qui ne peut être la récla- mante, et Anne Buiret qui ne l’est pas, done la demandresse en révision peut être madame de Douhault. Le refus de Jean Baudin de reconnaître sa femme ne nous à pas surpris, il n’a pas non plus fixé l’attention des juges, mais ce qui nous surprend c’est que les douze jurisconsultes n’aient pas songé à appuyer leur système d’une pièce de plus, d'un extrait du registre d'écrou de la Salpétrière constatant que madame de Douhault y était entrée à une époque quelconque. Et puis, la présence de la réclamante à la Salpétrière, pen- dant que madame de Douhault vivait à Chazelet, est loin d'être- le seul motif qui ait déterminé le tribunal de St.-Fargeau, la cour criminelle de Bourges et la cour d'appel de Paris; mais on se garda bien de combattre sur ce terrain. On se borna à insinuer qu'Anne Buiret, enfermée à la Salpétrière, en même temps que madame de Douhault, avait pu apprendre d'elle difé- rentes particularités sur sa famille, et l’on soutint que c'était Anne Buiret qui avait été condamnée pour escroquerie et sup- position de personne, que c'était Anne Buiret qui, à la fin de septembre 1791, s'était présentée à Auxerre, chez madame Des- champs et la sœur de Jaucourt, mais que c'était madame de Douhault qui, quelques jours après, arrivait à Champignelles dans la voiture de M. Lepelletier de St.-Fargeau. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 589 Cette nouvelle version est-elle beaucoup plus croyable que la prise de tabac soporifique ? Dans un recueil de pièces publié en 1817, à l'appui de la demande en révision, les conseils de la réclamante se sont, eux aussi, laissés entraîner à une sorte de fatalité en placant en tête de ce recueil le portrait de leur cliente. Personne n'a pu croire alors que l'original avait 76 ans! Ainsi cette femme, inspirée par un mauvais génie aura, pen- dant 20 ans, troublé la tranquillité d’une honnête famille ; elle aura, pendant vingt ans, trouvé les moyens de vivre et de payer les frais énormes d'une longue série de procès ; pendant vingt ans, elle se sera jouée de la justice, et elle est morte sans avoir été frappée d’une peine sévère et juste. Quant à mademoiselle Rogres de Lusignan, dernier rejeton de la famille à laquelle la plus extraordinaire des intrigantes s'était attachée comme un ver rongeur, elle est morte à Paris le 30 octobre 1830, après avoir non-seulement pardonné à la commune où son père trouva tant d'ennemis, mais encore après lui avoir légué une somme de vingt mille francs. Sin LE BAILLIF. Alexandre-Claude-Martin Le Baillif est né à Saint-Fargeau, Je 42 septembre 176%. Il était fils d'Edme-Joseph Le Baillif, inspecteur de marine, et de Jeanne-Anne Peletier. Le Baillif passa sa première enfance dans sa ville natale. Il la quitta pour compléter son instruction et fut envoyé alors à Lyon, au collége des Oratoriens, où il termina ses études à 17 ans. De retour à Saint-Fargeau, il possédait, sinon beaucoup de 590 HISTOIRE DE LA VILLE science pour justifier les succès classiques qu'il avait obtenus, au moins, un très-vif désir d'apprendre et la puissance de savoir. Sans but dans son travail, car il n'avait alors ni le choix d’une carrière ouverte à l’ambition, ni la possibilité de se livrer exclusivement aux genres d'études qui dédommagent des décep- tions, il était doué d'un grand talent d'observation, et servi par une intelligence remarquable, mais la mobilité de son caractère permettait rarement à son esprit de se fixer. El descendait avec avidité dans les profondeurs de la science ; puis son imagination l'en arrachait pour le porter aux occupations PAR les plus bizarres. C'est dans ces dispositions qu'il vit un jour, entre les mains de son curé, un miscroscope et qu'il fit usage pour la première fois de cet instrument. Un monde nouveau lui apparut, il voulut se mettre en relation avec lai, il voulut un microscope, mais comme veut le génie; il en fit un. Simple comme son type, c'est-à-dire formé d’un globule fondu inséré dans un cône de buis, eet instrument est conservé comme une précieuse relique par l’opticien Charles Chevalier. Le microscope fut la première passion de Le Baillif, sa dernière fut le microscope. Une fois en possession de cet instrument, le jeune observateur songea moins encore au choix d’une carrière. * Un père, par pressentiment, une mère, par faiblesse, auraient pu abandonner ainsi Le Baïllif aux instincts de son génie, mais il était orphelin et son oncle, Claude-Archambault Guyot, pré- sident au grenier à sel de Saint-Fargeau, qui était son tuteur, songea à le rappeler aux idées positives et à le préparer à la vie administrative en le mariant. Mie Le Baillif, sa tante, s’associa à ce projet avec tout l'élan de la tendresse qu'elle portait à son neveu. Il ne manquait plus que la fiancée; M. Guyot la trouva dans la fille unique de l’un de ses collègues, Le Baillif laissa faire, ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 581 et le 25 septembre 1785, il épousa Anne-Marie-Laurence Trullier, fille de Jean Trullier, Receveur au grenier à sel de Noyers, et de Marie-Claudine Petit. Le Baïllif n'avait pas alors 21 ans; il ne connaissait pas sa femme qui en avait moins de 17. Cette union ne fut pas heureuse. (1) Le Baillif se fixa à Noyers et attendit, en prêtant sa collabo- ration à son beau-père, que l’âge lui permit d’être appelé à lui succéder. Mais la révolution arriva, le monopole du sel fut aboli et l’aspirant receveur se trouva de nouveau sans carrière par suppression d'emploi. Plus rien alors ne le retenait à Noyers, il révint à Saint-Fargeau qui bientôt, grâce au crédit de Lepeletier, fut érigé en chef-lieu de district. Un tribunal y fut établi. Le Baillif en fut nommé greffier et il exerca cette modeste fonc- tion jusqu’à la suppression du tribunal de Saint-Fargeau. Là, il fut aussi aide-major de la garde nationale, par circons- tance et poète par occasion. Au diner d'adieu, donné à Lepeletier et à ses deux frères (2) le 21 septembre 1790, il chanta les couplets suivants qui ne manquent pas, du moins, de facilité : « Mes amis, de la bienveillance » Que nous prouve Le Peletier, » Gardons bien la reconnaissance ; » Et que notre cœur tout entier » À ce doux sentiment fidèle, » Lui fasse voir dans tous les temps, » Que si jamais il nous appelle, » Nous volerons tambours battants. » « I] nous a dit que de sa vie, » Nous avions fait le plus beau jour ; (4) Madame Le Paillif est morte à Saint-Fargeau le 25 avril 1852. (2) MM. Desforts et de Mezilles. 592 HISTOIRE DE LA VILLE » Je le crois bien, car sa patrie » À pour lui le plus tendre amour. » Chérissons aussi ses deux frères, » Qui, comme lui, sont bons enfants : » Dans tous nos plaisirs militaires, » Ils ont marché tambours battants. » “ Les voilà qui nous abandonnent! » Quand viendront-ils ? Je n’en sais rien. » Gardons leurs cœurs ; ils nous les donnent : » De gage ils nous serviront bien, » Et disons leur, en militaires, » Sans faire de longs compliments, » Que notre cœur pour les trois frères » Ira toujours tambours battants. » Le Baillif, resté de nouveau sans place, résolut de tenter les chances aventureuses du commerce maritime, au milieu des- quelles son père avait perdu la vie; il partit pour Saint-Domingue, et y arriva juste au moment de la révolte des nègres soulevés par Toussaint Louverture. Il revint donc forcément en France, et il obtint un emploi au ministère de la guerre. Son aptitude le fitremarquer de Napoléon qui lui confia, pendant les années 1805, 1806 et 1807, plusieurs missions politiques en Italie, en Autriche, en Hollande et dans le nord de la France. Attaché ensuite au ministère de l'intérieur, puis à celui de la police, Le Baillif fut nommé, en 18%9, trésorier de la préfecture de police, position qu'il conserva jusqu'à sa mort. Il avait mis à profit ses voyages, et son amour: pour la science s'était accru des connaissances nouvelles qu'il avait acquises comme la flamme par un nouvel aliment. Le Baillif aimait la science pour la science; il ne lui demandait ni considération ni éclat. Il fut toutefois bien vite connu du monde savant et il s’y ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 293 fût placé aux premiers rangs si le décousu de sa vie scientifique et la mobilité de son esprit qui l’entrainait aux études les plus diverses, lui eussent permis d’appliquer son génie à quelques spécialités. » Aucune branche des sciences physiques, naturelles et mé- caniques ne lui était étrangère. On le trouvait tour à tour occupé d'astronomie et de magnétisme, de médecine et d'horlogerie, de galvanisme et de distillation, de formules algé- briques et de chimie, de microscopie et des combinaisons du tic-trac, de géologie et d’aérométrie, de botanique et de pyrotechnie. Observateur judicieux et patient, perfectionneur obstiné, il mettait au service de tous son savoir, ses instruments, ses conseils, ses critiques, sa collaboration; il poussait à la roue du char de tous les triomphes sans travailler lui-même pour la gloire. Aussi son cabinet, qu'on comparait à celui du docteur Faust, était-il le rendez-vous des hommes les plus éminents dans tous les genres de sciences, de MM. Amici, Audoin, Bron- gniard, Becquerel, Biot, Brown, Babinet, de Blainville, Bory de Saint-Vincent, de Cassini, Delille, Darut, Duby, Donné, Gauthier de Claubry, Lassaigne, Leslie, de Mirbel, Norremberg, Nobili, Orfila, de Prony, Payen, Raspail, de la Rive, Seguier, Schutz, Savary, Turpin et Zamboni. Mais il est temps de parler des travaux qui recommand ent la mémoire de Le Baïllif. Ia publié, en 482%, un mémoire sur l'emploi des petites coupelles au chalumeau, ou nouveaux moyens d'essais mainé- ralogiques (A). (1) Paris, imprimerie de Fain, place de l’'Odéon. Ce mémoire est éga- lement inséré dans les Annales de l’industrie nationale et étrangère, dont Le Baillif était correspondant. 59% HISTOIRE DE LA VILLE Avant cette époque, il avait déjà, le premier en France, con- struit dans la perfection les micromètres sur verre destinés à la mensuration des corps microscopiques, et sa machine à tracer ces micromètres, à l’aide de laquelle on diwise le millimètre en 500 parties égales, est possédée aujourd’hui par M. Chevalier. Lorsque MM. Chevalier père et fils furent chargés de con- struire le microscope présenté à l’Institut par M. Sellingen en 1823, et qu'ils firent leurs premières tentatives pour achroma- tiser les lentilles, c'est à l'expérience de Le Baillif qu’ils eurent recours et c'est notamment, grâce à ses conseils et à ses nom- breuses épreuves comparatives que leurs efforts furent couronnés de succès; c’est également sur son indication qu'ils appliquè- rent aux microscopes les diaphragmes variables. Dans son ouvrage intitulé des microscopes et de leur usage ; manuel complet de micrographie, M. Charles Chevalier se plait à reconnaitre de semblables services. Elève de Le Baillif, dit-il, je ne pouvais publier un ouvrage sur le microscope sans payer un juste tribut de reconnaissance à celui qui fut mon premier quide..……… Les faibles connaissances que Je possède aujourd'hui, je les dois à Le Baillif (4). En relation d’études avec M. Schultz pour observer la cireu- lation dans les plantes, Le Baillif a publié en particulier, dans le Bulletin universel des Sciences du baron de Ferrussae, une notice sur la circulation de la sève dans le Chara. Il a, un des premiers , signalé les merveilles microscopiques de la Vorticella (4) Nous avons vu une lettre, datée du 12 mai 1854, par laquelle M. Chevalier sollicite encore la communication des notes laissées par Le Baillif qu’il continue d'appeler son maître. Malgré les progrès de la science, je ne doute pas, ajoute-t-il, qu’elles ne soient d’un très grand secours, ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 595 rolatoria, les moyens de se procurer cet intéressant animal et la possibilité de le rendre à la vie après une longue dessication. Le Baillif est l'inventeur d'un appareil, qu'il à nommé Sidéroscope et qu'il a fait connaître, en 1827, dans un mémoire intitulé : Notice sur la construction du sidéroscope et sur les faits nouveaux qui s'y rapportent (1). Voici ce qu’en dit M. Pouillet, dans ses Elémens de physique expérimentale et de météorologie. € N° 327. M. Le Baillif a eu dernièrement l’ingénieuse idée » de composer, avec de petites aiguilles magnétiques, un Sys- » tème très délicat et très sensible avec lequel il à été découvert » des forces dont on était loin de soupconner l'existence. .…. « Presque tous les corps que M. Le Baillif a présentés au » sidéréoscope exercent quelqu'action sur l'aiguille. La plupart » de ces actions peuvent sans doute être attribuées à quelques » atômes de fer, cependant il ne faudrait pas conclure que, » dans ces phénomènes, la force magnétique est la seule qui » soit en jeu, car M. Le Bailkif a constaté ce fait, nouveau et » important, que le bismuth et l’antimoine exercent toujours » une force répulsive. » Le Baillif a construit beaucoup d’autres appareils perfec- tionnés notamment un galtanomètre, des électromètres et des piles sèchés. On lui doit enfin des recherches sur la coloration du sang ; des aiguilles d'argile propres à reconnaitre l’insensibilité des terres destinées à la fabrication de la porcelaine, des moy'ens d'analyse pour distinguer le café en poudre de la chicorée et a la betterave et pour reconnaître les substances métalliques (1) Paris, imprimerie de Fain, rue Racine, 4, place de l'Odéon. Cette notice a été également insérée dans le Bulletin universel des sciences. 596 HISTOIRE DE LA: VILLE employées dans Ja coloration des papiers ; des notes sur l'aven- turine artificielle et la déflagration du fil de fer, et la constata- tion du chromate de plomb dans les dragéès jaunes que la police fit partout saisir, aussitôt que ce fait fut connu. Terminons, en citant l'éloge que M. Turpin a fait de Le Baillif en lui faisant hommage d’un exemplaire de son organo- graphie végétale (A). « À Monsieur Le Baïllif, savant physicien et chimiste, très- » habile mécanicien, véritable philosophe, comme un faible » témoignage d'estime et d’admiration de la part de l'auteur. » Le Baillif mourut à Paris le 27 décembre 1831. Il avait été nommé chevalier de la Légion d'honneur quelques mois auparavant. Ses restes reposent au cimetière du père Lachaise. SUBIT. TABLEAU DE DAVID. Au nombre des honneurs rendus à la mémoire de Lepeletier, nous n'avons pas oublié le tableau peint par son collègue David et offert par celui-ci à la Convention pour être placé dans la salle de ses séances. Mais, s'il est quelque chose de plus inconstant que la fortune, c'est la fortune politique. Nous avons vu qu'un décret du 8 février 1795, avait ordonné (4) Organographie végétale, observations sur quelques végétaux mi- croscopiques, etc.; lues à l'académie des sciences de l’Institut, en sa séance du 12 juin 1895, par P,-1.-F. Turpin, membre de la Société philomatiqueet d'histoire natureïle de Paris, de l'académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen, de la société Linnéenne du Calvados. Paris, de l’imprimerie de A. Belin, in-/°. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 597 que le corps de Lepeletier serait retiré du Panthéon et remis à sa famille. Le tableau de David eut naturellement le même sort; il fut rendu à son auteur. David le conserva longtemps, moins comme une œuvre qui pouvait ajouter à la gloire de son nom que comme un souvenir intime d’orages et d’amitiés d’une autre époque. Un jour cependant, il songea à reproduire ce tableau par la gravure ; il en fit le dessin qu'il confia au burin de Tardieu. La résolution de David mit en émoi tous les amis de la famille royale ef en particulier madame de Mortefontaine qu'ils n’ac- cueillaient qu’avee répugnance, quelque soin qu'elle prit de pro- tester contre les actes de la vie politique de son père et d’en exprimer sa profonde douleur; quelque constance qu’elle ap- portât à laver de ses larmes la tache du sang qui avait rejailli jusque sur elle et, comme dit M. Chaillou des Barres, à épurer la mémoire de son père. L'occasion la servait à souhait. Elle négocie l'acquisition du dessin remis au graveur, l’obtient au prix de 2,400 fr. et se trouve heureuse de pouvoir donner aux augustes exilés cette preuve de dévouement. Ce marché se conclut en 1810. Il est permis de croire que ce sacrifice rendit plus faciles les relations de madame de Mortefontaine avec le faubourg Saint- Germain, mais la restauration s’accomplit et la cour, malgré les vues conciliatrices de Louis XVIIE, ne put d'abord placer en face de la fille des rois la fille de la nation. Cependant madame de Mortefontaine était parvenue à obtenir ses entrées aux Tuileries lorsque David, exilé à son tour, mourut à Bruxelles en 1825. Une nouvelle occasion s'offrit bientôt d’éprouver le dévoue- ment de madame de Mortefontaine et fixa sur elle tous les regards de la cour. 598 HISTOIRE DE LA VILLE Six mois environ après la mort de David, la famille du grand artiste exposa, pour être ensuite vendue aux enchères, dans l’ancienne salle Lebrun, rue du gros Chenet, à Paris, les dessins, études, ébauches et tableaux qui composaient son portefeuille ou garnissaient son atelier. Au nombre des grandes toiles, se trouvaient deux peintures qui excitèrent, plus que tout le reste, la curiosité publique; l’une représentait Marat frappé à mort dans sa baignoire, l’autre Lepeletier assassiné et sans vie. Le gouvernement toute fois n’avait pas cru pouvoir laisser la foule, toujours avide de spectacles émouvants, contempler à loisir ces scènes sanglantes ; il avait craint de réveiller en elle sinon la fièvre révolutionnaire du moins l’instinct des assassinats politi- ques. Ces deux œuvres de David furent donc, par ordre, exposées dans une salle particulière et l’on ne fut admis à les visiter qu’en vertu d’une permission Spéciale qui ne fut guère délivrée qu'à des artistes et à des curieux privilégiés. Malgré cette précaution, on s'était, aux Tuileries, vivement ému de cette double et singulière exhibition. Elle imposait un nouvau devoir à madame de Mortefontaine. Elle ne perd pas un instant ; lle charge un ami de s’aboucher avec les héritiers David, d'obtenir d'eux que le tableau soit retiré des enchères, et d'en négocier l’acquisition au prix des plus grands sacrifices. Le négociateur, comprenant que sa mission ne pouvait avoir de succès qu'en mettant du côté des héritiers David toutes les chances aléatoires des enchères, offrit 20,000 fr. pour que le tableau lui fut livré immédiatement. 20,000 fr. c'était un argument de quelque valeur, mais il y a dans le zèle sans doute, comme dans toutes les passions, quelques notes de la voix qui trahissent l’état secret de l'âme, les 20,000 fr. furent refusés et le chiffre fabuleux de 100,000 fut proposé pour dernier mot par les héritiers David. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 599 La nuit, qui prête conseil, acheva le sacrifice. Madame de Mortefontaine envoya 100,000 fr. en échange du tableau, mais au moment de la livraison, la famille David hésite et se fait rappeler la parole jurée. La nuit aussi lui avait prêté conseil et révélé sans doute la destination du tableau. C’est une affaire assez importante, dit- elle enfin, pour qu'il soit rédigé acte de la convention. — Je pourrais l’exiger, moi, répond l'interlocuteur, pour garantir la possession, mais , vous, que vous importe ? — Pardon, Monsieur, nous vendons les œuvres de David , mais nous n’entendons pas vendre sa gloire. — Je ne comprends pas. — Nos intentions n’ont rien que nous devions cacher, nous ne livrons en un mot le tableau qu'en échange de 400,000 fr. et d’un acte par lequel l'acheteur s’obligera de le conserver tant qu'il existera un descendant de David et à le représenter au besoin pour justifier de l'exécution du contrat. Cette condition vous importe peu du reste, car on n'achète pas une œuvre de 100,000 fr. pour la détruire. — Sans doute... mais enfin cette exigence est excessive el tellement insolite qu’elle ressemble à une défaite. — Assez, Monsieur, nous ne traitons pas sur ce ton. C’est à prendre ou à laisser. Tels furent à-peu-près, si nous sommes bien informé, les préliminaires du marché qui se conelut enfin en donnant pleine satisfaction aux héritiers David qui s’engagèrent seulement , par réciprocité, à ne publier aucun dessin du tableau. C’est à ces dures conditions enfin qu'il est allé rejoindre le dessin de 4810 et s’ensevelir dans une nouvelle espèce d'ou- bliettes du château de Saint-Fargeau. C'est donc une œuvre perdue, morte pour le monde, comme un de ces prisonniers de la 600 HISTOIRE DE LA VILLE Bastille dont l’existence mystérieuse était une vie dans la tombe. Mais des artistes, avons nous dit, ont vu, en 4825, le tableau de David, et l’un d’eux, un de nos amis, nous a confié une note de ses impressions que nous sommes autorisé de publier. La voici textuellement : » F 4 » D YF » ŸY » « Le tableau pouvait avoir 2 mètres de haut sur À m. 50 €. de large. Le fond d'un gris clair, qui se rembrunissait à mesure qu'il se rapprochait du bas du tableau, représentait un mur plat et nu, sans aucun accident. Un grossier lit de sangle recouvert d’un seul matelas à carreaux blanes et bleus traversait horizontalement toute la toile, environ à moitié de sa hauteur. Sur ce matelas, et dans le même sens, était étendu le corps de Lepeletier de Saint-Fargeau, la tête à droite, les pieds et une partie des jambes allant se perdre à gauche dans la bordure. Sur le bas du cadavre était jeté un manteau de couleur sombre, dont quelques plis tombaient jusqu’à terre. » » La tête pâle et calme, n'ayant aucun soutien, était à demi renversée; elle se présentait de profil et accompagnée d’un flot de cheveux en désordre portant encore quelques vestiges de poudre; le front était haut, le nez fortement aquilin, la bouche et le menton vivement accusés; l’ensemble noble et d'un grand caractère. » « La chemise toute sanglante, et ouverte sur la poitrine, laissait voir la plaie béante; la main droite vue en raccourci, était ramenée vers cette plaie et le bras gauche pendait hors du lit. » « Une vive lumière, venant d’en haut, illuminait le visage et le buste ; le reste du corps, déjà dissimulé par le manteau, se perdait dans une large demi-teinte. » RU S PT Sn PSS VE UT nt PRE ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 601 » Sur le fond et au milieu était appendu à un clou un sabre » sanglant, de forme très-vulgaire , et une couronne de chêne. » Sur le plancher, aa-dessous de la main pendante, se trouvait » un papier sur lequel était inscrit le dernier vote de Lepeletier; » dans l’un des augles du tableau, en grosses lettres le nom de » L. Davin, avec le millésime de 41793! » « En somme, l'effet de cette peinture était un peu artificiel, » mélodramatique. On sentait que l'artiste avait fait effort pour » arriver à l'émotion qui lui était venue si naturellement et de » prime-saut pour son admirable étude de Marat expirant. » On sait que le prix de ce dernier tableau, acheté aux enchères par un anglais, est resté au-dessous de 18,000 fr. Cette base d'appréciation, jointe au jugement d’un homme des plus experts, permet d'estimer la valeur commerciale du tableau de Lepeletier assassiné à environ 45,000 fr. Le dessin qu’en fit David n'était pas non plus à bout de péripéties. Félix Lepeletier que nous avons vu si fortement attaché à la mémoire de son frère par reconnaissance et par conformité d'opinions politiques mourut en 1837, après avoir institué pour légataires universelles les dames Hemme et Cazin, et légué à titre particulier le portrait de sa mère à la marquise de Rougé, sa nièce, et tous ses autres portraits à M. Raguenet, son ami, qui mourut peu de temps après. Le dessin de 1810 se trouva parmi les valeurs de la succes- sion, mais il fut aussitôt revendiqué par mesdames de Boisgelin et de Talleyrand, lilles et seules héritières de madame de Morte- fontaine. Les détenteurs soutenaient qu'en fait de meubles la possession valant titre, la propriété entre les mains de leur auteur était sufisamment justifiée par la possession. 39 602 HISTOIRE DE LA VILLE Mesdames de Boisgelin et de Talleyrand prétendaient au contraire que ce dessin avait été prêté par madame de Morte- fontaine à Félix Lepeletier, son oncle, qu'elle ne lui en avait aban- donné, en quelque sorte, que la jouissance pieuse et que la preuve de cette intention résultait suffisamment d’un projet de testament, écrit par ce dernier, et par lequel il déclarait donner : « à madame de Boisgelin, ainsi que je m'y suis engagé vis- » à-vis de ma nièce, un grand volume ou boîte renfermant » le dessin, par le célèbre David, de son beau tableau de » Michel sur son lit de mort, contenant aussi quatre portraits » de Michel; de plus un morceau de sa chemise sanglante et » une boucle de ses cheveux. Ce volume devait être réuni au » tableau qui est à St.-Fargeau. » Le tribunal de première instance de la Seine, par un juge- ment du 25 juillet 41837, ordonna la remise du dessin, dans les trois jours, à Mesdames de Boisgelin et de Talleyrand. & IV. LE-BOYS-DES-GAYS. M. Le Boys-des-Gays, ancien député aux états-généraux pour le bailliage de Montargis, ancien Commissaire du gouverne- ment près le tribunal criminel de l'Yonne, vivait retiré à Bléneau, où il avait profité de la loi sur le divorce, et son gendre, M. Chenou, était maire de cette petite ville quand les désastres de notre armée livrèrent aux ennemis l'entrée du territoire français. Le nommé Jolivet, ancien greflier de la municipalité, était-il signalé comme entretenant des relations avec les armées étran- gères , était-il instruit de leurs mouvements comme sa femme, disait-on, s’en était vantée? C'est du moins ce qui motiva une ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 603 perquisition à son domicile. Le Maire y parut bientôt en écharpe, assisté des patriotes les plus dévoués qu'il avait requis et qui venaient de se former en peloton de cavalerie pour organiser une guerre de partisans. Jolivet et sa femme s'étaient esquivés. Un serrurier fat chargé d'ouvrir la porte qui, résistant à ses cro- chets, fut brisée pour abréger. Toutes les issues furent envahies etle Maire se livra sans succès à la plus minutieuse perquisi- tion. Il restait l'espoir de saisir ce qu'il cherchait sur Jolivet qui fut traqué en vain, où sur sa femme qui fut poursuivie chez le docteur Petit. Là, s’emparant du sabre de l’un des hommes de l'escorte, cette femme lutta contre la force publique jusqu’à ce que désarmée à son tour, elle fur conduite en prison. Et quelle prison que celle de Bléneau; c’est une ancienne tourelle de porte de ville, éclairée par une meurtrière étroite, non vitrée, sans autre plancher que la terre battue comme l'aire d'une grange et sans autre issue qu'une porte épaisse sur le linteau de laquelle on lit l'inscription suivante : Citoyen, évite cette demeure et obéis aux loix 1791. À quelques jours de là, Bléneau était occupé par un détache- ment de l’armée autrichienne, les mariés Jolivet étaient rentrés dans leur domicile et la vérité commencait à se révéler sur les motifs secrets qui avaient inspiré le zèle de M. Chenou. Voici la pièce qu'il cherchait. Nous la transcrivons ici d’après une expédition transmise à l'autorité d'alors par Jolivet lui-même : « Ce jourd’hui 22 octobre 4793, l'an 2 de la république une » et indivisible, au greffe de la municipalité de Bléneau, dis- » trict de Saint-Fargeau, département de l'Yonne, est comparu » le citoyen Le Boys, père, lequel a déposé une médaille » frappée en mémoire de l'abandon des privilèges fait Le # août 60% HISTOIRE DE LA VILLE » 4789 et qu'il a eu comme membre de l'assemblée consti- » luante ainsi quê tous ses collègues, ladite médaille portant » d'un côté l'emblême de l'abandon desdits privilèges et de » l'autre le buste du ci-devant roi, avec cette inscription, » Louis XVI restaurateur de la liberté, ledit citoyen Le Boys » déclarant que, depuis plus de trente ans, il a de la royauté » une Opinion absolument contraire à cette inscription, que, » si elle restait chez lui, elle pourrait donner à sa postérité » une idée de ses sentiments contraire à la haine qu'il a vouée » aux rois, dès le moment où l'étude et la méditation, en effa- » cant les préjugés de l'enfance, lui ont fait connaître les » crimes de ceux qui se disent aussi improprement que témé- » rairement les souverains des peuples, et a ledit Le Boys » signé avec moi, greflier soussigné, requérant acte dudit dépôt » et de sa déclaration que je lui ai octroyé. » « Signé Le Boys père et Jouiver. » \ ne PETIT VOCABULAIRE LOCAL: Nous avons dit, dans notre introduction , que la Puisaie n'avait pas de patois proprement dit, mais qu'on y trouvait, mélangé à la langue francaise, un certain nombre de mots étranges. Or ces mois, désignant des choses ou des eireon- stances locales, il est de notre sujet de les définir et de les expliquer. AccruEs. Cn nomme accrues les lisières de terrain, voisines des forêts, qui se convertissent naturellement en bois. Le sol de la Puisaie est, à un tel degré, propre au développement des essences forestières qu'il suffirait de le laisser vingt ans sans culture pour le rendre à son état primitif, c’est-à-dire à un ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 605 ensemble impénétrable de bois et de marécages, et si cette contrée semble encore en retard, sous le rapport de l’agricul- ture, il n'en est pas non plus où la puissance de l’homme soit plus énergiquement empreinte. BerGear. Dans son état actuel, l'air de la Puisaie est encore trop humide et trop froid pour qu'il soit permit d'y élever avec succès l'espèce ovine. Les cultivateurs achètent, de septembre en novembre, dans la Forterre et dans la Sologne, des troupeaux de moutons maigres, plus où moins considérables, suivant l'im- portance de leur ferme, et les revendent, gras, après la tonte, au mois de juillet, pour la boucherie de Paris. Chacun de ces troupeaux s'appelle un lot de Bergeat, et constitue un des produits les plus certains de l’agriculture locale. Ecuezziers. Les terres cultivables de la Puisaie étant divi- sées en enclos d'une assez grande étendue, entourées de haies à hautes tiges, on entre d'un enclos dans un autre au moyen. d'une échelle double, nommée échellier, qui fait en même temps obstacle au passage des bestiaux. ErroGnes. On laisse croître, dans les haies à hautes tiges, de distance en distance, les arbres forestiers qui s’y développent naturellement et on les ébranche, à la façon des saules, tous les quatre où cinq ans, sous le nom d'Etrognes. Les étrognes ten- dent à disparaitre soit parce que, dans l'état progressif de l’agriculture, elles produisent le combustible le plus cher qu’on puisse employer, soit parce qu'elles sont utilement remplacées par des arbres à cidre. FErriers, amas de scories de fer; voir p. 9 à 47. Garines. Les gâtines s'en vont. On nomme ainsi de vastes surfaces planes, à sol imperméable, que les efforts persévérants de l’agriculture, l'emploi de la marne et enfin le drainage sont parvenus à fertiliser. I existait encore, il y a moins de trente 606 HISTOIRE DE LA VILLE ans, notamment sur les limites du département du Loiret, d’im- menses gätines, couvertes de bruyères (1) et de petits ajones (2), qui ne produisaient pas, même comme pâturages, l'équivalent de l'impôt foncier. Le Gâtinais a tiré son nom des plateaux de cette nature qui couvraient et désolaient autrefois cette contrée. Gavionner, faire des signes, prononcer des paroles cabalis- listiques dans le but d'arrêter une maladie. Les personnes qui exploitent cette coupable industrie au dépens de la crédulité populaire se nomment (ravionneurs. Gouizes, flaques d'eau d’un chemin défoncé. Les belles routes de silex et de scories de fer qui sillonnent l’ancien comté de Saint-Fargeau n'ont laissé subsister des gouilles que dans des chemins sans importance. Il y avait autrefois des légendes sur les aceidents occasionnés par les gouilles, et plusieurs d'entre elles avaient acquis un nom sinistre. Les habitants de Champi- gnelles se souviennent que le bureau d'enregistrement établi dans cette ville a été transféré à Bléneau parce qu’un inspecteur à failli perdre la vie, près de Villeneuve-les-&enêts, dans une des gouilles de la Falquerie. MarcHais, mare destinée à abreuver les bestiaux, et qui est une dépendance nécessaire de toutes les fermes isolées. Il n'y à quelquefois qu'un marchais commun pour un hameau. Il y en a, du reste, d'assez considérables pour être utilement empois- sonnés. Manouvreries. Les manœuvreries font leur révolution. Cha- que paroisse de la Puisaie avait un chef-lieu, indiqué par (4) On en distingue trois espèces différentes, la bruyére commune, balluma vulgaris (Salisb.) ; la bruyère cendrée, Erica cinerca (Lin.) et la bruère trétragone, Erica letralix (Lin.) (2) Vlex namus (Sm.) dé tninns té ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 607 l'église et le presbytère, et nommé le bourg ou la ville. Le sur- plus du territoire était exploité par un nombre plus où moins considérable de fermes, disséminées à d'assez grandes distances les unes des autres. Indépendamment du fermier, de sa famille et des domestiques, un, ou plusieurs manœuvres, était attaché au service de chaque ferme. Construite à proximité et sur les terres du domaine, l'habitation du manœuvre s'appelait manœu- vrerie. Le maitre y joignait une portion de terre destinée à servir de jardin, et, dans ce sol partout argileux, le manœuvre creusait pour l'usage de la famille un puisard nommé mitou. Plus anciennement, notamment au xvi° siècle, au lieu de manœuvrerie et de manœuvre, on disait Mazure et Mazurier. La Puisaie est encore un pays de grandes propriétés ; l'amour etle morcellement du sol ne s’y sont point encore fran- chement introduits. Cependant des partages de succession et des ventes assez nombreuses ont pour résullat de détacher une partie des terres des fermes, de les annexer à des manœuvreries et d’en composer ainsi des corps d'exploitations, auxquelles le nom seul de manœuvrerie reste encore. Mannière, carrière d'où l’on extrait, pour l'amendement des terres, une craie blanche, friable et marneuse, le plus souvent mélangée de rognons de silex, reposant immédiatement au- dessous des dépôts de l’époque tertiaire qui forme le sol culti- vable de la Puisaie. Il y a des carrières souterraines, exploitées à l'aide de puits d'extraction, et des carrières à ciel ouvert, où les déchirures du sol et les torrents ont mis à nu les assises de la craie. La marne à été employée comme amendement dans la Puisaie au xvi° siècle, nous en avons eu la preuve par des baux de cette époque, et peut-être longtemps auparavant. Elle y était absolument hors d'usage au xvme siècle et au commencement 608 HISTOIRE DE LA VILLE du xix° siècle. L'emploi en a recommence, à titre de découverte, vers 1814, dans le canton de Saint-Sauveur ; en 4817 et 1818, dans celui de Saint-Fargeau, et il s’est étendu successivement, par le canton de Bléneau, aux départements du Loiret et du Cher. Mirovu, puisard pour l'usage d'une manœuvrerie. Parures. Jachères temporaires destinées, dans chaque ferme, au pâturage du bétail. La race chevaline s’y est améliorée d’une manière très-sensible depuis un quart de siècle, mais les vaches, même celles de race charolaise, qui semblent le mieux convenir au pays, y restent petites et rabougries. SAUGES, où poires de sauges. La vigne a été cultivée dans une grande partie du Comté de Saint-Fargeau, notamment au territoire de cette ville, à Tannerre, Saint-Privé et Bléneau.. Réduite à cette dernière localité à la fin du xvin° siècle, elle a été avantageusement remplacée, ailleurs, vers 1825, par le poi- rier à cidre nommé Sauge. Les greffes en ont été rapportées de Villefranche, canton de Charny, et de Courtenay, département du Loiret, où l’on se procurait le cidre nécessaire à la consomma- tion locale. 8 VI. USAGES ET CROYANCES POPULAIRES. La Société civile a son enfance comme l’homme a la sienne. Elle se développe et se perfectionne comme lui. Aussi les rap- ports des hommes entre eux, d’abord rudes et grossiers comme les premiers besoins qui naissent de l'état social, deviennent-ils plus nobles et plus délicats à mesure que Féducation se répand et que les sensations s’épurent. C'est moins toutefois comme étude de mœurs que comme | ET DU GOMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 609 souvenirs historiques que nous notons ici les usages populaires de l’ancien Comté de Saint-Fargeau qui se sont perpétués jus- qu'à notre époque, après être descendus, de degrés en degrés, du rang le plus élevé peut-être de l'échelle sociale jusqu'aux habitants des hameaux qui les abandonnent aujourd'hui. D’au- tres après nous, agissant dans un cercle moins restreint et disposant d'éléments plus considérables, pourront présenter un tableau curieux et animé des usages populaires de chaque province. La première, la plus importante des institutions civiles est le mariage. C’est aussi à l’occasion du mariage que les usages populaires sont le plus variés. A Bléneau, à Tannerre, Mézilles et Lavau, nous avons pu voir encore, pendant la bénédiction nuptiale, au devant de la porte de l’église, se dresser une petite table, chargée d'une soupière et d’une cuillère d’étain. Le vase rempli d'une soupe épaisse, assaisonnée d'une énorme quantité de poivre, la noce arrivait, se pressait autour de la table; la mariée avalait une cuillerée de cette pàtée noire et. repoussante, le marié en faisait autant, puis successivement chacun des parents et des invités jusqu'à ce qu'enfin la cuillère soulevât, au milieu des éclats de rire de l'assistance, une queue de cochon cachée au fond du vase. A côté de cette seène triviale et grossière, nous pouvons heu- reusement placer un tableau qui n’est pas sans grâce. Au dessert du repas de noce, au moment où la jeune mariée doit offrir elle-même à chacun des conviés les dragées des fian- railles, on voit, à Tannerre, Villeneuve et Louesme, quatre jeunes gens entrer dans la salle du festin, portant sur un bran- card, orné de blanches draperies, un jeune enfant tenant un vase elos entre ses bras. Ce groupe animé et souriant s'avance.vers la jeune épouse 610 HISTOIKE DE LA VILLE et vient lui faire hommage du cadeau de la mariée. Elle enlève alors le couvercle et, au même instant, un des porteurs soufle dans le vase d'où s'échappe un nuage de blanc duvet, puis les dragées contenues dans le vase sont offertes à tous les con- vives. L'usage d'enlever le ruban, qui sert de jarretière à la mariée, et de le partager entre les invités qui le portent ensuite en livrée est plus connu et plus général. À Bléneau et à Tannerre, c'est au garcon de fête qu'est dévolue la tâche de parvenir à détacher la jarretière ; à Saint- Fargeau, Mézilles, Saint-Martin et Lavau, cette mission est réservée au plus jeune des enfants de la noce. Jamais le besoin de lire dans l'avenir ne se fait plus vive- ment sentir qu'à l’occasion du mariage. A Tannerre, Villeneuve et Louesme, quand les jeunes époux sont placés sous le poële, assez souvent la mère de la mariée frappe de petits coups sur les talons de sa fille. À ce bruit insolite, si le marié tourne la tête et regarde, c'est un signe qu’il sera jaloux. Si des deux cierges, placés à côté des jeunes mariés, l’un jette une flamme plus grande et plus vive, c’est un pronostic que l'époux qui en est le plus près survivra à l’autre. A Saint-Fargeau, quand des parents marient leur dernière fille, le garçon de fête transporte, au milieu de la noce, le balai de la maison paternelle dans celle des jeunes époux. A Louesme, Villeneuve et Tannerre, quand, à la tête de la noce, la mariée fait son entrée au domicile conjugal, elle trouve ordinairement un balai couché en travers du seuil. Si elle passe sans le relever, on en augure qu'elle sera mauvaise ménagère. Les mieux avisées non seulement le relèvent, mais encere trou- vent immédiatement l'occasion de s’en servir. Avoir une mauvaise ménagère n'était pas la seule crainte des ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 611 maris du Comté. Il arrivait à quelques uns d’être battus par leurs femmes comme l'atteste l'usage de promener sur un âne, enfourchés à contre sens, les maris de cette catégorie. Cet usage du reste est tombé en désuétude avec les causes sans doute qui l'avaient fait naître. Pour s'en dédommager, les jeunes gens de Lavau promènent ainsi, le jour des cendres, tous les hommes mariés de la commune, le premier jusqu’à la porte du second, le second jusqu’à la porte du troisième, et ainsi de suite. Après le mariage, la superstition avait la plus large part dans les usages populaires du Comté. Ainsi à Saint-Fargeau, Lavau, Ronchères, Saint-Martin et Septfonts, au premier coup de la messe de minuit, on place sur le feu l'extrémité d’un trone d'arbre et l’on veille à ee qu'il brûle constamment les trois jours de fête de Noël, puis on recueille le charbon qui reste de cette bûche afin de préserver la maison du tonnerre. Dans les mêmes lieux, on s'abstient de coudre, du 25 décembre au premier janvier, pour éviter les panaris, la perte des bestiaux et la mort du maitre de la maison. Quelques per- sonnes y possèdent le secret de signes cabalistiques propres à guérir les brûlures, le charbon et la rage. Dans toute l'étendue du Comté, on croyait et l’on croit encore que certaines gens ont le pouvoir de jeter des sorts sur les bes- tiaux qui, sous cette influence, se trouvent empicassés. Pour délivrer le bétail de cette sorte d'état maladif, en a recours à une autre sorte de classe d'hommes qui exploitent leur industrie sous le nom de dépicasseurs. À Louesme et Villeneuve quel- ques uns de ces hommes reçoivent des fermiers une petite rente annuelle pour user de leur pouvoir d’écarter les loups des pàtu- rages où l’on abandonne, la nuit, les jeunes poulains. 612 HISTOIRE DE LA VILLE Dans ces deux communes et à Bléneau, on évite de faire la lessive entre le dimanche des rameaux et Pâques, ou, comme on le dit, entre les deux pâques, pour assurer la vie du maitre de la maison. À Bléneau, on la croirait menacée, s’il arrivait qu’on brülât un joug hors de service. Il y est aussi d'usage de planter sur les fumiers, le premier mai, des branches de feuil- lages dans le but d’en éloiguer les couleuvres. Il nous reste à parler de quelques usages religieux. Le premier dimanche qui suit chaque enterrement, à Saint- Fargeau, Lavau, Septfonts, Saint-Martin et Ronchères la famille du mort offre à l’église un pain bénit, qui est distribué ensuite de maison en maison. À Bléneau, où le même usage existe, la distribution ne se fait qu'à l’église. Dans cette dernière paroisse et à Lavau, les bergères viennent à la messe de minuit offrir un pain bénit dans le but d'obtenir que les loups respectent leurs brebis. À Bléneau on ajoute assez souvent à celte offrande des agneaux premiers nés de la saison. Le 16 mai, enfin, jour de la fête de Saint-Pèlerin, on conserve avec soin le bétail à l'écurie, dans tous les environs de Saint-Fargeau, pour le préserver de la morsure des serpents, et la légende qui motive cet usage remonte jusqu'aux premiers temps du christianisme dans l’Auxerrois. On sait que saint Pèlerin, premier évêque d'Auxerre, ayant appris qu'un temple de Jupiter attirait à Entrains, à une époque déterminée, la vénération d’un peuple nombreux, s’y rendit aussitôt dans l’ardeur de son zèle, y prêcha la foule, fut arrêté comme perturbateur des cérémonies, conduit à Bouy, enfermé dans un souterrain et enfin décapité le 16 mai 304. On sait également que le corps de saint Pèlerin, inbumé à Bouy, où il reposait encore du temps de saint Germain, fut transféré à l’abbaye Saint-Denis, la tête exceptée ; que le 23 ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 613 novembre 4645, ou découvrit sous l'autel Saint-Pèlerin de l'église de Bouy la tête du saint martyr, et que, suivant l'abbé Lebeuf, « il s'était conservé parmi les peuples une pieuse cou- tume de ramasser de la terre en cet endroit. On l'appelait la « terre de Saint-Pèlerin, et les fidèles qui en répandaient dans « leur maison et ailleurs se trouvaient préservés des bêtes « vénimeuses. » Voici ce qu'ajoute à la grande légende la petite légende de Saint-Fargeau : Echappé des mains des soldats, saint Pèlerin s'était enfui dans la campagne, et, pour se soustraire à leur poursuite, s'était réfugié dans un arbre creux. Il allait de la sorte échap per aux poursuites les plus actives quand un serpent sifla au pied de l'arbre où le saint s'était caché, attira l'attention sur ce point et le fit découvrir. À $ VIL. REGNAULT DE SAINT-JEAN-D ANGELY. Michel-Louis-Etienne Regnault est, comme nous l'avons dit, né à Saint-Fargeau le 3 novembre 1760. Son père, bailli du comté, fut son premier instituteur ; mais le président Lepeletier ayant'été exilé dans sa terre de Saint- Fargeau, le jeune Regnault, son filleul, fut admis à partager les lecons données au futur avocat-général par un habile pré- cepteur. Bientôt Regnault père, ayant refusé lui-même d'enregistrer à son bailliage l'édit de 4774, fut mandé à Paris par le chancelier. Il profita de ce voyage forcé dans l'intérêt de son fils, l'emmena avec lui et le fit concourir, avec plein succès, pour une bourse au collége du Plessis. 614 HISTOIRE DE LA VILLE Sorti de ce collége en 1777, le jeune Regnault fit son droit, suivit le palais et se destina à la profession d'avocat, avec l’in- tention de l'exercer à Paris. Toutefois, son père, devenu aveugle et obligé de se démettre de ses fonctions, s'étant rétiré dans son modeste patrimoine à Saint-Jean-d’Angely, et sa position réclamant des soins particuliers, son fils se dévoua à cette tâche et vint se fixer près de lui. Un des oncles de celui-ci était lieutenant criminel et prévôt général de la marine à Rochefort. La place de lieutenant de cette prévôté vint à vaquer, il l'obtint pour son neveu en 1782, et le jeune avocat put alors venir efficacement en aide à ses parents et leur rendre l’aisance de leur précédente existence. En 1788, lors de la convocation des Etats généraux, les trois ordres ayant été appelés à rédiger un cahier de leurs vœux et doléances, à soumettre à la prochaine réunion des Etats, le Tiers-Etat de la sénéchaussée de Saint-Jean-d'Angely chargea l'avocat Regnault de la rédaction de son cahier, et celui-ci s'acquitta de cette tâche avec tant d'intelligence et de discerne- ment que, lors de l'élection des députés, il fut nommé au pre- mier tour de serutin et presqu'à l'unanimité. Doué non seulement d’une grande pénétration, mais encore de beaucoup de netteté de conception et de calme d'esprit, le jeune avocat possédait alors une instruction solide et brillante, à la fois scientifique et littéraire. Et si l’on ajoute à ces avan- tages un extérieur agréable, une élocution facile, une voix sonore et accentuée, une naissance plébéienne avec la distinc- tion et l’élévation d'idées que donnent les relations aristocrati- ques, on concevra quelle vaste carrière s'ouvrit devant lui quand à vingt-huit ans il fut député aux Etats généraux en même temps que son contemporain et son condisciple, Lepeletier, y futenvoyé par la noblesse de Paris. ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 615 Arrivés ainsi par des chemins différents, ces deux jeunes ambitieux, imbus l’un et l’autre des idées philosophiques qui exaltaient alors les têtes et les cœurs, devaient arriver à se rencontrer, l’un en descendant assez vite pour prendre une des première places au milieu du travail de nivellement qui s’opé- rait, l’autre en montant assez lentement pour qu'on ne remar- quât pas la position élevée où il voulait atteindre. Modeste et circonspect pendant la durée des Etats généraux, Regnault resta dans l'ombre au milieu de cette grande assem- blée ; mais une fois qu'il fut appelé à la Constituante, il com- mença à se faire connaître dans le Journal de Versailles, leuille quotidienne largement progressive et libérale, dont on le savait un des principaux rédacteurs. Ce journal ayant cessé de paraître lorsque l'assemblée constituante vint tenir ses séances à Paris, Regnault contribua à la rédaction du Postillon par Calais, petit journal du soir, et bientôt il prend part à toutes les discussions importantes de l'assemblée, avec réserve et convenance, sans chercher par des discours d'apparat à fixer l'attention sur lui. Il poursuit avec calme le triomphe des idées nouvelles, comme un homme qui sait ce qu'il faut à la nation et ce qu'elle veut pour asseoir un gouvernemeut durable. Tant que la révolution suit naturellement son cours, comme un fleave majestueux qui porte le vaisseau de l'Etat, on n'entend sa voix que pour là manœuvre ; mais quand le vaisseau semble s'écarter de sa route, quand il s'arrête où menace de chavirer, sa voix devient éclatante; efle prend un accent plus mäle, plus indé- pendant, plus courageux. Il veut que tous les efforts s'unissent pour pousser le vaisseau au courant du fleuve, où les eaux sont grandes et profondes. Dans l'impossibilité où nous place un cadre fort restreint de le suivre dans cette lutte de tous les jours, marquons du moins 616 HISTOIRE DE LA VILLE la carrière qu'il a parcourue par un de ces faits significatifs où l'homme se peint lui-même d'un seul coup et à larges traits. Le 30 mai 1794, anniversaire du jour où les honneurs de la sépulture furent refusés à Voltaire, on demande à la France de recueillir ses cendres. Regnault propose de lui ériger une statue et s'exprime en ces termes : « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « À € Quand j'unis ma voix à celles de ceux qui, justes appré- ciateurs des hommes, réclament pour Voltaire et pour l'hon- neur de la France le rang qui lui appartient parmi les génies qui l'ont illustrée ; quand je viens proposer un amendement au décret de comité, ce n'est pas aux talents seuls que je rends hommage; ce n'est pas à l'esprit le plus distingué de son siècle, à l’homme que la nature n’a pas encore remplacé sur le globle ; ce n’est pas à celui qui exerça sur tous les arts, sur toutes les sciences le despotisme du talent. Ces titres, tout précieux qu'ils sont, ne sufliraient pas pour décider les représentants de la nation française à décerner au philosophe de Ferney les honneurs qu'on sollicite pour sa cendre. Je les réclame pour le philosophe qui osa, un des premiers, parler aux peuples de leurs droits, de leur dignité, de leur puis- sance, au milieu d’une cour corrompue. Voltaire, dont une des faiblesses fut d'être courtisan, parlait aux courtisans l’austère langage de la vérité, il rachetait, par la manière dont il burinait les vices des tyrang, qui avaient opprimé les nations, quelques flatteries qui lui échappaient pour les des- potes qui les enchainaient encore. Son regard perçant a lu dans l'avenir et a aperçu l'aurore de la liberté, de la régéné- ration française dont il jettait les semences avec autant de soin que de courage. Il savait que, pour qu'un peuple devint libre, il fallait qu'il cessät d'être ignorant; il savait qu'on ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 617 « n'enchaïine les nations que dans les ténèbres, et que, quand « les lumières viennent éclairer la honte de leurs fers, elles « rougissent de les porter el veulent les briser. Elles les brisent « en effet, car vouloir et faire est la même chose pour une grande « nation. » Envoyé en mission, le mois suivant, dans les départements de l'Ain, du Jura et du Doubs, il y comprima les mouvements séditieux prêts à éclater. Il travailla ensuite au journal PAmi des patriotes, feuille libérale, mais monarchique, ce qui se con- cilie parfaitement avec les idées d'ordre et de révolution paci- fique dont il était animé; mais, dès le 47 juillet, il contestait au roi le droit de faire la guerre sans le consentement de la nation, et, lors de la fuite de Louis XVE, il fit décréter que les autorités du royaume et les gardes nationales arrêteraient toutes les personnes prêtes à quitter la France, qu'on s'emparerait des convois d'armes et d'argent, des chevaux, des voitures, enfin qu'on prendrait toutes les mesures propres à empêcher la famille royale de poursuivre sa route. Ennemi, du reste, de tous les moyens violents, Regnault ne put inspirer confiance au parti extrême. Son arrestation fut or- donnée après la journée du 10 août 1792, mais, gràce aux soins d'amis généreux et dévoués, il échappa à toutes les recherches. Rendu à la liberté après une longue réclusion volontaire qui lui sauva la vie, Regnauli, qui à la mort de ses parents s'était fixé à Paris comme avocat, retourna à Saint-Jean-d'Angely après le 9 thermidor 179%. Il s'associa alors à de grandes opérations commerciales et, par d'heureuses spéculations, s’assura une ho- norable position de fortune. Dans cet état prospère, envisageant la situation de la France et voyant les libertés publiques prêtes à sombrer au milieu de l'orage révolutionnaire et de la tour- mente des partis, il entrevit avee une étonnante perspicacité quel 40 618 HSFOIRE DE LA VILLE serait bientôt l'arbitre des destinées de la France, et il suivit La fortune de Bonaparte, non comme on recherche l'idéal du jour, par l'entrainement de la foule, mais comme on s'attache à l'ave- nir, par la foi. Après l'avoir appelé à l'administration des hopitaux de l'armée d'Italie, Bonaparte l'employa dans plusieurs circonstances difficiles et l'installa à Malte comme commissaire du gouvernement ; mais Regnault ne put empêcher que l’incurie du Directoire n'abandonnât bientôt cette île aux Anglais. Lorsque Bonaparte, rappelé d'Egypte, débarqua inopinément en France, il fut un des hommes avec qui fut concertée la révo- lution du 10 brumaire. Après avoir travaillé à la rédaction de la constitution de l'an VIT, Regnault fut nommé conseiller, puis président de la section de l’intérieur au conseil d'Etat. Il fut enfin comblé de bienfaits et d'honneurs. Un décret le fit membre de l’Académie française, un autre comte de l'empire, un troisième procureur- général près la haute cour, un quatrième grand-officier de la Légion-d'Honneur. Il prit alors un grand ascendant sur tout le ministère, et cependant, lorsque, le 1% août 1807, M. de Cham- pigny fut appelé aux affaires HILL ce fut M. Crétet qui le remplaça à l’intérieur. « Regnault, » dit à ce sujet M. Thiers, « était l'un des « membres du conseilid'Etat les plus employés par Napoléon, « à cause de sa grande habitude des affaires et de sa facilité à « les exposer dans des rapports clairs et éloquents. Comme il « n'y avait alors d'autre lutte de tribune que celle de conseiller « d'Etat discutant contre un membre du tribunat, devant le « corps législatif muet, et apportant des raisons convenues « contre des objections également convenues, il suflisait pour « ses Juites, arrangées à l'avance dans des conférences prépa- « ratoires et ressemblant à celles des assemblées libres comme ET DU COMTE DE SAINT-FARGEAU. 619 « les manœuvres d’apparat ressemblent à la guerre, d'un talent « disert, varié, brillant, seulement il le fallait facile et infati- « gable sous un maître prompt à concevoir et à exécuter, « voulant, lorsqu'il portait son attention sur un sujet, accom- € plir, à l'instant même, ce que lui avait inspiré ce sujet afin de « passer immédiatement à un autre. M. Regnault était le pre- « mier des orateurs pour un tel rôle, et il était, à lui seul, on « peut le dire, toute l'éloquence du temps. Napoléon, appréciant « ser services, voulut le dédommager par le titre de ministre « d'Etat, titre sans définition, qui proeurait le rang de ministre « sans en conférer le pouvoir, et par une charge de cour très- « bien rétribuée, celle de secrétaire d'Etat de la famille impé- « riale. » Après les désastres de la campagne de Russie, lorsque les armées ennemies envahirent la France, Regnault suivit l'impé- ratrice à Blois et ne revint à Paris qu'après le retour de Louis XVII. Il se retira ensuite dans ses terres et y vécut, au sein de sà famille, dans la retraite la plus absolue. Pendant les cent jours, il fut réinstallé dans ses fonctions et nommé député à l'assemblée législative, et, après la bataille de Waterloo, c'est lui que Napoléon chargea d'annoncer à la chambre sa résolution d'abdiquer en faveur de son fils. La res- tauration une seconde fois accomplie, Regnault fut compris dans la proscription du 24 juillet 1815 et s'exila en Amérique. La biographie Michaud rend compte de tentatives qui auraient été faites près de lui, après la bataille de Leipzig, dans le but de l’attacher à Louis XVIIT, et signale diverses circonstances qui durent faire croire à son dévouement à la cause des Bour- bons, notamment le discours qu'il prononça, comme président de l’Académie francaise, lors de la réception de Campenon, et dans lequel il félicite la France du retour d'un roi si longtemps 620 HISTOIRE DE LA VILLE désiré. Mais si le roi s'était jamais cru autoirsé à compter sur les services de Regnault, il n'eut certainement commis ni la faute de le laisser sans emploi à la première restauration, ni l'injustice de l’exiler à la seconde. Le climat de l'Amérique et les chagrins de l'exil ayant profon- dément altéré sa santé, Regaault quitta ce sol hospitalier et vint s'établir en Belgique, où la persécution trouva moyen de troubler encore le repos dont il avait besoin. Autorisé enfin à rentrer en France, il se rendit en toute hâte à Paris. Il y arriva le 40 mars 4819, à sept heures du soir, et le lendemain à deux heures du matin, la France, dont il à été un des glorieux en- fants, recevait son dernier soupir. Ses restes reposent au cimetière du Père Lachaise, et sur sa tombe ou lit cette épitaphe : Français, de son dernier soupir Il a salué la patrie ! Un même jour a vu finir Ses maux, son exil et sa ve. $ VII. PARC ACTUEL DE SAINT-FARGEAU. Le pare de Leveau avait subi plus d'une atteinte déjà quand, en 4808, M. de Mortefontaine planta le pare-paysage actuel, en utilisant une partie des grands ombrages qui se seraient fait trop longtemps attendre. C'est surtout au soleil levant qu'il faut voir le pare de Saint- Fargeau. Situé dans une vallée étroite et circonserit dans une espacé - de 55 hectares, il n'emprunte sa beauté ni à de vastes horizons ni à des combinaisons savantes susceptibles d'analyse. Tout y ET DU COMTÉ DE SAINT-FARGEAU. 621 est naturel, sans efforts, sans prétention. C’est une simple et tranquille vallée des Vosges ou du Jura, avec son lac bordé au midi de saules, d’auves et de peupliers, au nord d'arbres rési- neux; avec ses seconds plans formés de coteaux mollement onduleux, et accidentés sans violence ; avec sa végétation riche de fraicheur et de développement; avec ses pins majestueux, dont les eimes frémissantes modulent une mélancolique har- monie; avec ses hêtres et ses chênes à l'ombre desquels la pensée se repose moins sérieuse mais aussi recueillie; avec ses pelouses doucement inclinées, coupées de massifs dont les tein- tes diverses s’harmonisent sans se confondre, tantôt groupés avec grâce comme pour reposer la vue, tantôt négligemment épars, à travers lesquels l'œil aime à chercher au loin la lu- mière, tantôt enfin réunis en masses compactes assombries par les arbres du nord, éclairées par les furtifs rayons d’un soleil oblique et dont les aspérités s’assouplissent dans un délicieux demi-jour. [ n’y manque que les hautes montagnes qui ferment l'enceinte des vallées subalpines. Mais là, si des bois en dissimulent la base et des vapeurs en voilent la cime, ici également les coteaux du dernier plan se perdent dans la brume et l'imagination, riche d'impressions ou de souvenirs, peut créer à son gré, dans l’es- pace indécis, les roches abruptes, les formes étranges qui man- quent au tableau. Disons aussi que l'artiste a su, avec un art admirable, appro- prier à son œuvre tous les lointains et emprunter toutes les perspectives d’un vaste territoire pour donner à sa création un ensemble de grandeur qui réponde à ses vues et complète sa pensée. Tel nous est apparu, dans son état actuel, le pare de Saint- Fargeau et ce n’est pas, hâtons-nous de le dire, sa meilleure 622 HISTOIRE DE LA VILLE. recommandation. Dès 1815, Berthault, l'habile dessinateur des jardins de la Malmaison et du pare de Compiègne exprimait en ces termes son opinion sur l’œuvre de M. de Mortefontaine : « J'ai vu Saint-Fargeau, et je vous remercie de m'avoir con- « seillé de prendre ma route de ce côté pour retourner à Paris. « Je ne vous parlerai point du château, mais en ma qualité de « planteur de jardins, je vous dirai, Monsieur, que J'ai été | « étonné et enchanté du pare. Tout cela est jeune, bien Jeune, « quasi dans l’enfance, mais tout cela aussi est supérieurement « dessiné, disposé à merveille, et il y a une entente surprenante « du méfier. Dans dix ou quinze ans, l'effet sera beau et riche. « Moi, qui en ai beaucoup vu et surtout tant planté déjà, je « vous assure que j'envierais presque à M. de Mortefontaine le « talent qu'il a déployé ici. De tels amateurs sont rares !'IT y à « bien quelques groupes que je voudrais ôter et qui papillottént « à l'œil. Au reste encore, pour les condamner, faudrait-il « attendre. » Plus rien ne papillotte à l'œil aujourd'hui, mais nous vou- drions voir disparaître quelques arbres étrangers à qui M. de Mortefontaine sans doute n'aurait pas accordé les lettres de naturalisation qui les ont introduits dans son œuvre. cc omis DEy. FIN UN CHRONIQUEUR INÉDIT DES ANNALES DE LA VILLE DE SENS. Les travaux de M. Th. Tarbé et Pessai publié il y à une quinzaine d'années par M. de Lavernade, sur l'histoire de la ville de Sens, sont assurément dignes d'estime et d'attention. Cependant si l’on considère tout ce: que doit comprendre la monographie d'une ville aussi célèbre dans l'antiquité et aussi puissante dans le moyen-âge que celle de Sens, on peut, sans manquer aux égards dûs à ces deux savants auteurs, affirmer qu'il reste encore beaucoup à faire après eux (1). Les matériaux pour la composition de cette œuvre sont pourtant fort abondants. Dès le xi° siècle, Odoranne, moine de Saint-Pierre-le-Vif, avait composé une chronique courte, mais substantielle, (1) Depuis que cecl est écrit, j'ai eu communication d’un travail historique très-considérable et très-intéressant, œuvre de M. le doc- teur Grou, qui a mis à profit non seulement tous les manuscrits connus, mais encore les archives de la ville dont il a tiré les plus précieux renseignements. Aussi modeste que savant, M. Crou n'a fait connaître son travai! qu'à un très-petit nombre d'amis, et s'est refusé à le livrer à l’impressign. Mais il faut espérer que tôt ou tard le publie en sera mis en possession, 62% UN CHRONIQUEUR INÉDIT pour rappeler les événements des siècles précédents et « montrer en quels temps et par quelles personnes ce véné- « rable monastère avait été enrichi de ses priviléges et des « reliques des saints. » Elle commence à l’année 675, par la mention du privilége des libertés accordées à l’abbaye par l'archevêque Emmo, et finit en 4032, par la mort de l’arche- vêque Léotherie. On y trouve des faits du plus haut intérêt, tant pour l’histoire générale que pour celle de la ville et de l’église de Sens. d Nous possédons, parmi les manuserits de la bibliothèque d'Auxerre, quatre légendes de saint Savinien. La première est un panégyrique dédié à Gerbert, qui a été abhé de Saint- Pierre-le-Vif de 1046 à 1079. La date en est ainsi authenti- quement fixée. La quatrième contient, avee un éloge du même apôtre, une relation, en style simple et élégant, de la transla- tion de ses reliques après la reconstruction du monastère, sous l’archevêque Léotheric. Dom Mabillon l'a attribuée à Odoranne. Le fait m'a paru douteux et j'en ai dit les raisons dans la notice que j'ai publiée, il y a trois ans, sur ce moine artiste et chroniqueur. Mais il paraît au moins avéré qu'elle a été écrite avant la fin du même siècle. Les «deux autres sont des légendes d’une plus haute ancienneté. Tout n'est pas historique dans ces vieux monuments de la piété des bons À + Ps moines. Mais on peut avec discernement et critique y puiser . d’utiles renseignements. Au xue siècle, Clarius à écrit une chronique de Saint- Pierre-le-Vif dont l’histoire est par tant de points liée à celle de la ville de Sens. Il a souvent copié Odoranne. Puis il l’a continué jusque vers l’année 1128. Des deux manuserits origina 4x de cette chronique, nous en possédons un. L'autre, un peu plus complet, est à la bibliothèque impériale, sous le | | | | | | | | | | DE LA VILLE DE SENS. 625 titre mensonger de Chronique d'Odoranne (n° 5,002 du fonds latin). Clarius lui-même a trouvé un continuateur, appelé Hiron, qui a porté le récit jusqu'en 1184. Cent ans après, un autre moine, Godefroy de Courlon, a repris à nouveau ce récit, qu'il a conduit jusqu'aux dernières années du x siècle. Odoranne et Clarius, avec son continuateur, ont été imprimés. Godefroy de Courlon, dont le manuserit est con- servé à la bibliothèque de Sens, est resté inédit: il en est de même des légendes de saimt Savinien, sauf le commencement de la première et la fin de la quatrième, qui, par une confusion que j'ai déjà eu l’occasion d'expliquer, ont été publiés comme une seule et même œuvre par Mabillon, au Sæc. VI des Actes de saint Benoît. La bibliothèque de Sens contient, en manuserit, une autre eLtrès-précieuse histoire sénonaise, qu'a composée, vers 1520, un moine Célestin, appelé Bureteau, et, de plus, une chronique des archevêques de Sens, qu'un curé de la ville, appelé Pierre Coquin, secrétaire du cardinal de Bourbon, écrivit en 1557. Jacques Taveau, morten 1608, à laissé aussi une histoire des archevêques qui a été imprimée et dont le manuscrit original est à la bibliothèque impériale. Il a été commenté, au xvrr° siècle, par Jérôme Maulmirey, dont nous possédons, dans la bibliothèque d'Auxerre, le texte original, ainsi que des éphé- mérides nécrologiques sénonaises, écrites, vers le même temps, par le chanoine Leriche. Nous avons encore, dans nos manuscrits, la chronique qu'en 4650 dom Cottron consacra aux fastes de Saint- Pierre-le-Vif. On trouve de plus, à la date de 14645, un manuscrit de Milachon ; en1700, un manuserit du chanoine Eracle Cartault, dont M. le docteur Crou possède une copie; en 1753, un 626 UN CHRONIQUEUR INÉDIT autre manuscrit, sans nom d'auteur, que possède M. l'abbé Carlier, et, en 4762, la compilation que fit le conseiller au bailliage, Garsement de Fontaine. Une mine plus riche consiste dans les fragments très-étendus d’une histoire ecclésiastique de Sens, par l’académicien Fenel. Il y manque malheureuse- ment ce qui concerne la période du x1° au x1v° siècle. Citons encore en passant un curieux recueil de notes CRAN de l'abbé Salgues, que possède M. Crou. Enfin, il faut ajouter, à tous ces documents, les divers travaux que M. Th. Tarbé a publiés dans l’almanach de Sens, et qu'en 1832 il a réunis en deux volumes sous le titre de recherches sur la ville de Sens et ses environs, et le livre de M. de Lavernade, intitulé Histoure de la ville de Sens. Mais un autre travail plus étendu, plus complet que tous ceux-là, est un gros manuscrit in-4°, dont je dois la commu- nication àlobligeance de M. le docteurCrou. Il est intitulé : « Histoire de la ville de Sens, son antiquité, ses prérogatives « au-dessus des villes de la France, la fondation de son « église métropolitaine, des paroisses, chapelles, abbayes, « couvents, du séminaire, du collége, ete. ; l'institution du « siége présidial de la prévosté, de l'élection, des consuls, « de la maréchaussée, du grenier à sel, des maires etéchevins « et autres choses remarquables, divisé en quatre livres « par LE. R. P. C. (Jacques Rousseau, prêtre, curé) de la pa- « roisse de Saint-Romain, de Sens. » Ce livre est fort peu connu, même à Sens. Cependant 1l en existait quatre copies de la main de l'auteur. M. Tarbé et M. le docteur Bardin en avaient chacun une. On ne sait ce qu'est devenue la dernière. La première appartient à M. Crou, qui en apprécie l'importance et veille avec un soin serupuleux à sa conservation, et qui m'a dit que M. Hardy devait en posséder une troisième, DE LA VILLE DE SENS. 627 Le litre que je viens de transcrire semble embrasser toute l’histoire civile, ecclésiastique et archéologique de la ville de de Sens. L'énumération des chapitres ne dément pas cette donnée. En voici un aperçu : LIVS AS", DE LA VILLE DE SENS. De l’origine des Gaulois, De lantiquité de la ville de Sens. Des noms différents de la ville de Sens, Comment la ville de Sens était batie autrefois. >. Qualités des habitants de la ville de Sens. 6. Comment elle était gouvernée autrefois. 7. Des priviléges de la ville de Sens. 8. Des rues de la ville de Sens. 9. De la quantité des maisons qui la composent. 10. Des carrefours de la ville de Sens. 11. De l’aqueduc et du ru qui passe dans la ville. 12. Des puits publics qui sont dans les rues de la ville, 15. Du puits de la halle. 14. Du puits du Bailly. 15. Des marchés et des foires de la ville de Sens. 16. Du marché au blé. 47. De la grosse tour. 18. Des prisons rovales. 49. De la boucherie. 20. Du tripot. 21. Des portes de la ville de Sens. 22, Des murailles de la ville de Sens. LIV. 2. DE L'ÉGLISE DE SENS. — De l’église cathédrale de Saint-Etienne de Sens, Des chanoines de l’église de Sens. Q1 t= De l’archevèque de Sens. 628 NN 1 CRC S æ 9 O1 Co O1 Re © e UN CHRONIQUEUR INÉDIT De l'archidiacre de Sens. De larchidiacre du Gâtinais. De l’archidiacre de Melun. . De l’archidiacre de Provins, De l’archidiacre d’Etampes. De l’archevèché. Du cloître des chanoines. . De Saint-Laurent. . De Saint-Cyr. . Des curés de la ville et faubourgs. . De la paroisse de Saint-Hilaire, . De la paroisse de Saint-Pierre-le-Rond. . De la paroisse de Saint-Romain et par occasion de l’abbaye de St-Remy-lès-Sens. . De la paroisse de Saint-Pierre-le-Donjon. . De la paroisse de Sainte-Colombe. . De la paroisse de Saint-Maximin. . De la paroisse de Saint-Benoît. . De la paroisse de Sainte-Croix. De la paroisse de Saint-Savinien. . De la paroisse de Saint-Maurice. De la paroisse de Saint-Didier. De la paroisse de Saint-Symphorien. De la paroisse de Saint-Pregts. De la paroisse de Saint-Nicolas. . De la paroisse de Saint-Léon. . De la paroisse de la Magdeleine. . De la paroisse de Saint-Cartauld. . Des treize prètres cardinaux de la ville de Sens. . Du Séminaire. De l’abbaye de Saint-Léon-lès-Sens. . De l’abbaye de Saint-Paul-lès-Sens. . De l’abbaye de Saint-Pierre-le-Vif-lès-Sens. . De l’abbaye de Sainte-Colombe-lès-Sens. . Du monastère des Célestins. Du collége des Jésuites. Du couvent des Jacobins, 40. A1. 42. 45. 44. 45. 46. 47. 48. DE" LA VILLE DE SENS. Du couvent des Cordeliers. Du couvent des Capucins-lès-Sens. Du couvent des Pénitents-lès-Sens. De l’abbaye des Bénédictines-lès-Sens, Du monastère des Ursulines-lès-Sens, Du monastère des Carmélites. Du monastère des Célestes. De l'Hôtel-Dieu. Des Conciles tenus à Sens. LIV..3: DES JUSTICES DE LA VILLE DE SENS. De loflicialité métropolitaine et diocésaine. De la Temporalité. . Du Clergé, Du siége présidial et bailliage. . De la maison du bailliage, . De la prévôté de Sens. De la maison de la prévôté. . De lElection. De la maison de l’Election. Des Consuls. . De la maison des Consuls, Du Grenier à sel. . De la maison du Grenier à sel. . Des Maires et Echevins. ÿ. De l'Hôtel-de-Ville. . De la Maréchaussée. . Des Eaux-et-Forèts. LIV. 4. DES DEHORS DE LA VILLE . Des fossés de la ville de Sens. . Des corps-de-garde. Des boulevards, . Des demi-lunes. DE SENS, 630 UN CHRONIQUEUR INÉDIT >. Des fauxbourgs. 6. Du Clos-le-Roi. 7. Du Tau. S. Des blanchisseries, 9. De la rivière d'Yonne. 40. Dela rivière de Vanne. 11. Du ru de Gravereau. 42. Du ru de Mondereau. 45. Des Moulins -du-Roi. 44. De la Motte-du-Siàr. 15. Dela justice de Saint-Pierre-le-Vif. 16. De la boucherie de Saint-Pierre-le-Vif. 17. Des pardons de Saint-Pierre-le-Vif. 18. De Sainte-Béate. 19. De Saint-Savinien. 20. De Saint-Anien. 2. De Saint-Bond, et paroccasion de l’abbaye de Saint-Médard. 22. De la fontaine d’Aaron. 25. Des Pestiférés. 24. Du Popelain. C'est en 1682 que fut achevé ce livre, dont la composition a dû occuper son auteur pendant bien des années, ear il comprend 643 pages in-4° d’une écriture très-serrée., il embrasse, comme on le voit, une multitude de détails et il suppose des travaux préliminaires et des recherches fort étendues. L'auteur à toujours soin d'indiquer, en marge deson livre, la source où il a puisé, et son wravail est d'autant plus précieux que ces sources ont en partie cessé d'exister. Celles qu'il cite sont d’abord les chroniques de Clarius, de Pierre Co- quin, de Bureteau et de Jacques Taveau. Il ne paraît pas avoir consulté celles d'Odoranne et de Godefroy de Courlon, car il ne les cite que de seconde main. Mais il en a eu d’autres à sa disposition: Un poète anonyme, qui date au plus tard du | | | DE LA VILLE DE SENS. 631 quatorzième siècle et qui avait écrit en vers une cbhro- nique des archevêques, comme Guillaume-le-Breton à fail celle de Philippe-Auguste ; des récits manuscrits que, des noms deleurs possesseurs, il désigne sous le nom de manus- crits Farinade, Fauvelet et autres ; un vieil ouvrage de statis- tique et de discipline ecclésiastique qui s'appelait le livre de l’archidiacre ; des mémoires qui, à sa demande, ont été faits par les soins des abbés et prieurs des communautés et des curés des paroisses ; et enfin les archives de la ville, aujour- d'hui fort appauvries, et dont Balthazar Taveau avait fait, en 1572, un inventaire raisonné qui parait exister encore dans les archives de la ville et auquel l’auteur renvoie souvent. A l’aide de ces matériaux, et animé par un zèle ardent pour l’histoire et une admiration parfois plus exaltée que judicieuse pour la gloire de sa ville natale, l’auteur a composé une suite de récits et de descriptions qui sont dignes du plus grand intérêt, car s'il a été copié en bien des points par les écrivains qui sont venus après lui, il est une multitude de faits qui ne peuvent plus aujourd'hui se retrouver ailleurs que dans son recueil. Nous venons de dire que son patriotisme local est plein d'exaltation. On en peut juger par le passage suivant : « Ce n’estpas pour rien que la ville de Sens a toujours été en grande vénération quasi parmi toutes les nations du monde, et qu’elle a été beaucoup estimée, Elle a toujours eu quelque chose qui attirait leur estime et qui lui donnait du relief, Tantôt c'était sa pureté dans la foi, tantôt sa féauté de religion, son courage pour les grandes entreprises, sa fidélité à ses rois, les bâtiments somptueux et superbes, comme ce magnifique bâtiment, cet incomparable édifice et temple de Saint- Etienne, aussi auguste qu'il est ancien. Tant de paroisses, de monas- tères et de conciles, un si beau clergé, tant de saints religieux et de pieuses moniales, enfin tout ce qu'elle contient semble concourir à 632 UN CHRONIQUEUR INÉDIT son lustre et donner dela jalousie aux autres villes en leur inspirant une certaine vénération qui est causée par l'estime qu’elles en ont conçue (1). (p. 365). Au reste, l’auteur embrasse la rivière d'Yonne dans Île même amour, car il se fâche contre les géographes qui l'ont omise dans la description de la Gaule. Cependant il ne parail la connaître que très-imparfaitement, car il place le commencement de son cours à Cravant. Mais il la loue d’un mérite singulier, c’est d’être très-ancienne. « La Seine commence à six ou sept lieues de Troyes, à Saint-Seine, et Troyes n’est éloigné de Montereau que de 15 ou 14 lieues ; c’est en tout pour le lit de la Seine, depuis sa source, jusqu’à Montereau, 22 lieues. Et la rivière d’Yonne commence à Cravant, proche Avallon, sept lieues au-dessus d'Auxerre. Auxerre est éloigné de Sens de 45 lieues, de Sens à Montereau, 8 lieues, qui fait 28 lieues. Elle surpasse donc le trajet de la rivière de Seine depuis sa source jusqu’à Mon- lereau. La rivière d’Yonne est fort ancienne, et vraisemblablement que les premiers habitants de la ville de Sens n’ont choisi la place où ils l’ont bâtie et ne s’y sont arrêtés qu'à cause de cette rivière qui, en arrosant le sol, le rendait fertile et agréable (p. 549). » On voit par à que le patriotisme du bon curé n'est pas toujours contenu dans les limites d’un discernement parfait. Aussi ne faut-il pas lui demander, surtout pour les anciens temps, une saine critique historique. Il ne veut pas s’en tenir au texte des historiens de l'antiquité, et, dans sa crédule naïveté, il recueille avec avidité toutes les fables grossières (4) Cette tirade vient à l’occasion du titre de cardinaux que recevaient les 13 curés de Sens. L'auteur croit à tort que c’est un privilége spécial à sa ville natale. ll existait de mème à Troyes, à Angers, à Soissons et dans quelques autres villes. DE LA VILLE DE SENS. 633 que les géographes-romanciers du moyen-âge et de la renais- sance, en recourant à des étymologies plus ou moins fan- tasques, ont inventées sur les origines de la ville de Sens. A la vérité, il hésite entre le système de Munster {Tables géographiques), qui à dérivé Sens de Sem, et a donné à la ville pour fondateur ce fils de Noé, et celui de Robert (De re gallica), qui a créé un Samothès, quatrième fils de Japhet, pour lui attribuer l'honneur de cette fondation mythologique. Mais tout ce qu'il peut concéder, c'est de partir de ce dernier patriarche et de dater Sens et son premier roi de cent quarante ans après le déluge. « Si Rome a été la mère spirituelle de la ville de Sens, par la doc- trine vaste et divine qu’elle en a reçue, Sens aurait bien été sa mère pour son établissement, puisqu'elle est plus vieille qu’elle de beaucoup d'années. Elle a été bâtie l’an du monde, environ" 1931, 440 ans après le déluge, et Rome n’a pris ses commencements que sous Romulus, qui vivait en l’an du monde, suivant Sponder et ses Annales sacrées, 3500. (p. 52). n Il n’a garde aussi de dédaigner ce vieux nom d’Orbandel, qu'on à donné aux murs de Sens, comme à ceux de Chàlons- sur-Saône et du Mans, et à une partie au moins de ceux d'Auxerre, où le titre d’une de nos rues l'atteste encore aujour- d'hui, et, avec d’autres rêveurs, il veut que sa ville ait été ceinte de remparts dorés, et qu'elle en ait même retenu le nom de la ville d’or, aurea civitas. Je vous laisse à penser d'après cela s’il malmène le conquérant des (raules. Il n'oublie pas la tradition locale selon laquelle César aurait été pris et incarcéré à Sens où, au xvie siècle, on montrait encore la maison qui, disait-on, lui avait servi de prison. Sur toute la période historique antérieure au xr° sièele, il n°v a guère dans son livre, si l'on en excepte (al 034 UN CHRONIQUEUR INÉDIT quelques faits relatifs à l'histoire ecclésiastique, que des rêve- ries au lieu de vérités et des fables à la place de l'histoire. Dans la préoccupation de son patriotisme local, il ne pouvait pas se séparer des légendes qui attribuent à l'apostolat de saint Savinien une antiquité contemporaine de la fondation du Christianisme. Il va même, laissant de côté les témoignages des Evangiles, jusqu’à faire de ce saint martyr un des apôtres du Sauveur, qui auraient été au nombre de trente-six au lieu de douze. Cependant il est juste d'ajouter que dans ce sujet qu'il discute longuement il rapporte toutes les objections contraires, avee une bonne foi consciencieuse et une sincérité qui, en éclairant tous les points de la question, peut mettre les lecteurs à portée de les juger en pleine connaissance de cause. à Il est dans le même ordre d'idées quand il raconte gra- vement, en s'appuyant sur Robert de Saint-Marien, Bureteau, ie père Binet (4), Ribadaneira et Jean Eckius, que le nom de Saint-Pierre-le-Vif signifie, non pas que l'abbaye dédiée à saint Pierre avait été bâtie hors des murs de la ville et dans le bourg, èn vico, mais qu’elle avait été fondée du vivant de saint Pierre, ce qu'il s'efforce d'appuyer de preuves qui font plus d'honneur à sa vénération pour cet antique monastère qu'à sa science historique. . (4) Ce dernier, dans sa vie de saint Savinien, imprimée en 4629, raconte ainsi le fait avec une précision qui fait honneur à son imagi- nation, sinon à sa science : u La quatrième église que fit bâtir saint Savinien en l'honneur des “ apôtres saint Pierre et saint Paul, lesquels il croyait avoir déjà “ enduré le martyre sous Néron. Mais depuis, étant informé que le “ bienheureux prince desapôtres était encore vivant, il la nomma u Saint-Pierre-le-Vif, DE LA VILLE DE SENS. 635 u Pourquoi refusent-ils à Saint-Savinien d’avoir dédié une église à Saint-Pierre encore vivant? Les payens élevaient bien des autels à des bêtes et à des hommes plus brutaux que les bêtes, pendant leurs vies. Les saints ne sont-ils pas aussi vénérables sur la terre qu’ils le sont dans le ciel. N’est-ce pas la grâce qui les fait dignes de nos plus grands honneurs? Si on est dans la certitude qu’ils l’ont, pour- quoi ne les vénérera-f-on pas ? (p.397). » Mais, dès qu'il est arrivé aux temps relativement modernes, et dont la tradition authentique se trouvait écrite dans des documents qu'il a pu consulter, il abonde en renseignements du plus haut intérêt et qu'on chercherait vainement ailleurs. Ainsi, à l'occasion de la suppression de la première com- mune de Sens en 1149, et de la vengeance que tira Louis- le-Jeune des meurtriers de l'abbé Herbert, que l’on supposait avoir été le prineipal auteur de cette suppression, il raconte que le roi, pour perpétuer la mémoire de cette expiation, fit placer dans le eloître de Saint-Pierre-le-Vif l'efligie en pierre d'un échevin comme un symbole perpétuel de vasselage et d'humiliation, et que de plus il soumit la postérité des meur- triers à venir chaque année, et jusqu'à son entière extinetion, faire amende honorable aux religieux de l'abbaye, ce qui se pratiquait encore quatre cents ans après. «Après avoir transcritce que rapporte Taveau du meurtre de Pabbé Herbert et de son neveu, Bureteau ajoute à tout cela, qu'en mémoire d'un crime si énorme, le mème roi fit ériger un eschevin de pierre, qu'il fit poser justement dans la place du cloitre de Saint-Pierre-le- Vif, où on l'avait tué... et qu’on le voyait encore de son temps. J'ai oui dire au R. P. Mathoud, religieux, présentement à Saint-Pierre- le-Vif, et qui en avait été prieur, qu’il l'avait vu à son avénement dans ce monastère et qu’on l’avait Ôté de son temps. Un vieux manuscrit français rapporte le fait de cette manière, un peu différemment de ce qu'en dit Taveau. L'auteur, qui ne dit pas 636 UN CHRONIQUEUR INÉDIT son nom écrivait sous monseigneur Duprat, 98° archevèque de Sens, Pan environ 1530... u Toute cette mstoire, dit-il, se passa sous Louis-le-Gros, qui vint “ à Sens pour punir ceux qui avaientfait mourir l’abbé de Saint-Pierre- “ nommé Herbert, qu'ils avaient fait sauter du haut en bas des voutes u d’icelle abbaye. A cette occasion, le Roi étant à Sens, il fit sauter “ du haut en bas de la tour de la mème abbaye ceux qui avaient fait “ mourir cet abbé et son neveu, nommé comine feu son oncle. Et y à “ encore un eschevin de pierre dressé par le Roi dans le préau du u“ cloître de cette abbaye, qui est la place où fut tué cedit neveu, qui u était domestique dudit roi. Eten perpétuelle mémoire de ce, le Roi « obligea toute la postérite desdits séditieux, auxquels appartenait le u moulin des Boutauts, de venir tous les ans faire hommage à ladite « abbaye le dernier jour d'avril, puis menaient par la ville un homme “ dessus un âne, lequel homme était coiffé à la façon de Malay, ayant u le corps et le visage tournés en arrière, suivi de plasieurs enfants “ criant : À latroille Melis Malo. Ce que j'ai vu par les rues. Mais “ cette coutume a cessé dès l’an que le Roi Henri HI fit mourir MM. les u duc et cardinal de Guise. » Nous n'avons plus de cette commune que la porte, le nom et la cloche. Cette cloche est encore mystérieuse. Elle est le signal de la retraite du soir aux habitants, pourquoi on la sonne tous les jours depuis Pasques jusques à la Saint-Remy, à neuf heures, et depuis la Saint-Remy jusques à Pasques, pendant l'hiver, à huit heures... Elle sert pour convoquer tous les habitants de la ville à l'assemblée géné- rale, qui se fait tous les ans, le jour des Saints-Innocents, pour lélec- tion des Maire et Eschevins. On la sonne en temps de guerre pour défendre la ville et la secourir en cas d’alarme ou de surprises d’une nuit ou des gens de guerre; comme aussi pour éteindre quelque incendie fortuit qui serait arrivé dans la ville, soit de jour, soit de nuit (p. 95et 96). » Je suis porté à croire que c'était aussi en mémoire de l'événement de 4149 que subsistait encore, chaque année, à l’époque où écrivait l’auteur, une singulière coutume expia- toire dont s’acquiitaient les archevèques de Sens et qu'il raconte en ces termes : DE LA VILLE DE SENS. 637 u [l y avait autrefois d’autres coutumes qui sont abolies, aussi bien que la plupart de celles que nous venons de rapporter, que nous ne faisons connaître qu’afin qu’on voie la différence des temps et comme tout diminue toujours. Le lendemain de Pâques, quand Primes étaient dites, l’archevèque de Sens allait en procession et surplis, avec une chappe noire, sa mître en tête et sa croix devant lui, avec deux enfants de chœur, qui portaient deux chandeliers jusques en lPéglise de Saint-Pierre-le-Vif,ouù ceux qui voulaient lepouvaientaccompagner. Etant arrivés là, lui et sa compagnie, il y disait la messe avec le plus de dévotion et le moins d’apparat qu’il pouvait. La messe étant finie, il s’en revenait, et étant dans l’archevêché, il donnait à diner à tous ceux qui l’avaient suivi, sans en excepter que ceux qui ne voulaient pas ou qui ne pouvaient y demeurer. Les mets qu’on servait sur la table consistaient en trois plats, le bouilli, des pâtés et du rôti, afin que, par ce moyen, chacun trouvät son appètit, l’un d’une façon et l’autre de l’autre. Le mardi suivant, ilfaisait lui et les siens la mème débauche. I n’y avait quele lieu dela station qui était changé, ou, au lieu de re- tourner à Saint-Pierre-lé-Vif, il allait à Saint-Remy, avec pareille cérémonie et pareille fète. Le mercredi ensuite, il allait à Sainte-Co- lombe-la-Grande, où tout se faisait comme les deux jours précédents. (p. 206). » Le recueil du bon curé de Saint-Romain offre sur une multitude d’autres sujets des éclaircissements historiques du plus haut prix. Ainsi une vague tradition qui, selon M. Chérest, dans son travail sur les musiciens sénonais, attribuait à l'archevêqne Pierre de Corbeil la composition de l'office de l’Ane, dont le précieux manuscrit est conservé à Sens, se trouve aujourd’hui nettement confirmée par le passage suivant de notre auteur qui, ayant écrit son livre en francais, a cru devoir écrire en latin le catalogue des archevêques de Sens, à l'exemple, dit-il, du père Dubreuil qui, ayant fait en francais son histoire de Paris, à mis en latin les vies des évêques de ce siége. « Officium etiam quo aliquando eadem usa est ecclesia in die cireon- 638 UN CHRONIQUEUR INÉDIT cisionis, quod vulgo festum fatuorum dicebatur, jam undique abro- gatum et interruptum, composuerat, quod ego légi scripturæ eximiæ, tolum ex pergameno confectum, quod asservatur in thesauro ecclesiæ senonensis (p. 491). » La géographie du paqgus sénonais pourra puiser aussi dans cet écrivain d’utiles renseignements. I donne la délimitation exacte des einq archiaconés, dont chacun, selon la probabilité historique, embrassait la circonscription d'un pagus, el il v ajoute la liste complète de toutes les paroisses dont thacun d'eux se composait. Le Cartulaire historique de l'Yonne pourra aussi Y mois- sonner abondamment, car l’auteur a recueilli et transerit en grand nombre des chartes de fondation ou de priviléges. Les curieux de noms propres pourront s’y sausfaire ample- ment. Il a dressé de longs catalogues de toutes les dignités civiles et ecclésiastiques, où l'on peut suivre la série des ballis et des archidiacres, des maires et des abbés, des prévôts et des curés, ete., pendant plusieurs siècles. Il à décrit fréquemment les monuments de la ville, et par exemple les façades de la cathédrale avec leurs statues, leurs bas-reliefs et le nom de ceux qui les ont sculptés. Sa description s'étend parfois à de moindres édifices, mais intéressants aussi comme œuvres d'art; citons par exemple le passage suivant : “ u 11 y a au milieu du cloître une grande place, dont l’air est très-sain et favorable à la santé. Elle est entourée de sept ou huit gros syco- mores, qui, en faisant une ombre l'été, invitent les passants à sy retirer pour y respirer plus à l’aise cet air suave et agréable qu’on v ressent. Au milieu, il y aun puits dont les eaux sont tout-à-fait bonnes et si vives, qu'on peut l’appeler puleus aquarum viventium. Mais ce n’est pas {out ce qui le recommande ; c’est, de sa structure une pièce achevée, Son chapiteau, qui est une petite tourelle ou une lanterne, DE LA VILLE DE SENS. 639 toute de pierres de taille ciselées à jour, est fait par Godinet, l’un des plus subtils sculpteurs qui fût au monde en son siècle. Nous en parlerons mieux dans le chapitre de la paroisse de Saint-Romain, au _ sujet de plusieurs choses qu'il a faites en cette église. C’est lui aussi qui a fait les douze apôtres qui sont aux gros piliers de lPéglise de Sain{-Etieune, la chapelle de Saint-Eutrope et celle de Saint-Savinien de la mème église, ouvrages qui ne paraissent que peu de chose aux yeux des grossiers, mais qui sont l’objet d’admiration des plus fins, parce qu'ils sont inimitables et qu’il semble qu'après ces pièces exquises l’art ait perdu son industrie ou qu’il se repose (p. 255). v L'un de nos collègues (1) nous entretenait dernièrement d’un siége de Sens par HenriIV, en 1590, et d’une capitulation préparée dont on ne trouve la relation dans aucun histo- rien (2). Elle est dans notre auteur et avec de grands détails. (1) M. le comte Léon de Bastard. (2) Henri IV faillit y être tué d’un coup de fauconneau tiré par un des jeunes gens d’une association de la ville qui avait pris le titre bizarre du Sabot. Quand on lui dit qui étaient ces excellents tireurs : «Ventre-Saint-Gris! s'écria-t-il, quels sabotiers! » (Manuscrit de l'abbé Salgues de la collection de M. le docteur Grou). Il y a d’amples détails sur ce siége dans de Thou, Davila, Hardouin de Péréfixe, le manuscrit Fenel, Taveau, Lafaye, Gressieret Cartault. Les articles de lacapitulation qui avait été proposée existent encore, et M. Crou les transcrit dans son Essai manuscrit sur l’histoire de Sens. Lafaye cite les noms des assiégés, au nombre de quatorze, qui furent tués, et de huit autres qui furent blessés. M. de Lavernade, trompé par les versions diverses de ces manus- crits, suppose à tort que Henry IV a, à deux fois différentes, assiég Sens, La Ligue était du reste puissante à Sens, et ses adhérents nombreux et déterminés. M. A. Vuitry possède un acte d'union pour le quartier d'Yonne, daté du 26 août 4592. Il porte quatre-vingt. deux signatures, et, d’après M. le docteur Crou, l'on a cru recon- naître qu'elles ont été tracées non avec de l’encre, mais avec du sang. 640 UN CHRONIQUEUR INÉDIT Et aussi celle d’un premier siège que la ville soutint contre les Huguenots en 1567, « où l’on tient, dit-il, comme je l'ai « souvent oui-dire, que saint Savinien, comme protecteur de « la foi, parut sur Jes murailles avec des habits pontificaux, « et qu'il donna autant d’épouvante aux ennemis de a foi « catholique, comme saint facques de Nisibe en donna aux « infidèles qui attaquaicnt une ville dont il était évêque, et « qu'il prenait sous sa sauvegarde. » Cela n’empêcha pas les Huguenots de saceager et de brûler l'église paroissiale de saint Savinien et toutes celles qui se trouvaient dans les faubourgs, ce qui se renouvela en partie en 1592, lors de l'attaque que le roi Henri IV tenta contre cette ville. Voici ce qu'en dit notre auteur : « Il vient à Sens et fait savoir les habitants qui à son arrivée s'étaient fortifiés et enfermés dans leur ville de se rendre à lui et de le recon- naître. Ils le refusèrent. Nolumus hunc, répondent-ils hardiment, regnare Super nos, à moins qu'il ne se fasse catholique. Il les assiége ; ils résistent. Et enfin après une furieuse batterie de part et d'autre, le roi se voulant faire jour au travers leurs portes et leurs remparts, les habitants d’ailleurs étant résolus de plutôt perdre la vie, leur ville et leurs biens, que d’exposer leur salut à la conduite d’un infidèle dans qui il y avait trop à admirer et dont ils n'auraient que trop tôt sucé les mauvaises doctrines, le roi fit lever le siége, voyant leur courage, se retira avec son armée et il vit bien que le ciel combattait pour la ville de Sens. Mais ce ne fut pas sans endommager les environs de la ville de Sens. Ceux de sa suite, enragés contre les églises, contre les mo- nastères, les reliques et les pasteurs, ruinèrent et perdirent tout ce qui ne fut pas assez fort pour se mettre à couvert de leur rage. Tout le pays circonvoisin en pleure encore, et de quelque côté qu’on y jelte les yeux, on y voit de tristes restes d’une barbarie payenne et plus qu'inhumaine (p. 587). n Il est des écrivains qui, comme Claude Haton, ont cherché à excuser, par des provocations, le grand massacre des DE LA VILLE DE SENS. 641 Huguenots que firent les habitants de Sens en pleine paix et sous l'empire des édits de tolérance promulgués par Île roi. Notre auteur, dans la franchise de sa foi, n'y met pas tant de facons ; il raconte tout bonnement que cela se fit par ordre du roi et du cardinal de Guise. « Je fus autant surpris quand je lus dans le manuscrit de Farinade qu’en l’année 1562 il y avait un temple des Huguenots dans le faubôurg de Saint-Pregtz et qu'il avait été bâti dans le marché des Porteaux, qui est de la paroisse de Saint-Romain. Il ajoute qu’il fut brûlé et ruiné par le commandement du roi Charles IX, qu’on tua mème plusieurs Huguenots et qu'on y fit un étrange carnage quinze jours après Pâques de la même année, sous Louis de Lorraine, 98° archevèque de Sens (p. 589). n Etplus loin (p. 655), il cite un autre manuscrit portant : « L'un des grands massacres de ceux de la religion se fit à Sens, dont le cardinal de Guise était archevèque, où il y eut cent personnes de toutes qualités cruellement mises à mort et les corps jetés nus à la rivière. Autant de maisons furent pillées. Les temples de ceux de la religion démolis et les vignes d’alentour arrachées. Cela fut exécuté le 12° jour d'avril ct autres suivants. Durant lequel temps ceux de Guise qui avaient enjoint à Hémard, lieutenant criminel de Sens, de faire ce massacre, publiaient sous le nom du roi et envoyaient dire au prince à Orléans qu’il voulait que l’édit de janvier (édit de tolérance) fût strictement observé, excepté à Paris. » Parmi les récits curieux qu'il emprunte à de plus anciens manuserits, j'en citerai deux qui se recommandent par une couleur locale toute particulière, et des traits profondément empreints des mœurs du temps. Le premier est l'entrée à Sens, en 1536, du cardinal de Bourbon, venant prendre possession de l’archevêché, et qui, après beaucoup d'autres honneurs, fut harangué en vers par Dieu le père, saint Savinien, saint Loup et l'Eglise. 642 UN CHRONIQUEUR INÉDIT ; « Le 5€ janvier de l’année 4556, Messieurs le Bailly de Sens, lieute- nant général et particulier, assistés du corps de ville, allèrent au-devant de M. Louis de Bourbon, cardinal de l’église romaine, nommé à l’ar- chevêché de Sens par François [*, roi de France, et confirmé par le pape Paul III, qui venait pour se faire mettre en possession, et le saluèrent près l’abbaye de Saint-Jean-lez-Sens, et après lui avoir fait une harangue, ils le conduisirent dans l’abbaye de Saint-Pierre-le-Vif, où il soupa et coucha après avoir fait sa prière. Le lendemain matin, Messieurs du chapitre et tout le clergé tant de la ville que des cinq abbayes partirent processionnellement, ré- vêtus de riches chappes et suivis de tout le peuple, et trouvèrent ledit seigneur dans le cloître d’icelle abbaye, qui était revêtu de rouge avec son chapeau de cardinal. Auquel lieu furent appelés tous les vassaux des fiefs et seigneuries relevant du susdit archevèché. Et comme vassaux ecclésiastiques y comparurent MM. l’archidiacre de Sens, le trésorier, l’archidiacre de Gastinais, l’archidiacre de Melun, l’archidiacre de Provins, l’archidiacre d’Estampes, les vénérables doyen et chapitre de Sens, les religieux Abbé et couvent de Saint- Pierre-le-Vif, les Célestins.….. et le chapitre de Villefolle. Après, noble homme M. Jean Bontemps, trésorier et chanoine, harangua au nom de tout le clergé de la ville, et entre autres choses la foi lui fut recommandée, laquelle par ses prédécesseurs avait été inviolablement conservée jusqu’à présent, depuis l'heureuse venue de Saint Savinien, premier archevèque d’icelle et disciple de N. S., dès le vivant de saint Pierre. Après laquelle harangue il fut porté dans sa chaise par les religieux dudit lieu jusques à la porte de l’abbaye, puis il fut porté par quatre barons qui sont obligés à cela, depuis l’abbaye jusques à Saint-Etienne Comme il arriva à la porte de la ville, les maire et échevins lu donnèrent un ciel (sie) de velours cramoisi qu’ils portèrent au-dessus de lui jusques dans la grande place de l’église susdite, suivis de tous les domestiques et officiers. Puis étant assisté de MM. ses neveux les ducs d’Anguien (sic) et de Mesle, avec les enfants de Ja maison de Chatillon, tous à cheval et habillés de même façon. Avec et x allaient MM. les évèques de Chartres, de Troyes et d'Auxerre, revètus de leurs rocquets et montés sur des mules. Et aussi les abbés de Saint- Jean-lez-Sens, de Saint-Edme-de-Chateau-Laudon et Fontainejean, | | DE LA VILLE DE SENS. 643 Plusieurs barons et seigneurs, gentilshommes tous à cheval, tout le corps de ville et justice suivant. H y avait à l’entrée de la ville un échaffaud sur lequel fut joué un mystère dans un parc nommé le Parc-de-Sens, y ayant une fleur de Iys de laquelle sortait un personnage habillé en cardinal, représentant ledit seigneur. Et en un autre plus haut échaffaud était un Dieu le père avec des joueurs d'instruments qu'il faisait bon ouir. DIEU, Tout ce qui fut jadis par Sens Pour l’homme humains tout en ses delis (sic) Dessous ma main j'ai bien maintenu Sens Qui a toujours aimé la fleur de lys Aux rois français que moy a mis illis (s/c) Je l’envoyai par don céleste et bon Dont est issu par légitimes lits Louis illustre cardinal de Bourbon. SAINT: SAVINIEN. Madame foy jadis vous apportay De par saint Pierre envoyé de Judée Et en ce parc de Sens je vous plantay . Qui est métropole de toute la contrée. Or estes-vous si bien enracinée Qu'avez produit à Dieu un fruit très-bon De vous jouit comme fief... Louis illustre cardinal de Bourbon. SAINT-LOUP. Mon successeur, chér ami et parent, En estui parc soyez le bien venu De cette fleur vous êtes apparent Et comme fils en mon temps fus venu Or fut ce parc par moi... Lequel trouvai en la fin ferme et bon Faites qu'il soit... Louis illustre cardinal de Bourbon, 644 UN CHRONIQUEUR INÉDIT L'EGLISE. Prince notable et révérendissime, A toi soumets ce peuple en foi très bon Sois lui père comme nobilissime Louis illustre cardinal de Bourbon. Depuis la porte de la ville jusqu’à la grande église, par Saint- Pierre-le-Donjon, toute la ville était parée et tendue de rouge, et quand ledit seigneur fut devant le palais, il y trouva un échaffaud sur qui étaient trois condamnés à perpétuité criant miséricorde, ce qu'il promit. Lequel étant proche la porte de son église, ses laquais emportèrent le ciel susdit, puis M. de Salazar, archidiacre de Sens, lui fit une ha- rangue et lui fit faire les cérémonies accoutumées. Entrant dans l’église, Messieurs du chapitre firent refus de l’entrée du chœur à l’évèqued’Auxerre pour sa grande barbe (4); puis il y entra, mais il n’approcha du grand autel. Après que mondit seigneur eut fait sa prière, il alla se revêtir au trésor, puis il rentra par la grande porte du chœur, devant lequel allait M. l’évèque de Chartres et celui de Troyes, faisant l'office de diacre et sous-diacre, leurs croix devant eux, et devant monsieur ses crosse et croix, célébrant lui-même la messe, qui fut du Saint-Esprit. Laquelle finie, tout le clergé de son église dina dans la salle du palais archiépiscopal (p. 204 et suiv ). » (1) L’évêque d'Auxerre qui reçut cette affront était François de Dinteville, second du nom, qui avait été ambassadeur du roi Fran- cois Ie" à Rome, de 1531 à 4554. Le singulier motif de sa grande barbe était-il la vraie raison de cet étrange incident ? ou bien n’était-ce pas parce que le prélat n’avait pas encore, depuis six ans qu'il était évêque d'Auxerre, prêté le sernent accoutumé à l'église de Sens ? Ce qui pourrait le faire supposer, c’est qu'on voit dans Lebeuf (mém. sur Auxerre t. 2, p. 122 de l'édition de 1851) qu’il donne procura- tion au doyen, le jour même de l’intronisation du cardinal de Bour- bon, de prêter le serment si longtemps ajourné. Ne serait-ce pas aussi parce que François de Dinteville était alors impliqué dans accusation portée contre ses deux frères, d’un É pour empoisonner le Roi ? DE LA VILLE DE SENS. 645 L'autre passage,non moins singulier, estle récit d’un contem- porain, (Sébastien Picotte, clironique du roi François I«), sur la réception faite à Sens au roi François Ie", en 1537, et les fêtes qu'on donna à la cour, y compris un procès criminel, suivi de la question et une exécution capitale au naturel, pour le divertissement des princes, des gentilshommes, des dames et des damoiselles. De Fontainebleau s’en vint au lieu de Vauluisant, qui est une abbaye dont à présent est abbé commendataire M. le révérendissime cardinal de Chastillon, lieu fort délectable et bien bâti, où illec séjourna quelques jours pendant lesquels Messieurs de la ville de Sens furent avertis subitement par quelques notables personnages de la cour que le roi avait tenu propos de venir faire son entrée audit Sens et visiter ce lieu. Pourquoi MM. les maire et échevins firent assembler et convo- quer tous les habitants de la ville en la chambre d’icelle pour déli- bérer sur cette affaire, c’est à savoir quel ordre on doit tenir à recevoir ledit seigneur et quel présent on lui devait faire. Et en ladite assem- blée fut ordonné qu’on irait au-devant dudit seigneur en grande magnification et qu’on lui ferait un présent et à la reine. Mais, pour ètre plus certain de sa venue, qu'il serait bon d'envoyer auditl ieu de Vauluisant aucuns desdits habitants pour savoir le jour de sa venue, ce qui fut fait, Lesquels, duement avertis de la venue dudit seigneur, firent faire plusieurs réparations tant du pavé de la ville que dehors, employèrent et mirent en besogne lesdits échevins, grand nombre de charpentiers, menuisiers, peintres, tourneurs et autres gens du métier pour faire et construire échafaux et un portail et are tiomphant à la porte Notre-Dame, par laquelle entra ledit seigneur. Et le dimanche 29° jour d’avril après Pâques 1559, ledit seigneur étant à Fleurigny au château et maison de plaisance appartenant à noble homme François Leclerc, chevalier, seigneur dudit lieu, baron de la Forêt et bailly de Sens, auquel lieu il avait couché pour venir faire son entrée audit Sens, partit dudit lieu. De laquelle venue avertis lesdits habitants de Sens se disposèrent et partirent pour aller au-devant ainsi et de la manière qu’il s’en suit : En premier lieu sortirent dudit Sens tous les gens des églises pa- 646 UN CHRONIQUEUR INÉDIT roissiales tant de la ville que faubourgs, accompagnés des Cordeliers, Jacobins, Célestins, avec les religieux des abbayes d’alentour dudit Sens, c’est à savoir de Saint-Remy, de Sainte-Colombe, Saint-Pierre- le-Vif, Saint-Jean et Saint-Paul, portant les saintes creix et dignes reliques, vêtus de chappes de drap d’or, d'argent, velours et autres triomphants draps de soie. Et après sortirent les archers et arbalestiers, vètus de livrées bien richement, avec leurs enseignes. Après sortit à pied le doyen du guet, avec les sergents du guet, aussi vètus de livrées avec l’enseigne. Après sortirent les sergents à pied et à cheval du bailliage, vètus de livrées comme dessus, avec leur porte-enseigne richement vêtu qu’il faisait beau voir. Après sortirent cinq cents jeunes enfants, marchands de la ville. richement vêtus, tous harquebouziers avec leur capitaine et porte- enseigne, magnifiquement vêtus et habillés, ét force tambourinniers et pfiffres, qui marchaient en si bon ordre qué c'était grand plaisir à les voir. En après sortirent les mestiers de la ville, jusques au nombre de mille hommes de pied, honnêtément vestus et découppés de livrées avec leur capitaine et porte-enseighe comme dessus. En après sortit M. le bailly et capitaine dudit Sens, monté sur une très grande belle mule, bien richement phacelée, vestu d’une robe courte d’un fin relaine, accompagné d’un grand nombre de nobles hômmes, aussi richement vestus et habillés, tous à cheval. Après mondit seigneur le bailly sortit M. le lieutenant général, accompagné de M. le lieutenant particulier, avocat et procurenr du roy audit Sens, des quatre conseillers dudit bailliage, des greffiers et. enquesteurs dudit bailliage, les avocats et procureurs dudit bailliage en grand nombre; les douze nofaires royaux dudit Sens, tous montés sur mules houssées et vestus de robes longues. Et après suivaient MM. les trois Eleus pour le Roy en l’Election dudit Sens, le greffier et contrôleur du grenier à sel, les receveurs des tailles et aydes, avec leurs sergents, montés comme dessus. Consécutivement suivaient en bon ordre MM. les Maire et Echevins de ladite ville, leur procureur et receveur, conseil et officiers, tous yestus de robes doublées de velours, accompagnés de plusieurs habi- DE LA VILLE DE SENS. 647 tants, plus anciens et notables bourgeois de ladite ville. Lesquels tous à cheval en bon ordre; incontinent qu’ils eurent aperçu ledit seigneur qui venait droit le grand chemin dudit Fleurigny, se détournèrent du lieu où ils étaient et s’en allèrent droit audit seigneur, auquel le maire de la ville fit présent par le receveur d’icelle des clefs de ladite ville, qui était en un coffre couvert de velours cramoisy à l'entour duquel estait garny de bandes d'argent, dont ledit seigneur les prit et les bailla à ses gens. Puis mondit seigneur le maire lui fit une harangue, laquelle fut trouvée bonne par ledit seigneur et remercia grandement les habitants de l'honneur qu’on préparait lui faire. Ce fait, ledit seigneur passa outre avec son train, et sitôt qu'il approcha de la ville rencontra en un grand champ cent hommes à cheval, montés sur gros roussins, armés et équipés de pied en cap, qui firent merveilles de rompre lances entre eux à course de leurs chevaux pour l’honneur dudit seigneur, qui prit grand plaisir à les voir. ï Puis poussant outre plus avant trouva ledit seigneur un bataillon de six mille hommes de pied, gens d’élite et contenance fière et assu- rée comme s'ils eussent voulu défendre où assaillir un bataillon : lèquel bataillon quand ledit seigneur passa devant pour les saluer, baissant leurs enseignes, les inclinant vers lui, puis {ous les harqué- bouziers estant en icely tirèrent, qui firent grand bruit, tellement que ledit bataillon était tout couvert de fumée, à quoi ledit seigneur prit grand plaisir et fut longtemps sans bouger son œil de dessus et avait un visage par lequel il donnait bien à connaître qu’il prenait plaisir et en faisait cas. Et à la vérité ledit bataillon semblait bien être de douze mille hommes, combien qu'il n’y en eût que ce qui est dit ci-dessus, c’est à savoir six mille hommes. De là passant outre ledit seigneur vint à la porte Notre-Dame où illec estait à l’entrée un arc triomphant fait à l'antique, couvert de croix et armoiries des armes de France, près de laquelle porte, sur une douve du fossé, estait une grande route (sic) d'artillerie de quan- tité de cinquante pièces auxquelles pour saluer ledit seigneur fut mis le feu en une traînée faite d’un demi-caque de poudre à canon. La- quelle traînée en un instant mit le feu à toutes ces pièces d’artillerie qui estaient près ladite porte, de sorte que ladite porte et tout à l'entour semble être fait de fett avec un bruit et son ®@artillerie si - 648 UN CHRONIQUEUR INÉDIT grand et merveillable qu’il semblait que tout fondit en abismes. Quand ledit seigneur fut sous ladite porte à l’entrée de ladite ville lui fut présenté un poisle (poële) de drap de velours parsemé de fleurs de lys à l’entour avec un escu de chacune pente d’icelle de France et frangé de franges d’or de Chypre que quatre eschevins portaient, sous lequel ilse mit et de là fut conduit ainsi par lesdits échevins par les rues de la ville richement tendues de tapisseries, et en auleuns lieux théatres et échaffaux sur lesquels il y avait plusieurs mystères et figures à sa louange, de la reyne et Messieurs ses enfants, jusque de- vant l’église de Saint-Etienne, église cathédrale et métropolitaine, dans laquelle il entra et fut recu illec par M. Salazar, grand archi- diacre d’icelle, abbé de Sainte-CGolombe et Saint-Femy-les-Sens, et grande ect honorable assistance du clergé. Lequel seigneur archidiacre lui fit semblable harangue et tui présenta un livre où était l'Evangile, sur lequel ledit seigneur mit la main et promit et jura entretenir, garder et observer les franchises et libertés de ladite église octroyées par ses prédécesseurs rois de France. Et ainsi recu par ledit seigneur de Salazar, archidiacre dudit Sens, et ledit clergé, ledit archidiacre le mena jusqu’au chœur de ladite église, en laquelle ledit seigneur fit sa prière et dévotion. Ce fait, lui fut montré plusieurs beaux reliquaires étant près le chœur de ladite église découverts. Lequel seigneur prit 2rand plaisir à les voir, et ce fait, par rues tapissées comme dessus, s’en alla descendre en son logis qui lui avait été préparé en une grande rue de ladite ville ample et magnifique, et jusques audit lieu fut accompagné par tous les habitants qui étaient sortis au-devant de lui. Peu de temps après qué ledit seigneur fut arrivé en son logis, passèrent par-devant icelui tous les gens de pied dudit bataillon avec leurs capitaine et porte-enseigne, fifres et tambourins, en très-bon ordre et tels que ledit seigneur pour les voir se mit à la fenêtre de sondit logis, et non sans cause, car il semblait mieux à les voir mar- cher en ordre que ce fussent gens de guerre qui marchaient et jamais n’ayaient fait autre mestier. Et le lendemain ainsi que le Roi sortit de sa chambre pour aller à la messe, étant avec lui MM. le connestable de Guise, cardinal de Lorraine, de Tournon, de Givry, de Mascon et autres princes et no- tables personnages, lesdits eschevins lui firent don et présent d’une fontaine d'argent doré de fin or, faite d’un beau et triomphant artifice, DE LA VILLE DE SENS. 649 à l’entour de laquelle estaient les gestes de Jules César étant ès Gaules Sénonaises et les résistances faites par les habitants dudit Sens à l'encontre dudit César, et au plus haut d’icelle estait ladite fontaine couronnée des sept vertus cardinales, par la bouche desquelles l’eau de ladite fontaine distillait et tombait en un riche et somptueux bassin de cristal, enrichi d’antiques et d’émail. Et en faisant ledit présent le maire de la ville, qui était pour lors le prévôt dudit Sens, M. Guil- laume Lhuillier, lui fit de rechef une brève harangue qui lui plut moult, et le mercia dudit présent et l’accepta. Après ledit présent fait et bénignement reçu par ledit seigneur, s’en alla la messe ouir en l’église de Saint-Etienne avec Messieurs le dauphin et d'Orléans, ses enfants, accompagné de Messeigneurs le connétable de Guise, gouverneur de Sens et Champagne, et plusieurs autres notables personnages. Après que ledit seigneur fut parti pour aller à la messe, mesdits seigneurs les eschevins, accompagnés de personnages notables dudit Sens, à savoir M. le Bailly, ses lieutenants, avocats, procureurs, no- taires royaux, bourgeois et marchands dudit Sens, qui jà avaient assisté à voir faire ledit présent, présentèrent à la reyne un autre beau et magnifique présent d’une coupe d'or estimée à trois cents écus, laquelle le reçut et les remercia. Ledit jour fut amené des prisons criminelles au palais archiépis- copal dudit Sens un nommé Guillaume Arrezant, Suisse, qui autrefois avait eu charge du Roy des guerres de France et capitaine de dix mille hommes de pied, et illec arrivé fut faite lecture de son procès ver- balement par M. le Prévôt La Vouste, étant en la chaire de l’officia! dudit Sens, et présence de MM. le lieutenant-général et particulier, du Bailly dudit Sens, avocat et Procureur du Roy, tant dudit bailliage que de la cour ecclésiastique, et autres notables personnages dudit Sens, en la présence desquels ledit de La Vouste prononça la sen- tance à l’encontre dudit Guillaume Arrezant, par lequel il le condamna à avoir la tête coupée sur un échaffaut devant l’église dudit Saint- Etienne, et néanmoins qu'avant ce faire il aurait la question pour répondre sur auleuns cas dont il n'avait voulu aucune chose dire. Ce qui fut fait, mais il ne confessa rien, quelques remontrances que lui fit ledit de La Vouste, son juge, et ainsi fut mené sur l’échaffaut où illec fut décapité par l’exécuteur dudit Sens, en la présence de 42 650 UN CHRONIQUEUR INÉDIT Messeigneurs le dauphin et d'Orléans et plusieurs princes et gentils- hommes, dames et damoiselles de la cour. Ce fait, ledit seigneur partit de Sens et s’en alla au giste à Ville- neuve-le Roy, pour aller à Chastillon-sur-Loing, où illec il séjourna quelque temps, puis s’en retourna à Fontainebleau (p. 650 et suiv.) » Le livre du digne curé de Saint-Romain contient plus d’un passage qui pourrait encore aujourd'hui paraître ne pas man- quer tout-à-fait d’à-propos. C'est ainsi qu’il commence par des doléances sur l'indifférence des habitants de Sens pour l'étude et les travaux historiques et se termine par de touchantes lamentations sur le décadence progressive de cette cité. L'auteur a beau être dépourvu de discernement philoso- phique et de critique historique, sa crédulité ne révolte ni ne fatigue jamais, parce que la bonne foi la plus sincère est empreinte dans tous ses jugements et même au milieu de ses plus grosses méprises. Il y a tant de faits, de révélations, de documents de tous genres sur tout le passé de sa vieille cité, que c’est un répertoire intarissable pour ceux qui veu- lent s'occuper de l’histoire sénonaise. Aussi, combien de fois l’a-t-on copié sans le citer. C'est là notamment que Ch. Tarbé a, pendant quarante ans, puisé à pleines mains pour les notices de son almanach, et il eût pu y puiser quarante ans encore sans tarir cette source abondante de descriptions et d’anecdotes du vieux temps. Lorsque je songe que, des quatre exemplaires de ce livre qu'il y avait dans le pays il y a quelques années, il n’en reste plus que deux, jene puis que faire des vœux pour que ces exemplaires soient légués un jour à nos dépôts publics, ou que tout au moins il en soit fait une eopie pour la bibliothèque de la ville de Sens. À. CHALLE. .… OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A L'ÉCOLE NORMALE D'AUXERRE PENDANT LE 4° TRIMESTRE 4858. OBSERVATIONS Mois Jours du mois. es © © O0 1 O 0 à ON RO = | moyennes du mois RE —— OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES A Ô DE TEMPÉRATURE à 9 heures du matin. à midi. 7156nn70 641756 65 911755 80 151754 7 351754 38 691754 72 801747 92 901749 20 901755 87 18742 20 351747 14 161732 75 141756 90 411758 22 241754 18 681751 45 251750 08 60|744 58 20|741 65 811743 90 751747 02 601749 72 421751 61 041752 18 201753 41 7151754 80 321755 40 4317356 48 401758 57 021760 25 041789 50 501752 43 à 3 heures | à 9 heures Ftempérature du soir. du soir. minimum. 156nn68|756MmM60 +12 5 156 701756 72 +- 50 155 12] 1550054 —- 9207 154 631754 55 + Æ 5 154 401754 45]+ 6 1 155 02|738 17|+ G 4 747 851747 15 + SR 149 621750 41|4+10 4 755 651783 55|+ 4 5 741 80741 48]+ O 0 741 83|748 76|+ 4 4 183 081754 79|4+ 3 .8 157 341758 75 + 1 7 157 811787 12]+ 4 7 153 77/1582 4611 2, 5 150 901780 14614 7 3 749 92749 744 7 6 743 611741 O4|+ 5 9 mal 831742 98 +11 5 144 381748 49]4+10 3 1417 38749 O8l+L 4 9 7180 081751 734 8 5 151 91/1782 32]4+ 7 4 7152 631753 32|+ 9 7 1553 621754 G9|+10 5 134 811755 21|+8 5 158 611786 171410 1 186. 651787 925|+ 8 1 158 371788 351+ 7 5 760 251762 29|+ 1 O0 159 B0|760 04[+2 5 D, Es 152 51/752 80| 2x En 4 RE — [Plus grande élévation 762,29, le 30, à 9 h. dus. [Moindre élévation 741,04, le 18, à9 h. dus. RÉCAPIT lière température |température maximum | moyenne. +15 7, +14 10 +15 8|+ 9 70 17 O0! +10 35 +91 44119 95 DO DE E15030 16 SCT 4S +18 7|410 98 +18 8|+414 69 12 9|+ 8 70 Lit 92 5 95 +18 7410 05 A1 4 + 7 60 15 8|+ 8 60 +16 3|+10 50 LES 4)210 30 +19 9|+15 25 +21 6 +14 60 +91 41413 65 +15 9413 70 +16 4|-+13 35 +18 8|+10 00 +14 6 +11 55 +13 9|410 65 15 4 +19 55 14 0|+12 95 +411 8|+10 00 +11 5410 80 HA 84 9 95 + 9 2|+ 8 35 + 6 6|+ 2 80 + 4 0|+ 0 75 .extr. 421,6, le 17. 9,14. différence Oum Om OO» OÀ Minimum extr. + 2,5, le31. Différence des extrêmes 24,4. Moyenne du mois+- 10,56. Moyenne de la variabilité jour des | extrêmes, OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES Betobre. NENTS + ant midi. | après midi. N. N. N.0 S. 0. S. S.-E. S. S.-0. S.-0. 0. S. N. S. 0. 0. N. N. N. S. S. 0. N:-0 N.-0. N.-0. S. N.-0. S. S S. S. S. S. S. S. 0. 0. \ S. 0. E. N.-E. N.-E, N.-E. 0. N..0 S. N.-E N. N.-E. N.-E. N.-O. 0). 0. N. 0. N. N. N. N.-E, .-E. N.-E. MÉTÉOROLOGIQUES. ÉTAT DU CIEL avant midi. .fnuag. gris pelot. blancs. serein. id. nuag. blancs. couvert serein nuageux nuages gris. bandes blan pluie. id. serein id. id. id, bandes blan. serein, pluie id, serein couvert brouillard. couvert uuag. gris. couvert brumeux pluie. nuag. blancs. serein id après midi. serein convert serein id. couvert pelotons bl. nuag. blancs couv., pluie id. bandes bl. couv t id. couvert serein id. id. ban:les bl. serein nuag. noirs nuag. gris id. ciel blanc. pet. pluie nuag. fondus. cuag. gris couvert brumeux pet. pluie nuag. blancs serein id. beaux et couverts, ou jours de beau temps 925. de pluie 5. de brouillard 1. de gelée 2, de neige 0. 653 Observations pluviométriques 9 35 © © © [ep] rs 2 45 OBSERVATIONS GÉNÉRALES. RES A A 654 Jours du mois. 3 = © © OO 1 © Or A OI 19 > | 11 moyennes du mois RÉCAPITULATION OBSERVATIONS OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES A O DE TEMPÉRATURE. à 9 heures du matin. à 3 heures midi. du soir. 1590n79|759mm60|7590m55 158 757 757 156 755 156 7157 159 761 158 7152 735 1535 154 156 138 141 741 152 755 154 755 151 746 142 _— 7155 148 15 96 34 33 83 60 50 40 18 16 26 16 40 17 50 158 201758 157 9817538 ot 2) rio 756 191756 455 921755 156 681756 157 451757 1597121759 7161 021759 7158 071757 151 651751 15% 911754 135 451755 7154 75]754 156 601736 159 001739 141 021740 7142 41921749 152 811755 155 12[755 154 141754 752 92/1752 152 411781 146 021745 741 98|741 132 87/1732 1317 05137 158 071736 710 141740 08 00 Mois OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES DD NEA NE EN SENNNIE TIRE Plus grande élévation 760,91, le 9, à 9 h. du soir. Moindre élévation 730,20, le 27, à 9 h. du soir. : Maxim. extrême + 15, 1° 27. Minimum extr. +8,3le11.. : | Différence des extrèmes 23,3. Moyenne du mois + 2,51. Moyenne de la variabilité journa lière 7,97. à 9 heures température | température | température PE du soir. minimum. | maximum. | moyenne. EME 159mm4lt 2 44 6 O|+ 1 95| 8 1 787 79] 4 51.8 4] 119 05) 6.47 188 39]+1 5 3l+ 4 Gl+ 0 65| 7 9 156 61|- 6 7|+ 1 5|+ 2 60] 8 2} 1755 714 8 2|+ 5 5|+ 2 3511 7} 156 51|1 4 5]+ 4 9|+ 0 20/9 4] 157 O3|[+ 1 5+ 3 5|+ 1 00| 4 6} 3|758 SALLE 7 7|+ 2 9|+ 2 40/1 6 160 911 3 4l+2 3|+ 0 55] 5 7 159 94]L 5 7|+ 4 5|+ 0 60/10 2 157 45|4 8 35|+ 6 9|4+ 0 7015 149 75|1 6 2|+410 2|+ 9 00/16 4 135 35]+L 1 3|+15 9/+ 6 50112 6 153070 {4- 2:73) 4it 2 Pa 4e 156 9314 3 O0+ 5 5|+ 1 25, 2 5 755 55]+ 4 214112 94 4 55] 8 7 742 A6) E 5 5414 2|+ 4 55 58 7 159 46/4110 35414 5|4 2 10| 4 4 144-5814 2 4/14, 2) 0 90! 400 154 90! 5 T4 5 414 1 15, 9 4 184 0611 8 3512 7|1 1 30| 8% 1784 69] 2 5|l+ 0 5|+ 0 90] 2 & 154 674 2 8|+ 1 2|+ 0 80] 4 à 747. 87|L 1 5|+ 6 7|+ 92 60| 8 4 144 OS] 1 5|+12 9|+ 5 80/14 % 1139 76]+ 2 71|+14 4|+ 8 55|11 5% 130 20]+ 7, 6415 O|+11 50| 7 4k 740 O8]+ 9 3|+13 7|+411 50| 4 4 152 96|[+ G 6|+10 4|+4 8 50| 5 8 142 80]+ 7 5|+10 8|+ 9 05| 5 à Île Novembre. MÉTÉOROLOGIQUES. fs VENTS ÉTAT DU CIEL É É OBSERVATIONS yant midi. | après midi. avant midi. | après midi. 5 È GÉNÉRALES. N. N. serein serein. m N. E. [couvert nuageux N. N. serein. serein. N. N. id. id. N. O. {qqs. nuag. |brumeux S. S.-E. Jbrouiilard |pet. neige 0 95 NE. N.-E. {couvert quelq. nuag. \.-N.-E. | N.-N.-0. [vap. épaisses [couvert N. E. Înuagesgris. [nuageux E. N.-E. serein serein. E. E. id. id. E. S. brumes légèr.|nuageux S. S.-S.-0. [couvert pet. pluie S. S.-0. {pluie fine pluie 6 52 E. S.-E. [couvert nuageux. 2 25 S.-E. S.-0. Îpluie fine |nuag. fondus! 2 80 0. S.-0. Jpluie. pluie 6 98 0. O. {pluie nuag. épais, [13 75 N.-E, N.-E. {pluie fine couvert. 6 22 N. N.-E. [Îbrumes lég. {serein N.-E. N.-E. id. nuageux E. couvert. couvert E. E. id. id. S.-E. S.-E, [brouillard |brumeux 5.-S.-E S. auag fondus |Couvert S. S.-S.-0. | nuages lég. |pet. pluie 0 75 “S.-E, | S.-Q. [nuages rayés pluie 7 75 0. S.-0. [pluie couvert 4 58 S.-S.-E. | S.-S.-0. [ciel gris pluie 0 32 S.-0. O. pluie couvert 71 52 beaux et couverts, ou jours de beau temps 17. Go 47 de pluie 11, de brouillard 2. de gelée 18. de neige 1. 1858. OBSERVATIONS OBSERVATIONS BAROMÉTRIQUES A OÔ DE TEMPÉRATURE. \ | 750 91 = 2 à 9 heures rE à midi. du matin. ( 151nm00 9 1753 201753 14 3 [756 301756 65 4 1757 1441756 98 B 1755 41/7560 41 6 1755 211755 18] 70155 0591755054 SUN) TS TNA OM TMNONITE 7 18 10 1757 651757 74 14 [759 090759 08 19 1755 911755 68 13 1753 251753 12 44 1755 601756 02 15 1758 021757 91 16 1756 3521756 24 17017540 591754 21 18 [752 021751 81 19 1748 651748 50 20 1748 731148 91 DAU 752 161752 Î 29 [754 811754 99 23 1749 501748 65 24 |746 631740 82 25 [748 171748 04 26 |744 08745 81 97 [741 181740 53 28 (746 121746 58 29 1750 101750 54 30 1786 121756 47 31 [758 641158 85 . È 153 051753 08 = AU UE A UE Um MU OU 4 EU AU EU EU SU EU I à 3heures | à 9 heures du soir. du soir. 71510M66/753mm99 253010111752 22 751 101758 32 756 : 9255746 755040) 155 01040 755 414517540097 155 4185156112 757 481758 08 7157 661757 43 151 0h05 56 159 201175908720 55 511754 62 53 021752 83 56 51758 « 51 517 601756: 77 56 991751 82 54 007|755 11706 51 51790 92 48 4417141 09 49 051750 75 52 931754 29 5400961725 160 An 019317450817 47 081749 65 47 881747 31 45 631742 92 41 021745 65 41 001748 43 51102|755190 56 921758 07 58 68760 02 153000817580 157 Plus grande élévation 760,02, le 31, à 9 h. dus. Moindre élévation 740,54, le 27, à midi. température |températüre température minimum. | maximum. | moyenne. + 2 2,457 1142 95) 58 +1 51 6 7/+ 4 10) 5 + 3 44 7 5+ 8 55) 5 + 0 y 2145/50/07 + 0 8£ 6 943207 + 4 511$ 7€ 8 140| 4 + 5 84 3 $5|+4 3 85| 0 + 0 04 3 3|+ 1 65| 35 + 0 654 9 5|+ 1 50! 2 + 0 LE 3 04 1 75] 2 + 0 -8/FE d\ 5 HF 40654 +0 84 4 74 1 25| 0 + 0 74 2 5|+4 1 50|1 + O6 EM 904 251 + 0 74 4 54 11019 + 0625 Bl1"92 051% + 1 48 01°5 20/3 + 0 548 3]+ 4 407 + 108440 2/4 5 85|6 261 49/1146) JEU 20 + 2 511 006 75/98 + 3 714149 S|+ 8 10| 8 + 5 2105146 85 + 4 518 948 85/4 +35 OL 8 5|+ 5 65, 5 + 3 54410 O|+ 6 75| 6 + 4 TE 8 92|4 6 45)3 +5 046 54 4 5 + 2 545 4+453 2 + 0 $5+ 5 0|+2 4 L 9 0+3 0+2 1 2 (Maxim. extr. + 12.5, le 22. = (Min. extrême + 0,5, le 4. 5 (Différence des extrêmes 13. = Moyenne du mois : + 4,2. 2 “2 = Moyenne de la variabilité journas lière 4,13. le Bécemhre. avant midi. VENTS me après midi. S.-S.-0. {couvert petite pluie. S.-S..0. [brumeux brumeux N. vaporeux serein S..S.-E. [quelq. nuag. |quelq. nuag, N..O. lpluie pluie, N.-E. id. couuert. N N.-E. lcouvert id. N.-N.-E. Inuageux id. E. couvert. id. N.-E id. id. N.-N.-E id. id. S. id. id. S.-0: id. id. E. pluie couv. neige E. couvert. couvert. N -E. id, id. N. id. ciel blanc S-S.-E. [nuag. blances|couvert. S.-0. couvert. pluie. 0. id. couvert. S. id. pluie. 0. pluie couv. pluie S -O. couvert. couvert. S.-S -0. [pluie pluie S. pluie couverl. S -S. O. fquelq. nuag.|pluie N.-O. Jcouvert. id. 0. beau couvert. N.-N.-O. [pluie id. 0. couvert. id, S.-O. id. id. MÉTÉOROLOGIQUES. ÉTAT DU CIEL avant midi. après midi. beaux et couverts, ou jours de beau temps 19. de pluie 12. dg brouillard 0. de gelée 3. de neige 1. Observations pluviométriques © de) 1S RER IL AE A OBSERVATIONS Æ GÉNÉRALES. 115 0 30 0 18 4) GTS) 14 68 0 14 0 00 SO D) 0 40 10 15 65 EEE —_ ROBIN, Maiülre-adjoint à l'Ecole normale. Le plan du pare de Saint-Fargeau qui doit accompagner l'Histoire du Comté et de la ville de Saint-Fargeau, n'étant pas prêt, sera publié avec la 4" livraison de 185$. TABLE DES MATIÈRES. Liste des Membres de la Société et composition du bureau . . I Compte-rendu des travaux de l’année 1858 . . . . «+ . . XIE HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE. Votertdubudretde 1658 Pa RU ET 7 LS SRE 4 Délibération relative au legs Crochot . . . . . . . + Li) Note sur une pierre tumulaire d’un seigneur et d’une dame de Male VApanMede Bas ad NT CNT 0 Histoire de la ville et du-comté de Saint-Fargeau, par M. Déy. = HREMPSIDOUeRNES (SUUTC) NM O0 Note, par M. Challe, sur des débris de constructions romaines sur le bord de la route départementale n° 9, 4,500 mètres d'Auxerre, au-dessous de la fontaine Sainte-Geneviève. . . 402 Notes, par M. Challe, sur les lettres de Joseph Fourier, offertes par MA Bonard'Ala Société rt er etc EC ie CMOb Délibération relative à la colonne commémorative de la bataille Te RONENDYE Me. 2e cn etc te: PONT ROUE Les armoiries des principales villes du département, par Me: duantini ll su Jartiatins 19 La fn ts Su séb Se da Histoire de la ville et du comté de Saint-Fargeau, par M. Déy. — Temps modernes (suite). 0. : 41: 10.1 «on mÉget 2020468 Découverte d’un cimetière romain à Tonnerre. — Notice par M. Camille Dormois . 660 TABLE DES MATIÈRES. Pages. * Rapport, par M. l'abbé Cornat, sur des documents concernant ” l’abbaye de Pontigny et la ville de Saint-Florentin, et Notice sur M. Jean Dépaquy, dernier abbé de Pontigny. . . . .. 240 Délibération relative à l’église de Pontaubert. . . . . . . 98 Vote d’un crédit pour les fouilles aux grottes PATCYNE MENTON Notice sur la vie de M. d’Etigny, intendant de Ja généralité d'Auchet de Pau-parM:Dantin 00200 0 OS ORE Histoire de la ville et du comté de Saint-Fargeau, par M. Dévy. GPS MOUENTIES (SUITE) V2 EN MANS ET SE Ne Note de M. Benoist sur une traduction inédite, en vers français, del'Erfer du Dante) Se Se OC Re Er AE E Lettre de M. de Longpérier sur une pièce de monnaie de QUE ne ES le PRET RE ren UE ee Délibération relative à l’érection de la colonne commémorative de la bataille de Fontenoy. — Lettre de M. Boulard- MOPOAUNES EUR ME eue PE LAN PR EN AT PETER CE PRES Eee) Délibération relative aux inscriptions à graver sur cette colonne. 481 Histoire de la ville et du comté de Saint- -Fargeau, par M. Dévy. AB CONMEMPOPAIN A) PCT, MR et es VIGILANT NOTE SCIENCES NATURELLES. Recherches statistiques sur le choléra de l'Yonne, en 1854, dans ses rapports avec la nature géologique du sol, par M. Duché. 144 Excursion minéralogique dans la forèt d’Othe. — Compte-rendu par: Ma VHliens. ps SR nn er SO NT Ale Catalogue des plantes phanérogames qui eroissent naturellement daus le département de l'Yonne, 6e centurie, par MM. Déy et Courtaut. it: ARS SR ER TE I NS RSR RS RO GS Catalogue de la collection des roches du département de l'Yonne, déposées au Musée d'Auxerre, par M. Raulin SE Le: be NN arc DAS Sur les vertèbres fossiles de la caverne ossifère d’Arcy-sur-Cure, TABLE DES MATIÈRES. 661 ages, provenant des collections du docteur Robineau-Desvoidy, par S MEMONCOAUX AT CAES AREAS Le PRE RE ST An Compte-rendu, par M. Monceaux, du résultat des fouilles aux BROITeS d'ALCV-SUT- CURE. LT ON UN CAT Etudes sur les Echinides fossiles du département de l’Yonne, par M. Cotteau. — Etage néocomien (suite). . . . . . . 485 Observations statigraphiques sur le terrain cénomanien de Sei- 2nPIAN Dar M. GUÉTADLEP Me 0e MMM. is + + 02 Observations météorologiques . . . . . . , . « . . (651 FIN DE LA TABLE. Vi ï ; HE dti +3! a RARE