. A . 57. ■ BULLETIN I)E LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. Qucttrieme Serie. TOMS XIII. COMPOSITION DU BUREAU DE LA SOCIETE pocr 1856-1857. President. M. Gi iomalt, meiiibre de I'lustitut. MM. De Qi.atrefages, id. le vice amiral Romain des Fosses, senateur. MM. Morei.-Fatio. PoULAIN DE BOSSAY. ^ice-Presidents. Scrntntenrs. Secretaire. M. Amf.bee Tardieo. COMPOSITION DU BUKEAU DE LA COMMISSION CENTBALE pour 1857. President. M. Jomard, menibre de I'lustitut. Vice-Presidents. MM.d'Avezac el (Iuigniaut, de l'lnstilul. Secretaire general. M. Alfred Maury. « Secretaire adjoint. M. V. A. Mai.te-Brun. Section de Correspondan.ee. MM. A. d'Abbadie, rorr. de I'lustitut. MM, Moiin. general Aupirk Noel des Vergers, corr.de l'lnst. C" d'Esrayrac de Lauture. Poulani de Bossay, de Froberville. Kenard. Gabriel Lafond. Talabot. De la Roquelle. N Section de Publication. MM. Cortambert. MM. Mauroy. Danssy, membre de I'lustitut. Morel-Katio. Demersay. De Quatrefages, in. de I'Instit, Ernest Desjardius. Sedillot. Jacobs. Tremaux. Lourniand. Vivien de Saint-Martin. Section de tomptabilite. MM. Albert-Montemont. MM. Gamier, general Auvray. Isambert, Alex. Bonneau. Lefebvre-Durufle. Archiviste-bibliothecaire. M. T re sorter de la Societe. M. Meignen, nutaire, rue Saint-Honore, 370. Membres adjoints. MM. A. Barbie dn Bocage. MM. A. de Froidefouds des Farges. Ferd. Fibre. G. Lejean. M. Noirot, agent de la Societe, rue Christine, 3. BULLETIN DK LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE REDIGE PAR LA SECTION DE PUBLICATION ET MM. ALFRED MAURY, SECRETAIRE GENERAL DE LA COMMISSION CENTRALE, ET V. A. MALTE-BRUN, SECRETAIRE ADJOINT. QUATRIEME SERIE. — TOME TREIZIEME. ANNEE 1857. JANVIER - JU11S. PARIS, CHEZ ARTIIUS-BERTRAiND, l , I I : U A I K K DE LA S O C 1 1£ T fi" D E GEOGRAPHIE, RIIK HAUTEFEUILI.E, J>" 1 I . 1857 LlSTli i)ES PRESIDENTS HOISORAIRES DE LA SOCIETK DEPDIS SON ORIGINE. KM. Marquis dc Lxpi.ace. Marquis de Pastoret. "V" de f.HATEACBRIXND. C" CbabrOL de Vor.vrc. Becqi i I . B"' Al.EX. UE HUMBOLDT. (.:'* CSABSOL DE C.ROVSOI.. Baron Georges Covibr. B*° Hyde de Nklville. DuC dl' DoUDEAUVII.I.E. J. B. Eyrih. Le vice-amiral de Right. MM. Le rontre-amiral Domont d'Dri ii i.e. Due Decazes. Comle de Montai.ivet. Baron de Barante. Le general baron Pei.et. Guizot. De Sai.vandy. Baron 1 ltinier. Baron de Las Cases. Villemaik. MM. Cl xih-Kridaine. I.'amiral Laron Rolssiw. L'aniiral baron Gdi- taire de Suede et de Nonage. La Scandinavie parait, en efl'et, le si^ge d'un grand mouvement cartographique dont nous avons recu plusieurs temoignages. Je citerai d'abord la carte du bailliage de Buskerud dress^e sur 1' orcl re du gouvernement de Norv6ge, par M. le capi- taine d'artillerie Gjessing, et dont la bonne execution temoigne des progres qua faits dans la monarchie su6- doisela science topographique, etde l'heureuse impul- sion que lui imprinie un gouvernement 6"claire. Ceux qui voudront prendre une connaissance plus circon- stanci6e des ceuvres topographiques de la Scandinavie, devront aller visiter la riche et interessante exposition des objets rapportes par S. V. I. le prince Napoleon de son voyage dans le Nord. En attendant que je puisse vous entretenir de 1' expedition de la Reine-Hortense et des services quelle rendra parmi nous a la Geogra- phic, je me bornerai a signaler les cartes qui vont etre (13 ) expos6es au Palais-Royal, a cote des specimens les plus varies de la science, de 1' Industrie et des arts de la Scandinavie. Ce voyage, que l'illustration de son chef rendra memorable, contribuera , il n'en faut pas douter, a rendre plus etroite 1' alliance intellectuelle des peuples scandinaves et du notre; elle repandra le desir d'aller visiter les beautes severes et les etablisse- ments intelligents de la Suede et de la Norvege , sur les destinees desquels plane un nom francais. LIs- lande, contree si desheritee par le Createur, et que le feu de la science rechauffe seul dans ses glaciers, sera moins eloignee de notre civilisation et de nos ressources, une fois que d'autres voyageurs, suivant l'exemple de leur illustre devancier , iront lui communiquerlesbien- faits dont nous sommes redevables a notre sol et a notre climat. Deja, plusieurs de nos ingenieurs des mines ont ete, sur cette terre classique de la metallur- gie , etudier des exploitations en renom et des pheno- menes erratiques et volcaniques importants pour la geologic C'esten se guidant sur les cartes de MM. Hisin- ger et Keilhau qu'un de nos plus habiles geologues, M. J. Durocher, a compose une carte geologique et metallurgique de la Scandinavie qui vous a 6te offerte par rediteur. Le goiivernement des Pays-Bas ne se montre pas moins jaloux que le notre d'elever un monument topo- graphique qui soit en meme temps un guide sur pour les operations militaires ; il vous a envoye la suite de sa grande carte. M. le general baron Forstner de Dambenoy, auquel la direction de cette ceuvre a ete confiee, a heureusement compris l'importance qu'il ( ih ) y avait pour la science geographique a ce qu'mie carte aussi neuve que celle de l'etat-major des Pays-Has fut deposee dans notre bibliotlieque. L'Espagne, qui est entree depuis quelques annees dans une excellente voie de travaux topographiques, nous a envoye, grace a la liberalite de don J. Scfiulz, une carte de la province d'Oviedo executee par ce sa- vant, qui occupe aujourd'hui un emploi eleve dans le corps des mines de la Peninsule. Nous nous plaignions, l'an dernier, de l'imperfection des cartes que les editeurs francais livrent au public, et nous engagions Tindustrie privee a se niontrer plus soucieuse des interets de la science. Nos observations semblent avoir ete entendues , car la carte de la Pa- lestine ancienne et moderne que vient de (aire paraitre if. J. Andriveau laisse, dans l'etat actuel des connais- sances, peu de cboses a desirer. Notre confrere, M. Malte- Brun, nous a lu sur cette carte un rapport judicieux qui nous en fait connaitre les merites et nous inspire pour elle une veritable confiance. Les Pays-Bas ont entrepris une autre ceuvre topo- graphique qui ne fera pas nioins d'honneur au savoir de leurs ingenieurs. Sous le titre de Repertoire de cartes, l'lnstitut des ingenieurs neerlandais a com- mence lo catalogue raisonne de toutes les cartes qui ont 6te publiees dans chaque pays depuis le XVIIP siecle : cartes generates, cartes partielles , tout y trouve sa place. On vous avait adresse l'an dernier les trois pre- mieres li\ raisons de ce preiceux repertoire, consacre a la bibliographie cartographique de l'Autriche ; vous avez re?u cette annee les trois suivantes, qui nous inte- ( M ) ressent encore davantage, puisqu'elles contiennent la liste des cartes de 1' empire francais. Le soin avec lequel l'lnstitut des ingenieurs neerlandais poursuit 1' execution de cet utile recueil, nous en garantit 1' exac- titude et la valeur. L'un des membres de ce corps savant, M. P. M. Netscher, a ete envoye tout expres en France , pour recueillir et preparer les elements des livraisons que vous venez de recevoir. Un repertoire de cette importance devra un jour trouver place dans toutes les bibliotheques, et son execution est un ser- vice signale rendu a la Geographie. Car, tandis que les bibliographies abondent et qu'on a pris soin de dresser des listes de tous les documents ecrits a consulter sur chaque branche des connaissances humaines, les ca- talogues de cartes nous font defaut, et c'est avec la plus grande difficulty que Ton parvient a connaitre, pour une contree donnee, les travaux cartograpliiques qui ont ete faits. L'Afrique a fourni aussi, cette annee, quelques cartes interessantes : je citerai en premier lieu celle de 1' Algerie, du Tell, de la Kabylie et du Sahara algerien, dressee, sur l'ordre de S. Exc. M. le ministre de la guerre, par M. C. Delaroche, et qui comprend deux feuilles. Vous avez entendu sur cette carte un rapport du secretaire adjoint de la commission centrale, M. Malte-Brun. Dans peu nous connaitrons presque aussi bien la topo- graphie de nos possessions africaines que celles de nos departements. Quand on se reporte aux faibles notions que Ton avait sur l'interieur des Etats barbaresques avant la conquete d' Alger, c'est-a-dire il n'y a pas encore vingt-sept ans, on est forc6 de reconnaitre com- ( 1« ) bien la colonisation et la guerre servent les progrfes de la Geographie; combien le sabre, en apparence si in- intelligent, a fraye de voies a l'intelligence. Tandis qu'au nord nos armees apportent avec elles les lumieres, au sud et au centre de l'Afrique cles eclai- reurs intelligents indiquent a la civilisation europeenne dans quelles directions elle doit un jour s'avancer. Le courageux missionnaire M. Livingston, dont nous a\ ons recemment donne des nouvelles dans notre Bul- letin, M. Oswell, M. Gassiot, M. Galton et M. Anders- son, dont je vons ai fait connaitre l'an dernier le voyage, ont , de 1849 a 185/i , explore l'Afriqne australe et fourni ainsi les elements d'une carte tout a fait neuve, que nous a offerte M. Malte-Brun, et ou il a habile- ment mis en reuvre les travaux de MM. Arrowsmith, Cooley et Petermann. La carte du dernier de ces voyagenrs, M. Andersson , donne la contree qui s'e- tend de Walvisch-Bay au lac Ngami ; elle vous a et6 offerte par le savant secretaire de la Societe geogra- phique de Londres, M. Norton Shaw. L'Amerique n'a ete representee dans nos envois de cette annee que par un petit nombre de cartes; l'une qui a pour auteur M. Marcou, auquel on doit d'excel- lents travaux sur la geologie du nouveau monde, donne la configuration geologique de l'Amerique du nord ; une autre est 1' original qui a servi a M. Malte- Brun a dresser sa carte de l'expedition du docteur Kane ; nous en sommes redevables a la liberalite de la Societe de geographic de Londres. Le Depot de la marine, qui poursuit avec autant d' ac- tivity que le fait le corps de retat-majorrexecution de ( 17 ) ses cartes, nous a fait parvenir la suite de ses publica- tions hydrographiques, dont l'importance vous est con- nue, messieurs. Parmi cedes qui ont attire* plus particu- lierement votre interet, jeciterai les cartes des parages de la Nouvelle-Caledonie, cedes des cotes de la Cara- manie etdes des de l'Archipel grec, cedes de Madagas- car, d'une partie de la cote du Portugal et de la cote de la Crimee comprise entre le cap Chersonese et 1' en- tree du port de Sebastopol. A cet ensemble d' envois cartographiques qui ont et6 adress6s a notre Societe, se rattachent naturellement di- verses publications purement artistiques ou pittores- ques. De ce nombre est le magnifique Album de la ve- getation an Bresil , dii a M. de Martius, et que je vous ai fait connaitre par un rapport detaille" ou je me suis efforc6 d'eveiller dans l'esprit du lecteurune partie des impressions enthousiastes qu'avaient fait naitre en moi les peintures d'une nature si grandiose et si luxu- riante. Un autre album intitule : Nos souvenirs de Kil-Boroun pendant Vhiver que la flotte francaise passa dans le Liman du Dnieper, nous transporte sous un ciel bien different. Le talent de plusieurs artistes, entre lesquels nous citerons de preference notre con- frere M. Morel-Fatio, a reproduit avec une facility de dessin, un bonheur d' expression peu communs, les diffi&rents spectacles qui s'offrirent, durant cethi- vernage , aux yeux de nos marins. Lagravure intitule : Souvenirs hisloriques de la guerre de Crimee, que nous a offerte M. Erh. Schieble, membre de notre Society, peut etre jointe a cet apercu pittoresque d'une nature a part, que la carte ne saurait reproduce , et dont une XIII. JANVIER. 2. 2 ( 18 ) description ne peut dormer qu'une imparfaite idee. En fin, en terminant cette enumeration des cartes et des planches qui ont grossi votre depCt, je ne dois pas omettre, messieurs, la septieme livraison des Monu- ments de Id Geographic , publies par M. Jomard , et dont je vous rappelais, l'an dernier, le m6rite d'execu- tion et l'extreme interet scientilique. Cette livraison coutient une carte du globe , par Mohammed-Ebn- Ali-Ebn-Ahrued-al-Charfy , de l'an 1009 de l'Hegire, la mappemonde de Sebastien Cabot, pilote-major de Charles-Quint ; une carte militaire du nioyen age, re- presentant le theatre de la guerre a l'epoque des con- quetes de la republique de Venise en terre ferme ; en- fin, des cartes du XVP siecle, figurees sur une cassette de la collection Trivulci , dite cassetina all' Agemina. Je passe maintenant aux travaux ecrits, que la So- ciete a fait paraitre dans son Bulletin. La G^ographie ancienne, ou plutotla G6ograi)hie historique, a eu cette annee le privilege, messieurs, de remplir la plus grande partie de nos seances. Je viens de vous rappe- ler l'interessante discussion a laquelle a donn6 lieu 1' emplacement d'Alise. L'un de ceux qui ont pris part a ce debat, a enrichi votre recueil periodirjue d'un autre travail de Geographie ancienne. Dans une lettre adressee a notre president, M. Ernest Desjardins nous a presente un apercu des mines de 1' antique Veleia. Ces ruines, qui n'ont encore ete qu'a peine explorees, promettent a l'archeologie une moisson abondante. Veleia n'est situee qu'a quinze milles de Plaisance, et cependant elle a ete aussi peu visitee que si elle se trou- vait au milieu de l'Afrique ou de la Syrie. On y peut encore distinguer les restes du forum et des Edifices ( 19 ) dont il 6tait orne. Notre confrere pense que ce qui est d£couvert est loin de representer la majeure partie de la ville ancienne. Nous aurions done, la, comme un Pornpei de l'ltalie septentrionale. Ainsi nous devrons attendre, si notre confrere M. Desjardins a bien jug6, lad6couverte prochaine de monuments et d' inscriptions qui jetteront de nouvelles lumieres sur Femplacement des villes environnantes et sur les relations qui les unissaient a Veleia. L'epigraphie latine prete en effet, messieurs, un secours puissant a la Geographie histo- rique. II y a quelques ann6es , nous avons vu la Geo- graphie de l'Afrique ancienne comme renouvel6e par la decouverte d'une foule d'inscriptions. La sagacite pers6verante de M. L£on Renier nous a rendu des emplacements et fait connaitre des distances itin£raires, qui permettront de dresser un jour une carte complete de l'Afrique sous la domination romaine. Esperons que M. Desjardins, qui a 6te conduit en Italie par le gout de l'epigraphie, marchera sur les traces de M. Leon Renier, et que Veleia sera aussi feconde que Lambese en monuments £pigraphiques. M. Vivien de Saint-Martin, dont vous avez ecoute" avec interet, l'an dernier, les savantes i.tudes sur Vlnde ancienne, vous a lu un morceau 6crit avec talent et pr£sente avec art sur l'histoire g^ographique de notre pays. C'estle specimen d'un vaste travail auquel notre confrere vent attacher son nom, et qui demeurera longtemps, je n'en doute pas, le repertoire le plus sur et le plus accredite de G6ographie universelle. Un autre de nos confreres, que le culte de l'antiquite avait con- duit en Grece, et qui en est revenu avec le gout de la ( 20 ) Geographic, M. Victor Guerin, vous a lu un fragment surl'ile de Rhodes. 11 vous a egalement offert une des- cription des iles de Pathmos et de Samos. On trouve a la ibis, dans ces deux travaux, une intelligence appro- fondie des anciens et une etude consciencieuse des lieux. 11 ne manque a ce voyageur que des connais- san'ces de geodesie et de topographie, dont nous ne sau- rions trop recommander 1' acquisition k ses confreres de l'Ecole d'Athenes. M. V. Guerin est anime d'une noble ardeur ; les difficultes du voyage ne l'arretent point, il ne sera pas davantage arrete par celles de l'etude. M. G. Lejean vous a fait connaitre ses observations sur la geographie de X Anonyme de Raveiine. Vous avez retrouve dans ce travail le soin consciencieux que son auteur apporte dans toutes ses recherches ; sa tache a ete souvent ingrate et aride, mais l'effort que notre esprit met a resoudre certaines difficultes, a pour nous tout l'interet d'une entreprise plus feconde en resultats. Si Ton ne s'attachait qu'aux ccuvres qui promettent d'etre brillantes, bien des coins du champ de la science demeureraient en friche, et nous serions prives d'une foule de details qui prennent, a un mo- ment donne, leur importance et leur prix. On ne sau- rait done trop encourager des travaux comme ceux de M. Lejean, dont la modestie vous a\ait fait longtemps ignorer la science. Notre Society n'a pas et6 mise en possession, cette ann£e, d'un aussi riche ensemble de travaux sur la Geographie moderne. Si j'en excepte un Episode d'un voyage au Soudan oriental, par notre confrere M. Tr6- ( 21) maux , ou il a consigne de judicieuses remarquea sur l'esclavage ; et tin morceau rempli de faits curieux surles populations noires du Senegal, par M. le colo- nel Faidherbe, notre Bulletin n'a eu a vous offrir que des rapports et des comptes rendus. C'est que les travaux originaux ne s'improvisent pas, qu'ils deman- dent de longues recherches. On ne peut, par ce motif, en avoir, pour ainsi parler, chaque mois sous la main. II en est de meme des voyages , ils demandent a etre prepares de longue main et miiris par des etudes prea- mbles. Ceux-la seuls portent d'heureux fruits , qui ont ete entrepris par des personnes instruites, laborieuses, perseverantes , qui s'etaient entourees de tous les ele- ments propres a assurer leur reussite. C'est dans ces conditions que notre confrere, M. lecomted'Escayracde Lauture, avait organise aux sources du Nil une expedi- tion qui fera peut-etre epoque dans l'bistoire de la Geo- graphic Cet habile voyageur n' avait rien neglige pour que son entreprise tournat au profit de toutes les bran- ches de nos connaissances. Sa resolution, ses lumieres, son intelligence, vous sont connues, et il en a donne deja d'incontestables preuves. L'Institut de France a confie a 1' expedition des instructions qui sont en quelque sorte emanees de notre Compagnie, puisque c'est 1'un de nous, 1'un de ceux qui resument dans leur personne, avec le plus d'autorite et d'honneur, les travaux de la Societe, M. Jomard, qui a coopere davantage a leur redaction. Le voyage aux sources du Nil a done ete ve- ritablement concu sous notre inspiration. Des represen- tants de l'Allemagne, de 1' Angle terre, ont voulu y prendre part. Malheureusement, selon des bruits que je ( 22 ) voudrai^ ne pas croire fondes, des difllcultes survemies entre M. d'Escayrac et plusieurs de ses compagnons de voyage ont anient'' la retraite volontaire de notre confrere. G'esl a M. Vul)aret, lieutenant de la marine francaisc, qu'a ete confiee la conduite de l'expedition. Cela serait-il, nous en eprouverions de \ii's regrets; mais nous ne desesperons pas pour cela de la reussite de cette entreprise, car il reste, avec un oflicier distin- gue, des hommes de talent et de cceur, qui tien- dront a bonneur de ne pas laisser avorter une si grande pensee. Quoi qu'il arrive, queU'on ])arvienne a ces sources mysterieuses qu'ont vainenient cherchees les anciens, ou que Ton soit force de s'arreter avant d' avoir atteint le but, la Geographie ne s'enrichira pas moins d'uue foule d' observations et de donnees nou- velles. Tandis que cette expedition se tourne vers le Haut- Nil, d'autres voyages, accomplis par des personnes etrangeres a la Societe , sont venus k sa connaissance , grace a des publications plus ou moins etendues. lis ne sont pas tous d'une date egalement recente; mais la date veritable d'nn voyage est celle de sa publication, car e'est par la seuleinent qu'on ]>eut jnger de son im- portance et de son caractere. Je serai done force, messieurs, dans l'apercu qui va suivre, de vous rame- ner qnelquefois en arriere. Je commence par les missions dont l'oeuvre de de- vouement et de foi a ouvert a la science tant de con- trees qui, sans elles, seraient demeurees longtemps inaccessibles. Le but <{uc nous poursuivons, messieurs, n'est pas le meme que celui des missions. Ce n'est ( 23 ) qu'occasionnellement que les apotres de l'^vangile tra- vaillent a l'avancement des connaissances geographi- ques. Mais la diversite des buts ne doit pas nons rendre injustes envers des services qui, pour etre accidentels , n'en sont pas moins tres serieux. Les Annates de In propagation de la foi nous Ollt , depuis Fan dernier , fourni quelques communications d'un veritable interet. Je placerai en premiere ligne la lettre de Mgr Retord, vicaire apostolique du Tong- King occidental , ou ce courageux prelat resume de -visa la Geographie et l'etlmologie de cette partie de l'lnde transgangetique. C'est un travail auquel on n'a a reprocher qu'une trop grande concision. Le Thi- bet vient enfin de s'ouvrir a l'apostolat chretien. Un etablissement catholique a ete fonde par M. Renou, dans la vallee de Bonga , qui lui a ete concedee a per- petuite par un ancien vice-roi de Tcha-Mou-Tong. Nous faisons des voeux pour la r6ussite de cette entreprise. Les Annates abondent en lettres ecrites de la Chine. Malheureusement elles sont d' un interet mediocre pour la Geographie , bien qu'elles contiennent des details curieuxsurl'etatactuel decevaste empire, aujourd'hui en proie a la guerre civile. La notice de M. Combes sur la tribu des Bannars dans le Laos peut etre placee, ponr l'interet, a cote de celle de Mgr Retord. C'est le m6rite des mission- naires catholiques de bien faire connaitre les mo3urs des populations barbares , car ils se melent a elles et vivent, jusqu'a un certain point, de leur vie. Recueillis avec critique, ces documents seront de pre- cieux elements de progres pour l'ethnologie generale. ( 111 ) J'ai d£ja parle\ l'an dernier, de l'apostolat du pere Montiton, de la Soci6t6 de Picpus; ce missionnaire continue , en evangelisant les indigenes des iles Po- motou, de completer les notions, auparavant insuffi- santes, que nous avions sur cet archipel. Dans l'lnde, au Canada, en Guinee,nos missionnaires s'efforcent de propager la foi catholique, tout en 6clairant certains points de Geographic ou d'etlmologie. Le Journal des missions evangeliques ne le cede point aux Annates , en intd'ret. C'est toujours l'Afrique meridionale qui est le siege principal des efforts des chretiens 6vang61iques. La plupart des lettres sont dat^es des etablissements qu'ils out fondes dans cette partie du monde ; nous y trouvons la suite de la notice sur la nation des Bassou- tos, commenced l'an dernier, et des renseignements recueillis par M. Schrumpf sur les peuples qui avoisi- nent la station de B6thesda. Les missions protestantes disputent aussi , aux missions catholiques , l'honneur d'6vangeliser l'lnde transgangeHique. Une mission chez la tribu sauvage des Karens nous a valu quelques de- tails curieux sur cette population peu connue. Enfin , certaines iles de la Polynesie ont ete visitees par les apotres de la reforme ; ils y ont trouve un accueil qui leur fait esp6rer des succes, lesquels tourneront, j'en suis sur, au profit de la science et de l'humanite. Que chacun fasse plus particulierement des voeux pour les progres de la foi qui lui est chere , la Socicte , qui ne distingue pas les communions et qui honore toutes les vertus et tous les denouements , porte un 6gal interest au succes de tous les apotres du christianisme. Blue par ce sentiment de tolerance 61ev6e , la SocieHe" re- (25) coinmande aussi aux amis de la G6ographie les efforts des missionnaires anglais, dont le tableau mensuel nous est fourni par le Church missionary intelligencer. Grace a l'&endue de ses relations, a l'abondance de ses res- sources, l'Angleterre est a meme de nous fournir des informations qu'on chercherait vainement dans les journaux francais des missions catholiques ou protes- tantes. On s'en convaincra aisement quand on jettera les yeux sur cet estimable recueil. On y trouvera , par exemple, le journal de voyage du savant missionnaire Krapf en Abyssinie, des relations d'un grand interet sur les pays d'Yoruba, d'ljebou. On ne nous entre- tient pas seulement des interets fort respectables de la mission, mais on nous y donne sur le pays, sur sa topographie, son etat physique, des renseignements recueillis avec intelligence et choisis avec discerne- ment. A ces relations sont jointes des vues sur des con- trees plus connues , mais qui peuvent encore fournir matiere a d' utiles observations ayant tout le m^rite de la nouveaute. On a souvent accuse- , dans notre pays , les missionnaires anglais d'etre autant des agents poli- tiques que des apotres de l'Evangile; c'est qu'il est difficile , meme quand on s'est voue exclusivement au service de J6sus-Christ , de se d6pouiller totalement de sa nationality. Les missionnaires anglais se preoccu- pent de l'avenir des pays qu'ils tentent de conque-rir a la foi , et voila le motif qui fait qu'ils se montrent si soigneux observateurs de tout ce qui touche a l'6tat physique, climatologique , economique et moral d'un pays. La Geographie en fait son profit , et elle sera tou- jours reconnaissante envers ceux qui enrichissent si ( 26) largement son domahie. (Vest un missionnaire anglais, AI. Livingston , qui vous adressait dernierement les details sur certaines parties de l'Afrique meridio- nale, que vous avez inserts dans votre Bulletin. Peu d'bommes ont, daus ces dernieres annees, fait autant avancer la connaissauce de l'Afrique australe que AI. Livingston. Ln autre missionnaire anglais, M. Crovvther , vient de publier le r6cit attachant de 1' expedition faite , en 185/i , sur le Niger et la Tchadda. La science ne connait pas d' esprit de nationalite et elle rend loyalement justice a ceux qui la servent, quels que soient leur cocarde ou leur drapeau. II serait iu- juste de ne pas porter temoignage des services enii- nents que les missions anglaises ont rendus a la G6o- grapbie , quand bien meuie la politique y aurait trouve son profit. La politique n'a-t-elle done jamais profile des notres ! Serait-ce \k un motif pour etre ingrats k leur egard ? L'Afrique a 6t6, de meme que 1' an dernier, le but des plus importantes explorations dont la relation nous soit parvenue. AI. Anne Raffenel, dans son ISouvrau voyage dans le pays des negres, a justifae" la bonne reputation qu'avait fait concevoir de son merite et de son courage sa premiere relation. 11 a explore pour la seconde fois, en 1846 et 1847, le Senegal, sur lequel il a recueilli un ensemble de documents qui completeront la description que nous avions deja de ce curieux pays. II uous fait connaitre l'bistoire , les tra- ditions et les mccurs des Bambaras, au milieu desquels il a v6cu. II nous donne une bonne carte du Kartba et groupe , sur la traite des gommes et les questions qui ( 27 ) s'y rattachent, un ensemble de documents d'nne grande valeur. Au point de vue etlmologique surtout, le voyage de M. Raffenelest d'une extreme importance. S'il faut en croire les traditions qu'il a collectees, on devrait attribuer aux Peuls une origine occidentale ett modifier les idees que Ton s'etait faite de leurs migra- tions. Un interet plus vif et plus actuel s'attachait pour vous , messieurs , a la relation du voyage d'exploration entrepris en 1854, sur le Kwora et le Haut-Benoue, par le vapeur a helice la Pleiade. Le commandant de 1' expedition, M. William Balfour Baikie, a publie cette relation. Le lecteur est introdnit dans des contrees jusqu'a present en grande partie inconnues. Lorsqu'on remonte le cours du Niger, on traverse successivement les pays d'Oru, d'Abo, d'Igara. C'est au nord de ce pays que le Kwora recoit le Benoue. Le delta forme par les deux fleuves constitue le pays d'lgbira-Panda. Le Benoue suit alors dans son cours une direction presque constamment ouest-est, et ce n'est qua partir du 8e degre de latitude nord qu'il remonte au nord- est , et va , en traversant le pays de Hamai uwa , re- joindre l'Adamawa, dont le nom nous est devenu familier depuis les voyages du docteur Barth. A partir de la ville de Zhibu , situ^e a un mille du flenve , com- mence veritablement le Haut-Benoue; c'est la que regne Bohari , monarque puissant , dont M. Baikie re- cut un accueil amical ; sa capitale parait tres peuplee et se fait remarquer par son extreme proprete' ; elle est environnee d'une forte palissade. L'islamisme y a pe- netre. Lacontree al'entree de laquelle Zhibu se trouve ( 23 ) placee , est le Kororofa qui a pour capitale "Wukari ; les habitants de ce pays designent aussi le B6noue sous le noin de Nu. Sur l'autre rive s'etend le pays de Bautschi. Malheureusement, dans une exploration de ce genre, ou Ton ne peut que difficilement s'ecarter des rives, on n'acquiert qu'une connaissance impar- faite du pays. II eut ete imprudent, pour les voyageurs anglais , de s' eloigner de leur bailment, qui etait pour les naturels un objet de surprise et de terreur. La Pleiade s'avanca jusqu'au niont Gabriel : c'est ainsi que M. Baikie designe une hauteur dont 1'altitude peut etre de 150 metres, et qu'ils apercurent a 1' orient. Les marins anglais parvinrent dans une contree si marecageuse , que les indigenes sont reduits a la con- dition d'amphibies. Ces peuples appartiennent a la race des Baibaii ; mais ils out des mcours plus sauvages et menent une vie encore plus miserable. Leur e-ton- nement et leur terreur firent bientot place au desir de piller 1' equipage, qui portait avec lui tant d'objets faits pour exciter leur cupidite. L' expedition etait arrivee a Dulti ; elle ne poussa pas plus loin. Des difficult6s de tout genre rempecberent de penetrer davantage dans ce pays singulier, ou tout respire encore la barbarie la plus primitive. En remontant le Haut-Benoue , dont le cours est borde par de petites collines, VceII de nos voyageurs apercevait a 1' horizon de hautes montagnes qui annoncent une contree fortement accidentee et pro- mettent, a des explorations ulterieures, toute une oro- graphic inconnue. Entre ces chatnes qui ferment l'ho- rizon sur les deux rives, Tune, qui court presque per- pendiculairement au meridien, leur parut atteindre ( 29 ) une altitude d' environ 5000 pieds anglais; elle se trouve a pen pres a 8° 8' de latitude nord et comprend sept pics bien distincts , sitnes a environ quarante milles du fleuve. M. D. J. May, second maitre de la Gme, qui s'etait joint a 1' expedition et qui s'etait surtout charge des observations geodesiques , imposa a cette chaine le nom ftJIbemmle-Range, et parmi lesnoms particuliers dont il a baptise les pics j'ai ete heureux de trouver, a cote de celui d'Herschel, le nom d'un des savants les pins illustres de notre patrie , M. Biot. Presque en face , sur 1' autre rive , s'6tend la chaine moins elevee des monts Murchison, dont le pic principal, le mont Rode- rick , ne parait guere depasser en hauteur /i50 metres anglais. Enfin, du meme cote que les monts Albe- marle, entre le 8° 30' et le 9° court la chaine etendue des monts Fumbina, qui appartient deja a l'Adamawa. L'ouvrage de M. Baikie, malgre sa concision, abonde en details curieux ; ce n'est , il est vrai , que le proces-verbal d'une reconnaissance ; mais dans une contree encore si ignoree, une simple reconnaissance a plus d' importance qu'un voyage qui ne fait que com- pleter des premieres donnees. Une bonne carte de M. John Arrowsmith, qui accompagne l'ouvrage, nous offre un precieux croquis du littoral septentrional du golfe de Biafra et de File de Fernando-Po , oil nos marins ont laisse la P/eiade, et sur laquelle M. Baikie nous donne d'int6ressants details. M. Andersson, dontvous aviez entendu avec tant de faveur, l'an dernier, une notice, vous a envoye l'ou- vrage qui met dans tout leur jour les explorations an sud de l'Afrique auxquelles il a attache son nom. Le ( 30 ) lac Ngami , qui en a ete le but et qui lui fonrnit son titre, est place au centre d'un pays que Ton s'atten- drait ii trouver plus sauvage, plus 61oign6 encore de nos moeurs et de nos usages. Les Batoana et les Bayey6 sont loin , malgre leur etat de barbaric , de presenter ct'tte abjection et cetabrutissemenl auquel on s'efforce trop de ravaler les populations noires. Les Namaquas eux-memes, si feroces, ne sont pas les Hottentots stu- pides dont on nousavait longtemps entretenus. Le jeune voyageur a consacre un de ses chapitres a une descrip- tion complete du pays du Grand-Namaqua ; il ne trouve pas, cbez ces peuples, les habitudes laborieuses des Bechiuvias - Betoauas et des Bayere , agricul- teurs et chasseurs ijitelligents. Les moeurs des Au- nutquas sont plus barbares; ils sont grands amateurs de musique et de danse, se tatouent, tandis que les Batoanas se circoncisent comme les Damaras. La des- cription que M. Andersson fait du lac est complete. 11 y constate une sorte de flux analogue aux etches du L6man , et estime sa circonf6rence totale de soixante a soixante-dix milles g6ographiques , et sa largeur moyenne a sept milles ; sa plus grande a neuf milles ; le lac recoit deux rivieres, le Teoge et le Dzouga. M. Andersson aime les aventures et les chasses p6- rilleuses ; il a un sentiment vil" de la nature , qui donne ;'i ion l'interet qui lui manque souvent du cot6 scientiiique. Tel qu'il est compose , son livre est un r^citattachant , amusantmeme, ou les informations les plus diverses s'entremelent et se snecedent de ma- niere a ne jamais laisser le lecteur fatigu6 de ces mar- ches penibles. L'int6ret qui s'attache a l'Afrique ( 31 ) australe est encore loin d'etre epuise, et quoique nous possesions deja bien des informations sur plusieurs des peuples qui l'habitent , celui qui les visite a tou- jours l'occasion de recueillir des faits nouveaux, com me on peut s'en convaincre par les details que M. Francis Fleming a donnes dans sa relation sur les Cafres et les Bechuanas. M. Tr6maux poursuit avec une louable perseverance la publication de son voyage dans le Soudan oriental , que vous avez accueillie avec faveur. Un des officiers qui font le plus d'bonneur a notre arm6e par leur ac- tivity et par leur zele eclaire, M. le general Daumas, vous a envoy e l'itineraire d'une caravane du Sahara au royaume de Haoussa. Quoique remontant deja a. plus de six annees , la relation n'a rien perdu pour nous de son interet. M. le capitaine de vaisseau Guillain vient de faire paraitre les deux premiers volumes d'un recueil de do- cuments sur l'histoire , la geographie et le commerce de l'Afrique orientale. Le savant navigateur y a consi- gne" les resultats d' etudes conscientieuses poursuivies concurremment dans des voyages etdans le cabinet. Le premier volume renferme un expose critique des di- verses notions acquises sur l'Afrique orientale, depuis les temps les plus recul6s jusqu'a nos jours; le second est le commencement dela relation d'un voyage d'explora- tion fait a la cote orientale d'Afrique , de I8Z16 a 18^8, par le brick le Ducou'cdic. Un atlas ex6cut6 avec un grand soin et une scrupuleuse exactitude , grace au procede photograpbique , accompagne cette publi- cation, que je signalerai aux amis de la Geographie ( 32) comme une des plus importantes et surtout des plus neuves qui aient ete faites cette ann6e. La description de Zanzibar et des iles de la mer des Indes remplit le premier volume de la relation. M. Guillain nous donne, sur les Somali ou Soumals et les contrees qu'ils habi- tant, des details d'autant plus precieux que nous ne possedions rien d' analogue. Son apercu historique est une page de l'histoire de la Geographie qui n'avait point encore 6te 6crite. M. Guillain a aussi explore la cote occidentale de l'Hindoustan et 1' entree de la mer Ilouge. Un voyageur anglais dont vous connaissez tous 1' esprit et le courage, M. Richard Burton, a et6 aussi conduit dans les memes parages par son humeur voya- geuse ; et sa hardiesse venant en aide a sa curiosite, il n'a pas craint de penetrer sous le deguisement d'un musulman de 1' Afghanistan dans ces villes de la Mecque et de Medine , que le fanatisme tienl si hermetique- ment fermees. La relation de son voyage (1) a obtenu un succes merited , car elle initie a une foule de parti- cularites de la vie arabe qui avaient echappe" a Nie- buhr et a Burckhardt, dont M. Burton peut etre juste- ment considere comme le continuateur. Encourage par la reussite de ces perilleuses entreprises , M. Burton en medite une autre , dont les resultats ne seront pas moins precieux pour la geographie de l'Afrique. De concert avec M. le lieutenant Speke, il s'apprete a par- tir pour le grand lac Nyassi, dont la position veritable est encore environnee de tant d' incertitudes , et compte (1) Personal narrative of a pilgrimage to el Medinah and Meccah. (Loudon, 1855, 3 vol. in-8°.) (33 ) se rendre de Ik, s'il est possible, aux sources du Nil. Puisseat les deux expeditions, francaise et anglaise, se rencontrer sur cette terre inconnue , et les deux nations cimenter de nouveau leur alliance par une conquete comumne. II n'y a que 1' intrepidity britannique qui parvienne a tromper le caractere ombrageux de ces populations de 1' Orient , et qui reussisse a surpreudre le secret de leur vie et de leur croyance. Ce fut un Anglais qui nous a donne jadis le tableau le plus acheve des moeurs des modernes Egyptiens, M. E. Lane. C'est encore un Anglais qui , il y a quelques annees , nous a fait connaitre a fond les populations du Liban et nous a introduits au milieu de leurs montagnes, M. le colonel Gh. H. Churchill (1). C'est egalement un sujet britan- nique, M. F. Walpole, qui, en 1850 ou 1851, a pen£tr6 l'existence mysterieuse de la secte des Ansayriens (2), et recueilli sur leurs doctrines, sur leur genre de vie, des renseignenients qui laissent loin derriere eux , par leur precision et leur exactitude, ce que Ton avait anterieu- rement publie sur ces bizarres heritiers des antiques superstitions de la Perse et de l'Assyrie. Le nouveau monde , malgre son nom , a perdu pour nous une bonne par tie de sa nouveaute ; il n'y a plus a decouvrir que quelques cantons de l'Amerique me- ridionale, quelque point encore ignore de 1' Oregon ou de la Californie ; il ne reste plus a explorer que le cours (1) Mount Lebanon, aten years' residence from 1842 to 1852 descri- bing the manners, customs and religion of its inhabitants. 2e Edition. London, 1853, 3 vol. in-8°. (2) Voyez le curieux ouvrage intitule : The Ansayrii and the assas- sins ivith travels in the further East. London, 1851, 3 vol. in-8°. XIII. JANVIER. 3. 3 ( 84) . complet ties rivieres clout l'inextricable reseau est re- paiulu sur le versant oriental des Andes. Telle est la penstV qui a conduit If. (1. B. Markham a la recher- che des sources du Pnrus un des affluents do I'Ama- zone. Son voyage. inseridans le journal de la Societe de Geographie de Londres, rectifie plusieurs points de llr, diographie du nouveau monde. Deux Francais avaient aussi explore cette meme region de L'Amerique ; en prononcant Tan dernier leur nom , j'avais attendu d'eux une relation a laquelle 1'interet n'eut pas manque. La mission qui leur avait 6te confiee n'a malheureu- seinent inspire a l'un d'eux qu'un ivman-fieuilieton. C'est sans doute une louable pensee de populariser la Geographie, mais il faut craindre de le faire aux d6- pens du serieux, clout la science ne doit jamais se depouiller. Un medecin amerieain, M. G. R. B. Horner , vous a envoye une topographie medicale du Bresil et de 1' Uruguay qui, bien que se rapportant a une epoque eloignee de plus de dix amities , est de nature a vous interesser, messieurs, par leg details de toutes sortes qu'elle renferme sur ces deux contrees. On ne s'atten- drait pas , sous un titre aussi severe, a trouver autant de recits et d' anecdotes qui ne depareraient pas la rela- tion cl'un touriste. Vous avez decern^, 1'an dernier, une medaille a M. Sciuier. pour sa description de 1' Honduras : \ous avez voulu encourager ainsi des Etudes savantes lakes par un des explorateurs les plus intelligents de 1'Ajiic- rique centrale , appeler 1' attention sur un livre esti- mable dont s'est enrichie notre bibliotheque, mais non ( 35 ) servir les interets d'une Industrie privee , ou ceux d'une politique dans laquelle nous n'avons pas a nous inuniscer. Nous ne craignons pas de nous attirer un semblable reproche en vous recommandant, messieurs, le voyage entrepris, de 1850 a 1853, dans le Texas, le nouveau Mexique, la Californie, les provinces de Sonora et de Chihuahua, par M. John Russell Bartlett. L'auteur de ce livre qui rappelle les excellentes publi- cations de Stephens et de Norman, sur l'Amerique cen- trale , nous a donne une description detaillee de plu- sieurs des contrees les moins visitees du continent septentrional cle l'Amerique. Charge par le gouverne- ment de 1' Union, de fixer la ligne de frontieres entre les Etats-Unis et le Mexique , M. Bartlett a ete mieux place que personne pour prendre une connaissance exacte du pays. Sa relation comprend huit voyages distincts : le premier, d'Indianola sur la cote du Texas a El Paso del Norte par San- Antonio, embrassant une route d' environ 850 milles; le second, aux mines de cuivre du nouveau Mexique, dans les montagnes Rocheuses, pres du rio Gila; le troisieme, dans i'in- terieur de la province de Sonora ; le quatrieme , des mines de cuivre au rio San -Pedro , en suivant la li- gne de frontieres au sud du rio Gila ; le cinquieme , de Guaymas a Mazatlan et a Acapulco , avec retour sur San-Francisco; le sixieme, en Californie; le septieme, de San-Diego a El Paso del Norte , par le Colorado et le Gila ; enlin , le dernier contient une exploration com- plete des Etats de Chihuahua, Durango, Zacatecas, Nouveau-Leon , Tamaulipaset de Tangle sud-ouest du Texas. Dans ces huit explorations, dont quelques-unes (36 ) out dure plusieurs mois, M. Bartlett a fail line 6tude toute particuliere des tribus indiennes de cette panic de 1' Vmerique septentrionale qui comptent certaine- ment parmi les moins connues. L'histoire naturelle a vu'\ de la pan de plusieurs membres de I'expSdition , Fobjel d'observations noaibreuses. Des collections de plantes et d'animaux out 6t6 recueillies, e1 un artiste distingue, M. Henry (',. Piatt, a souvent pr&te" le se- cours de son crayon a nos voyageurs , et contribue" a former l'interessante suite de planches qui illustrent l'ouvrage. Je ne puis entrer dans les details d'un grand iuteret, que AI. Bartlett nous donne sur l'orograpliie dr> chaines de montagnes qu'il lui a falln traverser, et dont plusieurs ne sont que des contre-forts des mou- tagnes llocheuses et qui oll'rent nn aspect aussi impo- sant que pittoresque. La chaine de la Guadeloupe sur- tout, dans I'Klat de Sonora, que l'exp^dition a du traverser, a un cachet grandiose fait pour inspirer le desir de les visiter. Tout le cours superieur du rio Bravo s'effectue entre des chaines que les geologues n'ont point encore explorees, et quilimitent au nord et an nord-est le plateau et la vaste steppe du Nouveau Mexique. Mon attention a ete particulierement attiree par les details que M. Bartlett donne sur les celebres Casas grandes du Chihuahua et du rio Gila. Certains Americains avaient presque mis en doute la realit6 de ces ruines curieuses. Notre voyageur les a retrouv6es telles qu'on les avait decrites, il y a pres de deux siecles, et le grand nombre de debris de poteries qui sement le sol k l'entour de ces antiques constructions, les traces d'imgations qu'on \ remarque, temoignent ( 37 ) de la civilisation ties peuplcs qui ont jadis habite clans • ces lieux. Encore aujourd'hui, les tribus indiennes qui y vivent clair-semees conservent des restes de cet 6tat llorissant. Les Pimos et les Maricopas, qui, des bords du golfe de Californie, sont venus s'etablir a leur voisi- nage et leur ont emprunte tine partie de leurs moeurs , se distinguent des autres tribus indiennes de la meme region , les Comanches , les Apaches, les Navajos , etc. , par des habitudes plus sedentaires et une industrie plus perfectionnee. Leur coloration brune les separe aussi des Peaux Rouges proprement dits, aussi bien que des tribus a peau olivatre de la Californie. Les details de toutes sortes abondent dans le livre de M. Bartlett, et les incidents inattendus n'y font pas plus defautque les documents statistiques et economiques. La metal- lurgie , surtout la geologie, y puiseront des notions tout a fait neuves sur les geysers de la riviere Pluton , les mines de mercure du Nouvel-Almaden , et les mines de cuivre que nos voyageurs explorerent, exposes aux atta- ques des Indiens Apaches. Une carte detaillee accom- pagne l'ouvrage. Peut-etre ses indications n'ont-elles pas encore la rigueur qu'on est habitu6 a trouver dans nos cartes d' Europe, mais l'itineraire suivi par M. Bart- lett ne permet pas moins de se faire une idee plus exacte de l'orographie et de riiydrographiede la partie comprise entre le 28e degre et le 32° de latitude nord. Cette singuliere vie de voyageur et de pionnier am6ri- cain a tout l'interet d'un roman. Tel est aussi le caractere d'unc autre relation qui vous a ete offerte recemment, les Voyages en Califor- nie et en Oregon de M. de Saint-Ainand. Son livre nous ( 38 ) transporte dans ce monde d'6migres ou la barbarie coudoie la civilisation, oil des aventuriers de toute sorte ont ete chercher fortune et porter peut-etre en- core plus les vices que les Lumi&res dc l'Europe. La vie californienne est une etude de moeurs piquante, qui n'empeche pas cependant M. Saint-Amand de se li- vrer k des considerations economiques serieuses sur les effets des exploitations auriferes qui ont detrone la vieille renommee du Potose. C'est k peine si Ton peut reconnaitre l'Amerique de nos ancetres dans les pi- quants recits de M. de Saint-Amand. On a besoin, pour ne pas outlier cette nature plus poetique et plus pri- mitive, peinte avec tant de verit6 et de poesie par Chateaubriand et Fenimore Cooper, de relire quelques- uns des voyages faits anciennement dans le nouveau monde; ces relations reprennent pour nous l'interet de la nouveaute , car on y trouve un monde vierge , des mceurs primordiales , des races pures , et non ce chaos d'interets et de populations qui a remplace les vieilles tribus indiennes. Le voyage accompli de 1796 a 1707, dans quelques parties alors sauvages ou nouvellement defrichees deTAmerique du Nord, par le celebre astro- nonie Francis Baily, et qui vous a ete offert par miss Baily, ne perdra done rien, malgre sa date arrieree, de l'interet qu'il merite k vos yeux. Ce livre recemment publie sera pour vous de l'histoire, toutes les fois qu'il cessera d'etre de la geographic L'lnstitut Smithsonien, dont je vous ai signale l'an dernier, messieurs, les estimables publications, pour- suit avec zele son labeur qui ferait honneur aux Societes savantes les plus anciennes et les plus accreditees. Le ( 39) tome V1I1 de ses Contributions vous a ete adresse. Les sciences physiques y occupent la plus grande place ; je n'ai a vous y signaler, messieurs, qu'un memoire de M. Samuel E. Haven, qui, sous letitrede : Archaeology of the United States , presente une discussion critique et judicieuse des documents fournis par les informa- tions prises sur les tribus indiennes. L'auteur nous montre que Ton s'est souvent trop hate de tirer des conclusions de donnees incompletes ou inexactes. Aux Etats-Unis, ou la science revet surtout un caractere d'ap- plication et d'utilite pratique , la Geographie n'est le plus souvent quel'accessoire del'art de l'ingenieur. La necessite de prendre connaissance des locality ou Ton reve de grandes entreprises conduit a une etude topographique dont la science fera son profit , pourvu quelle n'oublie pas que des preoccupations de reussites commerciales ou industrielles peuvent donner a ces informations scientifiques une couleur qui n'est pas toujours la couleur locale. Ce n'est qu'avec circon- spection et critique que les geographes desinteress£s doivent consulter ces documents reunis dans un esprit qui n'est pas le leur. Toutefois, quand ces informations ont, comme les Rapports sur l'exploration entreprise dans le but d'operer le trace d'un chemin de fer du Mississippi a 1' ocean Pacifique, paru avec un carac- tere officiel et sous le patronage du gouvernement de l'Union , elles ont droit a notre confiance. Je vous recom- manderai done sans r6serve cette belle publication dont nous possedons aujourd'hui le premier volume : e'est un document extremement detaille sur une partie des Etats-Unis dont la topographie n'avait encore ete faite ( 40) que d'une maniere supcrficielle. Peu d'assembleespoli- tiquos deploient autant de zele et d'interet pour la propagation des documents g£ographiques et statis- tiques, que le Congres americain. Ses rapports se suc- cedent en tres grand nombre sur toutes les branches des sciences economiques qui peuvent interesser 1' Am6- rique; ils constituent souvent de veritables ouvrages, et tout r£eemment encore vous avez recu celui qui a 6t6 fait sur l'etat de 1* agriculture dans 1' Union, par la commission des Patentes. Vousy trouverez un ensemble d'informations sur la geographic physique de 1'xVmc- rique du Nord, dignes de figurer a cdte des publica- tions ofiicielles par lesquelles notre gouvernemennt a depuis une vingtaine d'annees pris a tachc de faire connaitre les ressources de la France. M. J. C. Gray, de Cambridge (Massachusetts) , y a insure un m£moire d'un grand interet, intitule : Ixemarques sur le climat , et 1'evaluation des coordonnees geograpbiques des prin- ri pales localites du gouvernement des Cosaques du Don et de Nowogorod. Dans ce grand mouvement scientifique auquel la Russie obeit conime les nations occidentales , laSociete imperialede Saint-Petersbourg a pris plus d'une fois l'initiative, et c'est encore sous ses auspices qua ete comrnencee l'interessante publi- cation destinee a eclairer la cliniatologie qui vous a ete envoyee. Depuis quelques annees , la Russie d'Asie, et surtout les contrees ouraliennes, ont ete explorees et decrites sous toutes leurs faces ; il ne nous reste presque plus rien a en savoir. Encore quelques ouvrages connne celui de M. Hofmann, etla Russie n'aura rien aenvier, sous le rapport des luuiieres et de l'esprit de \ulga- risation scientilique, airs contrees occidentales. Saint- Petersbourg et Rasan sont deux centres d'ou nous viennent , chaque ann6e , des publications importaiites dont plusieurs cornptent panni les recueils les plus accredites de l'Europe. ( 49) Les regions polaires, qui attendent de nouveaux explorateurs, avaient trop fourni, les annees dernieres, a votre curiosity, pour pouvoir vous enrichir beaucoup cette annee. Je vous ai deja parte tout a l'heure de quel- ques-unes des publications relatives aux explorations qui nous etaient connues. M. de la Roquette, qui apporte a nos travaux un concours si actif , a resume' , dans une notice biographique sur l'infortune Franklin , l'histoire des services rendus par ce navigateur a la Geographie , et en particulier a celle des contrees polaires. Un apercu de M. le comte Minischalchi, sur les d^couvertes arctiques, vous a presents un resume analogue a celui que M. V.-A. Malte-Rrun vous avait trac6 des dernieres tentatives faites pour atteindre les extremites du monde septentrional. Je voudrais pouvoir vous donner des nouvelles du voyage entrepris par M. Auguste Gregory dans l'int6- rieur de l'Australie. Ce voyageur, auquel on doit deja une habile exploration de la partie occidentale de ce continent , a forme le pro jet de remonter tout le bassin des rivieres Victoria et Albert, et de penetrer ainsi, du nord au sud, dans la partie de 1' Australie comprise entre le 16e degre et le tropique du Capricorne , de facon a completer les explorations faites, il y a dix ans, au nord par M. Leichardt , et au sud du tropique par M. Sturt. Nous savons seulement que , tout dernierement , M. le lieutenant Chimno a communique en Angleterre, des lettres emanees de quelques membres de 1' expedition. Tandis que M. Gregory nous promet de nouvelles conquetes geograpbiques au centre d'un continent qui sera , dans un siecle , un des plus glorieux temoignages XIII. JANVIER. l\. !\ ( 50 ) de l'esprit de colonisation britanniquc , US Anglais, M. A. W. Wallace, prepare un voyage k l'lle Celebes, dont I'interieur ne nous est guere niieux connu que celui du grand continent australien, et de 1&, d'apres les nouvelles recues au mois de juin dernier, il devait achever 1' exploration des principals Moluques. L'ethnologie fait aussi partie du cercle de vos tra- vaux , messieurs, car l'etude des races humaines est la base de celle des populations: il ne saurait y avoir d' appreciation morale et statistique d'un pays sans une connaissance approfondie de la race ou des races qui l'habitent , et cette science ne peut s'acque-rir qu'en faisant concourir a un meme objet la connais- sance pbysique, morale et linguistique de 1' humanity. C'est ce qua senti M. le comte Arthur de Gobineau dans son ouvrage intitule : Essai si/r l'in4galite des races humaines. Cet ouvrage etendu , riche de faits, et qui temoigne d'une vaste erudition , est digne de nos meditations. On y trouvera peut-etre un pen le gout du paradoxe et une trop grande facility pour la conjec- ture , mais les ouvrages du genre de celui de M. de Go- bineau sont des oeuvres scientifiques de parti, encore plus que des exposes methodiques, et il faut les pren- dre avec leurs qualites et leurs defauts. La pente vers les hypotheses gagne, en ethnologie, les meilleurs esprits, comme on 1' observe parfois dans la pr^cieuse Ethnologie Ues iles indo-paeiftques, que nous a adress^e M. 3. R. Logan, dont le nom vous est trop connu pour que j'aie besoin de vous rappeler les services qu'il rend a la Geographic II ne saurait y avoir de bonne ethno- logie sans une connaissance serieuse des langues. La ( 51 ) comparaison ties idiames est un des meilleurs guides qui permettent de demeler la filiation des peuples : telle est la reflexion que m'a suggeree la lecture de 1' excellent Rappnrt stir le tablcttu. des dialectes de F .11- gerie et des contrees I'oisines , par M. Geslin, trop tot enleve" a la science. J'ai retrouv6 dans ce travail l'es- prit judicieuxetle profond savoir philologique que Ton est habitue a rencontrer dans les ouvrages de son au- teur, M. Reinaud. Non-seulement la geographie historique vous afourni la matiere de savants memoires et de dissertations cri- tiques, vous avez encore recu des travaux plus etendus qui ternoignent du prix que Ton attache a votre suffrage. Le doyen des orientalistes de 1' Europe, M. de Ham- mer-Purgstal, que la mort a enlev6 j-ecemment a la science dont il etait l'infatigable serviteur, vous avait adresse son editionde riiistorien persan Wassaf, si riche en renseignements g6ographiques sur une epoque dont on est loin encore de pouvoir dresser le tableau cartographique. Vons devez a la liberalite de M. Varnhagen le premier volume d'une Histoire gene- rale du Bresil ecrite en portugais sur les documents au- thentiques contenus dans les archives du nouveau monde et de la P6ninsule. C'est un travail important qui fait le plus grand honneur a l'lnstitut historique du Br6sil. M. d'Avezac , dont notre commission centrale met si souvent a contribution les vastes connaissances geographiques , vous a offer t l'esquisse bibliogra- phique , ou plutot l'apercu historique qu'il a compose sur la publication des grands et petits geographes grecs et latins, morceau plein de faits, qui revele ( 52 ) une science profonde de l'liistoire de la geographic M. Alphonse Wauters, archiviste de Bruxelles, vous a envoye son Histoire des environs de cette ville, ou se tronvent condenses une foule de renseigneinents importants dontla Geographic tirera certaineruent pro- fit. M. Cesar Bolliac vons a soumis , sur la topogra- phie de la Roumanie, un Memoire qui n'est que le pre- mier cliapitre d'un travail 6tendu qu'il nonsproniet sur l'liistoire de cette contree. Ancien vornic de Bukarest, M. Bolliac est dans les rueilleures conditions pour com- pleter et rectifier les renseigneinents que nous poss6- dons deja sur les provinces danubiennes. Enfin, l'un des plus anciens membres de notre Soci£te\ M. Isam- bert, a reuni dans nn livre, fruit delongues et conscien- cieuses recherches , le resultat d' etudes poursuivies dans deux voies tres diflerentes. Dans sa traduction de 1' Hi, slot 're secrete tie Jtislinien, due a l'historien grec Procope, le geographe critique et le jurisconsulte eru- dit se sont rencontres. Les 6tudes g6ographiques qui nous donnent l'6tat de l'empire d'Orient an \r siecle de notre ere servent de commentaires a cette estimable traduction. Si M. Isambert rabaissc un j)eu la reputa- tion qu'on s'etait habitue a faire a l'auteur du Code et des Institutes, il releve par contre 1'organisation admi- nistrative de cette 6poque , en nous initiant a ses details. L'hydrographie et la physique du globe tiennent de si pres a la Geographic, que leurs progres doivent nous inte>esser an mfrtne litre. La Geographic physique tie lit titer, qui vous a etc oflferte par M. le lieutenant F. Maury (des Etats-Unis), ( 53 ) auquel vous devez aussi d'autres envois, traite une par- tie de ces questions avec l'autorite qui appartient a un aussi habile hydrographe : c'est un apercu toujours clair, parfois lumineux, bien que peut-etre un peu systematique , de la physique des mers, a laquelle M. Maury a attache son nom par de beaux travaux. La physique generate , dans ses rapports avec la cliraa- tologie, emprunte aussi aux observations du savant M. Dove (de Berlin), des donnees que vous etes au- jourd'hui a meme de recueillir dans le tableau qui vous en a 6te adresse. L'Academie de Berlin, qui tient depuis longtemps a echanger avec vous des publica- tions oil, sans fausse modestie, nous pouvons dire que nous trouvons beaucoup plus a recevoir que nous donnons nous-niemes, n'a pas cess6 de contri- buer aux progres de la geographie physique. Son doyen, rillustre Alexandre de Humboldt, l'un de ses membres non moins illustres, M. Karl Ritter, sont dans cette academie conune deux genies tut61aires de la Geographie dont 1' influence bienfaisante se fait sentir j usque sur uotre Societe. Nous devons egalement des remerclments a M. Edouard Sabine, pour son travail sur le magnetisme terrestre , et au Depot de la marine pour une foule d'envois de travaux hydrographiques et physiques. Jeciterai notammentr£.iy;o^/ de la navigation ( to ) dans fa mer Adriatique , par M. le commandant Alexandre Legras. Le depot de la marine n'a pas dn reste seul le privi- lege de nous enrichir de publications h\ drographiqUes ; qxielques publications individuelles viennent parfois se joindre a ce qu'on ponrrait appeler le mouveinent des etudes marithnes. A. c6te de l'excellent Annuairt des niar-ees, que nons devons tons les ans a M. CJia- zallon, se place la Description generate des phares et fanaux de M. Coulier, dont plnsienrs editions out pris place sur les rayons de votre bibliotheque. La treizieme pronve quel accneil favorable a fait le public maritime a. ce petit ouvrage qni n'est pas non plus sans interet poor nous autre s geographes. La geographie physique est, entre les differentes branches de la Geographie, une des plus faites pour int6- fessei1 le public serieux; elle constitue, effectivement , messieurs , le chainon qui rattache notre science , aux sciences physiques et mathematiques J elle n'en est, pour ainsi dire, qu'un resume destine a faire com prendre les causes qui ont preside a la distribution des popula- tions, aux divisions topographiques, aux relations des continents et des mers. Longtemps les trails de geogra- phie physique se sont sentis de 1' imperfection ou etaient encore les sciences qui lui pretent leur secours. De ftou- veaux traites demand aient a etre composes, qui fussent un tableau plus fidele du globe et de tous les pheno- menes qui reagissentsur son relief. M. A. Vulliet, dans Son Esqtn'ssr d'une nouvelle geographic physique^ £critO a 1' usage de la jeunesse, a tente avec un certain succes de satisfaire aux exigenees de la geographie actuelle. ( 55 ) Moi-meme, messieurs, clans l'ouvrageque je vous offre aujourd'lmi (1), j'ai essaye de reunir en un seul volume les lineaments qui composent le grand tableau de la nature. Faisant concourir a la fois l'6tude physique du globe, celle des creatures et les donnees de la philologie comparee et de l'histoire, j'ai cherch6 a retracer les premiers ages de notre terre et de la societ6 humaine. Ce sont la des publications dont il vous appartient d'apprecier la valeur et de controler les informations par l'etude de tous les jours; il me suffit, a moi, de vous les signaler et de vous inviter a en prendre con- naissance. Notre devoir est en effet, messieurs, tout en contri- buant par des travaux speciaux , des rapports critiques, des correspondances intelligentes, a l'avancement des connaissances g^ographiques , d'en propager le gout et d'en repandre les decouvertes. Nous devons tenir le public francais au courant de tout ce qui est de nature a l'eclairer davantage sur des contrees que notre posi- tion nous permet de comiaitre avant lui. Notre ceuvre se rapproche en cela de celle des recueils periodiques , et nous applaudissons aux efforts de ceux qui concourent au meme but que le notre ; nous n'avons que des sen- timents cle fraternite pour les Societes et les 6diteurs qui partagent avec nous la taclie laborieuse que nous nous sommes imposee , et nous nous plaisons a signa- ler les efforts contemporains des notres. (1) La Terre et V Homme, aper^u de ge'ologie , de geographic el d' ethnologic gene'rales, pour servir d'introduction a l'histoire unirer- selle. Paris, Hachette, 1857. In-12. ( 56 ) Je vous ai deja entretenu, Fan dernier, messieurs, des services que rend a la Geographie l'excellent re- caeil geographique de M. Justus Perthes, public par notre confrere, M. Auguste Pcterniann ; maisje n'a- vais pas pu assez in'etendre sur le contenu de ce re- cueil qui est incontestablement , en Allemagne , la pu- blication la plus utile a la science geographique et la plus fade pour en repandre le gout. Les cartes et les notices que notre savant confrere a fait paraitre dans ce recueil sont un tableau fidele des eludes et des explo- rations pendant le cours de cette ann6e. L'Afrique, vous le pensez bien , y occupe le premier rang. C'est d'abord un Memoire de M. Erhardt , destine a donner un apercu du lac d' Uniamesi al'interieur de l'Afrique, dont les limites et la veritable position sont encore en- vironnees d'une grande incertitude, mais dont M. Peter- mann a dresse" ce que Ton pourrait appeler la carte pro- visoire ; puis une description du lac celebre de l'Afrique australe , le lac Ngami , par M. Andersson , que vous connaissez deja, messieurs, et auquel M. Petermann a prete" le secours de son talent de cartographe ; la re- lation des dernieres explorations de M. Edouard Vogel, le courageux continuateur de Barth et Overweg ; enfin, une carte du voyage de Joaquin Rodriguez Graca, au Muata-Ya-Nvo, dans l'Afrique centrale. Vous le voyez, messieurs, les Communications geographiques embras- sent les differents points de l'Afriqiie qui apj)ellent encore nos explorations. L'Amerique et l'Asie out aussi fourni la matiere d' articles importants et donne" lieu a des projets de cartes d'une grande valeur, par l'exac- titude que l'auteur a apporte dans leur execution et ( 57) l'intelligente mise enceuvre des materiaux a 1* aide des- quels il les a dressees. Je citerai notamment la carte et la description des Andes et du desert d'Atacarna; la description du bassin de la Plata , due au savant secre- taire de la Societe geographique de Vienne, M. de Re- den, et les nouvelles du voyage de M. Hermann Schla- gintweit dans le Sikkim et 1' Assam. Le seul apercu des Communications de M. Peter- mann suffirait , messieurs , pour faire connaitre tout le mouvement des 6tudes geographiques dans le cours de cette annee , et il me dispenserait presque de ce rapport. Toutefois l'oauvre de l'etablissement de Go- tha, malgre son caractere europeen, je dis plus, uni- versel , ne peut encore sufiire a resumer une activity aussi prodigieuse que celle des geographes et des voyageurs. II y a d'autres recueils qui ne pretendent pas a etre l'expression complete de la science , mais qui lui rendent cependant d'importants services par lesmemoi- res originaux et les resumes qu'ils renferment.Le Journal de Geographic gcnerale de MM. Dove , Ehrenberg, Kie- pert , K. Ritter , Andreas et Wappaus , que publiait M. Gumprecht, sans etre un miroir aussi fidele du mouvement de la science , en sert cependant singulie- rement les interets. L'an dernier, je vous ai fait con- naitre quelques-uns des memoires qui enrichissaient ce recueil ; je signalerai encore ici les materiaux pour servir a la connaissance de la partie meridionale de TAmerique centrale, recueillis par MM. J. Cook, An- dreas et Gumprecbt. Un autre recueil allemand dont les services rendus a l'Ethnologie, et indirectement a la Geographie, ne sont pas d'une moindre valeur, ( 68 ) et dont on lie saurait trop recornmander au public mstruit la lecture et la meditation, est le journal de la Sonet e orientate allemaude qui a son siege a Leipzig, ('/est la que les orientalises les plus emi- nents d'au dela du Rhin reunissent leurs studieuses elaborations. 11 est pen d'articles qui n'interessent, indirectemenl au moins. la Geographic et I'Ktliuo- logie; mais je citerai plus particnlierement : le Me- moire de M. Osiander sur la langue et les antiquites hhnyarites; le beau travail de M. Chretien Lassen sur les inscriptions lyciennes et sur les anciennes langues de l'Asie Mineure, dans lequel il entreprend line classi- fication des divers idiomes jaiiis paries dans l'Asie Mi- neure, et cherche a tracer la ligne de partage entre les populations de souche indo-europeenne et cedes de soucbe semitique. Le travail de M. Albert "Weber, sur l'origine semitique de 1' alphabet indien, est aussi un morceau ethnologique dans ses resultats , oil un profond sa\ oir philologique eclaire une des questions encore les plus obscures del'histoire des migrations intellectuelles de l'huinanite. Aux publications de l'Allemagne je rattacherai cedes des Pays-Bas. Le recueil intitule : Matcriaux pourser- uir (i In cdnnaissan.ee de in Geographie , de V Ltknolo- gie et de In Liiigaistique tics Indies rierrlart/iaises, est un recueil excellent , bien digne de faire pendant au jour- nal de 1' Archipel indien , niais qui est malheureusement redige dans une langue peu familiere a la plupaft d'entre nous. Certes, le recueil publie par l'lnstitut royal des Indes neerlandaises nieriterait, a lui seul, qu'on prit la peine d'apprendre le hollandais pour pro- ( 5i> ) fiter des excellents renseignements qui s'y trouvent consignes. Je reconimanderai surtout a ceux qui out pris cette peine, ou qu'une connaissance suffisante de l'allemand met facilement en etatd' avoir 1' intelligence d'une langue voisine : le voyage de decouverte fait sur la cote orientale de Borneo, en 1850, par un resident hollandais, M. Gallois ; la description deWahaai, situe sur la cote nord-est de lieram , par M. Van Doren, et le voyage de M. R. Van Goens, de Samarang a Mattaram. La Russie, avec laquelle une heureuse paix a renotie des relations dont la Societe et la science ont toujours profile , nous a envoy e le Bulletin que publie notre soeur de Saint-Petersbourg. Moins heureuse quelle, nous ne pouvons pas profiter de ses travaux avec autant de facilite quelle le fait des notres ; redig6 en russe, son journal perd par cela seal beaucoup de la popularity scientilique a laquelle il a droit. Cependant il y a dans ce recueil des memoires dont 1' etude seraitpre- cieuse pour ceux de nos geographes qui veulent acque- rir sur la Russie des notions approfondies , ou qui se livrent a la Geographie ou a l'Etlinologie generale. Je ne vous parle pas seulement du rapport substantiel sur les principaux voyages et les decouvertes g^o- graphiques faits de 1848 a 1853, par M. Svenske, mais de memoires sur des sujets speciaux, dont plu- sieurs meriteraient assurement d'etre traduits dans nos bulletins. Je citerai, par exemple , la DescHptivn du fh'uve simmu\ par M. V. P. Lemenoff ; la Native sur les pin sans pet its * russiens , par M. Athanase Tchujbinski; trois chapitres d'un Journal de voyage k lostok, par M. A. Oumanitz ; le rapport detaille et ( 60 ) peut-etre un peu minutieux sur les Samoiedes da Mezin, par 1' archimandrite Veniauiin ; les remarques sur les districts occidentaux du gouverneiuent de Grodno, accompagne d'une bonne carte; le memoire de M. Beketoff sur la Geographic bolanique; la Notice sur I' Industrie el fe commerce dans les steppes sibe- rienncs des h'irglu'ses, par M. Kolmogoroff. Ce sont la autant de memoires pieins d'interet, que je n'ai fait que parcourir, et qui m'eussent demande, pour etre lus avec fruit, une connaissance moins iin- parfaite du russe que celle que j'ai pu acquerir. J'es- pere cependant vous donner bientdt, dans votre Bulle- tin , la traduction de quelques-uns de ces morceaux. Les publications geographiques se concentrent a peu pres en Espagne dans les Memoires de ses Academies. L' Academic royale des sciences de Madrid continue de nous envoyer son estimable recueil oil la geographie physique trouve a glaner ca et la quelques renseigne- ments. Je lui signalerai le Memoire fait sur la condition geognostique et agricole de la province de Pontevedra, du a Don Antonio Valenzuela Ozores, et YEssai d'une description geologique complete de /' Espagne de Don Joaquin Ezquerra del Bayo. La Societe des antiquaires duNord, qui a ouvert de- puis longtemps avec vous des relations d'une douce confraternity, continue de vous envoyer son Journal et ses Annates. Quoiqne l'histoire y occupe la plus grande place, la Geographie y est representee de temps en temps par quelques memoires ; d'ailleurs l'ethnologie trouve, dans les questions historiques qu'agitent les membres de cette Societe, de precieux reiiseignements. ( 61 ) Telle est 1' observation que me suggerent les derniers volumes de ces recueils qui nous sont parvenus. Je si- gnalerai dans les Annates une grammaire de l'idiome des iles Feroe et unapercu du dialecte danois d' Angel, d'un grand int6ret pour 1'histoire des migrations scan- dinaves. On a consigne dans le Journal un recueil des anciennes traditions des Esquimaux et des tribus in- diennes, rapprochees des vieilles traditions europeennes sur l'Amerique. Je termine 1'enonce de ces publications periodiques par le nom de celle qui a rendu et qui rend encore les services les plus importants a notre science favorite, le Journal de la Societe Royale de Geographie de Londres. Les reflexions que je faisais tout a l'heure a propos des missions anglaises pourraient etre reproduites ici avec non moins de vente\ Les vastes possessions coloniales de la Grande-Bretagne, 1' esprit d'entreprise et de con- quete qui caract6rise ses habitants, ouvrent incessam- ment a la G6ographie des relations et des voies d'inves- tigation, qui sont encore ferm6es pour nous autres continentaux. A nous surtout les travaux de critique et de geographie comparer ; aux Anglais les explorations dans toutes les contrees nouvellement d6couvertes, qui ne sont le plus souvent pour eux que des colonies a fonder. Le XXVe volume du Journal de la Societe de Londres renferme un grand nombre de relations ins6- rees par extraits ou in exienso, dont quelques-unes ont d6ja 6te signages plus haitt. Je citerai encore : le Journal d'une expedition dans les mers arctiques par un des navigateurs qui s'est acquis le plus de renom- mee dans la courageuse recherche de 1 infortune John (62 ) Franklin, .M. John Rae; la relation du voyage accom- pli pari* l-.iiiivjirisc. sons le oommandement du eapitaine Golllnsoo, du dotroit de Behring a la bale de Cam- bridge; enfin la relation (Tun voyage du Cairo a Jeru- salem par le moot Sinai', par M. Georgee SS allin. J'au- raispu aussi vous rappeler la course faito a Haiar. parle eapitaine Burton, si vous ne connaissiez pasdejacette relation par voire Bulletin do Tan dernier. Mais nous n'a- vons pas eu la satisfaction de pouvoir inserer son voyage de Medline a la Mecque accompli en 1853, par le Darb el Charki. II y a dans la maniere de M. Burton un certain tonr d'imagmation qui n'a riea de la gravito britanniqne, quoique a son audace et a sa perseve- rance on reconnaisse toujours en lui le voyageur an- glais. Le Journal de la Sociele de l.ondies ren i'erme aussi quelques travaux originaux de geographie liisto- rique, physique et politique, qui interrompent heureu- sement cette suite de relations, auxquelles leur trop grande concision enleve parfois un peu de leur interet. Kntre ces divers travaux, l'un, gr&ce a la science de son auteur, interesse a la Ibis toutes lea branches des con- naissances humaines que je viens de nommer, c'est le voyage fait en Perse, en 1849 et 1850 . par le consul de 8. II-. B. a Teheran , M. Keith Abbot. Ce diplomate, qui a modestement intitule son journal : Mates gmg&r- phiijurs-. nous donnele croquisdune carte sur laqnelle trouvent place un grand nomine de localites absentes des cartes de Perse que nous possedons. Des observa- tions de temperature, de hauteurs, de distances, for- ment un ensemble de documents qui entreront dans les cartes futures et serviront aux corrections nombreuses ( * ) que reclament nos Atlas de geographie physique. Les bulletins que publie la Societe de Londres, et qui nous mettent au courant des voyages en voie d' execution , ont pour nous un grand interet; nous regrettons sen- lenient de ne pas les recevoir plus regulierement. II est une autre association envers laquelle nous ne devons guere nous montrer moins reconnaissants qu' envers la Societe de Londres : c'est Y Association britannique pour V avancement des sciences, qui reunlt chaque annee dans une des principales villes de la Grande -Bretagne des hommes eminents de tous les pays.LaGeographieeti'Ethnologie ont peu a peu trouve place dans ses rapports , qui comprennent une suite de notices sur des desiderata de la science. Ces rapports ne sont pas encore assez repandus parmi nous, messieurs ; ils renfermentd'excellentes choses : inalheurensenient il est difficile de deviner a l'avance dans cette collection , couiposee deja de plus de quinze volumes, l'endroitou se trouvent traite le sujet qui interesse. Pour ne parler que dn rapport qui nous est parvenu cette annexe, et qui donne les travaux du congrestenua Glasgow en 1855 f je dirai que plusieurs des geographes , des voyageurs qui vous sont les plus connus, y ont consigne un apercu de leurs investigations, MM. Barth, Livingston, Andersson, Burton, Baikie, Schlagintweit. M. Jules Oppert y a communique ses recherches geograpliiques et historiques sur Babylone. MM. les capitaines Belcher et Osborn y presentent des remarques sur les expedi- tions arctiques; M. Harry Park, des notes sur les nations indo-chinoiseset les rivieres du royaume de Siam. Des antiquaires, des anatomistes, ont traite au congres de ( 64 ) Glasgow des questions interessantes pour l'Ethnologie. Par exemple, MM. Barnard Davis et Retzius ont fait des remarques importantes sur la forme des cranes des Romains, des Slaves, des Celtes et des Azteques. M. Thomas Wrighl y a donne un apercu de l'etimologie de l'Angleterre an moment de l'extinction de la domina- tion romaine dans cette ile. M. Richard Cull a soumis a la reunion un Manuel d'ethnologie appliquee sor- tout a la Polynesie. Je n'appellerai votre attention, messieurs , que sur ces deux recueils de la Grande-Bretagne, quoique j'eusse pu slngulierement allonger cette nomencla- ture et derouler devant vos yeux encore bien d'autres tables de matieres : celle, par exemple, du Journal de la Societc Asiatique de Londres , mine si riche pour la Geographie et l'Ethnologie ; celle du Journal de la So- ciete de Geographie de Bombay, et celles des Meuioires des Soci6te.s asiatiques de la meme ville, de Calcutta, de Madras. Je me contente de signaler a 1' attention des geographes ces recueils estimables, malheureusement peu repandus, meme dans notre capitale. L'abondance des materiaux devient telle , pour la Geographic eomme pour bien d'autres sciences , que leur seule connais- sance constitue a son tour connne une science. II faut songer que si le champ de nos investigations est coin- parativemeut born6, les efforts de culture qu'on y peut faire sont infmis : or ces efforts, c'est l'histoire de la science, c'est la science elle-meme, puisqu'oo ne pent trouver qua la condition de savoir ce qui a ete dit avant soi. Nous sommes aujourd'hui connne accables sous le (65 ) poids des documents, et nous dfepensons autant de tra- vail pour les lire et en apprecier la valeur que pour creer de notre propre fonds. II ne faut pas cependant que cette abondance de richesses nous decoorage ; de tant de lingots de titres et de meHal differents , il sor- tira un jour, par un travail de fusion , un fort et puis- sant alliage qui remplacera ces monnaies si disparates circulant encore aujourd'hui avec des effigies et des poids divers. Quelques grands repertoires remplaceront, apresque la terre aura et6 entitlement connue, toutes ces descriptions partielles et ces travaux de detail aux- quels nous sommes encore condamnes pendant uu siecle ou deux. La Societe de G6ograpbie de Paris doit contribuer pour sa part a cette elaboration definitive ; notre Bulletin, en particulier, a pour objet de faciliter la systematisation de tous les documents qui s'amas- sent chaque annee, et dont votre secretaire general s'efforce de vous faire le rapide inventaire. Ces travaux que nous eussions voulu voir plus com- plete et plus nombreux encore, ils ont 6te commences cette annee sous 1' impulsion et la p residence d'un savant Eminent , d'un homme de bien , qui s'efforcait de concilier par des relations d'nne douce fraternity la geographie historique et les sciences naturelles dont des esprits exclusifs operent trop souvent le di- vorce ; une maladie grave a mis M. Constant Prevost dans 1' impossibility de poursuivre l'accomplissement de ce louable projet. Le mal est devenu bientot tel que nous avons ete privet de sa presence, et la mort nous l'a enlev6 quand, informes d'un mieux passager, nous nous flattions de le revoir parmi nous. L'un de nous XIII. janviek. 5. 5 ( 66 ) se chargera de vousdirece qu'a 6t6 le savant dont nous depletions la perte. Sa mort ;i fait clans oos ranga un vide que qous ne pouvons combler. Nous avons eu.aussi ;i regretter ud de oos presidents honoraires, M. Hip- polyte Fortoul, qu'une mort pr6matur6e ct inattendue esl \ iinc frapperdans une position oo.il pouvait puis- saumient servir les intercts de notre Societe. .Nous ne devons pas oublier qn'il s'etait efforce de donner [>lns d'importance a Ja Geographie dans l'enseigne- ment des colleges. Notre Societe, messieurs, n'est point la seule qui se soit vue frappee , cette annee , dans son president, Peu de temps apres que nous apprenions la mort de M. Constant Prevost, notre so3ur, la Societe de Geo- graphic de Londres, perdait le contre-amiral F. W. Beechey. Vous aviez lu avec un \it iuteret le rapport que, quelques mois auparavant, rillustre capitaine du Blossom avait fait sur les progres de la Geograpliie en 1855. La mort semble s'acharner, en Angleterre, sur les hommes qui ont le })lus contribue a la gloire de sa marine nationale. Beechey est alle rejoindre d'autres na\igateurs dont la perte est encore toute recente : le contre-amiral Parker King, dont les voyages ont acheve de nous mieux laire connaitre 1'Oceanie, ou il avait vu le jour; le contre-amiral William Edward Parry, l'intrepide explorateur des ineis arctiques, qui, plus heureux et le compte rendu de M. Maak , auquel elle a temoigne" sa sincere gralitude de la communication qu'il venait de faire et des travaux qu'il a executes dans cette expedition. Le compte rendu succinct de M. Maalc sera public dans un des tomes prochains du Bulletin ou des M&noires de la Section, en attendant la description detaille> que M. Maak elabore en ce moment, avec la cooperation de la Society. A la fin de la seance , MM. Poletika, Petoukhoff et Barantsoiront ete 6lus membres effectifs de la Soci6te\ EXTRAIT d'une lettre adressee nu caire, le 20 janvier 1857, A M. JOMARD, MEMBRE DE L'lNSTITUT. On sait que le comte d'Escayrac de Lauture, com- mandant en chefl'exp6ditionala recherche des sources du Nil , avait fait partir, le 18 octobre , un fort dtMa- chement qui, place" sous les ordres de M. Twiford , officier de marine, Anglais , devait franchir les cata- ractes et aller l'attendre a Khartoum ou a Berber, (le d6tachement disposait de deux vapeurs, cinq daha- biehs, ou grandes barques pontees, et trois embarca- tions moins grandes; deux gendarmes et trente sol- dats commandos par deux officiers turcs formaient 1'es- corte militaire de ce d^tachement. MM. Pouchet et Clagne (Americain) avaient6t6adjointsaM. Twiford: le ( 72 ) premier comme naturaliste, le second comme artiste et photographe. J'oui- franchir les eataractes , la saison etait deja fort a\ancec; des retards, que] 1' activity deployee par le corntc d'Escayrac et M. Twiford n'avaicnt pu einpe- cher, rendaient tres improbable le suecesde cette ten- tative hardie. 11 y avait lieu de craindre que M. Twiford ne put depasser la premiere cataracte. Jamais d'ail- leurs ime llottilleaussi nombreuse n'avait os6. en au- cune saison , braver les redoutables rapides du Nil. M. d'Escayrac, toutefois, savait a qui il avait confie lc commandement et n'avait que pen d'inqui6tude. M. Twiford , en effet, bien que tresjeune, a beauconp d' experience , et possede cette energie patiente qui est le fond du caractere anglais et a vain a la Grande- Bretagne tant de triomphes. M. Twiford, apres avoir franchi avec les plusgrandes diflicult6s et de grandes avaries la premiere cataracte, se presenta ila seconde. Le gouverneur de Wadi-Halfa cbercba a le detourner d'une entreprise qu'il regardait comme folle. Le pilote-chef refusa d'abord son minis- tere, mais rien ne put ebranler la ferine volonte de M. Twiford d'executer les ordres donnes par le comte d'Escayrac; rien ne put le decourager, etil sut con- traindre a lui ])reter leur ministere ceux qui d'abord le lui refusaient entierement. La seconde cataracte est la plus rapide et la plus dangereuse. M. Twiford y rencontra des obstacles sans nombre. 11 fallut 1' assistance dc 4,000 homines pour faire franchir a ses barques les etroits passages et les sauts rapides du lleuve, bane, en cet endroit, par ( 73 ) des rochers sur une partie assez longue de sonparcours ; enfin il passa, non a la verite sans de graves avaries , raais ces avaries ont ete deja on vont etre reparees, et M. Twiford, apres avoir franchi la troisieme cataracte, etait arrive, le IS decembre, a cinq journees senlenient de Dongolah-el-Adjouz , on le vieux Dongolah. II est probable que par suite des retards que 1' ex- pedition a encore eprouves an Gaire, M. Twiford s'ar- retera a Dongolah, mais les obstacles qu'il a devant lui ne sont plus rien. La question la plus difficile est resolue. Grace a son audace, le premier pas est fait, et c'est un heureux augure pour 1' expedition. Le comte d'Escayrac de Lauture est encore au Gaire, la saison etant trop avancee pour gagner des a pre- sent le Nil Blanc , qui ne peut etre navigue avant le mois d'octobre et apres celui de fevrier. II profit era de ces retards pour prendre quelques dispositions qui se- rontla garantiela plus sure du succes. II a rencontre de nonibreuses difficultes : il est des gens qui ont interet a ce que 1' expedition ne se fasse pas, a ce que le Nil Blanc ne soit pas ouvert a toutes les nations , reste un comptoir reserve, ou devienne un nouveau Paraguay entre des mains inoins liabiles que oelles des Jesuites ; mais nous ne doutons pas que le comte d'Escayrac ne triomphe de ces obstacles comme M. Twiford a trioni- phe des rapides du Nil. ( n ) .%<•<«* «I«* la Sofel6t£. RXTRA1TS DES PROCES-VERBAUX DES SEANCES. Seance du '2 Janvier J 857. M. Lamansk^ . secretaire dp la Society imperialegeo- graphique de Russie, envOie a la bibliotheque les der- nierea publications de cette Soci6te. M. Schuman pere ecril de Brnxelles pour nnnoncer la perte qu'il vient de faire de son fils. M. Gdouard Schuman, teMgraphiste de l'Etat. M. Ed. Schuman est auteurde lacarte dela telegraphie electrique de l'Eu- ropeet de plusieurs antics travauxqne la Societedont il eiait nienibre avail accueillisavec beaucoup d'inter&t. \I. Coulier ecrit a la Society pourlui faire hommage de la 13* Edition de sa Description generate des phares a V usage ties navigateurs. M. Jomard communique nne lettre qu'il a rente du Dr Barth, en date de Londres du 28 decembre. par la- quelle le savant voyageur annonce que ses trois pre- miers volumes seront publics dans le cours du prin- temps : toutes les planches sont terminees. II survcille les deux Editions allemandeet anglaise, qui ne sont pas entierement identiques. En ce qui regarde la langue berbere, le docteur ecrit que M. Nfewmann reprend ses travaux, el qu'il a lu avec interest I' opuscule de M. Cher- bonneau sur Ahmed-Baba de Tombouctou, ainsi que 1' annonce de la formation d'une nouvelle soci6t6 dont le siege est ;'i Constantino. Le ineme niembre fail part de la raort de M. Her- ( 75) mann E. Ludewig, arrived a New- York le 12 d£cembre dernier : cette nouvelle est transmise par M. Rudolph Garrigue, president de la Society allemande de New- York, qui exprime ses vifs regrets de cette perte dou- loureuse. M. L. Dussieux, professeur d'histoire a l'Ecole mili- taire de Saint-dyr, est pr^sentc" comme candidat par MM. Cortambert et Alfred Maury. M. le secretaire communique la liste des ouvrages deposes sur le bureau. M. Malte-Brun offre, de la part de M. J. M. Ziegler, de Winterthur, un Atlas hypsom^trique accompagne' de notes et d'eclaircissements ainsi que d'une liste de hauteurs. Cet atlas, compose de deux tableaux et de 15 cartes, est imprimeen couleur par le proceVle' de la lithochromie. II repr£sente pour les differents pays du globe le relief du sol a l'aide d'une £chelle proportion- nelle de teintes conventionnelles ; les reliefs sous-ma- rins y sont aussi indiques dans l'oc^an Atlantique et dans la Mediterrante. Dans les notes et £claircissements joints aTatlas, l'auteur cherche a prouver la n^cessite" de caracteriser les pays paries hauteurs, etde grouper celles-ci selon la constitution g£ologique des terrains. — La Commission centrale decide qu'elle de\signera dans sa prochaine stance un rapporteur pour rendre compte de cet atlas. M. Jomard offre, de la part de l'auteur, M. G. A. de Kloden, un ouvrage ayant pour titre : Das Stromsystem des Oberen Nil, et annonce qu'il se propose d'en rendre compte a la Society • il fait ensuite hommage en son nom des Instructions r6dig£es par une commission ( 7fl ) choisie dans 1' Icademie des sciences pour le voyage a la recherche des sources du Nil Blanc, e1 an travail cle laquclle il a ete associe pour los questions relatives a la Geographie et a ^Ethnographic M. DaussY y a ete charge de la partie astronomique. La Commission centrale renvoie a resamen.de \l. Al- fred Maury I'ouvrage de M. Gaudrj sur I'Orienl , et a celui de M. de Quatrelages l'ouvrage de ce dernier, intitule : Laterreetl'horhme. M. de Ouatrefagos fait un rapport sur l'ouvrage de M. de Gohineau, intitule : Essaisur Cindgalite des races humaines. Ge rapport, qui a eteecoutr par 1'assemblee avecun vifinteret, est renvoye an Bulletin. La Commission centrale decide qu'elle proc6dera dans sa prochaine seance au renouvellement des metn- bres de son bureau et aux autres elections. Seance du 10 Janvier 1857. M. Lecliatelier, directeur de la Societe francaise des niines de San-Salvador, ecrit a la Society pour lui de- tnander rautorisalion defaire tirer loo exemplaires de sa carte du Honduras et du San-Salvador. La Commis- sion centrale s'empresse d'accorder cette autorisation. M. Gustave d'Eichthal ecrit a la Societe epie des etudes rtrangeres a la Geographie 1'empechent de con- courir d'une nianiere active aux trayaux de la Com- mission centrale, et il Ja prie tie le faire remplacer par mi de sescollegucs, l'assurant en meuie temps de l'in- teretqu'il ne cesscra de prendre, comme simple nieni- bre de la Societe, a ses travaux et a ses succes. (77 ) M. Eugene Lai nansky, secretaire de la Societe impe- riale geographique de Russie, ecrit a la Societe pour lui annoncer 1' envoi du complement de l'atlas du gou- vernementdeTver, publiepar les officiersdu corps des arpenteurs, sous les auspices de la Societe imperiale geographique. M. C. Schirren ecrit de Dorpat, a M. Jomard , pour leprier d'offrir, en son nom, a la Societe, un exemplaire del'ouvrage qu'il vient de publier sous le titre de : Die IVandersasen der Ncuseeldnder unci der Manimythos. M. Bouillet fait bommage a l'assemblee de son Dic- tionnaire univenel d'Histoire ct de Geographic ;M. Ga- briel Lafond, de sa Notice &ur le Golf'o Dulce, accompa- gnee d'une carte ; M. le prince Michel Vlangali-Handjeri offre nn opuscule intitule : De Abderitanuu rebus coni- mentatio; et M. de la Roquette, les Souvenirs d'uii voyage enSiberie, par Chr. Hansteen, traduit du .npr- vegien par madame C.olban et revu par lui et par M. Sedillot. — M. Poulain deBossay est prie de rendre compte de ce dernier ouvrage. La Commission centrale renvoie a l'examen de M. Daussy la relation du voyage de M. Guillain a la cote orientale d'Afrique, et a celui de M. Vivien de Saint-Martin l'Atlas bypsometrique de M. Ziegler de Vintertliur. M. L. Dussieux, professeur d'histoirea l'Ecole mili- tiare de Saint-Cyr, est admis dans la Societe. M. le baron Clement de lalionciere le Noury , capi- taine de vaisseau, et M. Delocbe, cbef de bureau an ministere de 1' agriculture, du commerce et des travaux publics, sont presentes comme candidats par MM. d'A- ( 78 ) vezac et l'aniiral Mathieu, et par MM. Alfred Maury et Jomard. La Commission centrale, conform&aent au regle- ment, procedeau renouvellewent ties membres tie son bureau pour i'annee 1857, et elle nouime: President , M. Jomard. Vice-Presidents , MM. d'Avezac et Guigniaui. Secretaire general , M. Alfred Maury. Secretaire adjoint , M. Malte-Brun. Elle. nouime ensuite an scrutin les meiubres tie ses trois sections, qui se troment coinposees de la inaniere suivante : Serf ion de Cotrespondan.ee, — MM. A. d'Abbadie, le general Auj)ick, le couite d'Escayrac de Lauture, de Froberville , Gabriel Lafond , de la lloquette, Morin , Noel ties Vergers, Poulain tie liossay, Renard, Talabot, N.... Section de Publication. —MM. Gortanibert, I)ailss\ , Demersay, E. Desjardins, Jacobs, Lournmnd, Mauroy, Morel-Fatio, tie Quatrel'ages , Sedillot, Treinaux, Vi- vien de Saint-Martin. Section de Cumptabilite. — 'MM. Albeit-Montemont , le g6n6ral Auvray , lionneau, Garnier, Isanibert, Le- l'ebvre-Duruile\ La Gomniission centrale norume ensuite , auscrutin , M. G. Lejean , comme membre adjoint. ( 79 ) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIETE. SEANCES DE JANVIER 1857. Titres des ouvrages. Donateurs. ASIE. Souvenirs dun voyage en Sibcrie par Christophe Hansteeu, direeteur de l'observatoire de Christiania, aecompague d'uue carte itineraire dressed par 1'auteur, traduit du uorvegieu par niadame Colbau, et revu par MM. Sedillot et de la Roquette. Paris, 1857, 1 vol. iu-8". M. de la Roquette. AFRIQUE. Das Stronisystem des Oberen Nil uach deu neueren Kenutuissen mit Bezug auf die alteren Nachrichten, von Gustav Adolph von Klodcn, mit fiiuf Karleu. Berlin, 1850, 1 vol. in-8°. M. G. A. de Kloden. AMERIQUE. Notice sur leGolfo Dulce dans I'Etat deCosta Rica (Amerique cenirale), et sur un nouveau passage eutre les deux oceans, avec une carte, par M. Gabriel Lafoud de Lurcy, consul general, charge d'affaires de Costa Rica en trance. Paris, 1850, br. iu-8°. M. Gab. Lafond de Lurcy. On the Tides of the Atlantic and Pacific Coasts of the United States, the Gulf stream and the earthquake-waves of december 1854. by A. D. Bache, superintendent U. S. Coast Survey. New-Haven, 1856, br. in-8uavec plauches. M. A. D. Bache. OCEAN1E. Die Wandersageu der Neuseelauder und der Manimythos, von C. Schirren. Riga, 1856, 1 vol. gr. in-8°. C. Schirben. ATLAS. Hypsometrischer Atlas. Mit Erlauterungeu uud Hoheuverzeichnisseu, you J. M. Ziegler. 1856, iu-f°. M. J. M. Ziegler. (80 ) OUTRAGES GESERAUX, MELANGES. Titres des outrages. Donateurs. Dictionnaireaniversel d'Histoire etde Geographic, contenanl : I "I'llis- Uiire proprement dite; 2° la Biographic universale; 3" laMytbolo- gie; 4° la Geographic ancienne et nioderne, par M.-N. Bouillet, conseiller honoraire de ['university, inspectenr de I'acadlmiede Pa- ris, etc., ouvrage npprouve" par le Conseil de I'universite" el par mon- seigneur I'Archeveque de Paris. Noavelle edition (12e) augmented d'un nouvcan supplement. Paris, 1857, un gros vol. in-8°. M. N. Bouiu.kt. Essai sur la literature arabe du Soudan d'apres le Tekmilet-cd- dibadge d'Ahmed-Baba, le Tombouctien, pur M. A. Chcrbonueau, professeur a la chaired'arabe de Constantine. l s 5 G , hr. iu-8". M. COEBBONNEAU. De Ahderitarum relius commentatio. Scripsit Michael Ylangali lland- jeri, philosophic doctor. Berolini, 18:»i, br. in-8°. Le prince VLANcu.i-IlANnjr.iti. Bericht an die kaiserliche Akademie dcr Wissenschafteu uber cine ReisenachAmerikain dcnJahren 1852-1855, von Dr Karl Scherzer. Vienne, 1856, br. in-8°. — Hie lodianer von Santa Catalina lstla- vacan (Frauenfuss). Ein Beitrag zur Cultur-GeschichtederUrbewoh- nerCentral-Amerikas, von Dr Karl Scherzer. Vienne, 1856, br. in-8*. — Mittheilungcn fiber die bandschriftlichen Werke des Padre Francisco Ximeucz in der Universilats-Biblibthek zu Guatemala, TOD Dr Karl Scherzer. Vienne, 1856, br. in 8-. Le Dr K. Scherzeb. Bericht Justus Perthes' geographischer Anstalt ubcr die in der Hers- tellung begriOenen Vcrlagswerke mit Bczug auf die Erscheiuungcn aus den Jahren 4855 und 1850'. M. J. Perthes. Questiooset instructions de I'Acadcmie des sciences pour le voyage a la recherche des sources du Nil Blanc, sous le commandement de M. d'Escayrac de Lauture. Broch in-4*. M. Jomabd. Discours prononces aui funeraillcs de M. Constant Prdvost. Br. in- 1". La 1'amii.lk. BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. FEYRIER 1857. llemoires, etc. DESCRIPTION des ruines d'ascalon. Vu nombre des ruines les plus interessantes et Ge- pendant les moms souvent visiters de la Palestine, il faut nommer cedes d'Askoulan, l'antique Ascalon. Je vais done essayer d'en decrire ici l'aspect g6n6ral, tel qu'il s'est offert a nos yeux, et dans un autre chapitre remontant le cours des ages, je dirai quelques mots de cette ville importante dont la fondation se perd dans la nuit des temps historiques et qui, apres avoir jou6 mi role considerable dans l'antiquite, nous est encore pins connue par celui qii'ellea soutenu a l'6poque des croisades et par les grandes luttes dont elle a £t6 alors le temoin, luttes qui se sont accomplies sous ses murs on dans les plaines qui l'avoisinent. Mil. IKYRIKR. 4. () (82) A quatre heures etdemiedu matin, le 20 mai L854, je quittai le village d'El-Medjdel oil j'avais passe la nuit et je traversal d'abord d'admirables jardins ou s'epanouissait la vegetation la plus vigoureuse et qui me rappelaient les plus beaux vergers de Sai'da, de Jaffa ou de Naplouse. A cinq beures moins dix minutes, apres avoir mar- che directement vers l'O., j'arrivai aunendroit appele Askoulan-el-Djedida (Ascalon-la-Neuve) ou Ibrabini- Pacba a\ait jete en 1832 les londenients d'un etablis- sement militaire que le temps l'a empeche d'acbever. Ces constructions ebaucbees couvrent un plateau sa- blonneux, au sommet duquel on remarque un puits veritablement monumental d'env iron JA metres de cir- conference et <30 de profondeur. Revetu d'un appaieil de pierres tres regulieres et agencees entre elles avec symetrie, il occupe le centre d'un bailment voute, Ses eaux devaient se deverser dans une vaste citerne qui est restee inachevee. Les materiaux qui ont ete employes a ces diverses constructions proviennent tous desruines de l'ancienne Ascalon (pi'll)rabim voulait faire revivre sous le nom d' Askoulan-el-Djedida, en la transportantpresde quatre kilometres au .Nord de l'emplacement qu'elleoccupait depuis tantde siecles. Mais les circonstancespolitiques (]ui attirerent ailleurs son attention et qui le forcerent meme bientotd'abandonner la Palestine, rempecberent de realiser ce dessein. Ce contre-temps sauva les belles raines d'Askoulan deja trop souvent exploitees comme une veritable carriere de pierres taillees, de marbre et de granit, et qui auraient lini par disparaitre presque (83 ) entitlement , si l'etablissement militaire projete par Ibrahim etait devenu le centre d'une ville nouvelle qui par sa naissance et son devel oppement aurait porte a l'ancienne un dernier et irremediable coup, en heritant a la fois de son nom et de ses depouilles. Trois kilometres au S.-O. d'Askoulan-el-Djedida, on rencontre le petit village de Djorah, habite par une soixantaine de families arabes et situe au N.-E. et a 8 minutes environ de la grande enceinte rninee qui , encore aujourd'hui , a retenuparmi les Arabes la deno- mination d' Askoulan. Nous voici done arrives en quelque sorte au vestibule de cette ville celebre, et ici deja nous pouvons observer dans la plupart des maisons qui com- posent ce bameau des fragments de colomies antiques et des plaques de marbre brisees. Une fois sorti de Djorah, on traverse quelques jar- dins ou croissent confinement des figuiers , des oliviers, des orangers , des grenadiers , des citronniers , des amandiers et des abricotiers. Ces arbres, entasses pele- mele , sont domin6s ca et la par des palmiers a la taille svelte et elancee, qui relevent singulierement la beaule pittoresque de cette sorte d' oasis quele sable presse de toutes parts. Eniin nous touchons a la vaste enceinte de la cite detruite. Les remparts d' Ascalon ou du inoins les gigantesques debris qui ea subsistent encore, debris qui permettent tres bien d'en suivre et d'en retrouver tout le perime- tre, decriventa pen pies un demi-cercle elliptique ou espece d'arc immense dont la corde ou le diametre s'etend le long du rivage et egale au moins 1,500 me- tres. Le pourtour total de cette enceinte pout el re e\a- ( w ) liu'' a 5 kilometres. S'il faut on croire Guillaume de Tyr (1. XVII , c. 2"2), elle aurait etc formee au moyen de collines factices sur le sommet desquelles on aurait eleve une ligne de nuns llanquee de noinbreuses tours. « Jacel autem tota civitas quasi in fovea, tola declivis » ad mare, aggeribus undique cinctanianufactis, supra » qnos raaenia sunt cum turribus frequentibus. » L'examen des lieux me force de restreindre un pen cette assertion ; car, du cote de la mer surtout, les col- lines qui soutenaient les murs m'ont paru en grande partie naturelles; cesont des falaises escarp6es, nioitie sablonneuses et moitie rocheuscs , dont la bauteur au- dessus de la mer egale environ 30 metres et qui cer- tainement ne sont pas l'ouvrage de I'homme. Seule- ment ces falaises out ete sur certains points rendues plus verticales et par cela meme inaccessibles. La ou Ton pouvait craindre un eboulement ou une escalade plus aisee, onenavait revetu exterieurement les flancs d'un appareil de macounerie reguliere, aujourd'hui presque entierement demolie. Aux deux extremites N. et S. de cette corde d'arc, les rocbers des falaises avancent jusque dans la mer et constituent comme deux proniontoires, mais peu pro- nonces. A ces deux angles, on remarque d'enormes pans de murs renverses et qui semblent avoir ete pro- jetes la par un treniblenient de terre. lis appartenaient a des especes de bastions qui defendaient ces deux points hnportants et protegeaientla radequeces points determinaient el laquelle s'etendait ainsi de I'un a 1' autre. Cette rade ouverte a tons les vents, excepts a celui de l'K. coutre lequel ellen'esl pas meine coinple- ( 85 ) tement a l'abri, est peu sure et n'a jamais pu former un port commode, ainsi que le remarcpie fort bien Guillaume de Tyr dans le passage suivant (XVII, I'l) : « Nee autem civitas , situ maris imllam praebente apti- » tudinem , portum vel aliquam tutam navibus ha- » bet vel babuit stationem, sed littus tantnm arenosum » et accedentibus suspectum. » Comme elle s'ensable de plus en plus , elle peut encore moins actuellement que du temps de cet bistorien offrir aux vaisseaux un refuge assured Ce devait etre cependant le port d'As- calon a l'epoque des croisades ; car ce meme Gcrivain nous apprend que durant le si£ge que cette ville sou- tint en 1153 contre Beaudoin III, roi de Jerusalem, une flotte 6gyptienne amena aux Ascalonites de nombreux renforts et mit en fuite par son approcbe la petite flotte cbr6tienne qui bloquait le port d'Ascalon. A peine d6- barqu^es, les recrues d'l^gyptiens p6n6trerent dans la ville. L'endroit ou ces troupes aborderent 6tait done contigu aux remparts et ils durent entrer dans la ville par la porte de la mer que mentionne Guillaume de Tyr. « Secunda est (porta) quas ad occidentem res- » picit et dicitur porta maris. » C'etait l'une desquatre que signale cet bistorien. Cette porte etait deTendue par des tours etpar d'autres fortifications, dont les de- bris considerables meritent d'attirer l'attention. On y remarque beaucoup de colonnes en granit gris enga- gees transversalement comme des especes de poutres dans l'6paisseur des murs et fqrmant saillie an debors. Ces colonnes d'un seul fut sont d'un diametre qui va- rie entre 40 et 00 centimetres. Elles appartenaient evi- demment a l'ancienne ville d'Ascalon, qui devait renfer- ( ™ ) iner un grand nonihre de pottiqueS . dp sallos et de temples soutenus par des rolonnos do co genre : car files abondent a la fois comme ornements et coiftme pieces do consolidation dans touto F enceinte del'Ascaion dn moyenSge. G'est ce quej'ai observe" egalemenl au milieti des mines de Cesaree on lc meme systeme a eto adopted 'a bo rd paries Sarrazins, etensuite par lescroi- s£s , quand ils ont releve los nmrs do cette villo. Avant do passer a l'examon dn reste (]o 1'enceinte et do quitter la rado devant laquelle nons sommes on ce inomont , il serait a propos de nons demandor si co\\o rade on , si Ton vent , ce port d'Ascalon , otait bion le Maiumas Ascalonis dont 1' existence nons est re voice par nne epitre synodale de Jean, patriarche de Jerusalem, opitre qui a 6t6 inse>6e dans les aetes dn concilo de Constantinople tenn Pan 518 de notre ere (Gondii. genera/, t. V, p. 102). II y est question d'nn eveqne dn Mammas d'Ascalon , distinct de 1' eveqne memo do cette cite. Or il s'agit ici evidemmentdu port d'Ascalon , de meme qn'il y avait nn Maiumas d'lamnia et un Main- mas de Gaza. Le mot maiumas en elTet est goneralement regard6 comme un terme egyptien on pbilistin signi- fiant port de mer, bavre naturel ou artificiel. Ce Maiumas Ascalonis etait done alors l'etablisse- ment maritime d'Ascalon, 6tablissement distinct de cette ville et qni devait former nne espece de petite cite en dehors de la cite proprement elite , puisqu'il etail sons la juridiction spirituelle d'nn eveque special , dif- ferent de l'evoqno d' \soalon. Mais on. etait situe" cet etablissement maritime? Ce ne pouvait etre assur6- ment entre la ville et la mer, puisque la ville autrefois (87 ) comme maintenant etait sur le bord uieme de la mer , fait qui nous est atteste par plusieurs passages des an- ciens et qui est en outre confinne par les nombreuses medailles trouvees en ce lieu et sur la plupart des- quelles on voit une femuie, la tete couronnee de tours , un pied sur une proue , tenant de la main droite une colombe et de la gaucbe une hache. Cette femme qui met le pied sur une proue nous indique assez claire- ment qu'Ascalon etait une ville maritime. Si le Maiu- masd'Ascalon ne pouvait etre renferme entre la cite et la mer, il devait etre situe soit au N. soit au S. de la ville, et il est probable qua une epoque qu'il est im- possible de preciser, faute de documents historiques sufiisants , les Ascalonites ayant senti le besoin de se creerun autre port que celui qui etait devant leur ville, auront fonde dans le voisinage et dans une anse plus favorable l'etablissement maritime qui recut le nom de Maiumas Ascalonis et qui insensiblement devint une petite ville avec son eglise etson evequedistincts. Mais a quelle distance ce Maiumas etait-il d'Ascalon? C'est ce que je ne puis determiner avec certitude \ car le long de la cote, ni au S. ni au N. d' Askoulan, on n'a jusqu'a present decouvert aucune trace d'un ancien eta- blissement maritime. Le sable est du reste si epais et si profond sur toute cette plage, qu'il peut fort bien recouvrir entierement le bassin de ce port et les vestiges desmaisons depuislongtemps minees qui l'entouraient. Poursuivons maintenant notre examen des remparts et contournons la demi-circonference dont nous venons de considerer le diametre. Le long de la section meridionale de 1' enceinte , des ( 88 ) dunes enormes de sable, amoncelees parte vent du Sud. se sont pen a peu eleveespar 1'eilet continu de ce vent durant taut de siecles jusqu'a la hauteur mem'e des murs, et comme ces nmrs sont renverses en beaucoup d'endroits , ces dunes envahissantes out debonte a tra- vel's ces breches au dedans meme de la ville et elles s'y deversent incessamment, formant ainsi a droite et a gauche de la ligne des remparts un talus mobile et glissant ou Ton ne s'avance qu'avec la plus grande difficulty. Toutefbis de distance en distance, environ decent pas en cent pas, on distingue, du milieu de ces collines sablonneuses sous lesquelles les murs eux- memes sont enterics, les sommets des tours qui les flan- quaient. Quelques-unes m'ont offert des parties assez bien conserves , et ce qui m'a surtout frappe , c'est le nombre considerable de ruts de colonnes de granit en- gagers transversalement dans ces constructions et qui de loin presentent a l'oeil I'asped de pieces de canon avancant horsde leurs embrasures. Guillaume de Tyr nous apprend qu'une porte elite de Gaza, parce quelle conduisait c\ cette ville, existaitde ce cot6. Aujourd'hui elle ne parait plus , ensevelie qu'elle est sous le sable. <( Tertia ad austrum Gazam urbem respicit , uncle et ab » ea cognomen ducit. » Quant a la section orientate des remparts, elle semble avoir ete la plus formidable de toutes. Elle est 6galement assi6gee par des vagues de sable (jui l'en- vahissent de plus en plus. Toutefbis, comme les hau- teurs sur lesquelles de ce cote les murs sont assis dominent davantage la plaine environnante, comme en outre le courant de cette nier de sable au milieu de ( 89 ) laquelle Ascalon est placee, se dirige surtont du Sud au Nord, plutot que de l'Est a l'Ouest, il en resulte que cette partie des murs est la plus visible et la plus facile a etudier. C'est de ce cote qu'etait la grande porte dite de Jerusalem. Defendue par deux puissantes tours dont les debris existent encore, elle etait precedee par d'autres portes pratiquees dans des avant-corps de for- tifications qui out ete detruits de fond en comble , mais dont on retrouve neanmoins ca et la la trace et jusqu'a un certain point le plan primitif. « Quarum prima, » qua? ad orientem respicit, dicitur porta Major cogno- » mento Hierosolymitana, eo quod urbem sanctam res- » piciat, habens circa duas turres altissimas, qua? quasi » robur et presidium subject* videntur praeesse civi- » tati. Hsec ante se tres aut quatuor in antemuralibus » portas habet minores, quibus ad earn per quosdam » anfractus pervenitur. » Vers le Nord, des jardins environnent la ligne des remparts , et de vieux arbres ont pris de tous cotes racine au milieu d'enormes pans de murs renverses et de tours demolies. La destruction a employe des moyens si puissants, qu'on dirait en certains endroits , a voir le desordre fantastique de ce bouleversement , qu'un tremblement de terre seul a pu produire de pareils effets. L' emplacement de la porte du Nord on porte de Joppe se decouvre encore en suivant pas a pas ^ers l'Ouest cette partie de 1' enceinte. <(Quarta adseptem- trionem respiciens ab urbe finitima Joppensis dicitur. » De ce cote, et jusqu'au village de Djorali, sont les jar- dins dont j'ai parle plus haut : le sol en est accidente et ( 90 ) paratt tres fertile. Ce sont la les valliculcc dont il est question dans la description de Guillaurne de Tyr. <( Solum auteni exterius urbi adjacens arena est obsi- » turn, agriculture ncsciens, vinetis tamen et fmctiferis » arboribus accommodnm , exeeptis vallicnlis in parte » septentrional i pancis, qua; faecuudatae ketamine et » aquis irrigate putealibus, herbaruna et fructumn » aliqnam civibns praestant commoditatem. » Ces jar- dins torment comme une ceinture antonr de la ville vers le Nord et en partie aussi vers l'Est; car, non loin de la grande porte orientale ou porte de Jerusalem , on pent admirer de vieux caroobiers et de magnifiques sycomores qui ombragent un vallon sablonneux, an milieu duqnel un koubbe ou sanctuaire musidman ren- ferme les cendres d'un santon venere dans le payset connu sous le nom d'Escb-Scheik-Mobamined. En resnm6, cette vaste enceinte ruinee presente dans sa construction les caracteres suivants : les murs avaient generalement une epaisseur de deux metres; ils etaient revetus exterieurement d'un appareil tres regulier de pierres d'nne dimension moyenne : 1'interieiir etait rempli par un blocage compose de petites pierres plon- gees dans un bain de mortier. Sur beauconp de points, la maconnerie en etait traversee par des futs de co- lonnes en grand gris places horizontalement et faisant au dehors une saillie de douze a quinze centimetres. La hauteur de ces murs, autant qu'il est [icrinis d'en jnger par quelques parties jnieux conservees ou moins envahies par le sable, etait d'environ dix metres. Ils s'elevaient en demi-cercle sur des collines dues en meme temps a la nature et a l'art. Des fosses depuis ( 91 ) longteinps combles regnaient tout a l'entour , et an dela des avant-murs dont on ne reconnait plus maintenant que quelques vestiges constituaient la premiere defense de la place. De cent pas en cent pas, des tours flan- quaient cette enceinte, dont les trois points les plus for- tifies paraissent avoir ete laporte de Jerusalem a l'Est, et les deux extremites Nord et Sud de lacorde de cet arc. Que si maintenant nous franchissons cette enceinte pour penetrer dans l'interieur de la ville, ce qui nous frappe tout d'abord, c'est qu'au lieu d' avoir devant nos yeux l'image d'une ancienne cite, meme d'une cite detmite, nous avons plutot celle de nombreux jardins appartenant aux Arabes de Djorah, et qui sont comme la continuation de ceux qui s'etendent autour de ce village. Ces jardins sont divises an moyen de petits murs de separation grossierement construits avec les innom- brables materiaux qui joncbent confinement le sol. De tons cdtes, an milieu de la vegetation desordonnee que la culture ou la nature toute seule a fait naitre , on beurte des vestiges d' edifices antiques, des pans de murs renverses , des plaques de marbre brisees et sur- toutune quantite tres considerable de futsde colonnes, la plupart en granit gris d'Egypte et d'un diametre qui ne depasse guere soixante centimetres ; mais aucun mo- nument n'est reste debout : que dis-je ? la forme meme des anciennes constructions est a peine reconnaissable. Aussi ai-je ete fort etonne, a mon retour, de lire dans l'ouvrage de M. de Forbin {Voyage dans le Levant pages liS et 49 de la grande edition), la description que ce voyageur fait de cette cit6. ( n ) « Les remparts, dit-il, et leurs portes son t debout. La tourelle attend la sentinelle vigilante; les rues vous conduisent a des places, et la gazelle fraochit l'esca- lier interieur d'un palais ; l'echo des vastes eglises n'en- tend plus que le cri du chacal, etc. » Et plus loin : « Pres de ces monuments gothiques se trouvenl les grands debris d'un temple de Venus ; quarante colonnes de granit rose, de la plus haute proportion, des cha- piteaux, des frises du plus beau marine s'elevent au- dessus d'une voute proibnde et entr'ouverte, etc., etc.» 11 faut que depuis 1817, annee dans laquelle M. de Forbin a visite ces mines, la destruction ait niarche vitc, ou plutot (pie cet ecrivain se soit cru jusqu'a un certain point le droit d'embellir son sujet et de faire un roman de son voyage; car 157 ans auparavant, le chevalier d'Arvieux etait loin d' avoir vutantde cboses, et en 1815, c'est-a-dire deux annees avant la visite de M. de Forbin , lady Stanhope n'avait remarque au milieu de 1' enceinte d'Askonlan que des mines eparses sur le sol , la ou ce voyageur semble signaler des Edi- fices encore debout. On sait que cette cedebre anglaise fit pratiquer alors des fouilles sur 1' emplacement pre- sume de l'ancien temple de Venus Astarte. Elle avait avec elle cent cinquante Arabes qui travaillaient sous sa direction ; les musiciens du pacha d'Acre animaient les ouvriers par leurs symphonies ; mais ce qui excitait sm'tout leur ardeur, c'etait l'espoir de trouver un tr6- sor considerable qu'on disait cache en cet endroit. Un grand nombre de colonnes furent ainsi exhum6es de terre, et en creusant des trancliees de plus en plus prolbndes, on decouvrit trois paves differentsqui mar- ( 93 ) quaient les trois ages du monument : le premier etait dans le style arabe, le second dans le style chretien du moyen-age , le troisieme revelait une epoque plus recu- lee. Ces trois paves annoncaient que le monument avait d'abord appartenu a une divinite antique, puis au culte du Christ et ensuite a celui de Mahomet. Une statue de marbre , qui paraissaient etre celle d'un em- pereur romain , mais a laquelle la tete et les pieds manquaient, etait couchee sur le pave antique. Les Arabes s'imaginant que les flancs de la statue recelaient le tresor qu'ils cherchaient, lady Stanhope, pour les detromper , ordonna de la mettre en pieces. Depuis les fouilles executees en cet endroit par cette femme excentrique mais reinarquable , d'autres ont ete entreprises , mais dans un but tout different et nullement scientifique , par Ibrahim-Pacha. II cher- chait uniquement , comme dans une carriere inepui- sable, d'excellents materiaux de construction qu'il put transporter ailleurs. Bien qu'Ascalon ait deja vu ainsi une grande partie de ses depouilles arrachee de son sein , cependant elle renferme encore , je n'en doute pas , sous les monceau.x de debris ou sous la vegeta- tion qui recouvre son emplacement, une foule de choses dont la decouverte pourrait enrichir l'art et la science , et je suis convaincu que si cette vaste enceinte etait fouillee en grand d'une maniere methodique et intelligente , elle deviendrait une mine feconde pour rantiquaire et pour i'historien. Avant de terminer, je signalerai un assez grand nombre de puits qui ont attire mon attention au milieu des vergers d'Askoulan. Ces puits m'ont paru la plu- part antiques, et presque tons, k leur margelle , offrent (94 ) u la vue des futs de colonne de niarbre et principale- ment de granit. La maulers dont lea Arabesde Djorah puisent de l'eau a ces puits est assez singuliere : Ut corde a laquelle est attache le sceau de cuir est on- roulee d' ordinaire autour d'un l'ut de colonne place transversaleinent au-dessus de l' orifice du puits, el c'est un ane ou un mulet qui la tire en unuchant droit devant lui , jusqu'a ce que le seau suit arrive a la hau- teur de 1' orifice : cette corde linit par creuser a la longue, autour de la colonne a laquelle elle est adap- tee, uiie eutaille assez prol'onde. Cette quantite considerable de puits est un fait re- uiar({ue dejapar Guillaume de Tyr qui nous dit qu'As- calon nianquait couipletenient de lontaines, niais qu'eile abondait en puits dont l'eau etait douce et potable. (( Puteis tuin extra, turn interius aquas sapi- )) das et ad potum habilesministrantibus abundat. » En remontant beaucoup plus haut, et des le temps d'Origene, on nionlrait, comme il le temoigne lui- nieme (liv. Ill, Contra Ce/sum), an milieu de cette ville de magniliques puits qu'on disait avoir ete creuses en ce lieu par Abraham. Antonin, martyr (Ji/'/ier., p. 2li, edit. Hi/iU), uientionne egalemeiit a Ascalon un puits celebre, nomine le Puits de la Pais. « lnde ingressi » sumus Ascalonem, ubi est puteus Pacis in loco thea- )) tri factus, in quo requiescunt tres fratres mar tyres. » Apres avoir erre longtenq)s autour desmurs ou dans 1' enceinte d'Askoulan, je montai sur le sommet d'une des plus hautes tours qui fut encore debout, afin de pouvoir embrasser de la, d'un sen! coup d' mil, I'en- semble general des lieux. Mon regard se perdait d'un cote dans lavaste plaine des Philistins, sans etrearrete (95 ) que par la grande chaine des monts de Juda dont les cimes bleuatres se confondaient a 1' horizon avec l'azur du ciel ; de 1' autre , il plongeait sur 1' enceinte entiere d'Askoulan et au dela sur la mer. Devant un tel spec- tacle, je donnai un libre cours a mon admiration ; car, a part meine les grands souvenirs qui peuplent ces lieux a jamais celebres , il y avait dans la vue de ces montagnes lointaines, de cette plaine immense, de cette enceinte ruinee et deserte et de cette mer aux Hots si brillants, quelque chose qui parJait puissamment aux yeux et a l'imagination. J'evoquai ensuite tour a tour du fond de ma memoire les principaux evenements qui ont immortalise cet endroit autrefois si vivant et si peuple , maintenant mort et solitaire , et les heures me parurent courtes , tandis que je voyais apparaitre successivement et que j' essay ais d'arreter un moment, devant ma pensee , ces fugitives et renaissantes images du passe que 1'histoire ne cessait de me presenter. Mais bientot le soleil s'inclina a 1' Occident, et quand il eut disparu dans les ondes, la nuit enveloppa toutes ces mines comme d'un linceul funebre. Un majestueux et solennel silence plana au-dessus de cette enceinte qui ressemblait a un vaste cimetiere oil dormait le cadavre d'une cite entiere , et je crus entendre seulement re- tentir a mes oreilles coinme un echo lointain de la voix du prophete Sophonias qui s'ecriait, il y a tant de siecles : « Gaza destructa erit et Ascalon in desertum (chap. II, v. h). » «Gaza sera detruite et Ascalon chan- ges en desert. » V. GUERIN, Ancieii inembre do I'Ecole frunyaise d'Athfines, agi-6g6 et Uocteur es-lettres. ( 96 ) Analyses, ISuuporfs, eie. RAPPORT Sur V ouvrage de M, A. Maury, intitule : LA TERRL ET L* HOMME, PAR M. A. DE QUATHEFAGES. En me confiant l'examen de 1' ouvrage publie par notre confrere , la Societe m'a impose une tacbe des plus difficiles. Dans ce petit volume in-12 de 600 pages reparties en onze chapitres, 1'auteur a condense une masse vraiment effrayante de recherches et de travaux. II a touclie a presque toutes les sciences proprement elites ; il a resume plusieurs branches de nos connais- sances qui a elles seules forment les sciences a part ; anx travaux des liommes les plus speciaux, il a joint le fruit de ses propres recherches, et de cet ensemble est results un livre qui pour etre completement appre- cie necessiterait un savoir a peu pres encyclopedique. J'auraidonc bien des fois a jugersur parole eten m'en rapportant a de plus competent* que moi. Disons d'abord mi moi ) M. Maury n'en a pas moins raison selon toute appa- rence quand U dit que la p6riode pliocene, ou mieux vans doute relic des alluvions , se lie a la nut re et que les premiers hommes onl pu 6tre temoins des dernieres involutions dti globe. \.r second cliapitre do l'ou\ rage est consacre a I'al mosphere el auxmers. C'esl un resume tres completel tres bien trace" dece que les recherches modernes nous out appris de plus pr6cis sur les plus grands plieno- menes de la physique du globe. II \ a beaucoup de suite et d'enchainement dans l' expose* des f'aits relatifs a la constitution generate de l* atmosphere, a la distri- bution des climats, a la repartition de la chaleur. Je signalerai en particulier la section consacrec a l* etude des vents. Les causes des grands tnouvements atmos- pheriques . les conditions locales qui les modifient soit d'une maniere p6riodique, soit accidentellement, sunt exposeesavec une clarte que j'.ai parfois cherch6e vaine- inent dans des ouvrages speciaux. J'en dirai tout autanl des pages renfermant la description descourants, des marees , et des autres principaux phenomenes que peu- vent presenter les grands amas d'eau douce ou sal6e, liquide ou congelee. Partout l'auteur, en decrivant les faits particuliers ou locaux, cherche ales rattachera quelque chose/le plus general et signale avec soin l*in- tl nonce qu'ils peuvent exercer autour d'eux. Dans le troisieme chapitre, M. Maurj traite des par- ties solides du globe et des Acmes, \pres une courte notice sur la configuration geuerale des continents, sur les rapports et les differences que presentent ces grandes masses, il etudieles principales chaines de ( 101 ) montagnes , retrace lenr configuration et donne sur leur composition geologique des renseignements assez detailles. Cette section est tres interessante en ce quelle presente la reunion de documents que je ne crois pas avoir encore et6 condenses de maniere a pre- senter un tableau special aussi complet. — Puis, em- pruntant ses descriptions aux voyageurs les plus emi- nents, M. Maury parcourt lesplaines, les deserts, les pampas , les llanos, et ici encore nous aurions a donner a l'auteurles memes eloges. M. Maury a parle de la formation des atolls clans la section consacree aux grands mouvements du sol. Parmi les causes qui peuvent expliquer ce curieux plie- nomene, il a mentionne seulement Taction exercee par les polypes marins. Se fondant sur ce que les iles co- ralligenes ne se trouvent pas dans le voisinage de quel- ques points du globe les plus riches en volcans , ilcroh devoir ecarter, dans Tinterpretation des faits qu'elles presentent, 1' action des phenomenes ignes. Peut-etre eut-il ete bon de dire ici un mot de la doctrine des affais- sements lents, qui a pris, je crois, naissance en Ame- rique, et que M. Dana du moins a etayee d'un grand nombre d' observations propres afrapper les esprits les plus prevenus. Je ne puis suivre M. Maury dans l'histoire qu'il trace des pluuiomenes volcaniques, des tremblementsde terre, des soulevements, des affaissements produitsala surface du sol par Taction des forces iguees. Je me boruerai a dire que la aussi on trouve reunisplus que dans bien des abreges de geologie tous les faits les plus frap- pants de cet ordre de phenomenes. La section consacree ( 102 ) a L'etude des coms d'eaa, an mode tie formation des grands Hemes , a lVtude de tears rapports . aux fasts les plus I'rappants de leur hydroiitapliic est aussi des ])lus Lnstructives malgre sa brievete foro6e. Lequatrieme rlmpitre comprond la geographic mi- nerale, snjet fort ingral a traitor, car iletait dillicile de doaner Lei quelques-unes de ces generalites qui grou- pent les tails , reposent l'esprit et restent dans la me- moire des homines les moins speciaux. M. Maury ne pouvait 6chapper dans cette partie de son livre a une cer- laine secheresse, mais on n'y retrouve pas moins la na- 1 nit* (leiueriteque j'ai deja bien des fois signaler. Adop- tantlaclassificationmineralogique etla suivant pas a pas, l'auteur passe en revue toutes les principale-> espeoee, indique leur gisement et les localitesqui les fournissent; et il a condense ainsi en quelques pages une 1'oule d"m- dications qui peuvent etre tres utiles. Ce chapitre ne se lira guere, mais il sera souvent consulted Dans l'etat actuel clenos connaissances il est encore a pen ])res impossible depreciseret meme le plus sou- vent de soupconner quelles sont les causes qui ont in- line sur la distribution des miiieiaux. Dans cette partie tie la science geographique, il nous faut accepter les la its en nous bornant a les constater sans pouvoir les rattacher a quelque chose de plus general. Des que 1' or- ganisation et la vie interviennent, il en est tout autre- ment. Aussi les chapitres Vet Vl.consacres parM. iVlauix a la geographie vegetale et animale, offrent-ilsa la lec- ture un tout autre interet que le precedent. Le pre- mier surtout est remarquablement bien fait. Appuye sur les travaux de M. Alphonse de Candolle, M. Maury ( 103 ) a rauiene partout les faits particuliers ii im petit noinbre de questions generates et la seule enumeration de ces questions est bien faite pour piquer ia curiosite. Voici le sommaire de cet excellent chapitre : — Conditions de la vegetation et limites geographiques des especes. — Habitation des especes et stations vegetales. Plantes sociales. — De l'aire des especes. — Regions vegetales. — Plantes marines. — Des changements qui s'operent dans 1' habitation des especes; naturalisation. — Ori- gine de la distribution des especes vegetales. — Plantes cultivees. — Forets. Je ne puis m'empecher de regretter que M. Maury n'ait pas applique la uieme m6thode a 1' etude de la geo- graphic animale. Ici apres quelques considerations preliminaires tresjustes, mais trop restreintespour wn sujet aussi vaste, il a substitue 1' enumeration zoolo- gique ai'ordre methodique et general que je viens d'in- diquer. Par la il s'est interdit a lui-meme une compa- raison entreles deux regnes, comparaison qui, suivie pied a pied par un es.prit aussi sagace et aussi juste, eiit certainement conduit a des resultats d'un veritable interet. Sans doute on trouve a chaque instant dans les sections consacrees aux insectes, anx reptiles, aux maamnferes, etc., des g^neralites qui resument bon nombre de faits particuliers ; sans doute certains rap- ports existant entre les faunes et les flores sont signa- les par M. Maury ; uiais les considerations de cette nature, si propres a frapperle lecteur pen familier avec la science, sont necessairenient devenues moins nom- breuses et moins generales. La methode suivie pour la Botanique, embrassant 1' ensemble des vegetaux, donnait ( 104 ) par ccla meme bien plus d' importance an\ resultats d'ensemble , faisait inieux ressortir les exceptions. Je sais (pi'en demander nne nouvelle application c'-etait demander beaucoup a l'auteur. Le livrede M. de Can- dolle n'a pas d'analogue en zoologie. J'ai essaye, ib\ a qnelqnes annees, d'en esqnisser lc plan et je connais par consequent toutes les difficultes de cette tiiche. Mais notre confrere etait inieux prepare, a raison meme de ses etudes precedentes sur les vegetaux, et il ne trou- vera pas surprenant qu'un rapporteur zoologiste voie avec qnelque jalousie les plantcs inieux traitees que les animaux dans un livre comme celui que j' examine. Ce sentiment, excusable je pense, ne me rend pas injustc enversce cbapitre, qui se recommande d'ailleurs a taut de titres. Aussi complet qu'aucun des precedents, il reunit et coordonne un nombre immense de faits. 11 etait vraiment impossible de dire plus en aussi peu de pages. En outre M. Maury a combine l'ordre geogra- phique avec la classification zoologique de maniere a rendre les recbercbes tres faciles, et le lecteur qui cher- chera dans le livre des renseignements precis, preferera peut-etre ce mode de distribution des matieres a la metbode plus philosopbique et plus generale suivie dans le cbapitre precedent. Le cbapitre VII, comprenant la description des races bumaines et leur distribution a la surface du globe, merite de tout point les memos eloges. II renferme en effet un resume necessairement tres succinct , mais re- marquablement complet, de tout ce que les principalis anthropologistes et un grand nombre de voyageurs onl ecrit sur cette matiere, trop pen etudiee encore. Mais ( 105 ) ici nous croyons devoir entrer dans quelques details et presenter a la Societe, a 1'auteur lui-rneme, quelques observations. Sans se prononcer d'une maniere tres nette sur la question si grave de l'unite ou de la multiplicity des especes humaines , M. Maury penche visiblement vers la premiere de ces deux opinions. Je suis heureux de me rencontrer avec mon savant confrere sur ce terrain fondamental. Plus j'avance clans des etudes qui , d'a- bord accessoires pour moi , sont devenues et resteront sans doute les principales, plus je sens mes convic- tions a cet egard se fortifier. II m'est de plus en plus evident que si Ton vent tenir compte de tous les faits, que si Ton etudie en natural iste, on rencontre infini- ment plus de difficultes et des difficultes bien plus grandes dans la doctrine de la multiplicity que dans celle de l'unite. Sans doute cette derniere a aussi ses problemes obscurs encore et peut-etre a jamais inso- lubles ; mais quelle science n'a pas comme l'etbnologie sa liste de desiderata auxquels l'avenir lui-meme ne repondra peut-etre pas ? M. Maury admet trois races fondamentales savoir : la blanche, la jaune et la noire. Sur ce point encore je partage entierement son avis. Ainsi que je le disais na- guere a la Societe dans tin autre rapport , ces trois races, dans leurs representants les plus complets, sont les extremes des mille nuances de tout genre que nous presentent les populations humaines. On est des lors autorise a les considerer comme des types autour des- quels viendront se grouper toutes les autres vari6tes. A ces trois races primaires 1'auteur ajoute cinq races ( 106 ) secondares qui semblent resnlter soit du croisement (Irs races pr6e6d©ntes., soil de simples modifications ap- portees a I'une d'elles par des causes inconoues. Ges races de seconde formation sont ; I" la race boreaJe on ougriemie, intermediaire entre la race blanche et la race jaune ; 2° la race mala\o-pnl\ nesienne, qui parti - cipe des trois types: 3° la race americaine, qm pre- sente la memo particularity, mads dans laquelle l'ele- uieiit noir est entre pour uue proportion asaee faible etqni se rapprocbedavantage dut\ pc blanc ; V' la race bottentote intermediaire entre les noirs et les jaunes ; 5° la race papoue, qu'on pent coosiderer comme unc brancbc de la race negre. M. Alaui\ deorit successivemeni ces huii graadfis families, et sansvouloir rien conclure sur leur origine isnlee on conunune, il les rattacbe a buit berceaux dif- ferent^ en faisant observer qu'elles paraissent corres- pondre a des faunes partirulieres et faire par tie d'au- tant de centres zoologiq ties. Notre confrere, quoique s'expi'irnanttoujours avecune extreme reserve, revient a diverses reprises sur cet ordre de considerations, et quoique a la fin de son cbapitre et par forme de con- clusion il s'efforce de tenir la balance parfaitoment en ripiilibre, le lecteur pourrait croire qu'elle incline are completement de Tune et de 1' autre, aussi bien que l'Afrique. Enest-il.dcmemelorsqueronconsidere ces deux moi- ties du nouveau monde comme centres de populations Inimaines? .Vous savons tous que c'esl precisement le contraire. L'homme a peau rouge, c'est-a-dire la race americaine la Aolus distinctede toutesses soeurs, habile ( 111 ) preciseinent cette Amerique du nord ou vivent Fours brun et le castor d' Europe. Dans 1' Amerique meridionale errent encore ces Batocudos qui, a premiere vue, re- connaissent les Chinois pour hurs oncks. Sans entrer dans d'autres details, nous conclurons qu' an point de vue anthropologique 1' Amerique du nord, par sa popu- lation rouge, s'eloigne considerablement de l'ancien continent, tandis que par ses populations jaunes FAm6- rique meridionale se confoud presque avec certaines portions de l'Asie. Par consequent, bien loin qu'il y ait coincidence entre la repartition des races bumaines et la distribution geograpliique des animaux , il y a ici opposition complete. Si je pouvais examiner dans ses details le memoire de M. Agassiz , il me serait facile de trouver encore bien des preuves de ce qu'ont de force et d' inexact les rap- procbeinents qu'il a tent6 de faire. Je me bornerai a une derniere observation. S'il est une region du globe favorable a l'application des idees que je combats, c'est certainement la zone glaciale arctique. M. Agassiz n'apas manque d' en faire unde sesroyaumes, tout en lui donnant une extension exag^ree. L' Esquimau est pour lui riiomme de ce centre de creation, et dans le tableau joint a son me moire, il lui donne pour compagnons empruntes au regne animal cinq mammiferes et un oiseau. Or, parini cesmammiferes,ilen est deux , Tours blancet le morse, qui peuvent en elfet etre regardes comme caracterisant la faune de ces regions desolees ; niais il n'en est pas de meme des trois autres. Le P/ioea Groenfanctzca est , il est vrai , propre au Greenland , mais il appartient a ( 1J2 ) tin type repandu surpresque tous les riyages de luni- vers, aune section quia des representants dans les deux hemispheres des deu\ continents, a uu genre dont les especes se trouvent dans toutes les mers d'Eu- rope. Le renne et la baleine tranche, qui ligurent au menie tableau, sont bien plus mallieureusement choisis encore. Le premier n'est cantonne dans les conlr£es glaciales que par suite de la multiplication de l'lioinme <[\\\ a ainene avec lui des especes plus utiles sous des climats moins froids. Au temps de Cesar il paissait en- core dans les forets de la Germanie. Quant a la se- conde, qui ue saitqu'on la rencontre dans presque toutes les uiers et qu'au moyen age encore elle abon- dait sur nos cotes de France? Hnfin l'eider, rattacbi par M. Agassiz a la fauue boreale, vient tous les ans nicher endeca meme du Danemark, a 10° et meme 15° au sud du cercle polaire. Tous les autres royaumes zoologiques, tels que les comprend M. Agassiz, prMeraient a des critiques ana- logues. Pourtant, en dressant le tableau dont jeparle, l'auteur a certainement cboisi les cxemples les plus propres a etayer sa doctrine, et mil mieux que lui ne pouvait apporler dans ce choix la science n£ces- saire. Si un naturaliste aussi eminent n'a pas mieux rriissi, c'est que la chose etait impossible ; c'est qu'a part quelques traits generaux, tout a fait superficiels et purement locaux, il y a des discordances frappantes entre la distribution geograpliique des animaux et celle des races lnunaines. Dans les chapitres precedents, malgre* tout ce que son savoir avait de sur et de varie, M. Maury devait ( m ) souvent parler de sciences qui ne font pas le sujet de ses preoccupations babituelles. Ses opinions, d'ailleurs toujours serieusement raotivees, ont du parfois n'etre que celles des maitres les plus speciaux. Dans le cha- pitre huitieme , notre confrere s'est trouv6 sur son ter- rain propre et est devenu maitre a son tour. II s'agis- sait de presenter le tableau des langues qui se parlent sur toute la surface du globe. Ici votre rapporteur est force d'avouer son incompetence. Les etudes de linguis- tique comparee lui sont liialheureusement etrangeres, et il ne pent , par consequent , apprecier , comme il devrait l'etre, ce travail que les liommes les plus a meme de juger lui ont declare etre le plus remarquable de l'ouvrage, tantpar le nornbre des materiaux reunis, par la maniere complete dont l'6tat actuel de la science s'y trouve represents , que par ce qu'il renferme de nouveau et de propre a l'auteur. Tout ce que je puis dire, c'est que j'ai lu cette partie du livre avec un inte- ret extreme et pour elle-meme et pour les rapports in- times qui la rattachent au chapitre precedent. Je ne puis entrer ici dans tous les details.que comporteraient ce rapprocbement et une comparaison suivie pied a pied ; je me bornerai done a indiquer quelques obser- vations generales. M. Maury partage les langues humaines en trois groupes principaux , savoir : les langues monosylla- biques , les langues d' agglutination et les langues a flexion. Chacun de ces groupes fondamentaux renferme un certain nombre de groupes secondaires ou families- Or , si Ton forme a la maniere des naturalistes le tableau de ces families, d'apres les indications fournies par XIII. f£vrier. 3. 8 ( 11 /l ) 1'auteur , on saisira d'un coup d'ccil plusieurs resultat tres important*. En premier lieu se montre l'impossibilite de placer toutes ces families de langues dans nne sth'ie continue unique. Le langage reproduit done ce qui a ete con- state pour les races humaines qui ne peuvent pas da- vantage rentrer dans an ordre purement serial. Ici , comme dans le regno animal , la classification se montre tres distincte de la methode naturelle. La premiere ne pouvant jamais placer un animal, un liomme, une langue qu'entre deux temies dont Fun precede et 1* autre suit, ne saurait indiquer que tres imparfaitement des rap- ports presque tou jours bien plus multiplies. Les races blanches, jaunes et noires, prises a I'etat le plus pur, sont tres eloigners l'une de 1' autre , mais entre elles viennent se placer des groupes inle.rme- diaires, et e'est par des nuances insensibles parfois, intradnisibles par la parole, parfois meme insaisissa- bles par t' observation , ([no Ton passe de l'une a 1' autre. L'histoire des langues nous presente des fails presque semblables, et probablement, si Ton connaissait tons les dialectes, tons les patois, le fait se reproduirait ici integralement. .Mais en ne prenant que ce que nous savons, on plu- t6t ce que nous enseigne M. Maury, on trouye que'les trois groupes fondamentaux que j'indiquais tout a l'lieure ne sont uullement isoles. Entre les langues mo- nos\ llabiques et les langues & agglutination , qui au premier abord semblent etre les antipodes les ones des autres, on rencontre comme groupe de transi- tion la famille dravidienne. Les langues caucasiennes ( 115 ) joueut le meme role entre les langues agglutinatives et les langues a flexion. Qui ne voit combien est remarquable ici 1' accord de la linguistique avec les r^sultats fournis par 1' etude physique des races? Get accord se retrouve du reste clans la generality des cas et se poursuit jusque dans les details. Iln'en est que plus etrange de le voir manquer tout a coup , et cela quand il s'agit de populations tres voisines. Ainsi, physiquement parlant , les populations seuiitiques et indo-europeennes sont certainement des plus proehes ; et pourtant M. Maury nous montre des langues aryen- nes et iraniennes presque radicalement distinctes des langues seuiitiques, ou plutot ne tenant aces dernieres que par le caractere commun de la flexion; tandis qua d'autres egards chacune de ces trois families se ratta- che aux langues d 'agglutination. Dans une courte introduction , remarquable par la clarte de l'exposition et Elevation des id6es, M. Maury montre comment les langues naissent et se perfection- nent; comment la forme, d'abord monosyllabique, de- vient agglutinative , et comment la flexion constitue un progres nouveau. Or, en comparant le tableau des races humaines a celui des langues , on constate quel- ques faits fort curieux. Les langues les moins parfaites, les langues monosyllabiques, ne sont point le partage de nos races les plus inferieures. Tout au contraire , la langue monosyllabique par excellence, le cbinois, est parle par des populations dont la civilisation , sta- tionnaire il est vrai , n'en est pas moins fort avanc6e , et remonte a une antiquite extreme, tandis que les po- pulations les plus miserables de l'Afrique ou de l'Aus- ( H6 ) tralie en sont arrivoes, et depuis bien longtomps sans doute, a l'agglutination. Y a-t-il done un disaccord aussi complet entre le degre d'elevation de rhomme et la maniere de rendre sa pensee ? on bien ne se pro- duit-il pas ici quelqne chose de semblable a ce que nons presente si souvent le regne animal? Pour appar- tenir a un type superieur, une espece n'estpas ntices- sairement plus elevee que tons les representants d'un type uioins parfait. Bien an contraire, les derniers groupes d'une classe d'un embranchement sont gene- ralement tres au-dessous des especes les plus elevees, modelees d'apres un type justeiuent place apres celui aucjuel ils se rattachent. II doit se produire en lin- guistique des faits entierement pareils, et bien que M. Maury ne s'explique pas nettement sur ce point , il m'a paru resulter de son travail qu'il en est bien ainsi. Les populations seinitiqiies , iraniennes et aryennes parlent presqne toutes les langnes a flexion. Ici repa- rait cet accord que nous aiinons a nous figurer conune regnant toujours entre l'61evation de la pensee et la maniere de la rendre. Pour taut les populations cauca- siennes parlent des langnes agglutinatives et se ratta- chent par la aux races ougriennes. 11 en est de meme des Basques, de ce peuple etrange place en plein Occi- dent comme une enigme vi\ante, mais conune une enigmecpii, une fois dechillVee, nous donnera peut-etre la clef de nouveaux problemes. Avec Guillaume de Humboldt, M. Maury constate les rapports qui unissent l'euskarien aux langues americaines ; il le rattache d'autre part k son groupe ougro-japonais. En scrait-il des peuples conune des langues ? et les Basques on les ( H7 ) litres qui occupent depuis tant de siecles les rivages extremes de l'Europe, qui out et6 de tout temps de si hardis uavigateurs, sont-ils a la fois les freres des races tchoudes et des populations blanches indigenes de l'Amerique du sud au meuie titre que leurs soeurs jaunes ou basanees? De nouvelles etudes peuvent seules resoudre cette question, qu'il est aujourd'hui au moins permis de poser. Lorsqu'apres avoir etudie l'ouvrage deM. Maury, on jette les yeux sur urie mappemonde , on constate aussi quelques faits generaux qui ne manquent pas d'inte- ret. Ainsi les langues monosyllabiques se montrent comnie occupant un espace sensiblement tres restraint. 11 parait raerue evident qn'elles out du jadis former une sorte d'ilot isole au milieu des langues agglutina- tives , et que la conquete aryenne seule les a mises dans le sud de l'Asie en contact avec les langues a flexion. Au point de vue de la surface occupee par les populations qui les emploient, ces dernieres viennent se placer au second rang, mais restent bien inferieures aux langues d' agglutination. Celles-ci representant l'etat moyen du langage occupent a elles seules envi- ron les 77 de la surface du globe ; -~ environ sont de- volus aux langues a flexion; ~ seuleoient represente le domaine des langues monosyllabiques. Le nombre des nations ou peuplades politiquement distinctes qui emploient les langues agglutinatives est aussi bien su- perieur a celui des groupes qui parlent des langues a flexion ou monosyllabiques. Mais on sait combien peu la population d'une con- tree est necessairement en rapport, soit avec son eten- ( 118 ) due, soit avec le nonibre des groupea lmmains qui la peuplent. Pour se faire one idee de l'importance du role joue a la surface du globe par une langue ou un groupe de langues, il faut compter les individus qui en font usage. Or si, avec M. d'Onialius d'Halloy. nous 6valuons a 750 millions d'hommes la population totale du globe, si nous defalqunns de ce nombrelO millions Gomme represenlant le chiflre des metis de toute sorte dont l'origine est connue, nous trouverons que les langues a flexion sont parlees par environ 370 millions d'etres lmmains, les langues monosyllabiques par 183 millions, les langues agglutinatives par 181 mil- lions seulement. Ainsi , malgre les apparences con- traires, la moitie environ des homines se sont eleves a la forme generate la plus parfaite du langage et les deux formes interieures se partagent par portions presque 6gales l'autre moitie du genre huinain. M. Maury termine le chapitre (jui nous occupe par quelques considerations d'une grande justesse sur la variability des langues, considerations bien faites pour faire rellecliir certains savants trop exclusifs. La langue, manifestation de lapenseehumaine, est le produit d'un des instincts les plus caracteristiques de l'espece. A ce titre , nul doute que l'espece venant a se modifier, a produire des races, rinstinct lui-meme, et par suite ses manifestations, ne subissent certains changements. La langue devra done dilferer d'une race a l'autre, et les rameaux d'une meme race devront, au moins a l'origine, presenter dans leurslangages des analogies Ires grandes. Les hommes qui out voulu voir dans la linguistiquc comparee un excellent moyen de decouvrir la parent6 ( 149 ) des peuples , ont done eu raison. Mais quand ils out voulu aller an dela et presenter ce precede comme de- vant a lui seul remplacer tous les autres , ils sont tom- bes dans nne exageration evidente. M. Maury cite des exemples de populations entieres qui out adopte la langue de ceux qui les doniinaient par la force ou l'in- telligence , connne les Gaulois et les Espagnols, qui renoncerent a leurs langues iberiques on celtiques pour parler latin. II aurait pu ajouter l'exemple de vain- queurs qui, envahis a leur tour par le nombre ou la ci- vilisation superieure des vaincus, presentent des laits semblables. Ce n'est pas au langage que Ton reconnait encore de nos jours en Normandie les descendants des Scandinaves, ou, dans nos ports du Midi, les petits- fds des Hellenes. Par consequent , dans bien des cas , la linguistique seule est inq)uissante a resoudre les problemes ethnologiques. Mais, d' autre part, les anatomistes exclusifs ne sont pas plus fondes dans leurs pretentions. Nier la modifi- cation physique des races bumaines , par suite de con- ditions dont quelques-unes peuvent deja etre appre- cie-es, dont un grand nombre nous echappent encore, e'est vraiment vouloir nier la lumiere. Quoi qu'on ait pu dire a cet egard , les populations des colonies euro- peennes dans les contrees lointaines ties deux conti- nents fournissent de cette verite des preuves irrecu- sables. Demandez a Bordeaux , au Havre , a JNantes , si dans 1'immense majorities cas, Ton ne distingue pas, a premiere vue, le cre-ole des Francais de France , et partout la reponse sera aflirmative. La race anglaise elle-meme s'est modifiee d'une maniere sensible, en ( 120 ) subissant, pendant un nombre de generations pourtaut bien limite, 1' action de milieux differents. Le (} pe yankee est aujourd'hui parfaitement distinct dn type anglo-saxon. Etce pendant, 1' Anglais est incontestable- ment, de tons les homines, celui qui sait le miciix re- sister aux influences da dehors en transportant partout aveclui cet ensemble il'habitudes morales et physiques qui entre pour unesi grande part dans la composition du milieu. En presence de ce grain! fait, etudier uni- quement les caracteres physiques des races pour arri- ver a connaitre et leurs origines et leur filiation , c' est restreindre volontairement les donnees d'un probleme trop complexe pour qu'il soit pennis de neglige* un seul nioyen de le resoudrr. Cettc observation generate nous ramene naturelle- ment an livre de M. Maury et a ses trois derniers cha- pitres, consacres a 1' expose rapide des principales re- ligions primitives, de la constitution des societes , des procedes employes par l'hoinme pour satisfaire a ses premiers besoins. C'.es titres sufiisent pour l'aire coni- prendre la grandeur et l'6tendue des sujets que Fau- teur avait atraiter, etl'extreme difficult^ qu'il y avaita remplir cette tache dans la centaine de pages que lui laissait encore son volume. Cette difficult*'1 cxplique sans doute pourquoi l'auteur a ici change de methode. Jusqu'a present nous avons rencontre dans l'ouvrage des resumes condensant en quelques pages un nombre vraiment surprenant dc faits, de renseignements precis, que reliaient entre eux quelques reflexions , quelques courtes deductions resumant aussi brievement que possible le resultat ge- ( 121 ) neral. Ici l'auteur a adopte une marche inverse , et les faits particuliers n'interviennent guere que pour appuyer les id6es qu'il d6veloppe. Ajoutons que ces faits sont toujours assez nombreux pour qu'il en resulte un veritable enseignenient ; mais nous regrettons que l'espace et le temps aient forc6 M. Maury a changer de point de vue. Ses lectures si nombreuses ont certaine- ment laisse dans sa m6moire une foule de renseigne- ments precieux sur ces trois grandes questions des religions, de la soci6te et de l'industrie primitive ; et ces renseignements, disperses dans des milliers de vo- lumes , tons les lecteurs s^rieux eussent ete" bien heu- reux de les trouver reunis ici. Apres tout , la forme adoptee par notre confrere plaira peut-etre plus que celle qu'eut preferee votre rapporteur. Elle aura l'avantage de laisser dans l'es- prit le moins prepare quelques-unes de ces idees ge- nerates dont je reconnaissais plus haut l'utilite. Parcourons maintenant les trois derniers chapitres. II est facile de voir, par le sommaire place en tete du chapitre IXe, que M. Maury s'es't surtout preoccupe des croyances religieuses fondamentales professees par les deux rameaux sup6rieurs de l'espece bumaine. 11 oppose l'un a l'autre le naturalisme pantheistique des Indo-Europeens au monotheisnie des Semites. II trouve la cause de cette opposition dans la nature ext^rieure ; il montre fort bien comment , en se degradant, le natu- ralisme conduit au polythtiisme; comment de celui-ci on passe au fetichisme. II rattacbe la naissance du dua- lisme au naturalisme , et en ceci il a 6videmment rai- son, mais peut-6tre n'a-t-il pas insists suffisamment ( 122 ) sur l'universalite de cette doctrine des cleuv principes, l'un bon , 1'autre mediant, ou an moins de puissances nuisibles luttant contre des puissances bienfaisantes. On en rencontre des traces eridentes chez les Aryans primitifs, et si elle devient une partie integrants de la religion on la religion meme chez les Zoroastriens, cliez les Manicheens, on pent dire quelle se retrouve plus ou nioins deguisee jusque chez le peuple mono- theiste par excellence, chez les juifs, et jusque chez les chretiens. Le serpent qui seduit noire premiere mere et degrade ainsi la creation de Jehovah, le Satan qui a lutte a force ouverte contre Michel et ses anges, qui regne dansl'abinie commele Christ regne dans le ciel, qui rode sans cesse autour de nous , semblable a un lion cherchant sa proie , qui pent nous lier par un pacte dont les plus grands miracles peuvenl a peine nous affranchir, me semblent etre 1' expression de la meme pensee qui a fait imaginer Typhon etAhriinan. Sans s'exagerer la portee de cette sorte de donn6es, il est permis de croire que les croyances religieuses et parlbis de simples superstitions sont au nombre des renseignements que l'ethnologie ne saurait n6gliger. M. Maury indique rapidenient l'accord qui existe entre les races et les croyances. II explique par la et les mo- difications qu'eprouvent ces dernieres , alors qu'elles se developpent librement, et les transformations que su- bit une doctrine trop ele\6e recue de gre ou de force par une race inferieure. Tout ce que dit l'auteur sur ce sujet est rempli de raison et de justesse. En voyant ce que sont devenus , chez les populations indigenes en Afrique, le mahonietisme ; en Amerique, le chris- ( 123 ) tianisme, il n'y a malheureusement pas a douter de ce fait, que les croyances les plus pures sont souventim- puissautes a deraciner certains instincts. Toutefois , ce qui se passe jusque dans ces memes contr6es temoigne en faveur d'un certain degre d'influence exerc6 par les idees religieuses et morales. 'Les populations mahom6- tanes ou chretiennes me semblent en definitive ou etre deja devenues ou avoir une tendance a devenir supe- rieures a leurs voisines livrees encore a toutes les su- perstitions dufetichisme. Et s'il en est autrement, si les germes feconds de doctrines supe>ieures sont parfois 6touffes , la cause n'en est-elle pas trop souvent dans l'influence exerc6e par la race meme qui devrait les developper ? Le chapitre X du livre de M. Maury trade de la famille et de la societe. Apres avoir rapidement cons- tats que l'lioinme est un etre social et par ses instincts et par son organisation , l'auteur examine successive- ment les divers modes d' association. II trouve dans le inariage le fondement de toute agregation d'individus. Par la s'explique sans doute ce fait remarquable que , chez une foule de peuples, places d'ailleurs au plus bas degre de l'echelle ethnologique , 1' union de l'homme et de la femme revet le caractere d'une insti- tution serieuse , entrainant des peines plus ou moins s6veres pour qui en enfreint les exigences. M. Maury nous inontre la polyandrie releguee seulement chez les tribus les plus barbares, par exemple, chez les Nairs du Malabar ou les Khassias de 1' Assam : il trouve dans la vanite des grands , dans Tabus de la puissance mas- culine , parfois dans certaines idees superstitieuses et ( 12/, ) surtout dans I'abaissement de la femme resultant de l'abrutissement des moeurs, les causes les plus appa- rentes de la polygamic Mais n'oublions pas que, la rnenie ou les erreurs et les passions out vicie clans sa forme 1' association 1'ondauientale, basedetoute societe, la religion et les lois , sinon toujours les moeurs , con- tinued a les proteger. Je ne sais pas si Ton pourrait trouver un seul peuple chez lequel l'ndultere soil lega- lemeut impuni. Du manage resulte la famille, et celle-ci, en s'e- tendant, devient la tribu, laclasse, parfois memo la nation. M. Maury nous montre fort bien comment le genre de vie indue sur le developpement de ces divers groupes lumiains , combien , sous ce rapport , sont dif- ferents les resultats produits par des babitudes de cbasse , de vie pastorale on de culture agricole. Les peuples cbasseurs sont, pour ainsi dire, eondamnes a un morcellement indefini , a un etat de lutte et de guerre permanent. Les peuples pasteurs peuvent d6ja se rapprocber , mais ils ne pourraient encore se fondre en grands corps de nation. Ces dernieres ne peuvent naitre et se developper que lorsque la culture du sol donne a l'liomme une veritable patrie et lui permet de vivre a c6t6 de son semblable, sans trembler pour sa subsistance de cbaque jour. A vrai dire , les popula- tions agricoles ne seront amenees a lutter entre elles que par l'ambition proprement dite des chefs. Mais, jusque dans la guerre, nous trouverons les conse- quences presque forcees de l'etat babituel des popula- tions. Deux peujiles cbasseurs qui se battront pour une plaine ou une foret giboyeuses, ne se feront aucun ( 125 ) quartier, et de part et d' autre les prisonniers seront mis a mort , car, comme 1' observe fort bien notre con- frere, dans une pareille soci6t6 l'esclave devient une charge sans utilite aucune. Chez les peuples pasteurs , le prisonnier sera r6duit en esclavage , car la on peut utiliser ses bras ; enfin le servage, qui est d6ja un grand adoucissementde l'esclavage, ne peut prendre naissance que chez un peuple agriculteur. Quelques reflexions a la ibis justes et 6lev6es ter- minent le chapitre qui nous occupe. M. Maury cons- tate la tendance generate vers l'uniformite; il voit les races les plus inferieures disparaitre avec les .langues les plus elementaires ; il voit les races superieures se r6pandre a la surface du globe , apportant avec elles leur religion plus elevee , leur morale plus 6pur6e , leur langage perfection ne, leurs connaissances scientifiques, et detruisant les animaux in utiles ou nuisibles pour faire place aux especes domestiques. S'en suit-il qu'une seule et meme race doive un jour peupler la terre en- tiere, et qu'une langue universelle puisse jamais rem- placer les milliers d'idiomes qui mettent de si grands obstacles aux relations internationales ? Avec notre confrere, nous n'hesitons pas a repondre n6gativement. Ici reparait avec tout son pouvoir rinlluence du milieu et de la nature mat6rielle. Jamais l'homme des tro- piques ne saurait vivre comme l'homme des zones gla- ciales. D'aillcurs, sous Taction des influences exte- rieures et du croisement opere sur une vaste 6chelle , nous voyons deja poindre des races nouvelles. Celles- ci se caract6riseront avec le temps , et il se produira quelque chose d' analogue a ce qui s'est passe" a l'au- ( *26 ) rore des societes actuelles , alors que se formaient les races metises dont tout demontre l'existence, et qu'a- vaientlieu les grandes migrations dont l'histoiro meme a conserve la trace. Mais les elements sont tout autres, et si le resultat general pent etre pro vu , nul ne saurait soupconner encore ce que sera la nouvelle humanite produite par la fusion des peuples inodernes s' operant sous 1' influence toujours presente des grandes lois de la nature. Quolle que soit sa race, a quekpie degre do culture qu'il se soit eleve ou arrete, rhomme eprouve certains besoins qu'on pourrait appeler fondamentaux et s'elfbrce de lessatisl'aire. II faut se nourrir, presque toujours se vetir; il faut se loger soi et sa famille. A ces necessites imposees par la nature meme de L'faomme et par le milieu oil il est place, se joignent quolques instincts generaux qui amenent des efforts aniversels diriges tou- jours vers un meme but. Tels sont les instincts de la parure et de la guerre. Si le premier s'explique asscz aisement et sejustifie presque parun sentiment d'emu- lation et le desir d'etre niioux que ses voisins; si le second est entretenu , comme nous l'avons dit plus bant, par certains genres de vie, il n'en est pas moins etrange de le voir porsister et presque se developper alors fjue les conditions sociales font de la guerre un veritable fleau, et que la morale et une religion eclairee nous mon- trent autant de fr^res dansnos ennemis.Je ne veux pas repeter ici toutes les excellentes choses que le simple bon sens aurait pu inspirer et qu'ont si bien elites sin- ce sujet tantdemoralist.es. Mais, pas plus que M. Maury, je ne pouvais pas no pas remarquer que s'entre-detruire ( 127 ) semble etre im des premiers besoins de l'homme ; que son esprit s'est exerce tout autant a cr6er des engins de guerre que des instruments de bien-etre, et peut-etre faudrait-il ajouter que , dans certains cas , il semble s'etre applique a atteindre le premier but bien plus en- core que le second. Dans ce que nous savons des Neo- Hollandais, rien ne denote autant d' observation, de re- flexion et d' etudes reelles que 1' invention du boome- rang. M. Maury montre fort bien, d'une maniere gene>ale et philosophique, comment sont n6es et out grandi la plupart des industries humaines. Mais c'est pourtant acechapitre que s'appliquent surtout quelques-uns des regrets que j'exprimais plus liaut, J'aurais eteheureux de le voir traiter chacun de ces sujets principaux a un point de vue un pen plus ethnologique. Sans doute le meme besoin, se manifestant sur deux points tres eloi- gned mais oil riiomrne se trouve place dans des condi- tions a pea pres pareilles, doit etre satisfait par des moyens presque semblables. Pourtant certaines par- ticularity industrielles, arlistique's, certaines mo- des..., etc. , peuvent fournir des indications presque aussi importantes que celles qu'on tire des langues ou des traits physiques. Le tatouage, par exemple, oppose" a la simple peintnre temporaire, les connaissances on 1'ignorance de Tare et des fleclies, 1' usage du boome- rang..., etc., me semblent autant de traits assez carac- teristiques pour m^riter d'etre examines au point de vue dela repartition et de la filiation des races. L'^rudition de M. Maury lui en aurait rertainement fourni bien d'autres, et, sans ajonter beaucoup a son travail d'au- ( 128 ) teur, il aurait donne par la une utilite de plus a un clia- pitre deja si interessant. Avant de terminer ce rapport, je dois a M. Maury et a moi-meme de faire une remarque. Apprecier l'ceuvre d'un confrere est toujours chos'e delicate. Dans les elo- ges que Ton donne a l'auteur le public est generale- ment porte" a voir autre chose qu'une simple justice : il croit facilement a la camaraderie. J'espere m'etre mis al'abri de cereproche. Sans doute j'ai etc heureux de dire publiquement le bieu que je pense du livre de M. Maury , mais la Societe a pu voir que le plaisir de louer ne ni'empechait pas au besoin de discuter et de combattre. A un homme dont j'estime le caractere au- tant que le savoir, et a propos d'un livre aussiconscien- cieusement ecrit, je n'ai pas craint d'exprimer ma pen- see tout entiere. Mais, quant a 1' impression generate que m'alaissee cet ouvrage, je la resumerai en disaut que l'auteur y a condense une somme enorme de travail et de science ; cru'il a mis a la portee de tous les lecteurs serieux une foule de notions et de faits epars dans une multitude d'ouvrages sp6ciaux ; que parmi ces notions et ces faits , il en est un grand nombre que devraient connaitre tousles homines appartenant aux classes in- telligentes, de la societe et qui pourtant sontgenerale- ment ignores ; que par consequent, en ecrivant son livre, M. Maury a rendu un vrai service et bien merite de tous ceux qui aiinent k voir se propager la science et les ve- rites quelle devoile. A. de Qlatrefages. ( 129 ) RAPPORT SUR LA DESCRIPTION DE L'lLE DE PATMOS ET DE L'lLE DE SAMOS , Par M. Victor Gukrin, anciep membre de l'£cole franchise d'Ath&nes, Paris , 1856, Par M. Poi'lain de Bossay. Messieurs, Je ne connaispas M. V. Gu6rin, et personne ne m'a pjrie- de parler ici tie son double memoire dont il a fait hommage a la Society, et qui a pour tit re : Description de Vile de Patmos et de Vile de Santos ; mais M. Guerin est jeune, il est instruit et il entre dans la carriere que j'ai laborieusement parcourne avec des fortunes diver - ses; a tous ces titres ma sympathie lui est acquise. Veuillez done me permettre de vous entretenir quelques instants de ce travail, sur lequel, a l'Academie des in- scriptions et belles-lettres, notre savant collegue M. Gui- gniaut s'est exprim6, a bon droit, d'une maniere bien- veillante. La (le lieu le permettait) , le m6moire a pu etre appreci6 sous tous les rapports ; ici , comme tou- jours, je me bornerai a l'examiner uniquement au point de vue geograpbique. J'aurai pen de cboses a dire de 1' ile de Patmos, rocber presque sterile dont ne parle ni Homere, ni Herodote ; cependant, messieurs, un grand souvenir est devenu inseparable du nom de Patmos, celui del'exil de saint Jean l'Evangeliste; de plus, cetteile, de- XIII. fevrier. h. 9 ( 130 ) puis plusieurs siecles, possede un des monasteres les plus veneres de ces contrees. A ces deux titles, cette petite ile a paru a M. Guerin digue d'etre connue et decrite avec quelquea details. N'eut-il pas fait au- tre chose, l'auteur du memoire aurait prouve unelfois de plus que 1' education donnee depuis la renaissance, que l' education qu'il a recue ainsi que nous tous, ne sert pasuniquement a faire des paiens, conime le disent et rimpiinient, sans le croire, ceux qui undent faire de cette etrange assertion une arrue de guerre, arme dan- gereuse, non pour ceux contre qui elle est dirigee, mais pour ceux qui sen servent. Ce n'est pas le seul merite du memoire sur Patinos; si, a la \erite . saint -lean et le monastere sontsur le premier plan, on y trouveega- lement tout ce qui a pu etre dit el tout ce qu'on pent desirer connaitre sur la position de 1' ile, sa description generaleetdetaillee: surlafondation de la ville actuelle de Patmos; sur son administration, ses charges et ses revenus, et sur les niceurs des habitants; enfin, le me- moire est accompagne d'une carte donnant . a une asse/ grande echelle, Tensemhle de Tile de Patnios au\ cotes sinueuses. Le travail sur l'ile de Samos est heaucoup plug eten- du. Pendant un sejour de deux niois, M. Guerin a re- cueilli une foule de documents dont il a su tirer parti, et il est parvenu ainsi a tlonner sur Samos des details plus complets que ceux que Ton possedait jusqu'aee jour. II commence par decrire l'aspect general de Tile, aspect qui n'est rien moins que flatteur, et a ce sujet il fait la reflexion suivante: « Ce serait elre fort injuste » envers les lies de VArchipel que de vouloir les juger ( 131 ) » a premiere vue et d'une maniere definitive, sans avoir » aborde sur leurs cotes ; car, autrement, on serait ten- » te naturellement d'en tracer une peinttire defavora- » ])le et non meritee. En efTet, lorsqn'on traverse pour » la premiere fois les flots de cette mer celebre qui s6- m pare la Grece de l'Asie, on s'etonne d'abord de la » st6rilite apparente et quelquefois reelle de la plupart » des iles dont elle est semee , et coniparant la nudit6 )) de leurs contours et de leurs flancs souvent d^char- » nes, avec lespoetiques descriptions dontnotre esprit )) a (Me berce de bonne heure par la lecture de l'anti- » quite , on eprouve involontairement je ne sais quel » desenchantement cruel, et Ton s'en veut presque a » soi-meme d' avoir detruit, par le spectacle de la rea- )> lite, ces gracieuses illusions que caressait notre ima- » gination. Ganlons-nous cependant de prononcer trop » vite un irrevocable arret contre ces lies et contre les )> poetes qui les ont chantees ; car, meme apres tousles » ravages qu'elles ont subis, et malgre toiis les change- » ments que les atteintes du fer et du feu ont du y ap- » porter, elles conservent toutefois encore assez de ves- )> tiges de leur primitive beaute et de la richesse de leur » sol, pour justifier leur antique renommee; mais ces » vestiges ne se montrent guere qua ceu.x qui f p£ne- )> trent et qui en parcourent Finterieur, » M. Gue>in a parcouru rinterieur tie Samos ; d' apres ce qu'il a vu, d'a- pres les renseignenients qu'il a pris, il fait d'abord con- naltre avec precision Vetendue de File, le climat, la ve- getation , les chaines de montagnes et les caps si nombreux ; puis il d£crit les quatre districts etles vingt- neuf communes de l'ile, et consacre un chapitre entier a ( 132 ) 1' administration actuelle de Samos. Mais, avanl d'abor- der la description detaillee de I'Jle actuelle, il reunit et resume tout ce que l'antiquite a punous en apprendre. Gette partie de son travail est pleine d'interet. M. (iiu-- rin connait les sources, il y a puise largement, mais avec sagacite et sobriete. De la description des ruines actuelles, de la comparaison de ces ruines avec les te- moignages des auteurs, il a su recouiposer en partie les monuments anciens. et rendre la vie a rancienne Sa- mos. Grace au concours intelligent et bienveillant du gou- verneur et du commandant militaire, M. Guerin a pu entreprendre des fondles considerables pour decouvrir l'aqueduc qu'Herodote regardait comme Tin: des trois grands travaux executes j)ar les Grecs dans cette de; d'autres fouilles ont 6te commencees et brusquement interrompues sur I' emplacement du temple de Junon. Quant au premier travail, les fouilles out ete executees sur une longueur de /|00 metres et out mis a d6couvert les restesbien degrades d'un canal de 0m,80 de largeur, Ge canal, avanl la domination romaine, conduisait a la ville de Samos l'eau d'une source appelee aujourd'hui Fontaine Saint-Jean. En parlant de rancienne Samos, ML Guerin emet, sur 1' emplacement prunitifde cette \ille, une opinion queje necrois pasexacte. Qu'il me soit permis d'ajou- ter ace rapport quelques mots a ce sujet. Pour arriver a une conclusion differentc, je me servirai exclusive- ment des renseignements, du reste fort clairs et fort precis, qui me sont fournis par le livre que j'ai sous les yeux. ( m ) L'enceinte de l'ancienne Samos n'avait pas iuoins de lmit kilometres de circuit. Elle renfermait deux colli- nes, 1'uiie au nord, plus elev6e et plus eloignee du port, et s'etendant de Test a l'ouest, et 1' autre a Test , plus pres du port et s'etendant du nord au sud. Sur la col- line la plus elevee, et particulierement aux deux extre- mity, les murs otaient en constructions cyclopeennes ou pelasgiques ; partout ailleurs, et principalement pres de la petite colline, c'est le systeme rectangulaire ou hellenique qui dominait. « Faut-il necessairement expliquer cette difference )) d'appareil par une difference d'epoque, dit M. Gue- » rin , et voir la le travail primitif des Ledges et des » Cariens, les plus anciens habitants de 1'ile, et ici, celui » des sujets du ty ran Poly crate, alors quel'art de batir i) avait acquis une perfection plusgrande etetait menie » arrive a un degre qu'il depassa peu depuis? Jene le » pensepas. Enellet, bien que j'admette que le systeme » rectangulaire finit par prevaloir presque exclusive- it meat dans les belles epoques del' architecture grec- » que, cependant je crois qu'il faut reconnaitre aussi » que le systeme polygonal continua, dans certains » cas, a etre employe avec celui-ci. « Jepense, ajoutel'auteur, que les habitants de Sa- lt mos ont du choisir la cojline la moins elevee, a cause » de son voisinage du port, pour y fixer le siege cle leur » domination naissante. Le plateau plus considerable » de Kastro n'a ete probablement occupe et fortifie qu'a » une epoque posterieure, lorsque la cite recut de pb^ )) grands developpementsetreculapeu a peu vers l'ouest. » Toutefois, il ne reste plus aucune trace, sur cette ( 13/, ) » colline , de constructions cyclopeennes , car les rem- » parts et les tours, dont quelques parties snltsistent » encore, portent i'empremtcd'uii;irt deja perfectioinn4. » II faut croire que, si des fortifications primitives et » plus grossieres avaient precede celles-la, elles ont » 6te detruites et remaniecs par Polycrate, pour deve- » air plus uniibrmes et d'un aspect plus regulier et plus i) elegant In fait qui me parait digne d'observation, )) c'est que la ligne occidental des murs, c'est-a-dire m celle qui s'eloignele plus de la petite colline et qui, » par consequent, n'a du etre reportee si avant qua u une epoque ou la petite cite des Leleges, concentre » d'abord vers Test, autour du port, s'etendit ensuitc » de plus en plus vers l'ouest, est cependant celle dont ») les blocs ofl'rent la regularity la moins parl'aite et qui, i) par le caractere deleur construction, en partie poly- » gonale , et par les dimensions enormes de ses mate- » riaux, se rapprochent davantage du systeme cyclo- » peen ou pelasgique. C'est la, a mon sens, une des » raisons les plus decisives en faveur de 1' opinion que » j'ai emise, a savoir que le systeme rectangulaire, une » fois mis en usage, n'a pas fait disparaitre romplete- » ment le systeme polygonal qu'il remplacait; car il » m'est difficile d'admettre que cette partie des rem- » parts, qui a du etre le plus souvent attaquee, d£truite » et relevee, puisqu'elle regarde la plains, et qui , en » outre, ne deliinitait certainement point la ville primi- » tive, dont 1' extension ne pouvait etre si grande, soit » neanmoins la plus ancienne de toutes. » (Pages 19/i et 198.) Ainsi, selon M. Guerin, les Pelasges (Cariens et ( 135 ) Leleges), premiers habitants de Samos, fixerent leur demeure sur la petite colline, parce qu'elle etaitvoisine de la mer ; si Ton n'y trouve aucun vestige de leur sejour, c'est que Polycrate a fait detruire les murs qu'ils y avaient elev£s et les a remplaces par d'autres murailles construites a la regie droite. Sur la partie occidentale de la grande colline , la presence de cons- tructions cyclopeennes de dimensions enormes sem- blerait devoir attester le sejour des Pelasges , c'est vrai ; mais comme cette partie de la ville est plus eloi- gnee du port et que , pour cette raison , elle a du etfe la derniere habitee , ces constructions cyclopeennes prouvent seulement que les Ioniens, de race hellenique, qui ont possede Samos apres les Pelasges, ont conti- nue , pendant plusieurs siecles , a batir , comme leurs predecesseurs , d' apres le systeme polygonal, en meme temps qu'ils faisaient usage du systeme rectangu- laire. A mon tour , je dirai mon avis sur la Ibndation de Samos. Comme toujours , en etablissant une colonie dans l'lle , les Pelasges fortifierent le point le plus eleve du territoire qu'ils occupaient. lis construisirent des murs a Test, al'ouest et au nord de la plus haute col- line ; au sad la pente abrupte rendait toute cons- truction inutile. Ce point fortifie devint plus tard l'As- typalee , l'Acropole de Samos. Les Ioniens et particu- lierement Polycrate reparerent les murs p^lasgiques partout oil ils avaient souffert , etendirent le mur d'en- ceinte et y enfermerent la petite colline voisine de la mer. Dans toutes ces constructions , ils firent usage du systeme rectangulaire, le seul qu'ils aient employe. ( 13(5 • On le voit . le dissentiment est eomplet. M. (iuerin a senti la difficulty resultant de l' opinion cmpruntee a M. L. Ross el adoptee par lui en ce qui re- gawle le point le premier occupe par les Cariens : je veux parler de la presence de blocs enormes dans la partie occidentale de la plnsbante colline. Pout expli- quer la presence de ces blocs , il est oblige d'admettre la simultaneity longtemps prolonged desdeux systemes polygonal e1 rectangulaire. La simultaneite' moinenta- nee, suit ; elle doit etre adinise dans de certaines li- iTiites . mais elle ne snffil pas pour justifier l'opinion adoptee par 1'auteur. 11 faut aller jusqu'a supposer que des constructions cyclopeennes ont ete elevees dans la partie de la ulle qu'on declare la derniere habitue, posterieurement a la construction pins reguliere adop- tee pour les autres parties de la ville ; ou bien que Polycrate, qui avait detruit les constructions pelas- giques sur la petite colline, avait fait elever des forti- fications polygonales sur la partie occidentale de la grande colline : tout ceci est inadmissible. An moment ou de nouveaux emigrants arrivent dans tin pays et en prennent possession , que les anciens habitants ne soient pas extermines par la colonie nou- velle , qu'il y ait juxtaposition, puis fusion plus ou moins lente , nul ne le conteste; qua des degr6s diffe- rents, cette fusion s'etende a ce qui concerne la secu- rity et le bien-etre materiel comme a tout ce qui cons- titue la culture intellectuelle : d' accord , c'est fort probable ; il a done pu y avoir, a Sanios comme ailleurs, non pas melange, mais simultaneity dans les construc- tions si differentes attributes aux Pelasges et aux Hel- ( J37 ) lenes; mais qu'apres avoir fait usage pendant plusieurs siecles de la construction rectangulaire , les Ioniens , rested seuls maitres de File, soient revenus a batir en polygones irreguliers, je ne puis l'admettre. Nulle part et jamais les choses ne se sont passees ainsi. Si Ton me permettait une comparaison , je la pren- drais dans la marine, et je dirais que 1' invention de la vapeur n'a pas detruit innnediatement les grands bati- ments a voile ; mais ces batiments sont devenus moins nombreux , et disparaitront dans un temps prochain , pour ne plus regner sur les eaux , quoi qu'il arrive. Mais, dira-t-on, d'apres quelques faits observes en Moree, la science moderne l'a decide , les deux genres de construction ont 6te simultanement employes dans la meme muraille. Je r6pondrai que la science archeo- logique a ses caprices, on, si on l'aime mieux , ses systemes. II ne faut pas sen plaindre ; tous ne sont pas fondes en reality , mais tous concourent au pro- gres de la science par la contradiction et par les lu- mieres qui en r£sultent. Quant aux faits, s'ils 6taient materiellement et historiquement' bien constates, je n'aurais qua me taire ; car je ne comprendrai jamais, qu'entre une conjecture et un tenooignage irrecusable, il puisse y avoir hesitation ; mais je ne crois pas qu'il en soit ainsi. Dans ma retraite isol6e, toutmoyen de verification me manque ; je suis reduit a mes souvenirs ; mais dans un temps deja eloigne, j'ai beaucoup etudie la geographie ancienne dela Grece ; je connais les voyageursmodernes qui ont parcouru ce pays ainsi que l'ltalie avant 1830 ; le nombre des locality ou les constructions pelasgiques ( 138 ) out ete observes par eux depasse trois cents : j'en ai la liste: tantot les constructions sont coniposees de blocs plus ou moins bruts, comuie a Ithntpte s on de poly- genes plus ou moins reguliers, ootnmi a EpitiaHte de Laconie ou a lumdi ; mais nullepart . que je sache, les voyageurs n'ont vu le melange des deux s\stemes dans un inur bati k une inline epoque, ou la construction belleniqne surmontee de la construction pelasgique , tandis que 1'inyerse se rencontre tres frequemment; ajoutons que tous les monuments attfibties avec certi- tude aux Hellenes, sont construits en parallelogrammes et par assises horizontales et regnlic-res. Certes, M. Abel Blouet etaitl'homme le plus capable de voir et de bien voir : s'il dit avoir remarque de la construction belleniqne intercalee dans un mur de construction polygonale, ce n'est pasmoi qui. pour les besoins de la cause , mettrai en suspicion son habilote ni sa sincerite. Cependant , je ne me rendrai pas encore, j'appellerai un nouvel examen, non plus consciencieux, inais plus approfondi. (les assises de pierres taillees a la regie droite , qui se trouvent sous des pans de murs en polygones irreguliers , appartiennent-elles bien a la construction primitive des murailles? ne seraient- elles pas nne restauration executee dans des temps posterieurs? Ne devrait-on pas etablir historiquement 1' epoque ou out ete batis les murs dans lesquels ces anomalies ont ete remarquees? One s'il s'agissait do murailles elevees ou reparees a la hate , avec tout ce qui se trouve sous la main , tels que les murs du Pir6e releves par Tbemistocle , ' on n'en pourrait rien con- clure. ( 139 ) Objecterait-on enfin que, de nos jours, nous voyons 1' architecture appel^e gothique renaitre apres avoir ete' negligee pendant plusieurs siecles. Je repondrai d'a- bord, qu'entre le retour d'un style aim autre etle me- lange de ces deux styles , la difference est grande ; je repondrai surtout que l'architecture gothique et l'archi- tecture grecque sont deux styles egalement parfaits , et non deux systemes de construction dont l'un etait en harmonie avec la brillante civilisation de la Grece hellenique, et dont l'autre, plus grossier, ne pouvait convenir qua une civilisation pen avanc^e , et ne pou- vait reparaitre une fois oublie, parce (pie 1'esprit hu- main ne marche pas a reculons. Au reste , ce que j'ai dit sur la position primitive de Samos, M. Guerin l'avait exprime lui-meme en s'ap- puyant de l'autorite de Strabon (page 179). Plus tard, la consideration du voisinage de la mer l'a fait incli- ner vers 1' Opinion einise par M. Ross; je crois qu'il voyait niieux quand il n' etait guid£ que par ses propres lumieres. Sans doute la navigation n'£tait pas comple- tement etrangere aux Pelasges ; mais ils se livraient a l'agriculture plus qu'au commerce; la proximite du port leur importait peu ; au contraire , il leur impor- tait beaucoup de pouvoir se mettre a l'abri d'une attaque soudaine. A Samos , ils out done agi comme partout oil ils se sont etablis ; car suivant le temoignage de De- ny s d'Halicarnasse (et les faits prouvent la verite de cette assertion) ils avaient coutume de faire leurs villes petites et de les fortifier sur les points les plus eleves, sur les montagnes; d'autres peuples etaient mus par des considerations differentes. S'il s'agissait, 1 40 ) par exemple, d'une colonie de Milesiens, je compren- drais ;i merveille l'importance qu'on attacherail au voi- sinage de lamer, en chercliant a fixer la position pri- mitive de la ville fondee par eux; niais il ne laut pas confondre les temps et Irs peuples. Je n'insisterai pas davantage : et d'ailleurs, ce qui vient d'etre l'objet d'une discussion de ma part, n'etait, poiir M. Guerin, qu'une question fort accessoire, qu'il toucbe incidemmeni dan- son remarquable travail ; unc etude plus longue et plus reflechie 1'aurait peut-etre 1'aiL pcrsister dans l' opinion qu'il paraissait avoir adoptee en commencant [analyse des documents que units fouinit Uantiquite au sujet de In ville de Santos. Quoi qu'il ensoit, messieurs, le double memoire de M. Guerin sur Patmos et sur Samos est une u?uvre consciencieuse ou se montre le talent nourri et l'ortifie par d'excellentes etudes. Desormais, quiconque voudra savoir quelque chose sur les lies de l'Arcbipel devra consulter cet ouvrage, et quiconque desirera acquerir des connaissances plus etendues et plus approl'ondies sur ces deux lies, ne pourra se dispenser de le lire avec toute 1' attention qu'il nierite. ( m ) RAPPORT SUR l'ouvrage intitule : Narrative of an exploring -voyage up the rivers Kwora and Binue, in 1854, by Will. Balfour Baikie. Lond. Murray 1856. L'expedition accomplie, il y a deux ans, par le bati- meut anglais la P/eiade, sur le Kwora et le Binue, est une des plus importantes de celles dont l'Afrique a et6 recemment le theatre, et la relation que vient d'en publier son chef scientifique, le docteur Baikie, offre, a plusieurs points de vue, un vif interet. Les lecteurs de ce recueil savent dans quelles circonstances cette expedition fut resolue : Barth s'tHait engage dans les regions qui s'etendentau midi du lac Tchad, et, en pe- netrant dans l'Adamawa, il avait vu deux grands cours d'eau auxquels les indigenes donnent les noms de Faro et de Binue, et qui, apres s'etre r6unis, coulent de Test a l'ouest dans une direction qui lui parut etre celle du Niger (Kwora) et de l'Atlantique. D' apres ces indices et quelques vagues renseignements que lui fournirent les habitants du pays, il conjectura que le Binue devait former le cours superieur de la Tchadda, cet enorme affluent du Niger dont 1' embouchure avait, seule encore ete entrevue par des Europeans. Dans le cas ou cette conjecture se trouverait justifiee par r6v6nement, on avait le plus grand interet a eprouver si le Kwora et le Binue etaient praticables de l'Atlantique jusqu'au point { 111 ) oil Barth avait vu ce dernier cours d'eau. Dans ce cas, en effet, au lieu d'aborder, connne on l'avait fait jus- qu'alors, le Soudan central par la route longueet peril- leuse de Tripoli et du desert, on allait se trouver en possession d'une voieconduisant jus(pje vers le bassin du Tchad a travers des regions fertiles, populeuses, bien cultivees et relativement industrieuses , a en jiiger du moras par la description que l'intrepide voyageur faisait de l'Adamawa. Ala verite, de facheux precedents rap- pelaientqu'une telle entreprise ne pouvait s'accemplir sans de grands dangers: deja, depuis 1830. epoque a laquelle les freres Lander avaientreconnu reinbouchure du Niger, quatre tentative avaient ete faites pour remon- ter ce fleuve et elles avaient toutes avorte au milieu de desastres qui pouvaient sembler decourageants. Toute- fois, le consul anglais de Fernando-Po , M. BeecKrft, l'un des plus perse\eiantsexplorateursde cette portion del'Afrique, s'offritpourconduire une nouvelle expedi- tion, et M. Laird, le meme qui, en 1832, etait par- venu, en compagnie de MM. Allen et Oldfield, jusqu'a Dagbo, a l'entree de la Tchadda, en dirigea les prepa- ratifs. La Plomde, petit steamer pour\ u d'une machine de la force desoixante chevaux et ayant un tres foible li- rant d'eau, fut destinee a cette reconnaissance. Mais au moment ou elle parut en vuede la cote de Guinee, M. Bee- croft venait de mourir et ce fut le docteur Baikie, Fun desmembres de l'expedition, qui fut charge de le ivm- |)lacer. Nous sommes heureux de pouvoir constater ici, en presence du succes leplus complet, que le uou- veau chef s'est montre par son intelligence, son acti- ( U8 ) vite, sasage moderation, a la hauteur de la tache diffi- cile dont il se trouvait charge. Ses instructions comportaient d' employer aussi peu de blancs que possible, de remonter durant la saison pluvieuse , d'employer la quinine coinme preservatif contreles influences pernicieuses du climat. II avaitpour mission d'explorer la riviere de Dagbo en s'avancant dans Test, de rechercher Barth et Vogel et de les rame- ner en Europe s'il les rencontrait. Parmi les membres de l'expedition scipntifique, nous citerons M. May, offi- cier de la marine anglaise , qui avait offert spontane- ment ses services et qui s'est distingue par sa louable activite ; le reverend M. Crawther, qui avait plusieurs fois deja explore le delta du Niger; M. Hutchinson, me- deciu et naturaliste. L'equipage comprenait au total 12 Europeens et 53 hommes de couleur. Cefut en juillet 185/i que la I'lciaile penetra par le Rio Nun dans le large delta du Niger, labyrinthe chan- geant ou les enormes atterissements du fleuve comblent et ouvrent constamment de nouveaux canaux. Allen en avait dresse, en 1832, une carte qui n'est plus toujours exacte ; M. Baikie cite, entre autres changements impor- tauts, la formation de la grande ile de Thuesday qui, en 1832, n'etait quun bas-fond ; M. Beecroft vit, en 18A1, sur 1' emplacement quelle occupe, un banc de terre et de sable a niveau d'eau, et c'est aujourd'hui une ile couverte d' une forte vegetation. Le delta est la partie la plus insalubre du fleuve, et ce fait tient surtout a la prodigieuse fecondite du sol. Faisant obstacle au renouvellement de l'air, des forets d'arbres gigantesques bordentles deux rives et corrom- ( llih ) pent l'cau par la quantite de detritus vegt'taux qu'elles y versent. Aussi rien n'est triste connne le paysage qui se deroule en ce lieu : un mince ruban de ciel, l'eau du fleuve , une sombre et lourde verdure. Grace au\ pre- cautions liygieniques et a une ration quotidienne de quinine, 1' equipage ne fut pas malade, niais on ne coin- inenca a vraiment respirer que lorsque la Pleiade eut depasse le point ou le fleuve se partage et qu'on fut parvenu au lieu on s'ouvre sur les deux rives la per- spective d'une large et populeuse valine. Des details pleins d'un vif interet sur les mocurs et la physiononiie des peuplades qui s'etendent sur les bords du fleuve, abondent dans la relation de M. Bai- kie; niais ilsont 6t6 ou seront reproduits par d'autres recueils et, malgreleur attrait, nous devons leur pilfe- rer ici les renseignements dont le caractere est plus specialenient geograpliique ; nous allons done nous ap- pliquer a extraire de l'ouvragc de nos voyageurs la liste des peuplades et des lieux que 1' expedition a visites taut a son aller qua son retour. Voici les noms des pays qui sont situes de 1' embouchure du Rwora au point extreme que 1' expedition a atteint sur le Binu6 : Sur les deux rives s'etend l'Oru dont le Nhnbe fait partie. Le lieu principal de ce pays, Angiania, est place sur le fleuve ; la position de la ville de Nimbe dans l'in- terieur des terres est incertaine. Au dela de l'Oru, l'lgbo dont 1' \ bo forme une dependance. G'estun des pays que M. Baikie a le plus amplenient decritsala fin de sa re- lation, etnousne saurions niieux faire que d'y renvoyer le lecteur s'il veut s'instrnire des usages, de la religion et des superstitions bizarres du peuple africain qui l'ha- ( H5 ) bite. Au nord de l'lgbo, l'lgara qui forme, au dire de M. Baikie, un meme Etat avec l'Akpoto, lequel s'6tend sue la rive gauche du Binue\ Le souverain de ce pays porte les deuxnonis de atta, qui signifie pere, et de onu qu'on peut traduire par chef. II reside a Idda, jolie ville situ6e dans une position pittoresque sur la rive gauche du fleuve. L'lgara ne s'6tend pas sur la rive droite, laquelle est occup^e par l'Etat d'Ado. Outre Idda, les principaux lieux vus pari' expedition sont Agb6danama, puis Igb6be~ un peu au-dessous du confluent des deux cours d'eau. Le sommet de l'enorme angle obtus que for- ment en ce point le Ivwora et le Binue" est occupe par le Igbira-Panda, l'un des Etats les plus industrieux et les plus peuples de toute cette region. Par malheur il venait, au moment du passage de la Pleiade, d'etre saccage" par une invasion de Fellatahs, Peuls ou Pulo. (C'est cette derniere forme que M. Baikie adopte dans la liste des trente-cinq variantes du nom Fellatah qu'il donnedans son appendice.) Panda, cette ville florissanteau temps ou Lander l'avait visitee, n'etait plus qu'un amas de ruines, et lesterribles conquerants menacaient de faire subir, aprtis le temps de 1'inondation, le meme sort a Yimaha qui l'avait rem- plac^e comme capitale. Apres le Igbira-Panda s'ouvre le Bassa, dont le chef-lieu est Abatsho. Dagbo, point atteint il y a vingt-quatre ans par Oldfield, est la pre- miere ville du Doma, Etat qui embrasse les deux pays de Agatu et de Keana, et qui est, ainsi que le Bassa, situe" sur la rive droite du Binue. La rive gauche appartient aux Mitshi, peuplade sauvage tres inf6- rieure, pour le physique et l'intelligence, aux autres XIII. f£vrier. 5. 10 ( M» ) negres de cette region, dontils ne sont pasoriginaires. L' expedition fit a Ojogo, ile du Binue et ville impor- tante du Douia, un sejour d'une dizaine de jours motive par l'esperauce de rejoindre Barth et Vogel. Depuis l'entree du steamer dans la riviere, on s'etait constam- ment informe aupresdes naturels s'ils n'avaient pas vu les deux Europeens. Un homme d'Ojogo fit une telle description el Excmo. Senor don Antonio Remon Zarco del Valle, presidente de la real Academia de eiencias. Madrid, 1857, in-4". M. le general Zarco del Valle. AFRIQUE. Voyages au Soudan oriental, dans FAfrique septentrionale et daus l'Asie Mineure, par M. Pierre Tremaux (2IC, 22% 23' et 24' livrai- sons). M. Trlmaui. AMERIQUE. Projet d'un canal maritime sans tfcluses, entre I'ocean Atlantiquc et I'oc^au Pacifique, a I'aide des rivieres Atrato et Truando , par M. F. Kellcy, de New-York. Precede! d'une introduction, avec une carte, sur les different* projets de communication interoceauique propose'! jusqu'a ce jour, parM. V. A. Maltc-Brun ; et suivi d une Icttre de M. le baron Alex, de Humboldt. Paris, 1857, br. in-8". M. de La Roquette. BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHFE. MARS 1857. leiifioircs, clc. QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES MOYENS DE DEVELOPPER LE COMMERCE DE LALGERJE AVEC LINTERIEUR DE l'aFRIQUE, ET EN PARTICULIER SUR CEUX DE SE RENDRE d'aLGERIE DANS LE SENEGAL EN PASSANT PAR TOMBOUCTOU ; ACCOMPAUNEES DE REMAItQUES SVR LE MAROC. M. le president de la Society de Geographie ayant invito M. Snider-Pellegrini, negotiant et voyageur, a informer cette Societe des importantes observations qu'il a faites dans ses nombreux voyages, et en parti- culier pendant son sejonr en Afrique, M. Snider-Pelle- grini a pris la parole en ces termes : J'ai fait un long sejonr en Ameriqne ; j'ai parcouru unepartie de 1' Afrique etde l'Asie, apres avoir, a plu- XIII. mars. 1. 11 ( 162) sieurs reprises, traverse" l'Europe dans les deux sens. Lelmt de mes voyages a £t6 tout commercial : j'avais en vue la decouverte des produits et manufactures, 1' etude des arbitrages possibles entrc les pa\s. lis eclianges a etablir eutre des produits qui manquaient d'un cote tandis qu'ils surabondaienl de 1' autre; j'ai natuicllt'iiient pris pour guide la Geographic, sans la- quelle il n'y a pas d' etude du globe possible; et je con- signerai tout de suite ici une observation : c'est qu'il serait a desirer que l'enseignement de cette science ful plus repandu chez toutes les classes. Dans mes voyages en efl'et, j'ai rencontre des hommes qui auraient pu rendre des services immenses a la society et a eux- memes, s'ils n'avaient completement ignore I'existence de cette etude. On en verra la preuve par ce que je en nit'mc temps rapporte des itineraires et recueilli » des observations nouvelles sur les earavanes ipti tra- » versenl cette partie du Sahara. » Je crois devoir traiterce sujet, qui intOresse plus par- ( 163 ) ticulierement la Societe de Geographie et le gouverne- nient francais. J'ai entretenu ties relations commerciales avec le Senegal, la Gamble, Sierra-Leone, Liberia et la Cote- d'Or; il me reste en ce moment encore un etablisse- ment a Safli dans le Maroc : j'ai done, eu souvent occa- sion de causer sur le centre de l'Afrique, et sur Tom- bouctou en particulier, avec des personnes qui y out sejourne. Tombouctou n'est plus ce pays inabordable que 1' imagination se representait, il y a trente ans ; les voya- geurs savants nous out deja donne sur sa route des details plus ou moins exacts, soit par la voie de Ben- ghazi, Tripoli et Tunis, soit par la voie occidentale : routes egalement dangereuses, il est vrai , mais prati- cables. Les voyageurs illettres, les bumbles messagers, domestiques et trafiquants, aussi bien les naturels que les Europeens, y ont pen6tre plus souvent et plus faci- lement , h l'aide soit de leur position, soit de leur com- merce; ils ont pu s'arreter sur la route, frequenter les villages et les peuplades intermediaires. Accueillis sans defiance, ils ont mieux connu les mceurs, les usages et les positions locales; mais malheureusement ces voya- geurs, etant eux-memes ignorants, ne se sontpas rendu compte de 1' importance de leurs decouvertes et out laisse dans l'oubli, comme une chose sans valeur, les details de leurs voyages. Voici un exemple que je choisis parmi ceux qui me sont tombes sous la main. A Tanger, au mois de mai 1853, j'ai rencontre deux matelots europeens; ils etaient vetus d'un bournous ( l«4 ) arabe, leur aspect et leur accoutrement etaient misera- bles ; ils marchandaient a un juifdesvieux habits dans ebutdes'habiller a l'europeenne et de pouvoir ensuitc s'engager sur on navire et rentrer dans leur patrie. J'offris de leur payer ces habits, a condition qu'ils me raconteraient leur voyage ; ils accepterent, et voici ce quej'appris d'eux : lis arrivaient a Tanger venant de Fez, ou ils avaient laisse la caravane avec laquelle ils etaient partis de Tafilet ; l'un d'eux etait Francais, 1' au- tre Italieu. lis s'6taient enfuis tin Senegal, apres avoir tons les deux desert6 leur bord, dans le but d'aller chercher dans l'interieur de la poudre d'or. Perdus dana leur isolement et trompes dans leurs calculs, ils furent reduits k se faire domestiques dans les caravanes et arriverent ainsi a Tombouctou; c'est dans ce lieu que le hasard les a reunis, et parlant a peu pres la meme langue, ils ne se quitterent plus, r6solus de re- tourner ensemble en Europe. Ils prirent a Tombouctou du service dans une caravane qui se rendait an Maroc, oii ils arriverent apres trois mois de voyage. Partis de Tombouctou avec /i00 chameaux, lc nombre de ces ani- maux s'augmentait sur la route , mais diminuait aussi d' autre part, en sorte qu'il ne demeurait jamais le meme : ils en avaient 350 quand ils atteignirent Tafilet, sur les- quels 120 seulementpartirent pour Fez. II l'autremar- (pier que, lorsque la caravane retourne de Fez a Tom- bouctou, elle passe par lesmemes stations ; les petites ca- ravanes s'y joignent sur la route et s'arretent de la meme maniere. C'est ainsi que se font les affaires et les^chan- ges; ces reunions s'operent dans le but d'etre plus nom- breux pour se defendre contrc les brigands du desert. ( 165 ) Questionnes sur les noms des villages et des etapes qu'ils avaient traverses, et qui in'interessaient le plus a connaitre, les deux matelots restaient muets, faute de souvenirs. Ni l'un ni 1' autre ne pouvait lire ni ecrire ; ne sachant que peu de mots de la langue locale, ils n'osaient faire aucune question ni a leur maitre , ni aux habi- tants sur leur passage; du reste, ilsm'ont avoue qu'ils ne prenaient aucun int6ret a retenir ces noms bizarres, qu'ils ne se seraient jamais doutes qu' aucun etre sur la terre serait assez curieux pour les interroger sur les noms et locality barbares de ces deserts, d'oii ils allaient sortir pour n'y jamais retourner. J'ai cherche" a aider leur m6moire, en leur citantles noms desloca- lites les plus importantes ou ils devaient avoir passe, comme Mabrouk, Moussi, Tervaber, Al-Moseken, Ara- bier, Tuat, Farsik, Bir-Quell, Bir-el-Gabah, Ghdames, qui sont sur la route des caravanes ge"n6rales de l'Est. Aucun de ces noms n'etait jamais arrive" a leur con- naissance. Je leur citai alors les noms de toutes les Stapes faites par Ren6 Caillie" en 1828 : El-Arawan, Mourat, lepuits Telig, Trasas, les puits Amoul, Helk, Amoal Taf, El- Ekseif, Maraboudy, El Gueden, Mayara, Sibicia, El Ha- rich ou Harih, Bounon, Mincima, les puits Yenegueda, Faratissa, Bayabara, Zanega, Yabo, Chaneron, Niela; ils ne connaissaient pas davantage ces noms. Ils ne connaissaient non plus celui de la ville de Walet , mentionne'e par Mungo Park et considered comme aussi importante que Tombouctou. II devenait done Evident pour moi que ces deux hommes ou me racontaient des fausset£s et n' avaient ( 466 ) pas ete a Tonibouctou , ou venaient d'une route occi- dentale, qui n'avait encore ete same par aucun voya- geur europeen. Du reste, mon consul, M. George D. Brown, consul general dea Etats-l nis, el mon hono- rable ami le chevalier de Martino, consul general de iNaples a Tanger, m'ont assure qu'U arrivait assez sou- \ cut de pareila individus venant de l'interieur, et ge.- neralement aussi stnpides que cenx-ci, et dont lis ne pouvaient tirer aucun renseignement ; e'est ce qui res- sort egalement d'une brochure publico par M. Drum- mont Hay, consul general de S. M. Britanniqne. Ge- pendant un fait positif existait pour moi : cea denx hommes venaient certainement de Tafdet, et comment s'etaient-ils trouvesn Tafilet? Iln'y apasde doute qu'ils fussent arrives par nier, puisqn'ils etaient matelots ; snp[)Osons meme qu'ils en imposassent et qn'ils ne fussent pas partis du Senegal pour Tombouctou : alors ils seraient debarqu^ssnr la cote, parexemple, a Gapo- Blanco, Gintra ou le cap Bojador; mais en ce cas leur traverser aurait 6t6 encore plus extraordinaire et plus curieuse, et prouverait qu'il y a des populations la ou nous les croyons impossibles, a cause des sables mou- vants. Cependant, malgre" 1' opinion contraire, mon avis est que toute cette region occidentale qui s'etend entre le Senegal et le sud du Maroc est penplee par de nom- breuses penplades ou tribns, et la preuve en est que cette region, dont la partie meridionale formait l'an- cien royaume de Ghalata et la septentrionale celui des Zanhaga, possede dans sa partie centrale les plus riches mines de sel, des forests immenses d'ou les ( 107 ) Maures tirent la gomme, l'huile de palme et les dattes. 11 y a trois routes connues et pratiquees. L'une com- mence en face de Capo-Bianco, a Arguin, ancienne factorerie portugaise, passant a Haden, qui etait aussi une factorerie portugaise, distante de cinquante lieues de la premiere, vade Haden a Teshecl, ou se trouve une celebre mine de sel ; puis a Shingarin, oil existe 6gale- ment une mine de sel. De cet endroit il y a une route pour Arawam et une autre pour Ezawan, qui est a lmit lieues de distance de Tombouctou. La seconde route de ce desert part du meme point, d' Arguin pour Tombouctou, passant plus au nord par les forets de palmiers, par Tegazza , grande mine de sel, par les puits Azared, Tobazah, par le yj11 ge Jau- denie, le puits Games et finalement Arawam, qui est en ligne directe a vingt lieues nord de Tombouctou. La troisieme route s'eleve plus encore vers le nord : partant du meme point d' Arguin et par la ligne prolon- ged dn littoral, elle arrive a la riviere Torrent A Tripoli 8 15 Et les distances sont marquees comme il suit : De Tiiiihnuctoii a Tripoli, journcps dc manhe 73 ■< a Tunis, » 84 » a Constat) tine, » 92 » an Maror >. 125 Aiiisi. si les provenances do Tombouctou devaient passer au Ahuuc par l'itinei aire susdit, la poudre d'or, Les dents d'elephants et les depouilles d'autruche vau- diaient dans le Maroc 50 a 80 pour 100 plus cher qua Tripoli ou Tunis, en raison de ce que les caravanes aniveut a Tripoli en 75 jours, a Tunis en 8/i, et a Ma- roccoen J 25 jours. Or, comme j'ai verilie que ces ar- ticles se vendaient a Alarocco au meme prix qua Tri- poli et a Tunis, il s'ensuit naturellenient qu'ils arri- \aient droit de Tombouctou au Maroc par une route aussi courte que celle qui mene a Tripoli ou a Tunis. Persuade qu'une communication directe a l'ouest de l'Alg6rie, passant par Tafilet, }>ourrait s'ouvrir avec le S6n^gal aussi bien que celle qui, dans mon opinion, existc de\ja entre Tafilet et Tombouctou , je me propo- sals d'examiner la position de la premiere etape a eta- blir. ( 171 ) Mais avant de traiter ce point, permettez-moi de ne pas quitter Tanger sans vous donner, d'apres mes pro- pres observations, ce que je pourrais appeler la physio- logie du Maroc. Toutes les fois que j'ai ete dans le Maroc, que j'ai passe" devant ses bords, ou que je l'ai regard 6 sur la carte geographique , j'ai eprouve une Amotion qu'il ui'est impossible de rend re ; et comme tous les hommes qui, faute de talent, sont incapable sde rendre leur sen- sation interieure et cherchent a se faire cotnprendre par une comparaison, je proposerai la raienne, afin que vous saisissiez ma pens6e : Je regarde Paris comme la plus belle ville du monde, ses boulevards comme la plus belle partie de Paris, et le boulevard des Italiens comme la plus belle partie des boulevards. Or, si le boulevard des Italiens 6tait un tas de decombres ! quelle horreur! diriez-vous, messieurs, avec beaucoup de raison ; vous en seriez in- dignes, et votre indignation s'augmenterait, toutes les fois qu'en les traversant, vous feriez attention qu'au lieu de remettre ce joli quartier dans son 6tat normal, on laisseraits'anionceler les decombres. Si du Nord au Sud il y avait une ligne de boule- vards habites, le Maroc serait le boulevard des Italiens ; la carte geographique a la main vous en donne la preuve. Et tel il est en effet; nul point du Globe n'est plus central, plus avantageusement situe, mieux favoris6 par la Providence , et cependant de tous il est le plus neglige , le plus avili , le plus miserablement administre. ( 172 ) Ma comparaison comprise, je vais vous dire main- tenant ce que j'ai trouve dans le Maroc. Je ne vous parlerai pas de son etendue, de ses ri- vieres, de ses mines, de ses richesses geologiques et botaniques ; le tout d'une immense valeur, comme sa position geographique : cela vous est connn; je vous tracerai en peu de mots 1'6 tat de son organisation. Le Maroc est gouverne en ce moment par un empe- reur octogenaire, qui depuis un demi-siecle regne et administre avec le meme syst6mc que suivaient depuis des siecles ses pr6decesseurs ; e'est-a-dire qu'il est le maitre absolu de toutes les tcrres, de tous les homines, et l'heritier de toutes les fortunes de ses sujets. Sa politique est d'appauvrir le plus possible les ha- bitants de ses Etats, dans l'idee que, tant qu'ils sont pauvres, ils n'ont pas les moyens de se revolter. Rien, par consequent, n'est neglige pour arreter leur pros- perity ; il entrave le plus possible le commerce avec les Strangers, qu'il abhorre generalement ; il leur permet de passer, et meme il ne les empeche pas de s'etablir dans certains ports de mer ; mais veulent-ils se rendre a Marocco, ils doivent en faire par 6crit la demandc a l'empereur, par l'entremise du gouverneur, expli- quant le motif de leur voyage. Si l'autorisation est obtenue, le voyageur peut alors aller a Marocco, pourvu qu'il y portc des presents pour l'empereur et ses ministres; si son but est de faire des affaires com- merciales, il faut qu'il sache par avance qu'il echouera dans tous ses projets, perdra ses frais, sera plus ou moins vole. Les revenus annuels de l'empereur sont tres consi- ( 173 ) durables ; il pereoit en nature la dime de toutes les recoltes de ses sujets ; les douanes lui rendent enormS- ment , car l'importation n'est pas seulement pour la consommation du Maroc, mais aussipour le transit qui passe a Test et au sud, et tout payele meme taux. La somme des droits et le mode de les acquitter, varient ; quelquefois il fait payer le dixieme en nature, ce qui fait ouvrir toutes les balles des tissus, et sur chaque dix pieces le douanier en garde une, ainsi de tous les autres articles. Ce systeme porte beaucoup de frais de d^ballage et emballage, gate souvent les marchandises, attendu que l'operation se fait a ciel ouvert ou dans des localites fort sales. D' autres fois, il exige le droit d' entree en numeraire, prescrivant le payement en piastres espagnoles (douros) : il ne recevrait a aucune condition d' autre espece de monnaie ; toutefois, de- puis quelques ann^es, les pieces de cinq francs sont admises. Souvent encore, il impose tels articles a payer en especes , et tels autres en nature. Ce dernier systeme est maintenu en ce moment, et voici les six articles fixes a payer en especes le droit d'importation : onces douros Coton en balles, le petit cantar de 119 liv. anglaises. 60 soit 3 Cafe\ id. id. 60 3 Sucre. id. id. 60 3 Fer. le gros cantar de 178 liv. anglaises. 60 3 Clous. id. id. 80 4 The". la livre. 5 1 fr. 25 Tous les autres articles doivent donnera l'importa- tion la dime en nature. Exportation. — L'exportation des produits du Ma- ( 17/i ) roc, corarae aussicequi vient de l'interieur de l'Afrique clans le AJaroc, est, en principe general, pmliibe pour le commerce et reserve en monopole au profit de l'em- pereur ou de ses creatures. Cependant, il y a un petit nombre d' articles dont la sortie est permise de temps en temps, payant des droits d'exportation plus ou inoins eleves, selon les ports plus ou moms favorises. En ce moment, voici les articles dont ['exportation est permise, et le chiffre des droits a payer : Le petit cantar de 119 liv. Gomme sortant des ports de Safti et Mazagan 25 ouces. Cire id 121 Laines lavees, des niemes ports 1 20 La meuie laiue sortaut du port de Mogador paye seulement 90 Huile d'olive sortaut de Mogador 00 La menie huile sortaut de Saffi ou Mazagan 90 Laine brute 80 Peaux de boeufs 00 Peaux de moutons, de chevres : cbaquc penu 1 Les bestiaux, la viaude seehe ou salee, les legumes, le miel, le bois, les os, les blcs, les orges, dont il y a des uuantites iuimenses, sont prohibiis a la sortie; Le mai's et les feves font, depuis quelques amines, exception, et donnent a l'empereur des millions de re- venu a cause de leur sortie, sans faire le moindre bien au pays. Voici comment ceci se pratique : L'empereur donne des permissions d'exporter , moyennant un droit de 15 onces par fanega, payables en especes. C4es permissions sont accordees a ses favoris et a ses ministres; ceux-ci les exploitentavec des asso- ci6s particuliers, les uns et les autres s'enrichissent en peu de temps. Bien entendu que, aussitot que l'empe- ( 175 ) renr connait qu'ils out (ait une grosse fortune, il les met en prison, sons nn pretexte ou 1' autre, et pour racheter leur liberte ils sont obliges de degorger tout 1' argent gagne, en le versant dans les caisses impe- riales. Un episode de cette nature s'est passe presque sous mes yeux, lorsque j'etais a Tanger en 1853. Un nomme Mnstapha Ducaly etait associe dans ces opera- tions avec le premier ministre de l'empereur. Ce Du- caly, disposant de ces permissions, vendait du mai's en grande quantite ; il m'a vendu a moi-meme 25,000 fa- negas au prix de 25 onces la fanega rendue a bord a Safli; le mai's lui revenait, rendu an port, paries paysans, a k onces; 15 etaient le droit a payer : par consequent, leur profit ostensible etait de 6 onces par fanega, ce qui etait deja un assez job benefice. Mais probablement ils ne limitaient pas leur profit seu- lementa la difference duprix, etilleur etait facile d'en faire sortir des quantites plus considerables. L'empe- reur, ay ant toujours l'ceil sur eux, ne manqua pas d'etre informe du nionient ou leur caisse counnencaa se rem- plir, et il les fit immediatement mettre en prison. Le ministre y resta; mais Ducaly, plus ruse, s'etait arrange pour ne pas laisser trouver beaucoup d'argent comp- tant chez lui : il recut ordre de se rendre aupres de l'empereur pour declarer ou etaient ses richesses, et mon consul m'ecrivait a Londres, a la fin de 185Zi, a ce sujet dans les termes suivants : (( Ducaly montra a l'empereur qu'il avait employe » son argent dans des batisses a Casablanca, et que la » moitie des maisons de la viUe de Tanger lui appar- ( 170 ) » tenaient ; ce fait verifie apres six mois de detention a » Fez, Ducaly a pu retourner a Tanger, et cela dans » le but d'entretenir ses immeubles qui doivent a sa » mort revenir a l'empereur ; c'est ainsi qu'il apu sau- » ver sa vie. a L'enorme quantite de rnai's que le pays produit et les demandes des consuls adressees a l'empereur pour qu'il en pennette l'exportation , l'ont enfin decide a laisser exporter le mai's et les feves moyennant l'enorme droit de 18 onces parfanega. Vingt onces equivalent a un douro ou piastre espa- gnole qui fait 5 fr. 30 c. ; la piece de 5 francs est acceptee pour 19 onces. Deux fanegas font un hecto- litre ; le paysan vendait son mai's au baa prix de h onces la fanega, soit 1 fr. 6 c. De maniere qu'en mesure et monnaie de France, le mai's vaut dans le pays 2 fr. 12 c. l'hectolitre , et le droit d'exportation a payer est 9 fr. 5/i c. : ainsi l'hectolitre revient a 11 fr. (36 c. L'Irlande, qui consomme Gnormement de mai's, en a tire du Maroc considerablement. Cette demande con- tinuelle a fait un grand bien aux Marocains, et le prix de h onces s'est eleve jusqu'a 8 et 9 onces ; le droit a du rester le meme. On n'a jamais pu obtenir de l'enipereur la permis- sion d' exporter le ble ni l'orge, sauf ,'quelques conces- sions accordees a ses favoris. La recolte de ces deux c6r6ales a etc 6norme ; les trois dernieres ann6es , les paysans offraient le ble a 3 onces la fanega (1 fr. 59 c. l'hectolitre), sans trouver d'acheteurs! car du moment qu'on ne peut pas 1' exporter, a quoi bon l'acheter? Les paysans out et6 obliges de mettre tout dans les ( 177 ) silos, sous terre ou il en existe deja des dep6ts en quantity considerables, datant des annees pr£c£dentes et vraisemblablement pourries. Les consuls de Tanger out fait toutes les demarches diplomat iques possibles pour obtenir de l'empereur 1* exportation du ble\ sauf a payer le droit, mais ce prince n'a pas plus tenu compte de leurs prieres que de leurs menaces ; finale- ment, les consuls croyant r^ussir dans une entrevue personnelle, solliciterent la permission d'aller ainsi rendre visite a Marocco. La permission est venue, et le consul general de la Grande-Bretagne, M. Drummond Hay, accompagne" de M. le chevalier de Martino, con- sul g^n^ral des Deux-Siciles, partirent de Tanger pour Marocco, voyage long et p^nible, puisqu'il n'y a pas de route. Voici ce que m'6crivait M. le chevalier de Martino, de Marocco, le 1/i avril 1855 : « L'objet de la mission a Marocco est de ranimer le » commerce, les demandes sont : » 1° Abolition du monopole ; » 2° Diminution des droits sur l'exportatipn ; » 3° Cessation entiere du favoritisme. » La premiere est deja obtenue, la seconde on l'ob- » tiendra, et sera stipulee dans un nouveau traits qu'on » nt'gociera probablement a Tanger; on n'en exceptera » que les sangsues et l'^corce de chene. » L'empereur a promis d'essayer la libre exportation » des bles avec un droit modere (nous verrons). » Les consuls resterent deux mois a Marocco. Celui que le resultat de la mission interessait le plus 6tait le con- sul anglais; les autres le secondaient dans l'inte>et de XIII. maks. 2. 12 ( 178 ) l'hnmanite ; ils quitterent I'ejnpereur avec sa promesse de conclure le trade dans un bref d6lai a Tanker: mais ils l'ureut mystifies comme d'habitude, les clioses res- tent encore comme elles etaient auparavant. Dans la meme annee 1855, la France demandait 10 millions d'hectolitres de ble a F Stranger* et le payait de 45 a 50 francs l'hectolitre, tandis (pie dans les silos du Maroc se trouvaient 10 millions d'hectolitres de ble, (pie les proprietaires ne pouvaient pas \endre a 1 fr. 59 c. 1' hectolitre, et qui sont encore en ce mo- ment peut-etre en etat de putrefaction ! S'il est triste de voir ce petit potcntat barbare, do- micilii clans le centre du (llobe, a la porte de notre ci- vilisation, fouler aux pieds tous les droits de la societe et de ses sujets a ameliorer leur sort, il n'est pas moins triste de voir les grandes puissances soiuuises aux caprices de ce despote; la moindre demonstration faite par l'une d'elles en faveur des (b'oits de l'huma- nite trouverait la sympathie de toute la population du Maroc, et Ton serait bien paye des frais de la guerre. On ne peut se faire une idee a quel etat de inisere sont reduits les habitants du Maroc, meme ceux qui passent pour les plus riches. Tous, grands et petits, sont obliges de se uiontrer pauvres, afin de ne pas donner le moindre soupeon de fortune; car aussitot qu'il vient a l'oreille de la cour qu'un individu a augmente son bien-etre, il devient suspect, et il ne passe pas longtemps sans etre saisi ; aussi chacun vit-il tres nnserablement. Un bournous, qui est le seul vetement que porte un Marocain, passe de pere en (ils. Dans les maisons point de meubles. On ( 179 ) ne mange point tie \iande, on marche sans chaussure, sauf de rares exceptions, et cepenilant tons ont de l'ar- gent et beaucoup d' argent, car ils sont industrieux ; les produits de leurs manufactures de Fez, Meqninez et Rabat sont fort recherches pour le Soudan et pour Tombouctou oil ils se yendent tres cher. Tout 1' argent produit par ce commerce, chacun a soin de le cacher sous terre, a des places tres eloignees les unes des autres et connues seulement du proprietaire. 11 y a cer- tains Marocains dont la fortune est enfouie en dix et quinze endroits differents, ce qu'ils ont fait dans la pen- see que si une partie venait a etre decouverte, ils pus- sent au moins compter sur les autres. A la mort d'un individu, l'empereur est son heritier legal. Un employe accompagne de soldats se rend a la maison du defunt et enleve tout ce qu'il y trouve. La famille reste dans la plus complete misere, si par mal- heur elle n'a pas quelque chose de cache. Mais sou- vent un pere de famille meurt sans avoir confie a sa femme on a ses enfants le secret de ses cachettes, soit parce qu'il se croyait encore loin de la mort, soit de crainte d'etre trahi, car, dans ce dernier cas, outre qu'il aurait perdu son tresor, il serait mis en prison et battu jusqu'a ce qu'il eiit fait connaitre tous les points ou il a enfoui de 1' argent, et meme apres avoir tout avoue, il sera battu encore, parce qu'on croira qu'il lui reste encore a avouer. Plusieurs Marocains haut places, avec lesquels je m'etais lie, m'ont assure qu'il y avait dans le Maroc, cache sous terre , plus de 500 millions de douros (2,050,000,000 de francs). J'ai cru au premier abord ( 4 80 ) que c'etaitla une cxageration; niais en ivfleebissant que cet usage d'enfouir l'argent a 6t6 toujours pratique, et calculant seulement sur les quatre derniers siecles, pour lesquels il faut pour lemoins compter que chaque ann6e les seuls negotiants et particuliers enfouis- sent 1 million tic douros (5,300,000 francs) el ce calcul pent etre accept^ comme minimum, car il ne represente que le quart de ce qui e ntre en argent oaonnaye dans le Maroc • par consequent, ce serait 400 millions de douros (2,120,000,000 de francs). II faut admettre que les grands personnages de la cour, les gouverneurs ties provinces, par la meme prevision cpie les inferieurs, en font autant, et leur cbiffre ne pourrait pas etre au-dessous d'tin sixieme de la susclite somme, par consequent, mes informateurs pouvaient bien avoir raison. CesMarocains m'ont assure aussi que les tresors de l'empereur ne sont pas moins de 200 millions de douros, et il est a rioter qn'il ne fail aucune depense, et il amasse sans cesse. En effet, le Maroc ne rend jamais l'argent monnaye qu'il recoit. Iln'y a pas d' articles d'imporlation qu'il solde en argent. Ses laines, ses huiles, cire, peaux et mai's sufllsent et sont d'une valeur bien superieure aux tissuset autres bagatelles cpi'il recoit d'Angleterre, c'est-a-dire de Gibraltar , auquel le commerce est presque exclusivement d6volu. I: t rangers. — Fort pen d'etrangers sont 6tablis an Maroc, et seulement sur le littoral. lis sont, il est vrai, sous la protection de lours consuls respectifs, residant a Tanger; mais cela ne les met pas a I'abri de toutes les vexations imaginables, aussi est-il fort rare d'en ( 181 ) trouver qui s'y 6tablissent pour y insider longtemps, et ceux qui restent s'abrutissent tellement, qua force d'etre en relation avec les Maures, ils deviennent pires que ceux-ci dont la mauvaise foi et la perfidie sont pourtant passes en proverbe. Les consids g6neraux de Tanger, pour remedier a la distance qui les separe de Rabat, Larache, Mazagran, Saffi, Mogador , ont nomme dans cbacun de ces ports un agent consulaire, mais il y a si pen d'boinmes qui meritent confiance ; aussi voit-on un seul individureuniraluiseul la repre- sentation, a Saffi, de onze consulats. Je m'arrete, messieurs, sur ce tableau lugubre mais fidele du Maroc, et je passe a l'Algerie. Algerie. — Je fis en 1830, passer de Trieste a Mar- seille, une vingtaine de navires actresses a la maison placee alors sous la raison Barry, Deivieux fits et Cie, tous servirent aux transports, lors de la conquete de l'Algerie. L'un de ces navires, nomme le Prince Metter- nich, capitaine Urbano Bozzini, fut employe a transpor- ter la pharmacie et les officiers d' administration; curieuse coincidence ! le nom du Nestor des ministres d'une puissance etrangere qui, de son cabinet, faisait peut-etre des voeux pour la defaite des Francais, de- vait precisement ilonner son nom au navire portant les remedes destines aux blesses, ainsi que les plumes et les livres qui devaient servir a enregistrer la victoire conq)lete des Francais ! Je vous cite ce fait et sa date, pour vous prouver que je connais l'Algerie depuis la veille de sa conquete. J'ai suivi depuis lors, en amateur, mais avec int^ret, toutes les phases de 1' occupation francaise. J'ai ad- ( »S2 ) iriiH les iaits d'armes, le progres. la civilisation chas- sant la barbaric, niais jo \oyais avcc peine la lenteur de la colonisation malgre les somnios considerables qu'on y d£pensait ; e'est que Mais el Sferctire" ne sont pas la meme personne, et la colonisation He pouvait et ne ponrra jamais so fairc par la voie administrative de la guerre. Les flix premieres amines*, tout etait a importer dans lWlgerie , la farine , le bU , l'orge, le foin, meme le cbarbon de bois. 11 6'tait clair, cepen- daiit, qu'une terre aussi riche, malgre toutes les len- tenrs, ne pouvait tarder a devenir productrice elle- meme, et cbanger de role en devenant exportante a son tour. L1 Ugerie exporte aujourd'bui, mais elle n'exporte pas la dixieme partie de ce qn'elle pourrait. Kile compte quelques colons et parnii eux de tres capables, mais pas assez nombreux. Les torres, an lieu d'6tre en pleine cul- ture et propri^te de braves agriculteurs, se trouvent encore en friche et placets sous la surveillance mili- taire. Quelles sont les causes de cette relative stagna- tion ? Lne concession de terres est accordeea un individu qui aura justify : 1° De maintenir les formes d'un ou d'autre d6cret, qiie snm'ent il iw bait ph$ lire ; *2" De posseder un capital de independamment d'un revenu \ 3° De construire des batisses d'une certaine forme; A0 De mettre en culture la totalite dans un certain delai. ( *83 ) 5" De payer une rente annuelle et perpEtuelle a l'Etat. {Moniteur, 10 mars 1857.) Ces conditions sont tres belles. Un colon riche, en quality d'amatenr, pourra peut-etre les remplir, encore s'il s'agit d'un terrain de predilection j mais si ces con- ditions restaient conmie base fondamentale de la colo- nisation, 1'AlgErie ne sera pas colonisEe d'ici a deux siecles. A nion avis, il suffirait d'attirer sur les lieux un colon bon agriculteur; sonestomac m'offrirait toute la garantie desirable , car pour le satisfaire , il serait force de travailler. On devait pendant trois ans attirer sur la route de 1'AlgErie, au moins un pour cent du nombre des Emi- grants qui, chaque annEe,s'en vont aux Elats-Ums| on auraitduleuroflrir les memes avantages dont ils jouissent en Amerique. Aparitede conditions, jesuissiir, d'apres nion experience, qu'ils auraient trouvE prEfErable a leurs interets, 1' AlgErie. Ce fait EprouvE par eux-memes pendant trois annees, ils auraient appelE aupres d'eux leurs compatriotes. La bonne Emigration aurait de la sorte cliangE de route. Si l'onavait agi ainsi, en ce moment il y aurait peut-etre un million de colons en pleine activity, et 1'AlgErie aurait continue* a se colo- niser par elle-meme, sans frais pour l'Etat. L'activitE industrielle qui a EtE dEpensEe en AlgErie est vraiment quelque chose de prodigieux. Dans la seule ville d' Alger, on a construit des maisons magni- fiques, mais on les a ElevEes a quatre et cinq Etages, sans songer que le pays est sujet a des tremblements de terre. On a rEuni pour 1' exploitation des mines des ( 184 ) capitaux considerables , mais on les a employes a construire les logements des employes, et il n'en est plus reste pour exploiter la mine. Les terrains et toutes les proprietes ayant atteint une valeur fort elevee, tout le monde voulut devenir proprietaire; tout 1'argent qu'on pouvait se procurer fut employe en nouvelles constructions, mais sans reflexion qu'il fallait des loca- taires pour les occuper , et comme il n'arriva point d'etrangers, les loyers et les proprietes sont tombes a moitie prix, et il ne resta aux speculateurs qua payer les interets sur les sommes ernpruntees. L'etablissement de la Banque etses succursales a ete certes un bienfait pour une certaine classe, mais elle ne vient pas a l'aide dn colon. Les regies de la pru- dence lui cominandent de n'escomj)ter qii'alors qu'il \ a trois signatures solides. L'escompte legal est dix pour cent par an ; les juifs et les bons hommes qui sont pires que les juifs ont leur taux de vingt a trente pour cent avec garantie en main. C'est sur ce pied que j'ai trouve Alger en 1853, et je crois qu'il n'a pas beaucoup change depuis. Je passe a des observations d'un autre ordre, qui ont trait a l'Algerie : La province d'Oran, couiinant an Maroc, avait attire plus particulierement mon attention, par cette consi- deration quelle peut tirer de son voisin barbare, et malgre lui, les grains, par la voie des montagnes, voie mal gardee par les douaniers marocains, et peut faire un transit dont l'existence serait une source precieuse de richesse et d'activite pour le pays par lequel il s'o- pererait. ( 185 ) Dans cette pensee, j'exp6diai, en 1851, de Londres au port d'Oran, mi navire, afin de prendre des orges pour ma maison de Londres. Cette operation ay ant r£ussi, je la continual. Ces orges valaient si peu au Maroc, que rendues a Oran , elles ne me coutaient que six a sept francs les cent kilogrammes. Durant une ann6e, j'ai paisiblement recueilli le fruit de mon lieu- reuse operation; mais apres 1' expedition du dixieme navire, la concurrence s'elablit, d'autres maisons mar- cherent sur mes bris^es; il en r6sulta que les prix mon- terent au double et au triple. Les maisons d'Oran ope- rerent alors de gros benefices. Aussi , lors de ma visite en 1853, ai-je ete compliments par plusieurs d'entre elles. Mon but etait, dans ce voyage, de m' assurer s'il y avait moyen d'6tablir, au sudde Tlemcen, une facto- rerie qui devint la premiere etape pour une route a Ta- fdet, et qui put attirer les caravanes venant de Tom- bouctou et allant au Maroc. Fez, qui est la ville la plus importante par son com- merce et par ses produits industriels, se trouve sur le meme parallele que Sebdou (Seida) , en AlgSrie, a la limite du Tell, au sud de Tlemcen. Entre Sebdou et Fez se trouve Oudija, village du Maroc, pres duquel a ete domi6e la bataille dTsly, en aout 18M. Fez a perdu son commerce par terre avec Tunis de- puis l'etablissement des Francais en Algerie, mais elle a conserve ses rapports directs avec Ghdames et Tri- poli. Aussi les caravanes sont-elles assez rSgulieres et deviennent meme importantes a l'epoque des departs et des retours du pelerinage de la Mecque. Les negotiants de Fez, qui sont generalement riches sans le paraitre, entretiennent des agents ou des mai- ( i«B j SbliS succnrsalfs awe df pots ir ['obligation de la decou- verte de la route, qui sait combien d'annees se passe- raient encore avant qu'elle 1'ut adoptee, et par quels moyens ? Si Ton pouvait se mettre immediatement a l'ceuvre, si Ton pouvait laire en meme temps l'ctude tie la route et s'avanccr en la suivant par gradation, peu a peu, sans guerre, sans risque, meme avec l'invitation ou le consentcment des barbares, cela ne serait-il pas micux? 11 me semble que vous donneriez tous votre adhesion a ee nioyen d'execution. Eh bien ! ma conviction est que cela est faisable, non pas par les armes, non par un ou deux voyageurs explorateurs, mais par le commerce. Conclusion. — Vous savez tous que les Carthaginois comme les autres peuples de 1'antitpute, les Venitiens, les Genois, les Portugais et les Hollandais, de nos jours la Compagnie des hides, n'ont etc que des marchands, ( 191 ) c'est par le commerce qu'ils ont acquis leurs richesses et opere leurs conquetes. Comment ne pourrions-nous faire de nos jours, avec taut cle ressources d'instruction et de progres, ce qu'ont fait nos devanciers? Pourquoi .epuisons-nous nos forces morales et nos ressources pe- cuniaires dans de vaines et improductives specula- tions? Pourquoi nous precipitons-nous sur une foule de valeurs industrielles on pretendues telles, tout en doutant de leur solidite? (Vest que nous sommesimpa- tients. Mais il n'y a que ce qui se fait lenteinent qui soit durable et assure contre les tempetes. Le commerce est aussi patient que la science ; il constitue un des res- sorts les plus puissants de l'action sociale, mais dans tons les siecles, a chaque generation, il y a eu des en- fants ingrats. Ceux qu'il a le plus enrichis, sont deve- nus ses plus grands ennemis ; la vanite les a egares, mais la fievre de rambition n'a pas tarde a amener leur ruine, et ils ont ete alors heureux de se jeter encore une fois dans les bras providentiels du commerce. La fievre de la speculation hasardee, qui depuis quatre anuses devore en France les petites fortunes, devra a la fin cesser. Les homines a demi ruines coni- menceront asortir de leur delireet s'apercevront qu'ils ont eu tort de laisser la colonisation de l'Algerie et le commerce avec l'Afrique, pour courir apres le mirage de la Bourse. Le moment n'est pas bien eloigne, j'en ai la convic- tion, que nous verrons l'ardeur du travail et Inunda- tion des moyens, se tourner vers ces deux objets : Co- lo'nisatioii. de /' 'J/gerie et commerce a/ricaiii, mais il faut qu'une voie sure, sage et bieu calculee, ait ete prepa- vee pour garantir cette heureuse combinaison. ( **2 ) C'est pour arriver a ce but, pour tracer cette voie qui couduira en meme temps au progres de la science que vous cultivez, que je termine ces observations en resumant les tuoyens qui me paraisseat les plus pro- pres ;i la realisation de l'avenir que \<>us appelez tons. Deux factoreries etabliessur une vaste echelle, bien approvisionnecs de marchandiscs europeerines, et aux- quelles serait attachee en propriete une etendue suffi- sante de territoire, devraient etre 6tablies a lafrontiere raeridionale de l'Algerie, Vune a l'ouest, pour attirer les caravanes allant de Talilet au Maroc sur les bases que vous connaissez deja par le projet de la factorerie de Sebdou; tautrek Test, pour servir les caravanes de Ghdames, Tripoli, Tunis, dans les memes coiKlitious. Des prix d'encouragement difierentiels, ofTerts aux Arabes et autres naturels, seraient pay^s apres lc service rendu ; tels sont les moyens attractifs pour l'aire arriver les caravanes de tous les cdtes a nos factoreries. Des qu'une caravane aura vu nos factoreries, traite, 6chang6 avec elles, de retour chez elle, elle nous sera acquise a jamais ; elle informera ses voisins; et de l'une a l'autre, toutes les caravanes seront alors averties de l'aboudance du cboix,et du prix plus avantageuxdenos tissus, etde tout autre article aleur usage. La facility de faire les6cbanges de tous leursproduits, etdel'accueil amical qu'ils auront recu ; joignez a cela les commodi- tes de logement pour les homines de la caravane et leur chameaux, seront un nouvel encouragement pour eux a revenii* et le nombre de leurs caravanes se dou- blera bientot; les tribus pillardes les plus obstinees du desert finirontpar changer de metier, en se jetant sur h; trafic qui leur assurera plus de profit. ( 103 ) Avec les chefs des caravanes amies, et moyennant ties prix convenus d'avance, on pourra envoyer dans l'int6rieur un ou plusieurs agents a la fois, dans le but d'apprendre soit les usages et de decouvrir des nouveaux produits, soit aussi pour etudier les routes, et cons6quemment pour vous transmettre a vous, Mes- sieurs, les dexouvertes geographiques que vous dfeirez. Les deux factoreries placets en latitude presque sar le meme parallele forraeraient un cordon de defense na- turelle qui donnerait une garantie morale aux Emi- grants europ6ens disposes a venir coloniser l'Algerie, et qu'a souvent retenus la crainte de n'etre pas suf- fisamment proteges contre les indigenes. Entre le cordon des factoreries au sud, le Maroc a l'ouest, la regence de Tunis a Test, et le littoral tout habite au nord, il resterait une vaste region tranquille dans laquelle les entreprisesde l'agriculture, de l'indus- trie et des chemins de fer pourraient r6ussir, soit comme ceuvres de particuliers, soit comme ceuvres des compagnies, encourages les unes et les autres par le gouvernement. Les terres appartenant aux factoreries et qui semble- raient en apparence etre les plus expos6es, seront les premieres a etre peuplees et cultivEes en vertu de 1' attraction naturelle du commerce. Les Europeens qui s'y rendront, trouveront pour leurcompte, a un salaire minime, nombre de laboureurs negres, dont on aura sauve la vie moyennant un prix convenu avec leurs vainqueurs et qu'on payera en marchandises. Je ne vous parlerai, Messieurs, ni du bien qui r6sulterait de toutes ces mesures pour l'Alge>ie, par XIII. 'MARS. 3. 13 ( 194 ) l'immense et continuel transit des manliandises trans- porters dc la cote aux factoreries, et nice versa, t "i de la population at'i icaine (pic celles-ci scraient appelees a. servir, ni de la nature des maivliaudises a ecouler, et du noinbre de bras qui seraicnt employes dans ces nouvelles operations. II va sain dire que le gouver- neinent, dans ses propres inteivts. aura it a pivter son concours qui, loin de lni etre onereux, lni permettrait de realiser de grandes economies. J'ose esperer qnn S. M. Napoleon III, qui a deja taut fait pour la France et qui se montre si soigneux des interets de rimmanit6, pretera son auguste appui a la realisation d'un si utile projet. Mais je ne veux traiter ici qu'un point de geo- graphie et nullement une question economique; je laisse done les chiffres de cote, comme les statistiques de toute nature. Tous ces details qu'au besoin je pour- rais donner, vous prendraient un temps trop long et dont je crains dejk d' avoir abus6 ; je me bornerai a vous dire que la realisation de ce projet serait i'fleuvre la plus plnlanthropique de ce siecle, la plus avanta- geuse au commerce et a 1' agriculture, en un mot une source feconde de richesses pour la France, et qu'avant une epoque peu eloignee , elle vous doterait de la route de UAlgerie an Senegal par Tombouclou, en VOUS don- nant en outre la connaissance par degreset minutes de latitude et longitude de la position de toutes les tribus du Sahara ct meme du Soudan, ( 195 ) Analyses, Hepports« etc. RAPPORT Sur Pouvrnge de M. de Gobineau, intitule: ESSAI SUR LINEGALITE DES RACES HUMAINES, , Par M. De Quatrefages. L'ouvrage clout la Society m'a confie l'examen, est un travail considerable et reellenient important. Dans ces quatre volumes in-octavo , 1'auteur ramene a l'his- toire generate de Fespece humaine , celle des grandes civilisations et des groupes politiques formes sous Fin- fluence de ces dernieres. Rattachant a une cause unique tous les ordres de faits moraux , intellectuels ou phy- siques , que peuvent presenter les peuples , il remonte aux premiers temps de Fliumanit6 , la suit dans ses d6- veloppements , et croit pouvoir predire comment et quand elle finira. Chemin faisant, il signale l'origine premiere de toutes les societes, les suit dans leurs Evo- lutions , precise les causes de leur decadence et de leur dissolution. II est facile de voir combien doivent etre graves et nombreuses les questions soulev£es par un pared ouvrage. Pour faire sur le travail de M. de Go- bineau, un rapport quelqae peu complet, il ne faudrait rien moins qu'ecrire un nouveau livre , au moins aussi etendu que le sien ; et cela d'autant plus qu'on ren- contre parfois, au milieu des faits imiversellement ad- ( 196 ) mis, des assertions tres inattendues el quelque peu paradoxales. Aussi , dans 1'impossibilite de suffire a cette taclie , dois-jeme borner d' ordinaire, sans entrer dans la discussion des faits, aresumer et a discuter la donnee fondamentale de 1'ouvrage, et quelques- uns des r6sultats principaux enonces par l'auteur. «La chute des civilisations, dit M. de Gobineau, est le plus frappant , et en meme temps le plus obscur phenomene de l'histoire. » Ce phenomene a-t-il 6t6 explique? l'auteur ne le pense pas. Selon lui , le fana- lismc, le luxe, les mauvaises moeurs, I'irreligion, quelque repandus et nniversels qu'ils puissent etre, ue sont que des especes d' accidents sans influence sur la duree des empires; le meritc relatif des gouverne- ments n'en a pas davantage, et a plus forte raison, la nature du sol et des locality, le plus ou moins de bonte des institutions, ne peuvent rien pour la gran- deur ou la faiblesse des nations. 11 en est dc meme des religions, et le christianisme lui-meme ne cree ni ne transforme l'aptitude civilisatrice. Ce court resume'' n'est, pour ainsi dire, que la co- pie de la table des matieres renfermees dans les pre- miers chapitres de 1'ouvrage que j'examinc, el Ton voit combien dc discussions souleveraient a elles seules ces quelques propositions. Je ne puis, quant a moi , les admettre avec la porlee que leur donne l'auteur. Sans donte, on a vu des peuples durer en depit de mau- vaises institutions ; d'autres supporter un exces de luxe sans s'epuiser ou resister aux convulsions interieures causees par le fanatisme; mais ces maladies sociales agissaient alors isolement, ou n'Staienl que passageres, ( 197 ) ou bien n'atteignaient que quelques couches de la So- ciete; si leur action eut ete durable, simultanee, uni- verselle , il en exit certes ete autrement. Tous les jours, un homme guerit dn cholera , un autre du typhus , un troisieme de la peste. Est-ce a dire que ces fleaux soient sans eflet sur l'organisme, et que ce dernier resisterait de meme a leur action combinee? Tous les jours sur- tout, un membre frappe de gangrene, tombe , laissant plein de vie le corps d'ou il s'est detache ; mais si le mal eut ete general, qui ne voit quelles en auraient ete les suites. II en est bien eyidemment ainsi des nations. A priori , et sans discuter les faits cites par l'auteur , sans leur en opposer de tres concluants, sans faire autre chose que nommer le xviue siecle et la revolu- tion francaise, nous croyons pouvoir repousser les conclusions de M. de Gobineau , et cela au noni de l'histoire qu'il invoque pourtant. Chez tous les peuples en decadence , dans toutes les Societes en pleine de- composition, elle signale, a des degres divers, toutes ou presque toutes les causes de destruction que j'indi- quais tout a l'heure. Leur denier toute influence est vraiment impossible. M. de Gobineau parait avoir senti lui-meme ce que ses propositions avaient deforce. An moment d'exposer sapropre theorie, il revient quclque peu sur ses pas, et recommit « qu'il y a lieu de gemir lorsque la societe souffre du developpement de ces terribles fleaux. » C'est la une oljservation que j'aurai trop souvent a re- produire pour ne pas la faire des le debut. A chaque instant , et pour les questions les plus fondamentales, Tautenr entraine par sa plume emet les opinions les ( 198 ) plus absolues, qu'il amende quelquee pages plus loin. II en resulte, pourle lecteurqui veutse rendre nette- ment coinpte des idees exposees dans l'ouvrage, une incertitude la tigante. d'auta&t plus que parfois, couime nous aurons a le montrer, la correction va jusqu'a la contradiction. Quoi qu'il en soit, les Elements de disorganisation signales tout a l'beure, ne peuvent ctre redoutables , selon M. de Gobineau, que lorsqu'ils atteignent un peuple degenere. Or, la deg6nerescence , pour notre auteur, consiste uniquemcnt dans rappauvrissement du sang priinitii' du groupe huuiain, que Ton considerc, appauvrissement qui fiftsulte de croisenicnts trop mul- tiplies avec des groupes differents. Ici , nous voyons se montrer la pensee fondamentale du livre. Toutes les questions de grandeur et de decadence morale , intel- lectuelle on physique des peuplcs, ne sonl que des questions de race. U est doncbien important de rccher- clier le sens que M. de Gobineau attache h ce mot. Malheureusement , il ne nous le dit nulle part en ternies precis, et la lecture de l'ouvrage entier est neccssaire pour arriver a le comprendre. Or, il requite de cette lecture que la race est pour notre auteur quclque chose de tellenient absolu , de tellement radical, qu'aucune influence exlerieure ne J*eut la modifier en quoi que ce soit. Partout M. de Gobineau combat a outrance les doctrines prolcssees par les anciens, el reproiluites de nos jours par quelqucs-uns de nos plus illustros mai- tres, sur 1'influence t par les milieux ambiants. Pqurlui, lout est dans le snug. D'uno race a Tautre, le sahj " commeTfcau differe de l'alcool ; vous pour- ( 199 ) rez les melanger, les croiser, mais les transformer, les modifier, jamais; ces melanges, les croisements seuls out produit loutes les differences etliniques qu'on observe dans l'espece hmnaine. Telles sont les opinions professees a chaque page du livre que j'examine, et pourtant, lorsqu'il s'agit d'expli- quer 1' existence des trois types fondamentaux qu'il admet , c'est precisement a Taction des agents phy- siques que M. de Gobineau a recoars. II est vrai qu'il remonte alors k l'origine des choses , et admet d'une part que l'espece humaine recemment cr£ee n'ayant pas encore des caracteres bien arrets, 6tait par cela meme plus facilement impressionnable ; d' autre part, que les actions physiques, resultant de cataclysmes encore regents, avaient une energie qu'elles out perdue depuis. Mais quelle 6tait la conclusion logique de cette double hypothese? £tait-ce la negation absolue de toute action modificatrice imprimee par le milieu, subie par l'homme? Je ne le pense pas. Les forces physiques, en les supposant amoindries , existent toujours et sont tres probablement de meme nature ; l'homme est reste" le m£me att fond. En partant des donn6es m^mes de M. de Gobineau , on est done conduit a dire : les in- fluences exteneures ont vn diminuer leur puissance , mais ne 1'ont pas entierement perdue ; l'homme peut etrc journeilement modify , mais dans des limites plus 6troites que par le passe. Telle est , au reste , la conclusion a laquelle arrive M. de Gobineau lui-meme, dans le passage suivant, que je crois devoir reproduire : « N6anmoins on ne saurait m6connaitre que les circonstances locales pen- ( 200 ) ventau moins favoriser l'intensit6 plus ou moins grande de certaines nuances de carnation , la tendance k l'ob6- site" , le dcveloppenient relatif dcs muscles de la poi- trine, l'allongenient des merubres inferieurs ou des bras, la mesure de la force physique. Mais, ajoute M. de Gobineau, il n'y a la rien d'essentiel. » Apres 1' Enumeration prec6dente, cette phrase a d'autant plus de quoi surprendre , que l'auteur ne precise nulle part ce qu'il regarde comme etant essentiel. II est bien Evi- dent que chacun des caracteres Enonces ci-dessus, du moment qu'il sera devenu g£n6ral et hereditaire , suffira pour constituer une race dans l'acception que les natu- ralistes donnent a ce mot. On le voit , AI. de Gobineau n'a pas attache une id£e bien nette au mot de race. En cela, nous l'avons vu avec regret marcher stir les traces d'une foule de sa- vants, du plus grand m6rite d'ailleurs, qui ont Ecrit sur le sujet qui nous occupe; et pourtant, comment s' entendre ou discuter avec fruit, lorsqu'on ne precise pas avec soin la signification du mot sur lequel repose toute une doctrine ? Malgre ce vague regrettable , il est un point sur le- quel nous sommes d' accord pleiuement avec M. de Gobineau. Les races humaines se rattachent , pour lui comme pour nous, a une espece unique dont elles ne sont que des modifications. Retrouve-t-on quelque part des specimens parfaitement purs de cette espece ? en d'autres termes, connaissons-nous l'Homme primitif? M. de Gobineau ne le pense pas, et nous partageons encore sa maniere de voir. Pour nous comme pour lui, tous les hommes existant depuis les temps historiques ( 201 ) appartiennent a des rameaux phis ou moins modifies d'un arbre dont le tronc a ete aneanti. En disparaissant , l'homme primitif qui formait la race primaire laissa, d'apres M. de Gobineau, trois races secondares qui , se croisant deux a deux , engen- drerent les races tertiaires. De celles-ci , et par le meme procede , sortirent des races quaternaires et ainsi de suite. Gette hypothese est ingenieuse et Concorde avec les faits en ce sens , que les races blanche , jaune et noire sont bien reellement les extremes de ces mille nuances de caracteres de tout genre qu'on observe chez les divers peuples. Mais est-elle vraie? C'est une question a laquelle nous ne saurions trop que repondre. En tout cas , nous aurions a faire de larges reserves en faveur de F influence des milieux (1). Entre les trois races secondaires que je viens de nom- mer, M. de Gobineau admet qu'il existe, des l'origine, des differences tellement radicales qu'elles ressemblent acellesqui, selon les naturalistes, distinguentlesespe- ces entre elles. Toutefois, les croisements etaient pos- sibles a tous les degres, et ces croisements s'etant pro- duits de tres bonne heure, nous ne connaissons pas plus les races pures que le tronc commun d'ou elles etaient sorties. Les blancs, les jaunes, les noirs les plus purs (1) Par le mot milieu, j'entends non-seulernent les conditions phy- siques exterieures, mais encore, 1'eDsemble de tout ce qui peut iu- flueucer directemeut ou indirectemeut les populatious. 11 est Evi- dent, par exemple, qu'une loi coudamnaut a mort les enfants chdtifs et mal conforme"s , eMiminait des elements de deHdrioration, et contri- buait d'autant a conserver a la race sa beaute" et son dnergie pri- mitive. A ce litre , une pareille loi appartient au milieu dans le sens que j'attache a cette expression. ( 202 ) de notre epoque sont tous de? metis k divers defies. La race blanche, plus qu'aucune autre, a su))i ces melanges. el a peine connaissons-nous quelques peuplades jaunes eft noires qui nous presentenl encore Total terliaire. II est a regretter que l'auteur ne soit pas entre dans quel- ques details sur ce dernier point, qu'il n'ait pas apportS quelquespreuveset cit6 quelques nomspropres. Plus ces echantillons , les moins alteres des anciennes races, etaient a ses yeux rares etarrieres, plus il eiit ete impor- tant de.les faire bien connaitre, ne fiit-ce que pour rnieux mesurer la distance qui les separe de leurs freres plus ou moins perfectionnes. Les trois races, mSme a l'etat tertiaire, se montrent profondement distinctes et separees par des caracteres exterieurs aussi bien que par le degre d' intelligence et la nature des instincts. La race noire porte k un haut degre le cachet de 1'animalite : ses facultes pensantes sont mtfdiocres ou memenulles, mais ses sens, develop- pes outre mesure, donnent k la sensivite et par suite au desn une vigueur , une energie , inconnue aux autres races. Par ces motifs, l'auteur voit en elle une race fe- melle. On sait que sur ce point il s'est rencontre avec notre confrere M. d'Eichthal, bien que celui-ci ait 6te conduit k la memo conclusion par des considerations quelque peu differentes. Poui' M. de Gobineau, l'element male est represents dans l'espece humaine par la race jaune que cararte- risent, independamment de ses traits physiques bien connus, la tendance a l'obesite, le peu de vigueur mus- culaire,un caractere apathique, Tumour de 1' utile et yai1 inexact de pre- tendre que tons les melanges sont mauva'19 on nuisi- bles.., qn'ils ont eu parfois de bons r£sultats. . . , qu'ils ont developpe des faculles latentes dans les trois races et donne naissance a desfacultes nouvelles , etc. A mes yeux, la est la verite \ et ce qne l'auteur regarde comme line exception, acheteeauprix de sacrifices trop considerables, me semble bien plutot etre la regie. Le melange, la fusion des races dans de justes proportions, me semble le pins grand element de civilisation et de progres. Que serait-il arrive, en eflet, si cliacune des trois grandes races, telles que les concoit M. de Gobineau, eiit vecu isolee? Les Noirset les Jaunes auraient croupi dans l'etat sauvage. Les Blancs seuls se seraient deve- loppes, mais eussent-ils atteint les hauts degres de civi- lisation que nous font connaitre 1'histoire et l'observa- tion journaliere ? II est au moins permis d'en douter. En effet , l'auteur accorde aux Noirs l'imagination et le sentiment des arts; aux Jaunes, les instincts posi- tifs , line aptitude reguliere et constante pour les choses usuelles. Que reste-t-il au Blanc ? A en juger par ce qu'en dit M. de Gobineau lui-meme, celui-ci manifes- tait a peu pres uniquement une energie conqu6rante , invincible , reposant sur une tr£s grande force phy- sique et des instincts batailleurs tres de>elopp6s. Joi- gnonsacela un sentiment religieux assez modere, quoi qu'en dise l'auteur, puisque le Blanc emit pouvoir detroner ses dieux et se mettre a leur place ; aj on tons encore la beaut6 corporelle et nous aurons , toujours ( 207 ) d'apres M. de Gobineau , signale tous les elements de cette superiority dont il est question a chaque page. Or, il est difficile de croire qu'une population depour- vue du sentiment artistique aussi bien que des instincts utilitaires , caracterisee surtout par des appetits guer- riers toujours prets a se satisfaire aux depens de sa propre race, eiit jamais fonde un de ces grands em- pires qui exercent autour d'eux une attraction irresis- tible et regnent par la paix autant que par la guerre ; quelle eut, en un mot, enfante une civilisation. Les faits memes invoques par l'auteur nous semblent ici con- cluants contre lui. Le tableau qu'il trace de ses Arians primitifs suppose une anarchie irremediable ; il nous sera toujours difficile de voir des missionnaires de la civilisation dans les hordes de Normands qui rava- geaient nos cotes , ou dans le Squatter que sa haine de tout frein conduit au fond des forets; et pourtant , pour M. de Gobineau, les premiers sont des esp^ces de demi- dieux , reunissant tout ce que l'homme peut concevoir de grand , de noble , de beau ; les seconds sont des heros , dominateurs a juste titre de toutes les popula- tions contemporaines ; le troisieme est le digne hentjer des uns et des autres, et represente , quoique grande- ment degenere, le dernier element civilisateur que possede notre pauvre Immanite deja si decrepite. En presence de cette conclusion , qu'il est permis de trouver Strange , on se demande quelle est la quality qui seduit a ce point M. de Gobineau ? quel est ce signe de superiorite devant lequel doit disparaitre tout le reste. J'ai lu le livre avec une attention croissante et une sorte de curiosite inquiete toutes les fois qu'il s'a- ( 208 ) gissait de ce point , et n'ai trouve nulle part une re- ponse bien nettc a cctte question. II me parait pour- tant qne l'energie guerriere est ce que M. de Gobineau prise par-dessus tout. Les races exclusivement batail- leuses et conquerantes ont evidemment toutes ses sym- pathies. II se complait a nous retracer leurs mceurs heroi'ques , depuis cellos des Indous primitifs , sur les- quels nous savons si pen do chose , jusqu'a celles de ces Scandinaves et de ces Germains, toujours prets a boirc et a se battre , mais fort pen aptes ;\ toute autre chose. Parfois alors la veritese fait jour, et au milieu de ces descriptions enthousiastes, il echappe a l'auteur des aveux singuliers. L'orgueil farouche , l'insubordi- nation indomptable de ces heros ne peuvent pas ne pas frapper les regards de leur admirateur. S'il n'avait etc entraine par des idees preconcues , M. de Gobineau n'eut pas manque de se demander quelle societe pou- vait s'elever sur de pareils fondements, et la reponse ne se fut pas fait attendre. Ici encore les faits parlent trop haut. Nulle part M. de Gobineau ne nous montre et ne petit nous montrer une scule nation stable et assise composee d' elements purement blancs , en donnant a ces mots la signification que leur reserve l'auteur. Pour pouvoir attribuer a sa race d' elite ce caractere supreme de superiorite, M. de Gobineau est oblige de recourir a ces grands tumuli , a ces mines mysterieuses que rccele l'Asie centrale, et de supposer que la existaient, anterieurement a toute histoire, de grandes populations blanches presentant le cachet d'une civilisation avan- c6e. Mais, en admettant que les Tchoudes fussent reellement les ancetres des peuples blancs , hypothese ( 209 ) que je ne veux pas discuter, en admettant encore qu'ils aient forme un ou plusieurs corps de nations plus ou nioins comparables a ce que nous savons avoir existe ailleurs, les traces qu'ils ont laissees n'accusent-elles pas un etat de choses bien inferieur aux grandes civi- lisations brahmaniques ou egyptiemies , semitiques ou grecques, romaines oumodernes? Or, toutes celles-ci ont ete fornixes, d'apres M. de Gobineau lui-meme , par le croisement, d'abord des Blancs, des Jaunes et des Noil's primitifs, puis par des melanges de plus en plus complexes. Encore ici, par consequent, le croise- ment a perfectionne plutot que degrade la race conque- rante tout anssi bien que la race conquise. De ces faits et de bien d'autres que fournirait a lui seul le livre de notre auteur, je tirerais, ainsi que je l'ai exprime plus haut. une conclusion precisement opposee a la sienne. J'admets, pour un moment, tout ce qu'admet M. de Gobineau. Les trois grandes races se sont d'abord fornixes et propageesisol&nent; quel a ete' le resultat de. cet etat de cboses? Chacune d'elles etait primitivement incomplete et obeissait a des ins- tincts exclusifs. Dans 1'une comme dans l'autre, les qualites developpees sans controle , et par suite exa- g6r6es, tournaient aisement en defauts ; les defauts devenaient des vices; rien de nouveau ne surgissait en elles. Par les croisements elles se sont compl6tees; les exagerations se sont attenuees; des qualites nou- velles, qui jusque-la sommeillaient a l'etat de germes, se sont fait jour. Dans l'immense majority des cas, dans tous , devrais-je dire, en ne prenant que les faits gen6raux, pour la race blanche aussi bien que pour les xm. mars. h. 14 ( 210 ) autres, les croiscmcnts out done ete Line chose bonne et utile. Cette conclusion, vraie pour les races primi- tives , Test egalement pour les races ternaires , quater- naires, etc... Pour clles aussi , le melange tlans des proportions convenables a ete 1c plus puissant moyen de peiTectionnement. Je viens d' examiner avec quelque detail la pensee fondamentale du livre. 11 me rcstc a montrer rapide- ment 1' application que l'auteur a faite de ces idees a l'histoire de l'humamte. Ici encore j'accepterai, lc plus souvent sans les discuter, les donnees de l'auteur ; les conclusions contraires que j'en tirerai n'auront ainsi que plus de force. Les races noire et jaune , declare.es d'avance radi- calement incapables de s'elever au-dessus de l'etat sauvage, devaient peu occuper M. de Gobineau. Quant a la premiere , il se borne a peu pros a constatcr que , anterieurement a l'an 5000 avant notre ere, elle etait bien plus repandue que de nos jours, et qu'ellc occu- pait, non-seulement toutel'Afriquc , mais encore toute l'Asie meridionale en s'elevant. a l'onest, jusqu'a la mcr Gaspienne , a Test jusqu'au dela des iles tin Japon. A ne tenir compte que de 1' opinion generale, l'auteur est ici bien probablement dans le vrai. Les restcs depopu- lations negres d6couvertes au nord de l'lnde et dans les montagncs de la Chine ne paraissent guere laissei' de doute snr une ancienne difFuaion de cettc race bien superieure a ce que nous voyons aujourd'hui. Mais il ne me semble nullement dc^montre qu'ellc ait occupe jadis la Palestine, ni que Goliath fut un de sea demiers reprcsentants, commc l'assure M. de Gobineau. ( 2M ) A cette meme epoque, selon M. de Gobineau, la race jaune occupait l'Amerique entiere, ou elle s'etait developpee el d'ou elle avait emigre en masse pour pas- ser en Asie et en Europe. L'auteur ne nous donne aucune preuve a l'appui de cette assertion, qui nous semble entierement gratuite. Sans entrer dans les de- tails cl'une discussion qui serait beaucoup trop longue, je me bornerai a dire que l'Amerique me parait bien evideinment etre la derniere partie du monde qui se soit peuplee, et que tout tend a prouver que, loin d' en- voy er des hordes conquerantes a Fancien monde , elle a recu de celui-ci les habitants assez rares qu'on lui a trouves au moment de la decouverte. La race blanche, toujours selon M. de Gobineau, etait cantonnee dans 1' Asie centrale. Au nord, elle n'at- teignait pas la mer Glaciale; a l'ouest, ses limites etaient la mer Caspienne et l'Oural; au sud, son terri- toire s'etendait du lac Araljusqu'au cours superieur du Hoang-ho, jusqu'au Khou-khou-noor; a Test il remon- tait brusquement en dehors du Kouen-loun vers 1' Altai. Cinquante siecles environ avant notre ere , cet etat de choses fut brusquement rompu par l'invasion des peuples jaunes qui, passant le detroit dc Behring et se dirigeant au sud-ouest , allerent se heurter contre la race blanche, qui resista d'abord avec succes. Les bommes jaunes se cliviserent alors en deux courants. L'un, cotoyant la mer Glaciale, atteignit 1* Europe et la peupla jusqu'au fond del'Italie ct de l'Espagne ; 1' autre envahit la Cbine et les contrees voisines , refoula de plus en plus la race noire vers le sud et le sud-ouest, et se melant avec elle, donna naissance a la race ma- ( 212 ) laisr. a laquelle sc rattachent tous les types superieurs de la Polynesie. Mais l'invasion jaune, continuant, finit par ebranlcr la race blanche; la multitude l'emporta surl' intelligence, le courage et la supGriorite' physique individuelle ; et alors commencerenl les grandes migra- tions blanches qui allerent partout conquerir et rege- nerer les populations noires et jaunes; alors aussi seu- lement apparurent les grandes civilisations historiques qui, pour M. de Gobineau, sont au nombre de dix, sa- ■voir : les civilisations indienne, egyptienne, assyrienne, grecquc, chinoise, italique, gerinanique,all£gl)anienne, mexicaine et peruvienne. — Ici encore on retrouve la facon de proc6der que je signalais tout al'heure. Toute cette histoire de l'action et de la reaction des grandes races primitives est presentee par l'anteur, non pas comme line hypothese discutable , mais comme un ensemble de faits averes et a l'appui desquels il esl inutile de fournir lamoindre preuve. El pourtant c'6- tait, ce me semble, le cas d'en produire de concluantes. Toutes les civilisations se rattachent immediatement ou mediatement a deux grands courants de populations blanches qui, partis du meme point, divergerenl dans trois directions principales. Le premier comprend les peuples chamo-s6mitiques qui fonderent la civilisation assyrienne, entretenue et prolonged d'abord par des affluents blancs presque continuels et de memo origine, puis par la complete des peuples zoroastriens, un des rameaux tic la grande invasion ariane-indoue. Les peu- ples chamites, r6sultat du premier melange des blancs el des noiis. alors que l<*s deux races 6taien1 en pos- session do toute lour euergie primitive, out manifesto ( 213 ) partoutune tendance au monstrueux, au gigantesque. Tout chez eux est porte a 1' extreme. Nemrod, Semira- mis, sont les mythes typiques de cette epoque. Les Semites, Blancs d'abord purs, bientot fondus dans ce premier melange, sont all6s tres loin. L'Afrique entiere, sauf les populations hottentotes, s'est ressentie de ce melange, auquel seul on doit attribuer les ebauchesde societes barbares que pr6sente la race noire sur plu- sieurs points de cette partie du monde. Les Chamites et les Semites blancs, en subjuguant les populations noires, s'etaient meles avec elles; etces croisements expliquent, selon notre auteur , la chute successive des empires fondes par ces peuples. Les Arians-Indous, arrives au contact de la race noire, agirent de bonne heure autrement. Le regime des castes fut imagine" par eux pour conserver la pnrete du sang le plus noble , sans toutefois atteindre complete- ment ce but. Mais le bralnnanisme et ses consequences, inventus par les masses les plus avanc6es de ce grand courant, juraient trop avec les instincts des peuples places a Tarriere-garde. II souleva des protestations vio- lentes et d6termina la scission et l'eloigneinent de deux grands corps de population qui se detacherent et se porterental'ouest. Le premier, comprenantles Arians- Hellenes, se fit jour a travers les Chamites etles Semites pour gagner les lieux oil nous les retrouverons plus tard. Le second, compose des Arians-Zoroastriens, suivit a peu presla meme direction, mais s'arretadans la Perse et la M6die. Le reste du flot arian-indou poursuivit sa niarche, subjugua l'lnde entiere, et deux de ses bran- ches allerent civiliser les peuples jaunes dc la Chine, ( 214 ) les peuples noirs de la valine clu Mil el de 1' Lbyssinie, S'appuyant sur un passage des loisde Manou, M. de Gobineau trouve les conqueranta et les civilisateurs de la Chine dans une armeede Kschattryaa declassed, qui l'uyaient la reprobation dont les frappalent les institu- tions brahmaniques, et qui parurent an milieu des Miao vers le XXVIIP ou XXXC siecle avant notre ere. II re- garde comme ayant concouru au meme resultat les po- pulations blanches restees par Hols dans leur patrie primitive, au milieu des peuples jaunea auxquels elles s'etaient plus ou molns alliees. La predominance enorme du sang jaune dans cet immense empire lui sert ft expliquer le caractere stationnaire, calme et pen eleve de la civilisation chinoise. Des caracteres exterieurs que presententsur les mo- numents quelques figures egyptiennes , des donnees fondamentales qu'ofTrent les institutions et les croyances religieuses , de quelques details linguistiques, M. de Gobineau conclut que l'Egypte doit egalement sa civi- lisation a une colonie ariane venue de l'lnde etagissant sur une population negre assez fortcment altered par des el6me] ts chamites et semitiques. II expllque ainsi le melange de grandeur et de puerilite que presente la religion des Egyptiens, leur division en castes moins rigoureusement separees que chez les Indous, et la douceur de leurs moeurs. Les civilisations dont nous avons parle jusqu'ici ont eu pour point de depart le melange des races secon- dares pures on pres [u pures. Iln'en estpasde mt ili . otes, et la diversity des 6l6raents qui entrent dans chacune d'elles est, aux yens de i otre anteur, la ( 215 ) cause de la rapidite avec laquelle elles s'elevent et tom- bent. Ici tonjours les elements Wanes, deja alteres et par ccla meme moins puissants, rencontrant des me- tis produils de croisements souvent fort multiples, n'ont plus eu la puissance de rien fonder qui rappeliit ces antiques races resultat de l'hymen de nos premiers parents encore purs on presque purs de tout melange. La Grece primordiale se montre aux yeux de M. de Gobineau comme peuplee , moitie de colons semitiques et moitie d'habitants autochthones. Ces derniers, pour notre auteur, ne sont autre chose que les descendants de ces anciens conquerants jaunes qui, venus d'Ame- rique, ont contoume la race blanche avant de la chas- ser et de prendre sa place sur les plateaux de la Haute- Asie. Abandonne alui-meme, ce double fond de popu- lation n'eut pu que s'abaisser davantage encore par le melange; mais Deucalion, pere d'Hellen et fils de Pro- methee, rattache tous ses descendants a la race des Ti- tans. Ceux-ci sont eux-memes fils d'Onranos, et celui- ci n'est autre chose 'que Varounas, le dieu primitif des Arians, anterieur et superieur a Indra lui-meme. Les Titans, grands-peres des Hellenes , sont done de veri- table^ Arians. G'est de cette source , la plus noble , la plus pure de toutes, qu'est sorti le sang regenerateur qui seul a pu enfanter les merveilles de la civilisation grecque. Les Arians-Hellenes arriventpar lenord, dis- persant et detruisant rapidement les peuples jaunes avec lesquels ils ont pen d'affmite. Parvenus plus au sud, ils rencontrent les Semites, se croisent avec eux, et de cet hymen ou l'element noir , adouci et releve par la predominance du sang blanc legerement mele de ( 21rt ) jaune, joue un r61e considerable, resulte cette brillante civilisation dont aucunc n'a egale les merveilles ar- tistiques, mais oil manquait le sens pratique et utili- taire. Lorsquc le miditle la Grece eut degener6 de pins en plus par suite de croisements semitiques et chainites par trop repetes , le nord , oil le sang blanc etait rest6 beaucoup plus pur, dut acquerir une predominance irre- sistible, et ainsi s'explique la conquete si facile de la Grece proprement elite par ces Macedoniens qu'elle trai- tait presque de barbares. A cette epoque, les Arians-Zoroastriens dominaient l'Asie occidentale sous le nom de Perses. lis etaient les cousins et les egaux des Grecs. Ces deux branches d'un meme tronc meconnaissaientleur parent^, se traitaient mutuellement de barbares, mais s'accordaient pourme- priser les populations chamites et semitiques, qu'elles dominaient en vertu de la purete relative de leur sang. Ce niepris, jadis fonde, n'avait pourtant plus grande raison d'etre : car Grecs et Perses s' etaient pen ;\ peu laisse gagner egalement par 1' esprit de ces populations a mesure que des croisements multiplies les en avaient rapprocb.es davantage. Aussi, apres les conquetes d'A- lexandre, qui ne firentqu'activeret multiplier ces me- langes, les deux civilisations se lbndircnt en une sorte d'etat batard , sans caractere et incapable de rien pro- duire de grand. En suivant toujours l'ordre adopte par M. de Gobi- neau, j'arrive maintenant a un chapitre qui me semble demander autre chose (p;'une simple analyse. II s'agit des premieres origines de nos diverses populations eu- ropeennes. ( 217 ) J'ai d6jadit que M. cle Gobineau regarde la race jaune a l'etat de purete comme ayant ete la premiere a peu- pler l'Europe entiere. Pour soutenir cette opinion, il se fonde sur des considerations empruntees a plusiears ordres de faits. 11 attache en particulier une grande im-' portance a l'identite presque complete que presentent certains instruments ou ustensiles, ainsi que les monu- ments tout a fait primitifs que Ton trouve en Europe, dans l'Asie septentrionale et jusqu'en Amerique. De cette ressemblance entre les produits d'une Industrie elementaire il conclut a l'unite de la race. II adopte par suite, en la poussant jusque dans ses dcrnieres consequences, 1' opinion des antiquaires scandinaves sur les populations del'age depierre. Les objections adres- sees a ses ingenieux devanciers s'appliquent done alui, et je crois inutile d'entrer dans une discussion ou j'ai ete precede par cle plus habiles. Je me bornerai a faire remarquer combien il est a deplorer qu'on n'ait pas recueilli les debris humainsensevelis dans les dolmens, les tumuli..., etc. ,avecle memesoin qu'on a apport6 a collectionner les baches de pierre, les colliers tie terre cuite, les pointes de fleche en os ou en silex. Une bonne collection de squelettes entiers ou tout au moins cle cra- nes eut apporte clans la question des elements nou- veaux et de la plus haute importance. Les cranes de la race jaune presentent parfois des caracteres tellement saillants, que l'examen cle ces restes quasi fossiles eut sans cloute jete un jour tres grand sur 1' existence passee cle cette race dans ces contreesaujourd'hui si eloignees deslieux qu'elle habite. A ce fond purement jaune sont venues se meler de ( 218 ) tres bonne Jicurc ties populations blanches deja plus on moins alteives ethniquenient , et qui, par Irs croiso- monts inevitables avec les premiers occupants .!u pa\ ,. nc iai'iierent pas a s'abaiss t rnmre. Tels sunt, d'upivs notre autenr, les Thraces, dont nons savons si pen de chose, et qu'il considere commennpenplearian jaune; les Illyricns, aujourd'hui les Albanais , auxquels il assigne la meme origine. Je me bornerai ici a l'aire re- marquer que la taille elev6e , la maigreur , l'activite liiuscidaiie, le ncz saillant des Albanais, s'accordent peu avec les earacteres attributes par U. de Gobineau lui- meme a la race jaune et anx populations profonde- inent alterees par ce sang de quality inferieure. Je suis bien moins d' accord encore avec l'auteur, lorsqu'il s'agit des Iberes represented par les Basques actuels. Pour lui, les Euskariens sont des Slaves, et ces derniers sont, de toutes les populations d'apparence blanche, la plus fortement impr£gnee de sang jaune. Pour maintenir cette opinion, il prete aux Iberes une humeur taciturne, un caractere lourd et rustique , des habitudes sombres. Quiconque aura habite quelquc temps le pays basque, francais ou espagnol, sei'a bien surpris de cette appreciation. Quant a moi , j'ai trouve en deca comme au dela de nos frontieres les carac- teres les plus franchement opposes. Regardant en outre les Basques actuels comme resultant de la fusion d'une multitude de populations dilferenles, qui seraient ve- nues a diverses reprises chercher un refuge dans les gorges des Pyrenees, M. de Gobineau insiste surlepeu d'homog6neite de la population. Or, e'est preoisement cette homogeneite qui m'a frappe. Lorsque qurlque ( 219 ) solennite appelait a Saint-Sebastien les montagnards ties environs, il etait difficile de ne pas voir, dans cette multitude, an peuple de cousins on de freres. Je ne puis done, en aucune maniere, ni'accorder ici avec M. de Gobineau. Les Etrnsques primitifs on Rasenes sont encore, pour M. de Gobineau, un peuple entierement jaune ou une tribu slave mediocrement blanche. En admettant que les raisons tirees des caracteres physiques et mo- raux, tels que nous les ont transnris quelques monu- ments et quelques ecrivains, s'accordassent ici assez bien aveG la conclusion qu'il en tire , nous y trouvons une raison de plus pour confirmer notre propre opi- nion sur les Euskariens. Les epithetes de pinguis et d'obesus ne trouveraient que bien peu d' applications dans le pays basque (1) . Les Iberes et les Rasenes precederent, en Europe, les Galls, Celtes ou Rymris. Tout en reconnaissant a cette grande race une origine blanche , tout en lui at- tribuant certaines aptitudes, M. de Gobineau se montre fort severe envers elle. Entraine par les faits qu'accu- mulent la tradition et Fhistoire, il retrouve d'abord en eux les traits physiques et les principaux caracteres moraux taut de fois exalt es par lui quand il s'agit des Arians, des Iraniens, des Hellenes primitifs ; il prouve (i) M. Ampfrrr. est d'une opinion biru oppos^e h celle de M. de Go- bineau. Le type retrouve dans les tombcaux (Jtrusques les plus anciens et du style le moins hellfinise se rapprocherait beaucoup de la flgure da Dante. Or, cette figure est aussi eloigned que possible du type jaune. (Voir dans la Hevue des Deux-Mondes le second article inti- tule : l.'Histoire rmnnino a Rome, 1855.) ( !>20 ) combien lcs populations gauloises etaienl eloignees de l'etat sauvage et meme de la barbarie; puis revenant en quelque sorte sur lui-meme, il nousmontre dans les Gcltes une race surtout agrirnle, industrielle, mm- mercante, dont la renommec militaire se fondeunique- ment sur quelques invasions, fruit de convulsions inte- rieurcs passageres; en un mot, notre auteur fait des Galls un pcuple fonciercment utilitaire et accusant par la une forte immixtion de sang jaune. On sait que c'est la un cachet d'inferiorite radicals pourM. de Gobincau. Gette conclusion me semble fort peu motivee , et menie etre peu en harnionie avec lcs idces fonda- mentales du livre, avec la facon de proceder jusqu'a present employee par l'auteur. On comprendrait (jiTil eiit montre dans les races gauloises, soumises a la do- mination romaine , les metis degeneres des premiers Galls. La preexistence d'une population franchement jaune ou presque jaune aurait explique a son point de vue cette degradation. Mais rien ne me parait motiver 1' opinion qu'il exprime sur la race consideree en elle- meme, et abstraction faite des melanges subsequents. Peut-etre l'auteur, sans s'en rendre bien compte, a-t-il ete domine ici par une idee qui se developpera plus loin. Pour pouvoir rapporter a une seule race, aux Ger- mains, toutc la civilisation modcrne; pour pouvoir attribuer a cette race pri\ ilegiee et a ses descendants les plus directs tout ce qui rcstc chez nous de pnssa- blement grand , beau ou bon , il fallait bien que les races precedentes n'eussent eu que fort peu de merite ; et cette idee preconcue, dont M. de Gobineau ne s'est certainement pas rendu compte a lui-meme , le conduit ( 221 ) parfois a peindre sous les couleurs les plus defavora- bles, lorsqu'il s'agit des Galls, ce qu'il admire et pare des couleurs les pluspoetiques lorsqu'il s'agit des Ger- mains. Pour justifier ce jugement, il me suffira de signaler la maniere dont sont appreciees par l'auteur les reli- gions des deux peuples. Sans doute il ne peut mecon- naitre entierement ce qu'avaientd'eleveet de spiritua- liste certains dogmes et certains rites druidiques ; il signale lui-meme ce que le sacerdoce gaelique voue a la contemplation , a 1' etude , faconne aux austerites et aux fatigues , etrangera 1' usage des armes et superieur a la societe mondaine qu'il est charge^ de diriger, offre d' analogies avecles puoritas des premiers Indous, c'est- a-dire avec les pretres des hommes par excellence ; mais en meme temps il nous parle d'un culte morose et cha- grin , d'un esprit de sombre superstition, reclamant des scenes mysterieuses et tragiques; il peint des couleurs les plus sombres les sacrifices humains s'accomplis- sant dans des forets humides ou tombent a peine quel- ques pales rayons de lime, et renvoyant le Gall liebet6 d'epouvante; il I'eproche amerement aux druides de ne pas avoir imite les puoritas dans la publication des dogmes, etc... Quand il s'agit des Germains, an con- traire , tout s'emJ^ellit sous la plume de l'auteur : les forets oil le fils des Roxolans croit sentir la presence de ses dieux se colorent des feux du soleil couchant ; ses dieux intangibles ne se revelent qu'al'imagination; et si les Longobards se prosternent devant un serpent d'or ; si les Saxons venerent le groupe myst^rieux forme du lion, de l'aigle et du dragon , c'est seule- ( 222 ) ment parce qu'ils croient trouver dans ces objets him Emanation de leurs di\ initcs : si l< pl'gtre unmtt homines vivants, ce n'cst plus uq sacrifice, c'e9t seti- lement une punition qui ennoblit a la fois la victimo el le sacrificateur ; enfin, quand diversee tribus arianes- germaniques adopterent la deesse Nerthua im le san- glier de Freya, cenefut, selon M. de Gobineau, qu'un acte de pure complaisance pour les instincts inferieurs des races conquises par eux. En presence du rappro- chement que j'indique, il me semble difficile tie ne pas voir en j\l. de Gobineau un juge quelque peu prevenu. Revenons maintenant, avec noire auteur, a L'6tude des grandes civilisations , ct voyons quelles sont celles qui out succede aux empires asiatiqucs et arian-hellene. Nous rencontrons tout d'abord la civilisation romaine, fort curieuse a etudier au point de vue etlinologique, et plus propre qu'aucune autre a montrer, contraire- ment a ce qu'admet M. de Gobineau, que le melange des races n'entraine pas l'abatardissement des m6tis. lei encore je prendrai les faita tels que les fournit l'au- teur lui-meme, sans les discuter, et me bornerai a recbercher si la conclusion qu'il en tire est bien reel- lejnent cellequi ressort du fond des choses. Toutcs les races que j'ai nominees jusqu'ici etaienl reprrsi Mitees en Italic A cote des Aborigines' apparte- nantau tronc ecltique plus oumoins altere par denou- velles alliances avec les Jaunes primitil's, mi trouvait deja des lberes venus d'Espagnfy des llhrimis, des Venetes, qui, co/nine les llhasenes, apparlrnaient a la race slave. Vers l'an 1(500 avant noire ere lea C.elti- beres vinrent se meler & ces elements primilils. Vers ( 223 ) le Xe sit;cle arriverent ties colonies grecques deja for- tement semitis6es. Dans le Ille les Grecs tyrrh6niens , partis de la cote ionienne, aborderent a leur tour au milieu de ces populations deja si melangees et, renou- velant le sang des Rhasenes, jouerent, sous le nom de Luciuuons, un role considerable. Bientot, en guerre avec leurs voisins, ils s'agrandirent a leurs jdepens et auraient, dit M. de Gobineau, joue le role que rem- plirent plus tard les Romains, s'ils n'avaient laisse echapper de leur sein ce germe fecond dont 1'energie leur porta la inort. Dans leurs conquetes en Campanie , les Etrusques tyrrheniens etaient arreted par le Tibre, dont la rive gauche etait au pouvoir de la confederation latine. Dans l'espoir d'entamer cette derniere, les Lucumons jeterent au milieu d'elle, etsur le premier point venu, une petite colonie sous les ordres de deux aventuriers qu'on disait batards de la fille d'un chef de tribu. Ceux-ci, pour accroitre le nombre de leurs compagnons, appelerent a eux les gens sans aveu, qui arriverent de toule part et de toute race. Mais le peuple fondateur imposa a ce ramassis de bandits une noblesse tiree de son sein et un gouvernement calqu6 sur le sien propre. Tels furent done les commencements de Rome, de cette ville qui devait avoir de si grandes destinies , et qui pourtant, si M. de Gobineau est dans le vrai , au- rait du, des son origine, etre frappee de degradation par suite de l'heterogeneite de ses elements ethniques. Rome etrusque grandit d'abord par des procedes tres semblables a ceux qui lui avaient donne naissance: elle conquit ct s'assimila quelques tribus voisines du ( 224 ) Latium; die accueillit les vaincus et les fuyards des villes voisines, ajoutant ainsi cliaque jour h cette con- fusion des races qui aurait du la perdre d'apres la theorie que je combats. Et pourtant. quel fut le n'sul- tat de ces croisements reiteivs? 11 en sortit , on le salt, une population rustique, il est vrai, et inferieure sous le rapport du developpement intellectuel a la race 6trusque tyrrhenienne, maispleine d'energic et de vi- tality , amoureuse de la liberie au dedans, de la domi- nation au dehors, et qui au premier moment favorable chassa avec ses rois l'aristocratie lucumone represen- tant les premiers fondateurs. Par l' expulsion de ses chefs etrusques, Rome prend un caractere en harmonie avec sa fondation. Elle attaqne et soumet d'abord ses voisins du Latium, puis les Lucumons eux-memes, puis enfin l'ltalie entiere, y compris les corps de Galls qui avaient franchi les Alpes et s'etaient etablis dans 1'Umbric. M. de Gobineau trouve cesprogres tout simples. Mais, dans sa maniere de voir generate, ils sont, au contraire, inexplicables. Puisquela population romaine etait le resultat du croi- sement de toutes les races italiotes, puisqu'elle n'avait recu aucun element particulier propre a la rclcver, elle etait , par consequent , etlmiquemcnt moins pure quo chacune des nations quelle attaquaitet subjuguait tour a tour. Or, nous voyons cette population de plus en phis melangee acquerir chaque jour des forces nou- velles, devenir irresistible, et quand elle se mesure avec des fds de Roxolans eux-memes, avec ces Ger- mains places si haut dansl'esprit de l'auteur, c'est en- core elle qui l'emporte. Quiconque pesera sanspreven- ( 225 ) tion ces fails et tous ceux que je pourrais emprunter a cesmemes temps historicpj.es, y trouvera certainement mie preuve cles plus frappantes en faveur de 1' opinion que j'ai soutenue plus haut. La force d' expansion reguliere et contenue, la puis- sance d' assimilation, ne sont-elles pas les caracteres les plus manifestes d'une race profondement energique et d'une civilisation puissante? Et pourtant c'est tout au plus si M. de Gobineau trouve une nation dans Rome ; c'est a peine s'il accorde qu'il y ait eu une civilisation romaine. Dans la premiere, il voit a chaque instant les elements sabins , sicules , grecs ou gaulois , et leur fu- sion, si evidente pourtant, parait lui echapper presque toujours. En parlant de la seconde, il dit volontiers la culture romaine. II lui reproche toute espece de choses, depuis la rudesse de ses consuls laboureurs, jusqu'a la corruption raffinee de ses rapaces proconsuls. Je ne vois pas qu'il ait rien trouve a louer. Mais alors, pour- rait-on demander a M. de Gobineau, comment ,se fait- il que Rome ait pu grandir ? comment se fait-il meme quelle ait pu vivre? Cette question, l'auteur n'a pas songe a la poser, et, en verite, pour quelqu'un qui re- garde les melanges etlmiques coinme necessairement, forcement desorganisateurs, la reponse etait difficile. Apres avoir subjugue l'ltalie, on sait que Rome sub- jugua le monde. Or, si elle est traitee par M. de Gobi- neau avec la severite que j'indiquais tout a l'heure, pendant que sa population etait formee seulement par le melange des races italiotes, on comprend ce que doit etre le jugement de rauteur alors qu'elle compta dans son sein des representants de toutes les races con- XIII. mars. 5. 15 ( 226 ) nues, et surtout lorsquo lea elements semitis6s ou fran- chement semitiques etmeme chaniites vinrent se meler dans S6S murs au sung croise ties Blancs et ties Jannes. Ici nous renverrons a l'ouvrage lui-meme, apres une, simple reflexion. Nous accorderons a M. de tiobineau que les vices et les crimes de la Home semitique, et plus encore, de la Rome des empercurs, soul aussi grands, aussi odieux que possible; nous reconnaitrons avec lui qua cette epoque le sang national a\ait etc dilue au point qu'il devait a peine en raster des ves- tiges, et que les se-natcurs de j\eron et d'lleliogabale n'etaient pas plus de fait que de droit les descendants des peres consents contemporains de Camille ; niais inalgre tous ces vices et tons ces crimes, en depit de cette confusion etlmique et de cet envahissement du Nord par le Midi, qui commence a la chute de Carthage et a la couquete de la Grece , Rome cessa-t-elle de grandir? Perdit-elle son ascendant? L'histoire est la pour repondre. L' influence romaine ne se montre pas seulement dans ses conquetes; elie parait bien plus grande encore dans les transformations quelle ppere dans les peuples sounds. Sans douteceux-ci lui appor- tent aussi quelque chose. Quoique vainqueur, on ne se frotte pas impunement a une culture plus avancee , a des nueurs plus polies, a un luxe plus ratline, et Mum- mius ne pouvait avoir que peu de successeurs. Mais a son tour Rome reagissait sur toutes ses conquetes, et on peut dire que, si elle se semitisa , rile romanisa le monde. Pour interpreter ce phenomene social, je me servirai volontiersd'une comparison toute pliysiologicpie em- ( 227 ) ployee par M. de Gobineau lui-meme , quoique a un point de vue un pen different. Les nations naissent et croissenta pen pres comme le corps hnmain. Or, celui- ci, soumis a ce mouvement perpetuel d'apport et de depart que Cuvier appelait le tourbillon vital, grandit et se developpe non pas en juxtaposant sans cesse mo- lecule a molecule, de facon a ce que le vieillard con- serve encore les materiaux acquis par 1' enfant, mais bien en perdant sans cesse et en gagnant plus qu'il ne perd. II resulte de la que tout ou presque tont en lui est change au bout d'un temps donne, et pour- tant l'individualite persiste. Que l'enfant soit robuste et vivace, et ses aliments, quelque nombreux et varies qu'ils soient, seront aisement assimil6s , c'est-a-dire se trans forme ront sans peine et viendront prendre place dans cet organisme toujours le meme malgre ses transformations incessantes. Tel est le spectacle que nous offrent ces petites bourgades qui devinrent la ville eternelle. Des le debut, et plus encore a partir tie l'expulsion des Tarquins, Rome deploie une individua- lity caracteristique. II n'y a plus dans ses murs ni Iberes, ni Sicules* ni Galls, ni Rhasenes ; il n'y a plus que des Romains ; et tout ce quelle s' adjoint revet ra- pidement le meme caractere. Des lors les 6l6ments premiers peuvent s'effacer : l'avenir est assure. Gependant, comme tout ce qui a vie sur terre, Rome devait vieillir et mourir. A qui demanderait la cause de cette decadence et de cette mort, on comprend la reponse de M. de Gobineau. Les melanges etbniques, selon lui, rendent compte de l'un et de V autre. G'est a peu pres comme si Ton expliquait la vieillesse et la ( 228 ) fin de I'homme par la variety des aliments. Or. la physiologie nous apprend ([ue cette variete est neces- saire, etque 1' usage d'une nourriture trop simple equi- vaut a l'inanition. En serait-il de meme ppur les peu- ples, et Taction d'une race n'agissant que sur elle-meme, ne recevanl rien du dehors, conservant par consequent sa purete entiere, ai>outirait-ellc a la mort? Non sans doute; maisce regime social aurait inevitablemenl poui suite au moins un sommeil semblable a celui qui pa- rait avoir frappe la societe" brahmanique ou les popula- tions chinoises. Pendant que I'empire romain accomplissait sesdps- tin^es, la Haute- Asiepreparait une nouvellerace privi- legiee qui devait, selon M. de Gobineau, renouveleren I'lificra. elle seule toutes les civilisations anciennes et faire accomplir al'humanite saderniere evolution. Con- nne des ecrivains chinois sous le nom de Kliou-te, des poetes indous sous celui de Khetas, cette race etait nn peuple Vratya, rebelle aux lois du brahmanisme, vivant an nord do l'Hynialaya, mais de la meme sou- che que les Indous primitifs. Apres avoir quitte sa pre- miere patrie, il porta les noms de Getes, de Scythes , de Sakas, de Sarmates, de Saxnas, de Saxons, deno- minations qui toutes designent nne on plusieurs bran- ches de ce tronc incontestablement arian. Un des ra- meaux Irs plus puissants, celui des Roxolans, issu des Mains, s'etablit dans la llussie centrale vers le VIIC ou VIIIe siecle avant notre ere. C'est le pays que l'Edda dGsigne sousje nom dc Gardarike [empire >. ces popula- tions auraient ete incapables de s'elever au-dessus do IV tat de tribus errantes et sauvages. Mais elles oni recu quelques pales reflets des civilisations lointaines par l'intenn&liaire des metis uialais de la Polynesie, peut-etre aussi grace a ces aventuriers blancs qui a diverses epoques ont aborde sur les cotes orientales du Nouveau Monde. Leur etat social a d'ailleurs 6te tou- jours tres inferieur et incapable de duree, et la cause en est dans la nature de la race meme. M. de Gobi- neau, lorsqu'il s'agit des indigenes americains, accepte sans discussion tout ce qu'en ont dit de pire les voya- geurs qui, comme MM. Spix et Martins, n'ont guere observe que des debris de tribus chassis et traques comme des brtes fauves. Autant vaudrait juger de la race celtique par les exploits nocturnes des white-boys irlan- dais. Cen'est pas a ces sources qu'il f'auts'adresserpour connaitre ces malheureuses populations, c'est aux pre- miers voyageurs et missionnaires. Pour ne parler que d'une seule contree, dont le nom retentit parl'ois dans les journaux, parce que la seulement se prolonge une ospece de lntte , qu'en lise I'histoire de V expedition dc Sotto en Florida, qu on (Vnillettc les voyages de Bar- tram, et on restera convaincu de ce qu'il y a de pen i'onde dans les appreciations de l'auteur. M. de (iobineau se tient dans une sage reserve au sujet de la civilisation alleghanicnne, dont nous ne ( 235 ) savons a peu pres rien ; il est bref et severe pour les civilisations peruvienne et mexicaine. Examinant en suite ce qu'il faut attendre des colonies europeennes qui out remplace les Incas et les Azteques, il n'a natu- rellenient que le dedain le plus profond, ou mieux le plus parfait mepris, pour cesPortugais, ces Espagnols, ces Francais deja cent fois metis, qui ont encore abaisse leur sang et leur race par de nouveaux croisements negres et amencains. Au nord seulement se montre le groupe blanc, relativement pur, des Anglo-Americains. Mais la aussi le melange des races a porte ses fruits, etquoique fier encore de son vieuxnom de Saxon, l'ha- bitant des Etats-Unis n'est qu'un fils bien degenere des anciens Scandinaves. Cependant il a conserve l'ener- gie caracteristique de sa race, et le chasseur du Ken- tucky, appuy6 sur son rifle, represente, pour les peu- ples melanises du sud, le Longobard, le Franc, le civilisateur des siecles passes. A lui done est reservee la conquete legitime de tout le nouveau continent. Mais la s'arreterasa puissance. Chaque jour, deplus en plus noyee dans le flot d' emigrants irlandais, allemands, francais, italiens, la population des Etats-Unis marche vers l'anarchie ethnique, tout aussi bien que les peu- ples europeens. En s'avancant vers le midi, elle ajou- tera a ce triste melange un sang compose d' essence indienne, negre, espagnole et portugaise. « D'une si horrible confusion, dit M. de Gobineau, il ne peut re- sulter autre chose que la juxtaposition incoherente des etres les plus degrades. » La race anglo-americaine ne peut done rien enfanter de nouveau, et tout se reduira pour elle a une conquete materielle que rien ne saurait ( 236 ) empecher, si ce n'est peut-etre lcs divisions etla guerre eclalant dans son propre sein. L'humanite, d'apres M. de Gobineau, no vit quo par la race blanche, et par la il faut entendre surtout le grand rameau arian. Or, « cette race , considered abstractivement, adisparu de la face du monde. \pres avoir passe l'age des dieux ou elle etait absolunient pure, l'age des heros ou les melanges etaient moderns de force et de nombre, l'age des noblesses ou des fa- cultes grandes encore n'etaient plus renouveiees par des sources taries , elle s'est acheruinee vers" la confu- sion definitive, par suite de ses hymens heterogenes. Partout elle n'est plus representee maintcnant que par des hybrides La part de sang arian, subdivis6e deja tant de fois, qui existe encore dans nos contr6es et qui soutient seule 1' edifice de notre societe, s' ache- mine chaque jour vers les termes extremes de son absorption. Ce resultat obtenu, s'ouvrira l'ere de l'u- nite. Le principe blanc, tenu en echec dans chaque homme en particulier, y sera vis-a-vis des deux autres dans le rapport de un a deux, triste proportion, d'au- tant plus deplorable, que cet etat de fusion ne sera que le caput mortuum d'une serie infinie de melanges et, par consequent, de fietrissures ; le dernier terme de la m6- diocrite en tout genre : mediocrite de force physique, m6diocrit6 de beaute , mediocrite d' aptitudes intellec- tuelles, on peut iiresque dire le neant Les nations, non, les troupeaux humains, accabies sous une morne somnolence, vivront des lors cngourdis dans leur uul- lite , comme des buffles ruminant dans les flaques stagnantes desmarais Pontins Nos honteux descen- ( 237 ) dants cGderont a la vigoureuse Nature l'universelle domination de la Terre, et la creature huinaine ne sera plus devant elle un ruaitre, mais seulement un bote comme les habitants des forets et des eaux. a Ici j'ai cru devoir citer textuellement, pour ne pas etre soupconne de forcer les idees de l'auteur. On voit f[uel avenir il reserve a l'humanite. Sans trop faire les glorieux, il nous est, je crois, permis de dire que les faits semblent promettre autre chose. Ce n'est pas au lende- main de l'invention des steamers, des locomotives, des telegraphes electriques et des applications du chloro- forme, alors que l'homme arrive a aneantir la distance, a se passer du temps, a supprimer la douleur, qu'on pent secroire a la veille d'etre vaincupar la nature. Au reste, M. de Gobineau ne croit pas que ce mise- rable etat soit de longue duree. D'apres lui, un des effets des melanges indefmis est de reduire les popula- tions a des chiffres de plus en plus nrinimes. 11 explique ainsi la depopulation relative de certaines contrees. Ainsi, du meme pas que l'humanite se degrade, elle s' efface. II est done possible de prevoir quand elle li- nira. Or, la famille ariane elle-meme n'etait deja plus pure quand a commence notre ere. Six a sept mille ans avaient sufli pour iletrir dans son essence le principe visible de toute societe, pour semer en tout lieu des germes de decrepitude. Dans les dix-huit cents ans qui se sont ecoules depuis, le travail de fusion a con- tinue, et aujourd'hui il s'est cr66 des moyens d' action bien autre ment puissants que par le passe. Les trois races fondamentales ne possedent plus un seul groupe pur, et Tamalgame complet. dont le resultat sera la fin ( 238 ) de l'espece, mettra sans doute ;i B'accomplir mi pen nioins de temps qu'il n'en a mis a Be preparer. vVinsi la domination de l'liomme sur la terre petit »Mre e\a- lnee a une duree totale de douze ;i quatorze mi lie a us. partages en den\ ptriodes : 1'nnc, qui estpassee, am a vu la jeunesse, la vigueur, la grandeur de lYspece ; l'autre, qui a deja commence, en verra la del'aillance et la decrepitude. Je crois devoir me borner a exposer ces conclusion^ dernieres de l'auteur. Bien convaincu que l'lminanite a commence, que par consequent elle finira. je ne crois pas que la science nous permette encore de pre\oir ni l'epoque ni le mode de cette fin. Je ne discuterai |>a^ davantage quelques opinions socialcs ou philosophi- ques evposees dans le cours de l'ouvrage, et qui soni la consequence de la maniere dont 1'auteur envisage la position respective des races humaines et leur action icri|iroque. Croyant a rinegaliie native de ces races, a 1'inlluence nefaste des croisements, M. de Goi/meau ne peut regarder l'egalite ])olitique que comme une veritable aberration. Son ideal de societe a pom' cliel un roi du sang des Ases regnant tant bien que mal sur une puissanti; aristocratie du plus pur sang ariati: la classe moyenne est composee de metis, et au-dessous grouille le peuple noir oujaune tres justement domine par lesautres classes. Appliqiu'c aux societtscvistautes, on comprend qu'une pareille doctrine justilic Don-sen- lement le servage. mais encore resc]a\auri' lui-mcmc avec tout ce quece mot suppose de plus absolu. Telle est en efTet 1' opinion de l'autenr, qui, tout en blamanl Tabus, n'en aflirme pas moinsle droit de cette institution. ( 239 ) S'il est vrai que tout soit dans le sang et que celui- ci entraine forceinent un certain nombre d' aptitudes speciales et d' instincts iniperieux, on voit que la res- ponsabilite individuelle ou generale est bien pres de disparaitre. M. de Gobineau ne recule nullement de- vant cette conclusion. Pour lui la naissance, le deve- loppement, ou 1' eclipse d'une societe et de sa civilisa- tion, constituent des phenomenes completement en dehors des passions humaines et des resolutions popu- laires. Seuls les differents modes d'intelligence depar- tis aux diverses races s'y font reconnaitre, et de la sphere absolument libre ou ils se combinent et operent, le caprice de riiomme ou d'une nation ne saurait faire toinber aucun resultat fortuit. Ces forces actives, ces principes vivifiants, constituent une espece d'auie rera- plissant au sein du monde intangible des emplois ana- logues a ceux que 1' electricity et le magnetisme exer- cent sur d'autres points de la creation. Cette ame est au fond etrangere et exterieure a la societe quelle en- veloppe et aniine. Ainsi l'existence d'une societe est nn eflet qu'il ne depend de 1'homme ni de produire ni d'empecher. Elle ne comporte done pas de moralite. Une societe n'est en elle-meme ni vertueuse ni \icieuse ; elle n'est ni sage ni folle : elle est. Une societe enve- loppe ses nations comnie le ciel enveloppe laterre ; elle leur impose leurs modes d'existence; elle les circon- scrit entre des limites dont ces esclaves aveugles n'e- pronvent pas memela velleite de sortir, et n'en auraient pas la puissance ; elle regit les individus aussi bien que les peuples ; elle manie, elle p6trit en quelque sorte leurs cerveaux, et leur indiquant certaines voies, elle ( 240 ) leur ferme les autres, dont elle ne leur permet pas uieme de voir Tissue. — Sauf les developpements que j'ai retrenches, tout ce qui precede est textuellement emprunte" a M. de Gobineau. II est difficile, on le voit, d'admettre et de motiver plus nettement le dogme de la fatal ite, et on ne comprend guere comment l'auteur concilie cet ensemble d'ideVs avec la croyance a la mo- ral ite, etpar suite a la responsabilite* individuelle. Est-il besoin d'aj outer que, sur ce dernier point seulement, je partage les opinions que je viens d'exposer ? Elles sont la consequence logique des doctrines etlmologiques de- veloppees precedemment. Partant d'un point de vue a peu pres diametralement oppose, je dois arriver a des conclusions tout autres ; mais je crois inutile d'entamer ici une discussion qui m'entrainerait trop loin. Ce rapport est deja bien long, et pourtant il serait incomplet si je ne faisais une observation importante. Une idee g6nerale sert de fondement au livre de M. de Gobineau, en relie toutes les parties, et ressort a cbaque page. Or , cette idee, je ne la par- tageais pas. Je me suis done vu oblige" de la com- battre et en elle-meme et dans ses principals con- sequences. Je me suis par la a peu pres constamment trouve en guerre avec l'auteur. Mais je regretterais qu'on jugeatl'ouvrage d'apres ce fait. Pour ne pas etre cV accord avec M. de Gobineau, je n'en reconnais pas moins ce que son ouvrage a d'interessant et d' utile. L'auteur, tres au courant des travaux modernes, a reuni et condense" une masse enorme de materiaux qui, par leur rapprochement, acquierent une importance nouvelle. Le point de vue m£me auquel il s'est place" , par ( 241 ) suite cle ce qu'il a d'inflexible et d'absolu, lui a permis de mettre le plus grand ordre au milieu de ces richesses qui auraient pu devenir encombrantes, et cle donner a son livre un cachet remarquable d' unite. UEssai sur I'inegalite des races hiauaines est ainsi devenu une esquisse d'histoire universelle prise au point de vue ethnologique. Or, lorsqu'une science est en voie de se former, — et l'ethnologie en est encore a peine la, — ces essais de synthase, alors meme qu'ils reposent sni- des donnees inexactes et conduisent a des conclusions erronees, ont ton jours une grande valeur. lis pro- voquent des rapprochements, ouvrent des vues d' en- semble, font naitre des id6es generates, et par leurs clrfauts memes preparent l'avenir. Ajoutons qu'ils ne sauraient etre l'ceuvre que d'un esprit ouvert et hardi. L'ouvrage de M. de Gobineau presente tous ces ca- racteres. De plus ecrit dans un style anim6, souvent meme passionne, il se fait lire sans fatigue, entraine et attache l'esprit. En vulgarisant des faitset desidees jusqu'a present trop peu connus, en appelant l'atten- tion de tous les homines eclaires sur une foule de questions trop negligees, il sera utile a l'ethnologie, et c'est a ce titre surtout que je propose a la Societe de voter a l'auteur des remerciments merit6s. A. DE QUATREFAGES. XIII. MARS. 6. 16 ( 2A2 ) Nouvelles et communication*. EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. LE DOCTEUR HENRI BARTH A M. JOMARD. Londres, 28 ftvrier. Je vou9 ai ecrit que M. le docteur Vogel avail entrepris un voyage dans le Wad ay ; il a reussi a y penetrer. C'est le premier Europeen qui, jamais, ait mis le pied dans cette con tree (1). En partant pour le Waday (je crois en Janvier ou fevrier 1850), le docteur Vogel a laisse k Rouka, la capitale du Bornou, son compagnon, M. Macguire, qui avait soufTert beaucoup d'une maladie pendant le voyage dans le Bautchi et durant sa longue residence a Gomb6. 11 nous ecrivait, en decembre 1855, qu'avant do partir pour le Ba- guermi, il avait l'intention d'envoyer en Europe les calculs de ses dernieres observations astronomicpies ; mais rien n'est arrive. Ene annee presque entiere s'est ecoulee depuis la derniere lettre du docteur Vogel ; mais une lettre a 6te recue a Tripoli, de la part de M. Macguire, contenant les bruits facheux qui cou- raient dans le Bornou sur le sort de mon infatigable et courageux ami. Si, ce que Dieu veuille, il a reussi a (1) Voir Voyage an Ouadaij, par le cheyk Mohanimcd-el-Touns), traduit par M. Perron, et publit4 par If. Jomard, avec une preface. ( 243 ) 6chapper & tons les dangers qui attendent naturelle- ment un voyageur dans une contr6o qui n'a jamais ete Visited par un European, et dont la population est des plus farouches, vous pouvez etre sur que les r6sultats de son voyage seront de la plus grande importance. Avant de penGtrer dans le Wad ay, il a du certaine- ment passer par le Baguermi, con tree ou j'ai fait une residence de plusieurs mois ; on peut esp6rer au moina que les observations astronomiques des enclroits les plus important? de ce pays seront sauv^es ; mais, au- tant que je sais, M, Macguire n'ecrit rien au sujet des papiers du docteur Vogel; cependant cliacun doit penser que celui-ci aura envoy6 a Tripoli tout ce qu'il pouvait exp6dier. Aussitot que j'apprendrai des nou- velles plus certaines, je vousecrirai Signe : Barth. EXTBAIT d'une lettre de m. berthelot, Aneien secretaire general de la So-ricHe" de Ge\>graphie , agent cousulaire de France a Tdne>iffe, A M. JOMARD. J'ai pris connaissance de votre Memoire sur T emplacement d'Alesia, dans le Bulletin d'aout et septembre ; e'est un sujet qui m'a occupe aussi, non pas quant a la question de la veritable position de ce formidable opmdum : car, sous ce rapport, mon opinion est celle de presque tous les commentateurs des Com- ( m ) mentaires, « Alesiam quod est oppidum Mandu- biorum » ; mais j'ai cu occasion, il y aura bient6t deux ans, de relire les Commentaires de Cesar et de rappeler dans un ecrit le siege d'Alesia an sujet de celui de sr-\ astopol.Vous serez moins surpris de ce rap- prochement , lorsque vous en connaltrez les motifs. La lutte dans laquelle l'honneur de nos amies se trouvail engage en Orient m'avait fait suivre avec anx'n'-te tnutes les peripeties de ce grand drame , et, tandis que de si importants interets remuaient l'Eu- rope , mon eloigneinent de la France redoublait encore mes sympathies. Au milieu des devoirs du service, je profitai de quelques instants de loisir pour m'occuper aussi de la grande entreprisc qui fixait alors 1' attention du monde. En 1'envisageant au point de vue de 1' opi- nion publique, dans ses differentes alternatives d'es- poir, de doate et de perplexity, je voulus contribuer k fortifier la confiance des esprits. En regard du siege de Sevastopol, qu'on pouvait considerer comrae la plus grande operation de guerre des temps modernes , je placaia un des faits historiques les plus importants des temps anciens. L'analogie qui existait entre ces deux entreprises se montrait encore dans les dispositions prises pour en assurer le succes. Jamais rien ne s'etait passe de si remarquable dans ces derniers temps; et, si j'interrogeais I'histoire, il fallait remontera dix-huit siecles pour trouver un fait analogue : e'etait le siege <1" Alesia par Jules Cesar. Alesia . sur le mont Auxois , etait la plus forte place des Gaules. Les avantages de sa position , les quatre- viugt mille hommes qui la defendaient, l'arniee de ( 2*5 ) deux cent cinquante mille combattants qui vint la secourir, ne purent rien contre la valeur des Romains et le genie de Cesar. Sa reddition d6termina la sou- mission de toute la Gaule et l'affermisseinent de la domination romaine dans la plus belle partie de l'Eu- rope. Ce fut a ce siege memorable que Cesar deploy a le plus d' intelligence et de savoir dans l'art de la guerre ; a la relation qu'il en fait dans ses Commen- taires , on admire ses provisions , on s'etonne des grands travaux qu'il fit executor au cocur de l'hiver autour de ses campements, des incroyables efforts et de la perseverance de ces legions indomptables qu'il avait su aguerrir a toutes les fatigues ; car Cesar avait entrepris cette glorieuse campagne avec des troupes tirees d'ltalie et composees en grande partie de soldats veterans , accoutumes a braver tousles climats. C'etait avec ces legions invincibles qu'il avait conquis la Grande-Bretagne , soumis l'Helvetie, franchi le Rhin et porte ses aigles triomphantes.jusque dans les forets de la Germanie. Mais, ce qui surtout m'interessait au plus haut degre dans le siege d'Alesia, c'eHait la coin- cidence de plusieurs faits capitaux avec les principales operations du siege de Sevastopol. Ainsi je retrouvai la une arm6e assaillante , occupant devant la place un plateau escarpe, et obligee de se diviser en deux corps : celui de siege et celui d' observation ; l'un operant contre la ville , 1' outre pret a repousser les ennemis de l'exterieur. Pour venir a bout de cette double et rude tache , il fallut , comme a Sevastopol , se garantir des deux cotes : ici , par des retranchements form ant une ligne de cOntrevallation autour de la place, sur un developpement d' environ onze milles; la, par une ( 246 ) autre ligne de circonvallation embrassant encore ua plus grand espace, pour resistor aux attaques du dehors et empecher l'arrivee des secours. Ces rapports remar- quables rn'engagerent a extraire des Commeniaires de Cesar la description si curieuse du siege d'Alesia, afin qu'on put juger, par la grandeur de l'entreprise et l'opportunite des dispositions , de ce qu'on devait attendrc de celle dans laquelle nous etions alors en- gages, etc. Bertiielot. NOTE RELATIVE A LA DISCUSSION SUR ALESIA. M. Ernest Desjardins a la parole pour ttne commu- nication, ct s'exprime ainsi : Messieurs, j'ai l'honneur de deposer sur le bureau de la Commission un exem- plaire d'une petite brochure in-18 de 5/i pages, iiiti- tulee : De la position reelle de I Alesia de Jules Cesar, par Emm. Bonsson de Mairet, professeur emerite de belles-lettres ; Arbois, 1856. Ce petit travail, dans le- quel l'auteurse declare partisan dusystemede M. De- lacroix en favour ftAUtse pros Salins en Franche- Comte, n'a qu'une bicn faible valeur par lui-meme; mais a la fin de cette brochure se trouve un document nouveau et qui me parait avoir un grand interut dans la question de la position d'Alise. C'est un rapport de deux professeurs des classes superieures touchant une exploration qu'ils out faite sur le plateau cl aux envi- rons d'Alaise. Ce rapport est signe Leon Robert. Pour apprecier l'importance de ce document, il faut se rap- peler que, dans son memoire, d'ailleurs tres remar- ( 247 ) q liable sous le rapport de la question strat6gique , M. Rossiguol, arcliiviste de la Cote-d'Or, partisan de- clare de l'opinion ancienne, et qui s'est applique a faire une refutation energique du systeme nouveau, avait de- clare qu'apres s'etre transports a Alaise, il n'y avait vu aucune trace de fortifications antiques, aucun ves- tige de construction, rien qui put faire supposer l'exis- tcnce d'une ancienne ville sui' le plateau franc-comtois. Or il resulte, de l'examen attentif auquel M. Leon Ro- bert et son collegue se sont livres, qu'il existe pres d' Jlaise des traces tres visibles : 1° d'immenses tra- vaux de circonvallations , 2° de murs d'enceinte , 3" de debris de constructions anciennes. M. Desjardins donne lecture d'un passage du rapport ou ces faits sont 6ta- blis d'une maniere evidente. Ce qui donne plus d'im- portance encore a ce document, c'est qu'il se trouve corrobore par le t&noignage de M. Cli. F. Varaigne, membre associe de la Commission arcli^ologique de la Franche-Comte, qui vient d'adresser a la SocieHe' de Geographie un extrait des memoires de la Societe d'e- mulation du departement du Doubs. C'est une note de 9 pages sur les explications qu'il a donnees dans les seances des 8novembreetl(5 decembre 1856. M. Varaigne s'est transporte a Alaise ; il a fait fouil- ler les tumuli dont parle M. Delacroix, et qui sont con- siders par lui comme representant les tombeaux des Germains qui combattaient clans l'armeede C6sar. On avait nie que ces tumuli fussent des tombeaux : M. Va- raigne y a trouve des ossements humains et des debris de poterie qu'il considere comme celtiques, jusqu'a meilleur informe. II parle ensuite d'un monument druidique decouvert recemment sur le plateau d' Alaise, ( 248 ) d'une galerie convene, de trois inurs reeonnus dans une propriete appelee les Temp/es, et il ajoule (page (5) que « tout cet ensemble presente des singularities tel- lement frappantes, qu'on hesite difficilement a recon- naitre une pierre druidique dans la pierre decrite, une allee couverte dans ces fosses si remarquables, un lieu sacre dans ce vaste champ de pierre et des enceintes de fortifications gauloises dans le labyrinthe que des- sinent ces longues lignes de murgers. Je signale done sans crainte, ajoute M. Varaigne, cette partie du mas- sif d'Alaise comme meritant d'etre l'objet d' observa- tions approfondies et des plus serieuses etudes. Car le plan sonnnaire des lieux, qui vient d'etre dresse, a deja fait connaitre que cette entree fortifiee de la bourgade antique est peut-etre le plus beau specimen de con- struction militaire gauloise de l'epoque primitive dont il reste encore des vestiges. Le champ de pierres, dis- pose comme un glacis au-devant de l'enceinte dite Champ du matin, parait jouerle i"61e de ce qu'on appelle aujourd'hui, en ternies de fortification, les chevaux de /rise. » Le celebre naturaliste et voyageur suedois M. Jean- Auguste "VYahlberg, de l'Academie de Stockholm, a peri dans l'Afrique meridionale, en chassant un ele- phant. II etait a la tetc d'une expedition scientilique, composre de .AIM. Green, Kooleman, Cathcart-Castry, qui avait deja explore le lac Ngami, les rives du Tio- ghie, celles du grand fleuve Tamalakas ; ses collections ont ete remises a M. Letterstedt, consul general de Suede au Cap. ( 249 ) %ctes de la Soci£t£. EXTRA1TS DES PROCES-VERIUUX I)ES SEANCES. Seance du 6 mars 1857. M. le general Almonte, ministre plenipotentiaire du Mexique a Londres, 6crit a la Societe pour lui offrir, de la part de l'auteur M. Garcia Gubas, les premieres li- vraisons de son Atlas g^ographique, statistique et his- torique de la Republiqne mexicaine. M. Jomard annonce que M. le capitaine de Bonne- main vient de faire un voyage a Ghadames et qu'il en rapporte des inscriptions libyques tracers de la main des femmes Touareghes. II ajoute, d'apres une lettre de M. le docteur H. Barth, qu'on a recu a Tripoli des nouvelles du depart du docteur Vogel du Bournou pour le Wad ay. La Society admet au nombre de ses membres M. de Kerhallet, capitaine de vaisseau. M. Cortambert fait un rapport sur le voyage de M. Viquesnel dans la Turquie d'Europe, et pr^sente, d'apres cet ouvrage, un apercu statistique de l'empire ottoman. — Renvoi au Bulletin. M. de Froidefonds des Farges rend compte de 1' ou- vrage de M. Ernest Blancheton sur la colonie du Cap de Bonne-Esperance. — Renvoi au Bulletin. M. Lejean donne quelques explications en r^ponse aux observations adressees a la Societe par JM. Buisson, au sujet de la notice de Bolgrad qu'il a publi^e recem- ( 250 ) meat. La Commission centrale accueille ces explica- tions avcc toute la eonfiancequ'ellesmeritciit, et invite M. Lejean a se concerter avecM. Buissod pour fixer clans l'interet de la Geographic la vraie position de cette ville. M. Canot ecrit a la Societu pour lui proposer nn projet de geographic nonnale et destinee specialement aux etudes classiqucs. Dans cette geographie, tous les noms de lieux seraient ecrits avec l'orthographe et les carac teres en usage chez les peuples qni les liabitent ou les possodent. On y joindrait la prononciation et au besoin une transcription. On laisserait, en outre, a cot6 des noms nouveaux les noms aujourd'liui usites. M. Canot pense que les eleves de nos ecoles seraient ais6nient formes a ce systeme, et qu'ils l'auraient bieil- t6t popularise. De nombreux avantages en resulte- raient, selon lui, pour la Geographic, qui deviendrait ainsi le lien des peuples et repandrait en France le gout de l'etude des langues. Cette communication fait l'objet d'une discussion a laquelle prennent part RIM. Jomard, Guigniaut, Cortambert et Alex. Bon- neau* A la suite de cette discussion, la Society decide qu'il ne lui apparlicnt pas de prendre une decision a cet egard. Seance da 20 mars 1857. M. Jomard communique deux lettres, la premiere de M. Berthelot, relative a la discussion sur Alesia, et la secondede M. Mac-Carthy, datee d' Alger, au strjet du ( 251 ) voyage du capitaine Bonneinain a Ghadames et des prochaines excursions qui doivent avoir lieu a l'inte- rieur du Sahara. (Des extraits de ces deux lettres se- ront in'seres au Bulletin). M. de la Roquette annonce que des lettres parve- nues de Londres lui font connaitre qu'on Vient d'y apprendre, par une depeche de M. Henry Grinnell que lecelebre navigateur Kane, dont la sante semblait s'a- meliorer depuis quelque temps, avait \u son etat sag- graver subitement ; un message telegraphique recti, de la Havane le repr6sentait meme comme mourant. Tout espoir ne parait cependant pas encore perdu, et Ton considere a Londres la nouvelle de sa mort, donnee dans I' Athenceum anglais du 7 mars, comme prematuree (1). M. Malte-Brun donne communication d'uiie lettre a lui adress^e par le docteur Bartli, dans laquelle ce sa- vant voyageur persiste a regarder comme entierement controuvee la nouvelle de la niort du docteur Vogel ; a propos de 1' annonce de la presence des Francais a Ouargla, il temoigne l'espoir que des relations plus sui- vies s'etabliront bientot entre le Soudan et TAlgerie. Le meme membre annonce que le capitaine Richard Burton etait heureusement arrive a Zanzibar, et qu'il se proposait de se rendre, sans perdre de temps, au grand lac interieur de l'Afrique. M. Alfred Maury com- plete cette nouvelle en faisant connaitre aussi 1'arrivee a Zanzibar du lieutenant Speke , compagnon de Ri- chard Burton. M. Jomard , au nom de la Commission du prix annuel, (l) Lc dodeur Kane a malheureusement depuis sucoomW. ( 252 ) avertit l'assemblee que cette Commission a acheve son travail et quelle a deckle" a 1' unanimity d'accorder la grande inedaillc d'or au missionnaire David Li- vingston , premier voyageur europeen qui ait traverse de Test a l'ouest l'Alrique meridionale, en determi- nant avec exactitude les positions g£ographiques de cette vaste con tree. La Commission a reserve" les droits du docteur Vogel a ce prix pour le prochain concours. A ce propos, M. iMalte-Brun depose sur le bureau de la Societe une esquisse itineraire des voyages du doc- teur Livingston, dressed par luid'apres les documents publics par la Societe des missions de Londres. La Soci6te decide que cette carte sera ins6ree au Bulletin. M. Ernest Desjardins depose sur le bureau un opuscule de M. Bousson de Mairet sur la position r£elle de l'Alesiade Jules Cesar, dans laquelle l'auteur se declare partisan du systeme de M. Delacroix , qui place Alesia pres de Salins , en Francbe-Comte. II donne ensuite lecture d'un document qui se trouve a la suite de cette brocbure et qui lui parait avoir un grand interet dans la question. Renvoi d'une note au Bulletin. M. P. Tremaux pr6sente quelqucs details sur la re- daction de la carte du Soudan oriental qui accompagne la derniere livraison de son voyage dans cette contr6e de l'Afrique. M. Bollaert, membre de la Societe royale geogra- phique de Londres, present a la stance, oflre a la So- ciety plusieurs opuscules dont il est l'auteur, en lui adressant quelqucs paroles de sympathie, de la part de la Societ6 de Londres, et il l'entretient de scs voyages dans di(T6rentes parties du monde. M. le president re- ( 253 ) mercie M. Bollaert de ses int6ressantes communications et lui adresse les felicitations de la Societe. M. Snider-Pellegrini lit line notice sur les voyages qu'ila faits dans un but commercial, en Amerique, en Asie, en Afrique, et specialement dans le Maroc et en Algerie. II termine cet expose par des considerations sur le Maroc et sur les moyens de faire la route, par terre, d' Algerie au Senegal. La Societe remercie M. Pel- legrini de son interessante communication et decide que sa notice sera inser^e au Bulletin. M. Eugene Besson, professeur a Sainte-Barbe, est pr^sente" comme candidat pour faire partie de la So- ciete par MM. Lemaitre et d'Avezac. La Commission centrale fixe le jour de la premiere assembles generale de 1857 au vendredi 17 avril. ( 254 ) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIETE. SEANCES DE MARS 1857. ATLAS ET CARTES. Titres des ouorages. Donateurs Atlas du gouvernemeut de Twer, public sous les auspices dela Socidtd imperiale gf'ographique de Russie, par les ofGciers du corps des arpenteurs. 1 vol. in-fol. Soc. imper. geogr. de russie. Atlas geograflco, estadistico e historico de la Kepublica mexicana, par Antonio Garcia y Cubas. Mexico, 1856, 5 livraisons in-folio. M. Garcia t Ccbas. Carte du Yucatan et du Guatemala, dressde par M. A. Morelet pour I'intelligence de son voyage. 1 feuille. M. A. MonF.i.ET. OUVRAGES GENERAUX, MELANGES. Elements de gdologie, par L. R. Le Canu, 2* Edition, Paris, 1857. 1 vol. in-8°, M. Le Canu. On the source and supply of cubic saltpetre, salitre of nitrate of soda, and its use in small quantities as a restorative to corn crops ; by Ph. Pusey. Loudon, 1853, br. in-8\ — Observations on the geogra- phie of Texas, by W* Bollaert, br. in-8°. — Abstract of a report made by Dr R. A. Philippi to the government of Chile, of a jour- ney into the desert of Atacama in 1853-185i, communicated by W. Bollaert, broch. in-8". — Vistas eu la provincia de Tarapaca, y del puerto de Arica dibujadas.por Jorge Smith, dedicadas al seuor don M. B. de la Fuente por su amigo G. Bollaert, br. in-8°. — On common salt the sources from whence obtained, and the processes involved iu its manufacture. With observations ou the origin of salt and other saline bodies, by W. Bollaert, br. in-8*. M. \X . Bollaert. Les Lemovices de I'Armorique mentiouiie's par Cesar. Peuplades qui les composaient. Limites dclcur tcrritoirc. Leurs villes principals, par M. M. Deloche. (Extrait des Memoires de la Socie'tc des antiquaires de France.) Paris, 1856, br. in-8°. M. M. Delocbe. ( 255 ) Titres des ouvrages, Donaleurs. Quelques nouveaux documents archdologiques sur Alaise, par M. Ch. F, Varaigue, membre de la Commission arche"oIogique de la Fran- che-Comtd. (Extrait des Memoires de la Societe d' Emulation du departemenl du Doubs.) Br. in-8°. M. Ca. Varaigne. Notice bibliographique et littdraire sur le Philobiblion de Richard de Bury, prdceMee d'une biographic de cet auteur par Hippolyte Co- cheris, ancien dleve de FEcoIe impenale des chartes, etc. Paris, 1857, br. iu-12. M. H. Cociieuis. Sur l'expddition aux sources du Nil, confix au coramandement de M. le comte d'Escayrac de Lauture. (Extrait des Nouvelles annates des voyages.) Br. in-8°, M. V. A. Malte-Bru.n. MEMOIRES DES ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES. — RECUEILS PERIODIQUES. Memorias de la real academia de ciencias de Madrid, tomes III et IV, 2' et 3e series. Ciencias Csicas et ciencias naturales, tomes I et II. (T'partie.) -Madrid, 1856, in-4°. Bulletin de laSocie'te gdographiquc impe'riale de Russie, vol. 1, 2, 3 et 4 pour 1856. — Compte rendu de la Societe" geographique im- pdriale de Russie pour 1855. Saiut-Pdlersbourg, 1856. Antiquarisk tidsskrift, udgivet af det kongelige nordiske oldskrift- selskab. 1852-54. Copeuhague, 2 vol. iu-8°. — Annaler fornordisk oldkyndighed og historie udgivue af det kongelige nordiske oldskrift- selskab. 1854. Copeuhague, 1 vol. in-8". Smithsonian contributions to knowledge, vol. VIII, Washington, 1856, 1 vol. in-4°. Memoirs of the American Academy of artsand sciences. NouvcMe sene, vol. V. Boston, 1855, 1 vol. iu-4\ Proceedings of the Boston Society of natural history (suite du \ olume V). Proceedings of the American philosophical Society, N°* 53 et 54. Mittheilungen iiber wichtige neue Erforschungen auf dem Gesamnit- gebiete der Geographic von D< A. Petermann, 1856, u«' x, xi et xii. — Tho Journal of the Indian Archipelago and Eastern Asia. New series, n« l, 1856. — Journal of the Franklin Institute, juil- let, aoiltetseptembre 1856.— Zeitschrift derDeutschen Morgeulan- dischen Gesellschaft, 4' cah. de 1856. — Zeitschrift far Allgemeine ( 256 ) Erdkunde, n° 30 septembre, 1856. — Annates du commerce cxtd- rienr, octobrc, novembre et decembre 1856, et Janvier 1857.— Bibliotheque universale de (ieneve, octobre 1850 et Janvier 1857 ; archives des sciences physiques et uaturellcs, d'octobre 1856 a Jan- vier 1857. — Nouvelles Annates dcs voyages, novembre et decembre 1856, Janvier et fevrier 1857. — Journal asiatique, tome VIH, 1856. — Revue de TOrieut, de I'Algdrie et des colonies, octobre, novembre et deYembre 1856, Janvier et fevrier 1857. — Bulletin de la Sociele geologique de France, novembre 1856, fevrier et mars 4857. — Bulletin de la Socidte" zoologique d'acclimatation, no- vembre et deYembre 1856, Janvier 1857. — Anuuaire de la Socidtd mtHeVologique dc l-'rance, t a". — Annates de la propagation de la foi, nos 169 et 170. — Journal des missions ihangeliques, uo- vembreet decembre 1856, Janvier et fevrier 1S57. — LIuvestigateur, journal de 1'lnstilut historique, aout, septembre et octobre 1856. — — Nouveau Journal des conuaissances utiles, decembre 1856, Jan- vier, fdvrier et mars 1857. — Journal d'dducation populaire, no- vembre et decembre 1850, jainier et fevrier 1857. — Extrait des travaux de la Societc centrale d'agriculture du ddpartemeut de la Seinc-Inferi'eure, 2e trimestre 1856.— Bulletin de la Sociele d'hor- ticulture du ddpnrtcmcnt de la Seinc-Iuferieure, 0e cab. del85G. --Bulletin de la Societe industrielle d'Angers, auuee 1856. — An- nates de la Socie'td d'agriculture, arts et commerce de la Charente, juillct, aoiit, septembre et octobre 1856. — Memoires de la Sociele" d'agriculture, des sciences, artset belles-lettres du departement dc l'Aube, 3e et4' trimestres, 1856. — L'lsthme de Suez, journal de l'union des deux mers, n" 13, 1 i, 15, 10, 17 et 18. — Lc Centre algOicn, journal de I'Afrique et de I'Orient, 5 numeros. — Le Mo- niteur grec, 10 numdros. - L'EspOancc, journal grec, 14 numeros. ERRATA DU CAHIER DE FEVRIER. Page 108, ligne ll. — Au lieu de : Or, on toil que, parmi les chei- roptcres, un seul genre, le genre nyctinome... lisez : Or, on voit que, parmi les cheiropteres, une seule esp'ece du genre nyctinome. Page 111, ligne 3. — Au lieu de Uatocudos, lisez : Botocudos. Page 119, ligne 21. — Au lieu dc : nous ne trouvons plus d'especes communes, lisez : nousne trouvons presque plus d'especes communes. BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. AVRIL ET MAI 1857. ^iemoires, etc. ASSEMBLER GENERALE 1)U 17 AVRIL 1857. DISCOURS PRONONCE A LA SEANCE GENERALE DU 1 7 AVRIL 1857, PAR M. GUIGNIAUT, PRESIDENT, Membre de I'lnstitut et professeur de g^ographie a la Sorbonne. Messieurs, II y a quatre mois, fort de votre confiance et de l'honneur que vous m'aviez confere, j'essayais, en re- tracant a grands traits le mouvement conteinporain des decouvertes et des etudes geographiques, de preluder a ce savant rapport qui allait vous en presenter le ta- bleau a la fois si d£taill6 et si precis pendant l'ann6e qui vient de s'ecouler. Aujourd'hui, je dois remettre dans vos mains, pour le transporter en de meilleures que les miennes, cet honneur dont je reste tier, et inau- XIII. AVRIL ET MAI. 1. 17 ( 253 ) gurer en meme temps, dans cette premiere assembled generate de 1857, l'ouverture d'une periode nouvelle devos utiles travaux. Vous avez \nidu consacrer d'une maniere sp6ciale la solennelle reunion de ce jour an second des deux prineipaux actes de la mission que vous vousetes donnee, etvousentendrezbientot, d'une bouche autorisee entre toutes, le rapport sur le con- cours du prix que vous dteernez chaque annee pour la decouverte la plus considerable en geographic. Ainsi, comme par deux ressorts dont le jeu periodique con- court au meme but, vous procurez l'avancement de la science en dessinant son horizon successivement agrandi, vous marquez la route a ceux qui doivent l'agrandir encore, etvous signalez d'epoque en epoque a leur Emulation les explorations qui en out recule les bornes avec le courage le roieux inspire" et le plus e-cla- tant succes. Nous ne craignons pas que le choix sur le- quel s'est arretee, cette annee, votre commission du prix soit inferieur par aucun point a ceux que vous avez sanctionnes jusqu'ici de vos applaudissements m6rit6s. L'Afrique, qui en est redevenue l'objet, demeure, et pour longtemps encore, Tun des plus grands et des plus feconds, quoique des plus perilleux theatres des decouvertes geographiques. Si le digne compagnon de Richardson, d'Ovenveg, de Barth, celui qui poursui- vait avec tant de pers6verance et d'espoir la tache commune au nord de l'equateur, jusque dans les pro- fondeurs du Soudan oriental; si Edouartl Vogel a, ce qua, Dieu ne plaise, partage, et plus tristement en- core, le sort des deux premiers; si la nouvelle expedi- { 259 ) tion projet6e aux sources du Nil, et que devait conduire un des raembres les plus distingue^ de notre Commis- sion centrale, souffre des difiicultes qui ne sont, nous en avons Ja confiance, qa'un ajournement a court delai, on annonce, par une heureuse compensation, qu'un autre membre de la Soci6te, un savant geogra- phe, M. Maccarthy, qui a depuis longtemps transports son sejour dans l'Afrique francaise, au centre meme de ses etudes, se propose de r<§aliser, avec des moyens d' execution habilement prepares, un autre projet bien des fois concu, mis a l'ordre du jour par vous, encou- rage par le gouvernement, et dont vous entretiendra tout a l'heure, avec 1' experience des hommes et des choses, un voyageur ici present : je veux dire le pas- sage de l'Alg6rie au S6n6gal par Tombouctou, passage qui, en reliant nos deux grands etablissements du nord et de l'ouest cle l'Afrique, rouvrirait a notre com- merce de si anciennes voies et cle si utiles debouches. Le moment semble saisi a souhait pour cette entre- prise, car c'est celui ou la haute prevoyance de l'Em- pereur vient de d6cr6ter pour l'Alg6rie un systeme de chemins de fer qui sera, a notre epoque, comme fut dans l'antiquite le r6seau des voies romaines, le sceau de la civilisation europ6enne imprime' sur la terre d'A- frique, et qui marquera, mieux que tout le reste, la transition definitive de la phase guerriere a la phase pacifique dans le d6veloppement regulier et progressif de notre nouvelle France du Sud. Que si, des rivages francais de l'Afrique, nous por- tons nos regards, messieurs, vers l'Europe orientale, ou viennent de s'illustrer nos armes, et vers VAsie \oi- ( 260 ) sine, ou reparait notre influence, la aussi nous trouve- rons a nous 1V>] uitor, et du succes des impulsions par- tics de notre Societe, et de l'appui qu'elles rencontrent dans les sages mesures du gouvernement. M. Lejean, membre adjoint de notre commission centrale, ancien laureat de l'Academie des Inscriptions et Belles-Lettres, est parti tout recemment pour les provinces danu- biennes avec une mission deM. le ininistre de l'lnstruc- tion publique, qui le charge de faire de ces contrees une etude a la ibis geographique et historique, recla- mes par les interets de la politique autant que par les besoins de la science. M. Victor Guerin, sous les memes auspices, se dispose a entreprendre une exploration nouvelle et approfondie de la Palestine et des cantons limitrophes de la Syrie, oil il a deja faitun voyage dont les resultats, publies en partie, sont du ])lus heureux augure pour cette seconde entreprise, murie d'ailleurs par la plus consciencieuse preparation. Ancien mem- bre de l'Ecole lVancaise d'Athenes, il continuera, comme il l'a fait dans sa remarquable etude sur l'ile de Rhodes, de donner la main au\ recherches de ses jeunes successeurs qui, par un progres croissant, s'e- tendent peu a peu, taut en Europe qu'en Asie, dans tous les pays successivemeiil occupes, et, ce qui vaut mieux encore, civilises par les Grecs. C'est comme la mission hereditaire et pri\'ilegiec, a t ravers les ages, de 1'ancienne Grece et de la France moderne, de por- ter partout a l'unisson la gloire de leurs amies et les bienfaits de leurs lumieres. Ponrquoi faut-il qu'en finissant, messieurs, apres vous avoir rapidement presents les perspectives d'ave- ( 261 ) nir dont nous avons a nous leliciter pour la science que nous cultivons et pour la patrie que nous aimons, j'aie a deplorer avec vous les pertes rep6tees que nous avons faites depuis notre derniere seance publique? Deux membres de notre commission centrale , un sa- vant officier d'6tat-major, M. le general Auvray, qui, apres avoir servi glorieusement en Espagne sous le premier empire, avait, sous la restauration, contribue" par le talent et par le courage a planter le drapeau de la France sur les murailles d' Alger ; un magistratdigne de nos anciens parlements, M. Isambert, qui, al'exem- ple des Etienne Pasquier, des Brisson, des Boulder, de tant d'autres, associait, par une noble alliance, les la- borieux dedassements de 1' Erudition et les devoirs aus- teres de la judicature, qui venait d'enricbir du meme coup la geographie, l'histoire et l'arcbeologie d'une publication iinportante , nous ont ete enlev6s a quel- ques jours l'un de 1' autre. Mais tous deux, dans un meme esprit, quoique dans deux carrieres difterentes, ont rendu a la science et a leur pays de signales ser- vices. Qu'ace double titre leur memoire, que nousho- norons, soit a jamais respectee ! ( 262 ) RAPPORT SUR LE PRIX ANNUEL POUR LA DECOUVERTE LA PLUS IMPORTANTE. Commissaires : MM. Daussy, Ouigniaut, d'Avezac, Vivien de Saint-Martin, ct Jomard, rapporteur. La commission du Prix annuel, pour la decouverte la plus importante, apres un examen consciencieux des voyages qui se rapportental'annee 185/i, s' est accord ee a 1'unanimite pour decerner le prix au Dr David Li- vingstone. Le Dr Livingstone est un de ces missionnaires ins- truits, intrepides, qui se sont voues a une ceuvre dephi- lanthropie aussi difficile que perilleuse, et qui font, en meme temps, et du meme pas, avancer les sciences et la civilisation. LaGeograpliie leurdoit des decouvertes longtemps desirees, des progres qu'on n'aurait ose esp6- rer, et l'Afrique, peut-etre plus qti'aucune autre con- tree, a ete le theatre de ces utiles travaux. Pour trouvcr lapreuve decette assertion, ilsuffirailxle jeterun coup d'oeil, meme rapide, sur le recueil intitule: Church missionary Intelligencer. Personne n' ignore les decou- vertes marquantes de M. Rebmann, de M. Krapf dans l'Afrique orientale. Au centre de l'Afrique australe, les missionnaires francnis, comme les missionnaires anglais, ont penetrr, depuis ces vingt dernieres annees, jusqu'au 20° degr6 de latitude sud, et lnaintenant ils sont par- ( 263 ) venus au 8* et au 4" degr6, crSant des etablissements, modestes, il est vrai, mais qui offriraient, aubesoin, un refuge assure" aux explorateurs. Les services renclus paries missionnaires a la cause des decouvertes g6ogra- phiques sont done incontestables ; on ne saurait trop les reconnaitre et les honorer. Entre tous brille au premier rang le reverend David Livingstone, par une perseve- rance qu'on pourrait qualifier d'heroi'que. Ses explorations au cceur de l'Afrique meridionale ont commence en 1849 ; elles ont continuependanthuit ann^es consecutives jusqu'en d856, presque sans interruption et sans repos ; son dernier voyage date de 1854, e'est celui qu'il a prepare, et commence des lors, avec cette resolution qui le caracterise et qui l'a con- duit heureusement jusqu'a la mer des Indes, aux em- bouchures du Zambese, accomplissant ainsi, le premier des Europeens, latraversee entiere de l'Afrique australe, muni d'instruments d' observation. Mais nous devons remonter plus haut pour avoir une idee complete de tous ces voyages qui forment pour ainsi dire des entreprises separees. Le ler jiliii 1849, il part de Rolobeng, station de la mission anglaise (par 25° latitude sud, 23° 30 longitude est, Paris) , ou il etait etabli depuis longtemps. II etait accompagn6 de M. Oswell, qui arrivait d'Angleterre et qui se joignit a lui avec M. Murray. M. David Livingstone traverse le desert de Kalahari et debute par la decou- verte du lac Ngami et de la riviere Teoge qui s'y jette a l'ouest. II d6couvre aussi a Test la riviere Zouga, large d'abordde 100 metres, mais qui s'eiargit jusqu'a 457 metres : e'est presque trois fois la largeur de la ( 264 ) Seine au Pont-llov al : le lac Ngami passe pour avoir 70 millesd'etendue. Le voyagcnr determine les latitudes des lieux principalis qu'il visite, ainsi que leur atti- tude. Dans mi second voyage en 1850, il traverse le Zouga, et ne pouvant continuer sa marclie dans le nord, a cause de plusieurs obstacles, il revient a kolobeng. Dans un troisieme voyage en 1851, il gagne la riviere Lliobe, arrive a Linyanti et rend visite au clieffameux Sebetoane ; il s'arrete chez ies Aiakololo et atteint les rives superieures du grand fleuve Zarnbese, qu'il aper- goit pour la premiere fois. En 1852, il entreprend son quatrieme voyage dans le nord et le nord-ouest; il part de Kolobeng au moins de juin, court mille dan- gers, revoit la riviere Chobe , visite de nouveau les Makololo, etsereposeenlin a Linyanti. C'est la que sous la protection flu cbef Sekeletu, il explore le baut du fleuve Zarnbese, en admire les beautes et la magnifi- cence, etudie le climat, le sol et ses productions, et, apres avoir atteint le Leeba, il revient a Linyanti. David Livingstone, ensuite, se porte vers l'ouest, court de nouveaux perils , tombe dangereusement ma- lade, et atteint enfin, sur F ocean Atlantiqiie, la villede Saint-Paul-de-Loanda. C'est de la , messieurs, que le courageux missionnaire vous adressa un recit succinct deson exploration, vous annoncant une carte des pays qu'il avail parcounis et ses observations astronomiques. On sait quel accueil genereux il recut des Portugais; il repartit de Loanda avec une nouvelle ardeur, le 24 septembre 1854, pour retourner a Linyanti ; sa resolu- tion etait d'ailleurs arretee de regagner les bords du ( 265 ) fleuve Zambese et de le suivre jusqu'a son embou- chure. II reste aLinyanti presd'une annee. Ici commence le voyage vers la region orientale. Le Dr Livingstone arrive aux cataractes de Mosiotunya. Apres avoir recu des provisions du reverend Moffat , il se porte vers le nord-est, voit les bords des rivieres Kafue et Loangua, la position de Zumbo, etrevenu sur le Zambese, il le suit jusqu'a Tete , 16e degre sud, au Monomotapa, cet ancien chef-lieu des etablissements portugais, ou il arrive le 2 mars 1856 , et bientot il arrive au delta du Zambese et a Quilimane. On sait que de la il gagna Maurice, revint par Suez a Alexan- drie et Marseille , et traversa si vite la France pour retourner en Angleterre,qu'on n'eut ici connaissance de son retour d'Afrique que par les lettres de Londres. II etait absent depuis seize ans de son pays natal, l'Fxosse. Tel est le simple et trop rapide resume des peregri- nations de l'intrepide missionnaire ; mais combien la science geographique , combien l'ethnographie, com- bien meme les sciences naturelles ont a s'applaudir de ses investigations ! Si David Livingstone n'avait fait que traverser de part en partl'Afrique meridionale, il aurait sans doute droit a nos eloges, a noschaudesetsinceres felicitations ; mais le savant missionnaire a presque tout observe dans ses longs itineraires, la nature et les lieux habites, le climat et ses productions, les hommes etleschoses. Muni d' instruments de mathematiques, il a determine astronomiquement la position des points principaux, ce qui est le grand desideratum de la geo- graphic; il a presque rempli, sur la carte d'Afrique, tout l'espace compris entre Angola et Mozambique , ( 266 ) entre le 11' meridien oriental et lc 35\ II a decouvert des lacs, franchi des rivieres et des cataraotes incon- nues , decrit de riches vallees, observe le caractere physique et moral des populations , enfin repandu choz les Africains sauvages le bienfait de la parole evang6- lique. Nous ne pouvons anticiper ici but la ]>ul)lication de ses voyages; mais nous croyons savoir qu' outre les cartes, les portraits, la description des lieux, des mceurs et des coutumes, le tableau des tribus et des populations diverses, cette relation re nfer in era encore des dialogues propres ;i faciliter les explorations futures, aussi bien qua resoudre de difficiles problemes sur les langages de I'Afrique, stir la distinction des races qui les parlent, questions qui divisent profonde- ment les ethnologues les plus erudits. M. Livingstone a donne" une attention particuliere, non-seulement an relief du sol , mais a la nature du terrain , de maniere a eclairer la geologie de I'Afrique australe. Le grand juge en cette matiere, le savant ge"o- logue Murchison, a donne sa haute approbation aux remarques du re>e>end ; et quant a ce qui regarde la g^ographie pure, a 1' orographic , a 1'etude des vallees (telles que la belle vallee de Barotse sur le Leeambye), de tous les grands cours d'eaux, des chutes et des cataractes, des lacs on petites mers iutrrieures. telles que le lac Ngami, le lac Dilolo, le lac an sud de Maila , enfin toute I'hydrographie des lieux qu'il a parcourus, on n'a plus rien a desirer que des observations sembla- blessur les autres parties du continent (1). (I) Les observations d'altituries oot e'tri faitcs, tantot avec l'inslru- meut i^bullitioo, taat6tavec le thermoQi6tre do Ncwmauu. ( 267 ) On sait que plusieurs voyages ont ete effectues dans rinterieur du continent austral par les Portugais, plus a meine que ceux des autres peuples d' explorer ces regions, araison de leurs possessions d' Afrique (1); plus d'une tentative a ete faite pour traverser ce continent depart en part, et meme, de 1806 a 1811, Pedro (Jean- Baptista) et Amaro (Jose) allerent de Loanda a la cote orientale, mais ils etaient depourvus d'instruments. II faut dire, a l'honneur de la nation portugaise, que le sentiment de rivalite nationale, politique ou reli- gieuse, n'aenaucnne facon detourne ses representants en Afrique de seconder les travaux du savant mission- naire. Loin de la , les marques les plus genereuses de bienveillance et de protection lui ont ete prodiguees , non-seulement a Saint-Paid-de-Loanda , mais dans l'interieur jusqu'a Quilimane ; aussi, dans la reception solennelle, et justement enthousiaste, recemment faite a Londres a David Livingstone, le representant du Portugal a-t-il en la satisfaction d'entendre les hautes felicitations, les sinceres actions de graces adressees a son gouvernement par 1' elite des savants et des voya- geurs anglais. Et en effet, sans les secours qu'a recus le courageuxmissionnaire, peut-etre n'eut-il pas accom- pli sa tache, au milieu des fatigues et des perils sans nombre qui rattendaientetqu'il a rencontres. Une fois, il est reste trois nuits enveloppe dans les buisscfns et les racines inextricables, de maniere a y rester comme emprisonne. (1) An acronnt of the discoveries of the Portuguese in the inte- rior of Angola and Mozambique, etc., by T. E. Bowdicb. Lond. 1824. ( 263 ) Le pays est plein tic lions ; les animaux feroces abon- dent clans les forcts et dans les eaux de ces regions (1) ; ilaeteplus d'une fois expose aces dangers, sans parlor des fatigues (In desert, du manque d'eau et des mala- dies : il est facile de se figurer les privations qu'il a souvent du subir pendant ces sept ou huit annees d' excursions , voyages qui represented des marches de pres de deux mille lieues (2). Nous avons (lit que le docteur Livingstone avait ob- serve" et 6tudie les moeurs et les usages des indigenes; pour donner nne idee dece qu'il a fait sous ce rapport* nous ne pouvons mieux faire que de le laisser parler lui-meme, enresserrantseulement les curieos s notions qu'il a donnees quand il a etc interroge sur cette im- portante question. « J'ai trouve, dit-il, les indigenes tres intelligents ; le trait le plus saillant que j'aie remarque dans le pays, (1) lleureusemeut la terrible mouchc appelee tsetse, qui tue les ani- maux tcls que les bueul's et diU'erents bestiaux, epargne les homines. On sait I'exemple du voyageur suedois recemment tutf en Afrique, par ud elephaut. (2) C'est peut-elre a son extreme temperance que M. Livingstone doit la force qui l'a soutenu pendant ces epreuves. Voiei ce qu'il eci i- vait de Kurumau en 1851 : < Depuis plus de vingt aus, je mc suis abstenu de stimulants alcooliques Mod opinion est qu'on peut eutrc- preudre les travaux les plus fatiganls et les plus rudes, sausy recourir. Ceux d'entre nous qui avaient a supporter les plus grandes privations n'usaieut jamais que de 1'cau ; il ajoutait : lntroduire chcz les natifs les drinks anglais, c'est corromprea la fois leurs corps et leurs ames.» Le D' Livingstone, in: en Leosse, est d'originc americaine. II a ddbute, comme franklin, par une professiou ouvriere : il ('tail fier- cer dans l'iiupriiuerio de Bautyrc. ( 269 ) c'est le haut degr6 d'estime ou est ]e sexe feminin. II y a, chez eux, beaucoup de fernmes qui exercent le pouvoir de chef. Si vous demandez quelqne chose a un homme, avant de se decider, il vous dira : — Bien ! je vais a la maison, et je consulterai ma femine. Si la femme consent, il fera ce que vous attendez de lui ; si elle dit non , il n'y a aucun moyen de le faire consentir. Lorsqu'il se tientune assemblee des chefs, les fernmes sont admises dans le conseil, elles y ont voix delibe- rative. Chez les Bechouanas et les Cafres, les homines jurent par leur pere; les vrais noirs (les Africains du centre) jurent par leur mere. Si une femme se s6pare de son mari, tons les enfants la suivent et s'attachent a elle. Si un jeune homme tombe amoureux d'une jeune fille demeurant dans un autre village, il s'y trans- porte, et quitte le sien ; il est oblige de defrayer en partie sa belle-mere ; en sa presence, il doit prendre une attitude respectueuse et se tenir demi-agenouille. J'ai 6t6si 6tonne de toutes ces marques de respect des natifs pour les fernmes, que je demandai a des Portu- gais s'il en 6tait tonjours ainsi, et ils r6pondirent aflir- mativement. Je pense qu' elles meritent tous ces 6gards. » Pendant tout notre voyage au centre de 1'Afrique, nous n'avons eu qua nous louer de l'accueil et de l'affabilite des fernmes ; il en etait de meme en descen- dant le haut Zambese. Tout ce qu' elles nous procu- raient, elles le donnaient avec grace, ets'excusaientde donnersipeu. En arrivant al'extr&nite de Test, c'6tait encore la meme chose. Partout elles nous fournissaient des aliments jusqu'au moment ou nous avons atteint les etablissements portugais. Generatement, au centre de la contree , nous avons trouve les populations re- ( 270 ) marquablement bienveillanles et bonnes pour nous. » Dans certains canton-, Lesfemmes indigent despu- nitions ii leurs maris. ('/est la coutume que la femme ait son jardin a elle, sa maison a elle ; maisle mari n'a ni maison, ni jardin a lui, et ses ferumes le nourrissent. J'ai entendu un homme me dire : — Comment! mes fennnes ne veulent rien me donner du tout, pas meme la nourriture ! Un homme peut avoir cinq femmes, et quelquelbis lesl'emmes se coalisent contre lui. Quand il arrive ii la maison, il se presente a mistriss ji° un; celle-ci lui dit : — Jen'ai rien pour vous, adressez-vous a jnistriss n°deux. II va au n° deux qui lui dit : — Vous pom ez vous adresser a celle que vous aimez le mieux. Et ainsi le pauvre mari est renvoye de l'une a 1' autre. J' en ai vu un qui s'etait poste le soir sur un arbre, d'ou il poussait des cris douloureux dune voix retentissante. it Je croyais, criait-il, avoir epouse cinq femmes, mais » j'ai epouse cinq sorcieres; elles ne permettent pas que » je premie aucun aliment...)) En revanche, si une femme s'oublie jusqu'a trapper son mari, elle est con- duite a la grande place de la ville, lieu ou reside le chef. La elle est obligee de charger l'epoux sur son dos et de le porter a la maison, au milieu des rires et des moqueries du peuple ; et il se trouve des femmes qui lui orient de recommencer... » . Nous pourrions multiplier ces traits de nioeurs plus ou moins bizarres ou curieux; mais nous devons ici nous arreter, renvoyaut a la relation qui sera bientot publiee, et qui permettra de mieux apprecier 1'interet des remarques du savant missionnaire. Nous n'avons-plus qu'un mot a ajouter au sujet des voyages quise rapportental'annee 185A, pour laquelle ( 271 ) nous decernons le prix au reverend David Livingstone. Cette meme annee a vu le docteur Edouard Vogel partir pour le Ouaday. II quittait les rives du lac Tchad pour aller au royaume de Baghermi, et de la au Ouaday, voyage que nul Europeen n'avait fait jusqu'a present. II est possible que le docteur ait penetre jusque dans ce dernier royaume, et qu'il ait pu prendre, avec les caravanes, la route directe de Benghazy, ou qu'il ait longe le Darfour pour gagner le Kordofan et le Bahr-el- Abyad, ou il aurait trouve la protection egyptienne. Si le docteur Vogel avait ete assez heureux pour accom- plir ce difficile et perilleux voyage, s'il avait pu observer de ses yeux cette contree si curieuse du Ouaday, que nous ne connaissons un peu en detail que par la rela- tion du cheykh arabe Mohanimed-el-Tounsy (1), certes ce voyage aurait acquis un glorieux titre a la recom- pense solennelle qui sera decernee l'an qui vient. Malheureusement des nouvelles de nature alarmante se sont repaiidues a Tripoli : d'apres oes bruits, il faudrait inscrire le nom du jeune et savant voyageur sur la liste des victimes que l'Afrique semble se plaire a devorer. La seule esperance qui reste, c'est la supposition qu'il ait fait lui-meme courir le bruit de sa mort. On pent aussi se rappeler qu'une nouvelle semblable courut au sujet de son ami le docteur Barth lui-meme, et quelle fut dementie bientot apres, par son retour inespere a Tripoli. Jomard. (1) Voyage au Ouaddy, par le cheykh Mohammed -11-Tounsy, tra- duit de l'arabe par le Dr Perruu, et public par M. Jomard. Paris, in-8", 1851, avec une carte. ( 272 ) APERCrS DUN VOYAGE DANS LES ETATS DE SAN-SALYADOR ET DE GUATEMALA, PAR M. L'ABBE BRASSEUR DE BOUBBOURG. Lu dans la stance publique aDiiuelle ilu 1" avril J 857. Invite a communiquer, dans cette stance solennelle de la Soci£t6 de Geographie, quelques-uns des inci- dents de mon voyage et de mon sejour dans 1' Ameriqne Centrale, je ne saurais faire mieux en commencant, que de remercier monsieur le President et messieurs les membresde cette savante-Soeiet6 d' avoir bien voidu m'lionorer de leur suffrage, en appelant sur mes travanx 1' attention d'une assemblee ou je vois briller a la fois l'elite de la Societe et de la science de la capitate. C'est pour nioi un encouragement d'autant ])lus flatteur, que je m'imaginais moins en devenir 1'objet, lorsque dans lesforetsde I'Amerique j'exploraisles nuines d'un passe ti'op mysterieux encore, Lorsque je recueillais de la bouche des Indiens les antiques traditions de leur his- toire et des divinites dont ils n'ont que trop conserve le souvenir. — An mois d'octobre 485A, j'avais quitte New-York sur un des vapeurs du transit americain, et je m'etais rendu a Greytown ou San-Juan de Nicaragua, qui est le port principal apres celui de Belize, sur la cote septentrionale de I'Amerique Centrale. De ce port on arrive an lac de Nicaragua par une belle riviere aux contours pittoresques et ombragce d'une veg6ta- ( 273 ) tion magnifique, image d'un printemps perpetuel. Ce lac, semblable a une mer interieure, objet de tant de speculations interessees, theatre aujourd'hui des luttes obstinees d'une poignee de forbans, aux prises avec les restes d'une population decimee par la guerre civile, ce lac s' an nonce de loin par les somraets volca- niquesde Tile d'Ometepe ou desDeux-Montagnes, dont les silhouettes pyramidales se decoupent sur un fond d'azur d'une admirable purete. Au village de Virgin-Bay, les voyageurs qu'amenent les vapeurs americains se separent ordinairement, les uns pour aller se rembarquer a quatre lieues plus loin sur 1' Ocean Pacifique, les antres pour entrer dans l'interieur du pays. Rivas, aujourd'hui dernier refuge de 1' expedition de Walker, est la premiere localite de quelque importance ou je m'arretai : connue jadis sous le nom de Nicaragua, elle est citee, dans les memoires de l'eveque Las Casas, comme ayant 6te une des villes les plus importantes de l'Amerique a l'^poque de la conqueteespagnole. De Rivas a Leon, capitale actuellede cet Etat, il y a environ quarante lieues de distance : on voyage a dos de mulet, par des sentiers a peine traces dans la foret, auxquels on donne cependant le titre pompeux de Camino Real. Des diflScult6s, des priva- tions de toute espece, attendent le voyageur dans ces contr^es ; malgr6 ces privations, le trajet est plein de charme : les aspects de la nature sont si grands et si varies; les bois, les rochers, les eaux mugissantes, les volcans , dont les voix formidables font entendre des bruits souterrains senablables aux decharges de l'artil- lerie sur un champ de bataille lointain, tout vous frappe XIII. AVBIL ET MAT. 2. 18 ( 27/, ) et vous etonne. On marche sans savoir ou Ton va, maia cet inconnu meme est un attrait de plus pour le voya- geur. Sur la route deL6on, on saisit en passant les divers aspects du Mombacho, volcan eteint qui couvre Gre- nade de son ombre. On circule ensuite autour de son frere, toujours vivant, de Masaya, que les Espagnols appelaient la Boca del inficrno. Dans les dentelures Granges qui en couronnent le sommet, il y a quelque chose qui donne de l'effroi; le jour, on distingue une immense colonne de vapeur blanche ou jaunatre, qui s'eleve constamment a une hauteur considerable et qui, la nuit, se change en feu. Des bords escarpes du lac de Nindiri qui baigne d'un cote sa base, je restai a le considerer longtemps apres le coucher du soleil : j'ad- mirais ses reflets rougeatres, brillant tantot sur la sur- face deseaux, tantot colorant d'une lueur sinistre les vastes champs de lave qui courent au nord-est. En sortant de la bourgade de Managua, on suit pendant tout un jour les rochers qui bordent le lac du meme nom, rnoins grand quecelui de Nicaragua, avec lequel il oommunique par le oaoyen de la riviere Pana- loya; mais s'il est uioins etendu, ses alentours pr6- sentcnt des aspects plus pittoresques : les montagnes se decoupeiit d'une maniere plus abrupte, et le volcan de Momotombita, qui s'eleve au nord-ouest, forme un Hot a une lieue du rivage, qui ajoute a la grandeur du tableau. Yient ensuite le Momotombo, qui s'avance dans le lac coinme un promontoire geant a unv liauteur de plusde septnhlle pieds; puis,en«ontimiai)l du sud-est au nord-ouest, l'u'il mesure dans une etendue de quinze ( 275 ) lieues une chaine de cones plus ou moins 61ev6s, dont sept ont le titre de volcan. Rien n'est majestueux, messieurs, coinme cette suite de somraets, considered du haut des tours de la cath6- drale de L6on, une heure avant le soleil couchant. C'est un spectacle dont je ne pouvais assez rassasier mes regards, et que chaque fois je contemplais avec un nou- veau ravissement. Entre ces volcans et les collines qui bordentl'Ocean Pacifique, j'admirais la plaine de Leon, une des plus riches et des plus belles du monde. Au levant, le Momotombo forme dans le lac de Managua une baie celebre par le souvenir d'une antique cite", dont les douceurs et les coupables voluptes lui merite- rent, suivant les traditions indiennes, le meine chati- ment que Sodome. Les indigenes en ont conserve" la memoire dans leurs chants, que j'ai recueillis ainsi que la musique, et ils montrent avec effroi les debris de la cite" mandite, encore visibles sous la surface des eaux. Non loin de la les Espagnols avaient 6difie la premiere ville de L6on, a laquelle on donnait dans la langue du pays l'ancien nom de Nagarando, ou Xolotlan dans celle des Mexieains ; mais la crainte d'une catastrophe analogue que Ton concut a la suite d'une inondation, la fit transferer a sept lieues plus loin, sur leterri- toire de la ville indienne de Subtiaba. qui forme encore anjourd'hui un de ses faubourgs. En portant mes re- gards vers l'ouest, je distinguais du sommet de la cath6- drale de L6on les pauvres 6dific.es du village de Realejo, jadis le port espagnol le plus important de la cote, et au dela les ondes bleues de l'Oc6an Pacifique. C'est laqueje m'embarquai, apres un s^jourde deux ( 276 ) mois dans l'Etat de Nicaragua, en traversant le golfe de Fonsecapour me transporter dans l'Ktat de San-Sal- vador; je visitai en passant le groupe d'iles connu sous le noiii d'archipel d'Amapala ; la principale est File du Tigre, silongtemps disputee entre les Anglais et les Americains, qui en devinerent instinctivement 1' impor- tance future sur les destinees des etablissements du Pacifique. L'Etat de San-Salvador, on j'entrai par le port de Conchagua, dit de la Union, est le moins etendu de tous ceux del'Amerique Centrale; mais il en est leplus peupl6et leplns florissant sousle rapport de 1'industrie et du commerce. San-Miguel, ou je passai ensuite quel- ques jours, est une ville importante, situee dans un vallon chaud et malsain, an pied du volcan du meme nom, dont les feux la menacent sans cesse ; elle est celebre par les deux foires qui s'y tiennent annuellement et qui attirent un grand concours d'etrangers, jusque des extremites du Perou. En partant de San-Miguel pour gagner l'int^rieur de l'Etat de San-Salvador, on commence a gravir les premiers echelons de la Cordillere des Andes, dont les sommets denudes rappellent partout le souvenir des feux souterrains qui les ont produits et qui ne cessent encore d'y causer de frequents ravages. A la seconde journee de marche, on penetre, a la suite de plusieurs gorges profondes, dans les plaines d'Umaoa, qui sont d'une grande fertility. Mais ce qui attirames regards, cenefutpas tant le spectacle de 1'industrie etdel'agri- culture, que les paysages imposants dont le panorama environne toute la valine du Lempa. Je vois encore ( 277 ) ence moment ce fleuve aux ondes transparentes, rou- lant au fond de la campagne comme un vaste ruban argente, refietant les rochers de granit dont il baigne la base, et dans un lointain d'azur les cimes fumantes des volcans du Salvador qui terminent le tableau. Je ne sais quelle couleur biblique le soleil levant donnait alors a la nature americaine, dont les beautes me rap- pelaient involontairement les descriptions poetiques que Lamartine et Chateaubriand nous ont donnees du Jourdain a sa sortie du Liban. Malgre moi, messieurs, je me laisse entrainer aux souvenirs grandioses de cette journee. Je me bate avec vous de laisser derriere moi ce beau fleuve avec ses col- lines aux teintes ardentes; j'abrege ce voyage pour ne pas abuser de votre patience, et quittant la ville de San-Vicente, avec le volcan du meme nom qui se dresse au-dessus d'elle, je gravis les montagnes qui vont me mener a Cojutepeque, sejour actuel du gouvernement de San-Salvador. Je jette, avant de m'engager entre les precipices, un regard sur les plaines magnifiques de Giboa, derriere lesquelles se montre en forme de dos de baleine le volcan de Salvador etdans une perspective lointaine les premiers sommets de ceux de Guatemala. Cojutepeque est une petite ville mi-partie espagnole, mi-partie indieune, aux effets pittoresques, batie sur un des mamelons de la Gordillere et surmontee comme les autres d'un pic volcanique du meme nom. Car quelle est la localite , dans cette conlree, qui n'ait a cot6 d'elle un volcan eteint on brulant encore ? De- puis le tremblement de terre du mois d'avril 1854, qui detruisit de fond en comble la ville de San-Sal- ( 278 ) vador, le gouvernement s'y est transports ainsi que l'eveque. Ricn n'est frais, rien n'est gracieux comme cette petite ville, a cinq niille pieds de hauteur dans les Cordilleres, lorsqu'on s'en approche en sortant des abimes arides qui ceignent sa ])ase; ses environs sont des plus pittoresques. Le lac d'Elopango, qui labaigne au sud-ouest, serpente dans une sorte d'entonnoir de rochers, dont la forme rappelle celle du lac des Quatre- Cantons pres de Lucerne ; mais au lieu des frimas qui tiennent la Suisse pendant six mo-is enveloppee dans un manteau de neige et de glace, ici c'est un printemps Sternel, et lesbrises chaudes d'Elopango sont chargees des parfums enchanteurs de la flore tropicale. Au lieu de la chape lie ou la tradition helvetique place le debar- quemcnt de Guillaume Tell, la tradition superstitieuse des Indiens environne d'une mysterieuse terreur la grotte ou la deesse des eaux vient leur demander chaque annee un tribut inhumain. J'ai recueilli, durant tout mon voyage dans l'Amerique Centrale, les recits mer- veilleux dont se compose la legende populaire, avec le meme soin que les traditions historiques dont ces con- trees abondent. Le lac d'Elopango, ainsi que les autres bassins de ce genre, si n ombre ux entre les pieds des \olcans, avait ete primitivement consacre aux genies des eaux. La nation antique des Tolteques, dont les restes se dis- perserent au douzieme siecle sur taut de regions, y avail apporte avec sa civilisation les nombreuses divi- nites auxquelles elle rendait un culte superstitieux. Tlaloc etait adore dans le Mexique, comme le dieu de la foudre et de la tempete qui precede la pluie ( 279 ) feconclatrice; ailleurssa femmeXochiquetzal, appelee a Tlaxcallan Matlalcueye ou la dame aux jupons d'azur, partageait ces honneurs, et c' etait a elle qu'ime foule de contreesdans 1'AmeriqueCentrale rendaient particulie- rement leurs hommages. Cliaque annee, a l'epoque ou les gerbes du mais encore vert et laiteux sont sur le point de se coaguler pour entrer en inaturite, on sacri- fiait a la deesse quatre jeunes fdles, choisies parmi les families les plus nobles du pays; on les parait d' habits de fete , on les couronnait de fleurs, et on les transportait sur de riches palanquins au bord des eaux sacrees ou le sacrifice devait s'accomplir. Les pretres , vetus de longues robes fiottantes, la tete ceinte de la mitre ornee de plumes, marchaient en avant des litieres, portant a la main les cassolettes de metal ou brulait l'encens de copal. La ville d'Elopango , celebre par son temple, etait voisine du lac du meme nom , dont l'etymologie fait allu- sion aux gerbes de mai's tendre (elot/, gerbe de mai's tendre) . II etait dedie a la deesse Xochiquetzal, a qui Ton offrait les jeunes victimes, en les precipitant du haut d'un rocher dans l'abime. Au moment d'accom- plir ce rite inhumain, les pretres s'adressaient tour a tour aux quatre \ierges : pour chasser de leur ima- gination l'epouvante de la mort, ils leur faisaient un tableau riant des delices dont elles allaient jouir dans la societe des dieux, et leur recommandaient de ne pas oublier alors la terre qu' elles auraient quittee, en sup- pliant la divinite a qui on les envoyait de se rendre favorables aux moissons prochaines. On raconte que, dans les derniers temps, lorsque ( 280 ) deja se repandait partout la nouvelle de la conquete de Mexico par les Espagnols, une de ces jeunes filles, redoutant le sort qu'on lui preparait, a la vue de ses cornpagnes qui venaient de disparaitre sous les eaux, protesta contre son destin et menaca les pretres d'irriter les dieux contre la nation, au lieu de les apaiser, si on lafaisait perir. Ses paroles eurent, dit-on, l'efiet qu'elle en attendait, et le peupleeflraye empecha qu'on la pre- cipitat dans le lac. Messieurs, plus de trois siecles se sont ecoules depuis cette epoque, mais les indigenes n'ont pas oublie leurs traditions antiques. D'une obstination que rien ne par- vient a ebranler, lorsqu'il s'agit de leurs coutumes, ils celebrent encore en bien des localites des rites secrets, souvenirs de leur idolatrie passee. V Elopango , on ne sacrifie plus les quatre jeunes lilies a la d^esse des eaux ; on s'accorde toutefois a dire generalement que rhaque annee, a la niOme epoqnc, on lui abandonne un petit enfant non baptist. J'ignore si on le jette a leau; mais on assure qu'il est depose a 1' en tree d'une grotte qui ne s'ouvre que sur le lac, et que la la deesse sortant de l'onde, sous la figure d'une belle femme au corps de serpent, l'enleve et l'entraine au fond de l'abime. Etant descendu aubord du lac, j'etais curieux de verifier ce fait. Je pris un canot creuse dans un tronc d'arbre ; deux Indiens me conduisaient. Je leur parlai des traditions du pays, en leur faisanl boire un verre d' eau-de-vie. lis sourirent en nie regardant et hocherent la tete, car il est rare qu'ils repondent imni6- diatement et avec franchise a ces sortes de ipiestions. Je vins an but, et leur demandai s'il 6tait vrai qu'on ( 281 ) eut offer t l'ann6e d'avant une victime a la femme-ser- pent. « Pourquoinon, dirent-ils, puisque c'etaitle seul moyen d'obtenir des moissons, et la derniere a 6te si bonne! » L'annee pr6c6dente il y a eu ane famine, et c'estparcequ'ona neglige" la dame du lac (la sehora de la laguna). Je voulus alors me faire conduire a la grotte; mais ils s'y refuserent constamment sous divers pr6- textes. Un pecheur ladino (civilise' a l'espagnole), chez qui je mangeai quelques poissons au retour de ma pro- menade, m'assura avoir decouvert un jour une grotte par hasard, en menant sa barque entre les rochers: il n'avait pas os6 y entrer a cause des Indiens , mais il avait apercua l'ouverture quelques pierres superposes et sur l'une d'elles des restes de papier brule et de copal. Pour me rendre de Cojutepeque a la ville de San- Salvador, je longeai pendant une demi-journee les escarpements aux cretes dentelees qui ceignent le lac d'Elopango : tout en contournant les anfractuosites de la montagne, je revais a la mythologie mexicaine; ma memoire me representait ces scenes cruelles, et lorsque le soleil disparut derriere les montagnes, je crus voir se dresser sous les lueurs chancelantes du jour les spectres de ces pretres barbares avec les ombres de leurs tendres victimes qu'ils se pr6paraient a offrir au genie des eaux. Ce n'est que le lendemain que j'arrivai a San-Sal- vador. Aux abords de cette ville, on traverse des ravins profonds oil, sous des labyrinthes de verdure, coulent des ruisseaux limpides, issus du volcan voisin ; car, je le r6pete, chaque ville, pour ainsi dire, a le sien. Des ( 282 ) allies d'une vegetation eblouissante, oil les fruits etles fleurs se donnent rendez-vous sur le meme arbre, me conduisent, et je ne me lasso poinl d'admirer les ri- chesses que la nature 6tale dans cea lieux. Comment de telles beautes ne s6duiraient-elles pas les sens? Mais j'entre dans les premieres rues dela villei quel aspect d^sole ! Des maisons bouleversees de lbnd en comble, des murs croulant sur eux-m£mes, des e\qlises, des temples renverses on cbancelants, partout la ruine, partout 1' abandon le plus allivux. Les rues, les places, les carrefours, presentent le meme spectacle. 11 y avait moins d'uu an, San-Salvador etaitunc des cites les plus florissantes de I'vVmerique Centrale ; elle etait renommee pour son luxe, pour ses plaisirs, peut-etre aussi pour ses voluptes coupables. La plaine on elle est situ£e, ainsi que les douces vallees de la Pentapole dans les temps antiques, pre,sente a lVeil des enchantements de toute sorte; la nature y prodigue ses dons les plus s6dui- sants. dependant c'est durant les jours austeres de la peni- tence que la main de Dieu s'est apposantie sur elle. Dans la nuit du jeudi an \ eudredisaint de l'annee 1854, le peuple venait de sortir des eglises, on le saint des saints etait voile dans un monument commeinoratif de la mort du lledempteur. Tout a coup des oscillations redoutables se font sentir: la terrc tremble, quedis-je? elle from it , elle se meut de bas en haut , detache en un moment les 6dilices de leurs bases les plus sol ides et les coupe sur leurs fondements; puis, par un change- nient subit, les secoussos devenant horizonlales, les d6place et les renverse. Un moment apres la ville n'of- ( 283 ) frit plus qu'une vaste mine. Au premier choc, la foule ties habitants s'etait jetee dans les rues et sur les places, eperdue, a genoux, pleurant, se frappant la poitrine et criant tout haut les peches quelle venait de confesser en secret quelques heures avant, demandant a Dieu de l'epargner et d'arrSter les effets de sa colere. Dans ces conjonctures terribles, l'eveque, le pieux Saldaiia, fuyant son palais croulant , etait accouru, s'oubliantlui-memeau milieu de son troupeaudesol6; en bon pasteur, il prodiguait a tous les consolations que la religion seule peut donner dans ces moments terribles. Pouroperer cette ruineuniverselle, quelques secondes avaient suffi. Actuellement rien n'y pouvait remedier , et les meres de famille n' avaient rien de mieux a faire que de se retirer de ce lieu de desolation pour aller chercher ailleurs un asile. Heureusement peu de per- sonnes avaient peri. Pendant que le gouvernement prenait des mesures pour empecher les consequences funestes d'une pareille catastrophe, l'eveque, a pied, au milieu de l'obscurit6 de la nuit, se mettait en che- min pour le village le plus voisin. Les femmes et les enl'ants suivaient en pleurant les pas du pasteur : con- fondues dans une meme calamity, les riches patriciennes et les pauvres fdles du peuple ou des Indiens conquis marchaient ensemble a la recherche d'un abri. ftloins d'une annee s'etait ecoulee depuis cette ev6- nement, lorsquejepassaiparlesruines de San-Salvador. Quelques maisons commencaient a se relever ; mais le gouvernement, craignant le voisinage du volcan, dont la presence avait ete tant de fois fatale, avait resolu de ( 284 ) batir une nouvelle capitale a trois lieues plus a l'ouest, dans les terres de la metairie de Santa-Tecla. II n'a cependant pu faire oublier aux Salvadoriens leur cite cherie: semblables aux habitants de Portici , que n'epouvantent point les fureurs du Vesuve , la plupart sont aujourd'huiretournesa leurs foyers mines; ilsreba- tissent leurs maisons , seduits par la nature toujours belle dont les enchantements ont berce leur enfance. Malheur a euxy cependant, si cette terre venait a s'en- tr'ouvrir, au lieu simplement d'ebranler les edifices ! Quand on passe, partout elle resonne, comnie si seu- lement une voute legere d'argile recouvrait quelque vaste abime inconnu, et Ton soupc.onne quun lac son- terrain en occupe les profondeurs. De San-Salvador a Guatemala, la route, en passant par Sonzonate, ou je me dirigeai d'abord , traverse les hauts sommets d'Apaneca. On descend ensuite a Ahua- chapan, ville celebre par ses pints volcaniques, qui fournissent a toute la contree des couleurs minerales toutes preparees. Plus loin , on trouve la limite des Etats de Salvador et de Guatemala, formee naturelle- ment par des ravins profonds ou coulele fleuve Paz ou Paxa, c'est-a-direl' /->er ses con- quetes. Sur la cote de terre chaucle voisine de 1' ocean Pacifique, les habitants de P6tatayub lui opposaient une resistance invincible. Une montagne infranchis- sabledefendait l'approche de leur cite : d'un coup de son 6pee enchant6e il fendit la montagne qui se brisa, clit la tradition, comme quandla foudre tornbe et fait 6clater le rocher le plus dur. Dans la poesie de leurs id6es , les Indiens animaient la nature entiere; c'est de la niezne que leur antique religion parait deriver ses dogrues. La foudre qui gronde, la terre qui tremble, le volcan qui mugit, le vent qui agite les feuilles des arbres, les nuages qui tourbillon- nent au-dessus de la plaine ou sur la surface des lacs, la secheresse qui devore les moissons avant leur matu- rity, tout cela est plus ou moins anim6; meme encore aujourd'hui, chacune de ces choses a son esprit invi- sible qui participe ala divinite, qui est en tout et partout. Le g6nie des volcans s'appelle le Cceur dela Montagne, ri Qujc hum. C'est lui qui lance les flammes et fait bouil- lonner la lave dans le cratere. Dans une eruption terrible qui menaca la nation Cakchiquele encore errante, son chef Gagawitz annonce qu'il vacombattre le genie qui les tourmente. Je raconte textuellement, Messieurs. II revient au bout de deux jours et s'ecrie : « Le Coeur de la Montagne s' est rendu mon prisonnier, il est mon captif, o mes freres, 6 mes aines. Lorsque le Coeur de la Montagne commenca h s'ouvrir , sachez que le feu fit bouillir la pierre : c'est cette pierre qui s'appelle hvidea blanc , et ce n'est pas une emeraude. Mais il y a treizeautres pierres qui for- ( 292 ) ment ensemble la danse du coeur du mont Gagxanul. Cette danse s' execute avec un grand fracas ; une mul- tltiule depeuples y ont Ieur part et les bruits formida- bles qui s'y entendent ne sauraient se calculer. » Telle est, Messieurs, la legende des volcans; elle a donne naissance au drame-ballet appele Xtznl, ou le Mille-Pieds, qui s'execute encore chez quelques-unes des populations indiennes de l'etat de Guatemala. Qui n'eu comprendrait les allusions? Les indigenes compe- tent la legende d'une maniere non moins pittoresque. Qikab l'enchanteur manquait d' homines pour conti- nuer ses completes. Ses vassaux fatigues se refusaient a lui enfournir. Que lui manquait-il, cependant? l'ins- trument terrible du coeur de la montagne, le Tun ou tamboursacrede bois creux que les Mexicains appellent Teponaztli, aux sons duquel les pierres precieuses du volcan dansaient au fond du cratere. \u bruit de ce tun, s'il peut s'eu einparer, lespeuples s'assembleront des contrees les plus lointaines; des ravins et des pre- cipices, les soldats sortiront pour marcher sous ses ordres a la complete de l'Ainerique. Comme autrefois Gagawitz, Qikab s'ouvre, par ses enchantements, les entrailles du mont Gagxanul ; il en enleve I' instrument redoutable, et bientdt a ses sons redoubles qui font trembler les nations, ses armies se grossissent de toutes parts. 11 acheva ses conquetes, et les contrees meme du lointain Orient (le Honduras), ajoute la tra- dition, subirent le joug du roi Qikab. Lorsqu'il se trouva le mattre absolu de la terre, il enferma le tun sacre dans le mont Kozintun, ou per- sonne ne peut le voir. Mais toutes les units on aper- ( 293 ) coit de Rabinal les flammes mysterieuses qui annon- cent sa presence. Heureux celui quipourray pen^trerl II se rendra maltre des immenses richesses des rois du Quiche et a l'aide du tambour du roi Qikab, il reunira tous les Indiens sous un meme sceptre et regnera sur l'Amerique entiere. L'abbe Brasseur de Bourbourg. APERCU GEOGRAPHIQUE DE LA HAUTE AL1SANIE, Par M H. Hilcquard, consul a Sculari (1). La haute Albanie, aussi appelee Albanie blanche et Guega ria, est bornee au nord par les monts Vomitor et Bieloplic, a l'ouest par l'Adriatique et le Montenegro, au sud par le Scouibi, et a Test par les niontagnes qui, partant d'Ochrida, viennentaboutir a Plava, enfermant les villes de Prisren, Jakova et Ipek. Elle comprend une grande partie des pachaliks de Prisren et de Monas- tir, et celui de Scutari. Jo r^'occuperai principalement de cette derniere province qui est la moins connue et la plus interessante par la composition de sa popula- tion, ses coutumes, ses institutions, son organisation politique differaht dans chaque montagne comme dans chaque district. (1) Cc travail est cxtrait d'un ouvrage plus ^teodu, que I'auteur se propose de publier bientdt. ( 294 ) Le pachalik de Scutari est borne' an nord par les districts de Pastrovitch, Smilovo, Ulizza (Albanie autri- chienne) et le Montenegro; a Test, par les districts d'Ipek, Jakova et Prisren (pachalik d'Uskiup, sa limite de ce cote" est fixee a l'endroit ou se reunissent les deux Drins); au sud par le fleuve Mathia, et a l'ouest par la mer Adriatique. D'apres les ingenieurs ottomans, sa superlicie serait de 150 milles carres. Le nombre de ses habitants est d'environ 150,000. I- /f itvcs et rivieres. — Les flenves principalis sont la Bojana et le Drin. La Bojana [Barbana Livianus des anciens), qui sort du lac nn peu au-dessus de Scutari, est considered par les habitants comnie etant la conti- nuation de la Zenta ou Zetta qui se jette dans le lac un peu au-dessous de Podgoritza ; ils appuient cet I e opinion sur ce que, principalement a l'6poque des grandes eaux, le courant de la Zetta se fait sentir sur toute la longueur du lac, et ils s'en servent pour le traverser lorsqu'ils se rendent a Scutari. La Bojana est navigable jusqu'a Hoboti pour des bailments ne calant pas plus de huit pieds ; elle a dans eel endroit une pro- fondeur d'environ quatre metres, mais malheureuse- ment, il existe a son embouchure une barre sur la- quelle il n y en a jamais plus de trois. Au-dessus de Hoboti, il se trouve nn bas-fond emuechant les bati- iments d'arriver jusqu'a Scutari. En face de cette ville, de noinbreusrs | lecheries obstruent le cours du Hcuve. La Bojana recoit, au sortir de Scutari, le Drinass ou Chiri a]i]iele par les anciens Clausulus). Presqu'a sec pendant l'ete", le Chiri qui prend sa source dans les ( 295 ) montagnes de Pulati, pres du village dont il porte le nom, se gonfle dans l'hiver des pluies venues des mon- tagnes et devient tin torrent furieux, causant de grands ravages et inondant alors une partie de la ville. La Sukubina, petite riviere dont la source se trouve dans les montagnes d'Antivari, se jette aussi dans la Bojana, entre les villages de Saregi et Lisena. Le Drin, canal d'6coulementdulac d'Ochrida, apres avoir re^u dans sa course un grand nombre de torrents des montagnes de Test, se joint au Drin blanc qui arrose les plaines de Jakova, Ipek et Prisren, coule ensuite entre des montagnes calcaires excessivement elevees jusqu'a Scela. A partir de ce point ses eaux grossies de tous les torrents des montagnes des Mir- dites, de ceux de Schiala et de Grastenischa, cotoient les plaines fertiles de Zadrima et de Boucliat, jusqu'a la petite ville d'Alessio, au-dessous de laquelle il se jette dans la mer. Le Drin est navigable jusqu'a Scela pour de grosses embarcations ; des petits navires ne tirant que quatre ou cinq pieds d'eau peuvent le remonter jusqu'a la hauteur de Plinisti (trois lieues au-dessus d'Alessio). Ce fleuve, qui deborde tons les ans, cause des pertes immenses et les habitants des plaines de Zadrima ont du renoncer a en cultiver la plus grande partie. Les principales rivieres de la haute Albanie sont le Zem, forme des torrents des montagnes de Troitza, qui voit sur ses bords les principaux villages des Clementi, et se perd dans la Moratcha, au-dessous de Podgoritza. La Moratcha, qui prend sa source dans le Montene- gro et se jette dans le lac pres de Jabiak. ( 296 ) Le Rioli, plutOt torrent que riviere, n'est conside- rable que dans la saison des pluies, contribuant a 1' ali- mentation du lac de Scutari. Le Fanti qui, parcourant les Mirdites, les s6pare a son extrtmiit6 du district de Skrela et porte ses eaux au fleuve Matbia presd'un village nomine Pedana. Lacs. — La haute Albanie compte plusieurs lacs : celui de Plava, situe" au sonunet de la montagne de ce nom, est presque rond et pent avoir deux lieues de circuit ; il est en partie alimente par les eaux du Lim, riviere prodiiite paries torrents de Odolm et Gretsckar. Celui de Hum ou Hotti, a peine s^pare" de celui de Scutari, est plutot un vaste marais dont les eaux va- rient suivant l'etat de l'atmospbere, et ne sont consi- derables que lors des fortes pluies. Ceux de Scbiassi et de Mustepsa dont les eaux com- muniquent avec la Bojana. Le plus remarquable de tous est celui de Scutari, appele" par les indigenes Likieni i Scoders ; flanque de bautes montagnes, tantot arides, tantot couvertes de forets luxuriantes de verdure, il ofire a celui qui le parcourt des sites d'autant plus delicieux, qu'ils chan- gent a chaque instant d' aspect; sa longueur est d' envi- ron neuf lieues, sa largeur moyenne est de deux lieues. A l'ouest, il baigne le pied de hautes montagnes dont les pentes sont assez douces, pour qu'il s'y soit etabli de nombreux villages, \ivant principalement h.KTALE ; 2° Sl!r\ LA COULEUR DE LA CIIEVEI.UP.E DES CELTES OU GAULOIS; 3° SUR LES LIENS DE FAMII.I.K ENTRR LES GAELS ET LES C1MRIS (l). Par le D' J. A. N. PERIER, Me'dccin principal a 1'halel imperial lies Invalidej. PREMIER IltK.flIM Sur les restes de I'eleinent appele Celtique, en Angleterre et en France. Sommaire. — Restes de populations dites iberiennes, en Armorique el dans les lies Britanniques. — Traces de populations semblables dans la Gaule antique. — Lps auteurs ne s'accordent pas sur la coiileur des cheveux, blonde on brune, de ees vestifjes de popu- lations. — Ijesmemes auteurs different sur laconleur qu'ils attri- buent a la cbevelure des Gaulois. Ces (h'bris peuvent nppartenir mi tang qaeliaue. — L'opinion qui rattarbe ces populations brunes a (juehjue souche anciennenon gaelique, scr.ilt plus admissible que celle du brunissement de la descendance des Gaels. — Impor- tance de la question que souleve ce debat. On a contests que les vestiges de populations an- ciennes que Ton retrouve sur quelques points de la Grande-Bretagne et de notre Armorique , et qui sont regardes, en general, comme provenant des Celtes, et mieux des Gael ou Gaels , et des Rymri ou Cymris, (1) Cos fragments sont extntits d'uu travail inddit sur les climate et lea races humaines. ( 302 ) fussent v6ellement issusde ces races antiques (1). Nous ferons sur ce sujet quelques reflexions. Un tlocteur de nos amis, coniru par divers travanx, et Breton lui-m&me, se fondanl sur des raisons del'or- dre physiologiqne, soutient que ces debris anciens, tant en Irlande qu'en Ecosse, dans le comt6de Cornouailles, dans la province de (lades et dans la basse Bretagnc, sont de soucbe iberienne. II pense que toute la popu- lation primitive de ces contrees se rattachait a la meme origine; et que, maintenant encore, notamment en Irlande, dans le pays de Galles et dans la Brctagne, cette population est reconnaissable a ses caracteres physiques, « malgre l'influence du temps, des institu- tions et des croisements » avec divers Elements appar- tenant a des races blondes (2). En Angleterre, le docteur Ware s'6taitd6japrononce* dans le meme sens, quant au fond de la question. Car ses rechercbes tendent d'abord a coulirmer l' opinion, que les Gaels avaient precede" les Gymris, connne habi- tants de la Grande-Bretagne; ensuite, a 6tablir qu'nne race iberienne ou aquitaine avait existe dans ce pa\^, anciennement avant eux. II constate en outre, par ses (1) De meme que nous disous Celtes, pour Kelt ou Keltes(y. inf., fr. II, in); de meme que uous dirous Cimbres, et mm Kimbres, expres- sions adoucies et consaerees; ainsi, uous adoptoos le nom de Cyftyis, preT8 et suiv., 1G2, 178 ; Alger, 1847. ( 303 ) propres observations, que les descendants des Cymris se retrouvent encore et predominent en Irlande, en Ecosse et dans les montagnes aupres du pays de Galles; tandis que le type gaelique aurait presque disparude la France et de ces memes contrees (1). M. Mullie dit aussi que « la nation annoricaine etait d'origine iberienne, » et qae les Gallois sont les Silures de l'antiquite (2) . Deja Mannert, ainsi que le reniarque Guill. de Humboldt, qui ne partage pas cette opinion, pensait que les Cale- doniens du nord de l'Ecosse etaient vraisemblablement de meme souche que les Iberiens. Dans tous les cas, il ne les croyait pas Celtes; et il les considere comme une nation existaut dans l'ouest de l'Europe, avant 1' arri- ved des Celtes (3) . D' autre part, bon nombred'historiens rapportent plus ou moins vaguement que cles populations iberiennes se sont etablies tres anciennement, soit dans l'Hibernie, soit dans laBretagne et la Cal6donie. Nous neciterons que Henry de Huntingdon, ecrivain du xne siecle, lequel soutient que Fune de ces colonies vint d'Es- pagne en Irlande, d'ou elle sortit en partie pour aller former dans la Bretagne une troisieme nation, avec les Bretons et les Pictes : — Scotti in quarta {mundi atate) ■venenint Hybemiam...., hoc tamen certain est, quod ab HispanidHyberniam venerunt, et, inde pars eorum egressa (1) Den litres des races Kymr. et Gael, a etre consid, com. aboriQ. des iles Brilann.; trad. fr. (Ejtr.), daus les Nouv. Ann. des voy., anu. 184ti, t. Ill, p. 121 et suiv. (2) Fasles dela France, p. 2, 3; in-fol., Paris, 1845. (3) Priifxmg der Untersuchungen iiber die Urbewohner Hispaniens vermitteht dcr Vaskischen Sprache, p. 1C3-I64, 178, jc6; in-4", Berlin, 1821. ( 30A ) tertiam in Britannia Brittonibus et Pictis gentem addide- runt. A am etparsqtue ibi remansit, adhuc eddem utitur lin- gua, et .\ai>arri i>ocnntnr{Y). D'Audiffret dit me me que rirlande,entreautresnomsqu'ellerecutjadis,futappelt?e liberie, des Iberiens qui y envoyerent des colonies (2) . » Et M. d' Eckstein nous apprend que cette denomination [Eibhear) est rested attacheea la partie meridionale de I'lle (3). Mais il faut remarquer que ni Cesar, ni Strabon ne parlentde semblables immigrations, et quecessortes de donnees se confondent trop 'souvent avec les fables dont les auteursdu moyen age out obscnrci cette bistoire. II est moins incertain que les Celtiberiens aient, dans les temps recules, habits ces contrees. Buchanan est de ceux qui font venir en Irian de, et de la en Bretagne, des colonies espagnoles, maiscelles-cid'origine gallique. Ex Hispanid vera, dit-il, causas in Hiberninm commi- grandi [gallicis coloniis) video complures fuisse;... Et, plus loin : V^erisimile autem nan est Hispanos relictd d tergo Hibernid, terra propiore, et cceli, et soli mitioris, in Albium piimitm descendisse.sed priiniint in Iliberniarn appulisse, atq ne inde in Britanniam colonos missos. . . . (4) . D'autres font intervenir dans les iles Britanniques des populations semitiques, ph6niciennes , carthaginoises, des pirates d'Afrique, des Maures d'Espagne. Toutefois, (i) Historiar.; ap. Rer. anglic. script, post Ikdam prceeip., lib. I, in-fol. Francof., 1601, p. 301. — Cf. Camden, Britannia; ed. in-fol. London, 1607, p. 728-729. (2) La Geogr. one., mod. el hist., t. I, p. 221 ; ef. p. 222, 224 ; in-4% Paris, 1689-91. (3) V Monde; dans le Catholique, ouv. period., t. XIV, p. 236-237; cf. p. 254; t. XV, p. 126, ann. 1829. (4) Rer. seotic. hist., lib. II, ed. Francof.; 162i, p. 54-55. ( 305 ) cesderniers recits sont phis curieux qu'ils n'int6ressent notre sujet. Void, du reste, comment s'exprime M. d'Eckstein: (i Notre opinion personnellc est que les Tyrrhenes, Pe- » lasgues d'origine, et etablis en Etrurie, decouvrirent i) l'lrlande,... et que des colonies celtiberiennes, d'ori- » gine gaelique, emigrerent dans cette ile. » Plus loin, l'auteur dit que tousces habitants n'etaient pas de vrais Iberiens,mais des Celtesou Gaels del'ancienne roche; Gaels qu'il ne faut pas confondre avec les Cymris et Beiges, lesquels, selon lui, conquirent l'Angleterre et ne penetrerent point en Irlande (1). Enfin,M. deGobineau dit que Ton peut adruettre « comme vraisemblable » qua une epoque fort ancienne, l'lrlande avait recu « quelques » colonisations ph^niciennes et carthaginoises. » «Mais, » observe-t-il avec raison, d'apres ce qu'on a vu en » Espagned'6tablissements semblables, il est douteux » que l'influence en ait depasse les limites du coinp- » toir. » 11 ajoute : « Peut-etre encore y a-t-il en » des immigrations iberiques , on plutot celtib6- » riennes (2). » Voila, toutefois, pour quelques lueurs et quelques assertions, bien des tenebres et des doutes. Quoi qu'il en soit, ces populations, dites ibe>iennes, auraient-elles poss6d6 quelques parties de la Gaule en des temps que Ton peut considerer comme ant6- rieurs aux Geltes ? On lit dans Fre>et : « Les Ibe- (1) Ouv. cit., u6. sup., t. XIV, p. 126, 237, 214; cf.p.142, 146; t. XV, XVI, pass. (2) Essai sur Vinegal. des races hum., t. HI, p. 113; Pari*, 1853-55. XUI. AVIUL ET MAI. A. 20 ( 306 ) » riens n'6taient point originairement renferm£s dans » les limites dc l'Espagne : ils s'6tendaient sur loute la » c6te de la mer Mediterran£e, depuis les Pyrenees » jusqu'aux Alpes ; et e'est par le passage meridional » des Alpes qu'ils p6netrerent en Italie, pres de 1 500 ans » avant l'ere chr£tienne (1). » De meme, il resulte des recherchesde Guill. de Humboldt, que les Celtes Ib£- riens, semblables par le langage aux Celtes, et qui n'6- taient probablement pasde souche gallique, ce queprou- verait la difference dans le caractere et les institutions, sont peut-etre des peuplades etablies dans les Gaules avant toute tradition buniaine, on immigrees de bonne heme, — Friiher (2). Et voici les paroles de M. Mi- chelet : (i Une autre race, celle des Iberes, parait de bonne » heure dans le midi de la Gaule, a cote des Galls, et n meme avant eux. » Le type et la langue deces Iberes se sont conserves dans les montagnes des Basques (3). L'opinion de M. de Petigny est peu diflerente. « Avant » les Celtes, dit-il, la race iberienne... semble avoir » donne, la premiere, des habitants a l'Espagne, au » midi de la Gaule et a l' Italie. » 11 continue : « On ne i) trouve a Test et au nord de 1' Europe aucune popu- » lation d'origine iberienne, et il ne parait pas que cette » race d'hommes ait jamais depassG de ce c6te" la ligne » des Alpes (A). » D'apres le r6sum£ de M. Alullie, la (1) l\ech. sur I'orig. et Vane. hist, des diffdr. peupl. de V Italie; OEuvr. compl., t. IV, p. 193; Paris, an VII. (2) Op. cit.,p. 178, n°5. — Cf. Michelet, Hist, de France, 6M. 1833, t. I, teclaircissem. , p. 438. (3) Ibid., 1. I, p. 5; cf. p. 7. (i) $tud. sur I'hisl., les lois el les instil, de I'epoq. mdroving., 1. 1, p. 6; Paris, 1843-*5. ( 307 ) Gaule etait habitue, 1 500 ans avant notre ere, par les Iberes et les Celtes ; et « la race des Iberes s'etendait du u d6troit d'Hercule i^de Gibraltar) a la Loire (1). » — M. Bodichon dit egalement : « En arrivant dans la )> Gaule, les Gaels trouverent les rives da Rhone, de la » Garonne et de la Loire entre les mains de gens qui » avaient une autre langue et d'autres usages. Depuis » des temps immemoriaux, ils avaient franchi lesPyr6- » n6es, et tenaient le sol en qualite de premiers occu- )) pants. C'etaient les Iberians (2). » Et M. d'Omalius d'Halloy suppose aussi que les Celtes « ont trouve la » France deja habitee par des peuples aux cheveux et )) aux yeux noirs, avec lesquels ils se sont meles pour » former une race intermediaire. .. (3) » Un autre savant beige, M. Moke, de Gand, dans un recent ouvrage, reconnait a son tour que des nations de race brune ont occupe , des les premiers ages, non- seulement les cotes maritimes de la Gaule et, en An- gleterre, les pays de-Cornouailles et de Galles, ou leurs debris a cheveux bruns, « evidemment issus d'une souclie meridionnale , » se voient encore aujourd'hui, mais les bords de la Loire et ceux de la Seine , mais la Belgique; et il arrive a couclure en ces termes: « On » peut done considerer comme un fait a peu pres g(^n6- » ral 1' existence antique d'une population brune dans » tout l'espace situ6 entre le Rhin et les Pyrenees. » M. Moke ne s'explique pas davantage a l'egard de ces populations brunes qui sont mentionnees, ainsi qu'il le (1) Ouv. cit.,p. 2. (2) Ouv. cit., p. 157. (3) Des races hum., p. 25-26, not.; cf. p. 37-38; Paris, 1845. ( 303 ) dit, dansles traditions galloises, et dont il rattache l'o- rigine primitive a des tribus liguriennes designees clans l'ost de l'Arigleterre « par le mot de Logres. » << Le )> vieux noin de la Loire, Lr'ger, ajoute-t-il, mot a mot i) lo Ligure, semble indiquer qu'elles s'etaient long- » temps maintenues dans la region que traverse ce » grand fleuve (11. » Onpeutnoter ici que,d'apresGnill. deHmnboldt, laracinedumotLiguresou Ligors, — TH- gnr, — ville haute, ou de lamontagne, — appartient cer- tainement alalangue basque(2); tandis que pourFr6ret, et il justifie aussi son opinion, « ce noni de Liguties, » Lfygour en celtique si^nifie homme de mev (3). » Toutefois, ce n'est point de cette maniere que Aug. Thierry entend les Logres ou Logriens [Lloegiyst et, plus correctement , Lloegrwys). D'apres les annales bretonnes, on il croit devoir puiser (A), ces envahis- seurs, qui occuperent le sud et Test de File de Breta- gne, auraient emigre « de la cote sud-ouest des » Gaules, et ils tiraient leur origme de la race primi- d tive des Cambriens (c'est-a-dire, des Kynirys), » avec lesquels il leur etait facile de communiquer par » le langage. » II dil aussi que ces Cambriens venus (i en masse des extr6mit6s orientales de l'Europe , a » travers l'Ocean germanique, » avaierit trouve" sans doute, a leur arrivee, une population de Bretons indi- (1) La Belgiqucanciennc et tes orig., etc., p. 61-63, ct not. ; cf. pref., p. vij, not.; Paris, 1855. (2) Op. Cit., p. 5-6. (3) Ouv. cit., ub. sup., ]). 206. [i) The Myvyrian archaiology of Wales, vol. II, pass.; London, 1801; cf. trad. fr. (Ecctr.), por I'rohcrt; dans Michelet, ouv. cit., 1. 1, ub. sup., p. 461-170. ( 309 ) genes cm premiers occupants, « d'une autre origine » qu'eux et d'un langage different* sur lesquels ils » envahirent le pays, » et dont les uns se refugierent dansl'ile d'Erin, tandis que d'autres gagnerent le liaut pays du Nord appele Al-ben, A /ban, oil ils « se main- » tinrent sous le nom de Gaels cm Galls (Gadhels, » Gwyddils), qu'ils portent encore (1). » On voit que les Logres de M. Moke ne sont pas les Logriens de Augustin Thierry, les premiers appartenant aux Ligures de souche brune , les autres a la race des Cambriens. Et en ce qui touche ces derniers, nous lisons dans Freretqu'il ne croyait memepas aleur ori- gine cimbrique : « Les peuples du pays de Galles, dit- )) il, ne se donnent point encore aujourd'bui d' autre » nom dansleur langue que celui de Kimri ou Kimbri; » mais ce nom, que les ecrivains latins rendent par » Catiibri, ne se trouve point dans les anciens, et il y » a grande apparence qu'il n'a aucun rapport avec » celui des Cimbres ("2). » — Malte-Brun dit aussi que « les Gallois appellent leur langue le kumraigk ou » kyniri ', cl'oii les auteurs latins du moyen age ont tir6 » le nom de Cambriens; mais , ajoute-t-il , e'est sans » raisons suffisantes que quelques systemes ethnogra- » phiques en ont fait des Cimbres (3) . » Selon Pinker- ton, au contraire, « il y a beaucoup de raisons pour » croire que le nom welche Cumri ou Cumbri, estl'an- (1) Hist, de la conq. de VAnglel. pur les IS'ormands, 6dit. 1836, t. I, p. 30-33, ct not. — Cf. Am. Thierry, Hist, des Gaulois, edit. 1835, t. I, p. i7-i8; I III, p. 2-3. — Amslrong, A Gaelic Dic- tionary, \ocib. Gael, Gaklheal; Lotiiimi, 1825. (2) Mem. sur les Cimme'riens, ub. sup., t. V, p. 6-7. (3) Geogr. univ., edit. in-i°, 1841, t. II, p. 50; cf. 1. I, p. 12*. ( 310 ) » cien nom Cimmerii on Cimbri, prononce I( im merit' et » /wW/r/ par les Grecs et les Roma ins (1). » En effet, quelle serait cette nation venae del'orient de 1' Europe, a travers 1' ocean Germanique, sinou des Kimbri on Cimbres? a moins que, suivant on cela Baxter, on ne les regarde comme etant aborigines, e'est-a-dire d'ori- gine inconnne. — Brigantes omnrs, sive primes Bri- tannos, a Belgarum appulsu se Cimbros... novo notnine appelidssc. Nam de Kend, qttod est caput et Bro rp/od Patria est, sit compnsita vox Gumbro... — ...Cumbros rive A^ToyQo-jc- (2). M. Am. Thierry, d'aillenrs, a suffi- samment elncide cette question (3). Enfin , comme £claircissement orthographiqne, nous i'erons reniarquer que, selon M. Ad. Pictet,les Galloiss'appellent Cytnrf ou Cynmry, an singulier Cynmro; que leur pays se nonime Gymnru, et leur langue Cynmraeg (7i). Pour les Bretons, en general, le t^moignage de Tacite est ici d'un haut interet. II dit que la conforma- tion varie chez les diU'ercnts penples de l'ile de Bre- tagne : — Habitus eorporum varii. Et il observe, d'abord, que les cheveux roux des Galedonienset leur taille ftle>- vee, — rntiirr... comer, magni artus, — indiquent line origine germanique; ensuite, queleteint basan6 des Si- lures, que leurs cheveux boucles, — torti plerumque nines, — et leur position en face de 1'Espagne, don- nent lieu de croire que les anciens Iberes ont traverse (1) Recti, sw I'orig. et les div. e'tablissem. des Scythes ou Goths, trad, fr., p. 79; Paris, an hi. (2) Glossai-. anliquit.britannic., vocib. brir/antes, Britanni ; Loud., 1733. (3) Ouv. cit., Introd., p. \lix ct suiv. (4) De iaf finite des lang. cell, avec le Sanscrit, p. 167 ; Paris, 1837. ( 311 ) la mer et peuple ces contr6es : — .... Iberos vetcres trajecin.se, easque sedes ocetipdssc, fidein faciurii. CeilX qui sont les plus proches de la Gaule , continue-t-il , ressemblent aux Gaulois : — Pvoximi Gal/is, et simdes sunt (1). Ce document est pr^cieux, et nous le rappellerons (fr. II, iv). — Remarquons seulement ici qu'il vient en aide aux renseignements d'apres lesquels les Bre- tons, fuyant les amies des Saxons et des Angles, au vme siecle, auraient apporte dans les cites de l'Ar- morique des 616ments d'origine iMrienne, ou tout au moins de race brune. Et quant a la ressemblance des Bretons voisins de la Gaule avec les Gaulois, elle se concoit bien, des conquerants venus de Belgique s'6- tant empares de cette c6te meridionale, ainsi que nous l'apprend Cesar (2). On sait que Ptol6m6e conipte aussi, parmi lespeuples d' Albion, des Beiges, des Atre- bati et meme desParisi : — liilyai, 'A+pslrattiBe, llap'fot (3). Ces Bretons, arrives des le nme siecle avant notre ere, 6taient done Beiges, et par consequent Cymris, ou, si Ton veut, Gaulois, aux m£mes titres que ceux de notre continent. Pinker ton explique ce passage de Ta- cite, en confrontant les Bretons du sud-ouest, pour lui « Celtes et non Beiges, » avec les « Gaulois celtiques, etablis sur la cote opposed. » Ailleurs, il commente le m£me passage, en observant que la rousseur des che- veux et le volume des membres caracterisent encore les Scandinaves, tandis que les Gallois Celtes, ainsi (1) In Agricol., §X1." (2) De bell, gall., lib. V, cap. XII. (3) Geogr., lib. I, cap. III. (312) que les Ecossais et les Irlandais , sont remarquables parlacouleurbninedeschevouxetunetaillemoindre: — The red hair and large limbs are to this day the grand features of the Scandinavians, while the Scotish, Irish, and Welsh Celtes are remarkable for black hair and a stature rather diminutive. 11 faut noter, en effet, que suivant cet auteur, si les Cimbres ou Cimmeriens, an- cetres des Welches, et premiers habitants de la Ger- manie, sont Celtes, ou Celtes Germains, il n'en est pas de menie" des Beiges, qui sont Germains d'origine , et par consequent Scythes ou Goths (1). Ainsi ces deux opinions, partant de points de vue differents, sont egalenient admissibles. II est ii remarquer que les divers auteurs attribuenta ces meuies vestiges de populations anciennes unecou- leur de cheveux diffe rente, alors qu'il ne s'agitcepen- dant que d'un fait appreciable aux sens. On compreud qu'il y ait la plusieurs races en presence ; mais encore faudrait-il distinguer et s'entendre. — Ainsi, M. Bodi- chon, qui range tons les Gaulois parnii les races blondes, voit en Ecosse, en Irlande, dans le pays de Galles et dans la Bretagne, des cheveux noirs conune ceux des Kabyles; pendant que M. Ware, dont les principes different seidement en ce qu'il n'assimile point la cou- leur de cheveux des Gaels a celle des Cymris, trouve, au contraire, que ce sont les blondes chevelures de ceux-ci qui predominent en Irlande, en Ecosse et dans les montagnesaupres du pays de Galles. — M. d'Omalius d'Halloy est persuade que les anciens Gaulois avaient (1; Ouv. cit. , p. 102, Cf, p. 7i, 77 ft suiv., 192, 230, Cl pass. — An Enquiry into the hist, of Scotland, vol. I, p. 18i; Edimb., 1814. (313 ) les cheveux blonds ; et il admet qu'ils descendent de peuples du meme type blond, « qui ont ete plus ou » moins modifies par leur melange avec des Arameens » qui habitaient le midi de l'Europe avant que les Euro- » peens ne s'y etendissent. » II dit que les Bas-Bretons ont en general les cheveux et les yeux noirs et la taille des habitants du sud-ouest de la France, tandisquel'on rencontre beaucoup de chevelures blondes parmiles Gal- lois. Et pour M. Moke, tout en considerant les anciens Gaels ou Celtes comme une race blonde, il constate l'exis- tence de cheveux bruns et noirs en Ecosse, dans le pays de Galles, dans la Basse-Bretagne, la meme ou ne de- vraient se rencontrer que des cheveux blonds, a moins que Ton ne fasse intervenir uue population brune ante- rieure, dont la posterite revivrait dans les types actuels, population dont l'existence est ainsi prouvee incontes- tablement (1). Nous venons de voir que, d'apres Pinkerton, les Ecos- sais, les Irlandais et les Gallois ont des cheveux noirs. Et telle est aussi l'apreciation d'un autre observateur d'outre-Manche , M. Price, qui soutient, lui, que ces peuples etaient originairement roux (2). De son c6te, Prichard, qui ne doute pas non plus que les Celtes n'appartinssent a la variete blonde, reconnait que, sauf dans quelques districts ou la couleur rousse est fre- quente, les montagnards des iles Britanniques ont en (1) Bodichon, ouv. cit., loc. cit. — Ware, ouv. cit., loc. cit. — D'Oma- lius, ouv. cit., loc. cit. — Moke, ouv. cit., loc. cit. (2) An Essay on the physiogn. and physiol. of the present inhabit, of Britain, etc. Loudon, 1829 ; trad. fr. {Exlr.); dans Michelet, ouv. Cit., t. I, Eclaircisscm., p. 482-85. ( 314 ) general descheveux d'unbrun fonc6 : aussi conclut-il, de raeme que M. Price, a leur brunissement. II dit que les deux branches defl nations celtiques de l'ouest de l'Europe « sont representees dans les tempi modemes, » l'une par les Irlandais, les Ecossais et les Manks, et » 1' autre par les Gallois et les Annoricains ou Bre- i) tons (1). » Cos memes representants des races an* ciennes en lrlandeet en Ecosse sonl egalement consi- ders, par Will. Edwards,, comme des Gaels, et par consequent, suivant lui, comme brims dea l'origine ; tandisque chezles Gallois et les Bas-Bretons, bienque les Gaels d'origine dominent par le nombre, le type phy- sique, le caractere national et la languc des Cymris ont prevalu. Le meme auteur assure que dans toute 1' Angle- terre les types cymriques sont encore tres repandus (2). Enfin, pourM. Am. Thierry, les Gaulois en general avaientles cheveux blonds ou chatains. Et toutle inonde sait que cet historien, en rechercliant la parente des deux races dites gauloises, avait trouve le gttelh parl6 notamment dans la haute Ecosse, l'lrlande, l'ile de Man, alors que le cymric est le seul idiome dont les habitants du pays de Galles , ainsi que ceux de la Basse-Bretagne, aient conserve des traces. Ses etudes sur le langage le conduiscnl d'ailleurs k regarder les Gaels comme ayanl precede les Gymris dans la Graude- (1) Ilist.nat. de I'homme, trad, par Roulin, t. 1, p. 2G2-264, 24"; Paris, 1843 ; — cf. Researches into the physic, hist, of Mankind, vol. Ill, part. I, p. 198-200, edit. 1836-44. (2) Fragm.d'un mem. sur les Gaels ; dans Irs Mcm.dela Soc.ethnol., t. II, part. I, p. 18, 19; Paris, 1811-45; — De I'infl.recip. des races sur le caracl. nation., ibid., p. 6, 9, 10 ; — Des caract. physiol. des races hum., \tb. sup., t. 1. pari. I, p. 58, 85-86. ( 315 ) Bretagne, et comme etant la population primitive de cette ile (1). Cette maniere de voir, neanmoins, relative a l'ori- gine gaelique cles premiers Bretons, adoptee deja par Camden et d'autres modernes (2), n'est pas confirmee par les temoignages de Cesar, de Tacite et de Strabon autant qu'on pourrait le croire, si Ton s'en rapportait a certains auteurs (3). Cesar donne comme positive la tradition qui fait naitre sur les lieux memes les habi- tants del'interieurde l'ile — ...quos natos in insula ipsa mernor'ui prodUum dicunt. Et Tacite , laissant la ques- tion indecise, dit que les Bretons ignorent quels ont et6 les premiers habitants de leur pays , si ce furent des indigenes on des etrangers : — indigence an advecti. II incline seulement a croire que ce sont les Gaulois qui ont occupe le sol le plus voisin des Gaules, — G alios vicinum solum oecu/>dsse,credibite est (A). Strabon, que (1) Ouv. cit.,t. II, p. 43; t. T, introd., p. xiij-xiv, xvj et suiv., p. 1-2. — Cf. Eusebe de Salles, Hist, ge'ne'r. des races hum., p. 96 ; Paris, 1849. (2) Camden, op. cil., p. 7-8 sqq., 16-17. — Rapiu Tboyras, Hist. d'Anglet., t. I, introd,, p. 6-7 ; iu-4°, La Haye, 1727-36. —Bullet , Mem sur la king, celtiq., t. 1, pref. , ch. VII, p. 9, part. II, p. 29 ; Besancon, 1754. — Hume, Hist. d'Anglet., etc., trad, fr., edit, in-f", 1765, t. I, p. 4. — Aug. Thierry, ouv. cit., p. 31-32, 36. — Cf. Jomandes, de Getar. sive Golhor. orig., etc., cap. II, — Bfcde, Hist. ecclesiast. gent. Angl., lib. I, cap. I. (3) De Larrey, Hist. d'Anglet., d'Ecosse et d'Irlande, edit. in-f°, 1707-13, t. I, p. 2. — Pelloutier, Hist, des Celt.et particul. des Gaul, et des Germ., e"dit. in-4", 1771, 1. 1, p. 25. — Adeluog et Vater, Mi- thridates, t. II, p. 78; Berliu, 1806-16; cf. trad. fr. (Extr.), par Lan- juinais; daus les Mcm.de I'Acad. celt., t. IV, p. 325; Paris, 1809. (4) Ce"sar, op. cit., he. cil.— Tacite, op. cil., loc. cit. ( 310 ) nous citonsplus loin (IV. II, in) signale lcs differences entreles hoinmes de Tile do Bretagne etlesGaulois. Et ce qu'il dit de la ressemblance des nneurs ne doit s'cu- tcndre que des Beiges etahlis sur la cote du cap Can- Hum — KavTjov, — compares a ceux delaGaule (v. sup** p. 311). Diodore de Sicile rapporte aussi que, suivant certaines traditions, les Bretons etaient dits, soit en tota- lity, soit en partie origiiiaires du pays, — ouTd^Qova yiv*j ( 1 ) . Or, quelle que soit la signification de ces derniers temoignages, la presence de populations sorties du continent de la Belgique en particulier, et dans le sud-ouest, aujourd'hui pays de Galles, et sur la cote meridionale ou dans le pays de Kent, atteste sufli- samment que, dans les temps historiques, toute la con- tr£e n'appartenait point a ces colonies etrangeres. La limitation du territoire occupe par ces nations n'exclut- elle pas en efl'et l'idee de possession entiere du sol ! Nous ne savons si des preoccupations resultant de la maniere d'envisager la couleur des cheveux des anciens Gaulois, n'auraient pas influence quelques-unes des opi- nions dont nous venons de parler ; et c'est d'ailleurs en vain que Ton chercherait a projeter une \ ive lumiere sur les tenebresd'un aussi lointain pass6. Mais ce qui ressort de cet apercu, et ce qui domine an milieu de ces jugements en divers sens, c'est que clans la plupart des contreesque lesCeltesou Gaels ont occupees, sans nul doute avant les Cymris ou Cimbres, puis les Beiges ou Gallo-Belges, et ou les uns et les autres avaient du se rencontrer avec quelques essaims de race Lberienne (1) Lib. V, cd. gr. lat ; collect. F. Didot, cap. XXI. ( 317 ) on ibero-celte ; c'est que dans ces contrees, disons-nous, on trouve des populations conservant les caracteres physiques des races meridionales. Ainsi, la presence actuelle de ces populations a che- veux bruns ou noirs est un fait atteste par ceux-la memes qui recusent 1' existence d' une variete brune, a des epoques reculees, et qui voient seulement dans les anciens possesseurs du sol, Gaels ou Celtes, une famille d' homines blonds. Toutefois, si Ton croit pouvoir consi- derer cette race des Celtes comme etant de souche brune, on plus brune que blonde, on concoit des lors que les phenomenes observes trouveraient de la sorte leur explication physio! ogique. Rien ne prouve, il est vrai, que l'hypothese touchant l'origine iberienne doive etre rejetee. Et quoique les t6moignages historiques se refusent a lui donner la va- leur d'un fait, ici, comme en bien d'autres occasions, les caracteres de la constitution physique, venant en aideai'histoire, pourraient etre de nature a rectifier les traditions. Mais, en nous placant au point de vue de la coloration brune des Celtes, point de vue qui est le notre ; en reconnaissant sur divers points les traces, et comme l'image de ces debris anciens dans les types ac- tuels (v. fr. II, v), nous sommes logiquernent conduit a inferer qu'ils peuvent bien etre autant de vestiges du peuple gaelique. Et de la l'interet qui s' attache aux eclaircissements que comporte la question de la che- velure des Celtes ou Gauiois, question sur laquelle on est si peu d' accord. Cette opinion, du reste, qui regarde comme etant originairement de race brune , autre que celle des ( 318) Gaels, les populations ci-dessusmentionnees, est assu- rcment plus rationnelle que eelle qui ne verrait dans le brunissement de la descendance des Celtes qu" une devia- tion qui se serait operee a la suite du nn'-lange outre des nations toutes de race blonde, etpmi\ ant se rattacher a des conditions d'existence , a des influences elimat6- riques, these que soutient Pricliard (J), Car, s'il est pennis de croire que diverges modifications soient sur- venues, bien plus par le fait de certains croisements, que par Taction du cliraat et des meeurg, on ne saurait admettre sanspreuves positives, que ces mutations du blond an brun se soient produites, non-seulement chez les groupes que plusieurs disent etre d'origine ibe- rienne , tant ils sont bruns, mais dans tout le corps de nation qui repr^sente aujonrd'liui 1'ancien peuple de la Gaule proprement dite. On a encore imagine, tonjours d'apres Tidee de la couleur blonde des Celtes, que notre teinte actuelle pouvait etre une exception a la loi commune de trans- mission des types par voie de generation. B. -G. iSiebuhr parait etre de cet avis (2). Mais oil serait la preuve de cette assertion? une fin de non-recevoir n'est pas un argument; et Niebubr ne justifie en aucune sorte cette vue de son esprit. Les clioses de la nature ne precedent point par exception. Que l'on avoue I'insuffl- sance de nos moyens de connaitre, a la bonne heure; cela, du moins, ne mene point a l'erreur. M. de Salles constate £galemcnt que « La France (1) Hist. not. etc. cit., t. I, p. 264-2G6. — Research, etc. cit., ub. sup., p. 19C. — Cf. Moke, ouv. cit., p. 7. (2) Hist.rom., trad, par deGolbCry, t. IV, p. 293-294, not.; Paria, 1830, etc. (319) » meridionale, ou les Celtes se sont conserves le » moins melanges, est remplie de teints bruns ; » et que (i Les Rimrys d'Armorique eux-memes out des » cheveux noirs , quoiqu'ils aient garde les yeux )) bleus. » Et pour lui ce phenomene est tout sim- plement le resultat du deboisement des Gaules (1). La variete de ces explications a bien aussi son merite. Enfin, partant du meme point de vueet de la mutabi- lite des types, M. Price pense que « la diversite de i) nourriture explique la difference, comnie on le i) voit dans les animaux (2) ; » tandis que M. Mi- chelet attribucrait volontiers ce meme brunissement des cheveux a « Taction du temps et de la civili- » sation (3). » M. d'Omalius seul ici, comme nous l'avons vu (p. 307, 313), donne pour explication de la couleur actuelle des peuples issus des anciens Celtes le « melange de ces derniers avec les Arameens, » que Ton suppose les avoir precedes dans le midi de l'Eu- rope. Cette derniere hypotbeseparaitdu moins admis- sible. Mais, de l'aveu meme de son auteur, elle « n'est pas appuyee sur des textes historiques formels. . . (li) » Et quant aux autres presomptions, quelles raisons, quels exemples les autorisent? C'est ce que Ton ne saurait dire. Et d'ailleurs, ne fallait-il pas d'abord prouver ce qui est en question, savoir que les Celtes ont bruni? II n'est besoin de dire que le caractere tire de la (1) Ouvr. cit., p. 257. (2) Ouvr. cit., ub. sup., p. i83. (3) Ouvr. cit., t. I, ub. sup., p. 485. (4) Ouvr. cit., p. 38, 26, not. ( S20 ) chevelure n'est pas tout, loin de la, dans ces sortes de problemes; et que c'est 1' ensemble de la constitution physique et morale qu"il faut envisagor et scruter autant que possible , quand il s'agit d'etudier les rapports d'origine et la filiation des diiTerents peuples. Mais telle est cependant rimportance de ce debat, en ce qui concerne les anciens Gaulois, qn*il touche en quelque maniere a la question meme de savoir quels furent nos ancetres. Car les deviations dont nous venons de parler n'etant point acceptees comme des faits, si les Celtes out ete blonds, de meme que les Cymris, il faut bien que nous tenions des lberes on de quelque race inconnue la couleur dominante de nos cheveux. Nous allons faire quelques recherches sur ce sujet, et nous serons ensuite tout naturellement conduit, par l'enchainement des faits, a examiner une autre matiere d'un non moindre interet ethnologique : nous voulons parler des raisons ou des titres que l'on apporle en faveur de la parente generalement admise entre les Gaels, Celtes ou Gaulois, d'une part, et les Cymris, Cimbres ou Beiges, de 1' autre; — parente qui ne nous semble rien moins que prouvee , etque nous croyons contestable, aussi bien que la couleur blonde des che- veux gaulois. (La suite au prochain numero.) («21) Analyses, BSapports, etc. RAPPORT DE M. CoRTAMBliRT, SUR LE VOYAGE DANS LA TURQUIF, d'eUROPE (1) Par M. A. Viquesnel ; Et Notice statistique siir V empire Ottoman, tVapres cet ouvrage. Lus dans la stance du 6 mars 1857. Messieurs, J'ai a vousrendre comptedu Voyage dans la Turquie cV Europe de M. A. Viquesnel, dont M. le ministre de l'lnstruction publique a en la bienveillance de vous adresser ur. exemplaire. II est des litres pompeux qui couvrent des volumes souvent bien vides : on promet beaucoup, etl'on tientpeu. Voici un titre modeste,qui n'annonce pas assurement toutce que renferme cet ex- cellent ouvrage. On croirait ne rencontrer la qu'une simple relation de voyageur, etl'on y trouve un tableau tres etendu ettres complet de 1' empire Ottoman ; le plus complet sans doute que nous possesions encore, et, je puis ajouter, le plus exact. L'auteur a consacre tout son premier volume, c'est- a-dire environ 500 pages grand in-quarto, a une des- cription statistique, ethnographique et politique de (1) 2 vol. gr. in-**, ct atlas compose de 3 cartes in-plauo colomb. et de 28 planches in fol. jtfsus. Chez Gide et Baudry. XIII. AVRII. ET MAI. 5. 21 ( 322 ) 1' empire Turc; son second volume, qui n'est pas encore publie, coitfprendra les parties scientifiqm-'s flu voyage, c'est-a-dire la meteorologie, la geographic physique et la geologic Je vais vous faire connaitre aujourd'hui, messieurs, le resultatde monexamendu tome premier. Permettez-moi de ne pas me contenter d'une simple appreciation de ce travail; j'y joindrai le resume des excellentes choses qu'il contient, afin que notre Bulletin puisse oflrir a ses lecteurs des renseignements que je crois propres a les interesser. M. Viquesnel commence par jeter un coup dVil sur l'histoire des Turcs. En remontant dans 1' antiquite de cette histoire, il explique la distribution des dialectes turcs en deux grands idiomes, l'ouigour, ou turcancien, et le turcoman, qui, apres avoir et£ la langue des Seldjoukides, est devenu celle des Ottomans et le turc actuellement en usage. II trace un tableau chronologique des principales phases de la puissance ottomane, depuis Osman 1" jusqu'a nos jours. 11 aborde ensuite le sujet tres important et tres com- plexe des populations si variees qui habitent la Tur- quie d'Europe. 11 les groupe en quatre sections : 1 La lamille turque, comprenant : les Ottomans, les Turcomans et les Iourouks, enfin les Tatars de la Dobrodja ; 2° La famille greco-latine, comprenant : les Grecs, les Albanais ou Chkipetars, les Valaques (qui s'appel- lent eux-memes ndumhnf, et que les Slaves nomment Zinzares), les Moldaves, les Valaques ou Zinzares de l'Epire ; ( 323 ) 3° La faniille slavonne ou slave, comprenant : les Serbes, les Bosniaques, les Herzegoviniens, les Croates, les Montenegrins (consideres cependant par quelques ethnographes cotnme d'origine albanaise), les BuU gares ; h" Les families arrnenienne, semitique, indienne, et autres pen considerables. M. Viquesnel consacre de nombreux developpeinents a l'etendue et a la statistique de la population del' empire Ottoman. II trouve aux possessions europ^ennes une tuperflcie de 52S.050 kil. carrel. A celles d'Asie 2,075,220 » A celles d'Afrique 2,591,743 » Total 5,195,013 » La population est loin de suivre les proportions des superficies : Les possessions europeeunes out 15,184,105 liab. Celles de l'Asie 16,050,000 Celles de I'Afrique 5,100,000 Total 36,334,105 Mais si Ton deduit, en Europe, les provinces me- diates de Moldavie, de Valachie et de Servie; en Asie, l'Arabie, sur laquelle la Porte n'exerce guere qu'une autorite nominale ; en Afrique, la totalite des posses- sions, parce qu'elles echappent a peu pres entitlement a Taction du gouvernement ottoman, on a pour resultats : En Europe 371,950 kilom. cane's, 10, 268, 000 hab. EnAsie 1,259,843 » 15,150,000 » Totaux 1,631,793 25,418,000 w ( 824 ) ML Viquesnel a minutieusement calculi les limites turques. II trouve aux limites maritimes un developpe- ment de 16,225 kilometres: aux limites continentales, 13,833 kilometres; au contour des iles, 3,640 kilo- metres , ce qui doime un total general de 33,698 kilom. Nous venous de dire que la population des pro- vinces turques immediates est de 25,418,000 ames. Avouons, cependant, que ce n'est pas la un chiffre dont on puisse soutenir la parfaite exactitude. Rien n'est plus dillicile que revaluation de la population en Turquie : l'etat civil des diverses races, tant musul- manes que clnetiennes, n'a ete jusqu'ici a peu pres constate sur aucun registre. Cependant, a force de re- cherches, l'auteur est parvenu au resultat que nous venous de presenter. II donne les tableaux de la popu- lation distribute par regions naturelles et par families ethnographiques, soit d'apres ses propres recherches, soit d'apres cellos de MM. Boue et Ubicini. Nous offrons ici le resume de la distribution ethnographique, d'apres M. Ubicini : Famille turque 12,375,000 dont environ 2,000,000 en K.uropc Famille persanc (Kurdes, Druzes, Yezidis, etc.) 1,288,000 Famille georgienne (Lazes) 20,000 Famille semiliqne (Arabes, Syriens, Chalde'ens, Juifs).. 6,414,000 Famille armi'iiienne 2,400,000 Famille indienne (Tehinganes on Bohe'niiens). 414,000 Famille greco-latine 7,487,105 Famille slavoune 5,936,000 La Turquie d' Europe est principalement peuplee par les deux families greco-latine et slave , la Turquie d' \sie par la famille ottomane, la Turquie d'Afrique ( 325_) par la famille semitique , c'est-a-dire par les Arabes. La classification des populations par religions n'est pas nioins interessante que celle a laquelle donne lieu l'ethnographie. Elle offre en resume : 21,738,000 musulnians, dont : 4,180,000 on Europe, 12,568,000 eii Asic, . 4,990,000 en Afrique; 14,075,425 Chretiens, dont : 10,723,425 en Europe, 3,302,000 eu Asie, 50,000 en Afrique; 3/46,680 juifs, dont : 206,080 eu Europe, 80,000 en Asie, 60,000 en Afrique; 17/i,000 idolatres, c'est-a-dire Bohemiens, dont : 74,000 en Europe, 100,000 en Asie. Aucun de ces Bohemiens n'habite en Afrique, et cependant le nom de Gitanns, de Gypsies, qu'on leur applique en divers pays, senible rappeler que cette race m6prisee a du habiter rEgypte. Si Ton compare les 1,631,793 kilometres carrels des provinces turques immediates et la population de 25, hi 8,000 ames repandue sur cette superfine, on ob- tient environ 16 habitants par kilometre carre; dans la Turquie d'Europe, la moyenne est de 28,75 par kilo- metre carre; dans la Turquied' Asie, elle n'estquede 7, 73, ( 326 ) ou de 12,03 en dednisaut les deserts. Celle des lies (17. /iO) dgpasseuapeu la moyenne des parties continen- talestenfin In moyenne des principals danubienoese&t un pen plus 61ev6e que celle de la Turqnie d'Kurope. Une digression tres bnportante sur Constantinople fait connaftrfe la statistlqne de cette capitale. On a donn6 des evaluations hien diverges de sa population, non-senlement parce que les documents precis man- qnent, mais parce que tantot Ton ne comprend sous le nom de Constantinople que la villa aux sept collines , tantot on y joint les villages voisins. tout le long du Bosphore, et meme la ville de Scutari et les autres lo- calites asiatiques du detroit. On trouve cette popula- tion evaluee tour a tour a 500,000, a 700,000. a 900,000 ames. Exarninons quelle peut etre la verity. M. Viquesnel deYigne sous le titre de Constantinople et ses faubourgs : 1° la ville aux sept collines, e'est-a- dire ce que les Turcs nomment proprement Stamboul ; 2° P£ra ou Bey-Oglou, Galata, Eyoub. kh.is-keui.Ters- khane, Kassem-Pacha, Tatavla ou Saint-Dimitri, Top- khane et Fondoukli, qui sont situ^s autourde la (lorne d'Or; 3° Bechiktach. Arnaout-keui. Brbek, Terapia. Buyiik(leie,et autres Jieuxde la cote enropi'cnnedu Bos- phore; h° Scutari, Beyler-Bey, Vnadolou-kavak, et autres lieux de la cote asiatique . i khodaxendiguiar , A/din, Karanian ((',ar;mi;i iii = ') , Vdana, Bou/a\nuk . kasta- niouni, Sivas. Tharabouzoun (Trrbizonde), Erzerouin, Van, Kurdistan, khaiitnoiil. llaleb (Alep) , Sai'da, Cham (Dama- . Haghdad et CliHirizor, Habech, Yemen, En Afrique: Misr (Egyple), Tliaraboulouci-Gharb (Tripoli d'Occidentj, Tounons (Tunis). Constantinople ne parait pus dans cette ljste. Kile forme, ay§c peg faubourgs, une dhision srpar6e. On voit, ;i\ii- etonnement , figurer dans la tableau des 6yalets la Moldavie (Boghdan), la Valaclne (Iflak) etla&ervie (Sirb),qui se regissrnt parleur* propreslois. Pourquoi rYeuien, gouverne par des princes inde- pendants, figure-t-il egaleinent an nonibre des eya- lets?On est encoi'epltis etonm'1 de \oir le mm de Ha- bech (Abvssinie) scr\ ir de designation a une partie de territoire situ6e en Arabie et coinprenant les livas de i\edjd , de Alekke (la Mecque) , de Djedda et de Medine (Medine). E'Egypte (Misr), la regenoe de Tripoli (Tharabour- louci-Gharb) et celle de Tunis (Tounons) soul de iiM'ine eomptrfs conune des ewdets ordinaires, uialgre la place a part qu'elles se sont faite dans la distribu- tion politique de l'empire Ottoman. M. Viquesnel consacre un chapitre etendu an tanii- mat, cette organisation nouvelle, .cette voie du progres, a laquelle Mahmoud 11 et son (lis ont vone leurs efibrts. Pour faire accepter le tanzimat par ses sujets uiusul- ( 331 ) mans, le gouvernement turc a du amioncer qu'il n'est pas un ordre de choses nouveau , mais le retour a l'an- cienne forme et aux anciens principes, denatures par l'invasion des abns. Et cela est plus vrai qu'on ne le suppose communement ; il est certain que l'empire Ottoman, a l'epoque de sa splendeur, a brills par des reglements sages, eclair6set liberaux, que la faiblesse et le desordre ont fini par an6antir. Les principes du tanzimat actuel ont ele proclames le 3 novembre 1839, par le khatthy-cherif de Gulkhane (1), et ils ont et£ confirmespar le khatthy-humaioun du 18 fevrier 18&G. D'apres Y .Jiinua/rc ottoman, l'organisation politique, adoptee pour arriver a la realisation des promessee de reforme enoncees dans le khatthy-cherif de Gulkhane se divise en quatre parties distinctes : 1° Le gouvernement, ou conseils de l'eiupire; 2° L' administration, on division administrative et financiere ; 3° Les emplois on offices judiciaires ; h" Les emplois de 1'epee. M. Viquesnel examine successive ment ces quatre di- visions, et traite du sultan, du grand vezir, du eheikh- ul-islam ou mufti; les attributions de celui-ci, souvent mal comprises parmi nous, consistent pro])rement dans l'interpretation de la loi; c'est le chef des ylemas , c'est-a-dire du corps a la fois judicial re et religieux; il reunit dans ses fonctions un melange de certaines attri- butions qui, chez nous, appartiendraient a un garde des sceaux, a un grand maitre de l'Lniversite' et k un (1) Gulkane, c'est-a-dire la maisou des roses : on sait que c'est le nom de la troisieme cour du palais de Top-Kapou (porte du canon). ( 332 ) doyen d'exole. Son fetva est necessaire pour valider toute ordonnance, tout acte emane de l'autorite souve- raine. II est ensuite question du miuistere ou conseil prive, c'est-a-dire du divan, compose du grand-vezir , du mufti, du ser'asker ou ministre de la guerre, du capi- tan pacha ou ministre de la marine, etc.; tous decores du titre de muchirs (conseillers du souverain); puis ou traite des Cornells de ['empire, au nombre de dix (conseil d'Etat et de justice, conseil de l'instruction publique, conseil de la guerre, etc.) ; enfin de la chancelterie d'Etat, c'est-a-dire des qalemiie' (emplois de la plume), dont fait partie Y important bureau des traducteurs {tei dju man oda ci) . Si nous passons a 1' administration civile et finan- cier, nous trouvons a la tete de chaque eyalet un vali ou gouverneur general; chaque liva, excepts celui qui a pour chef-lieu le chef-lieu meme de l'eyalet, et qui se trouve plac6 sous la dependance directe du vali, est admiuistre par un kaimakam (lieutenant). Les kazas sont confies a des /nadirs, qui sont uommes par le gouverneur general. Chaque nahiye (village ou hameau) est admiuistre par un moukhtarffa khodja-bachi, elu par les habitants et faisant a la fois l'oflice de maire et celui de perceptenr. Pour la partie financiere, chaque eyalet a un defter- dar (receveur et payeur general), et chaque liva un mal-mudiri (receveur et payeur particulier). A la tete des emplois ou offices judiciaires est une haute cour de justice et d'appcl [arz odaci), formant deux pre\sidences ou chaml)res, celle de Roumelie et ( 333 ) celle d'Anatolie, qui jugent en dernier ressort. Chacune est dirigee par un kazi-asfor, c'est-a-dire un chef de la magistrature, l'un en Europe, 1' autre en Asie. Viennent ensuite vingt et un mevleviets ou grands ressortsjucliciaires, correspondant a nos cours d'appel, et a la tete de chacun desquels est place un molla (grand juge) . Au-dessous sont les kazas ou tribunaux ordinaires, au nombre de 120 ; ds se composent d'un juge {molla ou kadi) , d'un mufti, elu par la province parmi plu- sieurs candidate , d'un naib ou jnge suppleant, etc. On peut les comparer a nos tribunaux de premiere instance. Le nom de kaza a done deux significations : dans la division administrative, le kaza est un district ; dans la division judiciaire, e'est un tribunal. II y a bien moiiis de kazas judiciaires que de kazas administrates. Les tribunaux inferieurs, qu'on peut comparer a nos justices de paix, out a leur tete des nai'bs. Enfin, si nous jetons un coup d'oeil sur ce que Ton appelle les emptois de Vepec, nous remarquons que les troupes turques sont distributes en six camps ou corps d'armee [ordou] : 1° L' ordou de la garde imperiale, ayant son quar- tier g6n6ral (merkez) a Scutari d'Asie; 2° L' ordou de Constantinople ; 3" L' ordou de Roumelie, dont le quartier g6n6ral est a Monastir; 4° L' ordou d'Anatolie, quartier g6n6ral a Kharbe- rout ; 5° L'ordou d'Arabie, quartier general a Damas; 6° L'ordou d'Trak, ({uartier g6p6ral a Baghdad. ( 334 ) Les grades et les prerogatives de tons les fonction- naires, en Turquie, nntete regies, de tout temps, avec un soin minutienx pat les tjtMouns ou ordonnances dea sultans, rigidesobscrxateurs dn ceremonial et de leti- quette. On a assimile scrupulensement les grades des fonctionnaires entreeux, en prenant les grades de l'ar- mee comme point de depart de cette assimilation. Ainsi, an nmvhir, titre < j 1 1< • nous pourrons ti'adnire par t'eld-marechal, sont assimiles, dans l'ordre judi- ciaire, les deux kazi-dskcrs, presidents des deux cliani- bres de la cour supreme ; dans le gonvernement et 1' administration, le v<>-ir; dans les emplnis de la plnnie, le ntilxu-bala ou ibnctionnaire du rang supe- rieur, etc. Le tanzimat r6gle toute cette hierarchic On ponrrait se demander si le Coran , cette loi su- preme des musu I mans, ne doit pas mure a rarcomplis- sement (In tanzimat. M. \ iquestiel n"hrsite pa.s a se prononcer pour la uegati\e; a al'lirmer que les prin- cipes de rislamisme conduisent aux doctrines les plus liberates et les plus progressives ; qu'ils aboutissent,en religion, a un spiritnalisme comparable an spiritualisme chretien; en politique, a une 6galite presque republi- caine ; en morale, a la pratique des vertus les plus pures;que le Coran, loin d'etre l'ennemi de la civilisa- tion, en deviendra, si Ton veil*', i'anxiliaire le plus puissant. Les Turcs eclaires out coutiimr de dire (pie ce livre sacre contienMoutes les verites, toutes les de- couvertes, tous les progres, toutes les relbrmes; mais qu'// faut savoir les y lire. « Le veritable ennemi des reformes, dit AL Lbicini, c'est la societe religieuse, telle quelle est parvenue a ( 335 ) se constituer en Turquie, au mepris de ce meme Co- ran, avec ses ulemas et ses derviches, la mosquee et le teke, l'6glise et le cloitre. » La cliarte ottomane investit le souverain du pouvoir exeeutif. L'autorite legislative reside dans le cheriat, c'est-a-dire la loi theocratique puisee dans le Co-ran, et qui a tout r6gle ou est censee avoir tout regie; Cepen- dant le souverain a la faculte de remplir, comrae bon lui semble, les omissions ou les lacunes du cheriat : cette prerogative s'appelle duff (bon plaisir), et la loi qui en eniane (/anomi. Le tanzimat decoule du meine principe que les qanouns. Le despotisme n'est nullement dans l'esprit de la constitution originaire. L' opinion met un frein puissant au pouvoir des sultans, et Ton peut dire quelle gou- verne la Turquie en souveraine : « Rien ne s'y 6tablit, ou n'a de chance de duree dans ce pays, dit M. Viques- nel, que ce qui offre un point de contact et de rappro- chement avec ce qui a ete anterieurement. II faut necessairement s'y appuyer sur la loi, meme pour mo- difier la loi. Par consequent, la relbrme politique ou so- ciale n'est possible qu'a la condition de s' appuyer sur le Coran et la tradition. Elle rencontrera des obstacles dilficiles a surmrnltel•, et peut-etre invincibles, si elle est presentee comme un emprunt fait a 1' Europe. » Le chapitre que M. Viquesnel a consacre a l'ojigine et a la nature de la propriet6 en Turquie est extreme- ment instructif et interessant : A l'epoque de la conquete, le territoire fut divise en trois parties : 1'une fut attribuee aux mosquees, pour subvenir aux besoins du culte, a l'entretien des ecoles, ( 336 ) des hospices, etc.; la deuxieme fiit repartie entre les vainqueurs ou laiss^e aux anciens habitants ; la troi- sieme demeura entre les mains de l'Etat. De la trois classes de propri6t£s : ecclesiastiques , patrimoniales et domani nles. On appelle vakf on vakouf la forme particuliere qu'afl'ecte la propriety des mosqu£es ou de certaines fondations pieuses. L' organisation en est extremement vicieuse ; Mahmoud II et son successeur ont cherche a mettre un terme aux alms qui s'y sont pjlisses; mais 1' extirpation en est difficile, et c'est peut-etre la le plus grand obstacle que rencontre le tanzimat. Le kharadj ou double tribut, qui pesait stir les rai'as ou sujets non musulmans, a ete aboli par les genereuses dispositions du sultan actuel ; mais croirait-on que cette suppres- sion n'a pas ete accueillie avec faveur par ceux memes quelle etait dcstinee a soulager? lis preferent ne pas accepter les benefices de la reforme, plutot (pie de se soumettre aux charges nouvelles, particulierement au service militaire, anssi bien que les Ottomans. En verite, ce n'est pas de l'6quite; c'est une opposition bien regrettable, et Ton ne s'attendait pas, en Europe, a voir les populations chretiennes apporter de sem- blables entraves aux nobles intentions d'Abdul-Medjid. (i L' opposition des tins, (lit M. Viquesnel, r^sulte du peu de confiance qu'ils ont dans la sincerite des pro- messes et dans la volonte bien arretee de leur mise a execution ; chez les autres, d'un patriotisme mal rai- sonne et de la crainte de voir s'evanouir leur reve d'independance, si leurs coreligionnaires arrivent a la prosp^rite" sous le nouveau regime. » (337) Le corps des ulemas (savants ou lettres) est charge des fonctions sacerdotales et jndiciaires ; nous avons deja dit qua la tete est le cheikh-ul-islam, delegu6 spi- rituel du sultan, et qu'il est charge de rendre l'ordon- nance sacr^e ( fetva ) qui declare les actes 6manes du pouvoir politique con formes au Goran et obligatoires pour tous les fideles. Ge qu'il y a de remarquable, c'est la difference d'estime et de consideration qui s'at- tachent aux membres de ce corps, suivant qu'on le3 considere comme interpretes de la loi ou comme mi- nistres du culte. « Le clerg£, dit M. de Hammer, en tant que Ton de- signe par ce nom les ministres du culte, ne jouit peut- etre nulle part de moins d'influence qu'en Turquie; les jurisconsultes, au contraire, n'ont dans aucun royaume, la Chine exceptee, plus de consideration, et n'exercent plusde pouvoir dans les affaires politiques.» Le corps des ulemas comprend trois groupes de fonctionnaires, dont les attributions sont tres diff6- rentes. II y a : 1° les administrateurs de la justice : ce sont les kadis ; 2° Les docteurs ou interpretes de la loi : ce sont les muftis ; 3° Les ministres du culte : ce sont les imams. L' administration de la justice se compose du cheikh- ul-islam, des mollas et des kadis ordinaires. Les imams ne forment pas, comme notre clerge\ un corps s6pare du reste de la nation : aucune ordination ne leur confere un caractere sacre\ Retribu^s faiblement par les dotations desmosquees, pauvres, ignorants, XIII. AVRIL ET MAI. 6. 22 ( 338 ) confondus dans la masse du peuple , obliges souvent de recourir a des professions manuelles pour suppleer a 1'insullisance de leur revenu, ils sont relegues dans les derniers rangs du corps des ulemas. Ils se parta- gent en 5 classes : 1° Les c/ieik/ts, ulemas de l'ord re des muderris (pro- fesseurs) , qui ont leur chaire dans une mosquee ; 2° Les khatibs, charges de lire, au nom du sultan, lapriere officielle du vendredi, c'est-a-dire le khoutbe; 3° Les itndtfts proprement dits , auxquels est devolu le service ordinaire de la mosquee, ainsi que l'accom- plissement des ceremonies relatives aux manages et aux funerailles ; W Les muezzins, qui, du haut des minarets, annon- cent les heures de la priere ; 5° Les kaims, charges du soin de l'interieur de la mosquee. Les kaims, les muezzins et meme les imams propre- ment dits ne font point partie du corps des ulemas : leurs fonctions sont regardees comme tout a fait subal- ternes. C'est dans la meme categorie que se placent naturellement les derviches, qui peuvent etre assimi- les, jusqu'a un certain point, au clerge reguher de notre societ6 ecclesiastique chretienne. C'est, du reste, un corps fanatique, intraitable, et dont la suppression parait indispensable. Apres des details tr^s nombreux et tres importants sur l'organisation religieuse et judiciaire des musul- mans, M. Viquesnel examine les societes religieuses et civiles des sujets non musulmans, c'esl-a-dire de ceux que Ton a appeles avec dedain rains (troupeau). Ce- ( 239 ) pendant, avouons que ce troupeau n'a pas 6t6 trop maltraite par les vainqueurs, une fois que leur domi- nation fut bien assise : les raias conserverent leurs 6glises, le libre exercice de leur religion, le droit de s'administrer eux-memes. Ce ne sont pas la des condi- tions trop dures. Les injustices criantes dont ils ont eu a g6mir datent de la decadence de 1' empire ; mais elles n'ont jamais ete" jusqu'a les priver de leurs privileges d'autonomie civile et religieuse. Dans les provinces immediates ily a 9,41/1,000 raias, formant 5 groupes de nations, designees, en style offi- ciel, sous le titre de milletl khamsa (les cinq commu- naut6s), et gouvern6es, sous la surveillance de la Porte, par leurs patriarches respectifs et par le grand rabbin des Juifs. Ce sont : 1° La nation ou cominunaute grecque ; 2° La nation ou communaute" arm6nienne ; 3° La nation ou cominunaute arm6nienne-unie ; h° La nation ou communaute latine ; 5° La nation ou communaute israelite. II faut y aj outer la communaute protestante, r6cem- ment reconnue par la Porte. II est trois sectes qui n'ont pas d' existence officielle : ce sont les Syriens Jacobites, les Chaldeens nestoriens et les Stari-Vierzi ou Vieux-Croyants, Cosaques qui n'ont pas voulu se soumettre a l'autorite de l'Eglise orthodoxe de Russie, fondee par Pierre le Grand, et qui se sont etablis aux environs de Brousse et dans la vallee du Kyzyl-Irmak (Kizil-Ermak). M. Viquesnel examine s6par6ment chacune des com- munautes; il en indique l'organisation et fait connaitre ( 340 ) les prerogatives religieuses et chiles dies patriarches on autres membres du clerge, ainsique leurs rapports avec l'autorite niusulmane ; toutes ces comnnmautes se meu- vent fort a l'aise, sous leurs propres lois, dans cette pretendue patrie de 1'intolerance; elles ont toutes leurs tribunaux civils, leurs ecoles, leurs etablissements de bienfaisance ; toutes les Eglises vivent sans contrainte et ont une liberte d' action illimit^e. Mais un besoin de reforme se fait sentir dans plusieurs, et M. Yiquesnel appelle surtout V attention sur 1' organisation deTec- tueuse de l'Eglise grecque en Turquie. Le systeme communal et municipal est etabli dans ce pays sur des bases fort liberates. Les kodja-buchi . especes de maires , sont , comme nous l'avons (lit, elus par la population : ils sont a la fois administrateurs, receveurs et juges. II n'existe de noblesse ni chez les Ottomans, ni chez les raias ; il y a seulement chez les rai'as une espece d' aristocratic bourgeoise , qui exerce une grande in- fluence sur les affaires civiles et meme religieuses, mais sans role politique dans l'Etat. Les artisans sont groupes par corps de ntetiers , et forment des esnafs (corporations) t dont les chefs, appe- 16s kia'ias, sont 6tablis par election etrepr6sentent leurs corps respectifs aupres de l'autorite administrative. Au sujet de la legislation et de 1' administration de la justice, M. Viquesnel fait connaitre avec detail la grande compilation appelee Multeqa-ul-Boiihour (la jonction des mers), qui traite de l'esclavage, du ma- nage, de la repudiation et du divorce, des testaments etdes successions, de Impropriate, etc., etc. ( 341) Dans l'instruction publique , il i'aut distinguer les ecoles a l'usage des sujets musulmans et les 6coles a l'usage des sujets non musulmans. Parmiles premieres, celles qui concernent l'instruction primaire sont gra- tuites et obligatoires ; l'instruction secondaire est gra- tuite aussi et se donne dans les mektebi ruclulie, c'est- a-dire les ecoles de 1' adolescence : on y apprend la grammaire arabe , l'ortliographe , le style , l'histoire sainte, l'histoire ottomane, l'histoire universelle, la g^ographie, l'arithmetique, la g6om6trie. Voila beau- coup de bonnes choses ! Mais helas! quelle triste sta- tistique cette instruction nous presente ! En 1851, les 6coles de l'adolescence etaient, dans tout 1' empire, au nombre de six , et el les etaient frequenters par 870 eleves ! Quant a l'instruction superieure, elle est d6ci- dee en principe , mais elle reste a creer. Quelques ecoles speciales , fondles gen6ralement sur les me- thodes francaises, out eu plus de succes : c'est, par exemple, l'Ecole demedecine, c'estl'Ecolemilitaire ou polytechnique, etc. Dans les ecoles primaires grecques, 1' instruction est confine aux papas, etla meme communaute religieuse a pour etablissements secondaires des especes de lycees et de seminaires ; mais tout cela est fort arriere. Avec la pauvrete et la faiblesse de ces diverses institu- tions indigenes contrastent l'activit6 et l'etat florissant des etablissements francais de charite et d'instruction publique, fondes aux portes deC-onstantinople, aPera, a Galata, a Bebek, a Saint-Vincent d'Asie, par le Pere Leleu, lazariste, par les admirables filles de Saint- Vin- cent-de-Paul, et paries freres de la Doctrine chretienne. ( 342 ) M. Viquesnel donne des developpements fort impor- tants sur les forces de terre et (]c mer de la Turquie. L'ordonnance constitutive de Pairmee ottomane panit en 1843, soils le s^raski'inl de Riza-Pacha. Kile substi- tue le reorutement par le sort au\ levees irregulieres precedemment en usage, introduit 1' organisation euro- peenne dans toutes les amies, soumet l'infanterie, la cavalerie et le genie aux manoeuvres franchises, et laisse I'artillerie suivre les theories prussiennes. L'armee est divis6e en deux services distincts : le nizam, on service actif, et le redifou la reserve. La duree du service dans l'armee active est fixee a cinq annees, a 1' expiration desquelles les soldats sont renvoy6s dans leurs foyers pour y 6tre incorpores dans le red if, ou ilssontinaintenus pendant sept autres annees. Independamment de l'armee proprement dite, il y a des troupes irregulieres, composees des kavas (gen- darmerie a pied) , des set' men (gendarmerie a cheval), des sou-bachi (gardes champet res), des Tatars de la Dobrodja , des Cosaques de l'Europe et de 1'Asie. Nous regrettons de ne pas trouver quelques renseigne- ments sur ces intraitables 'BdcM-Bvuzouk qui, dans la derniere guerre , ont attire sur eux 1'attention d'une maniere si peu favorable. Les provinces tributaires sont tenues, en cas de guerre, de fournir des contingents. Les documents sur l'armee ottomane nous montrent un effectif de 200,000 hommes de bonnes troupes, ap- partenant tant a l'armee active qu'a la reserve. Natu- •rellement ce nombre a ete plus fort pendant la guerre. En 1853, la flotte se composait de 70 bailments, lant ( 3A3 ) a voiles qu'a vapeur. Les equipages se composaient de 32,000 niatelots. Mais la guerre a modifie ces chiffres et a reduit, par un cruel desastre, le nonibre des navires. Les revenus de l'Etat ont ete evalues, avant la guerre, par M. Cor, aucien premier drogman de l'ambassade de France en Turquie, de 150 a 172,000,000 de francs. Les depenses s'elevaient au merae chiffre ; mais la guerre en a entraine d'autres, qui ont detruit l'equi- libre de ce budget, d'ailleurs tout a fait elemen- taire et dans l'enfance. Qu'est-ce qu'un revenu de 150,000,000 de francs, pour un empire de cette im- portance? M. Viquesnel fait voir l'accroissement qu'il pourrait facilement atteindre, sans augmenter les im- pots, si Ton voulait tirer parti des ressources d'une si belle contree. Les principales sources des recettes ac- tuelles sont : Youchour ou dime, le vergu ou impot foncier, le gumruk ou les douanes, Xihticab ou les im- p6ts indirects; enfin les tributs de l'Egypte, de la Valacbie, de la Moldavie et de la Servie. Tripoli ne paye pas de tributs. II y a peu de temps, on y joignait le kharadj ou capitation des rai'as ; mais le dernier khattby-humaioun a supprime cette branche de revenu, au grand bonneur du gouvernement ottoman (1). (1) Pour rester dans le vrai,disons que la Porte a bien voulu ajour- ner a deux ans la mise a execution de la loi sur le recrutement, et qu'elle recoit, en compensation de cette exemption momentande du service militaire, une somme annuelle de 30 millions de francs envi- ron. Si done la suppression du kharadj n'est pas encore un fait ac- compli, on ne peut en attribuer la cause qu'atrx populations chr£- tiennes elles-memes, qui aiment mieux donner de I'argent que payer l'imp6t du sang. ( 344 ) M. Viquesnel a consacre un long et consciencieux chapitre aux poids, aux mesures et aux monnaies de Turquie. 11 traite ensuite des productions naturelles. Les c6- r£alescultivees dans cettecontr6e sont : le ble-froment, le seigle, l'orge, l'avoine, le sarcasm, le sorgho, le millet, le mais, le riz. De tous les arbres fruitiers, le plus repandu en Turquie est le prunier. 11 y a aussi beaucoup de cerisiers, de pommiers, de poiriers, de noyers, d'abricotiers, de pechers, d'amandiers; les ci- tronniers, les orangers, les grenadiers, les oliviers, sont communs sur plusieurs parties des cotes meridionales. On edeve beaucoup de rosiers, pour la fabrication de l'eau et de l'huile de rose. La vallonee et la noix de galle sont deux productions importantes. Les bois de construction sont abondants et admirables; mais trop souvent l'insouciance et la difficulte" des transports laissent cette richesse, ainsi que lant d'autres, sans aucun profit. Les principaux lcegumes sont les haricots, les feves, les pois chiches, le lablab (rlolichos lablab) , l'oignon, Tail, le poireau, le chou ; mais on connait a peine les lentilles, les pommes de terre et les petits pois. Le sesame est cultive sur une grande 6chelle ; le lin , le ricin commun , le chanvre, le coton, comptent parmi les productions importantes du pays. On con- nait l'excellent tabac de la Thrace et de la Macikloine. La vigne est assez abondante, mais on n'en tire (faute de soins) qu'un vin mediocre. Le nombre desmoutons et des chevres est prodigieux. Les baufs, les vaches, les chevaux, les mulets, sont ( 345 ) 61ev6s partout; les buffles, seulement dans les parties chaudes et mar6cageuses. Les abeilles et les vers a soie donnent des produits avantageux , mais qui pour- raient l'etre bien davantage. En general, 1' agriculture est dans l'6tat le plus arri6re" et le plus miserable ; aucune des machines et des mtHhodes inventus depuis plusieurs siecles n'a p^netre" dans ces contrees; nulle prairie artificielle , nulle connaissance des assolements ; absence presque complete de voies de communication ; et cependant ce n'est pas Fintelligence qui manque aux habitants, car on voit les Bulgares, les Grecs, les Albanais, ing6- nieux a profiter, pour les irrigations, du moindre ruis- seau comme du plus fougueux torrent. La vallee de la Maritza, les vallees de la Servie, et plusieurs de celles de la Bulgarie, sont les parties ou l'agriculture est le moins arrieree ; elle y offre meme sur quelques points un aspect v6ritablement riche, et, dans les districts voisins du littoral, elle est depuis quelque temps en voie de progres : elle y livre d'assez abondants produits au commerce exterieur. Dans ces tristes annees de disette que nous venons de traverser, la Bulgarie et la Thrace ont contribue' a notre approvisionnement en cereales, et les ports de Bourgas, de Varna, de Baltchik, d'Enos, de la Cavale, de Salonique, de Volo, ont fait d'abondantes expedi- tions a Marseille. On exporte egalement du sesame, du tabac, des olives, de la soie, des moutons. L'Asie Mineure fournit a 1' exportation une grande quantity de soie, de tabac, d' opium, de djehri (graine d' Avignon), de garance, de coton, d'huile d' olive, de ( 340 ) laine de chevre d'Angnra. (Vest ausad dani cette pres- qu'ileqne sont tea mines les plus impnrtantes de l'em- pirc Tare : on \ explode du plomb, de 1" argent, du cuivre et de la liouille. M. Viquesnel entre. smr le prix et le lover de la terre, dans des eoiisidi'iali'ius qaie Ton consultera avec fruit; il examine avec phis de detail que les autres produc- tions nafurelles de quelques points remarquables par leur richesse et qu'il a etudies bu-nmme pendant un sejour prolonge, conune les environs d' Andrinople et de Seres. L'industrie des tissus, de la teinturerie, de la tan- nerie, etc., autrefois active en Turquie, est bien dechue aujourd'hui. Deux causes principales ont contribue a cette decadence : la concurrence red eatable que les fabriqnes etrangeres font aux fabriques nationales, et lareforme elle-meme, qui, par les changernents quelle a introduits dans le costume, a favorise, sans le vou- loir, le gout des etoffes etrangeres, et rendu la Turquie tributaire de 1' Europe pour les produits nouveaux qu'elle lui empruntaii. L'industrie est fort simple, quoiqne souvent inge- nieuse; elle est toute mamiclle : pas de macbines a va- peur , pas de filatures ni de tissage a la mecaniqiie, point de constructeurs habiles et exerces. Les families tronvent generalement dans leur travail interieur le moyen de se confectionner les objets necessaires a leur consoniruation. Les tissus de coton, de soie, delaine, la bonneterie, la teinturerie, la passementerie, la tan- nerie, la sellerie, la cordonnerie, la poterie, surtout celle des pipes, la confection des tapis, celledes armes. ( 347) la coutellerie , la bijouterie, l'orfevrerie, la chaudron- nerie, sont a peu pres les settles branches qu'on puisse titer parnii celles qui out resiste a la decadence indus- trielle. Ajoutons la broderie, dans laquelleles femmes grecques se distinguent par le bon gout du dessin et le contraste harmonieux des couleurs. La liste des objets exposes a Paris, en 1855, et celle des recompenses obtenues par les exposants de Turquie, terminent le tableau de l'industrie. Le commerce ottoman offre ce fait remarquable, que, depute plus de trois siecles, les sultans turcs, devan- cant dans 1' application les theories les plus avancees des economistes modernes, proclamerent, les premiers en Europe, la liberte absolue du commerce. II y a meme, on peut le dire, trop de gen6rosite et de lib6- ralite" clans ce systeme commercial : les divers traites ou ordonnances intervenus particulierement depuis vingt ou trente ans creent, en faveur du commerce Stranger, des avantages sans analogie dans aucun pays, et ils sont tels, que les regnicoles ne sauraient soutenir la concurrence. II n'y a pas de documents officiels qui puissent gui- der le statisticien dans la valeur des exportations et des importations. D'apres les recherches de M. Ubicini, les premieres s'tievent, ann6e moyenne, a 226 millions, les secondes a 273 millions. Les importations europ^ennes en Turquie consistent surtout en tissus de toute sorte. Dans les exportations de la Turquie en Europe, les denizes et les matieres pre- mieres entrent pour les sept huitiemes ; les objets ma- nufactures, seulement pour un huitieme. (SA8) Les transports dans l'interieur sont difiiciles et lents. Les rivieres, dont aucun travail n'a rectifie le cours, n'offrent qu'un secours presque insignifiant. C'est par les chevaux et les mulets que s'operent les transports dans la Turquie d'Europe; c'est par les caravanes et au moyen de 100.000 chameaux que se font ceux des provinces ottomanes d'Asie et d'Afrique. La mer oil re aux communications coinmerciales leur principal mode d'activite ; on distingue, d'une part, la grande naviga- tion, c'est-a-dire celle qui concerne les echanges avec les Etats et les ports europeens, et, de 1' autre, la navi- gation de caravane, espece de grand cabotage entre les dilTerentes echelles du Levant. M. Ubicini cvalue la moyenne des entries et des sorties reunies & 35 ou 40,000 navires jaugeant ensemble de lib a 50 millions de tonneaux. On suit avec interet, dans l'ouvrage de M. Viquesnel, le mouvement general des principaux ports, d'apres des documents puis^s a des sources ofli- cielles; mais nous ne pouvonsle presenter ici. Le volume est termine par des considerations g6n6- rales sur la situation politique des races chretiennes, sur les aspirations particulieres de ces races, et sur le khattby-humai'oun qui vient d'ameliorer et de relever leur position. Le malheur des Ottomans et des pays conqnis par eux, c'est que, negligeant le grand art des Romains d'emprunter aux nations vaincues et d' adapter a leur propre usage ce qu'ils trouvaient d'avantageux cbez elles, les sultans etablirent des l'origine une ligne profonde de demarcation entre les musulmans et les Chretiens; ils renverserent 1' administration , les insti- ( 3/(9 ) tutions, les coutumes, la hierarchie en vigueur dans 1' empire d'Orient; ils accorderent bien a leurs nou- veaux sivjets le libre exercice de leur religion, le droit de s'administrer eux-memes, de former des commu- nautes distinctes, entierement separees de la nation conquerante ; mais l'Osmanli a eu le tort de voner toutes les religions autres que la sienne a un souverain mepris, qu'a tempere seule la bienveillance naturelle de son caractere; non-seulement il a repousse tonte solidarity avec les infideles, mais il aevite de setronver en contact avec eux, bien qn'il ne lenr ait jamais refuse l'hospitalite. Voila le mal profond qui a amene surtout l'affaiblissement de ce vaste empire. Eclair6e tardive- ment, par les rudes lecons des revers, surles dangers qui prennent lenr source dans 1' ignorance et dans l'in6- galite sociale de ses sujets, la Porte a compris la neces- sity de les faire disparaitre ; elle sait que le salut de l'empire n'est qu'a ce prix. La question de ce salut est traitee par M. Viquesnel avec une grande competence. C'est eclairer beaucoup cette question que de faire connaitre a fond les populations chretiennes de la Turquie ; l'auteur y consacre de hombreux developpe- ments : il commence par les Grecs on Hellenes, au nombrede 2,000,000, qui revent a tort un empire Byzan- tin, car rantipathie des races slavonne et moldo-va- laque serait un obstacle invincible; il depeint ensuite la race albanaise, form ant 1,500,000 individus, dans un etat precaire et miserable , malgre les ressources d'une belle province, et divises en catholiques, musul- mans et grecs. La race slavonne ou slave occupe une grande place ( 350 ) dans la Turquied' Europe ; elle compte 6 millions d'ames. A sa tete sont les Serbes, forniant environ 1 million d'ames, et qui n'emettent pas, corauie les Hellenes, le voeu de voir un jour les princes de Ifmr nation porter le siege de leur empire a Constantinople ; ils ambitionnent tout au plus la possession du pacbalic de Novi-Bazar et du plateau qui renferme les sources de la Morava, du Drin blanc et du Strymon. Mais, avant tout, la Servie ne demande qua rester libre. La seconde nationalite slavonne comprend les fios- /tuiqiies, au nombre de 900,000, en grande partie mu- sulmans, et fixes dans une contree montagneuse, dont les limites, tracers par la nature, ressemblent a 1' en- ceinte d'une immense forteresse ; la Bosnie n'a presque pas de communication avec les autres contrees otto- manes proprement dites; elle est clans les conditions geographiques les plus favorables pour conqu6rir sa liberty, et Ton ne s'expliquerait pas l'etat de province immediate oil elle se trouve encore, si l'histoire n'en montrait les causes dans les dissensions et les tiraille- ments des families aristocratiques du pays. Du reste, des revokes frequentes out lieu dans ce malheureux pays, ou regnent le malaise et la defiance. (..'est la province turque la plus hostile au gouvernement et a toute idee de reforme. On a fait quclquet'ois des Bosniaques une peinture pen favorable ; on les a re- presented comme farouches et baineux. Mais ce por- trait n'est pas exact : « Inhabitant de la Bosnie, dit M. Bone, n'a que la rudesse de ses montagnes, qui l'isolent trop du reste de 1' Europe ; il est excellent pere de famille, bon, hospitalier, aimable et reconnaissant. (351 ) Ouvert et franc, il est aise a persuader, parce qu'il aime toujours mieux croire lebien que le inal; il n'est dissinmle" et perfide que lorsqu'il craint la perfidie, ou parce qu'il prete trop souvent l'oreille a de faux amis. » Viennent ensuite, toujours dans la famille slavonne, les Herzegoviniens (au nombre de 400,000) , les Croates (200,000), les Montenegrins (100,000), cette petite nation energique et entreprenante , qui exercerait une immense influence sur les destinies de 1' empire Otto- man, si elle parvenait a rendre ses frontieres limi- trophes de cedes de la Servie. La derniere nationality slavonne, et la plus conside- rable, comprend les Balgares, an nombre de 3,000,000, la plupart de la religion grecque. Sur le chemin des invasions venant du nord, ils out souffert, plus que toute autre population de la Turquie, des malheurs des guerres ; et leur ancien royaume, prive de limites naturelles nettement defmies, n'a bride que d'un eclat passager; d'ailleurs, il devait perir par suite des crimes dont se sont souilles son trone et sa noblesse, dans les derniers siecles de son existence. Aujourd'hui, les Bulgares sont attaches au gouvernement turc , moins par gout que par interet, et, quoi qu'on en ait dit, ils en preferent beaucoup la domination a cede du gouvernement russe ou meme a la condition des Moldo-Valaques. Chez eux, point de noblesse qui accable sous son joug 1' habitant des campagnes; le moindre paysan nait libre ; sa terre lui appartient en toute propriety ; il prend part aux affaires de sa com- mune ; il n'est point soumis au travail obligatoire, ni fixe a la glebe, coinme dans les contrees ou domine le ( 352 ) corps aristocratique des boyards. Ce n'est done point de ce c6te que les louables efforts du sultan eprouve- ront de 1' opposition. La race roumaine compte A, 000, 000 d'ames, dans la Moldavie et la Valachie ; en dehors de ces deux prin- cipautes, des Homnains peuplent encore en grande partiela Transylvanie, la Bukovine, le Bannat, la Bes- sarabie, et ce serait un £tat bien interessant et bien propre a maintenir le repos de 1' Orient, qu'un royaume forme de toutes ces provinces, sous la protection des grandes puissances. Mais laissons ce reve, auquel les interets politiques actuels ne perraettent pas de s'ar- reter. Du nioins, que la Moldo-Valachie constitue une seule principaute plutot que deux ; e'est la le vceu des habitants, e'est la un plan qui entre completement dans les vues des puissances impartiales et equitables. Malheureusement d'autres vues moins desinteressees, et qu'explique parfaitement M. Viquesnel , viennent contre-balancer ce sage projet. Nous n'avons pas a dis- cuter ici d'aussi graves questions. Nous recomman- dons seulement 1'ouvrage que nous analysons comme tres propre a les eclairer ; nous renvoyons aux curieux developpements qu'il donne but la situation politique et morale des principautes. L'auteur peint les maux qu'y a causes la tyrannie des princes du Fanar, les entrepi'ises ambitieuses de la Russie, le systeme feodal des boyards, la richesse des monasteres (les plus opu- lents de la chretiente) , la recente mise en liberte des Bohemiens esclaves. Toutes ces questions sont aujour- d'hui d'un interet palpitant. La description des races chretiennes se termine par ( 355 ) les Armenians, au nombre total d' environ 4, 000, 000, dont 2,400,000 sur le territoire ottoman (400,000 seulement dans la Turquie d' Europe). Les persecutions, les guerres, les calamites de tout genre, ont eprouve cette malheureuse race, dont le sort et la situation peuvent etre compares a ceux de la race juive. Helas ! ses sentiments genereux se sont trop sou- vent alteres dans le sejour des villes, oil un grand nombre d'Armeniens se sont fixes. Le commerce, les sciences, la litterature et les arts entrent parfaitement dans les apti- tudes de ces hommes intelligents. On trouve panni eux beaucoup de banquiers ou satrafs tres riches; plu- sieurs des plus savants hommes de 1' Orient leur appar- tiennent, et ils comptent un assez grand nombre de medecins de merite. Soit interet, soit douceur naturelle de caractere, c'est une des populations chretiennes qui ont accepte avec le plus de patience et de resignation la domination turque. La repulsion que les diverses autres nationalites rai'as ont pour la domination ottomane ne peut etre niee, mais elle n'est pas a comparer avec la haine dont elles sont animees les unes a l'egard des autres. Le gouvernement turc est com me un lien necessaire qui les maintient : enlevez ce lien, et une incroyable con- fusion les divise. Elles comprennent ou elles doivent comprendre que leurs interets sont unis a ceux de la Turquie, et que la regeneration de cet empire leur assu- rerait des avantages beaucoup plus positifs que leur adjonction a toute autre puissance de l'Europe. M. Viquesnel avait ecrit une grande partie de ce volume avant le traite de Paris du 30 mars 1856 et le XIII. AVR1L ET MAI. 7. 23 ( 354 ) aUliy-liumai'oun du 18 fevrier de la meme annee. II indique les modifications que ce traite et ce khatth ap- portent a ses premieres appreciations. II fail remarquer surtout les concessions et les reformes importantes con- cernantles sujets non musulmans : comme la revision des pouvoirs concedes aux patriarches, au\ eveques, et leur mise en harmonie avec la situation nouvelle de l'ttat; la suppression des redevances eccli'isiastiqueset leur remplacement par des traitements fixes ; la punition des qualifications injurieuses a 1' occasion du culte, de la langue et de la race; l'6galit6 civile de tous les sujets, 1' admissibility de tous aux emplois publics, mais aussi leur admission au service militaire , avec faculty de rachat ou de remplacement; l'egalite des impOts et la suppression du kharadj. M. Viquesnel, apres avoir examine les avantages pro- mis par le khatthyhuma'ioun, pese les difficultes qui peuvent en entraver 1' application; il explique 1' opposi- tion des musulmans et celle des rai'as eux-memes, qui n'est pas la moindre, chose etrange! et il fait voir la possibility de 1' execution pleine et entiere des promesses du sultan. Quelques appendices interessants, qui seront ajoutes au volume , mcritcnt d'etre mentionnes a l'avance : l'un est un travail etendu sur la culture du tabac en Turquie ; mais le plus important pom1 nous autres geographes est un Index qui comprendra tous les lieux si nombreux nomni6s dans le volume, avecl'indication des divisions ou ils sent places, et le renvoi aux pages des tableaux de ces divisions. C'est un veritable dic- tionnaire geographique de la Turquie, et le plus com- ( 355 ) plet sans doute qui ait jamais 6te fait sur cette contree, pour laquelle, malgr6 tant de travaux, nous sommes encore reduits a des indications bien vagues sur nos meilleures cartes. Un atlas accompagne l'ouvrage de M. Viquesnel; quoiqu'il ait plutot rapport au second volume qu'au premier, jedoisvous en parler, messieurs, puisqu'il est deja publi6 presque entierement, et qu'il vous a ete offert. II se compose de 31 planches, dont 25 ont paru. La premiere est une carte generate dela Thrace, d'une partie de la Macedoine et de la Mcesie ; on y voit l'eyalet d'LMirne (Andrinople) et une partie de ceux de Selaniki (Salonique), d'Uskiup, de Nich, de Vidin etde Silistri. Les livas et les kazas compris dans ces eyalets sont soigneusement indiqu6s, conformement a la division administrative pour l'annee 1849. Les routes qu'a suivies M. Viquesnel sont marquees, et montrent une foule d'en- droits qu'on chercherait vainement dans nos autres cartes de Turquie. On peut y suivre aussi les routes de MM. Boite, Griesebach et Daux. De nombreuses cotes d' altitude donnent un prix particulier a cette carte. Le point le plus 6leve que nous y rencontrons est le Rilo-Dagh, entre le bassin du Strymon et celui de l'lsker, a Test de Doubnitza et au sud de Samakov. II a 3,000 metres au-dessus du niveau de lamer. Viennent ensuite 19 planches des itineraires releves par M. Vi- quesnel, et une carte d' assemblage de ces itineraires, qui embrassent depuis Constantinople jusqu'a Uskiup, c'est-a-dire toute la cote europeenne de la mer de Mar- mara, la cote septentrionale de l'Archipel, la valine de la Maritza, le mont Rhodope, la valine du Strymon, ( 350 ) une grande portion de celle du Vardar, et plusieurs des pcarties les plus importantes du Balkan. Ces plan- ches sont enrichies de profils et d'un tres grand nombre d'indioations geologiques, que la competence siconnue de l'auteur dans la gi>ologie rend extremement pre- cieuses. Une carte particuliere du Bosphore est ajout6e acelle des itineraires. Nous reniarquons, en outre, des planches hypsome- triques et nieteorologiques, des coupes geologiques et des representations de fossiles. L'une contient des profils de montagnes dessin^s par M. Ami Bou6, pendant ses voyages en 1836, 1837 et 1838; il s'y trouve les altitudes d'un grand nombre de points de la Servie, de l'Albanie, du Montenegro, de la Croatie, de i'Herz6govine , de la Bosnie proprement dite, de la Macedoine, de la Thrace, de la Bulgarie et de la Thessalie. Parmi les plus hauts sommets appa- rait le sejour des dieux, le mont Olympe, qui atteint 2,973 metres; son voisin, son rival, le mont Ossa, n'a que 1,953 metres. Une autre planche represente les courbes pour servir d' explication a un memoire que M. Pares a 6crit sur le nivellement barometrique de la Thrace execute par M. Viquesnel. On y compare les hauteurs barometriques de Constantinople, de Paris, de Geneve, de Naples, de Prague , de Vienne , de Bude , de Moscou. Nous y voyons que la hauteur moyenne du barometre, i\ Con- stantinople, est, a niidi, de 755 millim. 60 ; tandis qu'a Paris, elle est de 755 millim. 85 ; a Geneve, de 725 millim. 90; a Prague, de 745 millim. 36; a Vienne, de 7/j5 millim. 10; a Moscou, aussi de 7Zi5 millim. 10. ( 357 ) Une planche de fossiles nous offre des fragments de rhinoceros et des coquilles, panni lesquelles une nou- velle espece a ete admise dans la science sous le nom de Cerithium Viquesneli. La derniere planche actuellement pnbliee donne les coupes geologiques des traces de chemins de fer propo- ses en 1840 et 1852, par M. Ami Boue ; ces trace" s condui- sent : 1° de Belgrade a Constantinople ; 2° de Belgrade a Scutari et a la mer Adriatique ; 3° de Belgrade a Salo- nique ; ha de la valine de la Nichava a, Salonique, par S6res, et avec communication au trace de Belgrade a Constantinople; 5° de Salonique a 1' Adriatique ; 6° de la valiee de la Maritza a celle dn Vardar, pour relier le trace de Belgrade a Constantinople, a celui de Belgrade a Scutari et a celui de Belgrade a Salonique. Les cols, les altitudes et les terrains indiqu6s sur cette carte se- ront etudies avec d'autantplus d'interet qu'ilsse ratta- chent a une question toute vitale et tout actuelle. Je m'arrete, messieurs; ce rapport doitvous paraitre long, mais il trouve son excuse dans 1' importance de l'ouvrage que j' avals a analyser. Je repete que c'est un des plus utiles travaux qu'on ait publi6s sur l'Orient, et je ne puis trop le recommander a 1' attention des amis de la g6ographie, de la statistique , d'une saine politique, et a ceux qui jettent des regards d'espoir et d'interet sur l'avenirde ce beau pays. ( 358 ) HIST01RE SECRETE DE JUST1NIEN. ANEKAOTA PAR LE SLNATELR PROCOPE DE CEStREE, Tradui'.e par M. Isambert. Un vol. en deux parties, chez Firmin Didot, 1856. Messieurs, L' honorable M. Isambert, a qui la Societe de geo- graphic doit de si utiles travaux. vient d'acquerir un nouveau titre a l'estiuie des erudits par la publication du texte grec et de la traduction francaise de l'ouvrage dont vous m'avez charge de vous rendre compte. L'histoire secrete n'a et6 connue que longtemps apres Procope. Suidas, qui vivait au plus t6t vers le xe siecle, en parle le premier et en cite de nombreux fragments. Sur la fin du xvie siecle, deux manuscrits des Anecdotes furent decouverts dans la bibliotheque du Vatican par Nicolas Alemanni, qui en publia une edition prtnceps&vec une traduction latine (1623-1624). Quatre autres editions successives, auxquelles s'atta- chent lesnomsd'Eichell (1654), Maltret (1663), Orelli (1827) et . Guillaume Dindorf (1838), out encore pre- cede celle de M. Isambert, qui se trouve ainsi la sixieme. Des diverses traductions francaises, on ne peut mentionner avec eloge que celle du president Cousin; encore cette traduction, ainsi que les editions grecques anterieures a celle de Conrad Orelli, sup- prime- t-elle certains passages trop licencieux que ( 359 ) M. Isambert a era devoir retablir, ce dont nous n'avons pas dessein de le quereller, dans 1'mteret de l'exacti- tude historique. Mais une premiere question se presente : L'histoire secrete est-elle de Procope ? la plume qui a retrace les grandes choses de Justinien a-t-elle redig6 egalement cet abominable libelle? est-ce la l'ecrivain des Guerres contre les Perses, les Vandales et les Goths? est-ce la rauteur du livre des Edifices? Je n'examinerai pas longuement une difficulte dont la solution probablement restera toujours obscure. Si les partisans de 1' affirmative peuvent citer en leur faveur l'autorite contestable de Suidas et les apprecia- tions assez vagues de Montesquieu et de Gibbon, ceux qui soutiennent 1' opinion contraire leur opposent avec avantage le silence d'Agathias et de Photius, tous deux ant6rieurs a Suidas et qui parlent amplenient de Pro- cope, sans dire un mot des Anecdotes ; ils invoquent les doutes serieux des habiles critiques du xvir9 siecle, Eichell et Fabricius (1). Quoi qu'il en soit, le livre des Anecdotes meritait 1' attention, et nous concevons que M. Isambert, qui nous promet une histoire generate de Justinien, ait cru devoir faire entrer dans son travail preparatoire l'exa- men d'un ouvrage qu'il 6tait impossible, quel que soit son auteur, de laisser en oubli. Malheureusement ce livre est peu geograpliique , Nous l'avons dit : e'est un libelle, e'est le ramassis (1) Agathias : Preface de l'histoire de Justinien. — Photius, Cod. 63. — Fabricius, Biblioth. grceca, torn. VI, lib. v, cap. 5. ( 360 ) honteux de toutes les injures, de toutes les calomnies que la haine la plus basse a pu accumuler contre Jus- tinien et B61isaire, contre Theodora et Antonina, leurs feinmcs. La g6ographie n'a rien on presque rien a y voir. Aussi est-ce aux notes de M. Isambert, et plus souvent encore a ses digressions savantes, qu'il faut demander ce qui peut directement int^resser la Soci^te" de geographic Ces digressions, a leur tour, ne touchent an livne de Procope que par un lien fort eloigne* ; elles revetent sou- vent la forme un peu seche du cartographe. Le regne de Justinien, cequi en fait la grandeur outout aumoins le grand interet au point de vue de l'histoire, disparait sous ce dcpouillement si scrupuleux de tant de notions g6o- graphiques. II faut cependant l'y chercher et Ten faire sortir, sous peine de ne retracer qu'un coinpte rendu tout a fait incomplet de cette epoque remarquable ; mais, pour cela, il ne suffit pas de consulter le Procope des yJnecdotes, on doit consulter aussi le Procope des Giierres et des Edifices. Qu'il me soitpermis de le faire pendant quelques instants. Lorsque Justinien monta sur le trone, le monde ro- main avail deja subi de rudes atteintes. Envahi de tous c6t6s par les barbares sous les fds d6gener6s de TI160- dose, il avait successivement perdu les Gaules, l'Es- pagne, l'Afrique, l'ltalie. Le Danube ne lui sen ait plus de barriere ; la Mcesie, l'lllyrie, la Thrace, Gtaient con- tinuellement ravages, et Constantinople ne pouvait sommeiller qu'a l'abri de la longue muraille d'Anas- tase. En Asie, les Perses, un moment tranquilles, avaient franchi le Mygdonius; ils devastaient de nou- ( 361 ) veau les provinces environnantes. Justinien remplace son oncle (527) , et tout change avec B6lisaire. Si les Perses ne sont pas completement refoules, ils sont plus d'une fois vaincus ; Tissue de la lutte redevient incer- taine. B61isaire passe en Afrique et en Italic II chasse d'Afrique les Vandales, dont la nation presque tout entiere disparait (533-53Zi) ; il triomphe en Italie du royaume des Goths (535-540), auquel un autre grand general, l'ennuque Narses, met fin (553). Les rois des Vandales et des Goths sont conduits prisonniers a Constantinople, ou Justinien les voit a ses pieds au milieu de l'Hippodrome. L'empereur recoit avec G61i- mer les tr6sors de Carthage ; il recoit avec Vitiges les clefs de Rome et les d6pouilles de Ravenne. Voila pour la guerre. Pendant ce temps, Justinien restaurait les lois antiques ; il pnbliait le Code, les Pan- dectes, les Institutes ; Tribonien lui donnait la gloire aussi bien que Belisaire. Une vie nouvelle animait les arts. Byzance voyait batir Sainte-Sophie, cette merveille qui nous etonne encore, et Justinien pouvait s eerier : « O Salomon, je t'ai vaincu ! » Procope cite le palais du s6nat et son portique de marbre blanc ; le palais de l'empereur, dont le pave" et les lambris 6taient de marbre colore, dont les belles peintures repr^sentaient les conquetes de B61isaire et son entree triomphale a Constantinople ; le port et sa grande place tout entouree de colonnes et de statues ; les thermes d'Arcadius, les aqueducs, les citernes, les hopitaux pour les Strangers, les remparts (1), etc. (1) Procope, Edifices, liv. i, chap. 10-11. ( 362 ) Un grand nombre de villes recevaient des embel- lissements semblables : dans l'Asie Mineure, fiphese, Nic^e, Nicomedie, C6sar6e, Tr6bizonde; dans la Syrie, Antiocbe, Dara, £desse, et anx portes du desert, Palmyre ; dans la Palestine, Jerusalem ; en Egypte, Alexandrie; dans la Pentapole, Ptolemai's; dans la Tripolitaine, Leptis la Grande; dans laByzacene, Adru- met; dans la Numidie, Carthage et les [points princi- panx de la cote jusqu'a Julia-Cesarea (Cherchell) , jus- qu'a Septem (Ceuta), aux extr&mt6s de la Mauritanie tingitane, tout aupres des lointaines Colonnes d'Her- cnle (1). Procope ne parle point des monuments de la Sicile ni de ceux de l'ltalie ; mais dans 1' Europe orientale c'£tait la meme impulsion. Une ligne de camps et de positions defensives protegeait le cours du Danube. Cette ligne immense comptail quatre-vingts places fortes, parmi lesquelles on remarquait Singidunum et Viminacium,que Ton croit etre Belgrade et Semendrie. Presque toutes les localites un peu importantes de la Dardanie, de l'lllyrie, de l'Epire, de la Thrace, de la Macedoine , de la Grece, furent entour6es de mu- railles. Procope donne la liste de ces locality, que Ton peut evaluer a six cents (2), et s'il n'entrait pas a cet egard dans des details pivcis, on serait tente decroire quel' imagination du rh6teurajoutaplus d'une fois a la realite. Justinien fit fermer l'isthme de Co- rinthe, il fortifia le passage des Thermopyles; les rem- (1) Procope, £difices, passim. (2) Gibbon, t. VII, chap. 40. ( 363 ) parts d'Athenes, de Thebes et de Plat6e furent relevSs, ainsi que ceux de Larisse en Thessalie , de Pallene en Mac6doine. Deux constructions tout a fait speciales attiraient, en outre, 1' attention de ce cote de 1' empire : la grande muraille de la Chersonese de Thrace, qui traversait l'isthme dans toute sa longueur , et la longue muraille de l'empereur Anastase, qui deTendait pendant un espace de quinze a dix-huit lieues la riche campagne de Constantinople (1). Elles rappelaient cha- cune, sous nne moindre echelle, l'enorme rempart long de trois cents milles, eleve entre le Pont-Euxin et la mer Caspienne, contre les invasions des Scythes, et que Justinien et Chosroes entretenaient a frais com- muns (2). Le grand niouvement de 1' architecture et des arts devait amener celui du commerce. iMalgre les guerres ou plutot a la suite des guerres qu'il avait si heureuse- ment termin6es, Justinien avait fait de Constantinople le veritable entrepot de l'univers. L'Egypte lui envoyait ses bl6s et ses 6meraudes ; l'Afrique, son or, ses es- claves noirs, ses onyx, ses belles etoffes de laine fabri- qu6es et teintes dans les ateliers de Carthage et de File de Girba (Djerby) ; l'Espagne, les produits de ses mines qui, moins considerables qu'a l'epoque des Romains de la R6publique , avaient encore sous les Visigoths une certaine importance. Des vaisseaux allaient cher- cher l'etain jusqu'aux ilesOEstremnidesfles Sorlingues) « situees pres d' Albion, » et l'ambre jusque sur les (1) Procope, Edifices, passim. (2) Gibbon, t. VII, chap. 40. ( 36/1 ) cotes de l'ocean Germanique (1). Les fourrures, les pelleteries arrivaient a Constantinople des extremites les plus recuses du Nord, soit apr6s avoir franchi le Da- nube, soit apres avoir atteint la Chersonese taurique, ou les nombreux navires duPont-Euxin vcnaient les pren- dre sur les marches de Bosporon etde Cherson. L'Inde enfin, l'lnde encore mysterieuse , paraissait dans ce grand emporium : elle y transportait ses 6pices, ses pierres pr6cieuses, ses soieries. . . Disons quelques mots de ce commerce de l'lnde, qui fixa principalement les regards de Justinien. On sait que deux routes conduisaientdans l'lnde des cette 6poque : celle de mer et celle de terre, toutes deux connues depuis longtemps. Parl'Egypte, ou plu- tot par l'Ethiopie, on gagnait le port d'Adulis, ancienne possession des Ptolemies, sur le golfe Arabique, et qui, dans le vie siecle, appartenait au roi puissant d'Axum, prince chretien, allie' de Justinien. D'Adulis les vais- seaux ethiopiens se rendaient a Socotora [l'lle de Dios- corides) , lieu de deportation sous les successeurs d' Alexandre , et cinglaient vers la grande ile de Ta- probane (Ceylan). lis visitaient ensuite les iles voi- sines, le vaste continent qui en est proche, poussaient peut-etre jusqu'a Sumatra et en rapportaient les epices, les perles, les pierres pr^cieuses, la soie, la soie sur- tout, dont la cour magnifique de Constantinople ne pouvait plus se passer, et qui venait du pays de Sina, <( au dela duquel U ny a plus de terre, l'Ocean bornant (1) L'Afrique ancienne, par d'Avezac, nf partie. — Festi Avieni Ora maritima. — J. Yanoski, Histoirc des Vandales. ( 365 ) Sina a l'Orient. » Les Romains trouvaient s^curite" et tolerance dans ces contr^es lointaines. II y avait des pretres Chretiens a Socotora, a Ceylan , a Male" (Mala- bar?), oul'on r6coltait, c'est-a-dire ou Ton achetait, le poivre. II y avait meme des e>eques sur le continent indien. Un Grec du vie siecle, marchand a Alexandrie, nous a laisse" un livre curieux sur ce voyage en Taprobane. Nous voyons dans Cosuias Indicopleustes, que les mar- chands persans y faisaient une concurrence active aux Romains; car un grand nombre de navires venaient de la Perside en Taprobane , et ce qui est non moins re- marquable, les pretres chre'tiens en venaient 6gale- ment(l). Justinien tenta de faire tomber cette concurrence : un ambassadeur, nomine* Julien, fut envoye* par lui au roi d'Axum. Julien demanda a ce prince s'il voulait s'engager a fournir aux Romains toute la soie dont ils auraient besoin. Le roi d'Axum s'empressa d'y consen- tir ; mais le traite" ne fut pas exe" cute* , dit Procope , « parce que les marchands de la Perse qui se trouvaient dans I'Inde enleverent toutes les marcliandises (2). » Un autre ambassadeur, auquel Photius a consacre quel- ques lignes dans sa Bibliotheque , fntenvoye plus tard. Nonnosus ne fut pas plus heureux que Julien (3). Restait la voie de terre : ici les obstacles e" taient bien autrement serieux, et les Romains, a cet 6gard, d6pen- (1) Cosmas Indicopleustes, Topographie chretienne, passim. (2) Procope, Perses, liv. l", chap. 20. (3) Photius , Cod. 3. ( 366 ) daient complement des Perses. C'etait par les Perses en efl'et, ouplutot par l'intermediaire des Parthesleurs pred6cesseurs, que les premieres eHoft'es de soie avaient et6 connues a Rome, ou Ton ignora pendant long- temps d'oii venait le fil lui-meme que Virgile regardait conune le produit d'un arbre chez les Seres , Vellera ut foliis depectant tenuia Seres (1). Les Romains du vic siecle etaient mieux instruits que ceux de la Republique ; cependant ils n' avaient point encore vu l'insecte qui produit la soie : encore moins connaissaient-ils l'art de l'elever. C'etait toujours a travers les solitudes iminenses de la Medie et les hauts defiles du Paropamisus; c'etait par delates villes de Bactres et de Maracande ; par dela l'Oxus et 1'Iaxar- t&s, que les caravanes persanes p6n6traient vers le nord-est, jusqu'aux pays des Seres, et y allaient cher- cherla soie qu'elles revenaient vendre ensuite aux Ro- mains, avec d'enormes benefices, sur les marches d'fidesse et de Nisibis. Quinze a seize mois (aller et retour) etaient employes a ce voyage. Justinien voulut briser le monopole comme il avait essay6 de briser la concurrence. Mais, ainsi que je viens de le dire, l'obstacle du cote de la terre 6tait bien plus difficile a vaincre que l'obstacle du cote de la mer. Comment traverser la Perse? Comment arriver au pays des Seres, c'est-a-dire jusqu'aux Indes, jusqu'a la Chine? On raconte que cette tentative bardie avait 6te" (1) Gtorgiqws, liv. a, vers. 121. ( 367 ) faite d6s le n' siecle de notre ere : un prince du grand Thsin , un emperenr romain , An-Thun (Antonin sans doute), disent les Annales chinoises, envoya une ambassade en Chine (1). On n'en connait point le re- sultat, mais il ne parait plus douteux aujourd'hui que les Romains parvinrent de bonne heure apenetrer jus- qu'a l'extreme Orient : les Annales chinoises consta- tent que les marchandises et les curiosites venant du grand Thsin etaient fort recherchees dans les Indes, qui en etaient remplies : ce sont la les termes (2) ; que les etoffes du grand Thsin y etaient surtout admirees, parce que, sous le rapport de la fabrication etde la tein- ture, les Romains avaient une superiorite reelle sur les Chinois, et que c'etait meme pour cette raison que les Tadjiks et les A-Si, c'est-a-dire les Perses et les habi- tants de la Sogdiane, avaient toujours eu soin de dero- ber a leur counaissance les routes de la Tartarie, afin qu'ils ne pussent pas, en se procurant la soie ecrue dans les pays d'origine, fabriquer l'etoffe chez eux, au lieu de Taller chercher si loin et au milieu des vicissitudes d'un si long voyage (3). Tous ces faits excessivement curieux qui nous sont reveles par les annalistes chinois ne pouvaient pas etre ignores d'un homme comme Justinien. Quand nous le voyons envoyer une ambassade au fond de l'Ethiopie pour enlever , par mer , aux negociants perses le com- (1) La Chine, par Pacthier, p. 260. Paris, Firmiu Didot, 1837. (2) La Chine, par Pauthieb, p. 259. — Abel Remusat, Memoire sur I'extension de Vempire chinois du c6te~ de I'Occident. (3) Tbid. ( 368 ) merce dela soie, on no peut douter qu'il n'ait dirigS des efforts semblablesduc6t6deBactreset de Marracande, points centranx des caravanes dans la haute Asie, soit au moyen de quelque ambassadeur deguise\ soit au rnoyen de simples marehands qu'il tenaitsecretementksasolde. Deja meine, quoique l'histoire se taise a cet egard, an premier succes avait et6 obtenu par le gouver- nement de Constantinople. Depuis quelque temps les Sogdiens et les Perses laissaient passer la soie ecrue chez les Romains. Pour quelles raisons? on l'ignore, mais le fait n'est pas douteux. Dans son li- belle des Anecdotes, Procope pretend que, par suite de la tyrannie de Justinien , les riches manufactures de soie etablies a Be>yte et a Tyr tomberent en ruines, et que mattres et ouvriers furent obliges d'aller chercher un refuge en Perse (1). Comment y aurait-il eu des ma- nufactures de soie chez les Romains si Ton n'y avait point tisse' la soie, et comment y aurait-on tiss6 la soie, si Ton n'avait pu se procurer quelque part la matiere premiere? Seulement les Perses fournissaient exclusivement cette matiere premiere, et le plus vif d6sir de l'empe- reur 6tait de se la procurer sans intermediates. Ce fut alors qu'un ev^nement impr^vu pour le pu- blic vint combler les voaux de Justinien. II suffira de rappeler que, vers l'an 553 , des moines « gagn^s, dit » Procope, paries grandes promessesde Justinien (que » Ton remarque bien ce passage) ,apporterent aConstan- n tinople de la contr^e de Serinda les ceufs du ver a soie (1) Anecdota, chap. XXV. ( 369 ) «etlartdel'6lever (1).» En peud" amines une especede revolution industrielle se fit dans tout 1' empire. Des millions tie muriers furent plantes en Syrie, en Grece, dans le Peloponese. Les Romains, deja si habiles dans la fabrication de l'etoffe, se surpasserent bientot et pu- rent faire a leur tour concurrence a l'etranger. Cinq ans a peine apres la mort de Justinien, les Sogdiens abandonnerent 1' alliance des Perses; ils reussirent a communiquer directement avec les Romains en con- tournant au nord la mer Caspienne. Menander atteste qu'une ambassade de ces Sogdiens se rendit a Constan- tinople a travers le Caucase aupres de Justin 11, lui offrit les plus belles soieries de la Chine et sollicita son amitie(2), enmeme temps quelle nepouvait se lasser, dit un autre chroniqueur, d' admirer l'habiletedes Ro- mains, soit pour elever l'insecte de la soie , soit pour en fabriquerle produit (3). Ce qui n'est pas moins digne d' attention, c'est que, malgre 1' importation si pr6cieuse qui venait d'etre faite en Europe du veritable bombyx , le commerce de la soie ne cessa point d'augmenter aux pays d'origine ; c'est que, loin de se ralentir, les relations de 1' Occident et de l'Orient se multiplierent ; c'est qua partir de cette epoque les voyages de l'lnde acquirent une importance toujours croissante, et que la science g6o- graphique dut esperer desormais les plus heureuses et les plus utiles decouvertes. (1) Procope, Bistoire mtle'e, chap. XVII, 3 2. (2) Menandeb, Ambassade?, chap. VI. (3) Tueophane de Byzanco, ap. Photium, cod. tii. XIII. AVB1L ET MAI. 8. 24 ( 370 ) Tel fut, messieurs, dans son ensemble le regne de 1'empereur Justinien, qui, a on moment de sa vie, reunit tontes les faveurs de la fortune et put se croire reellement le restaurateur du moude romain, rextitutof Orbi.s. Les dernieres annees de ce prince furent malbeu- reusement obscurcies; elles s'eteignirent au milieu de vaines querelles theologiques et des persecutions reli- gieuses. Les barbares, si longtemps contenus, reparu- rent, le Danube fut frauchi de nouveau, l'Hemus fut tra- verse dans toute sa largeur, et les cavaliers buns, depas- sant la longue muraille a demi ruin6epar un tremblement de terre, vinrent caracoler iusolemment aux portes de Constantinople. On raconte qu'une avarice sordide avail remplace cbez Justinien les prodigalite\s de lajeunesse ; que les garnisons des frontieros avaient £t£ retirees ou supprim6es, par mesure d'£conornie ; que l'annee avait ete rexluite de 6/i5,000 a 150,000 hommes ; qae Constantinople etait sans d^fcnseurs, etc. Mais il est juste, en meme temps, de remarquer qua cette epoque (558) Justinien 6tait devenu vieux, que le monde qu'il avait porte. si baut s'6tait affaibli comme lui, et que, suivant le mot d'Agathias, grace aune paix a peu pres generate, cbacun dormait sur la foi des traites (1) . Si done on interroge sans passion toutes les annexes de ce long regne (527 a 565), on n'admettra point, avec l'auteur baineux des Anecdotes, que Justi- nien fut un tyran execrable, un second Domitien (1) Agathias, liv. V, chap. 6, !j 2. — La guerre des Vandales <^tait terminer depuis 534 , celle des Goths depuis 553 , celle des Perses depuis 562, Epoque a laquelle une ireve de cinquante ans futsignee eDtre Justinien et Chosroes. ( 371 ) qui ne se plaisait que dans les larmes et la ruine de ses peuples ; que J' Al'rique perdit sous sou gouvernement cinq millions d'hormnes, l'ltalie quinze a vingt millions, et l'empire plus de cent millions, peut-etre deux cents !... On admettra encore moins qu'il fut la cause de tous les tremblements de terre, de toutes les pestes. de tous les fleaux qui desolerent le globe pendant le vie siecle; encore moins quesa mere l'avait concue dans les embrassements d'un demon et que ses serviteurs, epouvantes, l'avaientsurpris plusieurs fois, la nuit. se promenant avec un corps sans tete (1) . Vous excuserez, messieurs, ces excursions hors de la partie purement geographique de l'ouvrage de M. Isambert; nous nepouvions oublier quelemorceau principal, le sujetde cet ouvrage, c'est le livre des Anec- dotes, et en presence de tant d' outrages jetes a pleines mains sur la personne de Justinien, le bienfaiteur de Procope, apres en avoir rapproche toutes les basses, adulations que ce meme Procope prodigue a son maitre dans ses autres livres, nous n'avons pu resister an besoin de rechercher ce qui pouvait etre vrai a l'egard d'un prince si diversement juge, etde luirendre la jus- tice impartiale a laquelle il avait droit. Une pareille tentative est la preface obligee d' une edition des Anec- dotes. Si 1' erudition sagace de M. Isambert nes'en est pas occupee ici, c'est probablement que 1' Hi stone de Justi- nien qu'il nous a promise ne doit rien laisser a desirer sur ce point; et peut-etre devons-nous penser que la pu- blication separee de YHistoire secrete, aussi bien que du (1) Procope, Anecdotes, chap. XVIlI-chap. XII. ( *72 ) commentaire geograpbique que notre savant confrere y a joint, et qui s' applique aux livres ventablement bistoriques de Procope bien plus qu'au libelle mis sous son nom; peut-etre. disons-nous, cette publication separee a-t-elle precisement pour but de degager l'his- toire de Justinien et des commerages meprisables dela cbronique scandaleuse, et des details trop didac- tiquesdont la majeste du sujet principal se flit trouvee souillee ou embarrassee. Ces reserves faites, et si Ton veut negliger le fond des Anecdotes pour n'en considerer que letres petit notnbre d'indications geograpbiques, je m'empresse de recon- naitre que personne ne pouvait mieux que M. Isambert traiter de telles questions, ni en aborder les diflicultes d'unemanierepluspertinente. Jesignalerai, entreautres, SQSplmis ffe Carthage, de Constantinople, de Rome, sa carte de la mcr Erythree et de I'EtHiopie, ainsi que ses observations surla veritable position d'Auxomis (Axum) etd' Adiilis, villcs si hnportantes, comme on Tavu. pour le trafic maritime des Romains avec l'lnde ; sa revision de la numismatique sons Justinien; ses reflexions sur la valeur du besant d'nr au temps de saint Louis; ses notes sur l'Afrique septentrionale, sur la Perse, l'Armenie ; sur I'emplacement toujours discut^ des deux celebres portes Caspiennes ; sur la Taurique (la Crim6e actuolle) , la Colchide, la Lazique, on la ville ct le port de Petra (Batoun?) am'teient pendant si longtemps les efforts de Chosroes, etc. Je mentionnerai encore la grande dissertation que M. Isambert a intitulee : le Monde selon Procope, et la carte genera le de l' Empire romain au VI' siecle, resume ( 373) le plus complet qui ait ete fait de la geographie de cette epoque, travail considerable qui rappelle, sous plusd'un rapport, les vastes recherches de Cellarius surle monde ancien [Notitia orbis antiqui). Mais ce travail a pour moi un bien autre merite qui echappera peut-etre a quelques lecteurs : il ofTre la nieil- leure refutation que Ton pouvait attendre du livre des Anecdotes. Eu effet, que Ton mette en regard le pam- pblet de Procope et les notes de M. Isambert ; qu'on jette les yeux sur ces lignes abominables ou Justinien est represent^ comme « ordonnant de sa voix la plus » douce le massacre de milliers d'hommes innocents et » le rasementdesvilles (1); » que Ton examine en meme temps cette carte du monde romain, tracee d'apres le meme Procope, oil les villes, ou les populations sepres- sent et s'etouffeut en quelque sorte ; que Ton considere cette premiere limite de l'annee 527 oil 1' empire ne va pas au dela de la Pentapole libyque au midi , de Viminacium sur le Danube au nord, et cette frontiere nouvelle de 565 qui renferme l'Afrique des Vandales et l'ltalie des Goths, avec la Sicile, les Raleares, la Sar- daigne, avec les cites fameuses de Carthage, de Syra- cuse, de Rome, de Ravenne..., et que l'onjuge. II y a la certainement un fait unique dans l'histoire et qu'au- cune declamation ne pourra detruire. Les Romains, en peu d'annees, sont rajeunis de plus d'un siecle; ils remontentjusqu'au premier Theodose, ils retrouvent pendant quelques instants la grandeur de leurs ai'eux ; le meme homme leur a rendu la gloire des armes, celle des arts, celle des lois. Mauroy, (1) Anecdotes, chap. XIII. ( 37ft ) RAPPORT Sur /'outrage intitule : COLONIE DU CAP DE BO NN E-E SPE R A N CE, Par M. E. Blancheton, consul. Cape-Town, 1855. Aii moment ou Ton agite serieusement en Europe la question du percement de l'isthmede Suez, ou de tous cott>s surgissent des documents sur le commerce de l'Asie et de l'Oceanie, pour venir en appui a cette grande entreprise, il ne serait pas sans interet de jeter un coup d'oeil sur une colonie anglaise qui, placee a l'extremit6 de l'Afrique, semble voir arriver avec apprehension le jour ou l'union des deux mers sera consomm6e. Le Cap de Bonne- Esperance a I 'Exposition unii'erselle, tel est le titre d'une notice statistique, agricole et com- merciale danslaquelle M. Blancheton, son auteur, s'est charge de faire connaitre en Europe le rleveloppemenl du travail et les immense* ressources de cette colonie, qui a figure d'une maniere assez remarquable a 1* Expo- sition de 1 855. Cette notice, entitlement consacr^e au commerce, a l'agricnlture et a la vegetation du Cap, ne renfenUe tout au plus que deux ou trois pages de renseighe. ( 375 ) ments geographiques : aussi serai-je contraint de m'etendre sur un sujet qui, de prime abord, semble assez aride, mais presente un grand interet a ceux qui etudient l'accroisseraent des colonies de la Grande- Bretagne, bien que les chiffres statistiques donnes d'une maniere detaillee ne doivent etre acceptes par le lecteur que sous toutes reserves. M. Blancheton divise sa notice en trois parties : in- troduction historique, descriptive et statistique ; renSei- gnements conimerciaux ; Itste des produits du Cap a /'Exposition universelle. Dans la premiere partie, il donne un apercu sur la position et le climat du Cap , tres sain malgre sa brusque variability; la condition des travailleurs, la population, qui a atteint en 1853 le chiflre de 225,639 ames; l'instruction publique, comprenant (59 ecoles avec 17,000 eleves; les institutions locales, telles que societes de bienfaisance, d'assurance, des beaux-arts, biblique, au nombre de 13; les travaux d'utilit6 publique executes de 1844 a 1854 dans les ports, sur les cotes, rivieres et routes, parmi lesquelles je citerai la passe de l'ingenieur Bain, longue de 28 ki- lometres, traversant la cbaine de montagnes qui separe Wellington de Hex-River; enfin, les 18 banques publi- ques etablies dans les differents districts des gotrver- nements de Test et de l'ouest. Apres ces details, donnes tres succinctement, arri- vent les tableaux des marchandises d'importation et d'exportation, divises en deux coloimes pour montrer la marche asoendante qu'elles ont prise depuis 1844 jusqu'en 1853, et deamant le resultat suivant i'oarai ( 376 ) par les trois ports de Cape-Town, Port-Elizabeth et Simon' s-Town: Importations 18*4 : 20,181,475 fr. Idem 1853:46,535,950 Difference en plus 26,354,475 Eiportations 1844: 8,426,275 Idem 1853 : 19,293,625 Difference en plus 10,891,150 Quant aux tableaux de navigation, r6unissant les entries et sorties, on retrouve toujours la meme marche ascendante sur laquelle pesera sensiblement le perce- ment de risthme de Suez : Navigation exttrieure et cabotage reunis. Pour 1844 1273 bailments. 326,773 tonneaui. Pour 1853 2075 bAtiments, 640,767 — Difference en plus : 802 bAtiments, 313,994 Cependant le Cap ne doit pas redouter la perte totale de sa navigation autant que le croient en Angle- terre certains esprits qui mettent en avant cette crainte coinme un argument contre la concentration du com- merce gtm6ral de 1' Europe et de l'Asic dans la mer Rouge. Assurement les navires allant dans l'Hindou- stan, l'lndo-Chine, la Chine, les iles de la Sonde, ne montreront qua de tres rares intervalles leurs pavilions dans les parages du Cap, pref6rant la route plus courle et plus sure de Suez. Mais ne reste-t-il pas le mouve- ment commercial des colonies australiennes de la Nou- velle-Galles meridionale, de Swan's-lliver, Adelaide et Van-Diemen, tous pays riches, nouveaux, et oflrant, sous de nombreux rapports, un grand appat a la sp6- ( 377 ) dilation europeenne ? Ne sera-ce pas un motif de plus pour resserrer les nceuds d'une alliance industrielle et agricole entre les patients et laborieux boers hollandais et les audacieux pionniers de la civilisation anglaise en Australie, plutot que de la briser sous les coups de mesquines considerations d'interet local? Esp6rons done que, de jour en jour, les relations commerciales se developperont entre les colonies africaines et austra- liennes de la Grande-Bretagne, relations basees sur l'6change des produits abondamment fournis par chaque pays et sur la similitude politique de leurs constitutions gouvernementales. Si je me suis permis cette digression etrangere au sujet que je traite, c' est pour repondre aux accusations justes, mais un peu partiales, d'un journal anglais, le Times, qui se repand en plaintes ameres sur l'ingrati- tude des colons du Cap vis-a-vis la mere patrie. II est a regretter que M. Blancheton, en terminant ses apercusstatistiques, n'aitpu nous donner les chiffres du revenu du tremor colonial pendant un espace de dix annees : cette lacune provient du manque de mode uniforme dans la comptabilite jusqu'a l'annee 1858, epoque ou ce mode fut regie par la chambre legislative de Cape-Town, et qui montreque, de 18/18 a 1853, les recettes se sont elevees de 5,298,425 a 7,029,100 fr. Remarquons toutefois. en passant, que la progression desrevenus coloniaux n'a pas et6 aussi forte que celle du commerce des importations et exportations, et que l'auteur de l'ouvrage, qui se trouve ordinairement prodigue de chiffres, a cm la curiosity du lecteur satis- faite en ne produisant aucun tableau des depenses co- ( 378 ) loniales, qu'il se contente de declarer balances par- ies chiflres des recettes, ces dernieres oH'rant en 1853 tin notable excedant on cais-c. Un dernier tableau termine 1'introduction descriptive tt statisti(|iip : c'est celni des laines sorties de la colonie depnis 1830 jusqu'a 1853. 11 est curieux, en effet, de constater a quelles inimenses quantites se monte la eonsommation de cette marcliandise, qnand on voit tons les ans sa production augmenter sur une large echelle pendant que le meme fait se reproduitdans les eolonies australiennes, qui, sous le point de vue des troupeaux, ])euvent etre regardees comme les suecur- sales du Hap. II est neanmoins facile de s'expliquer eomment il soutient sans crainte la concurrence, quel- que redoutable qu'elle puisse etre, de la part de l'Aus- tralie, quand on se reporte a la metbode et au sol diffe- rent de ce dernier pays, ou les betes a laine, aussitot qu'elles ont ete lavees, sontabandoniteesa elles-inemes sur un terrain de sable rouge qui s'impregne dans lew toison: ajoutez aussi 1'absence de grands cours d'eau permettant de se livrer d'une maniere commode aux operations du lavage, tandis qu'au Cap les eleveurs Mill dans unpays arrose de rivieres et deflemcs d'une grande importance, sur Joint tie depari ( 379 ) 1830, annee pendant laqtielle il a 616 exports A0,1 221iv. de laine, et 1853, dont larecolte a prodnit 7,86/1,608 liv. Les deuxieme et troisieme parties sont pen impor- tantes sous le point de vne des productions et de la geographie : elles traitent avec beaucoup de details des renseignements commerciaux touchant les poids, me- sures et monnaies de la colonie; les droits de douane, le prix cles marchandises de toute espece ; enfin une foule de documents trop longs a enumerer pour MM. les negotiants, avec une liste tres detaillee de tous les ob- jets ayant figure a l'Exposition universelle de 1855. Parmi ces derniers, nous citerons la cire vegetale, la farine, le mai's, le sucre (cultive principalement a Port- Natal), les vins de Constance, le coton, la soie, le guano, le suif, les cuirs et les plantes medieinales. Mentionnons cependant, conune point important, l'ex- ploitation en grand des mines de cuivre situees dans les immenses plaines du plateau de Natnaqualand, operee en 1853 par trente-six coinpagnies indepen- dantes les unesdes autres. La decouverte deces mines a decide 1' exploration de la cote occidentale du Cap, comprise entre la riviere Zwart-Jeentjes et la riviere Orange. Le releve" a £t6 fait par le capitaine Nolloth, de la marine royale, qui a reconnu, a l'aide de sondages, l'existence d'une dizaine de petits ports plus on moitts praticables, parmi lesquels on doit titer : Hondeklip-Bay lat. S. 30°20', long. E. 17°iy'. Homewood-Harbour. lat. S. 28°47', loag. E. 16*39'. Robbe-Bay lat. S. 29"17', long. E. 16°5\ Harrisson's-Cove . . . lat. S. 28°46', long. E. lb°40'. Alexander-Bay lat. S. 28°42', long. E. 16°37'. RoodeVal-Bay lat. S. 30"3b', long. E. 17*22'. ( 380 ) A ce renseignement est joint une reduction de la carte des districts miniers, dressee par Charles Bell, surveyor general du Cap. Dans la liste des objets ayant figure^ a l'Exposition de 1855, on remarque un tableau synoptique renfermant les soixante-douze especes de bois connues dans la co- lonic avec les noms scientifiques, les noms hollandais, l'indication de la hauteur, du diainetre, des locality de production, des quality et usages de ces arbres; ce document est tir6 du travail de M. le docteur Pappe, botaniste de Cape-Town, et intitule' : Siba Ca- pensis. Ma tache serait finie dans l'examen du Cap propre- ment dit, si M. Blancheton a* avail joint a sa notice quelques pages sur la magnifique colonie de Port-Natal, que Ton n'ose plus appeler naissante, et qui contre- balance Cape-Town par son climat ties sain, exempt de variability, et dont la chaleur est temperee par des brises alternatives de terre et de iner. Le thermometre marque 15°, 6 en hiver et 29°, h en 6te\ La prosperity de Port-Natal ne fait que s'accroitre, car, a en juger par ses revenus, qui ont suivi une progression rapide, nous voyons qu'en 1846 ils ne s'6levaient qu'a 76,850 fr., tandis qu'en 1853 ilsavaient atteint 701,750 fr. Quant aux defenses coloniales, je ferai la memo observation que plus haut, c'est-a-dire qu'elles ne sont nullement mentionnees. Le commerce d' importation et d'exporta- tion est, comme au Cap, en voie d'accroissement : en 1853 il etait de 3 millions de francs, avec 90,000 fr. delaines. La population, montant a 72,000 habitants, dont 7,000 blancs, est presque en grande partie com- ( 381 ) pos6e de colons cultivateurs, recoltant le cafe, le coton, 1' indigo et le safran. En resume, je dirai que l'ouvrage de M. Blancheton renferme un grand nombre de documents statistiques qui ne peuvent trouver a etre tons cites dans un rap- port ; il donne une idee de la marche de la civilisation dans les colonies sud-africaines de la Grande-Bretagne. Mais cependant qu'il me soit permis, avant de termi- ner, de faire deux observations : l'une, c'est que l'au- teur contraint a n'accepter ses chiffres que sous toutes reserves, parce qu'il semble resulter, des remerciments qu'il adresse a bon nombre d'habitants du Cap, qu'il ne s'est pas toujours assure par lui-meme de Y exactitude de ses travaux. La seconde observation touche les ad- mirateurs de l'Angleterre, qui doivent apprendre, par tout ce que Ton publie sur le Cap, quelle ne sera jamais redevable de la prospe>it6 de cette colonie qu'aux 100,000 hollandais qui en d6veloppent l'industrie et 1' agriculture. E. de Froidefond des Farges. 382 \ou\elles ct communication*. SOCIETE GEOGRAPHIQUE IMPERIALE DE RUSSIE. Prncps-verbnl de In scnnce generale hiques importants et onze latitudes, recueilli des renseignements surle climat et sur les habitants du pays, et opere des leves de plnns itintfraires detaill6s sur une echelle de 5 verstes par pouce (1 : 185,000). ( «* ) Les details de ces itineraires enrichiront, avec le temps, la carte de cette contree -de donnees nouvelles qui inodifieront considerablement les positions geogra- pliiques que donnent les cartes actuelles. Les travaux de chaque membre en particulier, dans le courant de l'annee, comprennent lessuivants : L'as- tronome Rochkoff, qui avait passe l'hiver au poste Nicolaievsk, a fait, pour completer les prec6dentes, neuf determinations dans la baie de 1' Amour, dont quatre au sud et cinq au nord de l'emboucbure de ce fleuve. En outre, par une instruction particuliere de 1'astronome en chef, il a 6t6 propose a cet officier de determiner encore la longitude de cinq points tres im- portants a l'embouchure de 1' Amour, et, lorsqu'il aura acbeve ces travaux, de passer au port A'iane, de deter- miner la longitude de ce point et d'y rester pour ob- server 1' eclipse solaire le 29/17 septembre. De A'iane le lieutenant doit revenir a Irkoutsk par Yakoutsk, et sur la route ne s'arreter a Olekminxk que le temps necessaire pour determiner la longitude de ce lieu. Le lieutenant Oussoltseff avait a effectuer cette annee-ci des leves de plans itineraires et les observa- tions astronomiques dans la pente meridionale du ] ~ ablotwi-Khrebet , a partir de Goi-bitsa, vers Test. Lil route qui lui a ete indiquee longe le versant meridio- nal, traverse les sources des rivieres Almazar, 0/(/oi',etc. , jusqu'a la source occidentale du Hilui, et s'etend plus loin, jusqu'a la cbaine de montagnes Atygane. La marche de M. Oussoltseff aboutit a cellequ'a ex6cut6e en 1852 l'astronome en chef de Yosivog Oudshoy, en traversant les sources de la Zela et du Hilui, et &n ( 892 ) continuant jusqu'a 1' embouchure tie l'Oustchour. De la crete d'Atygane, M. OussoltsefT doit descendre le Hilu'i jusqu'a sa chute dans la Zeia, ensuite passer la Se- linidja. parcourir l'espace comprisentre cette derniere et la Zeia, et enfin, au deli de la chute de la Selimdja (dans la Zeia), descendre par la Zeia dans Y Amour, si aucun obstacle ne vient Ten empecher. Le lieutenant OrlofT etait deja parti au mois d'avril pour se rend re a l'euibouchure de YOldoi (un des affluents superieurs de gauche de 1' Amour). Voici l'iti- nerairequi lui a ete trace : Remonter YOldoi a partir de son embouchure jusqu'a sa source, se porter de 1' autre cote du Yablonoi-Khrebet, faire le tour de la source orientale de YOlekma, visiter ici les mines d' or de Boukhtinsk, se dinger vers l'ouest sur la riviere Tou^oaren amont, et, apres avoir traverse le confluent de YOlekma et du Fitime, atteindre le lac Omk. Puis, continuant ses explorations, M. Orloffdoit allerd'abord au nord vers la source de la riviere Tchara; ensuite, descendant dans la vallee du Fitime, traverser ce der- nier et se porter de 1* autre c6te de la chalne de mon- tagnes qui separe leseaux de 1' An gam des affluents de gauche du Vilime, et sortir dans le Doukatchane, et enfin a Katchouga, port sur la Lena. La Societe n'a pas encore recu des renseignements positifs sur Tissue des voyages de MM. OussoltsefT et Orloff. L'astronome en chef a determine pendant les pre- miers six mois de Tannee courante la position geogra- phique des points siiivants : 1° Nbvo-Selenguinsk ; 2° Tro'itsko-Savsk ; 3° le village Torei, a 25 verstes du ( 393 ) poste Khorotsa'i ; h" le village Djinda; 5° l'usine de Petroi'.ik, et 6° la ville de Verkhnie-Udinsk. An com- mencement du mois de septembre, il s'est mis en route pour continuer ses occupations, qui ont pour objet la determination astronomique des points suivants : 1° le port de Katchouga, sur la Lena; 2° la station d'Oust- Koutsk ; 3° l'usine de Nicola'ievsk, et 4° la ville de Nijne-Oudinsk. Le naturaliste de 1' expedition partit aux premiers jours du printemps pour l'arrondissement de Nert- chinsk du pays transba'icalien et les frontieres meri- dionales de ce dernier. Le ilx mars, il etait arrive au poste de Rouloussoutajevsk pour la venue des oiseaux de passage. A la fin de ce mois il avait enrichi sa col- lection de cent nouveaux animaux empailles, parmi lesquels quelques-uns sont particulierement remarqua- bles, tels que le Spermophyhis, le Cricetus fiirunculus, le Pyrrhaptes paradoxus, et autres. Au bout de deux mois, M. Radde avait prepare une collection de six cents exemplaires empailles. Dansce nombre se trouvent plusieurs especes de grues de la Dadurte, qui forment une rarete scientifique qu'aucun naturaliste n'a encore decrite. Pendant tout le temps de son sejour, M. Radde a fait des observations sur la pression, la temperature et l'etatde l'atmosphere. Le zele de M. Radde et le d6sir d'enrichir sa collec- tion de plusieurs nouvelles especes d'animaux l'ont engage a passer rhiverau poste de Kouloussoutajevsk, ou la chasse n'est possible que pendant cette saison. On nous annonce que M. Radde s'est eleve sur la cime du Tchekondo, et qu'il se preparait a faire une ( 394 ) seconde fois l'ascension de cette montagne. Dans une lettre privee, adressee a un de nos membres el dat6e du 23 aout du post" KoolOttSSeutajevsk, sur le lac Torei-Nor, pres dela I'roniiere. de Chine, le natural istc donne les details sun ants : « Me \ oila de nouveau u. kouloussoutajevsk, et je donte que je sois a Irkoutsk avant quatrc mois. Ma collection s'eleve a six cents pieces, dontcentcincpiantc sont desquadrupedes: |)anni les niseaux que j'ai reunis setrouvent tres certaineincnt des espeeesnoinelles. J'ai anssi recueilli nn tres grand nond)i-e de scarabees et d'insectes. 11 faut que je reste ici jusqn'a la (in de sep- tembre pour observer Ifc deparl des niseaux j je compte pec her ensuite des poissons dans la riviere Onotw jus- qu'au 1 5 octobre et aller aprks plus loin chercher des Antilnpes et des chevauxdes BtepjXSB {Eqmts llemiotms, Pallas). Je me propose aussi de remonter de nouveau YO/iime, quelque 150 verstes, pour la chasse aux divers oiseaux, et entre autres le Konja ou pie bleue ((o/-(7/.v rytinus, Pallas) ; il doit y en avoir beaucoup, car cette annee-ci les pommiers du pays [Pfrut Ixiccata) out donne en abundance. \ la lin du moisde novembre, je tne meitiai en route pour retourner a Irkoutsk; conune j'accompa<;iic.rai moi-mAme les chariots charges des objets que j'ai recueillis, ce trajet me prendra trois ■on (pialiv si'diaines. Je pen-e oe resier a Irkoutsk que deux mois pour rediger le compte rendu de mes tra- vaux ; ensuite je partirai an plus iie avec la plus vive sympathie par les autorites de la contree et par notre Section siberienne. Le Conseil croit devoir une profonde reconnaissance ( et vous , messieurs , j'en suis sur, partagez ses sentiments) a M. le lieu- tenant general R. Wentzel, president du (lonseil de la direction generale de la Siberie; a M. le colonel ( 396 ) Korsakoff, remplissant les fonctions de gouverneur militaire du district transbaicalien, et a notre Section siberienne, pour la cooperation eflicace que cliacun d'eux a 6te" a meme d'offrir a notre expedition. Le Con- seil a aussi porte. son attention sur le zele du chef et de tous les inembres de 1' expedition : leur ayant exprime sa satisfaction, il leur a accorde des gratifications pecu- niaires. Un autre voyage scientifique a 6t6 entrepris cet ete\ d'apres les dispositions de la Socie-te., par M. Sem6noff, membre effectif. Se pr£parant a partir de Barnaoul pour gravir les montagnes et visiter des lieux qui sont dignes d'attention et qui cepeudant n'ont pas encore 6 te explores, i\I. S6me'noff pensait que quatre mois de voyage etaient insuftisants pour achever tous les tra- vaux qu'il projetait. Les riches materiaux relatifs a la gengraphie de la contr^e et les donne'es statistiques qu'il a 6te" autorise" a puiser dans les archives de Bar- naoul l'occuperont, selon toute probability, toutl'hiver. Au printemps prochain, un sejour k 1' Altai' lui per- mettra de visiter de nouveau les montagnes et les li- mites meridionales, et d'etudier de pres le climat et la nature de cette contree, dont il prepare la description pour le tome prochain de X Asic de Hitter. Pour le plan de ces travaux ult6rieurs et leur continuation dans le courant de l'anne"e prochaine, M. Semenoff doit entrer en relations avec le Conseil. M. Baer, chef de Y expedition organise'e pourl'etude des pecheries de la mer Caspienne, a achev6 cette an- n6e ses travaux, eta fait en me.me temps une excursion tres interessante dans la valine du Manytch. Ladescrip- ( 397 ) tion de cette exploration et les observations de l'aca- demicien seront communiquees en entier dans la seance d'aujonrd'hui. L'expedition organisee par la Direction du corps des arpenteurs, auxfrais du Cabinet de Sa Majesty l'Empe- reur, pour les travaux astronomic] ues, geodesiques et topograpbiques dans le district de 1' Altai', a commence ses operations dans le courant de l'ete. L'expedition, ayant pour cbef le capitaine Meyen, est divisee en trois parties, savoir : 1" Pour les travaux astronomiques , deux groupes dont chacun a deux officiers du corps des arpenteurs charges d'executer les determinations astro- nomiques ; 2° ponr les travaux geodesiques , deux groupes et dans chacun deux officiers, et 3° 10 arpen- teurs pour les travaux topograpbiques. LaSoci6t6, dans le but d'utiliser au profit de la geographie les etudes mathematiques de cette expedition, a invito ces officiers a se charger de recueillir des renseignements et de faire des observations, particulierement sur la geographie physique de la contree. Dans ce but, le Conseil a fait rediger pour les membres de cette expedition des pro- grammes speciaux concernant la geographie physique, eta communique, en outre, tousles anciens programmes qui ont et6 publics pour l'ethnographie et la statistique. Les nouvelles que le Conseil a recues annoncent que les membres de 1' expedition ont commence atec succes les investigations diverses dont ils ont ete charges. M. Europaeus, natif de Finlande, a qui la Societe a confie des recherches ethnographiques et a accorde une subvention pour les frais, est parti pourlaLaponie de Terslc. 11 a d£ja envoye de courtes communications ( 398 ) sur son voyage, surles particularity remarquables des dialectes finuoisqu'ila etudies, et sur I'ctat do plusieurs villages situes a 1' extreme nord de la Laponie. Dans le courant des mois d'ete, les publications de la Societe ont continue de paraitre successivement. Cette annee, l'attention se iixe particulierement sur le vaste travail de M. Seinenofl' : Traduction de I'Jsie de Bitter, avec les supplements du traducteur qui forment la majeure partie du premier tome. Le volume qui a paru contient plus de l\h feuilles d'impression, et renferme, outre 1' introduction generate, la description de la partie orientale du continent asiatique, contigue a nos limites. La valeur scientifique de l'original allemand en a fait une ajuvre classique ; aussi le merite de M. Seruenoff n'en est-il que plus grand, car il avait a vaincre les diffi- cultos de la traduction en russe et a completer l'ou- vrage, d'apresle systeme de Ritter, de toutes les don- nees les plus recentes, dont la majeure partie est due a des savants russes. A la suite de cette publication, on a livre a la presse le XlQ tome des Memoires, du a la redaction de M. Iero- fei'ff, m. elf. Comme annexe, appartienta ce volume la carte geognostique de la Russie sud-est, que M. Pacht a dressee, ct dont l'execution par le procede chromo- litbograpbique a retarde l'appaiition du livre. L' impression de V Atlas complet du gauvemetnemi de. Tver, sur la meme 6chelle que les livraisous par dis- tricts (1:74,000), vient d'etre achev^e; etl'on prepare la carte du gouvernement, en quatre feuilles, sur l'echelle de h verstes par pouce anglais. Parmi nos publications periodiques, il a et6 publie ( 399 ) pendant les vacances, le 3" et le lx° cahier du Bulletin. Sous la redaction du secretaire de la Society, sont, ainsi que le Bulletin, publiees la lre et la 2C livraison des Meinoires de la Section siberienne, formes exclusivement des travaux de ses membres. Le premier examen des articles, leur choix et la redaction premiere appartien- nent a M. Selsky, m. ell'. , et g6rant des affaires de la Section. La revision de ce travail et les soins de 1' im- pression ont ete conlies par le Gonseil au secretaire de la Societe. Le Conseil ne tardera pas a proceder a l'impression du XIIe tome des Meinoires, pour lequel il a deja a sa disposition plusieurs materiaux qui ont 6te juges dignes d'y prendre place. Le III* tome du liecueil et/mograplnque a 6te prepare" peu apeu, sous la redaction de M. Rorkounoff, et sera acheve tres incessamment. Les sections de la Societe ont reuni et elabore de nombreux materiaux pour les autres publications. Nos occupations et les stances des sections reprenant leur cours, on pent, grace au zele de nos membres, qui soutiennent par leurs efforts prives l'activite de la Societe, compter sur un grand nombre de nouveaux tra- vaux. A cette occasion, je puis rappeler parmi les travaux en cours d' execution, la description du mont Bogdo et de la steppe qui l'entoure , description a laquelle a donne lieu l'excursion dirigee par le lieutenant-colonel Korniloff, m. eff., et M. Auerbacb, qui s'est occupe prin- cipalement des explorations geognostiques et physiques et de la surveillance des travaux astronomiques. On devra a cette excursion des donn6es tres curieuses et ( 400 ) la description detaillee de cette partie du gouverne- ment d' Astrakhan, etcelle despenplades qui y nienent une vie nomade. La publication du Catalogue ties cartes a ete prepa- red peu a peu par les membres de la section de geo- graphic mathematiqup. Dans le courant de l'ete quatre cahiers out ete sounds a une revision definitive, lis con- tiennent la description des cartes con tinen tales de la Russie, a partir des plus anciennes jusqu'a celles qui ont 6te publiees vers 1776. Les relations de la Societe avec ses membres col- laborateurs et avec des personnes 6trangeres ont et6 fort suivies dans le courant de l'ete\ Pendant les vacances, la Societe a recu plus de cent differents articles et communications sur divers sujets de recher- ches. Ces laborieux amis de la science out apporte a la Societe le fruit de leurs travaux pour contribuer a l'oeuvre commune du devploppementdes connaissances sur la Russie. Plusieurs de ces articles ont et6 remis , pour etre imprimis, aux redacteurs de nos publications. Les autres seront soumis a une appreciation prealable. Grace au vif inte>et que l'activite scientifique de notre Society eveille dans toutes les contrees cle notre patrie, le cercle de nos investigations s'elargit tous les ans de plus en plus. Enfin, cette ann6e, nos programmes et nos questions scientifiques ont amene des resultats satisfaisants. Les demandes de renseignements que la Soci6te a publiees lui ont acquis de nouveaux collaborators zelt's qui se sont offerts d'eux-m^mes et lui ont propose de travailler ( 401 ) pour die. Ce fait est une nouvelle preuve de 1' excel- lence des moyens que la Societe a choisis pour arriver a sesfins. Les programmes, superilus pour les savants speciaux, nous ont valu des travaux de personnes qui ne demandent qua etre instruites et dirigees pour con- sacrer leur zele a Futility generale. Pour satisfaire a ces demandes et en meme temps pour etendre nos propres investigations dans toutes les contrees de notre patrie, le Conseilai'intention decontinuer de publier des pro- grammes et de proposer des questions sur differentes recherches scientifiques. La Societe a recu cette annee, sur les questions d'ethnographie et de statistique, quelle avait mises au concours, des travaux qui remplissent toutes les conditions exterieures prescrites par les reglements; elles ont ete remises, pour etre examinees, anx Sections qui, au terme et clans l'ordre presents, presenteront leurs decisions au Conseil. Les savants et les Societes geographiques des pays etrangers entretiennent avec nous des relations fruc- tueuses de part et d' autre. La guerre etant finie , les echanges de publications et la correspondance scienti- fique ont pris un cours plus regulier. Beaucoup de per- sonnes ont commence avec nous des relations provo- qu6es par l'interet que nos travaux et nos publications 6veillent al'etranger. Nos relations scientifiques se sont accrues, cette annee, de beaucoup de nouvelles, for- m6es avec les savants et les Societes de l'Allemagne. Par ces courtes indications sur l'etat actuel de nos occupations, on peut voir combien est variee notre acti- vite, qui jomt dp la sympathie generale dans notre XIII. AVRIL ET MAI. 10. 26 ( 402 ) patrie , et qui a attire" sur nos travaux l'attention des societes savantes des pays strangers. Ces resultats generaux, la Society les a obtemis par le zele ardent de ses honorables membres pour le d£ve- loppeuient des progres de la science et des connais- sances relatives a notre patrie. Un vaste champ d' etudes s'ouvre devant nous. Toute notre activite pass6e et ses resultats sont pour nous un engagement a rechercher de nouveaux succes, garantis par le constant empressement de nos membres a prendre part a nos entreprises , et par l'61an general qui porte aujourd'hui toutes les forces intellectuelles vers la science et 1' etude de notre vaste pays. EXTRAIT D'UN TRAITE ENTRE SIAM ET LA FRANCE, Signe" a Bangkok, le 15 aout 1856. Art. vii. Les Francais ne pourront etre retenus contre leur volont6 dans le royaume de Siam, a moins que les autorites siamoises ne prouvent au Consul de France qu'il existe des motifs legitimes de s'opposer a leur depart. Lorsqu'ils voudront d^passer les limites determiners par le present trait6 pour la residence des sujets francais, et voyager dans l'inttJrieur, ils devront se procurer un passeport qui leur sera delivre" , sur la demandedu Consul, par les autorites siamoises. Sices Francais sont des savants, telsque naturalistes et autres, voyageant pour le progres des sciences, ils recevront de l'autorite siamoise tons les soins et bons ( 403 ) offices de nature a les aider dans l'accomplissement de leur mission Dans les limites fixers par le present traite, les Francais pourront circuler, sans entraves ni retards d'aucune sorte, pourvu qti'ils soient munis d'une passe d6livr6e par le Consul de France, etc. OBSEQUES DU DOGTEUR KANE, Commandaat uae expedition a la recherche de Sir John Fraakliu. M. de la Roquette communique a la commission centrale les renseignements qui lui ont ete transniis par M. Henri Grinnell, l'ami et le protecteur du doc- teur Kane, mort a la Havane le 16 fevrier 1857, a peine age de trente-cinq ans, snr les honneurs vrai- ment extraordinaires rendus clans sa patrie a la m6- moire de cet intr6pide explorateur des mers arctiques auquel on doit, entre autres decouvertes, celle d'une mer libre de glaces an nord du Greenland. Le cercueil rente rmant les depouilles mortelles de Kane a 6t6 accompagne par Jal Aupick, et il paye un juste tribut de regrets a sa m6moire. ( 416 ) M. Jomard communique une lettre du reverend Da- vid Livingstone, qui le charge de remercier la Societe pour laflatteuse distinction qu'elle vient de lui accorder. Le m6me membre annonce que les instructions don- nees par l'lnstitut pour le voyage aux sources du Nil Blanc sont arrivees a Khartoum au moment ou s'y trou- vait M. Ferdinand de Lesseps ; elles ont ete commu- niquees aux Europeens qui y habitent , entre autres aux membres de la mission autrichienne, et Ton espere des reponses prochaines a plusieurs des questions de l'Academie. — Le detail de cette communication est renvoye au Bulletin. M. de La Roquette lit une note sur des renseigne- ments relatifs a des navires abandonnes a l'ouest de la baie de Pond, sur des Europeens vus dans l'interieur des terres arctiques, et sur une nouvelle expedition a la recherche de Sir John Franklin. (Voy. ci-dessus.) M. d'Avezac donne lecture d'un rapport sur Y Histoire du Bresi I de M. de Varnhagen, suivi de considerations geographiques. Cette communication est ecoutee avec un vif int^ret. — Renvoi au Bulletin. M. Malte-Brun entretient ses collegues du projet de communication interoceanique de M. le Dr Mac-Cullen, par la voie du port Escoces et du golfe de San-Miguel. — Renvoi d'une note au Bulletin. La Societe ajourne la continuation de la discussion sur l'origine du golfe de Lyon ou goljc du Lion. BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. juin 1857. Igcanoires, etc. FRAGMENTS ETHNOLOGIQUES, 1° SUB LES VESTIGES DES PEOPLES GAKL1QUE ET CYMHIQUE, DANS QUELQUES COKTREES nE l'euROPE OCCIDENTALS; 2° SUK LA COULEUR DE LA CHEVEI.l'RE DES CEI.TES OU GAL'LOIs; 3° SUR LES LIENS DE FAJIILLE ENTRE LES GAELS ET LES CYMR1S Par le Dr J. A. N. PERIKR, H&Lecin principal ;i I 'hot el imperial des Invalides. DEUXIEME FRAGMENT Sur la couleur de la chevelure des anciens Gaulois. SoMMAlRB. — Paitage . - Michelet, ouv. cit., t. I, p. 2. — Martin, Hist, de Fr., t. I, p. 1 4; <5dit. 1814 etc. (1) Mezeray, Abr, chronol. de Vhist. de Fr., edit, in-12, 1735, t. 1, p. 9, cf 5 ft suiv., 20. — Marcel, Hist, de Vorig. el des progr. de la monarch, fr., t. 1, p. 55, cf. p. 8-9, 11 ; Paris, I (i8ii. — Pelloutier, ouv. cit , t. I, p. 121, 173, 175, cf. p. 1, s,lJ el pass. (2) Research, etc. cit., toe. cit. - Hist, nat., etc. cit., toe. cit. ( A21 ) Gaulois i' Et .si ce tenne comprend plusieurs acceptions differentes , si tons les Gaulois ne foment pas un peuple unique, de quels Gaulois ces auteurs en ten- den t-ils parler? Voila ce qu'il importe de se demander. » Rappelons d'abord ce fait, que, soit dans un but, soit dans un autre, les peuples appeles Gaulois, ainsi que les Germains, donnaient artificiellement a leurs cheveux une couleur de roux ardent, bien faite pour frapper les regards des Romains, et pour donner car- riere a l'imagination de certains ecrivains. Les peuples de l'ile de Bretagne faisaient plus : « Tous les Bretons, dit C6sar, se teignent le corps avec du » pastel, — vitro inficiunt, — ce qui leur donne une » couleur azureej et rend leur aspect horrible dans les » combats (1). » Solin etd'autres nous apprennent que les barbares de ce pays representent sur leurs corps des figures d'animaux differents, — ... per artifices pla- g'arum figuras, jam inde a pueris vavicc animalium effi- gies ikcorporantitr (2). D'autres encore disent que c'est avec le fer qu'ils se pratiquent, tant sur la figure que sur le corps, cette espece de tatouage : — Ferro picta genas (Britannia), — Ferro pinguht corpora (3). De la meme, ainsi que le rapporte longuement Camden, l'o- (1) Op. cit., lib. V, cap. XIV; trad, par M. Artaud, collect. Panc- kouke, ibid.— Cf. Pomponius Mela, lib. Ill, cap. VI. — Martial, Epigr., coll. Panck, lib. XI, ep.LIII;lib. XIV, ep. XCIX. (2) Potyhist., cap. WW, infin. ■- Cf. Saumaise, Plinian. exercitat., ifcid. — Piine, Hist, not., lib. XXII, cap. I. — Hlrodidi, lib. Ill, ed. gr. lat. 1T24, cap. XLVII. — Tertullieh, De Firginib. veland., inmed. (3) Claudion, De laudib. Stilinm.. lib. II, v. 217-248; — cf. Dc bell, gelic, v. -i 1 7-i 18. — Jornandes, op. cit., loc. cit. ( 42? ) rigine des mots Brilo, Britho,,, Britannia, de Britk, signifiant colomtus. pieta&i dans l'anciennc langue des habitants; — . .. quod Britoues re ipsa erant i picti, de- pict/, infccii, cohratv (1). Et de la aussi, dit-on, l'ap- pellation Jatine des Pictes : ce trait de nucurs carac- t6risant surtout le Picte, si digne de son noui, suivant Claudien : --• nee fa ho nomine I'ictos (2). Mais ees interpretations ne sont pas toujours d'accord avec les connaissances de nos jours. Ainsi, suivant M. Ad. Pictet, le mot lirython (Bretons) vient de Bnvth (com- bat), terme cymrique, et veut dire guerriers ; et le nom de Britannia , parait deliver de l'ancien nom Prydain, autre mot cymrique, dont le radical est I'nd, qui signifie beauts (3) . Or, quels etaient tous ces Bretons, ces Pictes, et aussi ces Scots, dans les premiers sieclesde notre ere? On apense que, chez ces peuples de races melees, do- minait originairement le sang gaelique. Mais nous avons vu (i'r. i, p. 315) que cette opinion n'est point justi- fied par les t6moignages anciens; et peut-etre se rat- tache-t-elle plus ou moins a l'ancienne confusion entre les Bretons et les Celtes, alors que les uns et les autres 6taient si i)eu connus : — Britannas antem cum ( dtis sivpc /eg/ mas confusos ub antiquis [l\). D'ailleurs, si les, (1) Op. cit., p. 19-20.— Cf. Isidore dc Seville, OrigMb. XIV, cap. VI. (2 De tert. consul. Honor. ,v.54.— Cf. Isidore, op. cit., lib. IX, cap. II. (3) Ouv. cit., p. 167-168. — Cf. Trioedd Ymjs Pnjdain, n" 1; in TheMyvyrian etc., cit., vol. II, p. 57. —Owen, Adiction. of the Welsh lantjuaye, vocib. Pryd., I'rydain; Lond., 1806. (i) Dona Bouquet, op. cit., I. 1, p. 465, not.— Cf. Strabon, ed. gr.- lat. iu-fol., Paris, 1620, lib. II, p. 75; ddit. fr., in-4", t. I, p. 198; l'a- ris, 1805-19, ( 423 ) noms de Scots et Pictes sont « seuls employes par les ecrivains latins, qui paraissent ignorer le nom de Galls, » ainsi que le dit Aug. Thierry (1) , comment serions-nous assures que les Gaels seuls occuperent la region du nord, nominee Albanie, et que Test et l'ouest de l'ile, qui portaient les noms de Loegrie et de Cambrie (Lloegr oil Lloegyr , — Kymru ou Cynmru) , furent habites , dans la suite, par diverses families de Cyinris exclusi- vement ? II y a la des obscurites que nous ne dissipe- rons pas. Nous observerons toutefois que les stigmates ou le tatouage dont il vient d'etre parle' n'6taient pas seulement usites anciennement chez les Thraces et les Illyriens, ainsi que nous l'apprennent Herodote et Strabon (2) , mais chez les Daces, les Sarmates, comme le dit Pline (3) , et par consequent chez les Scythes, desquels divers auteurs, Bede et Camden, parexemple, font descendre, soit les Pictes, soit les Scots (4). Pel- loutier n'en fait un apanage de « tous les peuples celtes, » que parce qu'il confond sous ce nom la plu- part des habitants de l'ancienne Europe (5). (1) Ouv. cit., t. I, p. 36. (2) He>od.,lib. V (Terpsich.),§ vi,ed. Larcher, t. IV, p. i,c,(. not. p. 190. — Strab., lib. VII, p. 315; 6dit. fr., t. Ill, p. 76.— Cf. Vir- gile, ad Georgia., lib. II, v. 115. — Claudien, in Rufin., v. 313. — Fre>et, Mem. sur les Cimmcriens, ub. sup., t. IV, p. 298. et suiv. (3) Op. cit., loc. cit. — Cf. Pomponius MeMa, lib. II, cap. 1, ed. Fra- din, not. — Buchanan, ouv. cit., lib. II, p. 56-57. — Pinkcrton, An Enquiry etc. cit., t. I, p. 225-226. — Rech. etc. cit., p. 212. (4) Bede, op. cit., toe. cit. -- Camden, op. cit., p. 86-87, — Cf, Piukerton, Rech. etc. cit., Av. prop., p. xiij, p. 291-292. (5) Ouv. cit., t. 1, p. 26, 1. 8, 12, et pass. ( hU ) Revenant a la clievelure ties Gaulois, cette coutume antique d'en rehausser l'eclat, toute bizarre qu'elle est, nous la retrouvons en quelque nianiere dans les temps modernes, chez les descendants de ces inemea peuples, s'aflublant de cheveux d'emprunt , noirs , blonds, argentes, dores. Nous la voyons exister depuis des siecles dans eertaines regions de l'Orient, ou le henne sert a donner aux cheveux des feinmes et des petitsenfants une couleur aiauneou rouge, » ainsi que le dit Pierre Belon (1). Et nous la retrouvons, tantchez les divers peuples de l'Oceanie et de l'Afrique occiden- tale v2) , que dans notre Algerie et dans les pays lirni- trophes, ou les femmes indigenes empourprent egale- menl de henne, soit leur clievelure, soit celle de leurs enfants. Quoi qu'il en soit, nous f'erons remarquer que, chez les anciens. 1' usage de cette teinture n'avait pas pour but seulement d'exagerer la nuance des cheveux blonds, mais aussi d'en changer ou d'en masquer tout a fait la couleur, alors qu'ils etaient bruns : Caustica Teutonicos acccndit spuma capillos, Et mutat Latins spuma Batava comas (3). Adrulilam speciem nigros flavcscere crines, Unguento cineris pnvdixil Tullius autor (i). Quant aux procedes employes acet effet, Diodore dit (1) Les observ. de pins, singular, et choscs memor. trouv. enGrece, Asie, Judee,ctc, oh. LXXIV, in-4°, Paris, edit. 1588, p. 302. (2) Kus. rle Sallcs, ouv. cit. , p. 246-247. (3) Martial, op. cit., lib. XIV, ep. XXVI : lib. VIII, ep. XXXIII.— Gf. Terlullien, Be cult, femin., lib. II. I] Q. Sercnus Samonicus, De curat, morb., cap. VI. — Cf Valere Maxime. lib. II, cap. 1. ( 425 ) que les Gaulois avaient l'habitude de laver ou d'ablu- tionner leurs cheveux avec de l'eau de chairx, — Titovw yap anoKlxifiart cjutovrsc tocu toi^cx; uuve/w?. . . (1). Et Sllivailt Pline, ils se servaient surtout d'une preparation appelee savon ou onguent, composee avec du suif et de cer- taines cendres, — exseboet cinere, — et qui aurait meme ete inventee dans les Gaules, pour rendre les cheveux blonds, — Galliarum hoc inventum rutildadis capillis (2). Suivant d'autres, ce cosmetique provenant delaGerma- nie, et notamment de la ville de Mattiacum, etait repute le meilleur : — Quod optimum iwlicamus gerinunicum... deinde gallicum ; — Si mutare paras... capillos j Recipe Mattiacas... pi/as (3). Nous n'en dirons pas davantage sur la coloration artificielle. Voici maintenant ce que fait connaitre une simple analyse critique des autorites si souvent invoquees, et sur lesquelles se fonde 1' opinion de la couleur blonde des cheveux gaulois. Si nous montrons que ces auteurs ont ete mal interprets, nous aurons deja quel- que peu eclaire la question. Les Gaulois, auxquels Virgile attribue une chevelure doree ou blonde, — ■ a urea c&saries {li), sont les vain- (1) Lib. V, cap. XXVIII. (2) Op. cit., lib. XXVIII, cap. XII. - Cf. Hardouin, ad Plin., (lib. XXVIII, cap. LI, not. 10, 11). — Theod. Priscien, ad Thimoth. frat., lib. I, cap. Ill; ap. Med. antiq. omn. etc.; Venet., 1547. (3) Galien? De simplicib. medicamin., ad Paternian; Op. omn., in-fol., Venet., ap. Junt., 1625 (in Spur, lib.), fol. 95. — Martial, op. cit., lib. XIV, ep. XXVII. (4) Ad jEneid.< lib. VIII, v. 659. ( 426 ) queurs de Rome, an commencement du ivc siecle avant uotre ere ; par consequent desSenones cisalpins, ou desC\inris. qu'il nest p;is permis de confondre avec les Gaulois progremenl < i i t s . qui soul pour nous les Celtes (1). Ces Senoues, les derniersvenusdela Garde transalpine ("2 . etaient les premiers guepriera du nom de Gaulois qui combattircnt les llomaiiis, il est bon de le noter; et, telle fut a rapidity de leur marche, apres la levee du siege de Clusium, qu'ils fnrent sans doute les seuls Gaulois engages dans cetle lutle, appelee par Aulu-Gelle : BeUum senoaioum 3 . C'est done bien de la phevelure des Cymris, non de celle des autres Gau- lois, ou des Celtes, qu'il est ici question. Lucain fait dire a Cesar, au banquet de Cleopatre, qu'il n'avaitpas rencontre, sur les bords du Uhin, des cbeveux plus blonds — ...Tarn rutilas yidisse comas — queceux qu'il avait sous les yeux (4). Mais, dans ce passage, le nom de Gaulois n'est pas prononce ; et quels etaient les peu- ples des bords du Rhin qu'a\ ait wis Cesar, et qu'il avait sounds, sinon ceux de la Germanic cisrhepane, ou les Beiges, et ensuite les Gennains eux-memes ? C'est done a ces peuples, et non aux vrais Gaulois, que Cesar fait allusion. Panni les troupes gauloises ou celtiques, — C 'elticus . . . furor, — Gallorum populi, — que Silius llalicus faitcom- battre sur les bords du Tesin avec celles d'Annibal, il (1) Am. Thierry, ouv. cit., t. I, p. 40; t. 11, p. 36, 39. — Cf. Pinkcrtou, llcch. etc. cit., p. 138, 232, 212. (2) Titc-Live, lib. V, cap. XXXV. (3) Lib. XVII, cap. XXI. (*) Lib. X, v. 130-131. ( 427 ) ne signale que les Boii, aax grands corps, et les infamea Senones, — ...imiuania membra, — lufandi Senones. Ce Gaulois Sarmens, alachevelureblonde, aussi belle que l'or qui la fixait derriere sa tete — .... et rutilum sub ■vertice iiodum (1), etait done un guerrier de l'une pu de 1' autre de ces nations. Or, les Boii, aussi bien que les Senones, etaient un peuple cymrique ; Cesar leur donne meme le nom de I'olcce Tectosagcs (2). Et quant au jeune Eurytus, mentionne aussi par Prichard, — comam rutilus, — dont la peau etait plus blanche que la neige, et qui figure dans les jeux que Scipion fait cele- brer en Hispanie, il n'est pas meme Gaulois par le lieu de sa naissance : car Srctabis, qui «l'avait nourri sur ses cpljines (3), » parait etre aujourd'hui la ville de Xativa, dans le royaume de Valence. Vient Claudien. L'un des passages que Ton cite est re- latif a la Gauleelle-meme, bien vaguement persormifiee, avep une cheyelure blonde, — Tumfiava repexo Gallia crinefcrox ; — 1' autre, aux Gaulois de l'armee de Stili- con, en Illyrie, tant ceux que baigne le Rhone et l'Arar, que ceux des bords duRhin etde la Garonne, — truces flavo.... vertice Galli (k). lei , d'abord, nous voyons bien plutot une image que l'enonce d'un fait. Tout guerrier batave, sicambre, ou frank, tout Germain 6tait blond ; a cot6 surtout des troupes orientales qui (1) Lib. IV, v. 190, 216, 149, 160, 200, 202. (2) Am. Tbierry, ouv. cit., t. I, Introd., p. xlix, liv-Iv, p. 44, 49; t. II, p. 15, 193.— C&ar, op. cit., lib. VI, cap. XXIV. (3) Silius Italicus, lib. XVI, v. 471 sqq. (4) De laudib. Stilicon., lib. II, v. 240-241 ; — mRufin., lib. II, ?. 1 1 0 sqq. ( ass ) formaient, avec eelles des Ganles, rarinoc du minislre d'Honorius. Etl'on sait. d'ailleurs, que la denomination de Gaulois pouvait s'appliquer a ces auxiliaires de race germanique, aussi bien qu'aux Gimbres.. Vers ce temps, enfin, les provinces gauloises, desolees par la guerre civile et par les invasions des Barbares, n'etaient plus qu'une agglomeration de serfs, d'affranchis, de hordes et de tribus melees, au milieu desquelles 1' antique popula- tion dfs Celtesne dominail pins. Meme sans f aire la part du style poetique, ce passage serait done assezpeu im- portant. Serons-nous plus beureux avec les prosateurs ? Et d'abord, les paroles du discours de Manlius dans Tive-Live : — ,.,,procera corpora, promissce et ratilatoe comcc (1), a (jui s'adressent-elles ? Aux Gaulois de 1' expedition en Grece, que nous connaissons comme Tectosages, comme Tolistobogii, Trocmi, semblables aux premiers (2) , et qui, pour la purpart, n'etaient autres que des Cymris, surtout des Volca: on Beiges : — Tectosages primoevo nomine Kolcas (3). Encore ici , par consequent, les anciens Gaulois sont hors de cause. Ges derniers, d'ailleurs, ne se faisaient point remarquer par une haute taille ; et l'on ne doit pas ignorer que ce sont habituellement des Cimbres, et non (1) Lib. XXXVIII, cap. XVII. (2) Tite-Live, lib. XXXVIII, cap. XVI. — Cf. Polybe, cd. gr. lat , collect. F. Didot, Re«g., lib. XXII, Legal. XXXIII, XXXIV. — Stra- bon, lib. IV, p. 187-188, lib. XII, p. 566-567; Mt. fr., t. II, p. 31- 33, t. IV, part. II, p. 89 sqq. (3) Ausone, Clara urbes, X11I, v. 9. (Narbo). — Cf. Am. Thierry, ouv. cit.,l. I, Introd., p. \ivij-\wiij, p. 129-131; t. II, p. 20*.— Moke, ouv. cit. , p. 93. ( 429 ) ties Celtes proprement dits, que les auteurs designent sous divers noms, quand ils font allusion a ce caractere si connu ties races germaniques (1). Manlius appelle ces Gauloisdegeneres etmeles — ... degeneres sunt misti et Gailo-grceci vere. Et Tive-Live parle encore de la blancheur de leur peaa, — ... sunt f us a et Candida corpora (2) , blancheur appartenant en propre aux races du Nord, signalee si souvent pour les Gaules, et que les poetes coinparent a celle de la neige et du lait (3). On sait, en effet, que divers auteurs vont jusqu'a faire deriver de cette blancheur lactee l'etymologie si controversy des mots Galli ou Galatcex — G alii an- tiquitiis a candore corporis Galatte nuncupabantur, dit Lactance ; ydla. enini grcecelac dicitur, — ajoute Isidore de Seville (li). Mais Galli n'est sans doute qu'une forme latine de Kelt, et il nous parait pueril tie demander a des langues etrangeres une interpretation que la langue (1) Ctfsar, op. cit., lib. II, cap. XXX. — Plutarque, in Mario, ed. gr. lat., collect. F. Didot, § XI. — Appien, Dereb. gall., ed. gr. lat., ibid., § I, 2, II!, ; De bell, civilib., lib. I, cap. L. — Arrien, De bell. Alex., lib. I, cap. IV. Pausanias, lib. X (Phacid.), cap. XX. — Dion Cassius, ed. Gros, Fragm., § LVII; lib. XXXVIII, cap. XLVII; Paris, 1815 etc. — Cf. Cesar, op. cit., lib. I, cap. XXXIX, lib. IV, cap. I. — Pomponius Mela, lib. Ill, cap. III. — Coluniellc, lib. Ill, cap. VIII. — Tacite, iu Agricol., cap. XI; in Germ., cap. IV. — Vegece, De re milil., lib. I, cap. I. — Sidoinc Apollinaire, Carm. XII. (2) Loc. cit.. Lib. XXXVIII, cap. XXI. (3) Silius Italicus, lib. XVI, v. 471-472, et pass.— Virgile, ad Aineid., lib. VIII, v. 660. (i) Lad. , ap. Hierouyn:uin, Comment, in epist. ad Galat., lib. II, Prrem.— bid., op. cit., lib. IX, cap. II; lib. XIV, cap. IV.— Cf. C6- nalis, Gallic, histor., p. 12, a; cf. p. 3; Parisiis, 1557. ( /130 ) indig^iie seule pent donner. \in^i que le remnrque Sclicepflin , « le mot Gadtbis, dont les Rdriiaiiig fee ser- » vaient, ne parait dilferer que par la prononciation du » mot Gne/t, Kelt (1). » Et tel est aussi le sentiment de Scbafarik., qnand il dit que les Romains Gcrivaient d'a- presles Grecs, Ceftife, et surtout GnlU. «Probablement, » ajoute-t-il , les Celtes se noimnaient cu\-meines » Gaels, Gaiisow Gdls, comme aujourd'liui encore leurs )) descendants de l'lrlande etde l'ticosse, et les ethni- » (pies gives keltai et Galatai en auront et6 formes i2). » D(f\ "Wachter, en se fondant sur Vautorite* de Cesar etde Pausanias (v. t'r. III. n, vn). s'etait espnine" dans lememesens : — A'os itacensemus Ccltarum nomen a sua ipsornm H/tgud, hon aliunde, exjilivanduui esse... |3). Dans le passage cite de Strabon, passage dont on a beaucoup abuse", l'illustre ge"ographe avait note" que les insulaires bretons etaient moins robustes, d'une taille plus elev6e et moins blonds, — xa\ Zggov £«v9oTp«xej, — que les Gaulois — xeXtwv. G£sar et Tacite ne disent rien de semblable. Et nous pensons qn'il ne I'audrait pas donner a ee fait, s'il est exact, une grande valeur, les inverse's families de Cymris pouvant biendiffererenlre elles par la nuance des cheveux, comme par la force et la stature. Ce sont, en effet, des Cymris, les Beiges bretons, quel'auteur compare aux Gaulois, e'est-a-dire (1) Dissert, sur Vorig. des peupl. Celtes etc., trad, du lat. (Vindi ciee celticce, 1754 ;daus Pclloutier,ouv. cit., «Sdit. cit. , 1. 1, p. 177-478. (2) Aperfu ethnograph. des anc. peupl. del' Europe, etc., trad; dans les lYowr. ann. desvoy., anu. 1852, t. II, p. 327. — Cf. Pictet, ouv. cit., p. J deviennent aussi roux que leurs peres, a mesure qu'ils (d) Xpra'.u.cv ^'EOTi^icpiWi T&7rapa7:o>,XsT; a-yvccupsvcv. Tcu; -yap U7r£p Mau(jaXia;xaT0iy.ciivTy.; ev t£> ixsacytio) xai touj 7rapa ra; AXttsi; eti $i tou? £m ra^e Tcov ri'jpr.vou'wv opov KsXrou; ovOi/.a£oua8ia; raXara? 77pco-7.-|ppE'j(,uaiv- ?.'. Si Pwp-aici (itaXiv) iravrx -aura ra sWj al a tons les ha- bitants des Gaules. Du reste, Niebuhr ne donte pas que cette version de Diodore ne soit due a « rexcellentetbnographe Posido- )) nius. » Etil ajonte que dans une narration emprunt6e a ce dernier auteur « les Beiges sont appel^s Galates, » les Gaels, Celtes (2). » Ainsi Strabon appelle les peuples de la Gaule, Gaulois ou Galates — ...!. La plupart des temoignages que nous venous de rap- porter s'evanouissent done, pour ainsi dire, aux lueurs d'un simple examen; et, loin d'etablir que tous les Gaulois fussent de race blonde, ils prouvent seulement que les Cymris etaient blonds; ceque nul ne contests. 11 est vrai que la question demeure non resolue, quant aux autres Gaulois ou Galls, et il est vrai aussi que les inductions seules pourront nous eclairer a cet egard. Mais deja nous avons fait justice des principaux argu- ments qui serventde piedestal al'opinion d'un grand nombre, en montrant que ne point distinguer ici entre les Gaels et les Cymris, les Celtes et les Cimbres, c'est attribuer sans raison a ceux-la ce qui peut bien n'ap- partenir qua ces derniers. Nous verrons d'ailleurs que, grace a quelques travaux modernes, les grands traits caracteristiques de ces deux peuples ne sauraient plus (I) De bell. Anntb., § IV sqq., X, XII;— De reb. qall., § I-III, XVI. XVII ot pass.;— De reh. illy r., I II. ( 437 ) elre meconnus. lis existent dans les deux types fonda- mentaux dc notre nation ; et il ne faut qu' observer avec attention pour les voir dans leur couleur, dans leurs formes, dans leurs expressions morales distinctes. lis sont encore de nos jours comme le miroir des temps passes. Ces caracteres, en ce qui touche les Celtes, Gaels ou Galls, n'ont pas ete retraces par les anciens, et l'bistoire nous fait defaut sur ce point, au milieu des passages nombreux cependant, oil il est fait mention de ce peuple comme originaire de la Gaule. Faut-il sen etonner? Les anciens Grecs, on le sait, ne pouvaient s'attacher a distinguer des peuples qu'ils connaissaient a peine, ou sur lesquels ils n'avaient meme aucune notion geographique. Ecoutons Polybe : « ...Nous ne » connaissons non plus, dit-il, rien de l'espace qui est » entre le Tanai's et Narboime jusqu'au Septentrion. » Peut-etre que dans la suite, a force de chercber, nous » en apprendrons quelque chose. Mais tous ceux qui en )) patient ou qui en ecrivent, on peut hardiment assu- » rer qu'ils parleut et ecrivent sans savoir, et qu'ils ne » nous debitent que des fables. » — Quide his locis temere illiquid loquuiitur aui scribunt, pro im petit is et fabiilnruin concinnatoribus sunt habendi (1;. Ammien Marcel 1 in dit egalement que les anciens auteurs n'ont transmis sur l'origine des Gaulois que des notions incompletes. — ... notitiarn reliquere negotii semiplenam (2). Et tout prouve en efl'et, dans les remits contradictoires des Grecs, et aussi dans ceux des Latins, combien etaient peu (1) Liv.III.ch. VII, trad, par D. Thuillier, cd. lolard, 1727-30, t. IV, p. 40-41; in ed. tit., lib. Ill, cap. XXXVIII. (2) Lib. XV, cap. IX. — Cf. inf. 1, fr. Ill, vn. A38 ) conuus les juanieres d'etre et le noin menie des peuples de ces contrees. On peut remarquer d'ailleurs que les Celles proprement dits, en tanl que nation plus seden- taire et moins adonnee au g6nie des eonqueies. lew etaicn! pjus iaconnus que lesCimbres etquelesSenones, avec lesquels les RomaiDS s'etaient d'abord mesures. Ej ne peut-ou dire aussi que leur type pliysique n'avait sans doute riendebien extraordinaire aux yeux de ces demiers, n' etant ni d'une taille colossale, ni blancs de peau (v. sup., p. 429), ni blonds de cheveux, eomme les Cyinris? Quoi qu'il en soit, aux donnees qui precedent, nous ajouterous les considerations que voici : 1° Lorsque 1' usage se repandit panni les dames romaines de porter des perruques blondes, nous ne voyons nulle part que les coiffeurs de Koine achetas- sent des cheveux blonds dans la Narbonnaise ou dans la Gaule ; tandis ([u'0\ ide et Martial nous appreunent, au contraire, que c'est a la Germanie que Ton faisait des emprunts, pour fournir a ce luxe extraordinaire i Nunc tibi captivos mittet Germania crimes. Arcloade gentecomam tibi, Lesbia, misi (2). 2° Dans le passage remarquable de Tacite que nous avons rapporte (fr. I, p. 310) , de meme que les cheveux boucles des Silures semblent les rapprocher deslberes, ainsi c'est aux Germains, et non aux Gaulois, que sont compares les Caledoniens, pour leur chevelurerousse, (i; Ovide, Amor., lib. I., pfegf nv, v. i.,, of. v. 19. — Martial, op. cit., lib. V, epirj. 1.XV111.- Cf. Mole, Hist des modes franc., p. 2. 217; io-18. Amstcrd., 1 77?.. ( 439 ) alors que d'autres Bretons encore (les plus voisins de la Gaule) sont dits ressembler aux Gaulois. Strabon observe aussi, comme nous l'avons vu (sup., p. A31), que les Germains sont plus blonds que les Gaulois. 3° Caligula, voulant unjour se decernerles honneurs d'un triomphe germanique, r^serva pour cette cere- monie « ceux des Gaulois qui etaient de la taille la plus » haute: — Galliarum qnoque procerissimum qtiemqtte... » — II les obligea a se peindre les cheveux a la maniere » des Allemands » — ... coegitque uon tantum ruti- lare ci y submitlere contain (1). Or, ces Gaulois que Ton ne dira sans doute ni Beiges, ni Cimbres, car il n'eut pas ete n6cessaire de les teindre en blond pour en faire des Germains, ne pouvaient done etre que des Galls ou Celtes, lesquels, selon toute apparence, n'e- taient pas de couleur blonde. lx° C'est aussi pour ressembler aux Germains que 1'empereur Garacalla donnait a ses cheveux la couleur rousse, — - etiam flcwam capiti cce.sariem inipo- nens (2). Enfin, le medecin de Pergame, 6numerantles diverses nations blondes ou rousses, y compte les Ger- mains avec les Illyriens, les Dalmates, les Sarmates et tous les Scythes, et ne mentionne ni les Gaulois, ni les Celtes (3) ; a une epoque oil ce deruier nom n'etait pres- que plus employe pour designer collectivement divers peiq^les, ou les Celtes, par consequent, ne pouvaient (1) Su^tone, in Calig., cap. XLV1I; trad, par La Harpe, ibid. — Cf. Juste Lipsc, in Comment, et not. ad Tacit. Mor. Germ., not. 18. — Cre- vier, Hist. des emp. wm., etc., liv. VII, §11, Mt. 1763-71, t.IIl, p.l 12. (2) Hcrodieu, lib. IV, cap. XII. (3)Ga!ieu, De Temperam., lib. II, ed. Kuhn, t. I, p. 618; Lipsia?. 1821-33. ( lihO ) manquer de fixer son attention. Tout ceci doit paraltre assez significatif. On nous permettra de rapporter encore les deux arguments qui suivent, et dont on ne recusera pas l'autoritA Nous lisons dans M. Al. de Humboldt ces paroles positives : « Les nations celtes, a cheveux brans, (i difleraient certainement de la race des nations ger- » maniques a cheveux blonds; et, quoique la caste des )) Druides rappelle une des institutions du Gange, il » n'estpas prouve pour celaque l'idiomedes Celtes ap- » partienne, comme celui des peuples d'Odin, au rameau » des langues indo-pelasges (1). » Et voici comment s'exprime Aug. Thierry, parlant de l'ile d'Erin au XII0 siecle, lors de la conquete par les Normands 6ta- blis en Angleterre : « Le peuple de cette ile, frere des i) montagnards d'Ecosse, formant avec ceux-ci le der- n nier reste d'une grande population qui, dans les temps » antiques, avait couvert la Bretagne, la Gaule et une » partie delapemnsuleespagnole, ofrrait plusieurs des » caracteres physiques et moraux qui distinguent les » races originaires du Midi. La majeure partie des Irlan- » dais etaientdes homines a cheveux noirs... (2). » Or, ne suit-il pas logiquement de tous ces t6moignages que vraisemblablement les Celtes ou Gaulois etaient brans? cais actuels les deux types gaelique et cymrique D'un autre cole , la science etlmologique doit a Will. Edwards d' avoir singulierement 61ucide" lepro- bleme qui nous occupe, en deeouvrant parmi les Fran- (1) Voy. anx rig. equinox, du nouv.cbntih., part. I (Relnl. hist.), liv. Ill, ch. IX, t. I, edit, in 4\ 1814, etc., p. 470, not. (2) Ouv. cit. , I. Ill, p. 210-211. ( htil ) anciens, et en montrant qu'a chacun de ces types ap- partientune couleur de cheveux differente, soit blonde, soit brnne. Sur les traces de cet observateur, on con- state en effet que, chez les descendants des Cymris, la taille elevee, ainsi qu'une forme particuliere de la tete, s'allient ordinairement a la couleur blonde du systeme pileux, tandis que c'est le contraire pour les types provenant de 1' element celtique, chez lesquels la sta- ture est moindre et la forme du crane differente, comme nous le dirons (fr. Ill, iv). Bien plus, les masses de population, dans les diverses parties du territoire, conservent encore chacune l'em- preinte vivante du pass6 ; et c'est ainsi que, proc6dant du Nord an Sud, on pourrait appeler Cymro-Galls et Gallo -Cymris , Galls , Galliberes et Ibero-Galls les groupes de nationaux correspondant plus specialement aux Cymris ou Cimbres , aux Celtes ou Galls , aux Aquitains ou Iberes , et dont la couleur des cheveux est successivement le blond, le chatain ou le brun. Or, quand on voit les nuances blonde et brune persister et predominer encore de nos jours dans les zones ou sont representees les races cimbrique et iberienne, ne peut- on croire qu'il en est ainsi pour les families a cheveux chatains que nous retrouvons egalement, et qui ne font sans doute que se perpetuer, dans la contree jadis occupee par les Celtes? Dirait-on que la couleur actuelle resulte du croise- ment entire les hotnmes blonds du Nord et les bruns de la region meridionale ? Mais que seraient devenus les Celtes? A moins de tomber jusqu'au dernier homme sous le fer des envahisseurs, les peuples ne meurent point ainsi, sans laisser une trace plus ou ( hh2 ) moins alteree, mais ineffacable. On pent supposer, il est vrai, que des races brunes anciennes, iberiennesou autres, occuperent le sol anterieurement aux Galls et se melerent avec eux (v. IV. I. p. 319). Mais, sur qnoi se fonde-t-on? M. d'Omalius d'Halloy lui-meme non- seulement n'apporte aucun argunienl en faveui- d'uue sembjable manure de voir, mais il recqnnait que les textes anciens n'appuient pas cette. In pothese pour « les parties de la France au pord de la Garonne, » ajoutant que « ces toxics attestenl ['.existence de peu- » pies anterieurs aux Celtes, dans les contrees au sud o de ce fleuye... (1). » Or, ce dernier point ne saurait etre mis en dqute. D' autre part, les triades galloises font des Logriens un rameau des Cambricns (on Cim- bres), ainsique nous rayons vu (IV. 1, p. 308). Maisce n'est pas la un temoignage tire del'liistoireproprement elite , et rien ne prouvequ'ils ne fussentpas derace gal- lique. Peut-etre memene fait-on intervenir lesLigures comme race brune, qu'en yertu de 1' opinion non [ustifiee sur l^couleur blonde des Celtes. II serail permis d'insis- tersurce point. Tout d'ailleurs n'est (pie conjectures dans cette nuit profonde. Mais quand, aussi loin que remontentles connaissancos historiques, noustrouvous le,s (Jails occupant la Gaule, et quand nous apprenons era il j o\isiait tres anciennement des populations brunes, il faut bien voir en cela un temoignage de plus favorable a notre opinion, savoir, que les Galls etaient bruns. Nos etudes sur le croisement, si peu avanc6es (1) Ouv. cit., p. 26-27, not. ( M3 ) qu'elles soient, montrent d'ailleurs que les efTets dont nous venous de parler, dans lesquels les produits par- ticiperaient egalement des peres et des meres, ne sont pas aussi frequents qu'oti ponrraitle penser, entre races pen differentes. Le croisement eut-il lieu meme entre tous les individus sans exception des deux races, ce que Ton ne peut adinettre, les deux types primitifs seraient neanmoins reproduits. Le fait est connnun chez les na- tions europeennes, suivantla remarqued' Ed wards (1). On a dit que, « dans la race blanche, J'union du type » blond avec le type a cheveux noirs produit des indi- a vidus dont la clievelure est noire, plutot que d'une » teinte intermediaire entre le blond et le noir (2). » Et d'un autre cote, Ton croit observer que, dans la zone occupee par les Cymro-Galls, le sang gallique tend a predominer dans le melange avec les Cymris ; parce qu'en effet le type des homines blonds... s'altere de plus en plus, a mesure que des bords de l'Escaut on s'avance vers ceux de la Seine et de la Loire (3). Mais ce sont lades points de vue mis au service d'une theo- rie,et qu'il ne faut accepter qu'avec reserve. Cependant le caractere iberien dominait, dit-on, chez les Celtibe- riens (4) ; de meme que la physionomie des Guanches se revele encore dans la race issue de leur croisement avec les Espagnols (5) . (1) Descaract. physiol., etc., cit. , ul> sup., p. 24. (2) D'Omalius d'Halloy, ouv cit., p. 13, not. (3) Moke, ouv. cit., p. 61. (4) G. de Humboldt, op. cit., p. 178, n. 5; cf. daus Michelet, ouv. eit.,«6. sup., t. I, p. 438.— Cf .Niebuhr, ouv. cit., t. IV, p. 282-283. (5) Berthelot, Mem. sur les Guanches; dans les Mem. de la Soc. elhnoL, t. 11, part. 1, p. 129. ( khlx ) Serait-ce done L'eiementle plus meridional, serait-ce surtout le plus pur et le moins Stranger au sol, celui des premiers occupants; serait-ce 1* element f£mi- nin qui dominerait dans ces sortes de croisements? A-t-on raison de dire, avec M. Serres, que « constam- )) nient, dans le croisement de deux races, la sup6- )) rieure empreint ses caracteres sur le produit qui en » resulte, d'une maniere beaucoup plus profonde que » la race intferieure (I) ? » Toujours est-il que la pree- minence d'une race sur l'autre est surtout le privilege de celle qui sera la moins d£g6ne>ee, et la moins altered par diverses causes, entrelesquelles les melanges tien- nent sans doute le premier rang. D' autre part, on re- connait que la femrae est plus particulierement que l'homme charg6e de conserver et de transmettre le type de la race. Et e'est ainsi, par exemple, que les Romains ont pu meler leur sang avec celui de la Gaule, sans pour cela procreer des rejetons qui ne fussent surtout Gaulois. C'est encore ainsi que les Rourouglis actuels, quoique issus de peres 6trangers, n'appartien- nent pas moins, par leurs principaux caracteres p 1 1 > — siques et leurs aptitudes morales, a la race de leurs meres, au sang algerien. On comprend done que les chocs, les invasions puissent se succeder a la surface d'un pays, sans que les anciens possesseurs du sol cessent de revivre et de se perpetuer dans les gene- rations qui suivent. Voila ce qui nous semble ressortir de l'examen ge- neral des faits. D'ou il serait permis d'inferer que les (1) Rapp. sur les result, scienlif. da voy. dr, I'Astrol. ct ite de 1'oeuvre et consacrer, pour ainsi dire, par un illustre suffrage le jugement que le public savant en a porte\ II appartient a des homines aussi 6minents que notre confrere AI. de Quatrefages de faire entendre parmi vous, avec l'autorite que l'Europe lui connait, de sa- ( A5? ) vantes critiques accepters par I'auteur lui-meme comme un bommage honorable qui rehausse le prix de la louange. Pour moi, je ne puis vous presenter qu'une modeste analyse 6 isolement. Les exemples. ne lui font pas defaut pour l'Asie , la Grece , l'ltalie , la Gennanie et la Gaule. Nous pourrions ajouter encore a toutes ces preuves des faits assez peu connus qui confirment 1' uni- versality de ce culte. Dans les antiques forets du Perou, Ton trouve frequemment des autels grossiers, teuioins d'un culte semblable a celui des Druides, et la pierre de Vilca-Huaman, dont M. Angrand, consul ge- neral de France, a rapporte le dessin, encore inedit, nous semble constater cette analogie d'une maniere frappante. « Tantot, dit M. Maury, les bocages sacr6s servaient de sanctuaires a des divinites rustiques, tantot ilsetaient plantes aux lieux on des beros avaient eu leur sepul- ture... Au fond de ces forets, les Pelasges et ensuite les Grecs, leurs descendants, s'imaginaient que les divi- nites protectrices des arbres y avaient fixe" leur sejour.» De Iklelucus, puis les Dryades, les Hnmadtyades, etc. Nous reprochions tout a l'beure, a M. Maury, de n' avoir pas assez generalise ses observations; nous se- rious tente de lui reprocher, pour cette seconde partie de son introduction, de n'avoir pas assez tenu compte des faits particuliers d'ou precedent, selon nous, les faits gen6raux. « Les Latins, dit votre savant secretaire, confierent a Diane, identified a 1' Artemis grecque, 1' em- pire des forets et des betes fauves qui les habitent. » ( 456 ) Nous croyons que primitivement le culte de Diane, qui est, comme on sait, 1' heritage commuu detoute la race indo-europeenne, pour fetre repandu e'en etait pas nioins localise chez les Latins eux-memes. Toutes les forets du Latium avaient chacune leur divinite protec- trice : Faune, Picus, Egerie, Juturne, Anna Perenna, Jupiter Indiges. 11 ne parait pas, d'apres les traditions poetiques du vieux Latium, que Diane eut ete" d'abord adoree ailleurs qu'a Aricie et sur les bords agrestes du lac de Nemi. Le temple de la Diane Nemorensis, qui meritait peut-etre a cause de son surnom, une mention speciale dansl'introduction de M. Maury, adu etre pen- dant longtenips le seul consacre a cette divinite" chez les popnlations rustiques de ce pays, de meme que Juturne presida d'abord a l'une des sources du petit fleuve Numicius, seretrouva plustard aux environs d'Albano, puis a Rome, suivant ainsi la marche et les progres de cette race ou plutot de cette famille a laquelle la tra- dition religieuse attribuait l'origine du people romain, et enfin, presida plus tard a tous les fleuves eta toutes les ibntaines, ainsi que Turnus l'avait annonce a sa sunir dans ses paroles prophetiques : Diva Deatu staynis qua /lumiitibusque sonoris Diane dot suivre la meme destinee, et I' extension de son cultc officiel est en raison directe des progres de la race albaine dans le Latium, puis du peuple romain dans V Italic. Nousdirons la meme chose du dien Faune qui figure, comme on sait, dans les origines religieuses du Latium ( 457 ) parmi les ancetres de Latinus, comme celui de Picus qui avait son bois sacre pres de Laurentum, et dont le nom se retrouve encore aujourd'liui dans la Trafusina di Pichi. Peut-etre ne faudrait-il pas prendre au pied de la lettre ce vers si connu de Virgile : Sylvano fama est veleres sacrasse Pelasgos, et dire, comme M. Maury, que ce dieu est d'origine p6- lasgique, car nous savons par experience que le mot Pelasge, employ 6 par les poetes comme celui d'abori- gene par Tite-Live, ne designe pas les peuples que l'ethnologie moderne recommit sous ces deux noms, mais bien les nations latines et merne, dans une accep- tion plus restreinte, la race de Pilumne et de Latinus. Sylvain, comme Faune et Picus, a evidemment pour Virgile une originelatine,etnousne connaissons aucun texte ancien qui nous permette d'attribuer a la race qu'on est convenu d'appeler Pelasgique le culte de ces divinit6s champetres. Apres avoir caracterise dans sa remarqnable intro- duction les deux grands faits qui se rattachent a l'his- toire originelle des forets, M. Maury traite dans son premier chapitre del1 ' etatforestier de la Guide. Lorsque les Celtes prirent possession de cette contree, elle de- vait etre presque entierement couverte de forets. Le defricbement ne s'opera que peu a peu et dans la partie meridionale du pays. Les villages ou bourgades , s'elevercnt d'abord dans les clairieres , et ne furent figures que par des enclos dans l'interieur desquels les ( 458 ) habitations primitives de ces nations sauvages furent baties. Ce grand travail de d6frichemen1 parait avoir ete d6ja assesavance" a I'epoquede C£sar, puisque. nous vo\ons, d'apres les Comment aires, que les nonvelles pouvaient etre transinises en pen ituees an sudde la Loire, et. par consequent, que le deboisement s'etait op6r£ sur une ties grande 6chelie dans tout ce pays. C/etail done surtoul la Bel- gique qui etait restee couvertc de fpretg ; la plus impor- tante par son etendue seinble avoir 6^6 la fovet forets conservees. Les barbares apporterent dans la Ganle le respect superstitieux de la Germanie pour les bois. Nous voyons par les lois de ces peuples que les debts conimis contre les homines n'iMaient punis que d'une amende double de celle qu'on intligeait pour les d61ita commis contre les arbres. Les lois de Charlemagne modiherent les coutumes gerraaniques relatives aux forets communes, et le droit de propriety forestiere fut de plus en plus reserv6 au souverain, aux seigneurs et aux abbayes. ( 461 ) Les forets destinies specialement a l'usage du roi et cle ses officiers etaient appeles foresta , forestis, forest c, en allemand Bannforste. Le droit de chasse devint un apanage oblige de la seigneurie. Etablir une foresta oil un droit de chasse, proprement une garenne, se disait afforestare ; enlever ce droit, c'etait cleaj foresta re. La r6gie des forets royales fut confine aux forestarii (voy. le capitulaire ■■ de Samoury prfes de Laon. Vosagum foresle, » des Vosges. Aquisgranensif, » d'Aix-la-Chnpelle. ( 462 ) Tons ces bois sont des d6membrements de l'ancienne foret d'Ardenne. Le gout prononce que les conquerants de race germanique montraienl pour lachasse, contri- bua au reboisemen< de la Gaule. Les Normands etles Arabes produisirent des devastations doni la conse- quence l'ut aussi le nomel einaliisseinent des bois sill- ies paysjadis cultiv6s. On trouve souvent des mines de cites anciennesau milieu des forets, ce qui indique que la vegetation forestiere s'est substitute a la culture et aux habitations. La legislation carlovingienne , qui seinble avoir interdit en certains cas l'etablissement de nouvelles forets, dans l'interet de I'agriculture, acom- pletement disparu an Xe et au \1' --iecle. La barbaric feodale active le reboisement; la creation de garennes est le resultat de la violence et constitae une veritable usurpation seigneuriale que les EiabU$sements de saint Louis consacrent formellement ; seulemenl 1' amende a remplace" la justice cruelle et arbitraire du seigneur. Le registre r£gulier des Olim contient une foule d'arrfets royaux sur le sujet de garenne. « Le droit de foret etcle garenne, dit M. Maury, ne consistait qu'en une defense, faite par le seigneur, de chasser ou de pecher. » II ne s'appropriail pa's le terri- toire, mais se r£servait le droit de chasse. Seulemenl l'etablissement d'une forel entralnait l'abandon de la culture et Y emigration des habitants. Le seigneur de- meurait alors seul possesseur (hi territoire abandonne. La deafforestatio £tai1 l'abandon fail parie seigneur des privileges usurped, et la restitution au proprietaire du domaine qui lui avait e.te enle\ 6. Les premieres ordonnances royales sur les forets ( 463 ) remontent au regne de Philippe-Auguste, 1219. Ante- rieurement la surveillance des forets 6tait deja remise ade hauts personnages. Les attributions des forestiers sont determiners dans l'ordonnance de 1280. Une or- donnance de 1 318 etablit les sergents dans les forets royales. Ce n'est qua la fin du XIVe siecle que Ton trouve en Normandieunejnridiction suptjrieure s' Pen- dant atoute la province. C'6tait YEchiquier deseauic et forets, siegeant a cote de l'Echiquier de Normandie. C'est dans un acte de 1283 que sont mentionnes pour la premiere Ibis les balivi et les Justimarii forestarum. Les fonctions de ces agents sont assez mal counties. Les premiers mmines dei eaux et forets dont 1 'bistoire fasse mention, sont Etienne Bienfaite et Jean le Veneur. Cette charge demeum unique jusqu'au regne de Henri III. C'est dans l'ordonnance de 1291 que Ton voit mentionn£e pour la premiere Ibis la tnattrisb des p.iux et forets. Les edits des Valois abondent en t£moi- gnages relatifs aux malversations des agents forestiers. Nous regrettons qu'il ne soit pas entre dans le cadre de M. Maury de dresser, soit dans ce chapitre, soit a la fin de son ouvrage, nn tableau du service des forets a cette 6poque. On pourrait souhaiter de rencontrer dans son ouvrage quelques indications relatives a la jurldiciion et a l'emploi special des agents quidepen- daientdil •■ nitre des eaii.i et forets, comme ]es g/ii)crs, les serge/its, les venders surtout, dont les sentences etaient portees en appel au tribunal des nnutres des eaux et forets. Les gruyers ne lbnnaient-ils pas un degre" inl'erieur de la hierarcliie; n'etaient-ils pas soumis aux verdiers ? Qu'est-ce que la gntrie P Ce mot ne designait- ( m ) il pas specialement les droits royaux dans les forets qui ne dependaienl pas da domaine royal? M. Maury s'est contente de remover au Dicfionnaire general des eanx et forets, Ces faits sont assuremenf connus de ceux qui ont etudie nos institutions, mais il n'etait peut-etre pas inutile de les rappeler rneme dans un ouvrage special. On chercherait peut-etre aussi a se rendre un compte exact des droits de ramage et de panage, M. Maury aurait pu s'etendre davantage sur ce point et delink ces expressions si souvent employees dans les chartes, conune il a defini cellos de bois-mort el de mort-bois. Nous comprenons touteiois que l'auteur n'a pas prombe$, des \illages entiers disparureDt a partirdu XVC siecle. Le Midi fut plus a l'abri de ces abus, car le prin- cipe de la legislation romaine : « Anna publico, nulla luoilo reiineri potest, a \ fut presque toujours respecte et applique. Quoi qu'il en soit, I'etablissement de ces 6tangs contribua aussi an deboisement de la France dont nous avons eprouve dans ces dernieres annees les funestes effets. Henri IV, eclair^ par ses propres observations et par I'expenence prevoyante de Sully, interdit pari' edit de Rouen toute coupe extraordinaire, 1597 , etfitparaitre un reglemenl general des eaux et forets, qui est I'avant- coureur de la fameuse ordonnance de 1(369, laquelle peut etre considered comme premier code forestier de la France. Onsait quel'lionneur en doit etre report 6 en entier a Colbert. Vingt el un cominissaires travaillerent pendant hint ans a arreter les bases de cette ordonnance d'ou il faut faire dater 1* unite d\i syst^me, 1' uniformity de jurisprudence, la fixation exacte de l'etendue et de la i ontenancedes principales forets ; la prescription du meilleurmode d'amenagement. C'etait une relbrme, et 1' opposition du parlement ne cedaqn'en vertade lettnes dejussion du roi. Le nombre des grandes mattrises fut port-' a li> en L689, a Is en 1720. En 1691, on crea des receveurs particubers aupres des tables de marbre. La Declaration du l/i decembre 1777 organisa une npuvelle regie desdomaiues el des hoi--. \i. Maury con- I 471 sidere connne tres facheuse par ses r6sultats la procla- mation de Louis XVI du 3 novembre 1791, qui placait les forets sous la protection des municipalit6s ; c'etait, dit-il, livrer les forets pr6cis6ment a ceux qui les de- vastaient. 11 en est de meme dn cl6cret du 11 no- vembre 1789, qui declarait la nation, les assembles administratives, les municipality, les communes etles gardes nationales gardiennes des forets. « L' abolition des maitrises fut, ditM. Maury, une calamity publique. L'etatactuel de laFrance ne prouve que trop le facheux effet de cesmesures. Le marquis de Mirabeau, dans la Theorie de Vimpot, lvalue a 3/i millions d'arpents la superlicie des forets clans notre pays, et aujourd'hui elle ne possede que huit millions et demi d' hectares. La consommation croissante de la houille, au lieu d'a- mener la conservation des forets qui subsistent encore, ne fait qu'en hater la ruine en diminuantgraduellement le revenu des proprietaires forestiers, et en paralysant par consequent toutes tentatives de reboisement. » Je me suiscontente, messieurs, de consigner dans ce rapport les considerations importantes exposees par M. Maury dans ces derniers chapitres. Mon peu de com- petence sur la matiere m'empeche de procluire ici mes opinions personnelles. 11 ne faut passe dissimuler toutefoisque les 6conomistes pourraient discuter quel- ques-unes des opinions de l'auteur. Mais ce que nous devons examiner avant tout ici, c'est, je le r6pete, la valeur g6ographique de cet ouvrage, qui n'est pas seulement un beau travail scientifique , mais qui, a iios yeux, est un document precieux et d'une utilite pratique pour tons ceux qui soul preoccupes des grands ( 472 ) interets auxquels I'auteuf a touches. C'esl mi monu- iiuiii sans precedent et qu'il nous estpermis decroire durable. Felicitous M. Maurj den'avoirpas recuiede- \;mt Ips difficulty d'un pareil sujet et d'awiir post': d'une maniere si ferme les premiers pas dans cette partie des sciences g£ographiques. Je ne terminerai pasce rapport sans rappeler que ce li\re est accompagn£ tie quatre cartes de topograpbie comparee qui out 6t6 dressees avec soiu par notre con- frere ML Malte-Brun. Ernest Desjardjns. SEJOIR CIIEZ EE GRAND CHERIF DE LA MEKKE (1) , p.ui chaki.ls Dinuai. I.u a la seance du 15 mai 1857. Sous ce titre, M. Charles Didier, I'auteur de Homo soulcrraine, vient de publier line interossaiilo relation de voyage en Vxabie, Parti tin Cairo eu 1854, il a d'abord traverse cette grande rente coupee- parties etapes regulieres, que Ton appelait naguere le desert de Suez, et qui bient6l sera (I) l vol. in 12 aDglais. — Collection de la Bibliolheque des che- mint defer. — Paris, 18S7. — Librairie Hachettc. ( 473 ) transformee en une ligne de chemin de fer. Ce voyage de cent milles que Ton entreprenait jadis avec appre- hension, tant a cause du manque absolu d'eau, que par- ce que les caravanes y etaient detroussees par les Be- douins, offre aujourd'hui la meme s6curite que celui que Ton pourrait entreprendre aux environs de Paris. M. Charles Didier l'a fait avec un voyageur digne de ce nom, avec le lieutenant Frederic Burton, dont nous connaissons les curieuses explorations. « II retournait a son regiment (1), dit M. Charles Didier, apres Tin conge de plusieurs mois qu'il avait employe a faire le pelerinage de la Mekke, ni plus ni moins qu'un vrai croyant. II parle si parfaitement l'arabe et possede si bien le Coran, il porte avec tant de grace le costume indigene, que d'ailleurs il ne quitte jamais, il s'est en un mot si completement assimile les moeurs, les usages et jusqu'a la physionomie des Orientaux, qu'il est im- possible aux yeux les plus penetrants de le prendre pour un Europeen, et qu'il passait a la Mekke, parmi les Ulemas et les Imans pour ce qu'il se donnait, c'est- a-dire pour un Indien mahometan. II songeait deja a tenter le voyage de Zanzibar au Nil blanc, par l'equa- teur. » Suez n'offre encore qu'une reunion confuse de rues et de ruelles etroites, poudreuses et souvent in- fectes , des maisons en bois oil en torchis ; quelques maigres mosquees et des minarets plus maigres encore ; la coupure de l'isthme doit lui faire subir une metamor- phose complete ; elle est destinee a devenir une des premieres 6chelles cominerciales et politiques du monde (1) Au Bengali. . m entier. De Suez M. Didier se rend a Tor, sur la mer Rouge. G'est aujourd'hui une pauvre petite bourgade c j x : i a depuis longtemps oublie la p -> pedes et perdu les mines de turquoises qui faisaient autrefois toute sa celebrite: elle ne compie pins pour habitants (pie des Grecs avides et inhospitaliers a faire regretter les Arabes. De Tor une route commences par l'ordre d Abbas-Pacha, maissansdoute inachcvee aujourd'hui, conduit au Sinai. — Notre vpyageur s*j rendit; 11 visita le cou\ent endormi sur la m ■ . lolse recut des mains de Dien les tables de la Lui, il goiita le \in des nioines grecs, et connut aus-i leur rapace a\idite. De cette graude chartreuse de I' Orient ii vint s'embar- quer a Tor pour Djeddah. La mer Rouge , a laquelle on a fait pendant long- temps par ignorance on par calcul une mau\aise repu- putation. n'est pas aussi dangereuse que le rei's de M. Charles Didier Aoulut hieula lui depeindre, en la lui representant couime a coupee et ira\ersee en tous sens de courants sous-marins, herissee d'ecueils et de bancs de corail, exposes a des coups de vents furieux que la proximite des cOtes et des moiitagnes rend ties frequents et tres soudains. a Notre voyageur aborda sans accident a Djeddah, apresa\ oir fait escale a Yambo, grace a la -olidite du sumboiik qui le portajt et a 1' ex- cessive prudence de son rei's. Djeddah le surprit ; « c'est une jolie \ille bien batie, bien percee, bien peuplee, \ivante, animee, digne en tout point d'etre le port de la Mekke, et non moins digne de son nom qui signilie la Ricltp. » La ville est divisee en deux grandes sec- tions : le quartier de l'Yemen et le quartier syrien. ( 475 ) ainsi nomm6s a cause de leur position geograpliique ; sa population est de "20,000 ames. La bonne eau y est rare et l'air y estmauvais pendant l'ete ; alafois chaud et huniide, il re!ache la fibre, enerve tout l'organisme et cause des fievres et la dyssenterie. Le but du voyage de M. Ch. Didier 6tait de se rendre jusqu'a Taif, petite ville situee a cinq journees de marche dans l'interieur,et dans laquelle reside le grand cherif-prince de la Mekke. Elle est celebre en Arabie par l'abondance de ses eaux, Fexcellence de ses fruits et la fraicheur de ses jardins. II fallut i'aire demander au prince l'autorisation de lui etre presente ; il faccorda, et il fitre'pondre a ses visiteurs qu'ils n'eussent a s'oc- cuper ni de Taller ni du retour, qu'il enverrait ses dromadaires et ses propres gens pour conduire les etrangers a Taif et lesramener a Djeddah. La route ordinaire de Djeddah a Taif passe par la Mekke; toutefois non-seulement ilest interditaux Chre- tiens de pen^trer dans la ville sainte, mais il ne leur est pas permis de l'entrevoir meme a distance; il fallut que la petite caravane louvoyat dans le desert pour en 6viter la vue; elle se perdit meme un instant, car les cherifs et les Arabes qui £ taient charges de la conduite n'avaient jamais accompagn6de chr6tiens. Enlin, apres avoir trouve une bonne direction, on arriva au pieddu niont Rarah, masse granitique aux flancs crevasses, de"chire"s et aux cretes nues, tailless en doine et en aiguilles qui doit appartenir a la meme epoque geolo- gique que le mont Sinai. Lesentier qui traverse lamon- tagne est partout si rapide, et si roide en quelques en- droits, que, vud'en bas, ilparait completement inacces- ' 476 sible; el pourtant, pendarri la guerre des Wahabites, l'artillerie de Mehemet-Ali a escalade ces pentesabrup- tes. Le sommet du aionl karah est an plateau uni, herisse, de distance en distance, de pyramides grani- tiques, si nettes, si regulieres, qu'on Les dirait taillees par la main de l'homme. Des champs d'orge et de ble apparaissent de loin en loin, les arbres frnitiers de n'os climats, notamment l'abricotier, le peeher, Vainandier, y sont tre-s communs et y prosperent ; mais on y cher- cherait en vain un dattier, nn oranger : le Karah est trop eleve pour eux. Lavigne pourtant y'donne debons et beaux raisins. Du sommet de la montagne a Tai'f. il y a quatre grandes heuresde marche. Laville doitetre sur un plateau elev6, car la descente du Djebel-Karah est plus courte etplus douce que la montee, et la tem- perature de la ville est bien inferieure a celle de Djed- dah. Tai'f se compose de quelques centaines de maisons jetees pele-m6le autour d'une place en forme de carre long; son nom, qui signifie tonrnant, rappelle une le- gende locale dans laquelle, comme bien Ton pense, Mahomet joue le principal role. A l'exception d'un petit nombre de families etrangeres, indiennes ou autres, la ville est peuplee par les Bedouins de la tribu de The- kifdfevenus sedentaires, memo artisans et marchands; o les jardins qui font la celebrite de Tai'f dans tout le Hedjaz, sont dissemines autour de la ville, et apparais- sent comme autant d' oasis an milieu do* sables, lis sont en general petits, pen touflus , et ne doivent leur reputation qu'a la secheresse universelle de la chaine arabique. L'horizoD est forme de tons cotes par une enceinte de montagnes dentelees , echancrees, et qui ( 477 ) affectent toutes les formes, depuis la fleche aigue des clochers Chretiens jusqu'au dome arrondi des inosquees musulmanes. Voici les noms des plus apparentes : a l'ouest et an nord-ouest, du cote" de la Mekke et de Medine, Sakava, El-Heedd, Barad ; et du cote oppose^ Madjarr-el- Chach, El-Tomane et enfm ftou-el-Chohada ou col des martyrs. L' ensemble de ce paysage est plus severe que gracieux, et nonobstant les jardins clout il est clair-seme, son caractere general est l'aridite. On n'y d^couvre pas une goutte d'eau. » M. Charles Didier et ceux qui l'accompagnaient furent tres bien accueillis par le grand-cherif Husei'n Abdel Muttaleb, qui habite a une demi-heure de la ville un palais, assemblage confus de constructions irregulieres, mais qui a l'interieur est splendidement decore. Ce prince, qui n'exerce plus qu'une supr6matie religieuse, est aujourd'hui pensionne par le sultan de Constanti- nople ; sa fortune est immense; il est entoure d'une ftrale de fonctionnaires subalternes; sa garde est composed de Bedouins et de negres amies de poignards recour- b6s, de lances et de fusils a meche. Apres avoir recu de ce prince des croyants un accueil digne en tout point dela renomm^e de l'hospitalite" arabe, M. Charles Didier revint a Djeddah an moment meme ou M. Ro- chet d'Heiicourt, consul de France dans cette ville, allait rendre le dernier soupir, le.9mars 1854. II s'unit au chancelier du consulat, M. Dequie, pour lui rendre lesderniers devoirs, etle 11 il s'embarquait pour Soua- kim, et regagnait le Caire par la vallee du Nil. Le recit de M. Charles Didier est ecrit dans un style severe et elegant, avec une nettete de penseeset d'ex- ( 478 ) pressions qui d&iotenl I'habitude de l'liommo de let- ires. Dabonde en faits curieui, babilemenl fchoisispour frapper l'esprit et faire tableau. L'auteur, on le voit bien, a une opinion tres arr£t£e : aux Turcs il prefere de beancoup les Arabes; toais il faconte aver une iai- partialite si grande, qu'il senible laisser an lecteur le soin de conclure. Quelques-uns de ses apercus sont entierement nou- veaux. Nous signalons particuti6rement le coup d'oeil sur les "\\ ababites, redige avec des notes qu'il a recueil- liesde la bouche meme de Khaled-Bey, fils d' \bdallah- Ibn-Saoud, le dernier chef de eettc tribu conqu^rante, et tout ee qui a rapport an vo\age de Tai'f. Au point de vue g£ograpbique et ethnograpbique, on Irouvera dans cette dernieiv partie d'utiles rensei- gnements. Ace titre senl, l'ouvragedt1 M. Charles Didier inSrl- terait Fattention de la Soctete de geographie: ajoutons que nous le crovons'proprc a faire counailre, a ceux qui rechercbent dans la lecture une agitable distraction, l' Arabic et Us /frabes. V. A. Mai.te-Bru-*. ( 479 ) DU PROJET DE COMMUNICATION INTEROCEANIQUE PAR L'lSTHME DE DARIEN, A l/AIDE D'UN CANAL MARITIME DU PORT ESCOCES A I.'EMBOUCHURE DE I.A RIVIF.I1E SAVANA DANS LE GOLFE DE SAN-MIGUEL. Parmi les nombreux projets de communication entre l'ocean Atlantique et l'ocean Pacifique, a l'aide d'un canal maritime a etablir entre les deux Am6riques , il en est un, signale pour la premiere fois par M. le baron de Humboldt, et qui d'abord attira 1' attention des homines compeTents et parut reunir toutes les condi- tions les plus favorables (1) Ce fttt celui de l'isthme de Darien ; le canal propose partait du port Escoces sur la baie de Caledonie, dans l'ocean Atlantique, et venait rejoindre la riviere Savana, qu'il suivait jusqu'a son em- bouchure dans le golfe de San-Miguel, sur l'ocean Pa- cifique. Le docteur Mac-Cullen, de la marine anglaise, 6tait l'auteur de ce projet, et l'avait concu en 1849, a la suite de longues recherches dans les isthmesde Panama e> 1) Le capitaine Fitz Roy, dans son ouvrage « Considerations on the great isthmus » public en uovembre 1850, dit que, « de tous les •> autres points moins bieu explores, celui qui, a son avis, promet le n plus, est eutre le golfede Darien et San Miguel. » (Note de M. De la Roquettc a I'articlc de M. S^dillot, sur le» Uiffe'rents projets de communication interoceauique , 1851, t. I", IV serie, p. 260. ( A 30 ) et us avons examine avec interet cette publication que nous croyons digne de fixer l'attention des mem- bres de la Societe de geographic L'athi^sc composera de 33 cartes, savoir : carte g6n6- rale reduite ; carte generate a une plus grande echelle ; resume [auitlro) de I'liistoire aiicienue du Mexique; cartes particulieres de chacun i\cs '2.'? Etats ; cartes des cinq territoires : de la Basse-Californie, de Colima, de Sierra-Gorda, de Tlaxala, de Tehuan tepee ; enfin carte de I'lle Carmen. Des listes et des tables alphab&iques des com inn ncs el des haciendas completeront l'atlas. La Societe a deja recu : la 1" feuille, introduction ( 489 ) et lisle des cartes ; les cartes des J^tats de Chihuahua, Jalisco, Guanajuato et des territoires de Basse-Cali- fornie et de Tlaxala; avec la table alphabetique des lieux d' exploitations mineralesou agricoles de la repu- blique et la liste des haciendas qui existent dans cha- cun des fitats (18 pages gr. in-fol. ). Ces cartes sont toutes a une echelle differente ; la longitude est rapportee au meridien de Mexico ; elles sontgravees sur pierre, etl'execution, sans pouvoir ri- valiser avec notre belle lithographie, est neaninoins tressatisfaisante; elle a l'important merite de la nettete. Chacune des cartes des fitats ou territoires est en- cadree dans une notice statistique imprimee, donnant : la situation, les limites, l'etendue, la configuration, l'aspect physique, le climat, les productions naturelles, la population, les divisions politiques, la description des principales villes, leurs distances aux chefs-lieux et les stations intermediaires. On a ainsi sous les yeux, pour chacun des fitats et territoires , tout ce qui interesse leur geographie physique et politique. Les distances sont donnees en lieues mexicaines de 26 1/2 au degre. Ce que nous avons vu de cet atlas nous fait vivement desirer le voir termine. . L'auteur , en puisant aux sources officielles, et en publiant son travail sous les auspices du ministre de l'interieur du Mexique, nous donne toutes les garanties de serieuse execution que nous pouvons lui demander; nous esperons pouvoir revenir sUr cette publication lorsque nous en aurons les dernieres f'euilles sous les yeux. V. A. M-B. ( 490 ) TABLEAU t>ES DIVISIONS POLITIQTJ8S l>r PBBOO. (.0>P1I RIQI i I'All H. K. COKIUIUIHT. Ext i ail ile la Carogrnpliin del Peril, par Valentin Ledesmu.} 1 'it , >i\lnii\i-i - en 6 i proviuoi s Bl 6a5 dlatriotty. En on Hi.', 3 |'i "4 lines lilt i ii .ill- DEPARTEMENTS AllAZONAS. CAJ AMARCA . LlBERTAD. Ascas- Lima. Jlnin. Gt'ANCAVELlCA. . CHI I 5-MEDX. Cliachapoy.is. . Cajanmca. . . . PROVINCES. Truxillo. Huaraz. Lima. El Cerro de Pasco. Guancavclira Mamas. ( hachapoyas. Jaen Cajamarca, , Cajabamba y Chota. I.amliayeque. i liicla\lu- sieurs autres tribus pour atteindre Natal. II se propose d'adresser a la Society une communication sur ce voyage. M. Norton Shaw, secretaire de la Societe royale geographique do Londres, adresse le 26e volume du journal de cette Society. M. Forchliammer, de 1' university de Kiel, fait hom- mage a la Societe d'un exemplaire de sa carte benth6o- graphique. ( 493 ) M. Jomard depose sur le bureau trois planches d' inscriptions en caracteres libyques, imprimees a Alger d'apres des textes Merits par des femmes toua- reghes et recueillis par le capitaine de spahis Bonne- main ; il accompagne cette presentation de reniarques sur l'origine de la decouverte de ces caracteres, par le docteur Oudney, dans la memorable excursion du voyageur anglais en 1824. II ajoute que cessignes sont usites dans 1'Afrique septentriouale depuis l'oasis de Jupiter Amnion jus;[u'a rOcean, et qu'ils servent a ecrire differents dialectes de la langue berbere, bien que les tribus fassent aussi usage de lettres arabes. II se propose d'entretenir plus tard la Societe sur cet interessant sujet. Le meme membre fait hommage d'une biographie de 1'ancien consul de France en Egypte, le chevalier Dro- vetti, qui a taut contribue aux progres de la civilisa- tion en Egypte, sous le vice-roi Mohatnmed-Aly, dont il etait le conseiller etl'ami. II annonce ensuite la publication des trois premiers volumes de la relation du Dr Barth, en anglais, et du premier volume en allemand. On trouve, dans ces trois premiers volumes, plusieurs cartes qui meritent d'etre signalees, sansparler des observations climatologiques. M. le D1 Barth , apres avoir acheve" sa publication, espere pouvoir venir a Paris remercier en personne la Societe de g£ographie de I'interet qu'elle a pris a ses travaux. Enfin, M. Jomard communique, par extrait, un ar- ticle, de 1' Ihrlepeiulente de Turin, danslequel M. Barufli rend compfe des recenls travaux de la Societe et des I 494 ) efforts quelle fait pour le progres des decouvertes. La Societe ad met an nombre de ses membres M. C. de Courcel , presente dans hi dcrniere stance. AI. d'Avezac continue la lecture des observations geographiques qui font suite a son rapport sur fliis- toiredu Bresil de M. de \ arnhagen. (Renvoi an Bulletin.) M. Malte-Brun lit un rapport sur l'ouvrage de AI. Ch. Didier, ayant pour titre : Sejour chez le grand ckerif de la Mekke. — (Renvoi au Bulletin.) Seance du 5 juin 1857. M. Barnaout, architecte, adresse a la Societe l'exem- plaire d'un travail relatif au probleme de la navigation a6rienne , qu'il pense avoir resolu, lant par la decou- verte du point d'appni atmospherique, que par celle du moyen de l'utiliser pour 1' aerostation. AI. Bernhardt Perthes, directeur de l'6tablissement geographique de Goiha. adresse a la Societe la seconde livraison de la grande carte de la Russie d' Europe (supplement a 1' atlas de Stieler), et la troisieme livrai- son de la carte des Etats prussiens (supplement de 1' atlas de Stieler); des remerciments lui seront adressis au nom de la Societe. Le cbefde bureau du regime politique et du com- merce, (direction des colonies) an ministere de la ma- rine, adresse a la Societe les numeros de la lievue colo- niale qui ont paru depuis le commencement de l'annee courante; ace propos, AI. d'Avezac fait remarquer que ( 495 ) le cahier de mai 1857 de cette revue renferme un re- sume de l'important ouvrage du lieutenant F. Maury, de la marine des Etats-Unis, intitule : Sailtng Directions, avec quatre planches a 1'appui. M. d'Avezac est prie' de transmettre les remerciments de la Societe a M. le chef de bureau. M. Jomard communique a la Commission centrale une lettre de M. Kohl, datee de Washington, dans la- quelle celui-ci lui fait connaitre l'6tat d'avancement de son travail sur l'liistoire cartographique des decou- vertes faites en Amerique, et il' depose un opuscule que le savant prussien vient de faire sous le titre de Catalogue of maps ^ charts anil relating to America; il se propose d'en entretenir la Societe dans une prochaine seance. M. De la Roqnette rappelle a 1' Assemblee la commu- nication qu'il a faite a la derniere seance, relativement a la nouvelle expedition que lady Franklin envoie a ses frais clans les regions arctiques pour explorer les loca- lity ou des traces de son epoux ont ete trouvees. II donne ensuite lecture d'une lettre qu'il a ecrite au capitaine Mac- Clin tock, auquel a6t6 confiele comman- dement de cette expedition, qui partira d' Aberdeen dans les premiers jours cle juillet et parait devoir traverser le detroit auquel le capitaine Kennedy a donne le nom de Bellot, pour lui soumettre ses doutessur 1' existence de ce detroit, conteste par l'ollicier francais. La Com- mission centrale s'associe aux sentiments exprimes par M. De la Roquette, et renvoie sa lettre au Bulletin. M. Jomard depose sur le bureau le n° 23 du Journal de L'istlune de Suez; il annonce que le voyage de ( 496 ) M. F. de Lesseps en Angleterre, entrepris pour consul- ter 1' opinion g£nerale relativement au canal maritime de l'istlune de Suez. pr6sente un resultat Ires favorable et que des meetings nonibreux se sont prononces en Angleterre, en Ecosse et en Irlande, dans beaucoup de grandes villes, telles que Liverpool, Birmingham, Manchester, Glascovv, Dublin, etc., etc., en faveur de cette entreprise internationale. Le ineine meinbre annonce a l'assembl6e la perte regrettable de l'un des plus anciens membres de la So- ciety de g^ographie, M. le baron de Derfelden de Hin- derstein, decede a Utrecht le 17 avril dernier a l'age de 82 ans. II etait l'auteur de la grande carte des Indes orientales neerlandaises, en huit feuilles, publiee avec un memoire a l'appui en ! 8/r2. M. Ernest Desjardins depose sur le bureau, de la part de M. le colonel Blondel, directeur du D6p6t de la guerre, un exemplaire en quatre feuilles de la carte de la partie sud-ouest des Etats de l'Eglise, dressee par MM. les ofticiers d'6tat-major du corps d' occupation a Rome. A ce propos, M. Jomard rappelle que l'6tat-ma- jor autrichien a dresse, il y a quelques amines, une trfes grande carte des Etats pontificaux en 52 feuilles; la carte francaise presente sur la carte autrichienne l'avantage d'une echelle. plus grande : elle est au 80,000% 1'autre au 86,/i00e; mais celle-ci represente la totalite des Etats de l'Eglise. Des remerciments se- ront adresses a M. le colonel Blondel. M. Legras, lieutenant de vaisseau, est pr6sente" pour fetre admis dans la Societe, par M. d'Avezacet M. le contrc-amiial Mathieu. ( 497 ) M. d'Avezac termine sa lecture des observations qui font suite a son rapport sur l'histoire du Bresil par M. de Varnhagen ; il met en meme temps sous les yeux de la Society une carte de l'Amenque du Sud, sur la- quelle il a marque les limites, les emplacements suc- cessifs donnes par les pretentions espagnoles et portu- gaises a la ligne de demarcation de la domination portugaise au Bresil. — (Renvoi de ce memoire et de la carte au Bulletin.) M. Malte-Brun annonce a la Commission centrale qu'une nouvelle exploration du Niger et du Binue vient d'etre resolue en Angleterre, a la sollicitation de M. Laird et du DrBaikie ; elle auraitpour but de nouer les relations commerciales avec les peuples du Soudan central, relations qui n'ont pu qu'etre ebauch6es, en 185A, lors de l'exploration du Pliead. M. Gamier pr6sente des remarques de M. Delaporte sur le Chili, faisant suite a celles qui ont ete inserees dans le Bulletin. — (Renvoi au Bulletin.) M. Jomard communique des observations recueillies par M. Ferdinand de Lesseps a Khartoum, notamment sur les nouvelles decouvertes faites au dela du terme de l'exp6dition de M. d'Arnaud. — (Renvoi au Bulletin.) XIII. juin. 6. ( 498 ) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIETE. STANCES DE JOIN 1S57. ASllv TUres des outrages. Donateurs. Sejour rhez le grand rhdrif dc la Mekke, par Charles Didicr. Paris, 1857. 1 vol. in-8". M. Cm. Didier. OUYRAGES GESERAUX, MELANGES. Mon second voyage autour du mondc , par madame Ida Pfeiffer, membre houoraire des Societes de geographic de Paris et dc lier- lin, etc. Traduit de I'allcmand par \V. de Suckau. Paris, 1857, 1 vol. in-8". M. Haciiette. Catalogue of stars near the Ecliptic, observed at Markree during the years 1854, 1S55 and 1856, and whose places are supposed to the hitherto unpublished ; vol. IV, containing 1-4,951 stars. SOC. ROY. DE LoNDRES. Rlsume' des observations recueillies en 1856 dans le bassiu de la Saonc parlps soins de la Commission hydrometrique de Lyon. Br. in-8°. M- Fourhbt. F.xamcn critique de la traduction du texte fondamcntal dans la question d'Alise, par M. Rossignol, conscrvateur des Archives dc la Cotc-d'Or. Dijon, 1857, br. in- i . M. Rossignol. Trait<5 de geographic ct dc statistiquc medicales, ct des maladies en- demiques, comprenant la meleorologie ct la geologie medicales, les lois statistiques de la population et de la mortality la distribution gdographique des maladies , et la pathologie compared des races humaines ; par J. Ch. M. Boudin , mddecin en chef de l'hopital militairc du Roule, ofiicier de la Legion d'honncur, avee 0 cartes ct tableaux. Paris, 1857, 2 vol. in-8". M. le D' Boudin. L'Opuntia ou Cactus Raquette d'Algdrie, par L. Leon de Rosny. Paris, 1857, br. in-8". ( 490 ) litres des ouvrages. Donaleurs. Lettre sur les moeurs ct les habitudes des tortues d'eau douce ct des tortues terrestres de l'Algerie, adressde par M. le docteur A. La- bouysse , chirurgieu aide-major au 52e de ligue , a M. Fournet , professeur de gdologie a la Faculty des sciences de Lyon. Br. in-S". M. Fournet. Notice sur les travaux de la Societe Smithsouicnne de Washington, par Hippolyte Cocheris, attachd a la bibliotheque Mazarine, etc. Paris, 1857, br. iu-S". M Cociiebis. CARTES. Carte du Texas pour les missions et voyages de l'abbe Eni. Dome- nech, dressee d'apres les documents ofGciels topographiques et les travaux de J. Cordova. Paris, 1857, 1 feuille. M. l'abbe Domenecii. Part of the isthmus of Daricn, by dr Cullen. 1 f. M. le Dr Cullen. Bcntheographische Karte des Meeres zwischeu Tenedos und dem Fesllaude der Gesellschaft deutscher Naturforscher und Aerzte bei ihrer zweiunddreissigsteu Versammluug in Wien; Gewidmet von Dr P. VV. Forchhammer. 1 feuille. M. le Dr Fohchhammeb. MEMOIRES DES ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES. — RECUE1LS PERIODIQUES. Journal of the Royal geographical Society. Vol. XX.V1. — Proceedings of the Royal geographical Society of Loudon, uos -£, 5, 7 — Journal of the Franklin Institute, cah. d'octobrc 185G a avril 1857. — Mittheilungen iibcr wichtige ueuc Erforschungeu auf dem Gesamnit- gebiete der Geographic von Dr A. Petermauu, I" n° de 1857. — Bibliotheque universelle de Geneve et Archives des sciences phy- siques et naturelles, fevrier et mars. — Anuales du commerce exte- rieur, fevrier et mars. — Nouvelles Annates des voyages, mars et avril. — Bulletin de la Societe gdologique de France, avril. — Revue de l'Orient, de l'Algerie et des Colonies, mars et avril. — Bulletin dc la Societe zoologique imperiale d'acclimatation, mars. — Annuaire de la Socie'te meteorologique dc France, mars. — L'luvcstigateur, journal de llnstilut hisloriquc, fevrier et mars. — ( 500 ) Titres des uucrages. Donateurs. Annales de la propagation de la foi, mars. — Journal des Missions dvangeMiques, mars. — Nouvcau journal des connaissances utiles, mai. — Journal d'cducation popalaire, mars et avril. — Precis ana lytiquc ties travaux de PAcademie impt'riale des sciences, belles- lettres ct arts de Rouen, pendant l'annde 1835-1856. 1 vol. in-8". — Bulletin de la Sociele lihre d'einulation , du commerce et de l'industrie de la Seine-Inferieure, annexe 1856. 1 vol. in-8°; et Rapport sur ('Exposition universelle de 1835. 1 vol. in-8°. — Me- moires de la Society d'agriculture, commerce, sciences et arts du departement de la Marne, 1855-56. 1 vol. in-8°. — Journal do l'isthme dc Suez, N°s 19, 20, 21 et 22. — L'Esperance, journal gree, 6 n0'. — Emporio ltaliano, Revue scientifique, litteraire, arlis- ti(pie, industrielle et commerciale, publiee en italieu, en anglais et en francai*, \" n' • — L'Eclio du Paciiiquc, 1 n". TABLE DES MATIERES COSTENUES DANS LE TOME XIII DE LA 4e SERIE. N" 73 h 78. ( Janvier a Juin 1857. ) MKMOIItES, ETC. r«Sr. Rapport sur les travaux dc la Societe dc Geographie et lc pro- gres des sciences geographiques, pendant lc cours de I'annco 1856, par M. Alfred Maury 5 Description des mines d'Ascalon , par M. V. Guerin. ancirn membre de I'Ecole franchise d'Athcnes 81 Quclqucs observations sur les inoyeus de developper le com- ' merce de I'Aigerie avec l'interieur de I'Afrique, et en parlicu- lier sur ceux de se rend re de I'Aigerie dans le Senegal en passant par Tombouctou; accompagnees de remarques sur le Maroc, par M. Snider-Pellegriui 161 Discours prouonce' a la stance geuerale du 17 avril 1857, par M. Guigniaut, president, membre dc I'Instttut, et professeur de geographic a la Sorbouue 257 Rapport sur le concerns au prix annuel pour la decouvertc la plus importante en geographic, par M. Jomard 262 Apercus d'un voyage dans les Etats de Sau-Salvador et de Guate- mala, par M. I'abbc Crasscur de Bourbourg 272 [ 502 ) Apercu glographiqne do la haute Albanie, par M. II. Ilecquard, consul de France a Scutari 293 Fragments etlmologiques, 1° Sur los vestiges des peuplcs gaeli- que et cymrique, dans quelques controls de l'Europe occiden- tale; 2° Sur la couleur de la chevclure des Celtes on Gaulois; 3° Sur les liens de famillc eutre les Gaels et les Cymris, par lc Dr J. A. N. lVrior, medecin principal a l'Hotel imperial des invalidcs. — Premier fragment 301 Id. Deuxiome fragment ■ 417 ANALYSES, RAPPORTS, ETC. Rapport sar I'ouvrage de M. Alfred Maury, intitule : La Terreet V Homme ; par M. A. de Quatrefages 96 Rapport sur la Description de Tile de Patmos et de File de Samos, de M. V. Gucrin, aneien menibre del'Ecole franchise d'Athenes ; par M. Poulain de Bossay 1 29 Rapport sur I'ouvrage intitule^ : Narrative of an exploring voyageup the rivers Kwora and Binne, by W. Balfour Baikic; par M. Jacobs Ill Rapport sur le voyage en Californie et dans 1'Oregon de M. de Saint-Amaut ; par .1/. Alucrt-Monlcmont 1 oO Rapport sur I'ouvrage de M. de Gobincau, intitule : Essai sur Vine'galitd des races humaines; par M. de Quatrefages 193 Rapport de M. Cortambcrt, sur le Voyage dans la Turquie d'Eu- rope, par M. Viquesnel, et Notice statistiquc sur lenipire ottoman, d'apres cet ouvragc 321 Rapport de M. Mauroysur l'llistoire secrete de Juslinicn (Avsx- fJcTa), par lc seuatcur Procopc dc Ce"sar(!c, traduite par M. Isambert 353 Rapport dc M. de Froidefouds des I'arges, sur I'ouvrage inti- tule : Colonic du Cap de Bounc-EspCrance, par M. E. Blau- chcton, consul dc France 374 Rapport fait a la SocictC dc geograpbie, sur I'ouvrage de M. Al- ( 503 ) frcd Maury, intitule1 : Lcs 1'orcts dc France dans I'antiquilo ct a»< moyen Age; par M. Ernest Desjardins. 451 Sejour clioz lc grand clukif dc la Mekke, par M. V. A. Malte- Bruo 472 Du projcl dc communication interoclanique par listhmede Da- rien, a I'aide d'un canal maritime du port Escoces ;'i I'em- boucliure de la riviere Savana dans lc golfe San-Miguel, par M. V. A. Malte-Brun 470 Note sur l'Atlas du Mexique dc M. Garcia y Cubas, par M. V. A. Maltc-Orun 488 Tableau des divisions politiqucs duPerou, depuis 1853, com- munique par M. E. Cortambert 490 NOUVELUCS ET COVIYIIJIMIC ATIONS. Compte rendu de la sdance de la Socitfte" impe'riale gcogra- phique dc Russie, du 28 uovembre 1856 C8 Extrait d'uue lettre adrcss^e du Caire, le 20 Janvier 1857, a M. Jomard, membrc dc 1'Institut, sur rexpedition aux sources du Nil Blanc 71 Extrait d'unc lettre de M. le doctcur Henri Bartb a M. Jomard. 2 42 Extrait dune lettre de M. Berthelot, ancien secretaire general de la Society de geographie, agent consulaire de France a Tdne'riffe, a M. Jomard 243 Note relative a la discussion sur Alesia, parM. Ernest Desjardins. 246 Mort du voyageur sut'dois Wablberg 248 Socidte" geographiquc impdriale dc Russie. Proces-vcrbal de la sCance genih'ale du 27 octobre 1856 382 Extrait d'un traite signc cntre Siam et la France 402 Note sur Ies obsequesdu docteur Kane, par M. De la Roquettc. 403 Note sur des renseignements relatifs a des navires abandounc"s a l'ouest dc la baie de Pond, ct sur des Europeans vus dans FinteYieur des tcrrcs arctiqucs, et sur une nouvcllc expedi- tion a la recherche dc sir John Franklin ; par lc m&me 405 ( 504 ) aCtes l)!'. i.\ such 1 1 . Paget. Extraits des proces-verl>an\ des stances de la Commission cen- tral "4- 154, 249, 410, 492 Ouvrages ofTerts 79, 1G0, 2r.4, 498 Errata du ealiier dc Kvrier 23G 1'l.ANCliE. Carte itineraire des explorations faites de 1S49 a lS.'iG , dans I'Afrique australe, par le reverend David Livingstone; par M. V. A. Malte-Briin. LOR; FIN UU TBBIZlkMB VOLUME.