pre PE als LENS PONS EE IN SOCIÉTÉ ROYALE DE BOTANIQUE DE BELGIQUE Annoot-Brae C BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE BOTANIQUE DE BELGIQUE FONDÉE LE 1% JUIN 1862 TOME DIX-SEPTIÈME BRUXELLES AU SIÉGE DE LA SOCIÉTÉ JARDIN BOTANIQUE DE L’ÉTAT 1878 SL; ‘ fee 17 4 LA Atiebite Etre D ASC IAUENATE ARDENNES" PAL LUTTE AR AT LONTSC Le se AUOT UTP 4e CIC DEL LI SRE LE 02 DR A ME TT A : de à . HA ur ; “ace Ni us ouest qR MU | 4 PASSES % LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE BOTANIQUE DE BELGIQUE. (1878) MEMBRES EFFECTIFS. ALrorT (Morton), naturaliste, à Hobart-Town (Tasmanie). Ascaman, docteur en médecine, président du Collége médical et de la Société botanique, à Luxembourg. BAETENS (E.), fabricant, à Lokeren. Baqusr (Ch.), avocat, rue des Joyeuses Entrées, 6, à Louvain. BaLasse (Alph.), avocat, rue de Laeken, 6, à Bruxelles. Bawps (C.), docteur en médecine, à Hasselt. Bauwens (L.), receveur des contributions, à Koekelberg, près de Bruxelles. BEAUJEAN (R.), directeur de l’École moyenne, à St-Hubert. Bernarp (C.), chef de bureau au Ministère de l'Intérieur, rue Malibran, 5, à Ixelles. BERTRAND, commis à la direction des postes, place St-Josse,17, à St-Josse-ten-Noode. BLocx (l'abbé), professeur au collége St-Rombaut, à Malines. BLONDEAU, ancien régent à l’École moyenne, à Thuin. Bonson (L.), pharmacien, rue des Guillemins, 14, à Liége. (vu) BocaErTs, directeur des Jardins royaux, à Laeken. BorGeLor (l'abbé CI.), curé à Filée-Goesmes et Jallet (Condroz. — Namur). Bowxer (J.-E.), conservateur au Jardin botanique de l’État et professeur à l’Université, rue de la Chancellerie, 18, à Bruxelles. Bonnaerr (Raoul), rue de la Réunion, 5, à Mons. Bourpeau (H.), pharmacien, à Soignies. Brenarp (É.), propriétaire, à Rebecq-Rognon. Briarr (Alex.), à La Hestre. LE Britren (James), assistant à l’herbier du British Museum, Londres. BroqueT (B.), commissaire d'arrondissement, à Ath. BrunauD (P.), avoué-licencié, à Saintes (Charente-Inférieure). Burcers, pharmacien, faubourg St-Léonard, à Liége. Cawpiox (F.), greffier de la justice de paix, à Vilvorde. Canpëze, docteur en médecine, à Glain, près de Liége. CARDON (Évariste), propriétaire, Marché aux Veaux, 1, à Gand. Carwoy (l'abbé J.-B.), professeur de botanique à l'Université, rue Marie-Thérèse, 191, à Louvain. CarroN (G.), rue Coppens, 7, à Bruxelles. Casier (E.), sous-lieutenant, à Mariembourg. CHarLier (Eug.), docteur en médecine, faubourg St-Gilles, 19, à Liége. CoENEN (Arm.), à Heer, près de Maestricht. Cocntaux (A.), conservateur au Jardin botanique de l’État, rue Botanique, 44, à Bruxelles. Coomans (L.), pharmacien, rue du Poincon, 62, à Bruxelles. Coomans (V.), chimiste, rue du Poincon, 62, à Bruxelles CoururtEr (L.), instituteur à l’École moyenne, à Soignies. Covxow, professeur au Collége communal, à Dinant. CRANINx (Ose.), rue de la Loi, 84, à Bruxelles. (IX) Crépix (F.), directeur du Jardin botanique de l’État, rue de l'Esplanade, 8, à Bruxelles. DaRDENNE (É.), régent à l’École moyenne, à Andenne. Darox (P.) industriel, à Annevoie, près de Dinant. De Berz,, rentier, rue St-Alphonse, 59, à St-Josse-ten-Noode. DE BRUTELETTE (B.), membre de la Société botanique de France, rue St-Gilles, à Abbeville. DE Buzcemonr (E.), rue d'Orléans, 52, à Ixelles. Desy (J.), ingénieur, rue de la Vanne, 21, à Ixelles. DE CaNNaRT-D'HAMALE, sénateur, à Malines. DE CREErT (Ch.), ingénieur agricole, à Hasselt. DE GELLINCK DE WALLE, à Gand. pe HeLoreicu (Th.), directeur du Jardin botanique, à Athènes. DE KERCHOVE DE DENTERGHEM (Osw.), gouverneur de la province de Hainaut, à Mons. Dekerck (G.), horticulteur, rue Charles VI, à St-Josse-ten- Noode. De Kevzer (Edg.), docteur en droit, rue des Sœurs-Noires, 4, à Gand. DE LAcERDA, consul de Belgique, à Bahia. DeLuaLLe (D.), rue de Tirlemont, à Louvain. DeLone (D.), aide-naturaliste au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles. DE Moon (V.), médecin-vétérinaire, à Alost. DE Prrreurs (Ch.), docteur en sciences naturelles, à Zepperen, par St-Trond. DE Pris (A.), docteur en droit, place du Peuple, à Louvain. DE Ripper (l’abbé P.), directeur de l’Hospice St-Antoine,à Gand. DéséGuise (A.), rue Thalberg, 4, à Genève. DE SELys-Lonccaamps (Edm.), sénateur, boulevard de la Sauve- nière, 34, à Liége. De Sicers (V.), propriétaire, à Hasselt. , 2, + LA # (x) DETERME (T.), à Mariembourg. DewaeL (J.), docteur en sciences naturelles, rue Otto-Venius, à Anvers. DonckiEr DE DonceeL (Henri), aide-préparateur au Musée royal d'histoire naturelle, à Bruxelles. | Doucer (H.), conseiller communal, rue de la Loi, 157, à Bru- xelles. DurResne (l'abbé), professeur au Séminaire de Chicoutimi (prov. de Québec). Duponr (Éd.), directeur du Musée royal d'histoire naturelle, à Bruxelles. Duran» (É.), rue Lambert-Lebègue, 12, à Liége. Duranp (Th.), rue Lambert-Lebègue, 12, à Liége. DuvERGIER DE HAURANN8 (E.), membre de la Société botanique de France, rue de Tivoli, 5, à Paris. ErRERA (Léo), rue Royale, 6°, à Bruxelles. Fiscuer (E.), médecin-vétérinaire, à Luxembourg. FonTAINE (A.), général, quai des Moines, à Gand. FonTAINE (C.), bourgmestre, à Papignies. Fuxcr (N.), directeur du Jardin zoologique, à Cologne. Fusxor, chaussée de Waterloo, 129, à Ixelles. G£&IRNAERT (B.), à Sleidinge. GENEVIER (G.), pharmacien de 1'° classe, quai de la Fosse, 83, à Nantes. GEVAERT (Gustave), étudiant, rue des Petits Carmes, 20, à Bruxelles. GEVAERT (Paul), élève à l'École militaire, rue des Petits Carmes, 20, à Bruxelles. GieLEN (J.), rentier, à Maeseyck. G1LBERT (Ch.), rentier, rue du Nord, 29, à Anvers. Gizxier (Alfred), professeur à l'Université, rue Renkin, à Liége. (x) GILLE (N.), professeur à l’École de médecine vétérinaire, à Cureghem. GiuLekens, directeur de l’École d’horticulture de l'État, à Vilvorde. GizLon (J.), chef de bureau à la Banque nationale, rue Bériot, 52, à St-Josse-ten-Noode. GRaveT (Fréd.), à Louette-St-Pierre, près de Gedinne. Gravis (A.), étudiant à l’Université, rue de Naples, 22, à Ixelles. GRoves (J.), Richmond Terrace, 13, Clapham Road, S. W., à Londres. GRÜ\ (K.), docteur en sciences naturelles et pharmacien, Pont St-Laurent, à Verviers. Guiuor (l’abbé), curé, à Bourseigne-Neuve. Hannon (F.), docteur en médecine, rue du Marais, 75, à Bruxelles. Harpy (A.), instituteur à l'École moyenne, à Visé. HarTman (L.), rue Van Schoor, 41, à Schaerbeek. HecxinG (Osc.), rentier, rue de la Station, à Louvain. Hennuy (L.), rue St-Pierre, à Dinant. Heyman (Ch.), rue des Deux Églises, 42, à Bruxelles. Hoskirk (Ch.-P.), West Riding Union Bank, à Huddersfield. Houzeau DE LEHAYE, professeur à l'École des mines, à Hyon, près de Mons. Huarr (l'abbé Victor), professeur au Collége de Chicoutimi (prov. de Québec), InGeus (R.-C.), directeur de la Maison des aliénés, hors de la porte de Bruges, à Gand. Jackson (B.-D.), Stokwell Road, 30, à Londres. Jacquemin (G.), capitaine au régiment des Carabiniers, rue du Chemin de fer, à St-Josse-ten-Noode. Joy (A.), professeur à l’Université, rue Marie-Henriette, 3, à Ixelles. ( x ) Kickx (J.-J.), professeur de botanique à l’Université et direc- teur de l’École d’horticulture de l’État, rue St-Georges, 28, à Gand. Kozrz (J.-P .-J), garde général des eaux et forêts, à Luxem- bourg. LaBOULLE, inspecteur honoraire des écoles communales, à Verviers. Lacroix, géomètre, rue de Stassart, 75, à Ixelles. Lacasse, professeur de chimie à l’École normale, à Nivelles. LaGassE (Ern.), avocat, rue de la Paille, 56, à Bruxelles. LanGLois (J.), industriel, rue de l'Hôpital, 535, à Bruxelles. Lesouco (H.), docteur en médecine, rue d’Argent, 9, à Gand. Le Cour (Th.), rentier, à Gislenghien. Lecoyer (J.), instituteur à l’École moyenne, à Wavre. LeneGanck (K.), docteur en médecine, rue des Longs-Chariots, 26, à Bruxelles. LeJEunE (Ph.), directeur de l’Institut agricole, à Gembloux. Le Lorrain (C.), lieutenant au Dépôt de la guerre, à la Cambre, près de Bruxelles. Lorce (V.), répétiteur à l’École de médecine vétérinaire, avenue de la Porte de Hal, 21, à St-Gilles. Louis (H.), horticulteur, hôtel d’Arenberg, petit Sablon, à Bruxelles. | Lugsers (L.), chef de culture au Jardin botanique de l'État et secrétaire de la Société royale de Flore, rue du Berger, 26, à Ixelles. Macaise (C.), professeur d'histoire naturelle à l’Institut agricole, à Gembloux. MansveLr (A.), à Mariembourg. Marcna (Ë.), conservateur au Jardin botanique de l’État et professeur à l’École d’horticulture de Vilvorde, rue Botani- que, 40, à Bruxelles. (30) MaRLOIE, régent à l’École moyenne, à Dinant. MARTENS (Éd.), professeur de botanique à l’Université, rue Marie-Thérèse, 27, à Louvain. MassancE (L.), à Malmedy. Masson (J.), pharmacien, à Haillot, près d’Andenne. Maugerr (le frère), directeur du pensionnat St-Ferdinand, à Jemmapes. Méau {Ad.), pharmacien de 1"° classe, rue Nationale, 160, à Villefranche (Rhône). MecLcarrts (J.-F.), curé, à St-Alphonse-in-’t-Goor (Heyst-op- den-Berg ; province d'Anvers). Mercier, pharmacien, chaussée de Wavre, 98, à Ixelles. Meyer (J.), chimiste, à Eisch, près de Luxembourg. Micuor (l’abbé), à Mons. Miécevize (l’abbé), à Notre-Dame-de-Garaison (département des Hautes-Pyrénées). Mowueim (V.), conseiller communal, à Aix-la-Chapelle. Mourox (V.), étudiant, rue d’Archis, 55, à Liége. Muzuer (F.), président de la Société royale Linnéenne, rue du Beau Site, Quartier-Louise, à Bruxelles. Noerner, professeur retraité, rue des Orphelins, 22, à Louvain. ORBAN DE Vivario, à Castelalne, par Havelange (province de Namur). Perir (E.), à Nimy-lez-Mons. Prerry (E.), rue Vivegnis, 238, à Liége. Pizoy (L.), place de Brouckère, 5, à Bruxelles. Piré (L.), professeur à l’Athénée royal et secrétaire du Conseil de surveillance du Jardin botanique de l’État, rue Keyen- veld, 111, à Ixelles. PREUDHOMME DE BORRE (A.), conservateur-secrétaire au Musée royal d'histoire naturelle, à Bruxelles. ( xIv:) Purzeys (J.), secrétaire général-au Ministère de la Justice, chaussée St-Pierre, 70, à Etterbeek, près de Bruxelles. PYNAERT (Éd.), architecte de jardins et professeur à l’École d’horticulture, rue de Bruxelles, 142, à Gand. Quirinr (l'abbé), professeur à l’Institut St-Louis, rue du Marais, à Bruxelles. Rosie, instituteur, à Forest, près de Bruxelles. Ropier, secrétaire de la Cour d’appel,rue Saubat,27,à Bordeaux. Ronicas (Ém.), directeur du Jardin zoologique et professeur à l'École d’horticulture, quai des Moines, à Gand. RonDay (H.), capitaine au 2 rég. de Chasseurs à pied et pro- fesseur à l’École spéciale des sous-officiers, à Hasselt. RossienoL (Alph.), professeur au Collége, à Chimay. Royer (Ch.), avocat, à St-Rémy, près de Montbard (Côte-d’Or). ScHamBercer (P.), régent à l’École moyenne, à Thuin. ScHerrFers (L.-N.), à Maestricht. Scamirz (l’abbé), professeur de botanique au Collége N.-D. de la Paix, à Namur. Scaürz-LouBric, négociant en vins, quai des Chartrons, 3, à Bordeaux. Sowver (Ern.), préparateur au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles. STASsE (N.), pharmacien, à Ougrée. STEPHENS (H.), architecte de Jardins, rue St-Séverin, à Liége. STRAIL (l’abbé Ch.), à Paifve, près de Glons. STRATTON (Fréd.), à Newport (Ile de Wigtht. — Angleterre). STRUELENS (A.), professeur, à Grammont. Tosquiner (J.), médecin principal, à Tournai. Van BauBeke, docteur en médecine et professeur à l’Université, rue Haute, 5, à Gand. Van BASTELAER (D.-A.), pharmacien, Ville-Haute, à Charleroi. VanDEN8ORN (l’abbé H.), inspecteur diocésain, à Hasselt. CA) Vanoex BroEck (H.), rentier, rue de l'Église, 116, 5° section, à Anvers. VanDen HEUVEL, docteur en sciences naturelles,rue de Laeken, 48, à Bruxelles. VANDERHAEGHE (H.), rue des Champs, 68, à Gand. VANDERKINDERE (L.), professeur à l’Université libre, à Ucele. Vanper Meersca, docteur en médecine, rue de Bruges, 42, à Gand. Vanper Srock, professeur à l’École normale, rue des Sables, à Bruxelles. | Van De Wouwer, président du Cercle floral d’Anvers, à Cappellen. Van Hazsenponcr (C.), docteur en médecine, à Tongerloo. Van Heurck (H.), directeur-professeur du Jardin botanique, rue de la Santé, 8, à Anvers. Van Horex (Fr.), conservateur au Musée royal d’histoire natu- relle, à Bruxelles. Van Horen (H.), pharmacien, à St-Trond. Van MerRBEECK (E.), rue Vieille-bourse, à Anvers. VanPé, régent à l’École moyenne et échevin, à Forest. Van SeGvELT (Edm.), rue du Serment, 11, à Malines. Van Zuyzen (Alb.), avocat, rue Kipdorp, 65, à Anvers. VeR&EGGen (H.), régent à l’École moyenne, à Maeseyck. VÉRO (Mie J.), rue du Parnasse, 24, à Bruxelles. VinDEVOGEL (F.), sous-chef de culture au Jardin botanique de l'Etat, à Bruxelles. WaRsAGE (W.), répétiteur d'histoire naturelle et de zootechnie à l’Institut agricole, à Gembloux. WEsMAEL (A.), architecte de jardins, à Nimy. WILLEMART (A.), à Elouges. WiLcems (A.), horticulteur et architecte de jardins, rue du Bourgmestre, à Ixelles. ( xvi ) MEMBRES ASSOCIÉS. ALLEMAGNE. DE Bary (A.), professeur de botanique à l'Université, à Stras- bourg. Eicuzer (A.-W.), professeur de botanique à l’Université, à Berlin. FENZL, professeur et directeur du Jardin botanique, à Vienne. GarGkE (A.), professeur et conservateur de l’herbier royal, à Berlin. Koca (K.), professeur à l’Université, Gendhiner Strasse, 55. W., à Berlin. Lôur (M.-J.), pharmacien, à Cologne. PrinGsneim (N.), à l’Académie des sciences, à Berlin. ReicHENBACH fils, professeur et directeur du Jardin botanique, à Hambourg. REICHENBACH (L.), ancien professeur de botanique, à Leipzig. ScaimPer (P.-W.), professeur à l’Université, à Strasbourg. Srossicx, secrétaire de la Société d’horticulture, à Trieste. ANGLETERRE. BaBinGron (Ch.-C.), professeur de botanique à l’Université, à Cambridge. Barker (J.-G.), assistant à l’herbier du Jardin royal, à Kew. Bazrour (J.-B.), professeur et directeur du Jardin botanique, à Édimbourg. BENTHAM (G.), ancien président de la Société Linnéenne, Wilton place, 25,S. W., à Londres. ( xvir ) Hooker (J.-D.), directeur du Jardin royal, à Kew. Moore (D.), directeur du Jardin botanique, à Dublin. Over, conservateur de l’herbier du Jardin royal, à Kew. AUSTRALIE. Muezer (Ferd.vox), botaniste du gouvernement, à Melbourne. CHINE. Hance (H.-F.), à Hong-Kong. DANEMARK. LanGE (J.), professeur à l’Académie royale d’agriculture et d’horticulture, à Copenhague. ÉTATS-UNIS. Gray (Asa), professeur de botanique à l’Université, à Cam- bridge. FRANCE. Bureau (Éd.), professeur au Muséum, quai de Béthune, 24, à Paris. CLos (D.), professeur et directeur du Jardin des plantes, à Toulouse. Cosson (E.), docteur en médecine, rue Abbatueci, 7, à Paris. Decaisxe (J.), professeur au Muséum, rue Cuvier, 57, à Paris. DucxarrRe (P.), professeur de botanique à la Faculté des sciences, rue de Grenelle, 84, à Paris. Duvaz-Jouve (J.), inspecteur honoraire d’académie, rue Auguste Broussonnet, 1, à Montpellier. Fournier (Eug.), docteur en médecine et en sciences naturel- les, rue Neuve-St-Augustin, 10, à Paris. CIN }) GERMAIN DE SAINT-PIERRE (E.), au château de Bessay, par Chan- tenay-St-Imbert (Nièvre). Gopron (D.-A.), professeur honoraire de l'Université, rue de Ja Monnaie, 4, à Nancy. JonDan (A.), rue de l’Arbre-Sec, 40, à Lyon. Le Jouts (V.), président de la Société des sciences naturelles, à Cherbourg. NYLANDER, ancien professeur de botanique, à Paris. PLancuox (É.), professeur à la Faculté dessciences, à Mont- pellier. TuLasnE (L.-R.), membre de l’Institut, à Hyères. HOLLANDE. Oupemans (C.-A-J.-A.), professeur de botanique à l’Université, à Amsterdam. SuRINGAR, professeur de botanique à l’Université, à Leyde. Van DER SANDE Lacoste (C.-M.), à Amsterdam. ITALIE. CaruEL (T.), professeur et directeur du Jardin botanique, à Pise. Toparo (A.), professeur et directeur du Jardin botanique, à Palerme. LUXEMBOURG. KrowBacu (J.-H.-G.), ancien pharmacien, à Luxembourg. RUSSIE. FiscHErR DE WaLbHEeIm, professeur à l’Université, à Varsovie. ( xx ) Maximowicz (C.-J.), mermbre de l’Académie des sciences, à Saint-Pétersbourg. ReceL (E.), directeur des Jardins impériaux, à Saint-Péters- bourg. SUISSE. Boiss'er (Edm.), ruc de l'Hôtel-de-Ville, 4, à Genève. DE CaNDOLLE (Alph.), Cour St-Picrre, 3, à Genève. Fiscuer, professeur et directeur du Jardin botanique, à Berne. VÉNÉZUÉLA, Erwsr, professeur à l’Université, à Caracas. Liste des Académies, Sociétés savantes, Revues pério- diques, etc, avec lesquelles la Société échange ses publications. Allemagne. Berlin. — Botanischer Verein für die Provinz Brandenburg und die angrenzende Länder. Brême. — Naturwissenschaftlicher Verein. Brünn. — Naturforschender Verein. Budapest. — Musée national de Hongrie. Carlsruhe. — Naturwissenschaftlicher Verecin. Chemnitz. — Naturwissenschaftlicher Gesellschaft. Erlangen. — Physikalisch-medicinischen Societät. Giessen. —Oberhessische Gesellschaft für Natur-und Heiïlkunde. Graz. — Naturwissenschaftlicher Verein für Steiermark. Kiel. —Naturwissenschaftlicher Verein für Schleswig-Holstein. Künigsberg. — Kônigsliche physikalisch-ôkonomische Gesell- schaft. (xx ) Leipzig. — Botanische Zeitung; rédacteurs : MM. De Bary et Kraus. Metz. — Société d'histoire naturelle. Trieste. — L’Amico dei campi; rédacteur : M. Stossich. Vienne. — Kaiserliche-kônigliche Zoologisch-botanische Ge- sellsehaft. Zuwickau. — Verein für Naturkunde. Angleterre. Édimbourg. — Botanical Society. Londres. — Journal of Botany ; rédacteur : M. Trimen. » Linnean Society. » Royal microscopical Society. » The Gardeners’Chronicle ; rédacteur : M. Masters. Australie. Tasmania. — Royal Society. Belgique. Bruxelles. — Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts. » Fédération des Sociétés d’horticulture. » Observatoire royal. » Société belge de géographie. » » belge de microscopie. » » entomologique de Belgique. ) » malacologique de Belgique. Fraipont-Nessonvaux. — Société botanique. Mons. — Société des sciences, des lettres et des arts du Hainaut. Danemark. Copenhague. — Botaniske Forening’s Kjôbenhavn. (xx) États-Unis. Boston. — Society of natural History. Washington. — Smithsonian Institution. France. Alger. — Société algérienne de climatologie, sciences physi- ques et naturelles. Angers. — Société académique de Maine-et-Loire. » » d’études scientifiques. Annécy. — Société Florimontane. Bordeaux. — Société Linnéenne. Caen. — Société Linnéenne de Normandie. Cherbourg. — Société des sciences naturelles. Lyon. — Société botanique. » » d'agriculture, sciences et arts utiles. » » d’études scientifiques. Montpellier. — Revue des sciences naturelles; rédacteur : M. Dubreuil. » Société d’horticulture et d'histoire naturelle. Paris. — Brébissonia. Revue mensuelle illustrée d’algologie et de micrographie botanique, rédacteur : M. G. Huberson. » Feuille des jeunes naturalistes. » Société botanique de France. » » Linnéenne. Rouen. -— Société des amis des sciences naturelles. Toulouse. — Académie des sciences, inscriptions et belles- lettres. Société des sciences physiques et naturelles. ( XXII ) Grand-duché de Luxembourg. Luxembourg. — Institut royal Grand-Ducal. ) Société botanique. Hollande. Nimègue. — Nederlandsche botanische vereeniging. Italie. Bologne. — Giornale di agricoltura industria e commercio del regno d'Italia; rédacteur : M. Botter. Milan. — Socicta italiana di scienze naturali. Palerme. — Accademia di scienze e lettere. » Giornale di scienze naturali e economische. Pise. — Nuovo giornale botanico italiano; rédacteur M. Caruel. | Venise. — Reale Instituto veneto di scienze, lettere ed arti. Russie. Helsingfors. — Societas pro Fauna et Flora Fennica. Moscou. — Société impériale des naturalistes. Saint-Pétersbourg. — Jardin impérial de botanique. Suède. Christiania. —- Université de Norvège. Lund. — Université. Upsal. — Société royale des sciences. Suisse. Saint-Gall. — Naturwissenschaftlichler Gesellschaft. BULLETIN DE LA SOCIÈTÉ ROYALE DE BOTANIQUE DE BELGIQUE. Di — 1878. — N° 1. Seance du 5 mai 1878. (Extrait du procès-verbal.) M. B.-C. Du Mortier, président. M. F. Crépin, secrétaire général. Sont présents : MM. Aschman, C. Baguet, L. Bauwens, L. Bodson, F. Campion, G. Carron, A. Cogniaux, L. Coomans, V. Coomans, L. Couturier, P. Daron, C. Delogne, de Selys-Longchamps, L. Errera, E. Fischer, G. Gevaert, P. Gevaert, Ch. Gilbert, J. Gillon, A. Gravis, O. Hecking, J.-J. Kickx, J. Koltz, Th. Le Comte, J. Lecoyer, C. Le Lorrain, H. Louis, É. Marchal, Éd. Martens, F. Muller, F. Noefnet, L. Piré, Ém. Rodi- gas, E. Sonnet, A. Stasse, Ch. Strail, H. Vanderhaeghe, G. Van Haesendonck, J. Vanpé, A. Van Zuylen, F. Vin- devogel. (2) Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 décembre 1877. Ce procès-verbal est adopté. Il donne ensuite lecture de la correspondance. Le Président fait connaitre à l'assemblée que deux membres associés de la Société, MM. Elias Fries et Durieu de Maisonneuve sont décédés et que le Conseil propose de remplacer le premier par M. Caruel, profes- seur et directeur du Jardin botanique de Pise. L'assem- blée accepte la proposition du Conseil et M. Caruel est proclamé membre associé. Le Président développe, de nouveau, les considérations qui lui ont fait proposer, à la séance du 2 décembre dernier, une herborisation générale, pour 1878, sur le plateau élevé de la Baraque de Fraiture. Ce projet d’herborisation est adopté et MM. Koltz, Bodson et Crépin sont chargés de prendre les mesures nécessaires pour l'organisation de l'herborisation. [Il est décidé que celle- ci aura lieu dans la 1"° quinzaine du mois de juillet. M. A. Cogniaux annonce un travail intitulé : Remar- ques sur les Cucurbitacées brésiliennes et particulièrement sur leur dispersion géographique, qu’il destine au Bul- letin. Sont nommés commissaires : MM. Martens, Kickx et Piré. Le Secrétaire général demande la parole pour attirer Fat- tention de l'assemblée sur la carte géologique de Belgique d'André Dumont, réduite par MM. Le Lorrain et Henry, officiers attachés au dépôt de la guerre. Cette carte, réduite tre 7 f WU, 12 7, 7) y f # 6 ER j) (5) avee une grande fidélité et d’une exécution parfaite, est appelée à rendre des services aux botanistes qui étudient la distribution géographique des plantes de notre flore indigène. Le prix de einq francs met cette carte à la portée des bourses les plus modestes. Les membres effectifs suivants ont été admis par le Conseil, et leur admission est ratifiée par l'assemblée. MM. De Gellinck de Walle, à Gand; présenté par MM. Muller et Kickx. Van de Wouwer, président du Cercle floral d'Anvers; présenté par MM. Muller et Gilbert. DRASS EN L'HONNEUR DE MONSIEUR B.-C. DU MORTIER. BRUXELLES 5 MAI 1878. Compte-rendu publié au nom du Comité d'organisation, par L. Piré, secrétaire. Le 29 novembre 1877, M. Delcour, ministre de l’Inté- rieur, adressait, à M. le Directeur du Jardin botanique de l’État, une lettre par laquelle il lui annonçait que le gouvernement se proposait de faire exécuter, pour le Jardin botanique, les bustes de M. Du Mortier et de Dodoens. M. le Directeur invita les membres du Conseil de surveillance et du personnel du Jardin, ainsi que ceux du Conseil d'administration de la Société royale de botanique, = 0] UE) à se réunir à l'effet d'organiser une fête à l’occasion de | l'inauguration du buste de M. Du Mortier. Cette proposi- tion fut accueillie avec enthousiasme, et le 2 décembre un Comité d'organisation fut constitué. Celui-ci décida que la fête consisterait en une séance solennelle pendant laquelle serait découvert le buste, qu'elle se terminerait par un banquet et qu'une médaille commémorative serait frappée pour être distribuée aux souscripteurs. Le Comité d'organisation était composé de : MM. F. Muller, président. L. Piré, secrétaire. Ë. Marchal, trésorier. Baguet, membre du Conseil d'administration de la Société royale de botanique. Bogaerts, directeur des parcs royaux et membre du Conseil de surveillance du Jardin botanique. Bommer, conservateur au Jardin botanique. Cogniaux, idem. Coomans, trésorier de la Société royale de botanique. Crépin, directeur du Jardin botanique de l'État. Delogne, aide-naturaliste au Jardin botanique. Gilbert, membre du Conseil d'administration de la Société royale de botanique. Kickx, idem. Lavallée, membre du Conseil de surveillance du Jardin botanique. Lubbers, chef de culture au Jardin botanique. Martens, membre du Conseil d'administration de la Société royale de botanique. Van Haesendonck, idem. Vindevogel, sous-chef de culture au mème établis- sement, 69) Le 25 janvier 1878, la circulaire suivante fut adressée aux membres de la Société royale de botanique et à toutes les personnes qui s'intéressent aux sciences naturelles, à l'horticulture, à la pomologie, ete. Bruxelles, le 25 janvier 1878. Monsieur, Le gouvernement a décidé qu’un buste en marbre de M. B.-C. Du Monrier serait exécuté par l’un de nos meilleurs artistes, pour être placé dans la galerie des herbiers, au Jardin botanique de l’État. A cette occasion, un Comité comprenant les membres du Conseil de surveillance, le personnel du Jardin botanique et les membres du Conseil d'administration de la Société royale de botanique, s’est constitué à l’effet d'organiser une fête en honneur de leur vénérable Président. Cette manifestation, qui aura lieu dans le courant du mois d’avril prochain, consistera en une séance solennelle pendant laquelle sera inau- guré le buste de l’illustre botaniste belge. Une médaille commémorative en bronze sera remise à chaque souscrip- teur et la fête se terminera par un banquet. Nous espérons, Monsieur, que vous voudrez bien vous associer à cette manifestation et nous vous prions d’agréer l'expression de nos sentiments les plus distingués. Le Secrétaire, Le Président du Comite, L. Piré, F. Muzcer, Secrétaire du Conseil de surveillance Vice-Président de la Société royale de du Jardiu botauique de l’État. botanique de Belgique. Le Trésorier, É. MaRCHAL, Conservateur au Jardin botanique de l'État. NOTA. Un bulletin de souscription était joint à celte circulaire. Le prix de souscription pour la séance d’inauguration, la médaille et le ban- quet avait été fixé à 15 francs ; à 6 francs pour la médaille et la séance d’inauguration sans le banquet. (6: ) SÉANCE SOLENNELLE. La date de l'inauguration du buste de M. Du Mortier avait été fixée au dimanche 5 mai, afin de faire coïncider cette manifestation avec la séance de la Société royale de botanique de Belgique. Vers deux heures, le héros de la fête est introduit dans la grande salle des herbiers, qui avait été ornée, pour la circonstance, de drapeaux et de fleurs. Sur une estrade,avaient pris place MM. Delcour,ministre de l’intérieur, Becrnaert, ministre des Travaux publics, Lavallée, vice-président du Conseil de surveillance du Jardin botanique, L. Piré, secrétaire du même Conseil, F. Muller, vice-président de la Société royale de botani- que et Bogaerts, tous deux membres du Conseil de surveil- lance, et J. Jottrand, bourgmestre de St-Josse- ten-Noode. Un publie nombreux assiste à la séance. Au fond de l’estrade, s'élevait, sur un socle, le buste de M. Du Mortier,couvert d'une longue draperie blanche. Cette œuvre est due à M. Melot, sculpteur. Aussitôt que M. Du Mortier eut pris place sur l'estrade, M. F. Muller, président du Comité d'organisation, pro- nonca le discours suivant : Messieurs LES Ministres, CHER ET HONORÉ PRÉSIDENT, MESSIEURS, La date du ÿ mai marquera dans les annales de la botanique : le gou- vernement qui aime toujours à répondre, d’une manière favorable, aux vœux formulés au nom de la science, a bien voulu décider que le buste de Barthélemy Du Mortier serait placé au Jardin botanique. Nous avons pensé qu’il y avait un devoir pour nous d’honorer dès maintenont, par un témoignage particulier de notre affection et de notre LE) gratitude, l’homme qui, dans la période actuelle, a été le principal propa- gateur et le représentant le plus illustre de la science botanique en Belgique. Vos services, cher et honoré Président, sont si nombreux; l'intrigue et l’adulation sont si opposées à votre caractère, aux préoccupations de ceux qui cultivent la science pour elle-même, que le gouvernement n’a pas voulu contrarier l’élan de nos cœurs. En confiant à un artiste de mérite l'exécution de l’œuvre que nous inaugurons aujourd’hui, il nous a permis, consolation bien précieuse, de devancer le jugement de ceux qui nous suecéderont et qui vous raugeront parmi les gloires nationales. Doué d’une âme ardente, d’un vaste esprit d'observation et de critique, d’un jugement sûr, vous avez relevé avec vigueur le drapeau de la science en Belgique. Il v a près de soixante ans, vos « Commentationes botanicæ » suivies bientôt de votre « Prodrome de la Flore de la Belgique » et de votre « Analyse des familles des plantes, » prouvaient qu’un maitre était né dans la patrie de Dodoens. Les associations les plus illustres, entre autres, le premier corps savant du pays, furent heureuses de vous posséder, et vous avez montré combien vos connaissances et vos talents étaient variés et solides. La botanique, la zoologie, l’horticulture, l’industrie agricole, ont fait successivement l’objet de vos recherches et de vos découvertes. Après avoir partagé vos travaux entre les institulions importantes et cette Société d’horticulture de Tournai dont les services sont attestés par votre « Pomone tournaisienne », vous avez compris que les efforts des botanistes devaient trouver un centre spécial d’action. La Société de botanique a été créée et nous savons qu’elle vous doit sa vitalité, ses succès. Dans un pays éclairé, l’art horticole ne doit pas être circonscrit par les seuls enseignements de l’expérience. Avec l’appui généreux du gouverne- ment et de la ville de Bruxelles, vous avez non-seulement défendu contre les dangers des spéculations financières ce magnifique établissement siége de notre réunion, mais vous l’avez encore élevé dans la sphère scientifique. Il est aujourd’hui un musée complet du règne végétal. Grâce à la haute protection du Roi et des autorités publiques, il reçoit en ce moment une nouvelle consécration ; mis désormais à l’abri des vicissitudes, il restera un centre d’études fructueuses. Il y a vingt ans, lorsque la Société royale Linnéenne de Bruxelles décida d'organiser des conférences de botanique et en chargea feu le docteur Hannon, de l’Université de Bruxelles, vous avez daigné, vous, le maitre, Ce / aller vous asseoir parmi les disciples et leur inspirer, par votre modestie, par votre impulsion, le désir d'apprendre. Vous avez ainsi toujours donné à chacun de nous le noble exemple de l'étude et du travail. Vos conseils nous ont été bien précieux : comme un père ou comme un ami, vous avez soutenu notre ardeur, empêché nos défaillances. Nous saisissons donc avec bonheur l’occasion de vous exprimer les sentiments de respect et d’attachement des botanistes belges. Nous sommes heureux de le dire, les associations scientifiques de l’étran-. ger, par des lettres affectueuses, s'unissent à nous aujourd’hui. La présence des Ministres du Roiet de ces notabilités qui nous entourent témoignent de sympathies dont nous sommes fiers. L'œuvre d'art que nous allons découvrir conservera votre tradition parmi vos successeurs : elle leur dira d’honorer et de pratiquer les vertus qui font votre gloire : l'indépendance du caractère, l’intégrité dans les actions, l’amour du travail, mis au service de la liberté, de la patrie et du progrès de la science. (Applaudissements.) Aussitôt que M. Muller eut terminé son discours, une jeune ct charmante enfant, vêtue de blanc, s’avanca sur l’estrade et retira la draperie qui couvrait le buste. L'image du vénérable savant apparut aux yeux de l'assemblée. Des applaudissements éclatèrent de toutes parts. M. Muller prit de nouveau la parole en ces termes : Au nom de la grande famille scientifique, j'ai l'honneur de présenter au héros de la fête les adresses de félicitations et les hommages des associa- tions suivantes et de plusieurs savants étrangers : — e Jardin botanique d'Édimbourg,. . Académie royale de Belgique. . Société Linnéenne de Londres. . Société botanique de Copenhague. . Société d’études scientifiques de Lyon. . Association des sciences naturelles de Brême. M. Alphonse de Candolle de Genève. . Société phytologique et micrographique de Belgique (Anvers). . Société royale d’horticulture de Mons. . Société royale d’horticulture et d'agriculture de Tournai. . Société de botanique de Fraipont-Nessonvaux. © S DID A À oo N dm ob — Un 12. Société royale Linnéenne de Bruxelles, . Société belge de microscopie. 14. Dr Hooker, du Jardin de Kew. 15. Société botanique du grand-duché de Luxembourg. 15. Société ma'!acologique de Belgique. 17. Société entomologique de Belgique. 18. Sociétédes sciences, des arts et des lettres du Hainaut. 19. Cercle d’arboriculture de Belgique (Gand). 20. Institut des sciences, lettres et arts de Venise. 21. Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse. 22. Jardin botanique d’Erlangen. 25. Société impériale des naturalistes de Moscou. 24. Société royale de Londres. Trois de ces adresses ont été lues à la séance. M. F. Muller donne lecture de celle qui lui a été envoyée par M. le Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique au nom de ce corps savant : A M. F. Muller, Président de la Commission organisa- trice de la fête en l'honneur de M. B.-C. Du Mortier. Monsieur le Président, L'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique se joint de tout cœur à la fête qui sera célébrée le 5 mai, au Jardin bota- nique de l’État, en l'honneur de M. B.-C. Du Mortier. Elle s’associe tout entière à l'hommage qui sera rendu, dans cette circonstance solen- nel!e, à l’'illustre naturaliste, au savant historien, à l’homme d'État et au patriote, qu’elle est fière de compter parmi ses membres depuis près d’un demi-siècle. | Bien peu d’hommes ont assisté ainsi pendant leur vie aux honneurs que la postérité se plait à décerner à ceux qui ont bien mérité de la science et de la patrie. C'était pour M. Du Mortier une prérogative bien méritée; elle couronne dignement une belle carrière. Je suis heureux, Monsieur le Président, d’être en cette occasion, l’interprète des félicitations que l’Académie adresse à son doyen bien-aimé et je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les plus distingués. Le Serrélaire perpétuel de l’Académie, J. LiaAGRE. Bruxelles, le 4 mai 1878. CO M. Aschman, président et l’un des délégués de la Société de botanique de Luxembourg, a donné lecture de l’adresse suivante à M. B.-C. Du Mortier, au nom de cette Société. Très-illustre Maître, L’inauguration de votre buste dans la galerie des herbiers du Jardin botanique de Bruxelles, dont vous pouvez être fier d’être le régénérateur, est un événement que le monde botanique salue avec enthousiasme. Votre patrie paye ainsi à la science une dette de reconnaissance bien légitime. Vos travaux scientifiques sur les diverses branches de la science de Flore imposent déjà à la Société botanique du grand-duché de Luxembourg le devoir de vous présenter, à cctte occasion, ses hommages les plus res- pectueux, ses félicitations les plus sincères. Mais des circonstances tout à fait spéciales l’engagent à s'associer à l’ovation nationale qui vous attend le 5 mai prochain. 1! y a près de douze lustres, vous avez déjà exploré le Grand-Duché sous le rapport botanique. Les résultats de vos explorations, vos conseils éclairés, n’ont pas été sans influence sur la Flore par laquelle Tinant a fait connaitre au monde savant les richesses végétales de notre sol. De plus, la Société royale de botanique de Belgique, aux destinées de laquelle vous présidez avec lant d'éclat, n’est pas étrangère à notre propre existence. Lors de la première excursion de cette Société dans notre pays, l’exemple des botanistes belges de mérite qui y ont pris part, le vôtre surtout, très- vénéré Maitre, a donné chez nous un nouvel élan à l’étude de la botanique. Nous croyons done pouvoir nous représenter comme modeste suceur- sale de votre Société, que nous considérons comme une sœur ainée. En venant nous joindre à elle pour vous exprimer nos sympathies dans celte occasion solennelle, nous nous acquittons d’une dette toute particu- lière envers l’un des botanistes les plus éminents des temps modernes. Puisse la divine Providence vous conserver encore longtemps à la science el à ses disciples. Luxembourg, le 27 avril 1878. Le président : E. Ascuman; les vice-présidents : E. Fiscner et WaEsruin; le secrétaire : KozrTz; le conservateur : P. Kirsen; le trésorier : Sein. GE) M. Le Comte, membre de la Société malacologique de Belgique, lit, au nom de cette Société, l’adresse suivante : Messieurs, La Société malacologique de Belgique, réunie aujourd’hui, 5 mai 1878, en assemblée, s’empresse de répondre à votre circulaire du 15 avril dernier et vien! s'associer de tout cœur à la manifestation que vous avez organisée en l’honreur de l’une de nos illustrations scientifiques, M. B.-C. Du Mortier, président de la Société royale de botanique de Belgique, etc. La Société malacologique se joint d’autant plus volontiers à vous, Messieurs, pour remplir ce devoir, qu’elle n’a pas oublié que l’éminent héros de la fête de ce jour a publié, dans sa carrière scientifique, plusieurs travaux remarquables sur les mollusques, parmi lesquels nous nous bor- nerons à citer le mémoire sur l’'Embryogénie des Mollusques gastéropodes, publié en 1855 dans les Mémoires de l’Académie des sciences, travail qui reste encore aujourd’hui en haute estime et qui a largement contribué, tant à faire progresser la science, qu'à répandre, dans noire pays, le goût des études malacologiques. La Société malacologique de Belgique est donc heureuse de profiter de l’occasion que vous lui offrez pour s'acquitter envers cet illustre savant d’une dette de reconnaissance au nom des malacologues du pays et, voulant lui témoigner autant qu’il est en son pouvoir toute l’estime qu’elle professe pour lui, sur la proposition de son Conseil, elle l’a unanimement proclamé membre honoraire de la Société et vous prie de lui en remettre en ce jour le diplôme. Veuillez agréer, Messieurs, l’assurance de nos meilleurs sentiments. Le Président, Le Secrétaire, BRiarT. J. CocBrau. Le Vice-Président, RoFrlAEN. Après la lecture de cette pièce, adressée aux membres du Comité d'organisation, M. Le Comte à remis à M. Du Mortier le diplôme de membre honoraire de la Société malacologique de Belgique. M. Louis Piré, secrétaire du Conseil de surveillance du Jardin botanique de l'État et du Comité organisateur, prend la parole en ces termes : &? (12) Messieurs, Certains hommes ont un mérite tel, que le récit sincère de leur vie et le simple exposé de leurs œuvres est le plus éloquent des panégyriques. Tel est Barthélemy Du Mortier. Organe du Conseil de surveillance du Jardin botanique et de la Société royale de botanique de Belgique, en cette circonstance solennelle, je n'ai à rappeler ici que les services rendus à la botanique par notre éminent et bien-aimé Président. Il me suflira de parler de l’homme de science pour justifier et l'hommage public que nous lui rendons aujourd’hui et la solennité qui nous rassemble. | A l’âge de 24 ans, en 1822, M. Du Mortier se révéla au monde savant par ses Commentationes botanicae, recueil d'observations botaniques dans lesquelles, après avoir dédié plusieurs genres nouveaux à des botanistes belges, il prélude à sa nouvelle classification du règne végétal, qu’il com- plétera plus tard dans son Prodrome de la Flore belgique, et qui atteint le plus haut point de perfection dans son Ana/yse des familles des plantes, ouvrage prodigieux qui, dès 1829, éleva Du Mortier au niveau des bota- nistes les plus illustres de notre époque. Le premier, il eut la gloire d'introduire chez nous la méthode naturelle et d’en répandre le goût. Sa classification est sans contredit la plus rationnelle, la plus élégante, la plus commode de toutes. Fondée sur les téguments floraux, qui constituent l'organe le plus vaste de la fleur, elle ne présente pas les nombreuses anomalies reprochées à juste titre à l’insertion des étamines Les botanistes les plus éminents ont rendu hommage à la méthode proposée par M. Du Mortier, et Adrien de Jussieu, reconnaissant l’incontestable supériorité de cette classification, l’a adoptée dans ses Éléments de botanique rédigés conformément au programme de l’Université. Cet hommage rendu par lun des princes de la science à l’œuvre de notre savant compatriote, est trop glorieux pour notre pays, pour que je le passe sous silence, dans la circonstance so'ennelle qui nous rassemble. C’est conformément à la méthode donnée dans l’Analyse des familles que sont rangées les plantes de notre école de botanique, et bientôt la Flore de Belgique, ouvrage capital, fruit de soixante années d'observations et de patientes recherches, viendra achever de généraliser, de populariser, une classification dont nous avons lisu d’être fiers et comme Belges et comme botanistes. La dernière partie des Commentationes est consacrée aux Junger- (15) mannes, humbles cryptogames, dont Linné avait fait legenre Jungermannia, confondant ainsi sous une même dénomination générique les formes les plus diverses. Da Mortier dissip® les ténèbres de ce chaos ; il crée plusieurs genres distingués par des caractères indiscutables; dès 1851, à force de per- sévérance et de labeur, il parvient, dans son Sy/loge Jungermannidearum, à décrire tous les genres et toutes les espèces de l’Europe, et son œuvre fait autorité dans la matière. Déjà célèbre au point de vue de la botanique générale, Du Mortier acquit par la publication de sa monographie des Jungermannes une haute renommée comme oryptogamiste, et le genre Dumortieria, qui lui a été dédié, prouve combien ses travaux sont appré- ciés à l’étranger. Un an après la publication des Commentationes, parurent les observations sur les graminées, Agros/ographiae belgica” tentamen. L'étude des graminées est Pune des plus difficiles, des plus ardues, de la phanérogamie, l’auteur le reconnait lui-même. « L'étude des graminées, dit M. Du Mortier, est incontestablement la plus difficile de la botanique phanérogame, et c’est ce qui est cause que beaucoup de botanistes ont négligé cette famille, quoique aucune ne soit plus digne de nous occuper. Les graminées sont de toutes les plantes celles qui ont les rapports les plus directs avec notre existence. Elles fournissent à notre nourriture, leurs chaumes servent à couvrir les maisons des pay- sans, à la litière des bestiaux et à une foule d’ouxrages nécessaires, leurs feuilles font la base des meilleurs pâturages : il n’est pas même jusqu'aux racines de certaines espèces qui ne so'ent employées utilement pour fixer la mobilité de l'arêne maritime. C’est encore vers la culture des graminées que la classe la plus laborieuse de la société porte ses soins les plus assidus; ce sont les graminées qui dédommagent le cultivateur de ses pénibles tra- vaux ; de tout temps, les riches moissons, les gras pâturages ont entrainé l’idée du bonheur, tandis que les lieux stériles où l’herbe refuse de croître, ne rappellent à notre imagination qu’une terre d’exil et de deuil. « Si jadis l'Égypte et la Sicile furent les pays favorisés de Cérès, de nos jours la Belgique est devenue la patrie de l’agriculture. Qui n’a entendu vanter les moissons de la Flandre el ces champs qu'aucune puissance ne peut regarder sans envie ! C’est l’herbe de ces champs, première source de notre prospérité, que je désire faire connaître. » A cette époque, aucun travail d’ensemble n’avait élé entrepris dans notre pays sur ce groupe important et difficile. Tout était à faire; Du Mor- tier s’acquitta avec un rare bonheur de cette tâche hérissée de difficultés. (C4) Sa division des graminées en Scobiflores et Calliflores est des plus heureu- ses, ses tribus sout nettement définies, plus de deux cents espèces indigè- nes sont décriles avec cette précision qui constitue la plus précieuse qualité de notre illustre maitre. Successivement parurent : une notice sur un genre nouveau, Au/themia, précédée d’un aperçu sur la classification des Roses, groupe confus, inextri- cable, qui, bien que connu du vulgaire sous le nom de Reine des fleurs, n’en fait pas moins encore aujourd’hui le désespoir des botanistes ; Une monographie des Saules, écrite en hollandais, dans laquelle ces végétaux sont classés d’après un système nouveau ; Le Prodrome de la Flore belgique, déjà mentionné plus haut, qui comprend pour la Belgique seulement 2,251 espèces ; aucun ouvrage de ce genre n’en avait jusqu'alors indiqué chez nous un nombre aussi considé- rable, et notez, Messieurs, que les Phanérogames seuls y sont mentionnés. L'année 1829 vit paraitre les Recherches sur la motilité des végétaux, l'Analyse des Familles des plantes. Enfin en 1852, parut le précieux mémoire intitulé : Recherches sur la structure comparée des animaux et des végétaux, imprimé dans le 16e volume de l’Académie impériale des curieux de la nature, et réédité avec un chapitre de plus, en 1853, par l’Académie des sciences de Belgique. Permettez-moi, Messieurs, de vous citer en l’abrégeant l’analyse faite par feu Charles Morren et qui vous fera apprécier, mieux que je ne pourrais le faire, l’importance et la portée de ce remarquable travail. «M.Du Mortier, dit Ch. Morren, appartient à l’école philosophique de l’histoire naturelle. Pour lui, les analogies révèlent une entité unique qui se diversifie en se développant. Geoffroy de Saint-Hilaire avait démontré l’existence, pour le règne animal, d’une loi générale : l’unité de composition organique. M. Du Mortier va plus loin Le type de l’organisation dans les deux règnes est un. La progression dans la structure a des équivalents réciproques d’un règne à l’autre. S'il y a variété dans l’unité animale, il n’y a ni plus ni moins de termes d’une variété correspondante dans l’unité végétale. Dès qu’il y a vie, l’organisation se modifie selon trois degrés de structure, et ces trois degrés se retrouvent dans les animaux et les végétaux. Ainsi échelle organique commence à la cellule, qui conduit par une bifureation aux animaux d’une part, aux végétaux de autre. « Les animaux sont ou privés de squelette comme les rayonnés et les mollusques, ou pourvus d’un squelette extérieur comme les annelés, ou d’un squelette osseux intérieur comme les vertébrés ; de même les végé- (15) taux sont ou privés de système ligneux comme les eryptogames cellulaires, ou pourvus d’un système ligneux extérieur comme les cryptogames vascu- laires et les monocotylés, ou enfin d’un système ligneux intérieur comme les dicotylés. —- Les divisions supérieures forment par réunion binaire les squelettés pour les animaux, les xylodés pour les végétaux. » Après avoir établi cette grande loi d'évolution des êtres organiques, Du Mortier indique le véritable caractère qui différencie d’une manière nette et précise le règne végétal du règne animal ct il démontre à la dernière évidence le développement centrifuge des végétaux, et le développement centripète des animaux. « Ce mémoire, dit encore Charles Morren, embrasse une infinité d’objets, l'esprit philosophique y perce de toute part, ce qu’il y a de plus haut et de plus difficile dans la science s’y présente avec simplicité, enchainement et clarté. C’est pour la première fois qu’en Belgique un savant s’est élevé à la hauteur des Geoffrey de Saint-Hilaire et des Meckel. » Je ne vous entretiendrai point, Messieurs, de la loi d’embryogénie végétale, de celle des articulations, de la loi de genèse des êtres organisés, de toutes ces grandes et belles découvertes que contient ce splendide travail ; mais par esprit de justice et un peu aussi par amour-propre national, je me permettrai d'attirer votre attention sur une grande loi signalée par notre savant compatriote et attribuée depuis à un botaniste étranger. Je veux parler de la loi de formation de cellules nouvelles par cloisonnement. Le premier, Du Mortier a observé et écrit que les Confer- ves croissent en longueur par une cellule plus grande qui se forme à l'extrémité du filament et dans l’intérieur de laquelle naït une cloison qui finit par séparer la cellule en deux autres. Cette grande découverte, Mes- sieurs, a été attribuée à Hugo Mohl. Mais nous devons rappeler, après notre savant et regretté confrère Bellynek, que le mémoire de M. Du Mortier date de 1829, tandis que celui de Hugo Mohl date de 1855. Après avoir donné au monde savant une œuvre aussi importante, linfatigable Du Mortier continue ses recherches sur la flore de Belgique, ce qui ne l’empêche pas de s'occuper avec grand succès de zoologie, comme le prouve un savant mémoire sur lEmbryogénie des mollusques et plu- sieurs autres travaux importants publiés par l’Académie des sciences de Belgique. Cependant la botanique fut toujours son œuvre de prédilection. Plusieurs mémoires remarquables se succédèrent à de courts intervalles. Parmi eux, je me bornerai à mentionner l'Essai carpographique, qui contient une classification des fruits aussi savante qu’ingénieuse, (16) Je passe à regret sous silence de nombreuses notices qui toutes ont leur importance, qui toutes renferment des idées neuves et originales. Et maintenant, Messieurs, en présence de cet ensemble imposant de travaux de premier ordre, doit-on s’étonner qu’en 1862, lorsque fut fon- dée notre association, Du Mortier fut unanimement acclamé ! résident de la Société royale de botanique de Belgique ? Vous vous rappelez tous encore avec émotion, mes chers collègues, cette première mémorable séance. Seize années se sont écoulées, et notre association, qui n’était rien à son début, s’est rapidement développée, grâce à la vigoureuse impulsion que lui a donnée son savant et illustre Président; déjà l’estime publique Pa mise au rang des Sociétés savantes les plus considérées de PEurope. Ce Jardin botanique, qui est maintenant un établissement vraiment scien- tifique, ce riche herbier, l’un des plus complets qui existent, c’est à la haute influence de B.-C. Du Mortier que nous le devons. Aussi sommes- nous heureux de témoigner notre reconnaissance la plus vive à notre gou- verncment qui nous donne aujourd’hui une occasion si belle d’exprimer à notre cher Président les sentiments dont débordent nos cœurs. Cher et vénéré maître, nous, vos disciples, qui avons eu le bonheur de vous connaitre, de vous aimer, non-seulement nous suivrons vos traces, mais en montrant à ceux qui doivent nous succéder et nous continuer. ce marbre qui leur fera connaitre vos traits, nous leur dirons : B. Du Mor- tier avait recu de Dicu une intelligence vive, un cœur ardent, un corps qui ne sentait n1 le poids du travail ni celui des années ; assez souvent les hommes doués de facultés exceptionnelles les appliquent à satisfaire leur vanité, leur égoïsme, mais B. Du Mortier a mis fortune, intelligence, acti- vité, sans réserve aucune, Jour par jour, heure par heure et durant une longue vie, au service de la science et de la patrie. Ainsi, cher et illustre maitre, se transmettra de génération en géné- ration le mouvement imprimé par vous à l’étude sérieuse des sciences naturelles, ainsi se perpétueront ces sentiments d’affection, de reconnais- sance dont tous ici rassemblés nous vous prions d’agréer le sincère hommage. Après ce discours, M. Du Mortier, profondément touché des témoignages de sympathie et de vénération dont il est entouré, prononce, d'une voix d’abord mal assurée, mais a vec une chaleur communicative, les paroles suivantes : V4) MESSIEURS, IL m'est bien difficile de vaincre i’émotion que j’éprouve. Vous me comblez d’honneurs et de témoignages de bienveillance, et vous récom- pensez au centuple les services que j’ai pu rendre dans ma longue carrière. Veuillez recevoir mes plus vifs, mes plus sincères remerciments au sujet de la bonté que vous avez eue de vous associer pour honorer celui qui depuis plus d’un demi-siècle, a cherché à être en quelque sorte la person- nification en Belgique de l’étude des sciences naturelles et surtout de la botanique. Je ne me reconnais qu’un seul mérite : le courage et la ténacité au travail. C’est en travaillant, en sacrifiant à l’étude tous ses instants, tous ses plaisirs, que l’homme parvient à se rendre utile dans la société. Arrivé à 82 ans, je crois pouvoir me rendre ce Lémoignage que Je n’ai pas manqué d’efforts pour chercher à rendre quelques services. Sans jamais abandonner complètement les études scientifiques, sans cesser d’y dévouer tout ce que J'avais d’affection et d'énergie, j'ai cepen- dant, dans bien des cas, été forcé de les délaisser momentanément par les événements politiques. Il le fallait : nous avions besoin de relever le drapeau national. Quand on sent battre un cœur dans sa poitr ne el que la patrie commande, il faut marcher. La patrie l’a voulu, j'ai marché. Certes, c'était un peu aux dépens de la botanique et des études, mais lorsqu'on ne fait que remplir son devoir, lorsqu'on prend à cœur les grands intérêts de son pays, on a une légitime excuse, surtout lorsqu'on n’abandonne la science que pour y revenir ; car, vous le savez, on revient toujours à ses premières amours. Messieurs, comment pourrais-je vous remercier ? Quand il s’agit des autres, quand il s’agit de défendre la chose publique, je suis infatigable ; mais aujourd'hui je ne saurais parier plus longtemps: l'émotion me gagne. Vous me comblez, vous m’ancantissez. Je demande la permis- sion de finir, je suis à bout de forces. Je vous remercie vivement de la bonté que vous avez pour moi. Je remercie spécialement mes excellents amis de Luxembourg, mes vieux camarades, les habitants de cette province que j’ai Lant affectionnés. Je les prie de témoigner à la Société de botanique de Luxembourg l'expression de ma plus profonde recounaissance pour l'adresse qu’elle a bien voulu me voter. (18) Je les remercie personnellement de la gracieuseté qu’ils ont eue de se déplacer pour venir me l’apporter. Je suis à la fin de ma carrière — à 82 ans, cette pensée se présente à nous, Je Lerminerei ma vie en me rappelant la bonté que vous avez eue pour moi aujourd’hui et ce souvenir me sera une grande consolation. Les applaudissements les plus chaleureux succèdent à ces paroles et tous les assistants viennent serrer la main de M. Du Mortier et lui adresser leurs félicitations avec un cordial empressement. M. Muller présente ensuite à MM. les Ministres, M. Melot, auteur du buste, et M. Wiener, qui a gravé la médaille destinée à rappeler le souvenir de cette belle fète. Cette médaille, de moyen module, porte sur la face le portrait vigoureusement tracé de M. Du Mortier et au revers une branche d'olivier d’un travail délicat, avec les MOIS : ViRO DOCTISSIMO B. C. Du Mortier DE RE BOTANICA OPTIME MERITO MDCCCLXXVIIL. Avec la légende autour du champ : Felix qui potuit rerum cognoscere causas. La cérémonie était terminée à quatre heures un quart. BANQUET. Le banquet a eu lieu à cinq heures et demie dans le grand salon du restaurateur Perrin, rue Fossé aux Loups. Avant de passer dans la salle du banquet, M. le Ministre de l’intérieur a remis à M. Muller la croix d'oflicier de l'Ordre de Léopold et à M. Louis Piré celle de chevalier. Ces Messieurs ont été vivement félicités de la distine- (19) tion dont le Roi les a honorés dans cette mémorable cir- constance. | Le banquet était présidé par M. F. Muller, président du Comité d'organisation. Îl avait à sa droite le héros de la fête, M. B.-C. Du Mortier, à côté duquel était placé M. Beernaert, ministre des travaux publics, et à sa gauche M. Delcour, ministre de l'intérieur. A la table d'honneur, avaient aussi pris place : MM. Crocg et le baron de Selys-Longchamps, sénateurs, Le Hardy de Beaulieu, le baron Kervyn de Lettenhove, le comte de Liedekerke, représentants, Lavallée, membre du Conseil de surveillance du Jardin botanique, F. Jottrand, bourgmestre de St- Josse-ten-Noode, le baron de Rasse, ancien bourgmestre de Tournai, Lavallée, inspecteur général des bâtiments civils, Crépin, directeur du Jardin botanique, Melot, sculpteur du buste de M. Du Mortier, Wiener, graveur de la médaille, L. Piré, secrétaire du Conseil de surveil- lance du Jardin botanique, etc. A la fin du banquet parfaitement servi, M. Muller, président, s'est levé et a porté le toast suivant : Messieurs, Dans cette fête de la science, je réponds aux sentiments de tous en proposant d’acclamer respectueusement le nom du Roi. S. M. Léopold IT, notre bien-aimé souverain, a toujours, dans sa haute sollicitude, provoqué l’accroissement de nos collections nationales et encouragé eflicacement les naturalistes. Grâce à FPinitiative généreuse du Roi, des horizons nouveaux ont été ouverts à la science botanique. Bien qu’une pensée de deuil vienne se mêler à ce souvenir, nous sommes fiers de rappeler que c’est un de nos membres qui le prenuer a donné sa vie pour la civilisation du continent africain. Le Jardin botauique de Bruxelles doit aux vues éclairées du Roi son maintien, et nous sommes cerlains que son auguste patronage s’étendia toujours sur nos travaux. (20) Avec les sentiments de la plus profonde gratitude, j2 porte ce toast au Roi, protecteur des sciences en Belgique. — Vive le Roi. Les applaudissements les plus chaleureux et les cris réitérés de Vive le Roiïl répondent de toutes parts à ce toast. Après avoir prononcé son toast au Roi, le Président en a respectueusement adressé une copie à Sa Majesté et il a reçu vers neuf heures la réponse suivante : A M. Muller, vice-président de la Société de botanique de Belgique, au restaurant Perrin, Bruxelles. Le Roi est tres-sensible au toast que vous venez de lui porter; Sa Majesté me charge de vous transmettre, ainsi qu’à tous les membres de la Société de botanique, ses bien sincères remerciments. Le lieutenant-général aide-de-camp de service. M. L. Piré porte ensuite un toast à M. Du Moruer. Messieurs, Les paroles qui ont été prononcées tantôt au Jardin botanique sont l'expression sincère des sentiments d’admiration, de respect et d’affection que nous professons pour noire vénéré maitre. Nous n’avons plus ici à retracer sa brillante carrière scientifique, à vous énumérer tous les titres, tous les droits, qu’il a à notre reconnais- sance. Je viens vous proposer de vider cette coupe à la santé de Barthélemy Du Mortier, l’illustre botaniste... de Barthélemy Du Mortier, le natura- liste philosophe dont les belles découvertes ont fait entrer la botanique dans une voie nouvelle, de Barthélemy Du Mortier, notre cher et vénéré Président, qui a su inspirer à ses disciples ce feu sacré, cet enthousiasme scientifique, que lui-même possède toujours au même degré qu’à vingt ans, de Barthélemy Du Mortier qui a usé de toute son influence pour transformer notre Jardin botanique et en faire un établissement de pre- mier ordre. Vidons nos verres et qu’un seul cri parte de toutes nos poitrines: Vive Barthélemy Du Mortier ! (21) M. Du Mortier, vivement ému, répond à ce toast par les paroles suivantes : Messieurs, je ne saurais assez vous exprimer la vive reconnaissance que j’éprouve pour les bontés dont vous m’accablez. Vous m’honorez bien au-delà de ce que je mérite. Ce banquet me produit un effet que je dois vous exprimer. Quand je vois iei des personnes appartenant à toutes les opinions, des libéraux et des catholiques... (Appluudissements.).. fraternisant avec un entrain unanime ; quand je vois cette sympathie admirable qui règne parmi vous ; quand je remarque que, d’un côté de la table à l’autre côté, on cause, on se serre la main, savez-vous ce que cela me rappelle ? Je songe aux grandes assises de 1850 ! (Applaudissements.) En voyant cette magnifique réunion, mon cœur se dilate et bat à coups plus précipités ; cr je sens qu’un seul sentiment nous anime tous : l’amour de la patrie ! (Applaudissements.) Oui, nous avons en Belgique des partis, mais soit catholiques, soit libéraux, au-dessus des intérêts des partis, nous plaçons tous Pamour de la Belgique. (Applaudissrments.) Tous nous applaudissons à tout ce qui peut faire l’honneur, la gloire et la prospérité de la patrie, de cette Belgique que nous aimons avec ardeur. Ce qui nous réunit aujourd’hui, c’est la fête de Flore. Et qui n’aimerait pas les fleurs, ces admirables productions de la nature, devant lesquelles il n’y a plus que des affections, des amitiés, des amours ? Réjouissons-nous d’une fête aussi belle qui nous rappelle l’époque de 1850, et Dieu veuille qu’on trouve encore des occasions d'organiser des fêtes aussi unanimes, qui témoignent des sentiments que nous professons tous : l’amour de la patrie et de la science.(Applaudissements proiongés.) M. Crépin, directeur du Jardin botanique, prend ensuite la parole et s'exprime ainsi : Messieurs, je vous propose de boire à la santé de MM. les Ministres de l’intérieur et des travaux publics qui ont honoré cette fête de leur présence. En assistant à ce banquet, ils rendent hommage à l’illustre doyen des botanistes belges et ils nous donnent, en même temps, une preuve nouvelle de l’intérêt qu’ils portent à la science. La Société royale de botanique a toujours rencontré dans le gouver- (22) ment un généreux concours. L’honorable M. Delcour n’a cessé de suivre avec intérêt les travaux de cette association. M. les Ministres de l’intérieur et des travaux publics ont tous les deux concouru à la réorganisation du Jardin botanique : le premier en complétant le personnel administratif et en dotant largement nos collec- tions scientifiques, le second er consacrant de larges crédits à des restau- rations et à des installations nouvelles. Je crois être l'interprète des sentiments qui animent la Société royale de botanique, le Conseil de surveillance et le personnel du Jardin, en remerciant MM. les Ministres et le gouvernement qui ne reculent devant auçun sacrifice pour doter le pays de grandes institutions scientifiques. M. Delcour, ministre de l'intérieur, répond à ce toast dans les termes suivants : Messieurs, Au nom de mon collègue des travaux publics et en mon nom personnel, je remercie M. Crépin des paroles si bienveillantes qu’il a adressées au gouvernement. Je vous propose à mon tour un toast à la Société royale de botanique et aux Sociétés étrangères qui ont bien voulu concourir à la belle manifestation qui nous rassemble. (Applaudissements.) On vient de vous parler de Punion sur le terrain de la science. Je suis heureux de constater ici combien cette union est réelle et puissante, quand je vois des Sociétés étrangères importantes, de nombreuses associations du pays, des naturalistes érudits, accourir à Bruxelles féliciter et honorer un homme respectable entre tous. Il est de mon devoir, Messieurs, de remercier en votre nom, au nom du pays tout entier, ces Sociétés étrangères, ces savants, qui veulent bien s’intéresser aux travaux de la Belgique et surtout au développement du Jardin botanique de l’État. En réorganisant cette institution, le gouvernement a voulu créer un grand centre de diffusion scientifique et répondre aux besoins des hautes études ; il a voulu développer un établissement où les diverses branches de lhortieulture fussent pratiquées et enseignées en vue de l'intérêt public. L'industrie agricole et les industries qui s’y rattachent méritent, avant toutes les autres, d'attirer l’attention du Ministre de l’intérieur. (Applau- dissements.) En ce moment où l’industrie est souffrante, non-seulement en Belgique, (25 ) mais encore dans l’Europe entière, ilest une branche du travail national qui s’est vaillamment soutenue et qui nous a sauvés pendant les mauvaises années: je veux parler de l’industrie agricole, qui est restée forte et puissante. Travaillons en commun à la développer et nous trouverons dans la nation même des ressources pour vaincre les difficultés que l’avenir peut amener. (Applaudissements.) Je ne puis assez insister sur ce point. Les études scientifiques et surtout l’étude de la botanique ont puis- samment contribué au développement de l’agriculture. Aussi, les efforts de mes honorables prédécesseurs se sont-ils toujours portés avec sollici- tude vers le progrès de ces sciences. Pendant les six années que j’ai passées au pouvoir, j’ai considéré comme une obligation d’avoir toujours la même préoccupation. Le jour où la botanique sera honorée partout, quand le plus humble ouvrier des champs comprendra que l’étude des lois et des faits de la nature est le premier élément du progrès agricole, je croirai que ma tâche est remplie, et ce jour sera marqué dans l’avenir du pays. (Applau- dissements.) En vous parlant, Messieurs, de la Société royale de botanique, je ne puis pas oublier son illustre Président. Depuis 1862, il s’est dévoué corps et âme à cette utile association, et il a tenu à honneur de diriger chacune de ses excursions. Les Bulletins de la Société nous disent même que l’année dernière, alors que mon vénérable ami, M. B. Du Mortier, était sous le coup de la maladie, il n’a pas voulu laisser à un autre la charge de conduire l’her- borisation projetée, et il a tenu à partager en voiture les fatigues de ses confrères. Ce fait, Messieurs, nous prouve toute l’ardeur, tout le dévouement du Président de la Société botanique. Je ne pourrais sans doute lui être plus agréable qu’en buvant aux succès de cette Société et aux progrès de toutes les associations qui se sont unies aujourd’hui dans une pensée d'affection et de gratitude. (Applaudissements réitéres.) M. Delrue-Schrevens, membre de la Société d'horticul- ture de Tournai, s'exprime ainsi : Messieurs, la fête que nous célébrons aujourd’hui laissera dans tous les cœurs un souvenir impérissable. Je vous propose uu toast à la commis- Sion organisatrice. ( 24) La pensée d’inaugurer solennellement le buste de l’éminent citoyen dont l’image et le souvenir nous seront toujours si chers, était grande et généreuse ; elle répondait aux vœux unanimes de tous les amis de la science, désireux de rendre cet hommage de respectueuse sympathie à celui dont on vous a rappelé tantôt, avec tant d’éloquernce, les litres nom- breux à l'admiration publique. Permettez-moi de profiter de cette circonstance solennelle pour expri- mer, au nom de la Société royale d’horticulture de Tournai, nos senti- ments de gratitude et de profonde affection pour celui qui a été le véritable fondateur de notre Société, pour notre digne Président, pour le savant auteur de la Pomone Tournaisienne. (Applaudissements.) Le souvenir de cette belle et glorieuse manifestation restera profondé- ment gravé dans nos cœurs. Je vous propose la santé du Comité qui en a pris l’initiative et qui l’a si admirablement organisée. (Applaudisse- ments.) M. Muller répond, dans les termes suivants, à M. Del- rue : En ma qualité de Président de la commission d'organisation, je remercie de tout cœur M. Delrue du toast qu’il vient de porter. Mais qu’il me permette de le lui dire, il a un peu exagéré les mérites des organisateurs et la part qui leur revient dans cette fête. Leur tâche a été facilitée singu- lièrement par le gracieux concours des amis de la science. Nous nous sommes bornés, Messieurs, à donner à toutes les sympathies qu’éveille le nom de Barthélemy Du Mortier une occasion de se produire et de se grou- per, heureux d’avoir rencontré dans toutes les sphères le plus généreux accueil. Merci à tous, merci surtout à M. Delrue et à la députation tournaisienne. (Applaudissements.) Voici le toast porté par M. le baron de Selys-Long- champs, sénateur : Messieurs, j’ai obtenu de la Commission organisatrice de cette féte, si bien réussie, la permission d’ajouter quelques mots à ce qui a été dit. Je me trouve embarrassé d’avoir fait cette demande, car on a retracé la brillante carrière de l’homme que nous fêtons aujourd’hui, et il ne reste rien à ajouter aux paroles éloquentes qui ont été prononcées. Le discours de l'honorable M. Piré restera comme un répertoire plein de renseigne- (25 ) ments utiles et dont nous devrons nous inspirer pour pratiquer la science. Je veux vous parler au nom d’un très-petit nombre de personnes dont je crois être le représentant; je fais allusion à ceux qui, avant 1850, étaient des apprentis naturalistes et qui cherchaient un guide. Je vous parlerai seulement de ce que j'ai vu dans la province de Liége. A cette époque, les deux maitres de la science étaient M. Du Mortier et le regretté docteur Lejeune, de Verviers. Leurs collaborateurs étaient les frères Michel, qui ont disparu aujourd’hui et qui accompagnaient Du Mortier dans ses herborisations; puis un fonctionnaire modeste mais très-intelligent de l’Université de Liége, M. Stevens, qui travaille encore à l’âge de 80 ans, mais que sa santé a empêché d’assister à cette fête. Quand je me rappelle ce temps, je le regrette. Nous étions fort igno- rants, mais nous avions des guides en qui nous avions confiance. Cette ignorance avait presque du charme pour nous; chaque fois que nous trouvions une plante, un animal, nous nous imaginions avoir fait une découverte importante. J’ai parlé au nom du très-petit nombre des élèves de cette époque; il ne reste qu’un des maitres ; c’est Du Mortier. Je ne sais s’il reste d’autres élèves que M. Stcvens et moi. C’est en leur nom que j'ai demandé la permission de porter un nou- veau toast à notre très-honorable doyen et ami, M. Barthélemy Du Mor- tier. (Appluudissements.) M. Beernaert, ministre des travaux publics, prend la parole et s'exprime en ces termes : Messieurs, mon honorable ami M. Du Mortier me fait remarquer qu’au milieu dès toasts qui vous ont été proposés, on en a oublié un ; on a eu tort de l’oublier. Il n’y a pas de fêtes en Belgique où l’art nait sa place. On n’a pas songé que l’art a pris part à cette fête. C’est cette lacune que je vous pro- pose de combier en buvant à la santé de M. Melot, qui a rendu d’une façon magistrale les traits de l'honorable citoyen que J'ai à mes côtés, et de M. Wiener, l’auteur de la médaille dont vous avez pu juger le mérite. En parlant de cette fête, M. Du Mortier disait : C’est une de ces jour- nées où tout est bon, où tout est bienfaisant. Le travail récompensé, (% ) justice rendue à un savant par ses contemporains, des savants trouvant à louer un des leurs sans jalousie, des hommes politiques se réunissant, sans distinction d’opinions, pour acclamer un homme en qui ils recon- naissent un modèle de patriotisme. M. Du Mortier vous disait : ce spectacle doit éveiller en nous des souvenirs de cette grande époque où nous étions tous unis, où nous étions unis comme nous devrions toujours l'être. C’est là une pensée féconde qu’il importe de ne pas oublier. S’il m'était permis de paraphraser un mot, je dirais que, dans une journée comme celle-ci, nous nous souvenons que si « libéraux et catholiques » sont des prénoms, il y a derrière ces prénoms un nom de famille qui est celui de Belges. (Applaudissements.) Je termine, Messieurs, en buvant à l’union de la science et de Part, en portant un toast à MM. Melot et Wiener. (Applaudissements.) M. Crépin porte un dernier toast : Messieurs, Je vous propose de boire à la Presse, dont les représentants, en accourant nombreux à cette fête, nous ont donné une précieuse marque de sympathie. Sans distinction d’opinions, la Presse a bien voulu participer à cette fête pour honorer et la science et notre cher Président. Buvons donc à la Presse et remercions-la chaleureusement de son empressement. (Applaudissements.) | M. Ph. Bourson, directeur du Moniteur, prend la parole ‘et répond en ces termes au toast porté à la Presse par M. Crépin : Messieurs, dans ce joli mois de mai, au retour de la joyeuse feuillai- son, il existe dans certains pays une sorte de jeu que l’on appelle le jeu du vert ; voici en quoi il consiste : Plusieurs personnes conviennent entre elles de porter toujours quelque chose de vert, des feuilles particulièrement. Vous voyez que c’est un vrai passe-temps de botanistes. (On rit.) Lorsqu'une de ces personnes rencontre l’un de ses associés, elle lui demande brusquement d’exhiber son vert. Mais parfois l'associé se trouve au dépourvu — comme moi, en ce moment ; — elle a beau se fouiller, l’absence du vert est constatée. J L'autre alors a le droit de lui dire: « Je vous prends sans vert» — c’est la formule, — et de lui faire payer une amende. (27 ) Messieurs, je crois que vous avez le droit de me faire payer une amende, car bien certainement, vous me prenez sans vert ! (Applaudisse- ments.) J'avoue que je ne sais trop que répondre au toast qui vient d’être porté à la Presse. Je n'ai pas le bonheur d’être doué du don oratoire. Ne voyez en moi qu’un simple écrivailleur qui ne parle que du bout de sa plume, quand il est loisible au bout de sa plume de parler. (On rit.) Si j'étais un homme de la trempe de mon vieil ami Du Mortier, je vous ferais une de ces improvisations chaleureuses qui vous remueraient à fond (Wifs applaudissements); mais, ainsi que je l’ai dit, je ne suis qu’un pauvre diable d'écrivain. (On rit.) Après avoir parlé plus longuement que je ne me croyais en état de le faire, permettez-moi, je vous prie, de finirici mon discours et de vous remercier tout simplement, au nom de mes collègues, du toast que vous avez porté à la Presse, en vous faisant remarquer, en cette circonstance, que je suis un de mes collègues. (Rires et applaudissements.) Cette belle fête était terminée à 9 heures. A son départ, M. Du Mortier est salué par les plus vifs applaudissements de toute l'assemblée. CATALOGUE DES PUBLICATIONS DE M. B.-C. Du Morrier. 18992. Commentationes botanicae. Tournai, 4 vol. in-8°. 1825. Observations sur les Graminées de la flore de Belgique. et Agrostographiae Belgicace tentamen. Tournai, 1 vol. in-8°. 1824. Notice sur un nouveau genre de plantes : Hulthemia ; précédée d’un apercu sur la classification des Roses. (Messager des sciences et des arts.) — Cette notice a paru la même année à Tournai avec des additions, in-8°. 1825. Verhandeling over het geslacht der Wilgen (Salix) en 5 (28) de natuurlijke familie der Amentaceae. (Bijdragen tot de natuurkundige wetenschappen.) 1827. Florula Belgica, operis majoris prodromus. Tournai, 1 vol. in-8. 1829. Analyse des familles des plantes, avec l'indication des principaux genres qui s’y rattachent. Tournai, 4 vol. in-8°. 1829-1850. Recherches sur la motilité des végétaux. (Mes- sager des sciences et des arts.) » Notice sur deux manuscrits inédits récemment décou- verts à la bibliothèque de Tournai. Bruxelles, in-8°. » Lettres de Belgicus. Tournai, 1 vol. in-8°. 1851. Sylloge Jungermannidearum Europae indigenarum, carum genera et species systematica complectens. Tournai, À vol. in-8°. 1852. Recherches sur la structure comparée et le développe- ment des animaux et des végétaux. (Mémoires in-4° de l’Académie.) — Ce mémoire a paru également dans les Actes des curieux de la nature, tome XVI. 1855. Notice sur les espèces indigènes du genre Serophularia. Tournai, in-8°. 4854. Rapport sur l’organisation communale. Bruxelles, in-folio. 1855. Recueil d’observations sur les Jungermanniacées. Tournai, in-8°. » Essai carpographique présentant une nouvelle classifi- cation des fruits. (Mémoires in-4° de l’Académie.) » Notice sur le genre Maelenia, de la famille des Orchidées. (Ibidem.) » Recherchessur l’anatomie et la physiologie des Polypiers composés d’eau douce (Bulletins de l’Académie.) 1856. Description de deux nouvelles espèces de Gesneria. (Ibidem.) 1856. (29 ) Sur la place que doit occuper le genre Adoxa dans les familles naturelles des plantes. (Bulletins de l’Acad.) Mémoire sur l’anatomie et la physiologie des Polypiers composés d’eau douce. Tournai, 1 vol. in-8°. Mémoire sur le Delphinorhynque microptère échoué à Ostende. (Mémoire in-4° de l’Académie.) . Note sur le genre Dionaea. (Bulletins de l’Académie.) . Mémoire sur les évolutions de l'embryon dans les mol- lusques gastéropodes (Ibidem.) Note sur les métamorphoses du crâne de l’Orang- Outang. (Ibidem.) La Belgique et les 24 articles. Bruxelles, in-8°. Observations complémentaires sur le partage des dettes des Pays-Bas. Bruxelles, in-8°. . Appel au peuple belge. Bruxelles, in-8°. . Les Mouton de Tournai. Tournai, in-8°. . Histoire naturelle des polypes composés d’eau douce (en collaboration avec M. P. Van Beneden.) (Mé- moires in-k° de l’Académie.) . Observations sur la cloque des pommes de terre. (Bulletin de l’Académie.) . Discours sur l’établissement des Francs dans les Gaules. Arras, in-8°. . Recherches sur le lieu de naissance de P.-P. Rubens. Bruxelles, in-8°. Monographie des Saules de la flore belge (Bulletin de la Société royale de botanique.) Nouvelles recherches sur le lieu de naissance de P.-P. Rubens. Bruxelles, in-8°. 1862. Discours sur les services rendus par les Belges à la 1865 botanique.(Bulletin de la Société royale debotanique.) Discours sur les progrès de la classification des plantes jusqu’à A.-L. de Jussieu. (Ibidem.) ( 50 ) . Monographie du genre Batrachium. (Bulletin de la Société royale de botanique.) Monographie des espèces du genre Rubus indigènes en Belgique. (Ibidem.) . Note sur deux Nymphéacées du Luxembourg. (Ibidem.) Discours sur la marche de la classification générale des plantes, depuis Jussieu jusqu’à nos jours. (Ibidem.) . Discours sur la théorie de la classification des plantes. (Ibidem.) Annales de la flore. ([bidem.) . Dela pondération des pouvoirs en Belgique. Bruxelies, in-folio. Sur le lieu de naissance de Constantin le Grand. Gand, in-8°. . Monographie des Roses de la flore belge. (Bulletin de la Société royale de botanique.) . Monographie du genre Pulmonaria. (Ibidem.) Note sur le staminode des Scrophulaires aquatiques indigènes. (Ibidem.) Étude agrostographique sur le genre Michelaria, et la classification des Graminées. (Ibidem.) Bouquet du littoral belge. (Ibidem.) . La Pomone tournaisienne. Tournai, 1 vol. in-8°. . Examen critique des Elatinées. (Bulletin de la Société royale de Botanique). Note sur le caractère botanique de l’Eifel. (Tbidem.) . Note sur deux faits de physiologie végétale. (Ibidem). Jungermanideae Europae port semiseculum recensitae, adjunetis Hepaticis (Ibidem). . Note sur le Scrophularia Tinantii. ([bidem.) CAL À LISTE DES SOUSCRIPTEURS AU BANQUET ET A LA MÉDAILLE. Aschman (E.), docteur en médecine, à Luxembourg. Baguet (Ch.), docteur en droit, à Louvain. Bamps (C.), docteur en médecine, à Hasselt. Barbanson (C.), industriel, à Bruxelles. Bernard (C.), chef de bureau au Ministère de l’Intérieur, à Ixelles. Bertrand (A.-J.-B.), commis des postes, à St-Josse-ten-Noode. Bodson (L.), pharmacien, à Liége. Bogaerts (J.), directeur des parcs et jardins royaux, à Laeken. Bommer (J.-E.), conservateur au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles. Bourgeois (A.), brasseur, à Tournai. Campion (V.), greffier de la justice de paix, à Vilvorde. Carbonnelle (Ch.), brasseur, à Tournai. Carron (G.), secrétaire-adjoint de la Société royale Linnéenne, à Bruxelles. Chalon (R.), membre de l’Académie royale, à Bruxelles. Chomé (J.), avocat, à Bruxelles. Chuffart (J.), propriétaire, à Tournai. Coenen (A.), rentier, à Heer (Hollande). Cogniaux (A.), conservateur au Jardin botanique de l'État, à Bruxelles. Coomans (L.), pharmacien, à Bruxelles. Coomans (V.), chimiste, à Bruxelles. QD Crépin (F.), directeur du Jardin botanique de l'État, Bruxelles. Crocq (J.), sénateur, à Bruxelles. d’Avoine (H.), secrétaire de la Société d’horticulture, à Malines. De Bullemont (E.), employé, à Ixelles. (32) de Cannart-d’Hamale (F.), sénateur, à Malines. De Creeft, ingénieur agricole, à Hasselt. de Kerchove de Denterghem (Osw.), gouverneur de la pro- vince de Hainaut, à Mons. de Lannoy (N.), industriel, à Tournai. de Liedekerke-Beaufort (A.), membre de la Chambre des représentants, à Bruxelles. Delmotte (H.), à Bruxelles. Delogne (C.), aide-naturaliste au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles. Delrue-Schreven, négociant, à Tournai. De Middeleer (F.-E.), à Ixelles. De Prins (A.), docteur en droit, à Louvain. de Rasse (Alph.), rentier, à Tournai. de Selys-Longchamps (E.), sénateur, à Liége. De Venster (A.), chef de culture à l’École d’horticulture de l'État, à Vilvorde. Dupont (Ed.), directeur du Musée royal d'histoire naturelle, à Bruxelles. Dustin (P.), à Bruxelles. Errera (L.), étudiant, à Bruxelles. Fischer (E.), médecin-vétérinaire, à Luxembourg. Fraikin (Ch.-A.), statuaire, à Schaerbeek. Fuchs (L.), architecte de jardins, à Ixelles. Geefs (G.), statuaire, à Schaerbeek. Gevaert (F.-A.), directeur du Conservatoire, à Bruxelles. Giele (J.-F.), chef de culture au Jardin botanique, Louvain. D- Gielen (J.), rentier, à Maeseyck. Gilbert (Ch.), rentier, à Anvers. Gilkinet (A.), professeur à l’Université, à Liége. Gille (N.), professeur à l'École de médecine vétérinaire, à Cureghem. (35) Gillekens (L.), directeur de l’École d’horticulture de l'État, à Vilvorde. Gillon (J.), chef de bureau à la Banque nationale, à St-Josse- ten-Noode. Gravis (A.), étudiant, à Ixelles. Griffon (E.), professeur à l’École d’arboriculture, à Tournai. Hecking (0.), rentier, à Louvain. Houtekiet (C.-A.), à Tournai. Jacquemin, capitaine au régiment des (Carabiniers, à Bruxelles, Jadoul, directeur des Jardins de la ville, à Lille. Janssens (Ph.), à Schaerbeek. Kervyn de Lettenhove (B.), membre de la Chambre des repré- sentants, à Bruxelles. Kickx (J.-J.), professeur à l’Université, à Gand. Koltz (J.), secrétaire de la Société botanique, à Luxembourg. Langlois (J.), industriel, à Bruxelles. Lanneau (G.), peintre-décorateur, à Schaerbeek. Lavallée (H.), avocat, à Bruxelles. Leclereq (J.), directeur de l’Académie, à Lokeren. Lehardy de Beaulieu (A.), membre de la Chambre des repré- sentants, à Bruxelles. Le Lorrain (C.), lieutenant au Dépôt de la guerre, à Bruxelles. Louis (H.), chef de culture, à Bruxelles. Lubbers (L.), chef de culture au Jardin botanique de l’État, à Ixelles. Marchal (É.), conservateur au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles. Martens (Éd.), professeur à l'Université, à Louvain. Mercier (J.), pharmacien, à Ixelles. Montigny (Ch.), membre de l’Académie royale, à Schaerbeek. Muller (F.), président de la Société royale Linnéenne, à Bruxelles. (54) Noefnet (F.), ancien régent d’École moyenne, à Louvain. Nyst (H.), conservateur au Musée royal d’histoire naturelle, à Molenbeek-St-Jean. Petit (E.), rentier, à Nimy. Piot (Ch.), archiviste-adjoint, à St-Gilles. Piré (L.), professeur à l’Athénée royal, à Ixelles. Pynaert-Van Geert (Éd.), architecte de jardins, à Gand. Rodigas (Ë.), directeur du Jardin zoologique, à Gand. Rottemburg (V.), pharmacien, à Bruxelles. Schamberger, régent d’École moyenne, à Thuin. Scheffers (L.-N.), à Maestricht. Schmitz (B.), docteur en médecine, à Ixelles. Schmitz (F.), professeur, à Ixelles. Schwann (T.), professeur à l’Université, à Liége. Sonnet (E.), préparateur au Jardin botanique de l'État, à Bruxelles. | Soupart (F.), professeur à l’Université, à Gand. Stas (J.-S.), membre de l’Académie royale, à St-Gilles. Strail (Ch.), abbé, à Paifve. Struelens, professeur, à Grammont. Thiernesse (A.), directeur de l’École de médecine vétérinaire, à Cureghem. Thiroux (E.), à Bruxelles. Van Beneden (P.), professeur à l’Université, à Louvain. Vanden Wouver (A.), à Cappellen. Vander Haeghe (H.), à Gand. Van Hulle (H.), chef de culture du Jardin botanique, à Gand. Vanneck (C.), négociant, à Bruxelles. Vanpé (J.-B.), régent d'École moyenne, à Forest. Van Zuylen (A.), avocat, à Anvers. Vindevogel (F.), sous-chef de culture au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles. (55) Willaumez (L.), conseiller au Conseil des mines, à Schaerbeek. Willems (A.), architecte de jardins, à Ixelles. LISTE DES SOUSCRIPTEURS A LA MÉDAILLE. Annoot (H.), imprimeur, à Gand. Boigelot (C.), curé, à Filey. Broquet (A.), commissaire d’arrondissement, à Ath. Chalon (J.), docteur en sciences naturelles, à St-Servais. Clos (D.), directeur du Jardin des plantes, à Toulouse. Couturier (L.), instituteur d’École moyenne, à Soignies. Craninx (0.), rentier, à Louvain. Crombez (L.), bourgmestre de Tournai. Dansaert (A.), membre de la Chambre des représentants, à Bruxelles, Dardenne, régent d'École moyenne, à Andenne. Debove (Ch.), brasseur, à Élouges. Decaisne (J.), professeur au Muséum, à Paris. Decaisne (P.), docteur en médecine, à Anvers. De Koninck, membre de l’Académie royale, à Liége. Delchevalerie, inspecteur général de l’agriculture, au Caire. De Lehaye, membre de la Chambre des représentants, à Bruxelles. Demoulin (G.), président de la Société d’horticulture, à Mons. De Pitteurs (Ch.), docteur en sciences naturelles, à Zepperen. Determe, étudiant, à Mariembourg. Dohet, membre de la Chambre des représentants, à Namur. Duchartre (P.), professeur à la Faculté des sciences, à Paris. Duprez (F.), membre de l’Académie royale, à Gand. Durand (É.), à Liége. Durand (Th.), à Liége. Fischer de Waldheim (A.), professeurà l’Université, à Varsovie. (56) Folie, professeur à l’Université, à Liége. Fontaine (A.), général, à Gand. Fournier (E.), docteur en médecine, à Paris. Funck (N.), directeur du Jardin zoologique, à Cologne. Gachard (L.), archiviste, à Bruxelles. Galopin (G.), pépiniériste, à Liége. Germain de St-Pierre (E.), docteur en médecine, au château du Bessay. Hairion (F.), professeur à l’Université, à Louvain. Hardy (A.), régent d’École moyenne, à Visé. Heughebaert (C.), juge émérite, à Tournai. Jacques (H.), pharmacien, à Maestricht. Janson (P.), membre de la Chambre des représentants, à Bruxelles. Le Comte (Th.), rentier, à Ghislengbhien. Lecoyer (J.), instituteur, à Wavre. Liagre (J.), secrétaire perpétuel de l’Académie royale, à Bruxelles. Lorge (V.), professeur à l’École de médecine vétérinaire, à St-Gilles. Luxembourg (La Société botanique du grand-duché de). Mailly (E.), membre de l’Académie royale, à St-Josse-ten- Noode. Malaise (C.), professeur à l’Institut agricole, à Gembloux. Mansvelt (A.), peintre-décorateur, à Mariembourg. Masson (J.), pharmacien, à Uhey. Maubert, directeur du pensionnat St-Ferdinand, à Jemmapes. Méhu (A.), pharmacien, à Villefranche. Mellaerts (J.-F.), curé, à Gooz-St-Alphonse. Michot (N.), naturaliste, à Mons. Moncheur (F.), membre de la chambre des représentants, à Namèéche. Moore (D.), directeur du Jardin royal, à Dublin. (37) Orban de Vivario, rentier, à Castelalne. Pepin, conseiller à la Cour des comptes, à St-Josse-ten-Noode. Pierry (L.), à Liége. Planchon (J.), professeur à la Faculté des sciences, à Mont- pellier. Plateau (F.), professeur à l’Université, à Gand. Plateau (J.), membre de l’Académie royale, à Gand. Preud’homme de Borre (A.), conservateur-secrétaire au Musée royal d'histoire naturelle, à Bruxelles, Quetelet (E.), membre de l’Académie royale, à Ixelles. Rossignol, professeur au Collége communal, à Chimai. Schütz-Loubric, négociant, à Bordeaux. Stasse (N.), pharmacien, à Ougrée. Stossich (A.), professeur, à Trieste. Timbal-Lagrave (E.), pharmacien, à Toulouse. Todaro (A.), directeur du Jardin botanique, à Palerme. Tournai (La ville de). Vandenborn (H.), inspecteur diocésain, à Hasselt. Van der Maelen (I.), à Molenbeek-St-Jean. Van Haesendonck (C.), docteur en médecine, à Tongerloo. Van Houtte (L.), horticulteur, à Géndbrugge. Van Praet ([.), ministre de la maison du Roi, à Bruxelles. Van Witzenburg (J.), préparateur au Jardin botanique de l'État, à Bruxelles. Verheggen (H.), régent d’École moyenne, à Maeseyck. Véro (M': J.), à Bruxelles. Wasseige (A.), membre de la Chambre des représentants, à Namur. ( 58 ) LECTURES ET COMMUNICATIONS. SUR LA STRUCTURE ET LES MODES DE FÉCONDATION DES FLEURS el en particulier sur l'hétérostylie du Primula elatior, par Léo Errera et Gustave Gevaert. Whoever is led to believe that species are mutable will do good service by conscientiously expressing his conviction. DARWIN, ORIGIN OF SPECIES. Le travail que nous avons l'honneur de présenter à la Société a eu pour origine quelques observations entre- prises par nous en 1876 et en 1877. Ces recherches ont été commencées à propos d'une conférence que l’un de nous fit au Cercle des Jeunes Botanistes, en mai 1876, sur « les Insectes et les Plantes. » Cette note est divisée en trois parties. La première traite d’une facon générale de la structure des fleurs dans ses rapports avec leur fécondation. Nous avons tâché d'y résu- mer les résultats des intéressantes études poursuivies à ce sujet, pendant les dernières années, dans les diverses parties du globe, et auxquelles les admirables travaux de M. Ch. Darwin ont si magistralement tracé la voie. Plusieurs de nos confrères de la Société de botanique nous ont demandé cet aperçu et nous sommes heureux de répondre à leur désir; car les travaux sur cette matière sont disséminés dans de nombreuses publications, souvent très-difficiles à réunir, et écrites en plusieurs langues. Il était donc utile d’en résumer ici les principa- les conclusions. En outre, la plupart des ouvrages généraux les plus récents sur la question n'ont pas encore été traduits en 4e L (39) français (1), et c’est, croyons-nous, la première fois que des études paraissent en Belgique sur les dispositions florales considérées au point de vue de la fécondation par du pollen étranger. Nous serons trop heureux si nous parvenons à engager quelques botanistes belges à s'occuper aussi d’une portion de cette branche vaste et nouvelle qui nous réserve encore tant de découvertes (2). L'étude de la botanique descriptive a atteint dans notre pays un haut degré de perfection et la grande ardeur que l'on a mise de toute part à explorer notre sol, a conduit à une con- naissance fort complète de notre flore phanérogamique. Ne serait-il pas temps de tourner les yeux vers la biologie végétale, qui — sauf quelques rares et éelatantes excep- tions — à été jusqu'ici bien peu cultivée en Belgique? La première partie a surtout pour but d'établir l'état actuel de la question. Afin d'en abréger la lecture à ceux qui sont au courant de tous les travaux publiés dans les dernières années sur la fécondation des plantes par les insectes, nous allons indiquer les passages où nous énonçons des observations ou des opinions soit neuves, soit opposées à la manière de voir courante. [ls méritent peut- être un coup d'œil, même de la part des spécialistes : La variabilité est-elle limitée ? ($ 2). — Terminologie (K 5). — Quelle valeur faut-il accorder au croisement entre fleurs du même pied ? (N 4).-- Poids des graines chasmo- games et cléistogames de l'Oxalis acetosella (K 7). — Les plantes cléistogames ont souvent des capsules projectiles (1) Particulièrement le dernier livre de M. Ch. Darwin et les œuvres de MM. Hermann Müller, Hildebrand, Delpino, Axell et Kerner. (2) Un de nos\savants distingués, M. J.-J. Kickx, a aussi récemment (Revue de l’Horticult. Belge et élrangère, mai 1877, p. 100) appelé l’atten- tion sur l’importance et l'intérêt de cette partie de la science. (40) ($ 7). — Fleurs hémi-cléistogames (K 7). — Pédoncules floraux colorés (S 7). — Comment les couleurs et les odeurs agissent-elles sur les insectes ? ((7). — Observations sur la fécondation des Muscari botryoides, Linaria striata, Tritoma Uvaria, Hedychium coronarium, Teucrium, Plectranthus fruticosus, Coleus Blumei, Monarda ciliata, Geranium phaeum, Lobelia Dortmanna, Allium fistulosum, Gladiolus gandavensis, Yucca (sp. aff. Y. filamentosae), Veronica longifolia et espèces voisines, Gagea spathacea, Prunus Laurocerasus ($ 8). — Specularia ($ 8). — Lychnis ($ 8). — Poids et nombre des graines chez les fleurs © et les fleurs ® de Thymus Serpyllum et Plantago lanceolata ($ 8). — Observations sur les Plantago (K 9). — Sur les causes qui déterminent les caractères des êtres organisés (\ 10). Dans la deuxième partie de notre travail, nous exami- nerons de plus près ce que l’on sait sur l'hétérostylie en général, et en particulier sur celle que présentent les Primevères. Dans la troisième partie, nous exposerons le résultat de nos recherches personnelles sur les Primula; les unes ont pourobjet la confirmation ou la rectification de points déjà étudiés, les autres l'examen de quelques points nou- veaux. Il pourra paraître téméraire de nous aventurer sur un terrain parcouru par les maitres de la science moderne, et, comme la question de l’hétérostylie des Primula a été spécialement traitée par M. Darwin, il y reste peu de chose à élucider pour ceux qui viennent après lui, ainsi que le faisait déjà remarquer M. J. Scott (1). Cependant, il ne faut point l’oublier, dans cette étude toute contempo- (1) Journ. of the Proceed. of the Linn. Soc., VII, 1864, Botany, p. 86. Q#h)) raine, 1] nest pas superflu de confirmer des faits acceptés avec défiance de divers côtés et vérifiés seulement par un très-petit nombre de naturalistes. MM. Hermann Mül- ler et Hugo de Vries (!) ont insisté avec raison sur la nécessité qu'il y a de contrôler ce genre d'observations dans des pays différents, afin d'arriver à quelque chose de positif sur les particularités de structure, le mode de fécondation et les insectes fécondateurs des fleurs. Enfin, nous nous permettrons encore de rappeler que, parmi les trois espèces principales démembrées de l’ancien Pri- mula veris de Linné, les P. officinalis et acaulis ont été beaucoup plus étudiés au point de vue de leur féconda- tion que le P. elatior : et c’est sur cette dernière espèce que nos observations ont surtout porté. On trouvera sous forme d'appendice à la premiére partie de ce travail, une étude biologique et morphologi- que sur deux espèces du genre Pentstemon @). Bruxelles, 1 juillet 1878. (1) Heru. Mürcer, Die Befruchtung der Blumen durch Insekten und die gegenseitigen Anpassungen Beider. Ein Beitrag zur Erkenntniss des ursäch- lichen Zusammenhanges in der organischen Natur. Leipzig, 1875, p. 21. — Huco pe Vies, MNederlandsch kruidkundig Archief, 1875, 1], 1, p. 66. — Hispesranr, Bot. Zeit., 1864, n° 1, pp. 1 et 4. (2) Nous nous faisons un véritable plaisir d’exprimer ici notre recon- naissance à M. Alf. Cogniaux, conservateur au Jardin botanique de Bruxelles, qui nous a plus d’une fois prêté son concours pour des recherches bibliographiques. \ (42) PREMIÈRE PARTIE. STRUCTURE FLORALE ET FÉCONDATION. Sommaire : À 1. Rôle des diverses particularités de la fleur. — ( 2. Genèse des êtres vivants et finalité. — Espèces cultivées. — Espèces sauvages : variation et hérédité. — Survivance des mieux adaptés. — La varia- bilité est-elle limitée ? — ( 5. Application à la structure des fleurs. — Terminologie. — ( 4. Avantages du croisement. — Expériences de M. Darwin. — Autogamie et xénogamie. — Formule de la loi du croisement. — Gitonogamie. — 5. Structures allogamiques. — Struc- tures autogamiques succédanées. — ( 6. Agents divers de l’allogamie. — (7. Particularités qui amènent la visite des insectes : chasmogamie et cléistogamie. — Nectar, etc. — Organes colorés. — Odeurs. — Organes d'appui, etc. — 8. Particularités qui amènent le croisement. — Pollen et stigmate. — Pollen prépotent. — Aperçu des principales structures florales : I. Individus monomorphes : 1. Fleurs mono- morphes. — 2. Fleurs pléomorphes. — II. Individus pléomorphes : A) Individus hétéromésogames. — B) Individus hétérostyles. — C) Individus hétérodichogames. — D) Individus polyoïques. — ( 9. Développement progressif des structures florales. — ( 10. Conclusion. Chez les végétaux, il y a un organe qui, entre tous, nous apparait sous les formes les plus variées : c'est la fleur. Tantôt sa corolle se réduit à quelques écailles imperceptibles, tantôt elle atteint de gigantesques pro- portions comme dans le Victoria regia; tantôt elle est régulière, tantôt elle présente les formes les plus capri- cieuses; ici le pollen et les ovules arrivent au même moment à l’âge adulte, là un temps notable sépare les époques de leur maturité. La couleur de la fleur, l'instant du jour auquel elle s'épanouit, le nectar qu'elle élabore, le parfum qu'elle répand, les mouvements que souvent ses diverses parties exécutent, tout cela contribue à en (45) faire parfois un appareil extrèmement complexe, alors que parfois elle ne s'élève pas au-dessus du type le plus simple que nous puissions nous figurer. Îl n'y a pas encore très-longtemps, le botaniste se trouvait, en face de ces structures, aussi incapable de comprendre la simplicité des unes que la complication des autres. Dans le règne animal, on était déjà parvenu à se rendre compte, au moins dans la plupart des cas, du rôle que chaque partie d’un appareil joue dans le fonctionnement de l’ensemble. Si nous examinons de même un appareil floral compli- qué, comme un Catasetum, une Aristoloche ou un Posoque- ria fragrans, nous nous rappellerons immédiatement que jusqu’à ces dernières années on ne soupconnait pas — bien plus, on ne cherchait même pas à comprendre — le rôle de toutes les dispositions délicates qu'il offre. Le bota- niste trouvait la fleur, il en décrivait les formes et les teintes, le parfum et les mouvements, mais il ne lui venait guère à l'idée de se demander ce que tout cela signifie. On se contentait souvent de dire que les fleurs ont été créées brillantes pour charmer l'homme, roi de la création : et l’on se figurait avoir tout expliqué. S 1e. Rôle des diverses particularités de la fleur. — Linné (1) (1750) parait être le premier à donner quelques indications sur l'utilité de certaines structures, pour la vie du végétal. Un excellent observateur, Christian-Konrad Sprengel (1795) fit faire un pas immense à la question, en (1) Carozt Linnær, Philosophia botanica, Ed. 2 (Berolini 1780), Cap. V. 6 (44) reconnaissant le rôle capital que les insectes remplissent dans la fécondation de beaucoup de plantes (1). Il s’aperçut qu'en veuant butiner dans les fleurs, ils effectuent souvent le transport du pollen sur le stigmate et que la plupart des détails de structure florale concourent, avec une précision quelquefois incroyable, à ce mode de fécon- dation. Aujourd’hui, appuyés sur la théorie de la sélection naturelle, nous savons que pour qu'une particularité quel- conque se perpétue chez un être, il faut avant tout qu’elle lui soit avantageuse. Or on ne comprend pas, au premier abord, quel profit il y a pour la plante à ce que le pollen soit transporté sur la surface stigmatique par un insecte, au lieu d'y tomber naturellement. Quoique bien près de trouver la solution, Sprengel ne reconnut pas l'utilité du rôle des insectes. Il constata que souvent leur intervention amène le croisement des fleurs différentes d’une même espèce, sans chercher quel avantage ce croisement pouvait offrir : il ne restait donc plus qu'à admettre que, si les fleurs sont belles et si leurs sucs sont parfumés et sucrés, c'est uniquement pour plaire aux insectes et leur fournir de la nourriture ! Et c'est à cette interprétation d’un autre âge qu'un botaniste dis- tingué, Treviranus, préférait encore se rallier en ter- minant, il n'y a pas quinze ans. un travail sur ce sujet (2). Ainsi un premier progrès était accompli. Le fonetion- nement des diverses parties d’une fleur compliquée était (1) C.-K. SprenGEz, Das entdeckte Geheimniss der Natur im Bau und der Befruchtung der Blumen. (2) L.-C. Treviranus, Bot. Zeit., 1865, N° 9, p. 16. (45) au moins clairement entrevu : il conduit à sa fécondation au moyen des insectes. Mais un progrès plus grand restait encore à faire. Ç 2. Genèse des êtres vivants et finalité. — Serait-on satisfait de l'historien qui, expliquant les rouages d'une institution sociale, n’étudierait pas en même temps la manière dont elle a, peu à peu, progressé, depuis sa première et timide ébauche jusqu'à l’état de perfection relative qu'elle a atteint? En chimie, la connaissance d'un composé nest complète que lorsque, après son analyse, nous nous sommes rendu compte de la façon dont il s’est produit, de son mode de formation, de sa synthèse, en un mot. L'étude d'un organisme vivant fait surgir les mêmes questions. D'abord, nous constatons sa structure, son anatomie, le rôle de ses organes — c’est l’analyse ; ensuite, si nous ne voulons pas le regarder, bouche béante, comme un mystère, 1l nous faut absolument interpréter comment ces organes ont pris naissance, de quoi ils dérivent, par quelles étapes ils ont pu passer — c'est la synthèse. Il y a même chez l'être vivant une difficulté toute parti- culière que ne présente pas le composé chimique : sa finalité apparente. La plupart des particularités d’une plante répondent si bien à ses besoins — les détails des structures florales en offrent, entre autres, une preuve éclatante — que l'impression produite sur notre esprit est celle d'une machine construite exprès pour un but déterminé. Tant que cette finalité n’était pas expliquée par des lois naturelles, tant que la genèse des êtres vivants restait un (46) mystère, les sciences biologiques n'étaient point sorties de leur période d'enfance. Ce progrès incommensurable, préparé lentement et depuis longtemps (auquel, entre autres, Lamarck, Goethe, Geoffroy S'-Hilaire, Lyell et notre d'Omalius d'Halloy ont tant contribué) a été enfin accompli. Dans son célèbre ouvrage « The Origin of Species » paru en 1859, M. Darwix a exposé la genèse des espèces avec une clarté, une rigueur de démonstration, une abondance de preuves, un esprit scientifique, un enchainement que l’on n'avait pas atteints avant lui. Chacun connait les idées qu'il a émises et qui, depuis, ont été adoptées et soutenues par un grand nombre de savants. Toutefois, comme l'in- terprétation des structures florales dans leurs rapports avec les insectes repose sur ces principes et, à son tour, les démontre avec une rare évidence, et comme d'ailleurs les théories transformistes n'ont pas encore appelé en Bel- gique l'attention générale des botanistes, ainsi qu'elles le méritent, il nous a paru utile d'en dire ici quelques mots. Espèces cultivées, — Nous l'avons vu plus haut, le naturaliste qui cherche à comprendre les êtres vivants rencontre une difficulté capitale : c’est leur parfaite adaptation au milieu organique et inorganique où ils vivent. Or les forces de la matière agissent aveuglé- ment, fatalement : comment jamais concevoir que ces seules forces donnent naissance à un organe qui semble fait pour sa fonction? Voilà le grand problème. Il est naturel de rechercher si d’autres cas, où il semble aussi y avoir adaptation à une fin déterminée, ne jetteraient pas quelque lumière sur l’apparente finalité des orga- nismes. Eh bien ! les animaux domestiques et les plantes (47.9 cultivées nous offrent précisément un exemple frappant. Tous sont admirablement appropriés au but que s’est proposé l'homme en les domestiquant. Chacun sait comment l’homme arrive à ce résultat. Les plantes issues des graines d’une même capsule, les jeunes produits par le même couple d'animaux sont certes sem- blables entre eux et aux parents, mais présentent aussi des différences individuelles infiniment variées. C’est ce que nous montrent l'observation et l'expérience de tous les jours. Comme l'éleveur s'efforce d'améliorer la race, et qu'il ne peut pas d'ailleurs laisser se reproduire, vu leur nombre, tous les animaux ou toutes les plantes qu'il a obtenues, il est bien obligé de faire un choix, une sélec- tion : il conservera de préférence, pour les accoupler, les individus qui répondent le mieux au but qu'il s’est proposé. Dans le cas le plus ordinaire, la transmission des caractères sur lesquels porte la sélection se fait à une partie seulement des descendants; l’autre partie retourne au type primitif. Mais le nombre de ces derniers diminue à chaque génération et, comme dit une autorité des plus compétentes, Hofmeister, la variété devient « tout aussi relativement constante que les espèces qu'on trouve dans la nature, c'est-à-dire que les soi-disant bonnes espèces(l). » + Hofmeister a ainsi fixé une race de Papaver somniferum à étamines internes transformées en carpelles. La première année (1865), 85 °k retournaient au type, 11 c/, n’avaient que quelques étamines modifiées, et seulement 6 °/, en avaient un grand nombre; — la sélection fut (4) W. Horueister, Al/g. Morph., p. 565 : « ebenso relativ form beständig, als die in der freien Natur sich findenden, sogenannten reinen oder guten Arten es sind. » (48 ) poursuivie, et au lieu de 6 2h, il y en eut l’année suivante 17 °} ; puis 27 0); puis 69 /, ; et enfin, en 1867, 97 0) ! — Chez le Nigella damas- cena polysepala, chez le Ranunculus arvensis inermis, l’Atropa Belladona flava, le Sedum album albissimum, etc., M. H. Hoffmann, auteur de patientes et remarquables recherches expérimentales sur la variabilité, a obtenu une fixation absolument complète et parfaitement trans- missible (1). On trouvera, dans les traités spéciaux, de nombreux exemples des changements considérables que l’homme peut obtenir ainsi par sélection. Ces faits que l’on pourrait citer en très-grand nombre conduisent à deux conclusions importantes : 1° Si les espèces domestiques répondent exactement au but que l’homme se propose en les élevant, c'est par suite de la sélection qu'il exerce : il ne laisse se reproduire que les individus variant dans le sens voulu par lui et il éli- mine rigoureusement tous les autres. 2° Par cela seul qu’il accumule, de génération eu géné- ration, de nombreuses variations individuelles, souvent extrêmement faibles, que l’hérédité transmet, l'homme arrive à obtenir à la longue des différences considérables qui peuvent porter sur les organes les plus essentiels. Espèces sauvages. Variation et hérédité — Jusqu'à quel point ces conclusions sont-elles applicables aux espèces sauvages ? Les espèces sauvages, tout comme les espèces cultivées, varient. Chez les espèces sauvages, tout comme chez les espèces cultivées, certaines variations individuelles se transmettent héréditairement à un plus ou moins grand (1) Untersuch. üb. Variation, Bericht der Oberh. Gesellsch, für Nat. u. Heilkunde, 1877. (49) nombre de descendants. On en pourrait fournir une multitude de preuves. Ainsi, variation — ou déviation plus ou moins forte du type primitif — et hérédité — ou transmission plus ou moins complète des variations acquises — sont deux grandes lois que nous retrouvons identiques chez les animaux et chez les plantes, chez les espèces sauvages comme chez les espèces domestiques. Quoique nous ne connaissions que dans fort peu de cas les causes qui amènent telle ou telle variation déterminée, quoique les phénomènes compliqués de l'hérédité soient encore bien obscurs pour nous, il n'est pas possible de nier la réalité des deux lois que nous venons de rappeler. Notre ignorance des causes ne doit pas nous empêcher d'enregistrer les faits. Nous pouvons bien, d'une facon générale, comprendre que dans un système complexe de forces en équilibre extrêmement instable, comme c'est le cas chez l'être vivant, un léger changement dans les conditions environ- nantes pourra quelquefois amener une rupture de l’équi- libre et, par conséquent, donner naissance à un état d'équilibre nouveau : c’est la variation. Un nombre con- sidérable de faits démontre que la nature de la varia- tion ne dépend qu'à un très-faible degré des conditions extérieures et que, le plus souvent, elle se perpétue malgré un changement complet de ces conditions. Nous en avons une preuve frappante en voyant, que telle variété obtenue par un horticulteur dans son jardin, pourra être reproduite par graines dans tous les coins du globe. Les conditions sont évidemment bien modifiées, mais la variation persiste. — Pour reprendre notre com- paraison, la nature de l'équilibre nouveau dépend bien plus des forces qui sont en jeu que de la cause pertur- (50 ) batrice ; ou, comme dit fort justement M. Darwin, quand une étincelle enflamme une masse de combustible, la nature de la flamme dépend du combustible et non de l’étincelle i1). Survivance des mieux adaptés. — Puisque les espèces, à l’état sauvage, varient et puisque leurs variations peuvent se transmettre héréditairement, un seul principe nous reste encore à prouver : c’est celui de la « sélection naturelle » comme M. Darwin l'a nommé, ou dela « sur- vivance des mieux adaptés » comme l'appelle M. Herbert Spencer. Pour toute espèce, animale ou végétale, le nombre des individus qui parviennent à laisser une progéniture est extrèmement petit, comparé au nombre de ceux qui sont mis au monde. Cette loi est susceptible d'une démonstra- tion mathématique. En effet, la reproduction d'une espèce se fait suivant une progression géométrique et l’on sait, qu'en prenant un nombre suffisant de termes, une semblable progression donne une quantité supérieure à toute limite assignée. Ainsi, il est indubitable que toute espèce vivante, si rien n’arrêtait son extension, couvrirait tôt ou tard la surface entière du globe. Puisque cela n'est pas, nous en pouvons conclure avec certitude qu'un nombre effrayant d’orga- nismes périssent à chaque instant. Et cela se conçoit. Dans le cours de leur développement, l'animal et la plante ont à lutter contre mille influences ennemies : c'est le struggle for life, le combat pour l'existence. Nous avons rappelé plus haut que tous les individus (1) Variation etc., 2nd ed. vol. IT, p. 282. (51) d'une même espèce présentent toujours entre eux des différences plus ou moins accentuées : parmi ces varia- tions, les unes sont profitables aux êtres qui en sont affectés, d'autres leur sont indifférentes, d’autres enfin nuisibles dans les conditions de milieu organique et inorganique où ils se trouvent. Les chances de survie ne sont donc pas les mêmes pour tous les individus d’une mème espèce. Dans le combat pour l’existence, tous ceux qui par une particularité, quelque petite qu’elle soit, l’em- portent sur leurs compagnons et résistent un peu mieux aux causes de destruction, quelles qu'elles puissent être ; tous ceux qui sont mieux appropriés par un détail de struc- ture quelconque à leurs conditions de vie, tous les mieux adaptés auront le plus de chance de survivre et cela par le fait même de leur supériorité. Tous ceux qui sont faibles, chétifs, mal adaptés, moins parfaits, seront infailli- blement éliminés les premiers : résultat nécessaire de leur infériorité même. Voilà le nœud de la question ; on pourrait presque dire que c'est la clef de l'univers. Cette survivance des mieux adaptés résulte donc fatale- ment du combat pour l'existence, et celui-ci est une conséquence inéluctable de la multiplication des orga- nismes en progression géométrique : où trouver dans tout cela un atome laissé à l'hypothèse? Comme dit si bien M. de Quatrefages : « ce n’est pas là de la théorie, ce sont des faits (1).» D'autre part, la conservation des plus aptes fixe, de génération en génération, en vertu de la loi de l’hérédité, les détails de structure qui ont assuré leur victoire aux survivants. À chaque génération, les mêmes phénomènes se reproduisent et le même triage peut se (1) Quarreraces, Espèce humaine, p. 68. (Bibl, sc. internat.) (32) répéter : ces détails de structure se développeront donc et se perfectionneront de plus en plus, par l’aceumulation constante des différences individuelles. Maintenant, nous pouvons comprendre la finalité appa- rente des êtres vivants : comme celle des produits de la culture résulte du choix que l'homme exerce, de même celle des espèces sauvages est la suite inévitable de la survivance des mieux adaptés. Tous les organismes répondent parfaitement à leurs conditions d'existence, parce que Lous ceux qui n'y répondraient pas ont péri ou périssent encore chaque jour. L'embryologie, l'anatomie comparée, l'étude des orga- nes rudimentaires, la paléontologie (1), la distribution géographique des êtres apportent encore de puissantes preuves à l'appui des vues que nous venons d’esquisser : mais ce n’est pas ici le lieu de les examiner, pas plus que nous ne pouvons étudier les modes secondaires de trans- formation des espèces indépendants de la sélection naturelle. La variabilité est-elle limitée ? — On a fait de nombreuses objections à la théorie de la descendance, mais beaucoup d'entre elles reposent sur des préventions ou des hypothèses métaphysiques, plutôt que sur des faits. [l en est une dont nous toucherons quelques mots parce qu'elle compte parmi les plus importantes et qu'elle a trouvé de l'écho chez des botanistes éminents. (1) Nous ne pouvons nous empêcher d’appeler l’attention du lecteur sur le bel apercu que M. Flower a présenté des découvertes géologiques récentes aux Etats-Unis (Revue scientifique, 1876, 11 novembre); toute la série des ancêtres du cheval s’y trouve, entre autres, reconstituée d’une facon remarquablement complète. (55) Certes, dit-on, les espèces varient, mais entre des limites assez étroites, et jamais l'étendue des variations d’une espèce n'est suffisante pour qu'elle entre dans le domaine d’une espèce affine. — L'expérience a réfuté cette objec- tion : ainsi M. H. Hoffmann et avant lui M. Carrière, ont pu transformer le Raphanus Raphanistrum en Rapha- nus sativus (1), quoique ces deux espèces diffèrent énor- mément, quoique MM. Grenier et Godron Îles rangent dans deux sections différentes du genre (sect. Raphanis et sect. Raphanistrum, Flore de France, 1, p. 71-72) et qu’elles aient même été classées dans deux genres séparés par Tournefort, Gärtner, Endlicher et beaucoup d'autres (Raphanus sativus L. et Raphanistrum segelum Baumg.). De mème, la variété du Cucurbita maxima, à. ovaire supère, signalée par M. Naudin, à bien dépassé la distance qui sépare cette espèce de ses congénères (). (1) Étude sur les Radis améliorés ou Raphanodes de M. Carrière, etc. ; par E. Anpré (1869, Belgique horticole, XIX, p. 151). — H. Horrmanw, Bot. Z., 1872, n° 26 et 1875, n° 9; et Untersuch. üb. Variation, 1877, p. 52. (2) Comptes-rendus, LXIV, p. 951. — D’après les renseignements et le dessin que M. Naudin a eu l’extrème obligeance de nous communi- quer, l’ovaire de cette Courge n’est pas absolument libre, comme le dit M. Sachs (Traité de Bot., trad. fr., p. 1085) : il ne l’est qu’aux 5/4 ou aux 4/5 environ. À notre point de vue, cette légère rectification n’importe pas beaucoup : la variabilité n’en est pas moins réelle et cet ovaire est bien plus supère qu’infère. C’est là l’essentiel. — Gasparrini (voir Walpers Ann., IT, 647) avait fait le genre Pileocalyx pour cette variété de Cucurbila. — Un cas bien instructif aussi est celui que MM. Piré (Ann. Soc. Malacolog. Belg., VI, 1871) et Vanden Broeck (Bull. Soc. Mala- colog. Belg., 7 janvier 1872 et 5 mars 1872) ont signalé chez le Planorbis complanalus, et une expérience intéressante de M. Vanden Broeck y a mis clairement en lumière la sélection naturelle. (54) Nous ferons remarquer, en outre, que si la variabilité chez une espèce donnée avait une limite, nous devrions nous attendre à voir les variations devenir de moins en moins intenses et de moins en moins fréquentes à mesure que l’on approche de cette limite et tendre vers zéro, comme un mouvement qui se ralentit avant de s'arrêter. Or, rien de semblable n’a jamais été observé. Au con- traire, les formes les plus éloignées du type primitif sont souvent les plus aptes à varier encore en tous sens, et les horticulteurs tirent, chaque jour, des variétés nouvelles de plantes déjà extrêmement déviées de la forme ancestrale(1). La conséquence de ces faits, sur laquelle on n'a peut-être pas assez insisté jusqu'ici, pour- rait s'exprimér de la façon suivante : La somme des variations déjà acquises ne diminue en rien la possibilité de varier encore, ou, plus brièvement : foute variété est encore variable. De là résulte, en quelque sorte comme corollaire, que « la somme des variations peut atteindre toute grandeur que l’on voudra, pourvu que l’on considère un temps suffisamment long. » M. Sachs (Traité de Bot., trad. franc., p. 1105) dit, avec raison, que cette proposition est le seul point de la théorie de la descendance « qui ne se laisse pas immédiate- ment démontrer comme fait. » Mais, à notre avis, elle se déduit directe- ment des considérations que nous venons de faire valoir, et tant que l’on ne nous aura pas montré la variation d’une espèce atteignant une frontière infranchissable, rien n’autorisera, pensons-nous, à révoquer en doute cette déduction légitime des faits observés. — Nous ne voulons pas dire évidemment que la variabilité soit illimitée dans telle direction donnée, mais seulement qu’une variété n’est pas moins susceptible de varier dans différents sens que le type dont elle dérive : et c’est là tout ce qu’il faut pour expliquer la genèse des espèces par sélection naturelle. (1) Voir Darwin, Orig. of Spec., 6th ed., pp. 5 et 44. (35) En résumé : Les espèces varient. Dans le combat pour l'existence, toute variation utile donne une chance de survie, toute variation nuisible une chance de mort. L'hérédité transmet et fixe les variations acquises qui s'accumulent de génération en génération. De là, la pro- duction de variétés et d'espèces nouvelles, de plus en plus complexes et de plus en plus élevées en structure. Cette production est nécessairement lente, parce que les variations sont en général lentes et graduelles, et parce que des causes accidentelles de destruction viennent souvent enrayer les effets de la sélection naturelle. — De là, également, la finalité apparente des organismes. — De là, l’ordre et l'harmonie dans l'univers. Depuis que l'on a compris cette « sélection naturelle », sa portée et ses effets, les sciences biologiques ont pu rejeter à jamais le miracle de leur sein, comme l'avaient fait, avant elles, les sciences plus simples — astronomie, physique, chimie —. C'est depuis lors seulement que la vie n'a plus paru une anomalie dans la nature et que la phrase de M. Huxley a pu être énoncée dans sa généralité grandiose : « The world is governed by laws. » « Le monde est régi par des lois (1). » St Application à ia structure des fleurs. — Si l'on tient compte des faits généraux que nous venons de rappeler, on va voir avec quelle netteté se pose le problème des structures florales. Nous avons dit en commençant que la plupart des détails innombrables (1) Cité par Houzeau, Étude de la nature, p. 278. (56 ) qui font la splendeur et la variété des fleurs, ont pour effet d'amener le transport du pollen sur le stigmate par l'intermédiaire des insectes. Dans certains cas, Sprengel avait déjà compris qu'une fleur est, de cette manière, fertlisée par le pollen d’une fleur différente de la même espèce. Depuis, M. Darwin et d’autres ont montré que c’est là une règle universelle : la structure des fleurs visitées régulièrement par les insectes est toujours telle, qu'ils y opèrent le plus souvent la fécon- dation par du pollen étranger. Ce fait est capital. Si la théorie transformiste est vraie, si les détails de structure florale ont été graduellement acquis par la survivance des mieux adaptés, il faut donc, de toute nécessité, que la fécondation d'une fleur par le pollen d’une autre fleur soit bien plus avantageuse que la fécondation par son propre pollen. Telle est la déduction qui s'impose à nous et nous allons montrer qu'elle est sanctionnée par les faits. Terminologie. — Mais auparavant quelques termes demandent à être bien définis : car le plus grand désordre encombre la terminologie des structures florales dans leurs rapports avec la fécondation, et nous aurons malheureusement à le constater encore à diverses reprises. Comme, en français, la terminologie de cette partie de la science n’est guère formée, on nous permettra de proposer, au fur et à mesure que le sujet l’exigera, les expressions qui nous paraissent le plus claires et qui évitent des périphrases longues et génantes. Le dépôt de pollen sur le stigmate ne conduit pas toujours à la forma- tion de graines fertiles, et, en tous cas, il s'écoule un certain temps, entre l’arrivée du pollen et le contact du tube pollinique avec le sac embryon- naire : il y a donc lieu de distinguer ces deux phénomènes. Nous emploie- rons les mots polliner et pollination pour désigner d’une facon générale le dépôt du pollen sur le stigmate (en allemand, bestäuben et Bestäubung), tandis que fécondation (Befruchtung) désignera exclusivement le cas où la pollination est efficace. La raison qui nous fait rejeter les termes « pollinisation » et « polliniser » dont quelques auteurs se sont déjà servis, est précisément celle que M. W.-E. Hart a exposée dans le journal (57) Nature (June 12, 1875, p. 121) : La terminaison îser indique en français, « transformer en», par exemple, « pulvériser, carboniser; » et « polli- niser » devrait d’après cela signifier, non pas « couvrir de pollen, » mais « convertir en pollen. » L’analogie avec « poudrer, colorer, etc., » qui veulent dire « couvrir de poudre ou de couleur, » nous conduit à penser que les mots proposés ci-dessus sembleront plus clairs et plus régulière- ment formés. La pollination et la fécondation (chez les phanérogames) présentent, "à notre point de vue, deux cas principaux : ou bien il y a union entre les cellules sexuées d’une seule et même fleur hermaphrodite, ou bien cette union a lieu entre les éléments sexuels de fleurs différentes. Le premier cas de pollination peut être, d’une facon générale, désigné par aulo- gamie, et lorsqu'il conduit à une fécondation, à une production de fruit, par aulocarpie; le second par allogamie et allocarpie. Ces cas se subdivi- sent de la manière suivante: l’autogamie peut être amenée soit par la structure même de la fleur — autogamie directe, autocarpie directe ; — soit par l'intervention d’agents extérieurs, tels que les insectes ou l’expérimentateur — autlogamie indirecte, autocarpie indirecte. — Quant à l’allogamie, elle ne peut être réalisée évidemment que par une interven- tion étrangère, (vent, insectes, etc.) — : lorsqu'elle a lieu entre fleurs différentes du même pied, nous la désignerons par gitonogamie, gitono- carpie (C'eirwy, voisin, parent) et par æénogamie, xénocarpie (Æ£705, étranger) quand elle a lieu entre fleurs appartenant à des individus dif- férents. Cette dernière est la véritable forme du croisement, et il est même possible que la gitonogamie doive être considérée plutôt comme un cas d’autogamie (1). On peut résumer dans le tableau synoptique suivant, les divers cas de Autogamie directe; si elle est ef- Autogamie ; 5 ficace : autocarpie directe. si elle est efficace : l Aulogamie indirecte ; si elle est ne aulocarpte. NT de Pollination ; P efficace : autlocarpie indirecte. si elle est efficace : r. : Gitonogamie; si elle est efficace : fécondation. Allogamie ; J pis k gtlonocarpie. si elle est efficace : À 1 à à Xénogamie; si elle est efficace : allocarpie. ; 2 æenocarpie. (1) Voyez plus loin $ 4 Gitonogamie, (58) Pour faciliter l'intelligence des ouvrages des principaux auteurs qui ont traité ce sujet, nous allons rapidement indiquer les termes dont ils se servent : ce sera en quelque sorte la « synonymie » des expressions que nous employons. M. Darwin appelle l’autogamie « self-fertilisation, » et l’allogamie « cross-fertilisation. » M. Hiroesrano (Bot. Zeitung, 1866, p. 78; Geschlechter-Vertheilung, 1867, p. 2) et après lui M. H. Müruer (Die Befruchtung, ete., 1875, p. 12), ont parfaitement distingué les principaux cas — sauf peut-être la gito- nogamie. — Ils emploient les mots : « Sichselbsthbestäubung » (autoga- mie directe}, « Sichselbstbefruchtung » (autocarpie directe) ; « Selbst- bestäubung » (autogamie indirecte), « Selbsthbefruchtung » (autocarpie indirecte) ; « Fremdbestäubung » (allogamie). M. Fev. Decrino (Dicogamia ed omogamia nelle piante dans le Nuovo giorn. bot. ital., 50 aprile 1876; et passim dans ses autres œuvres) a aussi établi une terminologie fort rationnelle. Il distingue l” « impol- linazione » (pollination) et la « fecondazione » (fécondation). De plus, il subdivise celle-ci en « dicogamia » (xénocarpie), « omogamia monoica » et « omogamia omocefala » qui toutes deux rentrent dans notre gitono- carpie ; et enfin « omogamia omoclinica » (autocarpie). Il nomme encore les trois premières formes de fécondation « eterocliniche » par opposi- tion à la dernière. Malheureusement le terme « dichogamie » avait été appliqué par Sprengel, dès 1795, aux fleurs dont les anthères et les stigmates ne sont pas mürs en même temps, et ce mot a été générale- ment adopté, ainsi que son antithèse « homogamie »: malgré les excellentes raisons que M. Delpino invoque en faveur du sens qu’il donne à ces mots, nous ne saurions donc l’imiter. Dans une nomen- clature déjà embrouillée, rien ne nous semble plus dangereux que de modifier le sens des rares termes admis par tout le monde. Un mot nouveau est cent fois préférable à ces changements de signification. M. S. Axezz (Om anordningarna for de fanerogama vüxternas befruktning, 1869) a introduit le terme « pollination » que nous lui empruntons; il a, pour le reste, suivi MM. Hildebrand et Delpino. M. Pu. Van Tieenem emploie, dans sa traduction du livre de M. Sachs, les expressions « pollinisation », « fécondation » et « autofécondation » (mot assez mal formé qui répond à notre autocarpie), « pollinisation croisée » (allogamie) et « fécondation croisée » (allocarpie) ; tandis que le (99 ) R. P. Bezcynor (Cours élémentaire de botanique, 1re éd., p. 228) prend « fécondation croisée » comme synonyme d’hybridation. M. A. Kerxer (Die Schutzm. der Blüthen etc., 1876, p. 192) n’a malheureusement pas distingué la fécondation de la pollination, Mais la pollination a été fort bien divisée par lui en « Autogamie » et « Allogamie », celle-ci se subdivisant en « Geitonogamie » et « Xeno- gamie ». Ce sont les noms que nous avons adoptés après lui, en y ajoutant autocarpie, allocarpie, xénocarpie et gitonocarpie. Il faut noter aussi que M. Delpino (Sugli apparecchi della fecondazione nelle piante antocarpee, 1867, p.56) avait, longtemps avant M. Kerner, créé le terme « autogamie ». M. O. Kuwrze (Bot. Zeit., juillet 1877) suit la nomenclature de M. Kerner, mais ne semble pas avoir bien saisi celle de MM. Hildebrand et H. Müller : c’est ainsi qu’il ne tient aucun compte de la distinction entre « Bestäubung » et « Befruchtung » — pollination et fécondation — et qu’il applique « Fremdbestäubung » uniquement au cas où le pollen est transporté par le vent. Il oublie que ce mot a déjà une signification déterminée (ailogamie), et que, de plus, certaines plantes fécondées par les insectes ont le pollen pulvérulent (Staub). On trouvera, à la fin de la première partie de ce travail, une liste alpha- bétique des principaux termes, plus ou moins spéciaux, dont nous nous servons, avec renvoi à la page où ils sont définis. Ç 4. Avantages du croisement. — Chez la plupart des peuples et depuis les temps les plus reculés, les mariages incestueux ont été strictement prohibés. Tous les éleveurs sont d'accord pour reconnaitre que des accouplements consanguins répétés sont nuisibles et que le croisement entre individus de troupeaux différents est, au contraire, hautement profitable. Pour les plantes, les horticulteurs ont déjà, depuis assez longtemps, soupçonné qu'il est avantageux de féconder les ovules avec du pollen étran- ger. C.-K. Sprengel(!), Andrew Knight (2, Kôülreuter 6), (1) Das entdeckte Geheimniss der Natur ete., 1795, p. 45. (2) Philosophical Transactions, 1799, p. 202. (5) En 1761, selon M. Axecz, en 1809, selon M. Darwix. Nous n’avons pas eu occasion de vérifier la chose. 7 ( 60 ) Herbert (1), C.-F. Gärtner(?), Lecoq(5) ont soutenu cette doctrine. Mais les expériences et les observations sur :es- quelles ils se fondaient étaient trop peu nombreuses ‘et n'avaient pas été faites avec les précautions nécessaires, pour qu'on püt regarder [a généralité de la loi comme prouvée. Or, tant que l'on n'avait pas démontré, par des expé- riences très-nombreuses et extrêmement soignées, que dans la lutte pour l'existence, les individus nés de croise- ment finissent toujours par l'emporter sur ceux qui proviennent de l’autocarpie, toute la théorie de l'inter- prétation des structures florales n’était assise que sur des fondements mal assurés. Cette lacune est aujourd'hui comblée. Si, dans un sujet d’une telle étendue, il reste toujours beaucoup à faire, il n'en est pas Moins Vrai, qu'au point de vue de la botanique théorique, la publication du livre de M. Ch. Darwin, The Effects of Cross and Self-Fertilisation in the Vegelable Kingdom (London, 1876)(%, doit être regardée comme l'événement le plus important des dernières années. L'illustre naturaliste y donne les résultats d'expériences poursuivies pendant onze ans et l’on reste pénétré d’éton- nement à la lecture de ses patientes et consciencieuses recherches. On se demande ce qu'il faut le plus admirer, ou son prodigieux talent d'expérimentateur ou son génie magistral d'interprétation. (1) Amaryllidaceae, with a Treatise on Cross-bred Vegetables, 1857, p.571. (2) Beiträge zur Kenntniss der Befruchtung, 1844, p. 566. (5) Dela fécondation, 2me édition, 1862, p. 79. (4) Ce volume vient d’être traduit en français par M. Hecker. ” (61) Expériences de M. Darwin. — M. Darwin a surtout bien compris que les phénomènes vitaux sont si extraordinairement complexes — ce sont, si l’on veut, des fonctions à tant de variables — qu'on ne peut être certain de l'effet de telle ou telle circonstance qu’en sim- plifiant, autant que possible, les termes à comparer — c'est-à-dire en ne faisant varier à la fois qu’un très-petit nombre de variables, pour reconnaitre leur influence sur la fonction. — Sa méthode d’'expérimentation est trop ingénieuse et trop précise, et l'excellence de cette méthode donne une trop grande valeur aux résultats obtenus, pour que nous nengagions pas vivement le lecteur à en voir l'exposé dans The Effects of Cross and Self-Fertilisa- tion (p. 10-14). Son trait essentiel consiste à mettre en présence, sous des conditions aussi identiques que pos- sible, des graines produites les unes par xénocarpie, les autres par autocarple, et à comparer dans toutes leurs phases les plantes qui en résultent. Autogamie et xénogamie. — M. Darwin a expéri- menté de cette façon sur cinquante-sept espèces, appar- tenant à cinquante-deux genres répartis entre trente familles naturelles. Ces espèces sont originaires de diverses parties du globe. Plus de mille individus issus de croise- ments et plus de mille issus d’autocarpie furent observés. La différence la plus nette se présente si l’on compare les individus nés d’autocarpie, avec ceux qui ont été pro- duits par le croisement de deux plantes de la même espèce, mais provenant de localités séparées (cross with a fresh stock), ou appartenant à deux sous-variétés voisines. Les individus d’origine allocarpique sont invariablement supérieurs et fleurissent les premiers. Voici quelques chiffres calculés d'après les tableaux de M. Darwin (62) (eh. VID) : Si l'on représente par 100 la hauteur moyenne des plantes issues du croisement tel que nous venons de l'indiquer, la hauteur moyenne des plantes issues d’auto- earpie est de 74 (1); si l’on compare les poids moyens des deux sortes de plantes, le rapport est de 100 à 57 ; et le rapport moyen des fertilités, estimé par le poids total des graines obtenues, est de 100 à 27,5. Mais si l’on compare les plantes issues de xénocarpie entre individus croissant ensemble ou cultivés dans le même jardin, avec celles qui sont produites par autocarpie, la différence estencore parfaitement évidente, quoique moins grande que dans le cas précédent : la moyenne des di- verses moyennes donne, comme rapport des hauteurs, 100 à 87 et, comme rapport des poids, 100 à 69,4. La vigueur et la fertilité des deux sortes de descendants sont, en général, très-différentes : les individus nés de croisement sont de beaucoup les plus productifs et l'écart peut aller jusqu'à atteindre le rapport de 100 à 5. Is fleurissent d'ordinaire les premiers. Bien plus, on connait des plantes qui, même dans leur patrie et sous les conditions normales, sont absolument stériles lorsqu'elles recoivent le pollen de la même fleur, quoique celui de tout autre individu les féconde et que leur pollen soit capable de féconder tout autre individu de la même espèce. L'autogamie n’y produit jamais d’autocarpie 2). M. Darwin nomme ces plantes (1) Nous n’avons pas tenu compte de l’inégale valeur des diverses expériences de M. Darwin, selon le nombre de plantes observées dans chacune. Vu les précautions employées, cette inégalité est d’aillears très-faible. (2) Voyez Darwin, The Effects of Cross and... ete., p. 529-547. (65) self-sterile et M. Delpino adynamandres. Nous adop- terons ce dernier terme. Il y a des degrés divers d'adynamandrie. En général, comme nous l'avons vu jusqu'ici, le pollen de la même fleur est simplement moins efficace que le pollen étranger; chez les vraies plantes adynamandres, il est absolument inefficace (Cory- dalis cava, Eschscholtzia) ; chez d’autres, limpuis- sance s'étend à tout le pollen du même individu (Senecio cruentus, Abutilon Darwinii, Tabernaemontana echinata, Bignonia, etc.); enfin on connaît des Orchidées où non- seulement le pollen et le stigmate d’une mème fleur sont réciproquement inefficaces, mais encore réciproquement délétères (Oncidium, Notylia). Tantôt l'adynamandrie existe régulièrement chez tous les individus d’une même espèce (c'est le cas pour les exemples que nous venons de elter), tantôt elle ne se présente que chez quelques-uns (Reseda lutea et odorata, Passiflora, etc.). D'autres conclusions également importantes et qui intéressent notre sujet, ressortent encore du livre dont nous nous occupons. Les plantes xénocarpiques et autocar- piques sont souvent à peu près égales, tant qu’elles sont jeunes ; il arrive même que les plantes issues d’auto- carpie aient d'abord le dessus (par exemple chez les Brassica oleracea et Ononis minutissima) : mais quand elles sont parvenues à l’âge adulte, à l’époque de leur reproduction, après une compétition longue et ardente, le résultat final est, dans l'immense majorité des cas, bien clairement favorable aux individus nés d’allogamie. C’est là du reste, disons-le par parenthèse, un fait complète- ment conforme aux lois les plus générales des êtres orga- nisés : tous se ressemblent à leur état initial — une petite masse albuminoïde — et c’est avee l’âge que l'on voit (64) apparaître chez eux une différenciation toujours croissante. Les bons effets d'un croisement et les effets nuisibles d’une fécondation consanguine se transmettent hérédi- tairement. Que des plantes issues de xénocarpie et d'autres issues d’autocarpie soient traitées précisément de même, et ensuite fertilisées, non plus d'une façon diffé- rente, mais toutes de la même manière, les descendants des premières n’en seront pas moins encore les plus robustes. C'est ce que démontrent les expériences récentes de M. Darwin sur la Pensée et sur le Pois-de-senteur, ainsi que certaines observations plus anciennes. Toutefois un point si intéressant mérite des études plus nombreuses. Enfin, il est une dernière loi qui, vu son importance capitale, est bien digne de nous arrêter encore un instant. La supériorité des individus nés de croisement et l'infério- rite de ceux qui proviennent d’autogamie sont d'autant plus considérables et plus apparentes que ces individus sont soumis à des conditions plus défavorables et à une concur- rence vitale plus ardente. La méthode d'expérimentation de M. Darwin a le grand avantage de faire naître une rivalité entre les plantes des deux sortes, comme il doit s’en produire une dans la na- ture, chaque fois que des graines d'origine autocarpique et d'origine croisée se trouvent par hasard germer côte à côte. Mais le livre « The Effects of Cross and Self-Fertilisation » contient égalementles résultats d'expériences où les plantes des deux catégories furent cultivées soit isolément, soit dans de très-grands pots contenant de la terre fort riche, soit en plein air et assez distantes les unes des autres. De cette façon, il n’y avait guère de compétition et la dif- férence entre les deux sortes de plantes se montra aussi, en général, très-faible. En revanche, dans des conditions (65) difficiles, telles qu'un hiver rigoureux, un terrain pauvre, un sol déjà occupé par d'autres plantes, la victoire des individus xénocarpiques est éclatante. Chez une de nos Papilionacées les plus communes, le Sarothamnus scopa- rius, M. Darwin laissa 16 individus, 8 issus d’autocarpie et 8 issus de xénocarpie, lutter ensemble à mort pendant 4 années (1867-1871). Dès 1868, deux plantes autocar- piques périrent; l’année suivante, dans l’un des pots, les trois plantes nées de croisement atteignirent une trentaine de centimètres et avaient rendu à leurs concurrentes l'existence si dure, que deux étaient mortes et que la troisième, haute de moins de % centimètres, était mourante. Restaient trois couples de plantes. Là encore, les xénocarpiques l'emportaient de 57 °/, en taille; et, au printemps de 1871, elles se portaient fort bien, tandis que leurs concurrentes avaient été à demi gelées : les xénocar- piques fleurirent bientôt, mais aucune des autres ne porta une seule fleur. | Les plantes nées d'autocarpie sont bien plus souvent frappées de mort prématurée que leurs antagonistes. Enfin une fécondation autogamique, longtemps poursuivie, amène une grande uniformité dans les descendants. L’allo- gamie, au contraire, est favorable à la variabilité qui est elle-même la condition première de la sélection naturelle et, par conséquent, de l’évolution ultérieure. A ce point de vue donc, le croisement est encore avantageux à l'espèce (1). Ce côté de la question a même été mis en avant par M. Kerner d’une facon beaucoup trop exclusive. Il dit en effet (Die Schutzmitiel der (1) Voyez Darwin, The Effects of Cross ete., p.3506-511; et Variation of Animals etc., 2°4 ed. vol. IT, p.252-255. ( 66 ) Bliüthen geyen unberufene Gäste, 1876, p. 192) que, selon lui, « l'avantage de la floraison consiste en ce qu’elle rend possible la production d'individus différant des parents. » Or, 1° on sait que les plantes peuvent varier par voie asexuée. C’est un sujet que M. Darwin a amplement traité sous le titre de « Bu variation ». 2 Il est aujourd’hui bien démontré que la fonction principale des fleurs est d’opérer une multiplication beaucoup plus rapide que la reproduct'on asexuée et de permettre un croisement qui augmente, comme nous l’avons vu, d’une façon si notable, la vigueur et la fertilité de l’espèce. Formule de la loi du croisement. — De tous les faits que nous venons de résumer, il résulte, d’une ma- nière indubitable, que dans la plupart des cas, sinon toujours, l’allogamie est plus avantageuse que l’autogamie ; et que, si des individus issus d’allocarpie et d'autres issus d’autocarpie croissent côte à côte sur le même terrain, les allocarpiques l’emportent dans le combat pour l’existence et tendent toujours à remplacer les autocarpiques. Cela est certain. Peut-on en conclure « qu'aucun hermaphrodite ne se fertilise lui-même perpétuellement? » en d’autres termes qu'une autocarpie continuelle est impossible? D'une facon rigoureuse, non. L'expérience a démontré, il est vrai, que des plantes nées d’autocarpie sont à la longue invariable- ment éliminées, lorsqu'elles ont pour concurrentes des plantes de la même espèce issues d'allocarpie ; mais il n’est pas impossible que des plantes autocarpiques puissent se maintenir indéfiniment, tant qu’elles n'ont pas de compé- titeurs allocarpiques de la même espècel(l), c'est-à-dire ——————— (4) De la même manière que les végétaux et les animaux de la Nouvelle- Zélande se sont maintenus, jusqu’à l’époque où ceux qu’on importe d'Europe sont venus leur disputer le terrain et les refouler (Darwin, Orig. of Species, p. 165.) (67) adaptés exactement aux mêmes conditions de vie. Nous disons, il n’est pas impossible, parce qu'il n'y a, jusqu'ici, de preuves décisives, ni pour ni contre cette opinion. Une discussion complète de la question nous est ici interdite : elle nous entrainerait trop loin et nous renvoyons à l'excellent exposé critique qu’en a fait M. Hermann Müller dans la première partie de son livre « Die Befruchtung der Blumen durch Insekten » (pp. 7 et 18-21). Nous remarquerons seulement qu’il y a un fait général qui, au point de vue de la survivance des plus aptes, semble indiquer l'impossibilité d'une éternelle autogamie. Ce fait, le voici : malgré l'avantage immense que les fleurs cléistogames (1) offrent pour la plante, comme économie de matière organisée, on ne connait pas d'espèce qui produise exclusivement des fleurs de cette sorte; toujours il existe, à côté des fleurs cléistogames où l’autocarpie est inévitable, des fleurs ouvertes — chasmogames, comme les a nommées M. Axell(2 — où l’allogamie est nécessaire, probable où au moins possible. C’est ce qui conduit à penser qu'une allogamie, interve- nant au moins de temps en temps, est indispensable à la conservation de l'espèce, même chez les fleurs que les insectes visitent rarement (5). La loi telle que M. Darwin (1) On appelle ainsi de petites fleurs, toujours complètement closes et pourtant très-fertiles, qui s’observent chez certains végétaux. Le terme « cléistogames » (xAe:oT0s fermé, y&u0s mariage) a été d’abord proposé par M. Kuux (Bot. Zeit., 1867, p. 65). (2) Axezz, Om anordningarna etc., p. 14 De XATUA& ouverture, gueule béante. (5) Des considérations analogues sont présentées par M. Darwin : The Effects of Cross etc., p. 586-588. (68) l'a souvent exprimée : « aucun être organisé ne se fertilise perpétuellement par autogamie(l) », n'atteint donc, en somme, qu'un certain degré de probabilité. Aussi croyons- nous préférable, dans l’état actuel de nos connaissances, une forme moins absolue, déjà employée par M. Darwin lui-même (2). Les termes, dans lesquels nous avons tâché (p. 66) de résumer les expériences faites jusqu'ici, se rapprochent beaucoup de ceux de M. Hermann Müller : ils sont dénués de toute hypothèse et suffisent à l’inter- prétation des structures florales. Gitonogamie. — Nous n'avons examiné, dans ce qui précède, que l’autogamie et la xénogamie : 1l nous reste à parler du croisement de fleurs différentes du même individu, c'est-à-dire de la gitonogamie. Est-elle plus avantageuse pour la plante que l’autogamie stricte? Les expériences entreprises jusqu'à présent ne permettent pas encore de donner une réponse définitive à cette question, d'autant plus qu'elles ont fourni des résultats parfois contradictoires. Cependant, on peut dire, selon nous, qu’en général la gitonogamie est un peu supérieure à l'auto- gamie, quoique notablement inférieure à la xénogamie. Nous verrons que M. Darwin semble plutôt de l'avis con- traire, du moins pour le premier point. Comme ce point réclame impérieusement des études nouvelles, nous allons (1) « These facts... incline me to believe that it is a general law of nature that no organic being fertilises itself for a perpetuity of generations; but that a cross with another individual is occasionnally — perhaps at long intervals of time — indispensable. » (Orig. of Spec., 6th edit., p. 76). (2) Variation of Animals ete., vol. Il, pp. 94et 126. Voir aussi Effects of Cross etc., p. 8; et Nature, 25 sept. 1875, p. 451 : « .….. that it is a very general, though apparently not quite universal law, that organisms occasionnally intercross. » (69) résumer et discuter ici quelques indications éparses chez divers auteurs, afin d'établir l’état actuel de cette question et de préparer ainsi, dans la mesure de nos forces, le terrain pour les recherches ultérieures. Dans ce livre si intéressant, « The Effects of Cross and Self-Fertilisation » que nous avons déjà tant de fois cité, et dont on ne saurait assez estimer la valeur, M. Darwin rapporte des expériences de gitonogamie effectuées par lui sur cinq espèces seulement : Digitalis purpurea, Ipomoea purpurea, Mimulus luteus, Pelargonium zonale et Origa- num vulgare. Chez le Digitalis purpurea, les plantes issues de gitonocarpie eurent certainement un léger avantage sur celles qui provenaient d’autocarpie : on trouva, pour les hauteurs, le rapport de 100 à 92, et, pour les poids, celui de 100 à 78. Chez deux espèces, Pelargonium et Origanum, il n'y eut pas de différence entre les individus gitonocar- piques et autocarpiques. Enfin — résultat remarquable et étrange — chez le Mimulus luteus, il y eut un minime excès en poids du côté des autocarpiques (100 à 105), quoique, en hauteur, l'avantage füt plutôt pour les gitono- carpiques (100 à 95)(1) ; et, chez l’Ipomæa purpurea, les autocarpiques tinrent positivement la corde : car les gitono- carpiques furent moins hauts dans le rapport de 100 à 105, et moins lourds dans le rapport de 100 à 124; ils fleurirent aussi les derniers, huit fois sur dix(2). Chez (1) C’est probablement par suite d’un lapsus que M. Darwin (Op. cit., p. 501) indique comme rapport des hauteurs 100 à 105, car (p. 78) il dit, en donnant les mesures à l’appui, que le rapport était de 100 à 95 : en refaisant le caleul nous avons aussi trouvé ce résultat. (2) Cependant les capsules issues du croisement gitonogamique conte- naient un peu plus de graines que les autocarpiques (de même chez l’Ori- ganum). D’autre part, dans une expérience supplémentaire, les individus (70) cette espèce, les plantes xénocarpiques sont, au contraire, très-supérieures aux autocarpiques. Ainsi, sur les cinq cas où l'autogamie et la gitonogamie furent comparées, un est clairement favorable à la gitonogamie, deux ou plutôt trois montrent la gitonogamie et l’autogamie également avantageuses et un est nettement favorable à l’autogamie. Il n’y a donc guère de conclusion à tirer du résultat, sinon qu'en tous cas la gitonogamie est moins avantageuse pour la plante que la véritable xénogamie. Aussi avons-nous déjà plus haut (p. 57) exprimé nos doutes sur le point de savoir si la gitonogamie peut, à proprement parler, être regardée comme une forme de croisement. Nous par- tageons en cela l'hésitation de M. Darwin, car (Op. cit., pp. 132 et 529) il nomme l’autogamie et la gitonogamie « deux formes d'autogamie » (two forms of self-fertilisa- tion), tandis qu'à d’autres places 1l appelle la gitonogamie un « quasi-croisement » (quasi-crossed plants, p. 95) ou mème un « croisement » (crossed plants, p. 42). Qu'on prenne ou non la gitonogamie pour un véritable croisement, nous pensons, comme nous le disions tantôt, que ce mode de fécondation est plus profitable que l’auto- gamie stricte. C'est une opinion que M. Delpino a déjà émise (!), sans toutefois citer de preuves à l'appui. Il donne, parexemple, le tableau suivant, qui n’a que le défaut d'être un peu absolu dans un sujet où il reste encore tant à faire : gitonocarpiques furent encore inférieurs en hauteur aux autocarpiques, dans le rapport de 100 à 108. (1) Dicogumia ed omogamia nelle piante dans le Nuovo Gicrn. bot. Ital., JU aprile 1876, p. 148. (71) « Noces homoclines (c'est-à-dire autogamie) — Fécondité minimum. « Noces homocéphales (c'est-à-dire gitonogamie entre fleurs d’une mème inflorescence) — Fécondité faible. « Noces monoïques (e’est-à-dire gitonogamie entre fleurs d'inflorescences séparées de la même plante) — Fécondité meilleure. « Noces dichogamiques (c’est-à-dire xénogamie) — Fé- condité maximum. » | A la même page, le savant botaniste italien ajoute (1) : « La gitonogamie est jusqu'à un cerlain point inter- médiaire entre la vraie et complète autogamie et la vraie et complète allogamie. » Examinons maintenant de plus près la manière de voir de M. Darwin. À diverses places dans son livre, et en partie d’après les expé- riences que nous avons esquissées plus haut, M. Darwin indique comme probable une opinion différente de la nôtre, qui n’est peut-être pas suffisamment démontrée et ne parait admissible que dans quelques cas exceptionnels. * Voici comment il s’exprime, après avoir rapporté la victoire des plantes autocarpiques sur les gitonocarpiques, chez l’Ipomoea (voy. plus haut page 69) : « C’est là un fait remarquable qui semble indiquer que l’auto- gamie est de certaine manière (in some manner) plus avantageuse que le croisement, à moins que celui-ci n’apporte avec lui, comme c’est ordi- nairement le cas, quelque avantage notable et prépondérant (2). » Et plus loin, à propos d’autres faits analogues : « Il est difficile de ne pas soup- conner que l’autogamie soit à certains égards avantageuse : quoique, s’il en est réellement ainsi, un semblable avantage soit en général tout à fait insignifiant, en comparaison de celui qui résulte d’un croisement avec (1) Pour la facilité du lecteur, nous traduisons en employant la termi- nologie adoptée dans notre travail. (2) The Effects of Cross ete., p. 61. (72) une plante différente, surtout si elle vient d’une autre localité (fresh stock)(1).» M. Darwin ne veut pas seulement dire par là qu’une féconda- tion autogamique vaut mieux pour la plante qu’une absence de féconda- tion : c’est là une chose évidente (2) ; mais il soutient que la pollination la plus strictement consanguine (autogamie) est supérieure à une union entre éléments sexuels de parenté un peu plus éloignée. Tel est le point qui mérite une sérieuse discussion. | Une conclusion essentielle ressort, d’une manière positive, de toutes les belles expériences de M. Darwin sur le croisement, de ses expériences sur les plantes hétérostyles et de l’examen critique auquel il a soumis les recherches des autres naturalistes sur ce sujet. La voici : les avantages du croisement ne résultent pas « de quelque vertu mystérieuse résidant dans Punion d’individus différents, mais seulement de ce que ces individus ont été soumis, au moins pendant des générations antérieures, à des con- ditions différentes, ou de ce qu'ils ont varié d’une manière généralement appelée spontanée; de telle sorte que leurs éléments sexuels ont été, jusqu’à un certain degré, différenciés. Et, de même, les désavantages de l’autogamie proviennent du manque de différenciation dans les éléments sexuels (5). » Ce point est parfaitement établi : ainsi, le croisement entre deux plantes soumises pendant plusieurs générations à des condi- tions absolument identiques, n’apporte plus guère de profit avec lui. Et, d’autre part (voy. plus haut, p. 61-62), l’allogamie avec un individu d’une localité différente est toujours bien supérieure à l’allogamie entre habitants du même endroit, Enfin, des considérations de chimie condui- sent précisément à la même conclusion. On voit, dès lors, pourquoi la xénogamie est beaucoup plus avantageuse que la gitonogamie : deux fleurs de la même plante ont toujours été exposées au même milieu, elles ont été nourries par les mêmes racines et les mêmes feuilles, lesquelles ont tiré pour elles, du sol et de l’atmos- phère, les mêmes éléments nutritifs et dans des proportions qui en général doivent différer fort peu. Nous ne pouvons donc pas nous attendre à (1) Darwin, Op. cit., pp. 352, 586. (2) Du reste, M. Darwin (Op. cit., p. VII) le dit clairement : « Self-ferti- lisation apparently in some respects beneficial, independently of the assu- red production of seeds. » (5) Darwin, Op. cit., p. 445. (75) une grande différenciation entre leurs cellules sexuées. Cependant on sait, d’un autre côté, que chaque bourgeon se conduit, dans beaucoup de cas, comme un individu distinct, et peut varier indépendamment du reste du végétal (1) : deux fleurs ou deux-bourgeons de la même plante peuvent aller jusqu’à être quelquefois plus dissemblables entre eux, quant à lPaspect extérieur, que ceux de deux plantes séparées. Nous pouvons conclure par analogie que deux fleurs du même pied diffèrent souvent un peu dans leurs éléments sexuels, et parfois beaucoup. Dans ces cir- constances, un croisement entre elles sera profitable et pourra même l'être plus qu’une xénogamie ordinaire, Mais, dans l’immense majorité des cas, la différenciation sera bien plus grande entre deux individus distinct qu’entre deux fleurs du même individu. A la gitonogamie se rattache le croisement entre fleurs de deux plantes très-proches parentes — issues, par exemple, de graines de la même capsule (plantes-sœurs) — ou soumises longtemps à des conditions iden- tiques. On concoit, en effet, si l’on tient compte de la force de l’hérédité chez les végétaux, que l’on puisse faire valoir dans ces cas des considéra- tions tout à fait analogues à celles que nous venons de rappeler à propos de la gitonogamie. Nous n’insistons donc pas. Quant aux cellules sexuées d’une même fleur, l’identité des conditions qu’elles ont subies est encore bien plus grande que pour des fleurs diffé- rentes du même pied. Et, en règle générale, elles présenteront la différenciation sexuelle minimum; c’est-à-dire qu’il y a entre elles une différence strictement suffisante pour donner lieu à la combinaison de leurs contenus, avec formation d’un corps nouveau susceptible de déve- loppement ultérieur : car c’est là, en somme, tout l’acte chimique de la fécondation. (Chez les fleurs adynamandres (2), la différence sexuelle est même insuffisante pour amener un tel résultat.) De Ià vient que nous pen- Sons, QU'EN GÉNÉRAL, [a gilonogamie est supérieure — où au moins égale — en efficacité, à l’autogamie. Nous disons « en général » parce qu'ici encore, il faut tenir compte des variations exceptionnelles. Il peut arriver que, dans quelques rares cas, les éléments sexuels d’une même fleur soient mutuellement différenciés beaucoup plus que de coutume, comme le (1) Voy. Darwin, Variation of Animals and Plants etc., vol. I, ch. XI; et CarRièRE, Production et fixation des variétés, 1865. (2) Voy. plus haut p. 62-65. (74) prouvent d’ailleurs clairement ces plantes adynamandres qui deviennent susceptibles d’autocarpie par suite de modifications, souvent faibles, dans leurs conditions d'existence (1), et ces variétés très-fécondes par autoga- mie, que M. Darwin a décrites. On concevrait qu’alors — mais alors seule- ment, nous semble-t-il, — l’autogamie fût plus avantageuse que la gitonogamie. Et encore est-il à croire, d’après des faits analogues, que si chez une fleur un semblable accroissement dans la différenciation sexuelle se produisait, il se retrouverait chez les autres fleurs du même pied, de sorte qu'ici même la gitonogamie ne serait, la plupart du temps, pas inférieure à l’autogamie. Après ces considérations plutôt théoriques, il importe d’examiner, un à un, les arguments particul'ers invoqués par M. Darwin (2) pour prouver que souvent l’autogamie stricte serait supérieure à un croisement entre fleurs de la même plante, ou de plantes étroitement apparentées ou sou- mises longtemps à un traitement identique. 40 Dans cinq expériences, M. Darwin a rencontré parmi ses plantes des individus isolés, doués d’une fécondité remarquable lorsqu’on les pollinait autogamiquement. C’est là un fait très-intéressant à plusieurs égards, mais qui, en lui-même, ne nous concerne pas directement ici. Seulement, si ces variétés avaient donné des descendants plus vigoureux par autogamie que par croisement entre plantes-sœurs, ce serait une objection à notre manière de voir. Examinons donc ce point : Chez le Mimulus luleus, une variété (« white variety ») se produisit, qui était très-fertile par pollination autogamique. Dans une première expérience, les individus nés du croisement de deux plantes-sœurs de cette variété furent battus par ceux qui provenaient de son autocarpie (rapport des hauteurs : 100 à 110) : ce qui contredit notre opinion. Mais, deux générations après, la même expérience fut répétée, avec un résultat inverse : les plantes issues du croisement l’emportèrent en hauteur (100 à 92) et surtout en fertilité (100 à 75). Ce cas n’est donc probant, ni our nicontre. Quelques pieds de Vicotiana Tabacum semblent aussi rentrer dans la catégorie qui nous occupe. Ils fournirent certains résultats contradic- toires, en partie conformes, en partie opposés à notre opinion. Mais, de (4) Voy. à ce sujet Darwin, Variation ete., vol. IT, p. 117-120. (2) Darwix, The Effects of Cross and... ete., pp. 550-552 et 585-586. ( 75 l’avis de M. Darwin lui-méme({), la question se complique probablement ici de ce que Gärtner nomme « des différences dans les affinités sexuelles »; de sorte que cet exemple n'offre encore rien de concluant. Chez les Reseda odorala et lutea, quelques individus, très-fertiles par autogamie, apparurent aussi : cependant, ceux de leurs descendants qui étaient nés d’autocarpie n’eurent pas le dessus vis-à-vis des autres. Enfin, dans les semis de graines obtenues par autocarpie chez l’Ipomæa purpurea, un individu « Hero » se montra extraordinairement robuste et ses descendants héritèrent de cette vigueur. La fécondation d’une fleur par son propre pollen y produisit d’excellentes plantes. Mais l’autogamie est-elle, chez ces plantes, supérieure au croisement de plantes-sœurs ? Les expériences de M. Darwin accusent des différences si faibles, qu’il faut ici considérer les deux modes de fécondation comme égaux, de l’avis même de ce grand observateur (2). 2° Dans nos pays, le Pisun sativum n’est guère visité par les insectes de sorte qu'il se féconde régulièrement par autogamie; en outre, les con- ditions d'existence auxquelles une espèce est soumise, dans la grande cul- ture, sont beaucoup plus uniformes que celles qu’elle rencontre à l’état sauvage. Aussi les éléments sexuels de divers pieds, appartenant à la même variété du Pois cultivé, ne peuvent-ils pas être fort différenciés et leur union ne peut-elle pas être de beaucoup supérieure à l’autogamie. M. Darwin a même trouvé, en mettant quatre individus de chaque catégorie en compéti- tion, que les autogamiques avaient Le dessus (rapport des hauteurs 100 à 115). Mais si l’on songe que # couples est un nombre trop faible pour obtenir une bonne moyenne, comme le reconnait également M. Darwin, et que, de plus, sur ces quatre couples, la victoire revint deux fois aux plantes autocarpiques et deux fois aux plantes croisées, on admettra que cette expérience n’est pas fort concluante. 3° « Les pieds d’Ipomæa et de Mimulus » dit M. Darwin (5), « obtenus de fleurs fertilisées par leur propre pollen — ce qui est la forme la plus stricte d’autogamie — furent supérieurs, en hauteur, en poids et en précocité de floraison, aux individus produits par le croisement de deux fleurs de la même plante. » Nous avons montré plus haut (p. 69, note 1) (1) Darwin, Op. cit., p. 209. (2) Darwin, Op. cit., pp. 49, 51. (5) Darwin, Op. cit., p. 551. (76) que M. Darwin a sans doute commis un lapsus au sujet des hauteurs du Mimulus : cet exemple n’est donc guère probant, d'autant plus qu’une expérience antérieure (faite, il est vrai, dans des conditions défavorables) avait montré une forte supériorité pour la gitonogamie, chez cette espèce. Reste l’Ipomæa. Les expériences ont été précédemment résumées et ici l’autogamie semble réellement avoir le dessus sur la gitonogamie. Nous devons done provisoirement considérer ee cas comme une exception à la règle qui nous paraît vraie en général : aussitôtque nous pourrons en trouver le temps, nous nous proposons d’ailleurs de répéter cette expérience. — On se souvient aussi (voir p. 69-70) que, dans les trois autres expériences de M. Darwin sur la gitonogamie, celle-ci se montra égale ou supérieure à l’autogamie. 4° On sait que la plupart des espèces de Primula sont hétérostyles, c’est- à-dire qu'elles se présentent sous deux formes : l’une, à style long et à étamines courtes, l’autre, à style court et à étamines longues. Elies n’atteignent une fertilité complète que si l’on féconde l’une de ces formes par le pollen de l’autre (1). Mais, exceptionnellement, on rencontre des exemplaires où les étamines et le stigmate sont au même niveau et qu’on pourrait nommer ésostyles (equal-styled Darwin) : chez eux, l’autoga- mie donne non-seulement autant de graines que le croisement normal des deux formes, mais encore, parfois, un plus grand nombre (Primula offici- nalis et P. sinensis). M. Darwin invoque ce fait en faveur de son opinion sur les avantages de l’autogamic. Mais deux objections peuvent être opposées à son argument. D'abord, comme il le dit lui-même, il n’est pas impossible que l'accroissement de fertilité provienne de ce que la féconda- tion s’effectue au moment le plus favorable, vu la contiguïté des anthères et du stigmate ; ensuite, pour pouvoir prouver que réellement l’autogamie est ici supérieure au croisement, il faut que les deux modes de pollina- tion aient lieu sur la variété isostyle, et non pas que l’on compare le croisement de deux plantes hétérostyles à l’autogamie de la plante isostyle. Si la comparaison était faite d’après la première méthode — la seule bonne — le croisement se montrerait probablement supérieur à l’auto- gamie, comme on peut l’inférer d’une expérience de M. Darwin (2). 5o Pour la plupart des espèces de nos pays, ce sont les insectes qui sont (1) Ce point sera traité plus complètement dans la deuxième partie de ce travail. (2) The Effects of Cross etc., p. 222-225. (47) les agents inconscients de l’allogamie. Or, certaines espèces ont des fleurs si petites et si peu apparentes que les insectes ne les visitent qu’exception- nellement. C’est donc, d’une manière presque exclusive, par autogamie qu’elles se propagent. Tel est le cas de toutes les plantes du « tipo micranto » de M. Delpino. M. Darwin est d’avis que ce fait pourrait provenir de ce que l’autogamie est « de certaine manière » avantageuse. Cependant, il ne faut pas oublier que plusieurs de ces plantes fleurissent à une époque où les insectes manquent encore presque complètement (Draba verna, etc.) et que la plupart des autres occupent des habitats où ils pourront bien rarement venir les chercher — par exemple, au milieu des moissons ou dans des endroits très-ombragés, comme on le voit surtout avec netteté pour les variétés les moins apparentes des espèces existant sous deux formes, l’une qui est très-voyante, l’autre qui l’est fort peu (1). — On arrive donc à la conclusion que ces plantes ont perdu leur corolle grande et brillante, leur parfum, etc., comme des luxes inutiles, à cause de la saison ou de la localité où elles fleurissent. Dès lors, elles n’ont pu se perpétuer qu’en acquérant, en même temps, par sélection naturelle, un haut degré de fécondité autocarpique. Il est évidemment avantageux pour une espèce, dans sa lutte pour l’existence, de s’adapter à une place encore inoccupée dans la nature ; et si cette place n’est pas grande, la plante n’y arrivera que par une forte diminution dans sa taille. Par suite de croissance corrélative, comme le remarque avec raison M. Darwin (2), les fleurs deviendront aussi plus petites; mais, ce dont il ne semble peut-être pas avoir assez tenu compte, c’est que si la plante habite une localité que les insectes ne visitent guère, il n’y a aucun motif pour que la sélection naturelle tende à augmenter de nouveau la grandeur de sa corolle. En résumé, quand on considère les divers arguments que nous venons de discuter, on ne voit nulle part (sauf peut-être dans l’expérience de gitonogamie de l’Ipomæa) de preuve décisive que l’autogamie ait l’avantage sur une union allogamique, ne füt-elle qu’un peu moins consanguine. (1) Les Zysimachia vulgaris, Euphrasia officinalis, Rhinanthus Crista- galli, sont dans ce cas. M. Hermann Müller est, croyons-nous, le premier qui ait insisté sur ce phénomène. Voir, à ce sujet, son livre : Die Befruch- tung der Blumen etce., et un article qu’il a publié dans Nature, 1875, p. 455, (2) Op. cit., p. 585. (78) Bien que le sujet soit jusqu'ici peu étudié, il y a encore quelques preuves expérimentales et directes, en faveur de notre manière de voir. Les voici : Le nombre et la qualité des graines produites par la plante-mère, à la suite de telle ou telle pollination, ne mesurent certes pas exactement la vigueur des descendants qui en résulterout. Mais on ne peut nier que ce soit une première indication, fort précieuse, qui permet de se faire une idée de l’efficacité d’une fécondation donnée. Or M. F. Hildebrand a trouvé le Corydalis cava (1) absolument stérile par autogamie et faiblement fertile par gitonogamie (quoique, naturellement, bien plus fertile encore par xénoga- mie); il en est à peu près de même de l’Eschscholizia californica (2), le nom- bre des graines étant ici, pour les trois modes de fécondation, dans le rapport de 6 à 9 et à 24 Selon M. Fritz Müller, le pollen des plus proches parents est, chez les Abutilon (5), un peu plus efficace que celui de la fleur même : et c’est là un croisement très-analogue à la gitonogamie; un Bignonia lui a fourni le même résultat ; et chez l’Oncidium crispum (4), les capsules nées de gitonogamie sont plus belles que les auto- gamiques. M. S. Axell a comparé, chez l’Astragulus aipinus (5), la gitonogamie à l’autogamie : la première lui a fourni cn moyenne deux fois plus de graines par fleur (6,5) que la seconde (5,4)! Enfin M. Darwin rapporte (6) que l’Euryale amazonica ne donne que 8 à 15 graines par autogamie et 15 à 50 par gitonogamie. Ainsi, quoique dans bien des cas, chez les plantes plus ou moins adynamandres, la gitonogamie soit exactement aussi inefficace que l’autogamie (Abutilon Darwinii, Senecio cruentus, Tabernaemontana echinatu, certains individus de Reseda odorata) — ce qui ne contredit pas notre opinion —; dans d’autres, elle est clairement supérieure à l’autogamie — ce qui la confirme, au con- traire —. Ajoutons encore que, si certaines particularités florales ont nécessaire- ment pour effet d’amener le croisement de deux individus différents (7), (1) Jahrb. für wiss. Bot., V, p. 559. (2) Bot. Zeit, 1869, p.709. M. Fr. Müller a obtenu un résultat analogue. (5) Voy. H. Mürcer, Die Befruchtung der Blumen ete., p. 175. (4) Cité par Darwin, Variation of Animals etc., vol. IE, p. 115. (5) Om anordningarna etc., p. 111. (6) The Effects of Cross etc., p. 357 et suiv. (7) Darwin, Op. cit., p. 588 et suiv. (79) il en est d’autres qui ne nous paraissent s'expliquer qu’en regardant le croisement de fleurs du même pied comme déjà plus profitable que la stricte autogamie. C’est probablement le cas pour les Æelianthus et pour beaucoup d’autres Composées dont les capitules présentent à la fois des fleurs au stade masculin et des fleurs déjà parvenues au stade féminin(1), ainsique pour la plupart des inflorescences adaptées à la fécondation par des animaux de petite taille qui rampent à leur surface. M. Delpino nomme ces inflores- cences « apparecchi reptatorii »(2), parmi lesquels il range, le Rhodea japo- nica, deux Anthurium,deux Dorstenia,le Chrysosplenium alternifolium, etc. D’après les recherches de M. Hermann Müller (5), l’Eupatorium canna- binum et, surtout, le Valeriana officinalis, le Cornus sanguinea, le Jasione montana, ete., sont aussi plus ou moins adaptés à la gitonogamie. Celle-ci est la règle chez la plupart des Composées, lorsque des insectes ne les visitent pas (4). Il en est de même pour le Polygonum amphibium, le Pachysandra et le Richardia aethiopica selon M. A. Kerner (5) ; pour le Seigle, selon M. Sachs (6), et pour le Thym, selon M. Ogle(7); enfin nous pensons que presque toutes les espèces monoïques rentrent, jusqu’à un certain point, dans cette catégorie. — Si, comme le pense M. O. Kuntze (8), beaucoup d’inflorescences spiciformes sont fécondées par l'intermédiaire de la rosée qui s'écoule à leur surface, ce seraient là autant d’exemples de gitonogamie. On voit donc qu'en pesant soigneusement les faits — peu nombreux, il est vrai — qui sont aujourd'hui 1) Deurixo, Atti Soc. Ital. Sc. nat., XI, p. 71, et XVI, p. 505-506. 2) Decrixo, Op. cit., XVII, p. 556. 35) Die Befruchtung etc., pp. 96, 404, 415, 575-576. (4) F. Hicpesrann, Ueber die Geschlechtsverhälinisse bei den Compositen, 1869, p. 77. (5) Die Schutzmittel des Pollens, p. 52-54, et Die Schutzm. der Blüthen geg. unbernuf. Gäste, p. 208. (6) Traité de Botanique, tr. fr., p. 1062. (7) Pop. Sc. Review, jan. 1870, p. 55. (8) Voy. plus loin, p. 86, note 1. ( ( ( 80 ) connus au sujet de la gitonogamie, on est porté à conclure, qu’en règle générale, elle est égale et souvent même supérieure en efficacité à l’autogamie pure. Toutefois, nous l'avons dit en commençant, il est certain que des études nouvelles sont nécessaires et notre but est bien plus d'appeler l'attention sur le problème que de prétendre le résoudre (1). Si des recherches ultérieures confirment l'opinion que nous soutenons, il en découlera quelques conséquences, qui ne seront pas sans une certaine valeur. La loi de M. Darwin, disant que l’efficacité d’une fécon- dation est, toutes choses égales d’ailleurs, proportionnelle à la différenciation des éléments sexués -— jusqu'à un certain maximum à partir duquel une différenciation plus forte conduit au contraire à une efficacité de moins en moins grande (hybrides) — cette loi serait ainsi établie d’une façon beaucoup plus générale. Car, si, en réalité, l'au- togamie était ordinairement supérieure à la gitonogamie, on aurait là, semble-t-il, une grave exception à la loi. La gitonogamie constitue du reste un mode de féconda- tion qui est loin d'être rare dans la nature. Elle doit avoir souvent lieu chez les espèces monoïques et chez beau- coup de plantes dont les fleurs sont réunies par groupes nombreux : grappes, épis, corymbes, capitules, etc. Lorsqu'un individu d’une espèce fortement dichogame ou chez qui la disposition relative des organes sexuels empêche l'autogamie directe, se trouve isolé dans une (1) Les effets de la gitonogamie devraient, eroyons-nous, être étudiés d’après la méthode de compétition imaginée par M. Darwin ; surlout chez les plantes qui semblent particulièrement s'être adaptées à ce mode de fertilisation. Des expériences comparées sur les plantes pauciflores et mul- tiflores donneraient probablement d’intéressants résultats. (81) localité, ce n'est que par gitonogamie qu'il peut se perpétuer. Enfin, s’il est démontré que la gitonogamie esten quelque sorte intermédiaire entre l’autogamie et la xénogamie, comme le soutenait déjà M. Delpino, un point, aujour- d'hui laissé dans l'ombre, devrait être étudié dans les structures florales. En effet, les botanistes qui ont élucidé avec le plus de pénétration les adaptations des fleurs (et, parmi eux, surtout M. H. Müller) ont parfaitement compris qu'à défaut de la xénogamie, l'autogam'e, bien qu'elle lui soit inférieure, vaut en général mieux que rien. Ils ont décrit de nombreuses particularités qui amènent, chez plusieurs plantes, l’autogamie comme succé- danée de la xénogamie. Mais ils n'ont que rarement tenu compte du troisième cas, la gitonogamie : 11 y aurait donc à rechercher, chez toutes les espèces, si certaines disposi- tions florales n'amènent pas le croisement des fleurs du même pied, à défaut du croisement d'individus distinets ; l’'autogamie n'intervenant qu'en dernier lieu et à défaut de ces deux modes d'allogamie. Quoiqu'il en soit de la gitonogamie, deux conelusions d'une imnortance immense pour la biologie végétale sont définitivement acquises, à la suite des admirables expérien- ces de M. Darwin : d’abord, que la xénogamie est supé- rieure à l’autogamie au point de vue de la taille, du poids, de la vigueur et de la fertilité des descendants ; ensuite, que cette supériorité résulte de la différenciation plus grande des protoplasmes sexuels. (æ) S 5. Structures allogamiques. — Il est donc certain que toute variation qui facilite Pallogamie constitue un préciéux avantage : elle donne aux descendants de ceux qui la pré- sentent de grandes chances de survie dans la bataille pour l'existence ; au contraire, les descendants autogami- ques, vaincus dans cette lutte inégale, sont éliminés gra- duellement. Transmis par l'hérédité, accentué de plus en plus par la sélection naturelle, ce caractère nouveau se développe, s'affirme, se fixe. Puis, une autre variation pourra venir se greffer sur la première et, si elle favorise le croisement, elle prendra pied comme elle ; et ainsi de suite. De cette manière, se produisent peu à peu ces adaptations com- plexes et admirables que le règne végétal nous offre à chaque pas. ‘ Combien les mille détails de structure du calice, de la corolle, de l’androcée, du gynécée ne gagnent-ils pas en intérêt, lorsque nous cherchons ainsi à les comprendre et à en scruter la genèse ; lorsque nous considérons la fleur comme un édifice vivant dont chaque assise a été consti- tuée par une variation, dont l'hérédité a été le ciment, et dont la sélection naturelle, en empêchant les déviations nuisibles, formait en quelque sorte le fil à plomb régula- teur. Chez une Graminée à anthères incluses, par exemple, le vent peut difficilement disperser le pollen et le transporter ainsi, à l’occasion, dans les fleurs d’un autre individu. Mais la longueur des filets staminaux n'est pas identique chez tous les pieds d’une mème espèce, ainsi qu'il est facile de ( 85 ) l'observer chaque jour. Tous les individus à anthères le plus proéminentes sont ceux dont le pollen se trouvera le mieux et le plus fréquemment transporté, et qui, par con- séquent, produiront les descendants les plus nombreux et les plus robustes. C’est à leur progéniture que la victoire est assurée. De la sorte, il tendra, peu à peu, à se former une variété de Graminée à anthères très-exsertes. D'autre part, la structure du pistil ne sera pas sans influence sur les chances de croisement. Plus la surface stigmatique dépassera les glumes, plus elle sera ample, plus elle sera hérissée de papilles; plus aussi 1l y aura, pour elle, de probabilités d'arrêter au passage quelques grains de pollen, que le vent aura disséminés. Indépen- damment des anthères, le stigmate viendra donc aussi à dépasser les enveloppes florales. — Ces prévisions, en quelque sorte, théoriques et basées sur le transformisme, recoivent-elles la sanction des juges suprêmes de toute question scientifique, l'expérience et l'observation ? Oui, sans doute. Chacun connait les filets longs et délicats, les anthères pendantes, les stigmates amples et plumeux de beaucoup de nos Glumacées. Chacun a vu les nuages de pollen que le moindre vent fait s'envoler des céréales de nos champs et des herbes de nos prairies. Nous citerons comme preuves, entre tant d’autres, le Cala- magrostis epigeios, l'Anthoxanthum odoratum, où nous avons pu observer ces détails avec une grande netteté. Des variations, même extrêmement faibles, ont parfois une grande importance pour procurer l’allogamie et peuvent ainsi décider de la perpétuation ou de l’élimina- ion d’une variété donnée. Nous venons de montrer que cest le cas pour la position des anthères, chez les fleurs dont le pollen est transporté par le vent. Voici un autre ce) exemple, que l’un de nous à eu occasion d'observer lui- même et pour lequel nous possédons des données assez précises (1). La corolle du Pentstemon Hartwegi et du P. gentianoides est en forme de tube ou d’entonnoir; très-brillamment colorée, elle sécrète un nectar abondant. Nous avons étudié cinq variétés, appartenant à ces deux espèces, et nous avons vu qu'une seule d’entre elles est visitée réguliè- rement par les insectes. Or nos observations prouvent, pensons-nous, que le précieux privilége de l’allogamie est assuré à celle variété par une différence d'environ 5 mülli- mètres dans les proportions de son staminode ! C’est à cette différence de 5» qu'elle doit de fructifier bien mieux que les autres; et siles Pents'emon, au lieu d’être cultivés, étaient, dans nos pays, obligés de se propager tout seuls, il n'est guère douteux que l'inégalité de 5 millimètres dans le staminode n’amenàt rapidement la victoire de l’une des formes et le déclin des autres, par l'effet de la concurrence vitale. Structures autogaumiques succédinées.— Toute- fois, 1] ne faut pas perdre de vue, comme l'ont fait quelques auteurs, qu'à défaut de croisement, 1} vaut encore mieux pour le végétal produire des graines par autogamie, que n’en pas produire du tout. M. Axellf?) est le premier qui ait appuyé sur cette idée Juste et féconde. (1) Pour les détails de ces observations, voyez plus loin: Appendice. (2) S. Axezz, Om anordningarna für de fanerogama växternas befrukt- ning, p. 86. « Befruktning med eget pollen leder vissæligen till sämre resultater, men naturen säger oss tydligen genom kleistogami och andra ombildningar af denna art, att hon finner en mindre god befruktning bättre än ingen. » (85) Ce n’est guère que dans les cas où le transport du pollen d’une fleur à l’autre se trouve assuré d’une façon à peu près immanquable, que la plante a pu perdre la faculté de se féconder elle-même : c’est pour cela qu'il y a tant d'espèces qui ne sont ni adynamandres, ni diclines. On rencontre même de nombreuses dispositions, souvent fort curieuses, qui amènent nécessairement l’autogamie, lors- que l’absence d'insectes ou tout autre motif empêche le croisement de s'effectuer. C’est un point que M. H. Müller a très-bien compris, et ce n'est pas un de ses moindres mérites que d’y avoir insisté et de l’avoir établi par des observations multipliées (1). On ne doit donc jamais oublier que la structure de la fleur est un compromis entre deux tendances différentes et mème opposées, toutes deux avantageuses à la plante et, par conséquent, soumises à la sélection naturelle : l'une est la production du plus grand nombre possible de graines, l’autre, l'adaptation au croisement par gitonogamie et, mieux encore, par xénogamie. C’est à l’inégale prépondérance de ces deux courants, ainsi qu'aux agents divers de l'allogamie quon peut ramener, d’une facon générale, la variété inépuisable des fleurs. Tantôt. en effet, le croisement est seul possible (Orchidées, Ombellifères, ete. ; toutes les adynamandres, ainsi que les fleurs chez lesquelles les organes de l'un des sexes ne deviennent adultes que lorsque ceux de l’autre (1) Die Befr. der Blumen ete : passim; et Vature, 1874, X, p. 129: Different modes of self-fertilisation where visits of insecls are wanting. — Voir aussi : A.-S. Wilson (cité in Just, Bot. Jahresbericht, 1875, II, p. 905). — MM. Th. Meehau, Pedicino et O. Comes se sont aussi occupés de l’autogamie. ( 86 ) sont fanés); tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, l’auto- gamie subsiste d'une manière succédanée ; tantôt, mais rarement, elle est le mode habituel de fécondation (chez la majorité des plantes à fleurs très-petites qui ne sont pas adaptées à la pollination par le vent); tantôt enfin, il semble que l’autogamie existe seule, ou à peu près, (Viola mirabilis? ; Voandzeia? ; Leersia oryzoïdes, en France ? ; Salvia cleistogama, du moins en Allemagne ; Juncus bufonius, en Russie ?) $ 6. Agents divers de l’allogaimie. — Par quels inter- médiaires l’élément mâle est-il transporté d’une fleur à l’autre ? Par des forces physiques, appartenant à la nature inorganique, et, par des forces physiologiques, c'est-à-dire des organismes vivants. Parmi les premières, on distingue les courants de l’atmos- phère (les vents), et, pour quelques plantes aquatiques, les courants des eaux; il faut y ajouter, selon M.0. Kuntze, la rosée (1). Parmi les êtres vivants, il faut signaler les insectes, certains oiseaux, et, afin d’être complet, les limaces et peut-être même... les kangurous! M. Delpino a nommé les plantes : hydrophiles, anémophiles et zoïdio- philes, selon que leur pollination s'opère par l’eau, le vent ou les animaux. Il a subdivisé les plantes zoïdio- philes, en ornithophiles, adaptées aux oiseaux, entomo- philes, adaptées aux insectes, et nalacophiles, adaptées aux (1) Kuwrze, Schutzmittel der Pflanzen etc., (Bot. Zeit., 1877) pp. 57, 59, 64, 79-80. (87) limaces (1). Si l'hypothèse de M. Kuntze se vérifiait, on pourrait traduire son expression de « Thaubefruch- tung » par drosophilie. Il distingue la pollination gitono- gamique que les gouttes de rosée peuvent amener en ruisselant sur un épi (« Aehrenthaubefruchtung ») et l’'autogamie qu'elles peuvent effectuer en roulant dans une corolle (« Corollenthaubefrachtung »). Ce sujet réclame encore bien des observations. De tous ces modes de transport du pollen, le vent et les insectes sont de beaucoup les plus importants, les plus ef- ficaces, du moins en Europe et à l'époque actuelle ; ce n'est guère que sur eux que l’on possède des observations nom- breuses et positives. Le rôle du vent est considérable, maisles insectes constituent des agents de transport bien autrement sûrs et bien autrement économes de pollen. Il est inutile d'insister sur la fréquence des visites qu’ils font aux fleurs : ceux qui auraient des doutes à cet égard, n’ont qu'à se promener, un beau jour d'été, dans un jardin ou dansune prairie, et qu'à ouvrir les yeux. Ils verront tout un monde qui s’agite parmi les fleurs, un va-et-vient d'ailes, un chassé-croisé qui ne s’arrète pas. Il est peu d'insectes qui ne puissent, au moins exceptionnellement, contribuer à l’allogamie végétale : depuis les Thrips et les Melighetes minuscules, jusqu'aux grandes espèces des tropiques. Cependant, dans nos pays, les diptères et, surtout, les (1) Ces termes ont été généralement adoptés: nous les adopterons aussi. Remarquons, toutefois, que la terminaison « phile » n’indique pas clairement ce que l’on a en vue, et que des mots en « game » auraient peut-être été préférables, d’autant plus qu’Aydrophile rappelle trop hygrophile et semble désigner les plantes qui se plaisent dans les stations aquatiques. (88) abeilles et les papillons jouent le rôle le plus important et se sont adaptés, d'une façon toute particulière, à butiner dans les fleurs (®. Ces animaux transportent le pollen d’une fleur à l’autre, sans le vouloir et sans aucune inten- tion de rendre service au règne végétal, est-il besoin de le dire? Ce qu'ils vont chercher dans les corolles, ce sont les grains polliniques qu'ils dévorent, c'est le nectar qu'ils sucent, ce sont les tissus délicats des organes floraux qu'ils rongent quelquefois. Ici intervient donc la structure de la fleur : elle fait que l'insecte, dans ses visites, se couvre forcément de pollen et en dépose, malgré lui, sur le stigmate (2). Qu'on ne trouve point paradoxal de voir cette même poussière, que les insectes doivent transporter d'une fleur à l'autre, leur servir souvent de nourriture. Car la perte qui en résulte, toute grande qu'elle puisse être, est bien petite si on la compare aux quantités énormes de pollen inemployé, que les plantes anémophiles sont obligées de produire. D'ailleurs, les immenses avantages procurés par l'allogamie font comprendre que les végé- taux aient tendu à l’acquérir par sélection naturelle, mème au prix de sacrifices considérables. Ainsi, chez plusieurs Figuiers diclines, les ovules des fleurs femelles de certains individus sont sacrifiés à un petit insecte, le (1) Voir, sur les adaptations des inscctes, l’intéressant chapitre : Blumen- besuchende Insekten und Anpassungen derselben an die Blumen, dans le livre de M. H. Mürrer, Die Befr. der Blum. etc., et quelques autres travaux du même auteur; — ainsi que F. Derrino : Ulter. osserv. e con- sideraz. sulla dicogamia (Attà Soc. Ilal. sc. nat., XVII, p. 573 sqq.). (2) Le cas du Pronuba Yuccasella fait peut-être seul exception à cette règle. Voir plus bas, p. 89, note 2. ( 89 ) Chalcis Psenes, qui opère la pollination allogamique de ces plantes : c’est même là, probablement, la plus ancienne observation que nous possédions sur le rôle des insectes, puisqu'elle est due à Linné(1). De mème, récemment, M. Riley a montré que les Yuccas livrent bon nombre de leurs ovules à la voracité du lépidoptère qui les féconde, le Pronuba Yuccaselia(2). Il est, dans les mœurs des insectes, différents détails importants au point de vue des plantes entomophiles (5). Nous nous contenterons d'en rappeler deux : d’abord, les insectes, et tout particulièrement les abeilles, limitent leurs visites, aussi longtemps que possible, à la même espèce végétale : elles ont, si l’on pouvait s'exprimer ainsi, une grande « fidélité spécifique. » C'est un fait facile à constater et dont la connaissance remonte au moins à Aristote. Les abeilles agissent très-probablement de la sorte pour gagner du temps («time is honey, » comme on l’a dit plaisamment). Car elles doivent presque toujours, afin d'atteindre le nectar, donner à leur corps et à ses diverses parties des positions bien déterminées et variables d’une espèce de fleur à l’autre : elles continuent donc, autant qu'elles le peuvent, à profiter tout de suite de l'expérience fraichement acquise (4). (1) Amæn. acad., T. (d’après Axell). (2) Au sujet de ce merveilleux insecte, voy. Cu. V. Rirey : Transact. St- Louis Acad. Science, 1875, p. 59-64 ; 1877, p. 208-210 et p. 570; et American Naturalist, vol. VIT, oct. 1875. (3) Darwin, The Effects of Cross and Self-Fert., chap. XI. (4) Peut-être aussi, selon M. Konrze (Schutzmitlel der Pflanzen etc., p. 87), le font-elles par raffinement gastronomique, pour ne pas produire dans leur estomac un salmigondis de différents nectars; — mais, si cette (90 ) La deuxième particularité des insectes, est que leur instinct de butiner n'a rien de très-préeis, de très-limité : ils vont à la recherche de fleurs en général, et non de telles fleurs prédéterminées. On les voit, en effet, chercher souvent du nectar. soit où il n'y en a point, soit dans des corolles où il leur est inaccessible (1) ; ils visitent aussi volontiers des plantes exotiques que des espèces indi- gènes, de nouvelles venues que d'anciennes connais- sances. C'est ce que nous avons pu vérifier, par exemple, pour les Pentsiemon, le Monarda, le Linaria striata, plusieurs Sauges et plusieurs Véroniques étrangères à notre flore, qui faisaient, dans un Jardin des environs de Bruxelles, la concurrence la plus victorieuse à nos fleurs sauvages. M. Darwin a groupé quelques faits qui montrent à quelle distance incroyable les insectes peuvent, dans leur vol, transporter du pollen (). Voici deux autres cas qui méritent d’être rappelés : le premier, c'est le fameux Pistachier femelle du Jardin des Plantes, observé au siècle dernier par Bernard de Jussieu, et qui fut fécondé par du pollen venant d'une distance de plus de 1 1/2 kilomètre. Le second est bien autrement extraordinaire. Vers 1505, il y avaiten Italie, à Brindes, un Palmier mâle et, à Otrante, un Palmier femelle. Malgré cette distance, qui n'est pas de moins de 50 kilomètres, la fécondation s’opéra, a raison était la seule, les abeilles n’agiraient pas ainsi lorsqu'elles se bornent à récolter du pollen pour la ruche. (1) Comme on le verra plus loin, l’un de nous a observé des insectes essayant inutilement de butiner dans les fleurs de certaines variétés de Pentstemon. (2) The Effects of Cross and Self-Fertilisation, p. 378. Co? s’il faut en croire le poëte Pontanus (1); et il est vraisem- blable que les insectes ne furent pas étrangers à ce trans- port de pollen. En Europe, 1l n'y a point d'oiseau qui joue un rôle dans là fécondation des plantes. Mais dans les autres parties du monde, surtout dans les régions chaudes, il n’en est plus de même. Là, les colibris, les oiseaux-mouches, les souimangas, avec leur bec mince, leur langue délicate et souvent plumeuse, comptent parmi les visiteurs les plus assidus d'un grand nombre de fleurs. En examinant bien le peu que nous savons Jusqu'ici sur cette question, on doit conclure nécessairement que si presque tous les détails sont encore obseurs, le fait même de la partici- pation des oiseaux à l’allogamie végétale est établi d’une manière indiscutable, malgré les doutes émis par M. Kuntze (2). M. Delpino a coordonné avec beaucoup de talent des matériaux épars et, dans bien des cas, a deviné, plus qu'il ne l’a observée, l’action des oiseaux. M. Darwin a également rassemblé des preuves qui établissent leur rôle de fécondateurs. On peut ajouter aux données réunies par ces savants, les observations directes de M. Fritz Müller 6) et quelques passages plus anciens, parmi lesquels il n'en est pas de plus explicite que celui où Buffon, en 1778, décrivait l’oiseau - mouche (). (1) Cité par De Canpoze, Introduction à l’étude de la botanique, Bruxelles, 1857, p. 157. (2) Kuwrze, Schutzm. der Pflunzen etc., p. 6, en note. (5) Decrixo, UE. osserv. e consideraz. sulla dicog. Atti Soc. Ital, Sc. nat., 1875, XVIT p. 589-401. — Darwin, The Effects of. ete., p. 571. — Fr. Müccer in H. Müze., Befrucht. der Blumen ete., pp. 147, 191. (4) Burrox, œuvres annotées par Flourens, t VII, p. 147. On trouvera à cette place des citations intéressantes d’auteurs de l’époque. (92) Maregrave avait déjà dit auparavant du même animal : «victitat floribus solum. » Cependantles oiseaux vont cher- cher dans les fleurs non-seulement le nectar, mais encore les insectes qui peuvent y être attirés. (C’est ce que M. Belt a observé pour le Marcgravia nepenthoides et c'est aussi ce qu'on peut déduire des fragments d'insectes trouvés dans l’œsophage des colibris et de la chasse que les souïmangas font aux mouches (1). Les naturalistes qui sont à même de le faire, rendraient service à la science en étudiant, sur place, les relations des fleurs et de certains oiseaux. L'intérêt de cette ques- tion ressort suffisamment des travaux de M. Delpino et de cette remarque de Gould que le colibri visite au moins la moitié des espèces propres à l'Amérique du Nord. Le rôle des mollusques est beaucoup plus restreint ; mais, tout étrange que cela puisse sembler, il n’en parait pas moins réel. M. Delpino a noté certains gastéropodes pulmonés comme fécondateurs de quelques plantes, et M. H. Müller a, jusqu’à un certain point, confirmé cette observation, au moins pour le seul genre européen que M. Delpino regarde comme malacophile, le Chrysosple- nium ®. Ajoutons que M. Kuntze (5) admet une beaucoup plus grande extension de la malacophilie aux époques géologiques passées, ce qui serait en rapport avec l’abon- dance des mollusques fossiles. (4) Tu. Becr, The Naturalist in Nicaragua. — Banier, Journal de Physique, janvier 1778. — Queruoënt et Cuvier, cités dans Burron, t. VII, pp. 120, 148 et 168. (2) Decrino, Loc. cit., XII, p. 229 et XVII, p. 558. — H. ‘lüzcer, Op. cit, p. 95-94. (3) Schutzm. etc. (Bot. Zeit., 1877), p. 57. (95) Enfin, nous avons parlé des kangurous. M. Kerner à en effet émis l'hypothèse que ces marsupiaux effectue- raient l'allogamie d’une Protéacée australienne, le Dryandra, en venant lécher le nectar dont les inflores- cences regorgent(1). Il n’y a, sans doute, rien d'’impossible à ce que la langue de quelque mammifère transporte du pollen d’une fleur à l’autre, mais chez la plante que M. Kerner a en vue, la structure de la fleur semble plutôt adaptée à des oiseaux de petite taille, comme c'est d'ailleurs le cas pour beaucoup de Protéacées. Nous savons maintenant combien l’allogamie est plus avantageuse que l’autogamie; combien, par conséquent, la sélection naturelle pourra puissamment développer les moindres particularités qui amènent le croisement. Et comme nous venons de voir que les insectes sont les agents inconscients de la pollination allogamique chez la plupart des fleurs de nos pays, nous devons nous demander quelles sont les particularités essentielles de structure florale qui assurent la visite des insectes et le transport allogamique du pollen (). SE Particularités qui amènent la visite des in- sectes ou caractères entomophiliques.— Chasmo- gammie et cléistogamie. — Il y a une condition primor- diale, sans laquelle l'accès de tout agent extérieur est (1) Kenner, Sehulzmittel des Pollens etc., p. 45-46. (2) F. Hisoesrann, Die Geschlechter-Vertheilung bei den Pflanzen, 1867. — S."Axez, Om anordningarnu für de fanerogama växternas befruktning, 1869. — H. Müzcer, Op. cit., p. 425 sqq. — Derrino, Ult. osserv. etc, in Ati Soc. 11. Sc. nat., XVI, p. 151-550 et XVII, p. 266-281. — Darwin, The Effects of. ete., p. 372-581. (94) exclu. Cette condition, c’est l’épanouissement de la fleur, la chasmogamie (Axell). Une fleur doit de toute nécessité s'ouvrir ou pouvoir au moins être ouverte par les insectes (Linaria, etc.), pour que ceux-ci soient en état d'intervenir dans sa pollination : c’est une loi qui ne peut souffrir aucune exception. Chacun sait que l’immense majorité des fleurs rentre dans la catégorie des chasmo- games. Cependant, à côté de ces fleurs, quelques végé- taux en produisent d'autres, qui restent hermétiquement closes pendant toute leur vie et qui, nous l’avons déjà dit, ont reçu le nom de cléistogames (Kuhn) (1). Arrêtons-nous-y un instant. Les fleurs cléistogames pro- prement dites ne sont jamais grandes ; elles ont la corolle réduite ou même nulle; leurs étamines sont peu nombreuses et leur pollen peu abondant émet directement les tubes polliniques vers le pistil, sans sortir des anthères. (Il est done inexact, comme on le soutient quelquefois, que le contact avec la viscosité du stigmate ou avec un fluide analogue, soit indispensable à la production des tubes polliniques). On rencontre des espèces à fleurs cléisto- games, réparties dans des familles de plantes très-diffé- rentes. Citons parmi les végétaux de notre flore qui sont de ce nombre, l'Oxalis Acetosella, plusieurs Viola (V. hirta, odorata, palustris, sylvatica, canina, lancifolia : bref (1) Voy. plus haut p. 67, note 1.— M. Duchartre a employé dans le même sens le mot clandestines, M. Bennett le mot cleistogenous (Nature, 1873, p. 50) et M. Darwin le mot cleistogene (Effects of Cross elc., 1876, p. 3 et passim); mais celui-ci s’est conformé depuis à l'usage, désormais général, et dit cleistogamic (The diff. Forms of Flowers, 1877, passim). Le Chap. VIII de ce dernier ouvrage est consacré tout entier aux fleurs cléistogames. Pour les détails, nous y renyoyons le lecteur. (95) toutes nos « Violettes », mais pas nos « Pensées »), l’Îm- patiens Noli-tangere, le Drosera rotundifolia, le Lamium amplexicaule, ete. — M. Darwin, complétant la liste qu'avait donnée M. Kuhn, énumère 55 genres dont une ou plusieurs espèces portent des fleurs cléistogames outre leurs fleurs ordinaires. Ces genres rentrent dans 25 familles, tant monocotylédones que dicotylédones. Il fau- drait y ajouter d'après M. Philippi, le Godetia Cavanillesii (Onagrariées) ; d'après M. H. Solms-Laubach, le Brug- mansia Zippelii (Rafflésiacées) ; d'après M. Ludwig, le Col- lomia grandiflora (Polémoniacées) (1) ; d’après M. Pringle, le Dalibarda repens (Rosacées), le Danthonia spicata et d'autres Graminées(2), et, d'après M. Hoffmann, le Papaver hybridum (5). IT y a plus : on a signalé chez les Mousses (Mnium) des inflorescences qu'on pourrait à bon droit appeler cléistogames et M. Fritz Müller a mème découvert une vraie reproduction cléistogamique, qui intervient d'une façon succédanée chez certains insectes, les Termites du Brésil (4). Chez les fleurs cléistogames, l’autogamie directe est inévitable et conduit toujours à une autocarpie. Dans quelques cas, les fleurs cléistogames paraissent produire un peu plus de graines par fruit que les fleurs chasmo- games; dans d'autres cas, au contraire, moins : les observations sont jusqu'ici trop peu nombreuses pour (1) Bot. Zeit., 1870, p. 104-106 ; 1876 nos 29-32 et 1877, 7 déc. (2) Silliman's Journ., 1878, p. 71, cité par Journ. of Bot., april 1878, p. 125. (3) Bot. Zeit., 10 mai 1878, p. 290. (4) J. Minor, Bot. Zeit., 1865, p. 388. — Fr. MüLer, Jenaische Zeit- schrift, 1873, p. 451-463. (96) mener à une règle générale. Nous n'avons pas rencontré de renseignements sur le poids des graines de ces deux catégories et la seule observation que nous ayons faite nous-mêmes à ce sujet nous a montré les deux sortes de graines également lourdes. En effet, 100 graines de fleurs chasmogames d'Oxalis A cetosella ont pesé en tout 125 milli- grammes, et 20 graines cléistogames de la même espèce et récoltées en même temps, 24 mgr., ce qui donnerait 120 mgr. pour 100 graines. Une récolte postérieure ne nous fournit que 48 graines chasmogames pesant 44,5 milligrammes, soit 92,5 mgr. pour 100 graines, ets graines cléistogames pesant 3 mgr., soit 100 mgr. pour 100 graines. D’après ces résultats peu complets, il faudrait donc conclure provisoirement à l'égalité de poids des deux espèces de semences. Mais si le nombre etle poids des graines n’accusent pas une différence très-sensible, il semble, toutefois, que les plantes qui en naissent sont légèrement inégales : du moins M. Darwin a-t-il vu, aussi bien chez l’Ononis minutissima que chez le Vandellia nummullarifolia, les plantes issues de graines allocarpiques chasmogames l'emporter sur les autres par leur taille. Lorsque, en 1865, peu après la publication du beau travail de M. Darwin sur les Primula, Hugo von Mohl appela l'attention sur les plantes cléistogames, on crut voir une contradiction inexplicable entreles fleurs qui, comme les Orchidées ou les Primevères, sont si clairement adap- tées à l’allocarpie, et les fleurs cléistogames qui sont adaptées, non moins clairement, à l’autocarpie. Aujourd'hui la contradiction n'existe plus, parce que le problème est posé dans ses termes véritables. Que l’on se souvienne, en effet, que la structure florale, comme . (97) nous l'avons expliqué plus haut, est un compromis entre deux tendances, toutes deux soumises à la sélection naturelle, et l’on comprendra la coexistence des fleurs cléistogames et des fleurs ouvertes chez la même espèce. Celles-ci procurent à la plante les grands avantages de l’allogamie et retrempent, en quelque sorte, constamment sa vigueur; celles-là assurent sa reproduction, malgré les intempéries, malgré le manque d'insectes, et au prix d’une dépense très-faible de matière organisée. Quand il y a compétition entre les individus nés des graines cléistogames et ceux qui proviennent des graines chasmo- games, il n'est pas douteux que les chasmogames ne soient, la plupart du temps, vainqueurs. Mais il se peut fort bien que, par une température ou trop élevée ou trop basse pour le développement normal des corolles, dans une saison où les insectes fécondateurs feraient, par accident, défaut, une espèce doive uniquement à ses fleurs cléisto- games de ne point s'éteindre tout à fait. M. Darwin a fait remarquer que, chez plusieurs espèces, les fleurs cléistogames enterrent leurs fruits et les müris- sent sous le sol : c'est encore là une adaptation qui tend évidemment à tenir un certain nombre de graines en sureté, en réserve, sans les exposer aux chances de la dissémi- nation. Il y a toutefois un point connexe auquel on ne semble pas avoir prêté suffisamment attention. Chez ces espèces, disons-nous, les fleurs eléistogames ensevelissent leurs graines ; celles-ci germent et des individus descen- dus, sans croisement d'un même ancêtre se trouvent ainsi réunis côte-à-côte. Mais alors le croisement que les in- sectes améneront entre les fleurs chasmogames des plantes considérées, sera la plupart du temps une union entre proches parents, union peu profitable, comme les expé- (98) riences l'ont prouvé. Aussi la sélection naturelle a-t-elle dû tendre à écarter ce préjudice, auquel toutes les espèces à fleurs cléistogames sont plus ou moins exposées. C'est ce que l'observation confirme. Nous nous atten- dions à trouver — et nous avons trouvé en effet — que beaucoup de plantes à fleurs cléistogames, surtout celles dont les ovaires cléistogamiques s'enterrent, eussent dans leurs fruits (ou au moins dans ceux de leurs fleurs chas- mogames) un mécanisme de dissémination à distance. C’est le cas chez les Viola, dont les fruits cléistogamiques s’enfoncent sous terre et dont les fruits chasmogamiques lancent avec élasticité leurs graines ; c'est le cas chez les Oxalis, dont les capsules cléistogamiques sont courbées vers le sol et souvent hypogées, tandis que, dans les cap- sules aériennes, les graines sont projetées avec une grande violence par leur curieuse arille blanche; c'est le cas pour les [mpatiens dont chacun connaît les fruits puissamment élastiques ; c'est le cas de plusieurs Légumineuses à fleurs cléistogames, chez lesquelles les valves des gousses se tordent avec élasticité ; c'est encore le cas pour les Acan- thacées, dont six genres ont des fleurs cléistogames, et probablement, en mênie temps, (comme c’est la règle chez celte famille) des capsules projectiles (1). On trouve des dispositions analogues, quoique souvent moins pronon- cées, chez la plupart des autres espèces à fleurs cléisto- games : rappelons seulement les graines ailées du Drosera rotundifolia, le fruit des Oxybaphus (Nyetaginées), ete. — (1) Pour des détails sur ces modes de dissémination des graines, voy. Hizpesranb, Verbreilungsmittel der P flanzen, 1875.— Le Ruellia (Acantha- cées), qui a des fleurs cléistogames, a certainement des capsules élastiques (LiNNÉ, Phil. bot., edit. secunda, Berolini, p. 87). (99 ) Pour exprimer notre remarque d’une autre façon, nous dirons que, selon nous, des plantes dont les semences se dispersent au loin, sont plus aptes que d'autres à subir graduellement, chez quelques-unes de leurs fleurs, la transformation eléistogamique. Car chez elles, la dissémi- nation des graines obvie aux unions trop eonsanguines qui, sans cela, seraient un sérieux obstacle à la produetion prolongée de fleurs eléistogames. Les fleurs cléistogames proprement dites ne s'épanouis- sent jamais et diffèrent souvent d’une manière profonde des fleurs normales de la mème espèce. Cependant elles ne sont certainement pas autre chose que des fleurs normales, qui se sont métamorphosées petit à petit. On rencontre souvent, en effet, toutes les transitions possibles entre des fleurs chasmogames et des cléistogames ; 11 y a même certaines fleurs qui, par un simple changement dans les conditions extérieures, peuvent passer de l'une à l'autre de ces deux classes. C'est ce qui s'observe, par exemple, chez quelques espèces aquatiques : submer- gées, elles sont cléistogames, émergées, chasmogames. Nous avons recueilli en Campine, dans les marais de Genck, quelques pieds de Subularia aquatica complé- tement inondés : leurs fleurs étaient bien closes. Elles restent en général dans cet état tant qu’elles sont sous l’eau et elles se fécondent alors elles-mêmes (1). Nous avons transporté ces plantes et nous les avons cultivées dans des pots où elles n'étaient plus submergées : eh bien! les mêmes fleurs qui étaient cléistogames à Genck, devinrent (1) Selon Hizpesranv, Geschlechter-Vertheilung, p. 77, et Axezr, Op. cil., p- 14. ( 100 ) chasmogames à Bruxelles. On pourrait encore citer parmi ces fleurs en quelque sorte hémi-cléistogames ou éventuel- lement cléistogames, le Cicendia filiformis et l’Helodes palustris dont les corolles ne paraissent s'ouvrir que très- rarement; d'après notre ami M. le D' Bamps, il en est de même des petites fleurs du Filago minima. Si l’on considère ce que nous venons de dire des fleurs cléistogames, on se convaincra sans peine que les plantes qui les portent ne sont pas du tout exclues de l’alloga- mie; car l’on ne connait aucun exemple certain d'une espèce ne produisant absolument que des fleurs closes(f). Dans certaines conditions, 1l peut être très-avantageux ou même indispensable au maintien d’une espèce de produire de semblables fleurs autocarpiques. Elles constituent à ce titre, comme à tant d’autres, un phénomène bien digne d'intérêt. Mais jamais les fleurs qui s’épanouissent ne font tout à fait défaut; et quand cela serait, cela n'empêcherait pas l'immense majorité des phanérogames d'avoir des fleurs chasmogamiques. Or la chasmogamie est, nous l'avons dit, la condition première de toute intervention extérieure et, par là, de tout croisement. Nectar, parties comestibles de la fleur, etc. — Ce n’est pas simplement parce que les fleurs leur sont accessibles que les insectes s’y rendent. Ces hôtes y sont appelés par un attrait puissant : une table toujours ser- vie. Le nectar sucré que les fleurs sécrètent et le pollen que leurs anthères produisent, forment la principale nourriture d'un grand nombre d'insectes et constituent, (4) Nous avons énuméré, p. 86, les seuls exemples connus de plantes qui ne produisent pas de fleurs chasmogames ou dont toutes les fleurs chasmogames seraient toujours stériles. Aucun d'eux n'est à l'abri de la critique. (101) pour beaucoup d’autres, des friandises qu'ils semblent priser fort. C'est que ce sont deux aliments précieux et qui se complètent l’un l’autre : l’un, formé surtout d’hydrates de carbone, l’autre, composé surtout de matières albu- minoïdes; l’un, plus ou moins liquide, l’autre, solide. Si le suc des fleurs est du nectar pour les insectes, on pourrait donc continuer la comparaison mythologique et regarder le pollen comme leur ambroisie. — Le nectar peut être élaboré et accumulé dans les parties les plus diverses de la fleur et même, dans quelques cas, hors de la fleur ; le nectaire, comme le dit M. Sachs, « n'exprime, par conséquent, aucun concept morphologique, et le sens qu'il faut y attacher est purement physiologique. » Le liquide sécrété est souvent protégé contre la pluie et les hôtes inutiles, par les dispositions les plus intéressantes et les plus variées. A ce point de vue, les poils jouent fréquemment un grand rôle. La moindre attention prêtée aux insectes montre si évidemment que, chez la plupart des fleurs, ils viennent pour puiser du nectar ou récolter du pollen, que nous croyons superflu d’insister. Il n’y a pas l'ombre d’un doute que la sécrétion de nectar et la production d'une quantité de pollen ne doivent, avec la chasmogamie, compter au tout premier rang des particularités qui assurent aux plantes les visites des insectes (). Mais les fleurs présentent encore parfois d’autres (1) Si la description que M. O. Comes (Studii sulla impollinuz. in alcune piante, 1874, p. 19) donne du Cobaea scandens Cav. est exacte, le nectar pourrait chez cette espèce servir à entrainer du pollen vers le stigmate, pour amener une autogamie succédanée ; — outre son rôle d’aliment pour les insectes, mais non à l’exclusion de ce rôle comme le croit M. Comes. (102 ) portions comestibles, que les insectes y viennent dévo- rer (1). Enfin, plusieurs corolles offrent un abri excellent contre le froid, le vent, la pluie : nul doute que ce ne soit également [à une cause qui attire des insectes, comme il résulte d'ailleurs des observations de M. H. Müller. — Les fleurs sont done de véritables hôtelleries où les in- sectes peuvent trouver à la fois le logement et la table, le boire etle manger. Organes colorés. — Les organes colorés, comme tout ce qui rend les fleurs voyantes, agissent aussi pour attirer et guider les insectes. C’est ce que M. Darwin à démontré en coupant, par exemple, les pétales bleus de quelques fleurs de Lobelia Erinus : ces fleurs mutilées ne furent plus visitées une seule fois, alors que les autres fleurs l’étaient constamment ®). C’est donc, en partie, grâce à la couleur, que les insectes distinguent les fleurs d'avec les organes végétatifs et qu'ils se dirigent vers elles. On sait de plus, par les intéressantes expériences de M. J. Lubbock, que les abeilles reconnaissent fort bien les diverses couleurs et l’on possède des preuves indirec- tes du même fait, pour les autres insectes. M. Lubbock (5) placa, sur des morceaux de papier différemment colorés, de petites plaques de verre enduites de miel. Une abeille qui était venue sucer le miel déposé sur le papier orangé, retourna 20 fois à ce même papier, quoiqu'on leüt changé de place ; même le lendemain, elle revint 21 fois au papier orangé ou à un papier jaune, et # fois seule- (1) Derrino, Ult. osserv. etc., in Atti Soc. Ital. Sc. nat., XVII, p. 205. (2) Danwix, The Effects of Cross and Self-Fertilisation, p. 420. (3) Sir J. Lussocx, Observ. on Bees and Wasps (Journ. Linn. Soc. Zoo!., XII, p. 128). (103 ) ment à d’autres papiers. On obtient un résultat analogue en habituant l'abeille au papier bleu : elle revient toujours au miel qui est sur ce papier, malgré les déplacements qu'on fait subir à celui-ci (). Ces observations démontrent d'abord que les abeilles savent reconnaitre les couleurs et ensuite qu'elles sont fort esclaves de l’habitude. Nous nous expliquons donc l'utilité des teintes brillan- tes chez les fleurs, et leur variété : car s'il est avantageux à une plante de frapper les regards des insectes par ses nuances vives, il lui est avantageux aussi de pouvoir être distinguée de celles qui l’entourent, afin de permettre aux insectes cette fidélité spécifique dont nous avons parlé. Des fleurs de mème teinte (Viola et Hyacinthus, selon M. H. Müller ; Erica et Calluna, selon M. Darwin; Bellis et Anemone, selon M. Delpino(?); Veronica triphyllos et hederaefolia, d'après nos observations) sont souvent con- fondues par les insectes, ce qui est évidemment un obstacle à une fécondation allogamique régulière. Aussi la sélec- tion naturelle a-t-elle dû conduire non-seulement à une grande richesse de coloris dans le règne végétal, mais encore à une grande diversité : cette prévision est, on le sait, pleinement confirmée par les faits. En général, c'est la corolle qui forme le principal organe (1) On à récemment discuté sur le sens de la couleur chez les Anciens (Huco Macxus : Die geschichtliche Entwickelung des Farbensinnes, 1877; résumé par M. THomas dans l’Athenœum belge, 6 janvier 1878) : il nous semble que des expériences analogues à celles de M. Lubbock, faites sur les mammifères, notamment les singes et les races d'hommes les plus infé- rieures, seraient de nature à éclairer beaucoup le débat. (2) Pour les deux premiers exemples, voy. Darwin, The Effects of Cross etc., pp.#16 et 421 ; pour le troisième, Decvino, Loe. cit., XVI, p. 158. ( 104) coloré de la fleur. Toutefois d’autres parties peuvent remplir ce même rôle d'étendard, cette « fonction vexillaire » comme l'appelle M. Delpino. Chez le Melam- pyrum arvense de notre zone calcareuse, par exemple, les bractées purpurines contribuent pour une bonne part à l'aspect éclatant de l'inflorescence ; tandis qu’une espèce voisine, qu'on trouve en France, le Melamp. nemorosum a de belles bractées violacées. Le calice et les étamines fonctionnent aussi parfois comme organes vexillaires et l'on trouvera chez M. Delpino une liste des parties qui peuvent agir de même (l). Nous n’y avons remarqué qu'un oubli : il a rapport aux pédoncules floraux. Si l'on prend en effet un pied fleuri d'Andromeda polüfolia, on sera frappé de la part considérable qui revient aux longs et jolis pédicelles roses, dans l'effet que produit cette charmante plante. Il serait facile de citer bon nombre d'autres espèces où les pédoncules jouent un rôle vexil- laire analogue : Muscari, Erica Shannoniana, E. pedun- culata, etc. Les corolles sont fréquemment marquées de stries ou d’anneaux qui se détachent par leur nuance sur la teinte générale. Quand il ya un anneau, il encadre le point par où l'insecte doit insinuer sa trompe pour arriver au nectar ; lorsqu'il y a des stries, elles convergent vers ce point. Parmi nos végétaux les plus communs, les Myosotis, les Primevères, rentrent plutôt dans le premier cas; la Pensée, la Mauve, se rangent dans le second ; les Véroniques et d'autres fleurs possèdent à la fois un anneau central et des nervures convergentes. Konrad Sprengel qui, le premier, fit attention à ces marques, était 1) Dezrtxo, Loc. cit., XVI, p. 159. ( 105) d'avis qu'elles indiquent à l'insecte le chemin du nectar : aussi les nomma-t-il « Saftmale », ce que Kurt Sprengel a traduit par « nectarostigmata » et M. Delpino par « net- tarindici. » Comme ce dernier mot est difficile à franciser et que d'ailleurs il n'est pas très-correctement formé, nous nous hasardons à proposer le terme : nectaro- sèmes (1). — Quoique les expériences décisives à ce sujet restent encore à faire (nous projetons de les entreprendre, dès que nous en trouverons l'occasion), il est dès aujourd'hui très-probable qu’il y ait un fond de vérité dans l’idée de Sprengel. Les nectarosèmes manquent aux fleurs nocturnes, où ils seraient inutiles ; ils sont surtout apparents dans les fleurs très-1rrégulières dont le nectar est profondément caché, et ils offrent des cas fréquents de variation corrélative avec le nectaire : tout cela semble bien indiquer que ces taches de couleur faci- litent aux insectes la recherche du nectar et qu'elles se sont développées, par sélection naturelle, comme adapta- tion à leurs visites. Enfin, ce n’est pas la coloration seule qui rend lesfleurs apparentes : une grande taille, des labelles larges, des étendards voyants, le groupement en épis ou en capitules denses, sont autant de caractères éminemment favorables pour allécher les insectes et leur faire gagner du temps. M. H. Müller a en effet résumé les nombreuses observa- tions comparatives qu'il a faites chez des espèces voisines, dans la loi suivante : (1) De YEXTOD, nectar et cÿua, marque. « Nectar » étant, au fond, plus grec que latin, le mot « nettarindice » et plusieurs autres de M. Del- pino ne sont pas irréprochables. — Quant à « nectarostigma », il rappelle, sans raison, le stigmate avec qui les nectarosèmes n’ont rien à faire. ( 106 ) « Toutes autres choses égales d’ailleurs, une fleur est d'autant plus visitée par les insectes qu'elle est plus voyante (augenfällig)(D; » ce dernier terme étant pris dans son acception la plus large. Odeurs.— Les odeurs des fleurs ne leur sont pas moins utiles que leur coloris, pour attirer de loin les insectes fécondateurs. Une foule de faits le démontrent. M. Nägeli fixa à des branches des fleurs artificielles, dont quelques- unes étaient parfumées avec des essences et les autres ne l’étaient pas : les insectes étaient attirés par les premières d'une facon indubitable. Ils sont même sensibles à des odeurs qui nous échappent, et cela à des distances parfois considérables, comme le prouvent les observations de Huber (2) et de beaucoup d’autres. Nous avons été frappés par le même fait, en étudiant les Pentstemon. Plus que les autres fleurs, celles qui se sont spécialement adaptées aux visites d'insectes nocturnes ou crépusculaires, répandent des senteurs vives et pénétrantes. On en comprend la cause : chez elles, la couleur ne saurait que peu ou point servir de guide. A titre d'exemples, nous citerons l’Hesperis tristis, le Nicotiana noctiflora, le Monarda ciliata, le Loni- cera Caprifolium et le Silene nutans qui a été étudié à ce point de vue par M. Kerner (5). On remarque que, généra- lement, ces plantes n’exhalent leur parfum que le soir ou la nuit, ce qui leur est avantageux, d’abord comme éco- nomie et, ensuite, pour ne pas attirer de convives inutiles. Il nous paraît fort probable que le parfum agisse plus (1) H. Müzcer, Op. cit., p. 426. (2) Narceur, Entstehung und Begriff der naturhistorischen Art, 1865, p. 25, cité par Darwin. — Huser, cité par Delpino, Loc. cit., XVII, p. 185. (5) Kerwer, Schutzm. d. BL. geg. unb. Gäste, p. 246. ( 107 ) puissamment sur la plupart des insectes, que l'éclat des fleurs. On sait que le sens de l'odorat est beaucoup plus développé chez les abeilles que chez nous ; leur vue est, au contraire, inférieure à la nôtre (1). De toutes les Crucifères indigènes, la Cardamine des prés est, selon M. H. Müller, la plus visitée par les insectes : et c’est elle aussi qui a les inflorescences les plus voyantes. Mais elle ne répand aucune odeur, et une espèce cultivée, le Cresson alénois (Lepidium sativum), avec ses petites fleurs très-odorifé- rantes, la surpasse encore par le nombre des insectes qui y butinent (2). De notre côté, nous avons plusieurs fois observé un parterre de Pélargoniums (vulgo : géraniums) tout couvert de fleurs très-voyantes, roses et rouges, et entouré d’une bordure d'Héliotropes dont la teinte, comme on sait, n'est pas fort apparente. Les deux espèces ne contiennent que peu de nectar. Et cependant les Héliotropes sont extrêmement visités par une foule de papillons et . d'hyménoptères, tandis que les Pélargoniums n'ont pour hôtes qu'un petit nombre de papillons). La conclu- sion à tirer de ces faits et d'autres analogues semble assez évidente : pour allécher les insectes l'odeur a plus d'action que l'apparence. Toutefois, on pourrait objecter que la saveur du nectar et la forme du nectaire, lesquelles varient d'une espèce à l’autre, doivent également peser sur’ les préférences des insectes. Puis, ce que nous trouvons voyant. peut ne pas faire la même impression sur une abeille, et vice versà : 1l ne faut pas oublier, en effet, que (1) Sur ce dernier point, voy. Decrino, Loc. cit., XVI, p. 159, note. (2) H. Mürcer, Op. cit., p. 155, note. (5) Quelques Rhopalocères ainsi que le Macroglossa Stellatarum, Ce dernier a une trompe de 28mn, 10 ( 108 ) le rouge le plus écarlate paraît terne aux yeux de certaines personnes, les daltoniens. Une question curieuse est de savoir si les insectes éprou- vent du plaisir rien qu'à regarder certaines couleurs et à respirer certains parfums. M. Delpino pense que oui et nous partageons sa manière de voir. La question est cepen- dant très-délicate. Il ne suffit pas, pour la résoudre, qu'un insecte aille, soit de préférence, soit même exclusivement, à des fleurs d’une teinte ou d’une odeur déterminées ; car il est vraisemblable que ces caractères ne sont pas sans relation avec le goût du nectar : dès lors, la préférence des insectes pourrait fort bien se rapporter au mets auquel le parfum et la couleur servent, en quelque sorte, d’enseigne. Notre opinion se fonde plutôt sur le fait bien avéré qu'il y a des odeurs antipathiques à certains insectes, — ce qui porte à admettre qu'il y en a de sympathiques. On voit assez souvent aussi des insectes rester comme en admira- tion devant l’une ou l’autre fleur, pendant quelque temps avant d'y aborder, ou même repartir sans s'être posés sur elle : c'est ce que M. H. Müller a vu faire à un diptère (Syrphus baliteatus Deg.) devant les épis de Verbascum nigrum (1), et c'est ce que nous avons observé, à diverses reprises, en particulier devant le parterre de Pélargo- niums et d'Héliotropes, dont nous parlions tantôt. Enfin, si l’on se place au point de vue de la théorie de la sélection sexuelle, l'existence des caractères sexuels secondaires fournit un argument très-sérieux, puisqu'ils indiquent des préférences de la part des insectes, pour (4) H. Mürzer, Op. cit., p. 278, note. L'auteur dit expressément que le Syrphus paraissait « se repaître de la contemplation de ces fleurs » (anscheinend sich am Anblicke derselben weidend). ( 109 ) certaines nuances et certains parfums. Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce problème d’esthétique animale, mais nous avons seulement voulu le poser dans ce que nous croyons être ses véritables termes. En somme, il est très-probable que bon nombre d'insectes ont atteint un degré d'évolution intellectuelle assez élevé pour que, chez eux, la notion du beau soit devenue distincte et, jusqu à un certain point, indépendante de celle de l’utile, Quoiqu'il en soit, ee qui est parfaitement établi, c'est que les couleurs et les odeurs contribuent à assurer et à faciliter les visites des insectes. Elles sont donc avanta- geuses aux végétaux et cela suffit à nous expliquer leur genèse par la sélection inconsciente que les insectes exercent. Organes d'appui, etc. — Pour terminer ce que nous avons à dire des caractères entomophiliques des plantes, il nous reste à rappeler que de nombreux organes servent aux insectes à aborder plus facilement sur la fleur, à s’ap- puyer pendant qu'ils sucent le neetar ou qu'ils rassemblent le pollen, bref, à rendre leurs visites plus rapides et plus commodes. La forme labiée et la forme papilionacée constituent des appareils bien connus dont [a partie infé- rieure (lèvre inférieure, ailes et carène) sert de surface d'appui aux insectes fécondateurs. Des organes scabres ou poilus peuvent remplir une fonction analogue, et l'on trou- vera, chez M. Delpino, de longs détails à ee sujet (1). Nous pensons cependant qu'il s’est parfois exagéré l'importance de cette fonction. (). (1) Derrino, Loc. cit., XVI, pp. 224-251 et 263-265. (2) Voy. plus loin : Appendice sur les Pentstemon, au paragraphe : « Fonctions du staminode. » ( 110 ) Ç 8. Particularités qui amènent le croisement ou caractères allogamiques. — Les insectes sont portés à visiter les fleurs par les dispositions dont nous venons de donner un apercu. Plus on observe la nature, plus on se persuade de l'attrait énergique qu'elles exercent sur eux. Mais 1l ne suffit pas au végétal que les insectes accourent de toutes parts; il faut encore que, grâce à sa structure, ils transportent involontairement les grains de pollen aux stigmates, et surtout aux stigmates d’autres fleurs de la mème espèce. C'est à cela que tend toute une nouvelle série de dispositions, inépuisables dans leur variété, dont nous n'allons esquisser que les principales. Pollen et stigamate. — Chez les plantes anémophiles, les stigmates sont en général amples et plumeux et, comme le remarque M. Axell, développés surtout dans un plan vertical : ce qui multiplie leurs chances de récolter quelques grains de pollen emportés par le vent. Le pollen lui-même quitte spontanément les anthères (1) ; il est pulvérulent et presque parfaitement sphérique. — Il en est tout autrement chez les plantes entomophiles. Les stigmates, n'ayant pas à recueillir du pollen qui voltige dans l'atmosphère, sont réduits au sommet du style, ou, s'ils s'étendent davantage c'est dans un plan horizontal (Papaver, Nuphar, ete.). Le pollen, de son côté, doit s'être graduellement adapté au transport par les insectes. Aussi (4) Decrino, Loc. cit., XITI, p. 188. — Nous avons vérifié l’exactitude de cette remarque sur diverses espèces anémophiles. (111) est-il toujours plus ou moins visqueux : il reste ordinaire- ment adhérent aux anthères, d’où les insectes le feront tomber sur eux. Ce n'est que dans des cas très-rares qu'il est pulvérulent, et alors il est toujours renfermé dans les loges de facon à n'en sortir que sous l'influence d'un choc — du moins, tant que la fleur ne se flétrit pas — (Erica, Calluna, Melampyrum, Euphrasia, Pedicularis, Borrago, etc.). Ce choc, cela va sans dire, les insectes ne manqueront pas de l’imprimer, à chacune de leurs visites. Le contour du pollen des entomophiles n'est pas non pius sphérique, comme chez les anémophiles : il est elliptique avec des sillons longitudinaux, ou bien hérissé de rugosités ou de pointes. M. Bennett a fait connaitre, à cet égard, un cas remarquable. Toutes les Crucifères sont entomophiles et leur pollen est conformé en conséquence : seul parmi cette famille, le Pringlea antiscorbutica de la Terre de Kerguelen est anémophile. Il manque de corolle, il ne produit pas de nectar, son stigmate à longues papilles est très-proéminent, et son pollen est aussi rede- venu complètement sphérique (1). Pollen prépotent. — (Grâce à sa cohérence et à sa surface rugueuse, le pollen d'une fleur entomophile s’attache sans peine au corps des insectes et, quand ceux-ci effleureront un stigmate visqueux, il s'y déposera facile- ment. Alors, de deux choses l'une : ou ce stigmate est celui d'une autre fleur de la même espèce, et l'allogamie se trouve effectuée ; ou c’est celui de la fleur même dont provenait le pollen, et nous avons une autogamie. De là à une autocarpie, il y a pourtant encore loin. En effet, chez (4) Acrren W. BennerT, On the forms of pollen-grains in reference to the fertilisation of flowers (Nature, X, p. 455-454). (12) quelques plantes, le pollen est tout à fait sans action sur le stigmate de la même fleur : alors l’autocarpie est radi- calement impossible (plantes adynamandres)(1). En général cependant, l’autocarpie est possible; mais cela ne prouve pas encore qu elle se réalise dans le cas dont nous parlons. Quelque temps après avoir polliné un stigmate avec le pollen de la même fleur, si l'on y dépose du pollen d'un autre individu de la même espèce, celui-ci annulera l'action du premier et fécondera seul les ovules(?) : le pollen allogamique est prépotent sur le pollen autogami- que. C'est ce que M. Darwin a prouvé par ses expériences. De cette façon, quand un second insecte apporte du pollen étranger un peu après la pollination autogamique, le croisement est encore assuré ; et nous savons qu'une même fleur est presque toujours visitée successivement par un grand nombre d'insectes. Nous avons observé, par exemple, que chez le Veronica longifolia un hyménoptère suce régulièrement de 55 à 40 fleurs par minute; ce qui permet de se faire une idée du chiffre énorme des visites que les insectes font en un Jour et, par conséquent, du nombre (1) Voy. plus haut, p. 62-65. (2) Darwis, The Effects of Cross and Self-Fertilisation, p. 391-400. — M. S. Axell avait, avec perspicacité, déduit déjà cette conclusion en 1869 ; il dit en effet (Op. cët., p. 85) : « Vi anse oss säledes pä grund af det ofven anfôrde berättigade till den slutsatsen, att fremmande pollen är praepo- tent framfôr eget, dâ de bäda samtidigt eller med en mindre tidsskilnad ôfverfüras pà märket. » (Nous sommes donc autorisé par ce qui précède à conclure que le pollen étranger est prépotent sur celui de la fleur même, lorsque tous deux sont déposés en même temps ou à peu d’inter- valle sur le stigmate.) — On a peine à s’empêcher de voir, dans le phé- nomène de la prépotence, quelque chose d’analogue à une substitution chimique. (115) considérable d'hôtes que devra recevoir une même corolle (1), La prépotence du pollen allogamique est done une particularité de la plus haute importance dans la fécondation des plantes. Un fait qui facilite aussi beaucoup l’allogamie, c'est que chez la grande majorité des fleurs, le pollen n'émet pas ses tubes tant qu'il reste renfermé dans les anthères. La durée de la floraison, les changements dans la direction des pédoncules, les mouvements des différentes parties de la fleur sont autant de phénomènes physiolo- giques qui influent encore sur l’allogamie. Mais, comme on ne peut bien les comprendre que dans leur rapport avec toute la structure florale, nous nous contenterons d'en parler à propos de celle-ci. Aperçu des principales structures florales. — L'appareil floral, dans son ensemble, affecte les disposi- tions les plus variées, à la fois par la manière dont ses parties se trouvent groupées et se développent l'une après l'autre, par les divers modes de répartition des sexes, par le fait que toutes les fleurs d'une espèce peuvent être semblables entre elles ou qu'il y en a de plusieurs formes, etc. Toute cette morphologie florale gravite en somme autour d’un fait essentiel qui en est comme le centre : la pollination du stigmate et, plus spécialement, l’allo- gamie. On peut presque dire que tout, dans la fleur, est préparatoire à ce phénomène capital ou en résulte. On ne s'attend pas à nous voir décrire ici toutes les struc- tures des fleurs, tantôt simples, tantôt merveilleusement complexes, que les travaux récents ont mises en lumière. (1) Cf. Darwin, The Effects of Cross and Self-Fertilisation, p. 425. NA %) Plusieurs volumes n'y sufliraient pas. Nous devons nous borner à un coup d'œil sur cette morphologie florale qui, grâce à l'influence prépondérante des recherches de M. Darwin, se présente aujourd’hui aux botanistes sous un jour si nouveau. Nous examinerons de préférence ce qui concerne les rapports réciproques des organes sexuels et les cas où plusieurs sortes de fleurs existent chez une même espèce : c'est, en effet, dans ces cas que rentre l’hété- rostylie, dont la deuxième et la troisième parties de cette notice s'occupent exclusivement (1). Les quelques exemples que nous donnons sont pris dans nos propres observations ou, à leur défaut, dans celles d’autres auteurs, ce qui sera, du reste, toujours expressément mentionné. Nous ren- voyons le lecteur qui voudrait approfondir ce sujet si inté- ressant, aux ouvrages spéciaux où un grand nombre de structures florales sont expliquées et figurées : M. Sachs, dans son Traité, en indique quelques-unes, mais c'est surtout dans l’Entdeckte Geheimniss der Natur de Sprengel, qu'on doit les étudier, et mieux encore, dans le volume (1) Notre groupement des divers cas où plusieurs formes de fleurs existent chez la même espèce, était déjà terminé depuis quelque temps et avait même été exposé par nous, à une séance du Cercle des Jeunes Botanistes (séance du 29 juillet 1877), quand nous eûmes connaissance d’un article de M. Delpino dans le Muovo givrnale botanico (avril 1876) et du livre de M. Darwin, The different Forms of Flowers on Plants of 1he same Species, qui venait de paraître. Nous avons été fort heureux de voir que l’illustre naturaliste anglais signalait précisément, dans le corps de l’ouvrage et dans l'introduction, quelques-uns des cas que nous avions classés. Pour les groupes qu’il a établis, nous nous sommes empressés d'adopter sa terminologie. Pour les autres, nous nous hasardons à proposer quelques noms nouveaux : ils paraissent utiles à cause des confusions qu’a amenées l'emploi d’un même terme pour désigner des phénomènes très- dissemblables, ainsi que nous le ferons voir plus loin. (145 ) de M. Darwin sur les Orchidées, dans les œuvres de MM. Hildebrand et Delpino, dans le livre de M. H. Müller, dans les notes de M. Fritz Müller, publiées par la Bota- nische Zeitung et dans une foule de mémoires disséminés. Tous les individus qui composent une espèce peuvent être semblables entre eux, quant à la structure de leurs fleurs, ou bien il peut, à cet égard, y en avoir normalement de plusieurs sortes. (Nous insistons sur le mot « normale- ment, » car, ici et dans tout ce qui suit, il est bien entendu que les faits exceptionnels ou tératologiques n'entrent pas en ligne de compte.) Dans le premier cas, nous dirons que c'est une espèce à individus monomorphes; dans le second, à individus pléomorphes(). Chez les espèces monomorphes, toutes les fleurs peuvent être sem- blables (individus monomorphes à fleurs monomorphes), ou bien 1l peut y avoir sur le même individu plusieurs sortes de fleurs de structure différente (individus mono- morphes à fleurs pléomorphes.) KE. Individus monomorphes. |. Fleurs mono- morphes. — Parlons d'abord de la première catégorie. Ici toutes les fleurs sont semblables : elles sont done, de toute nécessité, hermaphrodites. Mais au point de vue de la fécondation, on peut distinguer plusieurs cas. Une fleur kermaphrodite est cléistogame ou chas- mogame. Nous avons déjà dit que l'on ne connait aucun exemple bien certain d’une espèce à fleurs toujours toutes cléistogames. — Parmi les fleurs chasmo- games, les unes sont construites de facon que le pollen puisse tomber sur le stigmate sans l'intervention d'aucun (1) Nous choisissons ce mot, pour éviter polymorphe, qui a déjà un emploi précis en botanique, dans le sens de « variable ». (16) agent externe : 1l y a, chez elles, autogamie directe ; chez d'autres, au contraire, le pollen ne parvient pas sur le stigmate sans intermédiaire : l’autogamie directe est im- possible. Parmi les fleurs chez lesquelles il y a autogamie, il convient de distinguer celles où l’autogamie est efficace de celles où aucune fécondation ne s'ensuit. Il y à autocarpie chez les premières et non chez les secondes. Le premier de ces deux groupes comprend donc des plantes qui peuvent se féconder sans insectes, quoique l'accès des insectes ne soit nullement interdit. Au contraire, le plus souvent, par l'effet de la structure florale et de la prépotence du pollen, l’autocarpie n’intervient que d'une facon succédanée. Bon nombre de plantes se rangent dans cette catégorie : parmi celles que nous avons observées, nous citerons le Muscari botryoides L. et le Linaria striata DC. Dans le Muscari, les étamines entourent le stigmate de telle sorte qu'elles ne peuvent manquer de le couvrir de pollen : toutefois, l'expérience doit encore prouver si cette autogamie inévitable amène la fécondation. Le Linaria striata a les fleurs réunies en épis lâches. La corolle blanchätre et veinée de violet, est personée. La lèvre supérieure, avec ses deux divisions redressées, con- tribue beaucoup à rendre les petites fleurs un peu voyantes : elle sert d’étendard. La lèvre inférieure est trilobée et ferme d’une manière complète, au moyen de son insertion voutée, l'entrée de la corolle. La voute qu'elle forme est couverte, tout alentour, de poils violacés qui empêchent les insectes d’insinuer leur trompe par les côtés, et elle est striée de deux lignes jaunes. Ces lignes, conduisant vers le tube corollaire, fonctionnent comme nectarosèmes. A la partie antérieure de la surface interne du tube, deux Ces) rangées de poils jaunes limitent entre elles une sorte de rigole qui guide une trompe d’insecte vers le nectar; celui-ci se rassemble dans l’éperon long de 2 à 5". Les organes sexuels se trouvent dans le tube de la corolle, à l'abri de la pluie et des hôtes inutiles; le stigmate est placé entre les deux paires d’étamines didynames. La base renflée et poilue des deux étamines longues contribue encore à obstruer partiellement l'entrée de l'éperon, déjà protégée par le grand rétrécissement du tube corollaire à ce niveau. Le nectar n’est donc accessible qu’à des insectes munis d'une trompe. — La plante que nous avons exa- minée et qui était cultivée dans un jardin près de Bruxelles, était abondamment visitée par des hyménoptères de taille moyenne ou petite. Parfois, nous les avons observés se conduisant d'une façon très-adroite : ils s’accrochent par leurs six pattes à la lèvre inférieure, leur poids force la corolle à s’entre-bâiller, ils insinuent leur tête, allongent leur trompe et sucent le nectar. Ils ne peuvent alors manquer de toucher, avec leur tête, les organes sexuels et d'effectuer aussi bien la pollination allogamique que l’autogamie. C’est ce que nous avons vu faire à quelques abeilles et surtout à des guëpes. Mais dans la grande majorité des cas, ce n’est pas de cette manière que les hyménoptères atteignent le nectar du Linaria striata : ils se contentent d'introduire leur trompe par un trou fait à la partie antérieure ou, rarement, à la partie latérale de l’éperon. Ge vol avec effraction, ils le pratiquent sur une si grande échelle que nous n'avons guêre trouvé de fleur épanouie qui n'eut l’'éperon percé. Nous avons vu sucer ainsi des Apides, et, plus encore, des Sphégides. Mais quel était l’auteur des trous? D’après MM. Darwin et H. Müller, ce seraient toujours les bourdons(Bombus) ou les (MAS) abeilles (Apis) qui se rendraient coupables de ce méfait (1). Cependant, nous avons positivement vu un autre hymé- noptère (probablement un Crabro) faire, avec ses mandi- bules, un trou dans l'éperon du Linaria striata. — (Cette habitude des insectes est évidemment très-nuisible à la plante, puisqu'ils la privent de nectar sans la polliner (). Il est vrai que la position des organes sexuels rend inévi- table la chute directe du pollen des étamines longues sur le stigmate; mais il est probable que son action fécondante est incomplète, car, chez la plante observée, une très- faible proportion des fleurs produisit des capsules. Le Linaria striata serait done, comme beaucoup d’autres espèces, intermédiaire entre le groupe des fleurs autogami- ques-autocarpiques et le groupe suivant. Nous arrivons, en effet, aux plantes où il y a autogamie directe sans la moïndre autocarpie : elles sont par consé- quent, du nombre des adynamandres. I est clair que l’'adynamandrie ne peut être reconnue que par l'expérimen- tation : c’est un caractère purement physiologique. Nous avons énuméré plus haut quelques plantes adynaman- dres(5), mais toutes ne nous concernent pas ici, parce que, chez plusieurs, il n'y a pas autogamie directe. L'exemple, par excellence, des plantes autogamiques- adynamandres est le Corydalis cava si bien étudié par (1) Darwin, The Effects... etc., p. 427. (2) Voici les noms des insectes capturés sur cette plante ; leur déter- mination a été faite par notre ami M. H. Donckier : Apis mellifica L.; Vespa vulgaris Fabr., fréquent; Hylaeus (Prosopis) annulatus Latr., très-fréquent ; Crabro sp.; Cerceris nasula Dahlb. (— interrupla Shuck. Lep.); en outre, un Cetonia stictica et plusieurs Melighetes. Seuls les deux premiers suçaient parfois le nectar par la voie normale. (5) Voy. p. 62-65. (15 ) M. Hildebrand (1) : il n’est guère de plante chez laquelle les avantages du croisement apparaissent d'une manière plus frappante. Après ces fleurs, dont le pollen tombe directement et sans peine sur le stigmate, viennent celles où l'autogamie directe est impossible, ou au moins singulièrement difficile. L'obstacle résulte de ce que les anthères et Les stigmates murs de la même fleur restent séparés dans l'espace (fleurs hercogames), ou éloignés l'un de l’autre dans le temps (fleurs dichogames). M. Axell a proposé le nom d'hercogames (2) pour les fleurs hermaphrodites dont les deux sexes sont adultes en même temps, mais chez lesquelles des dispositions mécaniques empêchent l’autogamie. L'hercogamie pré- sente bien des degrés, depuis les fleurs où la pollination allogamique n’est que peu probable, jusqu'à celles où elle est rendue absolument impossible. Aussi M. Delpino distingue-t-il les kercogames absolues, les hercogames con- tingentes, les hémi-hercogames etles hercogames obscures(5). D'une facon générale, on peut dire que l’hercogamie à deux caractères : 1° Le pollen ne parvient guère ou pas du tout au stigmate, si on empêche l'accès de tout agent extérieur; 2° ia fleur a une structure telle qu'un insecte (ou un oiseau), en la visitant, y touche inévitablement le stigmate avant de s'y couvrir de pollen: disposition qui assure le croisement. Une des structures hercogamiques les plas simples et les plus fréquentes consiste en un style plus long que les (1) Hixpesran», Geschlechter-Vertheilung, p. 66-68, (2) De ÉDHOS, obstacle. AxeLz, Om anordningarna ete., 1869, p. 40. (3) Decpixo, Loc. cit., XVI, p. 532-555. (120 ) étamines. Il n'est pas rare que, dans ce cas, la fleur soit penchée, ce qui lui est très-avantageux : de la sorte, vers la fin de la floraison, lorsque le pollen cesse d'adhérer aux anthères, il peut en tomber un peu sur le stigmate et l’on a alors une autogamie succédanée. Mais, pendant la majeure partie de la floraison, la viscosité des grains de pollen est bien assez forte pour qu'ils ne se détachent pas des anthères, sinon sous l'influence d'un frottement, comme en oceasionne la trompe ou le corps velu d’un insecte. Il serait, du reste, très-inexact de dire que les fleurs dont le pistil dépasse les anthères sont toutes plus ou moins penchées ; il suffit, pour se persuader du contraire, d’exa- miner les corolles rigoureusement verticales du Gentiana germanica ou du Gentiana acaulis. D’après M. Bureau, le style dépasse les étamines chez la plupart des Bignoniacées (1). Nous voyons donc cette disposition, si favorable à l'allogamie, se reproduire chez presque tous les membres de cette grande famille, qui, d’ailleurs, offre encore une foule d’autres adaptations remarquables : telles sont la dichogamie, la métamorphose de l’une de ses étamines, des appendices aux filets stami- naux, des graines ailées, des tiges grimpantes, etc. Comme exemples de fleurs hercogames à un degré plus ou moins marqué, nous citerons le Tritoma Uvaria et l’'Hedychium coronarium . La structure des magnifiques fleurs du Tritoma Uvaria Gawl. (Liliacées) n'est pas bien compliquée. Réunies en un épi gigantesque pyramidé, et inclinées vers le bas, elles ont un périanthe en forme de long tube, plus ou moins cylindrique, de 4-5°" de diamètre et de (1) Monographie des Bignoniacées, p. 188. (121 ) 55-40" de long. Six dents triangulaires le terminent à son extrémité libre. A l'état de bouton, les fleurs sont d'un rouge éclatant; elles deviennent très-rapi- dement d’un beau jaune, lors de l’anthèse. Ce change- ment de couleur semble avoir la double fonction de rendre les inflorescences plus voyantes et de faire re- connaitre aux insectes les fleurs ouvertes, susceptibles d’être visitées : ils gagnent ainsi du temps et peuvent exécuter un plus grand nombre de fécondations dans le même nombre de minutes. Les six étamines, un peu inégales, ont leurs anthères exsertes lors de leur déhis- cence. Le style, d'abord plus court que les étamines les plus grandes, ne tarde pas à devenir sensiblement plus long qu'elles. Son stigmate indivis finit même par dépasser de 15 [a corolle. A la fin de la floraison, les anthères se flétrissent et, par un curieux raccoureissement du filet staminal qui se ploie en sinusoïde, elles sont ramenées au niveau des dents du périanthe. Quant au nectar, il parait sécrété par la base commune du périanthe et de l'ovaire et se rassemble en grosses gouttes, vers le fond du tube floral; ces gouttes restent là, sans s’écouler, par suite sans doute des attractions moléculaires qui maintiennent aussi un peu d'eau suspendue aux objets qu'on a mouillés. Le nectar est protégé contre la pluie par la position réclinée de la corolle, comme nous l'avons reconnu expérimentalement. Si l’on se représente la struc- ture de cette fleur, on comprendra qu'un insecte, en venant sucer le nectar, touche en général le stigmate avant les anthères et opère l’allogamie, pour peu que du pollen, provenant d’une fleur antérieurement visitée, ait adhéré à son corps. La longueur et l’étroitesse relative du tube floral font penser que, dans sa patrie, ce Tritoma a ( 122 ) peut-être pour fécondateurs principaux, des papillons. Comme les fleurs sont dirigées obliquement, le stigmate n'est pas dans la ligne de chute du pollen et l'autogamie direete n’est guère possible; mais le pollen peut assez bien tomber sur les stigmates de fleurs du mème épi, situées plus bas, et effectuer la gitonogamie sans le secours d'insectes. Dans les jardins des environs de Bruxelles, nous n'avons vu que peu d'insectes visiter cette plante. Aussi produit-elle peu de capsules (une capsule pour plus de 20 fleurs) et, comme il n yen a jamais dans tout le haut de l'épi, ül n'est pas impossible qu'elles soient le résultat de la gito- nocarpie(l). Ces capsules ne contiennent chacune que peu de bonnes graines : de 0 à 6 au maximum, et ordi- nairement de 2 à #. Quand l'ovaire noue, le pédoncule se relève graduellement, de sorte que le fruit est redressé bien que la fleur soit pendante. Chez l’'Hedychium coronarium Willd., des montagnes de l’Inde, comme chez la plupart des autres Zingibéra- cées (2), la belle fleur odorante à ceci de remarquable, que l’étamine fertile forme une gaine autour du style qui la dépasse. L’autogamie est done impossible et un insecte ne peut manquer de toucher le stigmate avant l'anthère. Le style est si long — soit dit en passant — que les tubes pol- (1) La grande influence des insectes sur la fécondité de cette espèce, est confirmée par le fait suivant. A Paris, l’un de nous a vu le Tritoma Uvaria visité à profusion par une espèce d’hyménoptères qui, probablement, ne trouvait à ce moment rien de mieux pour y butiner ou pour y récolter du pollen; aussi 90°} environ des fleurs fructifiaient-elles, au lieu de 5 °/, à peine comme on le voit près de Bruxelles. (2) Cf. Decrio, Loc. cit., XVI, p. 555. (495 ) liniques ont un trajet de 11 à 12 centimètres à parcourir, pour atteindre les ovules ! Mais les adaptations, à coup sûr intéressantes, des espèces que nous venons de citer, ne sont rien à côté des structures merveilleusement complexes de certaines autres hercogames : telles le Pedicularis sylvatica, dont M. H. Müller a donné une description si approfondie, les Orchidées que M. Darwin nous a si bien fait connaitre, et quantité d’autres plantes qu’il serait trop long d'énumérer. Après les fleurs hercogames, nous arrivons à celles dont les organes mâles et femelles ne sont pas, en même temps, aptes à la fécondation : C.-K. Sprengel les a nommées dichogames, par opposition aux autres fleurs hermaphrodites qu’il appelle homogames. Comme l'hercogamie absolue, la dichogamie, lorsqu'elle est très- prononcée, donne lieu à ce phénomène étrange et remarquable de fleurs morphologiquement, mais non physiologiquement hermaphrodites. La dichogamie, on le comprend, favorise beaucoup la pollination allogamique et elle est fort répandue dans la nature. Elle se retrouve jusque chez les prothalles des Fougères et, parmi les phanérogames, elle existe, par exemple, chez presque toutes les Ombellifères et les Composées; or, l’on sait que cette dernière famille représente, à elle seule, environ le dixième de toutes les phanérogames de l’époque actuelle. Chez certaines dichogames, les organes mâles sont développés avant les organes femelles (fleurs protérandres ou protérandriques); chez d'autres, après (fleurs proté- rogynes ou protérogyniques). Mais, entre les dichogames les plus accentuées et les homogames où le stigmate est nubile au moment précis de la déhiscence des anthères, il y a une foule de transitions insensibles. On peut former 11 (12%) une série continue ayant, à une extrémité, les protérogy- niques absolues, comme le Parietaria, dont le pistil se désarticule avant la maturité des anthères; au milieu, les homogames ; et, à l’autre extrémité, les protérandriques absolues, comme l'Impatiens, chez qui le style, avant d'être fécondable, fait lui-même tomber les étamines. Reconnue déjà par Pontedera et Linné, la dichogamie fut étudiée ensuite par Kôlreuter et surtout par Sprengel ; puis, après un demi-siècle d'oubli, elle a de nouveau, dans les dernières années et sous l'impulsion des travaux de M. Darwin, fait l'objet de recherches variées et inté- ressantes. Les deux premiers botanistes se sont bornés à la constater, les deux suivants ont vu qu'elle amenait la fécondation d'une fleur par le pollen d’une autre, mais c'est seulement depuis que les avantages de l’allogamie sont bien établis, que l’on comprend son utilité pour le végétal, et, partant, sa genèse par sélection naturelle. La dichogamie, nous l'avons dit, consiste en ce que l'un des deux sexes d’une fleur hermaphrodite devance l’autre dans son développement. Les organes du sexe qui est adulte le premier peuvent être, ou non, fanés lorsque les organes de l’autre sexe deviennent mürs. Dans le premier cas, l’autogamie est impossible; dans le second, elle peut intervenir d'une facon succédanée et en quelque sorte « posthume, » suivant une expression de M. Delpino. De là, les subdivisions établies par le savant italien, subdivisions ingénieuses, mais souvent difficiles à appliquer. M. Delpino distingue, parmi les protéran- driques, les brachybiostémones (c'est-à-dire : à étamines non persistantes), dont les anthères sont déjà flétries lorsque les stigmates de la même fleur deviennent nubiles, et les macrobiosiémones (à étamines persistantes), dont (18) les anthères existent encore lorsque les stigmates de- viennent nubiles. Parmi les protérogynes, il distingue de même les brachybiostigmatiques et les macrobiostigma- tiques, selon que les stigmates sont ou ne sont pas flétris, quand commence la déhiscence des anthères. On pourrait croire que les fleurs protérandriques, même brachybiostémones, n’excluent pas tout à fait l’auto- gamie et que du pollen, tombé sur la surface stigmatique non nubile, y persiste et opère la fécondation quand elle devient adulte. Eh bien, ce serait là une erreur : M. Hilde- brand a établi expérimentalement qu’il ne s'effectue aucune fécondation dans ces circonstances (1). — On conçoit que, si la dichogamie est très-prononcée, les toutes premières et les toutes dernières fleurs qu'une espèce produit dans une localité, ont toujours l’un de leurs sexes sans emploi. Chez les protérandres, les toutes premières étamines ne trouvent encore rien à féconder, et les derniers stigmates plus rien qui les féconde ; chez les protérogynes, l’inverse a lieu. Aussi prévoit-on que les premières et les dernières fleurs d'une espèce dichogame doivent tendre à devenir, soit unisexuées, soit homogames ; et c'est, en effet, ce que l’on observe dans bien des cas (2). Il nous reste à donner quelques exemples de plantes protérandriques et de plantes protérogyniques. Les premières sont, pour Ja plupart, entomophiles, les (1) Hizoesrann, Experim. zur Dichogamie und zum Dimorphismus. Bot. Zeit., 1865, n° 1. (2) Au sujet des fleurs unisexuées, on peut consulter : HiLnEBranp, Geschlechter-Vertheilung, p. 25-26, et H. Müzcer, Die Befruchtung, p. 106 (Myrrhis), etc.; au sujet des fleurs homogames, AxeLz, Anordningarna, p. 56 (Geranium sylvaticum). (12% ) secondes, pour la plupart, anémophiles : nous n'entrerons pasiei dans la diseussion des causes de cette coïncidence (1), Parmi les innombrables espèces protérandriques, nous eiterons le Teucrium Scorodonia, le T. hyrcanicum, le Plectranthus fruticosus, le Coleus Blumei, le Monarda ciliata, le Geranium phaeum, les Pentstemon gentianoides et Hartwegi, le Lobelia Dortmanna, V’'Allium fistulosum, le Gladiolus gandavensis et un Yucca, toutes plantes que nous avons eu occasion d'observer. | Il est difficile de trouver un plus bel exemple de proté- randrie que la Germandrée commune (Teucrium Scoro- donia L.) et l'examen d’un épi de cette plante est des plus instructifs (2. Dans une fleur qui vient de s'ouvrir, les quatre étamines sont inclinées en avant: un insecte, en suçant le nectar, doit forcément les toucher et se couvrir le dos de pollen. Or, à ce moment les deux stig- mates, à peine entr'ouverts, se trouvent relégués derrière les filets staminaux, loin de tout contact. Prenons au contraire une fleur plus âgée. Le style s'est courbé en avant et présente ses deux stigmates, désormais bien étalés, à la place même où se trouvaient tantôt les anthères, tandis que celles-ci ne sauraient plus être touchées par un insecte en quête de nectar : elles sont rejetées complète- ment en arrière, grace à la place libre que leur laisse l'absence d'une lèvre supérieure proprement dite. Si un (1) L’explication proposée par M. Axezz (Op. cit., pp. 56 et 65) ne saurait, en aucun cas, être admise sans restrictions, comme MM. H. Müccer (Die Befruchtung, pp. 18 et 282) et Derrino (Loc. cit., XVI, p. 525-524) l'ont déjà remarqué avec raison. (2) Decrio, UU. osserv. e consideraz. etc. (Atti Soc. Ital. Sc. nat., 1869, XII, p. 100); — Ocre, Populur Science Review, januarv 1870, p. 48-49; — H. Müccer, Die Befruchtung etc., p. 306-307. (127) insecte visite cette plante, — et c'est ce que nous avons vu arriver très-souvent — il effleure donc exactement avec la même région de son corps, tantôt les anthères, tantôt les stigmates, et il féconde les fleurs plus âgées avec le pollen des fleurs plus jeunes. M. H. Müiler, en se demandant pourquoi ces corolles peu voyantes attirent tant d'insectes, a négligé d'indiquer, semble-t-il, un caractère important : c'est le parfum intense qu'elles émettent et qui les signale, à une certaine distance, même à l’odorat peu sensible de l’homme. La sympathie des insectes pour cette plante est si grande qu'ils délaissent, à son profit, le thym (Thymus Serpyl- lum), lorsqu'il fleurit à côté d'elle. La structure d’un autre Teucrium que nous avons pu examiner, le T°. hyrcanicum L. du Caucase, reproduit, dans tous ses traits principaux, celle du T. Scorodonia. Le Plectranthus fruticosus L'Hérit., Labiée du Cap de Bonne-Espérance, offre précisément la structure du Teucrium renversée. Les organes sexuels sont situés plus bas que l'entrée du tube de la corolle et courbés de. bas en haut, de sorte que l’insecte les touche par sa face ventrale et non point par sa face dorsale. A cela près, les mouve- ments des étamines et du pistil et la protérandrie très- marquée sont en tout analogues à ce qui se voit chez le Teucrium, ainsi que M. Hildebrand l'a déjà déerit (1). Le Coleus Blumei Benth., dont nous ne pensons pas que la fécondation ait été étudiée jusqu'ici(?, polline (1) Hicoesrann, Bot. Zeit., 1870, p. 657; cité par M. H. Müzcer. (2) Seul, M. Decrino fait au genre Coleus une allusion de quelques mots (Loc. cit., XVII, p. 550), qui ne paraissent même pas s'appliquer à l'espèce que nous avons en vue. (198 ) comme le Plectranthus, la face inférieure des insectes. Mais là s'arrête l’analogie. La corolle du Coleus Blumei peut être comparée à une cuiller étroite et profonde formée par le pétale inférieur ; elle renferme les quatre étamines et le style, courbés de bas en haut. La protéran- drie est très-faible, mais, comme les stigmates dépassent un peu les étamines, l’insecte les touche d’abord, et s'il a l'abdomen déjà couvert de pollen, il ne peut manquer d’effectuer le croisement. Le tube de la corolle est court ; outre le grand pétale en forme de cuiller ou de carène, il y a une petite lèvre supérieure, formée par les quatre pétales restants. Le Monarda ciliata (?) L. est une autre Labiée, origi- naire de l'Amérique du Nord. Ses fleurs violacées, ternes, très-fortement odorantes, sont réunies en un large capitule terminal entouré de grandes bractées décolorées-ver- dâtres : cette disposition rend les fleurs plus voyantes et permet aux insectes la visite d’un grand nombre d’entre elles, en un court espace de temps. La corolle a la forme labiée bien accentuée. Elle est remarquable par la longueur et l’étroitesse de son tube : celui-ci, mesuré depuis son insertion jusqu'au point d'où naissent les deux lévres, a de 17 à 18°" de long. A sa partie supérieure, il offre 2mm de diamètre, mais il se rétrécit graduellement et, dans sa moitié inférieure, il n’a pas plus de 1/2" de large; il est donc encore plus mince que celui du Lonicera Caprifolium. Le nectar est sécrété par une écaille qui entoure les deux nucules antérieures, comme c’est le cas, d'ordinaire, chez les Labiées, et il s'élève, en petite quantité, à une certaine hauteur dans le tube de la corolle. La protérandrie est des plus aceusées et rend l'autogamie impossible. Il n'y a, comme on sait, que deux (129 ) étamines (1); elles s’insèrent à la naissance de la lèvre inférieure et viennent s'appliquer contre la voûte formée par la lèvre supérieure. Pour y parvenir, leurs filets doivent traverser obliquement la gorge de la corolle et en rétrécissent encore l'entrée. Les anthères de ces étamines sont dithèques(2), extrêmement étroites (envi- ron 1/4 de mm. de large, sur 1 1/2" de long) et leur connectif est épais. En général, les anthères restent adhérentes l’une à l'autre, jusqu’à l'époque où elles se flétrissent. Dans le bouton, elles sont verticales et les deux demi-anthères ou thèques se trouvent superpo- sées bout à bout; mais, dès que la fleur s'ouvre, une légère torsion s'opère à l'extrémité supérieure des filets staminaux et les anthères deviennent horizontales. Cette torsion a vraisemblablement pour effet de mettre tout le pollen, contenu dans les anthères, en contact avec le corps des insectes fécondateurs. Quand les étamines sont ainsi développées, le style est encore court, inaccessible, et ses deux stigmates sont appliqués l’un contre l’autre. Plus tard, au contraire, les étamines, privées de leur pollen gràce aux visites des insectes, se fanent : elles sont (1) On trouve, dans le tube de la corolle, les rudiments des deux étami- nes absentes, sous forme de deux faisceaux vasculaires qui se terminent chacun par un petit appendice situé un peu plus bas que l'insertion des étamines fertiles. (2) On sait que l’expression si usitée : « anthères biloculaires », pour désigner les anthères de la plupart des angiospermes, est on ne peut plus inexacte. Elles sont en réalité quadriloculaires et les loges (ou sacs polli- niques) sont seulement réunies par paires, en deux demi-anthères ou thèques. Aussi est-il très-désirable de substituer aux expressions vicieuses biloculaires et uniloculaires, des termes tels que dithèques et monothèques que M. De Bary a proposés. ( 150 ) déjetées sur le côté ou en arrière, par leurs filets qui se recroquevillent en hélice, tandis que le style est parvenu à son plein développement. Il atteint le niveau oceupé auparavant par les anthères, s'incurve en avant et présente, sur le chemin des insectes, ses deux stigmates maintenant bien étalés : l’inférieur est allongé et se dirige en avant, le supérieur est très-réduit. Ce dernier détail de structure, comme les autres, a pu être facilement acquis par la survivance des mieux adaptés. Car les insectes, dans leurs visites, doivent toucher bien plus souvent le stigmate inférieur que le supérieur; celui-ci, à peu près inutile, a dü tendre à disparaitre. — La protérandrie brachybios- témone du Monarda amène nécessairement la fécondation par le pollen de fleurs plus jeunes. Il reste à signaler deux particularités. D'abord, la lèvre inférieure, très-étroite, est terminée par un appendice linéaire de 5" de long qui se redresse à angle droit. Dans le bouton, il recouvre les étamines, de manière qu’au moment de l’anthèse on trouve souvent quelques grains de pollen à sa base. Mais ses fonctions nous ont échappé jusqu'ici : peut-être sert-il d'appui à l’insecte qui puise du nectar ? — Ensuite, le long tube de la corolle est tapissé intérieurement de poils, ne formant pas un anneau, mais disséminés à sa surface : ils contribuent à exclure les petits insectes gènants (Thrips, etc.). Ces poils manquent seulement suivant une ligne longitudinale située, vers le devant, dans le tube. Il se constitue de la sorte une espèce de rigole, glabre, luisante, où adhèrent de minimes gouttelettes de nectar. Nous sommes portés à croire que le Monarda ciliala s’est adapté, dans sa patrie, aux lépidoptères nocturnes et crépusculaires. Si cette conjecture se vérifie, on aura (131) là, croyons-nous, le premier exemple d'une Labiée vraiment « sphingophile », pour employer l'expression de M. Delpino. — Quoique cette plante soit exotique, elle est, dans les jardins où on la cultive, le rendez- vous d’une énorme quantité d’hyménoptères, de diptères et de papillons crépusculaires : sur un bel individu, nous n'avons pas observé moins de 50 de ces insectes à la fois. Ceux des deux premiers groupes ne peuvent sucer en gé- néral que les gouttelettes de nectar égarées dans la rigole dont nous venons de parler. Car, pour arriver au fond de la corolle, ils devraient avoir une trompe d'au moins 17%", et deux d'entre eux, capturés au hasard sur la plante, n’avaient que 9%" et 10-11"" respectivement. Grâce à la transparence du tube corollaire, onles voit, du reste, glisser leur trompe dans la rigole et ne point réussir à atteindre le fond nectarifère. Imparfaitement soutenus par la lèvre inférieure de la corolle qui est trop étroite pour eux, ils l'égratignent constamment avec leur pattes et doivent faire des efforts si considérables que parfois leur abdomen est ramené, en demi-cercle, en bas eten avant, Jusque tout près de la tête. Les lépidoptères, en revanche, peu- vent parvenir sans peine au nectar. Les diurnes ne visitent pas la plante dont l’odeur est probablement trop forte ; mais les nocturnes et les crépusculaires y abondent, la nuit aussi bien que le jour, comme nous avons pu le constater vers 10 heures du soir (1). Parmi tous ces insec- tes, il y en avait beaucoup qui, venant latéralement à la fleur, n'arrivaient point en contact avec les organes sexuels et n'opéraient aucune pollination. Cependant, (1) Lors de cette observation, faite à la lumière, nous y avons aussi vu pas mal de forficules. . (152) comme l’autogamie n’est pas possible et que la plante observée par nous a donné de bonnes graines, nous en pouvons conclure avec certitude que plusieurs des insectes y ont butiné de manière à la féconder. | Chez une Labiée, il est très-facile de se rendre compte du degré de fécondité atteint, puisque l’on sait que chaque fleur produit au maximum 4 graines. Nous avons done fait le relevé des graines de trois capitules de notre Monarda. Le premier, de 108 fleurs, portait 162 bonnes graines, soit 57,5 °/, du nombre maximum de grai- nes; le second, 400 bonnes graines pour 240 fleurs, soit 41,7 °/, ; le troisième, 412 bonnes graines pour 258 fleurs, soit 40 °/,. En somme, environ deux bonnes graines sur quatre, Toutes ces graines sont dues à la gitonocarpie, la plante étudiée étant seule de son espèce dans le jardin où elle croit. Pour en finir avec le Monarda, disons que le calice porte à sa gorge un anneau de poils violets. Ils sont d'abord courts et redressés contre la corolle; après la floraison, ils s’accroissent et forment un dôme au-dessus des nucules ; quand celles-ei sont mûres, ils se relèvent de nouveau, se dessèchent et permettent la dissémination. Ils servent à protéger les nucules. Nous avons constaté la protérandrie brachybiostémone chez le Geranium phaeum L. et la protérandrie macrobio- stémone chez les Pentstemon Hartwegi Benth. et gentia- noides G. Don. On trouvera plus loin les détails au sujet de ces dernières plantes, ainsi que la discussion des don- nées de M. Delpino à leur égard (1). Le Lobelia Dortmanna L., cet ornement de nos étangs (1) Voy. Appendice sur les Pentstemon. ( 155 campiniens, a des fleurs protérandriques dont la structure remarquable ressemble à celle de beaucoup de Composées et concorde en tout point avec ce que MM. Hildebrand, Farrer et Delpino ont décrit chez d’autres Lobéliacées (1). Aucun de ces auteurs ne parait cependant avoir observé notre Lobélia et les botanistes belges peuvent trouver dans cette plante un magnifique exemple de dispositions allogamiques ; nous en dirons done un mot. Les cinq étamines, terminées par des bouquets de poils, sont soudées ensemble et forment un eylindre que tra- verse le style. Les anthères, qui sont introrses, s'ouvrent dans le bouton et répandent leur pollen à l'intérieur du cylindre, au-dessus du style, à une époque où celui-ci nest pas encore nubile : ses deux stigmates, fortement appliqués l’un contre l’autre et protégés par un anneau de poils, ne peuvent pas recevoir la moindre trace de pollen. Grâce à l’accroissement graduel du style, le pollen est peu à peu balayé en avant tant par les stigmates, tou- jours hermétiquement elos, que par leur anneau de poils : il sort au haut du tube staminal. A ce moment, un insecte, en visitant la fleur, se couvre forcément de pollen, sans qu'il y ait moyen quil rencontre le pistil. Mais bientôt le style, s'accroissant toujours, dépasse, lui aussi, le cylindre des étamines; ses deux stigmates s’étalent et exposent leur surface au contaet des insectes. Le résultat nécessaire de eet élégant mécanisme est la fécondation des fleurs plus âgées par le pollen des fleurs plus jeunes, et l’on peut prédire que, sans insectes, le Lobelia Dort- (1) HizpesranD, Geschlecht.-Verth., p. 65 ; — Farrer, Ann. and Mag. of Nat. Hist., 4 series, vol. 2, p. 260 ; — Deurixo, Ult. osserv. (Atti Soc. Lal. Sc. nal. XII, p. 54). (154) manna ne donnerait probablement pas une seule graine. Nous avons encore constaté la protérandrie de l’AlUlium fistulosum L., où Sprengel l'avait déjà reconnue. Les fleurs sont très-apparentes à cause de leur couleur blanche et de leur réunion en grosses ombelles compactes; elles ont une odeur d'ail. La structure de cette Liliacée n'offre d’ailleurs rien de particulier et répond exactement à ce que M. H. Müller a décrit pour l'A. ursinum{l), si ce n'est que la dichogamie est, chez elle, plus complète. Nous y avons vu assez d'insectes. Au contraire, chez le Glaïeul qu'on cultive dans les jar- dins (Gladiolus gandavensis Hort.), la protérandrie est im- parfaite. Le périanthe campaniforme est constitué par trois divisions externes, dont deux supérieures, grandes, et une inférieure, plus petite; et par trois divisions internes, alternant avec les précédentes, dont une supérieure, grande, et deux inférieures plus petites. Chez la variété que nous avons examinée, les trois divisions plus petites — une externe et deux internes — formant la moitié inférieure de la fleur, portent sur leur limbe rose des nervures rouges (nectarosèmes) qui convergent vers le fond nectarifère de la corolle et le signalent aux insectes. Les trois autres divisions sont roses unies. Il y a trois étamines rapprochées, à anthères parallèles : leurs filets sont légèrement courbés et tournent leur concavité vers le bas. C'est aussi de ce côté que s'ouvrent les trois anthè- res extrorses : celle du milieu après les autres, mais toutes un peu avant la maturité des stigmates. Plus tard, le style, arqué comme les étamines, étale ses trois stigmates au-dessus d'elles sans les toucher. Si la fleur est visitée (1) H. Mücser, Op. cil., p. 65. ( 155 par les insectes l’allogamie doit donc avoir lieu. Mais, plus tard encore, une charmante disposition succédanée inter- vient : les stigmates s’entortillent sinueusement autour des anthères, et, si les insectes n'ont pas déjà enlevé tout le pollen, l’autogamie s'opère. Ainsi se trouvent mises d'accord les observations de Treviranus, qui n'a tenu compte que de cet entortillement tardif des stigmates, et de M. Pelpino, qui ne parle que de la protérandrie (1). Le Yucca que nous avons observé (espèce voisine du Ÿ. filamentosa) est, lui aussi, faiblement protérandrique. Il offre de l'intérèt en ce qu'il démontre la fausseté de cette théorie, d'après laquelle toutes les fleurs pendantes auraient le pistil plus long que les étamines, « afin d'amener le pollen sur le stigmate (2). » Le Yucca à, en effet, les fleurs pendantes ; il a le pistil plus long que les étamines ; et, cependant, l'examen à l'aide d’une loupe montre que jamais 11 ne tombe, sur les stigmates, un seul grain de pollen. C'est que l'organe femelle oceupe le centre de la fleur, tandis que les organes mâles sont arqués en dehors. —- Et comme les insectes nécessaires à la fécondation de cette plante n'existent pas chez nous 5), elle ne fructifie pas. Nous arrivons aux fleurs protérogynes. Fréquentes parmi les anémophiles, elles sont, au contraire, peu nom- breuses parmi ies entomophiles. Comme exemples de plantes protérogynes adaptées à [a fécondation par les insectes, nous indiquerons le Veronica longifolia, le Gagea spathacea et le Prunus Laurocerasus. (1) Treviranus, Ueber Dichogamie nach C. C. Sprengel und Ch. Darwin, Bot. Zeit., 1865, p.6. — Derrino, Loc. cit., XII, p. 155-156. (2) Liné, Phil. bot., edit. secunda, Berolini, 1780, p. 92. (5) Voy. plus haut, p. 89. (136) Le Veronica longifolia L. forme de beaux épis denses, longs de 17 centimètres et même davantage (1). Les corolles sont d’un violet-bleu éclatant. Grâce au groupement des fleurs et à leur accès facile, les insectes en butinent beaucoup en peu de temps; c'est ainsi que nous avons observé un hyménoptère suçant le nectar de 35 à 40 fleurs par minute : plus de 2000 peuvent donc être visi- tées en une heure par un seul insecte. La structure de ces fleurs, toute simple qu'elle est, offre de nombreuses adaptations et réunit en quelque sorte les avantages qui existent séparément chez le V. spicata et le V. Chamae- drys, d’après les descriptions de M. H. Müller (2). Pour se rendre un compte exact de la position des fleurs, 1l convient de distinguer la direction du pédicelle floral et la direction de l’axe de la corolle, qui n’est autre que l’axe de son tube cylindrique. Le pédicelle, redressé chez le bouton, s’abaisse lors de l’anthèse pour ne plus faire avec l’horizontale qu'un angle d’une trentaine de degrés; 1l se relève de nouveau après la chute de la corolle et redevient presque vertical, comme auparavant. L'axe de la corolle qui, dans le bouton, est sur le prolon- gement du pédicelle, fait un angle avec lui lors de la floraison, de façon à devenir horizontal ou même, d’or- dinaire, un peu incliné vers le bas. Il en résulte que les quatre divisions de la corolle épanouie, qui sont à peu près perpendiculaires à son axe, forment un plan presque vertical. Le tube plus ou moins cylindrique de la corolle (1) Nos recherches ont porté sur un magnifique pied cultivé, apparte- nant à la var, 8 puberula Benth. in DC. Prodr., X, p. 466. (2) Die Befruchtung ete., pp. 285 et 287-9288. (137) a 2-5mm de long; son entrée à 1 1/2"" de large et sa base moins d'un millimètre. Cette base est tronquée un peu obliquement : chose nécessaire vu le coude que le tube de la corolle fait avec son pédoncule. L'entrée du tube est indiquée aux insectes par un anneau de poils dont la couleur blanche se détache sur la teinte violacée de la corolle. Ces poils forment un feu- trage dense à l'intérieur du tube, depuis son ouverture jusqu'au niveau du sommet de l'ovaire, c'est-à-dire sur 2 à 5 cinquièmes de sa longueur; de son côté, le sommet de l'ovaire est velu. Nous avons done une sorte de toit complet, constitué par les poils de la corolle et par ceux de l'ovaire. Ils protégent le fond de la fleur, où se rassem- ble le nectar que sécrète abondamment un disque charnu hypogyne. Ces poils peuvent, comme nous nous en sommes assurés expérimentalement, empècher l'entrée de gouttes d'eau ; mais ce rôle doit être secondaire, car la position de la fleur l'expose peu à la pluie (1). Ils servent surtout à exclure les petits insectes inutiles à la fécondation de la fleur, qui la priveraient de son nectar, sans profit pour elle : c’est ce que MM. H. Müller, Delpino, Kerner, Belt et d’autres, ont déjà admis, dans bien des cas, comme fonction des poils et c'est ce que nous avons pu reconnaitre avec certitude chez le Veronica longifolia. Nous y avons vu, en effet, un petit hyménop- tère (du groupe des Dasypodes probablement) qui (1) M. Kerner (Schutzm. des Pollens, p. 26) dit même que les fleurs des Véroniques se referment par un temps humide : nous avons oublié de faire attention à ce détail chez le V. Zongifulia, mais nous doutons qu’il en soit ainsi. (158) essayait à plusieurs reprises d'arriver au nectar : sa trompe faible et obtuse, longue de 2%, venait chaque fois se heurter contre la barrière de poils à travers laquelle elle ne parvenait pas à se frayer un passage, tandis que la trompe plus robuste ou plus mince d'une abeille, d'un gros diptère ou d'un papillon la franchit sans la moindre peine. Passons aux organes sexuels. Au moment de l’anthèse, le pistil et surtout les étamines s'accroissent rapidement. Celles-ci ne tardent pas à dépasser la corolle de 7 milli- mètres environ ; toutefois leurs anthères ne s’ouvrent pas tout de suite. Le style, lui, n’a pas encore atteint sa longueur définitive, et ce caractère qui, ordinairement, indique la protérandrie, accompagne iei — chose curieuse — une protérogynie faible mais bien réelle. En voici la preuve : avant la déhiscence des anthères, le stigmate, exa- miné au microscope, montre déjà ses papilles développées, susceptibles de retenir du pollen ; de plus, on voit par- fois sur la plante livrée à elle-mème, du pollen adhé- rer ainsi au stigmate d'une fleur dont les anthères sont encore closes. À cette première et courte phase de la floraison, un insecte qui visite la fleur ne peut évidem- ment effectuer que l’allogamie. Bientôt le style, continuant à grandir, devient égal environ en longueur aux éta- mines ; il se courbe en demi-cercle, se dirigeant en bas et en arrière. Outre cette courbure, il oblique quelque- fois à droite ou à gauche, mais son extrémité stigmatique finit toujours par correspondre assez bien au milieu de l’une des fleurs situées plus bas. Pendant ce temps, les anthères violacées se sont ouvertes l'une après l’autre, : chacune par deux fentes, qui se propagent lentement de haut en bas. Le pollen est elliptique. Les étamines sont (159) horizontales ou un peu inclinées vers le haut et divergent fortement, l'une vers la droite, l’autre vers la gauche, de facon à former entre elles un angle de 40 à 60°. Qu’une abeille vienne maintenant butiner dans cette fleur, elle saisit, avec ses pattes antérieures, les étamines. Celles-ci, ramenées brusquement en avant, la frappent vers le point de soudure de l'abdomen au thorax et y déposent du pollen. En même temps, les anthères de fleurs situées plus bas rencontrent ses pattes postérieures et l’extrémité de son abdomen, qui vient également en contact avec le stigmate de la fleur dont elle suce le nectar. Enfin, 1l arrive souvent que le stigmate d'une fleur placée au-dessus d'elle ou sur le côté, heurte aussi son thorax. De cette manière, elle touche à la fois deux pistils et deux couples d'étamines ; une seule de ses suc- cions peut donc opérer deux pollinations, qui toutes deux sont gitonogamiques. Les capsules ainsi produites par gitonogamie, contiennent d'ordinaire une seule graine, en apparence bonne; elles n'en contiennent quelquefois aucune, rarement deux. La xénogamie n’est du reste pas exclue, car après quelques visites toute la face infé- rieure de l'insecte est saupoudrée du pollen de diverses fleurs et, par prépotence, le pollen xénogamique l’em- porte sans doute sur le gitonogamique. Par suite de la position des organes sexuels, cette plante a perdu la faculté de se polliner par autogamie directe. Mais nous avons parfois vu le stigmate en contact avec l’une des anthères de la fleur immédiate- ment inférieure, sans qu'il y eüt intervention d'insectes ; de plus, vers la fin de la floraison, le style se relève et devient horizontal, en sorte qu’il peut arriver que du pollen d’une autre fleur tombe sur le stigmate : nous 12 (140) aurions encore, dans ces deux cas, une gitonogamie. Parmi les espèces et variétés cultivées au Jardin bota- nique de Bruxelles, nous avons noté les suivantes comme présentant, plus ou moins complètement, les particula- rités du W. longifolia : V. glabra Ehrh.; V. orchidea Crantz; V. argentea Schrad.; V. oxyphylla Steud.; V. gracilis Fisch.; V. excelsa Desf.; V. Waldsteiniana Schott; V. crassifolia Wierzb. ( — V. nîtens Host). Les insectes visitent beaucoup le Veronica longifolia. Nous y avons surpris plus d’une douzaine d’hyménoptères butinant à la fois; en outre, quelques diptères et, rare- ment, quelques petits lépidoptères. La plupart de ces insectes suçaient le nectar, et fort peu venaient dévorer du pollen. Ils parcourent les épis le plus souvent de bas en haut, mais assez fréquemment aussi de haut en bas ou latéralement, en passant d'un épi à lépi le plus voisin. — Voici les noms de quelques insectes capturés sur cette plante; M. H. Donckier a bien voulu les déterminer : Apines : Apis mellifica L. très-fréquent; Bombus terrestris Fabr.; Andrena convexiuscula Kirby ; SPHÉGIDES : Cerceris labiala Fabr. fréquent, atteignant avec peine le nectar; Cerceris quadrifasciala Panzer; Philanthes triangulum Fabr. fréquent; Drprères : Eris- talis tenax L.; Syritta pipiens L.; Helophilus pendulus Fabr. Avant de quitter cette espèce, 11 nous reste à signaler un dernier détail, bien digne d'attention. Il y à un défaut dans son appareil floral : la sécrétion de son nec- tar commence trop tôt. Vu leur protérogynie, les fleurs devraient disuller du nectar dès leur épanouissement ; mais elles en produisent déjà bien avant, quand la corolle s’en- tr'ouvre à peine, à une époque où le pistil et les étamines ( 141 ) sont encore inclus, ef où, notamment, le stigmate encore -sec est incapable de retenir du pollen. Les insectes visitent ces fleurs aussi avidement que les autres et la plante produit, à cette époque, son nectar en pure perte. Diffé- rents auteurs ont, chemin faisant, signalé des imper- fections analogues chez d’autres plantes : MM. Hermann et Fritz Müller en ont surtout noté un bon nombre(1). Il est cependant toujours utile d'insister sur des faits de ce genre, en particulier lorsque l'imperfection — la dystéléo- logie comme dirait M. Haeckel — est aussi évidente que dans le cas actuel; car ces faits sont inconciliables avec les idées finalistes et métaphysiques qui, trop souvent hélas! viennent, comme un brouillard, masquer les rayons de la science. Une rare Liliacée des environs de Bruxelles, le Gagea spathacea Hayne, présente une légère protérogynie, _ (1) H. Mürcer, Die Befruchtung ete., articles : Chamissoa, Epidendrum, Faramea, Posoqueria, Dipsacus sylvestris, et passim. Au rebours de ce que nous avons constaté chez le Veronica longifolia, M. H. Mürcer a vu, chez le V. spicata, des abeilles sucer des fleurs vieilles, dont la corolle était déjà tombée (Op. cit., p. 288). M. Darwin (The Effects of Cross and Self-Fert., p. 420) a signalé la même chose chez le Geranium phaeum et il suppose « que les abeilles ont pu apprendre que ces fleurs privées de tous leurs pétales valaient encore la peine d’être visitées, parce qu’elles trou- vaient du nectar dans celles dont un ou deux pétales seuls étaient tombés. » Mais cette explication n’est évidemment pas applicable au Veronica spicata, puisque la corolle gamopétale tombe tout d’une pièce. Il nous parait fort probable que c’est, dans tous les cas de ce genre, l’odeur du nectar qui guide les abeilles. Nous avons vu que leur odorat est très-fin ; en visitant les fleurs épanouies, elles sont tout près de celles qui n’ont plus de corolle et peuvent aisément percevoir le moindre parfum de nectar qui s’en exhalerait. (142) comme le Veronica longifolia ; ce phénomène est intéressant à cause de la parenté des Liliacées avec les Asparaginées (Paris, Mayanthemum, Convallaria) et avec les Joncées, chez qui la protérogynie est fréquente. Il faut noter, en passant, que les étamines des Gagea que nous avons examinés étaient souvent rabougries, et leurs anthères plus ou moins maladives. D'ailleurs cette espèce paraît ne fructifier que fort peu, ce qui s'explique, comme chez le Ficaria, par son énergique reproduction asexuée au moyen de bulbilles. Le Prunus Laurocerasus L. est protérogyne macro- biostigmatique, comme M. H. Müller l'a observé pour tant d’autres plantes du groupe des Rosacées. La fleur est très-odorante, très-visitée par les insectes. Le fond jaune et nectarifère du calice agit comme nectarosème. 2. Fleurs pléomorphes. — Jusqu'ici nous avons parlé des fleurs monomorphes ; nous arrivons maintenant aux plantes dont tous les individus sont, il est vrai, sem- blables entre eux, mais dont chaque individu porte (normalement) plusieurs sortes de fleurs distinctes. Il s'agit donc, d’après la terminologie que nous adoptons, d'espèces à individus monomorphes et à fleurs pléomorphes. Les fleurs peuvent, chez ces sortes de plantes, différer entre elles par le mode de fécondation ou par la répar- tition des sexes. Dans le premier cas, les fleurs sont forcément toutes hermaphrodites et la différence réside dans leur structure; dans le second cas, il y a toujours certaines fleurs qui ne sont pas hermaphrodites. — On pourrait ajouter un troisième cas ; celui où un même pied produit trois sortes de fleurs qui diffèrent par la structure et par le sexe. C’est ce qui s’observe chez quelques Acan- thacées dont les fleurs sont, les unes neutres, les autres (145) hermaphrodites et chasmogames, d’autres encore her- maphrodites et cléistogames (1). S'il fallait un nom pour ces espèces, on devrait les appeler agamo-chasmo-cléis- togames. Le premier cas ne se trouve guère réalisé que chez les individus qui portent à la fois des fleurs chasmogames et des fleurs eléistogames, c'est-à-dire chez les plantes cléisto- gamiques ordinaires dont nous avons déjà parlé(). On peut, avec M. Delpino, nommer ces individus chasmo-cléis- togames(5). Il arrive parfois que chez ces plantes l’une ou l’autre sorte de fleurs fasse défaut ; mais cet état doit être regardé comme anomal. Au premier cas se rattachent aussi les quelques exem- ples de fleurs homogames et dichogames produites par le même pied (4). Le second cas — fleurs du même pied différant par leur sexe — constitue la classe des individus monoïques prise d’une facon générale. Il est bien évident que la monœæcie est une disposition qui favorise le croisement, puisque les fleurs unisexuelles sont incapables de fructifier seules. Chez quelques espèces, l’existence de fleurs unisexuelles est en rapport avec la dichogamie, comme nous l'avons expliqué plus haut. Lorsque les fleurs d'une espèce végétale diffèrent par leur sexualité — qu'il y ait monœcie ou polyæcie — on constate une loi des plus curieuses. Cette loi, décou- verte par C.-K. Sprengel, est sans doute un résultat de (1) J. Scorr, cité par Darwin, The diff. Forms of Flowers, p. 5. (2) Voyez p. 94 et suiv. (3) Drcrixo, Nuovo giornale bot. ital., aprile 1876, p. 152. (4) Voyez plus haut, p. 125, note 2. ( 144 ) l'adaptation des plantes aux insectes({), Sprengel ne Pa signalée que chez les espèces dont toutes les fleurs sont unisexuées ; nous l’étendrons à celles qui portent des fleurs hermaphrodites à côté de leurs fleurs femelles ou mâles. Sprengel ne parle non plus que de la taille des fleurs : il faut encore tenir compte d’autres caractères, pour que la loi soit vraie. Ainsi généralisée, elle peut s’énoncer comme suit: «Quand une espèce entomophile présente des fleurs de sexes différents, qui ne sont pas réunies en une même inflorescence, les fleurs ou les inflorescences mâles attirent l'attention, par leur taille, leur nombre, leur nuance ou leur odeur, plus que les femelles et les hermaphrodites; et les hermaphrodites, plus que les femelles. » — Aussi les insectes visitent-ils d’abord les fleurs les plus apparentes, celles où 1l y a du pollen ; ils ne passent qu'ensuite aux fleurs où il y a des stigmates à polliner. Cet ordre de visites, le seul utile à la plante, M. H. Müller l’a directement observé chez le Mentha arvensis, par exemple. Les Saules dont les chatons mâles frappent beaucoup plus les yeux que les chatons femelles, l’Asperge, la Bryone et l'immense majorité des Cuecur- bitacées, le Rhodiola rosea, le Thymus Serpyllum, le Mentha arvensis, le Valeriana dioica, le Petasites vul- garis, l'Ilex Aquifolium dont les fleurs màles forment des touffes plus denses que les fleurs femelles, plu- sieurs Begonia et le Sagittaria sagittaefolia où les fleurs males sont les plus nombreuses, sont autant d'exemples —— (1) Entd. Gehcimniss der Natur, pp. 66 et 455-456. — Peut-être cette loi provient-elle aussi, en partie, du « balancement organique », car beaucoup de faits tendent à prouver que la production d’organes femelles est une dépense plus forte que la production d’organes mâles. (145) de cette loi. On conçoit du reste qu’elle ne s'applique pas aux plantes dont les fleurs mâles, femelles et hermaphrodites sont groupées en une même inflores- cence : ici l'éclat des unes s'ajoute à celui des autres et c’est dans toute l'inflorescence que l'insecte butine à chacune de ses visites. Tel est le cas de beaucoup de Com- posées : l’insecte ne va pas d'un fleuron à l’autre; il les visite, en quelque sorte, tous à la fois. Parmi les espèces monoïques (lato sensu), il y en a de di-monoïques et de tri-monoiques. Les premières ont deux sortes de fleurs, les dernières trois. On peut établir, parmi les premières, quatre subdivisions : 1° Chaque pied porte des fleurs hermaphrodites et des fleurs mâles (individus andro-monoïques), comme chez plusieurs Ombellifères et Graminées, chez le Coriaria myrtifolia, le Galium Cruciata, plusieurs Veratrum, Vaillantia, Euphorbia, ete. (1). % Chaque pied porte des fleurs hermaphrodites et des fleurs femelles (individus gyno-monoïques), par exemple : Atriplex, Parietaria, Geranium macrorrhizum (selon M. Hildebrand), la plupart des Composées corymbifères, ete. 5° Chaque pied porte des fleurs hermaphrodites et des fleurs neutres (individus agamo-monoïques). Chez ces végétaux, il y a une sorte de division du travail : parmi _— — — (1) Lanvé (Philos. bot., Ed. sec., Berolini 1780, p. 9%5) définit le terme « polygame » de la façon suivante : « planta quæ hermaphroditis et femi- neis aut masculis simul (floribus constat), polygama dicitur. » Mais cette définition si large, qui mêle une foule de cas très-différents, nous paraît manquer de précision et, suivant l’exemple récent de M. Darwin, nous n’appellerons polygames que les espèces portant à la fois des fleurs D, set ©, réservant d’autres noms, tels que undro-monoïques, andro- dioïques, etc., pour les autres cas. (146) leurs fleurs, les unes se chargent de la production de pollen et d'ovules; les autres, brillantes, agrandies aux dépens de leurs organes sexuels, servent uniquement à accroître l'éclat de la plante et à la faire mieux apercevoir des insectes. C'est le cas chez beaucoup de Composées (Centaurea, etc.), chez les Hydrangea, Viburnum, Mus- cari comosum, M. racemosum, Tourretia(i), etc. 4° Chaque pied porte des fleurs mâles et des fleurs femelles : c'est le cas des individus monoïques ou andro- gynes proprement dits, dont les exemples abondent. — Les individus tri-monoïques ou monoïques polygames portent à la fois des fleurs hermaphrodites, des fleurs mâles et des fleurs femelles; tel est le cas des Acer campestre, Saponaria ocymoides, Ricinus communis, À Esculus Hippo- castanum, Poterium Sanguisorba. Il. Individns pléomorphes.— Beaucoup d'espèces présentent non-seulement des différences de fleur à fleur, mais encore d'individu à individu. Ce sont les espèces à individus pléomorphes ; nous allons rapidement les passer en revue. Les individus diffèrent, soit par le mode de fécondation de leurs fleurs (individus hétéromésogames), soit par la position des organes sexuels dans l’espace (individus hétérostyles), soit par leur ordre de maturité (1) Nous rangeons ici cette Bignoniacée, à cause du passage suivant de Benraam et Hooker, Genera Plant., W, II, p. 1027 : « Flores dimorphi, superiores steriles calyce colorato, inferiores fertiles calyce viridi in Tourretia. » (2) Pour l’Acer, voyez Darwin, The diff. Forms, p. 12 ; pour les Sapo- naria et Ricinus, HizvesranD, Geschl.-Verth., pp. 10, 11; pour l’A Esculus, Ocze, Pop. Sc. Review, january 1870, p. 54; pour le Poterium, GREx. et Govr., F1, de France, 1, p. 502. (147) dans le temps (individus hétérodichogames), soit enfin par le sexe même (individus polyoïques). Examinons ces caté- gories, l'une après l'autre. | A. Individas hétéromésogames. — Les individus d'une même espèce peuvent différer assez entre eux sous le rapport de la structure florale, pour qu'il en résulte une différence sensible dans leur mode de fécondation. Parfois cette diversité des individus est en somme peu profonde au point de vue morphologique (Plantago, Iris Pseudo- Acorus); dans d’autres cas, elle est assez grande pour que les botanistes descripteurs aient basé sur elle des variétés (Viola tricolor var. arvensis et var. vulgaris), ou même des espèces douteuses (Rhinanthus minor et R. major) ou enfin des espèces indubitables (Malva rotun- difolia et M. sylvestris). On arrive par les degrés les plus insensibles de l’un à l’autre de ces cas, ce qui montre, une fois de plus, combien de l'espèce à la variété la distance est petite ou, plus exactement, combien la séparation est conventionnelle. Cette différence dans le mode de fécondation des individus d’une même espece (ou d'espèces très-aflines), pourrait recevoir le nom géné- ral d'hétéromésogamie (1). Elle consiste tantôt en ce que les chances relatives d’autogamie et de croisement ne sont pas les mêmes pour les divers individus (individus auto-allogames — homo-dichogamiques Delpino), tantôt en ce que l'agent de transport du pollen n’est pas le même. Chez les plantes que nous nommons auto-allogames, il y a done deux formes (ou variétés, ou espèces aflines) dont lune vit dans des conditions plus favorables aux (1) Mecow, servir d’intermédiaire, (148 ) visites des insectes et s'est en même temps mieux adaptée au croisement, tandis que l’autre pousse dans des con- ditions moins favorables et se féconde surtout par auto- gamie. L'existence de ces deux formes que M. H. Müller a le premier mise en lumière, a été signalée par lui chez les Lysimachia vulgaris, Euphrasia officinalis, Viola tricolor (vulgaris et arvensis), Rhinanthus Crista-galli (major et minor), Malva sylvestris comparé à M. rotundi- folia, Epilobium angustifolium comparé à E. parvifolium, et chez quelques autres espèces(l). Une étude attentive multipliera sans doute les exemples de cette dualité intéressante : nous pensons que le Specularia Speculum doit aussi être regardé comme une forme adaptée à l’allo- gamie, dont le S. hybrida serait la forme autogamique. En effet, celui-là se distingue par sa panicule assez ample, à belles fleurs dont la corolle s'étale largement, tandis que celui-ci possède un corymbe étroit, sa corolle est « très- petite, presque avortée », cachée par les divisions du calice, et s'ouvre rarement. Pour le reste, ces deux espèces diffèrent à peine et tout porte à croire qu'elles descen- dent d’un ancêtre commun à partir duquel elles ont divergé, l’une dans la direction de l'allocarpie, l’autre avec des adaptations autocarpiques. Aux plantes auto-allogamiques se rattachent aussi ces espèces dont certains individus sont adynamandres et dont d'autres ne le sont pas, comme le Reseda lutea et le (1) H. Mücrer, Die Befruchtung elc., p. 445 et passim ; Mature, VIT, p. 455 ; IX, pp. 44 et 164. — Le Ligustrum vulgare doit peut-être (?) trouver place également ici (H. Mürcer, Die Befrucht., p. 540-541), de mème que l’Asperula cynanchica (ibid., p. 359) et le Nolana prostrata (Darwin, The Effects etc., p. 186). (149 ) R. odorata(); ou bien dont certains individus sont homogames et d’autres dichogames, comme le Pelargo- nium zonale 2), le Syringa vulgaris, le Veronica serpylli- folia(), le Coryllus Avellana(® et l’Ajuga reptans Ô). Toutefois il est difficile de dire jusqu'à quel point c'est l'état normal de ces espèces. On connait peu d'exemples d'espèces ayant certains individus adaptés à un agent de transport pollinique et d'autres à un autre. Cependant il existe chez les Plantago des pieds qui penchent vers l’'anémophilie, d’autres qui penchent vers l'entomophilie, comme on le verra plus loin (K 9) : ces plantes, si l’on voulait un nom pour elles, seraient donc convenablement désignées par anémo-ento- mophiles. On pourrait de même appliquer le terme di-entomo- philes aux espèces dont une forme s'est adaptée surtout à un insecte, l’autre à un autre. C'est ce que M. H. Mül- ler a très-bien décrit pour Pris Pseudo-Acorus : une variété est surtout fécondable par les bourdons (Bomtus), l'autre surtout par les diptères à longue trompe (Rhingia). Il faut rapprocher de ce fait cette autre observation du même naturaliste, que dans les régions alpines où les papillons sont plus fréquents que les abeilles, des (1) Darwin, The Effects etc., p. 356-540. (2) bid., p. 142, note. (5) H. Müzrer, Die Befrucht. etc., p. 540, note, et p. 288-289. (4) Bennerr, Werternan, H. Mücrer dans le journal Vature, 1875, résumé in Just, Bot. Jahresb., 1875, vol. IL p. 905. (5) Le degré de dichogamie de cette espèce varie fortement, comme nous l’avons constaté et comme on peut le déduire des observations de MM. H. Müzcer (Op. cit., p 506-507) et Dezrixo (Loc. cit., XII, p. 100). (150 ) formes qui sont voisines d'espèces adaptées aux hyménop- tères, se sont adaptées aux lépidoptères : le Primula villosa, par exemple, est fécondable par ceux-ci, le Primula elatior par ceux-là (D. M. Kerner avait déjà indiqué quelque chose d'analogue chez le genre Cerin- the 2). Notons encore qu'on pourrait regarder le Lychnis vespertina Sibth. (L. dioica flore albo Sm.) et le Lychnis diurna Sibth. (L. dioica fl. rubro Sm.), comme deux formes d’un même type: l'une d'elles s’étant adaptée aux papillons nocturnes, l’autre aux diurnes. Il est possible qu'il existe également des espèces hydro-anémophiles, hydro-entomophiles, ornitho-entomo- philes, etc., mais on n'en connait point jusqu ici. B. Individus hétérostyles. — Lorsque,chez les indi- vidus d’une espèce, qui poussent côte à côte, la position réci- proque des anthères et du stigmate varie de façon à ce qu'il y ait deux ou trois formes florales distinctes, et lorsque, de plus, la fécondation n'est parfaite que par un croisement de ces formes, on dit que les individus sont hétérostyles. Ici donc, les mauvais effets d’une union consanguine s'étendent bien plus loin que chez les plantes ordinaires : pour les plantes ordinaires, il suffit de croiser deux indi- vidus distincts et qui ne soient pas apparentés; pour les plantes hétérostyles, il faut, en outre, que ces individus soient de formes différentes. — Quand il y a deux formes, (1) H. Müccer, Nature, XI, pp. 32, 110, 169. (2) Schutzm. des Pollens, p. 63-64 « dass insbesonders zwei Umstände die gleichzeitige Ausbildung mebhrerer nahe verwandten Variationen auf demselben Gelände und unter gleichen klimatischen Verhältnissen môglich machen, nämlich : einmal die Adaptirung der Blüthen für ver- schiedene Insekten, und dann zweitens das ungleichzeitige Aufblühen. » (151) l’une à presque toujours les étamines longues et le style court, c'est la forme microstyle ; l’autre a les étamines courtes et le style long, c’est la forme macrostyle. Quand il y a trois formes, la première (microstyle) a le style court, une rangée d'étamines de longueur moyenne et une rangée d’étamines longues ; la deuxième (mésostyle) a un style moyen, une rangée d'étamines courtes et une rangée d’étamines longues ; la troisième (macrostyle) a le style long, une rangée d'étamines moyennes et une rangée d'étamines courtes. Les plantes hétérostyles à deux for- mes, peuvent être nommées hétérodistyles ; celles à trois formes, hétérotristyles. Le Primula elatior est un excellent exemple du premier cas, le Lythrum Salicaria, du second. La planche jointe à ce travail représente les principaux caractères distinctifs des deux formes florales, chez le Primula elatior. Mais nous n'insistons pas, puisque nous aurons à approfondir tout ceci dans la deuxième et la troisième partie de ce mémoire. Rappelons seulement qu'il y a quelques plantes hété- rostyles qui portent, en outre, des fleurs cléistogames : par exemple, l'Oxalis incarnata, et l'O. sensitiva(), C. individus hétérodichogames. — Chez Îles plantes hétérodistyles la position des anthères de l’une des formes correspond à celle des stigmates de l'autre, de facon qu'un insecte, en butinant successivement dans les deux sortes de fleurs, touche avec la même partie de son corps le pollen de l’une et la surface stigmatique de l’autre : il amène ainsi un double c roisement réciproque. Mais ce même résultat peut-être dû à une tout autre dis- (1) Darwin, The diff. Forms of Flowers, p. 522-525. (152) position : l'existence côte à côte, de deux formes de la mème espèce, l’une protérandrique, l'autre protérogy- nique. C'est ce qui a lieu chez les plantes que nous pro- posons de nommer hétérodichogames et dont on ne connait jusqu'ici que deux exemples certains, le Noyer (Juglans regia) et le Veronica spicata (1). Le premier a été découvert par M. Delpino et signalé par lui dans une appendice très-intéressant à son grand travail : « Ulteriori osservazioni e considerazioni sulla dicogamia Bi». Le Juglans estanémophile et monoïque: la dichogamie y existe d’inflorescence mâle à inflorescence femelle et non, comme chez les plantes hermaphrodites, d'organes màles à organes femelles de la même fleur. Au contraire, le second exemple d'hétérodichogamie est le Veronica spicata, espèce hermaphrodite et entomophile, très-voisine du V. longifolia que nous avons décrit précé- demment. Le V. spicata présente, d’après M. H. Müller), des individus protérandriques et d’autres protérogyniques : lorsqu'ils fleurissent ensemble, il y a évidemment beau- coup de chances pour que le pollen des premiers féconde les seconds et réciproquement. Toutefois la chose est (1) Le Corylus Avellana et le Syringa vulgaris doivent provisoirement être exclus des hétérodichogames puisque, pour le prenuer, les deux formes sent signalées dans des localités différentes (Jusr, Bot. Jahresb., 1875, vol. II, p. 905), et que, pour le second, MM. Barazin (Bot. Zeit., 1870) et H. Müzrer (Op. cit., p. 340, note) ne sont pas bien d’accord. Le Trollius europaeus (Ricca, Atti Soc. Ital. Sc. nat., XIV, p. 249) et le Papaver alpinum (H. Horrmann, Untersuch. üb. Variation, p. 25 : dans les Berichte der Oberhess. Gesellsch. für Natur-und Heilkunde, 1877) sont peut-être hétérodichogames. (2) Dezrino, Loc. cit., XVII, p. 403-404. (5) Die Befrucht. der Blumen, p. 287. ( 155 moins bien accentuée que chez le Noyer et réclame des études nouvelles. D. individus polyoïques. — Passons aux plantes de notre dernier groupe : il y a chez elles plusieurs sortes d'individus de sexes différents. Les espèces dioïques sont les plus connues du groupe, mais elles ne sont pas les seules. Parmi les espèces à individus polyoiques, nous disun- guerons d'abord celles qui présentent deux sortes d'in- dividus (dioïques lato sensu) et celles qui en présentent trois (trioiques). On peut concevoir l'existence d’une foule de combi- naisons de sexes qui rentrent dans la diœcie; il y en a cependant trois principales : 1° Certains individus ne portent normalement que des fleurs hermaphrodites, d’autres que des fleurs mâles (fndi- vidus andro-dioïques). 11 y a très-peu d'espèces dans ce cas. M. Darwin dit même (1) qu'il n’en connait pas d'autre que le Caltha palustris (d'après Lecoq). A cela nous ne trouvons à ajouter que le Dryas octopetala (À). 2° Certains individus ne portent normalement que des fleurs hermaphrodites, d'autres que des fleurs femelles (individus gyno-dioïques). Les exemples de ce genre de — (1) The differ. Forms of Flowers, p.15. (2) Axecz, Om anordningarna, p. 45. — Iuxné (Philos. bot., Edit. secunda, Berolini, 1780, p.95) dit : « fl. Hermaphroditae et Maseuli in distincta planta : Chamaerops, Panax, Nyssa, Diospyros. » Toutefois ces espèces ne doivent probablement pas figurer parmi les andro-dioïques, parce que leurs fleurs hermaphrodites ont une tendance à l’avortement de l’androcée, ce qui les rend en réalité femelles : Linné l’indique lui-même en mettant « hermaphroditae » au féminin (quoiqu’avec un substantif maseulin : horrescimus referentes). (154) diœcie ne sont pas rares, surtout chez les Labiées. Il est très-facile de l’observer sur le T'hymus Serpyllum, si abon- dant aux environs de Bruxelles. On trouvera dans le livre de M. Darwin() des détails étendus sur les plantes gyno- dioïques, dont il donne une liste assez complète. Comme additions à y faire, nous ne nous rappelons que : Gladio- lus segetum (), Stellaria graminea et Polygonum vivipa- rum (5). Les fleurs femelles présentent en général chez ces espèces, outre l'avortement des étamines, deux particu- larités intéressantes : leur corolle est sensiblement plus petite que chez les fleurs hermaphrodites et elles sont plus fertiles que celles-ci. La différence dans la taille de la corolle est assez grande peur que l’on puisse facilement reconnaitre, au seul aspect, le sexe de la plante : c'est du moins ce que nous avons constaté chez le Thymus Ser- pyllum et M. Darwin a fait la même remarque(#). Quant à la fertilité, ce savant a trouvé que si chez le Thymus Ser- pyllum on pèse les graines d’un même nombre d’épis des deux formes, on obtient pour les plantes femelles un poids double de celui que l'on trouve pour les plantes hermaphrodites : le rapport exact est de 100 à 45 6). Nous nous sommes demandé si cette énorme différence était due à la production d'un plus grand nombre de graines ou de graines plus pesantes. Nous avons donc — (1) The different Forms of Flowers, p. 298 et suiv. (2) Decrino, Loc. cit., XII, p. 156. (5) Axecz, Op. cil., p. 45. (4) The diff. Forms of Flowers, p. 299. — 1bid., p. 507, ligne 7 à partir d’en bas, c’est par une faute d'impression, sans doute, qu’il estdit de la corolle : « it is rather larger in the females » ; il faut « smaller. » (5) bid., p. 501-502. soigneusement pesé le mème nombre de bonnes graines des deux sortes et provenant de la mème localité, ce qui nous à fourni les résultats suivants: 50 graines de plantes femelles pesaient 8 milligr., et 50 autres, des mêmes plantes, 7,5 milligr. : soit 15,5 milligr. pour 100 graines : — 50 graines des individus hermaphrodites pesaient 8,75 milligr., et 50 autres des mêmes individus, 7 milligr.: soit 15,75 milligr. pour 100 graines. Des graines moins belles, provenant d’une autre localité, nous ont fourni des chiffres analogues : 100 graines femelles pesaient 10,5 milligr., et 100 graines herma- phrodites 9,8 milligr. Il n'y avait done pas de différence notable entre les poids des graines des deux sortes et, si le résultat n'est pas accidentel, il en faut conclure que les pieds femelles produisent environ deux graines pour une des pieds hermaphrodites. Nous avons également pris quelques mesures et effec- tué quelques pesées se rapportant au Plantago lanceolata chez lequel on observe, comme on sait, des pieds herma- phrodites et des pieds femelles (!); ceux-ci ont des an- thères étroites, vertes et presque absolument privées de pollen. Nos études ont porté spécialement sur 7 épis her- maphrodites et 5 épis femelles, pris au hasard. Les 7 épis hermaphrodites fructifères mesuraient en moyenne, sans la hampe, 51 millim. de long et pesaient chacun, avec capsules, graines et bractées, 496 milligr. en moyenne : soit 16 milligr. par millimètre d'épi. Les 5 épis femelles (1) Darwin, The diff. Forms of flowers, p. 506. — En Belgique, comme en Angleterre, les pieds femelles sont beaucoup moins nombreux que les hermaphrodites. (156) mesuraient en moyenne 57 millim. et pesaient 558 milli- grammes : soit 15 milligr. par millimètre d'épi fructifère. Quant aux graines, les 7 épis hermaphrodites en conte- naient en tout 727 bonnes, pesant ensemble 2082 milligr : soit, pour chaque épi, 104 graines pesant 297 milligr. Les 5 épis femelles renfermaient en tout 669 bonnes graines, pesant ensemble 1595 milligr. : soit, par épi, 154 graines pesant 519 milligr. A ce compte, les épis femelles portent donc sensiblement plus de graines que les hermaphro- dites; mais la différence est moins grande, quoique toujours dans le même sens, si l'on tient compte de l'inégale longueur des épis des deux sortes. En effet, pour chaque centimètre d’épi, les pieds hermaphrodites ont 54,5 graines du poids de 96 milligr., et les pieds femelles 56 graines du poids de 86 milligr. En revanche, les graines hermaphrodites sont, comme on voit, les plus pesantes : 100 d’entre elles pèsent en moyenne 286 milligr., et 100 graines femelles pèsent seulement 259 milligr. Il semble aussi que les épis fructifères soient moins nombreux chez les pieds femelles que chez les hermaphrodites, dans le rapport de 8 à 10 environ. En résumé donc, il s’établirait chez les deux formes du Plantago lanceolata une compensation approximative entre le nombre et la longueur des épis, le nombre des graines et leur poids. M. H. Müller et M. Darwin ont proposé deux explica- tions différentes de l'origine des pieds femelles chez les espèces gyno-dioïques(1). S'il se vérifie que les insectes (1) H. Mürrer, Op. cit, pp. 519-520, 526, 550. — Darwin, The differ. Forms of Flowers, pp. 304, 307-309. C457 ) vont toujours butiner d’abord dans les grandes fleurs hermaphrodites et, seulement après, dans les petites fleurs femelles, celles-ci reçoivent le pollen des premières, leurs étamines deviennent inutiles et alors la théo- rie de M. H. Müller a certainement beaucoup pour elle. L'avortement des étamines peut d'ailleurs s'expliquer en partie par leur variation corrélative avec la corolle et en partie par leur élimination graduelle comme organes superflus: l'accroissement de la fertilité étant dü, en ce cas, à l’économie de matière que la fleur réalise dans sa coroïle et son androcée. Remarquons toutefois que la théorie de M. H. Müller ne saurait s'appliquer aux espèces gynodioïques anémophiles, dont on ne connait d'exemples Jusqu'ici que dans le genre Plantago. 5° Certains individus ne portent normalement que des fleurs mâles, d’autres que des fleurs femelles : c'est le cas des plantes dioïques ordinaires ou dioïques unisexuelles, dont il y a de nombreux exemples. Il n'est pas besoin d'insister sur ce fait qu'une semblable distribution des sexes rend l’allogamie indispensable. La fécondation de ces plantes est nécessairement xénogamique et ne saurait jamais être ni gitonogamique, ni autogamique. On trou- vera dans les ouvrages de MM. Darwin, Hildebrand et d’autres, d’intéressants détails sur les gradations insensibles qui conduisent depuis l'hermaphroditisme autocarpique jusqu'à la diœcie absolue, ces deux degrés extrêmes de l’échelle sexuelle. Qu'il nous suffise de rappeler qu'il n'y a guère d'état transitoire conce- vable, dont on ne trouve dans la nature une profusion d'exemples. Nous n'insisterons pas non plus sur les curieuses rela- ( 158 ) tions sexuelles de certaines plantes(y,, telles que les Rhamnus et les Epigaea, sur lesquelles des recherches expérimentales sont fort à désirer. Outre les trois cas de diœcie que nous venons de citer, il en existe encore un certain nombre qui ne méritent pas de noms spéciaux, vu leur extrême rareté. Voici, pour compléter notre aperçu des répartitions sexuelles, la liste de ceux dont nous avons connaissance : Fleurs mâles et fleurs femelles sur un même pied (androgyne), fleurs hermaphrodites sur l'autre : Calli- triche (2) ; Fleurs mâles et fleurs femelles sur un même pied, fleurs males seulement sur l’autre : Arctopus (Ombelli- fères) (5) ; Fleurs males et fleurs femelles sur un même pied, fleurs femelles seulement sur l'autre: Morus (individus cultivés) (4) ; Fleurs hermaphrodites et fleurs males sur un même pied, fleurs femelles sur l’autre : Gleditschia Ô). Après les plantes dioïques, viennent les frioïques : ici il y a, à l'état normal, trois sortes d'individus sexuellement différents. Parmi les nombreuses sortes de triœcie théori- quement possibles, il n’en est guère qu'une seule dont on connaisse quelques exemples. C'est le cas où il y a des pieds hermaphrodites, des pieds mâles et des pieds femel- les; les individus sont alors polygames trioïques : Fra- (1) Darwin, 1bid., p. 295 et suiv. (2) Axezc, Op. cit., p. 45. (5) Linné, Philos. bot., p.95. (4) Gardeners’ Chron., 1847, pp. 541, 558 (cité par Darwin). (5) Livné, Op. eit., p. 95. (159) xinus excelsior (1) ; Empetrum (2) ; Silene inflata, S. acaulis, Ribes alpinum, Fragaria elatior, Rubus Chamaemorus () ; Catasetum tridentatum (avec Myanthus barbatus et Mona- chanthus viridis) (4); Honkeneja peploides (?) Ë) ; Fra- garia vesca, F. virginiana, F. chiloensis, Evonymus europaeus (6) ; Asparagus officinalis (). Telles sont, dans leur ensemble, les principales struc- tures florales, envisagées au point de vue de la fécondation. Si nous avons énuméré bon nombre de cas peu im- portants, c'est pour tâcher de mettre quelque ordre dans cette matière qui, il faut l'avouer, est passablement embrouillée. Veul-on se faire une idée de la confusion qui règne dans la nomenclature de cette partie de la botanique, il suffit que l’on se demande, par exemple, ce que veut dire une plante à « fleurs dimorphes ». Qu'est-ce qu’un auteur a en vue en employant ce mot? Autant de têtes, autant d’avis. Comme curiosité scientifique, les principaux sens dans lesquels ce terme a été employé méritent d’être relevés. En 1862, M. Darwin publiait le travail célèbre où il expliquait pour la première fois les relations qu’il y a entre les deux formes des Primula ; ce travail avait pour titre : « On the two (1) Azereun, Bol. Zeit., 1865, p. 417. — Hiroesrann, Geschl.-Verth., p. 19. — Darwin, The diff. Forms of Flowers, p. 11. -— Suivant Reicnen- BacH, Flora germ. excursoria; p. 451, le Fraxinus excelsior serait même tétroïque : « Occurrunt individua mascula, feminea, monoica et herma- phrodita. » (2) Linné, Op. cit., p. 95. (5) Ces cinq dernières espèces, d’après AxeLz, Op. cit., p. 46. — Cet auteur mentionne aussi le Poterium Sanguisorba, mais probablement par suite d’un lapsus : cette plante est, en effet, polygame monoïque. (4) Darwin, On the various Contrivances by which Orchids are fertilised, 21 ed., 1877, p. 207. (5) Grew. er Gopr., F{. de France, 1, p. 255. (6) Darwin, The diff. Forms of Flowers, ch. VII. (7) Breirensacu, Bot. Zeit., 15 mars 1878, p. 165. (280) forms or dimorphic condition in the species of Primula, etc. » (1). Dimorphe est ici synonyme de ce que l’on a depuis appelé hétérostyle. Bientôt après, en 1865, Hugo von Mohl, en réponse en quelque sorte aux observations de M. Darwin, faisait paraître un article intitulé : « Einige Beobachtungen über dimorphe Blüthen » (2), mais ici dimorphe se rapportait aux plantes qui ont à la fois des fleurs closes et des fleurs qui s’épanouissent, c’est-à-dire aux plantes chasmo-cléistogames. Quantité d’auteurs suivirent l’exemple de von Moh]l, et parmi eux MM. Sachs, Kirk, Milde, etc. ; tandis que d’autres employaient dimorphe dans | e sens que lui assignait M. Darwin. De là une première confusion. Afin d’y remédier, M. Hildebrand (3) propose, en 1866, d’employer le terme hétéros tylie pour cette sorte de plantes que M. Darwin avait signalée, et dimorphie pour le cas étudié par von Mohl. Quelques naturalistes, et entre autres M. Darwin lui-même, se hätèrent d'adopter le mot hétérostylie et il semblait que tout allait rentrer dans l’ordre. Il n’en fut rien. Plus tard encore, nous voyons M. Delpino désigner par dimorphie un phénomène nouveau, celui que nous avons appelé plus haut hétérodichogamie : il dit en effet, en 1875, « Dimorfismo del Noce » etc.(4). La même année, M. Meehan observait des fleurs mâles à côté des hermaphrodites (andro-monæcie) et intitulait son article : « Dimor- phous flowers in Passiflora (5). » Ce qui fait déjà quatre significations différentes pour le même mot. Et ce n’est pas tout : dans le Genera de MM. Bentham et Hooker, on lit(6) « flores dimorphi..……. in Tourretia, » dans le sens de fleurs agamo-monoïques. Ce n’est pas tout encore. Lorsque, tout récemment, M. Maxwell T. Masters fait paraître une « Note on the dimorphism of Resliaceæ (7) » il ne s’agit plus du tout de la fleur et le mot se rapporte à la structure de la tige. D’où nous pouvons conclure que lorsqu'un botaniste nous dit simplement : « telle espèce est dimorphe » (et ce cas se présente assez souvent) nous avons le choix entre au moins six acceptions différentes de ce mot, d’autant plus qu’un même auteur l’emploie parfois dans plusieurs sens distincts. (1) Journ. Linn. Soc., vol. VI, 1862, p. 77. (2) Bot. Zeit., 1863, p. 509. (5) Monatsber. der k. preuss. Akad. der Wiss., 1866, p. 569. (4) Atti Soc. Lial. Sc. nat., XVII, p. 402. (5) Cité dans Jusr, Bot. Jahresbericht, 1875, 11, p. 909. (6) Genera, IL, Il, p. 1027. (7) Journ. of Bot., febr. 1878. (161) La nécessité d’un peu d’ordre dans cette nomenclature est manifeste. En somme, il nous semble que dimorphe doit signifier « de deux formes » et que, par conséquent, il ne saurait être réservé exclusivement à aucun des cas que nous venons d’énumérer : le mieux est de désigner chaque chose par un nom qui la caractérise autant que possible. C’est ce que nous avons tâché de faire, en comblant les’quelques lacunes que la termi- nologie des structures florales présente encore. Le tableau suivant résume le groupement (tout artificiel, puisqu'il n’a en vue que la structure de la fleur) adopté dans l’aperçu de la morphologie florale qu'on vient de lire. Nous ne le donnons que pour faciliter un coup d'œil d'ensemble et n’y attachons aucune autre importance. Si l'on découvrait des cas qui ne s’y trouvent pas compris, nous pensons qu'il sera toujours facile de les y intercaler, sans modifier le cadre général. ( 1692 } 104) 9p Juos OUUQU NP SAN] S2T ‘AHOIONON-IUT, ‘Q "odag niiqunon”) : & 12 ,© SANOIX AUUIT HINAPONANY NO ALIA LVANAUAOUL HIDTONOI| ete ‘snyndQ WnuunqiA :Solinou 39 À SINJ ‘HIDHONON-ONVIF px ‘syputoÿlo mrunpoung : & V9 @ SAN] ‘UIMIEG HIDIONON-ONAN y “UNQJD WNADAIA ? © 19 À SANT UIMIE( HIDHONON-OUONY ‘S910S XN9p 9p JUOS poid oUQUT Np SAN S9'T ‘HIPHONON-IG ‘» ‘sayipoaydemaog sed juos ou mb soun-sonbjonb sanofnoy 8 uo À j1 fnprarpint otugur of ans ‘oxos ano 4ëd JUaagyip SANOJ ST *H1980NO ‘4 DJ1080200Y S1J0X() : SOUIESOUISEUO Sa1JNe S0] ‘SOUESO]SI9[9 JURJ9 SOUN So] ‘HO1JEpU099, op opou ana dd JuoaggIp Soposrq\eurrog sopno) ‘sinop ST ‘oudjoq minvooLstaTo-0nsvHD *Y ‘SOS SAN9ISNId 9p JUOS NPIAIPUT OUQUI NP SAN S9T ‘SAHANONOIA SHNITA ‘Z *St)DW9]7) D1/90/07S14F : SOJU99SIY9P JUIOS Sodaqiue So onb quese sopiquu sajeu8ns ‘ouidjog ainasouazoug LL ‘DIUOPOUOIS UNRIMINIT :OTIQUU 710$ Jets 198 9j onb juear Sojuo9sIqop saaqiuy ‘ourdjoq aranvuazoug ‘sduay 0j suep soiedos sanu soeurs 99 soagqiuy ‘(ourdjoq uou) poSuoad$ atnvoouiq 4 “syvpruvuñid suduvonuy : aoedso,] suep sotedos sinur sojeui$1}s 99 SOAQUIUY ‘J[OXY AINVIOOUAIL 4 ‘OJUSNS of Ans juouooonp (sed onbsoid no) sed quo ou uood 07 ‘azoauia ainvoozav a svq ‘9 *DAD2 s10ph40" : UOrepuo9ay ap sed jinpoad ou orureSoqne TT ‘aLoawia 414UVOOLNV A SYq4 xx "OSUIQUD WNIOJIUT : 29899 189 9)291(P OIUIESO)NE,T ALOHVIQ HIAUVIOLNY % “IN9f OUIQUI PJ 0P 9J8LU81)S 9[ ANS JUAUH)IAIIP 90) UOJOd 9" ‘azoauia ainvIOLAY ‘» ‘Juawos1049 op opriqssod sinofnoy e À {1 ‘juossinouedo,s Sinotj So] So)noz ‘J[OXY HINVONSvHT) ‘4 “apduaro,p sd : a1qissod jso,u juourasro1s unone * sa$0/9 Sanofno) ju9so4 Sand] So] S9/N0F ‘UN M AIKY20LS137) * Y ‘soyipoaydeuuoy 19 Sojqejquos Sanot} S2] So]n0L ‘SAHdHONONON SUAIT ‘} ‘SAnofj Sanof & juenb Ssojqeiquioes SNpiAIpur S0] SNOJ ‘SIHAHONONON SAGIAION ‘| ( 165 ) *4018)99%9 SNUIXDUT : OUDIS -104) un ans À ‘oumne un ans © ‘poid un ans À SAND ‘UIMAR( ANdIOIUL HINV94104 NO HIDIOME *paudn2 x190S : o4jne,| ans & ‘paid un ans ,© Sinoj{ ‘OUULT ALIA ENANAUdOUL APHOI( sxx “unphiduos snuhyy :oaine, ans à ‘poid un ans & SAMI ‘UIAIR( HILAOIA-ONAN) y ‘0797940790 Sphug : o4me,f ans ,© ‘poid un 4ns À SAN ‘UIMAR(E HIDHOIA-OUANY % ‘SaJIOS XN9p op JUOS SNPIAIPUI S9rf ‘HIJHOI ‘D ‘2X9S 9] 4ed JU94aJIp SNPIAIPUI So ‘49404104 ‘(] “mibou Suvj6nf :sduuo 07 suep ‘sjonxos soueSio Sp UO1BINJRU 9P a1p40,] ed JU94TJJIP SNPIAIPUI SO] "HINVIOHIIAONALAH ‘!) *Di4D917DS UNAYIT : SIA OI Jo so[Ajsosoru ‘sopAjsooeur juottoAtIodsoi Sant} R SNPIAIPUI,P S9J10S SIOAT, ‘ATALSIULOUALAFI ‘Q *4010)9 DIN] : SO[ASOHDIU SAN & Soajne So] “SO[AJSOAIEUL SIN} & SUN SO] SNPIAIPUI P S2)10S XNO(] ‘AUTALSIAOUALIF] ‘D “9j9du09 971puosay ej anod ortessoapu J$2 9JU919pJIP 0)10$ 0p SNPIAIPUI 94JU9 UOIUN,| :098ds9,[ suep ‘sjonxos souesio sop uorjisod ep 4ed juorggip SNPIAIPUI SOT ‘PUCAUPIH ATALSOULLA ‘4 *SNAOIP-0PNIS] St] : 94)08 un & Ssoajne So] ‘sopoosurp odnois un e Jon sun so] ‘sopdepe SNpiAIPUL ‘AfTIHAONOLNI-1( “Dipru 0ÜDjU»]] : WuoA o[ aed uoneutyod ej & jopmyd , sodjne So[ ‘SoJaosur say ed uoneutyjod ej & jopnd sun soj ‘sogdepe SNprAIPUL ‘HPHHAONOLNI-ONANY ‘Q “sun}dos v6nl(F :SoWRSO)Ip Sodapne Sa] ‘souesouoy sun So[ Snpratpu; ‘(ouidjoq uou) ‘JON aINY20H91a-0N0] ‘4070914} DJ01 A : OTBSOIE, & JNo1INS So4qne So] ‘oruesojne,| & Jnojans sun So] ‘sopdepe SNPIAIPUT ‘aIWV90TIV-0LAY ‘D ‘SAn9]} S2P UOIEPpUO099J 9p 2POUT 9] dd JUALAIP SNPIAIPUT SO ‘AINVIOSHNONILA ‘V ‘SAnojf Sanoç ded JUEJIP SNPIAIPUI,P S9)I0S SANOISNId ‘SAHANONOHId SAGIAION] ‘IJ . 6 . [. . cproufoo vrunuodns ‘6 39 92 ‘à SANOIX ‘ULMARG ANdIONOK HIKVOAIOY ( 164 ) Il est à peine nécessaire de faire remarquer que les différents groupes énumérés ci-dessus sont reliés par des transitions nombreuses, comme on en trouve d’ailleurs entre tous les groupes de toutes les classifications. Il n’est pas nécessaire non plus de montrer combien l'existence même de ces innombrables états intermédiaires, de ces structures qui ne sont pas faites, mais qui sont en train de se faire ( «im Werden» comme diraient les philosophes allemands), est un argument précieux et irréfutable en faveur de l’évolution des espèces. $. Développement progressif des strnctures flo- pales. — Nous ne pouvons qu'effleurer ce sujet : pour les détails et pour les preuves à l’appui des conclusions que nous allons résumer, nous renvoyons particulièrement aux livres de M. H. Müller et de M. Darwin où la ques- tion est traitée avec quelques développements(). Il est à peu près certain que les premiers êtres qui apparurent sur notre globe, étaient extrêmement simples : nulle différenciation dans leur structure, nulle différen- ciation dans leurs fonctions. Ce devaient être des masses homogènes de matière vivante — comme les Protistes actuels — n’appartenant encore, à vrai dire, ni au règne animal, ni au règne végétal, inférieures à l’un et à l’autre, dépourvues de toute sexualité. Les plantes les plus an- (1) Die Befruchtung der Blumen, p. 444 et suiv. — The Effects of Cross and Self-Fertil., p. 400 et suiv. — Voy. aussi : KEeRNER, Schutzm. des Pollens, p. 58 et suiv.; Kunrze, Schutzm. etc., (Bot. Zeit, 1877.) Dezrino, Studi sopra un lignaggio anemofilo delle Composte, Firenze, 1871; et Sacas, Lehrbuch der Botanik, YVte Aufl., p. 875. ( 165 ciennes qui vinrent après ces ébauches d'organismes, furent sans doute des Thallophytes, des Algues. La structure se perfectionne, les fonctions se compliquent. Analogues aux « gamètes » des Algues actuelles, les corps reproduc- teurs mobiles de certaines de ces Algues s’accouplatent dans les profondeurs des mers primordiales. Ces Algues étaient donc dioïques. Aux végétaux aquatiques s'ajoutent plus tard les végétaux terrestres. Les plus anciens d’entre ceux-ci présentent encore la diœcie. Mais les flots ne peu- vent plus servir au transport de leurs éléments sexuels et les insectes n'existent pas encore : c’est donc surtout gràce au vent que le pollen est amené d'un individu à l’autre. Ces plantes sont anémophiles : c’est le règne des Gymnospermes. Par degrés insensibles, certaines espèces passent de la diœcie à la monœæecie, de la monœæcie à l’hermaphroditisme. Parallèlement à cette transformation il s’en effectue une autre. Les insectes ont apparu. Ils trouvent dans le pollen des espèces anémophiles un aliment précieux et en font leur profit, comme on l'observe encore aujourd'hui. Dès lors, ils peuvent accidentellement en transporter aux stigmates. L'entomophilie réalise vis- à-vis de l’'anémophilie une énorme économie de pollen (sans parler d’autres avantages), de sorte que la sélection naturelle tend bientôt, d'une manière constante, à fixer tout ce qui favorise la métamorphose des anémo- philes. De là, l'origine des espèces entomophiles et, plus tard, des ornithophiles, c'est-à-dire de Ia grande majorité des Angiospermes actuelles. Enfin, comme on l’a fait remarquer avec raison, dans les époques récentes, bien des plantes entomophiles sont retournées à l'état anémophile (Artemisia, Xanthium, Fraxinus, Poterium) et quelques plantes hermaphrodites sont redevenues dielines ( 166 ) (Melandryum). Nous pouvons jusqu'à un certain point en comprendre les causes : les premières attiraient trop peu d'insectes pour qu'ils les fécondassent régulièrement, les dernières en attiraient au contraire assez, pour que toute possibilité d’autogamie leur füt superflue. Non-seulement la métamorphose d'une espèce anémo- phile en entomophile, ou réciproquement, est possible, mais chacun peut encore l'observer facilement de nos jours. Les Saules, par exemple, sont sur la limite entre les plantes adaptées au vent et les plantes adaptées aux insectes. Ils tiennent des premières l'absence de périanthe coloré, la diclinie sans traces d'organes du sexe qui manque dans chaque fleur; des secondes, ils ont le pollen cohérent, un certain parfum, la secrétion abondante de nectar et les visites des insectes à profusion (1). En outre, quoique dioïques, ils montrent des tendances vers la monœeie, comme nous l'avons observé à plusieurs reprises avec notre ami M. le D' Bamps ; et d’autres botanistes ont déjà souvent signalé chez ces plantes la transformation des organes mâles en organes femel- les et vice versa 2). — La Rhubarbe (Rheum Rhapon- licum) est, suivant les observations concordantes de MM. Axell et Darwin 65), dans un état de transition assez (1) H. Müczer, Op cit., p. 149. (2) Azr. Wesmarz, Transformation des élamines en carpelles chez le Salix cuprea (Bull. Ac. Roy., Sc., Bruxelles, 1865, p. 552). — H. Müzer, Umbildung von Ovarien in Stlaubgefässen bei Salix (Bot. Zeit., 1865, p. 845). — ScacecaTenva, Beobacht. üb. Blüthenmissbildungen an Sualix caprea, (Jahresb. des Vereins für Naturkunde zu Zwickau, 1875, p. 112). (5) Axez, Op. cit., p. 57. — Darwin, The Effects of Cross and Self- Fert., p. 401. ( 167 ) analogue aux Saules ; il en est encore ainsi des Euphor- biacées. Nous avons, par exemple, vu dans nos dunes l'Euphorbia Paralias fréquemment visité par de petits hyménoptères et des diptères; et l’on sait que des genres voisins sont tout à fait anémophiles : Mercurialis, Acalypha, ete. Une transition semblable se retrouve chez les Sanguisorbées : le Poterium, anémophile, produit une quantité de pollen dans ses nombreuses étamines longuement exsertes que le vent fait constamment osciller, ses stigmates en forme de pinceaux s’étalent, prêts à arrêter quelques grains du pollen pulvérulent ; il est monoïque ou polygame monoïque et ses capitules sont verdâtres; — tandis que le Sanguisorba, genre pourtant si affine, est entomophile, ne possède que quatre étamines qui ne dépassent pas le calice et sur lesquelles le vent n’a pas d'action, son stigmate est dilaté et indivis, ses fleurs sont hermaphrodites et d’un pourpre foncé. L'antithèse est complète et cependant la parenté est intime : ce sont là deux genres, frères l’un de l’autre, et que Scopoli réunissait même en un seul. On voit comme toutes ces particularités de structure que lon ne songeait pas à comprendre il y a quelques années, parlent un langage intelligible et clair, pour peu que l'on se place au point de vue transformiste. — Nous pensons de même que le Fraxinus excelsior L., avec ses fleurs qui paraissent avant les feuilles de facon à donner plus de prise au vent, et qui n’ont ni calice, ni corolle, est certainement anémophile, alors que l'espèce voisine, F. Ornus L., doit être entomophile avec ses fleurs munies d’un calice et d’une corolle blanche, odorante, et dont l’anthèse ne devance pas la feuillaison. Mais des faits analogues peuvent s'observer encore chez ( 168 ) une famille dont les représentants abondent partout. Cette famille se recommande à l'étude, autant par cette circon- stance que par la forme nettement intermédiaire de sa structure florale : les Plantaginées. La plupart des espèces de ce groupe sont anémophiles, mais il y en a chez lesquelles on voit subsister certains caractères entomophiliques : le P. lanceolata, le P. major sont dans le premier cas, le P. media est dans le second. M. Delpino a d’abord signalé la chose, puis M. H. Mül- ler s'en est occupé (1); nous avons nous-mêmes fait de nombreuses observations à ce propos et nous ne pouvons que confirmer, dans l'ensemble, ce qu'en ont dit ces deux savants. Il est certain, comme on va le voir, que les Plan- taginées sont en voie de transformation ; mais faut-il les regarder comme des entomophiles devenues récemment anémophiles, ou bien sont-ce au contraire des anémophiles en train de s'adapter aux insectes ? MM. Delpino et Müller soutiennent cette dernière opinion; toutefois l'autre nous semble plus probable. On a discuté énormément et on discute encore sur les affinités des Plantaginées. Un récent article de M. F. von Müller (2) énumère la plu- part des opinions discordantes émises sur ce sujet, et MM. Bentham et Hooker, dans leur Genera, montrent bien la perplexité où ce groupe met les hbotanistes, car ils le placent tout seul, séparé des autres familles, avec celte remarque : «Ordo nulli prope accedit. » M. von Müller, dans la notice que nous venons de citer, propose un rapprochement entre les Plantaginées et les Logania- (1) Die Befruchtung der Blumen, p. 342-545. (2) Journal of Botany, 1876, p. 340-542. ( 46% ) cées : ce n'est pas ici le lieu de discuter cette idée, mais nous dirons seulement que l'orientation de la fleur et de ses parties nous semble la réfuter sans réplique. Le rapprochement des Plantaginées avec le groupe des Labiatiflores Bartl., déjà indiqué par Braun, Hanstein, Miquel, Grenier et Godron, Le Maout et Decaisne et d’autres, et dont M. Eichler s’est fait l'avocat dans son bel ouvrage « Blüthendiagramme », nous parait le plus rationnel. En somme, que l’on ajoute deux étamines au diagrarame d'une Véronique et l’on a le diagramme d'un Plantain. Dès lors, si la tétramérie des Plantago est due, comme celle des Véroniques, à la suppression d’un mem- bre dans une fleur construite sur le type 5, si ces plantes sont les descendantes plus ou moins dégénérées des Ver- bénacées ou de quelque groupe entomophile analogue, il faut nécessairement admettre que, délaissées par les insec- tes, elles sont retournées par degrés à l’anémophilie (). Celles de leurs variations qui les adaptaient de plus en plus à la pollination par le vent constituaient pour elles des avantages, ont été préservées par sélection naturelle et se sont fixées, — ou plutôt sont en train de se fixer, puisque cette métamorphose n'est pas encore complète chez toutes les espèces. Le P. media, par exemple, présente encore quelques caractères entomophiliques : il peut aussi bien étre fécondé par le vent que par les insectes. Ses fleurs ont une corolle blanche et répandent un faible parfum. Son pollen est très-légèrement cohérent. Nous (1) Ceci était écrit lorsque nous avons vu avec plaisir que M. Kunrze (Schutzm. der Pflanzen, 1877, p. 65) était arrivé de son côté à la même conclusion. CATO ) avons observé certains pieds dont les filets staminaux ne mesurent que 6%, sont peu mobiles et ont une charmante teinte rose-mauve, ainsi que leurs anthères : c’est la forme B. de M. H. Müller (loc. eit.). D'autres pieds sont plus facilement fécondables par le vent, car leurs filets ont plus de 10% de longueur et sont plus oscillants ; en même temps la nuance rose des étamines a disparu et se trouve remplacée par une teinte blanche (forme À. de M. H. Müller). — Le P. lanceolata, au contraire, est clairement anémophile : 11 n'a pas d'odeur, sa corolle scarieuse, peu voyante, est d'un brun verdâtre, ses filaments staminaux sont frêles, et il suffit de souffler, füt-ce Le plus douce- ment possible, sur un épi conservé quelque temps à l'abri du vent, pour faire trembloter les étamines et pour voir s'envoler un nuage jaune de pollen. Ce qui confirme l'opinion que les Plantago ont pu se transformer comme nous le soutenons, c'est qu'aujour- d'hui encore ce genre est éminemment variable dans tous les sens. MM. Bentham et Hooker disent de lui : « in hoc genere quam maxime variabili, nec sectiones nec species limitibus certis definiri possunt», et voici, à l’appui, quelques observations qne nous avons faites. Le P. major varie au-delà de toute idée dans ses diverses dimensions. Les exemplaires qui constituent la variété nana de Trat- tinnick portent au plus une dizaine de fleurs; et un pied trouvé par nous au bois de la Cambre, près de Bruxelles, s'élève à 75 centimètres, dont plus de 40 reviennent à l’épi, celui-ci comprenant plus de 550 fleurs soit, pour les 7 épis de la plante observée, environ 2500 fleurs — 250 fois plus que dans la var. nana. — Le P. lanceolata n'est pas moins variable. Différents exemplaires recueillis côte à côte dans le même champ de trèfle, (171) avaient des hampes de 85, 80, 65, 55, 45, 55, 18 centi- mètres (depuis le sol jusqu'au sommet de l'épi); lépi était tantôt complètement sphérique, tantôt ovoïde, tantôt longuement cylindrique ; 1l mesurait depuis 8 millimètres jusqu'à 57, 68 et mème exceptionnellement75 millimètres de long. Le diamètre de la hampe allait de 1m à 5-4, et sa surface était parfois très-profondément cannelée, parfois presque cylindrique, — quoiqu'en disent la Flore des environs de Paris de MM. Cosson et Germain, ainsi que plusieurs autres ouvrages (D. Les filets des étamines dépassaient la corolle de 5 à 6 millimètres, et les anthères, habituellement larges de plus de 1-11/2", n'avaient sur certains pieds que 1/2-5/:"" environ — ce qui les rend identiques à celles du P. media. Les feuilles qui sont d'ordinaire assez larges n'ont quel- quefois pas plus de 7"" comme largeur maximum. La soudure des deux sépales antérieurs est plus ou moins complète ; le calice est tantôt glabre, tantôt plus ou moins velu; le style est entier on bifide à son extrémité @) ; le nombre des ovules peut être supérieur à deux. Enfin, ce ne sont pas seulement les caractères morphologiques, mais aussi les caractères physiologiques qui varient d'une manière très-marquée (5) : la protérogynie est parfois si accusée que les fleurs de la base de l’épi sont encore dans le stade femelle lorsque celles du sommet s'épanouissent, (1) En revanche, il arrive que le P. media offre des traces de cannelures. (2) Ce fait assez curieux, que l’un de nous a découvert, sera décrit plus au long dans un autre travail. (5) C’est bien certainement à tort que M. ne QuarTreraGes (Espèce hu- maine, p. 72) soutient que les caractères physiologiques ne varient pas à l'état sauvage, 14 (172 ) de sorte que tout l’épi est exclusivement femelle pendant quelque temps ; d’autres fois les fleurs de la base ont déjà atteint la phase mâle quand celles du sommet s'ouvrent et entrent dans la phase femelle. Chaque fleur, en particulier, est ordinairement protérogyne brachybiostigmatique, c’est- à-dire que l’autogamie y est impossible; mais il arrive aussi qu'elle soit protérogyne macrobiostigmatique (1). Comme corollaire à ces variations dans l’intensité de là protérogynie, on observe que la portion exserte du style adulte est tantôt de 16m, tantôt de moins de 1". Ç 40. e Conclasion. — Les liens qui unissent le monde végétal et le monde animal sont multiples et compliqués. Il y a tout d’abord cette relation fondamentale entre les deux règnes qui rend l’un inconcevable sans lautre et qu'on peut résumer ainsi : les sommes algébriques des réactions chimiques chez les animaux et chez les végétaux sont de signes contraires; oxydation et destruction de matière organique, d’une part, réduction et synthèse organique, de l’autre. Mais il existe d’autres relations plus directes, plus immédiates, qui, sans avoir cette portée uni- verselle, n’en sont pas moins intéressantes. De ce nombre sont les rapports des plantes avec les insectes et des insectes avec les plantes, qui peuvent occasionner, de part et d'autre, profit ou dommage. Les insectes, en effet, dévorent les plantes ou leur font du tort; les plantes font du tort aux insectes (plantes parasites de certains insectes, plantes vénéneuses) ou même les (1) Le P. media est généralement moins protérogyne que le P. lanceolata. (175) capturent et s'en nourrissent (plantes inseetivores). Mais, d’un autre côté, les végétaux rendent service aux insectes en leur fournissant la nourriture et le gite, en échange de quoi les insectes rendent service aux plantes, soit qu'ils les défendent contre d’autres insectes plus nui- sibles, soit qu'ils leur procurent les immenses bienfaits de la pollination allogamique. C'est de ce dernier point que nous nous sommes occupés dans le présent travail, en donnant un apercu des belles recherches récemment publiées et en exposant quelques observations per- sonnelles. La science moderne n'a-t-elle pas atteint un résultat bien important et bien digne d'intérêt en parvenant à expliquer le comment et le pourquoi de presque tous les détails des fleurs ? S'il existe dans la nature des corolles magnifiques ou bizarres, brillantes de couleur et rem- plissant l'atmosphère de leur parfum, c’est, nous Pavons vu, aux insectes et à quelques oiseaux que nous le devons indirectement. Si les insectes ailés disparaissaient de l'Europe, les plantes qui se transformeraient graduel- lement en anémophiles où en celéistogames pourraient seules échapper à l'extinction : ce n’est point là une affirmation téméraire. Une région où les mouehes, les abeilles, les guêpes, les papillons, les colibris font défaut, ne peut avoir qu'une flore triste et monotone, privée de senteurs et de teintes vives. Tel est le cas, par exemple, de la Terre de Kerguelen. Tout cela n'est point hypothèse. Ce sont des faits, c'est de la science véritable et du meilleur aloi. Un regard jeté en arrière sur ce que nous avons essayé d'exposer, nous convainera que l'édifice est solide et que nous n'avons point à craindre de voir le sol se dérober sous ( 174 ) nos pieds. La variation et l'hérédité sont de grands faits, tellement universels qu'ils sont familiers à tout le monde, tellement certains que nul ne saurait les révoquer en doute. La lutte pour l’existence et la survivance des plus aptes « se présentent comme inévitables et leurs consé- quences se déroulent avec quelque chose de nécessaire et de fatal qui rappelle les lois du monde inorganique » c'est un énergique adversaire du transformisme qui le reconnait (1) Elles résultent forcément de ce que tous les êtres tendent à se multiplier d’une manière indéfinie, quoique l'espace habitable et les ressources alimentaires soient limités. Enfin, les avantages du croisement, son heureuse influence sur la vigueur et la ferulité des des- cendants, sont démontris par l’expérimentation. N'est-ce point sur cette quadruple base que repose, inébranlable, la théorie nouvelle de la morphogénèse florale ? Du jour où pour la première fois un insecte a butiné dans une fleur et en a effectué la fécondation allocarpique, toute variation qui favorisait les visites de l’insecte et le croise- ment de la plante a dù être fixée héréditairement par survivance des plus aptes dans la lutte pour la vie. Est-il possible d'échapper à cette conclusion ? Et ne voit-on pas que par la fixation des variations utiles, l’une après l’autre, par l’addition progressive d'un détail nouveau à la somme des détails déjà acquis, les fleurs ont dù se compliquer et atteindre peu à peu, pendant les centaines de mille ans qui nous séparent de la fin de l’époque primaire, ce haut degré de perfection que nous admirons aujourd'hui chez un grand nombre d'entre elles ? (1) Quarreraces, Espèce humaine, 1877, p. 08-69, (175) Il ne serait cependant pas exact de croire que, dans la structure florale, tout résulte de l'adaptation à des insectes fécondateurs. Il y a telles dispositions qui servent à écarter les hôtes gènants ; à protéger le nectar, le pollen ou l'ovaire contre les intempéries ; à préparer la dissémi- nation des graines ; etc., etc. La structure et le fonetionne- ment d’une fleur quelconque — et plus généralement de toute portion d'être organisé — sont les résultantes de composantes nombreuses, quis’enchevêtrent, qui s'ajoutent les unes aux autres ou s'entre-détruisent plus ou moins complètement. Ces composantes variées à l'infini, on pour- rait, nous semble-t-il, les répartir provisoirement en cinq groupes, suivant leur complication de plus en plus grande : 1. Lois fondamentales de la matière, . Lois de croissance, Hérédité purement conservative, 4. Hérédité avec selection naturelle, 9. Variations accidentelles. 19 QI Dans l’état actuel de la science, ces cinq classes de phénomènes ne sont pas encore réductibles à des phéno- mènes plus simples et notre analyse s’arrète lorsque nous avons tout rattaché et ramené à lPun ou à l'autre de ces faits généraux. 1. Certains caractères de structure et de fonctionnement ne sont que l'expression nécessaire des lois mathéma- tiques, physiques, chimiques, mécaniques, qui régissent l'architecture des cellules vivantes aussi bien que celle des molécules inertes. Tels sont la forme des cristaux, des cristalloïdes, des grains d'amidon ; l'aspect hexagonal des cellules entourées de toutes parts de cellules égales, - les réactions chimiques dont les cellules sont le siège, etc. Ces caractères-là sont les plus généraux de tous. (176) 2. Il y a des caractères qui, sans pouvoir être rattachés jusqu'ici aux lois fondamentales de la matière, proviennent de certaines lois encore très-générales, qui règlent la croissance des corps organisés. La régénération, chez les êtres inférieurs, des parties amputées, les phénomènes de variation corrélative, de balancement organique, etc., rentrent dans ce groupe. Comme exemple de « balance- ment, » on peut citer la disparition des organes sexuels chez les fleurors périphériques très-agrandis de certaines Composées. 9. D'autres caractères ne se présentent chez un ètre donné que parce qu'ils lui ont été transmis à travers une longue suite d’ancètres. Telles sont, par exemple, chez beaucoup de fleurs de Dicotylédones, la pentamérie, l'existence de quatre ordres de feuilles florales — calice, corolle, androcée, gynécée; — telle est aussi la présence d'organes rudimentaires. Ces caractères sont encore l’apa- nage commun de vastes groupes d'espèces. 4. Il existe ensuite des caractères qui sont de date moins ancienne dans l’histoire de l'espèce et qui ne lui viennent pas de ses aïeux. Ceux-là résultent de variations qui se sont récemment fixées par sélection naturelle, parce qu'elles se trouvaient être utiles dans le combat pour la vie. S'agit-il d'une fleur, par exemple, nous rangerons parmi ces caractères tous ceux qui différencient son mode de fécondation de celui de ses congénères, etc. Bref, ce sont, par excellence, les caractères d'adaptation. 5. Enfin un individu quelconque se distingue toujours des autres individus de la même espèce par certains détails secondaires. Ils sont l'effet de variations acciden- telles, dont l'origine est encore très-obseure dans la plupart des cas. Les particularités individuelles ne sont C7) pas le résultat direct des conditions extérieures. comme on le croit assez souvent: car le milieu extérieur. provoque d'ordinaire, en se modifiant, le phénomène de la variation, d'une manière générale, mais non telle variation déterminée(l). Nous réunissons done sous le nom de variations accidentelles, toutes ces composantes, mal étudiées encore, qui produisent ce qu'il y à de plus vague, de plus fluctuant, de plus insaisissable chez un être : ses caractères individuels. Remarquons-le en passant, les caractères des êtres vivants nous apparaissent avee un cachet de nécessité de moins en moins prononcé, à mesure que les causes qui les déterminent sont plus complexes : les caractères qui dépendent du premier groupe de phénomènes nous font l'impression d'être absolument fatals, et ceux qui dépendent du dernier semblent tout à fait capricieux. En présence de ce conflit de causes dont chaque individu est la résultante, on conçoit que souvent nous ignorions à laquelle de ces eauses tel ou tel détail de structure ou de fonctionnement doit être rapporté. Mais ce que nous savons bien, e’est que tout, dans un être vivant, depuis son port, son aspect d'ensemble, et ses adaptations les plus exquises, Jusqu'au groupement invisible des molécules de son protoplasme, peut s'expli- quer soit comme variation individuelle, soit comme effet direct de la survivance des mieux adaptés, soit comme héritage transmis d'espèce en espèce, soil comme consé- quence de lois dont l'origine plus ou moins immédiate est dans les propriétés élémentaires de la matière. — (1) Voy. p. 49. (W1782) Nulle part dans la nature, il n'y de place pour les causes finales. Nulle part dans la science, les causes finales ne peuvent être admises. Dire que l'œil a été construit pour voir ou que tel insecte a été créé pour féconder telle plante, cela ne fait point avancer nos connaissances d’un pas. Les adaptations imparfaites, les organes rudimentaires et mille autres faits se dressent contre les causes finales comme autant d'objections insurmontables. Mais quand bien mème nous oublierions ces faits, quand même nous négligerions ces objections, à quoi peut nous servir l'interprétation finaliste? A rien, sinon à gazer notre ignorance —- ce qui est une raison de plus pour la con- damner. Il faut nous demander, en finissant, quelle portée à l'étude de la fécondation des fleurs par les insectes. Elle a révélé une foule de faits imprévus et son influence s'étend sur la physiologie végétale, la morphologie, la géographie des plantes et celle des insectes. Mais ce qui lui assure un rang élevé, c'est qu'elle accroit considé- rablement notre savoir théorique; elle contribue à Îa solution du problème des problèmes : comprendre la nature. — Obstacles de tout genre qui entravent l'auto- gamie, complication et beauté des fleurs, sécrétions sucrées, coloris brillant, odeurs pénétrantes, restent au- tant d'énigmes si nous ne les rattachons pas aux avantages du croisement et aux visites des insectes. L'étude que Sprengel à inaugurée et à laquelle le darwinisme a donné sa vraie impulsion scientifique, jette une lumière inatten- due sur quelques mailles du gigantesque réseau d’actions et de réactions réciproques du monde organisé : de là toute sa valeur et sa portée philosophique. 6 ; ! | ‘ i £ ‘ i £ { (179) Pour achever le programme que nous nous sommes donné dans ce travail, il nous reste à examiner plus spé- cialement l'hétérostylie et à faire connaître les résultats de nos observations sur le Primula elatior: Nous espérons aider à éclaircir, par là, les détails de structure des deux formes de cette espèce; prouver qu’il existe des caractères hétérostyliques secondaires, à peu près comme il existe des caractères sexuels secondaires ; que l’on peut constater directement dans la nature le transport du pollen de l’une à l’autre forme de Primevère; que la forme macrostyle est légèrement plus voyante que la forme microstyle, et que l’homme même parait involontairement tenir compte de cette faible différence, etc. C'est ce qui fait l'objet de la deuxième et de la troi- sième partie de notre travail. Toutefois, comme nous craignons que leur publication ne subisse encore quelque retard, nous nous sommes déeidés à joindre dès à présent à cette notice, la planche qui représente la structure comparée des deux formes du Primula elatior. On pourra de la sorte se faire une idée exacte des particularités remarquables qui distin- guent ces deux formes. Les dessins ont été exécutés à la chambre claire, d'après nos préparations, par notre ami M. Ed. Duyck. La moitié de gauche de la planche se rapporte à la forme macrostyle, celle de droite à la forme microstyle. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Fleur de Primula elatior, forme macrostyle (coupe longitudinale). — 2. Fleur de P. elatior, forme microstyle (coupe longitudinale). — 5 et 4. Grains de pollen de la forme macrostyle. — 5 et 6. Sections tranversales du pollen de la forme macrostyle. 15 Fig. ( 180 ) 7. Grain de pollen de la forme microstyle. — 8 et 9. Sections transversales du pollen de la forme microstyle. — 9bis. Contour d’un grain de pollen microstyle, anomal. — 10et 11. Stigmates de la forme macrostyle (fig. 10) et de la forme microstyle (fig. 11), portant chacun des grains de pollen des deux sortes : a, pollen de la forme microstyle ; a”, grain de pollen de la forme microstyle, émettant son tube pollinique ; b, pollen de la forme macrostyle. 2. Papille stigmatique de la forme macrostvle. — 15. Portion de l’épiderme stigmatique de la forme macrostyle : on y voit les papilles, en raccourci, et les cellules hexagonales dont elles sont le prolongement. — 14. Une de ces cellules hexagonales, vue de face (forme macrostyle). — 15. Papille stigmatique de la forme microstyle. — 16. Portion de l’épiderme stigmatique de la forme mierostyle, avec les papilles, en raccourci. et les cellules hexagonales. — 17. Une de ces cellules hexagonales, vue de face (forme microstyle). ————— Liste de quelques termes spéciaux employés dans ce travail, avec renvoi aux pages où ils sont expliqués. Adynamandrie . Agamo-monoïque Allocarpie Allogamie Andro-dioïque Andro-monoïque Anémo-entomophile. Anémophile . Auto-allogamie . Autocarpie Autogamie Brachybiostémone . Brachybiostigmatique Chasmo-cléistogame Chasmogame . Cléistogame . . 145 67, 9% 67, 9% Dichogamie Sprengel et plur. auct. (non Delpino) . Dichogamie Delpino Di-entomophile . Di-monoïque. Dithèque. Drosophile Entomophile. Fécondation . . 1425 . 58 . 149 . 145 129 (note) 87 86 56 (181) Gamètes (terme appliqué par M. Strasburger aux zoospores qui s’accouplent). Gitonocarpie. Gitonogamie . Gyno-dioïque Gyno-monoïque. Hercogame . Hétérocline (eteroclinico) . Hétérodichogamie Hétérodistylie Hétéromésogamie Hétérostylie. Hétérotristylie . Homocéphale (omocefalo) . Homocline (omoclinico). Homo-dichogamie MVob. (non Delpino) Homo-dichogamie Delpino. 108 . 147 Homogamie Sprengel el plur. auct. (non Delpino) . Homogamie Delpino Hydro-anémophile . Hydro-entomophile . Hydrophile . Isostyle . Macrobiostémone Macrobiostigmatique Macrostyle Malacophile . Mésostyle. Microstyle Monothèque . Nectarosème. Ornitho-entomophile Ornithophile. Pollination, polliner. Polygame monoïque. Polygame trioïque . Protérandrie. Protérogynie. Thèque . Tri-monoïque Vexillaire. Xénocarpie . Xénogamie . Zoïdiophile . . 124 . 125 AD . 86 . 151 151 . 129 (note) . 105 . 150 86 . 56 . 146 . 158 . 125 . 125 129 (note) . 445 . 104 57 57 86 ( 182 ) APPENDICE. PENTSTEMON GENTIANOIDES et PENTSTEMON HARTWEGI, par Léo Errera. Sommaire : Structure des variétés de Pentstemons observées. — Mode de fécondation et insectes fécondateurs. — Cause de la préférence des insectes pour la forme mauve. — Cas de la variété blanche. — Effets ultérieurs de la préférence des insectes et transformation du Pentstemen Hartwegi par sélection naturelle. — Travaux de MM. Delpino, Ogle et Kerner. — Sur la définition du mot fonction. — Fonctions du staminode. Examen morphologique des Pentstemons : comparaison entre les Scrophulariacées et les Solanées. — Pélories et organogénie des Pentste- mons. — Leurs caractères de transition et leur variabilité. — Les Scro- phulariacées descendent probablement de certaines Solanées. — Nature des staminodes en général et structure de celui des Pentstemons. — Rapports entre la pubescence du staminode et celle des étamines. — Faits tératologiques. — Influence de la lumière sur la matière colorante des Pentstemons. — Observations sur les mœurs des insectes féconda- teurs. — Résumé et conclusions. Structure des variétés de Pentstemons obser- vées. —- Les Pentstemons sont des Scrophulariacées remar- quables à plusieurs égards. Peut-être ne sera-t-il pas tout à fait sans intérêt de rapporter d'une façon assez complète les observations que nous avons faites sur ces plantes. Nous examinerons d’abord leurs fleurs à un point de vue physiologique, celui de leur fécondation, et nous présenterons ensuite quelques considérations morpholo- giques, à propos de leur structure, de leurs affinités et de leurs anomalies. Enfin cette note se termine par des détails relatifs aux mœurs des insectes qui les visitent. Nos recherches ont porté sur cinq variétés, que nous (185) distinguerons par la couleur de leurs fleurs : rouge- écarlate et rouge-foncé à tube strié intérieurement de rouge, rose-vif à tube blanchâtre uni, blanc avec des traces de rose, et mauve-violacé. Les trois premières appartiennent au Pentstemon Hartwegi Benth. (P. gen- tianoides Lindley et Hortul., non G. Don); la dernière, au vrai P. gentianoides G. Don. La variété blanche, tout en rentrant probablement dans l'espèce P. Hartwegi, se rapproche par certains caractères du P. gentianoides. La distinction entre ces deux espèces n'est peut-être pas aussi absolue que le croyait M. Bentham. Dans le jardin des environs de Bruxelles où nous avons pu à loisir étudier ces fleurs, elles sont très-fréquemment visitées par des insectes. Ce sont presque tous diptères et hyménoptères qui y sucent le nectar et opèrent, comme on verra, la pollination allogamique. Mais un fait extra- ordinaire éveilla notre attention et nous fit entreprendre nos recherches : ces insectes butinent À TRÈS-PEU PRÈS EXCLUSIVEMENT dans les corolles de la forme mauve. Pour- quoi une préférence si marquée ? En examinant attentive- ment la fleur chez les diverses variétés et en observant les insectes, nous obtiendrons, pensons-nous, la solution de ce problème. Les fleurs sont dirigées plus ou moins horizontalement. Les panicules qu'elles forment sont amples et assez étalées chez la variété écarlate, la rouge-foncé, la rose et la blanche; un peu plus rétrécies, plus denses, plus ou moins unilatérales chez la forme mauve. Le calice offre à peine une tendance à être bilabié. Il a einq sépa- les courts, presque égaux : deux inférieurs un peu plus grands et généralement verts, trois supérieurs un peu plus petits et souvent plus violacés. (184) La corolle les dépasse longuement. Elle est tubuleuse- infundibuliforme dans son ensemble. Nettement ventrue chez la forme mauve (P. gentianoides) et rappelant ainsi de loin notre Digitale pourprée, assez ventrue encore chez la variété blanche, elle ne l’est plus guère chez les trois autres (P. Hartwegi) où elle atteint une grande longueur et va s’élargissant d'une manière presque insensible, depuis la base jusqu'au sommet. Son limbe présente deux lèvres : la supérieure à deux lobes, l'in- férieure à trois lobes un peu plus grands et plus profon- dément séparés. Mais cette structure bilabiée qui est si évidente chez l'espèce mauve (quoiqu'elle y soit bien moins accentuée que chez d'autres Pentstemons, le P. gracilis Nuttall par exemple), ne l'est déjà plus tout autant chez la var. blanche et la var. rose, et n'apparait plus que faiblement chez la var. rouge-fonce et la var. rouge-écarlate; à tel point quil n'est pas très-rare de voir chez celles-ci des fleurs à limbe régulier. C'est surtout la variété rouge-écarlate qui présente ce phéno- mène dont nous reparlerons plus loin. Des cinq étamines qui s'insèrent sur la corolle, alter- nent avec ses divisions, et ont valu au genre le nom de Pentstemon — l'une est stérile et ne porte pas d’anthère normale, les quatre autres sont fertiles, didynames. Parmi celles-ci, les deux supérieures, plus courtes, ont la base du filet fortement élargie et renflée. Cet épaississement succulent constitue le nectaire; il est vert et lisse sur sa face périphérique qui est appliquée contre la corolle et sécrèête un liquide très-sucré, le nectar. Le nectar se ras- semble au fond de la corolle et les insectes en sont extré- mement friands. Quand il fait chaud et que le soleil luit, la sécrétion est fort abondante, tandis qu'elle devient (185) minime ou même nulle sous l'influence d'un temps humide et couvert, quelque peu prolongé (1), Les deux étamines inférieures ont le filet égal sur toute sa longueur et non nectarifère ; elles sont plus longues que les deux supérieu- res. Une portion de leur filet — le tiers inférieur environ, mais ce chiffre est sujet à varier notablement — reste soudée au tube de la corolle. | Quant au staminode, il nait entre les deux étamines nectarifères, c'est-à-dire qu'il répond à lintervalle laissé entre les deux divisions de la lèvre supérieure. Son filet n'est pas épaissi et ne produit pas de nectar. A sa base, il est soudé à la corolle, mais sur une longueur qui diffère chez les cinq variétés observées; puis, brusquement, il s’incurve, s’infléchit vers le bas, traverse obliquement le tube de la corolle et vient reposer sur la lèvre infé- rieure, de façon que son extrémité libre corresponde au lobe moyen de la lèvre. Cette extrémité est élargie, aplatie en spatule, tronquée; sa surface supérieure est glabre chez la forme sauve, elle est faiblement hérissée de villosités blanchâtres, qui sont très-courtes chez la variété blanche, et ordinairement un peu plus longues (de 1/7 de mm. à 1 1/2 mm.) chez les trois autres variéLés. L'ovaire enfin est conique, terminé par un st;le simple qui subit à sa naissance une légère courbure vers le haut, passe soit à droite, soit à gauche, tout contre le staminode et va s'appliquer le long de la lèvre supérieure, à la place que celui-ci occuperait, s'il n'était déjeté inférieurement comme nous venons de le décrire. (1) M. Darwin, The Effects of Cross and Self-Fertilisation, p. 422, est, de son côté, arrivé à la même conclusion au sujet d’autres plantes. ( 186) Mode de fécondation et insectes fécondateurs. — Le Pentstemon gentianoides et le P. Hartwegi sont tous deux nettement protérandriques. Par suite d’une courbure remarquable des filets staminaux (fort analogue à ce que présentent le Digilalis purpurea et d'autres Labiatiflores), les quatre anthères sont ramenées ensem- ble sous la lèvre supérieure; elles s'ouvrent l’une après l'autre, avant que le stigmate soit nubile. Les insectes, dès cette première période, pénètrent dans la fleur afin d'en sucer le nectar qui se rassemble contre l'ovaire au fond de la corolle : ils ne peuvent manquer de se couvrir le dos de pollen, pourvu qu'ils soient assez gros pour remplir toute la cavité florale. Le sommet du style est d'abord absolument droit et n'arrive pas en contact avec le pollen. A l’époque de la déhiscence des deux dernières anthères, il commence à se recourber vers le bas; mais les visites des insectes ont, en général, enlevé déjà tout le pollen de la fleur, quand cette inflexion est complète(1), A cette seconde période, l'extrémité du style est courbée à peu près à angle droit et présente son stigmate capité, qui est entier ou obscurément bilobé, au milieu mème des anthères privées de leur pollen. C’est alors seulement que la surface stigmatique développe tout à fait ses papilles et devient humide. Le gros diptère ou l’hyménoptère qui viendra à présent butiner cette fleur, touchera donc le (1) L’étude de la courbure tardive du style, chez beaucoup d’espèces protérandriques, rend quelque peu sceptique sur la valeur de certains caractères. Si l’on signale, par exemple, chez un genre, son « stylus elon- gatus. apice valde incurvus » (Benraam et Hooker, Genera, Il, p. 959, genus Wightia), cela pourrait bien provenir de ce que la fleur étudiée était protérandrique et parvenue à son second stade, (187 ) stigmate visqueux précisément avec la portion de son dos qui s’est chargée de pollen dans les fleurs moins avancées ; il effectuera, presque inévitablement, la pollination allo- gamique : tantôt la gitonogamie, tantôt la xénogamie. L’autogamie intervient seulement d'une manière suc- cédanée. Elle n’est possible que si l’absence ou le peu de fréquence des insectes a laissé du pollen jusqu’à la matu- rité du stigmate : encore la position des organes sexuels rend-elle cette autogamie plus ou moins difficile. Outre des limaces et des forficules qui en rongent les tissus, nous avons vu beaucoup d'insectes visiter ces fleurs. C'étaient quelques petits coléoptères; une seule fois un papillon (le 26 octobre); de petits diptères (Culi- eides) et, en nombre très-considérable, de gros diptères (Syrphides) et des nyménoptères. Mais ces deux derniers groupes jouent seuls un rôle efficace dans la fécondation des Pentstemons. Leurs représentants que nous y avons observés appartiennent probablement aux genres Eristalis (Eristalis tenax L.), Apis (Apis mellifica L.), Bombus et quelques autres Apides et Vespides ; toutefois nous ne sommes pas absolument certain de ces déterminations. A plusieurs reprises, nous avons pu examiner de près la manière dont ces insectes puisent le nectar. Ils abordent sur la lèvre inférieure, pénètrent dans le tube de la corolle, posent leurs pattes à droite et à gauche du stami- node et avancent ainsi jusqu’à ce que leur tête soit arrêtée par cet organe. Celui-ei traverse, nous l'avons vu, la cavité florale et s'insère supérieurement au fond du tube. L'in- secte ne peut plus avancer : une cloison médiane formée par le staminode et le style, lui barre le passage. Cette cloison lui laisse de chaque côté un étroit chemin vers le nectar, limité à la périphérie par les bases renflées des ( 188 ) élamines nectarifères(1). Comme sa tête est bien trop grosse pour s'y insinuer, il y étend sa trompe et parvient ainsi à sucer le nectar. [Il sort ensuite à reculons. Mais pour quil obtienne du nectar, il faut que la distance éparant le point d'incurvation du staminode, d’une part, et le fond du tube floral ou tout au moins la surface du liquide sécrété, de l’autre, soit plus petite que la longueur de sa trompe. Comme nous l'avons dit en commençant, les syrphides et les hyménoptères, aux environs de Bruxelles, visitent presque exclusivement les fleurs de la forme mauve. Dans un parterre où les cinq variétés sont cultivées pêle-mèle, c'est une chose bien curieuse que de voir ces insectes voler constamment, sans hésiter, d'une plante mauve à l’autre, en passant au-dessus des autres variétés comme si elles n'y étaient pas. Rarement nous les avons vus s'arrêter un moment auprès de celles-ci ou tenter de pénétrer dans leurs fleurs, puis repartir aussitôt sans y avoir butiné; et durant tout l'été, nous n'avons qu'à une seule occasion observé l’un d'entre eux butinant dans les fleurs rose-vif, et un autre qui visita plusieurs fois de suite la variété blanche. En automne, les insectes semblent un peu moins exclusifs, et il est probable que la rigueur de la saison et la rareté des fleurs les foreent à se contenter de ce qu'ils laissaient de côté quelques mois auparavant. C'est ainsi qu'en octobre une abeille a été vue sur les fleurs rose-vif et rouge-écarlate : toutefois, même à cette — = — = a _ — (1) En réalité, de ces deux petits conduits (« nettaropili » Delpino) qui mènent au nectar, l’un est bien plus praticable que l’autre; car le style et le staminode, n'étant jamais absolument au centre, masquent toujours un peu l’un des deux conduits. ( 189) époque de l’année, la forme mauve est incomparablement plus visitée que ses congénères. Cause de Ia préférence des insectes pour Ia forme mauve. — Ce n'est ni le gout du nectar, ni son parfum, ni la couleur de la corolle qui produisent chez les hyménoptères et les syrphides cette sympathie par- ticulière : l'observation suivante le prouve. Nous avons remarqué à diverses reprises que les insectes butinent indistinctement les corolles tombées sur le sol, de quelque variété qu'elles soient: du moins avons-nous noté ce fait pour la variété écarlate, la var. rouge-foncé, la var. rose et la var. mauve. Seulement les insectes y pui- sent le nectar, non plus par l'ouverture supérieure de la corolle, mais bien en introduisant leur trompe par l'extrémité opposée. IT résulte de cela que si les Eristalis, les Apis, les Bombus, etc., ne fécondent que la forme mauve, ce nest pas qu’ils dédaignent les autres variétés, mais seulement que la sécrétion sucrée est chez ces dernières plus ou moins hors de leur portée. Quel est donc l'obstacle qui les arrête ? Si l'on se reporte à la description donnée plus haut de leur mode d'agir et de la structure des Pentstemons, on se convainera que ce n'est pas la longueur de la corolle qui produit. par elle-mème, la différence, puisque les insectes y entrent tout entiers. Le diamètre du tube de la corolle ne peut pas non plus être invoqué : il est presque le même chez toutes les formes et, de plus, nous nous sommes assuré que toutes ces corolles sont suffisamment larges pour contenir la plupart des insectes qui visitent la forme mauve. Le diamètre ne peut done avoir qu'une influence secondaire et seulement pour quelques rares Bombus de grosse taille, Nous sommes amené ainsi, nécessairement, à conclure ( 190 ) comme nous l’avons déjà laissé pressentir, que la cause de beaucoup la principale, sinon la seule, qui détermine la pré- férence des insectes, est l'inégale distance, chez les diverses variétés, entre le point où s’incurve le staminode et le fond de la corolle. Cette distance représente la longueur de trompe nécessaire pour puiser tout le nectar : elle est en moyenne de 15"" chez la variété écarlate et chez la variété rouge-foncé, de 12m ;/2 chez la variété rose, et de 8" chez la forme mauve(l). Quant à la distance qui sépare la surface du nectar du point où se courbe le staminode, elle mesure en moyenne 8" chez la variété rouge-foncé et la variété rouge-écarlate, 7 1/2"" chez la variété rose et 4mm seulement chez la forme mauve. Voici maintenant un exemple : Une abeille capturée sur ces plantes avait une trompe q'i, tout à fait dépliée, mesurait de 7 à 8"; selon M. H. Müller, l'Eristalis tenax en a une de 7 à 8mm aussi. Tous deux pouvaient done sucer presque complètement le nectar de la forme mauve, atteindre la surface de celui de la variété rose ct, à un degré moindre, de la var. rouge-écarlate et de la var. rouge-foncé. En été, les fleurs étant abondantes, ils ne visitaient que les nectaires qu'ils pouvaient vider sans trop de peine; en automne, la disette menace : aussi se contentaient-ils quelquefois d’une faible quantité du liquide. Le tableau suivant renferme les moyennes de plus d'un millier de mesures que nous avons prises sur les Pentstemons. La première colonne donne la longueur (1) La variété blanche est ici omise pour des motifs exposés plus loin, p. 1953, (191) totale de la corolle depuis son insertion jusqu'à l’extré- mité de son lobe le plus proéminent; la seconde, la lon- gueur du tube seul, sans les lobes, c'est-à-dire depuis l'insertion jusqu’au point où les deux lèvres se séparent ; la troisième, le diamètre approximatif de l'entrée et de la région moyenne du tube. La quatrième colonne indique la distance du fond du tube au point où le staminode cesse d'être soudé à la corolle et se recourbe vers le bas : cette colonne montre donc quelle longueur de trompe est suffi- sante pour épuiser complètement la provision de nectar ; tandis que la cinquième colonne fait connaitre quelle lon- gueur permet tout juste d'arriver à la surface du liquide, car elle représente la distance séparant le point d'incurva- tion du staminode, de la limite supérieure du renflement nectarifère que portent deux des étamines (et jamais nous n'avons vu la couche de nectar dépasser ce niveau). Toutes les mesures sont en millimètres. (192 ) jounoridoxo 9 OI, $ SU) un SUP : IT, ST CTIS'OH SIT G 6 PU juuondooxa -uordooxo se9 seo un suëp ‘9 G'6 g lun suep ‘G'I}l GT O1! 11 9 6 71. 6 1S'01 € 7 L Or 8 01 c G 6 G'Or ST] © = EE © < = E = es ‘9A49Sq0 one *9A495{0 Eliane) E SE|S SE) £ IES 3 L..2 — où UIDUTI UT 2E| 5 CU UT 4E| 5 |52| $ a = Ce = A ER 2 RD EL TT, A © NS 3110H09 VIT AG AJNL NQ 4110109 aNo4 nv v'T AUONINVES A4 NOTLVAUNONL AlYqonINYES NA NOILVAUAONI QÎaq FANE NQ ENIO4 NA AIN VESIA ZNIO4 Na HONVESIQ AULANVIA sors RSR pee 4 6 Le "AI ‘HI | s£ 97, €7 le 8S | Fr} 17 7£ 19'6£, 9£ Se ET RL | 9G 6G ZG ces n ©, Zn 4 D se = 2 el 0 PR a. € se [= BAS CUIR ‘411009 VI aq AUNL na HATNINOT ‘IT * * * JIA-0S04 262340} ‘4 * + oue]q (&) 26am7407 ‘d * ‘+ aAneu sopounUob ‘q qo qo TUNULIX EI WU UI ‘ ‘ | *9A49S *9AUI9S 1 | ‘SAHAUASAO SALHIUTA ‘4110409 VT aq a'iVLOL HAININOT Ly 09 * 09811899-080041 26907340} ‘d Ly 68 * _ 9ou0J-98n04 2090740] ‘d " ah — ( 195 ) Les grands diptères et les hyménoptères qui visitent les Pentstemons n'ont guère été vus sur la var. rouge-foncé et sur la var. écarlate, quelquefois sur la variété rose et extrêmement souvent sur la forme mauve. C'est là préci- sément l'ordre que faisaient prévoir les moyennes des colonnes IV et V du tableau. Cas de la variété blanche. — Ïl n'y a qu’une difi- culté. Pourquoi la variété blanche n'est-elle pas, confor- mément à la même loi, visitée encore plus souvent que la mauve ? Jusqu'ici, nos recherches ne nous permettent pas de résoudre définitivement cette question. Cependant nous avons vu parfois l'un ou l’autre insecte butiner sur cette variété et, d'autre part, elle semble positivement moins nectarifère que ses congénères. Peut-être est-ce là le motif — ou l’un des motifs — qui, malgré son accès facile, la fait négliger par les insectes. Nous ferons également observer que cette variété se singularise à divers points de vue et ne parait done aucunement pouvoir infirmer ce que des observations nombreuses et concordantes ont établi pour les autres formes. La particularité physiologique de son délaissement est accom- pagnée d'une constitution morphologique spéciale aussi. Sa panicule a les rameaux plus étalés, moins touffus que les quatre autres formes ; son calice est plus ouvert, plus profondément partagé en divisions plus étroites; ses trois sépales supérieurs ont perdu (très-probablement en corrélation avec la couleur blanche de la corolle) la teinte violacée qui, pendant la floraison, se retrouve chez les autres variétés. Les feuilles sont plus étroites et leurs bords sont assez fortement onduleux-crépus. Si cette variété blanche existe sauvage au Mexique avec le (194 ) Pentstemon Hartwegi type (1), elle s'y est peut-être (?) adaptée aux visites d'insectes nocturnes. Cela expliquerait à la fois son délaissement, sa couleur blanche et le peu d'abondance de son nectar pendant le jour. Des études nouvelles peuvent seules élucider cette question. Effets ultérieurs de la préférence des insectes et transformation du P. Hartivcegi par sélection maturelle. — Nous avons montré la cause de la préfé- rence des insectes pour le Pentstemon gentianoides au détriment des Pentstemon Hartwegi ; il reste à indiquer l'influence ultérieure que cette préférence exerce. Si réel- lement l’autogamie n'est pas facile chez ces espèces et si les insectes sont des agents efficaces dans la fécondation, nous devons nous attendre à voir la forme mauve mieux fécondée et plus fructifère que les autres. C'est ce que l'observation confirme pleinement. Nous avons examiné au microscope les pistils d’un certain nombre de fleurs peu après la chute des corolles : les stigmates appartenant à la forme mauve étaient en général tout saupoudrés de pollen, tandis que ceux des autres variétés en étaient pri- vés où n'en présentaient que quelques rares grains. Quant aux capsules fertiles, c’est également la forme mauve qui en porte le plus : chez elle presque toutes les fleurs fructifient, et chez les autres on remarque à côté d’un bon nombre de capsules, quantité d’ovaires qui n'ont pas été fécondés. Voici le détail de nos observations à ce sujet : # inflorescences de la forme mauve ont porté ensemble 90 fleurs dont 65 ont produit des cap- sules en apparence bonnes, soit 70 °/; 6 panicules de la variété rose ont ————— (1) On n’a signalé jusqu'ici comme sauvages que la var. écarlate et Ja var. rouge-foncé (Benraam, in DC. Prodr., X, p. 525). (195) donné 69 fleurs, sur lesquelles 52 ont produit des capsules en apparence bonnes, soit 46,4 °/, ; 5 panicules de la variété rouge-foncé ont produit 94 capsules en apparence bonnes, sur 74 fleurs, soit 45,9 e; et 5 pani- cules de la variété rouge-écarlate ont produit 22 capsules en apparence bonnes, sur 48 fleurs, soit 45,8 °/,. — Comme il y a une infinité de degrés entre une « bonne » et une « mauvaise » capsule, et que c’est là une cause d’erreur, nous nous sommes à dessein montré plus sévère dans lPappli- cation du terme « bonnes capsules » à la forme mauve qu'aux autres, afin de ne pas surfaire la stérilité de ces dernières, Ce qui prouve que nos chiffres ne sont nullement exagérés, c’est que dans une détermination de contrôle, nous avons trouvé seulement 28,6 °/, de bonnes capsules sur deux branches des variétés rouge-écarlate et rouge-foncé. Ce qui le prouve encore bien mieux, c’est l’examen du nombre de graines par capsule. Pour rendre cette comparaison aussi impartiale que possible, nous l’avons faite d’après deux méthodes. Nous avons d’abord compté à la loupe, pour chaque variété, le nombre de graines bonnes ou assez bonnes (en regar- dant comme telles toutes les graines qui ne sont pas complètement avor- tées) dans toutes les bonnes capsules d’une même panicule ; puis nous avons compté d’une facon semblable le nombre de graines dans quelques-unes des plus belles capsules des autres branches. Voici les résultats : les 10 cap- sules d’une inflorescence mauve renfermaient 990 graines, soit 99 en moyenne par capsule ; en outre, 5 des plus belles capsules mauves en ren- fermaient 425, ou 141 par capsule : la moyenne de ces treize capsules donne 108 à 109 graines par capsule. Chez la variété rose, les 8 capsules d’une même inflorescence contenaient 257 graines, ou 52 par capsule; mais comme deux de ces huit capsules étaient assez mauvaises, ne renfer- mant ensemble que 5 graines, il est peut-être plusjuste de ne pas les compter : on obtient alors 42 graines par capsule, comme moyenne des 6 autres. Les 4 plus beaux fruits des autres branches de cette variété ont donné 249 graines, ou 62 par capsule. La moyenne générale est done, pour la variété rose, de 42 graines par capsule ou, si l’on élimine les deux mau- vaises capsules, de 50 graines. La plus belle branche de la forme rouge- foncé portait 8 capsules, renfermant ensemble 282 graines, soit 55 par capsule ; les deux plus belles capsules des autres branches ont fourni 169 graines, ou 84 par capsule ; la moyenne de ces dix capsules étant ainsi de 45 graines par capsule. Chez la variété rouge-écarlate, les 6 meilleures capsules d’une inflorescence, qui n’était malheureusement pas très-belle, contenaient 124 graines seulement, soit 21 par capsule, où 50, si l’on éli- 16 ( 196 ) mine deux capsules ne renfermant ensemble que 3 graines. En outre, les & plus belles capsules des autres branches n’ont donné que 76 graines, ou {9 par capsule ; ce qui porte la moyenne des dix capsules de cette variété à 20 graines, ou à 25 si l’on supprime les deux mauvaises capsules. Comme contrôle, nous avons trouvé dans deux capsules remarquablement belles et appartenant aux variétés rouge-écarlate et rouge-foncé, 129 grai- nes, ce qui fait 64 à 65 par capsule. Si l’on combine la donnée du nombre pour cent de bonnes capsules, avec le nombre moyen de graines par capsule, tiré de l’observation de toutes les bonnes capsules d’une inflorescence, on trouve que pour chaque 100 graines de la forme mauve, il en mürit 28 de la variété rose, 25 de la variété rouge-foncé, et 20 de la variété rouge-écarlate. A tous égards done, la forme mauve est notablement plus fertile que ses rivales, et celles-ci se suivent dans l’ordre qu’on pouvait prévoir : la variété rose d’abord, et les deux variétés rouges ensuite. C’est là une conelusion bien certaine, quel- que incertains que nos chiffres soient nécessairement dans le détail. Ajoutons enfin que souvent les graines de la forme mauve sont sensible- ment plus belles que les autres, et que toujours elles mürissent de beau- coup les premières. Pour terminer ce qui a rapport à la fertilité, voici les résultats trouvés pour la variété blanche, qui comme nous l’avons montré, n’est pas tout à fait comparable à ses congénères : 6 inflorescences portaient 111 fleurs dont 78 ont donné des capsules en apparence bonnes, ou 70°}, comme pour la forme mauve. Mais le nombre de graines par capsule est beaucoup plus petit que chez cette forme : les 12 capsules d’une belle inflorescence appartenant à la variété blanche, contenaient 695 graines, c’est-à-dire 58 par fruit ; en outre, deux des plus belles capsules des autres branches ren- fermaient 205 graines, soit 102 à 105 par capsule. La moyenne de ces 14 capsules est de 64 graines par capsule. — Ainsi cette variété est, par sa fécondité, intermédiaire entre le P. genlianoides et les P. Hartwegi à fleurs colorées. Était-elle visitée la nuit par quelques insectes ? Peut-être. Ou bien faut-il la regarder, de même que cette « White variety » du Mimulus luteus dont parle M. Darwin (1), comme une variété où l’autocarpie est exceptionnellement favorable ? Cela est également possible. Les différents chiffres que nous ont fournis nos observations sur les fruits des Pentstemons, sont résumés dans le tableau suivant, qui n’a pas besoin d’autre explication : (1) Darwin, The Effects... etc., p. 78-81. 3 CHEN) 06 £G 86 6G HANVN ANUOA| "SHAATA 00! VT aq SANIVU9 (OI AAÜVHO YAOd SANIVU9 AQ |AILVNIXOUWddY AUANON Uvd S4ALIAGOUY SANIVUN9 4q AUTNON £8 c6 907 GOr ATANAYD | SAINS As SNOLLVAUTS sAvagauasao| “10,4 Fonovne | SUUS XNIU AUANON BEN ANNTLOM a Pam ce ISO L 67 78 C9 0 8° qe 6°7 41 797 8g OZ 66 02 *SHIASdAVO *AONAOSAU SATIAA “OAI ANA | sun 314 DOI STAd Ha 4) n S4INSAY dô* 4NÙ SANNOY SAT S4T0Sdavo LNVIANON SILAOL AN NT ENVIANOD Na| SAINNO4 44 D — INANON "ATNSAVO ANNOH UVA SANIVU9 A4 HAHANON 9)8[4899-98n04 262mJu0p] ‘d *g9u0/-98n04 29m} ‘J * _* JIA=9S01 20} ‘d * ‘ouejq (é) oouanyy ‘q * 2ANEUL S9pP10UDYUID "SATAUASIO SALAHIUVA EEE ————_—_—_—— (198 ) La particularité physiologique que nous avons tâché d’élucider est certes un détail peu important en soi-même. Il n'est toutefois pas sans intérêt, semble-t1l, de connai- tre les conséquences considérables pour la fécondation et la multiplication d'une espèce, que peuvent occasionner des différences minimes dans la soudure d’un organe secondaire, comme un staminode. C'est un exemple qui montre bien l'importance des moindres variations lors- qu'elles ont un rapport — füt-il très-indirect — avec le phénomène capital de la pollination par les insectes (1). Il est presque certain, après ce que nous venons de voir, que si le Pentsiemon gentianoides et le P. Hartwegi étaient livrés à eux-mêmes aux environs de Bruxelles (en supposant que ces deux espèces supportent d’ailleurs exactement de même toutes les conditions extérieures), celui-ci ne tarderait guère à être vaincu par celui-là dans la concurrence vitale, — & moins que la sélection naturelle : ne produisit chez le Pentstemon Hartwegi une diminu- tion dans la distance qui sépare le fond de la corolle du point d'incurvation du staminode. Une telle modification est-elle possible ? Dans certaines circonstances favorables, cela ne parait guère douteux. Examinons d'un peu plus près la question, ce qui nous fournira l’occasion de comprendre, une fois de plus, la manière d'agir de la sélection naturelle et, en méme temps, de soumettre le transformisme à une épreuve diflicile, l'épreuve des faits précis et des détails minutieux. La condition première de toute sélection chez un être (1) Un fait très-remarquable et du même ordre a été signalé par M. H. Müller chez les ÆEpipactis (Befruchtung der Blumen, etc., p. 81), et M. Darwin en cite plusieurs dans son ouvrage classique sur les Orchidées. UC organisé est une certaine variabilité du caractère à modi- fier. Le tableau donné plus haut (p. 192) montre que cette variabilité existe ici: chez la forme rouge-écarlate, par exemple, la distance depuis le point de courbure du sta- minode jusqu'au fond du tube corollaire varie de 15 à 11%" et exceptionnellement 9%», de telle sorte qu’il y à bien plus de différence entre ces deux valeurs extrêmes qu'entre la plus petite d’entre elles et le maximum de 9%, observé chez la forme mauve. De mème, si l'on compare les chif- fres de la colonne V, on voit que 10®® et 6mm, maximum et minimum respectifs de la forme écarlate, sont bien plus distants entre eux que le dernier de ces nombres ne l'est du maximum offert par la forme mauve, 5%", Nous savons aussi que les différents Pentstemon Hartwegi, quoi- qu'ils soient chez nous extrêmement peu visités en compa- raison de leur rival le P. gentianoides, ne sont cependant pas absolument délaissés. Les insectes butinent queique- fois dans ces fleurs, et l’on peut en voir essayant d'y pénétrer et ne les quittant que parce qu'ils sont trop tôt arrêtés par la courbure du staminode. Parmi toutes les fleurs de la variété écarlate du Pentstemon Hartwegi, pour continuer notre même exemple, celles qui offrent la moindre distance entre le point d'incurvation du stami- node et le fond de la corolle sont nécessairement les plus visitées, sinon les seules visitées par les hyménoptères et les syrphides. Ces fleurs-là sont donc seules aussi fécondées par allogamie, tandis que les autres fleurs de la même variété ne peuvent l'être que par autogamie et restent souvent stériles. Comme l'ont démontré les belles expériences dont nous avons parlé (p. 61-65), les descendants d’un croisement tendent toujours à l'emporter sur les produits de l'autogamie ; de sorte que, dans le cas ( 200 ) actuel, ils seraient non-seulement les plus nombreux, mais encore très-probablement les plus robustes et les plus viables. Ces plantes, issues de l’entre-croisement de tou- tes les fleurs où la distance que nous considérons est inférieure à la moyenne, offriraient, en vertu des lois de l'hérédité, une forte proportion de fleurs où cette distance serait également au-dessous de la moyenne. Or si l'on songe à ce fait et au peu de progéniture que laisseront les fleurs où la distance considérée est supérieure à la moyenne, une conséquence est facile à prévoir : chez la nouvelle génération, la distance moyenne ne mesurera plus tout à fait 15""; elle sera moindre. La moyenne étant déplacée, le maximum et le minimum le seraient sans doute aussi et se trouveraient, comme elle, diminués. Dans cstte seconde génération, ainsi que dans la premiére, les insectes visiteront le plus les fleurs où la distance qui sépare le point d’inflexion du staminode et le fond du tube est au-dessous de la moyenne ; et le moins, celles où la distance est au-dessus de la moyenne. Les premiè- res jouissant des bénéfices de l’allogamie, laisseront une descendance prépondérante par le nombre autant que par la vigueur ; et, grâce à l’hérédité, dont l’exemple du Pavot (cité plus haut p. #7) montre si bien l'action sans cesse accumulatrice, la distance moyenne sera encore amoin- drie. Et ainsi de suite, chaque année. Quand même la moyenne ne diminuerait que d'une minime fraction de millimètre à chaque génération,quand même des causes perturbatrices étrangères viendraient enrayer çà et là la sélection naturelle, qui peut douter que ces phénomènes, — dont pas un seul, en somme, n’est hypothétique, — ne donnent graduellement naissance à une forme végétale différente de notre Pentstemon Læ ( 201 ) Hartwegi écarlate? Chez cette forme nouvelle, la distance dont nous parlons serait devenue moindre et mesurerait sans doute 8"" environ, comme chez le P. gentianoi- des. La diminution n'irait très-probablement pas au-delà, car elle serait alors nuisible et par conséquent empêchée par la sélection naturelle. Au-dessous d’une limite voisine de 8"®, le staminode ne saurait plus en effet accomplir sa fonction principale : écarter du nectar les insectes trop petits, à trompe courte, qui, ne remplissant pas la cavité florale, ne peuvent point effectuer la fécondation de la plante et lui déroberaient son nectar sans profit pour elle. Ainsi serait formée peu à peu, dans la suite des temps, une espèce nouvelle. Et si l’on tient compte des variations corrélatives qui lient, par un réseau de dépendances réciproques souvent si complexe, les organes les plus divers du végétal, notre espèce nouvelle serait probable- ment aussi distincte du Pentstemon Hartwegi actuel, que . celui-ci l'est du P. gentianoïdes. Mais, objectera-t-on peut-être, pourquoi cette transfor- mation ne s'est-elle pas déjà accomplie ? Commentse fait-il que le Pentstemon Hartwegi existe et persiste tel qu'il est? La réponse est facile. Les divers Pentstemons étudiés dans cette note sont des plantes mexicaines. La faune entomo- logique du Mexique est fort différente de la nôtre : les insectes fécondateurs ne sont pas les mêmes là-bas qu'ici. Dès lors, il est tout naturel que des végétaux qui, pour s'adapter à notre faune, devraient se modifier, soient cependant dans leurs forme actuelle adaptés à la faune du Mexique. Faisons même un pas de plus. Chez nous il y à plusieurs insectes dont la trompe suffirait amplement à atteindre le nectar du Pentstemon Hartwegi écarlate. Mais les uns, — beaucoup de lépidoptères, par exemple ( 202 ) — négligent cette . plante sans que nous en puis- sions assigner le motif précis; les autres, d’ailleurs fort bien appropriés à ce type floral, ont l'abdomen trop gros : tel est le cas du Bombus hortorum, dont la trompe atteint 18 à 21%% (H. Müller), mais dont le corps à 10 à 15" de diamètre. Les insectes qui visitent habituellement Île Pentstemon Hartwegi, dans sa patrie, doivent done joindre à une trompe égalant presque celle de notre Bombus hor- torum, un abdomen moins volumineux, plus étroit et plus allongé. Nous ignorons s'il y a réellement au Mexique soit des diptères, soit, chose plus vraisemblable, des hyménoptères qui satisfassent à ces conditions et qui, sur- tout, visitent le Pentsiemon Hartwegi. Il serait fort à désirer qu'un naturaliste de ce pays voulüt bien soumettre notre conjecture au critérium de l'observation directe. Mais la possibilité de semblables hyménoptères est sufli- samment prouvée par l'existence, entre autres, d’une espèce de l'Amérique centrale : l’'Eulaema fasciata Lep. St. Farg., a une trompe de 15 à 19"® et un diamètre qui ne dépasse guère 9 à 10m. Remarquons enfin que, dans une partie du Mexique même, l'évolution ultérieure du P. Hartwegi ou d’une forme fort analogue parait s'être effectuée dans le sens que nous indiquons (1). Car si l’on recherche ce que serait un P. Hartwegi adapté à des insectes à trompe assez courte, et perfectionné aussi dans quelques traits secondaires, on arrive non point à une plante imaginaire, mais à une forme très-réelle, qui n’est autre que le P. gentianoides. (1) Le P. genlianoides et le P. Hartwegi habitent au Mexique des loca- lités distinctes dont les faunes peuvent très-bien ne pas être identiques. ( 25) On sait déjà que cette espèce ne réclame pas une trompe d’insecte aussi longue que le P. Hartwegi. I reste à montrer brièvement que ses autres caractères peuvent être expliqués par la sélection des variations du P. Hart- wegi favorables à l’allogamie. Il importe surtout de faire ressortir que l’on observe précisément chez le P. Hart- wegi la plupart de ces variations que la théorie exige. Une panicule dense, unilatérale facilite aux insectes la visite rapide des fleurs, ce qui les engage à revenir et leur permet d’en féconder un grand nombre en peu de temps. La forme ventrue de la corolle est très-commode pour les hyménoptères et les gros diptères, et adapte mieux la fleur à leurs visites. Or deux variétés du Pentstemon Harthwegi, la rose et surtout la blanche se rapprochent par leur forme corollaire du P. gentianoïides ; et d’autre part ce dernier, comme le montre une planche de Kunth (dans le voyage de de Humboldt et Bonpland, IE, tab. 172), n'a parfois qu'une corolle faiblement dilatée. Chez une autre espèce du genre, le P. campanulatus Willd., la corolle est tantôt ventrue, tantôt subtubuleuse. La teinte mauve violacé parait plus sympathique aux Apides que le rouge. En effet, le violacé domine parmi les fleurs que ces insectes visitent de préférence (Campanula, Gentiana, Digitalis purpurea, nombreuses Labiées, Centaurea Jacea, Iris, Viola, etc., etc.) et, chez quelques hyménoptères (Xylocopa violacea, ete.), la sélection sexuelle semble avoir donné naissance à la même coloration (1). D'ailleurs 1) Le jaune semble également plaire à beaucoup d’Apides : nombre de fleurs qu’ils butinent sont jaunes (/ris, Primula, beaucoup de Papiliona- cées, etce., etc.). Peut-être faut-il rapprocher de ce fait la couleur jaune que ( 204 ) la couleur de la corolle est fort variable chez les Pentste- mons, non-seulement dans les cultures, mais encore à l’état sauvage : c'est ainsi que le P. Hartwegi est « cocci- neus vel atropurpurascens » et le P. pubescens Soland. plusieurs de ces insectes présentent eux-mêmes; d’autant plus qu’elle est parfois spéciale à l’un des sexes, ce qui est un indice de sélection sexuelle (Darwin, Descent of Man, 24 edit., p. 292). Il y a même des Apides qui offrent à la fois les deux couleurs, violet et jaune : chez le Xylocopa aestuans L. et le 4. caffra L., les mâles sont jaune-sale, les femelles vio- lettes et jaunes. L'identité de coloration de certains insectes avec les fleurs qu’ils fécon- dent est fort remarquable. Pour amener cette identité, deux causes modi- ficatrices peuvent surtout agir sur l’insecte : 1° La sélection sexuelle, faisant prédominer chez lui la teinte qu’il préfère et dont 1l provoque involontai- rement la fixation chez la fleur. Nous avons, dans ce cas, un renseignement sur les goûts esthétiques de l’insecte. 2° La séleclion naturelle, qui tend à confondre la couleur des insectes avec celle des corolles où ils se posent habituellement, parce qu’ils échappent mieux ainsi à la vue de leurs enne- mis. — Ces deux causes peuvent aussi agir jusqu’à un certain point sur l'odeur : certains insectes qui visitent les fleurs à parfum intense, répan- dent eux-mêmes une odeur forte (Cf. par ex., H. Müccer, Die Befr. der BI., eïc., p. 108). Toutefois ici ce sera surtout la sélection sexuelle qui sera entrée en jeu chez les insectes, et non la sélection naturelle, attendu que l’absence complète d’odeur les déroberait encore plus sûrement à leurs ennemis qu’une similitude d’odeur. — Quant aux modifications dans les couleurs et les parfums des fleurs, il va de soi que la plupart se sont fixées par une sélection naturelle due, en général, aux préfé- rences des insectes fécondateurs. Il y a pourtant des coloralions florales, peu nombreuses, qui ne sont pas attribuables à la sélection naturelle, par exemple celles qui proviennent de l’influence directe du sol (Hortensia), ou de phénomènes chimiques secondaires (couleurs des fleurs fanées); il y en à d’autres qui sont peut-être dues à la sélection, mais pas à celle qu’exercent les insectes : tel est le cas des quelques fleurs anémophiles colorées (à stigmates rouges, etc.). ( 205 ) « coeruleus, violaceus, roseus vel albus. » — La cour- bure des filets staminaux qui ramène les anthères sous la lèvre supérieure est éminemment avantageuse. Sans elle, les insectes seraient pollinés sur le dos et surles côtés, tan- dis que le dos seul arrive en contact avec le stigmate ; il y aurait done perte de pollen. Eh bien, cette courbure est un caractère parfaitement fixé chez le P. gentianoides et elle y affecte les étamines encore très-jeunes. Chez les divers P. Hartwegi elle n'a lieu au contraire que plus tard, et se montre moins accentuée et soumise à des fluctuations notables. [l en est de même, nous l’avons vu, pour la forme bilabiée de la corolle, assez peu évidente et très-variable chez les P. Hartwegi, et si bien adaptée chez le P. gentia- noïdes à protéger les organes sexuels par la lèvre supérieure et à offrir la lèvre inférieure (« tavola d'appulso » Del- pino) à l’abord des insectes. Il en est de même encore du mode de déhiscence des anthères. Si l'on dissèque un bouton floral très-jeune, on voit que la disposition des anthères y ressemble à ce qu'elle est chez la majorité des végétaux : deux thèques (1) parallèles au filet, verticales, réunies par le sommet et légèrement divergentes vers le bas. Pendant la floraison, les deux thèques s’écartent peu à peu, diver- gent de plus en plus et finissent par se trouver sur le prolongement l'une de l'autre et par ne former qu'une ligne. La déhiscence s'opère alors par une fente qui se continue sur trois des bords de l’anthère, le quatrième servant de charnière en quelque sorte; et lanthère s’'épanouit à peu près à la facon d'un livre qui s'ouvrirait complètement. Quant à la ligne que forment les deux (1) Voy. plus haut, p. 129, note 2. ( 206 ) thèques, elle serait perpendiculaire au filet, si les thèques étaient restées parallèles au filet avant leur divergence. Mais il n'en est pas ainsi : déjà dans le bouton jeune du P. gentianoides, et plus tard, avant l’anthèse, chez le P. Hartwegi, le filet subit une torsion de 90° vers le point où s'attache l’anthère, ce qui rend les deux moitiés de celle-ci désormais horizontales et perpendiculaires à leur direction primitive. L'écartement des thèques et leur déhiscence s’opérant comme nous l'avons dit, leur direc- tion finit par être de nouveau celle du filet staminal et de l’ensemble de la fleur. Cette disposition favorise, d’une manière évidente, le transport du pollen : gräce à elle, ce n’est que la région médiane du dos des insectes qui se trouve pollinée, et c'est précisément cette région seule. qui effleurera le stigmate (D. Dès lors, il est tout naturel que la survivance des plus aptes ait fixé ce caractère existant déjà chez le P. Hartwegi, mais variable, souvent imparfait, et que nous le retrouvions perfectionné et s'annonçant à une période organogénique moins avancée chez le P. gentianoïdes, si celui-ci descend du premier ou de quelque forme extrêmement voisine. Enfin, rappelons-nous que les poils dont l'extrémité du stami- node est couverte chez le P. Hartwegi y varient fort en longueur et en abondance : nous avons vu des fleurs où ils sont presque nuls. Il ne sera pas difficile alors de concevoir que ces poils aient disparu tout à fait chez le P. gentianoides; d'autant plus que, d’après nos observations rapportées plus loin, ils ne paraissent point (1) M. Occe (Pop. Sc. Rev., jan. 1870, p. 50) a observé un fait analogue chez la Digitale et il l'interprète aussi de cette facon. ( 207 ) avoir de fonction et que très-certainement la fécondation de la plante s'effectue bien sans eux (1), — Concluons : il n'est nullement improbable que le Pentstemon gentianoi- des G. Don soit descendu, par variation, survivance des mieux adaptés et hérédité, du P. Hartwegi Benth. Travaux de WA. Belpino, Ogle et Kerner. — La préférence des insectes pour une forme de Pentstemon n'avait point encore été signalée, pour autant que nous sachions. Mais d'autres recherches intéressantes ont été publiées sur ce genre, et il importe d'en dire maintenant quelques mots. Nous voulons parler de celles de MM.Del- pino (1869), Ogle (1870) et Kerner (1876)U). Le premier n'a malheureusement pas indiqué les espèces étudiées par lui, de sorte qu'on peut lui reprocher de généraliser trop vite et d'appliquer aux Chelone et Pentstemon globalement ce qu'il n’a vérifié que pour quelques formes. Aussi ver- rons-nous que certaines des observations et des déductions de cet ingénieux et savant botaniste, — exactes peut-être pour les plantes qu'il à étudiées — ne sont pas applicables (1) M. Benrau (in DC. Proûr., X, p. 525) assigne pour caractère au P, gentianoïides aussi bien qu’au P. Hartwegi, « filamentum sterile gla- brum apice retusum. » Or, nous avons remarqué en général au moins quelques rares poils chez le P. Hartwegi. Les exemplaires étudiés par M. Bentham en étaient-ils privés ? C’est possible ; toutefois le Botanical Magazine (tab. 5661), auquel il renvoie, représente ces poils d’une façon très-visible et les signale. En tous cas, la diagnose du P. Hartwegi doit être modifiée comme suit : « filamento sterili apice hirtello (vel interdum glabro ?). » (2) Decpino, Atti Soc. Ital. Sc. natur., XII, pp. 101, 107, 109 ; XVI, pp. 242, 248, 251, 255, 264, 510, 520, 545; XVII, p. 312. — W. Ocze, Pop. Sc. Rev., jan. 1870, p. 51. — A. Kerner, Schutzm. der Blüthen gegen unberuf. Gäste, pp. 195, 241. ( 208 ) au Pentstemon gentianoïdes et au P. Hartwegi. Les Pentste- mon rentrent, pour M. Delpino dans la « forme nototribe » (c'est-à-dire pollinant le dos des insectes) du « type digitali- forme, » parmi les « appareils en tube ; » et ceux-ci consti- tuent la troisième classe des « plantes zoïdiophiles » ou fécondées par l'intermédiaire des animaux. Ils sont caractérisés, avec les Jacaranda (Bignogniacées), par une « neltarovia » (c'est-à-dire un organe guidant les insectes de l'entrée de la corolle vers le nectar), « nettaroyia » que forme « l'étamine postérieure, courbée, couchée sur la lèvre inférieure et revètue de poils.» M. Delpino donne une description assez com- plète de ces fleurs, en signale la protérandrie et nous apprend qu'il les a vues fréquemment visitées par des Bombus, des Anthidium et des Apis. « Leurs étamines, » dit-il ensuite, «s’incurvent d’abord de haut en bas, puis, les anthères flétries, elles se récurvent de bas en haut. Le style, d'abord droit ou courbé vers le haut, s’incurve au contraire plus tard et épanouit le stigmate Îà où se trou- vaient auparavant les anthères. » L'observation au sujet des étamines ne concorde pas absolument avec ce que nous avons vu : ces organes sont, en effet, toujours appli- qués contre la paroi intérieure du tube corollaire et ne changent point de position. Un semblable mouvement de leur part serait d’ailleurs superflu, car les anthè- res, par le seul fait qu'elles se fanent, ne proémi- nent plus autant vers la cavité florale qu'auparavant. Quant au style, nous ne pouvons que confirmer ce qu'en dit M. Delpino. — La xénogamie, tout en étant fré- quente, n’est pas aussi inévitable que semble l'admettre cet auteur. Selon lui, les Apides butinent sur les inflores- cences de Pentstemon de bas en haut, et celles-e1 étant ( 209 ) protérandriques, les fleurs inférieures, parvenues au stade féminin, sont fécondées par le pollen des individus anté- rieurement visités; tandis que les fleurs supérieures sont dans le stade masculin et ne font que polliner le dos des insectes (1). Cette remarque que M. Darwin avait faite il y a longtemps chez les Spiranthes, est probablement appli- cable a toutes les plantes protérandriques dont les fleurs forment un épi. Seulement, chez les P. Hartwegi et P. gentianoides l'inflorescence est, non pas en épis, mais en cymes assez compliquées : des boutons d’àges différents se trouvent ainsi au même niveau. Îl en résulte que quel- ques fleurs moins avancées (stade masculin) se rencontrent presque toujours au-dessous de fleurs épanouies depuis plus longtemps (stade féminin) () : les visites des insectes qui vont de bas en haut doivent done produire assez souvent la gitonogamie. — Pour ce qui est du staminode, si remarquable dans le genre qui nous occupe, M. Delpino insiste sur les « poils abondants » dont cet organe serait couvert et lui attribue la fonction de servir d'appui aux hyménoptères et de les conduire vers le nectar. Mais les poils, on le sait, manquent chez le P. gentianoides ainsi que chez d’autres espèces ; et chez le P. Hartwegi ils ne sont ni bien longs, ni bien abondants. Quant à la fonction, si nous consultons M. A. Kerner, nous rencon- trerons une opinion toute différente. Dans son ouvrage sur « les Modes de protection des fleurs» , il figure et expli- que brièvement la structure du Pentstemon gentianoides. Nous ne relèverons dans cette description qu'une très- légère inexactitude. Le staminode n'est pas, comme il le (1) Derrino, Loc. cit., XVI, p. 545. (2) Cf. A.-W. Eicucer, Blüthendiagramme, p. 208. (240: ) dit et comme le représente son dessin, « inséré à 6-7" de la base de la corolle : » il est inséré à la base même de la corolle, ainsi que lés quatre autres étamines, et soudé avee elle sur une partie de son trajet. M. Kerner assigne comme fonction à cette cinquième étamine métamor- phosée, d’exelure du nectar les insectes à trompe eourte, trop petits pour remplir la cavité corollaire et pour effec- tuer l’allogamie. Enfin, M. W. Ogle regarde le staminode comme abso- lument sans usage, appréciation contre laquelle s’est déjà élevé M. J. Lubbock (1). Ainsi ces trois naturalistes arrivent à des conclusions extrêmement différentes et les derniers venus négligent même — chose pourtant indispensable, — de citer et de discuter les opinions divergentes émises antérieurement. Laquelle des trois opinions répond à la réalité? Le staminode est-il inutile, sert-il à écarter les intrus, ou à guider vers le nectar les insectes féconda- teurs ? Sux Ia définition da mot ( fonction. » Mais avant de chercher les fonctions du staminode, il nous faut ouvrir une parenthèse pour bien nous entendre sur le sens de la question. On ne saurait demander d’une manière absolue quelle est {a fonction de tel ou tel organe. Un organe a presque toujours plusieurs fonctions. Nous nous refusons en effet à sous-entendre dans ie mot « fonction » quelque vague conception métaphysique — c’est-à-dire étrangère, et nous ajoute- rions volontiers contraire, à la science. —Si l’on y regarde de près, il s’y cache bien souvent, sans qu’on s’en rende toujours compte, une semblable conception de « but pour lequel un organe aurait été créé, » Nous vou- drions donc que l’on définit simplement les fonctions d’un organe comme la somme des phénomènes que cet organe peut occasionner et qui exercent une influence sur l’organisme dont il fait partie, phénomènes qui peuvent (1) British wild Flowers, p. 157. (211) se produire quand cet organe existe et qui cessent, ipso faclo, par sa sup- pression. En d’autres termes, chaque capacilé que possède une partie d’un tout de produire un effet quelconque qui influe sur l’ensemble, voilà une de ses fonctions. Car l’observation ne nous montre jamais pourquoi tel organe est fait, comment il devrait agir, mais seulement comment il agit. A ce point de vue, c’est tout autant la fonction des dents de se carier, que de broyer les aliments. Sans doute, on peut séparer jusqu’à un certain point les fonctions pathologiques des fonctions physiologiques ou fonctions proprement dites, mais en se rappelant bien que cette distinction est essentiellement subjective : objectivement, il n’y a pas de démarcation tranchée. Ce n’est qu’en examinant si telle fonction se représente dans l’immense majorité des êtres d’une espèce donnée et si son résultat nous apparait comme avantageux à ces êtres, que nous distinguons les fonctions physiologiques, normales, des fonctions pathologiques, anomales. La chute des dents est physiologique pour les dents de lait, pathologique pour les dents définitives : le fait d’observation est le même, il n’y a que notre interprétation qui diffère. Nous avons seulement à nous oceuper ici de fonctions qui s’interprètent comme physiologiques. Mais en se restreignant même à celles-là, on doit reconnaître qu’un organe remplit presque toujours plusieurs fonctions (1). Ce n’est qu’en ayant cette considération bien présente à l'esprit qu’on peut comprendre ces changements de fonction d’un même organe dont la physiologie comparée nous offre tant et tant d'exemples. Les dents aident à retenir les aliments, les triturent, étayent les lèvres, servent d’appui à la langue pour la prononciation de certaines consonnes, etc.; — de quel droit l’un de ces actes sera-t-il regardé comme une fonction des dents, et les autres pas? La seule chose que l’on puisse dire, c’est que l’étude biologique de l’être nous enseigne que, parmi les fonctions de tel organe, il y en a de plus importantes, qui exercent sur l’ensemble une influence plus marquée et dont la suppression aurait des conséquences plus graves. Il y aura, si l’on veut, une certaine préséance pour quelques-unes des activités d’un organe, mais il serait étrange de soutenir qu’elles seules en forment la fonction. (1) Darwin, Orig. of Species, 6th édit., p.178, et O. Kuwrzr, Schutzmittel der Pflanzen, p. 5-6 (in Bot. Zeit., 1877) en fournissent d’intéressants exemples. 17 (212) Appuyé sur ces remarques, nous pouvons maintenant aborder le pro- blème du rôle du staminode. Fonctions du staminode. — Nous n'hésitons pas à dire que la fonction principale du staminode chez les Pentstemons est celle que lui assigne M. Kerner (1. Il n’est pas douteux que la protection de son nectar contre les atteintes des intrus soit importante pour toute fleur nectarifère : ce n'est en effet que la visite de certains insectes, de taille, de mœurs, de formes déterminées, qui lui procure l’allogamie. Cette protection était parti- culièrement utile aux Pentstemons, car ils ne sont fécon- dables que par des insectes assez gros pour occuper toute la cavité florale, et leur sécrétion abondante parait plaire à quantité d'hôtes nuisibles. C'est ainsi que dans une corolle de Pentstemon gentianoides nous avons observé une forficule qui avait à peine attaqué les deux étamines inférieures et le staminode, mais avait complète- ment dévoré les deux étamines nectarifères. Ces considéra- tions seules rendent déjà l'opinion de M. Kerner probable. Mais l’unique manière de résoudre le problème avec certi- tude est de ne point se contenter de déductions plus ou moins habiles, et d'observer l’effet réellement produit par l'étamine métamorphosée. On ne comprend bien une machine qu'en la voyant fonctionner. Or nous avons vu de nombreuses forficules arrêtées par le staminode et, comme nous l'avons rapporté plus haut, les hyménoptères et les gros diptères ne peuvent plus avancer dans la (1) Nous étions arrivé déjà à la même conclusion que ce botaniste, avant de lire son travail; soit dit seulement en passant, pour établir que nos recherches ont été faites d’une façon indépendante, de sorte que l’iden- tité de nos conclusions avec les siennes n’en est que plus significative, (215) corolle une fois que le staminode leur barre le chemin. Si les insectes dont la trompe est insuffisante délaissent presque complètement les Pentstemon Hartwegi, on sait quecestau staminode qu'il faut l’attribuer. Protéger le nectar est donc bien une de ses fonctions et, en général, il la remplite fficacement. Joue-t-il aussi, à côté de cela, le rôle que M. Delpino lui suppose. Nous en doutons (1). L'observation directe montre que les insectes fécondateurs, loin de s’accrocher au staminode, l'évitent en plaçant leurs pattes à droite et à gauche de cet organe. Ils ne s'appuient ni sur lui, ni moins encore sur les poils qui couvrent son extrémité. (1) Le staminode des Jacaranda qui est interprété par M. Delpino (Atti Soc. Ltal. Se. nat., XVI, p. 264) comme celui des Pentstemon, paraît ne guère répondre non plus à cette explication. Car, d’après les diagnoses et les figures, M. Delpino se trompe en disant que ce staminode se recourbe et vient s’appuyer sur la lèvre inférieure : il est droit et reste appliqué contre la partie supérieure du tube de la corolle (voy. Jacaranäa tomentosa, Bureau, Monogr. Bignon., pl. 21; Bot. Reg., 1. 1105 ; et J. mimosifolia, Bot. Reg., t. 651. — Don dit en toutes lettres de cette dernière espèce « filamentum sterile rectum. »). Il n’est donc pas possible que cet organe serve d’appui à des insectes. Peut-être fonctionne-t-il pour protéger le nectar et engluer, sur ses poils glanduleux, les intrus de petite taille (fourmis, etc.). C'est encore une fonction analogue de protec- tion que nous croyons devoir attribuer, par exemple, au staminode à base renflée de l’Adenocalymna nilidum, et à celui du Macrodiscus rigescens dont l'extrémité en crosse esl si curieuse. N’est-ce pas aussi par erreur que M. Delpino (Loc. cit., XVI, p. 227) accorde des poils terminaux aux staminodes du Chirita sinensis (voy. Bot. mag., t. 4284) ? Enfin pour ce qui est du Brillantaisia owariensis, il est au contraire probable, comme le pense M. Delpino, que les deux étamines stériles servent surtout d'appui aux insectes et ce n’est que secondairement qu’elles exeluraient du nectar les hôtes nuisibles. Toutefois tant qu’on n’aura pas observé la mes 1 d’agir des insectes, on ne saura rien de certain. | (214) Rappelons-nous d’ailleurs que chez la forme mauve, la plus visitée de toutes, il est glabre. L'expérience suivante fut instituée pour vérifier l'exactitude de cés conclusions : nous avons opéré la section complète du staminode chez une vingtaine de fleurs, appartenant à la forme mauve. Si le staminode servait d'appui aux hyménoptères, nous devions nous attendre à les voir abandonner ces fleurs ou les visiter plus difficilement; si, au contraire, il fonc- tionne surtout comme protecteur du nectar, son enlève- vement ne devait pas diminuer leurs visites. Les faits ont pleinement confirmé cette dernière interprétation, tandis qu'ils sont inconciliables avec l'hypothèse de M. Delpino. Un bourdon fut observé butinant, comme si de rien n'était, dans un grand nombre de ces fleurs. Une abeille en visita aussi plusieurs : elle semblait y reconnaître quelque chose d’insolite, car elle hésitait avant d'y entrer, mais une fois décidée, elle suçait longuement le nectar et sans difficulté apparente. C'est donc probablement à l'aspect de ces fleurs, différent de ce qu'elle s'attendait à voir, qu'il faut attribuer son hésitation. Car cette même abeille montrait parfois une défiance semblable devant d’autres Pentstemon gen- lianoides non privés de leur staminode, et il est établi aujourd'hui que les abeilles connaissent parfaitement la structure des fleurs où elles butinent : elles sont, suivant une heureuse expression de M. Darwin, « d'excellentes botanistes ». Il est donc fort douteux que le staminode serve comme point d'appui pour les insectes, et en tous cas, son rôle est en cela peu efficace et peu important. Sa fonction principale est d’exclure des hôtes inutiles ou nuisibles, en ne laissant qu'un étroit accès au nectar, Juste cuffisant pour une trompe d'insecte. C'est ce qui se trouve l'éisé du reste, chez divers végétaux, par une infinité de (215) dispositions les plus variées (D. Une fonction secondaire du staminode est peut-être de forcer l'inseete à soulever l'abdomen, ce qui amène un contact plus intime entre Île dos de l'animal et les organes sexuels de la plante et favorise ainsi la pollination. Les poils de son extrémité pourraient légèrement contribuer à cet effet, d'autant plus qu'ils sont raides chez la p'upart des Pentstemons. Enfin, comme le remarque M. Ogle (@), le staminode en se. fléchissant vers la lèvre inférieure, fait place au style. Celui-ci, sans la courbure du staminode, ne saurait se localiser sous la lèvre supérieure, comme il le fait dans la majorité des Labiatiflores. D'après notre définition, cette courbure a donc aussi une fontion : celle de laisser l’espace libre à l'organe femelle. Examens morphologique des Pentstemons ; comparaison entre les Scrophulariacées et les Solanées. — Passons à des considérations plus spéeiale- ment morphologiques. Nous voudrions d’abord appeler l'attention sur des rapports « phylogénétiques, » ou de filiation, pour l'étude desquels le groupe des Labiatiflores Bartl. est favorable à plusieurs points de vue, et que cer- tains Pentstemons nous paraissent mettre clairement en relief. Ce n'est point notre intention d'approfondir iei cette question intéressante et compliquée. Ce que nous allons en dire forme à peine quelques indications ébauchées au sujet des Scrophulariacées. Nous réclamons la plus grande indulgence pour cet essai, peut-être téméraire et à coup sûr très-imparfait, car la matière est aussi difficile que neuve. (1) Pour le détail, nous renvoyons surtout à KERNER, Schulzmittel d. Blüth. geg. unber. Gäste. (2) Loc. cit. RUE *) Un nombre considérable de faits nous portent à conclure que, SELON TOUTE PROBABILITÉ, LES SCROPHULARIACÉES NE SONT QUE LES DESCENDANTS MODIFIÉS DE CERTAINES SOLANÉES. Sans doute il y a des différences bien grandes entre une Douce- amère et un Muflier, une Stramoine et une Véronique, et cependant ces deux familles ont une foule de caractères communs et présentent plus d’un point de contact. Leur affinité a sauté aux yeux de tous ceux qui les ont étudiées comparativement. Cette affinité, — que nous regardons comme une parenté véritable, —-- est si profonde etsi réelle qu’il n'y a pas ur seul caractère absolument constant el général pour les séparer : c’est ce que les auteurs du Genera plantarum ont déjà fait voir (1), M. Eichler, dans ses « Blüthendiagramme », insiste sur ce que les deux carpelles sout toujours médians chez ies Scrophulariacées et presque tou- jours obliques, par rapport à la branche-mère, chez les Solanées. Nous avons cru d’abord que c’était là une objection grave à notre manière de voir. Car s’il est vrai que, selon M. Fichler lui-même, les Cestrum ont souvent les carpelles médians, et si ce caractère est variable chez diverses autres Solanées, il n’en semble pas moins constant chez les Salpiglossidées si voisines des Scrophulariacées à tous les autres égards. Mais l’objection perd de sa force si l’on considère que la position des carpelles n’a été observée que chez un nombre restreint de Salpiglossidées et que, chez celles où ils sont obliques, cette obliquité pourrait bien se rattacher à une torsion du pédicelle floral. Des études nouvelles sur cette question déli- cate et encore insuffisament élucidée, seraient fort désirables. D'ailleurs, d’après les planches en général très-exactes du Compendio della Flora Ltuliana, par MM. Cesati, Passerini et Gibelli, les carpelles seraient com- plètement transverses chez une Scrophulariacée, lErinus alpinus, qui se distingue aussi par ses stigmates répondant aux commissures el non aux dos des carpelles. Chez les fleurs médianes des Pentstemons observés par nous, les carpelles, au lieu de se trouver dans le plan du sépale 2, sont (1) Benraau et Hooker, Op. cèt., p.914, (217) dans le plan du sépale 1, comme chez les Salpiglossidées (ef. Eicauer, Loc. cit.). Une Gesnéracée, le Columneu Schiedeana, a aussi, d’après un diagramme de M Sachs (Traité de Bot., Trad. fr., p. 698, fig. 386), les carpelles nettement obliques (1), bien que la symétrie de tout le reste de la fleur soit médiane ; et cependant M. Eichler (Op. cit., p. 220) attribue à toutes les Gesnéracées, comme aux Scrophulariacées, des carpelles médians. Des variations dans la direction des carpelles par rapport à la branche-mère ne sont pas très-rares, par exemple chez les Gentianées. Enfin rien ne prouve que la ligne de descendance des Scrophulariacées passe par les genres de Solanées à ovaire oblique : ces genres ne sont peut- être que les représentants actuels de genres affines éteints, dont les car- pelles étaient médians comme chez les Cestrum. Mais ce sont là des ques- tions secondaires qui ne sont guère solubles dans l’état actuel de la science : le point principal à établir pour le moment, c’est le grand nombre de liens et de transitions insensibles qui rattachent encore les Serophularia- cées actuelles aux Solanées actuelles. Dans leurs formes typiques, les deux séries sont très- différentes, mais les termes inférieurs de la seconde vien- nent se confondre avec les termes les plus élevés de la première. Parmi les Solanées, les Cestrinées et surtout les Salpiglossidées, sont en quelque sorte un avant-goût des Scrophulariacées, de mème que parmi celles-ci les Pseudo- Solanées (Leucophyllum, Verbascum, Heteranthia, ete.), les Chionophila, les Pentstemon, les Chelone, etc., sont comme un souvenir des Solanées. Ajoutons encore quelques analogies dignes de remarque à celles que signalent MM. Bentham et Hooker. Plusieurs Scrophulariacées ont la corolle régulière comme la majo- rité des Solanées, plusieurs Solanées ont la corolle bilabiée el l’on a même signalé des variations dans ce sens chez le (1) Dans la quatrième édition allemande du Lehrbuch, M. Sachs signale expressément chez cette espèce, « die seitlich schiefen Placenten. » (218) Nicotiana sanguinea (1). Si les Solanées ont la corolle tantôt tubuleuse (Nicotiana), tantôt rotacée (Solanum), les Scrophulariacées offrent la même diversité (Pentstemon, d’une part; Verbascum, Veronica, de l’autre). Si les Solanées le plus proprement dites -— qu'on nous permette cette expression — ont pour fruit une baie charnue, indéhis- cente, nous voyons déjà, chez les Solanées voisines des Scrophulariacées, la baie devenir sèche et se transformer graduellement en capsule d'abord indéhiscente, puis déhiscente et septicide. De même, les Scrophulariacées dont le fruit est normalement capsulaire, déhiscent, souvent septicide, présentent parfois des capsules indéhis- centes (par exemple chez quelques Angelonia, selon MM. Bentham et Hooker) ou tardivement déhiscentes (Phygelius), ou même des baies. La forme de lembryon, d'ordinaire si constante, offre aussi des transitions bien instructives. L'embryon est courbe, spiralé même, chez les Solanées typiques, et droit chez les Scrophulariacées. Mais chez les premières on voit sa courbure s’atténuer peu à peu : alors qu'il forme plus d’un et demi tour de spire chez le Solanum nigrum, plus d'un tour chez l'Hyoscyamus, et près d'un tour chez l’Atropa, il ne consti- tue, au contraire, qu un demi-cercle chez le Lycium, il est à peine arqué chez le Nicotiana, et nous le trouvons tout à fait droit chez les Cestrum et plusieurs Salpiglossidées. De leur côté, les Scrophulariacées ont, dans la grande majo- rité des cas, l'embryon droit. Mais ce caractère, quoi qu’en aient dit quelques botanistes, n’est pas absolu : nous 4 devions nous attendre à trouver parfois une certaine (1) CLos, Essai tératolog. taxinomique, p. 50. (219) courbure chez les formes les plus analogues aux Solanées, et il suffit de la section d'une graine de Pentstemon pour confirmer cette prévision théorique. Le fait ne parait pas encore avoir été noté, mais l’embryon du P. gentianoides est tantôt presque droit, tantôt incurvé en are et décrivant le tiers, les deux cinquièmes ou mème /a moitié d'une circonférence ! Le plus souvent il est nettement courbé : il représente, en moyenne, un cinquième de circonférence ; c'est là une courbure presque double de celle du Nicotiana Tabacum. Voici du reste le détail des courbures observées chez onze graines des P. gentianoides et P. Hartwegi; les mesures ont été prises sur des dessins de préparations microscopiques faits à la chambre claire : Embryon n° [| : 1/2 cercle. — nl Ness) déecercle. — nl: 41/2 — Dan CA EN TS Gun en DE M ON EU NN ee tel Cr NES NS M ie —— n° VII : 18 —— — n° VIIL : 118 — —. n° IX :u1lh13 — —— no X : 116 — — n° XI : presque droit. Il y a mieux : un embryon courbe se présente excep- tionnellement parmi les Scrophulariacées les plus incon- tesiables. Le Linaria odora Fisch. se distingue, en effet, de ses congénères par son « embryone curvo ». À en croire la figure de M. Reichenbach (Icones, XX, tab. 1685 et p. 52) cet embryon représente plus de 1/4 de circonfé- rence. La courbure n'est pas toujours aussi forte, mais { 220 } toujours elle existe : nous avons observé nous-même des embryons de 1/6 de circonférence chez cette espèce. Par leur androcée, ce ne sont pas seulement les Salpi- glossidées qui se rapprochent des Personales (1) anisosté- mones et didynames ; on peut suivre les transitions, étape par étape, dans toute la famille des Solanées. Ainsi que M. Eichler le fait remarquer, les cinq étamines sont rigou- reusement égales chez les Solanum ; puis, une étamine se montre, d'une quantité minime, plus petite que les autres (Atropa, Lycium) ; puis, cette légère inégalité d’une étamine s’accompagne d'un faible excès d’allongement de ses d'eux voisines (Petunia nyctaginiflora); enfin une étamine devient stérile (Salpiglossis) et finit mème par disparaitre absolument (Browallia), tandis que les quatre autres se convertissent en deux paires didynames, où les voisines de l’étamine disparue sont tantôt les plus développées (Schizanthus retusus), et tantôt les plus courtes (Salpi- glossis sinuata) (2). Tous ces divers cas, toutes cesgradations délicates si bien faites pour donner à réiléchir à ceux qui pient la lente évolution des espèces, nous les retrouvons chez les Scrophulariacées. Mais la didynamie à laquelle sont progressivement parvenues les Solanées devient 1ci la règle, ainsi que chez les autres Personales. Comme chez les Solanées, cette didynamie provient de ce que les éta- mines adjacentes à la place vide de la cinquième sont ou les plus longues (Angelonia), ou les plus courtes (Digi- —— _ — == — (1) MM. Benth. et Hook. (Genera Plantarum) ont donné ce nom à la « cuhorte » de Labiatiflores qui comprend les Scrophularinées, les Oroban- chacées, les Lentibulariées, les Columelliacées, les Gesnéracées, les Bigno- niacées, les Pédalinées et les Acanthacées. (2) Eicurer, Blüthendiagramme, p. 204. ( 221 ) lalis, ete.) : ce dernier eas est le plus ordinaire. A côté de ces Scrophulariacées tout à fait caractérisées, il en est d'autres qui indiquent, comme les Solanées citées plus haut, le passage de l'isostémonie à l'anisostémonie : ce sont les formes qui n'ont pas dépassé les étapes inférieures de l’évolution de la famille ou qui, par atavisme, y font retour. Chez ces formes de transition, la variabilité de la cinquième étamine (l'étamine supérieure de la fleur) est extrème : c'était à prévoir. Les Verbascuin ont 5 éta- mines : mais tout à côté d'eux nous trouvons le genre Celsia qui ne s'en distingue par rien, sice n'est l’absence complète de l’étamine supérieure, et qui touche de telle- ment près aux Verbascum qu'il va jusqu à en reproduire les deux sections, Thapsus et Lychnitis. Les Bacopa, petit genre de deux espèces seulement, ont 5 étamines fertiles, presque égales : mais ils sont pour tout le reste de véritables Hespertis (sect. Bramia) (1). Chez les Capraria, la variation envahit le genre lui-même : sur les quatre espèces décrites dans le Prodrome, deux sont pentandres et deux tétran- dres@) Enfin chez les Sibthorpia, ee n'est plus de la varia- bilité, c'estun véritable désarroi que la fleur nous présente : elle est pentamère et pentandre (S. pichinchensis, S.retusa), ou bien la corolle est à 4-5 divisions et en mème temps il y à 4 à 5 étamines (S. africana), ou bien les divisions se multiplient, il y en a de 5 à 8, et le nombre des étamines oscille entre les mêmes limites (S. peregrina), ou bien enfin la fleur est pentamère et tétrandre, comme dans la majo- rité des Scrophulariacées (S. europaea). — Nous pouvons (1) Benraau, in DC., Prodr., X, p. 401. (2) M. Benrmam (oc. cit., p. 429) dit même du Capraria mexicana : e Simillima formis glabris C. biflorae et forte ejus varietas pentandra. » (:222;) voir aussi la cinquième étamine devenir peu à peu stérile et traverser toutes les phases de l'avortement, depuis l'énorme staminode des Pentstemons jusqu'à zéro. Les Bignoniacées, les (esnéracées présentent des phénomènes analogues. Pélories et organogénie des Pentstemons. — Si les Scrophulariacées ont un lien si intime avec les Solanées, ne devons-nous pas les voir quelquefois repro- duire, comme par alavisme et sans cause apparente, les traits plus ou moins exacts d'un de ces ancétres? C'est précisément ce que nous observons dans bien des cas de pélorie. Enfin, d’après les lois de l'embryologie, il semble probable que les Scrophulariacées — surtout les plus inférieures, celles chez qui l'empreinte ancestrale apparait encore clairement — soient par l'organogénie de leur fleur de vraies Solanées, jusqu’au moment où l'irrégularité s'accentue et où elles deviennent Scrophulariacées ; abso- lument comme l’embryon humain est un véritable inver tébré avant que la corde dorsale se développe. Les pélories sont bien connues chez la Linaire et d’autres plantes de la famille (1). Certaines anomalies moins profon- des doivent aussi être regardées comme des phénomènes d’atavisme : M. Bentham (2) a parfois vu la cinquième éta- mine se développer chez le Stemodia suffruticosa et M. Miers, chez un Leucophyllum (5); M. H. Müller a observé chez le Scrophularia nodosa toutes les transitions entre le staminode et une étamine parfaite (4. De semblables exem- (1) Voy. par ex. CLos, Essai térat. taxinomique, etc. (2) In DC., Prodr., X, p. 582. (3) In Bewra. et Hook., Gen. Plant., p. 927. (4) Befrucht. der Blum., p. 282. ( 225) ples sont probablement plus fréquents. Les Pentstemons nous ont souvent présenté de ces retours du staminode à l’étamine, et mème des pélories assez complètes (1). Nous avons montré plus haut que le P. gentianoides est, selon toute probabilité, postérieur au P. Hartwegi : conformément à cette déduction, les cas de pélorie sont beaucoup plus fréquents chez cette espèce-ei et nous en avons observé un bon nombre, au lieu que nous ne nous rappelons pas en avoir vu chez le P. gentianoides (À). Quelquefois l'anomalie se borne à ce que le staminode soit fertile et sans courbure; il porte même (rarement) un léger renflement nectarifère comme les deux étamines qui l’avoisinent et auxquelles il ressemble alors. Mais les P. Hartwegi nettement péloriés ont les cinq lobes de la corolle identiques ; les cinq étamines sont rigoureusement égales, équidistantes ; elles sont toutes très-peu élargies à leur insertion ; leur filet n'est ni courbé, ni nectarifère etil est soudé au tube corollaire sur un tiers de sa longueur (comme cela a lieu dans les fleurs non péloriques pour les deux étamines inférieures); l'ovaire n’est pas modifié et reste biloculaire (5). Ces fleurs ne sont donc plus didynames, elles ne sont plus anisostémones, elles ne sont plus bila- (1) Cf. Ccos., Op. cit., p. 28, 4°; Gonron, Mém. Soc. nationale Sc. nat. Cherbourg, 1877, t. XXI, p. 258. (2) M. Godron en a cependant signalé (oc. cët.). (5) Dans certaines fleurs péloriques de Scrophulariacées, l'ovaire est lui-même pentamè:e (Cf. Crépin, Bull. Soc. bot. Belg., t. IV, p. 277-278). C’est là probablement un phénomène qui nous reporte à un ancêtre bien plus éloigné que ne le fait la péloric ordinaire, ancêtre plus ou moins voisin du Vicandra physaloides parmi les Solanées ou de l’Ipomoea pur- purea parmi les Convolvulacées. (On trouvera le diagramme de ces deux espèces dans Eicucer, Blthdgr., fig. 111 et 118.) ( 224 ) biées : leur solanisalion est pour ainsi dire complète. Ce qui est exceptionnel chez la fleur adulte se retrouve, au contraire, normalement chez le bouton en voie de forma- tion. Quoique diverses pièces florales y naissent successi- vement (ce que l’on voit du reste aussi chez certaines Solanées), les Pentstemons traversent une période de régularité complète, une phase solanoïde. Écoutons ce qu'en dit M. Baillou (D : « Alors l’androcée est formé de cinq mamelons égaux et également espacés. Les lobes de la corolle sont alors pareillement égaux. Les deux feuilles carpellaires, semblables entre elles et exactement placées en avant et en arrière, achèvent de donner à cette époque à la jeune fleur de Pentstemon laspect d’une jeune fleur de Solanée ; il n'y a même aucune différence appréciable à ce moment entre une Pomme de Terre, par exemple, et ce Pentstemon dont lirrégularité définitive n'a pas besoin d'être rappelée. » Caractères de transition des Pentstemons. — Les Pentstemons sont sans doute distincts des Solanées par leur inflorescence et leurs feuilles toutes opposées (à l’ex- ception des plus supérieures qui sont souvent alternes chez le P. Hartwegi @)) ; on pourrait ajouter à cela, leurs car- pelles médians. Malgré ces caractères, dont nous sommes loin d’ailleurs de méconnaitre l’importance, nous venons de voir qu'à bien des égards ces plantes se rapprochent des Solanées. Elles sont à peine Scrophulariacées et pro- (1) Adansonia, V, p. 176-177. (2) Le genre voisin Chiïonophila a toutes les feuilles caulinaires alternes. D'autre part, MM. Cesati, Passerini et Gibelli (Comp. F1. Llal., p. 560) attribuent aux Solanées des « foglie per lo più alterne e geminate,rarissime volle opposte; » mais nous ne savons à quelle plante ils font par là allusion. (225) bablement analogues aux ancêtres communs de toute cette famille, peut-être même de tout le groupe des Personales. Ainsi, certaines Solanées ont des capsules septicides, mais aucune ne présente — pour autant que nous sachions — une capsule franchement loculicide. Les capsules à déhiscence septicide ne sont pas rares chez les Scrophula- riacées. Les Pentstemons offrent ce cas. Mais chez Île P. Hartwegi et le P. gentianoides, nous avons observé que la capsule d’abord septicide, est, de plus, à la fin loculi- cide : chaque carpelle se fend en deux le long de Ia ner- vure médiane, ce qui fait que le fruit est alors complète- ment quadrivalve. Plusieurs autres Scrophulariacées pré- sentent ainsi une capsule septicide avec une tendance loculicide plus ou moins prononcée. Que le dédoublement de la cloison s’effectue un peu après la rupture dorsale des carpelles et nous avons le cas d’un genre voisin des Pent- stemons, le Chionophila : sa capsule est d’abord loeuli- cide, ensuite septicide. La cohésion des cloisons est-elle encore un peu plus forte, la déhiscence devient purement loculicide, comme dans les genres voisins Uroskinnera, Tetranema, Brandisia, Paulownia, etc., et dans beaucoup d'autres Personales. Quant à la préfloraison, que doit-elle être chez les Pentstemons? Elle doit se montrer plus ou moins intermé- diaire entre les préfloraisons des autres genres de la famille. En laissant de côté les Pseudosolanées, on sait que les Scrophulariacées se subdivisent en deux séries : celle des Antirrhinées dans le bouton desquelles la lèvre supé- ricure de la corolle couvre l’inférieure, et celle des Rhinan- thidées où le contraire a lieu en général. Dans ce dernier cas, tantôt les lobes latéraux de la lèvre inférieure sont tout à fait externes; tantôt c’est le lobe médian qui enveloppe (296 ) tous les autres. D'après MM. Bentham et Hooker, la préfloraison n’est incertaine ou variable que dans quelques Limosellées, Sibthorpiées et Escobédiées. Et pourtant, selon nos prévisions, les Pentstemons ont aussi la préfloraison fort capricieuse : chez eux, elle n'est même pas constante pour une espèce donnée. Car si nous avons observé d'ordi- naire, chez les P. gentianoides et P. Hartwegi, la dispo- sition des vraies Antirrhinées, nous y avons aussi vu fré- quemment le lobe médian inférieur ou l’un des lobes laté- raux embrasser tous les autres (!) (p. 2359, fig. H et J) : c'est là une transition évidente aux Rhinanthidées. Nous rencontrons une variabilité similaire dans la plu- part des autres organes et cela justifie notre manière de voir : les Pentstemons apparaissent toujours comme incom- plètement différenciés et intermédiaires entre divers rameaux du grand tronc des Serophulariacées. Rappelons- nous que la courbure de leur embryon varie, que leur stigmate est parfois indivis, parfois plus ou moins pro- fondément bilobé(2), et que la courbure des filets stami- naux est loin d'être constante. De même pour l’ordre de maturation des anthères. Elles s'ouvrent une à une: d'abord, à de courts intervalles, celles des deux étamines inférieures(longues) puis,un peu plus tard, celles des éta- mines supérieures (courtes) (5). Tel est le phénomène nor- (1) Nous avons appris, depuis, que ce dernier cas a déjà été signalé par M. Asa Gray chez des Mimulus et des Pentstemon (Man. of Bot., p.281). (2) Le stigmate est en général indivis chez les Solanées, souvent bilobé chez les Personales inférieurs, et bilamellé chez les Personales à structure plus élevée. (5) C’est à très-peu près ce qui se passe chez la Digitale (Oce, Pop. Sc. rev., jan. 1870, p. 49). ( 297 ) mal. Mais souvent la succession est différente. Nommons A et A’ les anthères des deux étamines inférieures, B et B' celles des deux étamines supérieures. Au lieu de voir À et À’ s’ouvrir avant B et B’, nous avons observé, entre autres, les cas suivants : A et B étaient tout à fait ouvertes, B’ en partie et A’ pas encore; ou bien A et B complètement, A’ en partie, et B' pas; ou bien A, B et B’ étaient ouvertes et non À’: ou bien enfin B était tout à fait ouverte, À commençait à s'ouvrir, A’ et B’ étant encore closes. Ce dernier eas est rare. Si par son développement accidentel en étamine par- faite le staminode nous rappelle, selon toute probabilité, les aïeux des Pentstemons, son avortement accidentel plus ou moins complet nous indique l'une des transfor- mations ultérieures les plus importantes que le type primitif des Scrophulariacées ait subies. M. Ogletf) et nous-même avons plus d’une fois vu des fleurs de Pent- stemons, d'ailleurs normales, dont le staminode était très-réduit ou même avait disparu sans laisser aucune trace. Or, nous pouvons suivre chez les Scrophulariacées toutes les étapes de la suppression de cette cinquième étamine, déjà devenue stérile. Chez quelques espèces de Pentstemon, la large extrémité du staminode (« apice spa- thulato ») représente encore lanthère ainsi que nous l'établirons plus loin ; chez d’autres, l'extrémité n’est plus que renflée médiocrement (« apice clavato »); chez d’autres enfin, il ne reste que le mince filet (« stamino- dium filiforme »). Ce filet se réduit lui-même dans le genre si voisin Chelone; et davantage encore chez les Uroskinnera, les Russelia, les Antirrhinum ; il n'en reste (1) Loc. cit. p. 51, 18 ( 298 ) plus rien dans les genres Brookea, Paulownia, Wightia, Brandisia, etc., et la majorité des Scrophulariacées. Il importe de répondre d'avance à une objection : comment, demandera-t-on, le staminode a-t-l pu disparaitre, puis- qu'il joue un rôle important dans la protection du nectar? La sélection naturelle ne devait-elle pas tendre à le con- server? Oui, la sélection naturelle tend à le conserver, à moins que des dispositions différentes ne se développent et remplissent la même fonction que lui. Un tube de la corolle très-étroit ou courbé ou obstrué par les organes sexuels, un nectaire hypogyne, un éperon nectarifère, une corolle personée, des poils protecteurs du nectar,etc., sont autant de dispositions de ce genre, qui se ren- contrent précisément chez la plupart des autres Scrophu- lariacées : aussi le staminode, devenu inutile, pouvait-il et devait-il graduellement disparaitre. Un dernier caractère de transition des Pentstemons, cest la division moins profonde entre les deux lobes de la lèvre supérieure de la corolle, qu'entre les lobes de la lèvre inférieure; ce détail est un acheminement vers les Scrophulariacées à corolle tétramère (Veronica, etc.). Les Scrophulariacées descendent probable- ment de certaines Solanées. — Tout fait dont nous devons déduire la nature d'après un plus ou moins grand nombre de ses conséquences, sans pouvoir le vérifier par l'observation immédiate, a nécessairement quelque chose de conjectural. Cette remarque, applicable à la géologie comme à l'histoire, à la philologie comme à l'analyse spec- trale, est sans doute vraie aussi de la plupart des recher- ches « phylogénétiques » : mais, en nous mettant en garde contre des affirmations téméraires, elle ne doit point nous décourager. Nous n'avons pas vu les glaces quater- ( 229 ) naires strier ou user les roches et déposer au loin les blocs erratiques; nous n'avons pas vu le sodium se vapo- riser à la surface du soleil ; nous n'avons pas vu les Cryp- togames devenir des Phanérogames, par une lente et longue évolution. Nous n’avons observé directement aucun de ces phénomènes; nous ne les connaissons que par leurs effets et par leurs traces. Mais — pour employer une expression excellente de M. de Quatrefages — nous sommes en droit de dire que fou! se passe comme s'ils étaient vrais : nous n'affirmons rien au-delà. Ces réserves établies, nous espérons avoir montré que les choses se passent comme si les Scrophulariacées descen- daient de certaines Solanées et que, dans tous les cas, ces deux familles ont des liens de parenté extrémement intimes. L'absence de caractères distinctifs absolus, la forme de la corolle, la structure du fruit et la courbure de l'embryon, les gradations significatives qu'on observe dans l’andro- cée, la réapparition d'une cinquième étamine, les pélories, l'organogénie, sont autant de grands Fairs qui plaident en faveur de notre hypothèse et qui paraissent inexplieables sans elle. Quant aux Pentstemons, nous avons fait voir qu'ils offrent de précieux caractères de transition. Ils représentent un des premiers degrés de la série des Perso- nales. [ls rappellent encore les Solanées, et sont déjà des Scrophulariacées. Par les Chelone, ils se rattachent au Wightia, arbrisseau dont la tige grimpante, les grai- nes allongées, ailées et surtout privées d’albumen, l’em- bryon droit, nous conduisent aux Bignoniacées et aux Pédalinées (1). Ces deux familles loin d’accentuer le type (1) Nous nous rangeons en cela à l’avis de M. Bureau (Monogr. des Bignon., pp. 12, 72-75). A.-L. de Jussieu plaçait même les Chelone (et ( 230 ) bilabié, tétrandre et didyname, comme le font beaucoup de Gesnéracées, les Scrophulariacées les plus élevées et les Acanthacées, montrent au contraire en général, par la forme de la corolle et le développement toujours appré- ciable de la cinquième étamine ou du staminode qui la remplace, un degré d'évolution qui n'est pas beaucoup supérieur à celui des Salpiglossidées, des Pseudosolanées, des Pentstemon et des genres voisins. Malheureusement les couches tertiaires ne nous ont pas encore livré de bien nombreuses empreintes de Dicotylé- dones gamopétales. Les quelques résultats que la paléon- tologie a déjà fournis à cet égard n’en sont pas moins une confirmation fort remarquable des idées que nous venons d'esquisser. En effet les Solanées apparaissent immédiatement avant le groupe des Personales et, parmi celui-ci, les Scrophulariacées et les Bignoniacées sont les familles les plus anciennes. Car, à la Solanée régulière de l’éocène (Solanites), succèdent dans la période oligocène et miocène, une Solanée Salpiglossidée (Brunfelsia), quel- ques Scrophulariacées (Verbascum, Veronicites, Scrofula- rina) et plusieurs Bignoniacées (Bignonia, Bignoniophyl- lum, Jacaranda, Catalpa, Tecoma), tandis que les Gesné- racées et les Acanthacées manquent encore (1). Nature des staminodes et structure de celni des Pentstemons. — On parait le plus souvent (Payer, Sachs, Bellynck, etc.) regarder les staminodes comme les Pentstemon) parmi ses Bignoniæ ! Les analogies des Jucaranda (Big- noniacées) et des Pentstemon sur lesquelles M. Delpino insiste et dont il semble s'étonner (Atti Soc. Ital. Sc. nat., XVI, p. 264), s'expliquent tout naturellement par une descendance commune. (1) Cf. Pn. Scmimeer, Paléontologie végétale, X, pp. 85-86 et IT, pp. 911 et suiv. (231) des « étamines réduites à leur filet plus ou moins déformé. » Cette définition est trop étroite et ne nous semble guère admissible. Nous voudrions dire simple- ment que les staminodes sont des étamines incomplètement développées (1). Car entre les staminodes qui témoignent de modifications profondes et ceux qui ne diffèrent en rien du filet des étamines fertiles, on trouve toutes les transi- tions possibles : la déformation n'est done pas un carac- tère essentiel. Ensuite, en ce qui concerne l’autre terme de la définition que nous combattons, nous allons mon- trer que, chez certaines espèces, le staminode ne repré- sente pas seulement le filet staminal, mais que son extré- mité libre y est un véritable homologue de l’anthère. Dans ces cas, le staminode offre donc une anthère transformée et non point absente, ce qui au point de vue morpholo- gique est fort différent. — Cette opinion, d'autres auteurs l'ont du reste déjà émise implicitement, mais sans y insis- ter. En décrivant les deux staminodes si remarquables du genre Brillantaisia, MM. Bentham et Hooker disent par exemple : « staminodia... filamentis apice in antherae rudimentum transversum expansis ; » et M. Bureau nomme le mamelon terminal du staminode, chez le Lundia acu- minala, « l'ébauche d'une anthère à deux loges qui ne s’est pas développée (2. » Chez certains Pentstemons, il n'est pas douteux que le bout élargi du staminode ne représente aussi l’anthère dithèque des étamines nor- (1) Cf. Eicucer, Blüthendiagr., p. 4 :« Staminodien sind unvollkommen ausgebildete Staubgefässe. » — Ducnartre, Elém. de Bot., p. 759 : a ..…… des corps divers de dimension et de forme qui, n’étant que des étamines imparfaitement formées ou transformées, ont été nommés staminodes. » (2) Monogr. des Bign., p. 116. ( 252) males. C’est ce que prouvent à lévidence les transitions qu'on rencontre accidentellement chez le P. Hartwegi. Nous y avons quelquefois vu la cinquième étamine abso- lument semblable aux autres (voy. plus haut, p. 295). Dans un second eas, son filet n'était pas courbé et son extrémité portait une anthère de structure normale, mais plus petite que celle des étamines fertiles. Dans une autre fleur, le filet, incurvé comme celui du staminode ordi- naire, était terminé pourtant par une anthère réduite. Parfois une moitié de l'extrémité est un peu poilue et présente la forme aplatie du staminode, tandis que l’autre moitié, renflée, glabre, simule complètement une demi- anthère ; celle-ci ne contient pas de pollen mais porte une dépression qui répond à la ligne de déhiscence des anthères normales. Enfin, l’on trouve même des confor- mations intermédiaires entre ces demi-anthères stériles et l'extrémité ordinaire du staminode. Ces anomalies nous éclairent également sur un détail de structure curieux. L’extrémité libre et élargie du staminode des P. Hartwegi et gentianoides porte une dépression transversale facile à constater, ou deux dépres- sions Juxtaposées bout à bout qui représentent les deux moitiés de cette dépression unique. Comme Île prouvent surtout les staminodes à demi-normaux que nous venons de décrire, ces dépressions sont, à n'en point douter, homologues des fentes de déhiscence des anthères. Et leur direction transversale montre qu'elles répondent à la posi- tion qu'occuperaient les deux thèques de l’anthère si le filet n'éprouvait pas de torsion avant la déhiscence (1), état anomal qui s'observe quelquefois. (1) Voyez plus haut, p. 206. ( 255 ) De semblables homologies, tout à fait incompréhen- sibles et mystérieuses sans le transformisme, sont au con- traire aussi faciles à prévoir que simples à expliquer au point de vue de cette théorie. Elles proviennent unique- ment de ce qu'un staminode est toujours le descendant modifié d’une étamine : c'est une conclusion à laquelle nous sommes déjà arrivé plus haut pour le cas spécial des Serophulariacées et des autres Personales. Mais le développement peut être plus incomplet encore que chez nos deux Pentstemons, la modification plus pro- fonde, l'avortement plus avancé : alors l’homologie avec l’anthère s’elface graduellement. C'est ainsi qu'après les Pentstemons à staminode fort élargi, nous avons déjà vu quil y en a dont le staminode est seulement claviforme (P. tubiflorus, P. Torreyi, etc.), puis dont le staminode est linéaire (P. Scouleri, P. Menziesii, etc.); et ceux-ci nous conduisent aux Chelone qui nous préparent à la dis- parition totale de la cinquième étamine. Les Scrophulaires offrent des faits en tout semblables : chez les unes (Scro- phularia Scorodonia, lucida, aquatica, nodosa, alata, etc.), l'extrémité du staminode dilatée, spatulée, réni- forme, souvent émarginée ou mème bifide (1), répond encore clairement à l'anthère et à ses deux moitiés ; chez d’autres (S. canina, etc.), rien ne représente plus l’anthère, et il ne reste qu'un staminode aigu et filiforme ; enfin celui-ci tend aussi à disparaître (S. vernalis, ete.) et le filet même de l’étamine ne se trouve plus alors avoir son homologue. Ce sont encore des phénomènes de cet ordre que M. Bureau à décrits chez les Bignoniacées (2) : nous (1)B. Duuorrier, Vote sur le staminode des Scrophulaires aquatiques indigènes (Bull. Soc. bot. Belg., VU, p. 36-42). (2) Monogr. des Bignon., p. 180. (254) y voyons en dehors de l’extrémité anthériforme du stami- node du Lundia, des extrémités bilobées, d’autres aplaties et entières, d’autres légèrement renflées et enfin des sta- minodes linéaires. Rapports centre la pubescence du staminode ct celle des étamines. — Chez le Pentstemon Hartiwvegi les étamines sont absolument glabres et pourtant Pextré- mité du staminode porte quelques villosités. Nous nous sommes demandé si ce fait n’était pas contraire à l’homo- logie de cette extrémité avec l’anthère et nous avons été conduit aux quelques remarques suivantes. Les diverses étamines d'une fleur (comme toutes les parties homolo- gues) tendent à varier d’une facon similaire et se condui- sent en général toutes de la mème façon, au point de vue de la pubescence entre autres. Cette règle souffre cepen- dant bien des exceptions : nous nous bornerons à rappeler les Verbascum, dont plusieurs espèces ont deux étamines glabres et trois poilues (V. Thapsus ete.). Quant aux sta- minodes, ils suivent d'ordinaire, pour leur pubescence, le sort des étamines fertiles de la mème espèce. S'ils s’en écartent, la théorie de la descendance exige que nous puis- sions montrer les principales étapes qu'ils ont dû traverser pour atteindre cette différenciation. Ils jouent le plus souvent un rôle trop effacé pour que la sélection natu- relle ait une grande action sur eux : leur pubescence doit être un héritage, bien plutôt qu'une acquisition nou- velle. Lorsque leur extrémité représente une anthère transformée et que cette extrémité est velue, il faut done que les anthères de la même espèce végétale ou d’une espèce voisine soient velues également. Quand, par un avortement plus complet, le staminode ne repré- sente plus que le filet staminal et que ce staminode ( 255 est velu, le filet des étamines de cette espèce ou d'espèces voisines doit aussi être revêtu de poils. L'observation fait- elle découvrir ces coincidences que la théorie réclàme ? Autant que nous en pouvons juger, cela n'est pas dou- teux. Voici quelque exemples. L'anthère rudimentaire du staminode chez le Lundia acuminata est surmontée par un bouquet de poils ; les anthères normales sont hérissées pareillement. Le staminode du Pachyptera foveolata et ceux du Brillantaisia owariensis sont terminés par des villosités, en même temps que les anthères fertiles de ces plantes. Certains :’entstemons (environ 20 espèces) ont le staminode glabre et les anthères glabres. Mais le P. Hartwegi et un grand nombre de ses congénères (plus de 50 espèces, c'est-à-dire la moitié du nombre total de celles qui sont connues) ont le staminode plus ou moins pubescent et les anthères glabres. Aussi étions-nous sûrs d'avance qu'il devait y avoir d'autres Pentstemons dont les anthères fussent velues : et nous n'avons pas été décu dans cette attente. Chez ces dernières espèces, le bout du staminode parait homologue de lanthère, il est velu comme elle, et souvent ce parallélisme est si frappant que les botanistes descripteurs le traduisent par les termes mèmes de leurs diagnoses. Les Pentstemons à anthères pubescentes et à staminode glabre sont au nombre de deux seulement (P. heterophyllus, P. glandulosus) : mais chez ces plantes le staminode est filiforme, il ne corres- pond qu'au filet staminal, de sorte qu'il ne faut pas s'éton- ner s'il est glabre comme celui-ci (D. Quant aux plantes (1) Voici, d’après le Prodromus, les espèces à anthères et à staminode velus : P. Sconleri, P. Menziesii, P. frutescens, P. erianthera, P. alpinus (« antheris parce hirtellis, filamento sterili apice dilatato paree barbato +), D atr ( 256 ) dontlestaminode est velu quoiqu'il représente seulement le filet, elles ont aussi (elles-mêmes ou des espèces affines) les filets staminaux hérissés. Tel est le cas du Liebigia speciosa et du Chirita Walkeriae, dont les staminodes sont surmontés de poils et dont les filets fertiles sont égale- ment pubescents à leur extrémité, sous Panthère. Tel est aussi le cas de bon nombre de Bignoniacées, par exemple : le Cuspidaria erubescens, le Macrodiscus rigescens, etc., chez qui le staminode et les filets fertiles portent exacte- ment les mêmes villosités à leur base, le Jacaranda mimo- sifolia, le J. tomentosa et plusieurs congénères dont le staminode est revêtu des mêmes poils glanduleux qui couvrent la base des filets staminaux fertiles. Nous cite- rons encore le genre de Scrophulariacées le plus appa- renté aux Pentstemons, les Chelone : chez le C. glabra, le staminode dont l'extrémité est dépourvue de tout ren- flement et dont la base est velue, rappelle tout à fait par sa forme et sa pubescence les filets fertiles de la mème fleur. Avant de résumer les principales conclusions de cette P. strictus (« antheris parce piloso-lanatis, filamento sterili superne dila- ‘tato subnudo »), P. Richardson (« antheris parce hirtis, filamento sterili apice spathulato parce barbato ») et P. venustus. Il faut ÿ joindre d’après M. Hooker (in Ann. Soc. agric. et bot. de Gand, IT, p. 415, et V, p. 555) le P, Gordoni et le P. cyananthus (« antheris filamentoque sterili hirsu- tis) et, d’après nos propres observations, le P. Lewisii. — Trois autres Pentstemons ont été signalés comme ayant les anthères barbues : ce sont le P. Douglasii qui nous est inconnu et dont le staminode n’est pas décrit (il doit probablement être un peu poilu) et les P. Aeterophyllus ct P. glandulosus qui ont les anthères terminées par quelques cils et dont le staminode, homologue du filet seul, est glabre. (Voyez plus loin aux Additions et corrections). (231 ») étude bien plus longue que nous ne l’aurions désiré, 1l nous reste à consigner brièvement quelques faits qui se sont présentés à nous dans le cours de nos observations et qui, étrangers au sujet que nous avions en vue, n'ont pas encore trouvé place jusqu'ici. Faits fératologiques. — Outre les anomalies sigua- lées dans le courant de ce travail etdont on peut rattacher la cause à l’une ou l’autre loi générale, nous en avons vu quelques-unes qui doivent probablement être regardées — dans l’état actuel de la science — comme de simples phénomènes de variabilité. Nous ne les donnons que parce que la tératologie a encore besoin de tous les faits qu'on peut lui fournir. Nous avons observé chez un P. Hartwegi, la soudure d’un rameau latéral avec la tige sur toute la longueur d'un entre-nœud ; chez un autre, la soudure à la corolle de l’une des étamines antérieures, depuis sa naissance jusqu’à la base de l’anthère : sur le prolongement de cette étamine, la corolle portait un tout petit appendice pétaloïde supplémentaire, Chez une fleur rose-vif, déjà citée (p. 252) pour son staminode surmonté d'une anthère réduite, l’une des deux étamines supérieures était privée de son renflement nectarifère : mais ce fait peut se ratta- cher à l’atavisme. Assez souvent chez le P. Hartiwegi, le tube de la corolle, au lieu d'être droit, est plus ou moins courbé de bas en haut. Chez plusieurs fleurs, surtout de la variété blanche, nous avons observé le dédoublement latéral des deux étamines nectarifères : 11 y avait done là sept étamines au lieu de cinq. Des deux étamines qui résultent ainsi de chaque étamine dédoublée, l'une res- semble tout à fait à l’étamine normale qu'elle remplace ; l’autre est privée de nectaire et son anthère est formée ( 258 ) d'une thèque fertile, tandis qu’un petit appendice blanc, analogue à l’extrémité du staminode, y tient lieu de la seconde thèque. Chez une autre fleur de la variété blanche, c’est le staminode qui se dédouble : cette fleur a le calice normal, à 5 sépales ; sa corolle possède un pétale dédoublé à la lèvre supérieure, et, au lieu d’un staminode, on en voit naître deux côte à côte, l’un absolu- ment normal, l’autre terminé par une demi-extrémité de staminode et par une demi-anthère rudimentaire. Ce cas se rapproche done du précédent. — Certains pieds du P. gentianoides (mauve), cultivés près de Bruxelles, ont présenté (en 1878), quelques fleurs atteintes d'une ano- malie curieuse. Tout y est normal, à un détail près : la corolle porte un appendice soudé à sa surface extérieure, vers sa base, à un endroit qui correspond à l'intervalle entre les deux divisions de la lèvre supérieure; cet appendice se détache done de la corolle, en dehors, à la même place où le staminode s'en détache en dedans. A partir de son insertion, il devient libre, longe la corolle ou se relève plus ou moins. Il a la forme d'une lame étroite, à peu près linéaire. Sa consistance est pétaloïde ; 1l est blanc ou teinté de mauve, et couvert comme la corolle de poils courts et glanduleux. Sa lon- gueur varie suivant les fleurs, de 10 à 20%; sa largeur, de 5/4 de mm. à 2°". Quelle est sa signification morpholo- gique ? Faut-il y voir peut-être un dédoublement radial du staminode ? — Un P. Hartwegi écarlate portait une fleur tétramère : son calice avait quatre sépales, sa corolle deux lobes seulement à la lèvre inférieure, comme à la lèvre supérieure, et son androcée était privé de l’une des étami- nes inférieures. Chez une fleur de P. gentlianoides, le calice était hexamère : sa disposition dicyclique était évi- ( 239 ) demment favorable à la manière de voir de M. Eichler (1) sur les calices formés suivant le spirale 2/5. La préfloraison nous a aussi offert des anomalies chez les Pentstemons. Celle du calice est en général quincon- ciale, avec le sépale T1 vers la branche-mère, pour les fleurs médianes (fig. 4), et le sépale 2 pour les fleurs latérales (fig. 8). Mais nous avons aussi, quoique très- rarement, vu une préfloraison cochléaire descendante (« absteigend » Eïchler) (fig. c) comme chez le Linaria vulgaris, où cochléaire imbriquée (« imbriquée » Payer) PROS PUS Hi: (fig.D). La préfloraison de la corolle est encore plus variable, ainsi que nous l'avons déjà dit. Normalement cochléaire descendante (fig. E), comme c'est la règle chez les Antir- rhinées, ou quinconciale (fig. Fr) comme chez l’Atropa Belladona, elle est souvent aussi cochléaire imbriquée avec l'un des pétales supérieurs (fig. &) ou l’un des latéraux (1) Blihadgr., p. 17. ( 240 ) (fig. u) tout à fait externe, ou cochléaire descendante mais avec le pétale inférieur moitié externe, moitié Interne (fig. 1) ou bien enfin, malgré la position quinconciale, le pétale inférieur recouvre tous les autres (fig. 1). La pré- floraison n'est done pas mème toujours symétrique par rapport au plan médian antéro-postérieur, comme l’admet M. Eichler (1). Influence de la lumière sur la matière colo- rante des Pentstemons. — Un détail physiologique mérite encore d'être noté ; c’est l'influence indéniable de la lumière sur la coloration du calice et de la corolle des Pentstemons. Le calice prend en effet une teinte rouge- violacé à sa face supérieure, — la mieux éclairée, — et reste vert à sa face inférieure. Il y a plus : cette coloration ne se développe jamais dans les portions des sépales qui sont recouvertes par leurs voisins. La production de la matière colorante exige donc, entre autres conditions, une certaine quantité de lumière, et cette quantité est même supérieure à celle qui suffit au verdissement de la chloro- phylle. Lors de lépanouissement, la coloration de la corolle ne se produit pas non plus dans la partie encore couverte par le calice, qui est blanche, sauf un petit anneau ordinairement coloré, à la base du tube. Ces faits doivent être rapprochés de ceux que nous avons vus, depuis, signalés par M. Chevreul à propos de la Vigne- vierge (2). Observations sur les mœurs des insectes fécon- dateurs.— En dernier lieu nous rassemblerons quelques e——— (1) Blthdgr., p. 241. (2) E. Cnevreuz, Sur une des causes de la coloration en rouge des feuilles du Cissus quinquefolia (Comptes Rendus, 22 et. 1877). (2 ) données fournies par nos observations, au sujet des insectes (hyménoptères et diptères syrphides). L'opinion sur- année qui n'admettait chez ces êtres que l'instinct n’est, on le sait, plus soutenable en présence des faits presque merveilleux qu'une étude plus attentive a révélés (1). Outre leurs actes instinctifs, les insectes observent, jugent, raisonnent, se trompent, se resouviennent. Les Pentste- mons sont des plantes exotiques : ce ne peut donc être l'instinct qui pousse les insectes de notre pays à les recher- cher et à préférer telle variété à telle autre. Nos insectes vont à toutes les fleurs, en quête de nectar.: voilà l'acte instinctif. Et en effet, nous en avons vu quelquefois cher- cher vainement à atteindre le nectar que le staminode leur rendait inaccessible. Mais ici interviennent alors leur expérience acquise et leur mémoire : ils distinguent les diverses formes et se rappellent que le nectar de la forme mauve est assez facile à obtenir, tandis que celui des variétés rose, rouge-foncé, écarlate est hors de leur portée (2). Nous disons qu'ils se le rappellent, car, sans cela, nous devrions les voir frapper avec une égale fré- quence aux portes qui leur restent fermées comme à celles qui leur sont ouvertes; et l'on sait qu’ils réservent pres- que exclusivement leurs visites à celles-ci. Maïs une obser- vation qui met encore bien mieux en relief l'intelligence des insectes, c'est celle que nous avons eu occasion de faire sur les fleurs tombées (p. 189). Dans la grande majo- rité des espèces appartenant aux Scrophulariacées et aux (1) Voir, entre autres, Darwin, The Effects of Cross and Self-Fertilisa- tion, Ch. XI. (2) On trouvera d’autres faits à l’appui de ceci, dans H. Mücrer, Die Befruchtung der Blumen ete., p. 119 et passim ; et Darwin, The Effects of Cross and Self-Fertilisation, p. 450-451, etc. (29 ) familles voisines, le nectar est sécrété par une glande hypo- ayne, de telle façon que la corolle en se détachant n'en emporte guère ou pas du tout avec elle. Chez les Pentste- mons, au contraire, la sécrétion se fait à la base de deux des étamines, de sorte que la corolle entraine le nectaire dans sa chute. Il est done bien curieux déjà que des insectes aient songé à chercher du nectar dans des fleurs détachées de la tige et éparses sur le sol. Il est encore beaucoup plus remarquable qu'ils aient trouvé le moyen d'atteindre, indistinctement, le liquide contenu dans les fleurs où ils étaient accoutumés à butiner et dans celles dont l’accès leurs était d'habitude impossible. Cette idée de tourner la difficulté et de pénétrer par une porte de derrière là où la grande porte est barrée, prouve évidem- ment un calcul et une puissance de raisonnement qui sont loin d’être médiocres. Il est à regretter que nous n'ayons pas tenu note des espèces d'insectes auxquelles nous avons vu pratiquer cette ruse et que nous ne nous soyons pas assuré s'il y avait dans ce nombre des Syr- phides ou seulement des hyménoptères. C'est là une lacune que nous espérons combler ; ce qui est certain c'est que nous avons observé bien des fois ce mode d'agir. Une autre preuve d'intelligence est l'habitude depuis long- temps connue qu'ont les Apides de faire un trou dans les corolles dont le nectar leur est inaccessible ou difficile- ment accessible, et d'atteindre ainsi leur but par effrac- tion. M. Darwin (1!) à vu dans un grand jardin, toutes les fleurs d'un Pentstemon (P. argulus?) perforées de cette manière et il remarque que les bourdons n'agissent ainsi que lorsque les plantes sont réunies en grandes masses. (1) The Effects of Cross and Self-Fertilisation, p. 426. ( 245 ) Quoique les P. Hartwegi et gentianoides sur lesquels ont porté nos recherches, se trouvassent groupés au nombre de plus de cinquante pieds dans une même corbeille et fussent chargés de fleurs la majeure partie de l'été, nous n’y avons trouvé qu'un nombre relativement faible de corolles perforées. Les insectes perçoivent des odeurs, voilà qui est cer- tain. Mais le flair leur apprend-il que tel ou tel nectaire a déjà été vidé? Une observation de M. H. Müller (1) montre qu'il n’en est probablement pas ainsi pour les bourdons visitant le Lamium album. En revanche, nous avons remarqué que les hyménoptères semblent recon- naître les fleurs de Pentstemons qui viennent d'être visi- tées et vidées : pour cela il leur suffit de s'arrêter un instant à l'ouverture de la corolle, sans y entrer. Le nectar de ces plantes émet done probablement un parfum perceptible pour certains insectes, quoiqu'il soit presque inappréciable pour nous. Résumé et Conclusions. — Cette étude à porté sur cinq variétés, l'une appartenant au Pentstemon gentianoi- des, les autres au P. Hartwegi. Leurs fleurs sont proté- randriques et sécrètent abondamment du nectar; mais celles de la première espèce sont, à très-peu près seules, visitées aux environs de Bruxelles par les insectes (hymé- noptères et diptères syrphides) et fécondées par eux. Une =- a — — - = = 2 _ == = (1) H. Müccer, Die Befrucht. der Blumen durch Insecten, p. 511 (Lamium album); — Darwin, Op. cit., p. 589. (244 ) préférence si exclusive est due à des différences de quel- ques millimètres dans l’espace qui sépare le fond de la corolle du point où le staminode s’incurve vers le bas. C’est ce que l’on peut démontrer par des mesures préci- ses. L’une des variétés du P. Hartwegi réclame cependant à ce sujet des recherches nouvelles. Plusieurs conséquences importantes pour les Pentstemons sont amenées par ces inégalités minimes du staminode. Par là, en effet, l'une des deux espèces produit quatre fois plus de graines que l’autre, et son extension se trouve favorisée aux dépens de sa congénère; par là aussi s'opère une sélection naturelle qui pourrait modifier profondément le P. Hartwegi. C'est probablement à une sélection semblable que le P. gentianoides doit son origine ; toutefois au Mexique, sa patrie, le P. Hartwegi est sans doute visité par des insec- tes, dont nous avons tâché de prévoir approximativement la nature. Conformément à l'avis de M. Kerner et contrairement à celui de M. Delpino, la fonction principale du staminode est d’exclure du nectar les insectes de petite taille. A pro- pos de cette question, nous avons été conduit à rechercher quel doit être, dans les sciences naturelles, le vrai sens du mot « fonction, » indépendamment de toute hypothèse finaliste. Les Solanées offrent avec les Scrophulariacées les liens de parenté les plus intimes et tout se passe comme si célles-ci n'étaient que les descendants modifiés de quel- ques-unes de celles-là. Aucun caractère tout à fait absolu ne sépare les deux familles; les mêmes formes de la corolle et du fruit s’observent chez toutes deux ; la cour- bure de l'embryon et la disposition de l’androcée présen- tent des analogies indiscutables et des transitions précieu- ( 245 ) ses. La direction des carpelles par rapport à la branche- mère mérite toutefois d’être étudiée davantage dans les deux groupes. Enfin les Scrophulariacées rappellent les Solanées par certaines phases organogéniques et par les cas de pélorie. Tout ce que l'on possède de données paléontologiques confirme aussi notre hypothèse, qui fait dériver des Solanées les Scrophulariacées et, par elles, d'autres familles voisines. De leur côté, les Pentstemons se montrent par leur préfloraison comme par la déhiscence de leurs capsules, par leur stigmate comme par leur sta- minode, analogues aux ancêtres imparfaitement différen- ciés de toute la famille végétale dont ils font partie. A ce point de vue, la courbure que nous avons signalée chez l'embryon des Pentstemons offre peut-être quelque intérêt. Le staminode n’est qu'une étamine dont le développe- ment est incomplet : toute autre définition, en voulant préciser davantage, devient trop étroite. Le bout libre du staminode chez les P. Hartwegiet P. gentianoides est homo- logue de l'anthère et la dépression transversale qu'il porte répond à la ligne de déhiscence. Les poils dont beaucoup de staminodes sont revêtus ont des rapports avec la pubescence des étamines chez la même espèce ou chez des espèces affines : dans ce dernier cas, ils peuvent done fournir des indices généalogiques. On observe chez les Pentstemons cultivés de nombreux cas de tératologie. — Quant à la matière colorante violacée des fleurs de ces végétaux, elle parait exiger pour se for- mer plus de lumière que la chlorophylle n’en réclame pour verdir. En dernier lieu, nos observations nous donnent de sérieux motifs pour admettre chez les insectes, outre leur ( 246 ) instinct, des facultés intellectuelles véritables, comme le soutiennent beaucoup de naturalistes. Bruxelles, janvier 1878. ADDITIONS ET CORRECTIONS. p. 57, ligne 18 et suiv. Il n’est pas tout à fait exact de dire que l’allo- gamie soit éoujours réalisée gräce à une intervention étrangère. Cela est vrai dans la grande majorité des cas ; mais parfois il peut y avoir gilonogamie directe, comme il y a autogamie directe. On en trouvera des exemples dans ce travail même (Tritoma, p. 122; Veronica, p. 159). p. 80, ligne 10 et suiv. On pourrait regarder la loi sur l'efficacité de la fécondation, comme un cas particulier d’une loi plus générale : Tout phénomène vital qui est fonction d’une variable commence à se produire à partir d’un certain état de la variable (minimum) , se réalise de mieux en mieux à mesure que la variable croil jusqu’à un état déter- miné (oerimum), après quoi un accroissement de la variable fait se réa- liser de moins en moins bien le phénomène; celui-ci s’arrête enfin quand la variable a atteint une certaine valeur (maximum). L’influence de la chaleur et de la lumière sur la végétation (Cf. Sacus, Trailé de Bot., Tr. fr., pp. 855, 878) ou celle de l’origine des protoplasmes sexuels sur le résultat de la fécondation, obéissent à cette loi aussi bien que l’action des excitants sur les muscles et les nerfs des animaux, ou l'effet d’un changement de climat sur leur santé. p. 95. Des fleurs cléistogames ont encore été signalées récemment chez les espèces suivantes : Collomia coccinea Lehm. (C. Cavanillesii Hook. et Arn.)et C. linearis Nutt. (Scuarcok, Bot. Zeil., 1878, 11 oct. ; Luowic, ibid., 22 nov.); Potentilla reptans (G. Hensiow, Nature, 1876, no 5364, p. 545) ; Cardamine chenopodifolia Ge Bot. Zeit., 1878, 15 nov.). p. 98. Y. Grisebach (Bot. Zeit., 1878, 15 nov.) a montré que les fruits des fleurs ciéistogames du Cardamine chenopodifolia sont des silicules qui s’enterrent, tandis que les fleurs chasmogames produisent des siliques dont les graines sont disséminées par le vent. M. Ludwig ( 247) vient aussi de signaler (Bot. Zeit., 1878, 22 nov.) un mécanisme de projection des graines chez les divers Collomia qui ont des fleurs cléis- togames. Ce sont là, semble-t-il, d’intéressantes confirmations de l’opinion que nous avons émise. p. 125, note 2. L’Anemone alpina a aussi des fleurs mâles, à côté de ses fleurs hermaphrodites protérogynes (Ricca, Atti Soc. Ltal. Sc. nat., XIV, p. 246). p. 155, ligne 20. Ajoutez : Veratrum album et Geum replans, andro- diviques, selon H. Müzcer (Vature, 12 sept. 1878, p. 519). Toutefois le Veratrum est andro-monoïque suivant AXELL. p. 154, ligne 8. Ajoutez : Geranium sylvaticum dans certaines localites (H. Müzcer, ibid.). p. 158, ajoutez après la ligne 19 : Fleurs hermaphrodites et fleurs mâles sur un même pied, fleurs mâles sur l’autre : Astrantia minor (H. Müzcer, ibid.). p. 159. Le signe de doute que nous avons mis après Honkeneja peploides peut disparaître, depuis que M. E. Warming (Botanisk Tidsshrift, HI, 1878, p. 125) a établi que cette espèce est bien polygame trioïque. Ses trois sortes de fleurs, soit dit en passant, corroborent la loi de Sprengel telle que nous l’avons formulée p. 144. p. 216, ligne 25. Au lieu de: « pédicelle floral », lisez : « point végétatif ». p. 255. Ce travail sur les Pentstemon sétait terminé depuis plus d’un an, lorsque, tout récemment, j’ai eu connaissance du « Synopsis of the genus Penstemon » de M. Asa Gray (Proceed. Amer. Acad. of Arts and Sc., Boston, vol. VI, p. 56-76, et vol. VII, p. 579). Malgré plusieurs réductions spécifiques, ce savant donne uneliste de Pentstemons plus nombreuse que tous ses devanciers : il porte le chiffre des espèces à 66 environ. Voici, d’après les diagnoses de M. Gray, quelques faits qui complètent mon travail. Conformément à ma prévision (p. 256, note), le P, Douglasii a le staminode plus ou moins pubescent. Le P. Fre- monti Torr. et Gray, dont les anthères et le staminode dilaté sont velus, confirme la règle que j’ai énoncée. Les P. azureus Benth., laetus Gray, et Bridgesii Gray, ont, il est vrai, les anthères ciliées et le staminode glabre ou presque glabre ; mais ces plantes sont proba- blement dans le cas des P. heterophyllus et glandulosus : leur stami- node répond seulement à la portion glabre des étamines fertiles et la région velue de celle-ci n’a pas d’homologue dans le staminode. Enfin (28 ) M. Gray a vu chez deux espèces (P, ambigquus Torr., P. helerander Torr. et Gray) le staminode porter quelquefois une anthère, ce qu’on avait déjà signalé auparavant chez le P. grandiflorus Nutt. ; chez cette dernière plante, il a constaté au contraire, assez souvent, l'absence complète du staminode. Nous avons décrit des phénomènes semblables chez le P. Hartwegi (pp. 225, 227). BULLETIN SOCIÉTÉ ROYALE DE BOTANIQUE DE BELGIQUE. —s— 1878. — NS 2 et 5. Séance extraordinaire tenue le 21 juillet 1878 dans la forêt de Saint-Jean entre Viel-Salm et Laroche. (Extrait du procès-verbal.) M. F. Muier, président. M. F. Crépin, secrétaire général. Sont présents: E. Aschman, Ch. Baguet, L. Bodson, L. Coomans, Edm. de Selys-Longchamps, L. Errera, O. Hecking, Koltz, H. Vanden Broeck, Ë. Vanden Heuvel. M. Muller, vice-président ff. de président, ouvre la séance par une allocution dans laquelle il rappelle la mort récente de M. B.-C. Du Mortier, président de la Société. Il énumère les nombreux services que celui-ei a rendus à la compagnie et il fait sentir, en termes éloquents, combien est grande la perte que la Société a faite en la personne de son premier président. Il est décidé qu'une lettre de condoléance sera adressée par le Secrétaire général à la famille du défunt. 20 ( 250 } Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 mai 1878. Ce procès-verbal est adopté. Il fait ensuite l’analyse de la correspondance. M. Hecking annonce la découverte qu'il a faite du Nitella tenuissima dans les environs d'Exaerde. Cette trouvaille porte à deux le nombre des habitations connues en Belgique de cette très-rare espèce. Les membres effectifs suivants ont été admis par Île Conseil, et leur admission est ratifiée par l'assemblée : M. Vanpex Heuvez, docteur en sciences naturelles, à Bruxelles ; présenté par MM. Muller et Marchal. M. EscourLaiRe (Ch.), étudiant en pharmacie, à Ghislen- ghien ; présenté par MM. Le Comte et Crépin. Séance du 1° décembre 1878. (Extrait du procès-verbal.) M. F. Muzrer, vice-président ff. de président. M. F. Crépin, secrétaire-général. Sont présents : MM. Ch. Baguet, L. Bauwens, C. Ber- nard, C. Bertrand, J. Blox, L. Bodson, J.-E. Bommer, H. Bourdeau, F. Campion, G. Carron, A. Cogniaux, L. Coomans, V. Coomans, G. Debeil, Ch. de Pitteurs, A. De Prins, A. De Vos, H. Donckier de Donceel, É. Durand, A. de Borre, E. De Bullemont, Ch. De Creeft, C. Delogne, L. Errera, C. Fontaine, F. Francotte, G. Gevaert, P. Gevaert, Ch. Gilbert, N. Gille, J. Gillon, A. Gravis, L. Hartmann, Osc. Hecking, Ch. Heyman, (251 ) G. Jacquemin, A. Joly, J.-J. Kickx, J. Langlois, Th. Le Comte, J.-C. Lecoyer, C. Le Lorrain, L. Lubbers, É. Marchal, Éd. Martens, Maubert, J. Mercier, L. Miche- let, G. Noefnet, L. Piré, É. Rodigas, P. Schamberger, E. Sonnet, N. Stasse, A. Struelens, C. Tribut, H. Vanden Broeck, H. Vanderhaeghen, E. Vander Meersch, J.-B. Vanpé, E. Van Segvelt, F. Vindevogel, A. Willems. Après avoir déclaré la séance ouverte, M. le Président prononce l'allocution suivante : « MESSIEURS ET CHERS CONFRÈRES, La perte irréparable de notre cher et vénéré Président m’impose le devoir de vous entretenir un moment du regretté savant que nous avons eu si longtemps à notre têle. L'âge avancé de M. Du Mortier devait, il est vrai, nous faire prévoir une douloureuse séparation, mais sa mort a néanmoins laissé parmi nous des regrets qui s’effaceront difficilement. Je ne vous parlerai pas des nombreux services que notre illustre con- frère a rendus à la science, ni des ouvrages impérissables qu’il a laissés : vous avez appris à connaitre les uus et les autres. Ce que nous ne trouve- rons plus, c’est l'affection profonde qu’il avait pour chacun de nous, c’est son commerce aimable, sa gaieté intarissable, son obligeance et son dévouement sans bornes qui donnaient tant de charmes à nos herborisations. Jamais, Messieurs, notre cher Président ne pourra être remplacé, car où trouverons-nous un homme aussi actif et aussi érudit qu’il l’était ? Mais son souvenir vivra parmi nous et fera la force de cette Société qu’il n’a cessé d’aimer de toute la force de son âme. Jusqu’à sa dernière heure, Du Mortier s’est occupé de l’œuvre que nous poursuivions et sa dernière pensée a été pour nous. En effet, quand la vie semblait l’abandonner, son esprit était encore préoccupé de la dernière exeursion de la Société. La fête du mois de mai a été pour Du Mortier le plus précieux des témoignages qu'il ait recueillis : elle fut la récompense de sa longue et laborieuse carrière, dont une grande partie a été consacrée à la science. Du Mortier fut toujours un travailleur infatigable : chaque jour de grand (252) matin il était occupé à ses travaux scientiïiques qu’il n’a cessé de pour- suivre jusqu’à ses derniers jours. [Il avait conservé la verdeur et la lucidité de sa belle intelligence. Les Bulletins de la Société lui doivent un grand nombre d'œuvres qui ont donné à notre recueil un éclat tout particulier. Messieurs, l’affection et le dévouement que cet homme éminent a portés à la science ne resteront pas stériles et nous tiendrons tous à honneur de poursuivre nos recherches, nos travaux, dans la voice qu’il nous a tracée. Pénétrés de son souvenir, restons toujours unis et continuons à travailler de toutes nos forces aux progrès de notre Socièté. Ce sera le meilleur moyen d’honorer la mémoire de celui qui eut toute sa vie la passion de la science et l’amour de la Patrie ! Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 21 juillet 1878, qui est approuvé. Il donne ensuite lecture de la correspondance. M. Ch. Gilbert, membre du Conseil, donne à l’assem- blée un apercu de [la situation financière de la Société d’après les comptes dressés par M. L. Coomans, trésorier. Des félicitations sont adressées à celui-ci pour les soins qu'il a pris pour administrer les finances de la Société. La discussion est ouverte sur le projet des statuts qui doivent modifier le réglement en vigueur. Le projet est adopté avec un certain nombre de modi- cations. Après l’adoption des nouveaux statuts, il est procédé au renouvellement complet du Conseil d'administration. Ont été élus : Président : M. F. Muller. Vice-présidents : MM. J.-J. Kickx, Éd. Martens et L. Piré. ( 255 Secrétaire : M. F. Crépin. Trésorier : M. L. Coomans. Conseillers : MM. Ch. Baguet. J.-E. Bommer,G. Car- ron, Ch. Gilbert, A. Gilkinet, N. Gille, Ë. Marchal, Ém. Rodigas et C. Van Haesendonck. La notice suivante a été annoncée pour être insérée dans le Bulletin : Diagnoses de Menthes nouvelles, par MM. AIf. Déséglise et Th. Durand. (Sont nommés commissaires : MM. Co- gniaux, Delogne et Gravis). Les membres effectifs suivants ont été admis par le Conseil! et leur admission est ratifiée par l'assemblée : MM. Francorre (F.}, régent à l'École moyenne d’Andenne; présenté par MM. Crépin et Marchal. DerueLze, médecin vétérinaire à Huy; présenté par MM. Crépin et Marchal. CLavez (Jules), professeur à Louvain; présenté par MM. Lecoyer et Cogniaux. KirscH (Guillaume), professeur à la Section normale, à Bruges; présenté par MM. Lecoyer et Cogniaux. Drsry (Jules), régent à l'École moyenne de Fosses ; présenté par MM. Lecoyer et Cogniaux. Trisur (C.), docteur en sciences et pharmacien, à Bouvignes ; présenté par MM. Marchal et Bommer. (254 ) MM. Gonineau (V.), docteur en médecine, à Bruxelles ; présenté par MM. Marchal et Bommer. Micxecer (L.), docteur en sciences physiques et mathé- matiques, à Bruxelles; présenté par MM. Marchal et Bommer. De Vos (André), conservateur des collections bota- niques de l'Université, à Liége; présenté par MM Bommer et Crépin. Prrrier (Henri), professeur, à Château d'Oex; pré- senté par MM. Déséglise et Th. Durand. Laurent (Eugène), banquier, à Wavre ; présenté par MM. Lecoyer et Cogniaux. Poxruière, docteur en médecine, à Ixelles; présenté par MM. Muller et Bernard. Van Veren, industriel, à Bruxelles; présenté par MM. Marchal et Crépin. Laxeau (Alfred), industriel, à Bruxelles; présenté par MM. Marchal et Crépin. Arr (Georges), étudiant, à St-Gilles; présenté par MM. Marchal et Crépin. Le Secrétaire général soumet à l'assemblée un projet de diplôme qui a déjà été approuvé par le Conseil. Il est décidé que ce diplôme sera imprimé. ( 255 LECTURES ET COMMUNICATIONS. Compte-rendu de la dix-septième herborisation générale de la Société royale de botanique de Belgique (1878), par Oscar Hecking. La Société royale de botanique de Belgique a décidé, à l'assemblée générale du 5 mai dernier, de faire l’excursion annuelle dans la région ardennaise, se proposant de visiter les environs de Viel-Salm, le plateau de la Baraque de Fraiture et les tourbières de Ville-au-Bois et de Petitthier. La région que nous allons parcourir est remarquable à plusieurs points de vue. Son altitude est de plus de 600 mètres et nous offre, après la Baraque Michel, le point le plus élevé de notre pays; son elimat se rapproche tellement de celui du Jutland et de la Norwége que M. Houzeau ne craint pas de dire que, sous ce rapport, « aller en Ardenne est l'équivalent d'un voyage dans ces pays. » Aussi la végétation y présente-t-elle un caractère spécial que l’on ne rencontre nulle part ailleurs en Bel- gique. Outre les A{losorus crispus, Trientalis europaea, Empetrum nigrum et Lycopodium alpinum., que nous devons y rencontrer, nous nourrissons l'espoir de décou- vrir le Selaginella helvetica trouvé non loin de Viel-Salm près de la frontière prussienne (1). La réunion à Viel-Salm avait été fixée au 14 juillet, mais un triste événement vint, vers cette époque, plonger notre Société dans le deuil. Notre éminent Président M. Du Mortier, atteint d'une maladie qui dès son appari- (1) Entre Eupen et Malmedy (Chalon). ( 256 ) tion ne laissa aucun doute sur son issue fatale, nous fut cruellement enlevé le 9 de ce mois. La Société, voulant rendre un témoignage de haute déférence à la mémoire de l'un de ses principaux fondateurs, décida d'ajourner lher- borisation aux 20, 21 et 22 juillet. Le samedi 20, à midi et demi, se trouvaient réunis à la gare de Pepinster : MM. Bodson, Coomans, Crépin, Errera, Vanden Broeck, le baron de Selys-Lonchamp et l'auteur de ce compte-rendu. Quelques instants après, le train Îles emportaient vers Spa. Ayant quitté cette agréable ville d'eau, le machiniste, probablement par une délicate attention pour les botanistes que son train trans- porte, ralentit la marche de ce dernier au point qu'il nous est aisé de reconnaitre parfaitement les belles fleurs du Viola tricolor, les roides pompons dorés du Chrysan- themum segetum, élégant Pteris aquilina et les touffes bleu glauque du Vaccinium uliginosum. Un peu plus loin, avant d'arriver à Stavelot, dans un terrain tourbeux, nous apercevons les jolies grappes jaunes du Narthecium ossi- fragum, accompagnées des floconneuses aigrettes d'Erio- phorum (l. Vers deux heures et demie, nous entrons en gare de Viel-Salm, heureux d'y rencontrer notre Vice-président, M. Muller et nos confrères MM. Aschman, Baguet, Koltz et Vanden Heuvel. Les salutations d'usage échangées, nous nous empressons d'empiler nos presses, nos malles et nos boites dans un tombereau « à ce destiné » et mis à notre disposition par M. Henrard, le propriétaire de l'hôtel où nous devons descendre. (1) Notre ami M. Baguet avait remarqué la veille le Carex pendula entre Franchimont et Spa. ( 257 } À peine en route pour Viel-Salm, car la station est distante à peu près de vingt minutes du centre du village, M. Baguet nous montre sur la berge du chemin le Filago arvensis, qu'il y avait découvert le matin ; c’est une plante nouvelle pour la flore de [a région ardennaise. Presque en face, nous trouvons un groupe de Galeopsis, parmi lesquels nous constatons la présence de G. villosa, G. Tetrahit et de deux autres de ces Labiées qui nous intriguent forte- ment : lune a le port du G. villosa, seulement ses tiges sont rougeàâtres et deux taches violettes colorent sa corolie(l); l’autre a également le port du G. villosa, mais sen différencie par les feuilles velues tomenteuses-blan- ehâtres et la corolle petite à tube court. Il est intéressant de noter Ici que nous n'avons observé à cet endroit aucun pied de G. angustifolia ou âe G. intermedia, quoique ce dernier ait été signalé à Viel-Salm par M. Van Bastelaer(?). Avant d'arriver à Viel-Salm, nous observons encore : Arenaria serpylli{olia, Heracleum Sphondylinm, Malva moschata Yar. laciniala, Achillea Ptarmica, Trifolium elegans, Asplenium Rula-muraria. Viel-Salm est arrosé par la Salm. C'est un des plus beaux villages des Ardennes; il contient une population de 2600 habitants; son sol est argileux et schisteux; ses maisons, d'architecture très-variée, sont bâties sur le flanc d’une colline. Cà et là, se trouvent éparpillés des châteaux et d’élégants chalets. Cette charmante localité est le rendez-vous des chasseurs qui y entretiennent des (1) Pourrait être le G. Ladano-ochroienca Crépin ? (2) M. Van Bastelaer nous a fait connaitre les plantes qu'il a récoltées à Salmchateau et à Viel-Salm dans le Bulletin de la Soc, bot. de Belg, 5° année, n° 2. ( 258 ) équipages de chasse pour forcer le lièvre, le renard et le chevreuil. Son agriculture et ses carrières sont les principales sources de sa richesse. L'église n’a rien de remarquable; elle est située près de l'hôtel où les commissaires de l'herborisation nous ont procuré un logement très-confortable. Après un diner longtemps désiré et prestement enlevé, nous avons hâte de mettre la boite au dos et nous voilà en route. En traversant le jardin de l'hôtel, nous remar- quons sur le mur du cimetière un Verbascum de la section du nigrum, dont les petites fleurs sont toutes longuement pédicellées. En gravissant la colline, nous passons par de nom- breuses carrières de pierres de taille et d’ardoises. Remarquons ici que ces dernières s'y exploitent à ciel ouvert, tandis que dans les autres parties de l’Ardenne, elles sont extraites au moyen de galeries souterraines. Nous sommes bientôt aux carrières de «€ pierres à rasoir ». Celles-ci jouissent d'une réputation universelle ; la Belgique en fournit à toute l’Europe et les Indes même nous en sont tributaires (1). Sur les côteaux boisés que nous parcourons, nous Voyons : Rubus Idaeus, Digitalis purpurca, Rosa canina, Jasione montana, Heracleum Sphondylium var. angus- | Polypodium Dryopteris. tifolium, (1) Les pierres à rasoir sont formées d’une couche de coticule jaune adhérant à une tranche de phyllade. D’après une découverte du R. P. Renard, le coticule est un schiste cristallin très-riche en grenat, et ayant, jusqu’à un certain point, la structure du phyllade adjacent. (259) Dans les moissons, croissent : Viola tricolor, Matricaria Chamomilla, Vicia Cracca, Chrysanthemum segelum, Galeopsis Tetrahit, Agrostis vulgaris. Arrivés au rocher schisteux de la carrière du Vieux- Renard, nous observons : Epilobium montanum, Senecio sylvalicus, — colinum Gt} | — ViSCOSUS. | Sambuseus racemosa, Nous récoltions ces plantes, lorsque s'avance mysté- rieusement le nommé Nickelmans, pépiniériste à Salm- chateau ; il doit savoir la joie qu'il va nous causer avec le contenu de son vaste foulard rouge, lequel renferme une des plus rares plantes de notre flore, l'Allosorus crispus@)!. Nous n'avons plus qu'un désir, c’est de voir l'habitation de cette précieuse fougère. Peu d’instants après, sous la con- duite de M. Koltz, à qui l’on doit cette brillante décou- verte, nous apercevors les touffes gracieuses de cette belle cryptogame. Nous en enlevons quelques pieds tout en n'oubliant pas de prendre lAsplenium septentrionale qui croit à côté. Après une ascension fort pénible pour des habitants de la plaine, nous arrivons à un plateau où nous nous arrètons pour admirer le magnifique panorama qui se déroule devant nos yeux. Nous reprenons ensuite notre course à (1) Plante rare dans notre pays; elle n’est signalée que dans la région ardennaise à Bouillon, Frahan, Laroche, Stavelot, Houffalize et non loin de Givet. (2) A été observé à Laroche, à Chiny, par M. Gravet et à La Reid, par Thielens, ( 260 ) travers une bruyère entrecoupée de parties boisées et où se montrent : Polygala depressa, Hieracium vulgatum, Viola canina, — boreale, Genista anglica, — Pilosella, Ornithopus perpusillus, Platanthera bifolia, Euphrasia officinalis, Molinia cocrulea, Scutellaria minor, Nardus stricla, Antennaria dioeca, Lycopodium clavatum. Arnica montana forma ramosa, Cette association végétale, également caractéristique des sabies campiniens, nous montre une fois de plus l’analogie botanique qui existe entre les flores ardennaise et campi- nienne. Aussi ne sommes-nous pas étonnés de rencontrer dans les tourbières (1) que nous explorons : Radiola mulliflora, Narthecium ossifragum, Drosera rotundifolia, Juncus squarrosus, Viola palustris, Luzula nemorosa, Genisla anglica, Carex OEderi, Thymus Serpyllum, Rhynchospora alba, Scutellaria minor, Eriophorum polystachium, Wallenbergia hederacea, Blechknum Spicant. Galium saxatile, Tout en continuant à parcourir la bruyère, nous obser- vons : Euphrasia officinalis, Belonica ofjicinalis, Carlina vulgaris, Deschampsia flexuosa, Danthonia decumbens et une forme naine d'Agrostis vulgaris, que nous avons déjà remarquée sur les rochers des bords de la Semois. (1) Les tourbières se forment, dans la région ardennaise, par la décom- position du schiste qui, en se désagrégeant, donne naissance à un résidu argileux, pâte imperméable qui empêche les eaux pluviales de s’infiltrer dans le sous-sol. ( 261 ) Nous récoltons aussi dans un endroit ombragé quelques pieds de la seule plante oflicinale caractéristique de la région ardennaise, du Meum athamanticum. Avant de nous diriger vers Salmchàteau, nous nous divisions en petits groupes pour mieux explorer le pays. Bientôt après M. Baguet ne tarde pas à nous apporter le Rosa arduennensis Crépin (1), qu'il vient de découvrir. Cette rare espèce nest connue dans notre pays qu'à Saint- Hubert et à Vesqueville(2). Les autres botanistes nous signalent l'existence de plantes dont la nomenclature ne serait que la répétition des espèces que nous avons déjà signalées. Pour descendre la côte escarpée qui nous sépare de Salmchäteau, nous nous accrochons aux bouleaux et aux charmes tout en foulant à nos pieds les Sedum reflexum, Cirsium palustre et sa variété à fleurs blanches. Nous remarquons aussi sur ce versant quelques buissons de Sorbus Aria. Salmchateau, baigné par la Salm, est entouré d’énor- mes rochers : il en est un presque inaccessible du côté de la rivière, qui porte les ruines d’un ancien château ayant appartenu aux comtes de Salm ; il n’en reste plus qu'une (1) Cette forme diffère du R. mollis, par ses aiguillons bien plus allongés, grêles, toujours droits, même sur les rameaux florifères, et par ses folioles presque glabres, ordinairement glanduleuses sur les deux faces (la plante de Salmchateau n’a pas de glandes sur la face supérieure des folioles). Voir Manuel de la flore de Belgique (2e édit.) ; Bulletin Soc. roy. bot. Belg., 6° année, no 1, p. 47; Plateaux et vallées du Nord-Est de la Belgique (Crépin); Votes sur quelques plantes rares ou critiques (2° fase.). (2) M. Th. Durand signale dans Bull. Soc. bot. Belg., 1874, n° 5, une forme voisine du R. arduennensis Crép., trouvée dans le bassin de la Vesdre à Goé (Herbier A. Donckier). 2670 porte ogivale flanquée de deux tours. L'architecture bizarre de l’église de ce village attire fortement notre attention. Dans cette commune, Je l'ai dit précédemment, habite Nickelmans et c'est chez lui que nous nous rendons pour nous raffraichir : Nickelmans est cabaretier et, de plus, il est apiculteur et soyez sûr qu’il a une large part dans les deux millions que les abeilles rapportent annuellement à l’Ardenne. C’est pendant que nous nous désaltérons qu’il nous montre les divers produits de ses hyménoptères. Mais il est bientôt temps de penser au retour. Les plus intrépides vont visiter les ruines du vieux château, tandis que les autres suivent la rivière et au lieu de rechercher, comme le dit la légende du château, Le trésor que Satan a hérité d’un comte de Salm et qu'il a enfoui sous un rocher » ils se contentent de recueillir en suivant la voie ferrée : Scleranthus biennis, Verbascum cuspidatum, Sedum aureum, Galeopsis angustifolia. Malva moschala var. laciniala, Nos compagnons qui ont passé par les ruines, ont observé : Hypericum quadrangulum, Digilalis purpurea, Potentilla argentea, Teucrium Scorcdoniu. Rosa dumulis, Il est regrettable que nous n’ayons pas eu la bonne fortune de compter parmi nous, dans cette herborisation, les deux zélés botanistes liégeois MM. Th. Durand et H. Forir: ils auraient pu nous faire récolter à Salm- chateau des espèces que nous n’avons pas rencontrées et qu'ils y signalent, entre autres : Stellaria uliginosa, Spiraea Ulmaria var. denudata, Geranium sylvaticum, Pedicularis sylvatica, Malva moschata var, integrifulia, — palustris, Gr 20 ) Rlhinanthus major, Bromus arvensis, — Alectorolophus, Polypodium Dryopteris, Petasites officinalis, — Phegopteris, Cichorium Intybus, Asplenium septentrionale. Arrivés à la gare de Viel-Salm, nous y rencontrons notre confrère M. Fischer, qui arrivait de Luxembourg. Pendant le diner, on agite la question de l’herborisation du lendemain. On doit, nous dit-on, modifier le pro- gramme et consacrer la Journée du dimanche à l’herbori- sation de Fraiture, à cause des chevaux qui ne peuvent nous être fournis que ce jour-là. Le dimanche vert huit heures, les véhicules se trouvent prêts à la porte de l'hôtel; le signal du départ est donné et bientôt après nous roulons sur des routes macadamisées qui ne font pas regretter les routes pavées, voire même celles de nos plus grandes villes, Notre attention est bientôt attirée sur la belle culture des environs immédiats de Viel-Salm ; certaines récoltes sont aussi riches que ceiles des meilleures terres du pays ; l’avoine y est superbe (1), le seigle magnifique: on y eul- tive beaucoup la pomme de terre. Le froment, l'épeautre, l'orge, le lin, le colza et la navette se rencontrent moins fréquemment. Parmi les plantes fourragères, nous pouvons citer Îa Luzerne (Medicago Lupulina et AM. sativa), le Trèfle (Trifolium elegans et T. repens) la Vesce (Vicia sativa). Rien de bien intéressant n'est à signaler quant à la flore. Les Galeopsis Tetrahit, Arnoseris minima, Blitum Bonus- Henricus et Avena strigosa sont les seules plantes annotées par M. Errera. — (1) On sait que dans ectte contrée la semence d’avoine doit se tirer de la Famenne; sinon le chaume se développerait au détriment du grain, ( 264 ) A Salmchateau, nous prenons la route qui conduit à la Baraque de Fraiture. Au delà du village de Sart(1), que nous laissons à notre droite, le sol nous offre une végéta- tion peu variée. Partout d'immenses plaines recouvertes de bruyères, au milieu desquelles eroissent quelques Gra- minées et Joncées et où les fleurs aux brillantes couleurs font presque défaut. Cà et là, on apercoit un triste conifère qui végète péni- blement; de loin en loin, des parcelles de terre sont géométriquement enlevées à la bruyère pour être cultivées par l’essartage 2). Honni soit une fois de plus ce système de culture qui nous à ravi et ne cesse de nous ravir plusieurs de nos meilleures espèces. Au bout de deux heures de voiture nos jambes engour- dies nous demandent de lexercice; aussi arrivés à la hauteur de Bihain(5), nous descendons de nos pataches (1) Sart fait partie de la province de Liége. MM. Durand et Forir y signalent : Lappa glabra, Polypodium Dryopteris Monotropa Hypopytis, Antennaria dioeca, Viola palustris, Arnica montana, Menyanthes trifoliata, Polygonum Bistorta, Rhinanthus minor, Platunthera bifolia, Phytheuma spicatum, Potamogelon polygonifolius, Galium saxatile, Eriophorum vaginatum, | — NAjOT, Lycopodium clavatum. essartage ou écobui nsiste à enlever des plaques de gazon 2) L tag buage consist l des plaques de g our les faire sécher; après leur dessiccation, on les brûle et leurs cendres P 1 P ) sont éparpillées pour servir d’engrais. Ce n’est qu’alors que l’on sème la graine. (3) Bihain, arrosé par le Bihain et le Rolay contient 1050 habitants ; il possède des carrières de pierres à aiguiser et des mines de manganèse, ( 265 pour nous diriger vers la tourbière qui se trouve à gauche de la route. On y observe les espèces suivantes : Ranunvulus hederaceus, Helodes pulustris, Drosera rotundifolia, — inlermedia, Viola palustris, Montia rivularis, Epilobium palustre, Menyanthes trifoliata, | Oxryroccos palustris, Wahlenbergia hederacea, Rhynchospora alba. Ici, il nous était réservé une agréable surprise. M. Crépin s'était écarté du reste de la bande et guidé par les indica- tions de la géographie botanique, il nous fait bientôt récolter une Orchidée fort rare dans notre pays, Île Malaxis paludosa, dont nous ne parvenons à réunir qu’un petit nombre d'exemplaires perdus au milieu des sphaignes. C’est munis de ce « précieux butin » que nous reégagnons nos voitures et poursuivons notre route. Les uns restent dans les voitures plusieurs fois séculaires et se réservent pour mieux explorer le plateau, tandis que les autres herborisent le long de la route. Ces derniers ont recueilli : Medicago Lupulina y unguiculata Seringe (1), Trifolium pratense flore albo, — aureum, Rubus Idaeus, Epilobium spicatum, Meum atumanthicum, Gentiana Pneumonanthe, Digitalis purpurea flore albo(2), Rlinanthus alectorolophus, Vaccinium Vitis-Idaea, — uliginosum, Polygonum Bistorta. Enfin vers midi nous sommes à 656 mètres au-dessus du niveau de la mer. Je crois ne pouvoir mieux faire (1) Monstrum aestate humide (Lejeune). (2) Mon ami M. Baguet m'a dit que les fleurs de cette plante sont devenues purpurines après leur dessiccation. 2! ( 266 ) que d'intercaler ici la description que M. Crépin a faite de ce plateau dans son travail sur l’Ardenne. « Au milieu de ces vastes landes dénudées nommées hautes-fagnes, où la bruyère recouvre tout de son tapis noirâtre, où le sol, souvent tourbeux, est marqueté d’une foule de mares d'eau stagnante bordées de gramens et de cypéracées au feuillage roide et dur, où enfin la vie animale semble avoir disparu, l'œil s'inquiète et cherche au loin les bois et les vallées qui se trouvent autour de ces déserts. Déjà à 1500 et à 2000 pieds, sous notre lati- tude, on a une image, faible il est vrai, de la région supé- rieure des hautes montagnes. Les forêts de chênes et mème de hêtres ont disparu en grande partie ; car à cette élévation ces essences sont près de rencontrer leur limite supérieure de végétation. Dans les lambeaux de taillis et de forêts qui s’aventurent sur quelques-uns des plateaux les plus élevés, les arbres et surtout les chênes sont ordi- nairement rabougris et chargés de lichens aux longues bar- bes. Quant aux conifères, ils n'existent nulle part à l’état spontané. Arrivé de nos plaines sur ces hauteurs, le bota- niste se met vite en quête de quelques plantes alpestres disséminées cà et là, et en les trouvant il se sent heureux de rencontrer ces espèces qui semblent le transporter au milieu des hautes montagnes. L'illusion est augmentée dans ces lieux par une température tellement basse que dans certaines gorges il gèle presque chaque nuit durant les trois-quarts de l'année. Les brouillards y sont fréquents et un vent du nord-est y est si persistant que les habitants doivent entourer leurs maisons de hautes clôtures de hêtres. » (1). (1) L’Ardenne sous le rapport de sa végétation. (Bulletin de la Fédéra- tion des Sociétés d’Horticulture, 1862.) (aoz 1) Après ce tableau des hautes-fagnes, nous ne nous éten- drons pas davantage sur cette partie du pays, où, soit dit en passant, il tombe parfois jusqu'à deux mètres et demi de neige. À la Baraque de Fraiture, où nous avons laissé reposer les chevaux, nous nous réinstallons dans nos équipages, pour nous faire conduire au bois Saint-Jean, qui se pro- longe jusqu'aux bords de l'Ourthe. Dans ce grand bois, une salle semble être préparée pour nous recevoir. Les branches feuillées en forment la voûte; les troncs des hèêtres en sont les colonnes. Les fines herbes sylvatiques nous servent de tapis, sur lequel nous nous étendons tout d’abord pour déjeuner, puis pour assister à la séance. Après la séance, présidée par M. Muller, notre savant confrère M. le Baron de Selys-Longchamps nous initie quelque peu à la science dont il s'occupe avec tant de succès ; puis il nous raconte que l’on a tenté d’acclimater la grousse d'Écosse dans les hautes-fagnes, mais que le résultat, contrairement à ses prévisions, en a été peu satisfaisant : le Lagopus scoticus ne s’y étant pas reproduit en grand nombre (1). A une heure, nous quittons à regret le bois pour nous rendre à la bruyère de Samrée. C'est là que croissent plusieurs espèces alpestres, qui sont loin toutefois d’im- primer à la végétation un cachet particulier. En avançant dans cette bruyère humide, nous récol- tons : (1) Nous venons d'apprendre que les chasseurs de la localité ont ren- contré, ces dernières années à leur grand étonnement, un nombre assez considérable de ces oiseaux. (268 ) Sagina procumbens var. interme- | Oxycoccos palustris, dia Mart., Galium saxatile, Hypericum quadrangulum, Solidago Virga-aurea, Drosera rotundifolia, Polygonum Bistorta, Viola palustris, Polygonatum verticillatum, Trifolium aureum, Luzula multiflora var. congesta, Geum rivale, Carex paniculata, Epilobium obscurum, — Goodenoughii, Angelica sylvestris Var. montana, — flava, Heracleum Sphondylium, — OEderi, Trientalis europuea, — laevigata, Vaccinium Myrtillus, Eriophorum vaginatum, — Vitis-Iduea, Polystichum spinulosum. — uliginosum, Le rare Empetrum nigrum semble vouloir se dérober à nos recherches; il nous fait battre la bruyère sans résultat pendant bien longtemps et nous commencions à nous désespérer lorsque tout à coup M. Crépin le découvre dans un buisson. En continuant à fouiller la bruyère, nous en trouvons de nombreux échantillons. Nous emplissons nos boites de cet arbuste, qui n'est signalé en Belgique qu'à la fange aux loups près de St-Hubert, au bois de Ste-Ger- trude entre Grune et Champlon et entre Sart et Jalhay. Nous abandonnons la bruyère de Samrée et revenons sur nos pas vers le bois Saint-Jean qui, sous le rapport floral, n’est pas plus riche que les autres bois de hêtres de l’'Ardenne. Chemin faisant, nous avons observé : Ajuga reptans (1), | Alchemilla vulgaris, (1) Notre ami M. Errera a observé que la forme dominante d’Ajuga reptans était celle à lèvre supérieure de la corolle obtuse. En examinant ces plantes, il en à trouvé une à fleur pélorique presque régulièrement penta- mère, ( 269 ) Hieracium Auricula, Deschampsia caespiltosa var. pal- Callitriche stagnalis, lida, Salix aurita, Festuca heterophylla. Luzula albida, En sortant du bois, nous herborisons dans la bruyère, où nous n'avons rien rencontré méritant une mention spé- ciale. Nous appuyons à gauche, et arrivons à la route qui conduit à Laroche et qui longe la grande bruyère située entre Odeigne et la Baraque de Fraiture, où M. Crépin a découvert Le rare Lycopodium alpinum. Malgré les plus minutieuses recherches, nous nesommes pas parvenus à trouver « l'aiguille dans la botte de foin», car cette comparaison est bien applicable à cette rarissime espèce alpine cachée dans cette immense plaine. En cherchant cette plante, nous avons observé : Genista pilosa, Hieracium tridentatum, Orobus tuberosus, Salix repens, Potentilla sylvestris, Carex pilulifera, Andromeda poliifolia, Blechnum Spicant, Vaccinium Vitis-Idaea, Lycopodium clavatum. Campanula rotundifolia flore albo, | Abandonnant tout espoir de découvrir le Lycopodium alpinum, nous regagnons la Baraque de Fraiture. A notre retour à Viel-Salm, nous trouvons notre com- frère, M. Vanderhacghen, arrivé directement de Gand. Il nous fait part de la découverte qu'il venait de faire à Viel-Salm du Senecio Jacquinianus, espèce fort rare dans notre pays (1). (1) N'est signalé qu’à Grand-Halleux, Francorchamps, entre Bande et Champlon, Poix (Crépin) Neufchateau (Verheggen). (270 ) Malgré la soirée que nous avions prolongée la veille, le lundi matin, nous sommes prêts à l'heure convenue et, fidèles au programme, on se dirige vers la bruyère de Ville- du-Bois. Avant d’y arriver, nous avons observé dans le cime- tière de Viel-Salm : Hyosciamus niger ; dans les moissons : Chrysanthemum segetum et Galcopsis Tetrahit; dans Îles ruisseaux : Montia fontana et Glyceria fluitans ; aux bords des chemins : T'rifolium minus var : pygmaeus, Plantago media, Verbascum thapsiforme et Senecio Fuchsii. Parvenus à la tourbière de Ville-du-Bois, nous notons l'existence de : Stellaria uliginosa, Scutellaria minor var. elalior, Linum catharticum, Oxyeoccos palustris, Radiola multiflora, Juniperus communis, Parnassia palustris, Narthecium ossifragqum, Peplis Portulu, Platanthera bifolia, Hydrocotyle vulgaris, Juncus supinus, Menyanthes trifoliata, Scirpus selaceus, Brunella vulgaris flore albo (Ba- | Eriophorum latifolium, guct), Nardus stricla. Là, nous rencontrons également de grandes colonies de Wahlenbergia hederacea. I y croit en abondance entre les touffes de sphagnum et de mousses qui protégent ses tiges délicates, Continuant à parcourir des bruyères, des marécages entrecoupés de parties boisées et des champs cultivés, nous trouvons : Drosera rolundifolia, Genista anglica, — inlermedia, Potentilla sylvestris, Cardamine fragilis Degand, Alchemilla vulgaris, Viola palustris, Epilobium palustre, (271) Menyanthes trifoliata({), | Potamogeton oblongqus, Betonica stricla, | Juncus ranarius, Wahlenbergia hederacea, | Carex juncella, Achillea Plarmica, | 1 Arnica montana, Rliynchospora alba. De là, nous nous dirigeons vers Petitthier. Arrivés près de ce village, nous rencontrons un champ de lin dans lequel nous sommes heureux de découvrir le Galium spurium. Rappelons iei que cette espèce ne s’observe que dans les iins de Riga importés dans notre pays, et unique- ment dans ceux de cette provenance spéciale (?). Elle a été observée : dans le Luxembourg, à Pussemange et aux environs de Virton et, dans la provinee de Namur, à Louette Saint-Pierre. Dans le même champ au lin, eroissait le Lolium remotum. La commune de Petitthier est peu importante. Nous la traversons en herborisant. Aux bords des chemins, on voit : Spergularia rubra, Lysimachia vulgaris et Achillea Ptarmica. Nous avons à peine dépassé le village que M. Crépin nous montre dans une prairie de nombreux pieds de Sanguisorba officinalis, plante peu commune dans la province que nous visitons, quoique assez répandue aux environs de Stavelot. En compagnie de cette espèce, croissait le Betonia stricta Ait. En sortant de cette prairie, nous entrons dans un chemin creux, le long duquel on observe les Potentilla procumbens (1) Nous avons remarqué une feuille de cette plante dont les folioles élaient confluentes. (2) Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, 9° année, n°1, p. 10. « Les plantes naturalisées où introduites en Belgique, par André Devos ». (272) et Lactuca muralis. Nous débouchons ensuite devant une tourbière qui nous sépare de la frontière prussienne et où nous trouvons : Vicia Kitaibeliuna, Carex fulra, Comarum palustre, Lycopodium clavatum, Erica Tetrulix, — inundatum. Vaccinium Vitis-Idaeu, Mais ilest midi, il faut songer au retour pour ne pas manquer le train. Aussi, tandis que les uns se rendent à Poteau pour retrouver les voitures qui les reconduiront à Viel-Salm, les autres retournent à pied en herborisant. Ces derniers n'observent plus guère que les Ranunculus hederaceus, Brunella vulgaris flore albo, Peplis Portula et Hypericum quadranqulum. Arrivés tout essouflés à l'hôtel, vite ils bouclent leurs malles, serrent leurs presses, mangent à la hâte et courent vers la gare. Là, grâce au retard du train, il leur est permis de rejoindre leurs compagnons et de prendre encore le Medicago denticulata qui croit entre les pavés. Après avoir fait nos adieux à nos amis de Luxembourg, nous prenons place dans le train qui va nous emporter vers Liége. Nous passons dans cette dernière ville une charmante soirée, dont nous garderons un excellent souvenir, grâce à M. Bodson. Que cet excellent confrère reçoive ici l'expression de toute notre reconnaissance. En terminant, je dois remercier MM. Errera et Vanden Brocck de m'avoir si obligeamment communiqué la liste des espèces récoltées pendant lherborisation. Remarques sur les Cucurbilacées brésiliennes, et particulie- rement sur leur dispersion géographique, par Alfred Cogniaux. I. — INTRODUCTION HISTORIQUE. L'Amérique nourrit plus de la moitié des espèces de la famille des Cucurbitacées (1); mais l’étude des plantes de cette famille qui croissent dans les régions tropicales et subtropicales du Nouveau-Monde était jusqu'ici peu avan- ece ; si les espèces propres aux régions tempérées de ce continent sont mieux connues, elles ne forment qu'une infime minorité (2). En ce qui concerne les espèces du Brésil, voici som- mairement quels sont les principaux travaux qui, jusqu’en 1876, date de la publication de notre premier fascicule de Diagnoses de Cucurbitacées nouvelles, ont contribué à les faire connaitre : 1° Maregraf, dans un ouvrage publié après sa mort, en 1648, et imprimé à la suite du traité de Pison sur la matière médicale du Brésil6), fit déjà connaître un certain nombre de Cucurbitacées. Toutefois, ses descriptions sont bien imparfaites et ses figures souvent très-informes, ce qui explique pourquoi, sur les sept espèces qu'il mentionne, Linné n’en a relevé qu'une, plus d'un siècle plus tard (4). (1) 297 espèces sur 580. (2) 14 espèces, soit la vingt et unième partie des espèces américaines. (5) G. Pisonis de medicina brasiliensi libri IV, et G. Marcgravii historiae rerum naturalium Brasiliae libri VIII. — 1648. (4) Feuillea trilobata L. Spec. plant., édit. I, p. 1014 (1755), (274 ) Cependant, une étude patiente de son travail permet d'établir la concordance suivante entre ses dénominations et les noms scientifiques modernes : p. 22. — Curuba — Sicana odorifera Naud. » Jaee (fig. sous le nom de Balancia) == Citrullus vulgaris Schrad. p. 27. — T'aioia — Trianosperma Tayuya Mart. p. 44. — Jurumu vel Bobora — Cucurbita maxima Duch. ? » Cucurbita lagenae forma — Eagenaria vul- garis Ser. » Cucumis sylvestris — Cucumis Anguria L. p. 46. — Ghandiroba vel Nhandiroba = Feuillea trilo- bata L. (D. De ces sept espèces, les Citrullus vulgaris, Cucurbita maxima et Lagenaria vulgaris, ne sont pas indigènes, mais seulement cultivées ou naturalisées; ce qui réduit à quatre le nombre des espèces originaires du Brésil signalées par Maregraf. (1) Guibourt, ayant recu du Brésil des graines de cette espèce, a reconnu leur identité avec la plante de Marcgraf; mais la prenant pour une espèce négligée depuis ce vieil auteur, il la décrivit sous le nom de Feuillea Marcgravii (Hist. nat. des drogues simples, 4e édit., IL. p. 244. — 1850). C’est d’autant plus étrange que Liuné lui-même indiquait en termes explicites qu’il fondait son F. trilobata sur la plante signalée par Marcgraf. M. G. Planchon a eu la bienveillance de nous faire voir, dans la collection de Guibourt même, les graines qui ont servi à cet auteur pour décrire son F. Marcgravii, et, comme on devait s’y attendre d’après ce qui précède, nous avons constaté qu’elles sont identiques à celles du F. trilo- bata L. (275) Dans son édition de 1658, Pison changea quelques-uns des noms précédents, mais ne mentionna pas d'autres espèces, et il faut franchir une période de 177 années, pour trouver des espèces brésiliennes ajoutées à celles de Marcegraf. 9 En 18925, Nees et Martius({) décrivirent deux espèces nouvelles sous les noms d’Anguria integrifolia et À. pedisecta; cette dernière est notre Apodanthera pedisecta. 5° Bientôt après, parut le grand et étrange ouvrage de Velloso, institulé Flora Fluminensis, dont il n’a paru qu'un petit volume de texte, imprimé à Rio de Janeiro en 1895, et dont les planches, publiées à Paris, portent la date de 1827 et forment onze volumes in-folio. Malgré ces dates, il est probable que la vraie publication de cet ouvrage n'eut lieu que plusieurs années après, car Île volume IT du Prodromus de De Candolle, contenant les Cucurbitacées et publié en 1828, ne mentionne aucune des espèces de Vellozo. La Flora Fluminensis figure beau- coup de Cuceurbitacées ; mais, ainsi que le disait tout récemment M. Alph. de CandolleU), les figures de cet ouvrage sont si imparfaites que très-souvent, malgré le srand format des planches, il est impossible de distinguer ce qu’elles représentent. (1) Beitrag zur Flora Brasiliens, in Nova Acta Acad. Caes. Leop. Nat. Cur., XIE, pp. 9-10. (2) « Blanco et Vellozo paraissent n’avoir jamais desséché de plantes... « Les figures du second, comme celles de Plumier, sont fort mauvaises. « Le plus sûr est, en général, de classer les espèces de ces auteurs, dans « une calégorie plus que douteuse, qu’on peut appeler inextricables, » (Alpe. DC., Monogr. Phaner., 1, p. 4). ( 276 ) Nous avons cependant fini par reconnaitre la plupart des espèces de Cucurbitacées qu'il a figurées et par les indentifier avec des plantes que nous avons trouvées dans les herbiers, de manière à pouvoir les décrire. Voici l'énumération de ses planches, avec les noms que nous leur appliquons : Tome 1, pl. 69. — Melothria pendula. — Ce n'est pas l'espèce de Linné, mais celle que Gardner a décrite en 1842, sous le nom de M. flumi- nensis. » pl. 70. — Melothria Cucumis. — Bonne espèce. Tome X.pl. 1. -— Anguria trilobata. — Diffère beaucoup de l'espèce de Linné; c'est l'A. multiflora Miq., A. Arrabidae Schlecht., devenu ensuite le Gurania multiflora Cogn. » pl. 2. — A. trifoliata. — Ce n'est pas l'espèce linnéenne ; Roemer (1846) l'a nomme À. fer- nala. » pl. 84. — Cucumis Anguria. — (C'est bien l'espèce de Linné, quoique Roemer(1846) l'en ait distinguée sous le nom de C. angurioides. » pl. 85. — Bryonia septemloba. — Nous n'avons trouvé aucune plante se rapportant à cette planche. L'aspect des étamines et la nervation des feuilles nous portent mème beaucoup à penser que ce n'est pas une Cucurbitacée. » pl. 86. — B. pilosa. — Cayaponia pilosa Cogn. » pl. 87.— B. fluminensis. — Cayaponia flumi- nensis Cogn. » pl. 88. — B. Cabocla. — Cayaponia Cabocla Mart, or ) TomeX, pl. 89. — B. Tayuya. — Trianosperma Tayuya » Mart. pl. 90. — PB. pinnatifida (non Burch.). — Il ne nous est pas possible de dénommer avec certi- tude cette planche où aucune fleur n'est figu- rée, mais seulement des fruits. Martius l'avait rapportée à son Trianosperma ficifolia(T. Mar- tiana Cogn.); mais ce dernier a les fruits sphériques, avec dix bandes blanches longitu- dinales ; tandis que la planche les représente ovoides et sans bariolures longitudinales. Elle cadre assez avec le Trianosperma diversifolia Cogn. 7. quinquepartita, auquel nous la rappor- tons avec doute. pl. 91. — B. lernata. — Cayaponia ternata Cogn. pl. 92. — Momordica operculata. — Ce n’est pas l'espèce de Linné, laquelle est le Luffa oper- culata Cogn., mais bien le vulgaire M. Charan- tia, qui n'a guère de rapports avec le premier. pl. 95. — M. Luffa. — L'espèce de Linné est le Luffa aegyptiaca Mill.; celle-ci, décrite par Roemer (1846) sous le nom de L. fluminensis, ne diffère pas du L. acutangula Roxb. pl. 94. — M. muricata. — Echinocystis muri- cata Cogn. Le M. muricata décrit antérieure- ment par Willdenow est une variété du M. Charantia. pl. 95. — M. quinqueloba. — Cyclanthera quin- aueloba Cogn. pl. 96. — M. verticillata. = Wilbrandia verticil- lata Cogn. (278 ) Obs. — Cette espèce a été nommée plus tard par Silva Manso (1856), Wilbrandia Riedeli, et par Martius (1845), W. drastica ; ce dernier nom a été adopté par les auteurs postérieurs. Nous avons admis le nom spécifique le plus ancien, quoique les fleurs femelles ne soient pas réellement verticillées ; mais elles le paraissent, ce qui nous a semblé suffisant pour suivre strictement la règle de priorité, dont il ne faut s’écarter, selon nous, qu'en cas de nécessité absolue. Au propre, l'expression ici est fausse; mais au figuré, elle n’est pas mauvaise. La même figure s'emploie dans une foule de cas où elle est admise sans difficultés ; ainsi, un peu plus haut, nous avions la dénomination de Melothria Cucumis, qui à proprement parler est fausse, ear si une plante est un Melothria, elle ne peut être en même temps un Cucumis; done ce nom ne peut être pris à la lettre : il signifie seulement que îïes fruits de l'espèce en question, par leur forme et leur taille, rappellent beaucoup ceux de certains Cucumis, et nous sommes persuadé que personne ne pensera à le rejeter comme erroné. Îl en est de même dans une foule de cas : on applique les épithètes d'aureum et d'argenteum à des plantes qui ne sontni dorées ni argentées ; on appelle Trifolium fragiferum une espèce dont les fruits ne sont pas des fraises, mais en rappellent seulement l'aspect; on ne proteste pas contre le nom de Cornus mas donné à une plante hermaphrodite ; on désigne sous le nom d’{beris umbellata une espèce dont les fleurs sont, non en ombelle, mais en corym- be, ete., etc.; donc on doit montrer la même tolérance iei. Nous n’admettons donc pas, avec M. Naudin(!), que (1) Ann. des se. nat., 4° série, XVI, p. 15. ( 279 ) le nom de Womordica verticillata «est un nom doublement « impropre que M. de Martius a eu toute raison de « changer. » Nous n'ajouterons qu'un mot, c’est que les puristes qui rejetteraient l'épithète de verticillata devraient nommer cette espèce W. Riedeli Silva Manso, et non W. drastica Mart., le nom de Silva Manso (1856) étant antérieur de sept années à celui de Martius (1845). TomeX, pl. 97. — M. carinala. — Malgré les côtes longitudinales du fruit, qui tiennent sans doute lieu dans la figure des lignes noires qui le parcourent ordinairement dans toute sa lon- gueur, nous pensons que celte planche ne représente rien autre que le Luffa aegyptiaca Mill., car la graine à rebord ailé de cette espèce la caractérise trop bien que pour ne pas admettre une erreur dans le dessin du fruit, les inexactitudes n'étant pas rares dans le reste de l'ouvrage. « pl. 98. — Cucurbita Lagenaria. — C'est bien le C. Lagenaria L. — Lagenaria vulgaris Ser. Comme dans plusieurs anciennes planches de cette espèce, on a omis de figurer les deux glandes qui se trouvent à la base du limbe des feuilles; c'est sans doute pour cette raison que Roemer, admettant d’un côté le Lagenaria vulgaris, a encore de l’autre un Cucurbita Lagenaria FI. Flum., fondé sur cette planche. « pl. 99. — C. odorifera. = Sicano odorifera Naud. « pl. 100. — C. Pepo. — Roemer, reconnaissant que cette planche ne représente pas le €. Pepo de Linné, en a fait son C. pyriformis. Pour ( 280 ) nous, la plante qu’on a voulu représenter ici est la même que celle de la pl. 98, c'est-à-dire le Lagenaria vulgaris Ser. _TomeX.pl. 102. — Feuillea cordifolia. — Ce n'est pas l'espèce décrite antérieurement par Poiret sous ce nom, et Roemer en a fait son F. trian- gularis; mais elle ne diffère aucunement de l'ancien F. trilobata L. » pl. 105. — F. monosperma. — Sicydium monos- permum Cogn. » pl. 104. — F. Passiflora. — Anisosperma Pas- siflora Silva Manso. Si, dans l'énumération qui précède, nous laissons de côté les deux espèces douteuses, puis les quatre signalées précédemment par Marcgraf et les Momordica Charan- tia, Luffuacutangula, L. aegyptiaca et Lagenaria vulgaris, qui ne sont pas indigènes, il reste quatorze espèces que Vellozo a indiquées le premier au Brésil. 4° Dans le second volume de son ouvrage Reise in Brasilien (1828), Martius signala un Momordica purgans, qui est identique à l’ancien M. opercuiata L. (Luffa opercu- lata Cogn.). Quant aux Cucumis macrocarpus et Cucurbita ceralocreas du même ouvrage, ce ne sont que des formes d'espèces cultivées. 5° En 1856, A.-L.-P. da Silva Manso publia à Rio de Janeiro un petit opuscule intitulé : Enumeracao das sub- slancias Brazileiras que podem promover a catarze. Dans cette brochure, qui fut longtemps à peu près inconnue et dont il n'existe probablement que quelques exemplaires en Europe, l’auteur ne décrit pas moins de huit genres nouveaux et treize espèces nouvelles dans la famille des Cucurbitacées ; mais ses descriptions sont toutes si incom- (81) plètes et la plupart si inexactes, qu'il est souvent bien difficile et parfois mème impossible de deviner quelles plantes il a eues en vue; aussi y a-1-1l trois de ses espèces et mème trois dé ses genres qui doivent ètre rangés dans la catégorie que M. Alph. de Candolle nomme les inextri- cables (1). Nous allons examiner en peu de mots les genres et les espèces qu'il signale comme des nouveautés. Page 28. — Perianthopodus. — Ge genre a été admis par M. Naudin, et nous l'avons aussi adopté dans Îa Flora Brasiliensis, son port très-remarquable, son ovaire à une loge au lieu de trois, et quelques autres caractères plus faibles le distinguant des Trianosperma ; mais plus récemment, ayant disséqué un ovaire qui contenait trois ovules, comme dans les Trianosperma et ayant rencontré quelques fruits à deux graines, nous serions assez disposé à ne faire des deux que des sections d’un même genre. Les trois espèces de Silva Manso. P.Espelina, P. Tomba et P. Carijo, ne nous paraissent que des formes de Ja mème, ne différant guère que par la forme du fruit. Or, les fruits du P. Espelina que nous avons examinés, au nombre de plusieurs centaines, peuvent être plus ou moins allongés, arrondis ou atténués aux extrémités, et ces variations ne nous ont pas même paru assez constantes pour distinguer des variétés dans l'espèce. Un spécimen de P. Carijo, récolté par Silva Manso lui-même, n'est évidemment qu'une forme du P. Espelina. Page 50. — Wilbrandia. — Ge genre à été maintenu comme distinct par tous les auteurs, et le W, hibiscoides, Jusqu'ici méconnu, est une espèce bien tranchée, comme (1) Voir plus haut, la note de la page 275, (22827) on peut en juger par la pl. VI de la Flora Brasiliensis. Quant au W. Riedeli, que l'auteur a ajouté dans une note de la p. 50, c’est le Momordica verticillata de Vellozo, dont nous avons parlé précédemment, p. 278. Page 51. — Dermophylla. — MM. Bentham et Hooker rapprochent ce genre des Trianosperma ; la description de Silva Manso esttrop incomplète pour que nous puissions en dire plus qu'eux, et comme nous n'avons rien trouvé dans les herbiers qui paraisse se rapporter au D. pendulina, cette espèce doit être rangée dans la catégorie des inextricables. Une seconde espèce est donnée à la page 52, après les deux Cayaponia, sous le nom de D. elliptica; mais la place qu'elle occupe fait supposer que le nom de Dermo- phylla a été employé par distraction pour Cayaponia. Nous la rapportons au Bryonia pilosa de Vellozo (Caya- ponia pilosa Cogn.). P. 52. — Cayaponia. — Selon MM. Bentham et Hoo- ker, ce genre, dont ils n'ont pu étudier aucune espèce, rentre probablement dans ie genre Trianosperma. S'il en était ainsi, ce dernier nom, qui n’est que de 1845, devrait ètre abandonné pour celui de Cayaponia, qui est de 1856. Après l’étude de douze espèces de ce genre, nous Île maintenons Jusqu'ici comme distinet. Page 52. —- Cayaponia diffusa — €. pilosa Cogn. (Bryonia pilosa Vell.). C. globosa — C. Cabocla Mart. (Bryonia Cabocla Vell.). Page 54. —— Bryonia cordatifolia Godoy. — Il nous est impossible de trouver la description de cette plante. Mar- tius la rapporte à son Trianosperma Tayuya. Page 55. — Alternasemina. — Genre rentrant pro- bablement dans les Trianosperma, pour MM. Bentham ( 285 ) et Hooker. Nous ne pouvons en dire plus qu'eux, car nous n'avons rien trouvé dans les herbiers se rapportant à l'espèce nommée par Silva Manso À. Tayuia, qui doit être elassée parmi les inextricables. Page 55. — Druparia. — Ce genre, dont le fruit seul est décrit et ne l’esi même que très-imparfaitement, est aussi à placer avec l'espèce qu'il renferme, le D. race- mosa, parmi les inextricables. . Page 57. — Hypanthera. -— Ce genre est identique au Feuillea, et son unique espèce n'est même pas nouvelle : c'est le F. trilobata L. Page 58.— Anisosperma. Ce genre, dont MM. Bent- ham et Hooker n'ont connu que le nom, a été imparfaite- ment décrit par Silva Manso. Il forme un second genre à placer dans la tribu des Feuilleae; mais il se distingue nettement des Feuillea, comme on peut le voir dans la pl. 58 de la Flora Brasiliensis. Son unique espèce, À. Passiflora, est la même que le Feuillea Passiflora de Vellozo. De ce qui précède, il résulte que Silva Manso n'a ajouté à la flore brésilienne que deux espèces bien connues : le Wilbrandia hibiscoides et le Perianthopodus Espelina. 6° Dans le second volume des Nova genera ac species plantarum de Poeppig et Endlicher, publié en 1558, on trouve une nouvelle espèce croissant au Brésil, le Sechium amazonicum Poepp. et Endl., qui est le Perianthopodus amazonicus Cogn. 7° Dans le Systema materiae melicae vegetabilis Brasi- liensis de Martius, publié en 1845, nous avons une espèce nouvelle à signaler, le T'rianosperma ficifolia Mart., dont 1l n'y à ici que le nom et dont la description n'a été donnée que longtemps après, par M. Naudin; mais ce nest pas, ( 284 ) comme l'ont cru ces auteurs, le Bryonia ficifolia Lam. (B. bonariensis ficifolia de Dillen, dont nous avons vu un spécimen authentique au British Museum), et nous avons dù en changer le nom en T. Martiana. Quant aux T. arguta Mart. et Wülbrandia scabra Mart., ce ne sont que des noms sans aucune indication, qui doivent être abandonnés. La plante à laquelle Martius a appliqué le nom de Wilbrandia scabra dans son herbier n'est d'ailleurs qu'une forme du W. verticillata Cogn. 8° En 1850, M. Bentham, décrivant dans le volume II du Journal of Botany and Kew Garden Miscellany, des espèces nouvelles récoltées par M. Spruce, en signala deux du Brésil : l’Anguria sinuata Benth. (Gurania sinuata Cogn.) et A. cissoides Benth. (G. cissoides Cogn.). 9° Dans le volume XXIV (1851) du Linnaea, von Schlechtendal, passant en revue le genre Anguria, en décrivit trois espèces brésiliennes : A. Sellowiana (Gura- nia Sellowiana Cogn.), À. laciniosa (A podanthera laciniosa Cogn.) et À. Kunthiana. 10° La partie des Mémoires de M. Naudin publiée de 1862 à 1867, contient les nouvelles espèces suivantes du Brésil : Melancium campestre Naud., Trianosperma Tibi- ricae Naud., Perianthopodus Weddellii Naud. et Praso- pepon Duriaei Naud. (Cucurbitella Duriaei Cogn.)(1). Quantau Trianosperma Hilariana Naud., c'est le véritable (1) En consultant la planche XIX de la Flora Brasiliensis, on verra aux analyses que, par tous ses caractères, ct spécialement par ses cinq stig- males pellés, rayonnants, bifides jusqu'à la base et par ses anthères bilo- culaires à conneclif toujours entier dans la jeunesse, cette espèce est bien réellement un Cucurbitella, et que par conséquent, le genre Prasopepon n’est que synonyme de ce dernier. ( 285 ) Bryonia bonariensis ficifolia de Dillen (B. ficifolia Lam., Trianosperma ficifolia Cogn. non Mart.), mais M. Nau- din est le premier qui l'ait signalé au Brésil. Comme résumé de tout ce qui précède, voici le nombre d'espèces de Cucurbitacées ajoutées à la flore du Brésil par chacun des auteurs cités : 16048: Maregraf.. , . 1. 4 espèces. 1825. — Nees et Martius . . . 2 » 1825-1927. —:Vellozo.. .: 15 » Le —"Martius nue 2 LE 1 » 1640. — SHva: Mansos 0, © 5 7 » 1858. — Pocppig et Endlicher. 1 Vo AMAR TE RE) 1 1890. — Benthanm 07/05 2 2 » 5! 1851. — von Schlechtendal » 1862-1867. — Naudin. . . . D ) Total des espèces signalées jusqu'ici . 54 » Nous ER AVONS ajoutés à 0 He 79 » Total des espèces aujourd’hui connues Qu PRÉ SIL Qu 0. roriesne MAS OS a" II. — ÉNUMÉRATION ET DISPERSION DES GENRES ET DES ESPÈCES DU BRESIL. Dans notre monographie des Cucurbitacées du Brésil, composant le fascicule 78 de la Flora Brasiliensis (), nous (4) In-folio de 126 pages, avec 58 planches. — Dans l’énumération qui suit, les 45 espèces que représentent ces 38 planches sont marquées d’un astérisque. ( 286 ) avons décrit 29 genres et 157 espèces de cette famille (1). Ces espèces n’ont pas toutes été observées jusqu'ici dans les limites du Brésil. Il en est quelques-unes qui croissent dans les régions voisines, dont la végétation est générale- ment analogue à celle de certaines parties du Brésil et qui ne forment en quelque sorte qu'une même région botanique avec ce pays; nous les avons comprises dans notre travail, parce qu'il est probable que des recherches nouvelles les feraient découvrir sur le territoire brésilien, et que d’ailleurs, le plus souvent, elles complètent un groupe naturel dont le centre de dispersion se trouve au Brésil. La plupart de ces espèces croissent dans la Guyane ; ce sont : Melothria trilobata Cogn., Anguria Schomburgkiana Schlecht., Gurania Kegeliana Cogn. (trouvé aussi dans la Colombie), &. Klotschiana Cogn., @&. Sagotiana Cogn., G. reticulata Cogn., G&. subumbellata Cogn., G. quianen- sis Cogn., G. breviflora Cogn., G. diversifolia Cogn., Helmontia leptantha Cogn., Trianosperma triangularis Cogn. et T. rigida Gogn. Il faut y ajouter le Wilbrandia sagittifolia Griseb., de la République Argentine, l'Echino- cystis australis Cogn., du Paraguay, le Cyclanthera hystrix Arn., de Montevideo et de Buenos-Avres, et l'Anguria grandiflora Cogn., du Pérou et de la Bolivie. (1) Parmi les 150 espèces indigènes du Brésil oudes contrées voisines que nous avons décrites ou qui sont consignées en note plus loin, il y en a 85, soit près des deux tiers, qui sont nouvelles. De plus, il y en a 22 autres qui étaient si imparfaitement connues que, pour un grand nombre, on n'aurait pu dire exactement à quel geure elles appartiennent. Il n’y en a done que 25, soit moins d'un cinquième, qui étaient suffisamment bien connues. Nous devons ajouter en outre que les 59 variétés que nous avons décrites sont toutes nouvelles. (987.) En y comprenant les Cayaponia palmata et C. petiolu- lata et le Perianthopodus Bonplandii, signalés plus loin, il reste done 125 espèces dont la présence au Brésil a été constatée jusqu'ici (1), (1) Nous ne comptons pas le Bryonia dioica, dont nous avons vu un pied dans l’herbier Richard (qui fait partie de celui de M. le comte de Franque- ville), confondu avec un pied du Wälbrandia vertlicillata Cogn. et ayant pour étiquette commune : « Bryonia alba? — Abobrinha où Abobora do: « malo, courge ou petite courge des forêts. — Brésil (Mairelles). » Il est évident que ce pied ne se trouve là que par un mélange accidentel dans l’herbier ; ou, si la plante vient réellement du Brésil, c’est qu’elle y a été apportée d'Europe. Nous laissons de même de côté le Cephalundra indica Naud., que nous nommons Coccinia cordifolia et dont nous avons vu un spécimen dans l’herbier de M. Alph. de Candolle, avec une étiquette portant imprimé : « Brésil (Minas Geraes). P. Claussen. 4e envoi reçu en juin 1840. » Au bas de létiquette, on a écrit à la main : « M. Delessert, 1842, » ce qui signifie que c’est un double de l’herbier Delessert, recu par M. de Candolle en 1842. L’herbier de Delessert, que nous avons pu étudier à loisir, grâce à la bien- veillance de M. Mueller d’Argovie, ne contenant aucun exemplaire de Coccinia cordifolia récolté au Brésil par Claussen ni par d’autres botanistes, il est à peu près certain que l'indication rapportée ci-dessus provient d’une transposition d'étiquettes ou d’une autre erreur analogue. Au sujet du nom que nous donnons à cette dernière espèce, nous ferons remarquer que le nom de Coccinia W. et Arn. étant de 1854 (Prodr. F1. pen. Ind. or., 1, p. 547), tandis que celui de Cephalandra Schrad. ne date que de 1856 (in Eck. et Zeyh. ÆEnum. pl. Cap., p. 280), c’est le premier qui a la priorité, contrairement à Passertion de M. Naudin (Ann. des sc. nat., De série, V, p. 15), qui dit que « le nom de Cephalandra est antérieur de quelques années à celui de Coccinia. » Tous les botanistes sont aujourd’hui d’accord pour âdmettre l'identité du Bryonia grandis L. Mant., p. 126 (1767) et du Coccinia indica W . et Arn. et pour reconnaitre celte espèce dans le Vitis alba indica, figuré par Rhumphius, Herb. Amb., V, p. 448, tab. 166. fig. 1. Or, c’est précisément ( 288 ) Parmi ces dernières, nous devons distinguer les dix espèces suivantes qui sont, les unes naturalisées, les autres fréquemment cultivées pour les usages domestiques au Brésil, mais qui n'y sont pas indigènes : Lagenaria vulgaris Ser., Luffa aegyptiaca Mill, L. acutangula Roxb., Momordica Charantia L. (1), Cucumis sativus L., C. Melo L., Citrullus vulgaris Schrad., Cucurbita maxima Duch., C. Pepo L. et C. moschata Duch. Le nombre des espèces de Cucurbitacées réellement sur cette figure de Rumphius que Linné a fondé son Bryonia cordifotia (Species, édit. I, p. 1012, — 1753 ; édit. IT, p. 1458); donc il est incontes- table que ce dernier nom est un synonyme à ajouter aux précédents. Le nom spécifique de cordifolia (1755) étant antérieur à ceux de grandis (1767) et d’indica (1854), doit être préféré. Nous devons encore mentionner une troisième espèce dont nous avons vu, dans l’herbier de M. Eichler, un pied femelle seulement, envoyé de Rio de Janeiro par M. Glaziou, sous le n° 6888. C’est le Sphaerosicyos sphaericus Cogn. (Lagenuriu sphaerica E. Mey.; Luffa, Sond.; Sphaero- sicyos Meyeri Hook. f.), originaire de la région de Mozambique, de Port- Natal, de Madagascar et de quelques petites îles voisines. Il est très-probable que l’unique exemplaire brésilien de cette plante africaine provient des cultures. (1) Dans notre monographie des Cucurbitacées du Brésil, nous avons admis cette espèce comme indigène. Les nouvelles études que nous avons faites depuis la rédaction de ce travail nous ont déterminé à changer d’avis: aujourd’hui nous fa considérons comme n'étant que naturalisée en Amé- rique, où elle est assez répandue dans les régions tropicales. Nous pensons qu’il en est de cette espèce comme du #. Balsamina L. (qui n’a pas encore été rencontré avec certitude au Brésil), des Luffa aegyptiaca Mill. et L. acutangula Roxb., ainsi que des Citrullus vulgaris Schrad. et Lagenaria vulgaris Ser., qui sont tous originaires de l’ancien continent et se sont répandus dans beaucoup de régions de l'Amérique. Le genre Womordica est donc pour nous entièrement originaire de l’ancien monde, et principa- lement de l’Afrique. ( 289 ) indigènes au Brésil est donc de 115, etelles appartiennent aux 25 genres suivants : I. Lurra Tourn. — Ce genre compte une dizaine d'espèces, toutes de l’ancien continent, à l'exception d'une seule, le *L. operculata Cogn., qui se rencontre au Brésil cet dans la Guyane, l'Équateur, la Nouvelle-Grenade et l'Amérique centrale. — Le plus ancien nom donné à cette espèce, selon la nomenclature binaire, est Momordica operculata L.; donc le nom spécifique operculata doit ètre préféré à celui de purgans quilui à été donné par Martius et adopté par M. Naudin. Nous avons, le premier, reconnu qu'on doit y rapporter comme synonymes le Cucuinis sepium Meyer, et le Luffa quinquefida Seem. (Elaterium quinquefidum Hook. et Arn., Momordica ? quinquefida Hook. et Arn.). Nous avons de plus constaté récemment que cette espèce estle Luffa chiloensis, Bryo- niae folio Dill. Hort. Elth., p. 202, tab. 165, fig. 201 (1752). La description et la figure de Dillen ne nous laissent pas le moindre doute à cet égard; mais, chose remar- quable, la plante de ce botaniste n'avait même jamais été mentionnée depuis par aucun auteur. IT. Cucumis L. — Ce genre compte environ 25 espèces qui sont répandues principalement en Afrique et dans l'Inde. Une seule espèce, le *C. Anguria L., se trouve en Amérique. Elle se rencontre non-seulement au Brésil, mais encore dans la Guyane, la Colombie, l'Amérique centrale, les Antilles, et jusqu’à la Floride et le Texas. Dans ces deux dernières contrées, il est probable qu’elle n’est pas indigène. LT. Sicana Naud. — L'unique espèce de ce genre, *S. odorifera Naud., se rencontre au Brésil, et en outre dans le Pérou et la Nouvelle-Grenade. ACC ( 299 ) IV. Mecaxciun Naud. — La seule espèce de ce genre, "M. campestre Naud., est propre au Brésil. V. Mecoturia L. — Ce genre, qui compte environ une trentaine d'espèces, est à peu près également répandu dans toutes les régions chaudes, et quelques espèces atteignent mème les régions tempérées. Le Brésil en compte six, qui sont : “M. Cucumis Vell., M. uliginosa Cogn., M. Warmingii Cogn., M. fluminensis Gardn., *M. hirsuta Cogn. et M. punctatissima Cogn. Toutes ces espèces sont spéciales au Brésil, excepté le W. flumi- nensis Gard., qui se rencontre aussi au Paraguay (Balansa, n° 1114), dans la Guyane et la Nouvelle-Grenade. Nous avons reconnu que la plante figurée par Vellozo sous le nom de M. pendula (non Linn.) est bien cette der- nière espèce, à laquelle nous avons aussi rapporté comme variété, le HZ. obtusiloba Spruce. Nous ne comprenons pas comment Gardner a pu décrire son espèce comme dioique, car nous avons vu dans différents herbiers les spécimens quil a distribués lui-mème, et 1ls sont tous monoïques, comme d’ailleurs presque toutes les espèces de ce genre. VI. WaizgranpiA Silva Manso. — Ce genre comptait Jus- qu'ici trois espèces, dont deux assez bien connues, et la troisième, le W. hibiscoides, avait été seulement men- tionnée en quelques mots par Silva Manso. Nous en con- naissons aujourd’hui sept espèces, dont une seule ne croit pas au Brésil : c’est le W. sagittifolia Griseb., qui n'a encore été observé que dans la République-Argentine. Nous avons formé dans ce genre deux sections : l’une, Eutvilbrandia, a les feuilles palmatilobées et les inflores- cences que l'on assignait Jusqu'ici comme caractères du genre, c'est-à-dire les fleurs mâles en épis, et les fleurs ( 291 ) femelles agglomérées et sessiles ; l'autre section, que nous nommons Melothriopsis, a les feuilles sagittées et les inflo- rescences de la plupart des espèces de Melothria, e'est-à- dire les fleurs mâles en grappes et les fleurs femelles Ton- guement pédonculées et ordinairement solitaires. Les espèces du Brésil sont : W. verticillata Cogn., *W. hibos- coides Manso, W. longibracteata Cogn., W. ebracteala Cogn., "W. villosa Cogn. et W. linearis Cogn. Toutes sont spéciales au Brésil, sauf le W. villosa, qui se retrouve près de Montevideo. VII. Apopanrnera Arn. — Dans notre second fascicule de Diagnoses de Cucurbitacées, nous avons énuméré 15 espèces de ce genre, toutes des régions chaudes ou assez chaudes de l'Amérique. Quatre espèces sont spéciales au Brésil, savoir : À. pedisecta Cogn., “A. laciniosa Cogn., *A. argentea Cogn. et À. smilacifolia Cogn. VIIT. Axcuria L. — Pour les espèces de ce genre, qui sont au nombre de 16 et habitent toutes les régions chaudes de l'Amérique, voir notre premier fascicule de Diagnoses. Le Brésil en possède six espèces, dont trois spéciales : A. Kunthiana Schlecht., 4. integrifolia Nees et A. Warmingiana Cogn. Les autres espèces sont : F4. triphilla Miq., qui se rencontre aussi dans la Guyane, l'ile de la Trinité et près de Caracas ; l'A. fernata Roem., aussi du Paraguay, et l'A. umbrosa Kith, qui croit encore dans la Guyane, l'ile de la Trinité, le Venezuela, la Nouvelle-Grenade et le Mexique. IX. Guranta Cogn. — Sur les 47 espèces de ce genre, toutes des régions chaudes de l'Amérique (voir notre 1°r fasc.), 25, dont 22 spéciales, croissent au Brésil ; savoir : G. villosa Cogn., *G. sylvatica Cogn., G. Martiana Cogn., *G. Paulista Cogn., *G. ovata Cogn.,"G.multiflora ( 2992 ) Cogn. (1) (aussi de la Guyane), G. sinuata Cogn., G. lignosa Cogn., G. rufipila Cogn., G. trialata Cogn., G. acuminata Cogn., @. spinulosa Cogn. (qui croit aussi dans la Guyane, le Venezuela, la Nouvelle-Grenade, le Pérou et le Chili), G. inaequalis Cogn., G. Sellowiana Cogn., G. tricuspidata Cogn., G. Arrabidae Cogn.(), G. pseudo- (1) Lorsque parut notre monographie des Cucurbitacées brésiliennes, et . même à l’époque où fut rédigée la présente notice, nous ne connaissions encore les Anguria multiflora et A. subumbelluta de Miquel que par les descriptions incomplètes et en plusieurs points inexactes de cet auteur. Nous avions trouvé dans certains herbiers ces noms appliqués à des plantes auxquelles les descriptions de Miquel s’adoptaient assez bien, et nous les avions admis comme exacts jusqu’à preuve du contraire ; mais ayant pu récemment étudier les exemplaires authentiques de Miquel, nous avons constaté que son À. multiflora est décrit d’après une plante très-impar- faitement développée se rapportant à espèce nommée quelques années plus tard par Schlechtendal À. Arrabidae, tandis que son À. subumbellata est ce que nos prédécesseurs et nous avions pris pour l’A. multiflora. En conséquence, la synonymie de ces deux espèces doit être rectifiée comme suit : 8. Gurania subumbellata Cogn. Diagn. Cucurb., fase. 1, p. 17, non in F1. Bras. — Anguria polyanthos Klotszch in Schomb. Reis. in Brit. Guiana, WI, p. 988, nomen tantum (pro parte !). — 4. subumbellata Miq.! in MVaturk. Verhand. de Holl. Maatsch. te Harlem, 1851, p. 165. — Gurania mulliflora Cogn. in Mart. F1. Bras., fase. 78, p. 49, tab. 14, non in Diagn. Cucurb. 21. Gurania multiflora Cogn. Diagn. Cucurb., fase. 1, p. 16, non in FI. Bras. — Anguria trilobata Vell. F1. Flum., X, tab. {, non Linn. — A. multiflora Miq.! in Linnaea, XVII, p. 566. — À. Arrabidae Schlecht.! in Linnaea, XXIV, p.756. — Gurania Arrabidae Cogn. Diagn. Cucurb., fase. I, p. 17, etin Mart. F1. Bras., fasc. 78, p. 56. Quant à l'espèce que nous avons nommée improprement G. subuin- bellata, nous la dédions à notre confrère M. Th. Durand qui, pendant un séjour assez long qu'il fit à Genève au commencement de cet hiver, voulut ( 295 ) spinulosaCogn.,*G. Spruceana Cogn., G. velutina Cogn., G. Wawraei Cogn., *G. Francavillana Cogn., &. Dumortieri Cogn., *G. Candolleana Cogn., G. cissoides Cogn. (aussi de la Guyane et du Pérou) et &. Linkiana Cogn. X. Hecmontia Cogn. — Les deux espèces de ce genre croissent à la Guyane, et l’une, l’*A. simplicifolia Cogn., se rencontre également au Brésil. En consultant la planche représentant cette dernière espèce, on verra que, outre les caractères que nous avons donnés dans notre premier fascicule, les suivants séparent ce genre des Anguria et des Gurania : fleurs mâles munies d'un pis- tillode allongé; anthères cohérentes, portées sur un filet bien distinct; et non : pistillode nul ; antheres libres et sessiles. XI. CeratosantTHes Burm. — Les huit espèces de ce genre (voir notre second fascicule de Diagnoses) habitent l'Amérique tropicale. Cinq espèces sont spéciales au Brésil; ce sont : C. tomentosa Cogn., C. Warmingü Cogn., *C. Hilariana Cogn., €. multiloba Cogn. et C. trifoliata Cogn. XIT. Cucurmirezza Walp. — Par suite de la fusion du genre Prasopepon Naud. avec ce genre, pour des motifs que nous avons consignés plus haut, il comprend au- 2 ——— bien recueillir des notes importantes et très-détaillées sur différents points intéressant notre travail, et spécialement sur les Cucurbitacées de lherbier type du Prodromus, herbier qui, comme on le sait, ne peut être communiqué à l’étranger. Ces notes nous seront des plus utiles pour la synonymie de plusieurs espèces. — Nous la nowmmerons donc : 20. Gurania Darandii Cogn. — G. subumbellata Cogn. in Mart. Z, c., p- 56, excel. syn. (Vote ajoutée avant l'impression, mars 1879). ( 294 ) Jjourd'hui trois espèces, dont l'une, le *C. Duriaei Cogn., croit au Brésil et se rencontre aussi dans l'Uruguay et jusque près de Montevideo. Les deux autres habitent la République Argentine. XIIT. Apogra Naud. — Dans ce genre, les staminodes des fleurs femelles ne sont pas nuls, comme le disent MM. Bentham et Hooker; ils sont au nombre de trois bien visibles. La seule espèce du genre, “A. tenuifolia Cogn. (A. viridiflora Naud.), est l'ancien Bryonia tenuifolia Gill., comme nous l'avons déjà signalé incidemment dans notre second fascicule de Diagnoses. Elle habite le sud du Brésil et les régions voisines Jusque près de Buenos- Ayres. XIV. Cavaronia Silva Manso. -— Ce genre, donton ne connaissait jusqu'ici que deux espèces, et encore d'une facon extrèmement imparfaite, car aucun botaniste euro- péen n'avait pu les étudier en herbier, avait été rapporté avec doute par MM. Bentham et Hooker au Trianosperma ; il en diffère par plusieurs caractères importants, et notam- ment par les loges de l'ovaire contenant chacune de 2 à # ovules, au lieu d'un seul, caractère qui le rapproche de l'Abobra. A l’époque déjà un peu éloignée où nous avons ter- miné le manuscrit de la monographie publiée dans la Flora Brasiliensis, nous ne connaissions pour ce genre que douze espèces, toutes du Brésil; mais les études que nous avons faites depuis nous en ont fait reconnaitre deux nouvelles espèces brésiliennes, et de plus onze autres croissant en dehors du Brésil, les unes inédites, les autres placées mal à propos par les auteurs dans d’autres genres ; ce qui porte à vingt-cinq le nombre des espèces que nous connaissons aujourd'hui pour le genre Cayaponia. Les (295 ) espèces du Brésil, au nombre de quatorze, dont treize spéciales, sont: C. Cabocla Mart., C. Glaziovii Cogn., C. palmata Cogn. inéd.(l), C. pilosa Cogn., C. hirsuta Cogn. C. fluminensis Cogn., *C. cordifolia Cogn. (2), C. calycina Cogn. (se trouve aussi dans la Guyane), C. tubulosa Cogn., *C. coriacea Cogn., C. petiolulata Cogn. inéd. (5), C.ternata Cogn., *C. pedata Cogn. et *C. villosis- sima Cogn. XV. Triosperma Mart. — Les 24 espèces que nous (1) Cayaponia palmata n. sp. — Cette espèce est voisine des C. Cabocla et C. Glaziovii, dont on peut la distinguer facilement aux carac- tères suivants : Tige glabre ou presque glabre. Pétiole long de 5-4 centi- mètres. Feuilles glabres et lisses en dessus, brièvement pubescentes-scabres en dessous, faiblement échanerées à la base, divisées presque jusqu’à la base en cinq segments oblongs-lancéolés, légèrement denticulés, les extérieurs plus courts. Inflorescences androgynes, en grappes feuillées, longues de 7-8 cent. Calice presque glabre, à tube largement campanulé, aigu à la base, à segments triangulaires-lancéolés, égalant presque le tube. Corolle plus longue que le tube du calice. — Province de St-Paul et de Rio, 1861-1862 : coll. J. Weir, n° 447 (Herb. de Kew). (2) La planche 21, qui représente cette espèce, offre dans les analyses un petit détail mal figuré et qu'il est important de rectifier : à la fig. 5,[|, les ovules semblent être insérés latéralement, tandis qu'ils doivent être attachés par leur base au fond de la loge de l'ovaire, comme ils le sont sans exception dans toutes les espèces de la tribu des Abobrées. (5) Cayaponia petiolulata n. sp. — Cette espèce a les feuilles glabres ou presque glabres, divisées en trois folioles, et le calice glabre; c’est-à- dire qu’elle vient se placer à côté des C. fubulosa et C, coriacea. Elle se distingue facilement des deux à ses folioles très-distinctement pétiolulées (pétiolules longs de 1 1/2 eent.), à son calice dont le tube est environ aussi large que long (sur le sec) ct dont les dents sont à peine visibles. Les foliules sont membraneuses, oblongues-lancéolces, aiguës au sommet, toutes assez longuement atténnées à la base, les latérales sensiblement symétriques et non auriculées extérieurement à la base. — Croit près de Bahia : coll, Blanchet, no 794 (Herb. Delessert). ( 296 ) connaissons de ce genre habitent toutes les régions chaudes de l'Amérique, sauf une seule, qui a été observée sur la côte occidentale de l'Afrique. Le Brésil compte treize de ces espèces, dont douze lui sont spéciales; ce sont : 7. Lhotzkyana Cogn., T. piauhiensis Cog., T. angu- stiloba Cogn., T. Tayuya Mart., T, setulosa Cogn., °T. Martiana Cogn., "T. floribunda Cogn., T. trilobata Cogn. T. ficifolia Cogn. (se retrouve dans l'Uruguay et jusque près de Buenos-Ayres), T. gracillima Cogn., T. Tibiricae Naud., *T. diversifolia Cogn. et T. trifoliata Cogn. XVI. Periaxrnoropus Silva Manso. — Lorsque nous avons rédigé notre monographie des Cucurbitacées brési- liennes, nous ne connaissions de ce genre que trois espèces toutes spéciales au Brésil, savoir : "P. Espelina S. Manso, P. Weddellii Naud. et P. amazonicus Cogn. (Sechium amazonicum Poepp. et Endl.). Depuis cette époque, nous avons constaté l'existence de trois autres espèces, dont l'une du Brésil, que nous nommons P. Bonplandii(), une autre du Pérou et la sixième de la Nouvelle-Grenade. XVII. Ecnnocysris Torr. et Gr. — Ce genre est com- posé de seize espèces (voir notre 2° fase.) qui habitent les contrées chaudes et tempérées de l'Amérique, principale- (1) Perianthopodus Bonplandii n. sp. — Par ses feuilles à trois folioles sessiles, coriaces, ovales-oblongues, cette espèce ressemble assez au P. amazonicus. Elle en diffère surtout par le pétiole plus long (5-5 cent., au lieu de 1-2 cent.); par ses folioles complétement distinctes et non légèrement soudées ensemble ; par son fruit glabre el lisse, sans eûles, de lu grosseur d'une petite prune (27-28 millim. de long. sur 22-25 imillim. d'épaisseur), et non velu, à dix côles, gros corime une pomme. — Amazone : coll. Bonpland (Herb. du Muséum de Paris). (0297) ) ment le Mexique. Une seule espèce, l'E. muricata Cogn., est connue au Brésil. XVIIT. Ecareriuu Jacq. — Sur les onze espèces de ce genre (voir notre second fascicule), toutes des régions chaudes de lAmérique, une seule est du Brésil; c’est VE. amazonicum Mart., observé aussi dans le Venezuela et à Panama. | XIX. CyczanTHerA Schrad. — Comme le genre Echino- cyslis, celui-ci, composé de 54 espèces, est répandu dans les contrées chaudes et tempérées de l'Amérique et domine au Méxique. Le Brésil en possède six espèces, dont cinq spéciales; ce sont: C. Burchellii Cogn.. *C. elegans Cogn. (croit aussi dans l'Uruguay), €. tenuifolia Cogn., C. quinquelobata Cogn., C. Brasiliensis Cogn. et *C. Eïich- leri Cogn. XX. Sicyos L. — Ce genre se compose de 27 espèces, dont 25 habitent les contrées chaudes et tempérées de l'Amérique; les quatre autres se rencontrent en Aus- tralie ou dans les iles du Pacifique. Le Brésil en possède cinq espèces, toutes spéciales, qui sont : S. polyacanthos Cogn., *S. Warmingii Cogn., *S. fusiformis Cogn., S. Martii Cogn. et S. quinquelobatus Cogn. Les trois dernières espèces, remarquables surtout par leurs fleurs femelles ordinairement solitaires et leur singulier fruit fusiforme, constituent pour nous une nouvelle section du genre, que nous nommons À{raclocarpos. XXI. Secuicu P. Br. — La seule espèce du genre, le *S. edule Sw., a été observée, non-seulement au Brésil, mais encore au Pérou, dans la Nouvelle-Grenade, l'Amérique centrale, le Mexique et les Antilles; mais comme elle est comestible et fréquemment cultivée, 1l est probable qu'elle n'est pas indigène dans tous ces pays. (0298) XXIT. Sicynium Schlecht. — Nous avons substitué ce nom, qui date de 1832, à celui de Triceratia A. Rich., qui ne fut créé qu'en 184%. Il n’y a pas de doute sur l'identité des deux genres, puisque le Sicydium Schiedea- num, type du genre de Schlechtendal, dont nous avons vu des spécimens nommés par Schlechtendal lui-même dans les herbiers de Berlin, de Paris et de St-Pétersbourg, est la même espèce que le Triceratia bryonioides, type du genre de A. Richard, dont l'herbier de Richard, qui fait partie de celui de M. le comte de Franqueville, contient plusieurs beaux exemplaires. C’est done à tort qu'en 1854 M. Asa Gray, et plus tard MM. Naudin et J.-D. Hooker, ont appliqué le nom de Sicydium à des plantes qui en sont bien éloignées, puisqu'elles appartiennent à une tribu toute différente. Outre l'espèce précédente, qui se rencontre du Mexique à la Nouvelle-Grenade et aux Antilles, ce genre en com- prend trois spéciales au Brésil, qui sont : S. diffusum Cogn., *S. gracile Cogn. et *S. monospermum Cogn. (Feuillea monosperma Vell.). Cette dernière, dont nous n'avons pas vu la fleur femelle, devra probablement former un genre distinct lorsqu'elle sera mieux connue. En atten- dant, nous avons formé pour elle une section spéciale du genre Sicydium, sous le nom de Pteropepon. XXIIT. AzcsowrrTra Roem. — Jusqu'ici, la tribu des Zanoniae, dont ce genre fait partie, n'était connue que dans l’ancien monde, et spécialement dans l'Inde. Nous avons découvert, parmi les plantes du Brésil, deux espèces nouvelles d’Alsomitra, les À. brasiliensis Cogn. et À. peda- tifolia Cogn. XXIV. Feuizcea L. — Si nous avions pu suivre ici la règle de priorité, nous aurions préféré, au nom de Linné ( 299 ) qui est de 1757, celui de Nhandiroba de Plumier, qui date de 1705 ; mais l’article 15 des Lois de nomenclature bota- nique ayant voulu, pour éviter des changements de noms trop nombreux, ne donner d'effet rétroactif aux règles de priorité que Jusqu'à Linné, nous sommes foreé de con- server le nom admis généralement, contrairement à l'équité. Ce genre compte huit espèces propres à l'Amérique tropicale; trois d'entre elles sont spéciales au Brésil, savoir : *F. trilobata L., F. albiflora Cogn. et F. delloidea Cogn. XXV. Axisosperma Silva Manso. — La seule espèce de ce genre, “A. Passiflora Manso, est spéciale au Brésil. II. — RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Un fait résulte clairement des détails qui précédent : cest le nombre considérable d'espèces de Cucurbitacées spéciales au Brésil. En effet, sur les 115 espèces observées dans ce pays, il n’y en a pas moins de 94, c’est-à-dire exactement les cinq sixièmes, qui n'en dépassent pas les limites. Mais un grand nombre d'espèces ont même une aire de dispersion beaucoup plus restreinte, car parmi ces 9% espèces spéciales au Brésil, il y en a 71 qui ne croissent chacune que dans une seule des cinq régions botaniques dans lesquelles Martius a subdivisé l'empire brésilien. Bien plus, parmi ces dernières, on en compte 46 qui n'ont encore été observées que dans une seule loca- lité; mais cela tient sans doute pour la plupart à l’insufli- sance des recherches, et aussi à la difficulté de sécher les plantes de cette famille, souvent charnues, et même ( 500 ) à la difficulté de les récolter, car elles s'élèvent fréquem- ment jusqu'au sommet des plus grands arbres. C'est donc avec raison que, dans sa Géographie botanique (vol. 1, p. 605), M. Alph. de Candolle à rangé les Cucur- bitacées parmi les « familles où l'aire moyenne des espèces est le plus restreinte. » Les causes qu'il assigne à leur non-extension sont : leur habitation intertropicale et leur organisation compliquée. On pourrait yajouter: leur crois- sance fréquente dans des stations sèches(1) ; les graines de beaucoup d'espèces perdant rapidement leur faculté de germination ; leur existence peu ancienne, puisqu'on ne connait encore aucune espèce à l’état fossile ; enfin beau- coup d'espèces sont dioïques, et, dans ce cas, il arrive fréquemment que les pieds femelles sont extrèmement rares (2), ce qui explique pourquoi les individus femelles de beaucoup d'espèces sont encore inconnus. Parmi les 19 espèces qui s'étendent hors des limi- tes du Brésil, ancune ne croit hors de l'Amérique; la plupart mème s’éloignent très-peu de la région brési- lienne (5). Voici comment elles se répartissent : (1) Dans la séance du 25 août du Congrès international de botanique tenu à Paris cette année (1878), M. Fournier, et après lui M. Cosson, ont insisté spécialement sur cette cause, à la suite d’une communication que nous avions faite au Congrès. (2) D’après M. Naudin (Ann. des sc. nat., 5e série, V, p. 14), les recher- ches spéciales et persévérantes de Crüger, ancien directeur du Jardin botanique de l’ile de la Trinité (Antilles), n’avaient abouti qu’à la décou- verte d’une seule espèce d'Anguria à l’état femelle dans toute l’étendue de cette ile, L'étude des matériaux existant dans l’herbier du Muséum de Paris nous a permis de confirmer l’exactitude de cette assertion. (5) Le Cucumis Anguria L., le Sicana odorifera Naud. et le Sechium edule Sw. avant des fruits comestibles et étant pour ce motif assez fréquem- (501 ) CREER AE I MIAeSpèces. Colombie (Venezuela et Nouvelle-Grenade). 9 » IUT VO ENIRAMENANERSR RSR CR: 5 » RL NME "IN CS PSS DD AT MINENE ANNE RENNES RSR Mepublique Argentine : :. 24 JUN Nan EN RE EURE CURE TRS 2 D 7h Li LB ENT ARRET OS SI NPA Le 4 PRE DE AE EN En EEE ER RE Er EN RE ES ET ee MD ES Équateur . ES Lier ele ee PP OPA EN » ARE LE PL AAA ER SR ls" La comparaison des espèces brésiliennes qui se retrou- vent dans ces différents pays nous conduit à faire les quelques remarques suivantes : les deux espèces de la Trinité se trouvent également dans la Colombie et dans la Guyane; les deux espèces des Antilles eroissent dans la Colombie, ainsi que les quatre espèces de l'Amérique centrale et les deux espèces du Mexique, mais l'une de ces dernières est encore inconnue dans l'Amérique cen- trale; les trois espèces de la République Argentine appartiennent également à l’Uruguay; enfin celle du. Chili est aussi connue au Pérou. Nous n'avons donc qu'un seul cas de disjonction à signaler dans l'aire de ces espè- ces : c'est pour l'Anguria umbrosa Kth, qui atteint le Mexique sans qu'il ait encore été observé dans l'Amérique centrale. ment cultivés, il se pourrait qu'ils ne soient pas réellement indigènes dans tous les pays où ils ont été récoltés, ce qui réduirait encore le petit nombre d’espèces dont la dispersion est assez étendue. (502 ) Si nous considérons la dispersion des 25 genres obser- vés au Brésil, nous remarquerons qu'il y en a huit, c'est-à- dire à peu près le tiers, qui dépassent à peine les limites de ce pays ; ce sont : Melancium Naud., Anisosperma Manso, Sicana Naud., Wäülbrandia Manso, Helmontia Cogn., Cucurbitella Walp., Abobra Naud. et Periantho- podus Manso; les deux premiers sont même exelusive- ment brésiliens. Il n'y en a que six, c'est-à-dire moins que le quart, qui s'étendent jusquà l’ancien continent ; savoir : Luffa Tourn., Cucumis L., Melothria L., Tria- nosperma Mart., Sicyos L. et Alsomitra Roem. Les onze autres sont diversement répandus dans les régions chaudes de l'Amérique ; les uns dominent au Brésil, comme les Gurania Cogn., Ceratosanthes Burm. et Cayaponia Manso; les autres au Mexique, comme les ÆEchinocystis Torr. et Gr. et Cyclanthera Schrad. Parmi les huit tribus actuellement admises pour les Cucurbitacées, il n'y en a que deux, peu importantes, qui ne se rencontrent pas au Brésil. La vaste tribu des Cucu- mérinées y est relativement assez peu répandue; mais les Abobrées y dominent d’une façon très-remarquable. Aucun autre pays ne possède autant de tribus de cette famille. Les faits exposés précédemment montrent clairement que : 4° C’est avec raison que M. Alph. de Candolle classe les Cucurbitacées parmi les familles où l'aire moyenne de dispersion des espèces est le plus limitée. do Le Brésil est l'un des principaux centres de diffusion des espèces de Cucurbitacées. C’est ce qui résulte des con- sidérations suivantes : a) Le grand nombre d'espèces observées au Brésil (près d'un cinquième du nombre total). ( 505 ) b) Le nombre considérable d'espèces spéciales (près d’un sixième du nombre total et les cinq sixièmes des espèces brésiliennes). c) Le nombre de genres spéciaux ou presque spéciaux (le tiers des genres observés dans ce pays). dj La grande variété de types différents qui y croissent, puisque ses espèces appartiennent à presque toutes les tribus de la famille. 5° Le nombre si restreint d’espèces brésiliennes qui sortent des limites de ce pays ne nous permet guère de rien conclure des analogies de la végétation du Brésil et des contrées voisines. Cependant, si nous considérons, non les espèces, mais les genres, il nous sera possible de subdiviser toute la partie de l'Amérique méridionale, à l'est de la chaine des Cordillières, en trois grandes régions distinctes : La première, qui comprend la partie au nord de l'Équateur, et correspond au « Domaine sud-américain en decà de l’Équateur » de M. Grisebach (La végétation du globe), relie le centre de diffusion des Cueurbitacées du Brésil à celui du Mexique et possède la plupart des “enres de ces deux pays, mais représentés par peu d'espèces ; le genre Elaterium y est relativement abondant. La seconde, comprenant la plus grande partie du Brésil, c’est-à-dire le « Domaine Hylaea » et le « Domaine brésilien » de M. Grisebach, est remarquable par la grande prépondérance des Abobrées et des genres cités plus haut, La troisième, le « Domaine des Pampas » de M. Grise- bach, comprend la pointe sud du Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et la République Argentine; elle possède en propre la section Melothriopsis du genre Wilbrandia et les genres Cucurbitella, et Abobra. ( 504) Descriptions de nouvelles Menthes, par Alfred Déséglise et Théophile Durand. Les formes du Mentha sylvestris Auct. peuvent se répartir dans quatre groupes : 1° Plantes à feuilles fomenteuses et en réseau en dessous (venosae). 2° Plantes à feuilles tomenteuses en dessous, mais à tomentum non en réseau (tomento sae). 5° Plantes à feuilles tomenteuses sur ies deux faces (mollissimae). 4° Plantes à feuilles pubescentes sur les deux faces (pubescentes). Le caractère du tomentum ou de la pubescence doit toujours être recherché sur les feuilles adulles, c'est-à-dire sur les feuilles caulinaires inférieures ou moyennes, car les jeunes feuilles raméales présentent quelquefois un léger réseau dans les pubescentes et les tomentosae. Nous ne comprenons dans le groupe rotundifoliae que les formes à feuilles crénelées : les formes à feuilles- dentées, mais qui par leur facies rappellent le AZ. rotundi- folia Auet., rentrent dans notre groupe venosae (AT. serr a- lifolia Pérard, M. meduanensis Déségl. et Dur.). Les tom ntosae forment un groupe intermédiaire entre les venosae et les mollissimae : elles comprennent Île M. candicans Crantz et les nombreuses formes à feuilles tomenteuses en dessous, mais vertes en dessus, nommées M. candicans par les auteurs. Les mollissimae forment une division très-naturelle et très-facile à saisir. Les pubescentes marquent le passage vers les virides. (505 ) Le tomentum a disparu des feuilles ; il est remplacé par une pubescence grisètre, pubescence qui s’efface à peu près entièrement dans les virides. Le groupe velutinae délimité par M. Pérard est diffi- cile à saisir si l’on n'étudie que le caractère du vestimen- tum; car si le M. velutina Le]. présente une pubescence veloutée sur la face inférieure des feuilles, le A. geneven- sis Déségl. et Dur. les a nettement tomenteuses, mais les velutinae sont facilement reconnaissables à l'ampleur de leurs feuilles subarrondies (4 cent. et plus de largeur sur 6-7 cent. de longueur). Nous elassons les spicatae à corolle glabre intérieure- ment de la manière suivante : Section. Sous-sections. Groupes. Rotundifoliae Malinv. (1). Velutinae Pérara. Venosae Déséel. et Dur. = [ Sylvestres Wirtg. ( __ Tomentosae Déségl. et Dur. Mollissimae Déségl. et Dur. Pubescentes Désegl. et Dur. Spicatae Lin. . Spicalae Lin | Virides Malinv. (1). Piperitae Malinv. Transitoriae Dur. (1). Nous ne considérons pas les plantes décrites dans ce travail comme des espèces ; nous sommes plutôt portés à n°v voir que des races qui doivent se ranger à la suite de quelques types généraux ou espèces. Nous engageons vivement les botanistes à noter sur le vif les caractères de la pubescence ou de la glabréité des euilles et de l'intérieur de la corolle, de la longueur des (1) Recherches sur les menthes de la flore liégeoise, 1876. étamines et de la forme des épis : ( 506 ) ces caractères sont faciles à constater sur la plante vivante et deviennent souvent difficiles à saisir sur les échantillons desséchés. Faisons remarquer que les feuilles des menthes s’échauffent facilement dans une herborisation. M. M. M. M. M. M. À — M. M. M. M. M. M. st ESPÈCES NOUVELLES RANGÉES PAR GROUPES. meduanensis, Linnaei, germanica, genevensis. monticola, recta, . Favrati, M. Dumortieri, belgica, Gillotii, transmota, Dossiniana, Laggeri, Biilotiana, Venosae. M. similis, M. Riparui. Velutinae,. Tomentosae. M. Huguenini. Mollissimae. | M. Brideliana, M. Lereschi. Pubhescentes. | M. pascuicola, M. Thurmanui, M. Genevierii, M. Willdenowii, M. Morrenii. EN | } / sr, D (500) Clef analytique des groupes. Feuilles caulinaires pubescentes en dessous, très- rarement les jeunes feuilles raméales un peu tomenteuses (pubescentes) . . . . . . Feuilles caulinaires {omenteuses en dessous, à to- mentum en reseau (venosae) . . . . . . Feuilles caulinaires {omenteuses en dessous, mais à tomentum non en réseau ({omentosae). . . Feuilles eaulinaires tomenteuses sur les deux faces (nollessinee) ses A er Clef analytique des espèces. Plante toujours accompagnée de tiges stériles . Plante toujours dépourvue de tiges stériles . . Épis gréles, à glomérules petits et espacés après ENTRÉE GR CT EN PT RE A Épis courts, compactes ; étamines saillantes . . Épis compactes, rarement 1 à 2 glomérules quel- QueloiS ANCerEOMpUS, - EU A MEANS Épis nettement interrompus . . . . +. . Femlestlanetolée tee ANR RES Feuilles largement ovales-lancéolées ou ovales- CMP SE PANNES NN ARE Étamines incluses ; épis 5-7 cent. delongueur . Étamines sailaptes 0 D OO PAU Épis lâches, grêles, peu fournis, 4-7 cent. de longueur ; feuilles caulinaires inférieures 1-2 cent. 1/2 de largeur sur 6 cent. de longueur, les supérieures plus grandes, ovales-lancéolées, 2 cent. 1/2 de largeur sur 6 cent. de longueur. Épis compactes, assez gros, 4-6 cent. de lon- gueur; feuilles largement lancéolées, 2 cent. 1j2 de largeur sur 10 cent. de longueur, nom- breuses et très-rapprochées sur la tige . . Elinteodeur'suave 1. "00e re Plante non d oUeur SUAVe 1 MEME" 16. 18. = OI belgica. Gillolii. 8. transmola. 1 Dossinian«. Laggeri. Billotiana. 9. ( 508 ) Étamines incluses ; épis grêles, compactes, assez courts; feuilles allongées-elliptiques; plante à odeur désaereable Ar Ne nn Étamines saillantes; épis compactes, 1-2 glomé- rules inférieurs quelquefois écartés; feuilles coriaces, ovales-elliptiques, presque toutes subobtuses, d’un vert-noirâtre; plante à odeur faible, ais assez agréable LE LU Nr Fer Plante à odeur suave ; feuilles ovales-clliptiques, SUDAIBUES COPACES 1 LAURE LRU Ponte non a odeursuive - NE: ve) MEN EE Feuilles grandes épaisses, ovales-elliptiques,brus- quement acuminées; épis à gros glomérules . Feuilles médiocres, minces, clliptiques-lancéo- lées, les supérieures souvent arrondies-réni- formes, plus grandes et plus profondément dentées que les inférieures ; épis à glomérules HRÉCHDOPES A eu 0e RUE is in ere Feuilles subarrondies, 5-5 1/2 cent. de largeur sur 4-4 1/2 cent. de longueur (rappelant celles du M. rotundifolia Auct., mais dentées et non HRÉNS AS IMPR ARCS CRE ETES Feuilles ovales-elliptiques rappelant celles du M SUIS} La AUDI, ON OA EE Epis interrompus, assez grêles, 4-6 cent. de lon- SOU RTS ee UE ANT ER EN ÉD Cnpactes IT TR NET EU, à Calices relativement longuement pédonculés, à dents ires-menés 7 UNE ST Mae At Calices non longuement pédonculés, à dents non ÉCÉSSRIBNSS CR SU ES NA PE IS NTI Feuilles médiocres, elliptiques, 2 cent. de largeur sur 5 cent. de longucur, nombreuses, rappro- chées sur la tige, les supérieures différant très-peu de grandeur, à pubescence rase en dessus; plante à aspect far MEUX Eva PE Feuilles grandes, ovales-elliptiques, non très- nombreuses ni très-rapprochées sur la tige. . pascuicola . T'iurmanni. Gencevierii. 11: W'illdenowiti. Morrenit, meduanensis. 13: Linnaei. 14. germanica. similis. Ripartii. 16. 1 19: 20. Re É Le ( 509 ) Se : Gr Epis à gros glomérules compactes ou espacés, 7-9 cent. de longueur ; feuilles oblongues-lan - céolées, 2-2 1/2 cent. largeur sur 8-10 cent. eu As Vu he oO Épis non à gros glomérules. . . . . . . Étamines incluses; épis compactes, pelits, assez gréles, droits, 4-5 rar. 7 cent. de longueur ; feuilles assez largement lancéolées, 2 1/2 cent. de largeur sur 6-7 cent. de longueur, un peu AUS Va Len RENE en ARENA Étamines saillantes ; feuilles grandes, lancéolées, 5-5 1/2 cent. à 4 12 cent. de largeur sur 10-12 cent. de longueur, aiguës ou subaiguës ; épis longs de 4-8 cent. . . . |. . . . Etamines incluses; feuilles oblongues-lancéolées, acuminées, 2-2 1/2 cent. de largeur sur 6-8 cent. de PR dressées contre la tige, à dents nombreuses, profondes, les unes dejetées les autres ascendantes ; épis très-com- PACE SR DRE Res SU SUN ETS Étamines-sailfantes CU MES ART LENS EUR Feuilles petites, ovales, subaiguës ou subobtuses, 18-22 millim. de largeur sur 4-4 1f2 cent. de longueur ; épis assez longs, lâchement com- pactes ; plante à odeur désagréable . . . . PeutHeslancenlees "ee ee Plante à rameaux presque nuls ; feuilles Iancéo- lées, aiguës, { 1/2 cent. à 2 cent. de largeur sur 5-6 cent. de longueur, nombreuses, rappro- chées sur la tige, toutes très-semblables, à dents nombreuses, régulières . . aise Plante AUS EE très-rameuse ; Éuiles lan- céolées, À 1/2 cent. à 2 rar, 21/4 cent. de lar- geur sur 6-7 cent. de longueur, les supérieures fortement acuminées ainsi que les raméales, à dents assez profondes, très-nombreuses, irré- gulières, sauf à la base des feuilles où elles sont picsquenuless 4: NE RENSANLNN EI monlicola. E7: recla. Huguenini. Favrati. 19. Dumortieri. 20. Brideliana. Lereschii, (310) ° M. medaanensis Déségi. et Dur. Tige de 2-5 décim., droite, simple ou rameuse dans sa partie supérieure, velue, à poils plus ou moins abondants, courts, blancs, crépus, étalés ou réfléchis dans les deux ticrs supérieur. Feuilles médiocres, vertes, 5 à 5 1/2 cent. de largeur sur 4-4 1/2 cent de longueur, subarrondies ou ovales-oblu- ses, parsemées de poils en dessus, blanches-tomenteuses en dessous, à tomentum en réseau, sessiles, cordiformes à la base, à dents irrégulières, plus ou moins dejetées, peu profondes. Épis compactes, assez courts, 4-5 cent. de long. Calices campanulés, globuleux après la floraison, à dents subulées, conniventes, faiblement hérissés de poils courts. Pédoncules glabres ou glabrescents. Corolle carnée; étamines saillantes; anthères lie de vin; style blanc égalant les étamines. Nucules brunûtres, glabres. Has. — Août, septembre. Lieux humides. France. — Mayenne : Étang d'Aron (Boreau, in herb. Déségl.); Saône-et-Loire : Autun, pont Saint-Andoche (Lucand) ; Cantal : bords du Goul à Dessilac (Jordan de Puyfol). Var. sepium Déségl. et Dur.; M. rotundifolia Billot, exsic. n° 605! Feuilles fortement dentées en scie, à dents irrégulières; étamines incluses; épis assez longs, 5-8 cent. de longueur, à glomérules souvent assez espacés après la floraison. COrt » Has. — Juillet, août. Lieux humides. France. — Loiret : Oseraies des bords de la Loire à Orléans (Jullien). Alsace. — Hagueneau (Billot). Obs. — Cette menthe doit se placer à côté du M. serra- tifolia Pérard. — Une forme à épi interrompu, à feuilles elliptiques, s'éloigne peut-être de notre plante. N'ayant vu qu'un seul échantillon, il est difficile de se prononcer. — Aveyron : Espalion (Jordan de Puyfol). — La plante d'Orléans, d’où nous possédons en herbier des échantillons authentiques, est ce que Boreau décrit dans sa flore sous le nom de M. emarginata ! non Rchb.; la corolle a les lobes tous entiers et non tous émarginés comme le dit Boreau (Alf. Déséglise). M. Linnaei Déségl. et Dur. ; M. rotundifolio-syl- vestris Legrand ap. Malinvaud, exsic. n° 8? non Wirtgen nee Timbal-Lagrave: M. rotundifolio-nemorosa Wirtgen Herb. menth. Rher., ed. E, n° 14. Tige de 4-7 décim., droite, simple ou rameuse, pubes- cente, à pubescence courte et peu abondante. Feuilles d'un vert gai, 5-5 1/2 cent. de largeur sur 6-8 cent. de longueur, oblongues-elliptiques, subobtuses ou subaiguës, glabrescentes en dessus, blanchâtres-tomen- teuses en dessous à tomentum en réseau disparaissant avec l’âge dans les feuilles inférieures, sessiles ou subsessiles, cordiformes à la base, dents médiocres, ascendantes. Épis interrompus, assez grèles, 4-6 cent. de longueur. Bractées des 5-4 glomérules inférieurs lancéolées, cuspi- dées, atteignant ou dépassant le glomérule ; les autres li- néaires, plus courtes que les glomérules. Calices et pédoncules faiblement hérissés, CS12 ) Corolle carnée, petite; étamines saillantes ; anthères lie de vin ; style blane, égalant les étamines. Nucules brunâtres, glabres. His. — Juillet, août. Lieux humides, bords des eaux. France. — Cher : Apremont, oseraies de VAllier (Ripart) ; Givry, oseraies de la Loire (Déséglise); Ain : Culoz ; Savoie : Serrières ; Haute-Savoie : Seyssel, grèves du Rhône Regnier. Prusse. — Vallée de la Nette (Wirtgen). M. germanica Déségl. et Dur.; M. rotundifolia Auct. Germ., part. T'ige de 5-6 décim., droite, simple ou rameuse dans sa partie supérieure, à pubescence courte et peu fournie. Feuilles ovales-elliptiques, subobtuses, 2-2 1/2 cent. de largeur sur 6 cent. de longueur, glabrescentes en dessus, pubescentes-grisätres en dessous, à tomentum en réseau disparaissant avec l’âge, à dents nombreuses, assez réqu- lières ; feuilles sessiles, cordiformes à la base. Épis compactes, fournis, long. de 6-8 cent., droits ou quelques-uns étalés-ascendants. Calices relativement longuement pédoneulés, parsemés de petits poils courts, dents très-aiquës ; pédoneules glabres ou presque glabres. Bractée inférieure lancéolée; les autres linéaires. Corolle d'un beau rose (sur le sec); étamines saillantes ; anthères lie de vin; style blane égalant les étamines. Nucules..…..… Has. — Août, septembre. Lieux humides. Westphalie. -— Wattensiheir (Schemmann). (315) M. Ripartii Déségl. et Dur.(1). M. rotundifolio-sylvestris Wirtgen, 1. €, éd. 1, no 4 ? (2). Tige atteignant un mètre de hauteur et quelquefois plus, droite, rameuse dans sa partie supérieure, verdàtre ou rougcatre, velue, à poils crépus. Feuilles d'un vert qai en dessus, grandes, 5-4 cent. de largeur sur 6-8 cent. de longueur, ovales-elliptiques, subaiï- guës ou subobtuses, pubescentes en dessus, à pubescence courte et qui disparait en partie dans les feuilles infé- rieures adultes, blanchàtres-pubescentes en dessous, à tomentum farineux en réseau, les caulinaires sessiles, cor- diformes à la base, les raméales plus petites et de même forme ; dents médiocres, assez régulières, ascendantes. (1) Nous dédions cette belle espèce à Eugène Ripart, dont les travaux botaniques sont justement appréciés; sa mort arrivée trop tôt laisse inachevé un travail important sur la flore cryptogamique du Centre de la France, qui devait comprendre les Mousses, les Hépatiques, les Lichens, les Champignons et les Algues. Depuis plus de vingt ans, Ripart avait amassé, dans son herbier, des matériaux considérables pour cette flore. Ayant abandonné la médecine, il se livrait avec passion à l'étude de la cryploganie ; il était occupé depuis deux ans à la rédaction de sa flore, restée inachevée à sa mort, survenue le 15 octobre 1878. Recherches et matériaux probablement perdus pour la science ? (2) Il est bien entendu que nous ne répondons pour l’exsiccata que des plantes qui sont en notre possession; la collection de Wirtgen n’est pas irréprochable, et la valeur scientifique que certains auteurs donnent à cette collection est loin d’être justifiée. Une grande confusion règne dans la distribution des échantillons et sousie même numéro il a été distribué des formes différentes, quoique portant le même nom spécifique ; en outre, les spécimens laissent beaucoup à désirer sous le rapport du choix et de la préparation (Alf. Déséglise). 39 Es (514) Épis lâchement compactes, à verticilles paraissant un peu espacés après la floraison surtout les glomérules inférieurs, atteignant 5-8 cent. de longueur. Calices légèrement hérissés, à dents aiguës, rougeàtres ou verdàtres ; pédoncules glabrescents. Bractée inférieure lancéoléc, égalant ou dépassant le glomérule ; les autres linéaires. Corolle rose ou carnée; étamines saillantes; anthères lie de vin; style blanc, égalant les étamines. Nucules petites, brunàtres, glabres. H18. — Aout, septembre. Lieux humides, bords des EAUX. France. — Cher : Apremont, Cuffy (Ripart); Saône- et-Loire : la Petite Verrière, Monthelon (Gillot); Haute- Savoie : Annemasse, Regnier, Etrembières, Bossey ferme de l'hôpital base du Salève, mont Vuache près d’Entre- mont, Seyssel. Suisse. — Cant. de Genève : bords de l’Arve sur la route de Pinchat à Veyrier, Carouge. M. similis Déségl. et Dur. Plante à aspect farineux ; tige rougeütre ou verdàtre, pubescente, simple, droite. Feuilles médiocres, nombreuses, rapprochées sur la tige, 2 cent. de largeur sur 5 cent. de longueur, elliptiques, subaiguës, toutes très-semblables, les supérieures différant très-peu de grandeur, pubescence courte et rase en dessus, grisätres-tomenteuses en dessous, à tomentum en réseau, sessiles, à dents nombreuses, assez profondes, régulières. Épis courts, compactes, 4-6 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée ; les autres linéaires. Calices et pédoncules hérissés, ( 515 ) Corolle rose; étamines saillantes:; style égalant les étamines. Has. — Août, septembre. Bords des eaux. Belgique. — Prov. de Liége : Halleux aux bords de l'Ambléve (Durand). M. velutina Lejeune, Rev. fl. Spa (1824), p. 115 et Lej. et Court., Comp. (1851), IE, p. 225 ; M. gratissima Lejeune, FI. de Spa (non Willd.); M. dumetorum Désé- glise, PL. rar. et crit. de France et de Suisse (1878), ap Bull. Étud. scient. de Paris, vol. [, extr., p. 10 (non Schultes) ; Wirigen, I. c., éd. [, n°. 51!; Kickxia Belgica, n° 149. Has. — Aout, septembre. Bords des eaux, lieux frais. Belgique. — Prov. de Liége : Steuval (Durand); Prov. d'Anvers : Tongerloo (Durand, Van Haesendonck) ; Prov. du Brabant : Louvain (Baguet). France. — Haute- Savoie : entre Amphion et Thonon, Vevyrier. Suisse. — Cant. de Genève : haies de la route de Genève à Belle- vue. Prusse. — Bords de la Netie près de Neuwied V'; (Wirigen). Obs. — Lejeune dit : staminibus corollam vix aequan- tibus. Nous les trouvons à étamines plus ou moins sail- lantes. M. genevensis Déségl. et Dur.; M. velutina var. genevensis Durand ap. Déségl., 1. e., p. 10; Malinvaud, exsic., n° 10; Wirtgen, I. c., éd. I, n° 5, éd. IE, n° 24. Tige de 6-8 décim., droite, simple ou rameuse, velue. Feuilles grandes, 4-6 cent. de largeur sur 6-8 cent. de longueur, ovales-elliptiques, obtuses ou subaiguës au som- (516) met, d'un vert gai, pubescentes ou glabrescentes en dessus, blanches-tomenteuses en dessous, à tomentum doux au toucher, sessiles ou quelquefois brièvement pétiolées, cordiformes à la base, les raméales obtuses ou subaiguës au sommet, plus petites que les feuilles caulinaires ; dents moyennes assez profondes, couchées ascendantes. Épis lâächement compactes, 1 ou 2 glomérules inférieurs quelquefois espacés, 7-8 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée, dépassant le glomérule; les autres bractées linéaires. Calices et pédoncules hérissés. | Corolle rose-pàle; étamines saillantes; style blanc, égalant ou dépassant les étamines. Has. — Juillet, août. Lieux humides, haies, bords des fossés. France. — Ain : Thoiry (Ayasse), Culoz; Haute- Savoie : Amphion, Annemasse, Etrembières, haies de la route de Mornex a Resnier.: *Süvoie :"Herrières, Rufieux. Suisse. — Cant. de Genève : Anière, Carouge ; Cant. de Vaud : Rolle. Prusse. — Vallée de la Nette près d'Ochtendung et près de Neuwied (Wirtgen). M. Genevicrii Déségl. et Dur.; M. gratissima Boreau ! FI. cent., éd. IE, vol. ÎT, p. 404 (non Wigg.); Desmoul., Cat. Dordog. (1840), p. 115, et sup. (1858), p. 1910). Plante à odeur très-suave ; tige de 7-9 décim., simple, droite, rougeàtre ou verdtre, glabrescente à la base, pubescente au sommet. (1) Nous dédions cette belle espèce à M. Gaston Genevier, de Nantes, le savant monographe du genre Rubus. CAS 7 à} Feuilles ovales-elliptiques, subaiquès, coriaces, 2-5 cent. de largeur sur 5-6 cent. de longueur, sessiles, cordi- formes à la base, parsemées de poils courts en dessus, couvertes en dessous d’une pubescence gris-blanchâtre ; dents régulières, celles des feuilles inférieures couchées ; les feuilles supérieures à dents plus profondes, ascendantes ou un peu étalées. Épis interrompus, 7-9-11 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée, dépassant le glomérule ; les autres linéaires. Calices et pédoncules très-hérissés de poils courts. Corolle rose-elair ; étamines saillantes ; style égalant les étamines. Nucules petites, brunâtres, glabres. Has. — Aout. Lieux humides. France. — Cher : Bourges, Prés-le-Roi ! M. Willdenowii Déségl. et Dur. Plante à odeur forte et désagréable, atteignant un mètre à un mètre 50 cent. ; tige rameuse, pubescente, à villosité courte. Feuilles grandes, 31/2 cent. à 4 cent. de largeur sur 7-8 cent. de longueur, ovales-elliptiques, brusquement acumi- nées, épaisses, glabrescentes en dessus, pubescentes-grisà- tres en dessous, sessiles, cordiformes à la base ; dents peu profondes, écartées, étalées ou un peu ascendantes. Épis interrompus, très-longs, gros, de 7-8-9-12 cent. de longueur. Calices et pédoncules hérissés de poils courts. Bractée inférieure lancéolée, réfléchie, plus longue que le glomérule ; les autres linéaires, égalant les glomérules. Corolle rose; étamines saillantes; style blanc, saillant. ( o18 ) Nucules ovoïdes, brunätres, glabres. Has. — Août, septembre. Bords des eaux, lieux frais, Angleterre. — Cornwall : près de Sizard Point (Briggs). Belgique. — Prov. de Liége: Chaudfontaine, bords de la Vesdre (Durand). France. — Nièvre : Saincaize près le Bec d’Allier (Ripart); Saône-et-Loire : Autun, Creuse d'Auxy (Gillot); Saint-Sernin-des-Bois autour de l’ancien Prieuré (Gillot et Lucand); Haute-Savoie : Annemasse, bords de la Menoge, Etresnbières, route de Mornex. M. Morenii Déségl. et Dur. ; Wirtgen, |. e., éd. 1, n°9971), Plante de 5-7 décim. ; tige parsemée de poils courts peu abondants, rameuse. Feuilles médiocres, minces, 2 1/2 cent. à 5 cent. de largeur sur 6-7 cent. de longueur, elliptiques-luncéolees, subaiguës ou subobtuses, les supérieures souvent arrondies et même réniformes, sessiles, les raméales plus petites, ovales-lancéolées, pétiolées,glabrescentes en dessus, pubes- centes-grisätres en dessous; feuitles inférieures à dents médiocres, assez régulières; celles du tiers supérieurs assez profondément dentées. Épis interrompus, à glomérules médiocres, de 8-10 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée, égalant le glomérule ; les autres linéaires, plus courtes que les glomérules. Calices hérissés de poils très-courts, presque glabres- cents; pédoncules assez longs, glabrescents. ee — ————— 4 (1) Nous dédions cette plante à M. Édouard Morren, le savant professeur de Liege, (319 ) Corolle rose; étamines saillantes ; style saillant. Has. — Août, septembre. Bords des eaux. Belgique. — Prov. de Liége : Trooz. (Durand). Obs. — La plante de Wirtgen portant le n° 55 de la première éd. serait voisine de cette espèce, mais en diffère par ses feuilles cordiformes à la base, à dents plus aiguës, glabrescentes sur les deux faces (AÏf. Déséglise). M. transmota Déségl. et Dur. ; M. lanceolata Rchb. fils (non Benth.). Tige rameuse, glabrescente à la base, pubescente au sommet. Feuilles supérieures lancéolées, aiguës, 2 cent. de largeur sur 7 cent. de longueur, les inférieures lanceolées-elliptiques, 5 cent. de largeur sur 7-10 cent. de longueur ; les infé- rieures presque glabres; les supérieures glabrescentes en dessus, pubescentes en dessous, à pubescence courte et peu abondante, disparaïssant avec l'age, nervures blanchâtres et assez satllantes, dentées, à dents peu profondes, entières à la base. Épis compactes, 5-6-7 cent. de longueur. Braclée inférieure ovale ou lancéolée, cuspidée, plus longue que le glomérule; les autres linéaires. Calices glabrescents, de couleur vineuse ou hérissés de poils courts peu abondants ; pédoncules blanchâtres ou vineux, hérissés de poils courts apprimés. Corolle rose ; étamines incluses ; style blane, longuement saillant. Has. — Septembre. Bords des eaux. Prusse. — Brandebourg : Lyck (Heïland). M. Billotiana Déségl. et Dur.; M. balsamea Billot, 7% ( 520 ) exsic.. .n%19179 4) (non Wide). Wivigen 1 céder ROM H Tige simple ou rameuse, à rameaux étalés ou ascen- dants, pubescente, rougeàtre ou verdàtre, de 4-7 décim., à odeur suave. Feuilles ovales-lancéolées, subaiguës, 2-2 1/2 cent. de largeur sur 5-6 cent. de longueur, pétiolulées, glabres- centes en dessus, pubescentes en dessous, à pubescence courte, grisätre ; les raméales plus petites, pétiolées, cordi- formes à la base ; dents ascendantes, peu profondes. Épis compactes, après la floraison les inférieurs parais- sent un peu écartés, 6-8-9 cent. de longueur. Braciée inférieure lancéolée, dépassant le glomérule ; les autres linéaires, égalant ou dépassant les glomérules. Calices et pédoncules hérissés de petits poils courts. Corolle carnée ; étamines incluses; style longuement saillant. Nucules brunes. Has. — Août, septembre. Bords des eaux. France. — Cher : la Basinière près de la route de Neuvy à Vierzon (Clisson), Puy Rateau près de Vierzon ! bords du canal près les forges de Vierzon !; Loëir-el- Cher : la Moincrie près d'Orcay (Clisson). M. Thurmannii Déségl. et Dur. @. (1) Nous dédions cette plante à feu Constant Billot, l’auteur de l’exsiceata si Justement apprécié des botanistes et que ses successeurs ont abandonné, quoique s'étant mis à trois pour continuer cette intéressante et savante collection. (2) Nous dédions cette plante à feu Jules Thurmann, Pauteur de l’Essar de phytostalique appliqué à la chaine du Jura. ( 521 ) Plante à odeur plutot agréable, mais peu forte; ge de 5-7 décim., droite, simple, pubescente. Feuilles coriaces, ovales-elliptiques, subobluses ou subai- quës, 2-2 1/2 cent. de largeur sur 4 1/2 cent. à 5 cent. de longueur, d’un vert sombre, glabrescentes en dessus, un peu plus pâles et à puhescence courte en dessous, sessiles ou subsessiles ; dents profondes, les inférieures déjetées. | Épis compactes, médiocres, 5-6 cent. de longueur; les 1-2 glomérules inférieurs quelquefois écartés. Bractée inférieure lancéolée; les autres linéaires. Calices et pédoncules hérissés de petits poils courts. Corolle carnée ; étamines saillantes ; style saillant. Nucules brunes, glabres. Hair. — Août. Lieux humides. Suisse. -— Cant. de Vaud: Tuilerie de Grandson. M. pascuicola Déségl. et Dur.; Wirigen, L €., éd. TT, H21. Tige de 4-8 décim., rameuse, verdàtre ou rougeàtre, pubescente, à pubescence courte et peu fournie. Feuilles allongées, eilipliques, subaïquës el souvent ter- minées par un pelil mucron, 2-5 1/2 cent. de largeur sur »-7 cent. de longueur, vertes, glabrescentes en dessus, pubescentes en dessous, sessiles; dents médiocres; Îles feuilles raméales beaucoup plus petites et de même forme que les caulinaires. Épis compactes, grêles, fluets, assez courts, 4-6 cent. de longueur; glomérules paraissant espacés après l'entière floraison. Bractée inférieure lancéolée ; les autres linéaires ; quel- quefois la bractée inférieure est ovale cuspidée. (322 ) Calices et pédoneules hérissés de petits poils courts apprimés. Corolle carnée ou d’un rose clair, assez petite ; étamines incluses; style blanc, longuement saillant. Nucules brunätres, glabres. Has. — Août. Bords des eaux, haies, lieux humides. France, — Huute-Savoie : Seyssel, Annemasse bords de la Menoge, Regnier; Savoie : Rufieux, bords des marais de la route de Culoz. Prusse. — Coblence (Wirigen). M. Laggeri Déségl. et Dur. (1). Tige de 6-8 décim., droite, rameuse dans sa partie supérieure, glabre ou glabreseente inférieurement, légè- rementlomenteuseau sommet, à tomentum court, apprimé. Feuilles caulinaires nombreuses, très-rapprochées, large- ment lancéolées, aiguës, 2 1 {2 cent. de largeur sur 10 cent. de longueur, vertes, glabres ou glabrescentes en dessus, blanches-tomenteuses en dessous, sessiles, nervures blan- ches et saillantes ; les raméales de même forme que les caulinaires, moins longues et pétiolées ; dents nombreuses, assez requlières. Épis compactes, de 4-6 cent. de longueur ; le glomérule inférieur un peu espacé. | Bractée inférieure lancéolée, plus longue que le glomé- rule ; les autres linéaires. Calices et pédoncules très-hérissés. Corolle rose-clair ; étamines saillantes ; style saillant. D ne em (1) Nous dédions cette plante à feu le docteur Francois Lagger, bota- niste de Fribourg (Suisse), (3%) Has. — Aoùt, septembre. Lieux humides des mon- (agnes. Suisse. — Cant. de Vaud : Gorge des Mérils (Alt. 1100 mètres) au dessus de Chäteau-d'Oex. M. Dossiuiana Déségl. et Dur. (D. Plante de 4-7 décim.; tige droite, simple ou rameuse, pubescente, à villosité courte et peu fournie. Feuilles inférieures lancéolées, aiguës, 1-2 1/2 cent. de largeur sur 6 cent. de longueur; les supérieures ovales- lancéolées, 2 1/3 cent. de largeur sur 6 cent. de longueur, sessiles ou subsessiles; les raméales pétiolées, vertes, glabrescentes en dessus; pubescence grisàtre, rase et peu abondante en dessous ; les feuilles raméales ont en dessous une pubescence plus abondante que les caulinaires ; dents peu profondes, assez régulières. Épis lâächement compactes, peu fournis, grèles, k-5-7 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée, dépassant le glomérale ; les autres linéaires, égalant le glomérule. Calices et pédoncules hérissés. Corolle pelile, rose-clair ; étamines saillantes; style saillant. His. — Aout, septembre. Bords des eaux. Belgique. — Provr. de Liege : Goffontaine près du déversoir (Durand). (1) Nous dédions cette plante à Etienne Dossin, botaniste liégeois, auteur d’un catalogue de la flore liégeoise, ( 524 ) M. Gillotii Déségl. et Dur. (1). Plante de 4-6 décim., donnant des liges floriferes et folüfères tout à la fois et formant souvent d'énormes touffes ; tige pubescente, rameuse. euilles florifères lancéolées-e!liptiques, aiguës où subob- tuses, 2 1/2 cent. à 5 cent. de largeur sur 5-6 cent. de lon- gueur, sessiles ou subsessiles, vertes-glabrescentes en dessus, blanchâtres-pubescentes en dessous, à tomentum en réseau sur les feuilles raméales, à dents peu profondes, couchées; les feuilles des tiges foliifères lancéolées-ellipti- ques, cent. de largeur sur 5-6 cent. de longueur ; les infe- rieures obluses au sommet; les autres aiguës, terminées un peu brusquement en pointe courte. Épis courts, compactes, 3-4 1/2 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée ; les autres linéaires. Calices et pédoncules glabrescents. Corolle rose-clair ; étamines saillantes ; style saillant. Has. — Septembre. Lieux humides, bords des eaux. France. — Saône-et-Loire : Roussillon-en-Morvan, bords des eaux et des prés de la Verrerie : sol granitique (Gillot.) Suisse. — Cant. de Vaud : Yvonand (Durand). M. belgica Déségl. et Dur. Plante donnant des tiges florifères et foliifères tout à la fois; tige de 4-7 décim., droite, simple ou peu rameuse à (1) Nous dédions cette plante à M. le docteur Xavier Gillot, d’Autun, botaniste avantageusement connu par ses divers écrits sur la phanéro- gamie et la cryptogamie. (328 ) rameaux courts; tige parsemée de poils courts, blanchätres, apprimés ou étalés. Feuilles de la tige florifères oblongues-elliptiques, subob- tuses ou subaigquës, 2-5 1/2 cent. de largeur sur 4-6 1/2 cent. de longueur, d'un vert sombre, glabrescentes en dessus, pubescentes-grisàtres en dessous, sessiles, à dents peu pro- fondes surtout dans les inférieures ; feuilles des tiges sté- riles longuement elliptiques, assez brusquement atténuées à la base, 2 1/2 cent. à 5 1/2 cent. de largeur sur 6-7 cent. de lon- gueur, les inférieures plus petites que les moyennes et les supérieures, à dents nombreuses, régulières et plus pro- fondes. Épis grêles, à glomérules petits, espacés après la flo- raison. Bractée inférieure lancéolée ; les autres linéaires. Calices et pédoncules glabrescents. Corolle petite, carnée ; étamines incluses ; style saillant. Has. — Août, septembre. Bords des eaux. Belgique. — Prov. de Liége : Halleux, bords de l’Am- blève à Chaudfontaine. (Durand). M.candicans Crantz, Sürp. Austr. (1769), p. 550. Chaque auteur décrit sous ce nom un type différent et regarde cette espèce comme une vulgarité qui se trouve partout, aussi bien dans la plaine que sur les montagnes : car toute menthe qui a les feuilles vertes en dessus et blanches-tomenteuses en dessous est considérée comme étant l'espèce de Crantz, peu importe à ces floristes la forme de l’épi interrompu ou compacte, les feuilles gran- des ou petites, ovales, lancéolées ou elliptiques, les calices et pédoncules glabres, glabrescents ou fortement hérissés, ( 526 ) les étamines saillantes ou incluses. Nous pensons qu'il serait temps de s'arrêter dans cette voie, en attribuant à Crantz des plantes qu'il n'a jamais connues ni même soupconnées. Voici la description in extenso du M. can- dicans d'après Crantz, |. €. M. Spicatis oblongis, foliis oblongis subtus tomentosis serratis subsessilibus, staminibus corolla longioribus. Menthastrum Riv. t. 51 nullum habitum habet. Men- thastrum spicatum folio longiore candicante J. B. IT. Rai, ob incertitudinem synonyma alia omitto. Cauies quadranguli, erecti, striati, hirsuti, ad pedes tres el ultra alti admodum ramosi. Focra exiquo crassoque petiolo nixa fere sessilia sunt, ex oblongis longe acuminata, inaequalibus dentibus serrata, facie neglectae viriditatis, dorso incano-glauco-molliaque. Ram supra caulis inelium numerosi caulis naturam servant, etiam foliosi foliisejusdem ac in caule conditionts. VerTicit ul in spicala primi evidentioribus et longio- ribus bracteis distincti, alii solum lanceolatis, vix verticillos aequantibus. Cazyx familiae sed subhirsutus. FLos familiae extus hirsutus. STAMINA corollam longe superant. Obs. — Le n° 18 de la collection Malinvaud nous parait bien être le M. candicans ; l'échantillon laisse à désirer, les feuilles sont tellement mal préparées qu'il est impos- sible de les voir dans leur entier ; elles sont bien sessiles. M. Malinvaud ajoute en synonyme le M. candicans I, b. forma petiolata Wirtgen, éd. [., n°55, éd. IT, n° 15; assimilation qui nous semble erronée d’après le type de (527 ) Wirtgen, éd., [. n° 55! Les feuilles sont toutes petiolées ; elles ont 2 1/2 €. à 51/2 cent. de largeur sur près de 8 cent. de longueur; le n° 18 publié par M. Malinvaud, autant que nous pouvons voir les feuilles, ont 11/2 cent. à 2 cent. de largeur sur 5 cent. de longueur ; elles sont faiblement dentées. L’échantillon de Wirtgen a les dents nombreuses, assez fortes, irrégulières. Nous ne pouvons trop répéter que la collection de Wirigen dont on abuse, laisse à dési- rer sous tous les rapports pour la citer avec certitude ; car sous le même nom et sous le même numéro l'auteur a distribué des formes différentes. Il en est de cette collec- tion des Mentha, comme de celles des Rubus et des Ver- bascum, qui sont un embarras dans les herbiers et la cause d'erreurs. M. Pérard, Revue monog. du genre Mentha, n° 1 (1878), p. 6, fait de la plante publiée par M. Malinvaud, n° 18 : M.-eandicans Crantz forma corymbiformis Pérard. Nous sommes à nous demander où se trouve ce corymbe dans les échantillons publiés? Nous connaissons tout le soin que M, Malinvaud apporte dans la distribution des échantillons de sa collection ; les spécimens sont tous identiquement les mèmes et passés à un examen sérieux. Nous ne pouvons que l'encourager dans cette tâche diflicile et de laquelle il sortira à son avantage. Il peut y avoir des erreurs de synonymie, mais la question n'est pas là. La tâche d'un monographe sérieux est bien difficile ; aussi ne doit-il pas s'arrêter devant les écrits parasites, où l'amour du bouleversement domine à la place d’un fonds vraiment scientifique. M. Pérard aurait du nous dire si c’est l'échantillon A ou l'échantillon B qui doit prendre le nom de corymbiformis selon lui? L'un est une tige simple avec trois épis, l’autre ( 028 ) une tige rameuse avec quaire épis : peut-être a-t-il voulu dire ramosa? (Alf, Déséglise). Malgré les nombreux échantillons reçus et visés par les uns et les autres comme étant la plante de Crantz, nous trouvons seulement les localités suivantes représentées dans l'herbier Déséglise. France. — Loire : Benthéon (Malinvaud); Haute-Ga- ronne : Bagnères-de-Bigorre (Timbal-Lagrave Coll, Malin- vaud); Saône-et-Loire : Monthelon pâturages des Granges (Gillot); Ain : bords des haies du chemin de fer à Culoz (Déséglise); Haute-Savoie : bords des eaux à Annemasse (Déséglise). M. reflexifolia Opiz, ap. Flora bot. Zig. (1824), vol. VIT, p. 525 (non Déségl.); Billot, exs., n° 5450 bis. Spieis oblongis, basi interruptis; caule tomentoso, foliis oblongis, basi cuneatis, subsessilibus, inaequaliter serratis, supra viridibus, subtus cano-tomentosis, reflexis bracteis setaceis, calicibus pedunculis bracteisque villosis, stami- nibus corolla brevioribus. Differt à M. Wierzbickiana Op. : Caule tomentoso, fois supra viridibus, reflexis, subtus tomentosis; a M. ratisbonensi Op. : foliis summis lanceolatis, serratis reflexis et a M.oblonga Op.: Caule tomentoso, foliis oblon- ois serratis summis lanceolatis et reflexis (Opiz., |. c.). Obs. — L'échantillon de la collection Billot publié après sa mort diffère de la description ci-dessus : par son épi non interrompu à la base; les feuilles ne sont pas cunéiformes à la base, elles sont sessiles et cordiformes ; le reste cadre bien avec la description de l’auteur. France. — Isère : bords des ruisseaux à Prémol, près ; { 929 ) de Grenoble (Boullu). — Nous avons pu voir sur l'échan- tillon les nucules qui sont brunes, petites, presque globu- leuse et glabres. M. monticola Déségl. et Dur. Plante de 4-8 décim.; tige tomenteuse, verdätre ou rougeàtre, rameuse, à rameaux ordinairement dressés. Feuilles oblongues, les inférieures aiguës, les supérieures acuminées, 2-22/; cent. de largeur sur 8-10 cent. de longueur, sessiles, vertes-glabrescentes en dessus, tomen- -teuses-blanches en dessous, à tomentum disparaissant avee l'âge sur les feuilles inférieures; dents médiocres, ascen- dantes ou un peu étalées. Épis interrompus, assez longs, 7-9 cent., à gros glomé- rules globuleux. Bractée inférieure lancéolée, très-longue, atteignant quelquefois 2 cent, de longueur, étalée ou réfléchie ; les autres linéaires, égalant ou dépassant le glomérule. Calices et pédoncules hérissés de poils blanes Corolle rose; étamines saillantes ; style saillant. Has. — Août, septembre. Lieux humides, bords des torrents dans la montagne. France. —— Llaurentie, bords de la Bruyante (Timbal- Lagrave); Nièvre : Bec d'Allier près de Saincaize. Suisse. — Cant. de Fribourg : les Allières ; Cant. de Vaud ; Le Corgeon, la Tine; Cant. de Neufchâtel : Verrières-Suisses. Var. jurana Déségl. et Dur.: Wirtgen, I. c., éd. I, n°7? Elle diffère du type par ses feuilles lancéolées, un peu arquées, cuspidées, à dents assez profondes, irrégulières : son épi compacte: son calice violacé, hérissé de poils courts, FH ( 530 ) Has. — Aout, septembre. Région montagneuse aux bords des torrents ou des sources. France. — Ain : Vallée de Mijoux; Saône-et-Loire : Autun, Creuse d’Auxy (Carion). Obs. — Les deux brins distribués par Wirigen sont dépourvus de feuilles caulinaires ; ce sont deux rameaux floraux trop incomplets pour pouvoir porter un jugement décisif ; leur facies nous les à fait rapporter avec doute. Peut-être eut-il été mieux de n'en pas faire mention ? (AIf. Déséglise). M. Huguenmini Déségl. et Dur.(1). Plante atteignant un mètre à un mètre trente cent. de hauteur; tige droite, rameuse, glabrescente à la base, tomenteuse au sommet, à tomentum court et peu fourni. Feuilles grandes, oblongues-lancéolées 3 1/2 cent. à k 1/2 cent. de largeur sur 11-12 1/2 cent. de longueur, aiguës ou subaiguës, vert clair et glabrescentes en dessus, blanches-tomenteuses en dessous, à tomentum peu fourni dans les feuilles inférieures, sessiles ou subsessiles, les raméales pétiolées; dents assez nombreuses, profondes, ascendantes ou étalées et mucroneées. Épis compactes, à 1-5 glomérules inférieurs quelquefois un peu espacés, 4-6-8 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée, réfléchie, plus longue que le glomérule ; les autres linéaires. Calices et pédoncules pubescents. Corolle rose ou carnée; étamines saillantes; style saillant. (1) Nous dédions cette plante à feu Huguenin, de Chambéry, savant botaniste savoisien, qui a beaucoup contribué à faire connaître la flore de son pays. ( 5o1 ) Nucules brunes, subglobuleuses, glabres. Has. — Août, septembre. Bords des eaux. France. — Haute-Savoie : Annemasse, Regnier,Seyssel. Suisse. — Cant de Vaud : Vallorbes, La Sarraz (Du- rand); Cant. de Zug : Bergwälder près de Zug. M. recta Déségl. et Dur. Plante de 5-9 décim. ; tige pubescente, plus ou moins rameuse. Feuilles assez brusquement lancéolées, 2 1/2 cent. de lar- geur sur 6-7 cent. de longueur, acuminées, unpeu arquees, vertes, glabrescentes ou parsemées de poils courts peu abondants en dessus, blanchâtres en dessous, à tomentum disparaissant plus ou moins sur les feuilles inférieures, sessiles ou pétiolulées, cordiformes à la base ; dents nom- breuses, souvent assez profondes, irrégulières. Épis compactes, petits, assez grêles, droits, courts, 4-5 cent. rarement 7 cent. de longueur, les 1-2 glomé- rules inférieurs quelquefois un peu espacés. Bractée inférieure lancéolée; les autres linéaires. Calices et pédoncules hérissés. Corolle rose ou carnée, petite; eétamines incluses ; style saillant. Nucules petites, glabres, brunes, de forme oblongue ou ovoide. Has. — Aoùt, septembre. Bords des eaux, lieux humides. France. — Haute-Savoie : Annemasse, Etrembières bords de l'Arve; Ain : Culoz près de la gare. Suisse. — Cant. de Vaud : Ependes (Durand). M. Favrati Déségl. et Dur.(l. (1) Nous dédions cette plante à M. le professeur L, Favrat, de Lausanne. (0552 ) Plante de 4-7 décim.; tige simple ou rameuse au sommet, pubescente, à pubescence blanche, apprimée, courte dans sa partie supérieure, réfléchie ou un peu étalée inférieurement. Feuilles oblonques-lancéolées, acuminées, 2-2 1/2 cent. de largeur sur 6 4/2 cent. à 8 cent. delongueur, d'un vert gai, les inférieures glabrescentes en dessus, les supérieures pubescentes en dessus, blanches-tomenteuses en dessous, à tomentum abondant, sensiblement dressées contre la tige, sessiles; dents nombreuses, profondes, les unes déjetées, les autres ascendantes. Épis très-compactes, 4-6 cent. de longueur, les 1-2 der- niers glomérules quelquefois écartés. Calices et pédoncules hérissés. Bractée inférieure longue, lancéolée, dépassant Île glomérule ; les autres linéaires. Corolle rose; étamines incluses ; style blanc, longuement satilant,. His. -— Août, septembre. Lieux montagneux. Suisse. — Cant. de Vaud : les Mérils au-dessus de Château-d'Oex, à une alt. d'environ 1200 mètres. M. Lereschii Déségl. et Dur. (1). Tige de 5-6 décim., droite, très-rameuse, à rameaux courts, légèrement tomenteuse, à tomentum disparaissant avec l'âge. Feuilles lancéolées, les supérieures fortement acuminees, ainsi que les raméales 1 1/2 cent. à 2 cent. rar. 2 1/4 cent. de largeur sur 6-7 cent. de longueur, à pubescence rase et grisètre en dessus, à tomentum gris-blanchâtre en ——— (1) Nous dédions cette plante à M. le Pasteur L. Leresche, botaniste suisse du canton de Vaud. ( 555 ) dessous et disparaissant avec l’âge, dents frès-nombreuses, irrégulières, relativement profondes, sauf à la base des feuilles où elles sont à peu près nulles, un peu déjetées. Épis compactes, courts, 4-6 cent. de longueur. Bractée inférieure lancéolée; les autres linéaires. Calices et pédoneules glabrescents. Corolle carnée ; étamines saillantes; style saillant. His. — Août, septembre. Bords des eaux, lieux hu- mides. France. — Haute-Savoie : bords de l’Arve à Etrem- bières. Suisse. — Cant. de Vault: Bercher. — Silesie. — Trabniz(i). M. Brideliana Déségl. et Dur.; Billot exs., n° 5490 ! (2). Tige de 4-6 décim., tomenteuse, droite, à rameaux presques nuls. Feuilles nombreuses et rapprochées sur la tige, toutes très semblables, lancéolées, aiguës, 1 1/2 cent. à 2 cent. de largeur sur 5-6 cent. de longueur, sessiles, grisètres en dessus, blanches-tomenteuses en dessous; dents nombreuses, régulières, souvent assez profondes. Épis courts, compactes, 4-5 cent. de longueur. Bractee inférieure lancéolée, plus longue que le glomé- rule; les autres linéaires, plus courtes que les glomérules. (1) Nous tenons cette plante du comptoir d’échanges de la Silésie ; il nous à été impossible de déchiffrer la signature et c’est avec peine que nous avons pu lire la localité, tant l’étiquette est mal écrite. (2) Nous dédions cette plante à S. Bridel, ancien pasteur de Chäteau- d’Oex, botaniste vaudois. ( 554 ) Calices et pédoncules hérissés de poils courts. Corolle carnée; étamines saillantes : style saillant. Nucules brunâtres, glabres. Has. — Août, septembre. Lieux humides, bords des eaux. France. — Savoie : Belleville près de Hauteluce (Per- rier), — Suisse. — Cant. de Vaud : dent de Château-d'Oex. M. Dumortieri Déségl. et Dur. (1). M. sylvestris var. microphylla Lejeune et Courtois Comp. fl. Belg., vol. IE, p. 224; Malinvaud. exs., n° 14. Tige de 5-6 décim., simple ou rameuse, pubescente au sommet, glabrescente à la base. Feuilles petites, ovales, subaiguès, quelquefois subobtuses, 18 à 22 millim. de largeur sur 4-4 1/2 cent. de longueur, vertes-grisàtres-pubescentes en dessus, blanchâtres-tomen- teuses en dessous, à tomentum en réseau ; dents espacées, peu profondes, irrégulières, ascendantes. Épis assez longs, 3-7 cent., lâächement compactes, les deux glomérules inférieurs quelquefois un peu espacés. Bractée inférieure lancéolée, plus longue que le glomé- rule; les autres linéaires. Calices et pédoncules hérissés. Corolle carnée; étamines saillantes ; style saillant. Plante à odeur désagréable. Has. — Août. Belgique. — Prov. de Liége : les Mazures (Durand). (1) Nous dédions cette plante à B.-. Du Mortier, l’illustre et regretté président de notre Société. TABLE DES MATIÈRES — CONTENUES DANS LE TOME XVII. Composition du Conseil d'administration pour l’année 1878. . . v Liste des membres effectifs et associés de la Société . . - . . vu Liste des publications périodiques que la Société reçoit en échange Joon Dullctin es SN Re LS NS OS Te A UNS RER Procès-verbaux des séances , . . AR RE I 1 Manifestation en l’honneur de M. B. €. Du Mortier. — Bruxelles 5 mai 4878. Compte-rendu publié au nom du Comité d’organisa- tion, par L. Piré, secrétaire SÉ RE ae è 5 Sur la structure et les modes de fécondation des fais et en particu- lier sur l’hétérostylie du Primula eiatior, par Léo Errera et Boston Les NT NS ENS SES RS 108 Appendice. Pentstemon gentianoides et Pentstemon Hartwegi, par EOUBTEBTA 2 sale me la Se ER Compte-rendu de la XVIIe teen générale de la Société royale de botanique de Belgique (1878), par Oscar Hecking . . . . 255 Remarques sur les Cucurbitacées brésiliennes, et particulièrement sur leur dispersion géographique, par Alfred Cogniaux. . . . 275 Descriptions de nouvelles Menthes, par Alfred Déséglise et Théophile BRUNE 0 oi OS CANNES TES BUÉEETIEN SOCIÉTÉ ROYALE DE BOTANIQUE DE BELGIQUE FONDÉE LE 1!" JUIN 1862 ——— TOME DIX-SEPTIÈME BRUXELLES AU SIÉGE DE LA SOCIÉTÉ, JARDIN BOTANIQUE DE L'ÉTAT 1879 MEN] re is At Ka Ÿ (a Æ = EE et =. LA Te. DARLE = mess ealctatstelel tee “ Et 14! CARATEATE! WE GARE gins [ei HARRIS REX + È k , USE Ur imelele" lg, ÉD DER MEN à 2} Pa HR. Ne rat | : GENE EI DNS RAS EE TER re e | ES PRES ME PES NC) MARS a S À Fésieté 0% dette. ren 0: 00 ARRUANES Ty elritte tt La + L Ayo | OPA E Ta Ftalets