Natural History Muséum Library 000233048 2S> SOCIETE GÉOLOGIQUE DS ®aiA» (B g (Q © ]B DE FRANCE. Séance du 5 novembre 1855. présidence de m. viquesnel , vice-président. Le Président annonce quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice, Journal des savants, juin à octobre 1855. De la part de M. A. d’ Archive, Résumé d’un essai sur la géologie des Corbiéres . communiqué à la Société philomatique le 1 4 juillet 1855 (extrait du journal V Institut, 29 août, 5 et 12 septembre 1855), in-8, 32 p., Paris, 1855. De la part de M. Rod. Blanchet, Essai sur la combustion dans les êtres organisés et inorganisés , précédé d’une lettre a M. le professeur /. Liebig, in-12, 18p., Lausanne, 1855. De la part de Don Policarpo Cia, Observaciones geolo- gicas , etc. (Observations géologiques sur une grande partie de Tîle de Cuba), in-8, kl p., Madrid, 485/i • chez yeuve Antonio Yenes. De la part de M. Gustave Gotteau, Paléontologie de l’Yonne. — Etudes sur les mollusques jossiles du département de l’Yonne , 2e livraison. De la part de M. Giulio Gurioni, Sulla successione, etc. (Sur la succession normale des divers membres du terrain triasique en Lombardie) (extr. du Giorn. dell’ /. R. Istituto Lombardo di scienze , lettere ed arti , t. VII, fasc. 39-41), in-f°, 35 p., 3 pl. , Milan, août 1855. De la part de M. E. Desor, La limite supérieure des polis glaciaires dans les Alpes (extr. du IIIe vol. du Bull, de la Soc . 6 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. des sciences ncit. de Neuchâtel ), in-8, 15 p., Neuchâtel, 1855 -, chez H. Wolfrath. De la part de M. Émilien Dumas, Carte géologique du département du Gard. — Arrondissement de Nîmes , 1 feuille grand monde, 1850. De la part de M. A. Favre : 1° Notice sur les systèmes de montagnes par M. Elie de Beaumont (extr. de la Bibl. univ. de Genève, juin 1858), in-8, 16 p. 2° Sur quelques roches des environs de Tanninge , commu- niqué à la classe d’indqstrie dans la séance du 28 oçtohrel854, in-8, h p. 8° Si/uria. — Histoire des roches les plus anciennes , conte- nant des restes des êtres organisés, avec une esquisse de la distribution de l’or sur la terre , par sir Roderick Impey Mur- chison (extr. de la Bibfioth. univ. de Genève ), in-8, 89 p., Genève, 1855, chez Ramboz et Schuchardt. De la part de M. J. Fournet : 1° Observations météorologiques faites à 9 heures du matin a V Observatoire de Lyon , du 1er décembre 1851 au 1er dé- cembre 1853, par M. le professeur Frenet, in-8, 49 p., h ta- bleaux, Lyon. 2° Commission hydrométrique de Lyon. — Observations recueillies pendant les douze mois des années 1852, 1853 et 1854 dans le bassin de la Saône. 3° Résumé de ces trois années d’ observations , par MM. J. Fournet et A. Rineau. 4° Tableaux de quelques observations météorologiques faites a Lyon (extr. des Annales de la Soc. I. d’agricul- ture, etc., de Lyon), in-8, 78 p., Lyon. De la part de M. Scipion Gras : 1° Mémoire sur le terrain anthraxifère des Alpes, de la France et de la Savoie (extr. des Annales des mines , t. V, 1854, p. 473)*in-8°, 137 p., 3 pl., Paris, 1854, chez Garilian- Gœury. 2° Sur la constitution géologique du terrain anthrçicifèrc alpin et les différences qui le séparent du terrain jurassique SÉANCE DU 5 NQVEMlîKE 1855. 7 (extr. du Bull, de la Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. XII, p. 255, séance du 5 février 1855), in-8, 30 p. 2 pl. De la part de MM. les docteurs de Grateloup et Victor Rau- lin, Deuxième tableau statistique et géographique du nombre d’espèces de mollusques terrestres et fiuviatiles -vivants et fos -, siles de la France , disposées selon, les régions naturelles [zones zoologiques ) et distribuées en f amilles , 1 f. colombier, Bordeaux, juin 1855. De la part de M. Leymerie : 1° Note sur quelques localités de V Aude , et particulièrement sur certains gîtes épicrètacés (extr. du Bull, de la Soc. géol. de France , 2esér., t. X, p. 511, séance du 20 juin 1853), in-8, 11 p. 2° Notice sur le cabinet minéralogique et géologique de la Faculté des sciences de Toulouse (extr. de la Revue de R Aca- démie de Toulouse , livraison de juillet 18AA), in-8, 15 p., Toulouse, 1855, chez A. Chauvin. 3° Etudes sur la vallée du Lhers et du canal du Midi, in-8, 17 p, De la part de sir Charles Lyell, Ou certain trains , etc. (Sur certaines traces des blocs erratiques sur les limites occidentales du Massachusetts), in-8, 12 p., 27 avril 1855. De la part de M. le professeur Massalongo ; 1° Zoopkycos . — No v uni gémis planta rum fos s ilium, in-8, 52 p., 3 pl., Vérone, 1855. 2° Monographia , etc. (Monographie des Néréides fossiles de M. Bolca), in-8, 55 p., 6 pl., Vérone, 1855. De la part de M. Robert W. Mylne, London and its environs , topographical and geological , 1 f. colombier, 1851. De 1$ part de M. Casiano de Prado, Mapa geologico , etc. (Carte géologique de la province de Valladolid), 1 f. colombier, Madrid, 185A. De la part de MM. E. Renevier et Ph. Delaharpe : 1° Excursions géologiques dans les Alpes valaisannes et vaudoises. — 1. Dent du Midi [Bas Valais ) (extr. du Bull, de la Soc. vaud. des sc. nat séances du 3 et du 17 janvier et du 7 ipars 1855), ip-8, 20 p., 1 pl. 2° Excursions géologiques dans les Alpes valaisannes et 8 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. vaudoises . — 2. Houille kimméridgienne du Bas - Valais (extr. du même Bulletin , séance du 7 mars 1855), in-8, 0 p. De la part de M. Marcel de Serres, Des ossements humains des cavernes et de F époque de leurs dépôts , in-4, 84 p., Mont- pellier. 1855, chez Boehm. De la part de M. 0. Terquem : lo Observations sur les Gryphées du département de la Moselle (extr. du Bull, de la Soc. d’hisl. nat. du départ, de la Moselle ), in-8, 12 p., 1 pl. 2° Observations sur les études critiques des mollusques fos- siles, comprenant, la monographie des Mya ires de M. Agassiz , in-8, 109 p., 5 pl., Metz, 1855, chez F. Blanc. De la part de M. Aimé Drian, Etudes météorologiques men- suelles (présentées à X Académie J. des sciences de Lyon , dans la séance du 6 décembre 1853), in-8, 140 p., Lyon, 1854, chez Dumoulin. De la part de MM. le chevalier Fr. de Hauer, Fr. Fœtterle, Guillaume Haidinger et le comte Auguste Marschall, Coup d’œil géologique sur les mines de la monarchie autrichienne, in-4, 253 p., Vienne, 1855, impr. I. et B. De la part de M. Leonard Horner, An account , etc. (Rela- tion de quelques recherches récentes prés du Caire, entreprises à l’effet d’éclairer l’histoire géologique du terrain d’alluvion de l’Egypte), lre part. (extr. de The philosophical Transactions, part. 1, for 1855), in-4, 36 p., 1 pl., Londres, 1855, chez Taylor et Francis. De la part de M. le docteur Delaharpe, Ossements appar- tenant à /’Anthracotherium magnum, recueillis dans les lignites des environs de Lausanne (extr. du Bull . de la Soc. uaudoise des sc. nat., séance du 1er novembre 1854), in-8, 14 p. De la part de M. Ferdinand de Lesseps, Percement de L’isthme de Suez. ■ — Exposé et documents officiels , in-8, 281 p., 2 pl., Paris, 1855, chez Henri Plon. De la part de M. E. de Marsy, Rapport fait à la Société /. d’ émulation d’Abbeville , sur l’ouvrage de M. Boucher de Perthes , ayant pour titre : Des monuments celtiques et antédi- luviens ou de l’industrie primitive , in-12, 26 p., Abbeville, 1855, chez P. Briez. 9 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. De la part de M. Charles Moore, On new Brachiopoda , etc. (Sur de nouveaux Brachiopodes de l’oolithe inférieure de Dundry) (extr. de The proceedings of the Somersetshire archœological and natural history Society , 185/i), in-8, 2/i p., 3 pl. Taunton, 185/i, chez F. May. De la part de M. Gabriel Mortillet : 1° Note sur les minéraux combustibles de la Savoie (publié par X Association florimontane d’ Anneci [Savoief), in-8, 22 p., Anneci, 1854, chez Aimé Burdet. 2° Tableau des terrains de Savoie , 1 feuille colombier, Anneci, 1855, chez J. Philippe. 3° Prodrome d’une géologie de la Savoie , in-/l, hl p., i p'- li° Géologie du Semnoz ( Association florimontane d’Annecy [Savoie], séance du 25 mai ), in-8, 26 p. 5° Les géologues de Chambéry , in-8, 16 p., Anneci, 1855, chez J. Philippe. De la part de M. Eugenio Sismonda, Notizia storica dei lavori fatli dalla classe di scienze fiziche e mathematiche nel corso delV anno 185/i (extr. des Mem. délia R. Accademia delle science, sérié 2, t. XV), in-/i, 68 p. De la part de M.W.-C.-H. Staring, Over de geologische gesteldheid man Suriname (Sur la constitution géologique de Surinam), in-12, 8 p Comptes rendus des séances de V Académie des sciences , 185/i, 2e sem., t. XLÏ, nos 1 à 18. Annales des mines , 5e sér., t. VI, 6e liyr . de 185/i. Bulletin de la Société de géographie , l\e sér., t. IX, juin à septembre 1855, nos 5/i à 57. Société impériale et centrale d’ agriculture . 1° Bulletin des séances , 2e série, t. X, 1855, nos 6 et 7. 2° Séance publique annuelle , le 29 août 1855 *, Discours de j M. Yvart, président . L’Institut , 1855, nos 1122 à 1139. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, 8e année, 1855, nos 81 à 83. Bulletin de la Société français^ de photographie , lre année (1855), nos 6 à 10. 10 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. Société académique de Saint-Quentin, — - Annales agri- coles, etc. , du département de V Aisne, 2e sér., t. XI, 1853 et 1854. Mémoires de la Société d’ agriculture, etc., du département de V Aube , nos 94 à 96, 2e, 3e et 4e trim. de 1845, t. XIX de la collection; t. VI, 2e sér., nos 33 et 34, 1er et 2e trim. de 1855. Mémoires de V Académie des sciences, etc., de Dijon , 2e sér., t. III, année 1854. Annales de la Société d’agriculture, etc., du département d9 Indre-et-Loire , t. XXV, 1845, n°* 2 à 4 ; t. XXXIV, 1854, n° 1. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 131. Mémoires de la Société royale des sciences , etc. , de Nancy , 1844. Bulletin de la Société de l’industrie minérale de Saint- Etienne , t. I, lre livrais., juillet, août, septembre 1855, avec un atlas in-f°. Mémoires de V Académie royale des sciences , etc., de Tou- louse, t. I, 3e série. Société d’ agriculture, etc., de Valenciennes . — Reçue agri- cole, etc., 7e année, nos 1 à 3, 1855. Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles, t. IV, Bulletin n° 35. Nouveaux mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles , lre sér., t. II à X, in-4. The quarte rly journal o f the geological Society of London, vol. XI, nos 42 et 43, 1855. Address delivered at the anniversary meeting of the geolo- gical Society o f London, 16th febr, 1855, by W.-J. Hamilton, in-8, 73 p., London, 1855, chez Taylor et Francis. Report of the 24th meeting of the british Association for the advancement of the science, held at Liverpool in september 1854; 440 et 190 p., 9 pl., Londres, 1855, chez John Murray. Philosophical 'Transactions of the royal Society of London, for 1855, vol. 145, part. I. Proceedings of the royal Society of London, vol. VII, nos 13 et 14. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 185§. 11 Transactions of the rayai Society of Edinburgh, voî. XXI, part. II, l'or the session 185/1-4 855 . P roceedings of the royal Society of Edinburgh , session 1854-1855. The Transactions of the R. Iris h Jcademy ? vol. XXII, part. Y, Science. P roceedings of the R . Iris h Jcademy for the year 1 853- 1854, vol. Y, part. I. The Jthenœum , 1855, nos 1445 à 1462. Denkschriften , etc. (Mémoires de l’Académie lmp, des sciences de Yienne -, classe des sciences mathématiques et naturelles), vol. VIII, 1854. Sitzungsberichte, etc. (Comptes rendus des séances de cette Académie), année 1855, cahiers 1 à 2 et 5 à 10. Register, etc. (Table des 10 premiers volumes des Comptes rendus de cette Académie). Almanach , etc. (Almanach de l’Académie lmp. des sciences de Yienne), 1 vol. in-18. Jahrbuch , etc. (Annuaire de l’Institut impérial géologique d’Autriche), 1854, 5e année, n0s 3 et 4. Abhandlungen , etc. (Mémoires de cet Institut), IIe volume, 1855. Neues Jahrbuch , etc. (Nouvel annuaire pour la minéralogie , la géognosie, la géologie et la paléontologie), par MM. de Leonhard et Bronn, 1855, 3e cahier. Zeitschrift , etc. (Journal de la Société géologique alle- mande), vol. VII, 1er cahier. Abhandlungen , etc. (Mémoires de la Société des naturalistes de Gorîitz), vol. VII, 1er cahier. Jahreschefte , etc. (Feuilles annuelles de la Société des sciences naturelles de Wurtemberg), 11e année, 1855, 2e cah. Jahresbericht , etc. (Compte rendu annuel des progrès de la chimie, de la physique, de la minéralogie et de la géologie), par MM. Justus Liehig et Hermann Kopp$ année 1854, 1er et 2e cahiers. Revisla minera , t. VI, nos 123 à 130. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou , année 1853, nos 3 et 4^ année 1854, n° 1. 12 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE J 855. The American journal of science and arts , by Silliman, 2e sér., nos 57 et 58, mai et juillet 1855. Natuurkundig Tijdschrift , etc. (Journal des sciences natu- relles pour l’Inde Néerlandaise), nouv. sér., t. Y, lre, 2e, 3e et àe livrais. -, t. VI, lre et 2e livrais. M. le vicomte d’Archiac, en présentant à la Société le Résumé d’un essai sur la géologie des Corbiéres (voyez ci-dessus à la liste des dons), fait remarquer que, dans cette espèce de pro- drome du travail plus étendu qu’il se propose de publier, il a insisté d’une manière particulière sur l’orographie détaillée de ce groupe de montagnes, dont il lui a paru nécessaire de bien préciser les caractères physiques avant de passer à la description des terrains très accidentés et très variés qui la composent. La classification de ces derniers est représentée dans le tableau suivant : Terrains. Formations . Groupes. Étases, Moderne. Quaternaire. Tertiaire. . Secondaire. Moyenne ?. InfeVieure. f Crétacée. Mollasse. /'Nummulilique. ( 1er. J 2e. \oe. D’Alet. Supérieure. .... ter, 2e. U 2e. 3e. 4e. auque. (3e (manque). ( 1er (niî 4« Néocomien. . < 2e. (3e. . Lias Supérieur. Inférieure V Jurassique Intermédiaire. . (Carbonifère (groupe houiller) ( Devonienne ? Primaire? . . . Granité. Roches ignées (diorites, amygdaloïdes et spilites, basaltes, wackes, etc ). Roches métamorphiques ou accidentelles (dolomies, cargnieule, gypse, sel?) M. le Trésorier présente l’état suivant de la caisse au 31 octobre i 855. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 13 Il y avait en caisse au 31 décembre 1854. 3,504 fr. 70 c. La recette, depuis le 1er janvier 1855 , a été de 18,418 50 Total. . . 21,923 20 La dépense, depuis le 1er janvier 1855, a été de 18,673 60 Il restait en caisse au 31 octobre 1855. . . . 3,249 fr. 60 c. M. Marx offre à la Société des échantillons de minéraux de la Prusse Rhénane, qui figurent à l’Exposition universelle. M. de Yerneuil communique l’extrait suivant d’une lettre adressée à sir Roderick Murchison par le général Helmersen, et datée de Saint-Pétersbourg, le 26 mai 1855. En 1852, j’ai fait un voyage géologique pour examiner les lacs salés de la Bessarabie, qui, en 1850, avaient été envahis par la mer Noire. J’espère pouvoir vous envoyer dans le courant de cette année un compte-rendu de mes observations, qui pourront, je pense, vous intéresser ; il y a deux ans que j’ai commencé la rédaction en allemand de ce voyage sans avoir pu l’achever. Je ne sais si l’on vous a informé de la mort de M. Euss, notre secrétaire perpétuel à l’Académie des sciences. Il est décédé au mois de décembre de l’année 185Zt, et l’Académie l’a remplacé par M. de Middendorf, choix dont elle peut se féliciter. M. de Baer est absent depuis deux ans, et s’occupe par ordre du gouverne- ment d’examiner les pêcheries du Volga et de la mer Caspienne. En 1852 et 1853, il s’est livré aux mêmes études dans les pro- vinces bal tiques et en Suède. De temps en temps, il vient passer quelques semaines à Saint-Pétersbourg. M. Mayer, un des bota- nistes de notre Académie, est mort. Parmi les membres nouveaux, je vous citerai M. Abich et M. Kokscharof. Ce dernier, qui a été élu il y a deux jours en qualité de minéralogiste et de cristallo- graphe, a publié récemment des travaux très distingués en cristal- lographie. M. Pander s’occupe toujours de préparer la description des fossiles de nos terrains silurien , dévonien et carbonifère. M. Abich travaille avec zèle à la rédaction de son voyage dans le Caucase. Le colonel Hofmann fait des cartes géologiques détaillées de tous les districts des mines de l’Oural qui appartiennent à la couronne. Chaque année, il fait la carte d’un district; ceux de U SÉANCE BU 5 NOVÉMBÏVÉ 1855. Bogoslofsk et de Perrn sont achevés. Il est parti maintenant pour Yecaterinbourg. Un jeune savant , paléontologiste très instruit, l’accompagne dans ses voyages ; c’est M. de Grünewaldt, membre de la Société géologique de France, qui a beaucoup voyagé et qui vient de publier un mémoire sur les fossiles du terrain silu- rien de Bogoslofsk. Les cartes géologiques de M. Hofmann auront pour base de belles cartes topographiques que deux ingénieurs topographes de France, MM. Bergier et Alari, vont dresser, d’après leurs propres levés, et d’après les travaux astronomiques et les triangulations de M. Dôlîer, un des astronomes de Poul- kowa. M. Hofmann a achevé la publication de sa description géolo- gique de l’Oural septentrional. Vous vous rappelez qu’il a fait ses voyages en 18A7, 18à8 et 1850, et qu’il a poussé jusqu’à la mer Glaciale.! n autre géologue, officier des mines comme M. Hofmann, le capitaine Meglitzky, assisté d’un jeune officier, M. Àntipoff, est chargé par le général Perowsky de dresser une carte géologique de l’Oural méridional, c’est-à-dire de cette partie de la chaîne comprise dans la province d’Orenbourg. M. Meglitzky, déjà connu par des travaux très instructifs sur la Sibérie orientale, est versé dans les travaux géodésiques, et j’espère qu’il nous donnera une bonne carte. J’ai examiné une première collection de roches et de fossiles recueillis par lui dans les bassins de la Sakmàra et du Tanalyk, et figurez-vous qu’avec M. Pander nous avons reconnu des grès remplis d’ Obolus comme à Saint-Pétersbourg, et des empreintes de brachiopodes qui indiquent l’existence dans ces montagnes du véritable terrain silurien inférieur. M. Meglitzky a fait encore une découverte assez importante. Dans la carte de l’Oural que vous avez publiée avec MM. de Verneuil et Keyser- ling, vous avez indiqué au nord de la forteresse de Goubellinsk un petit bassin secondaire que je vous avais signalé. On le croyait jurassique, et c’est ainsi que vous l’avez colorié. M. Meglitzky a reconnu douze autres petits bassins isolés de la même nature, mais un peu plus vers le nord et vers l’ouest. Il m’a fait voir les fossiles recueillis dans ces bassins, et au premier coup d’œil j’y ai reconnu des espèces de la craie, telles que Belemnitelia mucr'onatâ , Ostrea vesicularis. Terebratula octëplicittti , T. carïied , etc. H n’y a donc pas de doute que les fossiles que M. Hofmann et moi noüs avions trouvés dans ces lieux, en 1828, avaient été mal déterminés par M. Ulprecht, le seul paléontologiste qu’il y eut alors à Dorpat, et que nous eussions pu consulter. Un autre officier des mines, le capitaine Antipoff, frère aîné du jeune homme dont je vous ai déjà parlé, a fait des voyages géolô- 15 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. giques clans les steppes des Kiighis'es, entre Orenbourg, la mer Caspienne et le lac d’Aral, .l’ai examiné ses cartes et ses collections, et j’ai reconnu un nombre considérable de fossiles caractéris- tiques du terrain crétacé inférieur et supérieur. Entre le Mougod- schar et l’Aral, là où l’Oural s’abaisse et se perd dans la steppe, se trouvent des roches un peu altérées avec Natica gaultiana , Ammo- nites consobrinus , etc. Il paraît que tous les étages du terrain Cré- tacé s’y trouvent avec un grand développement. Je prépare un mémoire sur l’Aral et sur toute la dépression aralo -Caspienne, d’après les observations de sept à huit voyageurs qui l’ont visitée depuis 1833 jusqu’en 1853. Vous me parlez d’une carte géologique des environs de Saint- Pétersbourg. C’est une carte que M. Kutorgaa publiée il y a deux ans (1) ; elle comprend non-seulement les environs de la capitale, mais tout le gouvernement de Saint-Pétersbourg; elle est faite sur une grande échelle. M. Kutorga croit avoir découvert un peu de terrain silurien supérieur dans cette province, mais peut-être ne sont-ceque les couches les plus élevées de l’étage inférieur? En tout cas, dans le gouvernement de Saint-Pétersbourg, il n’existe pas de couches contemporaines de celles d’Oesel et de l’Esthonie méridionale, qui abondent en Pentameriis et en polypiers, tels que Cûtenipora , Cnlamopora , Cfàthopkyllum , etc., et que vous avez classées comme siluriennes supérieures. M. Eichwald s’occupe de la publication d’une grande Palœon- tologia Rossicci. Jusqu’à présent il a paru deux livraisons : l’une contenant les fossiles tertiaires, et l’autre les plantes des terrains paléozoïques. Il me reste encore à vous parler des travaux d’un jeune géologue de Dorpat, M. Pacht, qui, en 1853, a fait un voyage pour exa- miner le terrain dévonien que vous et vos collaborateurs avez découvert sur l’Oca et le Don, vers Orel et Yoroneje. Il a poussé ses recherches jusqu’à Simbirsk et Samara, pour y étudier aussi les calcaires carbonifères que vous avez décrits dans le grand pro- montoire du Yolga, près de Sysran. Il a donné un beau travail avec plusieurs planches représentant des fossiles dévoniens ; il y a un assez grand nombre de nouvelles espèces. Ce voyage a été exécuté à la suite de celui que j’ai fait en 1850, pour examiner les dépôts dévoniens entre la Duna et Yoroneje. Nos mémoires vont être imprimés en russe dans les recueils de la Société géographique de Piussie, et immédiatement après, je les publierai en langue (1) Voyez Bull . Soc. géol.y vol. X, p. 186. 16 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. allemande dans les Beitràge (1), etc., rédigés par M. de Baer et moi. Malheureusement M. Pacht, qui promettait beaucoup, et que j’estimais infiniment pour son caractère et son zèle scienti- fique, s’est tué dans un accès de mélancolie. Un autre géologue de Dorpat, M. Dittmar, qui est au Kamts- eliatka, nous a envoyé une carte géologique très intéressante de la partie méridionale de cette presqu’île. Elle sera bientôt publiée avec un texte dans le Bulletin de notre Académie. M. Doroschin, officier des mines qui a fait un séjour de six années à Sitkha, sur les îles Aleoutes, et qui a visité la Californie, publiera sous peu les résultats de ses recherches géologiques. J'ai examiné ses collections, et j’y ai trouvé des choses fort intéres- santes en fait de fossiles tertiaires et jurassiques. Il a aussi découvert des volcans que jusqu’ici l’on ne connaissait pas. A propos de vol- cans, je dois vous dire que M. Atkinson, paysagiste anglais qui a voyagé en Sibérie, a aussi découvert des volcans éteints dans les monts Sayans. Il vous aura sans doute écrit à ce sujet. M. Auerbach, de Moscou, que vous connaissez, chargé par la Société géographique d’étudier le mont Bogdo, dans les steppes des Kirghis, est de retour depuis le mois d’octobre 1854, et s’occupe de la rédaction d’un mémoire géologique qui contiendra la description de cette montagne. Il a rapporté environ 40 espèces de mollusques et de plantes, et il paraît certain que les couches du mont Bogdo appartiennent au trias. C’est l’âge que vous et vos collaborateurs lui aviez attribué. Je terminerai ma lettre en vous annonçant que, dans une pro- priété du comte Bobrinsky, non loin de Toula, on a découvert une couche de houille d’une étendue d’environ une verste et demie, et épaisse de 12 pieds à peu près. La houille est meilleure que celle de Borowitchi, et l’on a commencé à l’exploiter, pour faire des expériences sur une grande échelle. Le Secrétaire lit une lettre adressée à M. Elie de Beaumont par M. Lardy, qui envoie à la Société une notice sur le savant M. de Charpentier, directeur des mines du canton de Yaud. Cette notice sera, à la demande de M. le Président, insérée dans le Bulletin. (1) Beitràge zur Kenntniss des Russischen Reiches und der angrànzenden Lânder A siens. SÉANCE DU Ô NOVEMBRE 1855. 17 Notice nécrologique sur M. Jean de Charpentier, directeur en chef des mines et salines du canton de Vaud , professeur honoraire à V Académie de Lausanne , mort à Bex le 12 septembre 1855, par M. Lardy. Jean de Charpentier était né à Freyberg, en Saxe ; son père y remplissait avec distinction la place de vice-capitaine des mines. Il s’était fait connaître comme un habile mécanicien et métallur- giste ; on lui doit la création de Y amalgamation de Freyberg. Jean était le cadet de trois frères et de quatre sœurs, tous distin- gués par des capacités et des talents remarquables. Toussaint, l’aîné des trois frères, est connu comme un savant entomologiste; il était directeur des mines de la Prusse rhénane. Sa sœur aînée avait épousé le célèbre général de Thielemann. Jean de Charpentier, après avoir fait d’excellentes études clas- siques dans le collège de Pforta , en Tliuringe, revint à Freyberg en 1804 pour suivre les cours de l’Ecole des mines. Son père étant mort en 1805, il passa en Silésie où il fut attaché en qualité de référendaire à la direction supérieure des mines de Prusse. En 1808, il accepta une mission qui lui avait été offerte par une société, qui se proposait de remettre en activité l’exploitation des mines de Baigorry. Cette entreprise ne s’étant pas soutenue, il quitta Baigorry pour se rendre à Toulouse, où il fut accueilli avec empressement par M. Picot de la Peyrouse, ancien correspondant de son père. Il se consacra dès lors entièrement à l’étude de la chaîne des Pyrénées, qu’il parcourut dans le plus grand détail, visitant les vallons les plus reculés et faisant l’ascension des plus hautes cimes, entre autres, à deux reprises, celle de la Maladetta. Il séjourna assez longtemps à Angoumer, dans l’Ariége, et s’appli- qua à étudier la méthode catalane sur laquelle il avait fait un traité inédit. Il a consigné les résultats de son exploration des Pyrénées dans son Essai sur la constitution géologique de cette chaîne de montagnes, ouvrage qui a été couronné par l’Institut en 1823, et qui restera classique comme les voyages dans les Alpes de l’illustre de Saussure. En 1813, Charpentier quitta les Pyrénées pour venir à Paris, où il suivit des cours de chimie et d’histoire naturelle, et où il se lia avec plusieurs des hommes les plus distingués dans les sciences. Pendant l’été de 1813, il fit avec M. Brochant de Villiers un voyage en Auvergne et en Vivarais. Les salines de Bex, dans le canton de Vaud, les seules qui existassent en Suisse à cette époque, Soc. géol., 2e série, tome X1IÏ. 2 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 18 se trouvaient sous la direction d'un homme très savant, mais à qui son âge avancé ne permettait pas de suivre les travaux d’ex- ploitation qui se faisaient pour augmenter le produit des sources salées qui les alimentaient, produit alors réduit à 12 000 ou 13 000 quintaux. M. de Charpentier fut désigné au gouvernement vaudois comme possédant toutes les connaissances nécessaires pour dirigër ces travaux d’une manière satisfaisante. La place de direc - teur des mines lui fut offerte; il l’accepta, et arriva à Bex vers la fin de l’été de 1813; il entra immédiatement dans ses nou- velles fonctions. Son premier soin fut d’étudier en détail la mon- tagne d’où provenaient les sources salées, et de s’assurer de la nature clés roches dont elle est composée, ainsi que de leurs rap- ports entre elles et avec les montagnes voisines. Les résultats de cette étude ont été exposés dans un mémoire qui a été imprimé dans les Annales des Mines de France, et qui renferme les pre- mières notions exactes sur le terrain salifère de Bex et du district d’Aigle. Plus tard, et grâce à des travaux de recherche dirigés avec une grande habileté et une connaissance exacte de la mon- tagne salifère, Charpentier parvint à atteindre la couche qui ren- fermait le sel gemme uni à la chaux sulfatée anhydre et à de l’argile. Il reconnut que cette couche, qui avait sur quelques points une grande épaisseur ( puissance ), et dont la richesse variait sans cesse, se prolongeait pendant plusieurs milliers de toises; quant à son extension dans la profondeur (car sa situation presque verticale doit la faire assimiler à un filon) , elle est encore inconnue. La découverte de cette riche couche de sel gemme opéra un changement complet dans l’exploitation des mines de Bex ; on abandonna la recherche des sources salées pour ne s’occuper uni- quement que de l’extraction du sel gemme en attaquant métho- diquement le massif qui le renferme. L’exploitation de la roche salée donna lieu à de vastes excavations qu’on utilise comme réservoirs. On entasse sur le sol, au fur et à mesure, les quartiers de roc exploités ; on remplit ensuite ces réservoirs avec de l’eau douce, et lorsqu’elle est suffisamment saturée de sel, on la dirige vers les salines où on la fait évaporer dans des chaudières. Par ce procédé, qui est à peu près le même que celui qui se pratique à Haltein, dans le pays de Salzbourg, Charpentier avait successive- ment élevé le produit des salines jusqu’à la quantité de Zi5 000 à 50 000 quintaux, ce qui suffisait à la consommation du canton. De grands perfectionnements avaient aussi été introduits par ses soins dans les travaux des mines, et il en était résulté une écono- mie sensible dans les dépenses. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 19 La mort d’un ingénieur aussi habile et aussi éclairé que l’était Charpentier est un événement bien fâcheux pour les salines qu’il a dirigées avec un si grand succès pendant quarante et un ans ; aussi toute la contrée est-elle plongée dans une Véritable affliction. Les vastes connaissances cle Charpentier et son caractère hono- rable lui avaient acquis une grande considération dans toute la Suisse ; il était fréquemment consulté par les gouvernements des divers cantons, lorsqu’il s’agissait de quelque entreprise qui avait rapport à l’exploitation des mines ou à d’autres travaux impor- tants. Encore, en 185Zi, il avait été nommé par le gouvernement bernois îiiëihbre d’une commission d’experts chargés de visiter les gîtes de fer Wàtëï'olnliiqiie qui alimentent les fonderies du Jura, et de s’assurer si, comme on l’annonçait, plusieurs de ces gisements étaient bien près d’être épuisés, et si l’on ne devait pas s’opposer à l’établissement d’un nouveau haut fourneau pour lequel on demandait une concession. L’opinion des experts, dontThurmann faisait aussi partie , vint confirmer les craintes qui avaient ét^ émises, et conclut au refus de la concession qui cependant a ét accordée par le gouvernement. C’est Charpentier qui a dirigé tous les travaux entrepris aux frais du gouvernement vaudois pour utiliser la source thermale découverte en 1831, dans le lit du Rhône, près du hameau d’Eslex, et à une demi-lieue du village de Lavéy. Un grand hôtel et un bâtiment de bainS ont été construits au bord du Rhône, et actuel- lement les bains de Lavey sont aussi fréquentés que la plupart des autres établissements de ce genre qui existent en Suisse. 11 a été jusqu’à sa mort président de la Commission des digues du Rhône, et c’est à son utile coopération qu’on doit les magni- fiques ouvrages qui ont été construits, par le canton de Vaud, sur la rive droite de Ce fleuve, depuis Bex jusqu’au lac, pour mettre toute cette belle contrée à l’abri des inondations auxquelles elle était exposée à peu près chaque année, et qui causent de grands ravages sur la rive opposée du Rhône, qui n’est que fort impar- faitement garantie contre les érosions du fleuve. Tout le temps qui n’était pas employé à ses occupations offi- cielles, Charpentier le consacrait à l’étude de quelque branche de l’histoire naturelle. Pendant les premières années de son séjour à Bex il se voua à la botanique, science dans laquelle il devint bientôt très habile, grâce à son talent d’observation et à soli admirable mémoire. 11 faisait, à cette occasion, de fréquentes excursions dans les Alpes du Valais, dans celles du canton de Vaud, de la Savoie et du Piémont, ainsi que dans bien des cou- 20 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. trées de la Suisse. C’est pendant ces excursions, que son attention se porta sur la grande extension que les glaciers avaient eue autre- fois ; en suivant dès leur origine la trace des blocs de roches alpines répandus sur les flancs des montagnes qui bordent la val- lée du Rhône, jusque dans les plaines qui séparent les Alpes de la chaîne du Jura, et en les retrouvant encore à une assez grande altitude sur le versant oriental de celle-ci, il en vint à admettre que ces blocs erratiques étaient les débris des moraines des im- menses glaciers qui avaient recouvert une grande partie de la Suisse, à une époque bien reculée. Il exposa ses idées, à ce sujet, dans son Essai sur les glaciers , publié en 1841, ouvrage aussi remarquable par sa clarté que par le grand nombre de faits et d’observations qu’il renferme. Plusieurs savants ont dès lors traité cette question intéressante et en ont fait l’objet de leurs recherches, et, bien que M. Venetz père eut déjà signalé ce phénomène dans un mémoire sur les mo- difications du climat dans les Alpes, publié en 1816, on ne peut cependant disconvenir que c’est à Charpentier que revient l’hon- neur d’avoir été le premier à en faire une exposition scientifique. Mais l’étude à laquelle il avait consacré avec le plus d’ardeur et d’assiduité les dernières années de sa vie a été celle des coquilles fluviatiles et terrestres qu’il a poussée très loin, et à laquelle il a certainement fait faire de grands progrès, en déterminant avec beaucoup de précision un grand nombre d’espèces encore incer- taines et en en faisant connaître beaucoup de nouvelles. Il n’avait épargné ni voyages ni dépenses pour rassembler une des plus belles et des plus complètes collections de ce genre qui existent en Europe ; elle a surtout ce mérite que chaque espèce, et pour ainsi dire chaque coquille, s’y trouve exactement déterminée et nom- mée. Le catalogue de cette collection, renfermant un total de 3707 espèces représentées par 37 570 exemplaires du plus beau choix et de la meilleure conservation, a été rédigé par lui avec le plus grand soin, et sera imprimé aux frais du gouvernement. Char- pentier avait fait don de cette précieuse collection au musée cantonal de Lausanne, en y joignant un bon nombre d’ouvrages de prix qui traitent de cette branche de l’histoire naturelle. Il a également légué au musée cantonal son herbier renfermant environ 32 000 espèces de plantes phanérogames, tant indigènes qu’exotiques et parfaitement conservées. Charpentier était membre ou associé de plusieurs sociétés savantes ; il avait ete un des fondateurs de la Société suisse des sciences naturelles instituée à Genève en 1815, et qui a été l’origine SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 21 de plusieurs autres sociétés du même genre, tant en Allemagne qu’en Angleterre et en Italie. Il assistait assez habituellement à ses réunions annuelles. Pendant plusieurs années, il a également assisté aux réunions des Scienziati italiens ; il y était toujours accueilli avec distinction. Il avait été nommé professeur honoraire à l’Académie de Lausanne. Les vastes et solides connaissances de Charpentier l’avaient mis en rapport avec les savants les plus distingués de l’Europe ; ceux d’entre eux qui se rendaient en Suisse s’empressaient d’aller le visiter dans sa jolie retraite des Devens, à une demi-lieue de Bex ; ils y étaient toujours accueillis avec la plus aimable hospitalité. Jean de Charpentier était atteint depuis longtemps d’une mala- die chronique, qui avait détruit ses forces physiques sans porter atteinte à ses facultés intellectuelles qu’il a conservées dans toute leur plénitude jusqu’à son dernier moment ; il est mort le 12 sep- tembre, entouré des membres de sa famille et laissant de sincères regrets à tous ceux qui l’ont connu. Sa perte est irréparable pour sa famille et pour ses amis ; on peut dire qu’elle l’est aussi pour la science, et surtout pour les branches de l’histoire naturelle qu’il avait cultivées avec tant de succès. Sir Roderick Murchison fait la communication suivante : Sir Roderick Murchison (maintenant directeur du Geolàgical Sarvey des îles Britanniques) communique à la Société les résultats de ses recherches de l'été passé dans le nord de l’Ecosse, et surtout dans les trois comtés les plus septentrionaux, savoir : Sutherland, Caithness et Ross. Son objet, en y retournant après une absence de vingt ans, était principalement de vérifier et de modifier les vues qu’il avait adoptées autrefois dans son mémoire avec le professeur Sedgwick, sur les relations physiques des roches cristallines de cette région avec les dépôts du vieux grès rouge (1), depuis clas- sifiés sous le nom de dévoniens. La découverte par M. Peach de certains fossiles turriculés dans les marbres et calcaires cristallins des terrains primitifs de Durness, non loin du cap Wrath, dans le comté de Sutherland, fossiles qu’un écrivain distingué, M. Hugh Miller, avait cru pouvoir rapporter à l’étage du vieux grès rouge, avait engagé M. Murchison à revoir ses anciennes coupes. Il résulte de ce nouveau voyage qu’il n’y a (1) Voyez Transactions geol. Soc., Londres, 2e sér., vol. 111, p. 125. 22 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. rien à changer quant à la véritable succession physique des dépôts du nord de l’Ecosse. Voici dans quel ordre ils se présentent. La roche la plus ancienne est un gneiss pe^cé de beaucoup de veines granitiques, qui est recouvert transgressivement par une immense série d’autres roches cristallines, de quartz en roche, de conglomérats avec de grandes bandes calcaires, suivis en ordre ascendant par des schistes micacés, et des roches feldspathiques et quartzeuses, quelquefois schisteuses, qui, en certains endroits, prennent aussi l’aspect du gneiss. Ces grands massifs, vus dans les comtés de Sutherland et de Ross, ont une direction dominante du N.-N.-E. au S. -S -O., et en traversant la région de l’O. à ’E. le géologue les trouve généralement inclinés fortement à ’E.-S.-E. Le long des côtes occidentales, ces roches cristal- lines sont couvertes tout à fait transgressivement par des grès et des conglomérats rouges , quelquefois (surtout dans le diatrict d’Applecross) d’une épaisseur énorme, et s’élevant, en bancs presque horizontaux, à la hauteur de 2500 à 3000 pieds au-dessus de la mer. Ces masses constituent la partie inférieure du grand système de vieux grès rouge, lequel ne se développe complètement qu’à l’E., dans les comtés de Caithness et la partie orientale de Ross, ou les conglomérats et le grès rouge sont recouverts directement et conformablement par les célèbres schistes à pois- sons, si connus par les travaux de Hugh Miller et Agassiz, forma- tion d’une vaste étendue, laquelle est superposée à son tour par le grès rouge supérieur qui occupe les plus hauts promontoires de Dunnet et des îles Orcades. Ce grand système est, selon Sir R. Murchison, un plein et com- plet représentant (quant au temps) des roches nommées dévo- niennes, même là où ces roches sont le plus développées, comme dans le Devonshire, ou dans la région rhénane. Tout géologue qui a suivi la marche de notre science sait que la découverte, dans le terrain dévonien de Russie, des mêmes poissons fossiles qu’en Ecosse, mêlés avec des mollusques caractéristiques des calcaires dévoniens de l’Angleterre, du Boulonnais et de l’Eifel, a complè- tement identifié ces dépôts souvent si variables dans leur état pétrograpliique selon les diverses régions. Mais ceci est une question que Sir Roderick Murchison n’a pas voulu aborder, son objet dans la présente communication n’étant autre que de faire ressortir clairement que ces grands dépôts sédiinentaires, qui n’ont subi aucune métamorphose, sont entièrement posté- rieurs aux roches cristallines ci-dessus mentionnées, puisque les conglomérats du vieux grès rouge non-seulement recouvrent ces SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 23 roches d’une manière discordante, mais sont composés de leurs débris. La question de l’âge des quelques fossiles qui viennent d’être découverts dans les roches cristallines des Highlands d’Ecosse n’est pas facile à décider. Cependant l’auteur croit que cette dé- couverte tend à confirmer l’opinion qu’il a émise dans son dernier ouvrage (1), savoir, que les roches cristallines, soit les schistes argileux, ou les roches quartzeuses, soit les micaschistes des mon- tagnes du nord de son pays natal, ne sont autre chose que les représentants des dépôts siluriens qui occupent une si vaste région dans le midi de l’Ecosse. Les fossiles trouvés dans ces calcaires et quartzites métamorphiques n’ont pas encore été décrits, mais les grandes coquilles qu’on avait cru dans le commencement pouvoir appartenir aux Clyménies, n’y ont aucun rapport. Selon M. Salter, ce ne sont pas des coquilles à cloison, mais plutôt des gastéropodes voisins des Evomphales. A ces coquilles sont associées d’autres gastéropodes, et aussi un Orthocère trouvé par le professeur INicol, qui accompagnait M. Murchison ; il est de toute probabilité, vu la position infé- rieure de ces amas cristallins et la grande discordance qui les sépare de tous les dépôts de l’âge dévonien, qu’ils représentent dansun état métamorphique le silurien inférieur si bien développé dans le midi de l’Ecosse. Sir R. Murchison a ensuite annoncé une autre découverte non moins importante faite à Lesmahago, dans le Lanarkshire, au centre de l’Ecosse, c’est celle de couches siluriennes tout à fait supérieures, identiques avec celles qui en Angleterre sont connues sous le nom de tilesUmas , bonc-bcd ou uppermost i ucilow rock. En Lanarkshire, comme dans les localités qu’il a décrites il y a vingt- trois ans en Herefordshire, Shropshire, etc., ces couches schisteuses contiennent des grands crustacés du genre Ptcrygotus , et démon- trent également, dans l’un des pays comme dans l’autre, un pas- sage graduel et ascendant des couches siluriennes à celles tout à fait inférieures du vieux grès rouge ou terrain dévonien. Cette belle découverte, dans un pays où l'on croyait que le terrain silu- rien supérieur manquait entièrement, est due aux recherches de M. Slimon, chirurgien du village de Lesmahago Aussitôt qu’il en a eu connaissance, sir R. ô! urchison, accompagné du profes- seur Ramsay, est allé sur les lieux vérifier les faits et examiner ('I ) S Huriet, Plis tory oj the oldest knpwti rocks , 1854. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. n les coupes naturelles. Outre les Pterygotus et les petites Lingules qui distinguent ces couches, on y a trouvé au moins deux espèces du genre Eurypterus , Fischer, genre qui occupe précisément cet horizon dans les Etats-Unis, et que M. Eichwald vient de décrire dans les calcaires de ldle d’Oesel, calcaires que MM. Murchison, de Verueuil et Reyserling ont rapportés au Lmllovc rock (1). En concluant, sir R. Murchison a annoncé qu’il enverrait bien- tôt à la Société une carte géologique de l’Europe préparée par lui et le professeur Nicol, et publiée par le géographe écossais M. A. Keith Johnston. 11 a prié ses collègues de ne pas trop sévèrement critiquer ce premier essai qu’il aurait tenté de mettre en exécution immédiatement après la publication de la carte de Russie par lui et ses associés, s’il avait eu des matériaux pour représenter la constitution géologique de l’Espagne. Grâce à M. Casiano de Prado, à M. de Yerneuilet à ses amis, cette lacune étant à peu près comblée, la carte géologique d’Europe, dont la moitié n’est qu’une répétition de la carte de la Russie et des pays environnants, est à la fin livrée au public. Après avoir exposé la classification adoptée dans cette carte pour les roches paléozoïques (terrains silurien, dévonien, carbonifère et permien ) , sir R. Murchison prie ses collègues de vouloir bien jeter un coup d’œil sur l’espace occupé par le premier de ces ter- rains, afin d’y voir qu’il ne couvre qu’une surface moindre que les trois autres. Ainsi, si l’on venait à démembrer le terrain silu- rien, en lui ôtant sa majeure partie, c’est-à-dire sa partie infé- rieure, telle qu’elle a été décrite et établie par l’auteur, et géné- ralement adoptée, pour lui donner le nom de système cambrien, le terrain silurien disparaîtrait presque des cartes géologiques du monde dans lesquelles il a figuré depuis tant d’années. M. Bayle lait la communication suivante : Notice sur le Listriodon splendens et quelques autres mammi- fères découverts dans la mollasse miocène de la Chaux-de - Fonds , par M. Bayle. Le terrain tertiaire moyen de la vallée de la Chaux-de-Fonds, canton de Neul’châtel, recèle les dépouilles d’un certain nombre de mammifères fossiles dont la découverte est due aux persévé- (1) Russia in Europe , voh 1, p. 35. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 25 rantes recherches de M. Nicolet. M. H. de Meyer, qui a étudié ces ossements, y a reconnu les espèces suivantes de pachydermes et de ruminants : 1° Un Rhinocéros attribué au Rhinocéros incisives de Cuvier, d’après quelques molaires supérieures et inférieures, une extré- mité supérieure de radius et une portion d’astragale. 2° Une espèce de Mastodonte représentée par une molaire et une portion de défense inférieure. 3° Le Dinothérium giganteum , d’après une molaire. l\° Une espèce du genre Hyotheriurn , déterminée à l’aide d’une portion de mâchoire inférieure, de quelques dents isolées, et d’un astragale d’une forme très analogue à celui du cochon. 5° Deux espèces d’un genre nouveau de Pachydermes, pour lequel il a proposé le nom de Calydonius. Ces deux espèces sont fondées sur des dents canines : la première, le Calydonius truie, avait la canine supérieure grosse et ronde à la couronne, et d’une forme très semblable à celle du Phacochœre; la seconde, le Caly- donius tenery possédait une canine inférieure offrant une section triangulaire comme celle du sanglier. 6° Un animal dont les molaires, composées de collines trans- verses très analogues à celles des tapirs, lui a semblé devoir être rangé dans un genre nouveau, le genre Listriodon ; l’espèce, le Listriodon sp tende ns, étant établie à l’aide de plusieurs dernières molaires supérieures et inférieures, d’une dernière prémolaire supérieure et de quelques incisives. 7° Enfin plusieurs espèces de ruminants appartenant au genre Palæomeryx . Ayant eu récemment l’occasion d’examiner à la Chaux-de- Fonds, dans la collection de M. Nicolet, toutes les pièces qui avaient été soumises à M. H. de Meyer, j’ai fait quelques remar- ques que je demande à la Société la permission de lui soumettre. La première circonstance qui m’a frappé en étudiant tous ces ossements, c’est l’extrême ressemblance qu’ils m’ont paru avoir avec les parties correspondantes des animaux qui composent la faune des sables de Simone et du terrain d’eau douce de Sansan, dans le département du Gers. Ainsi j’ai reconnu dans la portion de molaire et la défense inférieure du Mastodonte les caractères des dents du Mastodon simorrense. Pour le Rhinocéros, il m’est impossible, avec les seules pièces découvertes jusqu’à ce jour, de pouvoir décider quelle en est l’es- pèce. Une comparaison directe avec les magnifiques matériaux réunis dans les grandes collections du Muséum serait indispensable 26 SÉANCE 1)U 5 NOVEMBRE 1855. pour établir si c’est le Rhinocéros inçisiçus , ou bien le Rhinocéros tetradactylus dont les ossements sont si abondants dans la colline de Sansan, ou toute autre espèce, mais on peut toutefois affirmer que ce ne peut pas être le Rhinocéros brnchypns , dont on trouve les dépouilles à Simone, dans les faluns de la Touraine et à Eppelsheim. Je suis aussi assez porté à croire que l’espèce d ’Hyotherium pourrait bien n’être que le Chœrùmorns marri Hiatus de Sansan, sans cependant attribuer à mon opinion plus d’importance qu’à une simple conjecture. L’une des espèces du genre Palœomeryx est incontestablement le Dicrocerus crassus de Sansan. Mais l’animal sur lequel je crois devoir plus spécialement appe- ler l’attention des naturalistes est le Listriodon splendens. Ce sin- gulier Pachyderme, dont on a trouvé quelques dents dans la mollasse de la Chaux-de-Fonds, a déjà depuis longtemps été ren- contré en France, à Simone, à Tournon, à Ornezan, à Ville- franche- d’Astarac, dans le département du Gers, et à Laroque- de-Magnoac dans celui des Hautes-Pyrénées. Les pièces nombreuses que ces localités nous ont fournies, et qui ont été découvertes par notre savant confrère M. Lartet , font aujourd’hui partie des collections du Muséum d’histoire naturelle ; elles consistent en : 1° Deux incisives supérieures médianes, remarquables par la grande largeur de la couronne. 2° Un fragment de mâchoire supérieure du côté gauche, por- tant les quatre dernières molaires en série. 3° Une seconde incisive inférieure droite. - U° Les première et deuxième molaires inférieures gauches. 5° Une dernière molaire inférieure gauche, 6° Les seconde et troisième molaires inférieures droites. 7° Une portion de mâchoire inférieure du côté gauche, portant la dernière prémolaire, la première et la deuxième arrière-mo- laire en série. 8° La mâchoire inférieure d’un individu mâle. Cette belle pièce, privée de ses incisives, et dont les branches montantes manquent également, porte du côté droit une canine triangulaire dont la pointe est brisée, mais qui devait être remarquablement développée, trois prémolaires et les trois arrière-molaires en série. Toutes ces dents sont très usées. La première arrière- molaire n’offre plus qu’une surface quadrangulaire d’ivoire en- tourée d’un ruban d’émail. Toutes ces pièces provenant de Villefranche-d’Astar^c (Gers). SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 27 9° Plusieurs incisives supérieures, une dernière molaire infé- rieure droite, la même dent du côté gauche, découvertes à Laroque-de-Magnoqc (Hautes -Pyrénées). 10° Une première molaire inférieure trouvée à Ornezan (Gers). 11° Un fragment de mâchoire inférieure portant la dernière molaire, découvert à Tournon (Gers). 12° Un fragment d’atlas. 13° Un troisième métatarsien droit. Un astragale gauche. 15° Trois dernières molaires supérieures gauches. 16° Une portion de mâchoire inférieure, portant la première et la deuxième arrière-molaires d’un jeune individu. 17° Deux canines supérieures gauches. 18° Deux canines inférieures. 19° Une tête presque entière d’un individu femelle. Toutes ces pièces trouvées à Simorre (Gers). Le même animal a été rencontré également dans les faluns de la Touraine. M. de Brimont en possède une dernière molaire infé- rieure provenant de ce gisement. M. Lartet (1) avait proposé de désigner cet animal sous le nom i de Tapirotheriiun Blainyillei. La tête du Tapirotheriiun , figurée dans l’ostéographie de de Blainville (2), est conformée sur un plan assez semblable à celui de la tête du cochon. La partie antérieure du crâne, seule connue jusqu’à présent, montre l’orbite très reculée comme dans le san- glier ; le trou sous-orbitaire est placé très en avant, au droit de la seconde prémolaire. Il y a plusieurs trous dans le frontal, et des principaux de ces trous partent des sillons profonds qui suivent la direction des os du nez, particularités qui conduisent à penser que cet animal était pourvu d’un boutoir. La série dentaire se composait de trois incisives, d’une canine en haut et en bas, de sept molaires en haut et de six en bas. La première incisive supérieure a la forme d’une palette très élargie, et occupe toute l’extrémité de la pointe du museau, tandis que la seconde et la troisième ont une couronne beaucoup moins large et sont latérales. Les incisives inférieures sont terminales et (4) Notice sur la colline de Sansan , par Édouard Lartet. Auch, 1854 . (2) Ducrotay de Blainville, Ostéographie ou Description iconogra- phique comparée du squelette , etc ., 21e fascicule, Chœropotame, planche unique. 28 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. déclives; elles offrent sous ce rapport beaucoup d’analogie avec celles du cochon; mais, dans ce dernier animal, la couronne des incisives inférieures est proportionnellement bien moins large que dans le Tapirotherium. Les canines supérieures et inférieures, très peu développées dans la femelle, se transformaient en défenses et devenaient énormes dans les mâles. La canine supérieure dans le mâle ne peut être comparée pour sa forme et sa dimension qu’à celle du Phacochoere ; l’inférieure, au contraire, est triangulaire, revêtue d’émail sur deux faces seulement, et recourbée en arc comme l’est son analogue dans le sanglier. Les prémolaires supérieures, dont la première est plus rappro- chée de la canine que de la seconde, sont simples comme dans la plupart des Pachydermes du groupe des SuiUiens. Elles sont mieux comprimées que les trois inférieures. Les arrière-molaires supérieures, au lieu de présenter les nom- breux tubercules qui caractérisent les dents analogues dans le sanglier, ou les pointes et les pyramides disposées en séries plus ou moins régulières de celles des Chœropotames et des Anthraco- therium , sont simplement formées de deux collines transverses, mais sans crête à leur bord externe, dernière particularité qui les différencie de celles des tapirs. Les trois arrière-molaires inférieures sont encore composées de deux collines transverses, sauf la dernière, qui a de plus un talon terminal très prononcé, semblable à celui qui existe chez les Lophiodon , mais qui manque dans le Tapir . Or, c’est précisément avec les canines du Tapirotherium que M. H. de Meyer a établi son genre Calydonius (1) , la canine supérieure du mâle ayant servi de type pour la première espèce, le Calydonius trux , tandis que la canine inférieure caractérisait la seconde, le Calydonius tener . Quant aux incisives et aux molaires du même animal, M. H. de Meyer les avait considérées comme appartenant à une troisième espèce animale d’un tout autre genre, le Listriodon splendens (2). L’erreur dans laquelle le savant paléontologiste allemand est tombé est d’ailleurs bien excusable ; il est manifeste que le sys- tème dentaire du Tapirotherium semble emprunter ses caractères à des animaux très éloignés les uns des autres. Les incisives supé- rieures en palettes et latérales, les inférieures terminales et dé- (1) Leonh. und Broun, Neues Jahrh . , 1846, p. 464. (2) Ibid,, 1846, p. 465. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855, 20 clives, les grosses canines prolongées en défense, sont très ana- logues aux dents similaires dans les diverses espèces du genre Sus, tandis que les arrière-molaires ont des caractères communs avec celles des Lophiodons et des Tapirs. Une semblable combi- naison dentaire n’avait pas encore été rencontrée dans un animal fossile. M . Lartet, frappé de l’analogie que présente cet animal avec les Tapirs, sous le rapport de ses arrière-molaires, lui avait primi- tivement assigné le nom de Tapit otherium ; mais il est évident que, par l’ensemble de ses caractères, Àle Tapirotherium ressemble bien davantage aux Cochons qu’aux Tapirs ; on devra donc désor- mais le placer parmi les pachydermes omnivores, à la suite des genres Sus, Chœropotanuis , A n t/i raco th crium , et le retirer de la famille des pachydermes herbivores où il avait été classé à côté des Tapirs et des Lophodions par M. Pictet, par exemple, dans son Traité de paléontologie (2e édit., vol. I, p. 308). M. Lartet pense que le nom de Tapirotherium , ne répondant plus aux véritables analogies de l’animal, doit être abandonné, et il propose de le remplacer par celui de Lophiochœrus , qui rappelle que l’animal auquel il est imposé est un Cochon à molaires de Lopliiodon ou de Tapir. Je partage entièrement l’opinion de M. Lartet. Dès lors, sous le nom de Lophiochœrus Blainvillei (Lartet), il faudra désormais réunir les ï Listriodon splendens , H. de Meyer (i). Calydonius trux, ) dp Mfiv(,r «n Calydonius tener, ) H' d M y W' Tapirotherium Larteti , Gervais (3). Listriodon Larteti , Gervais (4). Lopliiodon , Nicolet (5). Tapirotherium Blainvillei , Lartet (6). Ce curieux mammifère devra en outre être placé dans une même tribu avec les Sus, Palœochœrus , Chœromorus , Chœropotamus, Anthracothcrium , parmi les pachydermes omnivores, c’est-à-dire ceux qui ont un nombre pair de doigts. Cette place, dans la série que les seuls caractères tirés de la tête détermineraient d’une manière ('I) Leonh. und Bronn, Neues Jahrbuch, 1846, p. 465. (2) Ibid., p. 464. (3) Comptes rendus de V Acad, des se., 1849, t. XXIX, p. 547. (4) Zool . et paléont. fr. , p. 40. (5) Bulletin Soc. Neuchâtel , 1844. (6) Notice sur la colline de Sansan. Auch, 1 851 . 30 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. indubitable, est d’ailleurs confirmée par ceux que donnent l’astra- gale et le troisième métatarsien provenant de Simorre. Ces deux os, en effet, sont très analogues dans le Cochon. le me considère donc comme ayant le droit de conclure de ce qui précède, que la mollasse de la Chaux-de-Fonds appartient au même horizon géologique que les dépôts de Simorre et de San- san et les faluns de la Touraine, et que, d’après les ossements recueillis jusqu’à ce jour, on peut considérer comme définitive- ment déterminée l’existence du Lophioctïœrus BLnînvillei (Lartet), comprenant le Listriodnn spleridens , les Calydonius trux et Calydo- nius tener , de M. H. de Meyer, du Màstod'oh simorrense (Lartet), du Dinothérium gig'anteum, Cuviër (sp.), et enfin du Dicfo'ceruS tiras sus , Lartet. Mais je crois devoir m’abstenir de toute assimilation entre le Rhinocéros et les espèces de Sansan, entre X Ryotheriiim et les Chœromorus de M. Lartet, et attendre qu’une étude plus appro- fondie permette de déterminer avec certitude les diverses espèces de Palœomeryx. M. le Secrétaire donne lecture du mémoire suivant de M. Ville. Notice sur les gîtes d’émeraudes de la haute vallée de V Harrach , par M. Ville. Le gîte d’émeraudes découvert par MM. Nicaise et Montigny est situé à 15 kilomètres à l’E. de Blidah à vol d’oiseau; mais il est très difficile d’y arriver en suivant cette direction, à cause des hautes chaînes de montagnes qu’il faudrait traverser à partir de Blidah ; il vaut mieux suivre d’abord la route carrossable du pied de l’Atlas jusqu’au delà de l’haoucli Bouinan, puis on monte les premières pentes de l’Atlas, en suivant la vallée de l’oued Lkaad. Cette vallée conduit sur une ligne de faîte que l’on redescend vers le S., pour tomber dans la vallée de l’Harfach, à h kilomètres environ en ainont des sources chaudes de Hamman-Melouan. Dès qu’on s’engage dans la vallée de l’oued Lkaad, on quitte les allu- vions anciennes de la plaine de la Métidja pour pénétrer dans un terrain composé de couches de quartzite brun alternant avec des marnes grises. Ces couches sont dirigées E., O. m et plongent généralement au S. m. de 15°. On n’y voit pas de fossiles. D’après leur aspect minéralogique, je. les range provisoirement dans le terrain crétacé inférieur. On remarquera ici que, dans la direction SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 31 que j’ai suivie pour atteindre le terrain secondaire de l’Atlas, je n’ai rencontré aucun étage du terrain tertiaire, tandis qu’en d’autres points de l’Atlas on recoupe successivement les trois étages, savoir le terrain tertiaire supérieur (à Amroussa), le terrain tertiaire moyen (dans la vallée de l’Harrach, à Blidah et à El- Affroun), le terrain tertiaire inférieur ou nummulitique (à Fe- rouka, aux environs du Fondouck). Dans une coupe récente que j’ai faite aux environs du Fondouck, j’ai reconnu pour la pre- mière fois que le terrain nummulitique recouvrait des espaces considérables sur le revers N. de l’Atlas. Ainsi, le massif du djebel Bouzegza est constitué par le terrain nummulitique. 11 est à présumer que, dans la basse vallée de l’oued Lkaad, le terrain tertiaire est recouvert par les alluvions anciennes, ce qui empêche de l’observer à la surface du sol. Dans la haute vallée de l’oued Lkaad, on trouve dans le terrain secondaire des couches de calcaire gris compacte subordonnées aux marnes schisteuses. A la descente vers l’Harrach, ces couches schisteuses deviennent prépondé- rantes et semblent constituer d’une manière exclusive le terrain secondaire; quelques-unes de ces couches sont noires et pyri~ teuses. Les fossiles y sont très rares. J’ai trouvé quelques fragments de Bélemnites indéterminables dans les schistes qui encaissent la rive gauche de l’oued Bouman, près du point où cette rivière se jette dans la rive gauche de l’Harrach. C’est auprès de ce confluent que M. Nicaise a trouvé dans le lit de l’Harrach un échantillon roulé de micaschiste renfermant quelques paillettes d’or natif entre ses feuillets. Le gîte en place de ce curieux échantillon n’a pas encore été trouvé par M. Ni- caise. Cailloux roulés civile émeraudes du lit de l’oued Bouman. — On rencontre dans le lit de l’cued Bouman des échantillons roulés de calcaire laminaire blanc renfermant des cristaux d’un vert clair, transparents, présentant les caractères extérieurs de l’émeraude. Le gîte en place de cette roche se trouve à l\ kilomètres environ en amont du confluent de l’oued Bouman et de l’oued Harrach. Pour y arriver, il faut monter par Un sentier arabe à pentes fort roides sur les berges abruptes de la rive droite de l’oued Bou- man. Dès que l’on s’est un peu élevé sur ces berges, on aperçoit devant soi une masse blanche qui se détache sur le fond gris des couches qui l’entourent. C’est là le gîte gemmifère qu’il me reste à faire connaître. Situation géologique du gîte gemmifère de l’oued Bouman. — Le gîte gemmifère de l’oued Bouman présente la forme d’une grande 32 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. lentille enclavée dans le terrain secondaire. Il se compose d’assises plus ou moins tourmentées de calcaire cristallin et de gypse à tra- vers lesquelles ont fait irruption quelques petits îlots de roches plutoniques. Le calcaire gemmifère fait partie intégrante du ter- rain secondaire. Quant au gypse, il paraît résulter de la transfor- mation de ce calcaire en sulfate de chaux par des vapeurs d’acide sulfurique qui se seraient produites lors de l’éruption des roches plutoniques. La présence des gemmes est due, sans doute, à la même cause, et l’on trouve ces minéraux aussi bien dans le cal- caire que dans le gypse. Ils sont plus abondants et plus volumi- neux dans la première de ces roches. Les roches plutoniques sont de trois natures différentes. On y remarque du gneiss, de la ser- pentine et de la diorite. Le calcaire secondaire est ordinairement d’une couleur gris bleuâtre, à structure très compacte, et à cassure unie ou con- choïdale ; mais le calcaire gemmifère présente un aspect tout dif- férent, par suite des influences plutoniques qui ont agi sur lui. 11 forme des couches plus ou moins puissantes de calcaire à structure cristalline, et dont la couleur est généralement blanche. Tantôt les lames cristallines ont 5 à 6 millimètres de côté, tantôt elles n’ont que 1 millimètre au plus de côté, et la roche constitue alors, par sa couleur blanche et sa structure saccharoïde, un véri- table marbre statuaire. Il serait possible d’extraire du gîte dont il s’agit des blocs assez puissants pour faire des statues de grandeur naturelle ; mais je n’oserais pas dire qu’à ce point de vue le gîte de l’oued Bouman puisse lutter avec le beau marbre statuaire de Paros, quoique son origine soit la même. On lit, en effet, dans l’ouvrage de minéralogie de M. Dufrénoy, t. Il, p. 238, que le marbre de Paros et le marbre pentélique sont, d’après les obser- vations de MM. Boblaye et Virlet, des calcaires compactes du lias ou de la craie, devenus comme celui de Carrare, cristallisés après coup, par suite de leur relation avec des roches cristallines. Le calcaire saccharoïde de l’oued Bouman appartient, comme celui de Paros, aux formations secondaires, et comme lui il doit sa cristallinité à l’action des roches plutoniques. 11 diffère du marbre de Paros en ce qu’il renferme, de plus, des gemmes de diverses natures. Il est facile de suivre sur place, dans le gîte de l’oued Bouman, le passage du calcaire laminaire, cristallisé en grandes lames, au calcaire saccharoïde, et en dernier lieu au calcaire com- pacte d’une couleur grisâtre. Ce passage, se faisant à des distances souvent très rapprochées, explique la difficulté que l’on pourrait avoir à exploiter de gros blocs de marbre statuaire. La couleur SÉANCE DU 5 NOVEMBRE il 855. blanche, qui domine dans la masse calcaire cristalline', est souvent mélangée de jaune par suite de la présence d’une petite quantité d’hydroxyde de fer. Cette circonstance viendrait encore res- treindre l’exploitation du marbre statuaire. J’ai observé, clans le lit de la rivière, sur les couches de calcaire cristallin, les direc- tions suivantes : N. \ I 0° E. m avec un plongement au S. m de 70°. N. 40° E. m avec un plongement au N. -O. de 80°. Ces différences de direction à des distances très rapprochées s’expliquent par les mouvements violents subis par les couches de calcaire, lors de l’éruption des roches plutoniques. Du reste, il est facile de reconnaître sur place les effets de ces mouvements. Entre le calcaire saccharoïde et les marnes secondaires encaissantes, il y a une puissante couche de conglomérats à fragments de calcaire saccharoïde reliés par une gangue dolomi tique jaunâtre. Ces con- glomérats ont été formés sur place par suite de la rupture des couches calcaires en mille fragments divers. Les gemmes, et sur- tout les émeraudes, sont aussi répandues dans ces conglomérats que dans les calcaires cristallins en couches irrégulières. Ces con- glomérats et le calcaire laminaire sont très abondants sur la rive droite de l’oued Bouman. C’est au milieu de ces roches que l’on trouve les plus grosses émeraudes. Ces minéraux y atteignent la grosseur d’un grain de blé. Sur la rive gauche, on trouve princi- palement le calcaire saccharoïde et le gypse. On y remarque, au milieu du calcaire saccharoïde blanc, des échantillons d’un cal- caire jaunâtre, cristallin, renfermant dans sa masse des cristaux bacillaires verts et des macles blanches. Le gypse blanc constitue un amas enclavé dans le calcaire sac- charoïde; on voit souvent dans un même bloc des bandes paral- lèles de gypse et de calcaire. Ces deux roches se fondent, en quel- que sorte, l’une dans l’autre, et leur manière d’être donne lieu de penser, ainsi qu’on l’a annoncé plus haut, que le gypse s’est formé par l’action des vapeurs d’acide sulfurique hydraté sur le calcaire. Ce gypse pourrait être exploité facilement à ciel ouvert. Il forme sur la rive gauche de l’oued Bouman un escarpement presque ver- tical de 12 à 15 mètres de hauteur, au pied duquel se trouve un entassement considérable de blocs tombés de cet escarpement. Quelques-uns de ces blocs dépassent un mètre cube en volume. Les émeraudes renfermées dans ces gypses sont plus rares et plus petites que celles du calcaire laminaire. Elles sont grosses, en Soc. géol. , 2° série, tome XIII. 3 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. U général, comme une tête d’épingle. On voit aussi dans ces gypses de petits cristaux isolés de pyrite de fer. Au contact du gypse, on remarque des dolomies jaunes cristallines facilement égrénables, dont la présence est liée, sans doute, à l’apparition des roches éruptives. Entre ce gypse et les marnes secondaires, on remarque à l’aval, sur la rive gauche de l’oued Bouman, un très petit îlot de gneiss occupant à la surface du sol quelques mètres carrés de superficie. Ce gneiss est fort dur ; il se compose de quartz blanc vitreux, de feldspath blanc grenu et de mica noir. Il renferme des grenats rouges, opaques, de la grosseur d’un pois, et qu’il est impossible de détacher. Au niveau de la rivière, on trouve en place du gneiss une roche serpentineuse d’un blanc yerdàtre. A peu de distance de là, les marnes secondaires sont couvertes de concrétions blan- ches, où le goût décèle la présence du sulfate de magnésie. On est tenté d’expliquer ces efflorescences magnésiennes, de même que l’existence des dolomies, par l’apparition de la roche serpenti- ne use. Au milieu des conglomérats de la rive droite, on remarque un très petit îlot de roche dioritique verte. Le terrain gemmifère de la rive gauche de l’oued Bouman présente d’une manière générale la coupe ci-dessous : S.-E. N.-O. S. Marnes et calcaires secondaires. M. Terrain métamorphisé, gemmifère. G. Gneiss, serpentine. A l’aval de la rivière, il constitue une grande lentille allongée du S. -O. ///. au JN.-E. m., et plongeant fortement au N.-O., ainsi que l’indique la figure. Il se poursuit d’une manière continue suivant la rive gauche, sur un développement d’environ 500 mètres. Les deux extrémités visibles sont parfaitement délimitées par deux ravins. Le gîte se prolonge souterrainement vers le N.-E., car de distance en distance on voit des taches blanches qui font saillie au milieu i SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 35 des marnes grises de la rive gauche. La hauteur verticale du gîte entre les deux ravins indiqués ci-dessus est d’environ 200 mètres. Les roches gemmifères s’étendent aussi sur la rive droite, mais elles y sont moins développées que sur la rive gauche. Elles se montrent sur 200 mètres de longueur suivant la rivière, et sur 50 à 60 mètres de hauteur verticale. Mais, je le répète, c’est sur la rive droite de l’oued Bouman que les pierres précieuses sont le plus grosses et le plus répandues. Sur la rive gauche, elles sont assez rares et fort petites. Elles ont été découvertes par MM. Ni- caise et de Montigny sur le sentier arabe qui mène au village où réside le caïd des Beni-Misserah. Le sol avait été lavé par des pluies ; aussi le regard des voyageurs européens fut-il frappé par l’éclat et la couleur verte des cristaux disséminés dans le sentier. Possibilité de trouver en Algérie de nombreux gîtes d’émeraudes . — Le gisement des émeraudes de l’oued Bouman est très remar- quable, parce qu’il fait concevoir la possibilité de trouver en Algé- rie d’autres gîtes de même nature. On sait, en efïet, que les gîtes de plâtre et de calcaire cristallin, associés à des roches dioritiques, sont très répandus en Algérie. J’en ai signalé un grand nombre dans les provinces d’Alger et d’Oran ; il est vrai que MM. Nicaise et de Montigny sont les premiers qui aient signalé en Algérie l’existence des gemmes dans les terrains de cette nature. Mais de ce que, dans une première visite, je n’ai pas reconnu la présence des gemmes, on ne doit pas en conclure que celles-ci n’existent pas. D’autres observateurs plus heureux en trouveront peut-être un jour. Il suffit que l’attention soit éveillée à cet égard pour que de nouvelles découvertes puissent être faites à l’avenir. Je mon- trais à M. le secrétaire de la sous-préfecture de Blidah divers échantillons d’émeraudes que j’avais rapportés de ma course chez les Beni-Misserah, et j’ajoutais qu’en raison de la nature du gise- ment de ces gemmes, je pensais qu’on pourrait en trouver de nombreux gîtes en Algérie. Ce fonctionnaire me dit qu’un joail- lier juif de Blidah, à qui il avait montré des échantillons de ce genre, avait déclaré que depuis longtemps les indigènes savaient que les divers ravins tombant de l’Atlas dans la plaine de la Métidja roulaient des pierres de cette nature, et qu’ils ne les recueillaient pas, parce qu’ils n’y attachaient aucune importance. Ces pierres étaient trop petites et trop claires pour être utilisées avec fruit par la bijouterie. Or, on sait que ies gîtes de plâtre associés à des roches diori- tiques sont nombreux dans les montagnes de 1 Atlas. La déclara- tion de l’indigène de Blidah vient donc corroborer mes prévisions. 36 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. On lit dans le tome III, page 32/4, du Traité de minéralogie de M. Dufrénoy, que l’émeraude se trouve dans presque toutes les contrées dont le sol est granitique ; que la belle variété de Santa- Fé de Bogota, dans la Nouvelle-Grenade, appartient, d’après M. de Humboldt, à un terrain amphibolique. Elle existe dans un filon de chaux carbonatée , lamelleuse, blanche , où elle est accompagnée de fer sulfuré. On trouvera peut-être de l’analogie entre le gîte amphibolique de Santa-Fé de Bogota et le gîte algé- rien de l’oued Bouman. Dans l’oued Bouman, le calcaire gem- mifère n’appartient pas à un filon; c’est une véritable couche de la période secondaire, et appartenant probablement au terrain crétacé inférieur. Qualité des gemmes de l’oued Bouman. — Le gîte gemmifère de l’oued Bouman renferme plusieurs espèces de pierres précieuses sur lesquelles une commission de membres de l’Institut est chargée de faire un rapport. Aussi je ne dirai rien des propriétés phy- siques, chimiques et minéralogiques de ces divers silicates. Le travail de la commission de l’Institut donnera à cet égard tous les renseignements désirables. Il sera pour les ingénieurs africains d’un très puissant intérêt, et les dirigera dans les recherches et les études qu’ils pourront faire à l’avenir sur les produits de ce genre qu’ils rencontreront, M. Boubée signale l’analogie qui existe entre le gisement étudié par M. Ville et celui d’Àrnave ? dans l’Ariége, où les couches de gypse et de calcaire saccharoïde contiennent divers minéraux silicatés. M. Durocher fait remarquer que le gisement d’Arnave est situé au contact de terrains très variés, et que la bande gyp- seuse s’est produite à la fois dans les couches crétacées et dans les roches schisteuses associées au gneiss, ce qui tend à démontrer l’origine éruptive du gypse. M. Lory présente de la part de M. Gailliaud le mémoire suivant : Aperçu sur les terrains tertiaires inférieurs des communes de Campbon , Arton , Chémerê et Machecoui , dans le département de la Loire-Inférieure, par M. F. Gailliaud. Des recherches très superficielles sur nos deux premières locali- tés les avaient d’abord fait considérer à tort comme devant appar- SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 37 tenir à l’étage miocène, dont notre département possède de nom- breux dépôts. On revint promptement de cette erreur pour Campbon, arrondissement de Savenay, où, en 18A2, nous trou- vâmes dans un sable quantité de petites espèces fossiles identiques avec celles de Grignon , et caractérisant le calcaire grossier. Nous donnerons ci-après la liste de 200 espèces déterminées; un bon nombre nous reste encore sans noms. Plus tard, des fouilles assez étendues sur Chémeré et Al ton (1) nous fournirent une ample récolte de fossiles qui, quoique à l’état de moules, nous permirent cependant par leurs empreintes de reconnaître, avec évi- dence, que ce terrain appartenait encore à l’étage éocène, calcaire grossier inférieur, tel qu’il avait été depuis longtemps constaté à Macliecoul. Nous citerons une quatrième localité de même terrain que nous avons également reconnue, et qui n’a pas encore été figurée sur nos cartes géologiques ; c’est le plateau du Four, îlot sous-marin de U à 5 kilomètres de circonférence, situé à 8 kilomètres en mer, à l’ouest du Croisic, et un second îlot de même nature nommé la Banche, au sud-est du premier et à l’embouchure de la Loire. Entre ceux-ci est un troisième et long îlot nommé le banc de Guérande. Ce plateau ne découvre jamais ; il paraît se rattacher à celui du Four dont il est voisin. Avec nos dragues pour la pêche des mollusques, nous avons détaché des fragments du sol qui est, de même que dans les gisements précédents, formé de calcaire grossier, compacte, grenu, quartzeux, un peu magnésifère. L’îlot de la Banche est en grande partie recouvert de galets de la même roche ; celui du Four, plus aisé à reconnaître, montre son sol stratifié et renversé presque verticalement; nous y avons trouvé la JS urn midi tes Brongniarti avec la Corbis pectunculus dans le même échantillon, et quelques débris de fossiles appartenant au terrain éocène, tels que : Corbis pectunculus , Lamk. • — Icimellosci ?y id. Pecten sulcatus? , Sow. Cytherect rus tira /*, Desh. Lima spatula? , Lamk. Nummulites Brongniarti , d’Àrch. Laganutn tenuissi/nuni ?y Agass. Eehinocyamus Michelini , nob. — tarentinus ?y Agass. Orbitolites planulata , Lamk. Ce même étage éocène, avec des nuances et variant dans ses (1) Le même terrain se continue dans ces deux communes très rap- prochées, et doit être regardé comme une seule localité. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 38 fossiles, se trouve donc vers le sud-est, à Al ton et Chémeré, loca- lités déjà citées, dans les terres, à 7 kilomètres de la côte, et au delà dans la même direction ; le même sol est à Frenay, près de là, à Machecoul, à Bouin et à Noirmoutier. Le bassin de Campbon s’étend vers Saint-Gildas du S.-E. au N. -O. Le calcaire exploité du Champ Panko présente des couches variées; la plus inférieure renferme les fossiles pour la plus grande partie à l’état de moules; nou§ citerons de gros noyaux du Ceri- thiiini gigariteiini , des Fistulana , Clàvcigella ; l’ Ostrêü deformis y est abondante, ainsi que desMi!iolites( Triloculina tri go nul a et oblongci , de d’Orbigny). Une couche plus compacte de calcaire grossier, jau- nâtre, magnésifère, bon pour chaux hydraulique, recouvre le banc fossilifère; puis vient une couche argileuse verdâtre d’une grande finesse, de AO centimètres, recouverte elle-même par 3 mètres de calcaire blanchâtre marneux que l’on est porté à considérer comme saumâtre ou d’eau douce; mais le plus grand nombre de fossiles en petites espèces se trouve à l’état de test dans un sable terreux . Le bassin de Campbon à pour nous le plus grand rapport avec celui de Grignon, a en juger par les nombreuses espèces qui sont les mêmes dans les deux localités ; d’autres, il est yrai, présentent des différences et des variétés marquées; d’autres, enfin, et nous en jugeons par l’examen des espèces, appartiennent à toutes les couches, depuis l’argile plastique jusqu’aux couches les plus supé- rieures des faluns, où est la Neritina picta , etc. Comme nous l’avons dit, les fossiles de Chémeré et d’Arton, pour la plus grande partie à l’état de moules, nous ont donné de bonnes empreintes, suffisantes pour déterminer 7 A espèces de cette localité. Ici, contrairement à ce qui se trouve à Campbon, figurent en plus grand nombre les bivalves ; beaucoup appartiennent au bassin de Grignon ; nous pourrions donc dire que la grande ma- jorité des fossiles de ce bassin parisien se retrouve dans nos deux localités. Comme en tout il y a exception, nous en citerons une bien remarquable : c’est le Lagcinum tennis si muni, d’Agassiz, que nous trouvons au plateau du Four, à Chémeré, Machecoul, Bouin, Noirmoutier, et qui, nous le pensons jusqu’à présent, est étranger aux terrains analogues avec les nôtres, et Campbon entre dans cette catégorie ; il ne le possède pas. Nous pensons qu’il ne sera pas sans intérêt pour la géologie de retrouver dans nos localités autant de ressemblance avec plusieurs de celles des environs de Paris. On sait que notre département, indépendamment de ses ter- SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 39 rains primordiaux, qui en occupent la majeure partie (1), ren- ferme encore, dans bien des localités, des terrains des étages plio- cène et miocène dont nous possédons des fossiles. Une vaste étendue de terrain crétacé supérieur dans la forêt de Touvois n’est pas encore portée sur nos cartes géologiques ; nous y avons recueilli beaucoup de fossiles tout à fait identiques avec ceux de la Sarthe. Touvois offre encore une couche miocène indiquée par de grosses Térébratuies et Y Hinnites Dubuissoni . Une couche supérieure de terrain de transport offre communément des parties de côtes dites de Lamantin ; enfin, dans le nord de notre dépar- tement, où règne le terrain silurien, nous avons recueilli dans le schiste ardoisier, les Calymene Tristan i , Salteri , Arago , les Dalmaitia socialis et Vetillarti , les Ogygia Guettai di elFdcvardsi , 1 Illœnus Des- maresti , qui devaient être contemporains des mollusques dont nous trouvons les moules de leurs coquilles, des Lyonsia britannica , des O'rthis , Arches et autres bivalves, des Beliérophons, un Orthocera- tites , des Graptolites, des Mytilus , dans le phyllade d’Ancenis. Dans nos grès dévoniens de Saint-Aubin-le-Château nous trou- vons la Frœna Frevosti de Rouault, et des Spirifères dans la partie supérieure du calcaire dévonien, dans le voisinage d’Erbray. Liste des fossiles du bassin de Campbon. Clcwagella tibia lis, Lamk. Fistulana e Ion g a ta, Desh. Sol en vagina , Lamk. Corbula angulata, id. — gallica , id. — longirostris , Desh. — u/nbonella, id. — anatina , Lamk. — ampullacea , Desh. Mactra semisatcata , var. Lamk. Crdssatella Icunèllosa , id. • — trigonata , id, Tellina corneolu , id. — - donacialis , Desh. Venus texta, Lamk. Cytherea tellinaria , id. — suberycin ô ides , Desh. — elegans , Lamk. — semisulcata , id. Lucina scalaris , Def. — saxorum , Lamk. — squaniula , Desh. — dirai icata , Lamk. Velletina cuspidata ? nob. Cardium obliquurn , Lamk. — gi anulôsum , id. — gratu/n , Def. — Rccluzianum , nob. Chaîna rustica , Def. — larnellosa , Lamk. Nucula margaritacea , id. — cleltoidea , id. Peçtunculus dispnr , Def. Venericardia elegans , Lamk. — decussata, id. modiolijonnis , Desh. — barbatula , Lamk. — radis. Desh. ( l ) Et dont nous avons recueilli de nombreuses et riches collections, tant pour le Musée de Paris que pour le nôtre. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855» ÜO Area profunda, id. « — angusta , Lamk. ' — clathrata , Def. — qaadrilatera , Lamk. Modiolci corda ta , id. Pecten in fumât as , id. — - triparti tus , Desh. Ostrea def or m is , var. Lamk. — flabellula , id. Anonüa tenais tri a ta, Desh. Dentalium en ta lis , Linn. — - eburneum , id. — pseiulo-entalis , Lamk. — fissura, id. — coarciatum , Desh. Patelin Terveriana , nob. Siphon aria , nouv. esp. Hipponix di la ta ta, Lamk. — corna-copiæ , id. Emarginula elegans, Desh. Fissurella srjuamosa , id. Calyptrœa lamcllosa, id. B alla coronata , Lamk. — cylindroides , Desh. — ovulata , Lamk. Eulima polita, Desh. Solarium bi striatum, id. — plient uni, Lamk. — canaliculatum , id. — sp ira tum , id. Bifron tia serra ta , Des h . — marginata , id. Adeorbis, genre de Wood. Turbo bicarinatus , Desh. - lœ ci galas, id. — sulciferus , id. Mono don ta multicordata , nob. Delphinulu conica , Lamk. — marginata , id. — JVarnii , Def. Troc h us bicarinatus , Lamk. — patellatus , Desh. Phasianella turbinoides , Lamk. Turritella sulcifera, Desh. - — imbricataria , Lamk. — umbe llata ? , id. — abreviata , Desh. Scalaria plicata, Lamk. Scalaria crispa ?, id. Siliquaria striata , Def. Paludina globulus , Desh. s — macros toma, id. Ampullaria conica , Lamk. Nerita trie ar in ata (colorée), id. Neritina pictci (colorée), Bast. Natica depressa , Desh. — canaliculata, id. — sigaretina, id. — cepctcœa , Lamk. — epiglottina , id. — glaucinoides , Desh. — canaliculata , id. Melania costellata, Lamk. — plicata , Desh. — lac te a, Lamk. Pyramidella ter eh e lia, id. Tornatella sulcata, id. I Ringicula r ingens, id. | Auricula. or ata, id. j — conovuliformis P , id. ! Anodostomia , trois espèces. Cerithium giganteum? , Lamk. — cristcitum, id. | — echinatum, Desh. — Corclieri, id. — Bouei, id. — tricarinatum , Lamk. — cct tenu tum , Desh. ; — serratum, Lamk. | — • cornu- copiée? , id., Gelini . s — angulosum , var. Lamk. — Lamarckii , Desh. — melanoicles , Lamk. — Iiexagonurn , id, — multigranum , Desh. — cinctum?, Lamk. — terebrale ?, id. — semi granulosum , id. — tld ara, id. — thicirella, Desh. — bacillum ? , Lamk. — multispiratum, Desh. — invers uni, Lamk. — muricoides, id. — unisulcatum, Desh. I — perfora tum, Lamk. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. ài Cerithiiim gibbosuni , Desh, — quadrisulcatum , Lamk. — ventricosum? , Desh. ■ — variabile , id. — ///««, id. Pleurotoma filosa , Lamk. — uniserialisP, Desh. * — bicatena , Lamk. — propinqua , Desh. ■ — de cas s ata P, Lamk. — costellataP, id. Fusas polygonalis , id. Triton turriciilatiini , Desh. — multigranijerum , id. — harpœforme , nob. Murex tricarinatus, Lamk. Rostellaria fissure lia, id. Terebellum convolutum , id. Cassis harpœformis , id. Rarpa bucciniformis, id. Terebra plicatula, Lamk. Conus depcrditus, Brug. — scabriculus, Brand. Mitra terebellum , Lamk. — erebricosta , id. — fusellina , id. Voluta lyra, id. — spinosa , id. Marginella eburnea , id. — dentijera , id. - — ovulata , Desh. — angystoma , id. Volvaria acutiuscula , Sow. Ancillaria buccinoides, Lamk. Oliva mitreola , id. — nitidulaP, id. Cyprès a in fia ta, id. — pirum , Delle Chiajè. — elegans , Def. — Recluziana , nob. Echinocyamus Michelini , nob. — tarentinus Agass. Triloculina trigonula , d’Orb. — oblonga , id. Rotalia trochidiformis , Lamk. Nonionina sphœroides P , d’Orb. POLYPIERS. Madrepora ornata , Def. Dendrœcis Gervillei , M. Edw. et J. Haime. Litharœa Ameliana , ibid. — Heberti , ibid. Stylocœnia nionticularia, ibid. ■ — emarlcata , ibid. Axopora parisicnsis, ibid. Turbinolia dispar , Def. Circophyilia tr(uncata , M. Edw. et J. Haime. Cylicosmilia altavillensis , ibid. Astrocœnia mu ni s ma, ibid. Dactylopora elongata , Def. Orbitolites complanata , id. Holectypus macropygus ? , Desor. Alveolina oblonga , d’Orb. Le calcaire d’Arton s’étend de l’E. à l’O. ; il présente diverses variétés; dans une localité il est blanc, granuleux, rempli de foraminifères peu distincts ; mais généralement il est jaunâtre, peu cohérent, coquillier, et mélangé de gros sable quartzeux; quelques couches inférieures, principalement à Chémeré, sont très compactes et magnésifères. cfe? fossiles d’Arton et de Chémeré. Solcn proximus , Desh. Solecurtus Deshayesi , Des Moul. Mactra semisulcata , Lamk. Crassatella gibbosula , id. Tellina elegans , Desh. erycinoides, var. B., Desh. — biangula, id. Corbis lamellosa , Lamk. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. h'2 Lucina gigantea ?, Desh. — conforta , Lamk. Cytherea suberycinoides , Desh. — elegans, Lamk. — multisulcala? , Desh. Cardium gratum , Def. — verrucosuni, var. Desh. porulosum P, Lamk. — a tnc u lare , id. Cardita cor-avium , id. rudis, Des h. — fili grand, id — hyantala , id. Pcctunculus puhdnatas , Lamk. Chaîna subs tria ta , Desh. — calcaratq , Lamk. — lamellosa , id. — ponderosa , Desh. Modiola subcarinata, Lamk. = — cor data, id. — parisiensi s, Desh. Pinna margaritacea, Lamk. Perna Lamarckii , Desh. Lima sp ata la ta, Lamk. Pecten triparti tus. Desh. — infamus ?, Lamk. Spondjlus rarispina , id . Ostrea cymbula? , var. id. — fiabellula , id. Ariomia tenuistriata, Desh. Parmophorus e Ion gains ?, Lamk. Uipponix cornu-copiœ, id. — dilata ta, id. Calyptrœa trochiformis , id. Natica patula?, id. — cepaccea , id. Trochus crenularis , id, — agglutinans , id. Cerithinm g i gante uni , id. — - globules uni , Desh. — - échina tain, id. — cinctuni , Lamk. - — Cordieri? , Desh. Fusus scalarinus, Lamk. — bulbiforinis , id. Rostellaria Deshaycsia , nob. Cassis harpœ/orniis , Lamk. Voluta harpC, id. — mûri ci na ?, id. Cyprœa in fi ata, Lamk. — elegans, Def. Terebellum convolutum, Lamk. — fusiforme? , id. — cylinclricum , nob. Conus antediluvianus, Lamk. Nautilus Lamarckii , Desh. Micraster suborbïcularis ? , Agass. A" cV/ //z o la m p a sovalis, Des Moulins. Cœlopleurus Agassizii, d’Arch. Hemiaster subglobosus. Desor. — acuminatus ?, id. Brissus clilatatus? , id. Laganum tenuissimum ? , Agass. Orbitolites complanata , Def. Âlveolina oblonga, d’Orb. Nous remarquons que les fossiles sont généralement différents dans nos deux principales localités. Ainsi, sur 200 espèces à Campbon et 7ù à Arton, 20 espèces seulement sont répétées dans les deux localités. Les fossiles de Machecoul sont à l’état de moules. Comme nous l’avons dit, ils caractérisent le calcaire grossier inférieur ; nous y avons trouvé, comme au plateau du Four, les Nummulites Bron- gniarti (!]. (1) L’encombrement où nous sommes en ce moment dans nos col- lections du Musée ne nous permet pas d arriver à voir ces fossiles recueillis depuis bien des années. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. A3 Nous saisissons l’occasion qui se présente de pouvoir adresser nos remercîments à MM. Desliayes , Michelin et Haime pour leur généreux concours dans la détermination de nos espèces. MM. Desnoyers etDeshayes présentent quelques observations sur ce mémoire. M. Hébert rappelle que sir Ch. Lyeli a signalé depuis long- temps les lambeaux de terrain éoc^ne du département de la Loire-Inférieure. Le Secrétaire lit l’extrait suivant d’une lettre adressée de Nantes à M. Elle de Beaumont, par M. Gailliaud : Je profite de mon envoi pour ajouter aux collections de la Société un échantillon de grès ferrugineux perforé par l 'Echinas livides , et que j’ai recueilli dernièrement sur les côtes du Finistère. J’aurais voulu pouvoir y ajouter Y Echijms miliarïs que j’ai trouvé en 1850 perforant (de la même manière que le grès) le calcaire compacte du plateau du Four dans mon département , mais jusqu’à présent je ne l’ai trouvé qu’en très petit nombre. Prochainement mon compatriote M. Lory vous fera connaître ces Echinus de notre département dans une roche où le fait, plus surprenant encore, devra faire connaître plus que jamais aux incrédules qu’il ne faut plus nous étonner de voir les P kolas perforer le gneiss, également par le moyen mécanique. Je dis voir, car j’ai eu enfin cette satisfaction, et de pouvoir suivre leur travail durant huit jours. M. Lory, en mettant sous les yeux de la Société l’échantillon de grès annoncé par M. Gailliaud, ainsi qu’un échantillon de granité dans lequel est logé un Oursin, fait la communication suivante : Bote sut' des Oursins perforant le granité sur les cotes de Bretagne , par M. Ch. Lory. En profitant des marées de la fin de septembre dernier pour explorer les bords de la craie du Croisic (Loire-Inférieure), j’ai constaté un nouvel exemple très curieux de la perforation des roches par certains Oursins. Le granité à gros grains, avec filons de granité graphique, qui forme le sol de la ville de Guérande et de tous ses environs, s’avance jusqu’au fond de la baie du Croisic, et constitue la partie de la côte comprise entre le petit port de la SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. hh Tiuballe et la mine d’étain de Piriac. Dans cet intervalle d’envi- ron 2 kilomètres, il est tantôt à gros grains, le feldspath et le quartz dominant, tantôt à grains dns, avec une plus forte pro- portion de mica. Mais, quelle que soit sa structure, il a une grande tendance à se désagréger et à se transformer en arène ; c’est dans cet état de fendillement et de demi-friabilité qu’on le voit à découvert au moment du reflux. La surface générale de la roche, comprise entre les niveaux extrêmes du balancement des marées, descend en pente douce vef§ la mer ; toutes ses parties saillantes sont couvertes d’une nappe de grands varecs et de divers mol- lusques (Moules, Littorines, Patelles, etc.) ; mais les dépressions, les anfractuosités , qui restent pleines d’eau quand la mer se retire, formant alors autant de petites flaques isolées et à divers niveaux, sont occupées seulement par de petites algues, et renfer- ment une nombreuse population d’animaux rayonnés, particu- lièrement des Actinies et des Oursins. Ces derniers se rencontrent exclusivement dans de petites flaques très peu profondes où il ne reste, à la basse mer, que 3 ou lx déci- mètres d’eau tout au plus. Ces petits bassins sont dans des condi- tions spéciales pour éprouver les influences de la lumière et de la chaleur solaires, de l’atmosphère, et c’est sans doute ce qui fait qu’ils sont habités par des plantes et des animaux qui ne se voient pas dans les autres dépressions. Dans chacune de ces flaques, les Oursins sont en général par familles nombreuses, de telle sorte que souvent le fond en est littéralement couvert. Cha- cun d’eux se trouve niché dans un trou ayant la forme d’un dé à coudre, dont l’ouverture est constamment circulaire et en rapport avec le diamètre de l’Oursin qui l’habite. La profondeur de ces trous va jusqu’à 6 ou 7 centimètres ; en général, elle est toujours plus grande que la hauteur de l’Oursin, de telle sorte qu’on a de la peine à retirer celui-ci sans le briser, ou du moins sans casser un grand nombre de ses piquants. Les trous sont rarement isolés, presque toujours serrés les uns -contre les autres, sur le fond de la flaque, mais toujours peu au-dessous de la surface, ou bien ils sont sur les parois verticales ou inclinées qui en forment les bords, alignés alors immédiatement au-dessous du niveau de déverse- ment. Souvent il arrive que le goulet de déversement s’étant un peu approfondi, on voit une ligne d’anciens trous toujours vides au-dessus de celle des trous actuels, mais nulle part ailleurs la surface du granité ne présente de cavités de ce genre, et il ne sau- rait rester de doute sur le creusement de ces trous par les Oursins eux-mêmes. Le trou est du reste tellement adapté à la taille de SÉANCE nu 5 NOVEMBRE 1855. £5 l’animal, ses piquants sont si bien ancrés dans les interstices des grains de feldspath et de quartz, qu’il me paraît probable que l’Oursin ne sort jamais et ne peut pas sortir de sa cellule. Dans une promenade de 2 kilomètres, de la Turballe à la mine de Piriac, on peut facilement voir un millier d’Oursins, et je n’en ai pas aperçu un seul qui ne fût cramponné au fond de sa demeure. Les Oursins dont il s’agit appartiennent à l’espèce la plus commune sur les côtes de Bretagne. M. Eugène Robert a fait connaître, il y a deux ans, leur action perforante dans la baie de Douarnenez, où ils creusent un grès quartzeux cimenté par de l’hydroxyde de fer. ici nous les retrouvons creusant le granité, non pas dur et solide, mais fendillé et à demi friable dans cet état qui précède la réduction en arène ; ils semblent préférer les varié- tés à grains fins, très micacées, mais on les trouve aussi sur le granité à gros grains ; seulement les parois de leurs trous sont beaucoup plus rugueuses, hérissées de grains de quartz qui restent en saillie. Les grès de Douarnenez, aussi bien que notre granité, ne peuvent éprouver aucune action de la part des liquides sécrétés par l’Oursin. Celui-ci n’agit donc sur les roches que par des moyens mécaniques, en les égrenant, quels que soient d’ailleurs les organes dont il se sert surtout à cet effet. J’ai eu l’avantage de revoir au bout de quelques jours la loca- lité que je viens de décrire avec notre confrère M. Cailliaud, con- servateur du Musée de Nantes, dont la Société connaît les belles recherches sur la perforation des roches par les mollusques, et qui a bien voulu me faire voir sur place les gneiss du Pouliguen percés par les Pholades. Il m’a dit avoir observé des perforations faites par les Oursins dans le calcaire tertiaire friable de l’î le du Four, située en regard de la baie duCroisic. Ainsi, quelle que soit la nature de la roche, la propriété de devenir friable, au moins par sa submersion habituelle, est la condition nécessaire et suffi- sante pour que les Oursins puissent la perforer. L’Oursin perforant les côtes de Bretagne est regardé comme de même espèce que YEchinus lividus , Lam., si commun dans la Méditerranée; cependant il convient de remarquer que ce der-, nier ne paraît pas avoir la faculté de creuser les roches. Je l’ai observé pour ma part dans le golfe d’Ajaccio, sur des côtes formées d’un granité qui se désagrégé comme celui de Guérande, mais je n’y ai point vu de perforations, et l’Oursin profite seulement pour sa retraite des anfractuosités naturelles des rochers. Si réellement il s’agit de. la même espèce, elle offrirait au moins une différence bien remarquable d’habitudes dans les deux mers. SÉANCE BU 5 NOVEMBRE 1855. /(6 M. Boubée fait remarquer que les granités perforés par des Oursins sont déjà désagrégés et friables, et que ce phénomène n’a pas été observé dans les roches non altérées, ce qui tend à faire supposer qu’il résulte d’un mouvement des piquants de P E chinas lividus. M. Durocher rappelle que sur toutes Ses côtes de Bretagne les roches granitiques schistoïdes sont creusées de cavités irrégu- lières, et présentent une dureté très inégale. En expérimentant directement l’action dp l’eau sur ces roches, on a reconnu que leurs éléments absorbent de l’eau, éprouvent un commence- ment d’altération chimique, et deviennent ainsi plus tendres, ce qui rend possible leur perforation par une action mécanique pas très forte, mais assez prolongée. On peut donc admettre que les cavités sont commencées par une action physique de Peau, et sont achevées ensuite par les Oursins qu’on y voit adaptés d’une manière si parfaite. M. Matheron demande si l’on a observé YEchinus lividus travaillant à creuser les trous qu’il habite? S’il creuse lui- même sur les côtes de la Bretagne, pourquoi ne le fait-il pas sur celles de la Provence où il se loge dans les cavités et les fissures des roches, ou dans les algues? ce qu’on observe également sur les côtes de Pile de Candie. M. Boubée répond que la côte de Biarritz présente des phé- nomènes tout à fait semblables à ceux observés par M. Lory auprès de Piriac , la roche est creusée de cavités très rappro- chées et la plupart remplies d’Oursins dont le déplacement habituel est difficile à concevoir. Il persiste donc à attribuer le creusement de ces cavités à YEchinus lividus , et pense que si cet animal n’est pas perforant dans la Méditerranée comme dans l’Océan, cela tient à la différence des roches. M. Deshayes présente les observations suivantes : M. Cailliaud vient d’adresser à la Société un échantillon d’un grès ferrugineux creusé de trous demi-sphériques, rapprochés, inégaux , et dans chacun desquels se trouve un individu de Y Ec h i nus lividus . D’après cet observateur et plusieurs autres qui ont visité, soit les côtes de Bretagne, soit celles des environs de Biarritz, il exis- terait d’assez grandes surfaces creusées de la même manière dans SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. hl des roches de nature différente, et même dans un granité tendre, d'après des observations récentes de notre savant confrère M. Lory. Ces excavations, comparables en grand à celiesd’un dé à coudre, sont pour le plus grand nombre habitées par Y Echi nu s lividus , et presque toujours la taille de FOursin est proportionnée à celle du trou dans lequel il est logé. Ces circonstances ont porté MM. Cailliaud, Lory et chantres naturalistes, à penser que ies trous habités par les Oursins ont été creusés par ces animaux. Nous ne pouvons pour le moment partager cette opinion. Pour nous la faire admettre, il faudrait qu’elle s’appuyât sur une observation directe et complète des manœuvres à l aide desquelles FOursin parviendrait à attaquer une roche dure, et à y creuser une cavité assez profonde pour se loger. En attendant que Fob- servation réclamée se réalise, nous avons plus d’une objection à présenter contre l’opinion que nous venons de rapporter. Si YEchinus lividus , sur les côtes de Bretagne et aux environs de Biarritz, ainsi que le constate M. Boubée, se loge dans des trous réguliers de la roche, partout ailleurs il vit d’une manière diffé- rente. Ainsi dans la Méditerranée, où cette espèce' se montre à profusion, jamais aucun observateur n’a mentionné de faits sem- blables à ceux rapportés par MM. Cailliaud et Lory ; il y a plus, c’est que les observations faites par id. Matheron et par nous- même prouvent que dans cette mer l’espèce en question s’enfonce dans les fentes, dans les cavités naturelles des roches, ou se cache parmi les plantes marines. Sur toute l’étendue des côtes de l’Al- gérie que nous avons explorées, nous n’avons jamais rien vu de semblable à ce que rapporte M. Cailliaud, et cependant des roches de toute nature et de dureté diverse plongent successivement dans la mer. Au reste, lorsque l’on a suivi la manière de vivre des Eçhinus , on ne comprend pas comment et pourquoi ils se creuse- raient un trou qui, une fois abandonné, ne pourrait être retrouvé par l’individu qui l’aurait creusé. Nous avons observé des Oursins à la Galle, à Boue, à Clierchel, à Arzew, à Oran, etc., dans des conditions différentes, tantôt dans de petits bassins découverts momentanément, tantôt sur des bas-fonds tranquilles, dans de petites baies ou des anfractuosités peu profondes, tantôt enfin sur des rivages pendant des temps calmes, et nous ayons toujours vu ces animaux attachés aux corps solides par leurs longues ventouses pédicellées, roulant lentement sur eux-mêmes dans tous les sens, le plus souvent la bouche tour- née vers le pian solide qui leur sert de point d’appui ; ils s’avan- SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 48 cent nonchalamment et indifféremment, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, s’arrêtent rarement , si ce n’est lorsqu’ils trouvent quelque substance propre à leur alimentation. Au moindre mou- vement donné à l’eau, l’Oursin se détache et cherche à se cacher. Si on le poursuit dans les fentes, dans les creux des roches, où quelquefois de nombreux individus s’accumulent, on les voit alors déguerpir dans tous les sens avec rapidité, et, une fois échap- pés de la main, on a de la peine à les rattraper. Ce mouvement continuel dans lequel nous avons vu l’ Echinus iividus et les autres espèces du même genre n’est guère en rapport avec ce que l’on voit sur les côtes de Bretagne, où il faut que ces animaux stationnent très longtemps à la même place pour y creu- ser les trous où ils se blottissent; et, cependant, on le concevra, le mouvement est plus nécessaire que le repos à un animal qui se nourrit de débris de tonte sorte amassés de tous côtés, comme on en acquiert si facilement la preuve lorsque l’on ouvre leur estomac et leur intestin. Si l’Oursin a des périodes de repos, c’est proba- blement pendant la ponte ou pendant le moment de l’accrois- sement. Déjà les faits que nous venons de rapporter nous portent à croire que les trous creusés sur les côtes de Bretagne ne sont pas l’ouvrage de V Echinus Iividus. 11 est en effet sans exemple que les individus d’une même espèce aient des mœurs différentes d’une mer à l’autre, d’un point à l’autre d’une même mer. L’organisa- tion d’un animal en implique la manière de vivre ; il ne dépend pas de lui de produire un acte aussi important que celui de creu- ser une loge d’habitation ou de s’en abstenir. La propriété de perforer, tous les individus d’une même espèce l’emportent avec eux partout où ils sont. Les animaux véritablement perforateurs le sont partout et de la même manière, quelle que soit la classe à laquelle ils appartiennent. Il y a des Eponges, des Annélides, des Mollusques perforateurs ; partout les mêmes espèces agissent et creusent de la même manière dans l’Océan comme dans la Médi- terranée, et si V Echinus Iividus avait par lui-même la propriété de perforer, il ne pourrait vivre sans exercer cette fonction ; il y a plus, c’est que cette fonction est tout individuelle ; elle com- mence lorsque l’animal vient de naître ; elle finit lorsqu’il meurt. Le travail de l’un n’est presque jamais profitable à un autre, tan- dis que, d’après MM. Cailliaud et Lory, un individu d’Oursin commencerait un trou qui, bientôt abandonné par son créateur, serait continué, agrandi, par une succession non interrompue d’individus qui viendraient y stationner quelques moments. Tout SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 49 ceci nous paraît tellement en dehors des lois qui subordonnent les actes des animaux à leur organisation, qu’avant de l’admettre il est prudent d’attendre des observations plus complètes et plus concluantes. Nous avons encore à examiner cette autre question importante: Quels sont, dans les Oursins, les instruments à l’aide desquels ils peuvent creuser une roche solide ? L’Oursin est enveloppé d’un test à la surface duquel s’implan- tent de nombreux piquants calcaires d’une solidité peu considé- rable. Par les perforations des ambulacres, l’animal fait sortir de longs pédicules grêles, terminés par une petite ventouse. Ces pédi- cules ont la grosseur d’une aiguille ou d’un gros crin. Enfin l’ani- mal montre au centre une bouche armée de cinq dents solidement enchâssées dans un appareil osseux formé de cinq parties sem- blables, articulées avec le test et pourvues de muscles puissants. Ce sont là les seules parties avec lesquelles l’Oursin peut agir sur les corps extérieurs. Quelques personnes ont prétendu que l’Oursin creuse avec ses piquants. S’il en était ainsi, les piquants de la base seraient ou brisés, ou frottés, ou tout au moins émoussés. On les voit cepen- dant dans le meilleur état de conservation chez les individus trou- vés dans des trous. D’ailleurs, comment ces piquants pourraient- ils servir à creuser une roche solide, eux qui ne jouissent que de mouvements lents et faibles? Il faudrait à l’animal un mouvement de rotation et. de frottement, et pour cela il lui faudrait une force d’adhérence au corps sous-jacent, et cette force lui manque. Un savant académicien, en présentant à l’Institut un échantil- lon de roche creusé avec des Oursins dans les trous, suppose que la pierre est creusée par les ventouses pédicellées. Ces organes, en s’attachant à la roche, lui enlèveraient grain à grain des par- ties. Comment croire que des ventouses, grandes à peine comme une tête d’épingle, pourront arracher les grains d’un grès dur, d’un granité même tendre, ou d’une roche calcaire compacte? Il est donc à présumer que ce n’est pas là l’agent dont se sert l’animal pour attaquer la roche. Reste la mâchoire. Telle qu’elle est constituée, cette mâchoire pourrait assurément servir à gratter la pierre et en enlever des particules. Cela pour- rait s’exécuter d’autant mieux que les dents ont la propriété de s’accroître assez rapidement, et pour ainsi dire indéfiniment; mais ici plusieurs objections se présentent. D’abord si l’animal ronge la roche avec les dents, il ne peut le faire que très lentement ; les Soc. géol ., série , tome XIII, 4 50 SÉANCE I)U 5 NOVEMBRE 1855. mouvements des mâchoires étant naturellement lents et d’une faible étendue, il faudrait donc que toute sa vie s’employât â ronger la pierre, et les observations que nous avons rapportées plus haut démontrent qu’il n’en est pas ainsi. Ensuite il arrive que parmi les trous occupés par lès Oursins, il y en a un assez grand nombre dont la surface est revêtue en totalité ou en grande partie de ces encroûtements calcaires qui s’attachent à tous les corps sous-marins. Ces encroûtements, se montrant intacts au- dessous des Oursins, sont d’irrévocables témoins que l’individu actuellement dans ces trous ne les a pas attaqués ; sans cela l’en- croûtement en porterait des traces. Il faut encore ajouter que si l’Oursin creuse, et si pour creuser il reste longtemps dans le même trou, sa seule présence suffit pour empêcher l’encroûtement de se propager et d’envahir la surface de son habitation. Enfin, pour creuser un trou demi-sphérique avec sa mâchoire, Y E ch in lis li vidas aura dû parcourir toute la surface de son trou, car sa^ mâchoire, étant au centre d’une surface convexe, ne produirait qu’une faible dépression au centre d’une surface concave. Pour agrandir son trou régulièrement, il faut donc que l’animal agisse sur toute la surface, et dans ce cas, il nous semble que le troti aurait une forme géométrique un peu différente, et encore une fois, nous le répétons, l’encroûtement dont nous venons de parler n’aurait pu se produire. Les échantillons de grès, de granité, de calcaire, creusés de trous, et dans lesquels les Oursins ont été trouvés, ne sont pas pour nous des preuves suffisantes que ces Oursins jouissent de la faculté de produire ces trous : 1° Parce que les individus de la même espèce dans l’Océan et dans la Méditerranée n’ont pas la même faculté ; 2° Parce que si la nature avait organisé cet Oursin pour être perforateur, il le serait partout et toujours; 3° Parce que l’Oursin ne paraît avoir aucun des instruments propres à la perforation des roches solides ; U° Enfin parce que, si l’Oursin perforait, les trous où il se trouve ne seraient point envahis en partie ou en totalité par un encroûtement accidentel. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray : SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 51 Accidents géologiques survenus pendant la formation de la craie tuffeau du Poitou et de la Touraine , par M. Th. Ebray. J’ai l’honneur de soumettre à la Société une série d’observations que j’ai eu l’occasion de faire sur les accidents géologiques sur- venus pendant les époques que nous avons quelquefois l’habitude de considérer comme calmes. Déjà, dans une note concernant les bancs pourris de l’oolithe inférieure et de la grande oolitlie, j’ai prouvé que des différences considérables dans le régime des eaux s’étaient opérées pendant les dépôts de ces deux étages. J’étudierai aujourd'hui les événe- ments qui se sont produits pendant les dépôts de la craie tuffeau de la Touraine, depuis l’étage cénomanien (partie inférieure des grès verts supérieurs) jusqu’à l’étage de la craie blanche. D’abord je constaterai que les accidents géologiques ont dû être très fréquents aux époques reculées. Qu’on se figure, en effet, une surface d’eau agitée passant successivement de 0° à une tempéra- ture plus froide. Supposons qu’une partie de l’eau s'infiltrant dans le sol laisse un vide entre l’eau et la glace, on verra facile- ment qu’avec une faible épaisseur de glace, le moindre mouve- ment produira une rupture^ et que cette rupture sera sans impor- tance ; mais, à mesure que la glace augmentera, les ruptures deviendront moins fréquentes, et en même temps plus importantes comme eflet et puissance. La surface solide étant plus grande et plus lourde s’affaissera cl’un côté, se soulèvera de l’autre ; l’eau jaillira avec vitesse par les interstices, et ce phénomène se pro- duira jusqu’à ce que la glace soit assez forte pour se soutenir. Mettons à la place de l’eau la matière ignée du globe, et au lieu de la glace l’écorce terrestre, nous aurons l’idée de ce qui doit se passer dans les dislocations géologiques. Les dislocations et accidents ne sont pas cependant semblables quant aux causes et aux effets ; on peut les diviser en trois classes : 1° Accidents provenant de grands affaissements, produisant des chaînes de montagnes, des discordances importantes de stratifica- tion, des apparitions d’espèces nouvelles et surtout de genres nouveaux. 2° Accidents secondaires qui surviennent pendant les dépôts d’un même étage, accidents qui se manifestent par des change- ments brusques dans les espèces animales, et quelquefois aussi par des discordances de stratification locales. 3° Accidents de peu d’importance et qui subsistent de nos 52 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855, jours, accidents qui donnent naissance à la division des roches par bancs plus ou moins réguliers. 1° Examen des accidents survenus pendant les dépôts de la craie tuffeau de la Touraine. L’étage de la craie tuffeau repose en Touraine et dans le Poitou sur des sables verts passant à l’état de grès. Ces sables sont souvent ferrugineux, et contiennent différentes espèces de fossiles. Du côté de Mi rebeau, Lencloitre et Thouars, où ces sables sont visibles, on rencontre une grande quantité d’ Huîtres spéciales à cet étage (1) . Ces Huîtres sont les Ostrea carinata , biauriculata , flabella et columba, mais elles sont tellement distribuées que l’on est tenté de croire que la présence d’une espèce en grande quantité empê- chait la présence d’une autre espèce. Ainsi, du côté de Thouars et de Tourtenay (Deux-Sèvres), on rencontre tantôt Y Ostrea biauri- dilata , tantôt l’O. columba , ces deux espèces formant des groupes séparés. Yers Mirebeau et Lencloitre (Vienne), Y Ostrea biauricu- lata paraît avoir entièrement disparu et se trouve remplacée par Y Ostrea columba qui abonde dans les sables. Plus loin, vers Beau- mont (Vienne), les espèces dominantes sont Y Ostrea carinata et Y O . flabella. Cette série d’Huîtres indique quelle a été la profon- deur des mers depuis Thouars jusqu’à Beaumont, et l’étude des fossiles rencontrés de Beaumont à Châtellerault nous montrera que ce niveau ne s’est pas maintenu à cette profondeur, car les Ammonites Mantelli de différents âges que l’on trouve à Lesigny (Vienne), dans le cours de la Creuse, appartiennent à un dépôt côtier. Si dans le bassin anglo-parisien les fossiles cénomaniens varient d’une localité à l’autre, le niveau des mers n’en est pas moins resté constant, car les variations se font sentir dans la même couche. Il n’en est pas de même pour l'étage cénomanien du bassin pyré- néen et pour l’étage turonien du bassin anglo-parisien. La distribution des fossiles indique en effet que les eaux qui ont déposé ce dernier étage ont changé souvent de niveau, et que ce changement de niveau s’est fait tantôt avec crise, tantôt sans crise géologique. A la base de la craie tuffeau se trouve une série de bancs d’une puissance totale de 20 à â0 mètres qui ne contiennent que des (1) Excepté Y Ostrea columba , qui se retrouve dans la craie tuffeau. SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 53 Inoceramus problematicas , très régulièrement distribués dans les dépôts et généralement adultes. Ce fossile est abondant, mais unique ; aucun autre être vivant n’animait ces eaux qui, à en juger par l’épaisseur des dépôts, ont dû subsister pendant fort longtemps dans cet état d’équilibre. Au-dessus de ces dépôts se rencontrent principalement à Beau- mont, Tourtenay, Antony, des fossiles de genres entièrement dif- férents; ce sont des Ammonites Vielbanci , peramplus , des Nautiles et quelques bivalves. Tous ces fossiles, à peu d’exceptions près, sont à l’état adulte, et arrivent à un développement souvent immense. J’ai trouvé à la tour de Savigny une Ammonite dont l’espèce n’est pas bien déterminée, parce qu’à cet âge les orne- ments disparaissent et l’ombilic s’élargit. Cette Ammonite n’a pas moins de 1 mètre de diamètre. A Antony, près de Châtelle- rault, j’ai découvert dans une cave un individu paraissant appar- tenir à la même espèce, et ayant 0m,80 de diamètre. Les tuber- cules du dernier tour n’existaient plus, mais les ornements de l’ombilic subsistaient encore. La partie inférieure à Inocérames n’est pas séparée de la partie moyenne par des différences de stratification ou de composition minéralogique ; les bancs de la partie moyenne sont cependant plus épais que ceux de la partie inférieure. La puissance des couches peut aller, dans certains endroits, à àO mètres d’épaisseur totale. La partie supérieure contient principalement des échinodermes, des gastéropodes et des bivalves ; elle est séparée de la partie moyenne d’une manière très caractéristique, mais qui varie avec les localités. Aux environs de Châtellerault, la partie supérieure est séparée de la partie inférieure par un petit banc de roches roulées, ayant 0m,30 à 0m,35 d’épaisseur, sans fossiles dans certaines localités et contenant de grosses Ammonites dans d’autres. Aux Ormes, le banc supérieur est séparé du banc inférieur par une couche de glaise, qui a nivelé les inégalités de la couche inférieure. A Saint-Maur, le banc limite varie encore de composition et d’épaisseur; il contient des bryozoaires, et a lm,50 d’épaisseur; ce banc peut facilement être étudié dans les tranchées du chemin de fer à Saint-Maur. Il ressort de ces observations que l’étage cénomanien du bassin anglo-parisien n’a pas été soumis, comme l’étage turonien, à des changements de niveau, Le fond de la mer, depuis Thouars jus- SÉANCE DE 5 NOVEMBRE 1855. 54 nu’à Beaumont, était à peu près uniforme, et la profondeur de l’eau peu grande, ce que démontre la présence constante d’Iluîtres non accompagnées de coquilles flottantes ; il est vrai que certaines espèces d’ Huîtres se trouvent par toutes les profondeurs, mais la plus grande partie vit un peu au dessous du balancement des marées. De Beaumont à Châtelierault et Lésigny, le fond se redressait, car on rencontre dans ces localités plusieurs dépôts côtiers; et plus loin, vers Maillé, où l’étage cénomanien repose directement sur l’étage corallien, la profondeur des mers augmentait beau- coup, car on trouve dans les dépôts des Tiigonies et des Nautiles adultes. Le fond de la mer présentait donc la forme suivante : Fond situe Côte. Mer profonde, au dessous du balancement des marees. Il serait difficile de préciser exactement la profondeur des mers à l’époque des premiers dépôts de la craie tuffeau, car il n’existe plus dlnocérames dans les mers actuelles; les mollusques qui s’en rapprochent le plus sont les Peines, et elles vivent un peu au-dessous des marées ordinaires. Une autre circonstance vient jusqu’à un certain point justifier cette assimilation des Pernes aux inocérames : c’est que les bancs des parties qui nous occupent sont minces et que très souvent on y rencontre des amas de galets roulés qui dénotent l’existence d’une côte. La coupe de ces galets présente un noyau primitif ressemblant à une portion de roche roulée et formant la plus grande partie de l’ensemble. Ce noyau est entouré de plusieurs couches con- centriques de craie tuffeau, formées par l’attraction de molécules semblables. Les eaux étaient donc peu profondes et ne se sont pas mainte- nues à ce niveau. Les grosses Ammonites que l’on rencontre dans SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. 55 les bancs supérieurs, les Térébratules et autres fossiles spéciaux aux mers profondes en sont les preuves les plus certaines; mais ce changement de niveau n’a pas été accompagné d’accidents locaux ; on peut supposer que la cause de ce changement de niveau était lointaine. La présence de galets à Châtellerault, l’existence de la couche de glaise aux Ormes et du banc à bryozoaires à Saint-Maur, montrent clairement qu’il s’est produit, entre la portion moyenne profonde et la partie supérieure, de grands courants dont l’exis- tence a dû être assez prolongée, car la couche à bryozoaires n’a pas moins de lm,50 de hauteur. A la suite de ces courants, la mer a pris dans la Touraine et le Poitou un niveau assez régulier jusqu’aux premiers dépôts de la craie blanche. De la présence de nombreux gastéropodes, d’ Arches, de Gry- phées, de Cardium , on conclut que les eaux avaient une profon- deur moyenne, mais beaucoup moins grande que celle des dépôts inférieurs. La position relative du fond de la mer et du niveau variable des eaux peut être exprimée par le croquis suivant : NB. F. Fond de la mer à la fin de l’étage cénomanien. A. Couches à Inoceramus problematicus ; lianes généralement minces (U,mlo à 0m;30), galets. Épaisseur totale, 50 à 40 mètres. B. Couches à grosses Ammonites peramplus , Vielblanci , etc.; bancs très épais (2 à 4 mètres). Epaisseur totale, 40 à fciO mètres. C. Couches à HemiasterFerneuili,Mic/ielini,h Arrhes, Cardium , etc.; bancs de moyenne épaisseur (0m,30 à O"1, 50). Épaisseur totale, 10 à 15 mètres. « L. Couche limite entre B etC. (1) Bryozoaires (épaisseur, lm, 50, à Saint- Maur). (2) Glaise (épaisseur, 0m,35, aux Ormes). (3) Roches roulées (épaisseur, 0m,5Q, à Châtellerault). N. A. Niveau correspondant à la couche A. N. B. Id. B. N. C. Id. C. L’étage turonien est séparé de la craie blanche par des discor- 56 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1855. dances stratigraphiques et zoologiques connues ; je ne m’en occu- perai donc pas. Additions. 1° Depuis l’achèvement de cette note, j’ai trouvé dans les bancs de grès de Saint-Maur des fossiles appartenant à l’étage turonien, et qui démontrent que cette série de couches assez épaisses (elles atteignent, dans les carrières qui ont fourni les matériaux au viaduc de la Manse, la puissance de 15 à 18 mètres) fait encore partie de la craie tulfeau. L’épaisseur des bancs de grès est de 0nî,50 à 1 mètre ; ils ne contiennent pour ainsi dire aucun fossile, et si l’existence d’une petite couche pourrie, pétrie d ' Ostrea conica , ne venait pas offrir des moyens de comparaison, on serait très embarrassé sur le classement de cette portion d’étage. La craie tuffeau, par des circonstances assez difficiles à expli- quer, change subitement d’aspect; elle devient sablonneuse et d’une couleur verte très caractéristique ; la résistance par centi- mètre de section augmente aussi dans des proportions considé- rables, car certains bancs donnent jusqu’à 150 à 200 kilog. Les parties supérieures se transforment en sables, qui ont beaucoup de rapport avec les sables ferrugineux de l’étage cénomanien. C’est au-dessus de ces sables que se trouvent, dans les environs de Saint-Maur, les spongiaires de l’étage de la craie blanche. 2° Localités dans lesquelles affleurent les couches mentionnées dans cette note. 1° Couches supérieures (grès durs et sables fins). — - Saint-Maur, tranchées du chemin de fer au nord du viaduc de la Manse, parties supérieures des collines de la vallée de la Manse. 2° Couches à Hemiaster , Cardium , etc. — Est de Ghâtellerault, tranchée de Saint-Maur entre les kilomètres 35 et 36, ïsle- Bouchard. 3° Couche limite à bryozoaires. — Isle-Bouchard, tranchée de Saint-Maur entre les kilomètres 35 et 36. 4° Couches à grosses Ammonites. — Tourtenay, Antony, Ghâtellerault, Lochy. 5° Couches à Inocérames. — La Tricherie, tranchées du chemin de fer entre les kilomètres 40 et 43, route de Ghâtellerault à la Roche-Pasay, route de Ghâtellerault à Richelieu, Mirebeau. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 57 Séance du 19 novembre 1855. PRÉSIDENCE DE M. ÉLIE DE BEAUMONT. M. P. Michelot, vice-secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance , le Président proclame membres de la Société : MM. A. -G. Golesko, à Bucharest (Valachie), actuellement à Paris, rue de la Pépinière, 78 ; présenté par MM. Charles d’Orbigny et Bayle -, Le professeur docteur F. Lanza, à Spalato (Dalmatie) -, présenté par MM. Deshayes et Albert Gaudry ; De Semenoff (Pierre), maître és arts , conseiller titulaire, membre de plusieurs sociétés savantes, à Saint-Pétersbourg (Russie) ; présenté par MM. Gustave Jenzsch et Jules Ewald -, Ward (Honoré), de l’État de New-York (États-Unis), actuel- lement à Paris, rue d’Enfer, 39, hôtel des Mines -, présenté par MM. Charles d’Orbigny et Bayle. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Ch. Sainte-Claire Deville : lre, 2e, 3e et !\e lettres adressées a M. Elie de Beaumont sur V éruption du Vésuve du 1er mai 1855 (extr. des Comptes rendus des séances de V Académie des sciences , t. XLI , séances des 11 juin, 9 juillet et 15 octobre 1855); in- A Paris, 1855. 2° Observations sur la nature et la distribution des fume- rolles dans V éruption du Vésuve du 1er mai 1855 ; in-8, 55 p. Paris, 1855, chez Mallet-Bachelier. De ia part de M. Scipion Gras : 1° Mémoire sur le terrain anthraxijére des Alpes de la France et de la Savoie (extr. des Annales des mines , t. Y, 58 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 1854, p. 173)*, in-8, 137 p., 3 pi. Paris, 1854 -, chez Victor Dalmont. 2° Sur la constitution géologique du terrain anthracifére alpin et les différences qui le séparent du terrain jurassique (extr. du Bull . de la Soc. gèol. de France , 2e sér., t. XII, p. 255, séance du 5 février 1855)- in-8, 30 p., 2 pl. Paris, 3855. De la part de MM. Al. Leymerie et Victor Raulin, Carte géologique du département de V Yonne, exécutée et publiée sous les auspices du Conseil général, 1855 ; 6 feuilles grand aigle. Paris, 1855 ; imprimerie Kaeppelin. De la part de D. Guillermo Sclmltz, Mapa topografico de la provincia de Oviedo. Madrid, 1855. De la part de MM. de Verneuil, Collomb et de Lorière , Note sur les progr ès de la géologie en Espagne pendant V an- née 1854 ; in-12, 18 p. Caen, 1855 • chez A. Hardel. De la part de madame veuve La Harpe, Minéralogie usuelle , par Alphonse La Harpe-, in-8, 464 p. Toulouse, 1855 De la part de M. L. de Koninck, Notice sur une nouvelle espèce de Davklsonia; in-8, 10 p., 1 pl. Liège, 1855 ; chez H. Dessain. De la part de M. Ad. Wateîet, Recherches sur les sables tertiaires des environs de Soissons . Fascicule III. Catalogue de fossiles ; in-8, 34 p. Laon, 1855 ; chez Ed. Fleury. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences ; 1855, 2e sem., t. XLI, ncs 19 et 20. Annuaire de la Société météorologique de France , t. Il, 1854, lre partie. Bulletin des séances , f. 25, 27, — t. II, 1854, 2e partie. Tableaux météorologiques A. 23, 27. L’Institut; 1855, nos 1140 et 1141. Société I. d’agriculture , sciences et arts de V arrondissement de Valenciennes. Revue agricole , industrielle et littéraire , 7° année, n° 4, octobre 1855. Proceedings of the royal Society , vol. Vil, n° 15. The Athenœum ; 1855; nos 1463 et 1464. Revista minera; 1855, t. VI, n° 131. The Canadian journal; avril 1855. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 59 M. Raulin dépose sur le bureau une carte géologique du département de l’Yonne (voy. ci-dessus la liste des dons). M. Ch. Sainte-Claire Deville fait hommage à la Société des ouvrages suivants : Trois Lettres adressées de Naples et de Messine a M. Elie de Beaumont sur V éruption du Vésuve du 1er mai 1855, et imprimées par extraits dans les Comptes rendus de V Académie des sciences . Observations sur la nature et la répartition des fumerolles dans P éruption du Vésuve du 1er mai 1855. Relativement à cette dernière publication, l’auteur ajoute que de retour d’un premier voyage dans lequel il avait été assez heureux pour assister, pendant les huit derniers jours de l’éruption, à la sortie de la lave, il a pu, grâce à la mission qui lui a été confiée par l’Académie des sciences, revoir le volcan à une autre période de l’éruption, et visiter aussi de nouveau l’Etna, les îles Eoliennes, et quelques-uns des points de la Sicile les plus intéressants au point de vue des phénomènes éruptifs. Mais, avant de partir pour ce second voyage, M. De- ville avait cru devoir résumer, dans ce mémoire, les impres- sions qu’il avait éprouvées et les études qu’il avait pu faire lors de sa première visite au Vésuve. Il demande en terminant, à la Société, la permission de l’entretenir, dans une prochaine séance, des principaux résultats de ses explorations. A la suite d’observations présentées par M. Constant Pré- vost, M. Ch. Sainte-Claire Deville déclare que, bien qu’il ait dû s’attacher surtout à l’étude des phénomènes éruptifs actuels, et plus spécialement à celle des Fumerolles , qui fait l’objet de son mémoire, il n’a cependant pas négligé la stratigraphie des massifs volcaniques, et qu’il croit avoir recueilli des faits nouveaux à l’appui de la théorie des cratères de soulèvement. M. de Verneuil lit la note suivante de M. le comte de Keyserling : (50 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. Explications relatives à une note sur la succession des êtres organisés dans les couches sèdimentaires (voy. Bulletin , 2e série, t. X, p. 355) • par M. le comte deKeyserling. La discussion des idées présentées dans la note à laquelle nous renvoyons fait bien sentir combien il importe de circonscrire d’abord l’intéressant problème paléontologique en question, et de le déterminer nettement. L’objection produite par MM. Mi- chelin et Bourjot prouve qu’on est loin de s’entendre à cet égard généralement, puisque ces messieurs pensent que le problème concerne la création de la matière. Mais, considérant l’impossibilité d’observer qu’une particule quelconque de la matière sorte du néant, ou y rentre, on conviendra aisément que la création de la matière n’est pas du domaine des sciences d’observation, et que c’est une notion purement métaphysique ou de foi religieuse qui doit rester entièrement étrangère à des méditations où il ne s’agit que de faits sinon observés, du moins observables, c’est-à-dire de quelques-unes des transformations du inonde matériel par des causes chimiques ou physiques. Evidemment la concision, dans la première exposition de nos idées, a été poussée un peu trop loin aux dépens de la clarté, si des savants versés dans la matière comme M. Barrande, et proba- blement aussi M. Boubée , ont pu se méprendre sur le point fondamental de riiypothèse proposée , qui consiste en ceci : « Que des êtres organisés d’espèces différentes ne peuvent prove- nir que de germes différemment constitués. » La conséquence en est que les causes qui modifient parfois, jusqu’à un certain point, les êtres organisés individuellement, telles que climat, nourriture, maladies, et qui peuvent donner lieu à la formation de races plus ou moins distinctes, ne sauraient jamais transformer les espèces tant que la composition essentielle des germes demeure inaltérée. La différence établie entre la modification des êtres et celle de leurs germes a échappé à M. Barrande, lorsqu’il a cru que le fait qu’il indique à ce propos se trouvait en opposition avec nos idées, et peut-être la même erreur a engagé M. Boubée à réclamer contre le principe dont nous sommes parti. Car, en effet, si l’on n’a en vue que des êtres développés, la diversité de leur constitution substantielle ou chimique doit paraître tout à fait minime et insignifiante en comparaison des différences que pré- sente leur structure sous d’autres rapports. Mais que deviennent ces différences lorsque nous remontons aux premiers éléments de SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 61 germination, au vitellus fécondé, dont les molécules vont se grou- per pour former un embryon, cpii lui-même est encore loin de présenter généralement une structure sur laquelle on puisse saisir les caractères spécifiques apparents dans l’âge adulte ? Pour chercher à être mieux compris, nous croyons devoir reproduire le dilemme que nous avions posé dans notre première note, et auquel il ne nous semble pas qu’on ait répondu : Ou les causes matérielles qui déterminent, dans le développement des germes, le groupement particulier qui finit par caractériser les espèces différentes sont purement physiques, ou elles sont en même temps compliquées par la constitution chimique des substances conte- nues dans le sac vitellin. Si, chimiquement parlant, ces substances étaient exactement les mêmes pour toutes les espèces, quant à la proportion et au groupement de leurs éléments, cela prouverait que les différences de dimensions, de structure, de dureté et d’autres propriétés physiques, déterminent à elles seules le déve- loppement des germes d’espèces diverses. Mais rien n’autorise à admettre cette homogénéité absolue dans la composition des substances qui servent à former les différents embryons; au con- traire, leurs couleurs très diverses, jaune, rouge, bleu, vert, brun, rendent cette hypothèse invraisemblable au plus haut degré. On jugera ce sujet avec d’autant plus de réserve qu’il s’agit de parti- cules trop minimes pour les soumettre avec succès à l’analyse directe, et que la chimie nous a fait connaître, dans les matières organiques, un groupement infiniment variable d’éléments ana- logues ou identiques souvent déterminé par les causes les plus délicates, circonstance qui offre une analogie remarquable avec les nombreuses différences des êtres organisés. Mais, comme nous l’avons dit, nous pensons que M. Boubée a fait une objection contre le principe que nous avons établi sur des considérations générales, uniquement parce qu’il n’a pas été développé plus clai- rement, d’autant plus qu’en disant : « Les substances élémentaires sont à peu près les mêmes dans chaque espèce, » il paraît conve- nir qu’elles présentent de légères différences, ce qui suffit complè- tement pour soutenir notre thèse. Après avoir écarté les objections soulevées par notre hypothèse, nous devons la compléter par quelques remarques pour prévenir des malentendus, et pour mieux faire apprécier la concordance des faits qui s’y rapportent. En appelant l’attention sur les phénomènes épidémiques, nous avons voulu faire ressortir V analogie qu’ils présentent avec le grand phénomène paléontologique ; pour emprunter une exprès- 62 SÉANCE DU 19 novembre 1855. sion à l’iin des grands maîtres de la géologie moderne, nous avons voulu tracer entre ces faits une espèce d’alignement qui conduise du connu â l’inconnu (1), mais nous n’avons jamais voulu identifier ces phénomènes essentiellement différents. Ainsique, pour expli- quer la marche de certaines épidémies, on a admis l’existence de miasmes moléculaires sans qu’on ait pu constater leur composition par l’analyse, ni même les voir directement, de même avons-nous pensé qu’on pouvait expliquer la liaison intime entre les faunes des terrains contigus , leur développement sur le globe dans le même ordre de succession et leur richesse croissante, en supposant l’âltération des germes par des molécules analogues aux miasmes, mais essentiellement différentes. Une autre série de faits, d’une analogie peut-être plus saisis- sante, nous est offerte par la tératologie. Les monstruosités héré- ditaires et d’autres prouvent que dans les matériaux primitifs, dont l’embryon se forme, interviennent réellement parfois des altéra- tions qui entraînent, dans le développement ultérieur de l’indi- vidu, des déviations notables du type de l’espèce. Les rapports de ces faits avec la question qui nous occupe nous ont été claire- ment indiqués par le profond auteur de Y Histoire des ano- malies , dans les conclusions suivantes (2) : « Il peut donc » naître d’une espèce un type different de celle-ci par des modi- » fications de même nature et de même valeur que celles qui » distinguent d’elles d’autres espèces, soit congénères, soit d’un » autre genre, et ce type, après avoir appartenu en propre à un » individu, après avoir été une simple déviation accidentelle, peut » devenir commun à toute une race, et se changer en une variété » constante, à laquelle il ne manque, pour être appelée espèce par » tous, que d’avoir été produite à une époque et par une cause » inconnue. » En appliquant aux altérations des éléments de germination les lois générales de la chimie, c’est-à-dire la doctrine des proportions fixes, l’hypothèse proposée s’accorde avec la fixité de l’espèce, démontrée par les observations, et ne contredit pas non plus la différence primordiale des grands embranchements du règne ani- mal, que M. Milne Edwards a développée dans ses considérations générales sur la classification naturelle des animaux. Bien que l’hypothèse discutée nous paraisse donc en har- (1) Élie de Beaumont, Lee. de géol. prat t. I. p. 33. (2) Isid. Geoffroy, Tératologie , t. III, part. V, chap. iv, p. 436. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 63 monie avec tous les faits actuellement acquis à la science, ce qui lui donne l’avantage sur les explications du même grand phéno- mène précédemment produites, nous déclarons en terminant, que, pour mériter le nom d’une théorie, elle devrait être établie sur des observations plus directes et plus décisives, et qu’il y a lieu d’espérer que l’étude du développement normal et anormal des êtres nous fournira , un jour , cette base solide que nous avons désirée jusqu’ici. M. Viquesnel communique les passages suivants, extraits d’une notice qui lui a été adressée par M. A. Boué (1). Renseignements sur les mines de Maïdan Pek , en Servie . Le district minier de Maïdan Pek, situé dans le cercle de Kraïova, est entouré de montagnes calcaires d’ancienne forma- tion. À cette roche s’associe le porphyre syénitique cuprifère. Sous la formation calcaire apparaît çà et là une roche granitique à filons de quartz aurifère. Jusqu’ici le gouvernement serbe n’a pas fait exploiter l’or; cependant des documents anciens attestent l’existence des lavages aurifères qui s’exécutaient autrefois dans les vallées de Maïdan Pek et de Knésaï. Les minerais les plus riches et les plus abondants sont les mine- rais de fer ; ils consistent en fer hydraté, fer oxydulé magnétique et fer argileux. Le fdon, ou plutôt la masse exploitée de fer hydraté, court depuis Roudna Giava (tête de mine) du S.-E. au N. -O., avec une puissance de 600 à 800 mètres; son étendue jusqu’à présent connue présente une longueur de huit heures de marche. Le fer oxydulé se trouve en amas plus ou moins grands à Roudna Giava et à Maïdan Pek. Dans ces dernières localités, affleure aussi le fer oxydulé. L’exploitation des minerais de fer est à ciel ouvert et présente tant de facilité qu’on peut s’en procurer en peu de temps les quantités qu’on désire. Les minerais de cuivre sont : le cuivre pyriteux, le cuivre oxydé noir, la malachite et le cuivre natif. Il existe en outre d’énormes tas, ou plutôt des monticules de scories cuprifères, qui datent du temps des Romains ou d’époques postérieures. Ces scories offrent par leur abondance des produits importants et assurés aux per- (l) Cette notice a été envoyée à Vienne par le gouvernement Serbe, sur la demande qui lui en avait été faite. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 64 sonnes qui voudront les exploiter, car les essais démontrent qu’elles renferment une quantité considérable de cuivre. Les gisements les plus riches se trouvent au contact du porphyre et des calcaires. Les minerais forment de petits amas ramifiés ou en réseaux dans le calcaire, tandis qu’ils sont en mouches ou en nids dans le porphyre, de telle manière qu’on bocarde ce dernier pour opérer l’extraction du minerai. Le peu de dureté des minerais et leur facile fusion rendent le traitement très aisé. On en extrait en moyenne 3 livres de cuivre par quintal. L’exploitation a lieu dans les anciennes mines, abandonnées par les Autrichiens entre les années 1718 et 1758. On a rouvert et nettoyé les galeries d’écoulement ; maintenant on les continue au-dessous des travaux. Dans la partie méridionale du district, il y a beaucoup d’eaux cuivreuses dont on extrait le métal, etc., etc. Le Secrétaire donne lecture de la lettre suivante de M. le professeur Ange Sismonda à M. Elie de Beaumont : Lettre de M . Ange Sismonda à M. Elie de Beaumont. Au mois de septembre 1855, M. Fournetet moi avons exécuté autour du Mont-Blanc la course que je vous ai annoncée dans ma lettre du 17 avril dernier, tous deux animés du même désir de découvrir la vérité, cependant avec des attentes différentes: car notre savant ami espérait rencontrer des faits, soit relatifs aux gisements des roches, soit d’autre nature, qui auraient mis hors de doute l’existence d’un terrain sédimentaire plus ancien que le lias ; moi, au contraire, je portais la conviction que nous ne trouverions rien, dans notre voyage, qui fût de nature à faire changer le jugement que, d’après vos savants travaux, on s’est formé des terrains de nos Alpes, dont la structure compliquée rend la connaissance difficile, surtout à ceux qui les parcourent partiellement et avec la rapidité d’un voyageur touriste. Nous avons pourtant dû nous dépouiller de toute sorte de prévention sur ce que nous aurions rencontré. Nous partions, sans idée pré- conçue, le 21 septembre, du bourg Saint-Maurice en Tarentaise, lieu du rendez-vous, en compagnie du chanoine Carrel , auteur du superbe panorama de la Bec de Pona, près d’Aoste. Nous arri- vâmes au Chapieu d’assez bonne heure ; le reste de la journée, nous l’employâmes à faire une course du côté du col de la Seigne. Le lendemain , nous traversâmes, par un beau temps, le col du SEANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 65 Bonhomme; ensuite, par celui de Voxa, nous descendîmes à Chamonix. Après avoir visité les endroits qui, aux environs de ce bourg, intéressent davantage les géologues, nous allâmes à Val- lorsine par le chemin qui, du col de la Balme, traverse les Sées blanches. Enfin, par la Tête-Noire et la Forclaz, nous arrivâmes à Martigny. Voulant voir tout ce que nous croyions utile au but principal de notre voyage, nous avons fait une course du côté du grand Saint-Bernard, pour étudier le gisement du calcaire au delà de Saint-Branchier. Pour compléter notre projet, il nous restait à voir les conglomérats et les schistes ardoisiers près de la cascade àe Pisse-Fache. Nous nous y arrêtâmes en nous rendant à Genève, où nous devions nous séparer, M. Fournet pour rentrer en France, et moi en Savoie, séparation qui, à mon grand plaisir, n’a eu lieu qu’à Chambéry. Vous connaissez ces contrées-là tellement en I détail, qu’en vous disant que nous n’avons remarqué rien de bien nouveau à ajouter à ce qu’en ont écrit de Saussure et tous ceux qui en ont parlé après lui, ma tâche, à cet égard, est complètement accomplie. Il ne me reste qu’à vous rapporter de quelle manière chacun de nous jugea les terrains dont l’étude nous avait déter- minés à entreprendre le voyage. La petite vallée par laquelle du bois Saint-Maurice on arrive au Chapieu coupe les rochers perpendiculairement à leur direc- tion. On marche tantôt sur le système anthracifère inférieur (lias), et tantôt sur le supérieur (adj. de l’oxford-clay), de manière qu’on I dirait que ces deux membres d’une même formation alternent entre eux. C’est une anomalie, qu’on s’explique facilement dès qu’on s’arrête à considérer la structure générale du pays même ; on s’aperçoit alors que ce gisement anormal est causé par les failles qui courent dans le sens des couches; par là, on comprend égale- ment pourquoi la puissance de ces terrains se montre plus forte I qu’elle ne l’est en réalité. Un peu avant le hameau du Chapieu , il y a, dans la chaîne à gauche du voyageur, un calcaire cristallin ; à gros bancs, dans lèquel M. Fournet a trouvé un fossile, mais en 1 1 trop mauvais état pour être reconnu. Ce calcaire reparaît vers le il I sommet de la chaîne qui, au nord du Chapieu, ferme la petite - j vallée; le reste de la pente est formé par des bancs presque verti- eaux de quartzite, dont les couches alternent avec un congloméra it I talco-quartzeux. M. Fournet est convenu avec moi que le calcaire i | en question appartient à celui que j’ai appelé calcaire de Villet ; il :e>| a également admis que les roches détritiques fortement métamor- ië. I phisées, dont il est couvert , font partie du système anthracifère diil Soc. géol ., V série , tome XIII. 5 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 66 supérieur. En montant au coi du Bonhomme, dès qu’on a traversé les roches susdites, on rencontre un calcaire fissile, noirâtre, qui alterne avec un schiste ardoisier. Dans sa partie inférieure, nous avons remarqué des deux côtés du col du Bonhomme, soit vers le Chapieu et Beaufort, soit vers Contamines, de nombreuses Bélem- nites et plusieurs Ammonites basiques. Au-dessous, il y a un grès quartzeux grisâtre, alternant avec un conglomérat quartzeux de même couleur. Le passage du calcaire au grès s’opère graduelle- ment. D’abord le calcaire alterne avec le grès, ensuite le premier disparaît, et il ne reste plus que les deux autres roches détritiques ; mais, ce qui est très significatif et ce qui mérite toute l’attention du géologue, c’est la parfaite concordance qui règne entre la stratifi- cation de toutes ces différentes roches. La pente de la montagne est çà et là couverte de blocs d’un calcaire spathique brunâtre, qu’on dirait être du fer spathique. Il nous a paru qu’ils tombent du sommet de la montagne, du côté du pic du Fours. En conti- nuant à avancer vers l’ouverture du col du Bonhomme, on ren- contre du gneiss à mica brunâtre, dont la stratification est en désaccord avec celle du grès qui le recouvre. Les mêmes faits, nous les avons remarqués en descendant des Secs blanches à Vai- orsine ; seulement, ici les roches détritiques, les grès et les con- glomérats possèdent une puissance plus forte, et leur teinte , au lieu d’être simplement grisâtre, comme celle de leurs congénères au col du Bonhomme, passe par degrés au rouge sale. M. Four- net, tout en admettant ces faits, ne m’a paru nullement disposé ' à abandonner son opinion, que les roches détritiques inférieures au calcaire héiemnitique (désignées dans mes mémoires par le nom à' infraUctsiques) représentent un terrain indépendant, qui, selon lui, pourrait être le trias. Moi, au contraire, je me suis con- , firmé dans ma première conviction. Comme vous voyez , chacun de nous n’a ni abandonné ni modifié sa manière d’envisager la géologie alpine; malgré cela, ce voyage, en compagnie de Al. Fournet, n’a pas été infructueux pour moi ; car, entre autres avantages que j'ai eus à passer quelques instants avec ce savant distingué, j’ai remporté celui de savoir maintenant quelles sont les roches qui, d’après lui, constitueraient, dans la partie des ; Alpes environnant le Mont-Blanc, un terrain sédimentaire plus ancien que le lias, dans la supposition pourtant que j’aie pénétré < son idée. Rien de nouveau n’existe dans ce que je viens de vous raconter. J’aurais dû m’abstenir de vous en parler, et je l’aurais fait sans la persuasion que tout ce qui regarde l’histoire géolo- gique de cette chaîne ne peut être dépourvu d’intérêt, surtout J 67 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. pour vous qui en avez posé les fondements il y a environ une trentaine d’années. En soutenant que dans les Alpes des Etats sardes le seul terrain sédimentaire ancien, bien distinct, est le lias, je ne prétends nul- lement dire qu’il n’y en existe point de plus ancien. Bien au con- traire, mon opinion est qu’il s’y trouve, sinon tous, au moins plusieurs parmi ceux qui l’ont précédé, mais métamorphisés de manière à se confondre avec le terrain primitif. Cette opinion, je l’ai énoncée dans mes mémoires, où j’ai dit aussi qu’il y a très peu de terrain primitif à la surface terrestre. En 1837, dans une conver- sation que j’ai eue avec vous, en nous rendant à l’école des Mines, après avoir assisté à votre cours, où vous aviez effleuré ce sujet, il me semble que vous vous étiez prononcé favorablement à ma manière de voir. Depuis lors, j’ai eu maintes occasions, en voya- geant dans les Alpes, de m’affermir davantage dans mon senti- ment, que beaucoup de roches, regardées généralement comme primitives, et indiquées comme telles par plusieurs géologues, ne sont que des sédiments fortement métamorphisés. De cette nature seraient, selon moi, différentes sortes de gneiss à gros cailloux de quartz, les schistes^ verts avec grains de quartz, et beaucoup d’au- tres roches semblables, dans lesquelles sont assez souvent encla- vées de grandes assises de marbre micacé, ‘fréquemment dolomi- tique. Maintenant, si l’on réfléchit que leur stratification est en désaccord avec celle du lias qui les recouvre directement . on ne peut s’empêcher de conclure que ces assises représentent les dépôts de la mer antéliasique. Dans cette supposition, il reste à savoir s’ils appartiennent à une seule époque géologique, ou si, au con- traire, ils forment un groupe composé de différents terrains. A - en juger d’après la discordance qui règne entre la stratification de plusieurs des roches de ce groupe, et d’après sa grande puissance, on est porté à adopter la seconde opinion. Il faut pourtant conve- nir que dans l’état actuel de la science nous n’avons aucune don- née pour résoudre cette question ; c’est un mystère pour nous, et peut-être le laisserons-nous, avec beaucoup d’autres, en héritage à nos successeurs. M. Damour fait la communication suivante : Note sur un sable magnésien des environs de Pont-Sainte - Maxence, par M. A. Damour. La Société géologique, dans sa session extraordinaire de cette 68 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. année, a dirigé une de ses courses vers les environs de Compiègne. Après avoir traversé Pont-Sainte-Maxence, elle a arrêté son atten- tion sur un gîte de sable, situé à peu de distance de cette dernière ville, et qu’on a récemment exploité pour en extraire de la magné- sie. Les personnes qui assistaient à notre réunion ayant bien voulu m’inviter à examiner la composition de cette matière sableuse, je viens aujourd’hui apporter le résultat de mes recherches à ce sujet. Le sable, qui forme une couche ou plutôt des amas dont l’épais- seur varie depuis quelques décimètres jusqu’à 3 mètres environ, est superposé au calcaire à Nummulites et se trouve au-dessous du calcaire grossier à Cerithium giganteum , dont il n’est séparé, en quelques endroits, que par une très mince couche d’argile brune. Sa couleur est le gris jaunâtre ; il est formé de grains très fins qui, observés au microscope, ont conservé, pour la plupart d’entre eux, l’apparence extérieure du rhomboèdre particulier au carbonate de chaux ou à la dolomie. On y remarque aussi un mélange de grains de quartz hyalin en fragments anguleux et de rares paillettes de mica argenté. Sa densité est de 2,811. Tl produit une assez vive effervescence avec les acides nitrique et chlorhydrique, qui le dissolvent en laissant déposer un résidu quartzeux dont le poids s’élève à environ 6 pour 100 de la matière employée. La liqueur acide laisse également déposer, mais avec lenteur, des flocons d’une matière bitumineuse de couleur brune. Lorsqu'on attaque le sable par l’acide chlorhydrique, la disso- lution est accompagnée d’un dégagement de gaz fétide dû à la présence des matières bitumineuses que je viens d’indiquer. Si l’on fait évaporer à siccité la dissolution chlorhydrique après l’avoir séparée des grains quartzeux insolubles, et si l’on fait chauffer le résidu de l’évaporation dans une capsule de platine, la masse se boursoufle, blanchit, et ne se fond pas, même à la tem- pérature du rouge cerise. En traitant par l’eau la masse refroi- die, il se dissout du chlorure de calcium et il reste un résidu très notable formé de magnésie contenant une faible proportion d’oxyde de fer (1). (1) Cette méthode d'essai qualitatif me paraît pouvoir être em- ployée avec avantage lorsqu’on veut reconnaître rapidement les cal- caires proprement dits, et les distinguer des calcaires magnésiens, ferrugineux ou manganésifères. Les calcaires purs sont transformés en chlorure de calcium, qui fond aisément au rouge sombre sans décom- position, et se redissout ensuite dans l'eau, tandis que les chlorures SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 69 L’acide acétique attaque également le sable de Pont-Sainte- Maxence ; mais la dissolution ne s’effectue qu’avec beaucoup de lenteur. Une dissolution aqueuse de chlorhydrate d’ammoniaque l’atta- que de même, à la suite d’une ébullition prolongée. Chauffé à la température du rouge blanc, il perd tout l’acide carbonique uni aux bases, et laisse une masse terreuse, blanche, qui ne s’échauffe pas sensiblement lorsqu’on y ajoute de l’eau goutte à goutte : cette masse terreuse se dissout en partie, avec dégagement du gaz ammoniacal lorsqu’on la met en contact, à froid, avec une dissolution de nitrate d’ammoniaque : si l’on fait bouillir le tout , on obtient une dissolution à peu près com- plète de la masse terreuse, à l’exception de l’oxyde de fer et d’un silicate de chaux formé pendant la calcination, par l’action de la chaux sur les grains de quartz mélangés dans le sable. L’analyse du sable magnésien m’a donné les résultats suivants : gr. Carbonate de chaux 0,5535 Carbonate de magnésie 0,3724 Oxyde ferrique 0,0065 Alumine 0,0035 Matières bitumineuses 0,0060 Quartz en fragments anguleux. . 0,061 0 1,0029 En faisant abstraction du mélange de quartz, d’alumine, d’oxyde de fer, etc., ce sable doit être considéré comme un calcaire magné- sien ou dolomie qui contient en 10000es : Oxygène. Rapports. Carbonate de chaux. . . 0,5978 — 0,2861 — 5 Carbonate de magnésie. 0,4022 — 0,2278 — 4 1,0000 Cette composition, qu’on peut représenter par la formule : 5/9 C,aO )C02 4/9 MgO) U ’ est presque identique avec celle de la dolomie cristallisée de Kolo- de magnésium, de fer et de manganèse sont décomposés à cette tempé- rature et laissent des oxydes insolubles dans l’eau . 70 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. soruk, analysée par M. Rammelsberg et des dolomies de Lockport, de Glusksbrun, de Bohême et de Villefranche. Nous avons recueilli dans cet amas de sable magnésien des nodules calcaires plus ou moins volumineux qui , observés à la loupe, paraissent formés d’un agrégat confus de grains cristallins. Ces nodules m’ont présenté la composition suivante : Carbonate de chaux 0,8214 Carbonate de magnésie 0,0859 Oxyde ferrique. 0,0050 Sable quartzeux 0,0765 Matière bitumineuse et humidité. . 0,0112 1 ,0000 Enfin, entre le sable magnésien et le calcaire grossier qui lui est superposé, se trouve intercalée en quelques places de ce gise- ment une petite couche de h à 10 centimètres d’épaisseur, d’un calcaire gris jaunâtre, criblé de cavités bulleuses qui lui donnent assez l’aspect des roches scoriacées particulières aux terrains vol- caniques. Ce calcaire de formation évidemment aqueuse, aussi bien que les terrains qui l’environnent, a donné à l’analyse: Carbonate de chaux. . . 0 ,8665 Oxyde ferrique 0, ,0070 Alumine et silice. . . . 0 ,0190 Matière bitumineuse. . o ,0060 Sable ch ux. . . . 0. ,1015 G 0000 Les cavités bulleuses qu’il renferme en si grande quantité me semblent dues à un dégagement de corps gazeux qui l’ont converti en une masse éeumeuoe : cette masse s’est ensuite solidifiée par l’action du temps. M. de Verneuil rappelle qu’il a mis sous les yeux de la 1 Société, lors de sa réunion extraordinaire à Paris, des échantil- lons de magnésie pure extraite du sable de Pont-Sainte- I Maxence , dans une usine qui avait été établie prés de là pour l’exploitation de cette roche, et qui a cessé de fonctionner / faute de capitaux au bout d’une année environ. M. Boubée demande comment ce sable s’est formé, et s’il ne pourrait pas être dû au transport d’un calcaire dolomitique désagrégé ? Bull . de la Soc . Géol . de France. Noie de M E. Bayle. 2e Série, TM;?!, f; Page ë N HJa.eob.iel. S-nL. m l ntnl','1 fmp Lemercier,^ SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 71 M. Damour pense que ee doit être un précipité cristallin formé dans des eaux chargées de chaux et de magnésie, il ajoute que la dolomie n’est qu’accidentellement composée d’équivalents égaux de carbonate de chaux et de carbonate de magnésie, mais qu’elle contient des carbonates de chaux, de magnésie, de fer et de manganèse en proportions diverses ; il a cité dans sa note une dolomie cristallisée qui a la composition du sable de Pont-Sainte-Maxence. M. Elie deBeaumont dit qu’il a eu l’occasion de faire autrefois de nombreuses analyses de dolomies, et qu’il y a rarement trouvé des proportions égales de carbonate de chaux et de magnésie. M. Ch. Sainte-Glaire Deville demande si, dans l’opinion de M. Damour, la différence de composition ne doit pas faire varier l’angle des dolomies cristallines ? M. Damour répond qu’en effet cet angle peut varier depuis 105 degrés, angle du carbonate de chaux, jusqu’ù 107 degrés, angle du carbonate de magnésie. M. Bayle fait la communication suivante : Observations sur le Sphærulites foüaceus , Lamarck ; par M. Émile Bayle. Dans la séance du 21 mai dernier, j’ai eu l’honneur de commu- niquer à la Société le résultat de mes recherches sur la structure des coquilles des Hippïirites ; ce travail se terminait par quelques remarques que j’avais eu l’occasion de faire en étudiant le Sphœru- lites cylmdi accus et le Radi alites B a urna ni (Des Moulins). J’avais été frappé par cette circonstance que la structure intérieure de la coquille était très différente dans ces deux espèces. Dans la première, le Sphærulites cylindi aceus , l’une des parois i internes des deux valves porte une crête, que j’ai désignée sous le I nom d ’ arête cardinale , et dont la saillie est très prononcée. La crête de la valve inférieure vient s’appuyer contre la surface posté- rieure d’une grande et large cloison qui traverse la coquille d’un bord a l’autre, et dans laquelle sont creusées les fossettes de la charnière. Cette arête saillante est formée par des lames de tissu vitreux juxtaposées, qui ont été sécrétées par un repli que pré- sente le manteau du mollusque dans cette portion de chacun de ses deux lobes. 72 SÉANCE DU 1 9 NOVEMBRE 1855. La seconde espèce, le Radiolites Bournoni , est entièrement dépourvue d’arête cardinale; la grande cloison transversale y manque également ; les alvéoles de la charnière se sont transfor- mées en deux longues gaines , ouvertes dans toute leur partie antérieure et qui sont appliquées de chaque côté contre les parois mêmes de la cavité de la valve inférieure ; le manteau, dans cette espèce , n’avait donc pas le repli si remarquable qu’il devait pré- senter dans le Sphœridites crlinclraceus. J’ai pensé que deux types de structure aussi distincts l’un de l’autre correspondaient à une modification des lobes du manteau de l’animal, assez importante pour autoriser la séparation des espèces de Sphœridites en deux genres ; le premier devrait réunir tous les Sphœrulites qui sont pourvus d’une arête cardinale, tandis que dans le second viendraient se placer toutes les espèces qui manquent de cette crête interne ; j’ai proposé d’assigner au premier de ces deux genres le nom de Sphœridites , et de réserver au second celui de Radiolites. Voici , d’ailleurs , quelles sont les considérations qui m’ont conduit à adopter une semblable nomenclature. Le genre Radiolites a été fondé en 1801 par LamarCk(l) pour y placer de singulières coquilles provenant du terrain crétacé des Corbières et qui avaient été déjà désignées par Picot de Lapei- rouse (2) sous le nom d’ Ostraciles angeiodes. En 1805, Delamétherie (3) donna, de son côté, le nom de Sphé- rulite à une coquille fossile qui avait déjà été figurée, mais sans être décrite, par Bruguière, dans la planche 172 du Dictionnaire des Vers de l’Encyclopédie méthodique (à). Lorsque Lamarck dota les sciences naturelles du grand ou- vrage (5) qui a illustré son nom, il adopta le genre Sphérulite de Delamétherie et conserva le genre Radiolites qu’il avait lui-même établi depuis longtemps. Voici les caractères assignés par le grand naturaliste à ces deux genres : (1) Lamarck, Système des anim. sans vertèbres, p. 4 30, 4 vol. in-8, 1804. (2) Picot de Lapeirouse, Description de plusieurs nouvelles espèces cf Orthoeératites et d’Ostracites, in-fol., Erlang, 1781. (3) Delamétherie, Journal de physique , messidor à frimaire an XIII (1805), t. 61, p. 396. (4) Bruguière, Encyclopédie méthodique , Dict. des vers., t. I. pl. 4 92, fig. 7, 8, 9 (1792). (5) Lamarck, Histoire naturelle clés animaux sans vertèbres. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 7 3 Genre Sphérulite ( Sphœrulltes ) ( l). « Coquille inéquivalve, orbiculaire, globuleuse, un peu dépri- » niée en dessus, hérissée à l’extérieur d’écailles grandes, suban - » gulaires, horizontales. Yalve supérieure plus petite , planulée , » operculaire, munie en sa face interne de deux tubérosités iné- » gales, subconiques, courbées et en saillie ; valve inférieure plus » grande, un peu ventrue, à écailles rayonnantes hors de son bord, » ayant sa cavité obliquement conique, et formant d’un côté, par » un repli de son bord interne, une crête ou une carène saillante. » Paroi interne de la cavité striée transversalement, charnière » inconnue. » Genre Racliolite ( Radiolites ) (2). « Coquille inéquivalve, striée à l’extérieur, à stries longitudi- » nales, rayonnantes. Yalve inférieure turbinée, plus grande; la » supérieure convexe ou conique , operculiforme ; charnière in » connue. » Observations. Les Radiolites sont des coquilles que l’on ne » connaît que dans l’état fossile et qui paraissent bivalves. On '» n’en a pu observer que l’extérieur, où elles n’offrent aucune » apparence de charnière ni de ligament des valves. Elles ont été » nommées Os tr a ci tes par Picot de Lapeirouse. » Les Radiolites semblent formées de deux cônes souvent très » inégaux, opposés base à base, et striés en dehors. Ce sont deux » valves coniques, dont la supérieure est plus ou moins surbaissée » selon les espèces. Elles n’ont point d’écailles au dehors. » On voit que Lamarck considérait la présence de la crête interne (notre arête cardinale) comme un caractère essentiel des Sphé- rulites ; mais, en même temps, il était convaincu que cette arête saillante manquait aux Radiolites , car, dans les observations qui suivent l’exposé des caractères du genre Sphœrulites , il dit (p. 286) : « Nous doutons fort que la petite valve des Radiolites ait en sa •) face interne deux tubérosités analogues à celles de la Sphé~ » rulite ; enfin nous doutons encore que la cavité de la grande » valve des Radiolites offre d'un côté ce repli du bord interne qui (1) Histoire naturelle des animaux sans vertèbres , 2e édition, t. VII, p. 285. (2) Lamarck, loc. cit ., vol. VII, p. 291, Ih SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. » s'avance en crête ou en carène intérieure , nue l’on observe dans les » Sphérulites. » Ainsi, dans l’opinion de Lamarck, le caractère fondamental des Sphérulites consistait en ce que les valves présentaient un repli du bord interne, s’avançant en crête dans l’intérieur de leur cavité, tandis que chez les Radiolites un semblable repli ne devait pas se rencontrer. Or, des trois espèces de Sphérulites décrites par Lamarck, une seule, le Sphœruli tes foliacé us présente une crête interne, tandis que les deux autres , les S. crateriformis et Jouanneti sont dépour- vues de cette saillie. Quant à ses Radiolites , l’une d’elles, le Racliolites turbinatus , a été établie sur un individu, usé et assez déformé, d’une espèce du genre H/ppurites, que M. Defrance a désignée sous le nomd H. sul- catus ; les deux autres, les R. ventri cosus et rôtularis , ne doivent constituer en réalité qu’une seule et même espèce ; or, cette espèce présente une arête cardinale, en sorte que Lamarck l’eût placée dans son genre Sphérulite , s’il en avait connu les caractères internes. MM. Charles Des Moulins, Deshayes, Holland du Roquan, Ma- theron, d’Orbigny, Pictet, et tous les naturalistes qui ont depuis Lamarck étudié les Sphérulites et les Radiolites , ont émis l’opinion qu’il fallait réunir ces deux genres en un seul ; MM. Charles Des Moulins, Deshayes, Rolland du Roquan adoptent le nom de Sphé- rulites, tandis que MM. d’Orbigny, Matheron et Pictet emploient celui de Radiolites pour désigner ce genre unique. L’auteur de la Paléontologie française , en particulier , qui a décrit un grand nombre d’espèces nouvelles de Radiolites , attribue à ce genre les caractères suivants (1) : Genre Radiolites, Lam., 1801. — Sphœrulites , Belamétherie, 1805. « Coquille fixe, testacée , de contexture fibreuse et lamelleuse , » conique ou déprimée, très inéquivalve. Valve inférieure oblique » ou droite, fixée aux corps sous-marins par son crochet seulement » ou par toute sa surface, alors ou circulaire déprimée ou conique » plus ou moins élevée en cornet, couverte extérieurement de «lames foliacées ou de côtes rayonnantes, souvent d’un sillon » longitudinal, et terminée par des bords épais, foliacés, obliques (l\ D'Orb., Paléont.) française. Terr.7 c ré tac. , vol. IV, p. 194 et suivantes. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 75 » vers le liaut, vers le bas, ou horizontaux, couverts de ramifica- » tions fibreuses. Valve supérieure plane, convexe ou conique, à » sommet subcentral , toujours plus petite que l’autre, marquée » d’un sillon rayonnant et couverte de lames courtes, non perforée » extérieurement et sans canaux intérieurs; ses bords sont taillés » en biseau. Point de ligament. » Appareil interne formé sur la valve inférieure, dans le cône « régulier ou oblique que circonscrivent les feuillets externes d’une » cavité conique plus ou moins régulière, divisible en deux parties » presque paires, composée de deux régions distinctes : l’une, que » nous appellerons cardinale, est pourvue de cavités et de saillies ; » l’autre libre, que nous désignons comme palléale La région » cardinale se sépare nettement en deux parties inégales par une » crête médiane marginale. A droite et à gauche de cette cavité sont » d’abord une cavité conique, plus large d’un côté que de l’autre, » irrégulière, lamelleuse, souvent divisée en feuilles. En dedans » de ces deux cavités en sont deux autres très profondes, destinées » à recevoir deux énormes dents de la valve opposée. En dehors » de ces cavités sont deux attaches musculaires oblongues, arquées, » une de chaque côté , souvent saillantes sur les espèces larges et » déprimées, en pente, et moins marquées sur les parois internes » du cône intérieur. Le reste présente une cavité conique à sommet » arrondi, destinée à loger l’animal. » La valve supérieure est pourvue sur la région cardinale d’une » crête médiane saillante sur le bord qui correspond à la crête de »> l’autre côté, quelquefois de deux cavités lamelleuses plus courtes » que les cavités de la valve opposée, qui manquent même quel- » quefois, d’un rétrécissement semi-circulaire que séparent du » bord : 1° deux saillies latérales en crêtes, où sont en dehors les » empreintes des attaches musculaires ; 2° en dedans de celles-ci , » deux saillies coniques ou énormes dents destinées à entrer, » comme dans une coulisse, dans les deux cavités correspondantes » de la valve inférieure; 3° en dedans de ces parties saillantes, » représentant un fer à cheval, est une cavité conique qui, comme » celle de la valve opposée, est destinée à recevoir l’animal. » On voit que M, d’Orbigny n’a observé l’intérieur des valves que dans un très petit nombre de ses espèces de Radiolites. Il signale, en effet, comme l’un des caractères essentiels de ce genre la présence d’une crête médiane marginale (notre arête cardinale ), sans se douter que la plupart des espèces qu’il a décrites ne pré- sentent jamais une semblable arête. Les caractères assignés par M. d’Orbigny à son genre Radiolites ne conviennent donc, en réa- 76 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. lité, qu’au genre Sphœrulites , tel que l’avait compris Lamarck. M. Des Moulins avait cependant, bien longtemps avant la publi- cation de la Paléontologie française , appelé l’attention des natura- listes sur cette absence de crête intérieure dans le Sphœrulites Bournoni. « J’ai vu , dit-il (1), des valves inférieures dont la cavité était » parfaitement dégagée de corps étrangers quelconques, et dont le » birostre avait disparu. Je n’ai jamais pu y apercevoir la plus » légère trace de l’existence de la carène intérieure. Je présume » que cela doit être attribué à la disparition de la lame testacée » qui enduisait l’intérieur de la valve. Mais, s’il était vrai que la » carène n’existât pas, ce serait un caractère exceptionnel bien » remarquable. » M. d’Orbigny n’avait donc pas cherché à vérifier l’assertion de M. Des Moulins, car sans cela il n'aurait pas réuni le Sphœrulites Bournoni , Des Moul., au Radiolites dilatata , d’Orb. (2), puisque dans cette dernière espèce l’arête cardinale acquiert un dévelop- pement remarquable , tandis que dans la première elle manque complètement. Ainsi les naturalistes qui ont cru devoir réunir toutes les espèces de Sphêrulites et de Radiolites en un seul genre ont confondu deux types d’organisation très différents; il faut donc désormais rétablir les deux genres. Or, dès l’instant que la coquille de l’île d’Aix, décrite pour la première fois par Delamétherie sous le nom de Sphérulite , offre au plus haut degré ce caractère d’avoir une arête cardinale très développée, il est naturel de grouper avec elle toutes les autres espèces de Sphêrulites ou de Radiolites qui offrent le même caractère, et d’en former ainsi un genre auquel le nom de Sphœrulites devra être donné, tandis qu’on réservera le nom de Radiolites au genre dans lequel devront entrer les espèces dépour- vues d’arête cardinale ; dans ce cas seulement ces deux genres se composeront d’espèces ayant les caractères que leurs auteurs leur avaient assignés. Jusqu’à ce jour j’ai pu étudier l’intérieur des valves dans six espèces de Sphœrulites et dans cinq de Radiolites ; ce sont les sui- vantes : (1) Charles Des Moulins, Essai sur les Sphêrulites , p. 127 (1826). (2) D’Orb., Paléont. franc., terr. crét., vol. IV, p. 225. ] , SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 77 1° Spliœrulites folia c eu s. Lamarek. Sphérulite. Delamétherie. Journal do Phys., t. 61, p. 396, pl. 57 , fig. 12 (1805). Sphœi alites foliacea. Lamk. Anim. sans vertèbres , t. 6, p. 232 (1819). 2° Sphœrulites angeiodes. Picot de Lapeirouse (Sp.). Ostracites angeiodes . Picot de Lapeirouse. Descript. d’Orthoc., pl. 12-13. Radiolites angeoides. Lamk. Syst. des anim. sans vertèbres , p. 130 (1801). Radiolites rotularis. Lamk. Anim. sans vertèbres , t. 6, p. 233 (1819). Radiolites ventricosa. Lamk., loc. cit p. 233 (1819). 3° Sphœrulites Desmoulinsi. Matheron (Sp.). Radiolites Desmoulinsiana. Mather. Catalogue, pl. 8(1842). 4° Sphœrulites radiosus. D’Orb. (Sp). Radiolites radiosa. D’Orb., Paléont. franc, terr. crét vol. 4, p. 212, pl. 554 (1847). 5° Sphœrulites cylindraceus. Des Moulins. Sphœrulites cylindraceus. Des Moulins. Essai sur les Sphérul. , p. 107, pl. 4, fig. 1,2, 3 (1826). 6“ Sphœrulites Hœninghausi. Des Moulins. Birostrites inœquiloba. Lamk., Anim, sans vertèbres, t. 6, p. 236 (1819). Jodamia bilinguis. Defrance, Dict. des scienc. nat . , t. 24, p. 230 (1822). Sphœrulites Hœninghausi. Des Moul., Essai sur les Sphérul. , p. 118, pl. 6, fig. 2, pl. 7 (1826). Sphœrulites dilatata. Des Moul., Ibid., p. 128, pl. 8. Radiolites Hœninghausii, D’Orb., Paléont. franc, terr . crét. , t. 4, p. 223, pl. 567 (non planches 565, 566) (1847). Radiolites dilatata. D’Orb., Ibid. , p. 225, pl. 568 (1847). 78 SÉANCE BU 19 NOVEMBRE 1855. 1° Radiolites craterijormis . Des Moul. (Sp). Sphærulites craterijormis. Des Moul. , Essai sur les sphérulites, p. 94, pl. 1, 2 (non pl. 6, fi g. 1) (1826). 2° Radiolites Jouanneti. Des Moul. (Sp). Sphærulites Jouanneti. Des Moul., Essai sur les Sphérul, , p. 99, pl. 3 (1826). 3° Radiolites cornu-pastoris. Des Moul. (Sp.). Hippurites cornu-pastoris . Des Moul., Essai sur les Sphérul. , p. 141, pl. 10(1826). Biradiolites cornu-pastoris . D’Orb., Paléo. t. franc . , terr. crét t. IV, p. 121, pl. 573 (1847). 4° Radiolites ingens. Des Moul. (Sp.). Sphærulites ingens . Des Moul., Essai sur les Sphérul . , p. 122 (1826'. 5° Radiolites Eournoni. Des Moul. (Sp.). Sphærulites Eournoni. Des Moul., Essai sur les Sphérul p. 124 (1826). Je passe maintenant à la description de la Sphérulite de Dela- métherie, qui servira de type au genre Sphærulites . Sphærulites foliaceus . Laink . Jcardo. Brug. Eneycl . méth ., pl. 172, fig. 7, 8, 9. Sphérulites. Delamétherie. Journ de phys., t. 61, p. 396, pl. 57, fig. 12 (1805). Sphærulites foliacea. Lamarck, Anini. sans vertèbres, t. 6, p. 232 (1819). Sphærulites agariciformis. Blainv., Dict. des scienç. nat . , t. 32, p. 305 (1824). Sphærulites foliacea. Des Moulins, Essai sur les Sphérul ., p. 103 (1826). Hippurites agariciformis. Goidf. , Petref. germ ., p. 300, pl. 164, fig. 1 (1840). Radiolites agariciformis . D’Orb., Paléout . franc., terr. crét., vol. 4, p. 200, pl. 544, 545 (1847). SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 79 Le Sphœrulites foliaceus est une espèce assez variable dans sa forme ; elle est cependant beaucoup plus large que haute. La valve inférieure est habituellement fixée aux rochers par son sommet organique ; ses lames externes sont inégales ; elles se recouvrent l’une et l’autre en augmentant de grandeur du sommet au bord de la coquille. La valve supérieure est plate ou légèrement con- vexe ; la disposition de ses lames extérieures est analogue à celle des lames de l’autre valve. Cette coquille devient fort grande ; elle peut atteindre jusqu’à kO centimètres de diamètre. Les lames externes de la valve inférieure sont légèrement incli- ' s vers la surface sur laquelle cette valve est adhérente, dans •rtains individus; dans d’autres, au contraire, elles sont très tiques, et la coquille ressemble par sa forme générale au Radio - U ,es crateriformis . (Des Mou!.. (Sp.)). Les lames ont une surface lisse ; mais quand cette surface est légèrement usée, elle est couverte de stries rayonnantes très fines, qui correspondent aux parois des cellules dont le test est criblé. On y voit aussi des canaux dichotomes plus ou moins marqués, en rapport avec le système vasculaire des bords du manteau qui nt déposé les lames externes, si développées dans cette espèce. m surface des lames n’offre pas de légères ondulations ni les plis ;i réguliers que l’on observe dans les Radi alites crateriformis et / ouçinneti ; d’ailleurs le Sphœrulites foliaceus diffère de ces deux espèces par sa forme, beaucoup moins régulièrement conique, et par l’irrégularité de ses lames. On rencontre fréquemment certains individus du Sphœrulites foliaceus qui ont une ouverture plus ou moins grande au som- met de la valve inférieure. Elle résulte d’une cassure qui s’est accidentellement produite, lorsque la coquille a été détachée de la roche à laquelle son sommet était adhérent. La valve inférieure présente une cavité intérieure assez grande relativement à la dimension de la coquille, et dont le contour est remarquablement, circulaire ; le diamètre de son ouverture est égal environ au tiers de celui de la coquille ; dans les Radiolites crateriformis et Jouanneti , l’ouverture de la cavité de la valve inférieure est proportionnellement moins large. L’une de ses parois donne naissance à Y arête cardinale [Af qui s’avance dans l’intérieur de la valve, jusqu’au tiers environ de son diamètre. Ainsi, dans l’individu figuré (PI. 1), le diamètre de l’ouver- ture mesuré dans la direction de l’arête cardinale étant de 0m,110, la crête s’avance dans la coquille à une distance de 0m,0à5. Les deux lames de tissu vitreux, sécrétées par le repli du manteau qui a 80 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. déterminé la crête interne, se séparent l’une de l’autre vers la moitié de la longueur de cette arête, et viennent se rejoindre en arrière de la grande cloison dans laquelle sont creusées les deux fossettes de la charnière, après s’être appliquées contre la paroi postérieure de cette cloison. Il en résulte alors que l’arête cardinale se termine par une cavité (Y) dont la dimension varie suivant les individus, mais qui existe constamment dans cette espèce. Une particularité fort singulière qu’offre en outre l’arête cardinale, c’est que les couches externes du test y pénètrent entre les deux lames de tissu vitreux jusqu’au point où elles se séparent pour produire la cavité (Y). On voit donc que l’arête cardinale servait de point de départ pour le développement de la coquille, et qu’elle semble représenter une portion du bord cardinal ordinaire d’un acéphalé lamellibranche , qui se serait en quelque sorte replié sur lui-même pour pénétrer dans l’intérieur de la coquille, et aurait alors chassé devant lui tout le système de la charnière. La profondeur de la cavité de la valve inférieure est variable sui- vant les individus, sans toutefois dépasser la grandeur du diamètre de l’ouverture. Quand cette cavité est peu profonde, ce qui est le cas que présente l’individu figuré (PL I), les parois internes de la coquille, à partir du bord de l’ouverture, sont très peu incli- nées : il en résulte que les impressions des deux muscles sont sur deux surfaces presque horizontales. L’une d’elles (E), située à droite (1) de l’arête cardinale, présente la forme d’une ellipse dont le grand axe serait légèrement recourbé dans un sens con- centrique au contour de l’ouverture. Elle est beaucoup plus rap- prochée du côté antérieur que du bord cardinal, et séparée du pourtour de l’ouverture par un intervalle à peu près égal à sa largeur. La seconde impression musculaire (D), plus large en arrière qu’en avant, est beaucoup plus rapprochée du bord cardinal que de l’antérieur ; elle est moins avancée que la première sur la paroi qui la porte. La cloison dans laquelle sont creusées les deux alvéoles de la charnière naît des parois de la valve, en arrière des deux impres- sions musculaires ; elle porte deux fossettes dont l’une, celle de i a (1) Nous supposons toujours dans nos descriptions la valve appli- quée par son sommet organique sur un plan horizontal, et présentant son arête cardinale en regard de l’observateur; alors la portion de l’ouverture où se trouve l’arête sera le bord cardinal ou postérieur , et le contour de l’ouverture opposé deviendra le bord antérieur. , SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 81 gauche (F), est d’un tiers plus oblongue que la fossette de droite (G). La position des deux alvéoles est telle qu’elles sont contiguës en avant, tandis qu’elles sont très éloignées l’une de l’autre à leur origine, en arrière des deux impressions musculaires. Les fossettes sont profondes ; leurs parois internes, et principalement les parois latérales et postérieures, portent des lames saillantes, irrégulière- ment distantes, qui étaient reçues dans des cannelures correspon- dantes des dents cardinales de la valve supérieure; le nombre et la grandeur de ces lames varient d’ailleurs beaucoup suivant les indi- vidus. Dans l’exemplaire figuré, on voit les extrémités des dents cardinales de la valve supérieure qui sont restées engagées dans le tond des alvéoles ; sur la face postérieure de la fossette droite (G), distingue une arête très saillante qui pénètre dans une rainure de la dent correspondante. La cavité (M) où se logeait la plus grande portion de l’animal i it très peu profonde dans cet individu. On peut voir, dans la collection de l’Ecole des Mines, un exem- plaire de cette espèce provenant de l’île d’Aix, dont la valve infé- i ieure a une cavité offrant une profondeur à peu près égale au diamètre de son ouverture; il en résulte que les parois de cette cavité sont très inclinées; les impressions musculaires semblent lors être détachées de ces parois, et portées par des apophyses qui font suite, de chaque côté de l’arête cardinale, à la grande cloison dans laquelle sont creusées les alvéoles de la charnière. Les sur- faces d’attaches des deux muscles sont placées, par cette disposi- tion, dans des plans à peu près aussi horizontaux que ceux qui les portaient dans l’individu, à cavité peu profonde, dont la descrip- tion fait l’objet spécial de cette notice. En arrière des impressions musculaires et de la cloison trans- versale, se trouve un espace qui est séparé en deux parties iné- I gales par l’arête cardinale. Ces deux cavités sont fort peu profondes, J beaucoup moins que ne l’est la grande cavité (M) ; on y aperçoit i les rudiments des lames qui acquièrent un si grand dévelop- | pement chez le Sphœrulites Hœninghciusi (Des Mouh), et pro- I duisent dans les moules intérieurs de cette dernière espèce les i cônes criblés de cavités irrégulières que M- Charles Des Moulins | appelle appareil accessoire des birostres. Il en résulte que dans le I Sphœrulites foliaceus, l’appareil accessoire est presque touj ours rudi- mentaire ; c’est à peine s’il se détache du bourrelet circulaire du birostre. Les deux lobes qui composent chacun des cônes de cet ap- pareil peuvent cependant être assez prononcés dans certains indivi- dus. Ainsi le moule intérieur de l’exemplaire figuré dans la paléonto Soc. geol.. 2e série , tome XTIL 6 82 SÉANCE DU 49 NOVEMBRE 1855. Jogie française [Terr. prétac., vol. IV, pi. 545, fig. 1) présente un appareil accessoire nettement distinct ; il le serait à peine dans le bi rostre du Sphœrulites foliaceiis qui est décrit dans ce travail. J’ai observé dans la collection du Muséum une valve supérieure appartenant à la même espèce. L’intérieur de cette valve est à peine concave ; l’arête cardinale, formée dans sa première partie de deux lames de dépôt vitreux juxtaposées, se termine par une cavité qui joue le même rôle que la cavité (V) dans la valve inférieure. La charnière est composée de deux dents cardinales très longues, comprimées latéralement, très ^approchées l’une de l’autre du côté antérieur, tandis qu’elles soojt au contraire remarquablement distantes du côté opposé. La forme et la position des fossettes cardinales de la valve inférieure rend compte de cette convergence des dents l’une vers l’autre du côté de leur face antérieure. Les faces latérales et postérieure d.s dents sont cannelées , et les cannelures reçoivent les hunes sail- lantes des alvéoles de l’autre valve. Les attaches musculaires sont situées sur deux apophyses assez peu saillantes. L’une d’elles, l’apophyse qui correspond à l’im- pression musculaire (E) du côté droit de la valve inférieure, est plus élevée que la seconde ; elle est en outre beaucoup plus rap- prochée que celle-ci du bord antérieur de la valve. Les deux dents cardinales et les impressions musculaires ne sont donc pas placées d’une manière symétrique par rapport à l’arête cardinale. Dans hune et l’autre valve, la dent ou la fossette ainsi que l’impression musculaire, situées du côté droit de cette crête, sont beaucoup plus éloignées du bord cardinal que ne le sont la dent ou la fos- sette ainsi que l’impression musculaire du côté gauche. On retrouve un défaut de symétrie analogue, mais plus ou moins marqué, dans les autres espèces de Sphérulites et de Radiolites. Dans les ffippuriles, l’absence de symétrie est bien plus frappante encore, puisque la charnière offre deux dents d’un côté de Y aréie cardinale et une seule de l’autre, et que de plus, les deux impres- sions musculaires sont placées l’une près de l’autre, à gauche de cette crête interne. La longueur clés dents cardinales et la position qu’elles occupent dans leurs fossettes rendent impossible tout mouvement de bascule de la valve supérieure sur l’autre. Le mouvement de cette valve s’opérait dans le sens de l’axe des dents ; il était très probablement produit par une action que le manteau exerçait sur cette valve ; peut- être qu’au bord du manteau de ces mollusques, il y avait un muscle circulaire analogue à celui que l’on observe chez les Lingules , et SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 83 dont les fibres, en se contractant, déterminaient un gonflement de l’animal capable de soulever la valve. Les deux muscles adduc- teurs n’auraient eu alors d’autre but que celui de rapprocher les valves. L’hypothèse que je propose ne me semble pas improbable ; il serait, en effet, difficile de concevoir comment l’animal pourrait d’une autre manière ouvrir sa coquille, puisqu’elle est entièrement dépourvue de ligament élastique, externe ou interne. On sera peut-être tenté de voir dans la cavité (Y) qui existe à l’extrémité de l’arête cardinale, la fossette d’un puissant ligament intérieur, mais s’il en est ainsi, comment s’opérera le mouvement de la valve supérieure dans les Radiolites Jouqnneti et Bournoni qui .ont dépourvus d’arête cardinale, et chez lesquels on ne trouve aucune fossette qui puisse représenter la cavité (Y) ( supposée liga- . ■ taire) du Sphœrulites foliaceus. Il serait très surprenant qu’un b lient fût absolument indispensable au Sphœrulites foliaceus pour soulever sa valve supérieure, tandis que le Radiolites Jouan- / , dont la coquille offre d’ailleurs tant d’analogie avec celle du Sphœrylites Joliaceus, aurait recours à un tout autre moyen pour d< terminer le même mouvement. Le Radiolites joliaceus, Lamarck, a été décrit pour la première fc is par J.-C. Delamétherie, dans le tome LXI du Journal de phy- sique (1805, p. 396), mais sans recevoir d’autre nom que celui de iSphérulite. Voici d’ailleurs comment Delamétherie a résumé les caractères de cette curieuse coquille : « Sphérulite. Coquille bivalve , inéquivalve, sphêrico-comprimée ; n valve inférieure agariforme , pédi culée ; valve supérieure circu- I » laire , plate, légèrement bombée t point de charnière ; manteau » intérieur dans chaque valve , f aisant dans chacune un repli çonsi- | » dérable , sans adhésion d’une valve à Vautre. Animal adhérent aux I » deux valves. » L’espèce avait été longtemps auparavant figurée d’une manière . assez reconnaissable par Bruguière dans l’Encyclopédie métho- dique [ Di et . des vers, t. 1, pl. 192, fig. 7, 8, 9 (1792)], mais sans être décrite. Le premier nom spécifique qui lui a été imposé est celui d efoliacea, par lequel Lamarck a désigné cette coquille dans I son Histoire naturelle des animaux sans vertèbres [t. VI, p. 232 E i (1819)]. En 182d, M. de Blainville (. Dict . des sc. nat., t. XXXII, 1 I p. 305) substitua le nom d’ agaric if or mi s à celui de foliacea déjà donné par Lamarck. L’auteur de la Paléontologie française a adopté le nom d’ agariciformis sous le prétexte que ce nom avait, 1e dès 1805, été donné par Delamétherie. Or, nulle part, dans sa description, Delamétherie ne s’est servi d'un pareil nom pour SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. S/i désigner cette coquille; il l’a simplement appelée la Sphérulite. On doit donc reprendre le nom spécifique proposé par Lamarck, comme étant le plus ancien qui ait été imposé à cette espèce. C’est à l’aide d’un moule intérieur (birostre) de cette espèce que M, Deshayes est parvenu à découvrir la place des muscles et l’existence de la charnière des Sphérulites. Le Sphœmlites joliaceus a été figuré en 1840 dans le grand ouvrage de Goldfuss ( Petrcf, \ germ. , pl. 16 A, fig. 1), et en 18/17 dans la Paléontologie française (Tcrr. crét ., vol. IV, p. 200, pl. 5AA, 5Zt5). J’ai pensé néanmoins qu’un nouveau dessin de cette coquille offrirait quelque intérêt aux naturalistes, attendu que les figures de l’Encyclopédie méthodique, du grand et bel ouvrage de Goldfuss,et celles de la Paléontologie française, ne représentent pas avec une exactitude suffisante la disposition des lames de tissu vitreux qui composent l’arête cardinale, et indiquent d’une manière très vague les parois de la cavité (Y). Le Sphœmlites joliaceus se rencontre dans les assises inférieures de la craie chloritée du sud-ouest de la France. On la trouve à l’île d’Aix, à Fourras, à Pons, dans le département de la Cha- rente-Inférieure, et aux environs d’Angoulême et de Cognac. A l’île d’Aix, les individus sont fréquemment, en tout ou en partie, convertis en silex calcédonieux. Explication de la planche. Valve inférieure, de grandeur naturelle, dont les lames externes sont brisées à une petite distance de l’ouverture. Cet individu, prove- nant de l’île d’Aix, a été généreusement offert à la collection de l’École des mines par M. Beltremieux. (A) L’arête cardinale. (V) La cavité qui termine cette arête, et dont la dimension est va- riable suivant les individus, mais qui existe dans tous. (E) Impression musculaire du côté droit, plus rapprochée du bord antérieur que du bord cardinal. (D) Impression musculaire du côté gauche. (G) Alvéole de la dent cardinale droite, montrant sur sa face posté- rieure l’arête saillante qui pénètre dans une rainure de la dent cor- respondante. (F) Alvéole de la dent cardinale gauche ; elle est plus grande que l’autre. Dans chacun des deux alvéoles est restée engagée l’extrémité de la dent cardinale correspondante. (M) Cavité antérieure, qui recevait une grande partie de l’animal. Les lames internes, de tissu nacré, étant en partie brisées en arrière de l’impression musculaire (E) du côté droit, on distingue très nette- E.delaSoc.Gèol. de France Boie de M.ÆViette . 2e Série lT.ÂllIlPIII,Page 85 . s I i- I f, dûs. im lie [m bord poslé' t corî le fl ïéfliil 0ii arrièd inetlf /. Fiancera/ Z-6. 7. _ oLcwnùzatay UwogaXa . Aforr. &ùLy& . vejpcts. T)e,?loi'iy . S //. Evustoirux/ iuiïeradosoL ' 1% 13. Buuunurn/ sü^on^oid-Os . Ljqis.K. Ib . Rostedlaj''ia/ fissurdla/. L.m.K -Z7. Rs.tisJZwLrlL Bule la Soc. Géol. de France Hôte de MEÎ. Fie tte . 2e Série I.IKIII,P1. III, Page 8.5 . Imp.Lemercier, Paris Pterocerou multistricDco' gothycas — : Ixcai'uis . Des long . Viguss7ieiii. 10- a. 13-1$ . 16- 1S . 16-31. Pteroceras 1-30. Pteroceras turrùco âoussezl'. granalosay. BervdleD ùxcegciïstrùitas gp- Pfœrocera/ 4Z 8. mo Hùô&i tV.' . trûiùgùtatcu. irtuié1 . cirru,r , Deslong . S'LfS.Pt&rocer-a, pe/tiruUa, . 'W. fUumru/era/ . fâ-/7. cameluj //. triprachzccUs . il! de la "So'c. Géol de Fraïicfe . Noie de fl Ed. Pie (te m ■ Ptero car as Tb^que/mr . l-ô- _ Couloms. 7- _ Hefb&rtl . & ■ ïïurwi'vLs . — tricuspidata //_ El. Pterooeras 13. 11. /£/7 ___ fS. • ' 2e Série T.M,PlY,Page 8 irwrnata/. i^otundar. 'cirrus . Deslong. liaZata/. striata/ . * SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 85 ment les lignes concentriques avec le bord de l’ouverture, suivant lesquelles les différentes couches extérieures du test se raccordaient avec les lames internes. M. Hébert lit la note suivante de M. Édouard Piette : ■ Notice sur les coquilles ailées trouvées dans la grande oofitfie de V Aisne, des Ardennes et de la Moselle , par M. Édouard Piette. Les coquilles ailées forment une des familles les plus remar- quables parmi les mollusques. Les espèces dont elle se compose sont ordinairement de moyenne dimension; il y en a de fort grandes ; je n’en ai jamais vu de microscopiques. On les réunit I généralement en plusieurs groupes, sous les dénominations de Strombes, de Ptérocères, de Rostcllaires et de Chenopus ; mais il y a tant de passages d’un genre à un autre, qu’il est bien difficile d’établir sur les caractères des coquilles des divisions naturelles. On est généralement d’accord sur les caractères des Strombes; leur aile simple et leur canal respiratoire fort court les font distin- guer assez facilement des Ptérocères auxquels ils ressemblent | beaucoup. j Les paléontologistes sont aussi généralement d’accord sur les caractères des Chenopus ; l’animai, quand il est vivant, diffère de celui des Rostellaires ; mais, quand il a disparu, il est assez difficile de distinguer un Chenopus d’une autre coquille ailée. On le recon- naît ordinairement à son aile épaissie, digitée, et à son canal res- piratoire tordu sur lui-même. Ces caractères ne sont pas tellement | invariables que l’on ne se trouve quelquefois fort embarrassé pour | classer certaines coquilles dans un genre ou dans un autre, et je J pourrais citer beaucoup de fossiles rangés parmi les Ptérocères, qui ont quelque caractère des Chenopus : par exemple, le Pteroccra Bcndeyi , Morr. et Lyc. , présente un large canal tordu sur lui— | même ; le Pteroccra tridigitata, nob., a les digitations aussi I épaisses que les Chenopus les moins délicats, et il y en a beaucoup ! d’autres dont on pourrait dire la même chose. I Mais les genres sur lesquels on diffère le plus d’opinion sont les ! Ptérocères et les Rostellaires. Plusieurs paléontologistes ne veu- I lent pas reconnaître le genre Ptérocère ; d’autres donnent le nom de Ptérocère à un fossile qui est désigné ailleurs sous le nom de Rostellaire, et la plus grande confusion règne dans la nomencla- ture. Cette confusion vient de ce que ces deux genres ne sont pas 86 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. bien tranchés dans la nature, et qu’un grand nombre d’espèces étant sur leur limite empruntent des caractères à l’un et à l’autre. \ Elle vient aussi de ce que ces caractères ont été mal définis. Voici à mon avis les différences qui doivenl servir à caractériser ces deux genres. Les Rostellaires ont ordinairement la spire longue, lisse ou orne- mentée, à la manière des Fuseaux. Les Ptérocères, quoique affectant parfois des formes allongées, ont ordinairement la spire courte, lisse ou striée en travers. Leur dernier tour est toujours caréné ou pourvu de fortes côtes trans- versales. Ces carènes et ces côtes se bifurquent souvent et forment en se prolongeant des digitations qui sont tantôt séparées les unes des autres, tantôt réunies de telle manière qu’elles ressemblent aux nervures d’une feuille ou aux doigts d’un palmipède. Les Rostellaires ont le bord de l’aile lisse et uni. Les Ptérocères ont le bord de l’aile festonné et tranchant. Les Rostellaires ont le canal droit et effilé. Les Ptérocères ont presque toujours le canal long et recourbé. Les Rostellaires ont une échancrure entre le canal et l’aile. Cette échancrure les rapproche des Buccins, des Olives et des Ampul- laires. Afin que l’on saisisse mieux cette ressemblance, j’ai dessiné (PL II, fig. 12, 13, 14 et 15), le Buccinum stromboicles, Lamk., le Rostellaria fissurella, Lamk., et le Rostellaria canalis , Lamk, Il manque fort peu de chose à la coquille du Buccinum stromboicles , fig. 12 et 13, pour ressembler complètement à celle d’une Rostel- laire ordinaire. Que l’on suppose son bord libre un peu déroulé, allongé postérieurement et venant s’appliquer contre la spire, et l’on aura une coquille présentant tous les mêmes caractères que le Rostellaria fissurella , fig. 14, et le Rostellaria can a l is , fig. 15. L’aile des Ptérocères n’est pas séparée de leur canal par une échancrure, niais par une simple sinuosité (voir le Pterocera lœvi- j gata, Mort*, et Lyc., PL II, fig. 2-6); ou, si elle en paraît séparée par une échancrure comme dans certaines espèces digitées, dans le Pterocera trüîigitata , nob., PL IV, fig. 4-7, par exemple, ou dans le Pterocera Heberti, PL IV, fig. 1-3, cette échancrure ne doit être attribuée qu’à la disposition de l’aile ; elle se reproduit entre toutes les autres digitations, et elle ne modifie en rien le canal, ne l’effi- lânt pas et ne nuisant en rien à sa largeur et à son développement. Les Ptérocères ont ordinairement la columelle lisse, dépourvue d’encroûtement, tandis que les Rostellaires l’ont le plus souvent calleuse. Les digitations ou les nervures de l’aile des Ptérocères sont SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 87 orditiâire nient creusées en gouttières; on n’observe rien de sem- blable sur l’aile des Ptéroeères. Enfin, quand l’aile se forme chez les Rostellaires, l’animal cesse ordinairement de croître. 11 n’en est pas de même des Ptéroeères ; ils forment souvent trois ou quatre ailes successives. Ces ailes cor- respondent à des temps d’arrêt dans la croissance de l’animal, après lesquels il reprend une nouvelle vitalité et continue à grandir, j Ces temps d’arrêt ne sont pas des accidents ; ils ont lieu fort régtt- i lièrementdans certaines espèces. Dans le Pterocera lœvigata, Morr. et Lyc., PL -11, fig. 2-6, par exemple, ranimai adulte â toujours | trois ailes. Le nombre des ailes est un des caractères qui peut aider i le plus puissamment à séparer les diverses espèces de Ptéroeères, I tant on y remarque de régularité. Parmi tous ces caractères, les seuls que je regarde comme inva- j riables pour les Ptéroeères sont les carènes ou côtes du dernier ! tour et le bord festonné et tranchant qui termine l’aile. Outre les genres Stromhe, Chenôpus, Rostellaire et Ptéiocèré, il y a encore parmi les coquilles ailées un cinquième genre dont j’ai indiqué les caractères l’été dernier dans une communication i que j’ai faite à la Société géologique : c’est le genre Eustotna. Les Eustoma se rapprochent des Rostellaires par leur forme allongée, par les ornements de leur spire et par l’épaisseur de leur aile. Comme elles ils ont le bord de cette aile lisse et uni, un petit canal à la partie postérieure de l’aile et un canal antérieur presque droit (voy. PL II, fig. 10 et 11). Ils se rapprochent des Ptéroeères par l’absence complète d’échan- crure à la base de l’aile. Ils diffèrent de tous les deux par la forme ronde de leur bouche, par la présence d’une seconde aile opposée à la première sur la cohunelle, et par le prolongement de ces deux ailes jusqu’au bout du canal, prolongement qui enferme comme entre deux murailles la partie de l’animal qui loge dans le canal, j II y a sur la limite des genres Ptérocère et Rostellaire des I espèces qui participent à la fois des caractères de l’un et de l’autre, j Tel est le Pterocera camelus j nob., PI IY, fig. 15-17 ; tel est le j Pterocera vespa , PL II, fig. 7, e. c.t. Ils ont le canal droit et j court comme les Rostellaires, et l’on remarque même entré le I canal et l’aile une sinuosité qui peut passer pour une échancrure. Enfin, ils ont simplement des côtes transversales au dernier tour au lieu de carènes. Les espèces qui se rapportent à ce type sont assez nombreuses ; on pourrait les grouper en un genre nouveau qui aurait la caractéristique suivante : canal droit, non effilé, 88 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. échancrure large et peu profonde entre l’aile et le canal. Colu- melle gibbeuse, dernier tour orné de côtes transversales c|ui for- ment les nervures de l’aile ; aile palmée; bord de l’aile festonné et tranchant. La création de ce genre permettrait de limiter parfaitement le genre Ptérocère et le genre Rostellaire ; il n’y aurait plus de con- fusion possible. Toutefois, il m’a semblé préférable de ranger les coquilles qui en feraient partie parmi les Ptérocères. La largeur et la place de l’échancrure qui n’entame pas le canal, la grosseur de ce canal, la forme de l’aile qui est nervée et qui se termine par un bord festonné et tranchant, la gibbosité de la eolumellc qui annonce un léger temps d’arrêt dans la croissance de la coquille, une velléité de pousser une aile, enfin, la présence de côtes transver- sales remplaçant les carènes du dernier tour, m’ont paru donner des raisons suffisantes pour les rapprocher des Ptérocères. MM. Morris et Lycett, dans leur ouvrage sur la grande oolithe de Minchinliampton, ont divisé en deux le genre Ptérocère et ont fait d’une de ces sections le genre Alaria. Les Alaria sont des Ptérocères qui n’ont pas de canal posté- rieur et dont la columelle n’est pas encroûtée. Leur aile en s’ap- pliquant contre la spire ne dépasse pas ordinairement les deux derniers tours. Ils ont la faculté de former plusieurs ailes succes- sives pendant le temps d’arrêt de leur croissance. S’il fallait adopter cette division, on devrait réserver le nom de Ptérocère aux espèces ayant une forme analogue à celle du Pterocera poly- poda , Buv., et du Pterocera moseasis , Buv., et ranger parmi les Alaria toutes les coquilles que je décris comme Ptérocères. On conviendra, si l’on compare ie faciès du Pterocera mosensis avec celui des fossiles qui font l’objet de la présente communication, que ce n’est pas sans quelque raison, que MM. Morris et Lycett ont créé le genre Alaria. Cependant, si l’on y réfléchit bien, on verra qu’il n’y a entre ces genres qu’une différence véritable: c’est que l’aile des Ptérocères s’applique contre la spire par une digita- tion, tandis qu’il n’en est pas de même pour les Alaria , et c’est là plutôt une. différence de forme qu’une différence fondée sur des caractères d’organisation. Je ne crois donc pas devoir l’admettre. On sera peut-être étonné que, dans le grand nombre de coquilles ailées que je décris, il n’y ait pas de Rostellaires. Ce n’est pas que je veuille dire que l’on n’en trouve pas dans les terrains juras- siques. Je range dans ce genre plusieurs fossiles jurassiques assez mal caractérisés, le Pterocera euryptera , Buv., par exemple; mais les Rostellaires forment un type assez récent dont semblent 89 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. s’ éloignée les coquilles à mesure qu’elles appartiennent à une épo- que plus ancienne, et je ne puis comprendre dans ce genre une foule de Ptérocères (comme le font cei tains auteurs), les uns parce qu’ils ont le canal droit, les autres parce qu’ils ont la spire allongée. Je ne puis concevoir, par exemple, par quel motif M. Buvignier a fait du Ptcrocera tenuidactyla un Ptérocère, tandis qu’il a fait du Ptemcera barrensis une Rosteliaire. Il n’y a aucune différence générique entre ces deux espèces, sinon que la spire du premier étant plus courte que celle du second, la digitation qui s’applique contre elle en dépasse le sommet. Pour moi, ces deux espèces sont de véritables Ptérocères. Je range dans le même genre le Rostellaria anatipes , le R. Demogcnita , le R. Gcmlordea , le R. angulïco stcila , le R. Donisea, le R , Deshayesia , le R. wo- sensis , le R. Raulinea , le R. longiscata et le R. muta, du même auteur. DESCRIPTION DES ESPÈCES. GENRE PTÉROCÈRE. Ptcrocera tridigitata , PI. IV, fig. U, 5, t) et 7. Coquille fusiforme ayant sept ou huit tours carénés et lisses. Le dernier a deux carènes. Bouche subquadrangulaire. Columelle simple. Aile formée par deux digitations carénées sur le côté exté- rieur, et creusées par un sillon sur le côté qui regarde la bouche. La digitation postérieure remonte vers le sommet de la spire en décrivant une courbe, et se termine en pointe ; la seconde descend d’abord en ligne droite, décrit deux festons, puis se relève tout à coup en s’amincissant et en formant une courbe. Le canal est long et large; il descend d’abord presque en ligne droite, et se relève ensuite subitement, de sorte qu’il forme un crochet. La forme des digitations est la même chez tous les individus, mais la spire est plus ou moins allongée. Cette coquille et plusieurs autres que je décrirai dans cette j communication forment un groupe bien distinct, caractérisé par ses digitations épaisses et séparées les unes des autres. On les a toutes confondues jusqu’à présent avec le Ptemcera trifida de l’Oxford-clay ; mais elles n’ont de commun avec lui que le nombre de leurs digitations. On trouve cette espèce en grande abondance à Rumigny, dans les calcaires marneux; on la rencontre encore à Aubenton, à Eparcy, et dans beaucoup d’autres localités. 90 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. La figure 7 représente un individu roulé, et encroûté par un bryozoaire. J’ai cru devoir le dessiner, parce que c’est presque tou- jours sous cette forme que ce fossile se présente. Pterocera tricuspidota , PL Y, fig. 9 et 10. Coquille turriculée ; tours carénés; le dernier a deux carènes, qui se prolongent sous la forme de deux digitations. La digitation postérieure remonte vers la pointe de la spire. La seconde des- cend d’abord pour remonter ensuite, en décrivant divers festons. Canal mince, formant presque un angle droit, en se recourbant en arrière. On remarque sur chaque tour une strie transversale située entre la carène et la suture antérieure. Le reste de la coquille est lisse. Cette coquille ressemble beaucoup au Pterocera tridigitata ; mais elle est plus courte ; elle a une strie que l’on ne remarque jamais sur celui-ci ; et la direction de son canal est toute différente. Elle vivait à l’époque qui a suivi le dépôt de l’oolithe miliaire. On la trouve en grande abondance dans les calcaires jaunes que l’on voit à la base des calcaires blancs dans la vallée de Bordeux. La figure 10 représente une portion du fossile grossi. Pterocera Heberti , PL IY, fig. 1, 2 et 3 ; PL P, fig. 7. Coquille fusiforme, turriculée ; spire formant un angle convexe. Les huit premiers tours sont lisses et convexes; ils croissent lente- ment. Ce n’est que vers le septième, que la coquille prend son développement. Les trois derniers sont carénés vers le milieu. Ils sont couverts postérieurement de stries fines et transversales; entre la carène et la suture antérieure , on remarque deux fortes stries transversales. Le dernier tour a deux carènes. Aile formée par des digitations qui sont le prolongement des carènes. La pre- mière se relève en formant une courbe vers le haut de la spire. La seconde descend presque en ligne droite, et se termine en fer de lance. Un sillon traverse le milieu de ces digitations du côté de la bouche. Sur le dernier tour, en regard de l’aile, on distingue une épine qui orne la carène postérieure. Columelle calleuse. Ca- nal long, recourbé en avant, et orné par-dessus de stries transver- sales. La variété, figurée PL Y, diffère du type, figuré PL IY, par la longueur de l’épine columellaire. La figure 3, PL IY, représente une portion du fossile grossi. Cette espèce n’est pas rare dans les calcaires marneux de Rumigny etd’Eparcy. * li 91 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. Pterocera Sim un is , pl. IJ, fig. 8. Coquille fusiforme, composée de tours lisses. Les premiers sont convexes et croissent lentement; les trois derniers prennent un l grand développement ; ils sont carénés vers leur milieu ; le der- nier est bicaréné. Aile formée par deux digitations qui sont creu- sées en gouttière du côté de la bouche. Canal large, long et légè- rement rejeté en arrière. Cette espèce est voisine du Pterocera Heberti. Elle en diffère par les gouttières de ses digitations, par la direction de son canal et par l’ absence de stries. Elle vivait dans les mers qui ont formé le dépôt des calcaires marneux. On la trouve à Rumigny où elle est rare. Pterocera lœvigata , Morris et Lycett, Pl. II, fig. 2, 3, h, 5 et 6. Coquille fusiforme ; tours convexes et lisses. Le dernier est orné de stries fines et de deux carènes. La carène postérieure est sur- j montée de deux digitations épineuses qui ont été formées par l’animal pendant lés temps d’arrêt de sa croissance. La première digitation n’est quelquefois qu’un tubercule épineux. Lâ seconde a la forme d’une épine; elle est toujours assez longue. Cette co- quille se termine par une aile formée par deux digitations recour- bées qui sont le prolongement des deux carènes. Bouche suhqua- drangulaire. Canal long, légèrement recourbé en arrière pendant le jeune âge. Il est à remarquer que les adultes de cette espèce ont toujours trois ailes successives qui correspondent à d’anciennes bouches. Les figures 3 etZi, Pl. II, représentent un Pterocera lœvigata très jeune. Il n’a pas encore eu de temps d’arrêt dans sa croissance. La figure 5 représente un individu plus âgé ; il a déjà formé une aile; il va en former une seconde. Les figures 2 et 6 représentent des adultes. L’horizon de ce fossile s’étend depuis les calcaires blancs infé- rieurs jusqu’aux calcaires marneux coquilliers. On le trouve à Eparcy, dans les calcaires coquilliers, où il est rare. On le ren- contre à la Cour des présj commune de Rumigny, dans les calcaires blancs supérieurs ; il y est très commun. Enfin, on en voit de nom- breuses empreintes dans les calcaires blancs inférieurs de Laval d’Estrébay. 92 SÉANCE OU 19 NOVEMBRE 1855. Pterocera tribrachialis , Pi. IV, fi g. 18. Coquille fusiforme, turriculée ; tours de spire convexes et en- tièrement lisses. Le dernier a deux carènes, qui forment, en se pro- longeant, deux longues digitations dont la coupe est triangulaire. La première se relève vers le haut de la spire; la seconde se dirige en sens contraire. Canal très long, formant une courbe légère, et orné de stries arquées, à peine visibles. Sur le dernier tour, on voit quelques stries d’accroissement. La première carène paraît épineuse, mais le test manque dans mon échantillon à la place où devrait être l’épine. C’est une des nombreuses espèces que l’on a confondues sous le nom de Rostellaria trifida . UAlaria trijîda , pl. 3, fig. 11,7, de MM. Morris etLycett me paraît appartenir à l’espèce que je décris. En comparant cette figure à 1 ' Alaria trifida , fig. 11, llùetllc des mêmes auteurs, on est étonné qu’ils aient réuni, sous une même dénomination, des individus qui paraissent n’avoir rien de com- mun. Déjcà les figures du Rostellaria trifida , données par M. Des- ion gehamps dans les Mémoires de la Société linéenne de Norman- die, vol. V, pl. 9, fig. 28, 29 et suivantes, sont très dissemblables, et appartiennent à des espèces différentes. Je serais curieux de voir les individus qui relient les unes aux autres les prétendues variétés dont ces auteurs ont donné les figures. J’ai trouvé dans la grande oolithe de Rumigny plus de cent fossiles appartenant aux espèces confondues sous le nom de Rostellaria trifida ou Rostellaria bisjji -■ no sa. J’ai rencontré des individus semblables à ceux qui ont été figurés par ces auteurs; mais nulle part je n’ai vu de variété inter- médiaire les reliant les uns aux autres. J’ai reconnu que parmi ces prétendues variétés la plupart sont de véritables espèces, et je pré- sente cette opinion avec d’autant plus d’assurance que nulle part, je pense, on ne trouve, dans la grande oolithe, une quantité de Ptérocères comparable à celle que l’on rencontre dans les gisements de Rumigny. Je laisserai donc le nom de Pterocera trifida auPtéro- cère de l’Gxford-clay, dont M. Beslongchamps a donné d’excel- lentes figures, et je donnerai des noms différents aux espèces dis- tinctes de la grande oolithe. Je rapporte à l’espèce que je décris le Ptérocère figuré par MM. Morris et Lycett sous le nom N Al aria trifida , figure 11 a, et je propose de donner le nom de Pterocera Morrisea à l’individu figuré par ces auteurs sous le même nom, pl. 3, fig. 11, 11 b, et 11c. Cette espèce vivait à la même époque que la Nerinea paie lia. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 93 Je l’ai trouvée à Eparcy dans une des carrières de la vallée de la Bachelette. Elle est très rare. Pterocera multistricita , Pl. III, fig. 1, 2 et 3. Coquille turriculée, fusiforme; tours carénés, couverts de stries transversales et régulières. La strie qui accompagne la suture est légèrement proéminente. Le dernier tour est bicaréné ; la carène postérieure est la plus grande; elle est quelquefois épineuse sur le côté columellaire. On trouve cette coquille à Tellancourt (Moselle), dans la grande oolithe. Elle n’est pas rare. La figure 3 représente une portion du fossile grossi. Pterocera Bervillei, Pl. III, fig. 16, 17 et 18. Coquille fusiforme, turriculée. Spire formant un angle concave. Tours nombreux fortement carénés, couverts de stries fines trans- versales et régulières. Le dernier tour prend un grand développe- ment. Cette espèce ressemble au Pterocera pagodus , Morr. et Lyc., fig. 6, pl. 3 ; mais ses tours croissent plus rapidement, ses carènes ne sont pas crénelées, et l’on ne remarque pas qu’il y ait près de la suture deux stries plus accentuées que leurs voisines. La figure 18 représente une portion grossie du fossile. Cette espèce vivait à la même époque que la Nerinea patelin. On la trouve dans les gisements de la Cour des prés, commune de Aumigny. Elle n’y est pas rare. Pterocera turrita , Pl. III, fig. 22, 23 et 2/*. Coquille turriculée, carénée vers le milieu de ses tours, et cou- verte de fines stries transversales. Le dernier tour a deux carènes. Je ne possède que le jeune de cette espèce, de sorte que je ne puis dire comment son aile est faite. Il ressemble à une Chemnitzia ; mais la présence d’une carène sur tous ses tours, et de deux carènes sur le dernier, ne peut laisser aucun doute sur sa classification dans le genre Ptérocère. Cette espèce, fort voisine du Pterocera Bervillei , dont elle n’est peut-être que le jeune, en diffère par rallongement de sa spire, qui forme un angle régulier, et par l’épaisseur de ses carènes. On la trouve, à Aumigny, dans les calcaires marneux où elle est rare. La figure 2ft représente une portion du fossile grossi. 9â SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. Pterocera Couloni , PI. Y, fi g. k, 5 et 6. Cette espèce que j’ai dédiée à M. Coulon, président du tribunal de Rocroy, a la spire turriculée et formant un angle régulier. Ses tours sont carénés et couverts de fines stries transversales. Le der- nier a deux carènes. Elle a les plus grands traits de ressemblance avec le Pterocera Bervillei dont elle ne diffère que par la régularité de son angle spiral, par l’inclinaison de ses carènes , et par le développement moins grand de ses derniers tours. Elle était contemporaine de la Nerinea patella ; on la trouve dans les gisements de la Cour des prés. La figure 6 représente une portion de ce fossile grossi. Pterocera pectinata , PI. IY, fig. 11, 12 et 13. Coquille turriculée, fusiforme ; tours de spire ornés de stries fines et d’une forte carène qui est couverte de petits nodules. Le dernier tour a deux carènes dépourvues de nodules. Celle qui est à sa partie postérieure se relève en pointe sur le côté opposé à l’aile. Le Pterocera p a goda, Morr. et Lyc. , ressemble à celui-ci ; mais ses carènes ne sont pas noduleuses ; celles du dernier tour seule- ment sont crénelées irrégulièrement, et elles sont dépourvues d’épines. On trouve ce Pterocère dans les calcaires marneux de Rumigny. Il est rare. Pterocera granulosa , PI. III, fig. 13, \U et 15. Coquille turriculée, composée de tours carénés. La carène des premiers est ornée de fines granulations droites, allongées, et très rapprochées les unes des autres, qui disparaissent sur la partie an- térieure de la coquille. A la partie postérieure de chaque tour, on voit deux stries transversales le long de la suture. Entre la carène et la suture antérieure, la coquille est striée, et l’on observe trois stries proéminentes. Le dernier tour a deux carènes. Dessous du dernier tour lisse. On trouve cette coquille dans les calcaires marneux d’Eparcy. Elle est rare. Pterocera Gousseti , PI. III, fig. 10, 11 et 12. Coquille turriculée, composée de tours carénés. Les carènes sont SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 95 ornées de petites côtes longitudinales obliques. De nombreuses stries parcourent transversalement ce fossile. Les stries qui accom- pagnent la suture sont proéminentes. J’ai dédié cette coquille à Mgr l’archevêque de Reims. On la trouve dans la grande oolithe de Tellancourt. Elle n’est pas rare. Pteroccra Viquesneli , PI. III, fi g. 8 et 9. Coquille turriculée, allongée, composée de tours nombreux, transversalement striés et carénés. Entre la suture antérieure et la carène, on remarque quatre stries proéminentes. Les carènes sont légèrementplissées dans le sens longitudinal ; dernier tour bicaréné. Cette coquille a de grands rapports avec le Pteroccra Gousseti ; mais ses carènes sont moins proéminentes, ses stries sont autre- ment disposées et sa spire est beaucoup plus étroite. On la trouve à Tellancourt. Pteroccra h a mus , Deslong., PI, III., fig. 6 et 7. Coquille turriculée ; tours nombreux, carénés, ornés de nom- breuses stries transversales et de côtes longitudinales qui se termi- nent en pointe sur la carène. Dernier tour épineux, bicaréné et dépourvu de côtes sur le côté columellaire ; sa carène postérieure est plus grande que sa carène antérieure. On la trouve à Tellancourt dans le terrain bathonien ; elle y est assez abondante. MM. Morris etLycett l’ont recueillie à Minchin- hampton; M. I -eslonchamps l’a rencontrée à Ranville dans la grande oolithe, à Bayeux et aux Moutiers, dans Foolithe infé- rieure. Pteroccra gothica, PL III, fig. U et 5. Coquille turriculée, allongée; tours légèrement carénés vers leur milieu, ornés de fines stries transversales et de minces côtes longitudinales. Dernier tour bicaréné et transversalement strié. Collumelle légèrement calleuse. On trouve cette élégante coquille à Tellancourt. Elle n’est pas rare. Pterdcera cirrus , Deslong., PL IY, fig. 9 et 10 ; PI. Y, fig. 1^. Coquille turbinée. Spire composée de huit ou neuf tours con- vexes. Les premiers sont lisses et croissent fort lentement. Les 96 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. deux derniers sont carénés et couverts de stries transversales. Le dernier est bicaréné. Entre les deux carènes on remarque deux stries proéminentes. Canal court, presque droit. Cette coquille, dont M. Deslongchamps a trouvé à Langrune un spécimen fort imparfait, n’est pas rare dans les calcaires marneux de Rumigny. On la trouve aussi à Eparcy. La figure l/j, PL V, représente une variété non striée. Pterocera rotunda , PL Y, fig. 13. Coquille fort courte. Tours convexes; les premiers sont lisses ; le dernier est couvert de fines stries transversales. Canal très court, bouclie assez large. Voisin du Pterocera i nom ata, il en dif- fère par ses stries et par la petitesse de son canal. On trouve cette coquille dans les calcaires marneux de Rumi- gny. Elle est rare. Pterocera inornata, Pl. Y, fig. 11 et 12. Coquille fusiforme; spire courte; tours convexes et lisses. Sur le dernier on distingue à peine deux carènes mal marquées ; bouche large; canal large, long, et presque droit. Aile inconnue. Cette espèce voisine du Pterocera ignobilis[ Morr. etLyc.) en dif- fère par sa forme et par la longueur de son canal. Elle a vécu à l’époque où se déposaient les calcaires marneux. On la trouve dans les gîtes de l’Hopitat, commune de Rumigny, où elle est rare. Pterocera acunt inata* PL II, fig. 1. Coquille turriculée, terminée en pointe; tours nombreux, crois- sant rapidement. Les premiers sont lisses et convexes; les derniers présentent quelques stries transversales. Le dernier est bicaréné, large et épineux sur le côté columellaire. On le trouve dans les calcaires marneux de Rumigny. Assez rare. Pterocera in'ceqm striata , Pl. III, fig. 19, 20 et 21. Coquille turriculée; spire ayant les premiers tours convexes et lisses. Les deux derniers sont carénés et couverts de grosses stries transversales alternant avec des stries beaucoup plus fines. Dernier tour bicaréné ; côté columellaire épineux. On trouve cette coquille dans les calcaires marneux de Rumi- gnv. Elle est très rare. SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 97 Pteroccra Bourjoti , PI. Y, fig. 19. Coquille fusiforme, composée de tours convexes et croissant peu rapidement ; les deux derniers sont carénés; le dernier a deux ca- rènes. L’aile est formée par deux digitations reliées entre elles par le test. .Te ne possède qu’un seul individu appartenant à cette espèce ; il a le canal cassé, et tout son test est couvert par un bryozoaire fort mince qui en laisse voir toutes les formes, mais qui défigure un peu l’extrémité de l’aile. On le trouve cà Rumigny dans les calcaires marneux ; il est rare. Pterocerci Tcrquemi , PI. Y, fig. 1, 2 et 3. Coquille fusiforme, composée de sept ou huit tours de spire ca- rénés et ornés de stries transversales à peine visibles. Entre la carène et la suture antérieure, on observe une faible strie trans- versale qui se trouve au milieu de deux autres stries beaucoup plus grosses, et une rangée de côtes longitudinales qui se termine en pointe sur la carène. Sur le dernier tour on remarque cinq côtes granuleuses qui forment, en se prolongeant, les nervures de l’aile. Trois de ces côtes se prolongent plus loin que les autres. Bouche étroite; canal assez long, strié et presque droit; columelle lisse. On rencontre cette belle espèce à Tellancourt, près Longwy. Pterocerci brcvis , PL 1Y, fig. 8. Cette coquille, dont je ne possède que le moule intérieur, a la spire fort courte. Les premiers tours sont convexes ; le dernier est caréné. Sa carène se prolonge sous la forme d’une aile assez large et terminée en pointe. On le trouve dans les calcaires marneux de Rumigny. — Rare. Pteroccra flammijera , PI. IY, fig. lù. Coquille lisse, courte, fusiforme, composée de tours convexes. Le dernier a deux carènes qui deviennent légèrement épineuses sur le côté columellaire. Le canal est long; l’aile a la forme d’une banderolle plus large à la fin qu’au commencement. Elle se ter- mine par deux pointes. Cette espèce vivait à l’époque où se sont déposés les calcaires marneux. On la trouve à Rumigny. Elle est très rare. Soc. géol.} %e- série, tome XÏTL 7 98 SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. P ter a car a striata , PI. Y, 5g. 18. Coquille fusiforme ; tours convexes, couverts de stries transver- sales très fines et très nombreuses, carénés vers leur milieu. Sur le dernier, entre la columelle et l’aile, on observe une grosse épine à partir de laquelle la carène se bifurque et devient moins appa- rente. Columelle lisse; bouche subquadrangulaire. On le trouve dans les calcaires blancs inférieurs du bois d’Eparcy et dans les calcaires à Terebratula clecorata de Rumigny. — 11 est très rare. Pterocera vespa, Deslong., PL II, fig. 7. Coquille elliptique; spire courte composée de sept ou huit tours étroits et croissant rapidement. Les premiers sont lisses et con- vexes. Les autres sont carénés, couverts de fines stries transver- sales et de côtes longitudinales qui forment une pointe sur la ca- rène ; le dernier tour est couvert de stries fines et de côtes qui forment, en se prolongeant, une aile aux contours festonnés. Le côté columellaire est gihbeux . On y distingue six côtes principales ; bouche étroite ; columelle lisse. On trouve cette coquille à Rumigny dans les calcaires marneux. On la rencontre aussi à Ranville. Elle est assez rare. Pterocera camelus , Pl. IY, fig. 15, 16 et 17. Coquille fusiforme, ventrue ; spire convexe, composée de sept tours convexes. Les cinq premiers sont entièrement lisses ; le sixième a une carène, ou plutôt une sorte de rampe vers le milieu ; le dernier est parcouru par cinq côtes entre lesquelles on voit un nombre plus ou moins grand de stries transversales. Sur certains individus, trois des cinq côtes sont seules bien accentuées; elles se prolongent jusqu’aux extrémités de l’aile dont elles forment les nervures; l’aile décrit différents festons; on y remarque surtout deux pointes où viennent aboutir deux nervures; la première re- monte vers le sommet de la spire ; la seconde va en sens opposé. I ndépendamment de ces deux pointes, il y en a d’autres plus petites où viennent aboutir les autres côtes. De nombreuses stries courent parallèlement aux côtes. Le canal est presque droit ; il se prolonge un peu au delà de l’aile ; bouche subquadrangulaire ; columelle légèrement encroûtée. Près de la columelle, le dernier tour se dé- forme et se renfle en une énorme gibbosité qui a fait donner à cette espèce le nom de camelus . Les côtes y sont plus accentuées que SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1855. 99 sur le reste de ce tour. La seconde côte, en se prolongeant, devient parfois un peu épineuse avant de se développer sur l’aile; mais cette épine n’existe pas sur la plupart des individus. On le trouve à Rumigny dans les calcaires marneux où il est abondant, et au bois d’Eparey dans les calcaires blancs inférieurs où il est extrêmement rare, Ptrrocera bialata , PI. Y, fig, 15, 16 et 17. Coquille turriculée, allongée, formée de huit tours de spire con- vexes, fortement carénés vers le milieu; suture enfoncée. L’unique individu que je possède de cette espèce, quoique ayant les ailes en assez bon état, a la spire très mal conservée, en sorte que je ne puis dire si elle est lisse ou si elle ne l’est pas. La forme des ailes, les traces destries et de plusieurs carènes qui sont restées sur le der- nier tour, tendent à me faire croire qu’elle est parcourue par quelques stries fines parallèlement à la suture. Sur le côtécolumel- laire, on voit une aile opposée à l’aile du bord libre. Elle est for- mée par cinq élégantes nervures réunies entre elles par un test assez mince. La première de ces nervures s’enroule sur elle-même en venant s’appliquer contre la suture du dernier tour. Cette aile est presque lisse du côté qui regarde la bouche. Ce n’est donc pas une aile qui a été formée par l’animal sur le bord libre quand il était plus jeune pendant un temps d’arrêt de sa croissance, car les nervures de l’aile seraient du côté de la bouche. Cette circonstance d’une aile columellaire, opposée à l’aile du labre, m’aurait peut- être déterminé à faire de cette espèce un genre nouveau, si mon échantillon avait été mieux conservé. L’aile du labre est formée par des nervures réunies entre elles par un test très mince. Bouche longue et étroite. On trouve cette singulière espèce dans le calcaire marneux à l’Hopitat, commune de Rumigny. — Très rare. La figure 17 représente l’aile columellaire vue par-dessus. GENRE EÜSTOMA. Eustoma tuberculosa , PL 1, fig. 8, 9, 10 et 11. Coquille allongée, turriculée; spire formant un angle convexe ; tours très peu convexes, ornés d’une rangée de gros tubercules ovales qui, prenant naissance près de la suture postérieure, se pro- longent en 's’effaçant vers la suture antérieure. Sur certains indi- vidus cès tubercules, en se prolongeant vers la suture inférieure de chaque tour, se relèvent avant de s’effacer complètement et parais- 100 S F. A N CE DU I 9 N O Y E M B l\ E J 8 5 5 . sent former une seconde rangée tuberculeuse peu apparente et qui n’est guère visible que sur le dernier tour. Outre quelques stries d’accroissement, on remarque sur les tours de nombreuses stries transversales. Dans les adultes, ces stries ne sont souvent visibles qu’avec la partie supérieure des tours entre les sommets des tuber- cules. Sur le dernier tour, les stries deviennent plus accentuées et plus nombreuses; elles sont de grosseur irrégulière et varient d’un individu à un autre. Bouche arrondie ou en forme d’amande, plus ou moins allongée selon l’encroûtement de son péristome. Sur la columelle on remar- que une expansion aliforme et arrondie. Le dessous de cette aile est couvert de stries qui vont dans le sens de l’accroissement. Le côté qui regarde la bouche est lisse ; il est formé ordinairement par deux ailes successives. La plus petite est appliquée sur la plus grande. Aile du bord libre très épaisse, ayant jusqu’à 5 millimètres d’épaisseur et clans certains endroits jusqu’à 12. Elle s’applique en se creusant et en formant une pointe le long des deux ou trois der- niers tours. Elle se renfle en une énorme gibbosité vis-à-vis de la rangée tuberculeuse du dernier tour. Une multitude de grosses stries entremêlées de stries plus fines rayonnent du dernier tour vers sa circonférence. D’autres stries fines et irrégulières, parallèles au bord de l’aile, coupent les premières à angle droit. Sur le haut de l’aile, on ne voit que des stries parallèles au bord. Bord uni et épais, formant presque un triangle vis-à-vis de la rangée tubercu- leuse du dernier tour. Le côté qui regarde la bouche est lisse ; il semble se dédoubler dans certains individus. Cette disposition est due à l’accroissement de l’aile qui a eu lieu en deux fois. Canal strié, extérieurement et légèrement recourbé ; murailles du canal striées. Les figures 8 et 9, planche II, représentent un individu jeune et n’ayant pas encore de péristome. Le dernier tour est couvert de grosses côtes transversales. Le canal est tordu sur lui-même. M. Desnoyers lit la première partie d’un travail intitulé : Nouvelles observations sur quelques terrains tertiaires du nord-ouest de la France , contemporains des terrains du bassin de Paris. Cette lecture, qui sera continuée dans la séance prochaine, donne lieu aune discussion à laquelle prennent part MM. Tri- ger, Hébert et Ch. Sainte-Claire Deville. SEANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. 101 Séance du 3 décembre 1855. PRÉSIDENCE DE M. ÉLIE DE BEAUMONT. M. P. Michelot, vice-secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Joseph Bianconi, Répertoria per la storia naturelle , anno 1854, in-8, 192 p. Bononiæ. De la part de M. Gustave Gotteau, Eludes sur les Echinides fossiles du département de l’Yonne, 17e et 18° livraisons. De la part de M. Ch. Sainte-Glaire Deville, Carte de la por- tion S. -O. de Vile de la Guadeloupe , levée en 1842, 1 feuille colombier. Paris, J 855, chez Gide et Baudry. De la part de S. Roderick I. Murchison et J. Morris, On tlie palæozoic and their associate rocks of t lie T hürin gerwald and the Harz [from the Quart . Journ . of the géologie. Soc. of London for november 1855), in-8, p. 409-450. De la part de M. Jules Teissier-Rolland, Question des eaux de Nîmes, - — Dérivation du Rhône. — Lettres à V administra- tion locale , in-8, 234. Nîmes, J 855, chez Ballivet. De la part de M. A. Viquesnel, Voyage dans la Turquie d’Europe. — Description physique et géologique delà Tlirace ; texte, lre livraison, in-4, p. 1-64. Paris, 1855, chez Gide et Baudry. Comptes rendus des séances de V Académie des sciences , 1855, 2e sem., t. XLI, nos 21 et 22. Annales des mines , 5e sér., t. Vil , lr® livrais, de 1855. L’Institut , 1855, nos 1142 et 1143. Bulletin de la Société française de photographie , lre année, n° 11, novembre 1855. The Athenæum , 1855, nos 1465 et 1466. Neues Jahrbuch fur Minéralogie , etc., de Leonhard et Broun, 1855, 4e et 5e cahiers. Revis ta minera , t, VI, na 132. 102 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. M. Bayle fait la communication suivante : Observations sur le Radiolîtes Jouannetj, Des Moulins ( sp .), par M. Émile Bayle. M. Charles Des Moulins (1) a désigné sous le nom de Jouanneti une espèce remarquable du genre Radiolîtes , que l’on rencontre dans les couches supérieures de la craie blanche du sud ouest. La structure intérieure de cette coquille était complètement inconnue des naturalistes, lorsque je suis parvenu par l’étude d’un grand nombre d’individus à en découvrir tous les caractères. Les exemplaires qui ont servi à mes recherches ont été offerts à l’École des mines par MM. Coquand et Clément; ils ont été trouvés dans le département de la Charente, dans la carrière même où ces géologues avaient découvert les nombreux individus à' Hippuri tes radio s us. qui m’ont permis de faire sur la structure des coquilles de ce genre les observations que j’ai eu l’honneur de communiquer à la Société dans la séance du 21 mai dernier (2). Presque tous les individus que j’ai examinés étaient privés de leur valve supérieure; d’autres n’en avaient conservé que des lambeaux ; je ne pourrai donc décrire avec détails que la valve inférieure. 1° Valve inférieure — Cette valve est remarquable par l’énorme développement qu’acquièrent les lames externes du test. La forme est d’ailleurs assez variable suivant les individus; dans quelques- uns, les lames sont plus ou moins horizontales, et la coquille devient plus haute que large ; dans d’autres, au contraire, elles s’inclinent vers la surface sur laquelle la coquille était fixée, et elle prend alors la forme d’un cône tronqué au sommet et reposant sur sa base. Cependant le plus grand nombre des individus sont plus larges que hauts, parce que la forme la plus habituelle est celle d’un cône tronqué au sommet. Le sommet organique de la valve inférieure est quelquefois remplacé par un trou plus ou moins grand. La présence de ce trou est due à une circonstance accidentelle. Quand on cherche à détacher la coquille de la surface sur laquelle elle était fixée, les premières lames du sommet restent adhérentes, et se séparent de (1) Charles Des Moulins, Essai sur les Sphérulites, p. 99 (1826). (2) Bayle, Observations sur la structure des coquilles des I-ïippu- rites {Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. XII, p. 772 et suivantes). |ull. de la Soc. Géol. de Pran.ee . Mémoire de M. E. Bayle sur le Radïoliteè Jouanneti. 2 e. Série , T M, PI .VI, Page 102. 3 -B-adiolites Jouanneti . Des Moul, (Sp) lmp . Lemercier , Pans . SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 4855. 103 la coquille en laissant à leur place une ouverture dont la grandeur est très variable. La surface externe des lames est ornée de larges plis qui se dirigent du bord de l’ouverture vers le contour de la coquille. Ces plis sont assez irréguliers; les uns sont simples dans toute leur longueur, tandis que les autres se bifurquent une ou deux fois. Les sillons étroits qui séparent ces plis sont assez profondément mar- qués. La présence de ces plis distingue cette espèce du Radiolites crateriformis , dont les lames ont une surface presque toujours lisse, ou sont quelquefois irrégulièrement, mais faiblement ondu- lées, à ondulations rayonnantes. On remarque aussi sur la surface des lames quelques légers sillons dichotomes rayonnant du bord de L ouverture vers le contour extérieur, et qui indiquent la trace des canaux vasculaires dépendant du bord du manteau du mollusque. Ces sillons ne sont pas cependant aussi profondément marqués que ceux qui s’observent sur la surface externe des lames du Radiolites crateriformis. Les lames sont criblées de cellules pris- matiques, séparées par des parois très minces, et qui rendent le test remarquablement spongieux. Quand l’animal était vivant, ces cellules étaient remplies d’une matière organique. Leur existence démontre que ces animaux ne sécrétaient pas autant de calcaire que l’énorme volume de leur coquille semblerait le faire croire au premier examen. La taille de cette coquille peut être assez grande ; plusieurs des valves que j’ai étudiées mesuraient 25 centimètres de diamètre. Le Radiolites crateriformis , d’après les mesures données par M. Des Moulins, paraît acquérir de plus grandes dimensions. La cavité de la coquille, dans presque tous les individus que j’ai examinés, était remplie par un calcaire friable qui cédait très aisément à l’action du burin. 11 m’a donc été facile d’obtenir des valves complètement vides ; dans toutes ces valves, les couches internes du tissu vitreux avaient été détruites par la fossilisation. Cette circonstance explique pourquoi, dans l’intérieur de la ca- vité (PL Yï, fig. 1)^ on ne distingue ni les impressions muscu- laires ni les fossettes de la charnière ; on y observe simplement, sur toute l’étendue de ses parois, des lignes très fines, irrégulière' ment distantes les unes des autres, et qui sont parallèles au con- tour de l’ouverture. Sur la paroi antérieure de la cavité, on remarque aussi deux saillies obtuses qui descendent dans toute la profondeur de la coquille ; ce sont en quelque sorte les représen- tants des deux piliers des Eippurites . Néanmoins ces deux saillies, qui existent également dans le Radiolites crateriformis , manquent SÉANCE fil! 3 DÉCEMBRE 1855. lOA dans toutes les autres espèces du genre Radiolites dont j’ai pu observer l’intérieur des valves, tels que les R. ingens, Bournoni et cornu- pastoris ; il ne faut donc pas leur attribuer un rôle compa- rable à celui que jouent les piliers des Hippurites , car dans ce dernier genre l’existence des piliers devient un caractère fonda- mental pour toutes les espèces. 2° Moule intérieur. — Quand on étudie les moules intérieurs du Radiolites Jouanneli , on ne tarde pas à reconnaître qu’il y en a de deux espèces. Les uns ont été évidemment formés par des sédi- ments qui se sont introduits, après la décomposition de l’animal, dans l’intérieur de la coquille ayant encore conservé ses deux valves dans leur position habituelle, tandis qne les autres, au contraire, résultent de sédiments accumulés dans la cavité de la valve inférieure d’individus qui avaient déjà perdu leur valve supérieure. Ces derniers moules, qui ne représentent en définitive que celui de la valve inférieure, étaient de beaucoup plus nom- breux que les premiers. Ainsi, sur 70 exemplaires que j’ai pu étudier, 66 avaient des moules de ce dernier genre ; Zj seulement en présentaient de la première espèce, c’est-à-dire offraient des birostres complets. Il est d’ailleurs facile de se rendre compte de cette singulière circonstance. Les individus de cette espèce vivaient adhérents aux rochers sous-marins par leur valve inférieure. Après la mort et la décomposition de l’animal, la valve supérieure, très plate et très large, n’étant liée à l’autre par aucun ligament, et possédant une charnière dont les dents, assez courtes et très espacées, lui permettaient de se mouvoir dans le sens vertical, devait être sou- levée avec la plus grande facilité par le moindre mouvement des eaux, et par conséquent être entraînée au loin. On conçoit alors que, dans un groupe composé de plusieurs individus, la plupart pouvaient avoir perdu ainsi leur valve supérieure avant que des sédiments fussent venus remplir les cavités laissées ouvertes, tan- dis que les autres, plus favorablement placés, n’avaient pas été dépouillés de leur valve supérieure avant d’être à leur tour rempli par les sédiments. Les Hippurites , au contraire, dont la valve supérieure est pro- portionnellement bien moins large que celle du R. Jouanncti , et qui d’ailleurs possèdent une charnière puissante formée de dents très longues, étroitement enchâssées dans leurs alvéoles, devaient très difficilement perdre leur valve supérieure dans le mouvement des eaux ; i! est même infiniment probable qu’un accident de ce genre ne devait jamais se produire. Aussi j’ai tou» SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855, 105 jours trouvé les deux valves dans les exemplaires d 'Hippurites rcidiosus provenant de la même localité et de la même assise que les Racliolitcs Jouanncti. Quand la valve supérieure d’une de mes Hippurites manquait, je trouvais constamment les dents cardinales et les apophyses musculaires engagées dans les marnes qui rem- plissaient la cavité de la valve inférieure, preuve évidente que cette valve avait été brisée ou s’était accidentellement détachée, mais qu’elle était encore en place quand les sédiments fins étaient venus remplir dans la coquille le vide laissé par l’animal. On rencontre aussi, dans la craie inférieure de l’île d’Aix, une espèce de Sphérulite à grandes lames (le Sphœrulitcs foliaceus , Lamk.) dont la forme est très semblable à celle du Racliolitcs Jouanneti. Cependant presque tous les individus ont leur valve supérieure. C’est que dans cette espèce , la valve supérieure, quoique très plate et fort large, possède une charnière puissante composée de deux longues dents très étroitement engagées dans leurs fossettes. On conçoit alors qu’après la décomposition de l’animal, les eaux pouvaient bien, par leur mouvement, soulever la valve, sans cependant pour cela désarticuler la charnière. La valve retombait alors dans sa position normale, et la coquille pouvait être entièrement remplie par les sédiments. Aussi trouve-t-on toujours à l’île d’Aix les birostres de cette coquille complets. L’étude de la surface du moule intérieur du Racliolitcs Jouan- neti m’a révélé toute la structure de cette coquille. La figure 3 de la planche qui accompagne cette notice représente un de ces moules vu du côté cardinal. La surface antérieure du moule est creusée de deux gouttières longitudinales qui correspondent aux deux piliers. Sur ses faces latérales, on distingue de chacjue côté deux larges surfaces canne- lées dans toute leur hauteur, saillantes sur la surface du moule; ces empreintes correspondent aux deux attaches des muscles adduc- teurs. L’une d’elles (E. fig. 3), plus longue que l’autre, passe sur le pilier qui l’avoisine et s’étend en avant, tandis que la seconde (D.) s’arrête un peu avant d’avoir atteint l’autre pilier. Les cannelures, larges et profondes à la partie inférieure des impressions musculaires, se bifurquent et deviennent moins mar- quées vers le haut. En arrière des deux impressions musculaires, se trouvent deux appendices cylindroïdes (F. et_G., fig. 3) limités par deux sillons très profonds, et qui représentent les moules des alvéoles des deux dents cardinales. La paroi postérieure des alvéoles portait 106 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. des James saillantes, qui ont déterminé Ses cannelures que l’on voit dans les moules (F. et G.) de ces alvéoles. Entre les deux alvéoles, le moule présente une surface arrondie (S), lisse dans toute son étendue, et qui se raccorde avec le cône(M) composant la partie inférieure du moule, sans qu’on aperçoive entre le cône (M) et cette surface (S) la moindre trace d’une dé- marcation quelconque. Cette observation est très importante, car cette portion (S) du moule, si elle avait appartenu à une Sphêr alite, serait séparée du rostre (M) par un espace vide, correspondant à la place de la grande cloison transversale qui porte les fossettes de la charnière ; ce serait donc un véritable cône isolé du rostre ; déplus, au milieu de ce cône (S), on verrait une scissure profonde, révélant l’existence d’une arête cardinale . Or, ces deux caractères manquant entièrement dans notre moule, cela seul suffit pour établir qu’il appartient à une espèce du genre Radio li tes. Ainsi l’examen de ce moule démontre clairement que dans la valve inférieure de cette coquille il y a deux impressions muscu- laires superficielles, et, en arrière de ces impressions, deux longs alvéoles ouverts dans toute leur partie antérieure et appliqués contre les parois mêmes de la coquille ; il prouve, en outre, que sur la paroi de la valve située entre les deux fossettes de la char- nière, il n’y a pas de crête saillante, formée par un repli du manteau, qui constitue X arête cardinale des Spkérulites. Cette coquille doit donc faire partie du genre Radiolites , tel que l’avait compris La- marck, et quejel’ai moi-même défini dans ma notice sur le Sphœ- r alites folia cens (1). Le moule qui vient d’être décrit ne permet de découvrir que les caractères de la valve inférieure. J’en ai observé quelques-uns de complets, reproduisant à la fois les cavités des deux valves. On voit, d’après la forme du petit cône de ces birostres, que la valve supérieure était très plate ; on y distingue deux longues gaines et deux cavités qui répondent aux vides laissés par les dents car- dinales et les apophyses destinées à recevoir les impressions mus- culaires de cette valve dissoutes après la consolidation des sédiments qui ont produit les moules. Le b i rostre de cette espèce est entièrement dépourvu d’appareil accessoire. Cet appareil, qu’on voit dans les moules de quelques espèces de Spkérulites , et qui acquiert un développement énorme (1) Voyez Bayle, Bail, de la Soc. géol. de France , t. XIII, p. 74, Observations sur le Sphærulites foliaceus. SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. 107 dans le S. Hœninghtiusi , manque dans toutes les espèces de Radia- ntes. M. Des Moulins, qui croyait à l’existence de cet appareil dans toutes les espèces de ces deux genres, avait cependant été frappé de son absence dans le moule du R. crateriformis , qu’il a décrit et figuré (pl. I de son Mémoire). En effet, M. Des Moulins, parlant du birostredu R. crateriformis , s’exprime ainsi (1) : « Si l’appareil accessoire existe dans la forme ordinaire, comme » les birostres ne me permettent pas d’en douter, alors les espèces »> de ce groupe (les cratcriformcs , savoir : les R. crateriformis et » Jouanneti) sont anomales par l’existence de lames branchiales » qui entourent la base des cônes, et qui s’y trouvent en sus de » l’appareil accessoire ordinaire. » Si l’appareil accessoire ordinaire, que je li ai jamais vu dans » ces espèces, n’y existait réellement pas, le groupe qu’elles forment » serait anormal par la position des branchies, qui, dans ce cas, » existeraient uniquement des deux côtés de la base des cônes. Ce » caractère serait peut-être assez important pour nécessiter la for- » mation d’un genre séparé pour ce groupe. Mais, quoique je » n’aie pas les moyens de m’assurer matériellement de la vérité de » l’une ou de l’autre hypothèse, je suis cependant moralement » convaincu que la première est la seule vraie. » M. Des Moulins voyant, dans l’appareil accessoire, le moule des branchies des Sphérulites , était conduit à regarder les larges em- preintes musculaires qui sont situées à la base du grand cône du birostre dans son Radiolites crateriformis , comme représentant la trace de branchies occupant une position anomale. Ce peu de mots suffit pour montrer jusqu’à quel point l’hypothèse du savant * naturaliste de Lanquais est contraire aux faits actuellement acquis sur l’organisation des Sphérulites et des Radiolites. Le même auteur a attribué au R. crateriformis un moule intérieur, qui est repré- senté par la figure 1 de la planche VI de son Mémoire. Il est in- contestable que ce moule appartient à une espèce de Sphérulite, et très probablement au S. Rœninghausi ; il en offre tous les ca- ractères, mais il ne peut provenir du Radiolites crateriformis . 3° Rétablissement de la cavité de la valve inférieure. — Le moule de la valve inférieure qui vient d’être décrit ne pouvait laisser aucun doute sur la structure interne de cette coquille ; néanmoins, j’ai cherché à reconstituer artificiellement la cavité même de la valve; j’ai d’abord pris à la gélatine l’empreinte de ce moule, (1 ) Charles Des Mottlins, Essai sur les Sphérulites , p. 97 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. 108 et ayant ensuite reproduit avec du plâtre l’épreuve obtenue à la gélatine, j’ai préparé ainsi la pièce représentée (figure 2) qui montre ce qu’était la cavité de la valve inférieure avant la des- truction des lames internes du dépôt vitreux. Cette cavité montre sur sa paroi antérieure les deux piliers ar- rondis moins saillants qu'ils ne le sont dans la coquille privée de ses lames internes. On voit sur ses parois latérales les impressions des deux muscles adducteurs. Elles sont superficielles et pourvues dans toute leur hauteur de lames irrégulières assez saillantes, simples à la partie inférieure, mais bifurquées sur le bord opposé des impressions. L’une d’elles, celle du muscle adducteur posté- rieur, située du côté droit (E, fig. 2) s’étend sur le pilier qui l’avoisine, et s’arrête sur le bord antérieur, à quelque distance en avant de ce pilier. La seconde (D), beaucoup moins développée que la première, ne s’avance pas jusqu’au second pilier. Les deux fossettes (F, G) destinées à recevoir les dents cardinales de la valve supérieure, sont situées en arrière des impressions musculaires. Ce sont deux longues gaines, appliquées contre les parois mêmes de la coquille, et largement ouvertes sur toute leur partie antérieure ; elles portent, en outre, quelques lames saillantes qui pénétraient dans des cannelures correspondantes des dents cardinales. Les deux alvéoles sont séparées sur le bord cardinal par une cavité (S) qui communique librement avec la grande cavité antérieure, où se trouvait une partie de l’animal. La cavité (S) est revêtue d’une couche de tissu vitreux qui ne montre pas la moindre trace pour l’insertion de fibres quelconques ; cette cavité ne pouvait donc pas être destinée à recevoir un ligament. Or, si d’après l’opinion de M. Deshayes, on admettait que dans les Sphérulites les deux gaines, divisées par de nombreuses lames irrégulières qui sont situées derrière la grande cloison transver- sale, de chaque côté de l’arête cardinale, représentent les fossettes d’un puissant ligament, il faudrait de toute nécessité considérer la cavité (S) comme étant destinée à recevoir le ligament dans cette espèce, ce qui est réellement impossible. On peut maintenant se rendre très facilement compte de ce qu’étaient la charnière et les attaches musculaires dans la valve supérieure ; cette valve portait deux dents cardinales très espacées, cannelées sur leur face postérieure, et deux larges apophyses, ter- minées par les surfaces d’insertion des muscles adducteurs. Cette charnière et ce système d’apophyses sont entièrement conformes à ce qu’on observe dans le Radiolites Bournoni , La valve supé- SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. 109 rieure ne pouvait se mouvoir qu’en s’élevant dans le sens de l’axe delà coquille ; les dents glissaient ainsi dans leurs fossettes, car un mouvement de bascule, quelque léger qu’on pût le suppo- ser, était impossible, la disposition des dents s’opposant d’une ma- nière absolue à tout mouvement de ce dernier genre. L’animal n’avait donc besoin, quand il voulait soulever la valve supérieure de sa coquille, que de gonfler légèrement le lobe supérieur de son manteau ; il y parvenait en contractant les libres d’un muscle cir- culaire, analogue, par sa position et les fonctions qu’il était destiné à remplir, au muscle que les Lingules ont sur tout le pourtour de leur manteau ; il lui suffisait de contracter les fibres des muscles adducteurs pour fermer ensuite sa coquille. Les lames externes du test de la valve supérieure étaient très développées ; elles recouvraient complètement celles de l’autre valve. Cette valve n’avait donc pas la forme d’un opercule fermant simplement l’ouverture de l’inférieure, comme Fauteur de la Paléontologie française l’a représentée dans la planche (56/i) de son ouvrage. Le R. Jouanneti offre beaucoup de ressemblance avec le R. cra - ter if or mis. Cependant, ces deux espèces, quoique très voisines, me semblent devoir être distinguées l’une de l’autre. La seconde a toujours la base concave, ou tout au plus plane, mais ne devient jamais cylindrique comme la première ; ses lames externes, tou- jours fortement inclinées vers la surface où la coquille était fixée, sont lisses ou à peine marquées de plis rayonnants, tandis que les lames du R. Jouanneti sont ornées de larges plis, les uns simples, les autres bifurqués, remarquablement distincts. Le R. Jouanneti a une forme assez analogue à celle du Sphœru- lites joliaceus. Or, cette dernière espèce nous ayant servi de type pour étudier les caractères internes des coquilles du genre Spliœ - rulites , il était naturel de rechercher ceux du genre Radiolites , dans l’espèce qui ressemble le plus, par la forme extérieure, à la Sphérulite de File d’Aix. C’est par cette raison que j’ai pris pour type de ce second genre le R. Jouanneti. D’ailleurs, les diverses formes qu’offrent les Sphérulites se re- produisent dans les Radiolites. Les espèces de ces deux genres peuvent être rangées en deux séries parallèles. Ainsi, les Sphérulites à grandes lames externes, telles que le S, fo/iaceus (Lamk.), ont pour analogues les Radiolites craterijor- mis (Des Moul., sp.) et Jouanneti (Des MouL, sp.). Les Sphérulites, qui ont la valve inférieure cylindroïde très déve- loppée et la valve supérieure presque operculiforme, tels que les SÉANCE DU S DÉCEMBRE 1855. 1 10 S. cylindraceus (Des Moal.), mamillaris (Matin), radiosus (d’Orb., sp.), Sauvagesii (d’Hombres-Firmas), ont leur représentants dans le Radiolitcs cornu-pastoris (Des Moul., sp. ). Le Sphœrulites Eœningltausi (Des Monl.), espèce dont les lames sont ondulées d’un côté et très développées de l’autre, et qui a une valve supérieure remarquablement saillante, est représenté dans l’autre genre par les Radiolites ingens [De s Moui., sp.) et Bournoni (Des Moul. , sp.). Le Radiolites Jouanneti se rencontre dans les couches les plus élevées de la craie blanche du sud-ouest. M. Charles Des Moulins le cite à Lanquaiset dans le ravin de la Vache pendue (Dordogne). On la trouve aussi à Aubeterre et à Barbezieux (Charente). L’as- sise qui la renferme contient, en outre, le IL crateriformis (Des Moul., sp.) et l’ Hippuri tes radiosus (Des Moul,). Cette espèce a été établie par M. Charles Des Moulins, sous le nom de Sphœrulites Jouanneti . "Voici quels sont les caractères qui lui ont été assignés par ce géologue (1) : a Testa parvâ , orbiculari , globoso depressâ basi subangustatâ ? » Squamis subcoalitis horizonlalibus rcgulati/n grossèque plicatis » plicis radiantibus. Jalvd injeriore crassd , ca vit a te amplâ , sub- » cylindrica , vix obliqua ta ■ striis transversis approximatis ; cariais » obtusis cluabus obtusis, crassis , remotis ; cari'nâ [si ce lineâ) tertiâ » filifonni. — Valva superior... Birostrum . . . Lamellœ adventitiœ. w Cette espèce, très voisfne du Radiolites craterijorniis , s’en dis- » tingue fortement par la régularité de ses plis, par la position » horizontale de ses écailles, par la petitesse de ses cellules, par sa » taille, qui ne dépasse pas U pouces de diamètre, et qui, très » probablement, ne pouvait pas dépasser une hauteur semblable; » enfin, par la troisième arête intérieure, linéaire, presque fili- » forme, qu’on trouve à une certaine distance des deux grosses. » Je n’ai pas osé, sur cette seule observation, porter à trois le » nombre des arêtes dans le genre Sphérulite , parce qu’attendu » l’état de détérioration de mes deux exemplaires, je pouvais avoir » été trompé par une fausse apparence. » Les fragments de birostre qu’on trouve dans le petit nombre » d’individus étudiés jusqu’à ce jour sont trop brisés pour per- » mettre d’apprécier les détails de sa forme. J’en possède un dont » le petit cône n’est pas visible; le grand a 18 lignes de long et » environ 13 lignes de diamètre à sa base. Ce fragment est intéres- (1) Charles Des Moulins, Essai sur les Sphérulites , p. 99 (1826). SÉANCE DE 3 DÉCEMBRE 1855, U1 » sant, en ce qu’il est enchâssé dans la moitié longitudinale de la » grande valve, dont on voit parfaitement le sommet à l’intérieur. » Ce sommet est parfaitement clos, sans apparence de trou. » On voit d’après cette description que M. Charles des Moulins connaissait très imparfaitement cette espèce. La même coquille a été de nouveau décrite dans la Paléonto- logie française ^ dans les termes suivants (1) : « Testa dilatatà , conicâ , lainellis numcrosis obliquis ornatâ ; » labro radiatim plicato. » Dimensions. — Diamètre, 12 centimètres. » Coquille déprimée dans son ensemble, plus large que haute, » ayant la forme d’une toupie écrasée. Yalve inférieure conique, » entourée de lames de plus en plus grandes, qui forment une » large collerette supérieure plissée tout autour du centre; valve » supérieure, petite, en dôme, ornée également de iames concen- » triques. » Rapports et différences. — Très voisine par ses lames du Ra- » diolites crateriformis , cette espèce est conique inférieurement, » pourvue de lames moins larges, et bien plus ondulées dans le » sens d’un rayonnement. » Localité. — Elle a été recueillie par M. Des Moulins, dans » l’étage sénonien de Lanquais et de la Vache pendue (Dordogne). » Peut-être n’est-elle qu’une variété du R. crateriformis. » Cette description montre clairement que tous les caractères essentiels de la. coquille du R. Jouanneti étaient inconnus de M. d’Orbigny. Aussi, ne doit- on pas être surpris de voir ce paléon- tologiste indiquer comme un caractère fondamental du genre Radiolite , tel qu’il le définit, celui d’avoir une région cardinale qui se sépare nettement en deux parties inégales par une crête médiane marginale (2). S’il avait dégagé les valves de quel- ques Radiolites de la gangue, qui en remplit ordinairement la cavité, il aurait vu que dans plusieurs d’entre elles la crête mé- diane marginale manque d’une manière complète. Il ne faut pas, quand on veut étudier les animaux de ce curieux groupe de mol- lusques, se contenter de comparer les formes extérieures de leurs coquilles, car on peut, si l’on se borne à un examen superficiel, être conduit à commettre d’étranges méprises. Cette vérité appa- raîtra dans tout son jour, lorsque dans une séance prochaine, j’au- (1) D’Orbigny, Paléont. franc., Terr. crét ., vol. IV, p. 223, pl. 564 (1847). 112 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. rai l’honneur de faire connaître à la Société le résultat de mes recherches sur la structure intérieure des coquilles des Caprines et des Requicnies. Explication de la planche. Fig. 1 . Valve inférieure de grandeur naturelle, dont les lames internes de tissu vitreux ont été détruites par la fossilisation. On y remarque, sur la paroi antérieure de la cavité, les deux larges piliers arrondis qui existent dans cette espèce, ainsi que dans le R. crateri- f or mis. Le fond de la cavité montre un trou que l'on observe dans tous les individus dont les premières lames du test sont restées adhérentes au rocher sur lequel la coquille était fixée pendant la vie de l’animal. Les lames, dans cet individu, étaient assez fortement inclinées vers la base de la valve. Fig. 2. Valve inférieure de grandeur naturelle, dont la surface interne a été artificiellement reproduite au moyen du moule (fig. 3). On voit que la saillie des deux piliers est un peu moindre qu’elle ne l’est sur la surface de la cavité dépouillée des couches internes du test. Ces piliers sont situés sur la paroi antérieure de la cavité, opposée à celle qui porte les fossettes de la charnière. F. Fossette du côté gauche. G. Fossette du côté droit. Ce sont deux longues gaines largement ouvertes en avant. La fossette (F) porte sur sa paroi postérieure deux lames: saillantes dans l’alvéole (G) il n’y a qu’une seule lame de ce genre. D. Impression du muscle adducteur antérieur. Elle ne s’étend pas jusqu’au pilier qui est placé du même côté. E. Impression du muscle adducteur postérieur plus grande que l’autre; elle recouvre le pilier qui l'avoisine et s’avance jusque vers le milieu du bord antérieur de la valve. S Cavité située en arrière des fossettes de la charnière, et qui com- munique largement avec la cavité générale de la coquille. Fig. 3. Moule intérieur vu du côté cardinal ou postérieur. Ce moule a été retiré de la cavité de l’individu représenté par la figure \ . D. Empreinte du muscle adducteur antérieur. E. Impression de l’adducteur postérieur. F. Moule de l’alvéole de la dent cardinale du côté gauche. G. Moule de la fossette de la seconde dent cardinale. S. Moule de la région cardinale. M. Moule de la grande cavité de la valve. Les dessins de cette planche ont été exécutés d’après nature par un habile artiste, M. Jacob, qui a bien voulu me prêter le con- cours de son talent éprouvé. LEl'TRE DE M. MARCEL DE SERRES. 113 M. Charles S.-C. Deville offre à la Société un exemplaire de sa carte de la partie S. *0. de la Guadeloupe, dont il avait déjà antérieurement présenté la minute -, il fait remarquer la per- fection avec laquelle cette carte a été gravée sur pierre par M. Ehrard-Schiéble, qui vient d’obtenir à l’Exposition univer- selle une médaille de lre classe pour ce genre de travaux, M. Charles S.-C. Deville se propose, dans une prochaine séance, de donner Vies détails sur les travaux topographiques qui ont servi de base à cette carte, et sur l’orographie de cette portion volcanique de l’île de la Guadeloupe, dont le trait principal est le cratère de soulèvement de la Soufrière . M. Ed. Hébert communique la lettre suivante qui lui est adressée par M. Marcel de Serres : Montpellier, 23 septembre 1855. Monsieur, Je vois par l’importance que vous avez donnée à la rencontre que feu M. Rigollot, d’Amiens, a faite d’une certaine quantité de silex taillés dans les dépôts diluviens des environs de cette ville, que vous avez considéré ce fait comme nouveau. Il n’est pas rare, cependant, de rencontrer ces restes de l’industrie humaine dans les cavernes à ossements avec des espèces complètement perdues. J’ai mentionné depuis longtemps ce point de fait et d’autres analogues dans mes travaux sur les cavernes, et récemment encore dans mon Mémoire sur les ossements humains et l'époque de leurs dépôts. J’a i eu l’honneur d’adresser à la Société géologique ce tra- vail, il y a peu de temps. Les cavernes de Bize sont dans le midi de la France l’une de celles où il existe la plus grande quantité de silex tailfiés et d’autres objets de l’industrie humaine. Les silex de ces cavités, réunis dans le musée de Narbonne, ont du composer des têtes de haches ou des instruments propres à scier des objets d’une faible dureté, ce qu’annoncent du moins les dentelures que l’on voit sur leurs bords. Les limons diluviens de ces cavernes ren- ferment également des ossements de carnassiers et de ruminants d’espèces aujourd’hui éteintes. Ces ossements n’en ont pas moins été taVllés en forme de pointes plus ou moins aiguës ou de flèches, ainsi que l’on peut en juger par les figures que nous en avons don- nées (1). Nous avons observé avec soin tous ces différents objets, et, (1) Voyez notre Notice sur les cavernes à ossements de V Aude % Soc. géol 2e série , tome XII h 8 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. m depuis peu j des coquilles marines de notre époque, des genres Fcctuncidus , Natica , Monndontn et Buccinum , percées de trous ar- rondis faits avec une si grande perfection, que l’on présume d’a- bord qu’ils sont l’ouvrage de l’homme. Il n’en est rien, cependant, ainsi que nous nous en sommes assuré ; en effet, on trouve sur les bords de la Méditerranée de nombreuses coquilles marines ainsi percées., rejetées sur les plages par l’action des flots. Seulement, les espèces que nous y avons ob- servées ne sont pas les mêmes que celles des cavernes de Bize. A l’exception du Buccinum reticulatum, elles appartiennent à d’autres genres, tels que les Venus , les Mactra , et surtout aux Donax. Ces coquilles prouvent combien le transport de celles des cavernes de Bize est récent, bien qu’elles soient confondues dans les mêmes limons où gisent un assez grand nombre d’espèces perdues. Les silex taillés, dont a parlé M. Rigollot, peuvent avoir été trouvés au milieu des dépôts diluviens, sans en être pour cela contempo- rains. Il n’est nullement nécessaire, pour expliquer leur présence dans le diluvium , d’avoir recours à l’hypothèse de circonstances de vitalité différentes dans le nouveau et l’ancien continent, et de supposer que les mastodontes ont vécu plus longt emps en Amé- rique qu’en Europe. Il suffit, pour expliquer ces faits, de considérer toutes les cir- constances qui les accompagnent, pour se convaincre que l’homme et, par conséquent, tous les objets de son industrie n’ont jamais été contemporains des mastodontes, des éléphants, des grands carnassiers, et particulièrement des ours des cavernes, quoique ses débris soient souvent mélangés de la manière la plus confuse avec les ossements de ces mammifères. Quant à la réalité de la présence des silex taillés par la main de l’homme dans les dépôts diluviens, elle n’est pas plus douteuse que celle des émaux, des figurines, des vases, des briques gros- sières, des ossements humains, dans les mêmes circonstances, et confondus avec des animaux aujourd'hui éteints. Ceux qui désireront connaître l’ensemble de ces circonstances les trouveront suffisamment détaillées dans notre Mémoire sur les ossements humains que nous avons déjà cité. Montpellier, 1839; voyez aussi notre Mémoire sur les ossements hu- mains des cavernes . Académie de Montpellier , t. III, p. 1 3, \ fasci- cule, année 1 855. NOTE DE M. ÉBRAY. 115 Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray : Etude comparative des Ammonites anceps et pustulatus, par M. Th. Ébray. La paléontologie ne deviendra un guide certain pour la recon- naissance des couches qu’à la condition de fixer aux espèces des limites bien marquées ; les âges, les localités, le sexe sont, comme on le sait, des conditions qui font varier les individus, et qui jet- tent souvent le plus grand désordre dans la nomenclature. D’abord , il s’agit de savoir, s’il y a espèce ou variété , s’il y a création nouvelle ou modification d’individus ; qu’il me soit per- mis de dire quelques mots sur ce point important. J’ai déjà indiqué que le naturaliste se mettait plus en harmonie avec les grandes lois de la nature, en admettant que les êtres ne succombent pas périodiquement et d’une manière absolue ; la vie est trop puissante pour se trouver anéantie, et, s’il est vrai que des séries d’êtres succombent par suite de catastrophes violentes ou de la transformation plus ou moins subite du milieu vital, il est hors de doute aussi qu’une grande quantité d’individus survit au milieu des créations nouvelles. Mais, si la transformation du milieu vital peut être supposée assez brusque pour détruire des espèces et des genres, on peut la concevoir aussi assez insensible pour faire varier à la longue leur organisation intérieure et leur forme extérieure ; je vais citer des faits qui viennent démontrer cette assertion. 1° Continuité des genres . Comment s’expliquer, en effet, que le genre Belemnites, né dans le lias, persiste sans interruption jusqu’à la fin des terrains créta- cés? que le genre Ammonites, né dans les marnes irisées, persiste j usqu’à la fin de la craie, et cela sans lacunes? que le genre éteint ne reparaisse plus ? Il me parait évident que la continuité dans le genre indique une continuité dans la vie de l’espèce. 2° Similitude des espèces de deux étages successifs. Cette similitude semble indiquer aussi qu’il y a eu souvent plu- tôt modification que destruction. Quoi de plus semblable, en effet, que T Ammonites Humphriesianus de l’oolite inférieure et Y J m/ no- 116 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. ni te s l ingu fer us de la grande oolite ? XHecticus de la grande oolite et le Lunula de l’oxfordien inférieur? le Disais de l’oolite infé- rieure et le Subdiscus de la grande oolite? Les espèces les plus sem- blables sont presque toujours celles qui, géologiquement, sont les plus rapprochées. On voit donc que plusieurs circonstances viennent presque donner la certitude de la persistance des espèces et de leur modi- fication ; quoique la solution entière de cette question soit dési- rable, il importe peu au géologue pratique de savoir si le fossile, qui caractérise telle ou telle couche, est une espèce ou une variété; aussi, sans examiner si X Ammonites anceps est la dérivée de tel ou tel Ammonite, je vais comparer ses transformations à celles de X Ammonites pustulatus. On verra que l’étude comparée de ces deux fossiles démontre que, si beaucoup d’ Ammonites perdent leurs ornements en avan- çant en âge, il y en a d’autres qui s’ornent dans leur vieillesse. J’ai pensé que la manière la plus simple de se rendre compte de la loi de variation des Ammonites consiste à porter sur une droite les diamètres observés, et sur les perpendiculaires à cette droite le rapport des pointes au diamètre ; on obtient de cette façon une série de courbes donnant la représentation graphique des varia- tions observées. Lignes indiquant la variation des pointes de /'Ammonites anceps. Axe des diamètres. A Ligne indiquant la variation des pointes chez les femelles. B. Ligne indiquant la variation des pointes chez les mâles. C. Ligne des épaisseurs chez les femelles. D. Ligne des épaisseurs chez les mâles.. X. Point auquel cessent les observations réelles. La partie ab en prolongement de ac est hypothétique. Quoique, en général, les Ammonites commencent à l’âge em- bryonnaire par être entièrement lisses, et par avoir le dos rond, je li’ai pu remarquer ce terme chez X Ammonites anceps ; déjà au dia- NOTE DE M. ÉBRAV. 117 mètre bien petit de 0,003 à 0,004, on peut constater des rudi- ments de pointes ; mais, si l’on se reporte aux courbes que j’ai tracées, on voit que jusqu’au diamètre de 5 ou 6 millimètres, l’ac- croissement des pointes suit une loi proportionnelle à l’accroisse- ment du diamètre, et, chose remarquable, si l’on prolonge la droite (etc), elle vient rencontrer l’origine b , ce qui indiquerait une disparition totale des pointes au commencement de l’âge em- bryonnaire. La loi de proportionnalité semble se continuer jusqu’au diamètre de 0,013, époque à laquelle le fossile reste stationnaire. Au diamètre de 0,013, l’Ammonites a ses ornements au grand complet. Les mâles commencent de bonne heure à se distinguer des femelles par deux caractères : celui d’être moins épais, et celui de conserver, pendant toute leur vie, un rapport constant des pointes au diamètre. Les femelles commencent à perdre leurs pointes au diamètre de 0,06 ; je n’ai jamais remarqué chez elles de bouches à cuille- ron, tandis que le cuilleron se remarque toujours chez les indivi- dus mâles depuis le diamètre de 0,08 à 0,20. Les courbes résultent de la mesure de 500 à 600 individus. De V Ammonites pustulatus . L’exemplaire de X Ammonites pustulatus , que je joins à cette note, démontrera à lui seul le fait que j’ai avancé; on voit que ce fossile, dans son jeune âge sans ornements à l’ombilic, se charge de tubercules au diamètre de 0,010. M. J. Desnoyers achève la lecture, commencée dans la séance précédente, d’un mémoire intitulé : Nouvelles observations sur quelques terrains tertiaires du nord-ouest de la France con- temporains des terrains du bassin de Paris. L’auteur ayant reconnu la nécessité de joindre à ce travail une carte et plu- sieurs coupes, dont la gravure exigera un temps assez long, a désiré que l’insertion en fût remise à une livraison ulté- rieure du Bulletin. A la suite de la lecture faite par M. Desnoyers, M. Triger présente la communication suivante : 118 SÉANCB DU 3 DÉCEMBRE 1855. Observations sur les sables des environs de Nogent-le-Rotrou; 1 par M. Trigcr. Dans la séance précédente, M. Desnoyers a lu la première par- lie d’un Mémoire fort intéressant sur les depots tertiaues des I départements du nord-ouest en général, et en particulier sur ceux des environs de Nogent- le-Rotrou. t Ayant assisté à cette première lecture, j ava.s cru devoir prendre la parole pour faire remarquer à M. Desnoyers qu il avait eu to de comprendre dans les dépôts tertiaires de cette derniere localité | des sables évidemment crétacés. Un premier débat s’étant élevé à ce sujet, ce ne fut pas sans sur- prise, je l’avoue, que je vis M. Desnoyers présenter lu, -meme à la Société des fossiles crétacés qu’il avait rencontres dans les sab es en question, et n’en pas moins conclure, maigre cela, que les sables qui les renfermaient étaient tertiaires. En présence de semblables débris, très communs, en effet, dans tous les sables qui environnent INogeut-le-Retrou, j aurais con- clu précisément le contraire, et, malgré l’aspect tertiaire que peu- vent offrir ces sables, la présence de fossiles crétacés et 1 ab- sence totale de corps organisés de l'époque tertiaire m auraient donné beaucoup à réfléchir; de sorte que, loin de rejeter comme M. Desnoyers les objections qui m’auraient été faites, j aurais j voulu an moins, avant de persister dans mou opinion, m eclairer l de nouveau sur un fait anormal qui, du reste, n’est qu un très petit incident dans son intéressant Mémoire. Pour mieux convaincre M. Desnoyers, j’ajoutai que tout récemment je venais de faire aussi une élude complète des sables de Nogent-le-Rotrou avec M. Hébert, et que la conséquence de nos observations communes ne nous avait pas permis de douter un instant de la nature de ces sables, qui étaient de toute évi- dence crétacés. , 1 D’après cette nouvelle attestation , appuyée du reste séance tenante par M. Hébert, j’avais cru que M. Desnoyers, après mure réflexion modifierait sa première assertion, et qu’il ne reviendrait pas sur un fait ineonteslpble qui s’appuie à la fois sur les carac- tères minéralogiques et paléontologiques. Trompé dans mon attente à cet égard, je viens donc aussi, , messieurs, protester de nouveau contre une idée émise à tort depuis longtemps par M. Desnoyers, car cette erreur a déjà NOTE DE M. TRIGER. 119 eu des conséquences fâcheuses, et il est à désirer qu’il n’en soit plus de même à l’avenir. Comme une question aussi importante ne doit plus aujourd’hui se traiter d’une manière vague devant la Société, et que ce n’est pas à Paris avec quelques citations et des coupes tracées à la hâte sur le tableau que l’on peut déterminer d’une manière posi- tive l’origine et la nature d’un terrain, j e me garderai bien de renou- veler aujourd’hui le débat de la séance précédente ; je dirai seule- ment qu’il n’existe plus qu’un moyen pour arriver à la constatation de la vérité, c’est d’entreprendre et d’exécuter, comme je me propose de le faire, une carte géologique à l’échelle du dépôt de la guerre, et même à une échelle plus grande, s’il est possible, afin d’offrir à la Société une étude géologique mathématiquement exacte des environs de Nogent-le-Rotrou. En accompagnant cette carte de coupes convenables, et en pré- cisant les points à éclaircir, de manière que tout le monde puisse les visiter, je ne doute pas qu’on ne parvienne à démontrer l’exacte vérité. Peut-être même trouverai-je, dans ce travail, une occasion de me rendre utile à la science, car je prouverai, con- trairement à tout ce qui a été publié jusqu’à ce jour, que non- seulement les sables des environs de Nogent sont crétacés, mais qu’ils ne sont pas autre chose que le prolongement des sables et des grès supérieurs du Mans, dont la véritable place est entre la craie de Rouen et la craie à Inoceramus problematicus qui con- stitue aussi, à Rouen même, un horizon bien connu comme supérieur à ce que l’on appelle communément la craie du Havre et de la côte Sainte-Catherine. Cette démonstration, peu importante en apparence, ne laisse cependant pas de présenter un grand intérêt, quand on songe que les sables en question, qui conduisent d'un côté jusque sous la craie de Saumur, et de l’autre jusque sous la craie blanche de Chartres, sont pour nous une véritable clef pour expliquer les dépôts crétacés de l’ouest de la France ; car, en formant ainsi un véritable horizon au milieu même de ces dépôts, les sables céno- maniens font connaître d’une manière positive quelle relation existe entre la craie blanche de Meudon et la craie de Touraine, relation qui a été souvent établie par approximation, il est vrai, mais jamais d’une manière aussi certaine. Devant partager cette tâche avec unMe .nos savants collègues, M. Hébert, je donnerai, dans un prochain Mémoire, l’histoire des terrains crétacés de la Sarthe et des contrées voisines, et je ferai suivre pas à pas l’ordre de succession de tous leurs dépôts, 120 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. depuis le gaulé exclusivement jusqu’à la eraie de Villedieu. Là se terminera mon travail ; car M. Hébert doit, plus tard, compléter cet exposé avec tout le talent que vous lui connaissez, et décrire la succession des autres dépôts de la craie depuis celle de Villedieu jusqu’à la craie blanche de Meudon, peut-être même jusqu’à celle de Maestricht. M. Desnoyers assurément est un géologue trop avantageuse- ment connu pour que l’on ne fasse pas des efforts pour l'empê- cher de rester plus longtemps dans une idée fausse, qu’il est important de rectifier ; car, s’il n’a pas bien compris les sables cré- tacés de notre département, et par conséquent ceux de Nogent qui sont exactement les mêmes, nous lui devons, d’un autre côté, des rapprochements très intéressants de nos terrains juras- siques avec des dépôts semblables en Angleterre. C’est lui qui a signalé le premier le coral-rag et le ki m m eri dg e-clay dans les environs de Bellême et de la Ferté-Bernard. C’est à lui que nous devons la découverte du stonesfield-slate à Mamers, dépôt auquel il a donné, il y a plus de vingt-cinq ans, le nom d’oolite à fou- gères. Toutes ces intéressantes découvertes, dues sans contes- tation à M. Desnoyers, ont trop bien établi et à juste titre sa réputation de géologue, pour que nous le laissions plus longtemps propager une petite erreur dont nous le convaincrons lui-même sur les lieux, dès qu’il voudra bien nous en fournir l’occa- sion. Nous ne le suivrons donc pas aujourd’hui dans sa seconde com- munication, qui tend à prouver de nouveau que les sables des en- virons de Nogent sont tertiaires. En citant aussi nos propres observations, nous ne ferions que renouveler un débat sans solu- tion. Nous attendrons, pour combattre M. Desnoyers, la publi- cation de son Mémoire, et nous dirons seulement que, s’il est heu- reux, comme il vient de le déclarer à l’instant même, de voir que M. d’Archiac, après avoir considéré les sables en question comme crétacés, les a enfin, d’après ses observations, classés comme ter- tiaires dans Y Histoire des progrès de la géologie , nous regrettons sincèrement de notre côté que M. d’Archiac se soit décidé à faire cette rectification contraire à sa première impression ; car, s’il n’est pas facile de saisir et de contrôler M. Desnoyers dans la des- cription rapide des nombreux terrains qu’il vient de nous faire parcourir, on peut au moins dès aujourd’hui présenter des objec- tions concluantes à M. d’Archiac, qui a signalé aussi comme ter- tiaires les sables en question dans la Sarthe, et lui prouver, son Histoire des progrès de la géologie à la main, que les rectifications NOTE DE M. TRIGEli. 121 qu’il a faites, par suite d’une fâcheuse influence, constituent pré- cisément une erreur, très facile du reste à démontrer. Dans Y Histoire des progrès de la géologie , page 370 du qua- trième volume, M. d’Archiac dit au sujet de sa coupe de Bellême à la Ferté-Bernard : « Si, revenant un instant sur nos pas, nous faisons une coupe » directe de Bellême à la Ferté-Bernard, nous trouverons les cou- » elles crétacées ne remplaçant les roches jurassiques qu’au sud » d’Igé. Vers le château de Lonné, le fond de la vallée est occupé » par les marnes argileuses verdâtres de la base du quatrième » étage auxquelles succèdent les psammites gris-vert glauconieux. » Après Marcilly, on traverse la série des marnes sableuses et » glauconieuses, des grès gris verdâtre, plus ou moins clilorités, » qui ne tardent pas à disparaître sous un puissant dépôt de sable » blanc ferrugineux , rose vif ou lie de vin. Ces sables tertiaires » entourent £ellou-le- Tri char d , et , de ce point à la Chapelle - » du-Bois et jusqu'à la descente de Saint- Antoine, en face de la » Ferté - Bernard , ils forment un plateau horizontal parjaite- » ment continu . Ils s'abaissent jusqu’au niveau de la vallée clc » l’Huisne , etc. » Complètement d’accord avec la description que M. d’Archiac a faite des terrains jurassiques depuis Bellême jusqu’à Igé, je m’ac- corde encore parfaitement avec lui jusqu’à Bellou-le-Trichard, où il signale des sables tertiaires qui s’étendent, d’après sa coupe, depuis Bellou jusqu’à Saint-Antoine de Rocliefort, sur une lon- gueur de plus de 11 kilomètres, avec une épaisseur moyenne de 80 mètres, et descendent ensuite à Saint- Antoine jusqu’au niveau de la rivière d’Huisne. Comme lui, j’ai reconnu partout le calcareous-grit entre Bellême et Igé ; puis, à partir de ce point, j’ai vu le terrain jurassique dispa- raître sous des sables verts et des argiles, depuis le château de Lonné jusqu’en face du bourg de Marcilly. Après Marcilly, j’ai Ibien reconnu les marnes sableuses et glauconieuses dont il parle, et j’ai même recueilli dans ces marnes des Polypiers et Y Ammo- nites falcatus, qui ne se rencontre jamais dans nos contrées qu’à la base de notre craie, et presque toujours à son contact avec les sables verts et les argiles précitées. A ce dépôt succèdent bien encore les grès verdâtres cités par M. d’Archiac, puis vient ensuite un dépôt très important de craie beaucoup plus blanche dont il ne parle pas, quoique ce dépôt offre cependant le véritable horizon de la craie de Rouen avec Ammonites rothomagensis , Turrilites costatus , et plusieurs autres 122 SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1855. fossiles de cet étage que l’on peut recueillir dans une carrière nou- vellement ouverte sur le bord de la route. Tous ces dépôts, comme le dit M. d’Archiac, ne tardent pas à disparaître sous des sables ferrugineux rose vif ou lie de vin ; mais ces sables, loin d’être tertiaires comme il le pense, ne sont autre chose que des sables crétacés parfaitement en place, souvent dé- pourvus de fossiles, il est vrai, mais offrant toujours par intervalles des grès sableux qui renferment des Trigoma crenulata et sulcata- ria , des Pecten quinquecostatus et des Terebratella Menardi , à la partie supérieure surtout. Tels sont, messieurs, les sables crétacés et non tertiaires sur les- quels repose en réalité le bourg de Bellou-le-Trichard, dépôt que l’on peut suivre jusqu’à l’entrée de la route de Saint-Côme à la Ferté-Bernard. Là disparaissent, en effet, les sables en question qui cessent d’occuper la surface sur le sommet du plateau, où ils sont recouverts par la craie à Inocérames exploitée dans presque toutes les fermes pour les besoins de la culture. Cette craie se trouve même quelquefois à si peu de profondeur qu’on la rencontre dans les fossés de la route lorsqu’on les met en réparation. De ce point à la Chapelle-du-Bois, et jusqu’à la descente de Saint-Antoine, un massif composé de sables cénomaniens , de craie à Inocérames, et d’argiles à silex, et non de sables tertiaires , comme le dit M. d’Archiac, constitue donc de toute évidence le plateau horizontal parfaitement continu qui conduit jusqu’en face de la Ferté, où les sables en question s’abaissent, en effet, jusqu’au niveau de la vallée de l’Huisne et même au-dessous. De sorte que si l’on regarde à droite et à gauche le long de cette route, on ne tarde pas à voir, près de la Chapelle-du-Bois surtout, de nombreuses marnières dont la partie supérieure présente une craie sableuse avec de nombreux bryozoaires reposant sur une assise de craie plus blanche, remplie d’ Inoceramus problematicus, Schlotli. , ou mytiloides ,, Mantell, à l’état de moules. Cette dernière assise, exploitée comme marne, et quelquefois comme tufïeau, repose immédiatement sur les sables dont il est question. Ces sables, comme on le voit, ne sont donc pas tertiaires; et, s’ils ne présentent pas, autour de Bellou-le-Trichard, tous les caractères voulus pour que l’on puisse bien s’en convaincre au premier i moment, il suffira de les étudier à Saint- Antoine, près de la station du chemin de fer, pour ne plus conserver aucun doute à cet égard. La descente elle-même de Saint-Antoine, citée par M. d’Ar- chiac, présente en effet, à l’entrée de Tancienne route delà Ferté à NOTE DE M. TRIGER. 123 Mamers, une carrière nouvellement ouverte, dans laquelle on peut voir de bas en haut : 1° Les sables cités comme tertiaires, remplis de nombreux exemplaires de Trigonia sulcataria et d’autres fossiles du même horizon ; 2° Plus haut, des grès et des sables à peu près semblables, avec Terebrutella Menardi ; 3° Plus haut encore, la zone bien connue dans nos contrées comme la base de la craie à Inocérames, c’est-à-dire l’assise à Ostrea bi-auriculata , et l’argile sableuse à Ostrea carinata , Tere - bratula pkaseolina et Dentalium déformé qui constitue la partie supérieure de la carrière ; Z|° Enfin, en s’avançant plus à l’ouest sur le sommet du plateau, de nombreuses marnières viennent bientôt attester la présence de la craie qui s’étend, comme une vaste nappe, sur les sables et les grès du Mans, qui se prolongent ainsi jusque dans les communes de la Chapelle-du-Bois et de Bellou-le-Trichard et même beau- coup au delà, ce que nous serons du reste à même de prouver plus tard. Comme de tels arguments sont irréfutables, je ne pousserai pas plus loin la discussion. Je ferai seulement remarquer que les idées émises par M. Desnoyers sur les sables des environs de Nogent ayant déjà eu des conséquences fâcheuses, puisqu’elles ont fait à tort changer M. d’Archiac d’opinion sur l’origine de sables sem- blables dans la Sarthe, personne ne saurait blâmer les efforts que je fais aujourd’hui pour ramener le savant auteur de l 'Histoire des progrès de la géologie à sa première opinion, qui s’accorde parfaitement avec mon tracé géologique de ces localités, tandis que de toute évidence la rectification qu’il a faite est une erreur matérielle, comme je crois l’avoir suffisamment prouvé pour n’y plus revenir. (Voir la coupe ci-jointe, PL VII, conforme à celle de M. d’Archiac d'ans ses Mémoires, et à celle de ma carte géologique de la Sarthe, qui démontre en outre que les grès et les sables du Mans, inférieurs à la craie à Inocérames, sont supérieurs à la craie de Rouen, c’est-à-dire au niveau bien connu des Turrilites, des Scaphites et de X Ammonites rothomagensis de la côte Sainte- Catherine.) Je terminerai enfin mes observations par déclarer encore que, sauf erreur de ma part, il n’existe pas le moindre accord entre la Carte géologique de la France et l’opinion soutenue par M. Desnoyers ; car, outre la déclaration qui m’en a été faite par M. Dufrénoy lui-même, il suffit de jeter les yeux sur m SÉANCE DE 17 DÉCEMBRE 1855, un exemplaire de la grande carte, pour voir de suite qu’ autour de la ville de Nogent tout ce qui porte la teinte tertiaire représente simplement les argiles ci silex et les dépôts d’eau douce de la loca- lité, tandis que tous les sables non-seulement des environs de Nogent, mais encore ceux de Condé et de Maisoncelles, s’y trou- vent placés au contraire sous une teinte verte bien prononcée , preuve suffisante que les savants auteurs de la Carte géologique les considèrent comme crétacés. M. Desnoyers, après ces observations, invite M* Hébert à faire connaître les motifs qui l’ont engagé à se rallier à l’opinion de M. Triger (1)* M. Hébert dit qu’il se réserve de répondre à M. Desnoyers après avoir lu son travail dans le Bulletin tle la Société . M. d’Archiac attendra de même la publication de la coupe annoncée par M. Triger pour discuter les critiques que ce géologue fait de celle qu’il a donnée lui-même. M. Constant Prévost présente quelques observations à l’appui du travail de M. Desnoyers, en exprimant le désir que les géologues examinent de nouveau la question sur les lieux. Séance du 17 décembre 1855. PRÉSIDENCE DE M. ÉLIE DE BEAUMONT. M. P. Michelot, vice-secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Linder, ingénieur des mines, à Constantine (Algérie) , pré- senté par MM. de Billy et Bayle; Pumpelly (Baphaël) de New-York (États-Unis), présenté par MM. Charles d’Orbigny et Bayle. Le Président annonce ensuite une présentation. (1) Voir ci-après, séance du 21 janvier 1856, page 177, la réponse de M. Desnoyers, remise trop tardivement par l’auteur pour être insérée ici. SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1855. 125 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la Justice, Journal des sa - vants ; novembre 1855. De la part de M. Thomas Davidson, A few remarks on the Brachiopoda (extr. de Ann. and Magazine of nat. histz , december 1855) -, in-8, 17 pages, 1 pl. De la part de M. Descloizeaux, Mémoire sur la cristallisa- tion et la structure intérieure du quartz (extr. des Annales de chimie et de physique ; 3e série, t. XLV*, octobre 1855) • in-8, 188 p., h pl., Paris, 1855, chez Mallet-Bachelier. De la part de M. Philippe Matheron, Plan de l'approfon- dissement de la petite rade de Toulon; état des travaux au 31 octobre 1855 -, 1 feuille grand-aigle. Marseille, 1855 ; litho- graphie de Matheron. De la part de M. J. -G. Taché, Catalogue raisonné des pro- duits canadiens exposés à Paris en 1855 5 in-18, 118 pages. Paris, 1855, chez Dentan, etc. De la part de M. Frantz Ritter von Hauer, liber die Cepha - lopoden aus dem Lias der nordôstlichen Alpen [Aus dem Aprilhefte der J ahr g. 1855 der Sitzungberichte der mathem. naturw. Classe der K. Akad . der JVissensch ., Bd. XVI, S . 183) • in-8, 6 pages. De la part de M. Karl Peters, Schildkrôtenreste ôsterreichi - schen tertiàr-A blagerungen {Aus dem IX B de der Denkschrif- ten der mathem. naturw. Classe der K. Acad, der Wis- sensch .) } in- A, 22 p., 6 pl. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1855, 2e sem., t. XLI, nos 23 et 2/i. Annales de la Société météorologique de Fmnce ; tome III, 1855. — Bulletin des séances ; f. 6-16. — Tableaux météo- rologiques; f. 1-3. L'Institut , 1855, nos 11M et 11/15. Bulletin de la Société française de photographie, Ire année, n° 12, novembre 1855. 126 SÉANCE BU 17 DÉCEMBRE 1855. Annales de la Société d’ émulation du département des Vosges ,- t. VIII, 111e cahier, 185&. The Athenœum , \ 855, nos 1Æ67 et 1Û68. Jahrbuch der K . K . geologischen Reichsanstalt . — 1855. F7. Jahrgang . «° 2. April, mai, j uni. IVürte m ber gis che naturw . Jahreshefte. ■ — Siebenter Jahr- gang. — Drittes Heft . Revista minera ,* 1855, t. VI, n° 133. Proceedings of the american Academy of arts and sciences ; vol. III, feuilles 1/i à 23. Le Secrétaire offre à la Société, de la part de M. E. Hugard, un exemplaire de l’ouvrage qu’il vient de publier sous le titre de Muséum d’histoire naturelle de Pai is ; galerie de minéralogie et de géologie\ 1 vol. in-18, 190 pages-, 1855. Cet ouvrage est une description des collections que la galerie renferme j il indique la répartition générale et le classement particulier des échantillons de minéraux, roches, fossiles, ter- rains et séries géographiques -, il donne des détails sur les objets les plus importants et les plus précieux. L’auteur a fait pré- céder cette description d’une notice historique, fort intéressante quoique succincte, sur les développements successifs des col- lections minéralogique et géologique du Muséum, depuis leur origine jusqu’à ce jour. Ce livre manquait à la science, et le public ignorait, en par- tie, les magnifiques richesses que renferme la galerie. Depuis 1806, il n’avait été publié aucun ouvrage constatant l’état des collections } à dater de cette époque, des augmenta- tions considérables avaient eu lieu, et les classements profon- dément modifiés, suivant les progrès récents de la science, méritaient d’être signalés. On ajoutera que, dans la partie descriptive, M. Hugard ne s’est pas contenté de tracer une aride énumération des objets contenus dans les armoires , mais qu’il a donné en tête de chaque genre, de chaque espèce, l’exposé rapide de leur nature scientifique et de leur utilité pratique, de sorte que l’ouvrage peut être considéré comme un précis de géologie et de miné- ralogie, que consulteront avec fruit les personnes qui voudront Note de MF.Lanza, surla Géaloÿe âelaBalmatie. BulLdela Soc. Géol. de France. i_8. Radiolites turbinata Lmk. 3. Hippurites arborea , Not. MÉMOIRE DE Mi LANZA, 127 prendre une idée générale de ces sciences, d’après l’inspection d’une des plus riches collections connues. L’auteur a de plus enrichi son ouvrage des tableaux de la classification des roches et des terrains de M. Gordier, revus par le savant professeur lui-même. Enfin, le volume se termine par une notice assez détaillée de la collection des ossements fossiles qui ont fourni les types des descriptions de G. Cuvier. M. Michelin offre à la Société, de la part de M. Matheron, un plan des travaux d’amélioration de la rade de Toulon. M. Deshayes fait, au nom de M. Lanza, la communication suivante : Essai sur les formations gèognostiques de la Dalmatie et sur quelques nouvelles espèces de Radiolites et d’ Hippurites , par le docteur François Lanza, professeur des sciences natu- relles à Spalato (Dalmatie). Messieurs, J’ai l’honneur de présenter à la Société une courte notice sur la constitution géognostique de la Dalmatie, résultat de mes études pendant les dernières excursions que j’ai eu l’occasion de faire dans cette contrée. Cette notice ne pourra certainement pas être considérée comme offrant une monographie complète des rap- ports stratigraphiques de ce pays. J’entends uniquement vous faire connaître en peu de mots les observations que j’ai faites sur les formations gèognostiques de la Dalmatie, ou le résultat de mes recherches jusqu’à présent; et j’espère que vous voudrez bien les accueillir avec bonté, eu égard à leur intérêt local et à l’amour pour la science qui les a dictées. Un jour, peut-être, ces observa- tions pourront servir de point de départ aux savants géologues qui voudront honorer ma patrie de leur visite, et suppléer à la faiblesse de mes connaissances par l’étendue de leurs lumières. La Dalmatie est un pays long, étroit, longeant le rivage orien- tal de la mer Adriatique, entre UU° 10' et UT 10' de latitude N. et 12° 18' et 16° 38' de longitude E. ( méridien de Paris). Elle est bornée à l’est par l’Albanie, le Monténégro et les provinces tur- ques de la Bosnie et de l’Herzegovine ; à l’ouest par la mer Adria- tique et par la Croatie ; au nord, par la Croatie et la Bosnie ; au sud, par la mer Adriatique. Ce pays est formé par des rameaux des Alpes Carniques, qui, interrompues çà et là par des vallées et des bras de mer, vont, en 128 SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1855. s’écartant du nord-ouest au sud-ouest, se joindre aux monts Acro- cérauniens près de la Macédoine, de façon à former la partie occi- dentale des montagnes bosniaco-serbiennes, qui relient ainsi la grande chaîne des Alpes aux monts Hémus et Balkan. La mer est parsemée au sud d’une longue suite d’îles et de rochers dans une direction presque parallèle à la côte. Ce sont autant de rameaux desdites montagnes, qui concourent à la formation et à la sûreté des ports du pays. Ces montagnes sont en grande partie formées de calcaires cré- tacé et jurassique, dont les strates, suivant la direction du nord- ouest au sud-est, sont généralement inclinées sous des angles inférieurs à û5 degrés, et avec des ondulations fréquentes. Dans leurs parties les plus élevées, ces montagnes sont presque toutes dépourvues d’arbres et de terre végétale, offrant l’aspect triste du calcaire nu et raboteux du carse. Dans les parties méridionales plus basses et formant le littoral, ainsi que dans les vallées des régions alpines, le sol favorisé par un doux climat charme, par sa ferti- lité, les regards fatigués de la monotonie des monts arides qui l’environnent. La vigne et l’olivier y prospèrent surtout le long du littoral; aussi l’huile et le vin sont-ils ses principaux produits d’exportation, tandis que la production du blé, que l’on cultive notamment dans les vallées des régions septentrionales plus éle- vées, est loin de suffire aux besoins de la population. Cette récolte, déjà trop faible en temps ordinaire, est en outre souvent détruite entièrement par la sécheresse des étés, causée principalement par la nudité des montagnes dont les rochers brûlants empêchent la condensation des vapeurs, favorisée en d’autres pays par l’épais- seur des forêts. De cet état d’aridité et de déboisement de nos montagnes, il résulte que le sol de la Dalmatie est sillonné par des torrents qui le ravinent de toutes parts. De là les allumions modernes , auxquelles il faut attribuer surtout le comblement de la vallée du Narenta, ainsi que la formation récente du delta de Fort’opus , sur laquelle j’ai donné quelques explications dans mon Essai historique et statistique sur V arrondis- sement de V ancienne Narona , publié en 1 842 par l’Académie des sciences de Bologne. Il ne manque même pas d’exemples d 'allumions anciennes , parmi lesquelles le haut plateau de Kameno, près de Castelnuovo, dans l’arrondissement de Cattaro, est fort remarquable : sur une grande étendue et à plusieurs mètres de profondeur, le sol y est tout couvert de cailloux calcaires. D’un autre côté, tout le haut plateau situé entre Ostrovizza et Kistagne est couvert d’un con- i MÉMOIRE DE M. LANZÀ. 129 glomérat calcaire de formation diluvienne. A ce déluge erratique paraît appartenir, sous le point de vue paléontologique, la brèche osseuse qu’on rencontre en Dalmatie dans les fentes du calcaire crétacé ou jurassique. Dans ces brèches osseuses on a reconnu les os d’un ruminant de la famille des cerfs, mais jamais on n’a pu y trouver d’indices de coquillages marins; on y rencontre seule- ment des coquilles de terre ou d’eau douce. Je crois qu’il faut attribuer à la même cause les dépôts considérables de fer oxydé hydraté en grains qu’on trouve dans quelques bassins de la Dal- matie, et qui donnent une couleur rougeâtre au ciment calcaire des brèches ossifères et à la terre argileuse des mêmes bassins ou des terres inférieures. C’est aux périodes les moins anciennes de X époque tertiaire qu’appartiennent, en partie, certains conglomérats et les brèches calcaires qui occupent une étendue considérable en Dalmatie, et qui fournissent souvent d’excellents matériaux de construction. Telles sont, par exemple, les brèches calcaires de Sign, où il y a des collines formées entièrement de couches de marnes d’eau douce, qui renferment quelques dépôts de lignite , ou plutôt des troncs d’arbres (probablement de noyer) à l’état fossile, mais peu bitumineux , donnant un combustible de mauvaise qualité, qui cependant servait jadis à chauffer des fours à briques. Dans ces terrains et même dans les cavernes, qui abondent sur les mon- tagnes calcaires de la Dalmatie, on n’a pas encore rencontré de restes de mammifères, si ce n’est dans les brèches osseuses dont j’ai déjà parlé. De toutes ces circonstances il faut conclure, que la longue vallée de Sign a été entièrement occupée jadis par un grand lac d’eau douce, et pendant une longue période tertiaire, c’est-à-dire avant que les eaux du Cettina se fussent frayé un pas- sage à travers les montagnes de Poglizza, où, même de nos jours, on voit deux belles cascades, et avant qu’elles eussent gagné le fond qu’elles occupent aujourd’hui. A la période éocène appartiennent d’autres couches intéres- santes de calcaire et de grès marneux bleuâtre ou jaunâtre ren- fermant beaucoup de fossiles, notamment dans les localités du mont Promina, d’Ostrovizza, de Dubravizza et de Vacciane, fossiles qui me paraissent avoir beaucoup d’analogie avec ceux du bassin de Paris. Je possède, entre autres, quelques beaux exemplaires de Cerithium cornu- copiœ, Bronn, et un moule calcaire d’une autre espèce de Cerithium , d’une longueur d’environ 35 centimètres et d’une largeur très considérable, qui pourrait bien être une variété large du C. giganteum. J’ai trouvé ces deux espèces dans les Soc, géol.y 215 série , tome XIII. 9 SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1855. 130 marnes d’Ostrovizza , de Dubravizza et de Yacciane, avec le C. hexagonum , Brug., et quelques autres espèces du même genre, quelques magnifiques Lucina gigantea , Desh., quelques Cytherea que l’on pourrait dire également gigantea, une espèce de Nautilus très grande, ressemblant à Yimperialis de Sow., et quelques espèces très intéressantes du genre Inoceramus , quoique l’éminent M. Mur- çhison ait trouvé ailleurs d’autres espèces d’ Inoceramus dans la craie, et qu’on ait qualifié les espèces fossiles de ce genre comme caractéristiques de la craie blanche , tandis que M. d’Orbigny les classe dans Y étage glauconieux. Cependant, je dois déclarer n’avoir jamais trouvé aucune espèce d’ Inoceramus dans le calcaire hippuritique de la Dalmatie, qui est assez développé pour se mon- trer, au moins dans cette localité, comme exclusivement caracté- ristique de la craie blanche, ainsi que j’aurai l’honneur de le dire plus tard. Mais la formation éocènc du mont Promina en Dalmatie offre le plus d’importance , tant par le dépôt énorme de lignite bitu- mineux ( Braunkohle ) qu’on y exploite et qu’on emploie pour les Bateaux à vapeur, que par l’intéressante Flore fossile qu’elle ren- ferme, et dont le professeur Ettingshausen de Vienne a donné der- nièrement une belle monographie, il y a quelques années qu’entre les couches de ce lignite, reposant sur un calcaire d’eau douce, grisâtre, compacte et à cassure conchoïdale, on a trouvé les restes très intéressants de la mâchoire inférieure d’un mammifère de l’ordre des Pachydermes que M. Hermann de Meyer, de Franc- fort, a appelé An thracotherium dalmatinum. Dans un fragment du même lignite que je possède, et près duquel on a trouvé cette mâchoire, on voit encore des poils de cet animal, dont je conserve aussi une dent incisive. Supérieurement au lignite, il y a une couche d’argile noirâtre, riche en restes de plantes carbonisées, parmi lesquelles j’ai reconnu particulièrement et en très grand nombre les espèces : Goniopte- ris daim a tic a, À. Braun, A ra ucari tes SternbergH, Gopp., Daphno- ge ne grandi] o lia et D. potymorpha, Ettingsh., Cassia hyperborea et C. Bérénices , Ung., etc. Au-dessous de l’argile, il y a une eouclie de marne schisteuse jaunâtre, dans laquelle, outre les plantes ci-dessus indiquées, on rencontre communément d’autres espèces de Daphnogeney L auras, Ficus , Banksia , Cassia , Flabel- iaria , etc. Ce schiste marneux est même souvent caractérisé par une coquille bivalve très petite que je crois appartenir au genre Pisidium , et que je proposerais d’appeler Schlehani , en l’honneur de mon ami M. Schlehan , directeur des mines de MÉMOIRE DE M. LANZA. 434 lignite à Sivarich sur le Proniina. La localité de Yaros sur la même montagne est également riche en plantes fossiles distri- buées dans deux couches: hune calcaire marneuse blanc-jaunâtre, où l’on trouve de très belles impressions de Nelumbium nympha - coides et de N. Buchii , Ettingsh.; l’autre marneuse et bitumineuse noirâtre, offrant abondamment les espèces: Goniopteris polypo- dioides , Sphenr.pteris eoçenica , Ettingsh., Flabellaria Catanin , Araucurites Sternbeigii , Gopp., et plusieurs espèces encore des genres indiqués et autres, que je possède et qui n’ont pas été jusqu’à présent décrites. Quelques dépôts de gypse qu’on trouve associés aux terrains tertiaires les plus anciens, et spécialement à Yaros, au pied du mont Promina, ne sont peut-être que des transformations du carbonate de chaux, produites par la décomposition des pyrites de fer, et c’est à la même cause, je crois, qu’il faut attribuer aussi les dépôts fréquents de fer oxydé hydraté en grains, et même les eaux sulfureuses de Spalato et de la vallée d’ümbla, près de Raguse. Dans les couches sablonneuses et marneuses des terrains ter- tiaires plus anciens commencent à paraître quelques espèces de Numnudites ) panai lesquelles j’ai reconnu la Nu ni mal i tes gi 'an osa , d’Arch., dans les marnes de Dubravizza, avec quelques Turbinolia , la Eupsammia Maçduri , cl’Orb , la P a c/i y 's cri s M u rc/i /.son /, H a i ni e , que M. d’Ârchiac a citée comme n’ayant été trouvée jusqu’à pré- sent que dans le Sind, et quelques autres polypiers, notamment dans les marnes supercrétacées de l’île de Lésina. Cependant, quoique les Nummulites commencent à paraître dans les couches tertiaires les plus anciennes, néanmoins nous devons avouer que leur gisement principal, en Dalmatie, est au milieu des couches calcaires et marneuses subordonnées à la formation eocène, et qui constituent, pour ainsi dire, le point de départ des terrains tertiaires plus anciens vers les terrains supé- rieurs de la craie. Les couches calcaires et marneuses nnmmulitiques sont très étendues en Dalmatie, et renferment des noyaux siliceux qui sont aussi nummulitiques, comme on peut le voir, notamment dans les environs de Spalato. Ces strates nummulitiques représen- tent véritablement un membre de la période supererétacée que M. Murchison a justement caractérisée par la présence de ces fossiles. Les espèces de cette famille que j’ai pu déterminer jus- qu’à présent en Dalmatie sont les suivantes: Nununiditcs lœvigata , JLanxk., et N. Dujrcnoyl , d’Arch., dans la marne de Spalato, SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1855. J 52 Y. Brongniarti , d’Arch., dans le calcaire avec Alveolina de l’île Bua, Y. Caillaudi , d’Arch., dans le calcaire du mont Saint- Elie près de Tracé, JY Tchihatcheffi , d’Arch., dans le calcaire des environs de Zara, JY. distans, Desh., dans celui de Sibensio , JY perforata , d’üib., dans le conglomérat de Bencovaz près de Zara. En quelques endroits, spécialement dans les couches cal- caires nummulitiques inférieures, on trouve d’autres foraminifères et surtout X Alveolina longa , Czyzek, qui paraît rattacher la couche hippuritique de la craie à la couche nummulitique supercrétacée, et qui renferme, en outre, la Cyclolites elliptica, d’Orb., le Pla- giostoma spin os uni , quelques Pectinites et quelques Echinites. Ici je ne dois pas passer sous silence un calcaire bitumineux nummu- litique qu’on trouve dans la presqu’île de Lustizza, appartenant au canal de Cattaro. Ce calcaire offre assez d’intérêt, car la chaux qui en résulte fournit un ciment presque hydraulique, capable de devenir très dur avec le temps. Cette propriété, que j’ai reconnue pendant mon séjour à Castelnuovo de Cattaro , en qualité de médecin du district et du lazaret, mériterait d’être mieux étudiée afin de pouvoir en profiter dans les travaux de construction. Enfin, on peut regarder comme appartenant aux formations de cette période supercrétacée un calcaire marneux d’eau douce, contenant des Mélanies et des Paludines , que l’on trouve dans les îles de Lésina et de Bua, près de Traù, et à Zabiachie, dans les environs de Sibenico, et aussi l’arénaire littorale, correspondant au tassello d’Istrie , renfermant des foraminifères de cette même période. Mais le système qu’on voit le plus développé en Dalmatie, c’est le système, crétacé qui forme la plus grande partie des montagnes de cette province, présentant les cavernes calcaires dont nous avons parlé. La couche prédominante de cette formation, c’est la couche hippuritique , qui, comme je l’ai déjà fait observer, repré- sente la craie blanche, quoiqu’on trouve aussi des Hippurites dans un calcaire grisâtre ou rougeâtre, et même quelquefois imprégné d’asphalte, qui abonde parmi les calcaires de cette formation, et que l’on exploite pour l’appliquer à plusieurs usages techniques. Les fossiles de cette formation sont très intéressants. Je dois citer d’abord, dans le calcaire crétacé blanc des environs de Zara, l’ Hippurites bioculata , Lamk., X H. organisons , Des Moul., et VH. Toucasiana , d’Orb. J’ai aussi rencontré deux magnifiques exemplaires, fort analogues à Y H, Fortisii de Catullo, mais qui, je crois doivent appartenir au genre Radiolites de Lamarck, et un exemplaire très beau de la Radiolites turbinata du même auteur, MEMOIRE I)E M. LANZA. 133 dont j’ai l’honneur de représenter le dessin de grandeur naturelle (PI. VIII, fig. 1), sur lequel vous pourrez voir l’individu complet avec ses deux valves, recouvertes de la substance corticale externe qui présente des côtes longitudinales. Par un hasard heureux, en détachant cet exemplaire de la roche calcaire à laquelle il était adhérent, il s’est en même temps détaché une partie de la sub- stance corticale; je suis donc à même de vous montrer la figure du même fossile (fig. 2) dépouillé de son enveloppe extérieure et cellulaire dans laquelle on voit une deuxième enveloppe plus interne, qui était l’enveloppe nacrée et qui présente huit couches d’accroissement, en rapport avec Page de l’animal. Vous voyez ensuite (fig. 3j un autre exemplaire de la même espèce, qui repré- sente la structure interne de la valve inférieure à couches concen- triques, et qui offre en cela quelque analogie avec la structure des Huîtres. Dans la partie supérieure, on y remarque un creux indi- quant la pia^e occupée par l’animal. La fig. l\ représente un frag- ment grossi de la substance corticale, qui peut donner une idée de sa structure poreuse et cellulaire. Dans les figures 5, 6 et 7, j’ai l’honneur de vous présenter une nouvelle et très intéressante espèce de celle famille, que j’ai trouvée dans le même calcaire. La fig. 5 représente la partie supérieure d’une valve inférieure, avec son enve- loppe corticale externe à côtes, et X ouverture supérieure hexagonale ; dans la figure 6, vous voyez un fragment inférieur du noyau avec son enveloppe nacrée, dans laquelle on observe la même structure intérieure à couches concentriques, que l’on voit encore mieux sur la section a de la figure 7, qui montre une roche calcaire pré- sentant non-seulement la section d’une valve inférieure compri- mée, mais aussi l’ouverture hexagonale répétée d’un autre individu de la même espèce que je crois pouvoir appeler Radiolites hexa - gona. Dans la même localité des environs de Zara, un calcaire crétacé gris offre, outre la Radiolites socialis , d’Orb., une espèce XX Hip pa- rités qui se présente habituellement en groupes de plusieurs indi- vidus tellement entrelacés entre eux qu’on n’en peut extraire aucun complet; on en tire seulement des noyaux imparfaits (fig. 8), un peu courbés, légèrement striés longitudinalement, avec des lignes transversales correspondant aux époques d’accroissement de l’animal, et un sillon ( a-b ) longitudinal, tandis que l’enveloppe extérieure de la coquille (< c-d ) cristalline, avec des stries trans- verses, se montre adhérente à la roche calcaire. Cette même espèce, je l’ai rencontrée dans un calcaire argileux rouge du mont Prolog, qui sépare en partie la Dalmatie de la Bosnie. Dans un de mes SÉANCE DU I 7 DÉCEMBRE 1855. 13/i rapports à l’Institut géologique I. R. de Vienne, j’ai proposé de donner à cette espèce le nom d ’ Hippuritcs intricaîa. Mais la famille des Rudistes présente un intérêt bien plus grand dans un calcaire crétacé blanc des monts de Verpolie près de Sibenico. Sans y compter Y H ippuritè s organisons , Des Moul., Y H. snlcatus , Defr., et Y H. cornu-vaccinum , Bronn, dont j’ai un exemplaire complet, magnifique, d’une hauteur d’environ 30 cen- timètres, j’y ai trouvé une nouvelle espèce d’ Hippuritcs gigan- tesque, dont un seul fragment que je possède, et que j’ai repré- senté dans la figure 9, a presque la hauteur de 80 centimètres, et un diamètre à peu près uniforme de 10 centimètres sur toute la hauteur. Sa structure paraît être analogue à celle de Y Hippuri tes snlcatus , Defr., ayant des côtes longitudinales extérieures sem- blables mais plus larges. Au tiers environ de sa hauteur, on voit une autre petite Hippürite qui en représente presque une ramifi- cation. Et comme l’individu prend l’aspect d’un troiïC d’arbre, je propose d’appeler cette espèce magnifique Hippuritcs arbùrea. Le terrain crétacé de la Dalmatie présente du reste encore d’autres espèces de cette même famille, qui sont tout à fait incon- nues, et dont je ne vous parlerai pas, car jusqu’à présent je n’en ai obtenu que des échantillons trop incomplets. Je citerai seule- ment un calcaire noirâtre bitumineux avec Radioliies, que j’ai rencontré stratifié sur les hauteurs du mont Velebich, entre Pod- prag et Mali-Halan, près des frontières de la Croatie, et qui pré- sente des fossiles prenant dans la pierre polie une forme triangu- laire irrégulière, avec des conglomérations intérieures. Ces fossiles, changés eh spath calcaire, ne peuvent être séparés de la pierre, qui constitue d’ailleurs un marbre d’un effet merveilleux, et qui, je crois, peut être rapporté à la couche hippuritique senoniènne de M. d’Orbigny, Ayant eu connaissance des études si soigneuses et si intéressantes sur les Hippürites que vient de terminer M. Bayle, ingénieur et professeur à Y École des mines de Paris, et de l’important ouvrage qu’il se propose de publier sur ce sujet, ouvrage qui prouvera amplement comment cette famille des fos- siles doit être classée parmi les mollusques, je me ferai un véri- table plaisir de lui envoyer une série d’échantillons des espèces d’Hippufites que j’ai trouvées dans le terrain crétacé de la Dalma- tie, et dont j’espère que M. Bayle pourra profiter pour ses études au grand avantage de la science paléontologique, qui est rede- vable d’ailleurs de tant de progrès aux travaux classiques des honorables ët illustres membres de cette Société. Du reste, à l’exception de quelques Càprotines et de quelques MÉMOIRE DE M. LANZA. 135 Nérinées, je n’ai pu découvrir jusqu’à présent aucun autre genre de fossiles dans l’étage de la craie blanche à Hippurites de la Dalmatie, et par conséquent aucune espèce à'Inoceramus, comme je l’ai déjà dit. Le système jurassique est peu développé en Dalmatie, et Y étage Viatique y manque complètement. Peu de fossiles, représentant la période oolitique ou du jura blanc, se montrent en deux zones situées sur deux lignes presque parallèles, allant du nord- ouest au sud-est ; une de ces lignes longe les îles qui côtoient le rivage; l’autre suit la chaîne des Alpes dinariques et des monta^- gnes qui séparent la Dalmatie de la Croatie, de la Bosnie et du Monténégro. Quelques couches de cette période présentent un calcaire schisteux blanc, spécial, qui parfois se rapproche du cal- caire de Solenhofen en Bavière, et dans lequel on trouve des pois- sons fossiles. Tel est surtout le calcaire schisteux de "Verbosca dans l’île de Lésina, et celui du mont Leinesch, près de Yerlica. D’au- tres couches sur les montagnes qui forment la côte septentrio- nale du canal de Cattaro présentent tantôt un calcaire blanc et compacte semblable à la pierre lithographique de Solenhofen, et tantôt un calcaire rouge, compacte, parfois schisteux, que l’on emploie au pavage. M. Heckel, inspecteur du muséum impérial d’ichthyologie à Vienne, avait entrepris une étude sur les Ichthyo- lites de Lésina. Il en a déterminé quelques espèces, parmi lesquelles le Pic/iodus Muraltii et le Chirocentrites microdon que l’on ren- contre ordinairement, et plus souvent que toute autre espèce, dans les schistes dont nous venons de parler. Mais j’en possède d’autres qui n’ont pas encore été décrites, et qui présentent cependant un très grand intérêt pour la science paléontologique. M. Heckel, que je viens de citer, s’est appuyé sur les observations des natu- ralistes qui ont visité la Dalmatie lorsque la géologie était encore à son berceau, et, suivant M. Agassiz, il a parlé de ces espèces d’Ichthyolites comme appartenant à la formation crétacée ; mais si la détermination des formations géologiques doit être basée spécialement sur l’ensemble des caractères paléontologiques, je suis d’avis qu’il faut les rapporter à un étage supérieur de la période jurassique. On rencontre, en effet, dans les couches marneuses de Lésina, superposées aux schistes calcaires ichthyo- litiques, le Pentacrinites basaltiformis et dans le schiste calcaire du mont Lemesch, analogue à celui de Lésina, Y Ammonites fimbria- tus , Y Apty chus lamellosus et Y A. Hectici , Quenst., et une espèce inconnue de Lumbricaria , que du nom de la localité je voudrais appeler Lemeschii . Dans un calcaire compacte des environs du 136 SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1855. mont Dinara, près des embouchures du fleuve Cettina, l’on ren- contre souvent X Ammonites commuais. Ces fossiles me paraissent caractériser assez bien la nature de la formation, quand même il n’y aurait pas d’autres caractères marquant la période jurassique inférieure. Jusqu’à présent on ne connaissait pas en Dalmatie de forma- tions antérieures aux périodes crétacée et jurassique; mais j’ai découvert dernièrement quelques couches très intéressantes du système triasique , qui constituent une série de collines, conser- vant leur direction de l’est à l’ouest, et séparant la campagne de Sign de celles de Much et de Postigne. Ces couches se composent des marnes irisées (ou Keupei *), du calcaire coq ni Hier (ou musc fiel- kalk) et de grès bigarrés rouges et verts , micacés , qui abondent en empreintes de fossiles, difficiles à déterminer. Parmi ces fossiles, j’ai pu reconnaître les espèces suivantes : Rhinchonella senti cos ta ta , Pectcn dccoratus, P. tubulifer , Orbiculina reflexa , Sow., Avicula socicilis, une autre espèce à' Avicula con- stamment plus petite (que, si elie n’est pas une variété de la pre- mière, je voudrais appeler Dunkeri en l’honneur de mon ami le professeur Dunker, de Marburg), Mytilus ecluli for mis, Scliloth., Plagiostoma lineatum , Broun, plusieurs JSuciilacea et Myacites , Gyclas keapcrina , Quenst., Natica Gaillarcloti , Goldf., Ceratitcs nodosus , Schlotli., quelques Fucoides, etc. Il paraît qu’aux couches de cette période se rattache un dépôt considérable de gypse granulaire et compacte , qu’on trouve dans la partie septentrionale de la vallée de Sign, et qui nous ferait croire à l’existence possible d’une couche salifère. J’avais déjà parlé de ce gisement probable dans un rapport adressé à l’Institut géologique de Vienne, qui a été publié il y a deux ans dans le Collettore deli’ Adige de Vérone, dont il a été inséré un extrait dans les Annales des sciences naturelles de Bologne, et qui a même été traduit en allemand dans le journal de l’Institut géo- logique de Vienne ( Jahrbuch derK.K. geologischen Reichsanstalt , 1853, IV Jahrg. , n° 1, p. 158). J’ai fait connaître dans ce rapport mes conjectures sur un dépôt voisin de sel gemme. Maintenant cette supposition paraît se confirmer, car j’ai reçu d’une localité voisine quelques échantillons de sel gemme granulaire d’une excellente qualité, parfaitement analogue à celui de Wieliczka, et qui pourrait donner lieu à une exploitation très importante. Du reste, la Dalmatie présente encore d’autres dépôts de gypse, mais qui appartiennent à des formations tertiaires, et qui résul- tent probablement de la décomposition des pyrites de fer dont MÉMOIRE DE M. LÀNZA. 137 j’ai déjà parlé. Un exemple très remarquable du métamorphisme de la pyrite hexaédrique nous est présenté par un minerai de fer hydroxydé que j’ai découvert en 1851 dans la forêt dite Bukva , sur le sommet du mont Velebich, près de Mali-Halan, où l’on voit les hexaèdres parfaits de la pyrite transformés en fer hydroxydé, avec toutes leurs transitions aux formes composées et secondaires qui appartiennent au même système cubique. Quant aux formations antérieures au système du trias, la Dal- matie n’en offre pas de traces. Pour ce qui regarde les émersions plutoniques, on rencontre un mélaphyre à cristaux d’amphigène que j’ai observé dans l’île de Lissa, et une diorite qui se trouve dans quelques petites îles à quelques milles de Lissa. Ces roches plutoniques pourraient ser- vir peut-être, suivant la théorie de M. de Buch, à justifier le méta- morphisme du calcaire compacte ordinaire, crétacé ou jurassique, en calcaire dolomitique, dont nous voyons plusieurs exemples dans les îles et sur tout le versant méridional de la chaîne des montagnes littorales. Je dois borner mon esquisse à ce rapide exposé, écrit à la hâte dans les quelques heures de loisir que me laissait mon voyage. Comme je ne veux pas abuser plus longtemps de l’attention bien- veillante dont vous avez bien voulu m’honorer, je vais mettre sous vos yeux un tableau chronologique de la superposition des ter- rains dont je viens de vous entretenir, et qui résume, pour ainsi dire, les observations contenues dans ce mémoire. Tableau chronologique de la superposition des terrains de la Dalmatie, dans les localités examinées jusqu’à ce jour. 138 SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 4855. Bull, de la Soc. Gèol. de France . Note de M. E Bayle . F.WUly del. — Radiolites cornu - nas toris Des Moul. Sp. NOTE DE M. BAYLE. 139 M. Descîoizeaox fait hommage à la Société du Mémoire qu’il vient de publier dans les Annales de chimie et de physique , t. XLV, 3e série, sous le titre : Sur la cristallisation et la structure intérieure du quartz. A ce Mémoire sont jointes quatre planches, dont deux sont exclusivement consacrées à la des- cription des nouvelles formes cristallines observées dans le quartz, et dont les deux autres ont pour but de montrer les divers phénomènes que la lumière polarisée fait naître dans les plaques de ce minéral. Une de ces deux dernières planches a été obtenue d’après des images photographiques* â l’aide du procédé de gravure héliographique de MM. Garnier et Salrnon, de Chartres, et elle permet surtout d’étudier la structure inté- rieure d’un certain nombre d’échantillons de quartz incolores et d’améthystes du Brésil. M. Bayle fait la communication suivante: Observations sur le Badiolites cornu-pastoris des Moid. (sp .) , par M. É. Bayle. Plusieurs espèces de Badiolites , entre autres le B. cornu- pastoris (Des Moul. , sp.) (i), ont, sur la surface extérieure de leurs valves, deux bandes d’inégale largeur, qui contrastent d’une ma- nière frappante avec le reste des ornements du test. Les naturalistes qui ont établi ces espèces n’ôntpas décrit la structure intérieure de leurs coquilles ; il restait donc à fixer la place que les deux bandes occupent par rapport à la charnière et aux impressions muscu- laires, afin de décider si l’existence de ces bandes se rattache à quelque modification de structure assez importante pour néces- siter l’établissement d’un genre spécial , destiné à réunir les espèces qui en sont pourvues. En étudiant la structure intérieure du Badiolites cornu-pastoris (Des Moul., sp.), j’ai pu constater le véritable rapport des bandes avec les éléments essentiels de la coquille. Les exemplaires qui ont servi à mes recherches, ont été recueil- lis dans la carrière des Pyles, à 12 kilomètres de Périgueux, sur la route de Limoges, par M. Marrot, inspecteur général des mines, qui me les a adressés pour en enrichir la collection de l’École des (l) Cette espèce a été décrite pour la première fois, en 1826, par M. Charles Des Moulins, sous le nom d ' Hippufites cornu-pastoris . [Essai sur les Sphérulitcs, p. 141). SÉANCE EU 17 DÉCEMBRE 1855. uo Mines. La roche qui empâte ces coquilles est un calcaire friable, d’une blancheur éclatante. Dans beaucoup d’individus l’intérieur des valves est rempli de sédiment, et l’on peut en retirer desbiros- tres complets, tandis que chez les autres la cavité est vide, mais tapissée d’une couche généralement peu épaisse de chaux carbo- natée cristallisée. Quand on détruit cet encroûtement calcaire à l’aide de burins, on obtient des valves inférieures dont la cavité montre toutes ses parties dans le plus partait état de conserva- tion. La figure (à) de la planche (PI. IX), qui accompagne cette notice, représente la cavité d’une valve inférieure, obtenue par un semblable procédé. La coquille du Radiolites cornu-pastoris est généralement assez irrégulière dans sa forme; la valve inférieure est le plus souvent conique, et quelquefois plus ou moins recourbée; la valve supé- rieure est toujours petite, plane ou légèrement convexe. Toute la surface de la valve inférieure est ornée, dans le sens de sa longueur, de côtes larges, carénées, inégales, et qui se croisent avec les lames externes plus ou moins irrégulières, qui répondent aux accroissements successifs de la coquille. Mais le caractère le plus remarquable qu’offre cette valve consiste dans la présence de deux bandes longitudinales à côtes obtuses et fines, qui contrastent fortement avec les larges côtes dont le reste du test est couvert. Ces deux bandes sont très inégales, et leur position relative est constamment la même ; quelle que soit la forme de la coquille, la plus large des deux (R) est toujours située sur le bord antérienr en face de la charnière. La valve supérieure (fig. 2) présente les mêmes côtes, ainsi que les deux bandes qui correspondent à celles de l’inférieure ; mais ces ornements sont principalement distincts au pourtour de la valve, et plus ou moins effacés à son sommet, c’est-à-dire vers le centre. Il n’est pas rare de rencontrer, dans la carrière des Pyles, certains individus dont la valve supérieure (fig. 3) est réduite à une sorte de disque circulaire, qui ferme simplement l’ouverture de la coquille sans en dépasser le contour. On voit alors que la surface externe de cet opercule est couverte de stries fines, concen- triques à son bord, et que la substance qui le constitue n’est que du dépôt vitreux; c’est donc une valve supérieure dépouillée de ses lames celluleuses externes. Beaucoup de Sphêrulites et de Radiolites , entre autres les Sphœrulites radiosus (d’Orb., sp.), mammillaris (Math., sp.), foliaceus (Lamk.), ainsi que les Ra- diolites crateriformis (Des Moul., sp.) et Jouanneti (Des Moul., sp.) se rencontrent souvent avec une valve supérieure opercu- NOTE DE M. BAYLE, 141 laire; dans ce cas, la valve est toujours, en tout ou partie, pri- vée des lames externes du test, quand la coquille de ces espèces est bien entière, les dernières lames externes déposées par le con- tour des lobes supérieur et inférieur du manteau se recouvrent dans toute leur étendue; sans cela le lobe inférieur du manteau serait plus développé que le supérieur, particularité qui n’a jamais été observée dans un mollusque lamellibra riche. Les lames externes du test du Radiolites cornu-pastoris sont remarquablement celluleuses. Les cellules, beaucoup plus larges que les parois calcaires qui les séparent les unes des autres, ont la forme des prismes à base polygonale et dont les axes sont perpen- diculaires à la surface des lames. Dans aucune autre espèce de Radiolites ou de Sphérulites , on n’observe des cellules proportion- nellement aussi grandes. §||La cavité de la valve inférieure est plus ou moins profonde, suivant les individus, parce que les lames de tissu vitreux, qui remplissent l’intérieur de la coquille, laissent entre elles, à son sommet, des espaces vides très irréguliers. La cavité que j’ai représentée (fig. 4) est remarquablement peu profonde. On voit que le bord cardinal ne porte pas de crête saillante comme celui des Sphérulites , mais qu’il est entièrement semblable au bord cardi- nal des Radiolites. Les deux impressions musculaires sont super- ficielles et assez peu distinctes; elles présentent des stries très fines qui sont loin d’être aussi marquées que le sont les lames saillantes qui se remarquent sur les impressions musculaires des Radiolites Jouanneti (Des Moul., sp.), ingens (Des Moul., sp.), et Bournoni (Des Moul. , sp.) ; sous ce rapport, on peut les comparer à celles du Sphœrulites cylindrace.us (Des Moul.) qui sont très peu marquées sur la surface des attaches musculaires dans cette espèce. Les impressions musculaires n’ont pas la même longueur; l’une des deux (E), celle du musele adducteur postérieur, s’étend sur la paroi interne jusqu’au droit de la bande (T) qui est placée exté- rieurement sur le même côté, et même un peu au delà, tandis que la seconde (D) s’arrête bien avant d’être arrivée en regard de l’autre bande (R). On ne peut s’empêcher d’être frappé de la complète analogie qu’offrent, dans leur position par rapport aux impressions mus- culaires, les deux bandes externes de cette espèce, avec les deux larges saillies internes des Radiolites Jouanneti et craterijormis ; j’ai montré, en effet, que dans ces espèces (1) l’impression musculaire (1) Bayle, Observations sur le Radiolites Jouanneti [Bull, de la Soc . géol. de France , t. XIII, p. 102, pl. VI). SÉANCE DU M DÉCEMBRE 1855. 142 du côté droit recouvre le large pilier interne qui est situé du même côté, et s’étend jusque sur le bord antérieur, tandis que la seconde impression musculaire ne s’avance pas jusqu’au pilier qui l’avoisine. Les fossettes de la charnière sont placées sur le bord cardinal, en arrière des impressions musculaires. Ce sont deux gaines [f g, fig. U) largement ouvertes dans toute leur longueur, et qui sont appliquées contre les parois mêmes de la coquille. La surface interne des fossettes porte des lames longitudinales, assez sail- lantes, qui pénétraient dans des sillons creusés sur la surface pos- térieure des dents cardinales de la valve supérieure. La forme et la position de ces alvéoles sont absolument les mêmes que dans toutes les espèces de Radiolites. La région cardinale (S), placée derrière les deux fossettes, com- munique largement avec la cavité principale (M) de la valve. Le moule intérieur de cette espèce n’avait donc pas plus d’appareil accessoire que celui des Radiolites crateriforniis et Jouanneti , et de toutes les autres Radiolites. La charnière et les impressions musculaires sont disposées, dans la valve supérieure, comme elles le sont dans toutes les espèces de Radiolites. A la partie submédiane de cette valve, et à une assez petite distance de son bord cardinal, s’élèvent deux grandes apophyses réunies l’une à l’autre par la base, et qui portent les deux dents cardinales, ainsi que les surfaces d’insertion des muscles adduc- teurs. L’apophyse destinée à fournir l’attache du muscle adducteur antérieur, celle du côté gauche (r/, fig. 5), est triangulaire, légère- ment courbée dans sa longueur et supportée par un pédicule très large. CJne rainure profonde la sépare de la dent cardinale (F) qui est située en arrière. La seconde apophyse (, présenté par MM. Charles d’Orbigny et de Verneuil \ Sébeaux (Alexandre), demeurant à Paris, boulevard Beau- marchais, 102, présenté par MM. Charles d’Orbigny et de Verneuil -, Vallon (Alexandre), licencié és sciences naturelles, demeu- rant à Paris, rue Gracieuse, 20, présenté par MM. Charles d’Orbigny et de Verneuil. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Buteux, Supplément de V esquisse géolo- gique du département de la Somme,' in-8, 12 p., I pl. Paris, 1855, imprimerie de L. Martinet. De 1a part de M- Eug. Durrwell, Aperçu géologique du can- ton de Guebwiller • in-8, 143 pages, 1 carte, 1 pî. de coupes. Guebwilîer, 1856, chez J. -B. Jung. De la part de M. Aug. Laugel, Globe terrestre rédigé d'après les découvertes les plus récentes, par Ch, Dien , avec le réseau pentagonal tracé d'après les données de M. Élie de Beaumont, par M. Aug. Laugel. Paris, 1855, chez Sauret-Andriveau et P. Bertrand. De ia part de M. B. Siuder : 1° Zur Géologie des Hochalpen ; in-12, 6 pages. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 163 2° Geologischc Ubérsiçhls Karte der Sckw eiz ,. par MM. B. Studer et A. Escher de la Lioth ; 1 f. colombier ^ Winterthur. De la part de M. J.-D. Whitney, The metallic wealth of t lie United-States , in-8, 510 p. Philadelphia. 1854, chez Lippin- cott, Grambo, and G°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de VA ccidémie des sciences ; 1856, 1er sem., t. XLIL n° 1. Annuaire de la Société météorologique de France; t. II 1854, 2e partie. Tabl. météor., f. 28-31; — t. III, 1855, 2e par- tie. Bulletin des séances , f. 17-23. Annales des Mines ; 5e série, t. VII, 2e livraison de 1855. Société I. et centrale d’agriculture. Bulletin des séances ; 2e série, t. XI, n° 1. L’Institut , 1856, n° 1149. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 132. Mémoires de F Académie de Stanislas (Nancy), 1854. The quarterly journal ofllie geological Society of London; t. XI, 4e partie, novembre 1855, n° 44. The Atheriamm ; 1856, n°1472. 'V erhandlun gen des naturhistorischen Fereines der P réussi- sçhen Rheinlcinde and Westphalens , Zwôlfter Jahrgang. — Erst. und zweit. Heft. Revista minera; t. VI, nn 134 5 t. VII, n° 135. The a mer ica n journal of science and arts , by Silliman 5 september 1855, t.XX, n° 59. M. Laugel, en offrant à la Société un exemplaire du globe terrestre avec le réseau pentagonal tracé d’après les données de M. Elie de Beaumont, s’exprime ainsi : J’ai l’honneur de présenter à la Société géologique un globe sur lequel j’ai tracé le réseau pentagonal, tel que M. Elie de Beaumont l’a établi dans sa Notice sur les systèmes de montagnes. La latitude et la longitude d’un très grand nombre de points remarquables du réseau m’ont été fournies par M . Elie de Beaumont : le transport de ces points sur le globe a été la base de mon travail et en forme la partie la plus rigoureuse : le tracé des cercles qui relient entre eux ces divers points présentait, en effet, d’assez grandes difficultés, parce que sur les fuseaux plans où s’effectuait le dessin des cercles chacun d’eux est représenté par douze tronçons courbes, dont le SÉANCE DU i k JANVIER 1856. 16/| raccordement peut difficilement être obtenu d’une manière par- faite, et qu’en outre le collage et le retrait du papier viennent en- core altérer le travail primitif. Outre les cercles fondamentaux du réseau pentagonal, j’ai encore tracé un grand nombre de cercles auxiliaires, qui présentent des rapports très directs et très évidents avec le réseau primitif, et dont les systèmes présentent des particu- larités assez remarquables, pour qu’on les saisisse en quelque sorte au premier coup d’œil. Enfin, j’ai essayé de faire ressortir toutes les parties du réseau pentagonal et d'en faire comprendre la disposition symétrique au moyen d’un système particulier de coloriage. On aperçoit ainsi distinctement chacun des 120 triangles sphériques scalènesqui couvrent la surface du globe, et chaque pentagone est caractérisé par une succession de triangles scalènes, dont les cou- leurs sont alternantes. Malgré les imperfections de ce travail, il pourra sans doute être de quelque secours à toutes les personnes qui, dans une contrée déterminée, voudront connaître facilement quels sont les cercles du réseau pentagonal qu’il faut y rechercher. Mais je n’ai pas besoin d’ajouter que futilité de ce globe deviendrait beaucoup plus générale, s’il devait être adopté par les personnes qui étu- dieront la Notice sur le système de montagnes. Le Secrétaire donne lecture d’une lettre par laquelle M. le Ministre de l’Instruction publique et des Cuites, annonce qu’il a alloué pour 1856 à la Société géologique une subvention de 1,000 fr. , pour contribuer à l’impression de Y Histoire des progrès de la géologie , par M. d’Archiac. La Société charge M. le Président de transmettre l’expres- sion de sa gratitude à Son Excellence M. Fortoul. M. Élie de Beaumont met sous les yeux de la Société la carte géologique de l’Irlande, qui lui a été adressée par M. Griffith avec la lettre suivante : Dublin, décembre 1855. Monsieur, J’ai l’honneur de vous adresser un exemplaire de ma grande Carte géologique de l’Irlande, accompagnée de deux cartes indica- trices, que je vous prie de vouloir bien transmettre, en mon nom, à la Société géologique de France. Cette carte très détaillée, repré- sente non- seulement les grandes époques géologiques, mais encore LETTRE DE M. GRIFFITH. 165 les subdivisions selon lesquelles ont été partagés les systèmes de roches de l’Irlande. Mes observations en vue de la construction d’une carte géolo- gique de l’Irlande ont été entreprises en 1812, et n’ont été termi- nées que ces derniers mois; telle qu’elle est, cette carte est le résultat de quarante-trois années de recherches et de réflexions laborieuses. Dans une œuvre qui a été sur le chantier pendant ces nombreuses années, pendant lesquelles la géologie a fait de si rapides progrès, il était impossible que les caractères et les divi- sions des systèmes n’eussent pas dû être fréquemment revus et modifiés; aussi m’a-t-il paru nécessaire de visiter au moins trois fois chaque district et à peu près chaque commune de l’Irlande. Quelque petite que Soit l’échelle de la seule carte dont j’aie pu disposer dans ce but, je n’ai pas reculé devant la tâche d’obtenir la plus sévère exactitude dans les contours et la plus grande variété possible de détails et de subdivisions, et j’ai eu le plaisir d’apprendre que mes efforts n’ont pas complètement échoué, des géologues m’ont rendu officiellement le témoignage qu’il n’est dans aucune localité quelque détail d’importance qui n’ait été indiqué sur ma carte. Afin de rendre la carte aussi utile que possible et d’en faire un document s’interprétant par lui-même sans l’adjonction d’aucun livre ou mémoire, j’y ai introduit divers détails qui sont généra- lement absents des cartes géologiques, et par lesquels il est facile de déterminer la situation, l’étendue et l’ordre de succession des roches, ainsi que les espèces fossiles qu’elles peuvent contenir. Yoici les moyens qu’on a employés pour parvenir à ces fins : 1° Les limites des formations sont indiquées par des lignes légères et pointillées qui guident la coloriation. 2° Des lettres font reconnaître la composition des roches de chaque localité ; par ce moyen la carte est à peu près indépendante de sa coloriation, vu que les nuances des couleurs sont sujettes à s’effacer avec le temps. 3° Des flèches, qui se dirigent dans le sens de la couche, marquent le degré d’inclinaison des strates. U° Des astérisques * et des notes indiquent les gisements remar- quables de fossiles. Les noms et les localités des différentes mines sont également indiqués ; des symboles comme 5 ou 9 ? dési- gnent la nature du minerai qu’elles contiennent. Une table donne d’ailleurs une clef aisée pour l'arrangement des lettres, des couleurs ou des symboles, selon leurs groupes et leurs systèmes. 166 SÉANCE DU l/j JANVIER 1856. 5° On a indiqué, par une coupe idéale, la position relative des roches ignées et sédimentaires; on a donné à l’appui de cette coupe sept profils réels choisis en diverses localités; on aurait pu en donner beaucoup d’autres. Les différents groupes dans lesquels se partage naturellement le système carbonifère de l’Irlande me semblent être représentés d’une manière satisfaisante par une section qui se dirige du nord au sud, en traversant une partie du district du schiste micacé du comté de Donegal, et en partant de la protrusion granitique du bluc-stach . Commençant à cette formation schisteuse qui, par exception, est recouverte par la couche de grès jaune (la couche la plus inférieure du système carbonifère de ce pays), cette section met en évidence la position et les éléments consécutifs des mem- bres des séries, selon leur ordre de succession, jusqu’à la forma- tion houillère qui leur est superposée. Il n’est peut-être pas déplacé de remarquer ici que les membres inférieurs du système carbonifère étant plus développés en Irlande que partout ailleurs en Europe, il m’a semblé nécessaire d’ajou- ter deux séries, d’une épaisseur parfois considérable, que l’on trouve sous la grande couche calcaire inférieure de l’Irlande. Cette dernière couche correspond au calcaire à escarpements ( scar Umestone ) d’Angleterre, et jusqu’à présent elle a été classée comme le membre le plus inférieur du système carbonifère. Conformément au plan que j’ai suivi, le système carbonifère a été divisé en sept groupes en série ascendante : 1° Le grès jaune, auquel sont fréquemment subordonnés quel- ques lits de schiste argileux { shale ), gris, quelquefois rouge et vert, et qui contient ça et là des dépôts de chaux carbonatée impure et siliceuse, la chaux carbonatée arénacée. 2° Le schiste carbonifère, ou schiste argileux [shale) du cal- caire inférieur , groupe dans lequel on rencontre de temps à autre des lits de grès jaunâtre et grisâtre, et par exception de la chaux carbonatée à un état impur. 3° La grande couche de chaux carbonatée ou calcaire inférieur. h° La marne noire ( ealp shale), ou chaux carbonatée argileuse et impure, dans laquelle s’interstratifient quelquefois des lits de grès grisâtres. 5° Calcaire supérieur. 6° Grès meuliei- [millstone grit ) , ou formation houillère infé- rieure. 7° Formation houillère. Les divisions ci-dessus sont basées principalement sur des LETTRE DE M. GRIFFITH. 167 caractères minéralogiques, mais sont zoologiquement reliées en un système unique par une profusion de débris fossiles, qui prouvent qu’elles appartiennent toutes à une même époque de vie orga- nique. Cette section à travers le système carbonifère est la plus com- plète, mais il y en a d’autres fort intéressantes, entre autres la section d’une partie de la côte N.-E. du comté d’Antrim, où l’on voit une jonction remarquable de la bouille et du schiste micacé, et la juxtaposition des trapp ou roches basaltiques et des forma- tions sédimentaires qui reposent sur des couches de houille tout près de Fair-Head. Une section faite dans la direction E., à travers les comtés de Tyrone, d’Antrim et de Bown, nous montre la série presque entière des groupes paléozoïque, triasique, crétacé et jurassique, reposant sur le granité des montagnes de Tyrone, et sous le trapp laminaire du comté d’Antrim. Les rapports qu’ont ensemble le schiste silurien et les roches ignées et de micaschiste , auxquelles il est superposé dans les comtés de Galway et de Mayo, dans l’O. de l’Irlande, sont indi- qués dans une section S. -O., qui part de la baie de Galway pour traverser ces comtés, tandis qu’une section S.-E. , partant de la baie de la montagne Blackstairs à Carnsore-Point, dans le comté de Wexford, met à nu les deux groupes cambrien et silurien. La position du silurien supérieur et des roches dévoniennes du district de Dingle (comté de Kerry) est représentée dans la section imprimée au bord S. -O. de la carte. Des lettres de correspondance sont attachées à chaque section ; elles sont d’accord avec la disposition générale des lettres et avec le tableau des couleurs. Enfin, à l’appui du système adopté dans le groupement des roches sédimentaires, on a imprimé sur la carte un tableau étendu, qui contient les noms des débris organiques fossiles trou- vés jusqu’aujourd’hui en Irlande. La plupart de ces échantillons ont été rassemblés par moi -même, et se trouvent dans mon cabi- net à Dublin. Les fossiles ont été classés systématiquement dans ce tableau, selon les formations dans lesquelles on les rencontre ; on a de plus indiqué les principales localités dans lesquelles on les trouve. Les nuances rouges ont été réservées à la coloration des roches plutoniennes, et les violettes aux roches métamorphiques, tandis que les roches sédimentaires sont représentées par des teintes grises, bleues, brunes, jaunes, jaune-brun, vertes et noires. 168 SÉANCE 1)U l/l JANVIER 1856. Je me permettrai de citer, en terminant, un paragraphe du discours anniversaire prononcé par îe professeur Edouard Forbes, dont ia mort récente a été si vivement déplorée, afin de montrer toute la confiance que les géologues de France peuvent accorder à mes travaux. Voici ce que disait M. Forbes comme président de la Société géologique de Londres, en me présentant au nom de cette Société la médaille de palladium, de Wollaston : « J’ai eu l’avantage de parcourir une partie considérable de l’Ir- lande géologique, et d’y visiter des contrées entières que nous ne connaissions que par vos travaux. Je puis rendre un témoignage personnel à la valeur et à l’étendue de vos recherches, et vous exprimer, de science certaine, toute l’admiration que j’éprouve à la vue d’une des cartes les plus remarquables qui ait jamais été produites par les travaux d’un seul géologue. » Plus on explore votre pays, plus les hommes de science sont étonnés de la minutieuse exactitude des détails contenus dans cette œuvre remarquable. Vous avez exploré un pays qui, anté- rieurement à vos travaux, était géologiquement inconnu. » Les formations dont vous aviez à vous occuper présentent de nombreuses particularités, qui nécessitaient les efforts d’une pen- sée originale, et pour .lesquelles l’analogie, ce guide ordinaire- ment si sûr, aie pouvait pas vous être utile. » Vous avez bravement lutté avec la difficulté, et avez montré votre puissance de généralisation et de classification dans un arran- gement et une nomenclature des roches d’Irlande, qui sont d’une haute originalité sous beaucoup de rapports, et qui ont été de la plus grande utilité aux explorateurs qui travaillent dans le royaume uni au nôtre. Leur importance grandit tous les jours, et l’expérience de chaque année le prouve à sir Henry de la Bêche et à M. Jukes, qui sont officiellement chargés de l’exploration de l’Irlande et sont les meilleurs témoins à consulter au sujet de ce que j’avance, et qui proclameraient, eux aussi, que votre grande œuvre est un monument surprenant d’habileté et d’ob- servation. » Après cette lecture, M. Éiie de Beaumont ajoute quelques observations tendant à faire ressortir les grands traits de la structure géologique de l’Islande si heureusement dessinés sur la carte de M. Griffith. M. Hébert, en offrant, de la part de M. Marcel de Serres, un MÉMOIRE DE M. MARCEL DE SERRES. i C)9 Mémoire intitulé : Des ossements humains des cavernes et de V époque de leur dépôt, en présente le résumé suivant : Les ossements humains mélangés à des restes de races perdues qu’on trouve dans un grand nombre de cavités souterraines ont- ils la même date que les débris de ces races éteintes? M. Marcel de Serres, dans le Mémoire qu’il offre à la Société, est arrivé à con- clure que ces débris ne remontent pas au delà des temps histo- riques. L’auteur examine attentivement les faits observés, particu- lièrement en France, et fait ressortir les circonstances qui prouvent que les ossements humains sont plus récents que les débris avec lesquels on les trouve. L’examen de la faune des cavernes conduit M. de Serres à quel- ques remarques qui paraissent bien fondées. Il est certain d’abord que ce ne sont pas, comme on l’a dit quelquefois, les hyènes qui ont apporté ces ossements ; la lâcheté et la gloutonnerie bien connues de l’hyène, la taille des animaux (Mastodonte, Mégathé- rium) empêchent de s’arrêter à cette supposition ; il faut donc admettre que ce sont les eaux qui ont rempli ces cavernes et y ont apporté les débris qu’elles renferment. Un des caractères les plus remarquables de cette faune, c’est le triomphe de la loi de loca- lisation. Les terrains de la série inférieure nous montrent les mêmes animaux répandus dans tous les pays; il n’en est plus de même ici. La population des cavernes de l’ancien continent res- semble à la population actuelle; les cavernes d’Amérique ne ren- ferment que très peu d’animaux qu’on trouve dans les grottes d’Europe; la même observation s’applique à l’Australie. Entre la faune pleistocène et la faune actuelle, M. de Serres reconnaît de grandes analogies : la première renferme à la fois des espèces éteintes, mais rapprochées des espèces actuelles et des espèces encore vivantes. L’extinction d’une espèce ne marque pas un changement bien profond dans l’ordre des choses; depuis les temps historiques, de grands oiseaux, des pachydermes et de grands carnassiers ont disparu de certains pays. De tous ces faits, M. de Serres conclut : que ie remplissage des cavernes s’est fait à une époque où la loi de localisation régnait sur toute la surface de la terre ; que certaines espèces qu’on y ren- contre n’ont jamais vécu avec l’homme; que d’autres se sont éteintes depuis son apparition; et enfin que les ossements hu- mains des cavernes ne sont pas antérieurs aux temps historiques. M. d’Archiac lit la lettre suivante, qui lui a été adressée par M. V. Raulin : 170 SÉANCE DU l!i JANVIER 1856. Bordeaux, 20 décembre 1855. Monsieur et cher confrère, J’ai pu, il y a seulement quelques jours, lire avec tout le soin qu’il mérite et tout l’intérêt qu’il avait pour moi votre Résumé d'un essai sur la géologie des Corbières. Cette lecture m’a suggéré deux remarques que je désirerais mettre dans le Bulletin , et que je vous adresse, espérant que vous voudrez bien y ajouter quelques mots de réponse. Ma première remarque, relative à l’orographie, porte sur l’ex- tension du massif montueux des Corbières; je ne comprends pas Fadjonction des chaînes de Lesquerde et d’Ayguebonne, non plus que celle de la chaîne de Saint-Antoine de Galamus. Ces chaînes font partie d’un système de rides (bien visible sur la carte de Cas- sini) qui d’abord se poursuit dans l’ouest, tant au nord qu’au sud de Belesta et de Lavelanet, et dont ensuite le chaînon le plus sep- tentrional, qui limite la plaine de l’Aquitaine, passe, toujours en suivant la même direction, à Saint-Jean de Vergés (au nord de Eoix), entre Sabarat et le Mas-d’Azil, et vient se terminer à la vallée de la Garonne par le massif élargi du Gardon de Montagu ou d’Ausseing. A l’ouest de la Garonne, ce dernier massif a dans son prolongement celui qui est situé entre Saint-Martory et Saint-Mareet. Au delà, le sol s’abaisse, et le sommet des crêtes s’aperçoit seulement au -dessous de la nappe tertiaire dans le fond des vallons jusqu’à Monléon ; les choses se passent ici comme à l’extrémité orientale, où la chaîne disparaît à Peyrestortes au- dessous de la plaine diluvienne de Rivesaltes et de Perpignan. La direction générale de cet ensemble de rides ou chaînons, de Peyrestortes à Monléon, est E. 16° S.; elle ne diffère, par consé- quent, que de .2 degrés de la direction de chacun des deux grands chaînons pyrénéens. Cet ensemble ne me paraît pas pouvoir être séparé en deux parties; l’une, à l’est de l’Aude, que l’on rattache- rait aux Corbières, et l’autre, à l’ouest, qui resterait avec les Pyré- nées, Lors même que les chaînes de Saint-Antoine de Galamus et de Lesquerde et d’Ayguebonne feraient partie de ce que les gens du pays appellent les Corbières , je crois que l’uniformité orographique et pétrographique autorise suffisamment les géo- logues-à les considérer comme le véritable bord des Pyrénées. Ma seconde remarque, relative à la géologie, portera sur les montagnes de la Clape, où, ditês-vous, l’on ne voit rien qui rap- pelle le groupe du gault ni les marnes à Plicatules d’Apt, et qui, croyez-vous, sont formées par les deux étages inférieurs néoco- LETTRE DE M. V. RAULIN. 171 miens, les parties elevées appartenant aux calcaires à Caprotines, les pentes et le fond des vallées à l’étage inférieur. Dans mes explo- rations de la partie orientale de l’Aquitaine, en avril 18/t9, je n’ai pu faire qu’une excursion de quelques heures sur les montagnes de la Clape ; mais le peu que j’ai vu et les fossiles que j’ai recuillis ne me permettent pas, au moins quant à présent, d’adopter votre opinion. — Après avoir quitté Narbonne, je traversai la plaine unie alluviale, et aussitôt après le dernier canal d’atterrissement de l’étang salin, je m’élevai sur la colline tertiaire qui est à l’ouest d’Armissan. Elle est formée par le terrain d’eau douce, composé supérieurement d’alternances de sables argileux jaunes et de pou- dingues à cailloux de grès rougeâtre et de calcaire compacte gris; au-dessous, il y a des marnes et des argiles jaune-rougeâtre ou verdâtre, renfermant des couches peu épaisses de calcaire jaunâtre souvent tubulaire; elles forment les pentes douces du large vallon d’Armissan ; tout l’ensemble plonge de 15° à l’O. 30° N. (C’est dans le fond du vallon au S.-E. du village que sont situées les extrac- tions de dalles calcaires à paver et à faire des cheminées, qui ren- ferment une si grande abondance d’empreintes végétales et quel- ques Cyclades et ossements de Tortues). — Du fond du vallon, je remontai, immédiatement à l’est, sur des calcaires compactes gris, fendillés, formant une première crête extrêmement rocheuse et aride; ils plongent comme le terrain d’eau douce, mais avec une inclinaison double, de 28°, à FO. 30° N Dans un vallon longitu- dinal situé derrière, les calcaires gris sont immédiatement suppor- tés par des calcaires marneux à Exogyra sinuata , qui ont environ 30 mètres d’épaisseur, et reposent sur des argiles vertes à rognons calcaires, dans lesquelles sont entamés les vallons qui sont occu- pés par des cultures. Des failles ramènent à un niveau inférieur les calcaires gris qui sont presque horizontaux dans le plateau sui- vant, qui est excessivement rocheux et corrodé à la surface. Cette portion des montagnes de la Clape est dominée par le haut plateau calcaire situé au S.-E. de Ramade, dont la pente m’a montré la coupe suivante : Calcaire compacte, sans stratification, gris supérieurement, jau- nâtre inférieurement, formant des escarpements qui se poursui- vent fort loin au N.-E. Son épaisseur est de 20 mètres. Argiles vertes à petits lits de rognons calcaires. Argiles schisteuses grises, avec, couches de rognons calcaires, ren- fermant une grande quantité de fossiles. Elles ont plus de 50 mè- tres d’épaisseur, et plongent de 15° au N. 25° E. m SÉANCE DU ïk JANVIER 1858. En ramassant !es fossiles, il me sembla que les espèces les plus abondantes étaient celles des argiles à Exogyra si /mata et des argiles ostréennes du nord de la France; je pensai que les calcaires gris supérieurs représentaient le gault. J’en restai là. La lecture de votre travail m’a remis en mémoire mon opinion, et hier j’ai voulu voir à quelles conclusions m’amènerait l’examen attentif de mes fossiles. Sur les 32 espèces que j’ai séparées, la moitié est représentée par des moules intérieurs, parfois même générique- ment indéterminables; les espèces que j’ai pu déterminer sont tan- tôt identiques et tantôt fortement analogues; dans ce dernier cas, elles sont suivies d’un? Le chiffre qui les accompagne indique le nombre d’individus : Toxaster complanatus (1). — gibbus (12)? Pholaclomya Prevosti (l 3). Corbis corcliformis (4) ? As tarte gi gante a (5) ? — transversa (3) ? Venus Ricordiana (1 ) ? — Brungniartina (4)? Sur ces 16 espèces, il y en a d’une manière certaine; parmi sivement confinées dans les argi sont les : Area Moreana fl)? Pecten inters triatus ( î 0). Plicatula placunea (11). Exogyra sinuata (8). Terebratula sella (7). Ammonites Slobieckii (8). — Car ter o ni i (3). Naulilus plicatus (1 ). o ne 9 que je crois déterminées les, 6 sont jusqu’à présent exclu- ■> à Exogyra sinuata ou d’Apt ; ce Pecten in ter s tri a tus. Plicatula placunea. Exogy ra s in u n ta . Terebratula sella. A mmonit.es Stobieckii. Nautilus plicatus. Une se trouve dans les argiles ostréennes : Pholaclomya Prevosti. Deux dans le calcaire à Spatangues : Toxaster complanatus. j Ammonites Carteronii. Pour moi, les indications fournies par ces fossiles me paraissent suffisantes pour rapporter la partie supérieure des marnes (la seule que j’aie vue) à l’assise à Exogyra sinuata. Quant aux calcaires gris supérieurs, dans lesquels je n’ai pas rencontré trace d’organisa- tion, je les considère comme une assise plus récente se rapportant probablement au gault. OBSERVATIONS DE M. d’aRCHIÀC. 173 Relativement au groupe d' A let, je ne .sais si je me trompe, mais il me semble identique avec le système alciricien de Tallavignes. Je ne vous en dirai rien, si ce n’est que je regrette bien vivement que, dans les deux pages qui lui sont consacrées, vous n’ayez donné aucune des raisons qui vous portent à le ranger dans le terrain ter- tiaire. J’ai vu deux fois ce terrain, en avril 18à9 et en octobre 1854 , et, malgré les précédents observateurs, je l’ai cru la partie supé- rieure du terrain crétacé ; je ne puis faire autrement que de garder ma manière de voir jusqu’à ce que vous ayez publié votre travail complet. Après cette lecture, M. d’Archiac fait remarquer qu’il n’a point dit que les chaînes désignées par lui sous le nom de Chaîne de Saint-Antoine de Galamus, de Lesquerde et d’Aygue- bonne fussent limitées à la portion orientale dont il s’est occupé, car leur prolongement vers l’ouest lui était connu ainsi que leurs rapports avec la base des Pyrénées; mais il était inutile, pour le but qu’il se proposait, de les considérer au delà de la vallée supérieure de l’Aude. Il n’a point prétendu non plus don- ner au mot de Corbières plus d’extension qu’on ne lui en accorde ordinairement; il a voulu seulement exprimer, d’une manière générale, les limites orographiques ou le cadre dans lequel sont comprises ses observations géologiques, comme il le dit dans le paragraphe 3 de son résumé. C’est ainsi qu’il y a fait entrer la Clape, montagne bien plus séparée encore des Corbières proprement dites que les précédentes. U est certain d’ailleurs que l’une des deux chaînes dont on vient de parler, celle de Saint-Antoine, fait partie des Corbières, car le pic de Bugarach, qui n’en est qu’un appendice, qu’une expansion due à des phénomènes dynamiques particuliers, a toujours été considéré comme la principale cime des hautes Corbières. Il suffit d’avoir pu embrasser un instant du regard les relations stratigraphiques de ce massif avec les chaînons paral- lèles de Saint-Julien à Saint-Louis, de Saint-Just au Petit-Parau de la montagne de Saint-Féréol, etc., pour se convaincre de leurs rapports orographiques non moins intimes avec la chaîne de Saint-Antoine qui les limite au sud, et ces considérations devaient, indépendamment des autres, faire comprendre le tout dans la dénomination de Corbières. D’un autre côté, la chaîne 17/i SÉANCE DU lh JANVIER 1856. de Lesquerde et d’Ayguebonne, véritable sœur jumelle de la chaîne de Saint-Antoine de Galamus, ne pouvait pas, dans une description géologique, rester isolée de cette dernière. Quant à la seconde observation de M. Rauîin, relative à la Glape, M. d’Archiac fait voir que les coupes transverses com- plètes de cette petite chaîne, aussi bien que celle de la pénin- sule de Gruissan et de l’île de Saint-Martin donnent la série constante des assises qu’il a indiquées dans son résumé, et telle aussi que l’a vue en partie l’auteur de la lettre-, seulement il n’en a pas déduit les mêmes conséquences que ce dernier qui, n’ayant probablement pas suivi les calcaires gris compactes du revêtement extérieur de la montagne dans leur développement à l’ouest et au sud, comme l’a indiqué M. d’Archiac, n’a pu être frappé de l’identité de ces calcaires avec ceux des chaînes de Fontfroide, de Montpezat, de Perillous, de Tautavel, de Saint- Antoine, de Lesquerde, de Quillan, etc. La ressemblance de ces chaînes avec celles des Alpines, du Lehron, de la Garde et des environs de Marseille, que forment les calcaires à Caprotines ou second étage néocomien, n’est pas moins frappante -, et de- puis la Glape jusqu’au défilé de Pierre-Lis et autour de Quillan, où ces calcaires atteignent une puissance de 500 à 600 mètres, comme dans le massif dolomitique du picdeBugarach, partout on peut constater que cette grande assise, d’une composition si uniforme, qui n’a encore offert que des débris de Caprotines, et dontM. Raulin voudrait faire du gault, repose sur des cal- caires marneux jaunâtres, des marnes grises avec des nodules endurcis qui, dans les parties méridionales et disloquées du pays, se changent en schistes noirs ou foncés d’un aspect fort ancien, mais toujours caractérisés par XExogyrci siuuata. G’est ce dernier fossile et quelques autres qu’a trouvés M. Raulin près d’Armissao, qui Font porté à regarder ce sys- tème inférieur comme devant représenter les argiles à Plica- tules d’Apt, et par conséquent les calcaires qui le recouvrent comme représentant le gault. Mais, parmi les cinq autresespéces qu’il cite et qu’il croit exclusivement propres à ces mêmes argiles d’Apt (car il n’est point nécessaire de prendre ses termes de comparaison à 200 lieues de distance), il y a la Plicatula placunea qui a été trouvée dans l’étage néocomien inférieur, et OBSERVATIONS DE M. D’ARCHIAC. 475 la Pholadomya Prevosti dans le second étage, de sorte qu’il n’en reste que quatre des argiles à Plicatules. D’un autre côté, si l’auteur de la lettre avait étendu un peu plus ses recherches, il aurait certainement trouvé d’abord les Caproiines dans les calcaires gris compactes supérieurs, et ensuite dans les marnes et les calcaires marneux placés dessous, avec XExogyra sinuata, la Panopœa Car ter oui, la Pholadomya elongata, la Terebra - tid a biplicata var. acuta , le Nautilus Requienianus , probable- ment la Perna Mulleti , qui, avec les Echinospatangus cordatus etgibbus et d’autres fossiles dont l’ensemble n’a aucun rap- port avec la faune des argiles à Plicatules, l’eussent tait douter de l’exactitude de ses conclusions. La prédominance et la constance de X Exogyra sinuata , et de quelques autres espèces au-dessous de leur horizon habituel, est un fait remarquable dont on doit tenir compte, ainsi que de l’absence ou de la rareté des céphalopodes répandus à pro- fusion dans l’étage néocomien inférieur ; mais cela ne peut suffire, dans l’état actuel des connaissances, pour taire rappor- ter au gault de la Provence les calcaires à Caprotines qui sont au-dessus. Ceux-ci ne pourraient pas davantage être assimilés au grès vert supérieur; car ce dernier, ou quatrième étage de la craie du sud-ouest, les recouvre à son tour dans le massif même des Corbiéres. Enfin, la troisième question relative au groupe d’Alet est beaucoup plus simple; car M. Raulin, qui demande pourquoi M. d’Archiac le rapporte au terrain tertiaire, ne dit pas lui- même pourquoi il le rapporte à Sa craie, contrairement à l’opi- nion de beaucoup de géologues. Le système alaricien de Tal- lavignes avait été mal limité stratigraphiquement puisqu’il reposait sur une discordance imaginaire, pétrographiquement puisqu’il comprenait les roches les plus dissemblables, et zoo- logiquement puisqu’il n’embrassait qu’une partie des couches caractérisées par les Nummulites; aussi M. d’Archiac a-t-il dû en retrancher les grandes assises de calcaires à Nummulites qui constituent le revêtement extérieur du mont Alaric. Tout le reste , jusqu’y compris l’assise des grès qui couvre les marnes bleues crétacées des bains de Rennes, forme le groupe d’Alet. Aucun fossile crétacé n’ayant encore été rencontré dans ce système, et ceux qu’on y trouve quoique très rarement se 176 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856, rapprochant beaucoup des formes tertiaires, M. d’Àrchiac a pu le considérer comme l’équivalent des couches qui , sur un grand nombre de points de la zone nummulitique méditerra- néenne et même dans le nord -ouest de l’Europe, séparent les derniers dépôts crétacés des premières assises nummulitiques. D’ailleurs, dit en terminant M. d’Archiac, avant de s’occuper des relations générales des terrains d’un pays avec ceux d’au- tres régions plus ou moins éloignées, il faut en avoir fait une étude locale détaillée, et c’est surtout ce dernier objet que je me suis proposé dans un travail sur les Corbières, commencé depuis plusieurs années, et qui n’est point encore complète- ment terminé. Séance du 21 janvier 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite'de la présentation faite dans la dernière séance , le Président proclame membre de la Société : M. G. de Tornos, ingénieur des mines, à l’École de mines , à Madrid, présenté par MM. de Verneuil et Delesse. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le professeur Nordlinger, Essai sur les for- mations géologiques des environs de Grand-J ouan, près Nozay ( 'Loire-Inférieure ), in- 8, 55 p. Stuttgart, 18/17, chez J. -B, Muller. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1856, 1er sem., t. XLIÏ, n° 2. L’Institut , 1856, n° 1150. Bulletin de la Société française de photographie , lre année, 1856, no 13. The Athenœum, 1 856, n° l/i73. SS eues J ahrbuch für Minéralogie und Géologie , de Leon- hard et Bronn, 1855, 6e cahier. NOTE DE M. DESNOYERS. 177 Fünfter Bericht der Oberhessischen Gesellschajt fier Natur- und Heilkunde, Giessen, 1855. Revista minera; 1856, t. VII, n° 136. M. A. Passy, en offrant à la Société, de la part de M. îe professeur Nordlinger, de Stuttgart, une brochure intitulée : Essai sur les formations géologiques des environs de Grand - Jouan [Loire -inférieure] , communique une lettre de l’auteur, qui exprime l’intention d’adresser à la Société un certain nombre d’exemplaires de cet ouvrage, en y joignant la collection com- plète des roches qu’il a recueillies à Grand-Jouan. Cette lettre est renvoyée au Conseil. À l’occasion d’un mémoire de M. Desnoyers intitulé : Nou- velles observations sur quelques terrains tertiaires du nord-ouest de la France , contemporains des terrains du bassin de Paris , M. Triger a présenté, dans la séance du 3 décembre 1855, des Observations sur les sables des environs de Nogent-le-Rotrou , que l’on trouve ci-dessus, p. 118. Dans la môme séance, M. J. Desnoyers avait fait à M. Triger la réponse suivante, dont la rédaction, remise trop tardivement par l’auteur, n’a pu être insérée en son lieu. Réponse aux Observations de M. Triger sur les sables des environs de Nogent-le-Rotrou , par M. J. Desnoyers. « En niant d’une manière aussi absoiue l’existenee dans les en- virons de Nogent-le-Rotrou de sables tertiaires, subordonnés à l’argile qui contient les silex remaniés de la craie, et en rapportant tous les sables du Perche à la période crétacée, M. Triger paraît ne tenir aucun compte de la distinction très formelle et très positive que j’ai faite, dans mon mémoire, de sables et de grès se rappor- tant évidemment à ces deux époques différentes. C’est donc sur cette distinction que ma réponse doit le plus appuyer, les autres parties de mes recherches n’ayant été l’objet d’aucune discussion. J’ai cité plusieurs exemples dans le Perche, aux environs de Bretoncelles, de Moutiers, du Mage, de Longny et dans le voisinage même de Nogent, au-dessous de la craie à silex pyromaques de la colline de Margon, et sur d’autres points, des sables crétacés, que M. Triger paraît avoir très bien reconnus, de son côté, dans le Soc. géol 2° série, tome XIII. 12 3 78 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. département de ia Sarthe, qu’il a parfaitement étudié pour sa belle carte géologique. Ces sables contiennent des fossiles de la craie moyenne, très bien conservés ; on y trouve surtout en abondance plusieurs espèces de Millépores, deRétépores et d’autres bryozoaires, ainsi que la Gry- phœa çolumba , de petites variétés des Ostreci vcsicalaris , biauricu- lata , carinata ou pectinata , la Terebratula biplicata , etc. On voit fréquemment dans ces sables des rognons, ou des pla- ques, endurcis par un ciment calcaire, jaunâtre, ayant l’apparence d’un mortier artificiel, empâtant les fossiles et rappelant des con- crétions analogues, ou même des bancs de grès, assez fréquents dans les sables crétacés des départements de la Sarthe, de Maine- et-Loire et d’Indre-et-Loire, qui leur sont contemporains. Ces dépôts sableux sont généralement recouverts par une craie blanchâtre ou grisâtre, avec silex cornés blonds, ou avec silex py- roinaques noirs, Se plus habituellement exploitée pour marne, et quelquefois même pour pierre à chaux hydraulique (Senonches). Ces sables sont aussi plus anciens que la craie compacte ou cris- talline de Tours, exploitée près de Nogent dans les carrières de la Plante, au-dessus de cette craie marneuse. Mais ils sont plus modernes que la craie tuffeau, si riche en Turrilites , en Ammo- nites Mantelli , A. rothomagensis , en Pecten aspeiy en grands Pla- giostomes, en Pleurotomaires, et en autres coquilles fossiles de la craie de Rouen, dont j’ai recueilli, autour de Nogent seulement, plus de cinquante espèces. C’est dans cet étage de la craie tuffeau qu’on a creusé le chemin de fer au débarcadère de Nogent; il en existe de nombreuses et profondes carrières entre Nogent et la butte de Croisilles, à Condeau, et près de Rémalard, etc. A plus forte raison, ces sables sont-ils plus modernes que le grès vert qui se montre au-dessous de la craie tuffeau, au nord de Nogent vers Nocé, ainsi que dans les vallons entre Berdhuis, Saint- Cyr et Bellême, et au sud, vers Souançé, Malgré l’abondance de ces sables et de ces marnes sableuses de 1a période crétacée sur des points assez éloignés les uns des autres, j’ai plusieurs motifs pour les considérer comme des amas discon- tinus, comme des espèces de grandes lentilles allongées, plutôt que comme des bancs se prolongeant sans interruption depuis le département de la Sarthe, à travers le département de l’Orne, jusque dans le département du Calvados où l’on en retrouve quelques lambeaux. La découverte de ces sables du Perche, appartenant à l’étage moyen des terrains crétacés, n’est pas nouvelle. Depuis près de NOTE DE M. DESNOYERS, 179 quarante ans, iis ont été rapportés, en termes généraux, à l’étage de la craie ancienne par 3VI. d’Omalius-d’Halloy, dont les observa- tions si exactes, si judicieuses et alors si neuves, ont servi de base à tant d’études postérieures. Aucun géologue n’a nié l’existence de ces sables; et je rappelle que, dans mon mémoire, je les ai tout particulièrement distingués des sables tertiaires, Mais, à côté et au-dessus de ces dépôts marno-sableux de la pé- riode crétacée, se trouvent d’autres sables, non moins abondants, non moins épais, non moins bien caractérisés et qui doivent être, selon moi, rapportés incontestablement à la période tertiaire, ainsi que les grès qui les accompagnent quelquefois. J’insiste d’autant plus sur cette distinction qu’avant l’opposition de M. Triger, qui paraît avoir fait partager son opinion à M. Hé- bert, je n’avais pas cru qu’on pût révoquer en doute la superpo- sition de ces sables et grès à tout le terrain crétacé, tant elle me paraît évidente, non-seulement dans le Perche, mais sur une foule d’autres points du grand espace recouvert par les terrains tertiaires, à l’ouest du bassin de Paris, depuis les falaises de Normandie jus- qu’au delà de la Loire. Aucun des géologues qui les ont vus n’a élevé de doutes sur leur postériorité à la craie ; j’en ai cité de nombreux exemples dans les départements de l’Orne, d’Eure-et- Loir, de l’Eure, du Calvados, de la Seine-Inférieure, de Loir-et- Cher, de Maine-et-Loire, d’Indre-et-Loire. Aux environs de Nogent, la seule localité qui ait été mise en question, j’ai indiqué comme type le sable exploité dans une épaisseur de plus de 20 mètres, sur le versant sud-oriental de la colline de Croisilles, à la base, et à différents niveaux sur la pente du petit bois de pins, dépendant du château de Launay. Ces sables, jaunes et rougeâtres, se retrouvent sur les pentes de plusieurs autres buttes isolées des environs, au Tertre-Blanc, au Mont-Cen- droux, dans les bois de Condeau, à la butte de la Rapouillère, etc. Ils sont presque toujours recouverts par les silex remaniés de la craie dénudée, et quelquefois ils alternent avec l’argile tertiaire qui accompagne ces mêmes silex, provenant des terrains crétacés, après la dissolution de la matière calcaire qui les enveloppait. Ils pénètrent dans cette argile habituellement ocreuse 5 ils en sont pénétrés, et ils y forment, par leur mélange aux points de contact, un gravier argiio - sableux. Iis se présentent quelquefois sous tonne de conglomérats de silex brisés, liés entre eux par un ciment quartzeux. On y trouve aussi des concrétions ou des plaquettes à ciment siliceux ou ferrugineux. Ces sables tertiaires sont d’autant plus purs, plus fins, pf 180 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. quartzéux, qu’ils sont moins en contact avec l’argile. Quelquefois ils sont assez solidifiés par un ciment ferrugineux et quartzéux pour former des bancs de grès. On en exploite des masses considérables à quelques lieues à l est de Nogent, à Saint- Denis d’Autliou. La ressemblance de ces grès tertiaires avec le grès ferrugineux, infé- rieur au grès vert du départementde la Sarthe, est tellement trom- peuse que, sans l’évidence de leur gisement au-dessus de tous les étages crétacés, elle pourrait donner lieu aune confusion analogue à celle que je combats relativement aux sables des deux périodes. Les fossiles sont très rares dans ces sables tertiaires du Perche ; cependant j’y ai trouvé, surtout entre Rémalard et Moutiers, près du château de Guilbault, des débris de Gryphœa columbci et d’un petit nombre d’autres coquilles des sables crétacés, converties en silex orbiculaire. Quoique identiques pour les espèces avec celles des sables et des marnes de la craie, ces coquilles en diffè- rent par leur état; elles sont toujours silicifiées, roulées, usées, corrodées, et ont évidemment subi un remaniement postérieur à leur enfouissement primitif dans les sédiments crétacés. C’était précisément pour signaler cette différence essentielle, et prévenir la confusion à laquelle ces débris pourraient donner lieu, que j’avais présenté à la Société quelques échantillons des mêmes espèces provenant des deux dépôts. Je ne m’attendais pas qu’on me ferait tirer cette conséquence absurde de considérer la présence de fossiles de la craie comme un argument à l’appui de Page tertiaire des sables. Les nombreux polypiers alcyoniformes, les oursins et tant d’autres fossiles silicifiés provenant de la craie, qui se trouvent dans l’argile tertiaire à silex, ne sont pas plus un témoignage en faveur de l’âge de ce dernier dépôt. Quoique d’ori- gine crétacée, ils ne fournissent aucun argument paléontologique à qui voudrait rapporter cette argile à la craie. Ils ne prouvent rien autre chose, si ce n’est la destruction, la dissolution du ter- rain crétacé, qui contenait primitivement les fossiles silicifiés et les masses siliceuses qui les accompagnent; ils ne prouvent que leur dispersion postérieure et leur enfouissement nouveau pen- dant la période tertiaire. Ce sont de véritables galets, quoique non roulés, ayant conservé les formes organiques d’une époque anté- rieure. Ce phénomène géologique, qui a eu lieu pour les silex et pour les fossiles de la craie silicifiés, s’est aussi produit pour les sables de la même époque. Les dépôts de l’âge crétacé, qui forment les bords et le fond des bassins tertiaires, n’ont-ils pas fourni les plus abondants et les principaux matériaux des sédiments qui ont NOTE DE M. DESNOYERS. 181 comblé ces bassins, tout aussi bien que les argiles, les sables et les galets des autres terrains secondaires, antérieurs à la craie, ont été formés eux-mêmes aux dépens de roches évidemment plus an- ciennes qu’eux ? C’est un phénomène qu’on voit s’opérer chaque jour sur les rivages des mers et sur les bords des lacs et des rivières, et qui s’est produit à toutes les périodes géologiques. C’est un des nombreux exemples de l’application utile qu’on peut faire de la doctrine des causes actuelles, si ardemment et si habilement défendue depuis tant d’années par M. Constant Prévost. Deux circonstances me paraissent surtout pouvoir donner lieu à la confusion que je crois avoir été faite par M. Triger entre les sables crétacés et les sables tertiaires du Perche. La première est la supposition cju’il me paraît faire qu’il n’y a dans ce vaste dépôt de terrains tertiaires, recouvrant la surface de la craie, à l’ouest du bassin de Paris, qu’un seul étage de sables et de grès, qui serait exclusivement contemporain du grès de Fontainebleau, et recouvert par le dépôt d’eau douce le plus récent des terrains parisiens. Or, après avoir donné dans mon mémoire de nombreux exemples de ces deux roches, ainsi mutuellement associées et subordonnées, j’en ai indiqué plusieurs autres où les sables, les grès, les brèches siliceuses, ne sont plus accompagnés ou recou- verts de calcaires et de silex lacustres, mais d’argiles, de silex bri- sés et de minerais de fer hydroxyde. De ces derniers dépôts, j’ai essayé, comme je l’avais déjà fait en 1832, de constituer un des quatre ou cinq groupes que je distinguais dès lors dans ces terrains tertiaires. Je les ai présentés, les uns et les autres, comme plus probablement contemporains de l’ensemble des terrains tertiaires parisiens que comme dépendant uniquement de la période posté- rieure au gypse. Tout en respectant les motifs qui ont porté les savants auteurs de la Carte géologique de la France à rapporter exclusivement ces terrains à l’étage du grès de Fontainebleau, j’ai été d’autant plus entraîné à soutenir une opinion différente que je me suis de plus en plus convaincu, par l’étude des terrains tertiaires récents du bassin de la Loire (faluns et graviers ossifères), que ces terrains de la Loire sont presque complètement indépendants des derniers dépôts parisiens, par un gisement discordant non moins que par- les fossiles, quoique confondus avec eux sous une même couleur- dans la carte de France, tandis que les dépôts d’eau douce, les sables, les grès, les brèches, les argiles à silex se lient beaucoup plus intimement entre eux, et semblent représenter, en dehors du golfe ou de la mer tertiaire de Paris, les terrains continen- 182 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. taux correspondants, depuis l’étage inférieur jusqu’aux meulières. Or, les grès, les brèches siliceuses elles sables, immédiatement recouverts par des dépôts d’eau douce, aux environs de Chartres, de Châteaudun, de Duneau, du Mans, et sur plusieurs autres points des départements de la Sarthe, de Maine-et-Loire, de Loir-et- Cher, de l’Eure, ne se montrent pas tout à fait aux environs de Nogent et ailleurs dans les mêmes circonstances. Le calcaire et la meulière d’eau douce n’y paraissent être séparés de la craie que par une brèche à ciment calcaire, d’eau douce, et à fragments de silex crétacés. Les sables et les argiles déposés autour de ce petit bassin lacustre n’y présentent pas le même mode de gisement que les autres grès et sables tertiaires , relativement aux couches lacustres de plusieurs autres petits bassins de l’ouest de la France. Mais l’origine tertiaire de grès et de sables indépendants des bassins lacustres, et se rattachant plus intimement à l’argile rouge à silex, est trop évidente sur une foule d’autres points des départe- ments de l’Eure, d’Eure-et-Loir et de l’Orne, dans le Thimerais, dans le pays d’Ouche, dans la Haute-Normandie, en Touraine, pour qu’on ne reconnaisse pas deux groupes, se rapportant l’un et l’autre à la période tertiaire, depuis l’étage de l’argile plastique jusqu’à l’étage des meulières supérieures. 11 en est de même de l’argile tertiaire à silex de la craie ; il paraît bien y en avoir eu de deux époques différentes. Hans l'une, les bancs ou rognons de silex ont été à peine dérangés de leur position primi- tive dans la craie ; la matière calcaire a été seule dissoute et rem- placée par de l’argile. Dans l’autre, plus moderne, les silex ont été ballottés et comme broyés, mais sans être arrondis. Cependant ces deux dépôts, quoique faciles à distinguer, me paraissent incontestablement dépendre, tous deux, de la période tertiaire. Une seconde circonstance, qui me paraît de nature à compli- quer, aux environs de Nogent, la question de l’âge de ces terrains argilo- sableux, est le système de dislocations et d’érosions que les terrains crétacés me semblent y avoir subies à deux époques dif- férentes, vers le milieu et vers la fin de cette grande période. J’ai indiqué l’existence d’une faille qui présente le terrain de la craie tuffeau à des niveaux très différents, depuis logent, où elle est presque au niveau de la vallée de l’Huisne, jusqu’à Beaumont, vers le sud, où elle se montre à près de 125 mètres plus haut. Les autres étages crétacés, et même les sédiments tertiaires du bassin lacustre, ont subi, dans les environs de Nogent, des per- turbations semblables , compliquées encore par ces dépôts du bassin d’eau douce de la rive gauche de l’Huisne, qui ont été for- NOTE DE M. DESNOYERS. 1 83 mes précisément sur la ligne de direction et sur l’un des points d’affaissement les plus notables de la grande faille que j’ai signalée. Une autre complication résulte des ondulations et des dépres- sions profondes qu’a subies, non -seulement dans le Perche, mais dans tout l’ouest de la France, la surface supérieure de tous les étages crétacés. C’est dans des anfractuosités, dans des gorges de ce terrain, qui varient de plus de 50 mètres sur des points très rap- prochés, et qui semblent surtout ouvertes du côté des principales vallées, comme dans le bassin de la Loire et de ses affluents, que les dépôts tertiaires se sont accumulés. Il en résulte cette conséquence bien propre à faire illusion, que, d’une part, les sables, les grès, les argiles et les silex remaniés pendant l’époque tertiaire, d’une autre part, les sables, les grès et les marnes de la période crétacée, se montrent presque au même niveau, et aussi bien en contacts latéraux qu’en superposition horizontale. Deux autres dépôts de sables plus récents que les sables de la craie peuvent s’observer aussi aux environs de Nogent. L’un, certainement plus moderne que les sables tertiaires de Launay, remplit profondément les puits naturels, ou anfractuosités à parois corrodées, creusés dans les bancs les plus solides et les plus mo- dernes de la craie, du conglomérat lacustre et du calcaire d’eau douce ; il y est mêlé à des argiles ocreuses avec manganèse et à des silex crétacés remaniés de nouveau. Ce dépôt, plus ancien que le terrain de transport de la vallée de i’Huisne, se rattache peut-être à une des plus récentes époques tertiaires. Un autre sable dépend du terrain d’alluvions anciennes, ou du diluvium iluvia- tile de la vallée, où il est exploité sur une épaisseur variable de 4 à 10 mètres. Voilà donc, dans un espace de 2 ou 3 kilomètres seulement, des sables de quatre âges parfaitement distincts, sans parler du sable vert inférieur à la craie tuffeau, ce qui ne laisse pas que de com- pliquer encore l’étude de cette localité. Mais un examen attentif ne peut permettre entre ces sables la moindre confusion. La coupe du bassin de Nogent que je viens de tracer sur le tableau, et que je reproduirai, avec plusieurs autres, dans mon mémoire, me parait démontrer l’impossibilité de l’intercalation des sables tertiaires de Launay entre la craie tuffeau et la craie blanche. Je n’ai point à répondre, quoique je regrette qu'on ait saisi cette occasion pour le faire, au reproche que M. Triger m’adresse d’avoir entraîné M . d’Archiacdans une erreur que. sans mon afin- SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. 184 mation, dit-il, cet habile géologue n’aurait pas commise sur l’âge d’une partie des sables des départements de la Sartlie et de l’Orne. Quelque flatteuse que puisse être pour moi cette assertion, je me bor- nerai à dire que M. d’Archiac a prouvé, par un trop grand nombre d’excellents travaux personnels, qu’il ne fonde pas aveuglément et sans examen ses convictions en géologie sur la parole d’autrui. D’ailleurs, M. Triger, déplaçant le lieu et le sujet de la discus- sion, prend pour base de son argumentation un terrain du dépar- tement de la Sarthe, situé à 6 ou 8 lieues à l’ouest de Nogent, et dont je n’ai point parlé, quoique les deux sables tertiaires et cré- tacés me paraissent bien y être aussi réunis ; et il laisse sans réponse les arguments que j’ai présentés pour les environs de Nogent et pour d’autres localités du Perche. J’ai invoqué, à l’appui de mon opinion sur l’âge des sables subordonnés à l’argile à silex, l’autorité, fort grande à mes yeux, de la Carte géologique de la France , où tous ces terrains de l’ouest sont rapportés à la période tertiaire et même uniquement à l’étage des grès de Fontainebleau et du terrain d’eau douce supérieur. M. Triger répond que les sables n’y sont pas compris, et qu’il ne s’agit que de l’argile à silex et des dépôts d’eau douce. 11 invoque, sauf erreur de sa part, dit-il, l’opinion verbale de M. Dufrénoy et la coloriation même de la carte. A une affirmation verbale, je pourrais opposer une affirmation contraire, et j’ai de forts motifs pour être persuadé que la réponse de M. Dufrénoy n’a pas été bien interprétée. D’ailleurs, il suffit de jeter les yeux sur la Carte géologique de la France pour voir que tous les coteaux du Perche, recouverts d’argile à silex aux sommets, et formés généralement de sables sur les pentes, coteaux qui se détachent si nettement dans le relief du pays, sont coloriés de la teinte lilas (///), consacrée aux terrains tertiaires moyens. Mais je préfère répondre par une autorité plus irrécusable encore,- par les écrits mêmes des savants auteurs de la Carte géologique de la France. Lorsqu’ en 1832 (1) je soumis à la Société géologique et à la Société philomatique les principaux résultats de mes études sur les différents groupes de ces terrains, déposés en dehors du bassin de Paris, à la surface de la craie, MM. Elie de Beaumont et Du- frénoy firent observer qu’eux-mêmes ils étaient arrivés à une (1) Bull, delà Soc. géol. de France , 1re série, t. 11, séance du 4 juin 1832. — Bull, de la Soc. philoni ., année 1832, p. 121, séance du 1 5 juin. NOTE DE M. DESNOYERS. 185 semblable conséquence , et qu’ils les comprenaient tous, ainsi que je l’avais indiqué, dans les terrains tertiaires. C’est ce qui eut lieu, en effet, lorsque la carte géologique de la France parut en 18Ù0. Non -seulement leur opinion n’avait point été modifiée depuis 1832, mais M. Elie de Beaumont, dans le très petit nombre de passages de ses savants écrits où il a eu, de- puis, occasion de parler de ces terrains, a toujours rapproché les sables des argiles à silex qui les accompagnent, et il les a toujours considérés comme tertiaires. C’est ce qu’on voit encore dans son plus récent ouvrage, publié en 1852 sous le titre de Notice sur les systèmes de montagnes (3 vol. in-18). Les sables en question y sont mentionnés plusieurs fois sous le nom de sables granitiques (p. ùù8, p. 513, p. 55ù). Le dernier de ces passages est trop concluant, trop positif, pour que je ne le cite pas textuellement: « Les environs de Nogent-le-Rotrou et les coteaux du Perche, » dans les départements de la Sarthe, d’Eure-et-Loir et de l’Orne, » présentent quelques accidents stratigraphiques d’une faible sail- )) lie, qui affectent tous les terrains de la contrée depuis le calcaire » jurassique jusques et y compris le terrain d’argile rouge , de sable r> granitique et de silex , qui représente le terrain d’eau douce » supérieur des environs de Paris. » Il est bien évident qu’il ne s’agit pas seulement ici, outre les argiles, des terrains d’eau douce (calcaire et meulière) qui ne sont pas même désignés, et qui, comparativement aux autres dépôts tertiaires, jouent un bien moindre rôle dans l’ouest de la France. Les sables que M. Triger confond avec ceux de la craie, M. Ë lie de Beaumont les rattache au plus récent des deux grands groupes des terrains parisiens. Tout en me rendant compte des arguments très forts qui ont déterminé cette dernière opinion, vers laquelle je penchais en 1832, j’ai indiqué les principaux motifs qui m’ont porté à regarder ces sables comme pouvant correspondre à un plus long intervalle de la période tertiaire, ainsi que je l’avais exprimé antérieurement, en 1829 (1). L’opinion de M. Elie de Beaumont et de M. Dufrénoy est donc encore plus éloignée que la mienne de celle de M. Triger, loin de lui être favorable. J’ai cherché, dans le mémoire que j’ai lu à la Société, dans ses séances du 19 novembre et du 3 décembre 1855, à montrer : 1° Comment les terrains tertiaires, continentaux, extérieurs au (1) Observations sur un ensemble de dépôts marins plus récents cpie les terrains tertiaires du bassin de la Seine [Ann. des sc. nat. , t. XVI, février et avril \ 829, p. 1 79 ; et tirage à part, p. 9). 186 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. bassin de Paris vers l’ouest, se comportaient entre eux ; comment iis se divisaient en plusieurs groupes, composés chacun de roches et de sédiments distincts, ou de sédiments analogues se reprodui- sant dans les différents groupes ; 2° Dans quels rapports de contemporanéité ils semblaient être avec les principaux groupes de l’ensemble des terrains tertiaires parisiens d’origine marine, fluvio-marine ou lacustre ; 3° Dans quelles relations ils se présentaient avec les terrai n$ tertiaires miocènes du bassin de la Loire, plus récents que les deux grands étages parisiens. Moins absolu que M. Triger, et quelle que soit ma conviction, non moins profonde que la sienne, non moins fondée sur une longue étude de ces terrains, je ne qualifierai pas d’erreurs les opinions que je ne partage pas. Je regrette seulement que, par un malentendu qu’il était facile d’éviter, on embarrasse de nouveau la science de contradictions plus apparentes que réelles. » M. Elie de Beaumont met sous les yeux de la Société deux feuilles de la carte géologique de la Prusse, à l’échelle de 1/80, 000e, parM. de Dechen.Ces feuilles, intitulées Dortmund et Wesel, présentent un grand intérêt, car elles comprennent le bassin boitiller de Sarrebruck, ainsi que le cours du Rhin et de la Ruhr -, on y. trouve en outre la légende explicative des couleurs. M. Élie de Beaumont lit l’extrait suivant d’une lettre qui lui a été adressée par M. Argéliez, collecteur géologue, membre de la Société des lettres et sciences de l’Aveyron. Rivière, près Milhau (Aveyron), 29 décembre 4 855. Je viens vous offrir une magnifique collection de fossiles de l’Aveyron appartenant au lias moyen et supérieur de M. Quen- stedt, ainsi qu’à son jura brun (partie inférieure). Le gisement de chaque espèce se trouve déterminé de la manière la plus précise, et suivant la nomenclature de l’auteur précité, que l’observation m’a appris être l'expression exacte et naturelle des faunes et sous- faunes liasiennes et jurassiques de l’Aveyron. La ligne qui sépare le lias supérieur du jura brun de M. Quenstedt est ici nettement tranchée, non-seulement par la différence et la spécialité des faunes respectives, mais encore par la différence des caractères minéralo- LETTRE DE M. ARGÉLIEZ. 187 giques des deux étages. Ainsi le lias supérieur de l’Aveyron se com- pose en entier de marnes bleuâtres qui commencent avec l’ A ra- mollîtes bifrons ou la section t de M. Quenstedt et se termine au point où disparaît le Turbo s ub du pli eut us caractéristique de la sec- tion Ç de cet auteur. Immédiatement au-dessus de cette zone est une alternance de marnes et d’un calcaire argileux formant une couche de 6 ou 8 mètres de puissance, riche en fossiles, mais tous d’espèces différentes de celles des sections s et Ç du lias, ou apparte- nant à des genres propres à l’oolithe inférieure et aux étages supé- rieurs. Bientôt les marnes disparaissent, et il ne reste plus que le calcaire argileux, qui devient successivement argilo-siliceux, ooli- thique, dolomitique, etc., et forme les plateaux du Causse-Noir, dp. Causse-Méjean et du Larzae. Or, comme ce calcaire renferme des fossiles caractéristiques de l’étage hajocien de M. d’Orbigny ou de l’oolithe inférieure, il est évident que l’alternance des marnes et du calcaire n’est que le résultat des oscillations du sol qui prélu- daient au dépôt de ce dernier étage, dont elle est une partie inté- grante et en forme la base correspondant au jura brun (partie infé- rieure) de M. Quenstedt, que la plupart des géologues français comprennent mal à propos dans le lias. La partie supérieure du lias moyen, section o du même auteur, est la représentation exacte et très curieuse de la partie supérieure du lias moyen, tel qu’il existe dans le Wurtemberg. Toutes les petites espèces d’acéphales et de gastéropodes décrites par Goldfuss, Zieten, Quenstedt et Gppel, se trouvent ici et au même état de conservation que dans le Wurtemberg. Plusieurs de ces espèces passent dans le lias supérieur, section s, et même jusque dans la section Ç de M. Quenstedt, ce qui sans doute a été la cause que M. d’Orbigny les place toutes dans ce dernier étage et qu’il donne des noms nouveaux à toutes les espèces du lias moyen de la Fon- taine-Etoupe-Four, qui sont contemporaines des précédentes et probablement identiques au moins en partie. On trouve dans la partie inférieure du lias moyen, section y de M. Quenstedt, une nouvelle espèce de Comdaria , encore inédite, que je me propose de décrire sous le nom de Conularia cancella ta , à cause du croisement des côtes ou nervures qui ornent sa surface et en forment le caractère distinctif le plus apparent. Cette espèce de Comdaria est un nouvel anneau qui relie les espèces des terrains paléozoïques à celles de l’étage toarcicn de M. d’Orbigny, et elle est une nouvelle preuve de la persistance des caractères stratigra- phiques positifs si bien formulée par cet auteur, et qui fait quç, lorsqu’un genre commence à se montrer, il se trouve ordinairement 188 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. dans tous les étages intermédiaires, jusqu’à ce qu’il disparaisse entièrement. Malheureusement je ne possède qu’un seul individu de l’espèce en question et je tiens à ne pas m’en dessaisir. Ma collection des fossiles de l’Aveyron est composée d’environ 80 ou 100 espèces, représentées chacune par un ou plusieurs échan- tillons suivant le format ou la rareté de l’espèce. Elles sont dans un très bel état de conservation et d’unebeauté remarquable. Plusieurs sont très rares, inédites ou nouvellement décrites, telles que ÏJs- tarte aculimargo du lias supérieur, section Ç de M. Quenstedt, certains zoophytes ou bryozoaires, etc. 11 y a en outre dans la col- lection environ 30 ou 35 espèces d’Àmmonites du lias supérieur et moyen, et 6 ou 7 du jura brun (partie inférieure) dont plusieurs fort remarquables. M. Hébert fait, au nom de M. Piette, la communication sui- vante : fl/otice sur les grès d’ Aiglemont et de Rimogne , par M. Édouard Piette. Lorsqu’on descend du massif silurien des Ardennes vers le pays de collines qui s’étend à ses pieds, le premier terrain que l’on ren- contre est le terrain basique. Nulle trace de trias n’apparaît sur les flancs du plateau paléozoïque. Les rivages de la mer triasique s’étendaient plus loin au sud. Ils ont été engloutis, avec une partie du continent ardennais à l’époque basique, par suite d’un affais- sement considérable qui eut beu dans ce temps-là, et qui se ma- nifesta surtout à l’ouest de Mézières. La mer basique vint alors baigner le terrain silurien lui-même et déposa sur ses côtes, dans les dépressions d'un sol depuis longtemps raviné par les pluies etpar les influences atmosphériques, ses sables, ses grèves et son limon. Un lit de cailloux roulés forme la première assise du bas. Blancs, jaunes ou bruns, ces cailloux semblent tous provenir des quartzites de l’Ardenne ; ils sont reliés entre eux par un ciment siliceux ; on y trouve mêlés des Plicatula hettangiensis , des Cardi- nies et plusieurs autres fossiles fort difficiles à extraire de la roche. Ce dépôt n’a guère plus de 30 centimètres d’épaisseur; il est recouvert par un grès rosâtre ou gris dont le grain est fin et qui contient un assez grand nombre de fossiles; on y voit aussi quelques cristaux de feldspath. Ce grès, fort dur dans les couches inférieures, se charge de calcaire et devient plus tendre à sa partie supérieure. De minces lits de marne verte séparent les derniers bancs ; quel- Notice sur les Grès ull.de la Soc. Géql. ae France , Par KPlsüe 2 e Série, T.ÀÜI.PIX^Pa^elôÔ ïd'Piette iel . Imp. Lemercier Paris. MÉMOIRE DE M. METTE. 189 ques-uns sont remplis de fossiles, et l’on en voit où les Actéons et les Ostrca irregularis sont en si grande abondance que ce sont de véritables lumaclielles. Cette formation n’a pas plus de 3 ou U mètres d’épaisseur dans les endroits où elle est le mieux développée. On peut l’ob- server à Saint-Menge et à Aiglemont. J’ai recueilli un grand nombre de fossiles au nord de ce dernier village, dans de gros tas de pierres que les habitants ont rassemblées parce qu’elles gênaient la culture, et même dans des murs de soutènement. La faune de ces grès est très remarquable ; elle correspond à celle d’Hettange, de Luxembourg, de Jamoigne et d’Halberstadt. Yoici la liste des fossiles que j’y ai recueillis. Fragmentée mâchoire de Chimœra Hettange. Ammonites stellaris, Sow Semur. — angulatus , Schl Hettange. Melania us ta, Tqm Hettange. Turritella Dunkeri , Tqm Hettange. — Deshayesea , Tqm Hettange. — Zenkeni, Dunker Hettange. Littorina clathrata , Desh , . . . . Hettange. — varietas ci n gui ata Hettange. — varietas cingillata Hettange. — (nom species ) Orthostoma avenu, Tqm Hettange. — (nov. sp . ) Tornatella milium, Tqm Hettange. • — secale, Tqm Hettange. — Buvignievi, Tqm Hettange. — [nov. sp.) Solarium liasinum , Piette (Dunk. sp.) Halberstadt Trochus nitidus , Tqm Hettange. — acuminatus, Ch. et Dew Jamoigne. — (nov. sp.) Turbo gemmatus , Tqm Hettange. Phasianella liasina, Tqm. Hettange. Cerithium paludinare, Tqm Hettange. acuticostatum, Tqm Hettange. — verrucosum , Tqm Hettange. (2 nov. sp .) Pleuromya Dunkeri , Tqm. (Dunk. sp.) Hettange. Pholaclomya Heberti, Tqm Hettange. — heteropleura , d’Orb. (Agass. sp.) Cardium Phillippianum , Dunk Hettange. Uettangia Deshayesea , Tqm. Hettange. 190 SÉANCE DU ‘21 JANVIER 1850. Àstarte consobrina , Ch. et Dew. Jamoigne. — irregu îaris. Tqm Hettange. — cingulata , Tqm. . Hettange. Cardinia suie a ta ?1 Agass Soleure. — Dunkeri j Ch. et Dew. .... Jamoigne. Cardia Heberti , Tqm * Hettange. Cuculle a (noir. sp.) Mytilus glabratus , Dunk Hetlange. Gervillia a cumin ata, Tqm.. Hettange. Limea acuticostata , Münst., Gold Lima gi gante a. Desh Hettange. — compressa , Tqm Hettange. - — dentata , Tqm Hettange. — tuberculata, Tqm Hettange. Pecten acutieosta, Münst — calais , Gold Hettange. — (nov. ip.) Plicatula # ettangiensis , Tqm Hettange. Ostrect irregu/aris, Münst Hettange. — niulticostata , Münst Hettange. — anomala , Tqm. Hettange. Serpula liiiiijormis , Münst Jamoigne. — volubilis , Gold . Hettange. — soda lis, Gold Hettange. Synastrœa Hennocqüii , Ed. et H Hettange. Montlwnultia Haymi , Ch. et Dew Jamoigne. — - Guettardi , J. H. Jamoigne. Tous ces fossiles ont été recueillis à Aiglemont. Sur 59 es- pèces qui composent cette liste, 3, le Pecten acutieosta , la P kola- don ty a heteropleura , la Limea acuticostata appartiennent à la faune du lias moyen; 9 sout nouvelles; 9 avaient déjà été trouvées dans les gîtes de Sémur, de Soleure, d’Halberstadt et de Jamoigne; 38 dans le gîte d Hettange. Ce grand nombre de fossiles d’ Hettange rencontrés dans les grès d’ Aiglemont est un fait très remarquable. Jamais à pareilles dis- tances, terrains ne furent plus complètement assimilés par les débris d’êtres organisés qu’ils renferment. On pouvait croire que les grès d’Hettange appartenaient au lias moyen, lorsque leur faune indéterminée presque tout entière semblait ne se rapporter à aucun type connu. Aujourd’hui tous les doutes doivent être levés ; il n’est possible de contester ni leur identité avec les grès d’Aiglemont, ni la place de ceux-ci dans le lias inférieur. Déjà la Société géologique, lors de sa réunion extraordinaire à Metz, avait été conduite par des considérations stratigraphiques à placer les MÉMOIRE DE M. PIETTE. m grès d’Hettange et de Luxembourg dans le lias inférieur. La stra- tigraphie et la paléontologie conduisent donc au même résultat. Les grès d’Aiglemont sont recouverts par des marnes et des calcaires dont les couches alternent les unes avec les autres et con- tiennent une quantité considérable de Gryphées arquées. Les Cardinia hybrida y abondent; elles sont très faciles à extraire dans les carrières de Tivoli. Les assises inférieures de cette formation renferment à Aiglemont les mêmes fossiles que les grès. Les marnes sont bleues et feuilletées ; elles deviennent jaunâtres à la partie su- périeure. Les bancs de ces calcaires sont bleus ; ils ont une épaisseur qui varie de 15 à 25 centimètres; ils donnent une excellente pierre pour faire de la chaux hydraulique et sont exploités dans un grand nombre de localités. Les carrières de Warcq en présentent une coupe magnifique. La puissance de cette formation dépasse 50. mètres. Une puissante formation sableuse s’élève au-dessus dés calcaires de Warcq et forme une série de collines au nord de la Sormonne et de la Meuse. A l’ouest de Rânwez elle repose directement sur le terrain silurien Elle va se terminer en pointe dans les environs de iMaubert-Fontaine. MM. Sauvage et Buvignier y ont distingué trois horizons: les calcaires sableux inférieurs, les calcaires sableux moyens et les calcaires sableux supérieurs. La nature de la roche qui est identique pour ces trois groupes de couches, et un certain mélange de faune à leur point de contact, ont porté ces auteurs à lés envisager comme faisant partie d’une formation unique et à les placer dans le lias moyen. Une étude plus approfondie de la faune de ces dépôts m’a démontré que le premier appartient au lias inférieur (étage sinémurien de M. d’Grbigny), et que les deux autres seuls correspondent au lias moyen (étage liasien cle M. d’Orbigny). En déclassant ainsi les calcaires sableux inférieurs et en faisant remonter leur dépôt à une époque toute différente de celle des assises qui les recouvrent, je ne pouvais plus leur laisser le nom de calcaires sableux qui s’applique également aux trois horizons. C’eut été faire naître dans l’esprit l ’idée d’une similitude qui n’existe pas dans la nature et créer une source d’erreurs. Je les désignerai donc sous le nom de grès de Rimogne. Les grès de Rimogne cor- respondent à ceux de Romery. Si j’ai préféré caractériser ces as- sises par le nom de Rimogne plutôt que par celui de Roinery, c’est parce que les carrières situées près de ce dernier village ren- ferment peu de fossiles, tandis que la faune que l’on trouve dans 192 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. les carrières de Féru près de Rimogne est très nombreuse et très caractéristique. A l’époque où se sont déposés les grès de Rimogne, la partie oc- cidentale du massif des Ardennes continuait à s’affaisser et la mer liasique reculait de plus en plus ses rivages dans les terres. C’est pour cela que les sables déposés alors ont recouvert entièrement les sédiments basiques antérieurs et qu’on les voit aujourd’hui reposer directement sur le terrain silurien à l’ouest de Ranwez. Au contact de ce terrain, les grès de Rimogne commencent ordi- nairement par un poudingue formé de petits cailloux roulés quar- tzeux, semblables à ceux du poudingue d’Aiglemont et détachés sans doute des mêmes roches par les mêmes causes. Je n’ai pas re- trouvé ce poudingue au contact des grés et des calcaires de Warcq. Cette circonstance semble indiquer qu’il n’appartient pas réelle- ment au lias. C’est probablement un diluvium qui se sera formé par des influences atmosphériques ou par un cataclysme quelconque, à l’époque où le massif des Ardennes immergé tout entier prolon- geait ses côtes bien au delà des rivages qui devaient limiter la mer basique. La mer du bas en envahissant la terre ferme a rencontré ce diluvium tout formé ; elle l’a remanié, elle y a mêlé les débris de ses coquilles ; elle l’a cimenté en le recouvrant de son sable, mais elle ne l’a pas changé de nature. Toute personne qui a con- sidéré attentivement les galets, ordinairement aplatis, de la mer reconnaîtra dans ces grèves rondes et de petite taille un véritable diluvium. Au reste, la position de ce poudingue, qui accompagne le terrain silurien, qui forme la base des grès de Rimogne à la Sauterie et dans plusieurs autres localités, qui s’en détache pour former la base des grès d’Aiglemont au lieu de se superposer au calcaire de Warcq, me semble un argument sans réplique pour prouver qu’il n’appartient pas à l’époque du bas. Les grès de Rimogne sont formés par des couches de sable jaune, de grès grisâtre, de calcaire bleu et de marne noire feuilletée. Les bancs de calcaire et de grès forment de vastes lentilles aplaties au milieu des sables et des argiles; ils sont exploités à Romery, à Ranwez, à Rimogne, à Laval-Morency, à Chillyet dans un grand nombre d’autres localités. On en fait des pavés, des marches, des bancs et des moellons. Ils forment un horizon facile à suivre dans tout le département des Ardennes depuis Maubert jusqu’aux fron- tières du département de la Meuse. La formation est plus sableuse et moins coquilbère dans les environs de Sedan qu’elle ne l’est entre Charleville et Maubert. A Chilly les couches supérieures MÉMOIRE DE M. PIETTÈ. 19S deviennent ferrugineuses et oolithiques; elles contiennent un grand nombre de fossiles semblables à ceux des assises inférieures. Mais là comme à Rimogne, comme dans toute la partie supérieure de cette formation, on trouve parmi de nombreuses coquilles caractéristiques de la faune sinémurienne quelques rares fossiles du lias moyen ; ces espèces sont au nombre de trois ou quatre ; elles prouvent que dans les Ardennes il n’y a pas de brusque délimitation entre les deux premiers étages du terrain jurassique; c’est ce qui apparaîtrait encore plus si on étudiait la faune des calcaires sableux moyens; on y trouverait un assez grand nombre d’espèces de la faune sinémurienne qui sont en quelque sorte à cheval sur les deux formations. Afin de donner une idée exacte de la faune des grès de Rimogne qui n’avait pas été étudiée jusqu’à ce jour, je vais transcrire la liste des fossiles que j’y ai trouvés. Cette liste a été dressée sur des spé- cimen; que j’ai recueillis moi-même à Hettange pendant un séjour de trois mois que je fis l’hiver dernier à Thionville. Je ne me suis pas contenté de ces déterminations; on aurait pu contester leur exactitude, et je voulais qu’elles fussent inattaquables afin que les conséquences que j’en tire fussent hors de doute. Je priai M.. Ter- quem de vouloir bien examiner ma faune de Rimogne. 11 y con- sentit complaisamment ; je lui remis mes fossiles après en avoir ôté toutes les étiquettes, et la liste qu’il en fit après un travail très consciencieux fut identique avec celle que j’avais dressée; seule- ment elle était plus complète. Yoici cette liste. J’ai indiqué dans une colonne les localités où ces fossiles avaient déjà été trouvés auparavant, afin que l’on vît bien que toute cette faune est la même que celle du lias inférieur. Belemnites nigcr , Lister, Sow. — La Sauterie Ammonites Bucklantli , Sow. - — Chilly, Étales, Ri- mogne Hettange. - — angulutus , Schl. — Chilly Hettange. — Heltàngiensis , Tqm. — Rimogne Hettange. — Bonnardi , d'Orb — Laval Morency — Hagenovii , Dkr. — Rimogne, Étales, Chilly . . Hettange. — Boucaultianus , d'Orb. — Rimogne Semur, Metz. — Stella ri s, Sow. — Étales Semur. Ancyloceras P [tiov. sp — Étales, Rimogne. . . . Boust. A mpullaria gracilis ? , Tqm. — Rimogne Hettange. Rissoa (jiov. sp.). — Laval-Morency Turritella Zi/ikeni, Dunk. — Rimogne, Étales. . . . Hettange. — Dunk cri, Tqm. — Étales, Rimogne Hettange. — [uov. sp.). — Laval-Morency . . . . Soc. géol.. 2e série, tome XI 1 1 . 13 19ll SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. Melania ustü , Tqm. — Laval-Morency Hettange. — turbinata , Tqm. — étales, Rimogne Hettange. — uniçingulata , Tqm. — Étales, Rimogne. . . . Hettange. — Theodori , Tqm. — Étales, Rimogne Hettange. Littoriria chlatrata , Desh. — Étales, Rimogne . . . Hettange. — - Roninckana , Ch. et Dew. — Étales, Rimogne . Hettange. — 2 «oe. .?/> — Étales, Rimogne Orthostoma frumentum, Tqm. — Étales, Rimogne. Hettange. — avena , Tqm. — Etales, Rimogne . . . . . . . Hettange. — triticum, Tqm. — Étales Hettange. — ■ nov. sp. — Ranwez Torncitella milium, Tqm.- — Étales Hettange. — turgida , Tqm. — Étales, Rimogne Hettange. — inermis , Tqm. — Étales Hettange. — nov. sp. — Laval-Morency ISeritina cannabis , Tqm. — Rimogne Hettange. — hettangiensis , Tqm. — Rimogne Hettange. Trochus sinistrorsus, Tqm. — Étales Hettange. — nov. sp. — Rimogne Straparolus , nov. sp. — Rimogne Hettange. Turbo rotundatus , Tqm. • — Étales. Hettange. Turbo [nov. sp.). — Étales Phasianella [nov. sp.). — Laval-Morency Pleurotornaria hettangiensis , Tqm. — Rimogne . . Hettange. — densçi , Tqm. — Rimogne Hettange. - — rotellœjormis , Dkr. — Rimogne Hettange. — cœpa , Des!. — Rimogne Hettange. — heliciformis, Dkr. — Rimogne Hettange. Rostellaria dubia, Tqm. — Étales, la Sauterie . . . Hettange. Cerithium verrucosum , Tqm. — Étales, Rimogne, Laval-Morency Hettange. — porulosum , Tqm. — Étales, Rimogne Hettange. — gratum , Tqm,. — Étales, Rimogne Hettange. — Jobœ , Tqm. — Étales, Rimogne, Ranwez. . . . Hettange. - — paludinare , Tqm. — Laval-Morency Hettange. — 3 nov. sp. — - Rimogne, Ranwez, Étales Patelin hettangiensis , Tqm. — Rimogne, Laval- Morency Hettange. — Schmidtii , Dkr. — Laval-Morency, Rimogne. . Hettange. - — Dunkeri , Tqm. — Rimogne, Laval-Morency . . Hettange. Pleuromya Dunkeri, Tqm. — Chilly Hettange. Pholadomya heteropleura , Agas. — Romery . . . . Mulhausen. Cardiurn Philippianum , Dkr. — Ranwez. ..... Hettange. Isodonta Engelhardli, Tqm. — Laval-Morency. . Hettange. Astarte irregularis , Tqm. — Ranwez Hettange. — cingulatü) Tqm. — Laval-Morency Hettange. MÉMOIRE DE M. PIETTE . 195 — consobrina , Ch. et Dew. — Chilly Jamoigne. Car dini a philea , d’Orb. — Étales . Nancy. — scapha , Tqm. — Étales Hettange. — Fischeri, Tqm. — Étales Hettange. — exigua, Tqm. — Étales, Chilly Hettange. — Listeri , Ag. (Sow. .vp., non Gold.). — Étales, Chilly Scarborough. — crassiuseula , Agas. (Sow. sp., non Ch. et Dew.). — Étales, Chilly . , • . Robin-Hood. — elongala, Dkr. — Étales, Chilly Halberstadt. — angustiplexa?, Ch. et Dew. — Chilly. .... Jamoigne. — Nilsoni P, d’Orb. (Koch sp.). — Chilly Jamoigne. Carclita Hebcrti, Tqm. — Ranwez Hettange. Area pulla , Tqm. — Ranwez Hettange. Nucula [nov. sp.). — Ranwez. . . ' Pinna sendstriata , Tqm. — Ranwez Hettange. — Hartmann i, Ziet. — Romery Hettange. Mytilus glab ratas, Dkr. — Rimogne, Étales, Chilly. Hettange. Avicula Alfrecli , Tqm. — Laval-Morency Hettange. Gervillia aciiminata , Tqm. * — Chilly Hettange. Limea acuticostala , Münst, Goldf. — Rimogne Lima compressa , Tqm. — Chilly Hettange. — tuberculata , Tqm. — Laval-Morency, Chilly. . Hettange. — punctata , Sow. — Rimogne Hettange. — gi gante a (jeune), Desh. — Rimogne, Chilly . . Hettange. - — duplicata? — » Rimogne 2 nov. sp. — La Sauterie, Laval-Morency — nodulosa , Tqm. — Rimogne, Étales Hettange. Pecten calvus , Münst. — Étales, Rimogne, Romery. Hettange. — 2 nov. sp. — Chilly, Rimogne. . Plicatula hettangiensis , Tqm. — Chilly, Ranwez, Rimogne Hettange. — Baylei , Tqm. — Étales, Chilly Hettange. Ostrea arcuata , Lmk. (variété). — Rimogne, Ran- wez, Étales. Hettange? irregularis , Münst. — Rimogne, Étales, Chilly, Ranwez Hettange. — multicostata , Münst. — Chilly, Étales, Rimogne. Hettange. — complicata, Münst. — - Chilly, Étales, Rimogne. Hettange. Anomta pellucida , Tqm. — Rimogne Hettange. Terebratula numismalis , Lmk. — Rimogne. . - — 2 nov. sp. — Rimogne — variabilis , Schloth Hettange. Spiri/er rostratus, de Bu ch — 2 nov. sp. - — Rimogne — Walcotii% Sow. — Rimogne Semur. Serpula lituijormis , Münst. — Rimogne, Étales. . . Jamoigne. 196 SÉANCE DU 21 JANYIÈR 1856. Cidaris {nov. sp.). — Ranwez Pentacrinus scalaris, Mill. — Rimogne Metz. Eugeniacrinus lias inus, Tqm. — Rimogne Hettange. Parmi les 113 espèces qui composent cette liste, 25 sont indé- terminées ; 5 ne se trouvent ordinairement que dans le lias moyen ; ce sont : Belemnites niger , Pholadomya heteropleura , Limea aciiticostata , Terèbrntula numismalis et Spirfer ro stratus, je ne les ai recueillies que dans la partie supérieure de la formation ; U ont été rencontrées dans différents gîtes du lias inférieur; 79 appartiennent à la faune d’Hettange. Cette liste identifie les grès d’Hettange avec ceux de Rimogne. L’assimilation est encore plus complète qu’entre les grès d’Het- tange et ceux d’Aiglemont. En résulte-t-il une contradiction? Non. Dans toutes les mers, à tous les âges de la terre il s’est trouvé des fonds de sable et des fonds de boue. Les espèces et même les genres qui les habitentsont différents. De là deux sortes de sédiments que l’on retrouve dans tous les étages et qui, bien que contemporains, présentent des faunes et des types fort différents. Le calcaire et les marnes à Gryphées arquées représentent le type vaseux à l’époque du lias inférieur ; les grès d’Hettange, d’Âiglemont et de Rimogne représentent le type sableux. Tous ces dépôts appartiennent à la même formation ; leur faune dépend de la même création, ils sont contemporains en ce sens qu’ils ont été formés à la même époque géologique, sinon pendant les mêmes siècles. M. Buvignier avait donc raison quand il assimilait les grès de Rimogne aux grès d’Hettange; mais les conséquences qu’il tirait de cette assimila- tion étaient inexactes. Ce ne sont pas les grès d’Hettange qu’il faut élever dans le lias moyen, ce sont les grès de Rimogne qu’il faut abaisser dans le lias inférieur, car tous deux renferment la même faune que les grès d’Aiglemont dont la position sous les calcaires de Warcq ne peut être contestée. Parmi les fossiles caractéristique de l’horizon de Rimogne est une coquille que j’ai rapportée non sans quelques hésitations à la Gryphée arquée. Elle y est abondante surtout dans les assises in- férieures ; dans celles-ci, on peut sans trop de violence la rapporter à la Grypliée arquée ; mais dans les assises supérieures elle perd de plus en plus ses caractères et finit par ressembler à la Gryphœa cymbium. A voir la plupart de ces coquilles, oji dirait des fossiles hybrides provenant du mélange de ces deux espèces. Cependant, il n’est pas probable qu’il en soit ainsi; sans doute, les Gryphées arquées commençaient alors à éprouver l’effet de ces influences MÉMOIRE DE M, PIETTE. 197 destructrices qui devaient les anéanti r dans l’àge suivant. Cet animal doué d’une forte vitalité avait peuplé la mer sinémurienne en si grande quantité que le nombre des débris qu’il a laissés dans ces dépôts nous étonne aujourd’hui. Au moment de disparaître, il luttait contre la nature qui lui était rebelle ; il modifiait ses organes pour les approprier au milieu dans lequel il se trouvait. Ces dépôts de grès de Rimogne où la Grypliée arquée passe en quelque sorte à la Gryphœa cymbium sont à ce titre bien remarquables. Il n’y a pas de paléontologiste qui n’ait remarqué ces efforts étonnants de la nature dans les êtres qui vont s’éteindre à l'époque où une création succède à une création. Dans deux étages superposés, restes de deux époques qui se sont succédé, les espèces les plus voisines se relient en quelque sorte par des variétés dans les assises qui se touchent. C’est sans doute cette observation qui a conduit Lamark à sa théorie sur la transformation des espèces, théorie qui n’est pas encore prouvée, mais qu'il faut cependant se garder de rejeter, car elle porte la marque du génie et elle s’accorde parfaitement avec les procédés de la nature qui ne fait rien de rien, et qui a pu transformer une espèce en une autre, comme elle trans- forme l’embryon en le faisant passer par divers états avant d’en faire un être parfait. Ce n’est pas le calcaire qui a manqué aux Gryphées des grès de Rimogne, car ces grès fourmillent de fossiles qui avaient aussi besoin de calcaire pour se développer ; d’ailleurs elles y atteignent de très grandes dimensions; seulement, elles sont de forme irré- gulière; leur valve inférieure est aplatie et ne présente plus la courbe qui leur a fait donner leur nom. Souvent elles s’attachent par le crochet à la manière des Ostrea irregularis ; elles sont alors déformées; d’autres fois elles ont un crochet véritable, mais petit, relevé, maigre, plus semblable à celui des Gryphœa cymbium qu’à celui des Gryphées arquées. Leur valve supérieure est couverte de stries irrégulières se séparant ainsi de ces deux espèces dont l’une a cette valve lisse et l’autre l’a couverte de stries fines et irrégulières. Le caractère qui les rattache aux Gryphées arquées, c’est le sillon ; c’est je crois le seul caractère constant de cette espèce. Encore y a-t-il des coquilles dont le sillon est si déployé que c’est à y re- garder deux fois avant de les désigner par un nom autre que celui de Gryphœa cymbium. Il est donc bien entendu qu’en classant parmi les Gryphées arquées ces coquilles dont d’autres personnes feront peut-être une espèce nouvelle, je n’entends nullement les assimiler pour leur forme aux Gryphées de Warcq. Celles-ci sont le type de l’espèce; celles que je décris en sont la variété la plus éloignée. 198 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856, Cette variété se rapproche de celle que l’on trouve à Boust, à Breistroff et à Puttelange à des niveaux différents au-dessus du grès d’Hettange. J’en ai recueilli des centainesdanscesdiverses localités, et, quoique ce soient bien à mon avis des Gryphées arquées, je n’y ai retrouvé que par exception le type de Warcq, et je suis resté convaincu que dans la Moselle comme dans les Ardennes le sillon est le seul caractère spécifique des Gryphées arquées dans les assises qui terminent la formation du lias inférieur. L’analogie de forme qui existe entre les Gryphées de Breistroff et celles de Rimogne con- duit à penser que les marnes et les grès où on les trouve se cor- respondent. L’examen que j’ai fait de la faune des calcaires à Gryphées de Boust me confirme dans cette opinion; on y trouve quelques coquilles d’Hettange ; les Térébratules y abondent, et j’y ai recueilli plusieurs fossiles caractéristiques de la partie supérieure des grès de Rimogne, notamment un petit Ancylocercis indéterminé. Ce serait donc à cette partie supérieure qu’ils correspondraient. Les grès de Rimogne se terminent à l’apparition d’une variété de la Gryphœa cfmbium que M. Buvignier a rapportée à la Gryphœa obliqua ta, et dont il a donné une assez bonne figure dans l’atlas de sa statistique du département de la Meuse. La constitution du lias inférieur dans les Ardennes jette un jour puissant sur celle du même terrain dans la Moselle. La question des grès d'Hettange, tant débattue il y a quelques années, et qui consistait dans le principe à savoir si ces grès et la faune indéter- minée qu’ils renferment appartiennent au lias inférieur ou au lias moyen, est résolue par la paléontologie et par la comparaison avec les couches des Ardennes, d’une manière aussi claire qu’elle l’avait été au moyen de la stratigraphie par la Société géologique lors de sa réunion à Metz. Il ne reste plus qu’à savoir à quel niveau se trouvent les grès d’Hettange et de Luxembourg dans le lias inférieur. Presque toutes les espèces qui vivaient dans la mer basique au commencement de l’époque sinémurienne et dont les débris ont été enfouis dans les sédiments d’Aiglemont vivaient encore à la fin de cette époque, lorsque les mers déposaient les grès de Rimogne. Elles ont donc aussi vécu pendant le temps intermédiaire où se sont formés les calcaires de Warcq. Ainsi les grès de Luxembourg peuvent correspondre ou au grès d’Aiglemont, ou au grès de Ri- mogne, ou même au calcaire de Warcq. Il y a deux horizons de grès dans le Luxembourg, comme il y en a deux dans les Ardennes : les calcaires gréso-bituinineux et les grès de Luxembourg proprement dits. Au premier abord, il MÉMOIRE DE M. PIETTE. 199 semble très naturel de faire correspondre les calcaires gréso-bitu- mineux aux grès d’Aiglemont; les grès siliceux sans fossiles, que l’on voit reposer dans le Luxembourg et dans la Moselle sur les marnes irisées, représenteraient alors la partie inférieure des grès d’Aiglemont, qui est elle-même très siliceuse, peu coquillière et qui repose sur le terrain silurien. Les calcaires gréso-bitumineux pro- prement dits appartiendraient au même horizon que la partie su- périeure des grès d’Aiglemont. La nature de la roche et la puissance de la formation confirment cette assimilation indiquée par la po- sition des couches. Il serait à désirer que l’on étudiât sérieusement la faune des calcaires gréso-bitumineux, afin de savoir si elle cor- respond à celle des grès d’Aiglemont; ces calcaires renferment un grand nombre de fossiles dans le Luxembourg ; les espèces, il est vrai, y sont peu variées; cependant, j’en ai trouvé un assez grand nombre, et je regrette de n’avoir pas eu le temps d’en recueillir davantage. Toutes les personnes qui ont exploré le lias du Luxembourg et celui des Ardennes sont tentées de mettre sur le même horizon les grès de Rimogne et les grès d’Hettange. La puissance de la forma- tion, sa nature sableuse, l’identité de la faune, la fossilisation des coquilles qui dans certaines localités, à Laval-Morency par exemple, rappelle celle des fossiles d’Hettange, le mince lit de lignite, les cailloux roulés que l’on trouve dans les couches coquillières, tout se réunit pour faire assimiler ces deux grès. La disposition des couches elles-mêmes ne diffère pas dans les Ardennes de celle que l’on remarque dans le Luxembourg. Des grès sans fossiles forment les premières assises des grès de Luxembourg proprement dits ; des couches à Cardinies leur sont superposées ; celles-ci sont recouvertes par de nouveaux bancs de grès sans fossiles au milieu desquels se trouve la couche coquillière d’Hettange ; des assises contenant du bois fossile et des empreintes de plantes terminent la formation dans la Moselle. — On remarque la même disposition dans les carrières de Romery. On y voit à la partie inférieure des grès sans fossiles au-dessus desquels se trouvent des couches à Car- dinies; viennent ensuite d’autres grès sans fossiles, puis une assise très coquillière renfermant à l’état d’empreintes des Cerithium verracosum , des Rostellaria dubia , des L/itorina chlairata et plu- sieurs autres coquilles caractéristiques du gîte d’Hettange; cette assise est recouverte par des bancs où l’on trouve du bois fossile en assez grande quantité. — Dans les carrières de Féru, quoique toutes les assises soient coquillières, on peut encore reconnaître à la partie inférieure les bancs à Cardinies, à la partie moyenne des 200 SÉANCE DU 24 JANVIER 1856. couches renfermant des fossiles identiques avec ceux d’Hettange, et à la partie supérieure des grès contenant du bois fossile. Cette similitude dans la superposition des couches à de si grandes distances est un fait très remarquable. Elle semble donner entière- ment raison à l’opinion qui consisterait à assimiler les grès calcaires gréso-bitumineux aux grès d’Aiglemont et les grès de Luxembourg et d'Hettange à ceux de Rimogne. Cependant, on peut appuyer l’opinion contraire par de fortes considérations. Si les grès d’Het- tange correspondent à ceux de Rimogne, pourquoi ne contiennent- ils pas comme eux cette quantité considérable de Gryphées que l’on voitdans les Ardennes? Cette absence de Gryphées ne les rapproche- t-elle pas au contraire des grès d’Aiglemont avec lesquels ils ont par leur faune une si grande ressemblance? H y a fort peu de Lima gigantea dans les grès de Rimogne, mais on en trouve une grande quantité à Aiglemont et à Saint-Menge. D’un autre côté, il est certain que les grès d’Hettange après leur dépôt ont été émergés, qu’ils se sont solidifiés, qu’ils se sont ravinés sous les influences atmosphériques et qu’ils se sont de nouveau af- faissés dans la mer avant la fin de l’époque sinémurienne. Les marnes à Gryphées arquées déposées sur leurs flancs et dans leurs dépressions à des niveaux différents le prouvent d’une manière suffisante. Partout où j’ai pu observer le point de contact des marnes et des grès, à Zœtrich, à Boust, à Breistroff, j’ai reconnu que les grès portaient la trace de l’action des flots ; la surface de leur der- nier banc était usée ; elle était couverte d’ Ostrea irregulciris qui s’y étaient attachées après sa solidification, et la roche, quoique sa nature fût siliceuse, était criblée de trous de Lithodomes, au milieu desquels on retrouvait encore les coquilles de ces animaux perfo- rants. Si les grès d’Hettange ont été émergés pendant une partie de l’époque sinémurienne, comme cela est incontestable, il est évident que les sédiments qui se sont déposés dans les autres contrées pendant leur émersion doivent y manquer ; il est évident aussi que les grès de Rimogne au milieu desquels on ne trouve aucun indice de soulèvement doivent contenir les assises qui se sont formées à l’époque de cette émersion. Or, on ne trouve dans les grès de Ri- mogne aucune assise qui manque à Hettange. Au contraire, les grès d’Hettange et de Luxembourg sont beaucoup plus développés. Il y a là une objection puissante contre l’opinion qui tendrait à mettre sur le même horizon lesgrèsde Rimogne et ceux de Luxem- bourg. Pour indiquer d’une manière certaine la position des grès d’Hettange relativement à ceux de Rimogne et d’Aiglemont, il faudrait avoir suivi pied à pied le grès de Luxembourg jusque dans MÉMOIRE DE M. PîETTE . 201 les Ardennes, et c’est ce que je n’ai pas fait. Quoi qu’il en soit, la question des grès d’Hettange réduite aux termes dans lesquels elle se présente maintenant perd toute son importance. Ce n’est plus qu’une question de stratigraphie purement locale et qui ne peut avoir aucune influence sérieuse sur l’avenir de la science; car il ne s’agit plus de savoir à quel étage ils appartiennent, mais à quel niveau ils se trouvent dans le lias inférieur. Il me reste maintenant à faire connaître quelques-uns des fos- siles nouveaux que l’on rencontre dans le lias inférieur des Ar- dennes. Je m’attacherai surtout à la description de ceux qui caractérisent les grès de Rimogne. Cet horizon étant celui des Gryphées arquées, quoique ce ne soit pas celui de la chaux hydraulique, au moins dans les Ardennes, il importe de faire connaître les fossiles qui lui sont spéciaux, afin qu’on le distingue plus facilement de celui de Warcq. Ancyloceras ? e ta le nsi s (PI. X), fig. 24. Petite coquille très abondante à Etales et à Rimogne, à la limite des bancs de sable ou de grès ; je l’ai déjà rencontrée intacte dans le sable. Elle avait une crosse ressemblant à celle des Ancyloceras , mais chaque fois que j’ai voulu la recueillir, elle est tombée en poussière. La figure que j’en donne est faite sur un fragment trouvé dans le grès ; c’est, comme ou le voit, un fragment dentali- forme, orné de carènes transversales petites et nombreuses. On n’y voit pas trace de cloisons ; au contraire, l’intérieur de cette coquille ressemble à celui des Dentales. Si l’on ne rencontre pas de cloisons dans la crosse, il faudra déclasser cette coquille et la rapprocher des Dentales. Sa section transversale est un cercle. Ce curieux fossile est caractéristique de la partie supérieure des grès de Rimogne. On le retrouve à Boust (Moselle) dans les calcaires à Gryphées arquées. Cerithium Terquemi , fig. 7 et 7 «. Coquille turriculée, allongée ; tours convexes, ornés de trois côtes transversales qui se croisent avec de fines côtes longitudi- nales très serrées et à peine visibles. Columelle courbée; bouche acuminée en avant, et terminée par un canal ou sinus assez étroit ; bord libre arqué, proéminent. J’ai rangé cette coquille parmi les Cerithium , parce que je n’ai pas voulu créer un genre nouveau, mais il y a dans les terrains jurassiques un grand nombre de 202 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. coquilles qui se rapportent à ce type, et qui forment un sous- genre, sinon un genre distinct. Evidemment cette columelle arquée, ce profond sinus remplaçant le canal et ce bord libre proéminent, ne sont pas les caractères ordinaires des Cerithium . Cette espèce est nombreuse dans les grès du lias inférieur à Aiglemont, à Ranwez, à Rimogne et à Etales. Cerithium ? Quinetteum , fig. 9. Grande coquille turriculée, allongée ; tours convexes, couverts de côtes longitudinales très rapprochées, interrompues près de la suture postérieure. Ces côtes sont plus ou moins nombreuses : il y en a quelquefois vingt sur chaque tour, mais cela n’arrive pas ordinairement. Quoique cette coquille ne soit pas rare, je n’en ai jamais pu recueillir un spécimen qui eût l’ouverture intacte ; de sorte que ses caractères génériques sont très douteux. Il y a des variétés dont les tours croissent beaucoup plus rapidement que celle dont j’ai donné la figure. 11 n’est pas rare de trouver des individus deux fois plus longs que la coquille que j’ai représentée. On trouve cette belle espèce à Ranwez, à Rimogne, à la Sauterie et à Romery, dans les grès du lias inférieur. Je l’ai aussi rencon- trée à Virton, dans le Luxembourg. Je l’ai dédiée à M. Quinette, conseiller d’Etat. Cerithium pleurotoma , fig. 8 et 8 a. Jolie petite coquille ayant des tours très convexes ornés de trois côtes transversales et d’un grand nombre de petites côtes longitu- dinales qui les croisent. Bouche terminée par un large sinus plutôt que par un canal. Bord libre formant un arc de cercle, et présen- tant postérieurement un sinus aussi profond que celui des Pleuro- toma avant de rejoindre la suture. On trouve cette coquille à Rimogne, dans les sables du lias inférieur. Les figures 8 et 8 « représentent ce fossile fortement grossi. Cerithium arduennense , fig. 6 et 6 a. Coquille turriculée, allongée; tours convexes; côtes longitudi- nales, onduleuses et serrées; canal petit. On la trouve dans le lias inférieur de Ranwez et d’Etales. MÉMOIRE DE M. PIETTE. 203 Cerit/iiurn ? etalense , fig. 5. Coquille turriculée, allongée, ornée de grosses côtes longitudi- nales très espacées. Ces côtes, légèrement convexes, sont au nombre de sept ou huit sur chaque tour. Je n’en ai jamais trouvé de spécimen ayant la bouche intacte. Les caractères de cette espèce sont donc douteux. On la trouve dans le lias inférieur d’Etales, à la surface des bancs de grès. Tubifer , novam gémis. Genre intermédiaire entre les Fuseaux et les Actéonines. Le der- nier tour est plus grand que les autres. Bord libre droit ou presque droit. Columelle terminée par un canal tubiforme. Le bord libre descend toujours au moins aussi bas que le canal. Les deux coquilles dont je vais faire la description ne donneront qu’une idée très imparfaite de ce genre, car elles sont en quelque sorte à sa limite, et se rapprochent beaucoup des Tornatelles. Mais je me propose de décrire dans peu de temps un grand nombre de fossiles trouvés dans la grande oolitlie et appartenant à ce genre. Tubifer striatus , fig. 22. Coquille ovale ; spire courte, couverte de stries fines et trans- versales. Tours droits, pourvus d’un fort méplat près de la suture ; le dernier est très allongé. Bord libre droit. Bouche allongée. Quelque voisine que soit cette coquille des Tornatelles, elle en diffère essentiellement par le canal qui termine sa columelle. On la trouve dans les grès de Ban ez, lias inférieur. La figure 22 représente un individu très fortement grossi. Tubifer Heberti , fig. 21 et 21 a. Petite coquille couverte de stries fines et transversales. Tours légèrement convexes ; le dernier est plus grand que les autres. Cette coquille, très voisine de la précédente, n’a pas de méplat suturai. Elle est aussi plus allongée. On la trouve dans le même gisement. Les figures 21 et 21 a représentent un individu fortement grossi. SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. 204 Littorina? arduennensis , fig. 19 et 19 a. Coquille turriculée, lisse; tours droits, pourvus d’une petite rampe près de la suture. Dernier tour anguleux vers son milieu. Bouche allongée. Elle est abondante dans les grès d’Aiglemont ; lias inférieur. ' Ncitica retusa , fig. 18. Coquille globuleuse. Spire courte, lisse et commençant par un large miel eus. Tours peu convexes. Le dernier est très développé. Suture canaliculée. Je l’ai trouvée dans les grès de Rimogne ; lias inférieur. Natica plie a ta, fig. 17 et 17 a. Coquille globuleuse, spire courte. Tours croissant rapidement; le dernier est très enveloppant;. les premiers sont lisses, les autres sont ornés de côtes longitudinales très remarquables. Ces côtes sont parfois sinueuses et presque interrompues au-dessous d’un méplat qui borde la suture. Columelle lisse, bouche étroite. Cette magnifique espèce est très abondante dans les grès d’Etales; on la trouve aussi à Rimogne. Phasianella morencyana , fig. 12. Coquille lisse. Tours légèrement convexes; le dernier est très développé. Bouche légèrement acuminée en avant. On trouve cette coquille dans les grès du lias inférieur à Laval-Morency. La fig. 12 représente ce fossile grossi. Phasianella cerithiiformis , fig. 11 et 11 a. Coquille turriculée, allongée, lisse. Tours légèrement convexes; le dessous du dernier est parcouru par quelques petites côtes trans- versales. Bouche subquadrangulaire, acuminée en avant. Je n’ai qu’un spécimen de ce fossile ; la partie antérieure de la bouche est un peu brisée; les caractères génériques de cette espèce ne sont donc pas tout à fait certains. On la trouve dans les grès de Laval-Morency ; lias inférieur. MÉMOIRE DE M. PIETTE . 205 Ncrita s'emi-luncty fi g. 15 et 15 a. Coquille globuleuse. Spire très courte. Tours convexes, couverts de nombreuses stries longitudinales qui se croisent avec des stries d’accroissement très fines. Le dernier tour a près de la suture une sorte de méplat peu apparent. Bouche semi-lunaire. Ombilic pourvu d’une dent. Les fig. 15 et 15 a représentent ce fossile fortement grossi. Je n’en ai qu’un spécimen; il provient des grès de Laval- Morency ; lias inférieur. Turbo solarium , fig. 16, 16 a , 16 b , 16 c. Coquille turbinée, presque naticiforme. Spire courte. Tours lisses, anguleux postérieurement ou arrondis ; croissant rapidement. Bouche arrondie. Ombilic crénelé. Ce fossile est très nombreux dans le lias inférieur à Aiglemont. Solarium striatum , fig, 10 et 10 a. — Planorbis liasinus ? , Dunk. Coquille finement striée, aplatie, ornée sur le bord de chaque tour de granulations qui se prolongent sous forme de rides trans- versales. Ombilic large et crénelé, mettant les tours de spire à dé- couvert. Bouche oblique. On le trouve à Aiglemont dans les grès du lias inférieur ; il y est abondant. Les fig. 10 et 10 a représentent ce fossile fortement grossi. Turritella costijera , fig. 1 1\. Coquille conique. Tours presque droits. Côtes longitudinales très nombreuses. Parfois on aperçoit des stries transversales exces- sivement fines. Dessous du dernier tour lisse. Bouche petite. On trouve cette coquille dans le lias inférieur d’Etales à la surface des bancs, et dans les grès de Laval- Morency. Rissoa f rumen tum , fig. 13. Petite coquille ovale. Spire formant un angle convexe. Tours ornés de petites côtes longitudinales assez espacées. Ouverture petite. La fig. 13 représente ce fossile fortement grossi. 206 SÉANCE DU 21 JANVIER i 856. Acteoninct arduennensis , fig. 20 et 20 a. Coquille ovale. Spire très courte, très convexe et terminée par une petite pointe. Tours très convexes; le dernier, pourvu d’une sorte de rampe, est très allongé. Bord libre droit. On le trouve à Ranwez dans les grès du lias inférieur. Acteon acuminatus , fig. 23 et 23 a . Coquille lisse. Spire terminée en pointe. Tours droits, assez nombreux ; le dernier est très allongé. Bouche longue. Bord libre droit. Columelle pourvue d’un pli. Nucula navis: fig. 3 et 3 a. Coquille lisse, subtriangulaire, inéquilatérale. Charnière ayant 15 dents d’un côté du crochet et 8 de l’autre. On la trouve à Ranwez et à Rimogne dans le lias inférieur. Elle est assez nom- breuse. Les fig. 3 et 3 a représentent ce fossile fortement grossi. Leda tennis triata , fig. U. Coquille subtriangulaire, légèrement éch ancrée vers la région palléale, ornée de fines stries concentriques et pourvue d’un rostre très allongé. Elle est assez rare. On la trouve dans les grès d’ Aigle- mont; lias inférieur. Terebratula perjorata , fig. 1 , 1 « et 1 b. Coquille subtriangulaire, arrondie vers le sommet, plus ou moins tronquée inférieurement. Crochet légèrement recourbé. Test lisse, parcouru par quelques fines stries d’accroissement et perforé par une multitude de petits trous à peine visibles. Ouverture petite, arrondie , échancrant le deltidium qui est triangulaire. La figure 1 représente un individu allongé. La figure 1 «représente la variété opposée. On trouve cette coquille à Rimogne, dans les dernières couches du grès (lias inférieur), à Boust (Moselle), dans les calcaires à Gryphées arquées, et à la Grange -au Bois dans les assises inférieures du lias moyen. NOTE DE M. HÉBERT. 207 Terebratiilci coslellata, fîg. 2 et 2 a. Coquille triangulaire, aiguë vers le crochet, arrondie inférieure- ment, plus ou moins tronquée ou écliancrée vers la région palléale, ornée de 10 ou 16 plis sur chaque valve et couverte de fines stries d’accroissement concentriques qui ondulent sur les plis. Ces plis sont encore très visibles dans l’intérieur de la coquille dont le test est très mince. Ouverture triangulaire, s’étendant depuis le crochet de la grande valve jusqu’à la charnière, etoccupant presque tout l’espace compris par le deltidîuni qui est composé de deux pièces fort petites, qui se trouvent l’une à droite, l’autre à gauche de l’ouverture. Les caractères de l’ouverture rapprochent cette co- quille du genre Spirifer. La valve supérieure se déprime vers le milieu du côté delà région palléale, et son boi •dy décrit une courbe. Cette espèce présente de nombreuses variétés. L’étendue de l’ou- verture varie avec l’allongement de la coquille. Les deux variétés les plus extrêmes ont été figurées dans les fig. 2 et 2 a. On la trouve à la surface de la dernière couche des grès de Ri- mogne, accompagnée par un grand nombre de fossiles hettangiens, dans les calcaires ferrugineux du lias à Eteignères en compagnie de la Patelin Hennocquü et de la Cardinia securifonnis , et dans les calcaires à Gry pliées arquées de Boust. A l’occasion du mémoire de M. Piette, M. Hébert fait la communication suivante : Note sur le lias inférieur des Ardennes, suivie de remarques sur les Gry pliées du liasf par M. Hébert. La succession des assises inférieures du lias des environs de Mezières, parfaitement établie d’une manière générale dès 1 8 A2 par MM. Sauvage èt Buvignier, et qu’il est utile de bien connaître comme terme de comparaison avec la série contestée du Luxem- bourg, peut être, d’après des observations qui nous sont person- nelles, caractérisée de la manière suivante. PREMIER ÉTAGE de MM, Sauvage et Buvignier. — sous-groupe inférieur. — Grès irifraliasique . — L’épaisseur de ce dépôt, qui n’a pas été mesurée exactement, peut être évaluée approximati- vement à 7 ou 8 mètres; on le voit à Aiglemonf. et à Saint-Menge. Il estquartzeux à la base, calcaire et marneux à la partie supérieure, d’après l’intéressant travail qui vient d’être lu ; il renferme exacte- SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. ?08 ment les mêmes fossiles que les grès d’Hettange et de Luxem- bourg. C’est un résultat important dont la science est redevable à M. Piette. Sous-groupe supérieur. — Calcaires et marnes à Gryphitcs. — La succession des assises de cette série, qui peut avoir ùO à Zj5 mètres, se voit très bien dans les carrières de Tivoli et de Warcq. Les car- rières de Tivoli sont ouvertes dans la partie moyenne de la masse, celles de Warcq sont à deux hauteurs différentes, les premières dans la partie inférieure, presque au niveau de la Meuse ; les grandes carrières appartiennent aux assises supérieures. Dans la niasse inférieure, dont l’épaisseur est d’environ 1 0 mètres, les marnes sont plus abondantes, les fossiles assez rares. Nous n’y avons rien recueilli de déterminable. La masse moyenne est formée des assises suivantes : 1° Bancs de calcaire bleuâtre et de marnes alternant ensemble, et remplies de Grypliées arquées. On y trouve aussi les espèces suivantes : Lima gigantea, Desh. (non d’Orb.) ; Avicula sinemu- riensis , d’Orb. ; Lima Erysc, d’Orb. ; Pentacrinus tubercalatus , Mill. , et quelques autres. L’épaisseur de cette assise est de 9 mètres. 2° Lit mince, de 0m,l 5 centimètres, où abonde la Cardinia im- bricata , Stutch., souvent confondue avec la C. hybrida ; l’espèce à laquelle ce dernier nom doit être réservé appartient exclusivement à la base du lias moyen. C’est celle qu’ont figurée MM. Stutch - bury et Agassiz. 3° Argiles et marnes, de 2 mètres d’épaisseur, remplies de Gry- pliées arquées. Au-dessus de ces assises vient une série dans laquelle sont ou- vertes les grandes carrières de Warcq. Ce sont de bas en haut : 1 . Bancs de marnes et de calcaire ayant ensemble m. une épaisseur de 2,00 2. Calcaire marneux , noir bleuâtre , donnant la meilleure chaux hydraulique, renfermant de nombreux échantillons d 'Ammonites bisulcatus [A. Bucklandi ) 0,30 3. Marne noire et calcaire 1,15 4. Calcaire 0,15 5. Marne noire 1,00 Ces lits marneux contiennent abondamment V Ostrea irregularis et la variété de Gryphée arquée connue sous le nom de G. obliqua , Sow. (non Ostrea obliquata Buv.). Nous y avons recueilli aussi la NOTE DE M. HÉBERT. 209 Mactromya liasina , Ag., le Pecten textorius , Goldf. , X Av i cul a sinc- muriensis , une radiole de Ci davis , une vertèbre XX Ich th yosaurus , etc. La série, dont nous venons d’énumérer les termes, forme un en- semble naturel bien caractérisé au point de vue minéralogique, comme au point de vue paléontologique. Ces caractères, presque invariables partout où cette assise existe, ont depuis longtemps frappé les géologues et ont souvent fait attribuer exclusivement à elle seule le nom de lias. DEUXIÈME ÉTAGE. — sous-groupe inférieur. — Calcaires sableux inférieurs. — Les calcaires sableux de Romery qui vien- nent au-dessus se distinguent nettement de la série précédente, même dans leurs assises inférieures, à la fois par leur nature mi- néralogique et par les débris organiques qu’ils renferment. On y trouve bien, il est vrai, X Ammonites bisulcatus , qui dans cette con- trée atteint un niveau plus élevé que son niveau habituel ; mais cela n’est pas plus étonnant que de voir X A. Conybeari , Sow. , et X A. raricostatus , Zieten, regardés comme caractéristiques du lias inférieur, se trouver en grande abondance dans le calcaire à Gryphœa cymbium de Pulnoy, près Nancy, avec les Ammonites planicosta, fimbriatus, Davœi et d’autres espèces les plus connues du lias moyen. L’assise inférieure est caractérisée par des bancs remplis de grandes Cardinies ( Cardinia securiformis? Ag. ) et par X Ostrea cymbium. L’abondance de ces fossiles, leur absence complète dans les calcaires de Warcq et de Tivoli, établit au point de vue pa- léontologique, entre les deux dépôts, une différence tranchée, qui vient corroborer leur contraste minéralogique. Les carrières de Romery et les escarpements qui sont au-dessus montrent de bas en haut la succession suivante : 1 . Calcaires alternant avec des sables (exploités m. pour pavés) 6,00 2. Calcaire compacte à grandes Cardinies 0,80 3. Sable. 0,30 4. Calcaire à grandes Cardinies 0,30 5. Calcaires alternant avec des sables, avec A . bisul- catus et O. cymbium (var. elongata ) 12,00 6. Calcaires sableux moyens, avec G. cymbium (\av. dilatée) . 30,00 Toutes ces assises se relèvent sous une inclinaison de 3° | en- viron vers l’Ârdenne, de telle sorte que les bancs à grandes Cardinies qui sont à Romery à 160 mètres d’altitude s’élèvent à 200 mètres Soc. géol., 2® série, tome XIII. 4 4 SÉANCE DU 21 JANVIER 1855. 210 dans les petites carrières ouvertes entre le Yivier-Guyon et Saint- Laurent. Les assises inférieures du lias moyen continuent à s’élever régulièrement en allant au nord; et au coteau d’Aiglemont elles sont à 210 ou 220 mètres, à une différence de niveau de 50 à 60 mètres sur une distance de 3,000 mètres. Elles recouvrent le calcaire à Grypliées arquées , qui affleure à la fontaine de la Jonquette et dans les champs voisins. Le grès infraliasique vient ensuite séparer le calcaire à gryphites des schistes siluriens,, La même succession s’observe à l’O. de Warcq ; à un bon kilo- mètre des carrières de Warcq se trouvent, en effet, les carrières de la Grange-au-Bois, ouvertes dans des assises un peu supérieures à celles de Warcq. Les Ostrea cymbium y* sont très abondantes et accompagnées de Terebratula numismalis , Bclemnites acutus, Mil! - (1), Rhynchonella vciriabilis , Schloth. sp. , Lima punctata , Sow. sp. Au-dessus de ces couches qui sont ici peu épaisses, sont les bancs à grandes Cardinies [Carclinia securiformis ? ), qui for- ment dans toute cette contrée l’horizon le plus constant. Les car- rières de la Grange-au- Bois sont le passage des carrières de Warcq à celles de Romery. Il est à remarquer qu’à la Grange-au-Bois et même à Mohon, à l’est de Mézières, deux localités où les Grypliées cymbium sont le plus abondantes, la variété allongée, dont M. Buvignier a fait son Ostrea oblïquata , est accompagnée du type et même de la variété plissée { Ostrea Maccullochi , Sow.). Avant de quitter les environs de Mézières, nous devons faire xemarquer qu’autour de cette ville, où la succession de toutes les assises du lias est si complète et si régulière, il n’y a aucun rapport paléontologique entre les grès infraliasiques d’Aigleinont et de Saint-Menge et les calcaires sableux de Romery. Les bancs à grandes Cardinies se suivent d’une manière continue à l’ouest; on les voit apparaître à Rimogne, à Etalle, à Eteiguères, etc., où ils reposent sur les schistes siluriens. Dans toutes ces localités ils forment sans aucun doute la base du lias moyen, puisqu’on les voit associés avec des fossiles aussi caracté- ristiques que la Terebratula numismalis etl’O. cymbium , et jamais avec l’O. arcuata . 11 est vrai que M. Piette annonce avoir trouvé (1) Cette espèce se trouve souvent dans les assises supérieures du calcaire à Gryphées arquées, mais souvent aussi on la rencontre à la partie inférieure du lias moyen. Cela a lieu dans le Jura (environs de Besançon et de Salins) ; à Vassy, près d’Avallon ; à Neuffen (Wurtem- berg), etc. NOTE DE M. HÉBERT. 211 dans ce même calcaire sableux inférieur, à Etalle et à Rimogne, un très grand nombre des espèces d’Hettange. Ce jeune et zélé géo- logue en conclut que cette faune a vécu avant et après le dépôt de calcaire à Gryphées arquées, et que par suite il faut faire descendre dans le lias inférieur le calcaire sableux inférieur. Nous avons parcouru avec M. Piette presque toutes les localités dont il est ici question ; nous devons dire que nous ne pouvons partager son opinion. Nous admettons parfaitement l’exactitude des déterminations faites par M. Piette, mais il ne s’ensuit aucunement que ces es- pèces aient vécu au moment où se déposaient les couches à grandes Cardinies. Voici les motifs de nos doutes: 1° De Romery à la Grange-au-Bois où ces couches sont bien mieux développées qu’à Etalle ou à Rimogne, il n’y a pas trace de ces fossiles. 2° Les as- sises qui les renferment à Etalle et à Rimogne constituent un vé- ritable conglomérat, formé de fragments de roches préexistantes, de coquilles souvent brisées ou roulées. Les fossiles infraliasiques que l’on trouve dans les calcaires sableux inférieurs proviennent donc bien probablement d’un remaniement de quelque assise infraliasique existant dans le voisinage à l’état arénacé. Ces assises étaient sans doute un représentant rudimentaire des grès d’Aigle- mont, comme ceux-ci sont un équivalent rudimentaire des grès de Luxembourg ; peut-être même sur quelques points existe-t-il encore quelques lambeaux non remaniés de grès infraliasique recouvert immédiatement par le lias moyen sans interposition de calcaire à Gryphées arquées. Sans aucun doute l’explication que donne M. Piette est possible, mais, pour en démontrer l’exactitude, il faudrait retrouver cette faune dans des assises qui fussent en superposition directe sur les calcaires à Gryphées arquées. Jusque-là, celle que nous donnons nous paraît la plus simple et la plus conforme à la constitution géologique de la contrée. Cela nous amène à signaler un nouveau caractère distinctif entre le lias moyen et le lias inférieur. C’est précisément cette extension des calcaires sableux sur les flancs de l’Ardenne bien au delà des limites du calcaire à Gryphées arquées. Il y a donc eu à la fois, à l’époque où les calcaires sableux ont commencé à se déposer, chan- gement dans l’étendue des mers, dans la nature des sédiments qu’elles déposaient et dans les animaux quelles nourrissaient. C’est donc une limite à respecter. Les étages inférieur et moyen du lias autour de Mezières doi- vent être conservés tels que MM. Sauvage et Buvignier les ont 212 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. délimités ; les différences les plus grandes se trouvent certaine- ment au point où ces observateurs ont placé la limite. Dans tout ce qui précède, lorsque nous avons parlé de Gryphée arquée ou de Gryphêe cymbium , nous l’avons fait avec réflexion , et tous les échantillons cités sont, dans les collections de l’Ecole normale, à la disposition de quiconque voudra en juger par lui- même. La même remarque s’applique aux Grypliées arquées de fireistroff qui, d’après M. Piette, n’appartiendraient pas au type de l’espèce, mais à une variété particulière aux calcaires sableux inférieurs ; sans contester que M. Piette ait pu recueillir dans cette localité, où nous avons aussi signalé les premières assises du lias moyen, des gryphées identiques avec celles de Rimogne, nous ne pouvons que maintenir les termes de notre compte-rendu du 8 septembre 1852, à la session extraordinaire de Metz (1) : le calcaire à Gryphées que la Société a observé à Breistroffest bien le vrai Calcaire à Gryphées arquées , celui de Warcq, et les Gryphées qui y ont été recueillies, et que nous remettons sous les yeux de la Société, appartiennent bien au type de l’espèce. Il est vrai qu’il existe, à un niveau un peu plus élevé, une variété de Gryphée arquée distincte, plus petite, sans crochet lorsque la coquille a été fixée, ou avec un crochet très petit et fortement rejeté de côté : c’est le jeune âge de l’espèce. C’est celle que M. Rozet (2) a rapportée avec raison à la G. obli - quata , Sow., coquille bien différente de celle que M. Buvignier a désignée sous ce nom (3). Ce niveau qui existe dans beaucoup de contrées est celui que nous avons signalé à Warcq même, dans les grandes carrières. Il ne fait donc point partie des calcaires sableux inférieurs, qui forment, dans le voisinage, des assises plus élevées dans la série, et où nous n’avons rien vu qui nous paraisse appar- tenir à la Gryphée arquée. Enfin nous croyons devoir relever une phrase deM. Piette, qui prise isolément serait erronée. M. Piette dit : « Les grès de Luxem- bourg peuvent correspondre, ou au grès d’Aiglemont, ou au grès de Rimogne, ou même aux calcaires de Warcq. » Si l’on ne change pas la signification des mots grès de Luxembourg , si l’on continue à désigner par là la masse de grès sur laquelle est bâtie la forte- resse, ces grès sont recouverts par les calcaires à Gryphées arquées (1) Bull ., 2e sér., vol. IX, p. 603. (2) Bull.) \re sér., t. XII, p. 4 60, 4 844. (3) Atlas de la géol. de la Meuse t pl. V, fig. 3 et 4, note de m. Hébert. 213 types, à Luxembourg même, et aucune hypothèse ne peut prévaloir contre ce fait incontestable (1). Ces quelques observations critiques, qui portent surtout sur la partie hypothétique du mémoire de M. Piette, n’ont nullement pour objet de diminuer le mérite de ce travail. Il y a lieu de se féliciter de ce que cette question du grès d’Hettange soit devenue l’occasion de recherches aussi fructueuses pour la paléontologie liasique. Comme renseignement utile dans la question qui nous occupe, et pour éviter des méprises, nous croyons devoir présenter sur les Grypliéesdu lias les observations suivantes. Observations sur les Gryphées du lias, et sur quelques espèces avec lesquelles elles ont été confondues. Tous les géologues qui ont étudié avec détail les assises du lias ont constaté des horizons différents et constants, auxquels corres- pondent des formes différentes d’ Ostrea areu a ta ou d’O. cymbium , et quelques auteurs ont cherché dans des travaux très instructifs h apporter plus de précision dans les caractères distinctifs de ces espèces. Nous citerons en particulier M. Buvignier ( Statistique minéral, et paléont. de la Meuse , Atlas , p. 25, pl.V) etM. Terquem [Bull, de la Soc . d’/iis. nat. de la Moselle , pl. IV, 1855). Nous demandons la permission de soumettre à notre tour à la Société la manière dont nous concevons la distribution spécifique des Gryphées du lias, travail qui a bien souvent fixé notre attention depuis une dizaine d’années. Nous n’avons pas cependant, pour des espèces aussi répandues et dont tant d’auteurs se sont occupés, l’intention d’entrer dans de grands détails de description. LIAS INFÉRIEUR. — Calcaire a Gryphées arquées. — On y trouve deux espèces : 1° Ostrea suilla (Schloth., in Taschenbuch , 1813, vol. VII, p. 105, pl. U, fig. U -, Terquem, loc. cit ., pl. IV, fig. 8 à 11. — Ostrea arcuata , var. suilla; Chapuis etDewalque, F os s. du Luxem- bourg, p. 222, pl. XXXII, fig. 5). Cette espèce, que M. Terquem a restituée avec raison, se distingue aisément par sa forme orbiculaire, son test mince, son crochet très court. J’en ai recueilli deux exemplaires à Varangévilie (Meurthe) et un à Fréville (Manche). (1) Bull., 2esér., vol. IX, p. 607. SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. 2 U 2° Ostrea arcüàta (Lk. sp.), Desh., admet deux variétés. Le type est connu de tout le monde. La 2e variété, qui se trouve à la base comme à la partie supérieure du calcaire à Gryphées arquées , quelquefois en grande abondance , n’est autre que la G. obliquata , So\v| (Sowerby, Min. cnn ch. , pi. 112, fig. 3; Rozet, Bull, de la Soc. géoh de Fr. , lre série, t. Xï I , p. 161 , pl. ÏV, fig. 3; Gryphœa incurva , var . lata, Zieten, p» 65, pl. 1x9, fig. 2). Elle est quelquefois associée au type de l’espèce. Elle porte presque toujours d’une manière très visible le pli de la Gryphéé arquée. Comme horizon géologique et comme espèce, elle diffère complète- ment de l’O. obliquata , Buv.,Terq.; quant à F O. obliquata , Goldf. , ce pourrait être une variété adulte non plissée et fixée; nous avons recueilli cette dernière variété à Warcq et à Osmanville avec le type de Y O. drcuata. LIAS MOYEN. — Ostrea cymbium (Lk. sp.), Desh. — On peut n’admettre qu’une seule Gryphée dans le lias moyen, G. cymbium , dont la forme, il est vrai, atteste des variations réellement consi- dérables, mais par degrés et en laissant intacts certains caractères qui permettent toujours de reconnaître l’espèce, comme la forme du crochet et les stries régulières de la petite valve. Toutefois ces formes si diverses restent en général assez constantes dans les memes assises, et il n’est pas surprenant que beaucoup d’auteurs les aient élevées au rang d’espèces. Mais qu’on les considère comme espèces ou comme variétés, on peut en tirer le même parti dans la pratique. L’assise inférieure du lias moyen, qui correspond aux calcaires sableux inférieurs de M. Buvignier est caractérisée par une variété très allongée ( Gryphœa obliquata , Buv. , Atlas géol. de la Meuse , pl. Y, fig. 3 et U, non Sow.), qui n’est autre que la G. cymbium , var. elongata , Goldf. (pl. SU, fig. U), et qui nous paraît aussi être la même chose que la G. lœviuscula , Hart. (Zieten, p, 66, pl. ^9, fig. U). Nous l’avons recueillie à Bosserville (Meurthe) avec Y Hippo- podium ponderosum , et la Gard/ nia hybrida , Stutch. ; à Pulnoy, près Nancy, avec la Carclinia seçuriformis , A. Guibalianus, pla- ide os ta ^ etc. ; à Rodemack, à la Grange-au-Bois près Mézières, à Landes (Calvados), etc., etc., et partout au même niveau. Dans les mêmes assises que la précédente se trouve la variété que Sowerby a décrite sous le nom de G. Maccullochi [Min. conclu , pl. 5/t7, fig. 1, 2,3); c’est la G. cymbium, var. ventricosa , Goldf. (pl. SU, fig. 3) ; mais ce n’est ni la G. Maccullochi de cet auteur, ni celle de M. Terquem. Je l’ai recueillie avec la variété précédente à la Grange-au-Bois (Ardennes) ? à Blosvilie (Manche) NOTE DE M. HÉBERT. *215 et à Vieuxpont (Calvados) ; elle se trouve dans la même position à Mende, à Augy (Cher), à Besançon, etc. ; elle sert, par son abon- dance, à caractériser un niveau particulier. Quand cette variété de T O. cymbium et la var. obliqua de Y O . arcuata ont été fixées par le crochet, elles sont difficiles à distinguer. Cette difficulté s’aug- mente encore du voisinage des couches ; cependant les caractères spécifiques s’y montrent toujours quand on examine attentivement. En Normandie ces assises inférieures du lias moyen sont souvent confondues avec le calcaire à Gryphées arquées, avec lequel elles ont le plus grand rapport : on y trouve peu d’ Ammonites. Les assises moyenne et supérieure du lias moyen sont caracté- risées par les variétés gigantesque et élargie de Y O. cymbium. L’une de ces variétés est allongée et atteint une très grande taille, c’est la G . cymbium, var . gigantea, Goldf. {O. GoldJussi,TeA'C[.). Elle se trouve à Eter ville près Caen, à Besançon, à «Vassy près Avallon, à Alanzy près Longwy, à Breux (Meuse), etc. Quelquefois cette variété montre sur la grande valve un pii plus ou moins prononcé, mais dont la trace existe toujours, et alors elle devient l’O. brolien- sis ou O. lob a ta, Buv. [Atlas, pl. Y, fig. 7, 8, 9). L’autre variété, qu’on pourrait nommer var. lata (non var. dilatata,Cro\àî.), et qui atteint aux environs d’ Avallon où elle est commune dans les cou- ches à Ammonites spinatus , la taille de la précédente, est presque ronde; elle a le pli de Y O. lobata , Buv., et, à sa petite valve, les stries régulières caractéristiques de l’espèce. M. Bozet en a publié une bonne figure [Bull., lre série, t. XII, p. 161, pl. IV, fig. 2). C’est à cette variété que nous rapportons des exemplaires provenant des marnes à Plicatula spinosa (assise supérieure du lias moyen), des environs de Longwy, qui nous ont été données par M . Ter- quem, et qu’il a attribuées à l’O. MaccuUochi , Sow. (Terquem, loc. cit ., pl. IY, fig. 1, 2, 3). Nous y retrouvons exactement les mêmes caractères que dans ceux que nous avons recueillis à Avallon ; seulement ils sont dans un moins bon état de conserva- tion, et le crochet, surtout dans les jeunes, est en général un peu plus fort. Nous ignorons ce que peut être l’ O. Maccullochi , Goldf.; sans les stries qui ne sont pas assez régulières, elle se rapporterait bien à cette dernière variété. LIAS SUPÉRIEUR. — Nous connaissons deux espèces de Gry- phées dans cette assise. L’une d’elles est celle à laquelle AI. d’Or- bigny [Prodr. 1, p. 257) a donné le nom de O. Knorri , Yoltz, et qu’il cite du lias supérieur de Saint-Maixent (Deux-Sèvres) et de Fontenay (Vendée); l’autre est la G. polymorpha , Munst. La pre- 216 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. mière nous paraît nouvelle, nous lui donnerons le nom d ’O. pic- taviensis , et nous allons montrer en quoi elle diffère de Y O. Knorri^ Voltz. Ostrea pictaviensis, nov. sp. — Le type de Y O. Knorri , Voltz (O. Knorri , Voltz, Zieten, Wurt., p. 60, pl. ù5, fig. 2. — O. cos - tata , Goldf., pl. 72, fig. 8, non Sow.), appartient à l’assise supé- rieure delà grande oolite ( Bradford-clay ) (1). JNous Lavons recueil- lie à ce niveau à Gravelotte près Metz avec Y Q. costata, Sow., et M.Kœchlin-Schlumberger nous l’a donnée de Ferette (Haut-Rhin). M. Levallois [Bull, de la Soc. geol. de France, 2e série, t.VIIÏ,p. 337) a signalé cette espèce dans l’Oxford-clay inférieur des environs de Toul, où nous l’avons vue nous-même ; elle est abondante dans le département de la Sarthe ; à Bon repos près Mamers, à Courgains, à Souligné, à Pesclieseul, au Tertre-Roulé entre Conlie et Si lié, elle accompagne les espèces les plus caractéristiques de l’Oxford- clay inférieur. On a réuni, Voltz lui-même, Y O, Knorri avecl’ O. costal a, Sow. C’est une erreur ; l’O. costata n’est pas une Gryphée ; ses côtes sont beaucoup plus fortes et plus régulières, et sauf pour quelques échan- tillons heureusement très rares, la distinction en est toujours facile. On devra donc d’abord séparer ces deux espèces. 1° O. costata, Sow . [Min. côncli ., pl. Zi88, fig. 3). Caractéris- tique jusqu’ici des assises supérieures de la Grande oolite, ce que nous avons vérifié pour tout le pourtour du bassin parisien et pour le département de Saône-et-Loire. 2° O. Knorri , Voltz, se trouve à l’est comme à l’ouest du bassin parisien dans l’Oxford-clay inférieur, et à l’est dans les assises supérieures de la Grande oolite. Cela posé, il existe en abondance dans le lias supérieur des ré- gions comprises entre le plateau central et la Vendée une espèce très semblable dans le jeune âge à Y O, Knorri , Voltz ; toutefois elle est plus allongée, plus amincie; les côtes fines qui recouvrent sa sur- face ont une autre disposition ; on dirait un plissement de la surface de la coquille qui disparaît avec l’âge à 20 ou 25 millimètres de longueur. Cette espèce atteint une taille bien plus considérable que les précédentes ; nous en avons qui ont 70 millimètres de longueur. Elle porte un sillon très prononcé qui sépare sous forme d’aile le tiers de la grande valve. Ce sillon existe souvent sur les jeunes, ce qui n’a pas lieu dans l’O. Knorri. La plupart des échantillons (1) Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Strasbourg , t. I, Variétés, p. 18. NOTE DE M. HÉBERT. 217 adultes conservent près du crochet les plis du jeune âge ; quel- ques-uns cependant sont entièrement lisses et ressembleraient alors tout à fait à une espèce de Foolite inférieure, O. sublobata , Desh., n’était l’étroitesse remarquable de la coquille dans le voisinage du crochet qui sert à l’en distinguer. C’est cette espèce qui a été rapportée par M. d’Orbigny à l’0. Knorri , Voltz, et que nous nommons O. plctaviensis . Nous en avons recueilli deux très jeunes exemplaires dans le lias supé- rieur de Yassy près Avallon. Ostrea polymorpha , Munst. sp. ( Gryphœa polymorpha , Mu. Goldf, t. 3, p. 31, pl. 86, fig. 1. — Ostrea polymorpha , d’Orb. Prodr ., t. 1, p. 285. — Ostrea polymorpha , Chapuis et Dewalque, Foss. du Luxembourg , p. 225, pl. 34, fig. 2; Mém . cle U Acad, de Bruxelles ; Mém . cour ., t. XXY, 1853). — Ostrea ferruginca , Terq. , Bull, de la Soc . cïhist . nat. de la Moselle , 1855, pl. 4, fig. 4 à 7). On trouve dans Foolite ferrugineuse de Champigneulle près Nancy et des environs de Metz (lias supérieur à Amm. radians ) une huître hémisphérique que M. Terquem a nommée O. jerruglnea. Elle se rencontre aussi aux environs de Longwy dans des assises de même âge que MM. Chapuis et De alque regardent â tort comme appartenant à Foolite inférieure. Ces derniers auteurs ont pensé que cette Huître pouvait être rapportée à FO. polymorpha Goldf. M. d’Orbigny rapporte également à cette espèce une Huître des environs de Metz et de Namur. Nous avons recueilli aux envi- rons de Mamers et de Sillé, à Chaumiton et au Gibet, où elle est assez commune aussi bien qu’auprès d’Alençon, une espèce orbiculaire, mince, portant tous les caractères des échantillons désignés ci-dessus, et qui dans toute cette contrée caractérise Foolite inférieure. C’est cette espèce que, par erreur, nous avions désignée ( Bull ., 2e série, t. XII, p. 84), sous le nom d’O. Buch- manni. 11 faut avouer qu’en général les échantillons des diverses localités que nous venons de citer sont en mauvais état de conservation. Peut-être y a-t-il deux espèces, mais il ne nous a pas été possible de le constater. Nous croyons donc devoir admettre provisoire- ment que Y O. polymorpha est à la fois dans le lias supérieur de l’est, et dans Foolite inférieure de l’ouest. OOLITE INFÉRIEURE. — Ostrea sublobata, Desh. — ( Ostrea sublobata , Desh., Encycl. méth.. Moll., t. II, p. 307, 1830. — O. cymbium , Murch., Geol. Chelt., 2e éd., p. 75, pl. 7, fig. 3, 1845. • — O. Phœdra , d’Orb., Prodr., t. I, p. 285, 1849; Chapuis et 218 SÉANCE DU 21 JANVIER 1856. Dew, , loc. cit., pl. 25, fi g. 1. — G. Buchmanni , Lycett, Ann. and mag. of. nnt. List., vol. XI, 2e série, 1858.) M. Deshayes a bien voulu nous montrer le type de cette espèce. Elle est facile à reconnaître; voisine de Y O. dilatata , elle s’en dis- tingue par un sillon bien plus prononcé sur la grande valve. Nous l’avons recueillie aux Moutiersetà Eterville (Calvados); elle se trouve aussi dans l’oolite inférieure de Mâcon, de Tennie (Sarthe), et à la base de cet étage dans la Moselle avec le Mont - livaultia decipiens (Edvv . et KL). M. Terquem (/oc. cit.) a bien distingué cette espèce. Tableau des espèces discutées dans cette notice. 1 ESPÈCES ADOPTÉES. SYNONYMES OU VARIÉTÉS. ASSISES qu’elles caractérisent. OSTREA SUILLA (Schloth., sp.). ! ! Calcaire à Gryphées ar- quées. 0. ARCUATA (Lamk., j sp.), Desh i \ Gryphœa incurva, Sow ] ( G. obliquata , Sow ( 1 Id* ( 0. CYMBIUM (Lamli., { sp.). Desh. . . . . , 0. PICTAVIENSIS , Héb ' t Grypliœa lœvius I \ ta , Buvignier. . . | i Var. ventricosa. = Gryphœa Mac- | cullocliii, Sow . ., 1 Var. gigantea O. Goldfussi , Terq. ’ Var. lobata. — 0. Broliensis, Buv. . Var. lata. — O] Maccullochii. Terq. '■ (non Sow.). _ | 0. Knorri , d’Orb. (non Voltz). . . . . j [ Assise inférieure du lias f moyen. \ Assises moyenne et supé- j rieure du lias moyen. [ Lias supérieur. 0. POLYMORPHA, Goldf. J O. ferruginea, Terq j Lias supérieur de l’est du bassiu parisien. | Oolite inférieure de l’ouest. 0. SUBEOBATA, Desh. | ( O. Phœdra , d’Orb. .......... ( Gr. Buckmanni , Lycett . j Oolite inférieure. 0. COSTATA, Sow. . S 1 Grande oolite. 0. Knorri, Vollz. . j [ 0. costata , Goldf. (non Sow.) . . . . j 'Grande oolite de l’est. Oxford-clay inférieur de v l’est et de l’ouest. M. d’Omalius d’Halloy fait remarquer que les conclusions de M. Piette, autant qu’il a pu en juger à une simple lecture publique, sont complètement d’accord avec le travail qu’il a fait lui-même pour coordonner les observations de MM. Dumont et Dewalque avec celles de MM. Sauvage et Buvignier. Le lias OBSERVATIONS DE MM. ÉLIE DE BEAUMONT ET LE VA ILOTS. 219 inférieur se compose de calcaires et de grés en Belgique (grès de Marlinsart, marnes de Jamoigne, grés de Luxembourg), comme dans le département des Ardennes (grès d’Aiglemont , calcaire de Warcq et grés de Romery). Le lias moyen est composé indifféremment de grès et de calcaires. M. Hébert pense que la division des deux étages ne doit pas être établie entre deux couches contenant la même faune, et que la limite du lias inférieur doit être placée au-dessus du calcaire de Warcq. M. Élie de Beaumont trace au tableau la coupe ci-dessous qui reproduit les idées développées par lui dans X Explication de la carte géologique de la France , et que les recherches postérieures ne lui paraissent avoir modifiées en rien. Il ajoute que le grès de Luxembourg forme une lentille, et que le grés de Vie constitue un terrain plus général 5 le grés de Romery forme aussi une lentille, et se trouve remplacé, en Lorraine, par des assises calcaires. / Lias supérieur, renfermant des grès ( Grès de Virton). e Calcaire à Gryphées arquées de Strassen. d Grès de Luxembourg. c Marne de Jamoigne, avec Gryphœa arcuata. — Marne d’Hemelsingen. b Grès de Vie. a Marnes irife'es M. Levallois fait remarquer que le grès de Fie (département de la Meurthe), qui figure dans la coupe donnée par M. Élie de Beaumont, comme type du grès in/ra-liasique9 est précisément 220 SÉANCE DU Jl FÉVRIER 1856. l’identique du grès de Kcdange (département de la Moselle), ’i qui lui a toujours servi de point de départ dans la discussion : delà position des couches liasiques des environs d’Hettange. Cette coupe justifie, aussi bien que les observations de M. Dewalqûe et celles de M. Piette, l’opinion de M. Levallois sur la position du grès d’Hettange par rapport au grés infra- liasique type, dont il est séparé par le calcaire à Gryphées arquées de Distroff. Seulement il plaçait le grès d’Hettange trop haut dans la série, ne supposant pas qu’il fût recouvert par d’autres couches à Gryphées arquées, comme on l’a reconnu depuis -, de même que M. Hébert le plaçait trop bas, en n’ad- mettant pas que du calcaire à Gryphées arquées pût encore se trouver au-dessous. Ce qui paraît ressortir aujourd’hui de l’ensemble des observations, c’est que la vérité est entre ces deux manières de voir; c’est qu’il existe des couches à Gryphées arquées tout à la fois au-dessus et au-dessous du grès d’Het- tange : au-dessus, comme le calcaire à Gryphées arquées de Strassen recouvre le calcaire de Luxembourg ; au-dessous, comme le calcaire à Gryphées arquées de Warcq est recouvert par le grés de Romery ou de Rimogne, dans les Ardennes. A l’appui des observations de M. Elie de Beaumont , M. d’Omalius d’Halloy dit qu’il ne saurait restreindre la déno- mination de calcaire ù Gryphées arquées à telle ou telle couche du lias inférieur; qu’il admet en géologie des coupes étendues où les couches partielles varient d’aspect, et que les petites subdivisions locales ne se retrouvent généralement pas à de grandes distances. Séance du h février 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Micbelot, secrétaire , donne lecture du procés-Yerbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance , le Président proclame membres de la Société : i MM. De Castro (Manuel-Fernandez), ingénieur en chef des DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ! 221 mines, à Madrid (Espagne), actuellement rue Notre-Dame de Lorétte, 11, à Paris, présenté par MM. de Verneuil et Collomb} Pellat (Edmond), rue Soufflot, 1, à Paris, présenté par MM. Michelin et Sc. Gras. M. de Làjonkaire, ancien membre, rue de Douai, 17, à Paris, est admis, sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. A. de Lajonkaire, Mémoire sur la mise en culture des terres vagues dans le département des Landes , in-8, 123 p., le Havre, 1856, chez Alph. Lemale. De la part de M. de la Roquette, Des dernières expéditions faites ci la recherche de sir John Frankliny et de la découverte d’un passage , par mer , de V océan Atlantique à l’océan Paci- fique (lu à la séance de la Société de géographie du 18 jan- vier 1856) ; in-8, 6 p. De la part de M. Ch. Grenier, Chemin de fier du Jura cen- tral. — Mémoire lu à la Société d’émulation du Doubs (séance du 29 décembre 1855), in-8, 8 p., Besançon, 1855, chez Dodivers et Ce. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1856, 1er sem., t. XLII, nos 3 et h. Bulletin de la Société de géographie , 4 e sér.*, t. X, n° 6, décembre 1855. L’Institut ; 1856, nos 1151 et 1152. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, 8e année, sep- tembre 1855. Bulletin de la Société française de photographie , 2e année, n° 1, janvier 1856. The Athenœum ; 1856, nos 1474 et 1475. Abhandlungen herausgegeben von der Senckenbergischen naturforschenden Gesellschaft,lev vol., 2e livraison. Francfort- sur-le-Mein, 1855. 222 SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. The American Journal , b y Siliioian , 2e" série, ri0 60, no- vembre 1855. Natuurkundig Tijdschrift voor Nedertandsch Indie , vol. VIII } nouv. sér., vol. V, 5e et 6e livrais. ; — voî. IX, nouv. sér., vol. VI, 3e et hc livrais. M. Michelin offre à la Société les moules en plâtre de deux échinides des couches supracrétacées de la Jamaïque. L’un est un Amblypygus dont on a trouvé quelques rares échantillons dans les terrains nummuli tiques de la haute Italie et de la Grimée. Ce genre est remarquable par un anus très allongé et très grand placé près de la bouche, à peu près comme dans les Echinoneus. L’espèce américaine diffère de celle eu- ropéenne en ce qu’elle est ronde et très épaisse. Elle a 9 cen- timètres de diamètre, et porte le n° y 5 des séries d’Àgassiz. L’autre appartient au genre Canoclypus du même auteur, qui se rencontre assez fréquemment dans les terrains crétacés ou supracrétacôs d’Europe, de Grimée et d’Égypte. L’espèce 1 de la Jamaïque a de l’analogie avec le C . Leskei de la craie, mais elle est plus surbaissée, et ne paraît pas ornée, comme ce dernier, de gros tubercules à sa partie supérieure. Il porte le : n° y 6 des séries d’Àgassiz. |J Ges deux espèces portent, dans sa collection, les noms ’ d 'Amblypygus americanus et de Canoclypus jamaicensis. M. Delesse donne lecture de l'a note suivante qui lui a été | transmise par M. Jenszch. Note supplémentaire sur C amygdalophyre (Jhdl. , 2e sér., t. XI, p. 491-497), par M. Gustave Jenzsch, docteur és sciences, etc., à Dresde. Pendant mon séjour à Paris, j’eus l’honneur de lire à la So- ciété géologique de France une note sur F amygdalophyre , la plus récente des roches éruptives du royaume de Saxe. Mainte- nant je prends la liberté de présenter à la Société géologique ; quelques remarques supplémentaires sur la même matière. Chlomphœnerite , nouvelle espèce minérale. — M. Delesse [Bull. y 2° série, t. .11, p. 498) est porté à croire que la substance jusqu’à présent désignée par moi sous le nom de chlorophœite est NOTE DE M. JENZSCH. 228 analogue avec la clilorite ferrugineuse que M. Naumann a nommée delessite , et qui tapisse les amygdaioïdes des métaphyses , des spilites, et d’un grand nombre d’autres roches. Récemment, j’ai fait des recherches sur ce minéral tendre, d’une dureté très faible, de couleur vert foncé, dont la poudre est d’un vert pomme un peu grisâtre. Elle a une densité (1) : = 2,684. Composition : Eau 5,7 Silice 59,4 Protoxyde de fer. . . . 12,3 Alumine \ Magnésie /ne sont pas déterminées Potasse ; ; ; ; : : : ; l’é*#rd de i« q^mité. Soude. ? Elle donne assez facilement, au chalumeau, un verre noir et magnétique Soluble dans l’acide chlorhydrique, elle laisse un résidu de silice. J’ai examiné ce minéral sous le microscope, employant un grossissement linéaire de 300. On observe de petits individus cristallins à double réfraction. En comparant les travaux de MM. Delesse et Forchhainmer, on voit que ce minéral, pour lequel je propose le nom de Chloro - phœnerite , n’est ni de la chlorophæite, ni de la delessite (chlo- rite ferrugineuse). fV eissigite. — Dans le tableau de succession des minéraux que l’on peut rencontrer dans les amygdales de l’amygdalophyre, on trouve deux fois la weissigite. 1" J’ai examiné premièrement la weissigite de première for- mation, de couleur rouge de chair. J’ai trouvé sa densité = 2,551 —2,553. Pendant mon séjour à Berlin, M. H. Rose m’a permis, avec la plus grande obligeance, d’exécuter mes diverses analyses dans son laboratoire. (1) Les densités indiquées par moi sont toujours réduites à la plus grande densité de l'eau. SÉANCE DU à FÉVRIER i85G. 22à L’analyse, exécutée en général d’après les méthodes de M. H. Sainte-Claire Deville, a donné : Perte par la chaleur . . Fluor j 0,35 Silice . 65,00 contenant 33,75 oxygène. Alumine . 19,54 — 9,13 — Magnésie . 1,61 — 0,64 \ Chaux. , . 0,19 — M5 (o ,| K 2,i5r>15 Potasse . 12,69 Lithine . . . 0,56 — 0,31 ) 99,94 2° La w eissigite de formation postérieure est de couleur rosée blanchâtre, Densité = 2,533 — 2 ,553 . Des morceaux blanchâtres et très friables avaient la densité = 2,527, Composition : Perte à la calcination. . j ^ Silice 65,21 contenant 33,86 oxygène. Alumine 19,71 ■ — 9,21 — Magnésie manque. Pnh!l«o i ne sont Pas déterminées à l’égard de uthine la (iuantité' J’ai examiné la pureté de la silice de ces deux weissigites par l’acide hydrofluorique. L’absence de la magnésie dans la dernière weissigite s’explique assez facilement, car je possède maintenant des échantillons excellents de weissigite dans la forme de la Laumonite . La lau- monite ne contient pas, comme on le sait, de magnésie. Je n’ose pas juger si la première weissigite, qui contient de la magnésie, possède seulement des cristaux véritables, ou si ses cristaux ne sont que pseudomorphiques. Les recherches cristallogra- phiques sur la weissigite n’ont pas encore donné des éclaircisse- ments sur sa nature, car les cristaux sont toujours confus et indis- tincts, et les formes de clivage sont très petites, et jamais passa- blement nettes. Peut-être les différentes espèces de la famille des NOTE DE M. JENZSCH. 225 zéolithes se trouvaient jadis dans les amygdales de l’amygdalo- phyre ; peut-être aussi remplissaient-elles quelquefois parfaite- ment de petites amygdales, par la transformation desquelles on peut s’expliquer la deuxième variété de l’amygdalophyre. Cette deuxième variété , je l’avais regardée dans ma première note comme une amygdalophyre porpliyrique contenant des cristaux de weissigite. La weissigite se rapproche, sous le point de vue chimique, du feldspath, et surtout de celui de Rodeberg, dans le royaume de Saxe, que je viens de décrire dans les Annales de M. Poggendorff, t. XIV, p. 304 et suiv., 1855, cahier 6 et 7, ainsi que dans le Chemish-pharnmceutisches Centralblatt de M. W. Knop, 1855, n° 37. J’ai trouvé la densité de c e feldspath orthose de couleur bleuâtre : == 2,548. L’analyse m’a donné, après avoir examiné la pureté de la silice, par l’acide hydrofluorique : Bore. . J perte £ ja calcination. 0,52 Silice . 65,24 contenant 33,87 oxygène. Alumine . 20,40 — 9,53 Magnésie 0,84 — 0,34 A Potasse — 2,10 un Soude 0,27 — 0,07 j2,90 Lithine 0,71 — 0,39 ? 100,33 Succession des minéraux dans les amygdales de l ’a rn y gela lo - phyre, ■ — J’ai continué les observations sur la succession des minéraux dans les amygdales de l’amygdalophyre. Le tableau suivant est le produit de ces recherches : Pierre de corne (Hornstein). Chlorophænerite. Galène. Pyrite ferrugineuse. Minerai de fer argileux jaunâtre. Calcédoine . Spath calcaire. Pierre de corne pseudomorphique ayant souvent pris la forme du spath calcaire scalénoédrique. Espace vide, produit d’un minéral disparu. Soc. géoL , 215 série , tome XIII. 4 5 2*26 SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. Quartz en petits cristaux. Weissigite de couleur rouge de chair, contenant de la magnésie. Talc en écailles très fines, produit de sa décomposition. Pyrite ferrugineuse souvent transformée en stilpnosidérite. Minerai de fer argileux jaunâtre. Pierre de corne ayant pris la forme du spath calcaire scalénoédrique. Minéral qui ressemble à la pinguite. Galène. Quartz bacillaire, quartz. Calcédoine avec des concavités de la forme rhomboédrique du Braun- spath, plus rarement de la forme scalénoédrique du spath calcaire remplies d’un minerai de fer argileux jaunâtre ou brunâtre de fer oxydé brun, de pierre de corne pseudomorphique, et d’une masse siliceuse poreuse. Quartz compacte, cristallin. Quartz bacillaire ou radié. Quartz en cristaux. Améthyste en cristaux. Manganèse oxydé, hydraté. Weissigite de couleur rosée, blanchâtre, ne contenant pas de magnésie, en cristaux pseudomorphiques de la Lmunonite. Talc en écailles très fines, produit de sa décomposition. Pyrite ferrugineuse en hexaèdres, souvent transformée en stilp- nosidérite. Minéral vert foncé, brillant ou altéré, et fibreux. Pierre de corne pseudomorphique. Minerai de fer argileux jaunâtre. Plomb natif. Pinguite. M. Igino Gocchi fait la communication suivante : Description des roches ignées et sèdimentaires de la Toscane dans leur succession géologique , par M. Igino Cocchi. INTRODUCTION. Donner un catalogue raisonné des roches qui composent le sol de cette portion d’Italie qui s’appelle la Toscane, satisfaire à la demande qui m’en était faite par des hommes éminents auxquels je dois la plus grande déférence ; démontrer en même temps les faits sur lesquels s’appuie ma classification sans dépasser les bornes que je me suis tracées; donner une idée des progrès que fait la géologie dans ma patrie, telles sont les causes qui m’ont amené, sans m’en douter, à rédiger ce mémoire. — Je n’ai presque pas besoin de dire que mon but Description des Roches ignées et sédiment air es de la Toscane , par M. I. COCCHI . Fig;. 8 Coupe dnBotro de Bebbi , Tio-.IO Coupe de Campor guano et d’une près de Strido (Volfcerrano) . s d’Olivola ( Val di lac «S-K Jif Ba lignite partie de la lr vallée dnSercbio . Castel del Vt èle au Fleuve Sett j d'abord le long du Bisenzio , MÉMOIRE DE M. î. COCCHI. 227 et le principal étant l’étude des roches sur classification et non pas un traité complet de la géologie toscane, ni l’explication d’une carte géologique, j’ai supprimé tout ce qui n’était pas strictement néces- saire pour atteindre ce but. Je renvoie pour les fossiles à l’ouvrage de MM. Savi et Meneghini, Considerazioni stratigrafiche, pcileonto- logiche concernenti la geologia l'oscana, etc., Firenze, 1851, et aux Nuovi fossili Toscani, etc., de M. Meneghini; et pour les nombreux détails sur lesquels il ne m’est pas permis de m’arrêter, aux auteurs qui en ont spécialement traité. Élève de l’école géologique de Pise fondée par un éminent natu- raliste, M. Paul Savi, et illustrée maintenant par un autre savant dont le nom n’est pas moins cher aux botanistes qu’aux géologues, M. J. Meneghini, j’en suivrai la méthode dont j’ai pu maintes fois reconnaître l’exactitude, en vérifiant, soit avec leur assistance, soit par moi- même dans mes excursions et mes nombreuses recherches, les faits divers que je vais exposer. Ces deux éminents géologues, toujours s’aidant mutuellement, travaillent avec ardeur et zèle à l’illustration de la géologie toscane et de l’Italie entière, associant à leurs tra- vaux ceux de tous les Italiens et étrangers qui ont écrit sur cette contrée et sur les a utres -provinces- italiennes. Je citerai, entre autres, les noms de Pilla, La Marmara, Collegno, Pareto, Michelotti, Ange et Eugène Sismonda, Pacini, Zigno, Catullo, Omboni, Ponzi, Sca- rabelli, Spada, Orsini, etc., parmi les Italiens, et de Murchison, de la Bêche, Brongniart, Coquand, Burat, Studer, etc., parmi les étrangers, dont les travaux ont contribué au progrès des connais- sances géologiques de l’Italie. Je regrette de n’avoir pas ici la bienveillante assistance de mes savants maîtres, mais qu’il me soit permis de leur exprimer ma plus vive reconnaissance de ce qu’ils ont bien voulu venir à mon aide, malgré la distance qui nous sépare, M. Meneghini, par ses conseils et ses communications importantes sur les nouvelles connaissances acquises à la science depuis mon séjour en France, et M. Savi, de ce qu’il lui a plu de rendre mon travail plus intéressant en me remet- tant quelques coupes inédites prises par lui-même. I. Constitution orographique. Je crois nécessaire, avant d’aborder mon sujet, de dire quelques mots sur l’orographie du pays dont je dois traiter, d’autant plus que ce sujet a été jusqu’ici trop négligé. La Toscane est un pays montueux: ses montagnes et ses accidents du sol souvent très bizarres, qui constituent pour le géologue de SÉANCE DU li FÉVRIER 1856. 228 difficultés immenses, sont dus à deux principaux systèmes de mon- tagnes. Ce sont la Chaîne métallifère et les Apennins que les auteurs ont presque toujours confondus ensemble, mais qu’il faut dorénavant prendre l'habitude de distinguer. La chaîne métallifère a été ainsi nommée depuis fort longtemps parM. Savi, à cause de ses richesses minérales qui entretiennent des exploitations d’une très grande im- portance. Cette chaîne commence un peu à l’ouest du golfe de la Spezia et va se terminer à l’île du Giglio, au cap Argentaro et au Capalbiese, à la limite méridionale du pays tracée parla Fiora, ayant une direction qui est parallèle à la côte méditerranéenne du N.-N.-O. au S.-S.-E. , et il paraît même qu’elle se prolonge plus au sud au delà de la Toscane (l). Dans ce long parcours, cette chaîne ne se suit pas sur une ligne sans interruption : au contraire, elle est formée par des groupes de montagnes plus ou moins étendus qui viennent se ranger les uns à la suite des autres, mais qui sont entièrement séparés et plus ou moins distants. Ces groupes montagneux ont une forme ellipsoïdale, et les couches y sont disposées les unes sur les autres concentriquement, de telle sorte qu’à partir des formations les plus anciennes qui occupent le centre de chacun d’eux, on rencontre successivement les plus mo- dernes en s’éloignant du centre dans toutes les directions (Pl. XI, fig. 1) . Ces groupes, qui forment ainsi de véritables îles au milieu de la plaine à partir du nord-ouest, sont les suivants, savoir : \ . Alpes apuennes. 2. Montagnes de Piso. 3. Montagnola Senese. 4. Montagnesde GerfalcoetMon- tieri. 5. Montagnes de Campiglia. 6. Montagnes de Gavorrano. 7. Montagnes de Cetona. 8. Ile d’Elbe. 9. Capalbio et cap Argentaro. 10. Les îles du Giglio, Monte Cristo, Giannutri. On voit, par cette simple énumération, que les îles de l’archipel toscan font partie de celte chaîne en se disposant sur une ligne paral- lèle, mais plus occidentale, et que, avant de se terminer, cette chaîne s’élargit aussi vers l’est dans les montagnes de Cetona qui forment le groupe le plus oriental. Ces groupes n’ont pas de contre-forts ou ramifications, mais des principaux d’entre eux dépendent des soulève- ments de moindre importance qui constituent des zones plus extérieu- res ou comme autant d’ondulations concentriques au groupe principal. Telles sont, par rapport aux Alpes apuennes, les montagnes qui bordent des deux côtés le golfe de la Spezia au N. -O. , les grandes montagnes (4) Ponzi, Bull, (le la Soc. géol. de France , 2esér., t. VII , p. 464. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 229 clé Sassalbo et de Mommio au nord, l’Alpe di Corfino au N.-E. Telles sont pour ies montagnes de Pise les petites montagnes qui sont sur la rive droite du Serchio, en face de Ripafratta au nord-ouest, et Monsummano à l’est, etc. Parmi tous ces groupes, le plus gigantesque, le plus étendu et le plus important est celui des Alpes apuennes (fig. i ). Ces pics élancés, aigus, dénués de toute espèce de végétation, mais dont plusieurs sont des blocs immenses de marbre, qui ont jusqu’à plus de 1700 mètres de hauteur et qu’on admire quand le navire qui nous porte est en vue de Livourne, sont précisémeut les Alpes apuennes (1). Les Apennins toscans commencent à Monte Molinatico, au N. de Fontremoli, et se continuent jusqu’à l’Alpe de la Luna, entre le Tibre et le Metauro, suivant une direction O. N.-Q., E. S.-E. Leurs formes sont plus ou moins arrondies, et, quoique non moins élevés, ils sont couverts de forêts et de frais pâturages jusqu’au sommet. Ils sont continus d’un bout à l’autre, et sont formés de chaînons parallèles placés les uns à côté des autres. Des contre-forts dans une direction normale à la principale s’en détachent de toute leur étendue. Ils encaissent et déterminent ainsi les vallées transversales, et ce sont eux qui hérissent de leurs nombreuses ramifications l’espace qui est compris entre les Apennins et la chaîne métallifère, et entre les groupes de cette dernière, et qui ajoutent du désordre dans la stra- tification là où les deux systèmes se rencontrent. Toute la série plus ou moins complète des terrains, depuis le ter- rain tertiaire moyen jusqu’aux roches paléozoïques, forme la chaîne métallifère, tandis que les Apennins toscans sont uniquement for- més par le terrain crétacé supérieur et surtout par les terrains tertiaires. Il est donc bien établi que tout ce que je vais dire et tout ce qui a été dit par les auteurs des roches anciennes de la Toscane doit être rapporté exclusivement à la chaîne métallifère. Enfin, on doit considérer comme un troisième système indépen- dant des deux précédents les montagnes serpentineuses qui occupent une grande zone à partir de Monte Nero, près de Livourne, jusqu’à Acquapendente dans la Romagne, dans une direction qui est presque celle des Apennins. Les roches serpentineuses, en Toscane, ne sont pas limitées à ces montagnes, mais, en outre, elles forment deux grandes zones sur les deux côtés des Apennins. De ces deux zones , la zone orientale commence plus au nord que l’autre dans les Salti del Diavolo de la vallée du Taro, et comprend les buttes (1) E. Repetti, Dizionario gcografico-Jisico-storico délia Toscana , Florence, 1843, vol. î, p. 69. 230 SÉANCE LU h FÉVRIER 1856. gigantesques de Monte Béni et Sasso tli Castro, illustrées par le célèbre Alexandre Brongniarl ; la zone occidentale commence dans la vallée de Zen, près de Pontremoli, et renferme les localités si inté- ressantes de Monte Ferralo, près de Prato, et de l’Iinpruncta, près de Florence. Enfin, les serpentines des îles forment une zone plus petite, et qui commence plus au sud que les précédentes. La dispo- sition topographique de ces roches a été reconnue et décrite pour la première fois, en 1838, par M. Savi. Comme dans les Apen- nins, on ne rencontre pas dans les montagnes serpentineuses de terrains plus anciens que le terrain crétacé supérieur, et encore sont-elles principalement formées par ce terrain et le tertiaire infé- rieur, mais presque toujours dans l’état de métamorphisme le plus complet. C’est même là que ce genre de phénomène peut être étudié dans tous ses détails et sous toutes ses formes. Ces systèmes orographiques diffèrent encore par l’époque à laquelle ils ont été produits ainsi que par les événements dont ils ont été le théâtre et qui les ont amenés à l’état dans lequel ils se trouvent aujourd’hui, ainsi que nous le verrons plus loin. II. Granité ancien. Je commence par les plus anciennes de nos roches dans le simple but d’éviter quelques répétitions, ce qui serait arrivé si j’avais suivi l’ordre opposé. Ainsi que le titre de ce chapitre l’indique, il y a en Italie des granités qui ne sont pas du même âge. Le granité ancien a été reconnu et décrit dans les îles de la Méditerranée, pour la pre- mière fois en 18A3, par M. le marquis Pareto (1). Il le décrivit alors en Corse, et dans le Var, sur le continent. Ensuite (2) il démontra que, dans l’îie du Giglio, les terrains les plus anciens, aussi bien qu’en Corse, reposent sur ce granité, et qu’ils ont été soulevés ensemble, et qu’un granité analogue forme en grande partie l’île de Monte- Cristo (3). Il fut ainsi prouvé que dans l’archipel toscan il y avait deux gra- nités différents, l’un plus ancien, qui est celui dont nous parlons, et l’autre beaucoup postérieur, et qui était connu depuis bien plus longtemps. Le premier ne se rencontre nulle part sur le continent; mais, outre qu’il forme une grande partie des petites îles, il forme (1) Cenni geognostici sulla Corsica , Roma, 1843. (2) Armali delV Univers: tà^ Toscana, 1 846. — Lett. al V° con - gresso degli scienziati it allant, etc., 1843. (3) Pareto, Ibicl. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 231 aussi en grande partie le côté occidental de l’îîe d’Elbe. Là, près de Marciana, s’élève la grande montagne granitique de Monte Capanna, de 1000 mètres de hauteur, qui est presque en entier formée par ce granité. Il y forme aussi d’autres éminences, et on voit très bien, surtout au bain de Marciana, dans le golfe de Procchio, qu’il est recouvert par les schistes talqueux et noduleux paléozoïques. Ce granité est en général d’un grain plus ou moins fin et compacte. Quelquefois il présente la structure porphyroïde; mais il est con- stamment composé de feldspath orthoclase, de quartz et de mica, sans mélange d’aucun autre minéral. III. Terrain paléozoïque. La base de nos terrains stratifiés est formée par une grande série de grès micacés, de quartzites, d’anagénites, de sléaschistes, de phyllades, de schistes noduleux, de gneiss. Dès que cette série de roches attira l’attention des géologues, les opinions les plus diffé- rentes furent émises sur l’âge auquel on devait la rapporter. Pour éviter toute sorte de confusion et de fausse- interprétation, M. Savi, en 1832, adopta le nom déjà employé par Targioni-Tozzetti, de formation du verrucano (1), qu’il appliqua à tout cet ensemble de roches. Cependant les discussions sur l’âge de ce terrain ne furent pas pour cela interrompues. Ainsi, M. Savi suivit l’opinion de M. Ange Sismonda, considérant le verrucano comme jurassique ; d’autres le crurent triasique. M. de Vecchi le plaça dans le terrain silurien et M. Coquand le considéra comme étant encore plus ancien. Ce n’est que dernièrement qu’un nombre assez considérable de fossiles ayant été découverts dans une partie de ce terrain, presque tous les géologues ont dû s’accorder nécessairement pour rapporter cette partie à l’époque houillère. Le verrucano constitue la partie centrale de presque tous les ellipsoïdes de la chaîne métallifère. Ainsi, dans les Alpes apuennes, depuis le Frigido jusqu a Ruosina, entre Serravezza et Stazzema, il forme des montagnes très escarpées, souvent très bizarres par leurs pics aigus et déchiquetés, qui donnent un cachet très pittoresque au pays (fig. 1). Il forme aussi le centre et la presque totalité des montagnes de Pise, où les élévations qu’il y constitue sont (1) Ce nom de Verrucano est tiré du langage des carriers des envi- rons de Pise, où on exploite quelques-unes de ces roches. Ce nom vient de Verruca , haute montagne paléozoïque dans les monts Pisans. — Savi, JS'uovo giornale dei letterati , t. XXIV. 232 SÉANCE DU II FÉYR1ER 1856. bien moins hautes et bizarres. Il est aussi visible au cap Corvo, dans les montagnes qui bordent à l’est le golfe de la Spezia, au cap Argentaro et à File d’Elbe. Ce sont seulement les assises supé- rieures qui apparaissent à la Montagnoîa Senese, tandis que même celles-ci restent cachées par le terrain basique à Montieri, àGerfalco et à Campîglia. Son épaisseur dans les montagnes de Pise et dans les Alpes apuennes a été évaluée à 825 mètres par M. Savi (1). Le verrucano est très vraisemblablement le représentant d’une grande partie de la série des terrains paléozoïques, mais, à l’excep- tion de sa partie supérieure qui correspond bien certainement au terrain houiller, on ne pourrait établir aucun rapprochement ni aucune division positive de la partie inférieure de celte grande for- mation. On peut cependant diviser en deux séries les roches qui la composent, et je vais les décrire dans leur ordre de superposition. La série inférieure (fig. 1 a ) se compose, en parlant de la base, du gneiss talqueux de Cageggi, sur le Frigido, et de la Polla, au pied du monte Altissimo, dans les Alpes apuennes, et ensuite par des stéa- schistes argentés, verdâtres ou grisâtres, noduleux, à nodulesde quartz gras dans les Alpes apuennes (Levigliani, etc.), dans les montagnes de Pise (Asciano et Calci) et du cap Argentaro. Viennent au-dessus de ces schistes noduleux des phyllades satinés, bleuâtres, jaunâtres ou rougeâtres, qui passent en haut à des couches degrés plus ou moins talqueux, à grain Fin, quelquefois schisteux, passant à des quarlzites de couleurs très variées. Ces phyllades, ces grès micacés et ces quartzites occupent une grande étendue dans les Alpes apuennes, dans les monts Pisans, au cap Argentaro et ailleurs. La partie supérieure (fig. 1 b , fig. 2 Z») est formée, en parlant de sa base, par des schistes argileux, noirs ou grisâtres, avec des couches de grès intercalées; ces schistes sont anthracifères (île d’Elbe, lano), graphitifères (Alpes apuennes), quelquefois cinabrifères (Sano), et ren- ferment des coquilles et des plantes houillères en très grand nombre. A ces schistes argileux fait suite une puissante série de stéaschisles bleuâtres, verdâtres ou bariolés dans les Alpes apuennes, dans les montagnes de Pise, au cap Argentaro, à l’îîe d’Elbe, et quelquefois cinabrifères (Levigliani, et Basati, au N.-E. de Serravezza), qui (1) M. Coquand donne à ce terrain de 1200 à 1500 mètres, mais il ne faut pas oublier qu’il réunit au verrucano les micaschistes de Ripa qui sont jurassiques. C’était une distinction peut-être difficile à faire à cette époque ; néanmoins la description de ce terrain par M. Coquand n’est pas moins remarquable, et j’engage mes lecteurs à ne pas manquer de la consulter [Bull. Soc. géol, de France , t. II, 2e sér,, p. 156). MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 233 sont recouverts par des quartzites à grain plus ou moins fin, qui passent aux anagénites de couleurs variées comme les grès infé- rieurs, à structure fréquemment schistoïde, quelquefois en couches puissantes, et quelquefois à fracture prismatico-rhomboïdale. Dans la variété schisteuse, le talc est en lamelles semblables à celles du mica à la surface des feuillets schisteux. Ces assises, on les voit partout, même où les inférieures ne sont pas venues au jour, comme au cap Corvo (Spezia), et à Monte-Arienti, dans la monlagnola Se- nese; et enfin les anagénites à pâte plus ou moins talqueuse, à élé- ments plus ou moins gros, formés de quartz gras, de quartz rose et de lydienne, recouvrent partout le terrain, et apparaissent même dans le Grossetano, et à Capalbio, vers l’extrémité méridionale de la Maremme Toscane. Les quartzites et les anagénites se trouvent donc principalement à la partie supérieure, mais sans qu’on puisse les exclure de la série moyenne. Les substances accessoires qui sont plus abondamment répandues dans le verrucano sont l’anthracite, le cinabre et la pyrite blanche. L’anthracite est la plus abondante : elle forme des lits ou des couches minces qui ont jusqu’à plusieurs centimètres d’épaisseur ; fréquem- ment ces petites couches ne sont autre chose que des tiges aplaties de Sigillaria. Dans quelques localités des Alpes apuennes , des montagnes de Fisc, et à Rio (île d’Elbe), on trouve généralement, au lieu de l’anthracite, du graphite qui forme des rognons plus ou moins volumineux, et quelquefois de petits lits dans les schistes. Le cinabre se trouve à Levigliani dans les stéaschistes , dans des petits filons quartzeux qui sont souvent des liions- couches. A lano, il imprègne les schistes argileux anthracifères et toutes les roches qui sont au-dessous, et, en y remplissant les fentes, y forme des amas et de petits filons irréguliers (slockwerth); et il y est associé à la pyrite blanche. Les exploitations de ce minerai ont rendu ces deux localités très importantes à étudier; aussi je m’y arrêterai quelques instants, âlonte de’ Torri, près de lano, est une montagne paléozoïque isolée, dont l’apparition est probablement due à l’érup- tion d’un massif de granitone qui, sous forme de dôme, en constitue la base (fig. 2). Sur cette roche (a) repose le verrucano, repré- senté ici par sa partie supérieure seulement. On y rencontre, à par- tir d’en bas, des couches de grès qui s’intercalent bientôt dans une grande série de schistes argileux noirs ( b ), compactes, qui présentent des contorsions et des plissements nombreux. Ges schistes sont sou- vent très bitumineux ; parfois l’élément quartzeux et le talc s’y ajoutent et deviennent même tellement abondants qu’il en résulte SÉANCE 1>U à FÉVRIER 1856. 23A un grès micacé schisteux, ou plus souvent des schistes talco-quart- zeux, luisants, ordinairement rougeâtres, qui constituent la masse principale, et qui alternent, comme partout , avec les grès sou- vent anagénitiques. Le haut est formé par d’innombrables variétés d’anagénite qui passent à des quarlzites et à des schistes talqueux. Les fragments de quartz gras, rougeâtre, y dominent, et sont en général enveloppés d’une couche plus ou moins épaisse de substanèe « talqueuse. Un ciment siliceux paraît réunir ces fragments. La partie inférieure du verrucano de ïano, principalement formée de grès, de schistes et de phyllades, étant éminemment cinabrifère, ainsi que je l’ai dit, donne lieu à une grande exploitation, qui a permis à M. Meneghini de faire une des découvertes les plus im- portantes de la géologie italienne , c’est-à-dire celle de coquilles et de plantes de l’époque houillère. Les empreintes de ces plantes sont très bien conservées dans leurs détails les plus minutieux, et cou- vertes d’une couche mince de pyrite de fer qui les rend encore ■ plus saisissables. Le nombre des espèces jusqu’ici reconnues par M. Meneghini est de presque 60, et la monographie que, dans ce i moment, prépare ce savant botaniste, illustrée de planches magni- fiques, ne tardera pas beaucoup à paraître. Ces plantes sont associées à un nombre assez considérable de mollusques, de crinoïdes et de polypiers de la même époque, appartenant en général à des espèces bien connues, telles que Spirifer ylaber, Sow. , Leptœna arachnoi- dea, d’Orb. , plusieurs espèces de Leptœna et de Productus, etc. A Levigliani, ainsi que je l’ai dit, on trouve les assises tout à fait infé- rieures du verrucano, et, ainsi qu’aiileurs, les supérieures, mais plus profondément métamorphosées, surtout les schistes cinabrifères. Les schistes ampéliteux et phylladiens, plutôt que simplement argi- leux, contiennent en général des amas et des couches de graphite au lieu d’anthracite ; ils correspondent aux schistes graphilifères des montagnes de Pise, aux schistes anthracifères de Iano, etc., et sont au-dessous des stéaschistes où gisent, associés au quartz, le ci- nabre et le mercure natif en veines ou en filons-couches. Le gise- ^ ment de ce minerai n’est donc pas exactement le même dans les deux localités. Le graphite est souvent de bonne qualité, et alors on ne le néglige pas. La série complète de cette formation permet encore de constater à Levigliani le passage gradue! d’une roche à une autre et le degré de leur métamorphisme, qui est d’autant plus complet qu’on descend la série de haut en bas. La composition de ce terrain est partout à peu près la même. Dans un petit nombre de localités seulement (cap Argentaro, cap MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 235 Corvo) des couches calcaires alternent avec les dernières couches de la série du verrucano, comme l’a indiqué l\1. Coquand (1). Par tout ce qui précède, je crois avoir parfaitement établi l’identité de ce terrain dans toute la chaîne métallifère, et bien démontré quesa partie fossilifère à Iano, et plus ou moins anthracifère et graphitifère partout ailleurs, représente bien certainement le terrait) houillersans qu’on puisse dire à laquelle des époques plus anciennes appartient la partie inférieure. Il s’ensuit, en outre, que les dernières couches de la série supérieure, qui sont principalement formées d’anagénites et de quartzites, étant intimement liées aux couches inferieures fossili- fères, et que ces anagénites étant recouvertes par un calcaire qui doit être rapporté au muschelkalk, comme nous le verrons bientôt, il n’est permis de retirer aucune de ces couches des terrains paléozoïques. Si le passage qu’on a cru voir entre les couches calcaires de Capo Corvo et du Monte Argentaro avec le calcaire noir, à Myophoria curviros- triSi à Avicula socialis , etc. , et qui chez nous représente le trias, est bien réel, on pourrait peut-être soupçonner que les anagénites et les quartzites supérieurs représentent le terrain permien ; mais il est impossible de les rajeunir davantage. Dans tous les cas, je crois qu’on devrait éviter toute sorte de rapprochement entre ce terrain et celui de Valorsina, du moins pour le moment, afin de ne pas donner lieu à des confusions et pour ne pas mêler les faits bien constatés aux hypothèses. Nous verrons bientôt que, si même on veut faire de Tinfraliasique, il y a bien de quoi en faire dans la chaîne métalli- fère sans toucher au verrucano ni au trias. IV. Terrain triasique. Au-dessus du terrain paléozoïque se trouve un calcaire gris noir plus ou moins foncé, compacte, un peu bitumineux, ordinairement exempt de silex et d’une médiocre épaisseur (30 mètres). Le type de ce calcaire, tel que je l’ai défini, se trouve dans les montagnes de Pise. Dans les Alpes apuennes, à Campiglia et à l’île d’Elbe, il est plus ordinairement à l’état des beaux marbres qui sont connus sous le nom collectif de bardigli (bardiglio bleu turquin de la Cappella, bardiglio fiorito de Montalto, dans le district de Serravezza) dont la place est parmi les marbres les plus recherchés, surtout le dernier, qui rivalise pour le prix avec les meilleurs marbres statuaires. Il est évi- (1) Loc. cit. 236 SÉANCE DU k FÉVRIER 1856. dent que, de la môme manière que la structure cristalline s’est pro- i duite dans ce calcaire, une espèce de décoloration s’en est opérée, à la suite de laquelle la roche, non-seulement a pris ce bleu uniforme : ou en veines entrelacées qui lui sont propres , mais quelquefois elle est même devenue complètement incolore, tout en conser- vant des passages au calcaire noir type. C’est vraisemblablement à ce même horizon qu’il faut rapporter les calcaires alternant avec des schistes et des anagénites dans la partie supérieure du verrucano, ; du Monte Argentaro décrits par M. Coquand, et de Colle Lungo, non loin de Grosseto. D’après mes observations, ce terrain existe aussi dans l’Alpe di Corfino en Garfagnana. Cette montagne, très haute et très escarpée, s’élève au milieu du terrain tertiaire inférieur qui forme les Apennins environnants, et j’ai déjà dit comment elle fait partie du système de la chaîne métallifère. Elle se compose des calcaires du lias que nous examinerons bientôt et d’une série nombreuse de couches calcaires qui ont depuis quelques centimètres jusqu’à un mètre d’épaisseur (fig. 3). Ces couches, qui forment les 3/5es de la montagne, sont régulière- ment courbées en voûte, à peu près dans la direction du sud au nord. Les supérieures se composent d’un calcaire gris noirâtre compacte, sans silex, qui, sous le coup du marteau, répand une odeur bitumi- neuse, et dont la ressemblance avec celui des montagnes de Pise est parfaite. Ce calcaire forme la plus grande partie de ces couches dans toute la série. Il varie cependant pour le grain plus ou moins com- pacte. Il est aussi parfois blanchâtre ou légèrement jaunâtre et plus ou moins cristallin, à structure lamellaire. C’est alors une. roche très dure, compacte, d’apparence dolomilique, qui sous le marteau exhale une odeur sulfhydrique très forte, et qui résiste beau- coup à l’action destructive des agents atmosphériques. Ce sont les deux variétés extrêmes qui se lient ensemble par des nuances nom- breuses et insensibles. Près de la base de la montagne, sur le torrent Moscianello, intercalé au calcaire noir, il y a une couche épaisse de ce dernier calcaire, recouverte par un calcaire marneux peu compacte, qui se délite facilement et qui forme des petites couches dont l’en- semble a 2 mètres d’épaisseur. Quoique ces assises calcaires aient été jusqu’ici réunies au calcaire salin qui les recouvre et qui est le lias inférieur, et qu’on ait ainsi considéré celte montagne comme entiè- rement jurassique, je crois qu’on ne peut placer ces calcaires que dans le trias tant qu’on rapportera au trias le calcaire noir des monlagues de Pise et ceux qui ailleurs occupent la même position. MÉMOIRE DE M. I. COCCttl. 237 Les fossiles sont peu abondants dans ce terrain et dans un mauvais état de conservation. I es seules espèces déterminables parmi ceux des montagnes de Pise sont la Myophoria curvirostris et YAvicuia soda- lis. C’est d’après ces fossiles que nous rapportons ces calcaires au trias. Ce terrain forme des lambeaux au-dessus du verrucano. Dans les localités où le calcaire noir est converti en marbre bardiglio, on peut en suivre aisément les changements de structure et de couleur. A sa limite supérieure, il est recouvert par le calcaire salin du lias. Dans les montagnes de Pise on peut voir leurs rapports, et on les trouve discordants à Pietra Padule par exemple, et en concordance parfaite à Avane et ailleurs. Y. Terrain liasique. Ce terrain est parmi ceux qui offrent en Toscane le plus grand intérêt sous le point de vue géologique et industriel. Dans toute la chaîne métallifère, il est très puissamment développé et forme dans les différents groupes de la chaîne soit le massif central soit une zone tout autour des terrains plus anciens (verrucano et trias) qui occupent le centre. Ainsi, dans les Alpes apuennes cette zone recouvre partout le massif central paléozoïque et y constituent la plus grande partie des plus hautes montagnes du groupe, telles que la Corchia, l’Altis- simo, la Tambura, le Sagro. L’interruption apparente de ce terrain qui s’observe du côté de Val di Castello au nord de Pietrasanta , est due à une grande faille qui s’est opérée dans la partie sud-ouest, parallèlement au grand axe de l’ellipsoïde. Dans les montagnes de Pise ce terrain se comporte de la même manière. Très puissant, très étendu, il y entoure une série de mon- tagnes, en grande partie paléozoïques, de 500 à 600 mètres de hau- teur. A la Montagnola Senese, à Cetona, dans l’île d’Elbe, il est aussi très développé, et on en peut dire autant de tous les autres groupes de la chaîne métallifère. A Monlieri et Gerfalco, et à Monte Calvi (Montagnes du Campigliese), où le verrucano n’apparaît pas, ce terrain constitue le massif central. Tel qu’il se montre en Toscane, ce terrain se divise naturellement en deux parties. La partie inférieure est la plus développée, ayant une épaisseur énorme qui, d’après M. Burat, est de 300 mètres à Monte Calvi. Elle se compose partout d’un calcaire plus ou moins cristallin, saccharoïde dans les Alpes apuennes, lamellaire à Campigîia et à l’île d’Elbe, simplement céroïde dans les montagnes de Pise. Ce calcaire est toujours plus ou moins blanc. Il est tantôt blanc de 238 SÉANCE DU À FÉVRIER 1856. neige, plus souvent blanc jaunâtre ou bleuâtre, fréquemment veiné ou tacheté, mais sans que jamais aucune couleur se substitue entiè- rement au blanc. Ces différences donnent lieu à des variétés qu’il est fort intéressant, dans l’industrie, de distinguer, mais qui n’offrent pas le même intérêt pour le géologue. Ce sont donc nos marbres blancs qui composent cet étage en Tos- cane, non pas accidentellement, comme c’est le cas, ainsi que nous l’avons vu, des marbres bardigli dans le trias, mais de la manière la \ plus constante. On sait que les beaux marbres statuaires de Cres- j tola, de Poggio Silvestro (Carrare), du monte Altissimoet de la Corchia . i (Seravezza) (1) sont des calcaires parfaitement blancs et plus souvent , légèrement jaunâtres ou bleuâtres, ce qui les rend encore plus recherchés, sans aucune coloration étrangère; que leur structure est j cristalline à cristaux très petits et très serrés; qu’ils sont subtranslu- cides, à éclat gras, souvent d’une élasticité tout à fait exceptionnelle, et qu’ils font entendre sous le coup de marteau un son métallique particulier (2). (1) Serravezza est à 44° latitude N., et à 27° 53' longitude E du méridien de Paris. Cette petite ville est bâtie dans une gorge très étroite, mais de l’aspect le plus pittoresque et du climat le plus doux, au confluent de la Serra qui descend de l'Altissimo, et de la Vezza, i qui reçoit les eaux de la Pania, de la Corchia et des autres mon- tagnes orientales des Alpes apuennes. Elfe est à 7 kilomètres de la mer et à 3 environ de Pietrasanta, ville qui est sur la route de Luc- ques à Gênes. En remontant la Vezza, on arrive à Stazzema, célèbre pour ses brèches. — Carrare est à 44° 5' latitude N. et à 27° 46' longi- tude E., à l’issue de l’étroite vallée du Carrione, dans la plaine. Cette ville est remarquable par son commerce et par les grands travaux d’art qui s’y exécutent. — E. Repetti, Dizionario , etc., vol. I, p. 484 ; et vol. V, p. 252, etc. (2) Les Alpes apuennes sont aujourd’hui les montagnes qui don- nent à la sculpture les plus beaux marbres connus. L’exploitation s’en fait dans les environs de Carrare et de Serravezza : à Carrare depuis un temps très reculé , à Serravezza depuis le temps de Michel-Ange [V asari, Vita di Michel- An gelo et Introd. aile vite de ’ Pittori ), qui en commença l’exploitation, devenue vraiment active dans ce siècle. On distingue dans les deux localités trois caté- gories de marbres statuaires, savoir : ceux de première, de deuxième et de troisième qualité. Ces trois catégories ne se correspondent pas exactement dans les deux localités. En général, ceux de Serravezza l’emportent sur ceux de Carrare de la même catégorie. Il va sans dire que, dans les marbres de luxe, une foule de circonstances minimes en changent considérablement la valeur^ qui ne peut donc être établie que sur chaque bloc. Le marbre des carrières de Faieo- MÉMOIRE LE M. î. COCCHI. 239 Le marbre statuaire de Monte Rombolo dans ie Campigliese mé- rite aussi notre attention. On a récemment commencé de nouveau à y exploiter les anciennes carrières romaines ; mais il est encore peu connu dans le commerce. C’est un véritable marbre de .Paros par sa structure parfaitement cristalline à grandes lamelles, par sa transpa- rence, par la facilité avec laquelle on le travaille, et par sa résistance aux agents extérieurs. Les marbres de Pise ont une structure simplement céroïde ; ils ne servent pas à l’art statuaire, mais on en fait usage pour l’archi- tecture, et on peut en observer les qualités dans les grands monu- ments de Pise. Dans les grands massifs de marbre il y a des couches plus ou moins épaisses formées de substances talqueuses et amphiboiiques , avec quartz, gypse, dolomie, soufre, pyrite, fer oligiste, quelquefois de l’ot- trélite.qui se mêlent au calcaire ou qui forment à elles seules la roche. Les ouvriers les appellent madremacchia , et iis croient que leur ori- gine est due aux impuretés du marbre qui se sont retirées et con- vaia, dans le monte Altissimo, par sa beauté, par l’absence com- plète et presque constante de tout défauts, et par l’uniformité de son grain et de sa couleur, surpasse tous les autres et peut être considéré comme le type des marbres statuaires de première qua- lité. Aussi, il est très recherché à l’étranger, mais il est peu abondant. Le marbre de la Polla (monte Altissimo) est la mêilleure variété de la seconde catégorie; il est finement saccharoïde, et très homo- gène ; par sa pesanteur et par sa dureté il surpasse un peu les autres marbres; c’est aussi, de tous, le plus inaltérable, et celui qui offre le plus grand degré de résistance au choc et à la pression. Il se prête très bien à tous les usages, pouvant remplacer souvent la première qualité, et offrant toujours des avantages sur la troisième, à laquelle, du reste, il passe par degrés. En général, à Carrare, on appelle marbre de seconde qualité tout marbre de première qualité qui , par ses défauts, ne peut être livré qu’à très bas prix. Cependant, le marbre de Betogli constitue une variété à part qui rentre dans cette catégorie, quoique souvent inférieur aux meilleurs de la troisième. Il est un peu lamelleux, peu résistant, et facilement altérable. Le type de la troisième catégorie est le Ravaccione de Carrare, marbre qui varie beaucoup, jusqu’à représenter la dernière limite des marbres statuaires. C'est celui que, sous le nom de marbre de Carrare, on voit en général, à l’étranger, dans les promenades publiques, les jar- dins, les monuments. Des blocs de marbre de Betogli ou de Ravac- cione de mauvais choix ont donné lieu à l’opinion que le marbre de Carrare ne résiste pas au climat de Paris. Après ces trois catégories de marbres statuaires, viennent les marbres blancs ordinaires et blancs veinés dont on fait une grande exploitation dans les deux localités. SÉANCE DU k FÉVRIER '1850. 240 centrées à l’extérieur des couches au moment de sa formation. ïl y a dans cela peut-être un fait très instructif à l’égard du métamor- phisme. Toujours est-il que les ouvriers savent en retirer d’excel- lentes indications pour apprécier et connaître ies bancs à exploiter, et que les madrimacchie n’accompagnent jamais que les marbres de première qualité, qui sont, dit-on, d’autant plus parfaits que leur madremacchia est plus régulière et mieux développée. J’ai observé aux carrières de Faicovaia que le marbre statuaire de première qualité forme comme de grands rognons, ou pour mieux j dire, des lentilles énormes au milieu du marbre ravaccione , pré- j cisément comme le grès in fraliasique de quelques pays, du Luxem- bourg, d’Hettange, etc., forme des rognons plus durs et plus com- pactes au milieu des grès sableux et incohérents ; les proportions seu- lement sont bien différentes. Les lentilles sont enveloppées, pour ainsi dire, d’une couche épaisse de madremacchia, et ce sont elles qui donnent le meilleur marbre dont j’ai parlé dans la note précédente. Les lignes de séparation entre les bancs du marbre ne représentent pas la véritable stratification. Le phénomène qui a produit la cristal- J lisation de ce calcaire a aussi souvent effacé la stratification, et on en peut voir partout des preuves fréquentes. Mais c’est surtout dans i la localité dont je parle que ce fait est remarquable. Les bancs de marbres y sont presque horizontaux. Les lignes de stratification pri- j mitive, au contraire, devraient être presque, verticales, comme il est facile de s’en assurer en étudiant la montagne même, et comme on en voit toujours quelques-unes. Il y a donc une stratification apparente, pour ainsi dire, qui remplace la primitive. Quoi qu’il en soit, c’est encore un fait qu’avec le précédent je signale à ceux qui s’occupent du métamorphisme et de l’origine des masses minérales, et j’engage les géologues qui ne craignent pas de faire l’ascension d’une montagne très haute et très escarpée en s’aidant de guides, de cordes, de bâtons, à visiter le Monte Altissimo, car tout ce qu’ils y observeront les dédommagera du danger et de la fatigue. •La brèche africaine et le mischio di Serravezza appartiennent encore à ce calcaire. Ces roches se composent de calcaire saccha- roïde à l’état fragmentaire, dont les fragments, plus ou moins volu- mineux, anguleux, à angles toujours émoussés, sont cimentés par une pâte amphibolique due à l’action des filons de fer sur le calcaire. Les filons de fer oligisle et oxyduîé, dont nous aurons à parler plus tard, ont traversé le calcaire basique (il n’est pas rare de voir des fragments de ce calcaire enclavés dans les filons), et c’est dans leur voisinage que se trouvent les brèches dont nous parlons. C’est cette MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 2/jl pâte amphibolique qui donne la belle coloration bleue à la brèche africaine, et rose au marbre persichino du monte Corchia. De petites veinules de fer oligiste s’ajoutent au mischio , qui est un marbre presque inaltérable, d’une dureté surprenante, et d’une beauté qui le fait placer en tête des marbres de décoration. M. Pas- serai a fait l’analyse du ciment qui lie les fragments calcaires du mischio, et a reconnu que c’est un silicate de fer et d’alumine avec un peu de magnésie et de chaux. Les géologues qui voudraient étu- dier le métamorphisme doivent visiter le gisement de ces roches dans les carrières du Rondone , de VAfrica.no , du Filone bandito , etc., aux environs de Stazzema. C’est là que ài. Savi le reconnut, le décrivit et le démontra à une époque à laquelle le calcaire cristallin des Alpes apuennes était généralement regardé comme primitif (1). A ce même étage on doit rapporter la dolomie et le calcaire celluleux de quelques localités (Rasceto, etc.) des Alpes apuennes, et surtout des montagnes de Pise. Les fossiles qui, malgré la profonde altération de ces calcaires, ont pu être recueillis et déterminés, sont : Nautilus striatus , Sow. ; Am- monites bisulcatus, Brug. ; Ammonites planorbis, Sow. ; Chernnitzia Nardii, Mngh.; Pentacrinites pentagonalis , Goldf.; P. subteres , Münst., et quelques autres. La partie supérieure de ce terrain se compose d’une série de couches peu épaisses d’un calcaire compacte rarement cristallin, rouge ou jaune, ou grisâtre avec silex, et de schistes argileux qui en occupent la partie supérieure. Ces calcaires se trouvent partout au- dessus de l’étage des marbres en parfaite concordance, quelques cas exceptés, tels qu’à Sassi -Grossi, sur la rive droite du Serchio, non loin de Pise. Ces calcaires rouges et grisâtres sont toujours associés, quelquefois en alternance, plus fréquemment superposés les uns aux autres, de manière que les rouges sont au-dessous des grisâtres à silex. Comme iis ont partout le même caractère, je me bornerai à les décrire dans quelques localités. Dans le Campigliese, le calcaire rouge est très dénudé; il a une très petite épaisseur, mais il est excessivement riche en fossiles. Au- dessus il y a une petite couche calcaire tachée de jaune, découverte par M. Nardi, formée presque en entier par les valves d’une Posydo- nomye que M. Meneghini a appelée P. Ianus (2). A Corfino, autre localité très intéressante pour cet étage, j’ai reconnu que le déve- (1) P. Savi, Mcmoria sut mischio di Serravezza , Pisa, 1830; on y trouvera l’analyse du mischio de M. Passerini. (2) Meneghini, Nuavi fossili Toscan!. 1853. Soc . géoL, 2e série, tome Xlü. 16 SÉANCE DU l\ FÉVRIER 1856. loppement de ce calcaire rouge est plus considérable que partout j ailleurs, qu’à la partie supérieure sa couleur est d’un rouge foncé de brique, à l’inférieure, de lie de vin pâle, et qu’alors il est plus dur et plus compacte (fig. 3). Le calcaire gris clair à silex en petites assises est encore plus développé à Corfino qu’ailleurs. Ce dernier y ( est constamment au-dessus du rouge, et leur ensemble peut attein- dre 50 mètres. Dans les montagnes de Pise, et dans celles surtout qui sont sur la rive droite du Serchio, ces calcaires, quoique peu épais, sont aisé- j ment reconnaissables : le calcaire rouge de brique, très ammonitifère dans quelques endroits, y est à la base; le gris clair à silex est au- dessus. Ces calcaires, et surtout le rouge, sont célèbres par la grande quantité de Bélemnites, d’ Ammonites, et de fragments de crinoïdes 1 qu’ils renferment ; c’est même de l’abondance d’Ammcnites que vient le nom de calcaire rouge à Ammonites. Les localités éminemment fossilifères sont : la Speaia, Corfino, , Sassi- Grossi (montagnes de Pise), monte Cal vi, Gerfalco, Celona. Il est inutile de dire que ce sont toujours les mêmes espèces qui se j rencontrent partout. A l’Alpe di Corfino nous avons remarqué que les couches inférieures renferment plus de Bélemnites que d’Ammonites, et le B. orthoceropsis, Mengh. et Savi, y abonde surtout (1); les Am- I monites sont, au contraire, plus fréquentes, à la partie supérieure et partout où ie calcaire est d’un rouge très foncé et moins com- pacte. J’ai ramassé un grand nombre d’échantillons de ces Ammo- nites, qui sont maintenant dans le musée de Pise ; elles appartenaient , aux espèces suivantes, sans tenir compte de celles qui, par leur mauvais état, laissaient quelques doutes, ni de celles qui paraissaient nouvelles, savoir : A. insignis , Sehübl. , A. radians , Sçhloth., A. sternalis, de Buch, A. complanatus , Brug., A. aalensis, Ziet,, A. fiwbriatus , Sow. , A. Conybeari , Sow., A bisulcatus , Brug. J’ai détaché moi-même tous les échantillons de la rot lie sur la place (1 ) Les alvéoles de cette espèce (c’est le Baculitas vcrubmlis de M. Guidoni, Letlna sui foss. délia Spezia, 1 830), qui se trouvent fréquemment dégagés du rostre dans ces calcaires, et à la St ezia dans les schistes qui sont au-dessus, avaient fait croire, entre autres à de la Bêche, à la présence des Orthocère? dans ce terrain. L abondance et la beauté des échantillons ont permis aux auteurs des Considéra- ziont , plusieurs fois cités, de faire des observations fort remarquables sur cette espèce qui, chez nous, est très caractéristique de ce terrain, et je renvoie les paléontologistes à cet ouvrage (p. '125). MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. m où ils s’étaient fossilisés, et je les ai retrouvés presque tous dans une très petite étendue à la surface d’une même couche de 2 à 3 déci- mètres d’épaisseur. Ce fait, du reste, est d’accord avec ce qu’on observe dans le Campigliese, où parmi les couches de calcaire rouge, il y en a une plus fossilifère que les autres, dans laquelle on peut voir en place une quantité considérable d’individus de toutes ces espèces (1). Les articles de crinoïdes, en général isolés, quelquefois réunis en fragments de tiges, se trouvent en quantité prodigieuse presque partout associés aux Ammonites» La détermination en est, en géné- ral, presque impossible. Quelques échantillons suffisamment com- plets nous conduisent à reconnaître la présence des Pentacrinites subteres , Münst., et P. pentagonalis , Goldf. f Le calcaire gris clair à silex est moins riche en fossiles. Les Ammo- nites qu'on y rencontre sont toujours des mêmes espèces. Il paraît que A. Conybeari est l’espèce qu’on y rencontre le plus souvent. On peut en voir des échantillons dans la collection de Pise et dans celle de M. le professeur Dini, à Castelnuovo, près de Cortino, qui, sans contredit, est celle où l’on admire les plus beaux échantillons de celte dernière localité, ramassés tous par lui-même. Pour ne plus revenir sur ces calcaires, j’ajouterai quelques mots sur les marbres jaunes et sur les rouges, auxquels ils passent fré- quemment. A la tête des marbres jaunes doivent être placés le b au marbre jaune et la brocatelle de Sienne. Oit les exploite à Monte Arenti, dans la montagnola Senese. Dans les marbres rouges, comme ceux de Pise et des Alpes apuennes, la structure est en général bré- ch Jointe. Parmi ces derniers, je citerai ceux plus ou moins beaux de Monsummano, de IaGherardesca,deGerfaico, deCaldanaet deSienne. C’est à la même formation qu'appartient le marbre nommé Porta - Santa, qui vient de Caldana di Ravi. Plusieurs marbres peu connus et plus ou moins accidentels qui se rencontrent dans les Alpes apuennes, surtout près de Carrare, doivent être rapportés à ce même étage (2). J’ai dit que ces calcaires sont recouverts par des schistes argileux : je place en effet à la partie supérieure de ce terrain la partie infé- (1) Voyez Nuovi fossili , etc., de M. Meneghini, pour la liste com- plète des espèces d’Ammonites de ce terrain. (2) Je renvoie ceux qui seraient désireux d'avoir plus de détails sur les marbres toscans au savant rapport sur la 14e classe, fait par M. Delesse à la Commission impériale de l'Exposition universelle de 4 855. — Targioni-Tozzetti, Piaggi, etc., vol. II, p 2, vol. VI,. SÉANCE DÜ !{ FÉVRIER 1856. m rieure des schistes ammonitifères de la Spezia. Il faut très vraisembla- blement ajouter la partie correspondante de la grande série de schistes qui se trouvent partout dans la chaîne métallifère au-dessus des cal- caires à Ammonites; mais l’absence de données paléontologiques laisserait dans l’impossibilité d’y marquer la limite entre la forma- tion basique et la formation oolithique qui lui succède. Ainsi, je suis obligé de réunir toute cette grande série sous une seule dénomina- tion générique que je décrirai dans le chapitre suivant, après en avoir retranché cette partie de la Spezia qu’on doit rapporter au lias, et que je vais décrire. Les schistes dont je parle sont des schistes micacés friables, jaunâtres, qui alternent avec des couches assez minces d’un calcaire compacte grisâtre ou noirâtre, ou mar- neux jaunâtre. Ce calcaire, quoique peu abondant, est exploité comme pierre à bâtir sur les lieux, ce qui donne le moyen de recueil- lir facilement en place des Ammonites qu’il renferme, de même que les schistes, en nombre considérable. Ces Ammonites ont, en général, une très petite taille, ce qui est dû quelquefois au mode de fossilisa- tion ; mais ordinairement cela dépend de l’âge ou des circonstances dans lesquelles les animaux vivaient. Plusieurs gastéropodes et quel- ques Térébratules y sont aussi fréquents. Jusqu’à présent, c’est exclu- sivement dans le promontoire occidental du golfe de la Spezia, que les schistes et les calcaires dont nous parlons ont présenté des fossiles, et c’est seulement d’après ces données paléontologiques que nous pouvons réunir au lias la partie inférieure des schistes de cette localité, et en rapporter à l’oolilhe la partie supérieure dont les fossiles ne sont connus que depuis peu. Celte découverte toute récente et d’autres observations faites tout dernièrement ont servi à faire connaître beaucoup mieux cette contrée où les couches, si riches en fossiles, sont très bouleversées, et je suis heureux de publier ici la lettre de iU. Meneghini, accompagnée d’une coupe (fig. û), dans laquelle il me donne la description de ces montagnes d’après les découvertes les plus récentes. « Au golfe de la Spezia, les terrains des Alpes apuennes et de toute la chaîne métallifère se répètent avec la même disposition générale. On a déjà indiqué que ce petit groupe est une dépendance de l’ellipsoïde aptien. Dans le promontoire oriental, on a vu la partie supérieure du verrucano se montrer au jour à Cap Corvo ; et la série des terrains secondaires, quoique très bouleversée, y montre p. 207, vol. X, p. 293, vol. XXII, p. 139, 2e édit. — - Repetti, Dizionario geografico -fisico - s torico delta Toscana f dans plusieurs endroits. MÉMOIRE DE M. I. COCCH! , Mo \ l’ordre habitue), qui est dans ce cas l’ordre ascendant de l’E. à l’O. Dans le promontoire occidental les terrains jurassique et crétacé | inférieur sont extraordinairement riches en fossiles; mais les redres- sements, les contournements, les failles, et même les renversements, i y sont fréquents et compliqués. On a dit que ce lieu était la clefde la j géologie toscane, et il l’est en fait quant aux fossiles ; mais pour l’ordre stratigraphique, c’est ailleurs, et dans l’ensemble du pays qu’il fal- lait l’établir comme l’a fait depuis longtemps M. Savi. Les fossiles de la Spezia sont alors précieux, et l’apparent mélange qu’ils pré- ; sentent, loin de surprendre, vient confirmer les déterminations sug- i gérées par la stratigraphie. Une grande faille, presque parallèle à l’axe du promontoire, sépare les terrains crétacé supérieur et ter- tiaire inférieur (svisti galestrini et macigno) au S. -O. des terrains jurassique et crétacé inférieur au N.-E. C’est la grande faille indiquée | par M . de Collegno ( Nota sui terreni dei contorni délia Spezia , 1851), | et figurée dans l’appendice à la traduction du Mémoire de M. Mur - chisôn , etc. Elle est d’autant plus notable qu’elle porte en contact les ! schistes crétacés supérieurs ( galestrini ) avec les schistes jurassiques I ( varicolori ) qui, lithologiquement, ont quelquefois la plus grande ! ressemblance. Au N.-E. de cette faille on a, en premier lieu, les ter- rains jurassiques, et ensuite le crétacé inférieur qui s’étend pour con- stituer les îles du golfe. A cette inversion de l’ordre habituel s’ajoute le contournement général à l’extrémité méridionale du promontoire; les terrains jurassiques peu inclinés paraissent à peine au bord de la mer, au-dessous du crétacé inférieur; en s’avançant au N., on les voit augmenter leur inclinaison, se redresser tout à fait, et terminer par se renverser au-dessus du crétacé inférieur, lui-même, redressé, contourné et replié. Ce contournement général est accompagné d'innombrables contournements partiels des plus compliqués, et I resserrés très fréquemment même en courbes à rayon très court ou j ii angles très aigus. En se dirigeant du S. -S. -O. au N. -N.-E. du i mont de Campiglia par Monticeiîo à Corcgna, on passe du terrain du macigno et des schistes « galestrini » à la grande faille, avec laquelle commencent les terrains jurassiques que l’on continue à trouver a Monticeiîo et jusqu’à la montagne de Coregna, qui est formée du calcaire crétacé inférieur. <> La série jurassique que l’on rencontre est la suivante de bas en haut : » 1° Schistes argileux, lalqueux, jaunâtres ou rougeâtres, sans fossiles. » 2° Schistes semblables aux précédents, mais pétris d’empreintes de Posidonomya Bvonnii , Goidf. SÉANCE DU k FÉVRIER 1856. 246 » 3° Calcaire gris clair ou blanchâtre, à silex, avec Entroques et autres fossiles indéterminables. » 4° Calcaire ronge ammonitifère, avec A. bisidcatus, Brong. , A Boucaultianus , cPO'rb., et plusieurs autres indéterminables, des Entroques, des Bélemnites, des Pecten, etc. » 5° Une grande série de schistes semblables à ceux des deux pre- miers numéros, avec un calcaire marneux, grisâtre ou noir, interstra- tifié, très riches en petites Ammonites. Les Ammonites, les phrag- mocônes de Hélemnites, les Nerinæa, Chemuitzia , Trochus , Nu - culn , Terebrotula , etc., sont enclavés dans le calcaire aussi bien que dans les schistes, la paléontologie étant ainsi dans le plus parfait accord avec la stratigraphie pour unifier dans le même horizon géo- logique ce calcaire avec les schistes dans lesquels il est interstratifié. On ne doitdonc pas le confondre, comme on Ta toujours fait, avec l’autre calcaire noir de Coregna, de Portovenere, du Tino , du Tinelio, etc , qui est au-dessus de toute la série jurassique, qui contient des fossiles crétacés, et qui, avec les mêmes caractères lithologiques et avec les mêmes fossiles, forme le grand manteau extérieur de l’ellipsoïde des Alpes apuennes. Environ une vingtaine d’espèces d’ Ammonites de ces schistes et du calcaire interstratifié sont jusqu’ici particulières à cette localité; vingt-quatre sont identi- fiées par les paléontologistes avec des espèces connues. Parmi celles- ci, deux seulement sont regardées comme oolilhiques : A. Edouar- dianus , d’Orh. , et A. simplex, id. ; les autres sont toutes basiques, mais avec prédominance de celles que l’on est habitué à regarder comme appartenant aux lias moyen et supérieur, et plusieurs même de celles qui, ailleurs, passent du lias supérieur à l’oolithe. » 6° Schistes semblables aux précédents , et contenant quelques- unes des espèces particulières à la Spezia, pyritisées ou en hydroxyde de fer, comme à Pordinaire, mais, en outre, une quantité immense d’empreintes d’Ammonites, plusieurs même beaucoup plus grandes que les Ammonites ordinaires pyritisées, sans aucun reste de la coquille, empreintes qui laissent seulement voir la forme plus ou moins comprimée et les détails de la surface extérieure. On a pu distinguer une douzaine d’espèces, mais il est bien difficile de les identifier avec des espèces connues. Les rapprochements qui ont paru les plus vraisemblables ont été : A. Solaris, Phili. , A. inter - ruptus , Brug., A. virgatus , de Buch, A. mutabilis , Sow., A. Tou- casianus, d’Orb. , A. Lamberti, Sow., A. cadomensis, Defr. Il n’a été possible d’en rapporter aucune à une espèce quelconque du lias. La découverte de ces schistes à empreintes a été faite récem- : MÉMOIRE DE M. î. COCCHI. 2/i? ment par M. Capellini, h qui nous devons aussi des renseignements sur l’exacte po-ition des fossiles pris en place et un grand nombre | d’espèces nouvelles. I » 7° Schistes identiques avec ceux du numéro 5 et offrant les ! mêmes fossiles. Les espèces qui ont été trouvées aux dernières limites de la formation, et dans le plus proche voisinage du terrain crétacé, sont : A. fimbriatus , Sow. , et A. insignis , Schübl. | » Celle même succession se répète dans les sections que l’on peut suivre parallèlement à la précédente, et successivement plus au N., jusqu’à Parodi et même à Eermego (ou mont des Deux-Frères) où | le renversement est parfaitement accompli. Les conséquences de ces faits sont bien claires : l’ordre stratigraphique est ici bouleversé i tout à fait, de même que l’ordre géologique des fossiles. En consi- , dérant l’ordre stratigraphique tel qu’il existe dans toute la généralité : de la chaîne métallifère, on trouve que l’ordre géologique des fos- ! siles y concorde parfaitement. Dans ce bouleversement local, il est j impossible de débrouiller en détail le nombre et le degré des ; flexions et des failles, mais la multiplicité et la complication qui en j sont à chaque pas évidentes nous donnent le droit de les supposer ; telles que la lithologie et la paléontologie les indiquent. On peut même reconstruire par la pensée (comme dans la coupe théorique ci-jointe) (fig. U) la disposition des flexions et des failles qui peuvent être en rapport avec tous les faits énoncés. » En accordant ainsi les données paléontologiques avec les déduc- tions straligraphiques, nous sommes conduit à regarder : « 1° Le calcaire rouge ammonilifère avec le calcaire gris clair à silex, les schistes à Posidonomyes, et une partie des schistes bariolés avec le calcaire gris ou noir interstratifié, comme lias moyen ; » 2° La partie moyenne des mêmes schistes bariolés et du cal- caire gris ou noir interstratifié, comme lias supérieur; » 3° Les schistes à empreintes d’Arninonites, supérieurs à toute la série, comme oolithiques. » Telle est l’opinion de M.. Meneghini sur cet important sujet. Quelques géologues, cependant, donnant plus d’importance aux espèces du lias inférieur qu’aux autres, rapportent à ce dernier la formation des marbres blancs, les calcaires rouges et gris à silex et les schistes dont j’ai parlé. Il y aurait donc une absence complète de ce qui est entre le lias inférieur et l’oolithe, ce qui n’est nullement justifié par la stratigraphie. D’autres regardent comme du lias inférieur les marbres blancs et croient que le très petit nombre d’espèces du lias inférieur qui se rencontrent dans le cal- caire rouge ne doit pas être pris en si grande considération que le grand SÉANCE DU k FÉVRIER 1855. Sâ8 nombre d’espèces du lias supérieur et du lias moyen. Ils voient donc dans les calcaires rouge et gris et dans les schistes décrits ci-dessus i les représemants des deux étages basiques postérieurs, avec passage à l’oolithe, sans qu’on puisse les séparer nettement. D’après cette ma- J nière de voir on admettrait tout simplement que ce mélange prouve encore une fois que les faunes de chaque étage ne se sont pas suc- cédé en masse, et qu’il n’y a pas eu destruction subite ni générale de chaque faune pour donner lieu à une création nouvelle, mais que les changements se sont opérés peu à peu, des nouvelles espèces i venant à se substituer à celles qui disparaissaient, et d’autres y arri- vant de parages plus ou moins lointains, se mêlant ainsi à celles qui restaient, là où la succession des terrains n’était pas interrompue. D’autres, enfin, croient qu’en admettant que les observations sont bien faites, on doit admettre dans le lias une faune unique et consi- dérer comme simplement locales les divisions qu’on a l’habitude de faire, ce qui peut-être est juste. Cependant, en donnant ma classifi- cation, je n’ai point voulu trancher la question, sur laquelle j’appelle l’attention des géologues, et la division que je propose lient unique- ment à ce que la formation des marbres blancs est parfaitement dis- tincte, stratigraphiquement et minéralogiquement, de la formation des calcaires supérieurs et de leurs schistes, ce qui suffit dans un travail du genre du mien. La collection authentique qui prouve ces résultats est au musée de Pise, et c’est uniquement à celle-ci que nous nous rapportons. Les visiteurs nombreux de ce musée ont pu, d’après l’examen des matériaux qui y sont réunis, se convaincre de ces résultats, et tous les paléontologues qui ie visiteront pourront encore apporter de nouvelles lumières à ce que nous savons jusqu’ici de ces espèces. J’attache plus d’importance à la demande qu’on m’a faite, à savoir si ce mélange est prouvé par des observations stratigraphiques con- sciencieuses ; et voici ce que je réponds : je considère ce mélange comme un fait qui n est nullement douteux, parce qu’il est indé- pendant de toute espèce de bouleversement et de redressement de couches, parce qu’aucun remaniement n’y a eu lieu et parce qu’il se reproduit dans plusieurs localités très éloignées les unes des autres, dansdes couches très étendues et très minces, toujours avec la même régularité et la même constance. On voit au musée de Pise, et ailleurs, dans le même échantillon de cabinet, plusieurs de ces espèces con- tiguës l’une à l’autre (1). ( I ) Voyez Série des terrains sédimentaires de la Lombardie , par M. Omboni [BulL Soc. géol, de France , 2e sér., t. XII. p. 517). — > MEMOIRE 1)E U. I. COCEHi. 249 Quand on démontrera avec évidence que des divisions nous ont échappé, je serai le premier à les accepter; en attendant, je me borne à admettre que ces formations représentent l’ensembîe du lias et le passage de celui-ci à l’oolithe inférieure sans qu’aucune partie de la série y manque (1). A. Orsini et C.-A. Spada, Quelques observations géologiques sur les Apennins de V Italie centrale [Bull. Soc. geol. cle France , 2e sér., t. XII, séance du 2 juillet 1855). — Oscar Fraas, lu Leonh. und Broun* s JYeues Jahrb ., etc., 1850, p. 139, etc. (1) L’impression de notre mémoire était déjà très avancée, quand M. Meneghini nous adonné connaissance d’une découverte toute récente de la plus haute importance. A Campiglia (Campiglia, dans la Maremme qui donne son nom à son district et aux montagnes du Campigliese, ne doit pas être confondue avec le petit hameau de Campiglia, dans le promontoire occidèntal de la Spezia), le calcaire rouge ammonitifère, comme je l’ai dit, est dénudé sur une grande étendue, et présente une fente considérable, et à peu près perpendiculaire à la stratification, qui est remplie par un calcaire spathique bien évidemment postérieur, et pétri d’une très grande quantité de petites Ammonites qui ont laissé leur empreinte dans la roche, avec les détails les plus minutieux. M. Meneghini nous dit qu’il y a reconnu une vingtaine d’espèces, dont plus de la moitié sont celles des schistes basiques de la Spezia, jus- qu’ici exclusivement propres à cette localité; les autres sont parmi les plus caractéristiques du lias moyen et supérieur. Ce qu’il y a en- core d’extraordinaire, c’est l’identité que plusieurs de ces espèces pré- sentent avec celles de Hierlatz, dernièrement illustrées par M. Haüer. Les espèces A. Stella , cylindricus , Partschii , etc., des deux localités, se ressemblent à s’y méprendre. C’est le même mode de fossilisation et la même petitesse de dimensions. L’espèce qui y domine, par ses passages graduels et instructifs d’une forme à une autre, paraît nous conduire à réunir dans une seule les deux espèces A. Regnardi et A . mutions proposées par M. d’Orbigny. La fente dont nous parlons représente en quelque sorte une espèce de ravin, dans lequel s’est déposé le calcaire spathique à empreintes d’ Ammonites, dont les strates ont dû recouvrir le cal- caire tacheté en jaune, à Plioladomya la nus , qui a aussi été en partie enlevé. En etfet, ce dernier est supérieur au calcaire rouge, et si on rétablit, par la pensée, la couche enlevée du calcaire qui remplit la fente, elle vient à se superposer au calcaire tacheté en jaune. Quoique cette Posidonomye ne soit pas celle de la Spezia, elle occupe cepen- dant la même position, et le calcaire à empreintes d’Ammonites serait l’équivalent des schistes inférieurs à Ammonites basiques de la Spezia. On nous annonce encore une autre observation très importante de M. Capellini, qui vient de reconnaître un nouveau gisement de Posi- donomya Broutai à Gambasana, dans les monts Pisans. Ici encore, comme à la Spezia et à Campiglia, cette espèce se trouve dans la par- 250 SÉANCE DU k FÉVRIER 1856. Du reste, l’étude d’autres pays peu connus maintenant, mais qui ressemblent beaucoup à cette partie de l’Itaiie sous certains points de vue, jettera peut-être beaucoup de lumière sur cette question, et nous permettra de connaître davantage « les lois de la diffusion et de la distribution des espèces encore peu étudiées jusqu’à nos jours (1). » VJ. Terrain oolithique. On a vu que les schistes inférieurs de la Spezia contiennent un grand nombre d’Ammonites basiques, et que les supérieurs, iden- tiques avec les précédents, ne renferment que des espèces oolilhiqùes. Nous rapportons par conséquent ces derniers au terrain oolithique. Partout ailleurs dans la chaîne métallifère, au-dessus des calcaires précédemment décrits, il y a une grande formation représentée par 200 mètres de schistes que nous sommes obligé de rapporter en entier au terrain oolithique, sans y tenter aucune séparation, faute de tie inférieure des schistes bigarrés, qui sont en contact immédiat avec les calcaires rouge et gris clair ammonitifères. C’est, d’autant plus inté- ressant que la succession des couches y est très régulière et vient en- core à l’appui de ce que nous avons déjà admis pour la Spezia. Dans la coupe de M. Capellini on voit à la base le verrucano recouvert, en stratification discordante, par le trias; puis le calcaire blanc céroïde, très épais, qui est recouvert par les calcaires ammonitifères au-dessus desquels il y a les schistes à Posidonomyes, recouverts à leur tour par le terrain oolithique, représenté à la base par des schistes bigarrés, ensuite par du pseudo-mac/gno, et en haut par des anagénites et par des quartzites. On voit alors se succéder très régulièrement les terrains crétacés inférieur et supérieur, le calcaire nummulitique, et enfin le macigno et ses schistes. A Repole, dans les monts de Pise, sur la rive droite du Serchio, une tranchée, nouvellement ouverte, a montré le même gisement de la P. Bronnii , et a fait découvrir, au-dessus, une grande quantité d’Am- monites identiques avec celles des schistes basiques de la Spezia. Il ne reste plus maintenant qu’à rencontrer ailleurs les espèces oolithiques des schistes supérieurs de la Spezia. Des observations et de très nombreux matériaux paléontologiques ont été recueillis dernièrement par xM. Nardi dans les montagnes de Cetona, et tout vient confirmer encore une fois ce que nous avons dit sur ce terrain. Enfin je dois ajouter que M. Carina a recueilli à l’Alpe di Corfino, dans les assises calcaires que nous avions déjà rapportées au trias, les mêmes fossiles indiqués par nous en parlant de ce terrain et que je n’avais pas eu la chance de rencontrer. (J) J. Barrande, Système silur. cia centre de la Bohême , vol. I, p. 75, MÉMOIRE DÉ M. I. COCCHI. 251 données paléontologiques suffisantes. Ce terrain serait donc repré- senté par la partie supérieure des schistes fossilifères de la Spezia (fig. Uj), par les schistes à Lucines de Miseg’ia (Carrare) et par toute la série des schistes de la chaîne métallifère compris parM. Savi (l)sOus îe nom de scisti varicolori (schistes bariolés de M Durât), et qui est au-dessus des calcaires ammoniiifères. Ce sont des schistes argileux, feuilletés, fragiles, différemment colorés, grisâtres, jaunâtres ou rou- geâtres Très fréquemment, cependant, ils passent à des roches bien différentes; parmi les plus importantes je citerai les micaschistes cinahrifères qui forment les petites collines de Ripa au sud-ouest de Serravezza, et qui sont presque entièrement formés de quartz blanc, grenu, et d’une \ariéié de mica blanc, soyeux, argenté, et doux au toucher comme du talc. L’analyse a fait reconnaître à SI. Delesseque ce mica est identique avec celui qu’il a nommé damourite, qui est très riche en eau, en potasse, et surtout en alumine. Ces micaschistes, indépendamment du cinabre, abondent en cristaux de disthène, de chiastolite (staurotide de M. Coquand?) et d’otlrélite, et passent au quartzite. Ce quartzite devient tantôt anagénilique, et souscette forme il est surtout développé à Rupecava (Monli Pisani). Près de Staz- zema (Alpes apuennes), ces schistes sont remplacés par un grès très dur en couches peu épaisses, quelquefois schisteuses, décrit par M., Savi sous le nom de pseudo-macigno. Au Cardoso, non loin de Stazzema, ce sont des ardoises au lieu de grès. Ces ardoises sont exploitées et servent aux mêmes usages, quoique moins estimées, que celles de Lavagna, en Ligurie, qui appar- tiennent au terrain tertiaire inférieur. Dans celle même localité on exploite aussi un micaschiste quartzeux, constituant une assez bonne pierre réfractaire, employée comme telle dans tous nos hauts four- neaux. Quoique très variées, ces roches peuvent toujours être recon- nues par leur position stratigraphique, et parce que, en les suivant plus ou moins, on les voit reprendre leur type habituel ; car il est bien entendu que ce sont des différences dans le sens horizontal plutôt que dans le sens vertical. C’est en effet ce que nous avons vérifié, et chacun le peut également, pour les micaschistes de Ripa ; en les suivant du côté de Carrare, on les voit revenir aux schistes argileux. Enfin, dans le Campigliese, dans le groupe de Gerfalco et Montieri, ce sont des schistes marno-calcaires alunifères et des phtanites qui passent au jaspe. (1) Savi, Costituzione fisica de’ monte Pisani , 1846 252 SÉANCE DU â FÉVRIER 185(5. VII. Terrain crétacé inférieur. Ce terrain est formé par une série de couches calcaires d’une énorme puissance, et joue un rôle fort important dans une grande partie de la chaîne métallifère. Dans le promontoire qui borde à l’ouest le golfe de la Spezia , il forme la grande montagne de la Castellana et en partie celles qui l’avoisinent, ainsi que les îles Pal- maria, Tino et Tinetto qui sont la prolongation dans la mer du même chaînon de montagnes. Il existe aussi dans celles qui bordent le même golfe à l’est. Dans les Alpes apuennes on le rencontre au nord-ouest, un peu au-dessous de Castelpoggio, et de là il se continue au nord dans la Foce di Tenerano, et dans les hautes montagnes de Vinca, où il constitue le Pizzo d’Uccello et le Pisanino, les deux pics les plus élevés de ces alpes (1730 mètres); à l’ouest et au sud il se continue pour former les élévations de Porta et de Pietrasanta, sur la route qui va en Ligurie, et de là, tournant à l’est et au nord-est, constitue les montagnes très élevées de Sant’Anna, Gammari, Procinto, Monte Forato, Monte Matanna et la partie la plus élevée de la Pania. Dans les montagnes de Pise il forme également une ceinture non moins continue ni moins développée. On le rencontre encore dans les Apennins, mais seulement là où existent des soulèvements partiels en dépendance de la chaîne métallifère, comme nous l’avons fait observer. Les localités qui sont dans ce cas et où il se trouve sont Sassalbo ou Camporaghena dans les Apennins de Fivizzano, Prato- fiorito, dans ceux de Lucques, Lucchio et Piteglio, dans ceux de Pistoia, Monsummano en Val di Nievole. Dans la partie méridionale de la Toscane, ce terrain est très faible- ment représenté ou il manque complètement. Ainsi, dans les monta- gnes du Campigliese, les schistes bariolés sont en contact avec les schistes crétacés supérieurs. Le type de ce terrain est un calcaire noir foncé, dur, compacte, qui forme des couches peu épaisses , dans lesquelles s’interposent fréquemment de petits lits de silex. Ces lits sont nombreux, très réguliers et quelquefois très rapprochés les uns des autres. Sa couleur est toujours d’un gris foncé noirâtre, parfois subtranspa- rent ; quelquefois ce calcaire devient plus blanc, les couches en sont plus épaisses, sa dureté est plus considérable, et le silex y est blanchâtre et moins abondant. Dans cet état, ce calcaire est tout à fait semblable à celui qui, dans les Alpes vénitiennes, porte le nom de biancone. MÉMOIRE 1)E H. I. COCCHI. 253 Tel que je viens de Se décrire, ce calcaire est très développé dans les montagnes de Pise, surtout sur la rive droite du Serchio, à Monte Repole, Piccione et Legnaia. Dans ces mêmes montagnes, à Monte Maggiore par exemple, le siiex est très peu abondant, et il disparaît meme complètement. C’est le cas ordinaire dans les Alpes apuennes et à la Spezia. On remarque alors que ce calcaire devient fossilifère et l’on connaît déjà plusieurs localités importantes sous ce point de vue. Telles sont la Tecchia et la foce di Tenerano , au nord- ouest de Carrare, Pescaglia près de Decimo, à l’extrémité sud-est de l’ellipsoïde (fig. 5), Portovenere à l’extrémité du promontoire occidental du golfe de la Spezia, surtout à la Grotta Arpaia , que les lames qui viennent du large ont creusée dans la falaise opposée à la Méditerranée, et enfin les îles qui font suite à ce promontoire. De toutes les localités, la plus riche en fossiles est le petit îlot ou rocher du Tinetto entièrement formé par ce calcaire. Les vagues qui le couvrent presque continuellement dissolvent la matière cal- caire, laissant ainsi à leur place de nombreux fossiles spalhisés, jusqu’à ce que, la roche qui, sous forme de pilier, les soutient, venant à être dissoute, elle aussi, iis se détachent et roulent dans la mer. La surface noire du rocher est entièrement tapissée de ces fossiles jau- nâtres. Il est impossible de s’en procurer d’autres que ceux qui ont été ainsi dégagés par les eaux pluviales et marines, d’où vient la grande difficulté de rencontrer des échantillons complets. Cependant j’en ai recueilli de fort beaux dans cet endroit, ainsi qu’à Grotta Arpaia et à la Foce di Tenerano , que j’ai ajoutés à la riche collection du musée de Pise. Ces fossiles, en général, ne peuvent pas être rapportés à des espèces connues, et les observations faites sur leur gisement ne sont pas encore assez nombreuses pour que l’on connaisse quels sont les étages qui font partie de ce terrain, quoiqu’ils ne laissent aucun doute raisonnable sur la nature de la faune qu’ils représentent. Ainsi le nom de néocomien, sous lequel on désigne souvent ce terrain, ne doit pas être pris dans un sens rigoureux, mais seulement comme l’équivalent de la dénomination que je crois devoir préférer fl). Ce terrain n’est pas représenté dans toute son étendue par les calcaires que j’ai décrits. Au contraire, dans les Alpes apuennes, il est presque toujours formé par un calcaire celluleux magnésifère profondément altéré et offrant toujours des passages par degrés au calcaire noir ordinaire d’un côté, et à la véritable dolomie de l’autre. Les nombreuses cavités dont il est rempli sont en général occupées (1) Pour ces fossiles, voyez les Considerazioni , plusieurs fois citées, elles Nuovi fossili de M. Meneghini, 1855. 254 SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1856. par une substance argileuse plus ou moins calcarifère et ocracée, qui donne une odeur de soufre dans la cassure fraîche. C’est cette argile qui, accumulée par la décomposition de la roche, rend ce cal- caire celluleux très favorable à la culture, surtout à celle des oliviers. Ces belles montagnes, qui offrent un si singulier contraste entre leur surface rocheuse et la riche végétation qui les recouvre, se font faci- lement reconnaître, et l’observateur même, de loin, est ainsi averti qu’elles se composent de ce calcaire. A Fortovenere, on voit très aisément le passage du calcaire noir à fossiles à la dolomie, qui passe à son tour à une autre roche très importante, quoique très peu développée : c’est le marbre noir et jaune connu sous les noms de portoro et de portovenere. Le même fait se voit dans l’île voisine de Palmaria, de telle sorte que le gisement même de ce marbre est parfaitement établi. D’après M. Delesse, les veines jaunes qui traversent ce marbre sont formées de fer carbonaté ou de carbonate ferrifère, et résultent vraisemblablement de l’infil- tration à travers ce calcaire des eaux thermales tenant en dissolution ces minéraux. Le marbre portoro et le calcaire noir de la Spezia avaient été rap- portés par quelques géologues, et entre autres par M. Coquand, aux terrains jurassiques inférieurs. A cette époque les fossiles, dont j’ai fait mention, n’étaient pas encore connus, et la faille qui a mis en contact le calcaire rouge ammonitifère et ses schistes, en les redres- sant, avec le macigno tertiaire, avait fait croire à M. Coquand que la série de ces terrains était l’inverse de celle que j’ai exposée (1). Celte difficulté n’a été débrouillée qu’en 1850, par MM. Savi et Meneghini, qui ont très savamment traité celte question dans les Considtrazioni. Mais, pour montrer la position straligraphique de ce calcaire et de ce marbre dans une autre localité, où les couches n’étant pas disloquées comme à la Spezia se trouvent avoir les mêmes fossiles, nous sommes heureux de pouvoir publier ici la coupe de Monte Lucese , près de Pescaglia , prise et communiquée par M. Savi (fig. 3). i\ous croyons ne pouvoir jamais trop insister sur la différence démontrée par la stratigraphie et par la paléontologie, entre ce calcaire crétacé et l’autre calcaire lithologiqliement sem- blable, intercalé aux schistes basiques de la Spezia ci-dessus décrits et contenant comme eux les mêmes Ammonites et autres fossiles en très grand nombre. A Sassalbo, ce calcaire est partiellement réduit en chaux sul- (1) Coquand, Sur les terrains stratifiés de la Toscane [Bull, de la Soc. géol. de France , vol, II, 2e sér.). MÉMOIRE DE M. I. COGCHI. 255 fatée, phénomène qui est du peut-être à des émanations gazeuses qui ont traversé cette roche. Un peu hors du centre de cette action, on voit mêlés au gypse de nombreux petits cristaux de dolomie qui, moins attaquables par les eaux, rendent la roche âpre et hérissée. Il est alors fort remarquable de voir l’incomplète épigénie de la roche et les passages continuels du calcaire au gypse; ce dernier en effet rayonne, pour ainsi dire, irrégulièrement dans le calcaire. VIII. Terrain crétacé supérieur. Nous sommes arrivé au terrain le plus ancien parmi ceux qui consti- tuent les Apennins. Je réunissons cette dénomination des formations différentes, faute de données paléontologiques positives. En attendant que des études nouvelles nous fassent mieux connaître la répartition de ce terrain, je le partage en deux étages. L’étage inférieur est presque entièrement représenté par la pietra forte. C’est la pietra forte qui est décrite en général par tous les au- teurs comme variété du macigno, et les quelques fossiles qu’on y avait retrouvés avaient même servi pour appuyer l’opinion de ceux des géologues qui plaçaient le macigno dans la craie, opinion qui, maintenant, a dû être nécessairement abandonnée. La pietra forte est un calcaire arénacé un peu micacé, très dur et très compacte, gris rougeâtre ou verdâtre. Il forme des couches peu épaisses et quelquefois presque schisteuses. Il est presque toujours plus ou moins grésifonne, et cette apparence est quelquefois telle qu’il en était résulté l’opinion généralement admise et ci-dessus indiquée. Étant beaucoup plus dur et pius résistant à l’action de l’air que le macigno, la pietra forte , partout où elle existe, est exploitée activement comme pierre de taille et comme pierre à paver. Plusieurs des beaux monuments de Florence, tels que le palais Pitti, etc. , sont construits avec cette roche presque inaltérable. La pietra forte se trouve par lambeaux sur différents points. J’ai retrouvé un de ces lambeaux dans les environs de la Spezia à Vezzano, où il paraît tiès développé. D’autres se trouvent dans le bassin de Florence à Monte Ilipaldi, Uimagno, San Francesco di Paola, Pontassieve, etc. Il paraît qu'elle se trouve aussi dans les environs d’Arezzo. La pietra forte est accompagnée par des schistes ferrugineux. Les fossiles crétacés rapportés autrefois à la formation du macigno venaient de la pietra forte. C’étaient, entre autres, une Ammonite retrouvée parM. Pentlaud, quelques individus de Y Inoceramm Lamarckii et un Hamite [//. Micheli , Savi et Menegh. (1)], dont on a beaucoup parlé. (1) Savi et Meneghini, Considerazioni , etc., p. 403 256 SÉANCE DU h FÉVRIER 185(3. Des doutes ont été même élevés sur son existence par ceux qui, après que l’on eut reconnu que nos macignos sont en général au-dessus du calcaire à Nummulites, et que la valeur de ce niveau fut établie, conti- nuèrent à confondre la pietra forte avec le macigno. Ce fossile si con- testé fut découvert par le célèbre Micheli dans les carrières di San- Francesco di Paola, presque aux portes de Florence. Il fit partie de la collection de ce savant, plus tard il passa clans celle de Targioni Toz- zetti, et enfin dans le musée de Florence. M. Savi en fit alors un moule en plâtre, qui se conserve encore dans le musée de Pise heureuse- ment, car on ignore maintenant où se trouve le précieux échan- tillon, égaré peut-être dans quelque coin du musée de Florence. Je crois qu’on ne peut pas soulever de doutes sérieux sur l’existence d’un fossile, quand elle est témoignée par des noms aussi respectables que ceux que je viens de nommer (1). Maintenant, la chose n’est pas même plus difficile à admettre, car, du même terrain et des mêmes localités, nous avons d’autres Hamiles, des Scaphites, des Turri- lites, etc. J’ai commencé par retirer de Vezzano une Turrilite gigan- tesque (2), que j’ai déposée au musée de Pise. Ensuite, M. le mar- quis Ch. Strozzi a fait dans le bassin de Florence des découvertes telles, qu’il a pu déterrer une faune tout entière, dont il prépare dans ce moment la description illustrée de planches magnifiques. Cet ouvrage, qui ne lardera pas à paraître, jettera une nouvelle lumière sur ces terrains. A l’étage supérieur se rapporte la partie inférieure des schistes galestrins ( scisti galestrini ou galestro) proprement dits, que je distingue des schistes de la pietra forte , et leurs calcaires, ou en d’autres termes, tout ce qui est entre la pietra forte et le calcaire à Nummulites ou celui qui est à la place du calcaire nummulitique. Ces schistes sont argileux, feuilletés et présentent souvent une espèce de clivage, de sorte qu’ils se divisent, en se délitant, en polyèdres à l’infini. Les calcaires qu’ils renferment présentent plu- sieurs variétés. Le calcaire albér'ese est un calcaire compacte, en couches peu épaisses, et souvent schisteux, à grain très fin, plus ou moins jaunâtre. M. Delesse a constaté qu’il renferme 13 pour 100 d’argile. Il varie beaucoup ; très fréquemment il est coloré par des substances étran- gères et par des infiltrations. La disposition zonaire de ces couleurs y (1) Voyez L. Pilla, Distinzione di terreno etrurio , p. 4, fig. 7 (très mauvaise). — D'Archiac, Histoire des progrès de la géologie , vol. III, p. 1^0. ($) Turrilite s Cocehii, Menegh., Nuovi fossili, etc., p. 37. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 257 est fréquente, et quand, dans ce cas, des mouvements de retrait se sont opérés dans la roche, il en est résulté ia pietra paesina, connue aussi sous le nom de marbre ruini forme de Florence. C’e.^t cepen- dont une roche peu abondante, et dont le gisement est toujours rap- porté à ce terrain avec quelque doute. La pietra colombina remplace le calcaire albérèse dans le sud de la Toscane. C’est aussi un calcaire compacte, mais plus argileux, à grain très serré, gris bleuâtre ou de la couleur du cou du pigeon, d’où vient son nom, en couches peu épaisses, souvent schistoïdes. Dans ce calcaire, ainsi que dans le précédent, les seuls fossiles sont jusqu’ici les Fucoïdes. Dans le Campigliese et à l’île d’Elbe, on trouve une série de couches assez puissantes d’un calcaire à grain extrêmement fin, à fracture conchoïdale et large, rosé ou glauque vert, et tantôt tout à fait blanc, quelquefois même tacheté de couleurs assez brillantes. De très nombreuses dendrites forment un des caractères qui lui appartiennent plus spécialement. Comme ce calcaire se trouve dans un pays où les roches ignées jouent un rôle très important et qu’il est en rapport de position avec des filons métallifères, il est vraisemblable qu’à ces roches sont dus les accidents de sa coloration. Ce terrain est très développé dans les Apennins, dans la chaîne métallifère et dans les groupes serpenlineux. Il donne lieu à des mo- difications particulières dans le voisinage des serpentines, dont je parlerai dans le terrain suivant, car, les mêmes formes lilhologiques se répétant au-dessus du calcaire nummulitique, il est impossible de les séparer quand ce dernier manque et quand les modifications sont très profondes. IX. Terrain tertiaire inférieur. Ce terrain est le plus développé de la Toscane. Avec le précédent, il forme la presque totalité des Apennins et de leurs contre-forts, le système des groupes serpenlineux et une partie de la chaîne métallifère. On peut donc dire que depuis le golfe de la Spezia jus- qu’aux dernières limites méridionales de la Toscane il constitue pres- que partout le sol, et c’est lui qui détermine la physionomie géné- rale du pays. Ce terrain est principalement représenté par la formation du macigno et du calcaire alberese supérieur. La première dénomi- nation ne serait pas à la rigueur applicable à tout ce terrain ; la seconde aurait l’inconvénient d’être également applicable au terrain précédent. Ce terrain se divise naturellement en deux parties bien distinctes qui Soc. géoL. série , tome XIII. \ 7 SÉANCE DU II FÉVRIER 1856. *258 correspondent à des époques différentes par les phénomènes qui se sont accomplis pendant leur durée. J’en traiterai séparément à cause de l’abondance de la matière et de son importance. a. Partie inférieure. Le calcaire nummuiitique ( calcare screziato de M. Savi et gra- nitello di Mosciano des marbriers) forme la base de ce terrain. j C'est an calcaire très dur, à texture compacte et grenue, parfois bré- chiforme, très bien caractérisé par ses Nummulites et par d’autres fossiles. Avec ces caractères, il se trouve à Pieve San Stefano (val di 1 2 3 Tevere) , à Campiglia , à Selvena , à la Consuma et à Mosciano près de Florence, à Monte Lucese près de Pescaglia, à Ripafratta près de Pise, à Barga près de Lucques et ailleurs. Souvent il ren- ferme très peu de Nummulites, et fréquemment il passe à un calcaire . sans Nummulites, argileux, impur, grisâtre, qui occupe une grande étendue dans les Apennins de Pistoia , dans les montagnes de Pise, etc. Le calcaire à Nummulites si bien décrit par M. Murchison (1) constitue un excellent horizon pour séparer ce terrain du précédent. Quand il manque, ce qui arrive souvent, il est presque impossible de distinguer la limite de ces deux terrains, attendu l’absence de données paléontologiques suffisantes. Les fossiles qui, indépendam- ment des Nummulites, caractérisent le terrain tertiaire inférieur, commencent, en général, dans les Apennins, à paraître un peu au-des- j sous de ce calcaire, comme l’ont très bien démontré MM. Al. Spada i et Orsini dans leur excellent mémoire sur les Apennins de l’Italie centrale (2), ce qui n’a pas été, jusqu’ici, observé en Toscane. Au calcaire nummuiitique fait suite une alternance de schistes argilo-calcaires, de calcaires à dalles avec silex et de calcaires très argileux. Cet ensemble de couches est remarquable par des fossiles particuliers fort intéressants et entre autres par le Nemertilites j Strozzii , Savi et Mngh. (3), espèce de ver marin gigantesque, voi- I sin des Nemertes ou mieux des Phyllodoçe vivants. C’est dans les , couches de calcaire à dalles que se trouve ce fossile en quantité si grande que la surface des dalles en est recouverte, de sorte qu’on j (1) Sulla s irut tara gcol. dette À tpi, degli Apennini e dei Carpazi, traduit de l’anglais, et suivi d’un Appendice sur la Toscane , par MM. Meneghini et Savi. Florence, 4 850. (2) Bull. Soc. géol. de France , séance du 2 juillet 1855. (3) Consiclerazioni , etc., p. 145 et 170. Ces fossiles y sont décrits avec beaucoup de détails. MÉMOIRE DE M. !. COCCHI. 259 pourrait très bien donner le nom de calcaire némertilifère à ces couches. Ce singulier dépôt est surtout très développé et parfaite- ment connu à Pontassieve par les recherches assidues de M. le mar- quis Ch. Strozzi. La partie supérieure des schistes argilo-calcaires [scisti (jalestrini) et de leurs calcaires, c’est-à-dire la partie supérieure du calcaire par le calcaire à Nummulites. C’est donc cet ensemble de calcaires et de schistes que nous rapportons à ce terrain. Il ne diffèrent en rien de ceux qui représentent le terrain crétacé supérieur : ainsi je n’en parlerai pas davantage. Sous le nom de macigno employé dans toute l’Italie, on entend un grès quarlzeux, à grain plus ou moins fin, micacé, compacte, gris bleuâtre ou gris de fer, à ciment calcaire, qui forme des bancs très puissants et qui offre partout de véritables ressources par les usages nombreux auxquels il sert. Plusieurs de ses variétés sont impor- tantes à connaître. On appelle pietra morta le macigno qui a perdu son ciment cal- caire. Il est peu compacte, friable, jaunâtre, et est employé comme pierre médiocrement réfractaire. Le macigno perd son ciment calcaire par l’action de l’air et de l’humidité, mais il paraît que ce phénomène s’est produit en grand sous l’influence de circonstances particulières, car on trouve le macigno qui est passé plus ou moins complètement à l’état de pierre morte sur des étendues très considérables. Le macigno ordinaire est compacte, à grain suffisamment fin, plus ou moins micacé, le plus souvent gris d’acier, plus rarement gris jaunâtre. L’oxyde de fer qu’il contient finit par passer à un plus haut degré d’oxydation, ce qui, avec la perte de son ciment, amène sa désagrégation et la production d’une immense quantité de sable quartzeux, micacé. Le type est le macigno de la Gonfolina, localité très intéressante à étudier (1). La pietra serena est une variété encore plus compacte et tenace, à grain très fin, qui peut prendre un certain poli. C’est ainsi une grande ressource pour l’architecture, et quel- (1) La Gonfolina est une gorge très étroite, où passent l’Arno et le chemin de fer qui va de Florence à Livourne. Elle est à peu de distance de la ville d’Empoli. On peut encore y voir qu’elle a été creusée par les eaux de l’Arno, qui se sont ouvert un passage pour couler à la mer en comblant toute la grande vallée actuelle de l’Arno, depuis Empoli jusqu’à Livourne, conjointement avec les eaux du Serchio, qui entre dans la plaine de Pise par la gorge de Ripafratta (Meneghini, Lezioni di geograjin fisica, Pisa, 1851, vol. 1, p. 257). 260 SÉANCE DU 4 FÉVRIER J 856. ques*unes des plus belles églises de Florence en sont construites. On trouvera le lypede cette variété dans les immenses carrières de Fiesole et de monte Ripaldi, près de Florence. Nous appelons prismatique le macigno qui a une structure prismatique particulière. Celte struc- ture, qui est, du reste, rare, est due peut-être à un phéno- mène particulier de retrait, d’où est résulté ce grand nombre de lignes normales au sens de la stratification. On en voit un bel exemple à Verrucola, près de Fivizzano, où une grande série de couches très puissantes de macigno ordinaire, exploitées avec une grande activité , sont recouvertes par une dizaine de mètres de macigno qui présente la structure indiquée. Il se compose, en effet, de prismes rhomboïdaux enchevêtrés les uns dans les autres, qui se divisent, en les cassant, en prismes plus petits ayant la même forme. * — La cicerchina est le macigno à grain de la grosseur des vesces ; c’est un vrai drift qui passe au macigno gompholite, dans lequel les éléments quartzeux et parfois des fragments de roches granitiques ont une grosseur considérable. Le macigno ne renferme que très peu de fossiles, excepté les fucoïdes et des zoophytes peu déterminables. Un des fossiles qui lui est particulier est le Chiton antiquus , Savi et Mngh. On y rencontre souvent de la matière végétale sous forme de Stipite qui constitue quelquefois des amas considérables. Il y a aussi souvent des fragments de schistes très noirs, et plus rarement rougeâtres ou verts, qu’il faut se garder de prendre pour de la matière charbonneuse (1). Le maci- gno alterne quelquefois avec le calcaire albérèse dont j’ai parlé; mais en général il constitue toute la partie supérieure de la formation éocène inférieure. C’est pendant sa déposition que les plus grands phénomènes volcaniques ont commencé à se produire et le continent italien à se former ; c’est alors que commence l’éruption d’une grande série de roches. Je reviendrai un peu plus tard sur ces phéno- mènes. Maintenant je décrirai la roche d’épanchement qui appar- tient à l’époque dont nous parlons. C’est une serpentine à diallage, vert foncé, qui a tous les caractères ordinaires, et qu’on a aussi l’habitude d’appeler ancienne , étant antérieure à une autre ser- pentine que nous rapportons à une époque plus moderne. (1) Pour de plus nombreux détails sur le macigno, voyez l’ouvrage de Giovanni Targioni-Tozzelti, Fiaçgi in Toscana , et surtout le cha- pitre où est décrite la Gonjolina. Yoy. aussi P. Savi, Mcmoria sur l’Apennino pis toi esc, et pour les fossiles, l’ouvrage plusieurs fois cité de MM. Savi et Meneghini, Considcrazioni , etc. SJÊMOÏKE DE M. I. COCCHf. 261 Le serpent ino nero antico , ou Nero di Prato , en est une variété très importante qui, pouvant résister à l’action de l’air, a été em- ployée depuis les temps les plus anciens dans l’architecture. Le serpentino verde di Pratoe std’un beau vert clair ; c’est aussi une jolie pierre de décoration ; mais, s’altérant facilement à l’air, elle ne peut être employée que dans l’intérieur des édifices. Les autres varié- tés, qui diffèrent par la disposition et la nuance des couleurs, par la dureté, etc., sont innombrables; on les désigne en général d’après la manière de les travailler, au ciseau ou au tour. Cette roche forme des typhons qui sont souvent traversés par des roches qui traversent également les dépôts d’origine postérieure (fig. 2, 6, 7 et 8) (1), mais elle n’a jamais traversé aucune roche ignée. Les roches dont j’ai parié dans ces deux derniers chapitres étant traversées et disloquées par des serpentines et d’autres roches ignées se trouvent très fréquemment modifiées profondément ; d’où il est résulté des roches très différentes qui, selon la nature et le degré du métamorphisme, sont des termantides, des phtanites, des jaspes et des gabbrorossi. Ces roches étant pour la plupart connues par- tout ailleurs et plus ou moins accidentelles, je ne m’y arrêterai pas beaucoup. Quant aux jaspes, qui sont une modification des schistes galestrini, je citerai les gisements les plus célèbres, c’est-à-dire Giar- reto, près de Pontremoli, et Barga, au nord de Lucques, d’où vien- nent les jaspes qui ont servi à la construction de quelques grands monuments de Florence (la grande chapelle de Médicis et d’autres). Le gabbrorosso mérite que l’on en parle un peu davantage, ayant plus d’importance pour le géologue. Le gabbrorosso (2) est une roche particulière provenant de l’altération des schistes galestrins et de leurs macignos, auxquels se sont ajoutés les éléments de la roche éruptive, mais par un procédé plutôt chimique que mécanique. Cette roche est à base d’apparence simple, d’une couleur rouge très foncé (1) Je dois à la bienveillance de M. Savi les coupes ci-dessus indi- quées, prises par lui même sur les lieux et encore inédites, et sur lesquelles j’appellerai encore l'attention des lecteurs. (2) Dans le classique ouvrage de Giovanni Targioni Tozzetti, Viaggi in Toscana , publié en 1768 (2e édit.), le nom de gabbro a été employé dans un sens générique, pour indiquer toutes nos serpentines, les diorites et le granitone, ainsi que le gabbrorosso L’auteur, pour chacune de ces roches et de leurs variétés les plus importantes, avait formé plusieurs espèces de gabbro en les indiquant sous les noms de première espèce, deuxième espèce , etc Toutes ces roches y sont ainsi parfaitement distinguées et décrites : le gabbrorosso, dont nous parlons ici, est sa cinquième espèce de gabbro. S62 SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1856. on gris bleuâtre. Elle est souvent à l’état fragmentaire, et les frag- ments ont toujours la forme de prismes ou de gros dés qui sont collés les uns aux autres par une espèce de pâte ou par un commencement de fusion, mais sans que les surfaces de contact se correspondent jamais exactement, d’où il résulte une structure à bosses qui affecte même souvent l’apparence de marches, et qui est particulière au gabbro- rosso. Les roches originaires se pénètrent si intimement à leur point de contact, que bientôt elles ne forment plus qu’une roche dont les éléments ne sont plus reconnaissables : alors la stratification de la roche élémentaire est complètement effacée, la structure en est entiè- rement massive, la dureté est plus de 5, la pesanteur assez considé- rable; la cassure fraîche est âpre au toucher, l’action sur l’aiguille aimantée est nulle. Dans cet état , il ressemble beaucoup à quelques variétés de diorite. Ainsi, on a pris quelquefois du diorite pour du gabbrorosso, et vice versa , d’où est née l’opinion quelquefois émise, que le gabbrorosso est une roche éruptive. Mais c’est une erreur ; partout on peut s’en assurer et voir les passages de la roche massive à la roche stratifiée, et de celle-ci à celle qui n’a pas perdu ses caractères ordinaires ou qui n’est nullement modifiée. Les analyses du gabbro- rosso de l’Impruncta, faites par M. le professeur.Bechi, ont donné les résultats suivants : SiO3 60,4582, A1203 30,3750, GaO 2,4498, FeO 4,2083, MnO 1,0833, MgO 0,9500, HO 0,4754. Plusieurs minéraux sont propres au gabbrorosso. Telle est la Caporcianite (Ga3Si2 + 3 Al, Si2 + 9H) dont le nom vient de la mine de Caporciano, où elle se trouve en masses radiées, eu petits filons et en cristaux isolés du système du prisme rnonocline. Avec la caporcianite on trouve plusieurs autres minéraux, savoir : Savite = (Mg,Na)3Si2 + AiSi 2H, Sloanite = (Ga,Mg)3Si2 -f- 5AlSi + 9H, Schneiderite — 3(Ca,Mg)3Si2 -f- Àl3Si2 + 3 H, Picrothomsonite = (Ga,Mg)3Si + 2|A1S + 4|H, MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 263 el d’autres encore qui forment une intéressante série de zéolithes à base de magnésie, parmi lesquelles la plus singulière est le Picranalcyme — Mg3,S1 2 -f- 3AlSi2 -j- 6H (1). Le gabbrorosso est une roche très répandue, qui se trouve presque i partout au contact de la serpentine avec le terrain crétacé supérieur et avec la partie inférieure de l’éocène. Ainsi, c’est avec les serpen- tines cette roche qui forme la presque totalité du système des monts ! serpentineux. Une autre roche est encore très fréquente dans ces terrains : c’est l’ophicalce (spilite diallagique de L. Pilla), qui parait avoir dû son ori- gine à un mélange mécanique de fragments calcaires et de serpen- tine que nous appelons moderne , et dont nous aurons beaucoup à parler. Le gisement de cette roche, qui s’est ainsi produite plus lard, étant subordonné aux calcaires auxquels elle se lie, peut apparte- nir à plusieurs terrains, ainsi qu’on le verra dans le catalogue. b. Partie supérieure. La partie supérieure de ce terrain mérite une attention spéciale à cause des grands phénomènes qui se sont accomplis pendant sa dé- position, et nous pensons qu’en la séparant el en la traitant à part on peut mieux faire l’histoire de notre terrain éocène. Des grandes discor- dances séparent quelquefois très nettement celte partie supérieure de l’inférieure, ce qui arrive dans les Apennins de Prato (fig. 9), et sur le versant oriental de cette chaîne, où elle est très développée et parfaitement distincte de l’inférieure, comme l’a très bien démontré M. Scarabelli, dans sa carte géologique de la province de Bologne. Partout ailleurs dans les Apennins la concordance est parfaite et les liaisons lithologiques en rendent la séparation très difficile. Cette discordance, souvent marquée par l’absence complète de cette partie, se répète dans les monts serpentineux, el l’on en verra bientôt la valeur. Ce sont des calcaires recouvrant le Macigno , analogues aux précédents qui représentent souvent cet étage. Dans la vallée du Tibre, c’est un calcaire à fucoïdes argileux très développé. Ce calcaire, au lieu de fossiles, contient des nombreux fragments de serpentine à (1) La découverte de ces minéraux est due à M. Meneghini, leurs analyses à M. Bechi. — Voyez Dana, J System ojf minertdogy , fourth édit., vol. II, p. 31 1 ,316, 318, 329. SÉANCE DU k FÉYUIER 1850. 20A diallage, qui ne traverse jamais l’éocène supérieur. Sur une grande surface, du côté septentrional et oriental des Apennins, c’est lin grand dépôt argileux. On traverse ce dépôt en allant de Pistoia ou de Florence à Bologne par la Porretta ou par Le Filigare. Il constitue une bande parallèle au sommet de l’Apennin, dont la largeur est représentée par I la distance qui est entre la Porretta et Vergato. Ce sont les argille \ scagliose (argiles écailleuses) de M. Bianconi, si bien décrites dans t son ouvrage : Storia Naturelle dei Terreni ardenti , imprimé à Bo- logne en 18Ô0. Ces argiles qui avaient été déjà observées et séparées des argiles subapennines, dans le dernier siècle, par Camille Gal- vani (1), ont été plus tard confondues avec celles-ci par quelques géo- logues. Maintenant on est d’accord sur l’exactitude des observations de Galvani. Ces argiles sont noirâtres ou grisâtres, un peu onctueuses au toucher, et contiennent beaucoup de magnésie. Elles se délitent et se cassent en morceaux qui ont la forme d’écaiiles dont les sur- faces sont lisses et luisantes, d’où vient le nom qui leur a été donné par M. Bianconi. Leur poussière est blanchâtre et 11e renferme aucune trace de corps organisés ; elles 11’ont pas une stratification apparente ; mais les nombreux rognons et amas lenticulaires de calcaire à fucoïdes qu’elles renferment sont disposés en couches parallèles les unes aux autres. L’ensemble de ces caractères, ainsi que les dimensions comparativement petites du bassin où elles se sont déposées, ont engagé depuis fort longtemps M. Bianconi à les considérer comme ayant été produites par un phénomène d’éjacula- tion, et à les regarder comme un produit analogue à ceux des salses d’aujourd’hui, qui, même dans les Apennins, sont fréquentes. En 18ù0 encore ( loc . cil.), il soutint celte opinion contre les objections * de M. Santagata. Quand, en 185ô, j’étudiai dans l’ouest de ia France le kimmeridge- 1 clay et l’oxford-clay, je n’avais pas négligé d’examiner l’opinion qui leur attribue cette origine, et une comparaison entre ces formations et ce que j’avais vu l’année précédente dans les argiles écailleuses des Apennins me faisait apprécier toute la différence qu’il y a entre ces argiles éocènes et les précédentes formations jurassiques ; d’où je concluais que si celte hypothèse pouvait être quelquefois vraie, ce devrait être pour les argiles décrites par M. Bianconi plutôt que (1) G. Galvani, Delhi pietra fosforica bnlognese , Bologna. 1780. — Voyez le mémoire de M Scarabelli dans le Bull. Soc.géol. de F a/ice, 2e sér., t. VIII, p. 2.14, et Car ta geulogica délia provincia di Bologna , Imola, 1853, du même auteur. — Savi, Mernoria sali ’ Apennino Pistoiese. MÉMOIRE DE 31. I. COCCHI. 265 pour tout autre cas. Il est cependant à observer que la présence de la magnésie et d’autres minéraux accessoires, l’onctuosité au toucher et les changements très variés qu’elles présentent se trouvent à un d’autant plus haut degré qu’on se rapproche des roches ignées qui les ont traversées. C’est d’après ces considérations que M. IMeneghini les considère comme un simple dépôt argileux ordinaire formé au fond des eaux, et qui a été ensuite métamorphosé par l’apparition de la serpentine moderne. Avant d’aborder le sujet très important des roches dont l’épan- chement s’est opéré à l’époque de cet étage, je dois entrer dans quel- ques détails nécessaires pour l’appréciation de ce que je vais dire. Je n’ai pas la prétention de faire une histoire complète de ces roches et des phénomènes qui s’y rattachent; ce serait le sujet d’un grand travail, et bien des recherches sont encore à faire pour le compléter. M. Savi, du reste, a beaucoup écrit sur ces roches, et presque tout ce que nous en savons est le résultat de ses recherches, dont l’exactitude a pu être vérifiée par tous les géologues qui ont voulu s’en donner la peine. Les progrès que la science a faits depuis lors me permettent cependant d’enrichir ce mémoire de nouvelles observations et des déductions qui en sont le résultat. La manière exacte avec laquelle on est arrivé à tracer la chrono- logie de nos roches ignées n’a rien d’étonnant, à mon avis, quand on est assez persistant dans la recherche scientifique et assez heu- reux pour trouver un nombre suffisant de faits indicateurs, et quand on les réunit, 'qu’on les compare, qu’on les discute, qu’on les ap- profondit. Il me suffira d’indiquer en peu de mots ces faits, d’ail- leurs connus de tous ceux qui se livrent à ces recherches. On sait qu’une roche ignée quelconque ne peut jamais être anté- rieure aux dépôts à travers lesquels elle a été injectée. On sait encore qu’une roche ignée qui est traversée par une autre roche de la même nature, est nécessairement plus ancienne que la roche traver- sante. Les fragments d’une roche ignée dans une roche sédimentaire indiquent l’origine postérieure de cette dernière, tandis que, au con- traire, la présence des fragments d’une roche sédimentaire dans une roche ignée quelconque, indique que la première s’est dé- posée avant l’apparition de celle-ci ; de même, les fragments d’une roche ignée enclavés dans une autre roche ignée nous indiquent que l’une s’est épanchée après l’autre, et, si cela se répète plusieurs fois pour plusieurs de ces roches, nous avons encore l’indication de leur ordre d’ancienneté. Les dislocations partielles du sol dues à l’éruption des roches ignées offrent aussi de bons moyens pour déterminer l’époque de 266 SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1856. l’apparition des roches qui en ont été la cause, et l’on arrivera même ainsi à reconnaître l’action de chacune de ces roches dans un pays. Les liaisons minéralogiques et topographiques enire plusieurs roches, l’identité ou la différence des altérations qu’elles produisent sur les dépôts qui sont en contact avec elles, et la nature des miné- raux qui en peuvent résulter, sont encore souvent des données qui peuvent nous éclairer dans l’étude des analogies et des rapports d’ori- gine de plusieurs de ces roches. J’ai terminé la description de la partie inférieure du terrain éocène en parlant d’une roche éruptive que j’ai appelée, d’après 31. Savi, Ser- pentine à (Hallage ou ancienne. C’est alors que j’en ai parlé; car son éruption est bien certainement contemporaine de la formation de ces dépôts. Les monts serpentineux qui, comme je l’ai dit, forment un système de montagnes indépendant des deux autres dont il a été parlé, ont été bien évidemment produits par l’éruption de cette roche, ou, si l’on aime mieux, la configuration de ce relief et l’appari- tion de la serpentine ancienne sont deux faits contemporains et qui dépendent de la même cause. Partout le terrain crétacé supérieur et la partie inférieure de i’éocène ont été disloqués par la serpen- tine ancienne, ce qui prouve que celle-ci est postérieure à leur for- mation, et partout dans les groupes serpentineux, on voit une discor- dance entre la partie inférieure et la supérieure de ce terrain, discordance qui est souvent représentée par l’absence complète de celte dernière. L’époque de ce soulèvement est donc bien établie, aussi bien que celle de l’épanchement de cette serpentine. J’ai déjà dit que le calcaire à fucoïdes de la vallée du Tibre, etc., ren- ferme en abondance des fragments de cette roche, tandis que ces fragments n’ont jamais été retrouvés jusqu’ici dans les dépôts qui forment la partie inférieure de ce terrain (1). Cette roche existait donc déjà pendant la déposition de l’éocène supérieur, et le fait signalé est ainsi de la plus haute importance, car il vient, avec le précédent, déterminer de la manière la plus rigoureuse la place que nous avons assignée à celte roche. Les études stratigraphiques et orographiques prouvent que c’est à peu près à la même époque qu’ont eu lieu le premier et le plus grand soulèvement de la chaîne métallifère, et un soulèvement partiel de la partie centrale des Apennins; mais plusieurs faits nous prouvent que le système des groupes serpentineux a précédé celui de la chaîne (1) Dans les coupes données par M. Pilla [Terreno Etrurio , -1846), on voit très nettement la place du calcaire albérèse avec fragments d’ophiolithe, supérieur au macigno. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. *267 métallifère, ou que du moins ce dernier n’est nullement en rapport avec l’apparition de la serpentine. En effet, dans les chaînons détachés qui composent la chaîne métallifère on ne rencontre jamais la moindre trace de roches serpentineuses. L’application des mêmes considérations va nous servir dans l’étude i de la série bien plus nombreuse des roches éruptives qui appartiennent à la partie supérieure du terrain tertiaire inférieur, et dont j’ai par. ! conséquent à m’occuper plus spécialement ici. Ces roches sont bien certainement postérieures à la serpentine à diallage, car non-seulement elles la traversent (fig. 2, G, 7, 8, 10), mais encore elles ont percé toute la partie supérieure du terrain tertiaire inférieur, comme on peut s’en assurer à Monte Vaso, à ! Miemo, dans les montsde Livourne, etc. Ces roches, bien évidemment, ne sont pas contemporaines l’une de l’autre, mais elles ont dû se ! suivre par intervalles. Je commencerai donc par celle qui paraît avoir j précédé les autres. Celte roche est une euphotide que M. d’Omalius d’Halloy propose de nommer granitone, du nom qu’on lui donne en Toscane, car il pense qu’on ne doit pas confondre cette saussurite à diallage avec la saussurite à smaragdite qui est la véritable euphotide ou Verdedi Corsica. Cette distinction me paraissant bien fondée, j’appellerai cette roche granitone. Le type de cette roche est le granitone pro- prement dit ou la variété nommée granito di Prato , dans le com- merce, avec laquelle on fait des meules à blés très estimées. Celte variété est formée par une pâte de feldspath saussurite très dur, pouvant rayer l’acier, et de diallage en cristaux, de différentes grandeurs, irrégulièrement disséminés dans la pâle. D’autres variétés n’ont pas la même dureté à cause d’une proportion variable de stéatite qui s’ajoute au feldspath ou par suite de la grande quantité de diallage. La diallage est souvent en très grands cristaux d’un gris verdâîre; souvent c’est la véritable bronzite. Ces cristaux n’ont pas toujours de grandes dimensions : au contraire, ils sont fréquemment très petits. Nous avons étudié, 31. Meneghini et moi, les rapports de ces deux variétés et nous avons reconnu, à San Zanobi, à la LMaliesca et ail- leurs, (jue la variété à grands cristaux représente constamment la par- tie centrale de l’injection où le refroidissement a dû s’opérer plus lentement. L’analyse a découvert dans celte diallage moins de chaux que de magnésie, une quantité de fer qui est à peu près la moitié de la magnésie : on y a signalé la présence du bore et presque 2 pour 100 d’eau. La stéatite la remplace souvent en entier : il en résulte alors une roche particulière qui est une saussurite stéatiteuse qui, géognostîquement, n’est qu’une variété de granitone, mais qui, 268 SÉANCE Dü 4 FÉVRIER 1856. minéralogiquement, en diffère. M. Savi l’a découverte à Monte Vaso, à l’Impruneta et dans presque tous les groupes serpentineux. Le granitone a suivi le même chemin que la serpentine ancienne; il l’a traversée (fig. 2, 6, 7, 10) et a percé même et modifié la partie supérieure du terrain tertiaire inférieur, comme on peut le voir à Monte Vaso et dans les autres localités mentionnées. Ce qui vient encore, après cela, nous prouver que ce granitone est postérieur à l’ophiolite, c’est que dans le terrrain éocène supérieur dans lequel nous avons noté la présence de nombreux fragments d’ophiolite, on ne rencontre jamais la moindre trace de granitone, ce qui aurait lieu si l’apparition de celle roche eût précédé la déposition de ce terrain. Ayant ordinairement suivi les injections de la serpen- tine ancienne, le granitone se trouve en général au milieu des roches métamorphosées par celle-ci, et il est donc très rare de pouvoir obser- ver d’une manière évidente son action sur les roches sédimenlaires. Quelquefois on la voit cependant, et on a alors quelques exemples de métamorphisme bien évident : je cite Monte Vaso comme exemple. Par suite des dernières injections du granitone, dans la serpentine ancienne, il est résulté souvent une roche toute particu- lière et très belle comme pierre de décoration, mais tout à fait acci- dentelle, qui est d’un beau vert clair, avec des veinules noirâtres entrelacées dans tous les sens; c’est ce qu’on appelle Ranocchiaia, à cause de sa ressemblance avec la peau d’une grenouille. Elle se rencontre surtout à Monte Ferrato près de Prato, à Monte Castelli et à l’Impruneta près de Florence: je l’ai retrouvée à Camporgiano dans le haut Valdiserchio. Le diorite n’est venu qu’après, car ses filons s’injectent à travers le granitone (fig. 7). Le diorite a en outre causé quelques disloca- tions partielles. Ces dislocations de tout le terrain tertiaire inférieur n’intéressent jamais le terrain tertiaire moyen et sont bien distinctes de celles qui sont dues à l’ophiolite. Ce diorite a, en général, sa tex- ture ordinaire, et quelquefois granitoïde et porphvroUe; il est tantôt massif, tantôt sillonné par des fentes verticales et horizontales qui se dirigent dans tous les sens, surtout à la surface, ce qui lui donne une apparence particulière, par l’effet de laquelle, s’il s’y ajoute une colo- ration rouge foncée, il imite parfaitement le gabbrorosso. Ce dernier, quoique généralement dû à la serpentine ancienne, dépend quelque- fois cependant du diorite. Nous avons reconnu, M. Meneghini et moi, ce fait sur une grande échelle dans les Apennins de Bologne, surtout à Monte Béni, Sasso di Castro, Sasso Garbino ; des dykes immenses de diorite sont tout autour enclavées dans le gabbrorosso, qui passe à une certaine distance aux schistes et au macigno (fig. 11). MÉMOIRE DE M. I. CGCCHI. 269 i Le diorite passe à une véritable roche cornéenne, à une aphanite proprement dite, dont la pâte est complètement homogène. De meme que le diorite ordinaire est quelquefois porphyroïde, l’aphanite l’est aussi très souvent, et cette variété, qui est une espèce de porphyre vert, doit être appelée aphanite porphyroïde pour éviter toute im- propre dénomination. C’est une très belle roche, d’une dureté et d’une ténacité surprenante, d’un beau vert plus ou moins brunâtre, avec de grands cristaux grisâtres ( Bolro aile Donne) ou blancs (Rocca Tederighi, Riparbella) de saussurite. Ces trois roches diori- tiques sont donc intimement liées entre elles, la différence étant dans leur texture plutôt que dans leurs éléments, et ne constituent, en définitive, qu’une seule et même éruption. Ces diorites, aussi bien que le granitone et la serpentine à dial- lage, appartiennent au système des monts serpentirieux, et, d’une manière plus générale, à toutes les zones serpentineuses dont j’ai parlé au début, et ne sont nullement en rapport avec la chaîne métallifère, où elles ne se rencontrent jamais. Les roches ignées de cette époque, dont j’ai encore à traiter, appartiennent au contraire exclusivement à la chaîne métallifère. Pour mieux faire, nous les diviserons en deux séries. La première série est représentée par les amphiboles et par les amas de fer. La dépendance relative de ces genres de roches est un fait tel- lement connu qu’il est inutile d’y insister beaucoup. Nous avons d’abord le fait de la formation des minéraux d’amphibole partout où les filons de fer se trouvent en contact avec une roche calcaire (1). L’ilvaïtese trouve également associée dans des conditions analogues aux minéraux de fer. Dans le Campigliese et 5 l’île d’Elbe, l’ilvaïte s’associe toujours à l’amphibole, et ces deux minéraux passent par degrés de l’un à l’autre, et, dans certains cas, à l’épidote, qui est la base d’une roche que L. Pilla avait appelée épidosite , mais qui est due à l’action d’une roche ignée postérieure sur les amphiboles qui préexistaient. En gé- néral, ces deux minéraux, ilvaïte et amphibole, sont conslamment ensemble, et l’on pourrait dire en quelque sorte que la différence entre eux n’est due qu’aux différentes conditions de gisement. Les amas de fer de l’île d’Elbe sont des filons immenses qui se composent surtout de fer oligiste (Rio), de fer oxydulé (cap Cala- mita) et de fer hydraté. Le massif de fer oligiste de Rio qui a pénétré les schistes paléozoïques a une épaisseur de 600 mètres; les filons de fer oxydulé du cap Calamita, de 5 à 7 mètres d’épaisseur, traversent en nombre immense les schistes jurassiques. Ces mêmes schistes juras- (1) Savi, Sul mischio di Serravezza J 1830. 270 SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. siqu'es sont traversés par des fiions de fer oiigiste à Terra-Nera, près de Longone (1). L’amas de fer de Gomnello (Alpes apuennes), dans le terrain crétacé inférieur, est du fer oiigiste; les autres gisements, dans les calcaires liasiques et dans les schistes oolithiques de ces montagnes, sont de fer oxyduié ou de liinonite. Dans le Campigliese, c’est un dyke de liinonite et de fer oiigiste dans les schistes crétacés supérieurs de Monte Valerio, et c’est la limonite qui constitue des fiions et des < dykes dans le terrain tertiaire inférieur du Massetano. Les dykes du Massetano, ainsi que celui de Pecoraio, près de Ribarpella, mo- difient plus ou moins profondément les terrains crétacé supérieure! tertiaire inférieur qu’ils ont percés. A Sassalbo, ces liions percent les schistes crétacés qui sont au-dessus du calcaire noir, en partie converti en gypse, et nous avons constaté dans ces schistes les mêmes altérations qui s’étendent même à la partie inférieure du terrain éocène qui les recouvre. Quoique ces amas et ces filons de fer ne se prolongent pas tous à travers le terrain tertiaire inférieur, et bien qu’ils s’arrêtent en général aux terrains plus ou moins anciens, nous les considérons tous comme contemporains par leur direction, qui est constamment la même, et par leur association avec d’autres roches éruptives dont l’âge est bien certain. , Les amphibolites, dans les Alpes apuennes, ont peu de développe- ment et sont toujours subordonnés aux fiions de fer. Dans les montagnes du Campigliese, leur développement est beaucoup plus considérable. Les grands filons de Monte Calvi, Cava del Piombo, San Silvestro, Ortaccio et Temperino, se composent tantôt d’ilvaïte, tantôt d’amphibole radié. L’ilvaïte y est associée à l’amphibole verte plus ou moins foncée et jamais à l’amphibole qui est parfois vert I clair, parfois aussi rouge et bleuâtre. Cette dernière variété, dont le gisement est le même que celui de l’amphibole vert, peut être con- sidérée comme bustamanite. ^’ilvaïte et l’amphibole verte forment des amas à structure fibreuse et rayonnée, qui renferment du quartz j et des sulfures de cuivre, de fer, de zinc et de plomb argentifère (2). Quoique plus développées qu’ailleurs, ces roches, même dans le Campigliese, se lient intimement aux minerais de fer et se ren- contrent dans tout le terrain tertiaire inférieur, mais jamais au delà. Ce fait étant bieu établi, il nous sert, non-seulement à bien ' (1) Pour les fers de l’île d’Elbe, voyez Repetti, loc. cit . , vol. II, p. 585; et vol. III, p. 214. (2) Ces gisements métallifères ont été exploités avec une grande activité depuis les temps les plus reculés. On y admire toujours les immenses travaux de l’ancienne époque étrusque. i MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 271 déterminer l’époque de la formation des filons de fer inséparables des amphiboles, mais encore dans l’étude de l’autre série des roches ignées qui intéressent la chaîne métallifère, série dans laquelle aussi nous retrouvons, à l’appui de notre classification, des faits indicateurs non moins précis. Ce sont des roches feldspalhiques dont l’éruption se prolongea pendant longtemps, et dont la plus ancienne a dû être contemporaine des liions de fer, ou a dû les suivre de très près. Celte roche est un véritable granité composé de feldspath orthose blanc, rougeâtre ou jaunâtre, quelquefois de feld- spath à base de lithine (pélalile ou castor), de mica, qui est fréquem- ment de la lépidolite, et de quartz blanc ou enfumé, tous ces élé- ments étant à l’état cristallin. La tourmaline y est constamment | associée, d’où le nom de granité tour mal inif ère qu’on lui a donné. On l’appelle aussi granité moderne pour le distinguer de l’autre dont j j’ai parlé, car celui ci est « postérieur aux macignos et aux serpen- j » tines qu’elles traversent, et dans lesquels il se ramifie sur tout le » périmètre de la côte de l’île d’Elbe M. Savi a signalé depuis » longtemps que les granités de l’Elbe traversent les serpentines et » les grès à fucoïdes, et l’on trouvera sur le continent des » preuves non moins certaines de son âge très récent (1). » On pour- rait encore ajouter à ces faits qu’on cite des fragments de macigno éocène rencontrés dans ce granité, ce qui est encore un fait très concluant. Ce granité passe à un porphyre quartzifère qui est d’âge certaine- ment plus récent, car il a bouleversé et porté à des hauteurs consi- dérables les marnes subapennines. Par ce seul fait on serait amené à considérer comme encore plus moderne l’époque de son éruption, s’il ne se présentait pas trop intimement lié aux roches amphibo- liques et aux fers. A l’île d’Elbe, en effet, les cristaux de fer oligiste et d’orthoclase se groupent fréquemment ensemble, et quelquefois tous les éléments du granité se trouvent ainsi cristallisés avec les miné- raux de fer. A Gavorrano des amas de fer sont complètement enclavés dans le granité à tourmaline, et la direction enfin des filons de ces deux roches est partout constamment la même. Ce granité forme des massifs d’une épaisseur énorme et s’injecte en filons de toutes les dimensions, et qui n’ont souvent que quelques centimètres d’épaisseur à travers le terrain tertiaire inférieur, sur toute la côte orientale et méridionale de l’île d’Elbe. Ces filons traversent encore le granité ancien de monte Capanna (2), dont i\) Burat, Théorie des gîtes métallifères, p. 189. (2) « Da questo monte (Capanna) partono corne da una massa 272 SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. la séparation d’avec le moderne a été faite pour la première fois, ainsi que je l’ai dit, par M. le marquis Pareto. Ce granité, on ne le ren- contre pas seulement dans les îles, mais encore sur le continent, à ( Gavorrano, où il constitue peut-être le massif le plus considérable. Les cristaux de feldspath, de tourmaline et d’autres minéraux qui s’y rencontrent, et surtout ceux de tourmaline, sont connus partout par leur beauté. Je ne m’v arrêterai donc pas. Je ferai seulement ( observer aux géologues auxquels les questions sur l’origine des masses minérales sont familières, que ces tourmalines sont remar- quables par leur intégrité et par leur longueur souvent extraordi- naire et qu’elles sont enclavées dans les filons dans tous les sens. J’en ai vu qui avaient à peu près 20 centimètres de long, et il est à présumer qu’elles auraient été plus longues si l’échantillon qui les portait avait été plus complet. Ces cristaux se groupent souvent ensemble en forme de faisceaux au milieu de la pâte granitique, ou rayonnent tout autour d’un centre commun. Ces faits et la manière même dont ce granité se trouve injecté à travers tous les terrains jusqu’au macigno ne pourraient pas s’expliquer si l’on supposait que ce n’est autre chose que du granité ancien, incom- plètement réchauffé et poussé de bas en haut. Si l’on supposait que ce serait du granité à tourmalines, ancien, complètement refondu, et injecté à travers des terrains beaucoup plus modernes, pour repren- dre, en se refroidissant, exactement sa texture primitive, nous serions d’accord en ce que nous disons qu’il est moderne par rapport à l’époque dans laquelle son éruption s’est opérée, sans deviner ni où ( ni dans quel état il se trouvait avant son épanchement. J/action que ce granité exerce sur les roches sédimentaires n’est i pas constante. En général, il ne métamorphose pas les roches, au moins d’une manière très sensible, et l’on a retrouvé dans son voisi- nage des fucoïdes parfaitement reconnaissables. On cite cependant quelques cas dans lesquels les choses ne se passent pas ainsi. Au Posto dei Cavoli , par exemple, il a converti en calcaire saccharoïde » centrale filoni che penetrano nel macigno e nelle serpentine « Le balze litorali dell’ isola (Elba) presentano ad ogni passo simili r> penetrazioni del granito, accompagnato dalle solite modificazioni » délié Rocce anteriori al suo trabocco ; onde egli è provato oramai » che vi sono State eruzioni granitiche dopo il Terreno Etrurio (ter- » rain tertiaire inférieur). » ( Colle gno démenti cii geol. pratica e teoriea , Tori/io , 1847.) La découverte de l âge de ce granité a été une des premières qui aient été faites par M. Savi. Ont aussi parlé de ce granité : MM. Pilla, Pareto, Sluder et d'autres, et je renvoie à ce qui en a été dit par ces géologues. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 273 le calcaire albérèse, et à l’Eufola quelques couches de schistes en phtanites. M. Meneghini pense que l’on ne peut pas donner une raison satisfaisante de ces faits : il croit cependant que l’on peut admettre que, quand l’injection est oblique, les roches qui sont au- dessous ne sont pas, en général, altérées, tandis que celles qui sont au-dessus sont altérées profondément; que si des dépôts calcaires, arénacés et argileux, se trouvent être traversés, c’est sur les derniers que le métamorphisme s’exerce de préférence. Il avoue cependant que même ces deux règles générales ne sont pas toujours applicables au granité. C’est encore après la fin du terrain tertiaire inférieur que nous devons rapporter la formation des nombreux filons métallifères de la chaîne métallifère et de ceux des Apennins. C’est au moins ce qui nous est indiqué par leur gisement. La direction de ces filons est la même pour tous, et c’est la même que pour les filons de fer. Ces filons sont, en général, des dykes immenses dans lesquels plusieurs minéraux sont disséminés irrégulièrement. Un système de filons presque régulièrement rubanés, à gangue tantôt quartzeuse, tantôt spathique, vient croiser les dykes avec une direction N.-O., S.-E. On pourrait croire au premier abord qu’ils appartenaient à un phé- nomène et à une époque différents, mais le passage graduel des dykes aux filons, sans interruption ni des uns ni des autres, et l’identité des conditions extérieures, montrent que les filons sont des dépendances des dykes, et ont été produits dans le même temps et par les mêmes causes. Les filons rubanés abondent dans le Massetano. Les dykes se trouvent, non-seulement dans le Massetano, mais encore dans le Grossetano, et très rarement dans le Campigliese. Les filons réguliers se trouvent dans les Apennins (Fivizzano et Pistoia) et dans la plus septentrionale des ellipsoïdes de la chaîne métallifère, c’est-à- dire dans les Alpes apuennes (dans les riches exploitations de galène argentifère du Bottino et de Val di Castello, près de Serravezza). X. Terrain tertiaire moyen. Ce terrain a été décrit depuis fort longtemps sous le nom de ter- rain tertiaire ophiolitique par M. Savi (1), qui le rapporta au même niveau que les dépôts de Superga et de Cadibona, en Piémont, et qui fut ainsi un des premiers à reconnaître l’importance et la valeur du terrain tertiaire moyen. Ce terrain, en Toscane, n’est pas aussi ('!) Savi, Meniorie per servira alto studio delta costituz. fis, delta Toscana, Pisa, 1837. Soc. géoh. 2e série, tome XIII. 18 SÉANCE DU A FÉVRIER 1856. TJh étendu que les autres, car déjà le pays, à l’époque de sa disparition, avait été en partie soulevé. C’est le dernier des terrains qui se sont déposés avant l’entier soulèvement de la chaîne métallifère, et il cou- 1 2 3 4 stitue ainsi les dernières couches de ces montagnes à Caniparola (Alpes apuennes). Il se trouve en lambeaux plus étendus dans le pays com- pris entre l’Arno, l’Eisa, l’Ombrone et la mer, où il forme, en géné- ral, le fond des vallées. Sa composition minéralogique y est très variée. Enfin, un grand lambeau de ce terrain, tel qu’il existe énormément développé sur tout le versant oriental des Apennins, se trouve aussi en Toscane, dans la vallée du Tibre, où il a été observé et décrit par L. Pilla (1). Sa composition varie dans les différents endroits; le plus souvent il est représenté par un grès argileux jaunâtre, tendre, se travaillant facilement quand il sort de la carrière, plus ou moins calcaire, rempli de moules, et quelquefois de coquilles en bon état, d’espèces miocènes. Parmi ces fossiles, je ne cite que YOstrea Pillœ , Mngh. (2), qui, par son abondance extrême dans tout ce terrain, est un bon moyen pour le reconnaître partout où il se trouve, quand même par sa position et par son apparence on pourrait le confondre avec le macigno éocène C’est en effet ce qui est arrivé dans les collines de Perolla, qui ont été l’objet d’études spéciales de mon savant maître et ami M. le comte A. Spada, et où il est en contact immédiat avec la pietra serena la mieux caractérisée. On peut cependant ici, comme par- tout ailleurs, le distinguer par ses fossiles du macigno proprement dit, parce qu’il est jaunâtre et tendre et parce qu’il abonde en empreintes de feuilles de plantes que le macigno éocène ne contient jamais (3). (1) Pilla, Terreno Etrurio, 1846. (2) Ostreci Pillœ , Menegb., Savi, O. testa semiglobata, clongata, apice angustata, oblique incurva vel truncata , valva superiore obli- qua, plana concava , operculi for mi lœvigata , radiatim irregulariter su Ica ta et concentrice plicata , valva injeriori inflata , lœvigata , latere anali producte sinuato (c’est la Gryphœa columba de L. Pilla). Cette espèce ressemble à Y O. vesicularis, Lk.; on la reconnaît à sa forme plus allongée et moins courbée, à l’obliquité du crochet et de la valve supérieure, et à la sinuosité constante du côté anal. Elle res- semble beaucoup à Y O. cochlear de Poli, ou O. vesicularis , Lamk. (3) J’espère que j’aurai jeté quelque peu de lumière sur ces dif- férents calcaires alberesi, sur les macignos et sur les schistes qui les accompagnent, sujet jusqu’ici presque inextricable. Nous avons, en effet, séparé dans plusieurs étages tout ce qu’on identifiait avec la craie à une époque où les idées de quelques géologues générale- ment suivies et l’absence de données suffisantes s’opposaient à une meilleure classification de ces formations. Le célèbre Léopold Pilla MÉMOIRE DE M. I. COCCHÎ. 275 Une formation plus importante encore par le rôle qu'elle joue depuis cette époque jusqu’à nos jours, c’est la Panchina. Je dirai plus tard ce que c’est que la panchina ; maintenant je me borne à dire qu’à partir de l’époque miocène jusqu’à nos jours la formation de celte roche a suivi une marche non interrompue. Nous rencontrons la pan- china de cette époque à Rosignano et à San-Dalmazio, Castellina marittima, etc. A San-Dalmazio, où elle est très riche en fossiles réduits à l’état de moules, elle a presque toujours subi un certain degré d’altération, et est passée, en partie, à l’état de lumachelle. Les conglomérats ophiolitiques analogues à ceux de Superga, et sur lesquels M. Savi fit ses premières études du terrain miocène, représentent ce terrain dans les vallées delà Trossa, delaSlerza, etc., c’est-à-dire dans le pays où les serpentines jouent le rôle principal, et c’est des débris de toutes ces différentes roches qu'il se compose presque complètement. Je ne citerai comme exemples de formation accidentelle, que le grès macigno qui passe, à Diecimo, à un grès siliceux, le gompho- lite des environs de Pomarance, où il recouvre le grès mollasse ordi- naire, et est recouvert par un banc entièrement formé par VOstrea s’était bien douté de l’exactitude de ce rapprochement; mais, ne sachant pas s’éloigner complètement des opinions de son temps, et partant de celles qui lui étaient particulières, il crut se rapprocher de la vérité en admettant un nouveau terrain intermédiaire à la craie et au terrain tertiaire inférieur, qu’il appela étrurien et qu’il cher- cha à établir en Italie et ailleurs. Ce terrain comprenait ainsi nos deux étages du crétacé supérieur, notre terrain tertiaire inférieur, et une partie du moyen, car le macigno miocène de Perolla y était aussi compris. Toute séparation que l’on eût voulu établir à cette époque était, du reste, prématurée; ce n’était que l’étude du calcaire à Nummulites et la découverte de nouveaux faits paléontologiques qui pouvaient amener à de meilleurs résultats. C’est ce qu’ont fait les travaux de M. Murchison et de MM. Meneghini et Savi, publiés en 1850 et 1851 . C’est de leurs publications que date la connaissance de ces terrains. Je renvoie à Y Histoire des progrès de la géologie , vol. III et V, ceux qui voudront connaître tout ce qui a été fait sur ce sujet avant cette époque. Qu’il me soit permis ici de rendre à M. d’Archiac un hommage bien mérité pour l’histoire qu’il en a si bien tracée, et pour tout le soin et l’exactitude qu’il a mis dans un travail si pénible. Je saisirai aussi cette circonstance pour en dire autant de l’histoire des travaux sur nos roches ignées, que je recommande encore davantage à mes lec- teurs, car les résultats qui y sont exposés n’ont presque pas changé, bien que les recherches et les études postérieures m’aient permis de donner un aperçu plus complet de ces roches et de leur chronologie, 276 SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. Pillœ , et la Pietra lenticolare de Parlascio entièrement formée par une véritable Nummulile [N. Tcirgionii, Menegh.) (1).- Bien plus importantes que ces dernières roches, surtout sous le point de vue industriel, sont les argiles et les calcaires bitumineux qui renferment les riches gisements de lignite de Caniparola (Alpes apuennes, près de Sarzane), de Monlevaso, etc. Ces lignites sont en général compactes et de bonne qualité. Les calcaires sont noirs, bitu- mineux, plus ou moins argileux. Ils renferment de nombreuses em- preintes de feuilles. Le Mytilus Brardi n’y est pas rare. On rapporte encore à ce terrain les argiles gypseuses et salifères de Yolterra, ainsi que le démontrent la stratigraphie et les fossiles. Les bancs de sel gemme ont jusqu’à 17 mètres d’épaisseur. Ils alternent avec des amas de gypse. Enfin, le gisement non moins important de l’albâtre gypseux, blanc, saccharoïde, de la Castellina, le seul qui sert à la sculpture. Ce gypse albâtre se trouve en forme de rognons globuleux au milieu d’une argile remplie de cristaux de séiénite. Cette argile est associée à un calcaire très fétide qu’on appelle dans le pays pietra porco, et qui se continue dans la mollasse ordinaire. Les rognons gypseux ont ordinairement 1 mètre de diamètre; l’argile qui les entoure est très pauvre en molécules gypseuses; seulement, à un peu plus de distance abondent les cristaux en fer de lance de séiénite. Ce dépôt (2) occupe la plus grande partie de.la petite vallée du Marmoiaio. lj (!) « Dans le miocène de Parlascio et San Frediano, etc., avec une » Argiope que l’on ne saurait distinguer de la dctruncata , et avec une » Tcrcbratulina qui ne semble aucunement différer de la T. caput » serpentis , on trouve un grand nombre d’espèces de Terebratula qui, » pour la plupart, n’ont pas encore été publiées, et dont quelques- » unes présentent un Jades d’ancienneté d’autant plus surprenant » qu’elles sont associées avec des espèces qui vivent aujourd’hui. Il y a » aussi une grande quantité de polypiers et de bryozoaires qui méri- » tent bien un travail monographique. » Les dents de Sphœrodus et d’autres poissons y abondent aussi. La » pierre lenticulaire est formée presque exclusivement d’une espèce de » Nummulites, déjà illustrée par G. Targioni-Tozzetti dans ses Viaggi » in Toscan a, etc., et qui, pour cela, doit porter le nom de JSununu - » lites Targioni. Elle ressemble quelque peu à la N. ma/nilla, F. etM., )> mais n'a aucun rapport avec la N. Ranwndi , et c’est une espèce cer- » tainement bien différente de toutes celles décrites dans la grande » monographie de M. J. Haime. » (Note communiquée par M. Meneghini .) (2) Il a été décrit par MM. Savi et Meneghini, Considérations , etc., p. 230. MÉMOIRE DE M. 1. COCCHI. 277 L’histoire des roches ignées et d’épanchement est, même dans ce terrain, du plus grand intérêt, comme on pourra en juger par les paroles que j’emprunte à mon savant maître M. Meneghini : « Sous le nom de serpentine de seconde éruption, M. Savi com- prend une série de roches minéralogiquement différentes, mais toutes contemporaines et toutes liées ensemble par la condition essentielle et exclusive d’avoir accompagné des injections métalliques. Le type de cette roche est une serpentine sans diallage, vert foncé, onctueuse au toucher, qui se raye facilement. Sa poussière est blanche, donnant la sensation caractéristique des minéraux magnésiens quand on la comprime entre les doigts. Souvent il s’y ajoute des minéraux bien différents et nombreux jusqu’à remplacer presque complètement l’élément serpentineux. Parmi les minéraux lithoïdes accessoires, deux sont les principaux : ce sont le silex et le spath calcaire. Ces deux minéraux diffèrent cependant par leur origine, car le silex est directement associé à la roche éruptive, et ce furent probablement des vapeurs aqueuses qui l’apportèrent, comme sa forme calcédo- nienne semble le prouver. Le calcaire, au contraire, provient des terrains qui ont été traversés par l’éruption, ce qui est dû peut-être à l’acide carbonique qui, nécessairement, doit avoir accompagné ces injections dans d’énormes proportions. C’est ainsi que cette roche ophicalcique particulière (spilite diallagique de L Pilla), qui en est le résultat, ne s’associe pas toujours aux autres roches serpentineuses et occupe constamment la périphérie des roches ignées, constituant presque un passage entre ces dernières et les roches métamor- phiques, quoiqu’elle ait aussi agi quelquefois à la manière des pre- mières. Les minéraux métallifères, dans cette roche, sont les sulfures de fer et de cuivre, et plus rarement ceux de zinc et de plomb. Ils sont quelquefois en forme défilons, mais plus fréquemment dissé- minés, avec une contemporanéité évidente, dans les nombreuses va- riétés de cette roche. Parmi ces variétés, on remarque surtout une espèce de granitone qui, minéralogiquement, ne diffère pas beaucoup du granitone proprement dit, mais qui, cependant, appartient à la serpentine de seconde éruption. »Un autre phénomène est encore à distinguer, quoique analogue au précédent, en ce que les matériaux qui s’en produisirent vinrent au jour de la même manière ; il s’en distingue cependant parce que l’élément principal qui en fut la cause a été l’eau au lieu de la cha- leur. Il ne faut pas néanmoins exclure complètement l’action de la chaleur dans ce phénomène, car ces eaux ont dû être à une tempé- rature très élevée. Nous avons en Toscane des exemples très beaux de celte éruption hydroplutonique ( idroplutonica ), On doit même y rap- 278 SÉANCE EU I\ FÉVRIER 1856. porter quelques-uns des gisements métallifères plus importants, mais dont les éléments proviennent en général des terrains qui ont été traversés. Au val d’Aspra, la gangue du filon est formée par un cal- caire celluleux ; à Sassa, près de Gampiglia, à la gangue de même nature s’ajoute plus fréquemment la serpentine. Plus fréquemment ([Monte Catini, Monte Vaso, Riparbella, Terriccio, Castellina, etc.) la gangue est formée par les seuls éléments serpentineux à l’état frag- mentaire et empâtés dans une argile stéatileuse qu’on appelle pâte de filon , et qui, comprimée et frottée contre le mur et le toit, constitue ce qu’on appelle losima. Les minéraux et les roches qui font partie de ces filons sont en forme de noyaux plus ou moins arrondis, à surface lisse, polie ou striée, ce qui indique le frottement qu’ils ont souffert dans le trajet peut-être très long qu’ils ont parcouru. En effet, ils ne sont autre chose que les fragments de filons qui se trou- vaient à une profondeur plus ou moins grande, ou bien ils sont des fragments de serpentine moderne plus ou moins métallifère arrachés ou transportés dans une direction ascendante par ces torrents boueux d’origine hydroplutonique (1). » On doit donc faire une distinction entre ces deux phénomènes aussi bien qu’entre les roches qui en sont résultées. La serpentine moderne est une roche ignée proprement dite, et elle est bien cer- tainement différente de la serpentine ancienne par sa composition, ne renfermant jamais de diallage, et étant bien certainement postérieure, car elle la traverse (fig. 7). Elle est constamment plus ou moins métallifère, mais il est évident que, ne l’étant pas toujours au même degré, ce genre de gisement métallifère ne se prête pas toujours favorablement aux travaux d’exploitation. Les roches de la seconde série qui ont encore agi comme roches d’épanchement, considérées comme filons métallifères, sont encore plus irrégulières; cela est bien naturel d’après leur mode de forma- tion. Ainsi, tandis que le gisement de Monte-Catini (2) est, par sa richesse, plutôt exceptionnel que rare, d’autres fois ces filons sont presque entièrement stériles. Les filons de cette nature ont été nom- més par M. Savi filons empâtés (filoni impastati). Ces filons empâtés traversent, dans tous les groupes serpentineux (monte Vaso, Strido, Miemo, Rocca Tederighi), lesfilonsde toutes les roches serpentineuses antérieures, et de nombreux fragments d’ophiolite, de granitone et de diorite s’y trouvent enclavés aussi bien que dans la serpentine (1) Meneghini, Rapporto sulla miniera di Rame di Bisano. Bologna, 1 853. (2) Repetti, Dizionario] vol. III, p. 345. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 270 moderne proprement dite, ce qui donne le moyen d’en reconnaître la postériorité. Ce fait nous est encore démontré par la position même de cette roche qui traverse tout le terrain tertiaire moyen en le métamorphosant plus ou moins complètement. En effet, c’est dans son contact que se trouvent la panchina de San-Dalmazio convertie en lumachelle, et les lignites qui, à Berignone, sont convertis en anthra- cites, et à Monte-Bamboli, en véritable houille , quoique stratigra- phiquement identiques avec les lignites de Monte- Massi, etc., et accompagnés des mêmes fossiles végétaux et animaux. Les filons empâtés à gangue serpentineuse ou calcaire étant entiè- rement liés à la serpentine moderne, ainsi qu’on l’a vu, sont bien évidemment de la même époque, qu’on les considère, soit comme absolument contemporains, soit comme ayant suivi immédiatement la serpentine. Il suffit de ce que je viens de dire sur la houille de ce terrain qui a été l’objet de tant de disputes. Je dirai quelques mots sur les calcédoines de Volterrano. On a vu qu’elles sont liées intimement à la ser- pentine moderne. A Monte-Ruffoli, où elles abondent, elles forment des filons qui n’ont pas une direction constante. Il y en a un dirigé de l’E. à FO. qui a 1 mètre et demi d’épaisseur. Elles offrent de nom- breuses variétés qui sont une véritable richesse pour le pays. On a quelquefois trouvé des druses qui contenaient des liquides et des gaz (1), A Mierno, entre Montevaso et Monte Catini (Volterra), la variété de dolomie qui a recule nom de Miemite , se rencontre, non- seulement en très beaux cristaux isolés, mais encore sous forme de petits filons accompagnés de quartz et de calcédoine. Pendant l’apparition de la serpentine moderne, le soulèvement principal des Apennins s’est opéré, et un second soulèvement, mais bien moins important qne le précédent, a été éprouvé par la chaîne métallifère ; d’où il est résulté une discordance entre ce terrain et le tertiaire supérieur, et l’absence complète de ce dernier dans les hautes vallées des Apennins. XI. Terrain tertiaire supérieur. La description du terrain tertiaire supérieur italien a été faite si savamment par le célèbre Brocchi, qu’il y a bien peu à ajouter. Les sables jaunes et le mattaione (argile subapennine) forment essentiellement ce terrain, qui se continue, presque sans interrup- (1) Repetti, loc. cit ., vol. III, p. 517. — Targioni - Tozzetti viaggi* etc., vol. III. 280 SÉANCE DU A FÉVRIER 1856. lion, des deux côtés oriental et occidental des Apennins, depuis Turin jusqu’au golfe de Tarente, et, au delà, en Sicile ; ce terrain, 1 2 ayant été déposé après le soulèvement complet de la chaîne métalli- fère et des montagnes serpentineuses, n’en fait aucunement partie, mais les entoure souvent à la base, et on le rencontre dans les contre-forts qui partent des Apennins et qui couvrent toute la Tos- i cane de leurs ramifications, de sorte qu’il forme des lambeaux non 1 ! continus. Quoique en général les sables jaunes soient au-dessus * des argiles bleues, quelquefois elles alternent, et en considérant le gisement général des deux formes lilhologiques, on arrive à admettre comme plus vraisemblable l’origine contemporaine des deux : l’une, j i littorale, et dans les eaux peu profondes ; l’autre, pélagique, ou dans les eaux plus profondes. On voit le sable jaune sur plusieurs points, comme par exemple, près de Pise, à Fauglia, localité intéressante par ses bancs de poly- piers, à Colle-Salvetti, etc. A Livourne et dans la plaine de l’Ar- denza, ce sable est recouvert par une formation d’âge plus moderne. Ce sable est quartzeux et calcaire, très lin, plus ou moins jaune, ainsi que le dit sa dénomination. Quelquefois un ciment calcaire l’a pénétré et agglutiné, et il en est résulté alors un grès jaunâtre, tel que le macigno pliocène de San-Vivaldo et de Montaionc (val d’Era), d’où vient le beau Crenaster Montalionis (1). Ce sable , du reste, à cause de sa nature, a été, en général, enlevé. Les argiles sont ainsi presque partout à découvert, et forment des collines arides et stériles où la dénudation, favorisée par le délitement de ces argiles, empêche les plantes de s’enraciner. Tel est le cas d’une grande série de collines complètement stériles dans les environs de Volterre et de Sienne, et que dans le pays on connaît sous les noms de Mattaioni et de Biancane. L’argile subapennine ou le mattaione est arénacé, friable, avec du mica en lamelles très petites, ou plus compacte et plus tenace et d’une grande plasticité quand elle est imbibée d’eau : elle est en général bleuâtre ou plus ou moins noirâtre et quelquefois blanche ou jaunâtre. L’abondance de toutes sortes de débris d’animaux fossiles, mais surtout de mollusques, est quelquefois tellement considérable dans ces argiies que M. Bianconi assure que les deux tiers des ma- tériaux que les eaux entraînent de ces collines et qu’elles déposent en sortant des vallées sont formés de débris de coquilles et de coquilles entières (2). Mes propres observations me font croire à l’exactitude de (1) Meneghini, Nuovi fossili, etc., p. 40. (2) Bianconi, /oc. cit p. 70. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 281 l’assertion du savant professeur de Bologne. Il n’est donc pas éton- nant que ce terrain ait attiré dans tous les temps l’attention des savants , car c’est lui surtout qui a donné lieu aux premières recherches et aux premières idées paléontologiques. Ainsi à l’histoire de ce terrain se rattachent les grands noms de Leonardo da Vinci, de Fabio Colonna, de Fracastoro, Stenone, Scilia et tant d’autres qui ont représenté le premier âge de la paléontologie. Ce terrain offre non-seulement un grand intérêt historique, mais encore un intérêt bien réel et de la plus grande importance. Très étendu, très moderne, très riche en fossiles d’une conservation parfaite, il se lie intimement au tertiaire moyen d’un côté, et de l’autre aux formations de nos jours, par des passages et des liaisons de faunes subordonnées à des lois qui, tous les jours, viennent se dévoi- ler à nous. Je sais ({ue des hommes très distingués travaillent dans le silence de leur cabinet à l’étude de cette faune et de la dis- tribution des espèces dans ces terrains qui nous ont précédés de si près, et j’ai la plus grande confiance dans leurs travaux. Les espèces de ce terrain, actuellement connues par les géologues, ne sont qu’une trop faible partie pour en donner une idée suffisamment exacte. Il est encore à remarquer que les espèces des sables jaunes, en général, ne sont pas celles des argiles; mais il ne faut pas en conclure une suc- cession de créations, car lorsqu’il y a alternance entre les argiles et les sables, il y a aussi alternance dans les espèces. La panchina, qui couvre une assez grande partie des collines de Vol terra et même de Sienne, doit être encore rapportée à cet étage. Les sables jaunes, à la partie supérieure, renferment des coquilles d’eau douce ou saumâtre, et l’on y a vu des ossements de mam- mifères (1), et les assises qui renferment ces restes organiques alternent souvent avec d’autres assises qui n’en ont pas. Les alter- nances de formations d’eau douce et marine sont très fréquentes dans tout le terrain subapennin, mais surtout à sa partie supérieure. M. le marquis Pareto en a traité particulièrement et a beaucoup illustré cet intéressant sujet. Dans le Val d’Àrno supérieur, c’est toute une grande formation d’eau douce qui renferme le fameux gise- ment de grands mammifères. C’est évidemment une grande forma- tion lacustre, accumulée durant un temps très long et très vraisembla- blement appartenant en partie au terrain pliocène du même niveau que le sable jaune supérieur, à coquilles d’eau douce, ci-dessus indiqué, et en partie à la période suivante. Nous avons la certitude que les mêmes éléphants, mastodontes et hippopotames vivaient anlérieure- (l) Scarabelli, Cartn geol. délia prop. di Bolog/ia, 1853. 282 SÉANCE DU !i FÉVRIER 1856. ment à ces dépôts, puisque nous en trouvons les ossements dans les sables jaunes d’origine marine, c’est-à-dire à un niveau plus bas ; mais c’est seulement à la fin de l’époque subapennine qu’ils existaient, et leur existence ne s’est certainement pas prolongée bien loin dans l’époque successive. Les dépôts à ossements des cavernes sont consi- dérés par M. Savi comme appartenant à cette époque : ils renfer- ment les mêmes espèces du Valdarno. Enfin, je place également, à la partie supérieure de ce terrain les poudingues et le dépôt d’eau douce, renfermant une grande quantité d’ossements de mammifères, d’Oiivola en Yal di Magra. J’y place aussi les argiles inférieures à ce dépôt qui renferment des couches de lignites avec un assez grand nombre d 'Hélix, de Cyclostoma et de Planorbis (fig. 12). Je considère ces lignites et ces argiles comme du même ni- veau que celles qui sont un peu plus à l’est dans le Yal di Serchio (Gar- fagnana), près de Castelnuovo (fig. 10). Ce petit bassin est exploité sur quelques points. Ces lignites résultent de l’amas de troncs quel- quefois très grands, car j’en ai mesuré près d’Oiivola qui avaient presque 6 mètres de long, et d’une espèce de tourbe. Quelques-uns de ces troncs, qu’on reconnaît à leur couleur jaunâtre et à leurs fibres très compactes, renferment quelquefois dans les fissures une substance particulière découverte par M. Dini et nommée Dinite par M. Mene- ghiui (1). On ne sait pas à quel genre de plantes doivent être rapportées celles qui la contiennent. On la rencontre très rarement accumulée dans les fentes de ce bois fossile ; mais on peut s’en pro- curer en chauffant des morceaux à une légère température. On la voit alors s’échapper des pores du bois et se volatiser bientôt. C’est une substance cristalline de l’apparence de la glace ou du camphre, subtransparente, blanche, ou jaunâtre par le mélange de quelque matière étrangère. Elle est fragile, sans clivage, se réduit facilement en poussière et fond à la chaleur de la main. J’ai constaté la présence de cette substance dans les deux localités. La méthode que j’ai adoptée dans celte exposition m’a obligé d’interrompre l’histoire d’une série de roches ignées très impor- tantes que je vais reprendre maintenant. J’ai parlé du granité mo- derne, j’ai établi qu’il est bien certainement postérieur à la déposi- tion du terrain tertiaire inférieur, ainsi que les amas de fer et les amphibolites auxquels il est intimement lié. Ce dernier fait est, à mon avis, un très bon motif pour fixer son apparition à cette époque, et pour le considérer comme antérieur aux roches sui- (1) Meneghini, Gazzettamed. ital. Firenze, Luglio, 1852. — Dana, J System of mineralogy, vol. II, p. 475, fourth edit. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 283 vantes de la même série, avec lesquelles il a aussi des rapports. Ces roches sont l’eurite et le porphyre quartzifère. Ce dernier, avec de nombreuses injections, traverse les amphibolites de Campiglia, ce qui prouve que celles-ci existaient déjà, et ii produit ainsi de l’épidote qui lui donne une couleur plus ou moins verte. Il se trouve à l’Eufola et ailleurs, dans l’île d’Elbe, où il est évidemment injecté dans le gra- nité moderne. Dans le Campigliese il forme des dvkes immenses qui traversent tous les terrains qui ont été considérablement altérés. Il passe souvent à l’eurite, comme, par exemple, à Palazzetto (Cam- pigliese). Ce porphyre et cette eurite se lient par des passages minéralo- giques aux trachyles. Les trachytes commencent, à partir du nord, près de Castagneto, d’où ils se continuent jusqu’à Donoratico, et de là jusque près de Campiglia, en formant des petites collines. Ils parais- sent de nouveau uu peu plus au sud-est dans les hautes montagnes de Rocca Tederighi et de Sassoforte, presque jusqu’à Rocca Strada, au nord de Grosseto. Continuant encore dans la même direction, on rencontre Monte Amiata, montagne trachytique de 1721 mètres de hauteur. Ces trachytes renferment souvent des nodules ou des cris- taux de feldspath vitreux, ainsi que du quartz cristallisé, et à Monte Amiata, on y trouve des nodules de graphite. Cette roche est, en général, grisâtre ou rougeâtre. Dans une variété du Volterrano (Orciatico, Monte Calini), et, plus au sud, de Santa Fiora, abondent des grands cristaux laminaires de mica oblique. Cette variété est la lava limacciosa micacea de Santi (1), ou la selagite de M. Savi, une véritable minette , indiquée encore par quelques auteurs comme va- riété de diorite (2). Nos trachytes se présentent sous forme de ty- phons, de filons, et même de couches. Le passage du trachite à l’eurile et au porphyre quartzifère est donc un fait constant. Le Campigliese nous en donne de beaux exemples (San Vincenzo, Botro a’ Marmi, près de Campiglia). Le porphyre, à Monte Massi, a traversé et soulevé les conglomérats ophio- litiques et le dépôt à lignites qui appartiennent au tertiaire moyen. Dans le Volterrano (Orciatico, Ligia), c’est également le terrain ter- tiaire moyen, et à Sassoforte, près de Rocca Strada, ce sont les argiles subapennines qui ont été disloquées et puissamment soulevées. A Monte Amiata, pour en donner encore un exemple, le terrain ter- tiaire supérieur a été bouleversé et disloqué par le trachyte. (1) Santi, Fiaggio al monte Amiata , dans ses Viaggi in Tos- can a. (2) Collegno, Elem. cli geol. pratica e teoretica , p. 155. 28/t SÉANCE DU l\ FÉVRIER 1856. | Il est donc bien évident que ces diverses roches se sont suivies pendant l’époque dans laquelle nous les plaçons, et les passages nombreux qui les lient ensemble montrent qu’elles ont une même origine. Je finirai en empruntant ces mots à M. Burat : « Le principal développement de ces roches (granité moderne et » porphyre) paraît être dans la région sous-marine de l’archipel ! -> toscan. ... Elles apparaissent également dans l’intérieur de la chaîne » (métallifère).. . Il existe donc des granités et des porphyres contera- j » porains des terrains volcaniques de la France centrale. Ce fait est « aujourd’hui incontestable, et l’on en trouvera encore une preuve j » dans l’absence complète, dans les conglomérats ophioliliques, de » fragments des roches fcldspathiques. » (1). Enfin, je ferai observer que c’est à la période pliocène, et peut- être à l’époque des trachytes, que nous rapportons le dernier et grand soulèvement des Apennins qui leur a donné leur relief actuel. XII. Terrain pliostocène (quaternaire). Les travertins d’un grand nombre de localités dans les vallées de Nievole, d’Eisa, dans le Senese, le Vollerrano, etc. , appartiennent à ce terrain. Les sources thermales, en général calcarifères, sont aujour- i d’hui presque innombrables en Toscane, surtout dans la chaîne mé- tallifère; mais anciennement elles étaient bien plus nombreuses encore ; elles ont été bien certainement la cause de la formation des travertins qui se forment toujours sous nos yeux de cette même ma- nière, et il s’en est formé en Toscane comme partout ailleurs, même à des époques plus anciennes que celle dont nous parlons. Si les sources calcarifères coulent à la mer ou si elles jaillissent au fond même de la mer, le résultat de leurs dépositions, par cette seule diffé- rence de condition, ne sera pas le même. On comprendra en effet \ sans peine que les sables, les corps marins, tout ce qui se trouve enfin sur le fond de la mer sera cimenté et enfermé dans le dépôt ( calcaire et qu’il en résultera une roche arénacée, si le sable y consti- tue l’élément principal, calcaire, si le calcaire y domine. Cette roche , est précisément ce que nous appelons panc/una. La panchina n’est donc autre chose que du travertin qui s’est formé sous les eaux de la mer, au lieu de se déposer dans des eaux douces. C’est donc une roche calcaire plus ou moins arénacée, d’origine marine, d’un (1) Burat, Théorie des gîtes métallifères, p. 189. Voyez surtout les mémoires de M. Savi. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 285 blanc jaunâtre, légère, poreuse ou compacte, remplie de débris de corps organisés de toutes espèces, mais surtout de mollusques. Elle ! constitue une bonne pierre de taille qui se travaille facilement et qui i durcit à l’air. On distingue la variété éminemment arénacée sous le j nom de tufo (tuf). La variété qui ne renferme pas, ou presque pas de sable, est celle qui est plus spécialement nommée panchina. M. Savi, réunissant toutes ses variétés sous le nom générique de : panchina , les indique en disant panchina tufacée, compacte, etc. La partie inférieure de la panchina de Livourne, celle qui recouvre im- médiatement les sables jaunes, appartient à ce terrain; la partie sur laquelle est immédiatement bâtie la ville, représente la limite supé- rieure de ce même terrain (1). Elle est assez riche en fossiles qui appartiennent presque tous h des espèces vivantes. On y trouve aussi des indices positifs de l’existence de l’homme sur le continent à l’époque à laquelle se | déposaient ses couches supérieures. La panchina de Livourne repré- sente pour nous toute la durée de cette période sans aucune interrup- tion, se liant ainsi au sable jaune et à la panchina du pliocène des Apennins. Les dépôts diluviens d’un grand nombre de vallées qui sont for- I (1) Selon M. Lyell [A man. oj elem. geol ., édit, de 4 855), « on » devrait voir dans son post-pliocène, non-seulement tous les terrains » modernes d’Italie, mais aussi une partie de ceux que nous regardons » comme plus anciens. Notre panchina pliostocène, qui fait suite im- » médiatement et sans interruption stratigraphique, avec passage litho- » logique et paléontologique, au sable jaune pliocène, est représentée à » Porto d’Anzo, dans le Latium, par le tuf volcanique, contenant les » mêmes fossiles et occupant la même place. A Ischia, c’est un con- » glomérat également volcanique et également fossilifère, mais qu’il » ne faut pas confondre avec le tuf de l’Epomée ni avec le tuf des » champs phlégréens. Notre sable jaune qui, dans le Latium, est im- » médiatement au-dessous du tuf volcanique, comme chez nous il est » au-dessous de la panchina de Livourne, manque dans les champs » phlégréens comme il manque à Ischia, mais le tuf des champs phlé- » gréens semble en occuper la place, puisqu’à Pozzuoli nous avons le » même conglomérat fossilifère d’ischia, qui y est superposé. » Les argiles bleues forment l’horizon commun de toute cette for- » mation subapennine. Le puits artésien de Naples l'a trouvée au- » dessous des tufs; à Ischia, cette même argile a, au-dessus, le con- » glomérat fossilifère pliostocène, et au-dessous le tuf de l’Epomée qui » ne contient pas de fossiles, et répond très vraisemblablement à celui » de Rocca Monfina. M. le comte Spada, qui a recueilli un grand » nombre d’observations sur ce sujet, va en faire le sujet d’une note. » [Note communiquée par M. Meneghini .) 286 SÉANCE DU k FÉVRIER 1856, mes de limon et de gros cailloux arrondis provenant de roches qui forment les montagnes voisines, et dans lesquels il faudrait peut-être distinguer plusieurs horizons, sont contemporains de la panchina de Livourne. La farine fossile, dont on fait des briques flottantes, remplit des petits bassins creusés dans le trachyte de monte Amiata. Elle est formée par les carapaces siliceuses d’infusoires polygastriques. On trouvera les descriptions des genres qui s’y rencontrent dans un ouvrage de M. Meneghini sur l’animalisation des Diatomées. M. Savi rapporte à ce terrain la formation de la brèche à osse- ments des montagnes de Pise, qu’il sépare ainsi du dépôt des cavernes proprement dit. Les espèces sont les mêmes dans les deux cas, mais les dépôts des cavernes sont, d’après lui, en place, tandis que les ossements de la brèche ossifère auraient été remaniés à l’époque suivante et entraînés dans les crevasses où ils se trouvent actuelle- ment avec le limon rougeâtre et les cailloux qui constituent la brèche dont nous parlons. Toujours est-il que ces crevasses, ainsi remplies, se trouvent uniquement dans la chaîne métallifère, circonstance qui est peut-être en rapport avec un affaissement général de cette chaîne. Les roches volcaniques qui occupent une surface très étendue dans la campagne romaine (1) commencent à apparaître au S.-E. de la Toscane, de telle sorte qu’elles ne représentent que la limite sep- tentrionale de cette grande région volcanique qui est dans le sud de l’Italie. Ces roches sont d’abord les tephrines de Radicofani, au sud des montagnes de Cetona, sur la route qui va de Sienne à Rome par le lac de Bolsena. Ces laves téphrines sont tantôt scoriacées, tantôt compactes, avec des cristaux plus ou moins abondants d’augite et d’olivine ; parfois l’augite est l’élément dominant. Viennent ensuite de vrais basaltes, tantôt compactes, tantôt ter- reux, et à structure porphyroïde et amygdaloïde. Un peu plus au sud, entre Sorrano et Pitigliano, à l’ouest du lac de Bolsena, sur une assez grande étendue, des tufs volcaniques couvrent les travertins et les sables jaunes pliocènes. Ces tufs renferment des fragments de trachytes et des blocs de léphrine. C’est le rapport qui existe entre les téphrines et ces tufs, et sur- tout l’étude de ces roches dans l’État romain, qui donne le moyen de fixer à cette époque leur apparition. Un fait contemporain à ceux-ci est l’émersion de la côte de Livourne, l’affaissement de la chaîne métallifère et la rupture des masses serpentineuses (fig. 10) (2). (1) Voyez tous les mémoires de M. Ponzi. (2) M. Savi, le premier, a indiqué et décrit ces phénomènes. MÉMOIRE DE M. î. COCCHL 287 XIII. Terrain contemporain. Les fleuves qui augmentent leurs deltas à l’embouchure font con- tinuellement reculer la limite de la mer en agrandissant ainsi la sur- face du continent. C’est ainsi que les anciennes dunes sont mainte- nant couvertes d’une riche végétation au milieu des terres, et que les emplacements des anciens ports de Luni et de Pise sont à une grande distance de la mer. L’agrandissement des côtes se fait, en général, par des dépôts de sables quartzeux et calcaires auxquels i s’ajoutent toutes sortes d’objets qui se trouvent au fond des eaux ou qui sont jetés à la côte. Nous avons un bel exemple de panchina en voie de formation dans la côte de Populonia (Piombino). Une petite rivière formée par des sourcas thermales calcarifères coule dans la mer, où le calcaire dissous dans ces eaux, et celui peut-être d’autres sources thermales j sous-marines, se dépose en abondance. On a ainsi, tantôt un tuf très | çoquillier et tantôt une panchina calcaire analogue à celle de Livourne. ! Ce fait qui, à Populonia, se produit sur une assez grande échelle, n’est pas unique sur la côte italienne. D’autres sources calcarifères n’aboutissant pas à la mer donnent lieu à des travertins. Tels sont ceux de San-Filippo, de Yignone et d’autres localités près de Yolterra et de Sienne. Partout où il y a des lacs et des étangs, qui sont même très nom- breux le long de la côte, il y a formation de tourbe. Les phénomènes volcaniques, jadis si imposants en Toscane, se réduisent maintenant à bien peu de chose. Nous rattachons à ce genre de phénomènes les émanations de gaz et de vapeurs qui consti- tuent les soffioni , les putizze, et les mofete. Je fais seulement men- tion de ces phénomènes à cause de quelques produits auxquels ils donnent naissance. Les soffioni occupent une surface subtriangulaire dans la partie centrale de la chaîne métallifère et des monts serpentineux entre Yolterra et Massa. La vapeur d’eau à une haute température s’échappe à travers des roches de natures bien différentes, étant quelquefois des serpentines, et plus fréquemment des roches sédimentaires des diffé- rentes périodes tertiaires. Ces roches sont altérées, ou elles se trou- vent en contact avec ces vapeurs saturées de principes minéraux très Sui terreni stratif. depenclenti o cinnessi aile masse serpentinose . — - Süi vari sollevamenti e abbassamenti , etc., Pise, 1837, et surtout la coupe de Rocca Sillana. 288 SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. variés, el se forment du gypse, des borates très nombreux, du quartz résinite, etc. Les sofïioni oui dû être bien plus nombreux dans la période précé- dente, des modifications de la même nature que celles qui sont pro- duites aujourd’hui par les soffioni se rencontrant très fréquemment où ils n’existent plus aujourd’hui. On sait que l’on appelle mofete les émanations d’acide carbonique. On désigne par le nom de putizze les émanations d’acide sulfhydrique. Elles suivent la direction de la chaîne métallifère, mais commencent plus au nord et se continuent plus au sud que les soffioni, c’est-à-dire depuis Pise jusqu’à la montagne de Santa-Fiora. Là où elles traver- sent les calcaires, il y a formation de gypse (Bagni di San Filippo) et de cristaux de soufre qui se déposent sur les parois des crevasses d’où elles sortent. A Miciano, près de Pomarance, où le terrain est occupé par les putizze, on trouve la stibine cristallisée en masses rayonnantes dans des fentes qui, d’après MM. Savi et Meneghini, suivent la direction du plus grand diamètre de la surface occupée par la putizza. Ce fait cependant appartient aux époques précédentes. XIV. Conclusions. Mon but, dans ce travail, n’étant que d’illustrer un catalogue aussi complet que possible des roches qui entrent dans la constitution géologique de la Toscane, je n’ai pu qu’esquisser avec des traits généraux et d’une manière nécessairement incomplète les phéno- mènes les plus importants qu’offre l’étude de cet intéressant pays. Cependant j’ai l’espoir que tous les géologues auront pu en apprécier l’importance et l’étendue, et que quelqu’un d’entre eux peut-être y portera son attention et ses études. Je crois, en effet, avoir indiqué quelle est la constitution géologique de ce pays et quels sont les évé- nements les plus importants qui s’y sont passés. Ainsi, j’ai commencé par distinguer dans les accidents nombreux du sol trois systèmes différents de montagnes, savoir : la chaîne métallifère, les Apennins, les montagnes serpenlineuses ; systèmes qui diffèrent entre eux par la nature des terrains qui les composent, par leur direction, par l’époque à laquelle ils se sont formés et par les événements qui les ont amenés à la forme que nous leur voyons aujourd’hui. On a pu voir que nous avons en Toscane presque toute la série des terrains depuis les terrains paléozoïques jusqu’aux calcaires ma- rins qui sont maintenant à l’état de formation. On a vu le différent MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 280 degré d’importance de tons ces terrains sous plusieurs points de vue et l’état de nos connaissances sur chacun d eux. Ainsi, la découverte du terrain carbonifère a été de la plus grande importance pour la science, mais ce même terrain n’a aucune impor- tance pour l’exploitation houillère. Le terrain jurassique supérieur et les terrains crétacés n’olTrent aux paléontologistes que très peu de leurs faunes habituelles. Le lias, au contraire, donne des richesses inépuisables à l’industrie et aux arts et en même temps à la paléon- tologie. J’ai exposé les faits paléonlologiques offerts par ce terrain, et ces faits viennent, avec beaucoup d’autres du même genre, con- firmer, selon nous, les doctrines paléontologiques telles que com- mencent à les admettre en géologie tous les observateurs conscien- cieux. Les terrains tertiaires sont ceux, parmi tous, qui offrent à la paléontologie les moyens les plus précieux pour atteindre ce but. De la panchina de Populonia, on passe à la panchina supérieure et à l’inférieure de Livourne; de celte dernière à celle de Volterre et de Sienne qui, de son côté, se lie à celle de Pomarance et de Rosi- gnano, et les liaisons paléontologiques n’en sont pas moins frappantes que les straligraphiques. On a vu quels sont les horizons auxquels il faut rapporter la panchina de toutes ces localités, et quels sont ses rapports avec la mollasse, le maltaione, les sables jaunes, et comme il V a parmi toutes ces formations la succession la plus régulière. Quand tous les géologues seront à portée de connaître la nombreuse faune dont les restes sont enfouis dans ces formations, quand on aura établi le gisement et la distribution de chacune des espèces, quand on les aura comparées sous chaque point de vue avec les espèces d’autres contrées voisines et. d’autres terrains contemporains et antérieurs, on pourra juger de toute l’importance de ces terrains. Parmi les roches sédimentaires on a vu qu’il y a eu des dépôts argi- leux, calcaires, sableux ou de galets à toutes les époques. Si l’on cherche à y retrouver un ordre, on voit que le terrain paléozoïque se compose de stéaschistes et de roches quartzeuses, formations qui doivent être en rapport avec les conditions de cette époque. Les calcaires forment presque à eux seuls les dépôts de toute la grande époque secondaire et ils conservent toujours le caractère de grands dépôts pélagiens. Dans les terrains tertiaires ce sont les grès et les argiles qui les composent presque en entier. Les grands dépôts calcaires ne se rencontrent plus que dans la partie inférieure, et encore ils ne sont plus si développés. Cotfx qui se rencontrent plus haut n’ont plus la même physionomie ; ce sont de petits dépôts d’eau douce ou côtiers qui se formaient, le long des côtes des parties émergées, par la Soc. 2co l . , *2e série, tome XIII. 1 9 SÉANCE OU II FÉVRIER 1856. C>90 précipitation du calcaire d’eaux thermales calcarifères très abondantes, et dans un pays qui était le théâtre de grands phénomènes volcaniques Ces résultats ne manquent pas non plus d’intérêt pour la géologie. On a vu comment, dans la mer qui couvrait l’espace où se trouve actuellement l’Italie, quelque temps après le commencement de l’époque tertiaire, surgit la chaîne métallifère qui y forma avec ses groupes ellipsoïdaux autant d’îles qui s’ajoutèrent peut-être à quel- ques sommets d’une petite partie des Apennins et aux montagnes serpentineuses dont l’émersion avait été accompagnée par l’épanche- inent de l’ophiolithe. L’apparition de l’ophioiithe, quels que soient sa nature et son mode de formation, ne tarda pas à être suivie des euphotides et des diorites. Ce fut alors que d’autres roches diffé- rentes des précédentes vinrent s’injecter à travers les derniers dépôts. L’épanchement de celles de ces roches représentées par les amas de fer et les amphiboles a dû avoir une très courte durée ; d’autres, au con- traire, représentées par une série de roches feldspathiques, commen- cèrent à s’épancher en même temps que les fers et les amphiboles par le granité moderne à tourmalines qui s’injecta en filons de toutes les dimensions à travers le tnacigno ; et leur épanchement se prolongea pen- dant un temps bien plus long, avec les eurites, les porphyres quartzi- fères et enfin avec les trachytes. Ces roches feldspathiques ont intéressé de préférence la chaîne métallifère et surtout sa région sous-marine où se trouve l’archipel toscan. Mais après le granité, une autre roche venait encore s’injecter dans la région traversée précédemment par les ophiolithes : c’est la serpentine moderne ou sans diallagequi est, pour ainsi dire, le type d’une série de roches venues de bas en haut en même temps, mais dont la nature varie beaucoup. Un fait très important dans cette éjaculation , ainsi qu’on a pu le remar- quer, c’est le rôle que l’eau a dû y jouer. Il suffit de se rappeler les filons de chalcédoine qui sont en dépendance de la serpentine moderne; et les dykes métallifères de calcaire celluleux de val d’Aspra et de Sassa, ainsi que ceux de plusieurs localités où une argile sléatiteuse sert de gangue aux minéraux de cuivre en frag- ments mêlés aux fragments d’ophiolithe, de granitone, de calcaire, en sont autant de preuves non moins concluantes. J’ai dit, presque en passant, qu’à l’époque de cette serpentine, les Apennins eurent leur principal et plus grand soulèvement, et la chaîne métallifère fut aussi , quoique faiblement, soulevée. A l’époque des tra- chytes seulement, les Apennins prirent, par un nouveau soulève- ment, leur relief actuel, et ce ne fut que plus tard que la chaîne métallifère fut soumise à un mouvement d’affaissement, et que les montagnes serpentineuses n’étaient pas non plus étrangères à des MÉMOIRE PE M. 1. COCCHF . 291 mouvements analogues. Enfin, à l’époque des basaltes seulement s’est opérée l’émersion de la côte de Livourne, de l’îie de Pianosa et de quelques vallées du continent. Les fleuves alors ont comblé les vallées, les deltas ont commencé à se former à leurs embouchures, et le pays a fini par prendre sa forme actuelle. Si maintenant on porte l’attention sur cette série de roches ignées et sur leur rapport avec les roches sédimentaires. on peut encore, du peu que j’en ai dit, tirer des conclusions bien intéressantes. C’est d’abord le métamorphisme qui nous est prouvé par une foule de faits. En effet, on aura pu remarquer que toutes ces roches ignées ont plus ou moins fréquemment et plus ou moins profondément altéré les roches traversées, et que des rapports ont existé entre ce phénomène et la nature de la roche au moment de son appa- rition. Il ne faut pas cependant exagérer beaucoup cette action des roches ignées sur les roches sédimentaires, car le phénomène n’est que local et s’arrête à une petite distance du centre d’action. Quand le métamorphisme s’est produit sur une grande échelle et a pris les proportions d’un phénomène général, il a dû s’opérer sous l’influence d’autres causes plus générales. Les Alpes apuennes sont certainement les montagnes où les terrains sont le plus profondément altérés, et cependant on n’y ren contre aucune roche éruptive, excepté les quel- ques filons de fer. Les phénomènes naturels se sont produits avec une lenteur immense, et une cause modificatrice quelconque agissant pendant un temps indéfini, mais certainement très long, aurait bien pu produire des résultats qui éliraient notre imagination comme ils devancent tous nos moyens. On a pu voir que ces roches épanchées appartiennent bien certainement à des époques différentes, et, en parlant ainsi, j’entends par là l’époque du phénomène qui les a portées en haut et qui les a injectées et enc aisséesà travers les roches sédimentaires, sans cher- cher dans quel état ou dans quel endroit elles préexislaientau-dessous de l’écorce solide de la terre. On a dû facilement remarquer des exemples nombreux de ces roches dont la nature est constante indé- pendamment de celle du terrain traversé, tandis que quelques-unes paraissent dépendre quelquefois des conditions de leur gisement (ilvaïte, amphibolile, épidosite). On aura aussi remarqué comment les roches dues à l’action des roches ignées sur les sédimentaires varient toujours avec la nature de ces dernières, quoique les pre- mières aussi y exercent leur influence. L’étude de ces roches est très intéressante à cause des nombreux minéraux qui les a compagnent, et des preuves qu’elles nous donnent de la présence et de l’action des gaz ainsi que de la propriété qu’ont 292 SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. les corps de se volatiliser, surtout avec la vapeur d’eau. En un mot, les géologues qui s’occupent de ces questions trouveront bien des faits concluants dans l’étude des phénomènes nombreux, et comparative- ment récents, qui se sont accomplis en Toscane. J’ai dit comparative- ment récents, car l’ensemble de ces phénomènes, et de plusieurs autres que j’ai omis, s’étant opéré aux dernières périodes tertiaires, donne en effet à ce pays un cachet de modernité tout à fait spécial, et Ton en aura encore une preuve dans les amas immenses de sel gemme dans les formations plus récentes, dans les gypses modernes et actuels, et dans les soffioni de notre époque. Enfin, d’après tout ce que j’ai dit on pourra se faire une idée de l’état actuel de la géologie parmi nous, de ce qui a été fait et de ce qui reste encore à faire. Si j’ai l’opinion que notre science a fait beaucoup de progrès chez nous, et l’on doit avoir pour cela une grande reconnais- sance envers les hommes de génie qui ont le plus contribué à son avancement, je suis également convaincu qu’il y a encore beaucoup à faire, et je serais très heureux si dans les études que je me pro- pose, j’avais le bienveillant appui de mes illustres confrères. Catalogue des roches stratifiées et non stratifiées de la Toscane (1). TERRAINS PALÉOZOÏQUES. Etage inférieur. Granité ancien, à grain fin ou moyen, quelquefois à texture porphy- roïde, de la partie occidentale de l’île d’Elbe, et des îles Giglio et Monte-Cristo. Gneiss talqueux de Cageggi et de la Polla, dans les Alpes apuennes. Stéaschistes argentés , noduleux , avec nodules de quartz gras des Alpes apuennes, des monts de Pise et du cap Argentaro. Phyllades satinées, bleuâtres, verdâtres ou rougeâtres des susdites loca- lités. (1) J’ai cherché autant que possible à rendre ce catalogue de quelque utilité pratique. Tout en citant les variétés les plus impor- tantes de chaque roche, j’ai eu le soin de suivre l’ordre habituel de superposition de bas en haut toutes les fois que la superposition existe. MM. Savi et Meneghini, dans les Considerazioni , etc., ont donné un prospectus des roches de la Toscane. J’ai pris pour base ce prospectus et je me suis ensuite servi de ce que j’ai appris d’eux et de mes recher- ches. Je dois encore un témoignage de reconnaissance à M. d’Omalius d’Halloy, qui a mis à ma disposition, pour la rédaction de ce catalogue, ses nombreuses connaissances géognostiques et minéralogiques. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 293 Grès plus ou moins talqueux, à grain fin, quelquefois schisteux, pas- sant aux quartzites très variables dans la couleur; blanchâtres, rougeâtres, bleuâtres, verdâtres, bariolés, etc. (Alpes Apuennes, monts Pisans, Capo-Corvo). Étage supérieur ou terrain carbonifère. Schistes anthracifères (île d’Elbe, Iano), graphitifères (Levigliani), quelquefois cinabrifères (Iano). Stéaschistes bleuâtres, verdâtres ou bariolés, des Alpes apuennes, des monts de Pise, de 111e d’Elbe, du cap Argentaro, quelquefois cina- brifères (Levigliani, Basati, etc.). Quartzites à grain plus ou moins fin, passant à l’anagénite, de cou- leurs très différentes, à structure fréquemment schisteuse ou en couches puissantes, quelquefois à fracture prismatico-rhomboïdale. (Du Cap Corvo, des Alpes apuennes, montagnes de Pise, Iano, montagnola Senese, cap Argentaro, lie d’Elbe). Anagénites à pâte plus ou moins talqueuse, à éléments plus ou moins gros, constitués de quartz gras, quartz rose et lydienne. De toute la chaîne métallifère, excepté les groupes du Campigliese et de Ger- falco et Montieri. TERRAIN TRIASIQUE. Calcaire gris foncé ou noir, sans silex, des montagnes de Pise, du cap Argentaro, de l’Alpe di Corfino. Calcaire marneux de l’Alpe di Corfino. Calcaire dolomitique de l’Alpe di Corfino. Marbre bleu grisâtre de Santa Maria del Giudice (monts Pisans). Marbre dit bardiglio unito (bleu turquin) de la Cappella, près de Serravezza. Marbre dit bardiglio Jiorito de Montai to, près de Serravezza. Bardiglio bleuâtre, à structure lamellaire, de Monte Rombolo (Cam- pigliese). Bardiglio à Couzeranite de Monte Rombolo (Campigliese). Bardiglio à ottrélite. — Serravezza. Cargneule bréchiforme d’Agnano (montagnes de Pise), de Iano et du cap Argentaro. Gypse de Cala grande (cap Argentaro). TERRAIN LIÀSIQUE. Etage inférieur. Marbres statuaires saccharoïdes de Torano, Crestola, Misegiia, Poggio- Silvestro, etc. (Carrare), du monte Altissimo, monte Corchia, Levi- gliani, Trambiserra, etc. (Serravezza). Marbres blancs ou blancs veinés ordinaires, saccharoïdes, des envi- rons de Carrare, de Masse et de Serravezza (Alpes apuennes). SÉANCE DU k FÉVRIER 185(5. 29â Marbré céroïde plus ou moins blanc des montagnes de Pise, et de la montagnola Senese. Marbre blanc à structure plus ou moins lamellaire du Campigliese, de l’île d’Elbe, du cap Corvo. Madremacchia, avec ou sans ottrélite, des marbres statuaires des Alpes apuennes. , Brèche africaine des carrières du Rondone et de l’Affricano, près de Serravezza. Brèche dite persichino du monte Corchia. Brèche dite mischio di Serravezza. Dolomie des Alpes apuennes et des montagnes de Pise. Cargneule des bains de San Giuliano (monts Pisans). Dolomie, soufre, gypse et quartz géodiques dans les marbres statuaires de Carrare. Étage supérieur . Calcaire rouge à Ammonites et à Entroques de toute la chaîne métal” lifère. Calcaire gris clair à silex ammonitifère, de la chaîne métallifère. Calcaire dolomitique de Fucinaia (Campigliese). Dolomie de Tenerano (Alpes apuennes) et de Gerfalco. Marbre jaune et jaune veiné de la montagnola Senese. Marbre dit broca telle de Sienne de la montagnola Senese, Marbre rouge de Monsummano, de Sienne, de Gerfalco. Marbre dit Portasanta de Caldana di Ravi. Marbres jaunes bréchiformes des montagnes de Pise. Calcaire céroïde bréchiforme de Monsummano. Schistes argileux à Posidonomya Bronnii de la Spezia, des monts Pisans, et calcaire tacheté en jaune, à P. lanus, du Campigliese. Partie inférieure des schistes argileux, quelquefois satinés, à Ammo- nites basiques et calcaires, noires ou jaunâtres, intercalés, de Cam- piglia, Coregna, etc., dans les monts occidentaux de la Spezia, TERRAIN OOLITHIQUE. Schistes bigarrés [scisti varicolori de M. Savi, schistes bariolés de M. Burat) presque sans fossiles, de toute la chaîne métallifère, et à Ammonites oolithiques à Monticello, près de la Spezia. Calcaire marneux à Fucoïdes intercalé aux schistes. Schistes alunites du Campigliese. Micaschistes et quartzites cinabrifères de Ripa, au S. -O. de Serra- vezza, avec cristaux de disthène, d’ottrélite, etc. Schistes ardoisiers du Cardoso. Schiste quartzeux réfractaire du Cardoso. Anagéniies de Rupecava et de la vallée de la Molina (monts Pisans). Grès micacé dur, compacte, schisteux (pseudo-macigno de M. Savi) des montagnes de Pise, du Cardoso (Alpes apuennes), et de l'île de Gorgona. MÉMOIRE DE M. I. COCCHI, 295 TERRAIN CRÉTACÉ INFÉRIEUR. Calcaire gris foncé, à silex, des montagnes de Pise. Calcaire blanc, compacte, à silex blanchâtre ou biancana , de Le- gnaia, etc. (montagnes de Pise). Calcaire noir, sans silex fossilifère, de Camaiore, Tenerano, Vinca (Alpes apuennes), de la Castellana, de Coregna, Parodi, et des îles du golfe de la Spezia. Calcaire compacte, grisâtre, des montagnes de Cetona. Calcaire celluleux et cargneule qui constitue une partie des plus hauts pics des Alpes apuennes (Pisanino, Pizzo d’Uccello, Procinto, monte Forato, Pania, etc.). Calcaire celluleux de Rupecava, monte Maggiore (montagnes dë Pise). Calcaire celluleux et cargneule de la montagnola Senese et de plu- sieurs localités du Massetano. Calcaire dolomitique de Portovenere (golfe de la Spezia). Marbre dit Porto; o ou Portovenere, de Portovenere, de l'île Pal- maria et des environs de Carrare. Gypse épigène dans le calcaire gris noir de Sassalbo, près de Fiviz- zano. TERRAIN CRÉTACÉ SUPÉRIEUR. Eloge inférieur. Calcaire micacé, grésiforme, compacte ou schisteux, dit pie ira forte, de Yezzano (Spezia) et du bassin de Florence. Schistes argileux, quelquefois argilo-ferrugineux, qui accompagnent la pietra forte , Etage supérieur , Partie inférieure des schistes argileux (scisti galestrini ou galestro des Toscans de l’Apennin, des monts serpentineux et de la chaîne métallifère. Calcaire albérèse inférieur, schisteux, compacte, lithographique, zonaire, etc., de l’Apennin, des monts serpentineux et de la chaîne métallifère. Pietra paesina , ou marbre ruiniforme des environs de Florence. Partie inférieure de la pietra colombinà dés Maremmes. Calcaire blanc ou rosé, compacte, du Campigliese, de Scoglietto et de Bagnaia (île d’Elbe). Schistes à alun de plusieurs localités du Campigliese. TERRAIN TERTIAIRE INFÉRIEUR. Étage inférieur. Calcaire nummulitique (calcare screziato de M. Savi) souvent bre = 296 SÉANCE DU li FÉVRIER 1856. chiforme, de Mosciano (granitello di Mosciano des marbriers), Consuma, Selvena, Pontassieve, Pieve San Stefano, Barga, etc. (dans les Apennins), de Ripafratta, etc. (dans les montagnes de Pise), de Monte Lucese (dans les Alpes apuennes), etc. Calcaire marneux impur qui est à la place du calcaire nummuli- tique dans les Apennins do Pistoia, et, en général, dans la chaîne métallifère. Calcaire albérèse supérieur et schistes galestrins supérieurs. Partie supérieure de la pietra colombina des Maremmes. Macigno ordinaire , compacte , schisteux , pietra serena , pietra morta, etc., formant la presque totalité des Apennins. Macigno à gros éléments, ou cicerchina de Livourne. Macigno gompholite de Limone (Livourne), de Castellina maritima. Stipite dans le macigno. Thermantides et phtanites de l'Impruneta , de monte Ferrato , de Ripafratta, etc., etc., et de tous les monts serpentineux. Gabbrorosso rouge foncé, gris bleuâtre, schisteux, compacte, massif, fragmentaire, des monts serpentineux et des Apennins. Caporcianite dans le gabbrorosso de Monte Catini, Caporciano, etc. Jaspes de Barga et de Pontremoli ( j ). Ophicalce compacte des groupes serpentineux. Cette roche est em- ployée quelquefois comme marbre sous le nom de polccvcva (du nom d’une vallée près de Gènes). C’est la spilite diallagictr de L. Pilla (2). Gypse de Camporbiano. Serpentine ancienne à diallage ou ophiolithe vert foncé connue sous le nom de serpentine nern di prato ou lier a cintico . La même, d’un vert moins foncé, dite verde di prato. Ophiolithe verte très claire, avec de petites veinules noires entrelacées ensemble , ou ranocchiain de l'Impruneta et de Camporgiano (Garfagnana). Ophiolithe ordinaire, d’un vert plus ou moins clair, à veines noirâtres de serpentine noble des montagnes serpentineuses et des Apennins. Etage supérieur. Calcaire marneux, compacte, à Fucoïdes et à fragments d’ophiolithe, de la haute vallée du Tibre. Calcaire albérèse, en général en plaquettes, peu compacte, supérieur au macigno de tous les Apennins. (1) Les phtanites, les jaspes, le gabbrorosso, etc , étant le résultat de l’action des serpentines sur les schistes galestrins et leurs calcaires, peuvent appartenir à la partie inférieure aussi bien qu’à la partie supérieure de ces schistes et de ces calcaires. (2) Cette roche, à l’île d’Elbe, est formée par la serpentine qui a empâté les calcaires basiques. Il en résulte une variété plus estimée dans le commerce. MÉMOIRE DE M . I. COCCHI. 297 Argiles de la Porretta, Loiano, Firenzuola, etc. (argile scagliose de M. Bianconi). Cargneule de Prata. Granitone à saussurite très dur et à diallage en cristaux de dimen- sions très variables, souvent très grands, de toutes les zones ser- pentineuses. Granitone stéatiteux dans lequel la saussurite paraît être en partie remplacée par la stéatite. Saussurite stéatiteuse, sans diallage, de Montevaso. Asbeste fibreux, compacte, soyeux, en veines, en filons, en amas. Diorite ordinaire, quelquefois porphyroïde, de toutes les zones serpen- tineuses. Aphanite de Riparbella, de Monte Catini et de l’Impruneta. Aphanite porphyroïde (ophite de M. Savi, porfido ver de des marbriers) à grands cristaux blancs de feldspath (de Rocca Tederighi, Monte Vaso, Riparbella). Amphibolite de Monte Calvi (Campigliese), et de l’île d’Elbe. Hémitrène des Alpes apuennes et de Monte Calvi ( I). Amphibolite ilvaïtique (roche formée d’un mélange intime de horn- blende en petits cristaux de forme fibreuse, et d’ilvaïte compacte qui en forme la pâte ; le cuivre pyriteux s’y ajoute souvent. Il n’est pas à ma connaissance que cette roche ait été décrite (de Monte Calvi et de l’île d’Elbe). llvaïte compacte de l’île d’Elbe et de Monte Calvi. Bustamite en filons, du Campigliese. Fer oligiste de Rio (île d’Elbe), de Monte Calvi et des Alpes apuennes. Limonite des mêmes localités. Fer oxydulé du cap Calamita (île d’Elbe). Granité moderne, à grain très fin ou à gros grain, toujours tourmali- nifère, de Gavorrano et des îles. Dykes quartzeux , à minéraux irrégulièrement disséminés dans la gangue {cliché quarzoso-metallijere de M. Savi), de l’Accesa, Car- pignone, Poggio Bindo, Capannevecchie, etc. (Massetano). Filons quartzeux, à minéraux disposés en bandes régulières dans la gangue (Jiloni regolari listati de MM. Savi et Meneghini), de Poggio Montone, Castellaccia, valCastrucci, Rigoall’ Oro, etc. (Mas- setano). Filons réguliers (Jiloni iniettciti des mêmes géologues), des Apennins, du Bottino (Serravezza), etc. TERRAIN TERTIAIRE MOYEN. Grès mollasse ordinaire plus ou moins fossilifère, de Perolla, Monte Bamboli, et de presque tout le bassin miocène du Volterrano, Se- nese, etc. (1) Cette roche, que nous plaçons ici à côté des amphiboles, a pour base les calcaires basiques. 298 SEANCE DU à FÉVRIER 1856. • Grès siliceux de Diecimo (val di Cecina). Calcaire bitumineux de Monte Massi, Monte Bamboli. Argiles et lignites avec branchite, de Monte Massi, Monte Bamboli, Montevaso, Cortolla, Caniparola, etc. Conglomérats ophiolitiques des vallées de Cecina, Trossa, Sterza, etc. Panchina ancienne de Rosignano, Pomarance, etc. Panchina lumachelle de San Dalmazio. Pietra lent/ colare de Parlascio. Gompholite de Bullera (Pomarance). ? Conglomérat de fragments de calcaire albérèse jaune foncé, de Canneto, de l’Impruneta et de plusieurs endroits des deux côtés des Apennins. Arragonite de Castellina marittima, Sel gemme et marnes de Volterre. Albâtre gypseux, saccharoïde, parfaitement blanc, de Castellina marit- tima. Sélénite en fer de lance, et argiles du gisement de l’albâtre gypseux, saccharoïde, de Castellina marittima. Pietra porco (pierre de porc), du même gisement. Houille des dépôts de lignite de Monte Bamboli, et anthracite de ceux de Berignone. Miémite du Roiûito (Livourne) de le Badie et de Miemo (Volterre). Chalcédoines jaunâtres, bleuâtres, blanches, conglomérats chalcédo- nienset ialite de Monte Rufoli et de le Badie (Volterrano). Ophicalce de Castellina marittima. Serpentine moderne ou serpentine sans diallage, plus ou moins métal- lifère de Gabbro (Livourne), de Pomarance, Montevaso, Miemo. Castellina, etc. (Volterrano). Calcaire celluleux qui constitue le dyke métallifère du val d’Aspra. Dyke calcaréo-ophiolitique métallifère de Sassa (Campigliese). Dykes ophiolito-métallifères, à gangue argilo-stéatiteuse, de Monte Catini, Riparbella, Terriccio, Montevaso, etc. TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR. Mattaione, ou argile plastique, sableuse ou calcarifère, très fossilifère, de toutes les collines subapennines Sables jaunes de toutes les collines subapennines. Grès macigno jaunâtre, peu compacte, résultant d’une espèce d’agglu- tination des sables jaunes de Montaione et San Vivaldo. Calcaire grossier dans les sables jaunes de Sant’Angiolo (val d Orcia) et de Vigliani (val di Chiana). Panch/na de Volterre, Sienne, etc. Poudingue et marnes à ossements de grands mammifères, du Haut- Valdarno, près de Figline. Dépôt à ossements des cavernes. Argiles à coquilles d’eau douce et lignites d’Olivola (val di Magra) et de Castelnuovo (Garfagnana). MÉMOIRE DE M. I. COCCHI. 299 Dépôt de limon à ossements de mammifères d’Olivola, Gompholites de la même localité. Poudingues de Vigliani et de Chianciano. Gypses et albâtres gypseux ( alabastri agatati et alabastri bardi - gliati ), de Vol terre. Porphyre quartzifère du Campigliese, de Rocca Tederighi et de Pile d’Elbe. Eurite (pétro-silex) compacte, quelquefois schistoïde, sans ou avec cris- taux disséminés d’orthoclase , de quartz et d’épidote, de Palaz- zetto (Campigliese), du monte dell’ Albero (lie d’Elbe). Eurite épidotite dans le contact des amphibolites du Campigliese. Trachyte compacte, granitoïde, porphyroïde, en amas, à structure prismatique, stratiforme, etc., de Castagneto, Donorotico, Biserno, Campigliese, et du monte Amiata. Trachyte micacé (sélagite de M. Savi) renfermant quelquefois des cristaux de dolomie, en typhons, à structure prismatique et même stratiforme; de monte Catini, monte Amiata, etc. Tufs et sables trachytiques de monte Amiata. TERRAIN PLIOSTOCÈNE. Panchina ordinaire de la plaine de Livourne. Brèche à ossements des montagnes de Pise. Arkose ferrifère de Plie d’Elbe et de Pianosa. Poudingue ou brèche ferrifère de Chianciano. Tuf calcaire, souvent argileux, de Rapolano, monte Catini, etc. Travertins de l’Ardenza (Livourne), de Pomarance et de Querceto (val di Cecina), de Chianciano (val di Chiana), de Monsummano et monte Catini (val di Nievole), de San Filippo (val d’Orcia), delle Piagge (val Tiberina). Farine fossile du monte Amiata, résultant de l'amas de myriades de carapaces siliceuses d’infusoires. Elle sert à la fabrication de briques flottantes et réfractaires. Panchina supérieure et conglomérat coquillier de Livourne, avec restes humains, et de Plie de Pianosa. Téphrine compacte ou scoriacée, souvent avec cristaux de différente nature (olivine, augite, péridote, etc.), de Radicofani. Basalte compacte ou terreux de Radicofani. TERRAIN CONTEMPORAIN. Sable quartzeux des dunes, et, en général, du littoral. Sable quartzeux du haut Valdarno, et sable calcaire de l’Arno, de l’Ombrone, etc. Sable coquillier, souvent agglutiné, de la côte de Livourne. Panchina récente et conglomérats coquilliers qui se forment sur la côte de Populonia. 300 SÉANCE DU li FÉVRIER 1856. Calcaire conerétionné, pisolitique, de San Filippo (val d’Orcia). Calcaires concrétionnés et travertins de Chanciano, Modigliana, Ca- sciana, des montagnes de Pise et des Alpes apuennes. Calcaire conerétionné, botryo'ïde, de Caldana. Gypse et soufre des soffioni. Gypse lamellaire et compacte de l’Ardenza. Soufre dans les marnes et dans les calcaires de l’Ardenza, et dans les argiles de San Filippo. Acide borique, Sassolino, etc., des soffioni. Buratite des anciennes mines du Campigliese. Restes des fabriques d’alun depuis le temps des anciens Étrusques, connus dans le commerce sous le nom de pouzzolane de Caldana . M. Barrande demande fi M. Cocchi s’il a cherché à rapporter les apparitions des roches cristallines de la Toscane aux épo- ques assignées par M. Elie de Beaumont aux soulèvements des montagnes de l’Europe. M. Cocchi considére-t-il ces appari- tions comme des phénomènes purement locaux ou plus géné- raux ? M. Cocchi répond dans les termes suivants : C’est un fait certain que les roches ignées dont nous avons parlé repré- sentent des éruptions différentes dont l’époque peut être pré- cisée très exactement , ainsi que je me suis efforcé de le démontrer. La serpentine à diallage se trouve, non-seulement en Toscane, mais dans une grande partie de l’Italie et en Corse, dans les mêmes conditions 5 nous ne doutons pas qu’elle ne représente dans ces pays une même éruption 5 on en peut dire autant de plusieurs autres contrées méditerranéennes sur lesquelles nous manquons d’observations suffisamment exactes. La distinction dans l’âge des éruptions des roches qui se rat- tachent à la serpentine (euphotides, diorites), que nous pou- vons si bien établir en Toscane, est peut-être possible, même ailleurs, en Ligurie par exemple, mais ce but n’a pas été encore atteint. Les roches du groupe que M. Savi appelle ophiolithique n’ont pas été signalées dans une région voisine , la Sardaigne , où, en revanche, une foule de roches éruptives diverses ont paru à différentes époques, lorsque dans la Péninsule aucun fait analogue ne s’était encore produit. Les trachytes qui n’ont paru, en Toscane, que vers la fin de MÉMOIRE DE M. I. COCCHl. 301 l’époque pliocène, paraissent avoir commencé, en Sardaigne, à la fin de l’époque éocéne ou au commencement de l’époque miocène, c’est-à-dire yers le temps où avait lieu l’éruption du granité tourmalinifére. Ce dernier appartient à une région dont nous ne connais- sons peut-être que quelques points représentés surtout par les Iles de la mer tyrrhénienne. La serpentine moderne, en y comprenant toutes les roches de nature différente que nous avons vues appartenir à une même éruption, et celles surtout où l'eau a joué un rôle si important, n’ont pas été signalées, que nous sachions, ailleurs qu’en Tos- cane. Quant aux soulèvements qui, successivement, ont amené le pays dans son état actuel, je les ai indiqués où nous croyons devoir les rapporter d’après les faits que nous avons pu décou- vrir et observer, abstraction faite de toute considération sys- tématique. Plusieurs autres motifs nous font considérer l’apparition des roches ignées que nous avons décrites et des événements qui s’y rattachent comme des phénomènes locaux qui ont eu lieu sur des étendues plus ou moins grandes, ce qui n’empêche pas qu’ils n’aient pu quelquefois coïncider avec ceux auxquels M. Barrande fait allusion. Sans m’arrêter aux résultats que d’autres géologues ont pu obtenir en essayant d’appliquer aux phénomènes que j’ai décrits les Systèmes de montagnes de M. Elie de Beaumont, je me bornerai à dire que je n’ai pas encore fait les observations nécessaires pour répondre d’une manière définitive à la ques- tion qu’a bien voulu m’adresser M. Barrande. M. Barrande demande à M. Gocchi si la tourmaline est un minéral caractéristique du granité moderne de la Toscane. M. Gocchi répond qu’en fait ce granité moderne est con- stamment tourmalinifére. MM. Delanoüe, d’Omalius d’Halloy, Gh. S.-C. Deville, d’Archiac, de Roys et Gocchi échangent quelques observations sur les phénomènes de métamorphisme mentionnés dans la communication précédente. M. de Verneuil communique un mémoire qu’il a reçu 8,02, SEANCE DU î\ FÉVRIER 1856. récemment du docteur Shumard, sur la paléontologie du Mis- souri. Ce mémoire, accompagné de 3 planches de fossiles, fait parlie de la description géologique de l’Etat du Missouri que vient de publier M. Swallow- Avant d’être attaché à la commission chargée de ce travail, M. Shumard, que M. de Verneuil a eu le plaisir de voir à Louisville en 1846, avait pris part aux longues et pénibles recherches de MM. Dale Owen et Norwood sur la géologie des territoires de Wisconsin, Iowa et Minnesota, et, depuis encore, il avait parcouru les vastes déserts de l’Orégon. Le comté dont Saint-Louis est la capitale paraît être en grande partie composé de dépôts carbonifères et siluriens. Le terrain dévonien, réduit à la partie la plus récente des cou- ches qui en composent l’ensemble, n’y est représenté que par le groupe de Ghemung. Le terrain silurien, privé, au contraire, de sa partie supérieure, n’y offre pas de couches plus jeunes que le calcaire de Trenton, contemporain, comme on le sait, des calcaires à Orthocères de Suède et de Russie, et des schistes de Llandeilo. On voit donc se produire alors un phéno- * mène stratigraphique fréquent en France et en Espagne, et qui consiste en ce que le terrain dévonien repose directement sur le terrain silurien inférieur. La plupart des fossiles figurés par M. le docteur Shumard proviennent du terrain carbonifère. Ce terrain, riche en com- bustibles, se compose en général de grès et schistes avec char- bon, de grès ferrugineux, et de deux étages calcaires, calcaire de Saint-Louis et calcaire à Encrines, qui sont les vrais équi- valents du calcaire carbonifère de l’Europe. Les grès et schistes avec houille renferment un petit banc de calcaire impur avec Productus et Chonetes . Les dépôts de combustibles les plus importants sont placés entre un grés de 60 à 70 pieds et le calcaire de Saint-Louis. La houille y est accompagnée d’argiles souvent réfractaires (fire clciy ), d’argiles schisteuses ( slmles ), et de quelques bancs calcaires où abondent le Chonetes meso - lobus , le Productus splendens , le P. costatus , lé Spinfer linea- tus et la Fusulina cyiindrica. Cette dernière espèce paraît être ici supérieure à la houille, comme M. de Verneuil dit l’avoir vue dans l’Etat de l’Ohio. On sait qu’en Espagne elle est dans LETTRE DE M. SHUMARD, BüB | les schistes qui accompagnent le charbon des Asturies, et qu’en Russie elle ne se rencontre que dans le calcaire carbonifère. Le calcaire à Enclines du Missouri renferme des espèces remarquables dont M. Shumard n’a figuré que les plus beaux échantillons. Les trois planches qu’il vient de publier, destinées à accompagner un travail spécialement géologique, n’ont pour but que de fixer S’aüention sur les fossiles les plus caractéris- tiques des formations du Missouri. Ces fossiles ne passent jamais d’une formation dans l’autre, et convaincus par leur propre expérience de l’importance des fossiles pour la compa- raison et l’identification des couches, MM. Shumard et Swallow en ont recueilli une belle collection qui sera, on doit l’espérer, l’objet d’une plus vaste publication. M. de Verneuiî, après avoir communiqué le mémoire précé- dent, lit l’extrait suivant d’une lettre de M. Shumard, datée de Saint-Louis (Missouri), 26 décembre \ 855 : Depuis mon retour de l’Orégon en 1851, j’ai été employé dans la commission chargée de la description géologique de l’Etat du Missouri comme paléontologiste et comme géologue. Nous avons fait la découverte de beaucoup de fossiles intéressants, et nous espérons que l’Etat nous fournira les moyens de la publier comme on a fait dans l’Etat de New- York. Le rapport sur la géologie et la paléontologie du Missouri va paraître ces jours-ci. Vous appren- drez avec intérêt que mon frère, géologue du gouvernement pour le chemin de fer de l’océan Pacifique, en faisant une étude géolo- gique du Nouveau -Mexique, a découvert la Fusulina cylindriea au fort Bellknap (Texas). Je suis occupé en ce moment à écrire, avec le professeur Yan- dell, un mémoire sur quelques nouveaux Crinoïdes, pour le Jour- nal .de l* Académie des sciences naturelles cle Philadelphie. J’y comprends la description de plusieurs espèces nouvelles de Pentre - mites des terrains dévonien et carbonifère, et huit ou dix espèces de Crinoïdes appartenant à d’autres genres. M. de Verneuiî présente de la part de M. Feuardent, libraire à Cherbourg, quelques fossiles recueillis par lui sur le côté sud de la montagne du Roule. Parmi ces fossiles, qui sont très mal conservés, on peut reconnaître les espèces suivantes : Calymene BOA SÉANCE DU h FÉVRIER 1856. Tristani t Placoparia Tourneminei , Bellerophon bilobatus , Redonia Deshayesiana , Nucula CiœP, qui toutes sont propres à l’étage inférieur du système silurien. M. de Verneuil rappelle qu’il y a trois ans environ, M. Liais, attaché aujourd’hui à l’Observatoire de Paris, annonça que les couches de la montagne du Roule n’étaient pas entièrement dépourvues de fossiles, et qu’on venait d’y découvrir un Trilo- bite. Ayant eu occasion d’aller à Cherbourg, M. de Verneuil vit ce Trilobite chez M. Lesdos, libraire, qui en avait fait l’heu- reuse découverte. Il y reconnut le C. Tristani , une des espèces les plus communes dans les schistes siluriens de la Bretagne, particulièrement dans ceux d’Angers, de Vitré, et de Siouville dans le Cotentin, et pria M. Lesdos de le conduire au point même où il l’avait trouvée. En sortant de Cherbourg sur la route de Paris, on laisse à gauche l’imposante montagne du Roule, dont l’escarpement, taillé à pic, a fourni la plus grande partie des matériaux de la digue. A moitié environ de la côte, on voit, sur le bord de la route et dans quelques anciennes carrières, les grès quartzeux du Roule reposer sur des schistes bruns, impurs, en couches épaisses. C’est dans ces schistes qui, de même que les grès, inclinent légèrement vers le nord, c’est-à-dire vers la rade, qu’a été trouvé le premier échantillon de C. Tristani , et que M. Feuardent a recueilli récemment les espèces que nous venons de mentionner. Ces schistes, selon toutes les apparences, sont inférieurs à la grande masse des grès ou quartzites du Roule, car leur peu d’inclinaison ne donne pas lieu de croire qu’il y ait quelque renversement de couches. Quant au grès du Roule, il ne présente aucun fossile. Il est distinctement stratifié, et ses bancs, très durs, sont séparés souvent par quelques minces feuillets de schistes talqueux qui semblent être le produit d’un commencement de métamor- phisme. Quelle que soit l’apparence d’ancienneté qui en résulte, il nous paraît que l’on doit conclure de ce qui précède qu’il est plus récent que les schistes siluriens inférieurs d’Angers dont l’âge est exactement celui des schistes de Llandeilo. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 305 Séance du 18 février 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYÊS. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice : Journal des Savants ; janvier 1856. De la part de M. G. Cotteau : — 1° Notice sur Rage des couches inférieures et moyennes de V étage corallien du dépar- tement de V Yonne (extr, du Bull . (le la Soc . géol. de France , 2* série, t. XII, p. 693) ; in-8°, 17 p. — 2° Note sur un nouveau genre d’Echinide fossile, genre Desorella, Cot. (extr. du même Bull., même vol. p.710); in-8°, 7p. De la part de M. J. Durocher : Voyages en Scandinavie , en Laponie, au Spitzherg et aux Féroé pendant les années 1838, 1839 et 1840, sur la corvette la Recherche, sous la direction de M. Paul Gaimard. — Géologie, minéralogie, métallurgie et chimie, par M. J. Durocher, in-8°, 482 p. 1 atlas, in-f° , contenant une carte en 2 feuilles gr. colomb. 86 pl. de coupes et vues . Paris, 1855, chez Arthus Bertrand. De la part de M. W. E. Logan : 1 ■ Remarks on the mining région of Lake Superior ; in-8°, 31 p., Montréal, 1847. — 2° Geological surveyof Canada. — Reports of progress for the years 1844: 1848-1849, 1849-1850, 1850-1851, 1851-1852, 1852-1853. Cinq broch. in-8, impr. 5 Montréal. — 3° Origin and progress of the geological survey of Canada (extr. f rom Scobie’s Canadian almanach for 1851)*, in-8°, 19 p. De la part deM. E. S. de Rottermund : 1° Report and criti- ques ; in-8°, 99 p. Montréal, 1850. — 2° Rapport géologique à S . H. le maire de Québec ; in-8°, 9 p. Québec, 1er mars 1855. De la part de M. le professeur Sedgwick : A Synopsis of the classification of the British palœozoic Rocks; 1 vol. in-4°, Soc. géol, 2e série, tome XIII . 20 306 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. 661 p. et un atlas de 25 pl.* Londres, 1855, chez John, W. Parker and son. De la part de M. Pedro Ysnaga y Hernandez : Prospectus d’un traité sociologique , ou discours sur l’ évolution intellec- tuelle de l’humanité ; in-8°, 24 p. ^ Trinidad de Cuba, 1855; Paris, 1855, chez Henri Plon. De la part de M. Jaubert : Description d’une espèce nouvelle ^/’Ancyloceras de l’étage néocomien de Castellane (. Basses - Alpes). (Extr. des Ann. de la Soc. d’Agric., d’Hist. nat. et des Arts utiles de Lyon, séance du 7 juillet 1854); in-8°, 4 p., 1 pl. L’Institut , 1856 ,nos II 53 et 1154. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’ Académie des sciences , 1856, 1er sera., t. XLII, nos 5 et 6. Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan, t. I, janvier 1856, in-8°. The Athenœum ; 1856, nos 1476 et 1477. Neues fahrbuchjür Minéralogie , etc., de Leonhard etBronn, 1855 5 7e cahier. Zeitschrift des Deuischen geologischen Gesellschaft ; vol. VII, 2e et 3e cahiers, février à juillet 1855. Würtembergische naturwissenschaftliche Jahreshefte ; XIIe année, 1er cahier. Revisla minera', t. VII, n° 137. Natuurkundig Tijdschrift voor Nederlandsch Indié ; vol. IX. — Nouv. série, vol. VI*, 5e et 6e livr. M. Viquesnel, en offrant à la Société de la part de M. Duro- cher un ouvrage intitulé : Voyages en Scandinavie, en Laponie, au Spitzberg et aux Feroè, pendant les années 1838, 1839 et 1840, sur la corvette la Recherche, Géologie , Minéralogie, Métallurgie et Chimie, par M. J. Durocher, donne un aperçu des matières traitées dans cet ouvrage. La première partie, de 14 feuilles de texte, comprend les chapitres suivants : Recherches sur le phénomène diluvien dans le nord de l’Europe. Description géologique des îles Feroè. Recherches sur les roches et les minéraux des mêmes îles. MÉMOIRE DE M. A. FAYRE. 307 Dans la deuxième partie, les deux premiers chapitres intitu- lés : Esquisse orographique de la Scandinavie et de la Finlande et Constitution géologique, et formant ensemble trois feuilles de texte, présentent seuls un intérêt purement scientifique -, le reste du volume, composé de 45 feuilles, est consacré à des observations sur les mines de la Scandinavie. L’atlas de l’ouvrage contient : 1° La carte géologique en deux feuilles 5 2° Une planche de coupes géologiques; 3° Deux planches de vues ; l\° Trois planches représentant des plans de mines. M. Viquesnel fait observer que la publication de l’ouvrage, imprimé sous les auspices du Gouvernement, n’ôle rien à l’intérêt du travail présenté à la société, en 1853, par M. Durocher, et dont le conseil a autorisé l’insertion dans notre recueil de Mémoires ; ce travail, en effet, composé de 25 feuilles de texte, fait connaître avec détails : 1° La géographie physique de la Scandinavie ; 2° La constitution géologique du même pays; 3° Les phénomènes dynamiques qui ont successivement agi dans cette contrée et qui lui ont donné son relief actuel. A l’appui des observations présentées par M. Viquesnel, M. Eîie de Beaumont dit que la publication de l’ouvrage de M. Durocher a dû se faire dans des conditions qui n’ont pas permis à l’auteur d’exécuter cette publication avec tous les soins désirables. C’est donc à l’impression de son mémoire dans le recueil de la Société que les géologues devront de profiter des belles recherches de M. Durocher sur les pays Scandinaves encore si peu connus. M. Damour lit le mémoire suivant de M. A. Favre, de Genève : Recherches sur les minéraux artificiels, par M. A. Favre, professeur de géologie à l’Académie de Genève. Sous le 110m de minéraux artificiels, je n'entends pas compren- dre les imitations de minéraux faites au moyen de verres colorés ou de toute autre substance , et formées dans le seul but d’offrir 308 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. une analogie plus ou moins éloignée avec les minéraux auxquels on veut quelquefois les substituer. Mais sous le nom de minéraux artificiels , je désigne des substances plus ou moins cristallisées faites dans les laboratoires et dans les usines , présentant la même composition chimique, les mêmes formes cristallines et les mêmes propriétés que les minéraux à l’imitation desquels elles ont été produites. La seule différence qui existe entre les espèces miné- rales proprement dites et ces substances , c’est leur origine ; les premières ont été formées naturellement et les secondes ont été produites par des expériences. Les premières ont une origine qui, pendant longtemps , nous a été inconnue, tandis que les secondes ont été confectionnées par des réactions qui peuvent se reproduire à volonté. D’un côté , tout est incertain ; de l’autre , tout est connu. Il faut donc mettre en rapport ces deux ordres de faits et chercher à expliquer les premiers par les seconds. Fontenelle disait, en 17Ù6 , en parlant d’un essai tenté pour fabriquer du silex : « Peut-être, à force d’imiter de plusieurs ma- » nières cette production de la nature , viendra-t-on un jour à » connaître l’opération ou les opérations qu’elle emploie pour la » former (1). » Ce que Fontenelle avait prévu il y a plus d’un siècle s’est réalisé. On connaît en effet maintenant bon nombre de substances minérales qui ont été reproduites. Diverses observations de gisement, d’association et même de formation naturelle de minéraux, ont fait penser que la nature avait fré- quemment suivi dans la création des espèces minérales la mar- che qui est indiquée dans la production artificielle de ces mêmes espèces. Dans ce travail , j’ai réuni des renseignements sur l’origine de plus de cent espèces minérales. Mais avant d’aller plus loin, je tiens à préciser ce'que j’entends par l’origine d’un minéral. Il est évident que ces mots n’indiquent pas l’origine première des élé- ments qui constituent les espèces minérales. Nous ne pouvons prendre leur histoire de si loin. Nous ne cherchons sous ce nom que les procédés que la nature a suivis pour faire arriver les élé- ments du minéral dans les positions où nous pouvons l’observer et ceux dont elle s’est servie pour ies y fixer. Nos recherches se bornent donc à préciser le mode par lequel chaque espèce miné- rale a été amenée des profondeurs de la terre à sa surface, ou la cause par laquelle des agents extérieurs ont pu la former. Mais pour ne parler que de ceux qui viennent de l’intérieur de la terre, (1) Histoire de C Académie des sciences , 1 7 i 6 . MÉMOIRE DE M. A. FAVRE. 309 i on sait que ce genre rie travail se borne à prendre les éléments des minéraux au moment où ils sortent du grand laboratoire placé à l’intérieur de la terre, lia porte de ce laboratoire est en- core fermée pour la science positive. Elle est à peine entr’ouverte aux spéculations scientifiques qui marchent en avant-garde. Pour avoir des renseignements sur toutes ces espèces minérales, j’ai fait, comme le disait Guettard , « usage de mes lectures dans » lesquelles j’ai eu toujours soin de marquer ce qui concernait » mon projet (1). » J’ai cherché à distinguer autant que possible les idées théoriques et les hypothèses des expériences positives. Pour ces dernières, ce sont surtout les travaux de MM. Mitscher- lich, Haussmann, Berlhier, Percy et Miller, Ebelmen, de Sénar- mont , Kuhlmann , Becquerel, Durocher, etc., etc., qui m’ont fourni les documents les plus précieux. Tout en recherchant autant que possible la précision, je ne l’ai pas portée cependant jusqu’à entrer dans les détails des diverses influences qui peuvent avoir fait varier les formes cristallines secondaires des minéraux, et je n’ai pas tenu compte des circon- stances qui ont déterminé leur position et leur cristallisation, telles qu’elles sont indiquées dans les mémoires de MM. Franckenheim, Lavalle, Le Blanc, Beudant, etc. Ce n’est donc pas un sujet tout à fait nouveau que celui dont je m’occupe. Déjà en 1823 , M. Mitscherlicli disait, en parlant des travaux très fructueux auxquels il s’était livré pour repro- duire des espèces minérales : « Ils répandent en même temps une » nouvelle lumière sur les recherches géologiques. On reproduira » de cette manière beaucoup de phénomènes qui ont eu lieu à la >» formation de la terre ; on répétera les observations géologiques » par des essais que l’on peut disposer à volonté pour confirmer » ces observations, et l’on cherchera à retrouver dans la nature » même celles que l’on a faites dans le laboratoire (2).» ft Ce fut une inspiration bien féconde pour la théorie de la for- » mation de l’écorce terrestre, dit M. de Humboldt, et pour celle » du métamorphisme , que l’heureuse idée de comparer les » minéraux naturels aux scories de nos hauts-fourneaux et de » chercher à les reproduire de toutes pièces, etc. (3). » « Des moyens de synthèse aussi simples , disait M. de Sénar- » mont , applicables cependant à des composés aussi divers, don- (1) Mémoires de l’Académie des sciences, 1746, p. 542. (2) Annales de chimie et de physique, 1823, t. XXIV, p. 355. (3) Cosmos y t. I, p. 307. 310 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. » nent certainement une assez grande vraisemblance aux concep- » tions spéculatives qui m’ont dirigé dans ces recherches (1). » Pour ma part, j’ai toujours été surpris que des considérations de cette nature, qui ont une si haute importance pour l’histoire naturelle de notre globe , n’aient jamais trouvé place dans aucun traité de minéralogie ou de géologie (je ne parle pas ici des ouvra- ges allemands). J’espère qu’en réunissant, comme je l’ai fait, ces matériaux épars, j’aurai facilité l’introduction de ces utiles rensei- gnements dans les ouvrages plus ou moins élémentaires. On peut prendre la structure du granité comme exemple de la grandeur des résultats auxquels conduisent ces expériences. On sait que dans le granité les cristaux de quartz sont très fréquemment moulés sur les cristaux de feldspath , c’est-à-dire que la substance la moins sensible, le quartz, paraît s’être solidifié après la sub- stance la plus sensible, le feldspath. C’est un fait qui, se retrou- vant dans tous les granités du monde, joue un grand rôle dans la structure des roches les plus importantes du globe. Ce fait , si surprenant, a été mis hors de doute par les expériences de M. Daubrée (2). Ce savant a observé, en effet, que lorsqu’on forme du quartz, au moyen du chlorure de silicium, arrivant en vapeur à une haute température , sur les bases les plus communes dans les roches, la chaux , la magnésie et l’alumine , une partie des bases se transforme en silicate et le quartz cristallise en même temps et plus tard que ces silicates, c’est-à-dire à une température inférieure à son point de fusion. Ces observations ont encore de l’importance au point de vue de l’origine des filons. Il semblait que l’on avait épuisé le champ des suppositions sur ce sujet ; en effet, Werner avait développé l’idée que les matières avaient pénétré dans les filons de haut en bas par une dissolution aqueuse ; Hutton soutenait que les matières des filons étaient arrivées à l’état de fusion et de bas en haut; enfin, on avait supposé que ces substances étaient venues dans les filons par ségrégations ou infiltrations. Les expériences dont nous nous occupons, et particulièrement celles de MM. de Sénarmont, Daubrée et Durocher, ont dénoté un nouveau mode de formation. Elles ont montré que la plupart des minéraux des filons peuvent se développer par des réactions ayant lieu dans des vapeurs et dans des eaux soumises à une haute pression, par l’effet d’une tempéra- ture élevée. Ce genre d’action existe, sans aucun doute, dans des 1) Comptes rendus de ï Acad. des sc , 1851, t. XXXII, p. 407. 2) Comptes rendus de C Acad. des sc . , t. XXXIX, p. 135. MÉMOIRE DE M. A. FAVRE. 311 éruptions d’eau thermale , et à une température plus ou moins , élevée. Mais il arrive parfois que si certains minéraux ont été produits par voie humide, ces mêmes minéraux sont également produits par fusion ignée dans d’autres expériences. L’apatite, par exemple, a été obtenue de différentes manières; elle a été produite par double décomposition dans ces liquides à la température ordinaire, et par voie de fusion ignée ; on l’a encore obtenue au moyen de vapeurs agissant à une haute température, et par voie électro- chi- mique. On pourrait indiquer encore le sulfate de baryte, que l’on a produit par trois méthodes. Lequel de ces moyens est celui que la nature a employé pour former l’une de ces espèces minérales? Ou, en généralisant la question, nous nous demandons de quelle | manière on distinguera la méthode employée par la nature pour former une de ces substances qui , dans nos laboratoires, est pro- duite par plusieurs ordres de réactions ? On arrivera à connaître la méthode de la nature par l’examen du gisement de l’espèce minérale et par la discussion de l’origine des minéraux qui lui sont associés. Si ces minéraux peuvent, en majorité, être reproduits par l’une des méthodes qui a formé l’es- pèce dont on s’occupe, il y aura très grande probabilité que ce procédé est celui employé par la nature. Ce travail est donc un catalogue détaillé des expériences qui ont servi à la fabrication des minéraux. Il contiendra tous les renseignements utiles, pour le but que je me suis proposé, sur le gisement de chaque espèce minérale et sur les espèces qui lui sont associées. J’ai cherché à le rendre plus clair en réunissant les données sur les productions des espèces minérales sous forme de tableaux, qui sont trop grands pour être publiés ici. Ils sont divisés en classes par des lignes verticales et par des lignes hori- zontales. En haut de chaque colonne se trouve le nom d’une espèce minérale, et sur chaque ligne horizontale le titre d’une des méthodes employées à former les espèces. De cette manière on met dans la colonne de chaque espèce quelles sont les méthodes | par lesquelles le minéral a été obtenu. On met en même temps | sur les lignes horizontales les noms de tous les minéraux qui ont été obtenus par le même procédé. Parmi ces méthodes, il en est une qui serait de beaucoup la plus exacte, si elle n’était pas souvent très compliquée. Je veux parler de celle qui consiste à observer directement la formation des minéraux, là où ils se fabriquent maintenant (volcans, sources, éjec- tions, etc.). Elle fournit la solution la plus directe du problème 312 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. cherché. Mais, jusqu’à présent, on n’a pu surprendre qu’un fort petit nombre de minéraux à l’état naissant, et souvent encore leur ori- gine ou leur formation ne peut s’expliquer que par quelques idées théoriques, sur lesquelles on n’est pas toujours d’accord. Je prends par exemple le gypse, qui est une substance fort répandue, et à la naissance de laquelle on peut assister dans bien des localités: si cette naissance s’explique avec certitude dans quelques cir- constances, il n’en est pas toujours ainsi , et les réflexions de M. Scacchi (1) sur la formation du gypse dans les volcans sont bien propres à nous convaincre que l’examen de la formation des minéraux dans la nature, lors même qu’elle se passe sous les yeux de l’observateur, peut trop souvent laisser de l’incertitude. Je crois avoir suffisamment développé le parti que l’on peut tirer de ces travaux pour expliquer l’origine des minéraux. Je m’occu- perai maintenant du diamant, comme exemple d’un autre genre de résultat auquel peut conduire cette association des recherches de la chimie et de la géologie. Cet exemple donnera l’idée de la manière dont je traite chaque espèce minérale. Il montrera aussi comment le gisement d’une espèce indique la marche à suivre pour la reproduire. Du diamant. — Expériences et opinions diverses sur l’origine du diamant . Nous ne nous arrêterons pas sur les expériences de M. Silliman , car elles ont été fortement contestées (2). Nous ferons de même pour celles de M. Cagniard-Latour, ce savant ayant lui- même reconnu qu’elles n’avaient pas réussi (3). Quoique la fabrication du diamant au moyen du sulfure de carbone n’ait pas été plus heureuse, M. Babinet a conseillé une nouvelle expé- rience basée sur la décomposition de ce composé (U). M. Despretz a annoncé qu’il avait obtenu des diamants par divers procédés basés sur le transport et le dépôt du charbon par un courant électrique (5). Ce ne sont pas, il est vrai, des cristaux de carbone que l’on puisse isoler et peser, mais du carbone cris- tallisé en octaèdres (microscopiques) noirs, en octaèdres incolores, en lames incolores et translucides, dont l’ensemble a la dureté de (1) Annales des mines, 1840, t. XVII, p. 346. (2) Ann. de chimie et de physique , t. XXIV, p. 222. (3) Acad, des sc<, 12 juillet 1847. — Institut , 1847, p. 226 et 244. (4) Revue des deux mondes, 1855, t. IX, p. 821. (5) Comptes rendus de V Acad, des sc.} 5 et 1 9 septembre 1853. Archives des sc.phys. et nat. , 1 853, t. XXIV, p. 281. i MÉMOIRE DE M. A. FAVRE. 313 la poudre du diamant, et qui disparaît dans la combustion sans résidu sensible. Le procédé qui a le mieux réussi est basé sur la cristallisation lente du carbone, produite dans un courant d’in- duction. En agissant sur du chlorure de carbone, le résultat est moins saillant. Quel que soit l’intérêt incontestable que présen- tent ces belles expériences, il nous semble cependant que l’on ne peut pas regarder le procédé suivi par M. Despretz comme. étant celui que la nature a employé pour produire le diamant. Il semble que la découverte des diamants noirs poreux, criblés de petites cavités et amorphes , qui a été faite il y a peu d’années (1), est propre à encourager les recherches, car ces dia- mants paraissant moins parfaits que les autres semblent plus faciles à reproduire. On sait que quelques-uns de ces diamants nous présentent une grande ressemblance avec le coke. Ce rapport est confirmé par M. Jaquelain, qui a obtenu une matière charbonneuse ayantcom- plétement l’aspect et l’apparence du coke, en soumettant le dia- mant à une température très élevée entre les deux pôles d’une pile de Bunsen (2). M. Despretz est arrivé à un résultat analogue en montrant que le charbon fondu et le diamant fondu, au moyen de la pile, ne sont que du graphite (3). M. Petzlioldt avait cru trouver dans différents diamants, et entre autres dans un diamant brun, des mailles hexagonales semblables à celles qui se trouvent clansles végétaux silicifiés (Zi). Ces obser- vations semblaient être confirmées par l’opinion de M. Despretz qui croit que le diamant ne peut être que le produit d’une chaleur intense sur les matières charbonneuses (5). Mais M. Wœhler n’a pas retrouvé dans les diamants ces restes d’organisation, quoiqu’il pense que la couleur brunâtre de quelques-unes de ces pierres est due à une origine organique (6). M. Dufrénoy, clans sa description de l’Etoile du Sud, croit (7) (1) Rapporté de Bornéo par M. Diard (Berzelius, 5e Rapport annuel , p. 162), et analysé par M. Rivot [Annales des mines , 1848, t. XIV, p. 419). (2) Acad, des sc., 1 4 juin ]8i7. — Institut, 1847, p. 195. (3) Acad, des sciences , 5 et 1 9 septembre 1853. (4) Voyez les dessins Journ. f. prat. Chem., t. XXV, p. 486. — Voyez aussi Berzelius, Rapp. annuel , 3e année, p. 112. — Institut , 1842, p. 260. (5) Annales des mines , 1851, t. XIX, p. 334. (6) Berzelius, Rapport annuel, 4e année, p. 153. (7) Comptes rendus de U Acad., 1855, t. XL, p. 3. SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. su que les diamants peuvent exister en groupes analogues à ceux des cristaux de quartz et qu’ils pourraient avoir quelque analogie avec les cristaux de quartz contenus dans le marbre de Carrare. * Les expériences, dit ce savant (1 ), qui ont prouvé que le diamant » ne renferme aucune matière volatilisable à l’abri du contact de » l’air, rendent peu probable l’opinion émise par ~M. Liebig, que » les diamants proviennent de la transformation organique des » matières végétales. » On le voit, les idées sur l’origine et la formation de cette pré- cieuse matière sont loin d’être arrêtées ; aussi devons-nous main- tenant nous occuper du gisement du diamant . M. Brongniart (2) nous dit que le terrain qui renferme les dia- mants du Brésil présente la plus parfaite ressemblance avec celui des Indes orientales où se trouve le même minéral; et MM. Mur- chison et de Verneuil (3) rapprochent le gisement du diamant du Brésil de celui de l’Oural. Ces remarques font penser que le gisement du diamant varie peu dans les différentes parties du globe où il se rencontre. D’après M. Denis, le diamant du Brésil se trouve dans la partie inférieure de l’itacolumite (ù), roche de texture schisteuse com- posée de quartz et de talc. M. de Humboldt nous parle de mica et non de talc, en sorte que nous hésitons sur le nom à donner à cette espèce minérale qui se trouve en feuillets avec le quartz. Cette espèce varie beaucoup, car en reprenant la description de M. Denis, la roche en est quelquefois chargée; d’autres fois elle ne présente que des masses de quartz. La roche elle-même est coupée par des veines de quartz hyalin , amorphe et cristallisé, dans lequel on rencontre les minéraux dont nous allons indiquer les noms dans le tableau suivant. Le gisement du diamant, tel qu’il est décrit par M. de Humboldt, est intéressant au point de vue de son origine. Ce savant remarque qu’au Brésil, du mica et du fer spéculaire se sont produits dans l’itacolumite quartzeux, dans le voisinage des diorites. Les dia- mants de Grammagoa sont enfermés dans des couches d’acide silicique solide , quelquefois ils sont enveloppés par des feuillets (1) Acad, des sc., 5 mars 1845. — Institut, 1849, p. 73. (2) Dict. des sc. nat, , t, XIII, p. I 51 . (3) Geology oj Russia in Europa , t. I, p. 481. (1) Acad, de Bruxelles , 7 mars 1 840. — Institut, 1 840, p. 241. Voyez aussi le travail de M. Lomonosoff, Ann. de chimie et physique , t. VII, p. 241 . 315 MÉMOIRE DE M. A. FAVRE. de mica, tout comme les grenats des micaschistes. Dans l’Oural, ils sont en relation avec la dolomie carbonifère d’Adolfskoï et avec le porphyre augitique (1). MM. Murchison et de \erneuil contes- tent l’association du diamant avec la dolomie (2). Nous admet- trons cependant cette relation qui nous paraît avoir été observée avec soin, et à laquelle M. Rose a donné l’appui de son nom dans j un travail sur ce sujet. Les espèces minérales qui accompagnent le diamant dans ses gisements sont les suivantes : 1 . Pyrites martiales. Du. (3). 2. Bismuth sulfuré. Du. 3. Plomb sulfuré. Du. 4. Titane anatase. *. 5. Titane rutile. *. 6. Disthène. Dau. 7. Tourmaline. Dau. 8. Schorl. Dau. 9. Amphibole. *. 10. Diallage. *. 11. Les manganèses, *. 12. Fer oligiste. G. L. , Dau. , Du. 13. Quartz. Dau. 1 4. Grenat. Dau. 1 5. Zircon. Dau. 1 6. Rubis. Dau. 17. Dolomie. Du. , 18. Chauxcarbonatéederrifère.Du. ! 19. Fer oxydulé. Du. | 20. Corindon. Dau. i 21. Topaze. *. • 22. Mercure sulfuré. *. ; 23. Tellure. *. ; 24. Cuivre natif . *. 25. Platine. *. | 26. Or. *. ! 27. Pyrite arsenicale. S. | 28. Pyrite cuivreuse. S. ! 29. Plomb carbonate, B. ; 30. 6 hromite de fer. E. | 31 . Fer titané. | 32. Fer arséniaté. | 33. Sphène. I 34. Talc. Cette énumération est en grande partie tirée du travail de M. Denis. Mais quelques espèces viennent des indications données par M. de Humboldt (4). Le savant auteur de Y Asie centrale indique encore l’iridium, les osmium-iridium blanc et gris, la malachite et la bassorite, comme se trouvant dans les alluvions aurifères de l’Oural, qui sont également, les alluvions diamantifères; mais nous les avons supprimés, parce qu’ils ont peu d’importance. Trois (1) Cosmos , t. I, p. 306. — Asie centrale , t. I, p. 50 I, et t. II, p. 525. (2) The geology of Bussia, t. I, p. 482. (3) J’ai placé à la suite de chaque espèce le nom du savant qui l’a reproduite : Du. — M. Durocher; Dau. — M. Daubrée ; G. L. — Gay- Lussac ; S. — M. de Sénarmont ; B. — M. Becquerel ; É. — Ebelmen. Les * renvoyent à la note de la page 316. (4) Cosmos et Asie centrale , ce sont les N°* 10, 17, 20, 22, 24 25 et 30 d6 la liste. 316 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. espèces (n08 15, 16, 21) sont indiquées par M. Dufrénoy, dans son Traite de minéralogie (i). Telles sont les espèces minérales qui accompagnent le diamant dans ses gisements, qui sont, comme on le sait, de deux sortes: 1° le gisement primitif dans l’itacolumite, au Brésil ; il y est accom- pagné d’un grand nombre de minéraux indiqués ci-dessus. 2° le gisement secondaire dans le cascalho, terrain composé de débris de quartz roulés, ou dans le gurgullio, roche formée des mêmes débris non roulés ; on y trouve encore les minéraux de la liste ci-dessus. Cette liste offre ceci d’utile à notre but, d’avoir été faite sans idée préconçue, et par différents auteurs. On voit dans cette énumération 3 h espèces minéral ës très variées ; ce sont des sulfures, des carbonates, des oxydes, des silicates, des métaux natifs, etc. Sur ces 3/t espèces il y en a 30 qui ont été obtenues artificiellement et lv dont la détermination présente quelques doutes, et dont la reproduction n’a pas été essayée ou n’a pas réussi. Sur les 30 espèces reproduites (qui sont les premières de la liste), il y en a 29 qui ont été faites au moyen de chlorures (2), savoir : (1 ) On a des observations nouvelles sur la topaze dans les sables au- rifères de l’Oural. JSeues Jahrbueh,\ 855, p. 702. (2) Parmi ces espèces, il en est quelques-unes sur lesquelles nous devons donner quelques explications. Le titane anatasc n’a jamais été fabriqué, et le titane rutile n’a été obtenu par M. Ebelmen que par fusion ignée. Mais M. Rose [Ann. de chimie et physique , t. XVI, p. 176) a montré qu’on pouvait convertir l’anatase et le rutile en brookite en faisant varier la température, etM. Daubrée a reproduit la brookite au moyen du perchlorure de titane. Nous pensons donc quu l’anatase et le rutile pourraient être obtenus au moyen d’un chlorure en vapeur. Le mot schorl a été employé, à ce que nous croyons, par M. Denis, pour désigner le pyroxène. Il a été produit par le chlorure en vapeur par M. Daubrée. Nous faisons pour Y amphibole et le dial- lage le même raisonnement que pour l’anatase, et nous admettons que ces espèces ont été obtenues artificiellement, parce qu’elles sont consi- dérées par beaucoup d’auteurs comme semblables au pyroxène, et que souvent les lames d’amphibole sont associées aux lames de pyroxène dans des cristaux. M. Denis désigne encore les manganèses. Cette in- dication est un peu vague. Nous croyons devoir la regarder comme indiquant les oxydes de manganèse, et l’on sait que la hausmanite a été reproduite par M. Daubrée. Nous réunissons Y hématite brune in- diquée par M. Denis au fer oligiste, parce que cette dénomination indique ou l’hématite rouge qui, d'après M. Beudant (t. II, p. 255), se trouve dans le cascalho, c’est alors du fer oligiste, ou le limonite qui alors proviendrait du fer oligiste. Nous supprimons de la liste de MÉMOIRE DE M. A. FAVRE. 317 les 2k premières par des chlorures en vapeur, les l\ suivantes (pla- tine, or, pyrite arsenicale et pyrite cuivreuse) par voie humide, au moyen de chlorures en dissolution à une haute température pour les pyrites, et à une température moins élevée pour les deux métaux natifs. Il est même possible, suivant la réaction, que les deux métaux natifs puissent se produire à la température ordi- naire, comme la dernière espèce, le plomb carbonaté, que l’on obtient par voie humide à cette température. Il est cependant éminemment probable qu’on pourrait obtenir ces deux espèces de pyrites par des chlorures en vapeur, comme la pyrite de fer; elles pourraient donc être réunies aux 2k espèces de -notre liste. Quand au cliromite de fer ou fer chromé, il n’a été obtenu par M. Ebelmen qu’au moyen de la fusion dans l’acide borique. Mais il est infiniment probable qu’on pourra l’obtenir au moyen des chlorures, comme le fer oxydé, avec lequel il a beaucoup de rapports. Les k dernières espèces de notre liste n’ont pas été obtenues artificiellement, ce qui ne veut pas dire qu’on ne puisse réussir à les produire. Au contraire, il est probable que l’on pourra se pro- M. Denis le bismuth oxydé , qui n’est qu’une décomposition du bismuth sulfuré. La topaze a été fabriquée par les mêmes procédés que les minéraux qui la précèdent, par M. Daubrée, excepté que le fluorure a été employé au lieu du chlorure. Mais les rapports des fluorures et des chlorures sont si grands, que nous croyons pouvoir ranger la topaze parmi les produits obtenus par ces derniers. Le mer- cure sulfuré et le tellure peuvent se ranger dans la catégorie des mi- néraux obtenus au moyen des chlorures en vapeur, bien qu’on ne les prépare pas ordinairement de cette manière, mais parce que ce mode de préparation réussirait infailliblement s’il était employé, et s’il n’y en avait d’autres d'une exécution plus facile. On sait que le mercure sulfuré montre souvent, comme le diamant, une prédisposition pour les matières carbonifères ( de Verneuil, Progrès de la géologie en Espagne en 1854, p. 11). Le cuivre natif paraît s’être formé au moyen du chlorure de cuivre. En effet, quoique ce chlorure soit diffi- cilement volatilisable, il se trouve au Vésuve, dans les fumarolles et dans les fentes de la lave. Le cuivre métallique se forme dans les roches de Faroë, d’après M. Bunsen, au moyen du chlorure réduit par l’hydrogène qui se dégage dans la formation des roches palazonitiques [Neues Jahrb ., p. 858. Scientifîc. Mêm . , novembre 1852, t. I, p. 62). L’or et le platine peuvent se former par la calcination de leurs chlorures, mais ce n’est probablement pas le procédé suivi par le nature. Les chlorures en dissolution de ces métaux peuvent être faci- lement décomposés par diverses réactions, ce qui nous fait ranger ces substances comme ayant probablement été formées par voie humide. 318 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. curer le fer titane de la même manière qu’on a eu la brookite et le fer oligiste, et que cette espèce, ainsi que l’arséniate de fer, viendra avec les pyrites, dont nous avons déjà parlé et le fer chromé, augmenter de 5 le nombre de substances obtenues dans les laboratoires au moyen des chlorures volatils. Quant au sphène, nous ne connaissons aucune expérience où il ait été reproduit. Il en est de même du talc. Si le minéral feuilleté des roches diamantifères n’était pas du talc, mais du mica , nous aurions une espèce de plus à ajouter à celle qui a été formée par fusion ignée. Par conséquent, aucune des substances qui n’ont pas été reproduites jusqu’ici ne s’oppose à l’idée que les minéraux qui accompagnent le diamant aient été formés, en grande majo- rité , par des chlorures à une température élevée. En résumé, les minéraux associés aux diamants sont au nombre de 3à, et les renseignements donnés par les expériences nous montrent qu’il y en a U qui sont inutiles à nos recherches, n’ayant pas encore été reproduits; 2à produits par des chlorures volatils; 5 par des chlorures en dissolution ; et 1 qui a été produit autre- ment. Les réflexions que nous avons faites peuvent nous faire prévoir que bientôt toutes ces espèces seront obtenues au moyen des chlorures en vapeur. Ces faits n’indiquent-ils pas la manière dont le diamant a été formé dans la terre? et, malgré les expériences récentes de M. Deville (1), ne signalent-ils pas le chlorure de carbone comme étant la combinaison à l’aide de laquelle on doit chercher à repro- duire cette pierre philosophale (2)? Si dans le cours de cette notice j’ai été amené à envisager un grand nombre de substances comme ayant été en majo- rité formées au moyen de chlorures à une température élevée, et plus spécialement au moyen de chlorures en vapeur, je ne prétends pas cependant que toutes ces substances se soient toujours (1) Comptes rendus de V Acad ., 4 856, t. LXIf, p. 49. (3) Depuis la rédaction de ces pages, je me suis aperçu que j'ai omis de tenir compte de l’intéressant travail de M. Damour, sur les sables diamantifères de Bahia ( Institut , 4 853, p. 77), dans lequel ce savant indique à peu près la méthode que j’ai suivie. 11 dit en parlant du diamant : « Ce n’est qu’après avoir comparé entre elles les espèces » qui l’accompagnent, avec plus ou moins de constance, qu’on distin - » guera celtes qui lui furent primitivement associées, et qu’on pourra » établir, sur des données plus certaines, une théorie de la formation » de cette précieuse matière. » Ce mémoire augmente de cinq le nombre des espèces qui sont as- MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTEAU. 319 formées de cette manière dans la nature. Au contraire, des recherches sur quelques-uns des minéraux dont j’ai parlé et qui peuvent être reproduits de plusieurs manières, montrent que lorsqu’on les trouve associés dans leurs gisements avec d’autres espèces dont la fabrication est différente, ils ont été créés par une autre méthode. On voit donc que dans ce travail, il résulte de l’union des expé- riences et de la discussion du gisement des espèces, que non- seulement, on peut arriver à préciser d’une manière assez certaine la méthode employée par la nature pour la fabrication des miné- raux, mais qu’encore la géologie peut donner des directions utiles sur le mode à employer pour faire artificiellement des espèces minérales. A la suite de cette communication, MM. Gh. S. -G. Deville et d’Omalius d’Halloy, présentent quelques observations rela- tives aux travaux importants que MM. Elie de Beaumont, Bischoff et Dufrénoy ont publiés antérieurement sur le même sujet et dont M. Favre ne paraît pas avoir eu connaissance. M. Gotteau fait la communication suivante : Catalogue clés Echimdes fossiles des Pyrénées , par MM. Leymerie et Gotteau. Dans le courant de l’été dernier, M. Leymerie nous a commu- niqué une suite nombreuse d’échinides recueillis par lui dans différentes localités des Pyrénées. Ces fossiles, bien qu’appar- tenant à des terrains distincts, forment un ensemble remarquable. La plupart, indépendamment de l’intérêt qui s’attache à tous les fossiles provenant de cette partie de ia France, ont une valeur zoologique réelle et nous avons pensé qu’il ne serait pas sans utilité d’en publier le catalogue. sociées au diamant ; ce sont : Yorthose^ le diaspore, Y hydrophosphate d’alumine et de chaux , Y hydrophosphate et le silicate d'yttria. Ces nouveaux minéraux militent pour ce que j’ai dit de l’origine du dia- mant. Le feldspath, en effet, a été reproduit par M. Daubrée au moyen d’un chlorure en vapeur, et le diaspore par M. de Sénarmont, au ! moyen du chlorhydrate d’ammoniaque. Je ne connais aucune expé- rience tendant à reproduire les autres espèces. J’ajouterai encore aux espèces reproduites par des chlorures en vapeur, Y étain oxydé qui a été obtenu par M. Daubrée, et qui a été découvert depuis peu dans les sables diamantifères. 320 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. Afin de rendre ce travail plus complet, nous avons ajouté aux échinides communiqués par M. Leymerie, mais seulement lorsque nous n’avions aucune incertitude sur leur origine, plusieurs autres espèces déjà décrites ou se trouvant dans les collections que nous avons consultées. Nous devons notamment à l’obligeance de M. Deshayes la communication de plusieurs oursins des Pyrénées, que M . Tallavignes, si prématurément enlevé à la science, lui avait remis et qu’il nous a été très intéressant de pouvoir étudier. Ce catalogue, en ce qui nous concerne, est purement zoolo- gique. Les indications de gisement et de localité pour toutes les espèces qu’il nous a envoyées, nous ont été fournies par M. Ley- merie qui se réserve d’appliquer à la géologie des Pyrénées le résultat de nos déterminations. Les espèces que nous signalons appartiennent aux terrains juras- sique, crétacé, épicrétacé et tertiaire. Elles ont été recueillies dans les départements des Basses-Pyrénées, des Hautes- Pyrénées, des Landes, de la Haute-Garonne, de l’Ariége, de l’Aude et des Pyrénées-Orientales. Ier genre. — Cidaris, Lamarck. N° 1, Cidaris Ramondi , Leymerie, 1851. Syn. Cid. Ramondi , Leym., Noua. type Pyr., Mém. Soc. géol. de F r. , 2e sér. t. IV, p. 192, pl. IX, fig. 11 et 12, 1851 .—Id. Des. Syn. des Éch. , p. 16, pl. VI, fig. 13, 185à. Nous attribuons à cette espèce, ainsi que l’a déjà fait M. Leymerie (/oc. cil.), des radioles de forme très variable, plus ou moins renflés, à sommet pointu, couverts d’une granulation fine, serrée, irrégulière. Terrain crétacé. — Gensac (Haute-Garonne), Montléon (Hautes- Pyrénées). Coll. Leymerie. N°2, Cidaris Faujasii, Desor, !85à. Syn. Faujas , Mont, de Maastricht , p. 17 à, pl. XXX, fig. 13 et iU, 1799. — -Leym. , Noua, type Pyr. Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. IV, p. 192, pl. IX, fig. 13 a (ext. B), 1851. — Cid. Faujasii, Des. Syn. des Éch., p. 33, pl. V, fig. 15, 1 85/*. Terrain crétacé. — Gensac. Coll. Leymerie. Localités autres que les Pyrénées. Fox-les-Caves et IYlaestricht (étage sénonien); cale, à baculites de Port-Brebay, calcaire piso- litique de Meudon (Desor). MÉMOIRE DE MM» LEYMERIE ET COTTEAU. 321 N° 3, Cidaris' subulaity^ d’Archiac, 1846. Syn. D’Arch., Foss. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr. 2e séi\, t. Il, p. 206, pl. Y il, fig. 17, 1846. — • Ciel, subularis, d’Arch. , in Agas. et Des., Càt. rais.. An. se. nat ., 3esér., t. VI, p. 336, 1846. — ld. d’Arch., Foss. nam.. Nom. Soc . géol, de Fr. 2e sér., t. III, p. 419, pi. X, fig. 4, 1850. — ld. Des., Syn.desÉch. p. 36, pl. VH, fig. 10, 1854. Terrain épicrétacé. — - Biarritz. Coll. Leymerie, d’Archiac. N° 4, Cielaris pr ion ata, Àgassiz, 1846. Syn. D’Arch., Foss. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr., ; 2e sér.,t. II, p. 206, pl. VIT, fig. 16, 1846. — Cid. prionata, ' Agas. et Des., Cat. rais, des Ê ch., An. sc. nat., 3e sér., t. VI, p. 335, 1846. — • ld., d’Arch., Foss. nam., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p. 419, pl. X, fig. 2, 1850. — lel. Des.; Syn. des Êch., p. 36, pl. VII, fig. 11, 1856. Terrain épicrétacé. * — Biarritz. Coll. d’Archiac. JY° 5. Cidaris semiaspera , d’Archiac, 1846. Syn. D’Arch., Foss. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. Il, p. 206, pl. YIÏ, fig. 18, 1846. — Cid. semiaspera, Agas. et Des., Cat. rais, des Êch., An. sc. nat., 3e sér., t. VI, p. 336, 1846. — ld. , d’Arch., Foss. nam., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p. 419, pl. X, fig. 3, 1850. — ld., Des., Syn. des Èch ., p. 36, pl. Vil, fig. 14, 1854. Peut-être devrait-on réunir cette espèce au C. subularis , qui n’en diffère que par ses granules moins forts et disposés en séries : plus nombreuses. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. N° 6. Cidaris subserrata , d’Archiac, 1850. ! Syn. Cid. subserrata, d’Arch. , Foss. nam., Mém. Soc. géol. de J Fr., 2e sér., t. III, p. 420, pl. X, fig. 12, 1850. — IeL, Des., i Syn. des Êch., p. 37, pl. VII, fig. 20, 1854. | Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. N° 7. Cidaris striato-granosa , d’Archiac, 1850. Syn . Cid , striato-granosa, d’Arch., Foss. nam., Mém. Soc, Soc. géol.. 3e série , tome XIII. 21 322 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. géol., 2e sér., t. III, p. 420, pl. X, fig. 7, 1850. — Id%, Des., Syn. des Éch ., p. 37, pi. Y il, fig. 12, 1854. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. N° 8. Cidaris subcylindrica , d’Archiac, 1850. Syn. Cid. subcylindrica , d’Arch., Foss. nam ., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p. 420, pi. X, fig. 8, 1850. — ld., Des., Syn. des Éch., p. 37, pl. YII, fig. 13, 1854. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. N° 9. Cidaris interline ata , d’Archiac, 1850. Syn. Cid. interlmeata , d’Arch., Foss. num., Mém . Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p. 420, pl. X, fig. 10, 1850. — Ici., Des., Syn. des Éch., p. 37, pl. VII, fig. 19, 1854. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. N° 10. Cidaris subprionata, A. Rouault, 1850. Syn. Cid. suprionata, A. Rou., Foss. des env. de Pau , Mém. Soc. géol. de Fr ., 2e sér., t. III, p. 467, pi. XIY, fig. 15. 1850. — Id., Des., Syn. des Éch., p. 36, pl. VII, fig. 9, 1854. Terrain épicrétacé. — Bos d’Arros ( Basses- Pyrénées -). Coll. Rouault. N° 11. Cidaris mamillata, Cotteau, 1856. Tubercules interambulacraires au nombre de cinq par rangée, remarquables par le développement de leurs mamelons. Scro- bicules circulaires, déprimés, entourés d’un bourrelet saillant de gros granules. Zones miliaires presque nulles. Aires ambulacraires ‘ flexueuses, étroites, ne portant que deux rangées de granules. - — Voisine du C. Forcharnmeri, cette espèce s’en distingue par ses aires ambulacraires plus fluxueuses, et ses scrobicules à zone lisse plus développée. Terrain crétacé. — Envirous de Carcassonne, coll. Leymerie. IIe Genre. — Rabdocidaris, Desor. N° 12. Rabdocidaris Moraldina, Desor, 1854. ( Cidaris , Cot. , 1849.) « Syn. Cid. Moraldina, Cot., Et. Éch., joss. de V Yonne, lrepart., p. 33, Pi. i. «g. i -3, 1849. — Rabdocidaris Moraldina , Des., Syn . de» Éch., p. 42, pl VIII, fig. 11, 1854. MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTEÀU. 323 Lias. — Àspet (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. L ocalités autres que les Pyrénées, Avallon (Yonne), Asnières (Sarthe), étage liasien. N° 13. Rabdociclaris nobilis , Desor, 185A. ( Cidaris , Munst. , 1826.) Syn. Cid. nobilis , Munst. in Goidf., Petr. Ail. , p. 117, pl. XXXIX, fig. A, 1826. — Id., Agas,, Éch. suisses, II, p. 65, pl. XXI a, fig. 21, 18A0. — « Id. Agas. et Des., Cat. rnis, des Éch An. sc. nat ., 3e sér. , t. YI, p. 332, 18A6. — Rabdocid. nobilis, Des., Syn . des Éch., p. AO, pl. VIII, fig* 10, 185A. Terrain jurassique. — Riaucazé entre Encausse et Saint- Gaudens (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. Localités autres que les Pyrénées. Bayreuth, Randen , Jura blanc du Wurtemberg, Angoulin (étage corallien). N° IA. Rabdocidaris Tournali , Desor, 185 A. Syn. Rabdocid Toornali , Des., Syn. des Éch., p. A2, 185A. Terrain crétacé inf. (aptien). — La Clape (Aude). Coll. Michelin, Deshayes (Tallavignes). IIIe Genre. — Por©cidaris? Desor. N° 15. Porocidaris s errata, Desor, 185A. (i Cidaris , d’Archiac, 18A6. ) Syn. Cid. s errata , d’Arch. in Agas. et Des., Cat. rais, des Éch., An. sc. nat., 3e sér., t. YI, p. 336, 18A6. — • Id. , d’Arch., Foss. hum., Mém. Soc. geol. de Fr., 2e sér., t. III, p. Al 9 , pl. X, fig. 16, 1850. — ■ Porocid. sert ata, Des., Syn. des Ech., p. A7, pl. VII, fig. 23, 185 A. Terrain épicretacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. IVe Genre. — PseudodiadeBsaa, Desor. N° 16. Pseuclodiadema Kleinii , Desor, 1855. ( Diadema , Des M, 1837.) Syn. Diad. Kleinii, Des M., Ét. sur les Éch., p. 31 A, n° 15. 1837. — Id. , Agas. et Des., Cat. rais, des Ech., An. sc. nat., 3e sér., t. YI, p. 350, 18A6. — • Pscudodiad. Kleinii, Des., Syn. des Ech., p. 73, pl. XII, fig. A-6, 1855. Terrain crétacé. — Soulage (Aude). Coll. Michelin. SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. Z2ll Localités autres que les Pyrénées : Noyan, Cognac (Agassiz), Saint-Fraimbault, Villedieu (étage sénonien). Ve Genre. — - ©ipiopodia, M’Coy. N° 17, Diplopodia Malbosii , Desor, 1855. (. Diadema , Agas., 18/16.) Syn. Diad. Malbosii , Agas. et Des., Cat . rais, des Êch., An. sc. nat 3e sér., t. VI, p. 350, 1 846. — Diplop. Malbosii , Desor, Syn. des Éch . p. 78, pl. XII, fig. 12-1/t, 1855. Certains exemplaires de grande taille présentent à la face infé- rieure, sur les aires interambulacraires, six rangées de tubercules au lieu de quatre, et s’il n’existait des échantillons intermédiaires sur lesquels les deux rangées externes sont plus ou moins déve- loppées, on serait tenté de les réunir au D. Roissyi. — C’est, sans doute, cette variété de grande taille et à six rangées de tubercules interambulacraires que M. Desor avait sous les yeux, lorsqu’il a indiqué (Syn., p. 78) à La Clape le D. Roissyi , qui est propre à la craie de Gacé (d’Archiac) et occupe un horizon bien supérieur au D. Malbosii. Terrain crétacé inf. (aptien). — La Clape. Coll. Leymerie, d’Archiac, Deshayes (Tallavignes). Soulage (Agassiz). VIe Genre. — Coptosoma, Desor. N° 18. Coptosoma Atacicum (1), Leymerie, 1856. Espèce de taille moyenne, subpentagonale, déprimée; tuber- cules gros, serrés, crénelés, imperforés, égaux à peu près sur les deux aires, vers le pourtour du test, mais diminuant sensiblement de volume à la face supérieure, sur les aires ambulacraires. Gra- nules intermédiaires mamelonnés, inégaux, formant sur le bord externe des tubercules interambulacraires, deux rangées irrégu- lières et plus développées. — Voisine du C. cribrum , cette espèce s’en distingue par ses granules plus abondants et ses tubercules ambulacraires diminuant rapidement de volume à la face supé- rieure. Ce dernier caractère la distingue également du C. Hairnei , que nous ne connaissons que par une description de quelques mots. Terrain épicrétacé. — Aude. Coll. Deshayes (Tallavignes). ( \ ) Atax, Aude. MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTEÀU. 325 VIIe Genre. — CæiopEeurus, Agassiz. N° 19. Cœloplearus coron alis , d’Archiac et Jules Haime, 1853 ( Ciclaris , Klein, 1754.) Syn. Cid. coronalis , Klein, Ord. ncit. des Ours., p. 54, pl. IV, fig. DE, 1754. — Id., Leske, Kleinii Ech., p. 136, pl. VIII , fig. AB, 1778. — Echinus eqais, Valenc., Expi. pl. Eue. mê'th., pl. CXL, fig. 7-8. — Cœlopl. eqais , Agass., Cat. syst ., p. 2, 1840. — | Id ., d’Agass., et Des., Cat. rais. Éch., Ann. se. nat ., 3e sér., t. VI , p. 356, 1846. — - Id. , d’Arch., Foss. de Bayonne , Mém. Soc. géol. | de Fr 7, 2e sér.., t. II, p. 205, 1846. — Cœlopl. coronalis , d’Àrch. et J.Haime, Desc. des an. foss. de l’Inde, p. 198, 1853. — Cœlopl , cquis, Des., A//?. Éch., p. 97, pl. XVI , fig. 4-6, 1855. — Cœlopl. connatis , J. Haime, Not. sur la géol. de l’ile de Majorque, Bull, de la Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. XII, p. 748, 1855. Terrain épicrétacé. Biarritz (Agassiz). Loc. autres que les Pyrénées. Vich (Catalogne). Chaîne d’Hala, Binisalem (Majorque). Coll. Verneuil, d’Orbigny, Cotteau. N° 20. Cœloplearus Agassizii, d’Archiac, 1846. Syn. Cœlopl. Agassizii , d’Arch., Foss. de Bayonne , Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. II, p. 205, pl. VIII, fig. 2, 1846. — Id., Agass. et Des., Cat. rais, des Éch., Ann. sc. nat., 3e sér., t. VI, p. 357, 1846. — Id., d’Arch., Foss. num., Mém. Soc. géol. de Fr., T sér., t. III, p. 521, pl. X, fig. 15, 1850. — Id. , Des., Syn . Éch., p. 97, 1855. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. VIIIe Genre. — Echinopsis, Agassiz. N° 21. Echinopsis arenata, Des., 1855. ( Diadema , d’Arch., 1846.) Syn. D. arenatum , d’Arch., in Agass. et Des., Cat. rais. Éch., ' Ann. sc. nat., 3e sér., t. VI, p. 348, 1846. — Id., d’Arch., Foss. num., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér. , t. III, p. 420, pl. X, fig. 14, 1850. — Echinopsis arenata , Des., Syn. Ech., p. 99, 1855. Cette espèce, par l’ensemble de ses caractères, diffère notable- ment des Echinopsis, et ce n’est que provisoirement que nous la laissons dans ce genre où, du reste, M. Desor ne la place qu’avec , hésitation. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Col. d’Archiac. — Mont-Alaric. Coll. Leymerie, 326 SÉANCE DU 48 FÉVRIER J 856. N° 22. Echinopsis Leymcrii , Cotte au, 1856. Espèce subcirculaire, plus ou moins renflée, ornée sur les aires ambulacraires et interambulacraires de deux rangées de petits tubercules perforés et très légèrement crénelés. Quelques tuber- cules secondaires à la base des aires interambulacraires. Granules intermédiaires nombreux, inégaux, disséminés au hasard. Pores disposés par simples paires. Bouche très petite, rentrante, médio- crement entaillée. Cette espèce a toute la physionomie des Echi- nopsis ; cependant elle ne devra peut-être pas rester dans ce genre, dont elle diffère par ses tubercules certainement crénelés. Colonie crétacée dans le terrain épicrétacé (Leymerie), — Mon- soulas (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. IXe Genre. — Micropsis, Cotteau. Test circulaire, subconique. Tubercules crénelés, mais non per- forés, disposés en sériesverticales,et formant en outre , sur chaque plaque interambulacraire, des séries horizontales assez régulières. Pores simples, mais montrant cependant une tendance à se grouper par triples paires. — Voisin des Salmcicïs , ce genre en diffère par ses tubercules moins uniformes et par ses pores rangés par simples paires. N° 23. Micropsis Desorii , Cotteau, 1856. Espèce circulaire , subconique , ornée sur les aires ambula- craires de quatre rangées très régulières de tubercules, et, sur les aires interambulacraires, de deux rangées principales accompa- gnées à droite et à gauche de tubercules un peu moins développés, disposés sans ordre, mais formant cependant, sur le milieu des aires , des séries horizontales distinctes. Granules intermédiaires nombreux, inégaux, disséminés au hasard. Pores simples, ten- dant à se ranger par triples paires. Péristome petit. — Cette espèce, par la disposition de ses pores, se raproche de Y Echinus dubius ( Echinometra rnargaritifera , Nie.); mais elle s’en distingue par ses tubercules crénelés, par ses aires ambulacraires garnies de quatre rangées de tubercules et non de deux. Colonie crétacée dans le terrain épicrétacé (Leymerie). — Mar- soulas. Coll. Leymerie. MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTEAU. 327 Xe Genre. — Echinus, Linné. N° 24. Echinus microstoma , Cotteau, 1856. Espèce de moyenne taille, subcirculaire, également déprimée en dessus et en dessous. Aires ambulacraires renflées, garnies de deux rangées de petits tubercules imperforés et non crénelés , placés sur le bord des zones porifères. Aires interambulacraires ! présentant quatre rangées de tubercules égaux à ceux des aires ambulacraires. Les deux rangées du milieu composées de tuber- cules un peu moins apparents, plus espacés, se montrent surtout vers le pourtour du test. Pores disposés par quatre à cinq paires, : légèrement arquées, et formant une ligne presque droite. Péris- tome rentrant et très petit. Cette espèce, remarquable par la dispo- j sition de ses tubercules et de ses pores, par le renflement des aires ambulacraires, et surtout par l’étroitesse du péristome, ne saurait être confondue avec aucune de ses congénères; elle présente des caractères tranchés qui en font un type à part au milieu des Echinus. Peut-être devra-t-on la réunir au genre Stirechinus de M. Desor? Terrain crétacé. — Bouzin (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. N° 25. Echinus Leymerii , Cotteau, 1856. Espèce de très grande taille, subcirculaire, renflée. Aires ambu- lacraires étroites. Zones porifères larges ; pores disposés par cinq ou six paires formant des lignes arquées, d’autant moins obli- ques qu’elles se rapprochent de la bouche. Péristome petit, déca- gonal , profondément entaillé. — Malgré son mauvais état de conservation et l’absence complète de tubercules, cette espèce nous a paru nettement caractérisée par sa grande taille et la dis- position toute particulière de ses aires ambulacraires. Terrain épicrétacé. — Fabas (Ariége). Coll. Leymerie. XIe Genre. — Codechinus, Desor. N° 26. Codechinus Tallcivignesi , Cotteau, 1856. Espèce de taille moyenne, très renflée, conique, plus haute que large. Aires ambulacraires étroites, légèrement costulées, ornées j de deux rangées de petits tubercules iitf perforés et non crénelés, placés sur le borddes zones porifères. Aires interambulacraires pré- sentant aussi deux rangées de tubercules à peu près égaux à ceux des aires ambulacraires , mais plus espacés. Plaques interambula- S28 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856, craires étroites, au nombre de 33 à 35 par rangée, et marquées de sutures très apparentes. Pores disposés par triples paires obliques. j Péristome rentrant , de petite taille, — Tout en plaçant cette espèce dans le genre Codec/iinus , nous ferons observer qu’elle s’en i éloigne par sa forme plus conique au sommet, et se rétrécissant vers la base comme les Amblypneustes , par ses ambulacres plus étroits et costulés, par ses tubercules disposés en séries plus appa- < rentes. — Recueillie dans le département de l’Aude, par M. Tal- lavignes , auquel nous sommes heureux de la dédier, cette curieuse espèce nous a été communiquée par M. Deshayes, sans ! indication de gisement ou de localité. La nature et la couleur de la roche nous font présumer qu’elle provient de la Clape. Terrain crétacé inf. (aptien) ? La Clape? Coll. Desliayes (Tal- lavignes). XIIe Genre. — Saiemîa, Gray. N° 27. Salenia Prestensis , Desor, 1856. Syn . Sal. personata , Alb. Gras, Ours, foss., de l' Isère , p. 28, 18/18. — - Sal. Prestensis , Desor, Synops. des Êchinides, p. 151, 1856. Espèce relativement de grande taille, circulaire, subdéprimée. Aires ambulacraires très étroites , garnies de deux rangées de tubercules se touchant par la base, sans granules intermédiaires. Tubercules interambulacraires très gros, au nombre de cinq par rangée. Granules inégaux, formant une zone miliaire assez déve- loppée. Anus subtriangulaire. Péristome de grande taille. Cette espèce est voisine du Salenia scutigera ; elle en diffère cependant par sa taille plus forte, ses tubercules interambulacraires plus nombreux, plus développés près de l’appareil oviducal, son anus triangulaire et sa bouche plus grande. Elle est voisine également du Salenia petalifera [S. personata , Ag.); mais sa taille, et surtout ses aires ambulacraires étroites et dépourvues de granules suffisent pour l’en distinguer. Nous devons la connaissance de cette espèce à M. d’Archiac, qui nous a communiqué avec tant d’obligeance tous les Oursins qu’il a recueillis dans les Pyrénées. Terrain crétacé inf. (aptien). — Coll. d’Archiac. Lac. autres que les Pyrénées. — Le Rimet (Isère), la Presta (Yal de Travers), Kamor (Sentis), Auxerre (Yonne), étage aptien. MÉMOIRE DK MM. LEYMERIE ET COTTKAU « S29 iXIIÏ0 Genre. - — Clypeaster, Lamarck. N° 28. Clypeaster altus, Lamarck, 1816 [Ecldnanthus , Leske, 1778). Syn. Echin. altus , Leske, Add. ad Kleinii Echin . , p. 189, pl. LOI, fig. A, 1778. — Encycl. méth ., Zooph ., pl. CXLVI, fig. 1-2, 1791. — Cl. altus , Lam., ^4?. vert., t III, p. 1 A, n° 2, 1816. — ld. , Deslong., üîVzc. méth., Zooph., t. Il, p. 199, 1 82Zt. — Id. , Gratel., Mém. sur les Ours.foss ., p. Al, 1827. — ld., Des Moul., Et. sur les Éch., p. 216, n° 7, 1837. — Cl. Portentosus , Des M., Ét. sur les Ech., p. 218, n° IA, 1837. — Cl. altus, Ag\, Cat. syst ., p. 6, 18A0. — Cl. turritus, Ag., Cat. syst., p. 6, 18A0. — Cl. altus, E. Sismonda, Mém. Ech. jos. JSizza , p. A6, 18A5. — Cl. Agassizii, E. Sism., Mém. Ech. jos. Nizzci , p.A8, pl. II, fig. 5, 18A3. — Cl. altus , Agass. et Des., Cat. rais, des Ech., An. des Sc. nat., 3e sér., t. YIÎ, p. 130, 1847 . — Ici., Wright, On foss. Ech. of. isl. Malta ,, p. Il, 1855. Terrain tertiaire. — - Dax. Ecole des mines. Loc. autres que les Pyrénées. — Port de Bouc, S.-Miniato (Toscane); Nice, Turin, îles de Crète , de Malte, de Caprée ; Bonifacio ; Oran. N° 29. Clypeaster marginatus, Lamarck, 1816. Syn. Cl. marginatus, Lam., An. s. vert., t. III, p. 14, n° 16, 1816. — Cl. Tarahellianus, Grat., Ours, foss., p. AO, pl. I , fig. 5 et 6, 1836. — Cl. marginatus, Agass., Cat. syst., p. 6, 18A0. — ld., Ag. et Des., Cat. rais, des Ech., An. dessc. nat., 3e sér., t. YII, p. 1A1, 18A7. — ld. , Wright, Foss. Ech. ,f rom. Malta, p. 1 A , 1855. Terrain tertiaire. Environs de Dax (Landes). Coll. Grateloup. Loc. autres que les Pyrénées, — Bonifacio, Santa-Manza; Malte. XIYe Genre. — Sewteiia , Lamarck, 1816. N° 30. Scutella Paulensis, Agassiz, 18 AO. Syn. Scut. Paulensis , Agass. , Mon. Scut ,, p.83, pl. XIX, fig. 8-10, 18A1. — ld. , Agass. et Des., Cat, rais . des Éch., An. des Sc. nat., 3* sér., t. YIII, p. 135, 18A7. Terrain tertiaire. — Environs de Dax (Agassiz). N° 31. Scutella subtetragona, Grateloup, 1836. Syn , Scut. subtetragona , Grat., Ours, foss., p. 87, pl.I, fig. A, 1836. — Id., Des sur les Éch .,p. A35, 1837.— ld. Agass. 330 SÉANCE DU 48 FÉVRIER 1856. Mon. des Scut., p. 84, pl. XIX, fig. 7, 1841 Fl., Agass. et Des., Oit. rais. Ech ., An. sc. nat ., 3< sér., t. Yîl, p. 135, 1847. Terrain tertiaire. — Environs de Dax. Coll. Grateloup. XVe Genre. — - EeMiraocyamus, Yan Phels. N° 32. Echinocyamus plamdatus , d’Archiac, 1847. Syn. Echinoc. plamdatus, d’Arch. , Agass. et Des., Cat . rais . Èch., An.se. nat., 3csér., t.YII,p.l((0, 1847. — Id. d’Arch., Foss. nunn • Mém. Soc. géol. de Fr. , 2'‘ sér. t. III, p. 422, pl. *X, fig. 16, 1850. Dans l’échantillon que nous avons sous les yeux, l’anus est très sensiblement rejeté à gauche ; c’est, sans doute, le résultat d’une monstruosité. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. Leymerie, d’Archiac. N° 33. Echinocyamus Biarritzensis , Cotteau, 1856. Espèce de petite taille, ovoïde et renflée. Aires ambulacraires presque droites. Sommet excentrique en avant. Anus rapproché du bord (?). — Cette petite espèce se distingue de ses congénères par sa forme ovoïde et renflée et surtout par son sommet excen- trique en avant. Terrain épicrétacé — Biarritz. Coll. Leymerie. XYIe Genre. — Echinoconns, Breynius. JN° 34. Echinoconus albogalerus , d’Orbigny, 1854. Syn. Echinoconus Breynius, de Polyth., p. 57, pl. II, fig. 1-2, 1 /32. — ■ Conulus albogalerus , Leske, Klcinii Ech., p. 62, pl. XIII, fig. A B, 1778. — Galcr. albogalerus, Lam., An. s. vert., III, p. 20, 816. — - Id ., Goldf., Pelref. allern., t. I, p. 127, pl. XL, fig. 19, 1826. — Id ., Des., Mono g. cbes G a 1er. , p. 11, pl. I, fig. 4-11, pl. XYI, p. 7, 1842. — Id., Agass. et Des., Cat. rais, des Éeh., An. sc. nat., 3e sér., t. VII, p. 148, 1847. — Echinoconus alboga- lerus, d’Orbigny, Nat. rect, sur die. Eeh., Rev. et Mag. de zool., t. YI, p. 20, 1854. Terrain crétacé. — Bains de Rennes (Aude). Coll. d’Archiac. Loc.. autres que les Pyrénées. Partout caractéristique de la craie supérieure. N° 35. Echinoconus gigas , Cotteau, 1856. Syn* Globator gigas , Desor, in coll. Mich., 1855. MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTEAU. 331 Espèce de grande taille, globuleuse, renflée, subpentagonale, un peu rétrécie en arrière ; face inférieure plane. Tubercules irrégu- lièrement disséminés sur toute la surface du test. Anus marginal, elliptique. Bouche centrale, subpentagonale. Cette magnifique espèce a été placée par M. Desor dans le genre Globntor. C’est plutôt, nous le croyons du moins, un véritable Echinoconus (Galerites). Du reste le genre Globntor , si voisin des Echinoconus dont il ne diffère que par une forme plus ronde, est certainement destiné à disparaître de la méthode. Terrain crétacé. • — Beauchalot près Saint-Gaudens , Saint- Martory, Auzas, Picou près Roquefort (Haute-Garonne). Coll. Leymerie, de Lorière, Cotteau. Colonie crétaçée dans le terrain épicrétacé. — Salies (Haute- Garonne). Coll. Leymerie. XVIIe Genre. — Fyrin», Des Moulins. N° 36. Pyrina Alacica , Cotteau, 1856, Espèce ohlongue, renflée, quelquefois subconique, plane en dessous, arrondie en avant, un peu rétrécie en arrière. Zones pori- fères déprimées. Tubercules épais, homogènes, plus abondants et plus serrés à la face inférieure. Anus grand, elliptique, s’ouvrant à fleur du test dans la région postérieure. Bouche oblique, angu- leuse, subpentagonale. ■ — Cette espèce est intermédiaire entre les Echinoconus et les Pyrina ; elle nous a paru, cependant, se rap- procher davantage des Pyrina par sa forme ohlongue, ses tuber- cules disséminés sans ordre à la surface du test et sa bouche obli- que et anguleuse. Nous devons les échantillons que nous possédons à M. Sæmann, qui les a recueillis aux environs de Sougraigne (Aude) où ils sont assez abondants. Terrain crétacé. — Sougraigne (Aude). Coll. Sæmann , Cot- teau. XVIIIe Genre. — Pygasacr, Agassiz. N° 37. Pygaster orbicularis. (. Niicjeolites Grat., 1836.) Syn. Nucleol. orbicularis , Grat., Ours, foss ., p. 78, pi. II, fig. 21, 1836. — Pyga.ster costellatus, Agass., Cat, p. 3, 1840. — Id.y Des., Mono g. des Galér.. p, 81, pl. XI, fig. 1-4, 1842. — Id,y Agass. et Des., Cat. rais . des Éch., An. sc . nat 3#séï\, t. VII, p. 144, 1847. 332 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856, Nous rendons à cette espèce, parfaitement reconnaissable dans la figure quen a donnée M. Grateloup, le nom d ' orbicularis plus ancien que celui de cos tel la tus. Terrain crétacé. — Env. de Dax. Coll. Grateloup. Loc. autres que les Pyrénées. Ile d’Aix, Fouras, Le Mans (étage cénomanien). XIXe Genre. — Cassidulus, Lamarck. N° 38. Cassidulus ovalis , Cotteau, 1856. Espèce oblongue, ovale, légèrement renflée en dessus, subcon- cave en dessous, arrondie en avant, tronquée obliquement en arrière. Sommet excentrique en avant. Tubercules petits, serrés, plus développés près des pores buccaux. Anus supramarginal. Bouche s’ouvrant dans une dépression de la face inférieure, rap- prochée du bord antérieur et correspondant au sommet. — Voisine par sa taille du C. lapis caneri , cette espèce s’en distingue par sa forme plus renflée, plus ovale, tronquée moins obliquement en arrière, par sa face inférieure plus déprimée au milieu. Boussan (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. XXe Genre. — Pygorhynchus, Agassiz. N°39. Pygorhynchus scutella, Ag., 18/10 ( Cassidulus , Lam. , 1816.) Syn . Cassicl. scutella , Lam., An. s. vert., t. III, p. 35, n° 1, 1816. — Nucl, scutella , Goldf. , Petref . allem. t. I, p. 144, pl. XLIII, fig. 14, 1826. - — Clypeus scutella, Ag., Prod., Mém. Soc. des sc. nat. de Neufch ., t. I, p. 186, 1836. — NucleoL scu- tella, Des. M., Êt. sur les Éch ., p. 35 4, n° 4, 1837. • — Pygorh. scutella, Agass., Cat.syst., p. 4,1840. — Id. Agass. et Des., Cat. rais, des Éch., An. sc. nat., 3e sér., t. VII, p. 160, 1847. Terrain épicrétacé. — Saint-Martory, Frechet (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. Loc. autres que les Pyrénées. Nice, Vérone, Spalatro , Here- fort en Westphalie. N° 40. Pygorhynehus Delbosii, Desor, 1847. Syn. Pygorhynchus Delbosii, Des., Cat. rais, des Ech. , An. sc. nat., 3e sér., t. VII, p. 161, 1847. — ld., d’Arch., Foss. num., Mém. Soc. géol. de Fr., t. III, p. 422, pl. XI, fig. 1, 1850. Terrain épicrétacé. — Alaric (Aude), Montfort (Landes). Coll. Leymerie et d’Avchiac. MÉMOIRE DE MM. LEYMKRIK ET COTTEAU. 333 N° 41 . Pygorhynchus Sopitictnus , d’Archiac, 1840. Syn. Pygorh. Sopitianus , d’Archiac, Foss. des env. de Bayonne , Mém. Soc. gêol. de Fr . , 2e sér., t. Il, p. 203, pl. VI, fig. 5, 1846. — Id., Agass. et Des., Cat. rais, des Ech., An. sc , , 3e sér., t. VII, p. 160, 1847. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. N° 42. Pygorhynchus Desorii, d’Arcliiac, 1847. Syn. Pygorh . Desorii , d’Archiac, in Agas. et Des., Cat. rais. Éch .. Ann. sc. nat., 3e sér., t. VII, p. 160, 1847. — Id., d’Arch., Foss. num ., Mém. Soc. géol. de Fr ., 2e sér., t. III, p. 422, pl. X, fig. 18, 1850. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. d’Archiac. N° 43. Pygorhynchus heptagonus , Des. , 1847. ( N uc le o li tes , Gratel., 1836.) A//?. iVwc/. heptagona ., Gratel., Oar.y. /o^9., p. 80, pl. II, fig. 20, 1836. — Id., Des M., Ær. w les Éch., p. 362, n° 24, 1837. — Pygorh. heptagonus , Agass. et Des., 67/ £. r«/.y. Êéh., An. sc.nat ., 3e sér., t. VII, p. 161, 1847. — /<"/., cl’Arch., Foss. num., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p., 426, 1850. Il se pourrait que cette espèce que nous ne connaissons que par la description et les figures qui en ont été données appartînt à une des nombreuses variétés du Pygorh. scutella. Terrain épicrétacé. — Montfort, près Dax. Coll. Delbos. N° 44. Pygorhynchus ïFrightii , Cotteau, 1856. Espèce de petite taille, épaisse, renflée, un peu plus longue que large, arrondie en avant, subtronquée en arrière. Sommet ambu- lacraire excentrique en avant, à pétales largement développés. Bouche étoilée, correspondant au sommet. Anus elliptique, s’ou- vrant à la face supérieure. Cette espèce, bien que voisine du Pygorhynchus Grignonensis , s’en distingue par sa forme plus déprimée, son anus elliptique et plus élevé et son sommet ambu- lacraire plus rapproché du bord antérieur. Nous dédions ce Pygo- rhynchus à notre ami et correspondant, M. le professeur Wright, qui a publié des travaux remarquables sur les Echinides d’Angle- terre. Terrain épicrétacé. - Âlaric, Coll. JLeymerie. SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. 334 N° 45. Pygorhynchits subrotundus, Cotteau, 1856. Espèce de taille moyenne, subcirculaire, déprimée; face infé- rieure presque plane. Sommet ambulacraire excentrique en avant. Zones porifères étroites. Anus supramarginal, s’ouvrant dans un sillon apparent. Bouche étoilée, entourée de bourrelets saillants, t r an s versa 1 em e n t a 1 Ion gée . Terrain épicrétacé. — Fabas (Ariège), Martres (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. N° 46. Pygorhynchus la tus , Cotteau, 1856. Espèce de grande taille, dilatée, plus longue que large, arrondie en avant, subtronquée en arrière ; face supérieure médiocrement renflée, subcarénée dans la région postérieure. Sommet ambu- lacraire excentrique en avant. Ambulacres étroits, saillants, légè- rement costulés. Anus supramarginal, s’ouvrant au sommet d’un sillon qui s’élargit et écliancre sensiblement le pourtour du test. Cette espèce se rapproche un peu du P y go r h , Cuvier i , mais elle s’en distingue par sa taille plus grande, par ses aires ambula- craires plus étroites, par sa face postérieure plus sensiblement rostrée . Terrain épicrétacé? — Loc. inconnue. Coll, Leymerie. XXIe Genre. — Echinoiampas, Gray. JN° 47. Echinolampas subsimilis, d’Archiac, 1846. Syn. Echinai, subsimilis , d’Arcli., Foss. des env. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. II, p. 204, pl. AI, fi g. 4, 1846. — Id., Agass. et Des., Cat. rais, des Ech., An. sc. nat ., 3e sér., t. VII, p. 165, 1847. — Id. , d’ Arcli., Foss. nu/n., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p. 423, pl. X,fig. 19, 1850. Echinan - t/ius subsimilis , d’Orb., Rev, zool., p. 23, 1853. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. Leymerie, d’Archiac, N° 48. Echinolampas ellipsoidalis , d’Archiac, 1846. Syn. Echinol. ellipsoidalis , d’Arcli., Foss. des env. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. II, p.203, pl. VI, 6g. 3, 1846, — Id ., Agas. et Des., Cat. rais, des Ech., An. sc. nat., 3* sér., t. VII, p. 164, 1847. — Echinanthus ellipsoidalis, d’Orb., Rev, zool. p. 21, 1853. MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTE Aü. 335 Les échantillons qu’on rencontre dans l’Aude sont plus déprimés, constamment plus petits et devront peut-être constituer une espèce distincte. Terrain épicrétacé. — Biarritz, Alaric. Coll. Leymerie, d’Archiac, Deshayes (Tallavignes) . N° 49. Echinolarnpas liëmisphœricus , AgasS., 1836. ( Clypeaster , Lam . , 1816.) Syn. Clyp. hernisphœricus , Lam., An. s. vert., p. 16, n° 9, 1816. — Echinol. hernisphœricus , Agass. , Prod. , Mém . Sc. hàt. de Neuf ch., t. I, p. 187, 1836. — Id., Agass. et Des., Cat. rais, des Éch ., An. sc. riat., 3e sér., t. VII, p. 165, 1847. — Echinanthus hernisphœricus , d’Orb., Rev. zool., p. 21, 1853. Terrain tertiaire. — - Environs de Dax (Agassiz). Loc. autres que les Pyrénées : Saint-Jean de Royane, cap Cou- ronne, Martigues. N° 50. Eehinolarnpas 'semiglohus , DesM., 1837. ( Galerites , Lam., 1816.) Syn. Galer. semiglohus , Lam., An. s. vert., t. III, p. 22, n° 12, 1816. — Id., Gratel., Ours, joss., p. 53, pl. Il, fig. 4, 1836. — Echinol. semiglohus. Des M., Ét. sur les Éch., p. 344, 1837. — Id., Agass et Des., Cat. rais „ des Ech., An. sc. nat., 3e sér. t. VII, p. 166, 1847. — - Echinanthus semiglohus, d’Orb., Rev. zool., p. 23, 1854. Terrain tertiaire. — Env. de Dax (Agassiz). XXIIe Genre. — AmWjpygu», Agassiz. N° 51. Amhlypygus Miche li ni, Cotteau, 1856. Espèce oblongue, subdéprimée, à bords renflés et arrondis; face inférieure très sensiblement concave. Sommet ambulacraire un peu excentrique en avant. Zones porifères étroites ; pores cessant d’être unis par un sillon un peu au-dessus du pourtour du test. Anus longitudinal, s’ouvrant près du bord, mais à la face infé- rieure. — Voisine de \ Amhlypygus Arnoldi, cette espèce s’en distingue par sa forme plus déprimée, son sommet plus excen- trique en avant, sa face inférieure plus concave, son anus plus rapproché du bord postérieur. Terrain épicrétacé. — Massif d’Aussein près Saint-Michel (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. 336 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. •/ XXIIIe Genre. — Conociypws, Âgassiz. N° 52. Conoclypus conoideus , Agassiz, 1839. [G cilerites, Lam., 1816.) Syn. Galer . conoideus , Lam., An . s. vert ., t. III, p. 22, 1816. — Clyp. conoideus , Goldf. , Petref. allem ., t. I, p. 132, pl. XLI, fig. 8, 1826. — Eckinol. Agassizii , Dub., Tof. Cauc., pl. I, fig. 22-224, 1836. — EchinoL conoidea , DesM., Ét. sur les Éch ., p. 344, n" 10, 1837. — Conocl. conoideus , Agass., ÜW/. de Suisse, t. I, p. 65, pl. X, fig. 14-16, 1839. — Id ., Cat» syst ., p. 5, 1840. — ZfA, Agass. et Des., Cat. rais, des Éch., An. sc . /raf., 3e sér., t. VII, p. 167, 1847. Terrain épicrétacé. — Cale, à Mêlâmes de la Montagne-Noire près Saint-Julien (Aude). Coll. Leymerie. — Env. de Dax (Delbos). Loc. autres que les Pyrénées : le Xressemberg, Vérone, Nice, Appenzell, bords du Salghir (Crimée), colline du Mokattam près du Caire, Columbres (Asturies). N° 53. Conoclypus Lcymerianus , Cotteau, 1856. Espèce moins grande que le C. conoideus , subcirculaire , élevée, conique. Aires ambulacraires très déprimées au sommet. Zones porifères assez larges et paraissant se prolonger jusqu’à la base. Tubercules de petite taille, irrégulièrement disséminés sur toute la surface du test. Anus elliptique dans le sens du dia- mètre antéro-postérieur, très rapproché du bord. Bouche subcen- trale. — Voisine du Conocl. conoideus , cette espèce s’en distingue par sa taille constamment moins forte, ses aires ambulacraires plus déprimées, ses tubercules relativement moins gros. Sa forme subcirculaire et conique et ses zones porifères prolongées jusqu’à la base l’éloignent de Conocl. Pyrenaicus , avec lequel on la ren- contre. Terrain épicrétacé. — Bords de la Louine au S. O. deCassaigne (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. N° 54. Conoclypus Pyrenaicus , Cotteau, 1856. Espèce oblongue, subconique, arrondie en avant, légèrement rétrécie en arrière. Aires ambulacraires subdéprimées, et très étroites au sommet. Zones porifères larges, se rétrécissant brusque- ment à quelque distance de la base. Anus infiamarginal, ellip- tique dans le sen? du diamètre antéro-postérieur. Bouche subcen- MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTEAU. 337 traie, un peu rejetée en arrière par sa forme ovale et sa bouche excentrique en arrière. Cette espèce se rapproche beaucoup du Conocl. Osiris du terrain nummuli tique de Montradan (Egypte) ; mais elle s’en distingue par sa taille moins forte, moins épaisse, plus étroite en arrière, par ses aires ambulacraires plus étroites, et surtout par la forme de son anus qui est longitudinal et non transversal. Terrain épicrétacé. — bords de la Louine au S. O. de Cassaigne (Haute-Garonne). Coll. Leymerie. N° 55. Conoclypus ovum , Agassiz, 1847. ( Galer ., Gratel., 1836.) Syn. Gai. ovum , Gratel., Ours, joss ., p.55, pl. Il, fig. 5, 1836. — Echinol. ovum, Des M., Ètud. sur les Éch . , p. 352, 1837. — Conocl. ovum, Agass. et Des., Cat. rais, des Ech., Ann. sc. nat., 3e sér., t. Y II, p. 167, 1847. — Id., d’Arch., Foss. num ., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p. 426, 1850. — Id., d’Orb., Pal. franc., ter. crét., t. VI, pl. 948, p. 349, 1856. Terrain crétacé. — Bazin, Laplante près Montfort (Landes). Coll. Michelin, d’Orbigny, N° 56. Conoclypus Bordœ, Agassiz, 1839. [Galer., Gratel., 1836.) Syn. Galer. Bordœ, Gratel., Ours, foss., p. 52, pl. II, fig. 1, 1836. — Id ., Echinol. Bordœ , Des M. , Ét. sur les Éch., p. 252, n° 28, 1837. — Agassiz, Éch. Suisse , 1, pl. X, fig. 14-15, 1839. — Ici., Agass. et Des. , Cat. rais, des Éch., An. des sc. nat., 3e sér., t. VII, p. 167, 1847. Terrain tertiaire. — Env. de Dax (Agassiz). XXIVe Genre. — Macropneastes, Agassiz. . Macropneustes pulvinatus , Agass, 1847. [Micr., d’Arch, 1846). Syn. Micr. pulvinatus , d’Arch., Foss. des env. de Bayonne, Mém. Suc. géol. de Fr., 2e sér., t. Il, p. 201, pl.VI, fig. 1, 1846. — Macropn. pulvinatus, Agass. et Des., Cat. rais, des Éch., An. sc. nat., 3e sér., t. VIII, p. 8, 1847. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Coll. Leymerie et d’Archiac. XXVe Genre. — Eupatagus, Agassiz. N° 58. Eupatagus ornatus, Agassiz, 1847 .[Spatangus , Defr., 1840.) Syn. Spat. ornatus , Defr., Dict. sc. nat., t. L, p. 95, 1820. Soc. géol., ^ série , tome XIII. 22 338 SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. — 1(1., Cuv. et Brong., Gêol. env. de Paris , p. 86 et 389, pl. V, fig. 6, 1822. — Id ., Goldf. , Petref. allem ., t. I, p. 152, pl. XLVIÏ, fig, 2, 1826. — Id Gratel. Ours., foss., p. 72, 1836. — Id. , Des M., Êtud. sur les Éch ., p. 392, n° 23, 1837. — Spat. tuberculatus , Agass., Cat. syst . , p. 2, 1840. — Spat. ornatus , d’Arch., /'h&s. rfc.? e/?c. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr ., 2e sér., t.Vl, p.202, 1846. — Ëupat. ornatus , Agass. et Des., raz*. rfe? Echin ., sc. nat. , 3esér,,t. YIII, p. 9, 1847. Terrain épicrétacé. — Biarritz, Préchacq (Landes). Col. Ley- merie, d’Arcbiac, Miclielin, Ecole des mines, ma collection. N° 59. Eupatagus brissoides , Agassiz, 1847 ( Spatangus , Leske, 1778). Syn. Sp .brissoides, Leske,Kleinii Echin. , n» 86, p. 251, pl. XXYII, fig. B, 1778. — Sp. punctatus , Gratel., Ours, foss., p. 69, pl. I , fig. II, 1836. — Sp. brissoides , Des M., Ét. sur les Éch ., p. 392, n° 28, 1837. — Eup. brissoides , Agass. et Des., Cat. rais, des Éch ., dn. sc. nat., 3e sér., t. YIII, p. 10, 1847. — Id. , d’Arch., Foss. Num., Mém. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. III, p. 426, 1850 Terrain épicrétacé. — Montfort, près Dax. Col. Des Moulins. XXYIe Genre. — Breynia, Desor. N°60. Breynia sulcata , Haime, 1853. Syn. Breynia sulcata, Haime et d’Arcli., An. foss. de l'Inde , p. 216, 1853. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Col. Michelin. XXYIIe Genre. — Brissus, Klein. N° 61. Brissus subacutus, Desor, 1847 ( Micraster , d’Arch., 1846). Syn. Micr. subacutus, d’Arch., Foss. des env. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr.. 3e sér., t. II, pc 201, pl. VII, fig. 15, 1846. — Brissus subacutus, Agass. et Des., Cat. rais, des Éch., An. Sc. nat., 3e sér., t. YIII, p. 14, 1847. Terrain épicrétacé. Biarritz. Col. d’Archiac. N° 62. Brissus antiquus, Desor, 1847. Syn Brissus antiquus, Des., Cat. rais, des Ech., An. sc. nat., 3* sér , t. VIII, p. 14, 1847. MÉMOIRE DE MM. LEYïpRIE ET COTTEAU. 339 Terrain épicrétacé. — Aurignac ( Haute -Garonne). Col. Des Moulins. N° 63. Brissus de près sus, Cotteau, 1856. Espèce oblongue, déprimée, subcordiforme. Sommet ambula- craire très excçntriqne en ayant* Airçs ambulacraires antérieures étroites, légèrement arquées, presque droites. Aires postérieures beaucoup plus longues et rapprochées. Par sa forme aplatie, cette espèce est voisine du Brissus antiquus y elle s’en distingue cepen- dant par sa taille plus petite, par ses ambulacres non fléchis en avant. Terrain épicrétacé. Bise (Aude). — • Col. Leymerie. XXVIIIe Genre. — Brissopsis, Agassiz. N° 6S. Brissopsis elegans , Agassiz, 1840. [Spatangus , Des M.,1837.) Syn. Sp. grignonensis , Des M., Etudes sur les Ech . , p. 390, n° 22, 1837. — Brissopsis elegans , Agass., Cat. syst . , p. 3, 1840 — Id ., Àgass. et Des., Cat. rais, des Ech., An. sc. nat . , 3e séiv, t. VIII, p. 15, 1847 — Id. , d’Arcb. , Foss. hum., Mém. Soc. géol. de Fr., 2esér., t. ÏII, p. 444, pi- X, fig. 20, 1850. Terrain épicrétacé. * — Montfort, près Dax. Col. Des Moulins. Loc. autrès que les Pyrénées. Saint-Estèphe (Gironde). N° 65. Brissopsis Genei , Desor, 1847. ( Schizaster , E. Sism., 1843.) Syn. Schiz. Genei , E. Sism., Ech. foss. Diem., p. 24, pl. I, fig. 4 et 5, 1843. — Brissopsis Genei , Des., Cat. rais, des Êch ., An. sc. nat., 3e sér., t. VIII , p. 15, 1847. Terrain tertiaire. — Perpignan (Agassiz). Loc. autres que les Pyrénées. Terrain Castel-Nuovo. XXIXe Genre. — Prenaster, Desor. N°66. Prenaster alpinus. Desor, 1855. Cette espèce, très remarquable par sa forme allongée, renflée, subcarénée dans la région postéro-dorsale, par ses aires ambula- craires latérales presque droites, son sommet très excentrique en avant, ne saurait être distinguée du Prenaster alpinus, qui a servi de type à ce genre curieux intermédiaire entre les Brissus et les Schizaster. no SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1856. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Col. Leymerie. Loc. autres que les Pyrénées. Terrain num. des Alpes (Mi- chelin). XXXe Genre. — Schizaster, Agassiz. N° 67. Schizaster vicinalis, Agassiz, 18A7. Syn. Schiz. vicinalis , Agass., Cat. rais, des Ech., An. sc. nat., 3e sér., t. VIII, p. 21, 18A7. — Ici. , d’Arch., Foss. num ., Mém. Soc. géol. de Fr ., 2e sér., t. III, p. A26, pl. XI, fig. A, 1850. C’est après les avoir comparées au type même du Schizaster vicinalis (Col. Michelin), que nous rapportons à cette espèce les deux échantillons que M. Leymerie nous a envoyés. Les figures qu’on a données du Schizaster vicinalis ( Mém . Soc. géol., pl. XI , fig. A à 6) sont certainement inexactes. Peut-être M. d’Archiac a-t-il décrit et figuré sous ce nom une espèce différente; ce qui nous porte à le croire, c’est que les exemplaires qu’il avait sous les yeux provenaient exclusivement de Saint-Pallais,près Royans. Nos échantillons, et celui qui a servi de type à l’espèce, ont été recueillis à Biarritz; leur couleur si caractéristique ne laisse aucun doute à cet égard. Le véritable Schiz. vicinalis diffère de l’espèce figurée par M. d’Archiac par sa forme moins ovoïde, plus élargie en avant, plus sensiblement portée en arrière, par son sillon anibu- lacraire plus large et plus profond, par ses aires latérales anté- rieures plus flexueuses. Terrain crétacé. - — Biarritz. Col. Leymerie, Michelin. Loc. autres que les Pyrénées. Vérone (Michelin). N° 68. Schizaster rimosus, Desor, 18A7. Syn. Schiz. acuminatus , d’Arcli., Foss. des eue. de Bayonne, Mém. Soc. géol. de Fr.,JlQ sér., t. II, p. 203, 18A6. — Schiz. rimosus , Des., Cat. rais, des Ech., An. sc. nat., 2e sér., t. VIII, p. 22, 18A7. Ici., d’Arch., Foss. num., Mém. Soc. géol. de Fr., lre sér., t. III, p. A25, pl. XI , fig. 5, 1850. Il se pourrait que cette espèce ne fût qu’une variété du Schiz. vicinalis , avec lequel on la rencontre à Biarritz; cependant le sillon antérieur paraît plus étroit et les aires latérales moins flexueuses. Terrain épicrétacé. — Biarritz. Col. d’Archiac. MÉMOIRE DE MM. LEYMERIE ET COTTEAU. BAI No69. Schizaster ambulacrum , Agassiz, 1840. ( Spatangus , Deshayes, 1831.) Syn. Spat. ambulacrum , Desh., Coq. caract., p. 225, pl. VII, fig. 4, 1 8 31 ( — • Schiz. ambulacrum , Agass., CW. .» exemplaria per planitiem dimidiantem bipartita ae polita oculis » leviter tantum et parum accurate lustrât. Antrorsùm et supernè » infundibula siplionalia tendere ei videntur. Sellœ tubuliformes » suntquœ vidct. At eriini accuratiùs si exploratur pars interna et » margo saperas hujus tubuli antrorsùm versi , exigaam et tenuissi- » mam infundibulum siphonale proprium cic verum perspicitur, re~ » troversum , intrà sellam tubulijormem vel conicam angulatim re- » flexum. Inditum igitur est ampliori parti antrorsùm productœ » ipsum infundibulum conicum et foramen angustissimum , quod )> sipho pénétrât. Apparet , re vera ipsum infundibulum siphonale » eodem me do se habere apud Ceratitum et Ammonitum species quo MÉMOIRE DE M. BARRANDE. 377 » ajjud Goniatitum garnis jam invenitur. Majoris enini hujus compli- » cationis vestigia apud Gonialites crenatos et genajractos jam ex- » sistunt. » ( Clym . et Go niât. not. prim . in Bull, de la Soc. imp.des Nat. de Moscou , 1853.) Ainsi, d’après le texte cité, le goulot des Ammonides serait di- rigé vers l’arrière, comme dans les Nautilides , avec cette diffé- rence que , dans la première famille, il serait réduit à une appa- rence rudimentaire, eî serait placé à l’extrémité supérieure de la selle dorsale. Cette selle, ayant une forme tubulaire , aurait été prise jusqu’ici pour un goulot dirigé vers l’avant, dans les Ammo- î nites et les Céralites. Nos observations ne nous permettent pas de confirmer cette manière de voir. Il faut d’abord bien comprendre ce que c’est qu’une selle. Les selles et les lobes, traduits par les bords sinueux des sutures, sont des plis ou inflexions existant sur le contour externe de la paroi des cloisons. Si on considère une cloison isolée, abstraction faite de la coquille sur laquelle elle doit se souder, les plis longi- tudinaux constituant les lobes et les selles sont ouverts vers l’exté- rieur et semblables à des gouttières, plus ou moins profondes et allongées. On les transforme en sacs, en appliquant la coquille sur leurs bords externes. Alors les selles sont des sacs , qui , s’ouvrant sur la paroi inférieure de la cloison , étendent leur cavité fermée vers l’ouverture, tandis que les lobes, s’ouvrant sur la paroi supé- rieure, se dirigent dans le sens opposé. Il suit de ces notions, que les lobes et les selles sont formés par deux parois distinctes. L’une de ces parois est la partie de la cloi- son ployée en gouttière ; l’autre est le test de la coquille, appliqué sur ses bords. Par conséquent, la section longitudinale, par , exemple , de la selle dorsale par le plan médian , ne peut couper que deux parois, savoir, la paroi de la coquille et la paroi de la |j gouttière, ou partie infléchie de la cloison. i Au contraire, une section par le plan médian, passant par l’axe du goulot, doit nécessairement couper trois parois distinctes, sa- K voir : la paroi externe de la coquille et les deux parois opposées du goulot lui-même. ,, En effet, il a été parfaitement constaté, par M. le docteur Guido f Sandberger, que le siphon n’est pas logé dans une gouttière, c’est- , à-dire entre la cloison et la coquille, mais qu’il est enfermé dans { tout son pourtour par le goulot, qui est un véritable tube, toujours plus ou moins éloigné du test de la coquille, du moins dans une partie de sa longueur. 378 SÉANCE DU B MARS 1856. Ainsi , la section longitudinale suivant une selle ne peut mon- trer que deux parois coupées , tandis que la section semblable sui- vant le goulot en montre trois. Ces considérations nous donnent un moyen aussi certain que facile, pour bien distinguer la selle dorsale d’avec le goulot. Si le lecteur veut bien jeter un coup d’œil sur la planche ci- ! jointe, il trouvera (PI. XIX, fig. 7) un fragment de la section lon- gitudinale médiane d’une Ammonite, d’après diverses espèces qui sont sous nos yeux, et qui nous offrent toutes la même structure. Or, cette section nous montre constamment au droit de cha- cune des cloisons trois parois longitudinales coupées, savoir : la coquille, que l’on reconnaît aisément, et deux petites parois sub- parallèles, placées à une certaine distance vers l’intérieur. C’est donc la section d’un goulot que nous voyons, et non la section d’une selle dorsale. Le goulot est dirigé vers l’avant, tandis que le goulot des Nau- tilides est dirigé vers l’arrière (fig. 6). Ainsi, il reste démontré pour noys que le goulot fournit, par sa direction, soit vers barrière, soit vers l’avant , un très bon carac- i tère distinctif entre les Nautilides et les Ammonides. Si les considérations que nous venons d’exposer, pour prouver i que le goulot des Ammonides est dirigé vers l’avant, pouvaient avoir besoin cl’une confirmation fondée sur l’analogie, nous en présentons une très remarquable dans notre genre Nothoceras . En effet, l’espèce sur laquelle nous établissons ce nouveau type nous i montre un siphon d’un si large diamètre, que le goulot correspon- dant prend des dimensions qui ne permettent pas de méconnaître sa direction vers l’avant. Cette conformation est si prononcée, qu’elle donne aux cloisons elles-mêmes une apparence insolite, et qui contraste, aux yeux de tout paléontologue, avec la structure ordinaire des Nautilides. Cette analogie , résultant d’un fait tout nouveau et inattendu dans la science, aurait certainement frappé M. le docteur Guido Sandherger, comme nous, s’il avait pu con- naître Nothoceras, avant la publication du beau mémoire que nous avons cité. Du reste, il nous est aisé de concevoir comment cet habile ob- servateur a été entraîné à son interprétation du goulot dans les Ammonides. En effet, dans certains exemplaires d’Ammonites, sciés suivant le plan médian , nous voyons comme lui , au bout supérieur du goulot, la trace d’une petite lame appliquée sur son bord interne, taillé en biseau. Cette lame est dirigée vers l’arrière, comme le goulot des Nautilides. C’est une apparence accidentelle, MÉMOIRE DE M. BÀRRANDE. 879 car, dans le même individu , le biseau de la plupart des goulots se montre libre et net , sans vestige de fracture ni d’arracliement sur sa surface interne. Il faut remarquer que la petite lame, qui a l’air d’une paroi ré- fléchie vers l’arrière, ne se montre que dans des Ammonites dont l’enveloppe siphonale a été détruite dans tout l’intervalle des goulots consécutifs. Or, cette lamelle mince, appliquée sur le bord interne des goulots, n’est, dans la plupart des cas, qu’un fragment de cette enveloppe, qui est resté dans sa position naturelle. Nous reconnaissons sa nature par sa couleur et son épaisseur, en le comparant à quelques autres fragments de la même enveloppe, qui sont encore en place, dans d’autres loges aériennes du même exemplaire. Une autre apparence semblable se produit également dans des goulots étroits, lorsque le trait de scie, au lieu d’être exactement dirigé par le milieu, s’approche du bord, à droite ou à gauche. Si ce bord porte un petit étranglement externe, traduit à l’intérieur par une petite moulure saillante , la section longitudinale atta- quant obliquement cette moulure, il en résulte comme un petit rebord réfléchi vers l’arrière. Ces explications nous ont semblé nécessaires pour bien établir les caractères importants des familles comparées dans notre ta- bleau ci-dessus. Nous exposons dans le tableau suivant les subdi- visions principales qui se présentent au premier coup d’œil, dans chacune d’elles. Ce n’est pas ici le lieu de pousser plus loin les détails de cette classification , sur lesquels nous aurons à nous étendre davantage dans nos études générales sur les Nautilides, dans le second volume de notre ouvrage sur la Bohème. Nous nous bornons à disposer les genres suivant une série, ordonnée d’après l’ordre de l’évolution idéale des formes, que nous avons indiquée dans notre mémoire sur Ascoceras , en 1855. Cet ordre s’applique également aux trois familles. Puisque l’occasion s’en offre naturellement dans ce cadre, nous montrons la correspondance des types, qui se représentent mutuel- lement dans les familles comparées. Malgré d’assez nombreuses et heureuses harmonies sous ce rapport, il reste encore de bien grandes lacunes à combler, pour compléter les diverses séries pa- rallèles. La forme entièrement enroulée, à tours contigus, dans un même plan, est la seule qui se retrouve dans toutes les colonnes. La forme rectiligne se présente dans quatre groupes; la forme simplement arquée , la forme enroulée à tours disjoints, dans un 380 SÉANCE BU 3 MARS 1856. même plan, et la forme plus on moins turriculée , sont repro- duites chacune dans deux colonnes ; mais toutes les autres formes paraissent, jusqu’ici, appartenir exclusivement aux deux groupes principaux, soit des Nautilides, soit des Ammonides. NAUTILIDES. GONIATIDES. AMMONIDES. Goulot dirigé vers Siphon sur le bord Lobes Parrière. l’avant. convexe. concave. dentelés. ramifiés. Orthoreras f Baclrites . . . Baculina . . . Baculites. Toxoccras# Phragniocerus ! ' * Ptvchoceras. Àncyloceras. Liluites. ... 1 Gyroceras.. . Crioceras. Scaphites. Ammonites. Heteroceras. Helieoceras. Naulilus.. . . Trochoceras. . Nothoceras. . Gonialiles.. . Clymenia. . . Ceratites. . . ( | { 1 Turrilites; Le genre Nothoceras appartient à la famille des Nautilides par l’ensemble de tous ses caractères, excepté un seul, qui est em- prunté à la famille des Ammonides, savoir, la direction du gou- lot des cloisons vers l’avant. Ce nouveau type offre donc encore un lien ou passage entre les deux familles extrêmes, et précisément par le caractère principal qui établit le contraste entre les Ammo- nides et les Goniatides. On pourrait dire que la nature a indiqué, par cette combinaison de structure jusqu’ici ignorée, une seconde i voie, formant le complément de celle qui existait par les Gonia- tides, pour passer du type Nauülus au type Ammonites. Si de nouvelles découvertes nous font connaître d’autres genres du groupe de Nothoceras, sous des formes quelconques, on pourra établir une famille parallèle à celle des Goniatides. Nous ne r croyons pas que cet établissement soit nécessaire aujourd’hui. Cela posé, nous allons donner la description détaillée de notre nouveau Céphalopode silurien. Genre Nothoceras , Barrande. Ne connaissant jusqu’ici qu’une seule espèce qui représente ce MÉMOIRE DE M. BARRANDE. 381 I type, nous ne saurions distinguer exactement les caractères géné- riques d’avec les caractères spécifiques. Les uns et les autres se trouveront donc réunis dans la description qui suit. Nothoceras Bohemicum , Barr. PI. Xll,|fig. 1 à 5. La forme générale de ce fossile ne permettrait pas, au premier coup d’oeil, de le distinguer d’un Nautile. Cependant, nous de- vons faire remarquer, qu’il ne présente pas l’apparence discoïde i aplatie, qui caractérise les espèces de notre étage E , telles que Naut. Bohemicus , Sternbergi , etc. 11 est , au contraire, beaucoup ; plus épais, et rappelle l’aspect des Nautiles des terrains secon- daires, car, dans la section de la spire, le diamètre ventro-dorsal : est à peu près moitié du diamètre transverse. Nous comptons, dans ! notre exemplaire, trois tours de spire à peu près complets, et qui i ne se recouvrent nullement, de sorte qu’ils sont simplement juxtaposés. Leur accroissement successif de largeur est très lent et ne dépasse pas vingt millimètres pour un tour entier. La grande chambre occupe à peu près la moitié du tour extérieur. Son ouverture, quoiqu’imparfaitement conservée, nous permet de reconnaître une certaine contraction sur les parois latérales. Cependant , nous ne pouvons supposer que ce rétrécissement soit comparable à celui que nous observons dans le genre Phragmo - j ceras. Nous le comparerions plutôt à celui que nous offrent cer- taines espèces du genre Cyrtoceras , telles que Cyrt. cyclostoma , etc. La partie cloisonnée est composée de loges à air, dont la hau- teur augmente régulièrement, mais lentement, à partir du som- met de la spire, jusqu’à la chambre d’habitation. Les six dernières offrent, moyennement, une hauteur de dix millimètres. La der- nière est un peu au-dessous de cette moyenne , comme dans les autres Nautilides. La courbure des cloisons est concave vers l’ou- verture. L’arc qui la représente dans la section longitudinale offre une flèche, qui est environ le cinquième de la corde correspon- I dante. Le goulot de ces cloisons présente une particularité remar- I quable et jusqu’ici sans exemple parmi les Nautilides : au lieu de se diriger vers l’arrière, comme dans les autres genres de cette fa- mille, il se dirige vers l’avant, comme le goulot des Ammnnides . 11 offre, d’ailleurs, une forme cylindrique, et il atteint, par sa longueur, la moitié de l’intervalle qui sépare deux cloisons con- sécutives. Le siphon est placé contre le bord convexe de la coquille, au- 382 SÉANCE DU 3 MARS 1856. quel il paraît appliqué, sans laisser aucun intervalle et même sans que nous puissions distinguer la section du goulot, du côté externe. Comme le fossile que nous observons est dépouillé de son test, la surface du moule ayant subi elle-même quelques altérations, nous ne pouvons pas juger s’il existe sur le bord convexe, au droit du siphon, un lobe analogue à celui qu’on voit dans les Ammonides et les Goniatides. Cependant, nous serions porté à croire qu’un semblable lobe n’existe pas. La forme du siphon, quoique cylin- droïde dans son ensemble , offre des dilatations assez prononcées, et qui correspondent au droit des cloisons, tandis que les étrangle- ments sont placés au milieu de la hauteur des loges aériennes. Cette disposition , inverse de celle que nous trouvons dans le si- phon de tous les autres Nautilides , dépend de la direction et de la longueur du goulot , dont nous venons de parler. En effet , le point d’étranglement du siphon est déterminé , comme à l’ordi- naire, par l’extrémité du goulot ; mais il se trouve déplacé, et re- jeté vers le haut, par la direction insolite de celui-ci. Le diamètre du siphon, au droit des cloisons, c’est-à-dire au point de son maximum de largeur, s’élève à un cinquième du diamètre ventro- dorsal. Le siphon présente encore une autre circonstance, qui n’a jamais été observée dans aucun Nautile, à notre connaissance : il est obstrué par des lamelles rayonnantes, dont les extrémités in- ternes laissent entre elles un petit canal ouvert, semblable à celui que nous avons signalé dans diverses espèces des genres Orthoce- ras, Cyrtocèras : Pli ragmocei v/.v , etc. La présence de ce remplissage ; organique doit d’autant plus nous surprendre, que nous n’en trou- vons aucune trace dans les Nautiles de diverses époques, qui ont un siphon d’un diamètre aussi grand que celui qui nous occupe, et quelquefois même un diamètre supérieur, comme JS a ut. Atari. Le lecteur reconnaîtra facilement toutes les particularités que nous venons de décrire, sur les figures que nous donnons de cette (Il espèce. Le test a été complètement dissous à l’extérieur du fossile, de sorte qu’il nous est impossible de rien dire sur son apparence et sur ses ornements. Les parties du test resserrées entre les tours de la spire se sont, au contraire, conservées, ainsi que nous le montre la section. Nous reconnaissons par là, que l’épaisseur de la co- quille ne dépassait pas un tiers de millimètre. Les cloisons , leur goulot et l’enveloppe siphonale, conservés également dans l’inté- rieur du fossile, nous présentent une semblable ténuité. La section (PI. Xil, fig. 2) nous montre que l’intérieur de la coquille avait été rempli par la vase calcaire, non-seulement dans la chambre d’ha- MÉMOIRE DE M. BARRANDE. 88S bitation, mais encore dans yme grande partie des tours intérieurs de la spire, où nous voyons que les cloisons avaient été brisées. Ce fait indique que la coquille avait dû longtemps séjourner et être ballotée dans les Ilots, avant d’être ensevelie dans la roche. Quelques loges seulement sont remplies de spath calcaire. Dimensions. — Le plus grand diamètre de l’exemplaire décrit est de \ \k millimètres. La plus grande épaisseur, c’est-à-dire vers le milieu de la grande chambre, s’élève à 58 millimètres. Le dia- mètre ventro-dorsal correspondant est de 35 millimètres. Rapports et différences . — Les caractères relatifs à la direction du goulot des cloisons, à la position, à la forme et au remplissage organique du siphon, ne se rencontrent dans aucun autre genre, ni dans aucune autre espèce de la famille des Nautilicles. Ils suffisent donc pour distinguer parfaitement , sous les rapports génériques et spécifiques, le fossile que nous venons de décrire. Gisement et localités. — Le spécimen qui nous occupe appar- tient à notre faune troisième et à notre étage calcaire moyen F. Il a été trouvé aux environs de Prague , dans les carrières de Hlubocep. Cette localité mérite une attention particulière, à cause du grand nombre de Céphalopodes qu’elle nous a fournis. Leur état de conservation laisse, il est vrai, beaucoup à désirer, puis- qu’ils sont presque tous dépouillés de leur test, qui a été dissous dans la roche calcaire. Malgré cet inconvénient , ce gîte est très instructif pour nous , puisque nous y trouvons d’abord une assez grande variété de Goniatites , identiques avec ceux des environs de Konieprus ; et, par conséquent, l’horizon occupé par ce genre se trouve parfaitement établi. Avec ces Goniatites, se présentent des espèces du genre Ort/ioeeras ,, Gyroceras , et surtout plusieurs formes très intéressantes que nous rapportons au type Nautilus. Nous citerons Naut. anomalas, remarquable par la position mar- ginale de son siphon , en dehors des deux axes principaux de la section; et Naut. miras , qui se distingue par la forme de son ou- verture, à demi-fermée, et rejetée sur le bord ventro-dorsal , etc. Tous les Nautiles de cet horizon tendent, par leur épaisseur, à devenir globuleux, et, par conséquent, contrastent avec la forme discoïde aplatie, qui caractérise toutes les espèces congénères dans notre étage calcaire inférieur E. Les Céphalopodes dominent dans la localité de Hlubocep, et nous y trouvons à peine quelques fos- siles des autres classes, comme Phac. socialis , var. major , exacte- ment semblable aux individus qu’on trouve à Konieprus et Mnie- nian ; parmi les Brachiopodes, Ter. princeps , et un petit nombre d’Acéphalés. 384 SÉANCE DU 3 MARS 1856. Orthoceras complexum , Barr. PL XII, Fig. 8 à 14. Nous profiterons de l’occasion qui se présente pour appeler l’at- tention des paléontologues sur un autre Céphalopode très intéres- sant, que nous nommons Orthoceras complexum, et qui établit un passage entre ce genre et le genre Ascoceras. Dans un précédent mémoire , nous avons établi que le genre Ascoceras peut être considéré comme le prototype des Nautilides, :> ou, en d’autres termes, que ce type peut être interprété à un point de vue idéal , comme la forme embryonnaire de tous les autres genres de cette famille. D’après cette manière de voir, nous avons été amené à regarder les loges aériennes des Ascoceras , comme représentant les loges aériennes des Orthocères vaginati en voie de construction. Nous avons, par conséquent, admis que, dans l’évolution des formes réalisée parles divers genres de la famille, le passage des Ascoce- ras aux Orthoceras devait se faire par la simple extension des loges \ à air, dans le sens transversal , de manière qu’elles embras- sent successivement la partie postérieure du sac viscéral , repré- sentant à nos yeux une portion semblable de l’animal, plongée < dans le large siphon marginal des Orthoc. vaginati. Pour confirmer notre conception , rien ne pouvait être plus à I propos que la découverte de notre Orthoc. complexum , survenue i durant le cours de 1855. Jusqu’ici, cette espèce n’est encore re- ! présentée que par quelques rares fragments ; mais l’un d’eux est assez bien conservé pour nous montrer distinctement les particu- larités les plus intéressantes pour nous. Ce morceau se compose j de la chambre d’habitation complète et de quelques loges aériennes. : La forme générale est conique; l’angle, au sommet, ne dépasse pas 7 à 8°. La section transverse est ovalaire, mais n’est pas com- a plétement régulière dans les deux sens. L’axe transverse estàl’axe ventro-dorsal comme 7 : 6. Le contour de cette section , au lieu d’être parfaitement symétrique par rapport à l’axe transverse , 1 ofïre d’un côté, un arc plus aplati, et de l’autre côté, un arc plus bombé. L’aplatissement dont nous parlons est très sensible lors- qu’on regarde la paroi de la grande chambre à laquelle il corres- pond. Sur cette face aplatie, un peu au dessus du bord de la cloi- ! son la plus élevée , on voit une impression creuse, qui remonte ! obliquement de chaque côté sur le moule. Chacune des branches divergentes de cette impression devient horizontale , et se pro- longe sur les côtés, en s’effaçant graduellement. Ces deux branches NOTE DE M. BARRÀNDE. 385 devenues horizontales , représentent l’étranglement ordinaire qu’on voit au-dessous de l’ouverture des Grthocères. Au-dessous de la chambre d’habitation, notre spécimen nous montre cinq cloisons successives, en voie de construction simulta- née, et de telle sorte, que leur étendue horizontale augmente gra- duellement en descendant, c’est-à-dire à mesure qu’elles s’éloignent de l’ouverture. La distance verticale de ces cloisons s’accroît len- tement en allant du haut vers le bas. Elle est de 2 millimètres entre les deux plus élevées, et de 3 millimètres entre les deux plus basses de ce spécimen. L’état d’avancement de chacune de ces cinq cloisons est claire- ment indiqué par l’étendue horizontalede leurs bords sur le moule de l’Orthocère. En effet , le bord de la cloison la plus élevée , c’est-à-dire contiguë à la chambre d’habitation, ne s’étend que sur un tiers du périmètre horizontal du fossile (fig, 8). Cette cloison est tracée sur la face aplatie dont nous avons parlé, et son étendue transverse correspond à peu près à celle de l’impression mention- née sur cette paroi. La seconde cloison, en descendant, occupe la moitié du contour horizontal correspondant. La troisième, la quatrième et la cinquième étendent graduellement leurs bords d’une manière régulière, sans que cependant ceux-ci se rejoignent dans la cinquième cloison. Nous jugeons, d’après ce rapproche- ment successif des bords, que le contour de la sixième ou de la septième cloison doit être complet ou fermé, sur la paroi du moule. Nous ferons remarquer que , lorsque les bords opposés d’une même cloison se rapprochent, de manière à ne laisser entre eux que la distance de 10 à 12 millimètres , au lieu de continuer à s’étendre horizontalement pour se rejoindre, chacun d’eux se re- lève et tend à former un angle aigu avec le bord opposé (fig. 9). Cet angle a son sommet dirigé vers l’ouverture. On voit très bien cette disposition sur le second fragment que nous figurons, et elle rappelle le tracé anguleux des lobes et des selles dans les Gonia- tites (fig. 13, là). Afin de rendre plus sensible l’étendue horizontale de chaque cloison , dans l’intérieur de l'Orthocère , nous en avons fait faire une section longitudinale suivant le plan médian , ventro-dorsal , divisant en deux parties égales les bords horizontaux de chacune des cloisons et leur intervalle. Cette section nous montre que la cloison la plus élevée n’est encore marquée que par une ligne en ! relief, indiquant sa soudure sur la paroi interne de la coquille. La seconde cloison, en descendant, fait une saillie de 2 millimètres Soc. géol. , 2* série, tome XIII. 23 SÉANCE DU 5 MARS 1856. vers L’intérieur; la troisième offre une étendue horizontale de h millimètres ; la quatrième s’avance jusqu’à 6 millimètres vers l’intérieur, et la cinquième jusqu’à 8 millimètres dans le même sens. Le diamètre de l’Orthocère étant de 26 millimètres au droit de la cinquième cloison , et celle-ci ne pénétrant pas au delà de 8 millimètres , à partir du bord externe vers l’axe , on voit que, sur cet horizon, il restait dans l’intérieur de la coquille une large cavité , qui , selon toute apparence , devait encore se prolonger à travers la sixième cloison et les suivantes en descendant , malgré la réunion apparente de leurs bords , telle que nous l’avons ad- mise. En remontant , au contraire, à partir de la cinquième loge vers le haut, il résulte de notre description que la cavité interne s’élargissait rapidement en forme d’entonnoir, jusqu’à prendre les diamètres de la chambre d’habitation. Cette structure montre évidemment que le sac viscéral du mol- lusque plongeait à une assez grande profondeur dans la cavité co- nique, située au-dessous de la grande chambre et traversant les cloisons placées à sa suite. Il est donc démontré que le corps de l’animal n’est pas nécessairement renfermé dans les limites de la chambre d’habitation. Ainsi se trouve justifiée et confirmée l’o- pinion que nous avions émise au sujet des Orthocères vaginati , dans lesquels nous considérions le large siphon marginal, comme servant d’enveloppe à la partie postérieure du sac viscéral. Re- montant de ce groupe des Orthocères aux Ascoceras , nous sommes en droit de considérer la partie de la grande chambre de ces der- niers, qui s’étend au-dessous de la cloison la plus élevée, comme représentant le siphon des vaginati. Les fragments de notre Orth. complexum ne nous montrent point, jusqu’ici, le siphon de cette espèce ; mais tout nous porte à croire que cet organe doit faire suite, vers le bas, à la cavité co- nique qui traverse les cloisons. Cette opinion paraîtra d’autant plus probable, si l’on remarque que le siphon correspond ordinai- rement aux lobes ou aux selles tracés sur la surface des Céphalo- podes. Dans le cas qui nous occupe, nous voyons l’angle ou selle du bord des cloisons placé sur une ligne longitudinale, qui cor- respond au milieu de la cavité conique. Dimensions. — La longueur du fragment (fig. 8) est de à6 milli- mètres. Le plus grand diamètre ventro-dorsal est de 30 milli- mètres, tandis que le diamètre transverse correspondant est de 35 millimètres. Rapports et différences. -—Cette espèce se distingue suffisam- ment de tous les Orthocères connus, par la conformation des cloi- NOTE DE M. BARRANDE. S 87 sons que nous venons de décrire. Cette structure lui donne, il est vrai, une certaine analogie avec les Ascocercts ; mais la forme de ces derniers est cependant très différente, parce que leurs cloisons ne sont destinées, dans aucun cas, à s’étendre en travers de toute la coquille, comme cela a lieu, après un certain temps, pour cha- cune des cloisons incomplètes que nous observons dans Ort/i. complexum . Nous avons aussi observé quelquefois une cloison commencée et inachevée, dans certaines espèces de divers genres. Mais c’est toujours la seule cloison au bas de la grande chambre, qui offre cette particularité. D’ailleurs, ce fait n’est pas général, mais tou- jours accidentel, et on le trouve rarement dans plusieurs indivi- dus semblables sous tous les autres rapports. On ne peut donc le considérer que comme résultant de circonstances fortuites et in- dividuelles. Gisement et localité. — Cette espèce a été trouvée près de Wo~ sek, aux environs de Rokitzan, parmi les nodules de quartzite, épars sur la surface des champs, et qui proviennent de la décom- position de la bande schisteuse c?l, formant la partie inférieure de notre étage des quartzites D. Cette localité , qui n’a été bien explorée que dans ces derniers temps, nous a fourni trois autres espèces d’Orthocëres, dont la conformation n’offre rien d’ana- logue avec celle que nous venons de décrire. Il faut remarquer que cet horizon, sur lequel notre faune seconde fait son apparition, et où se trouvent les genres de Trilobites les plus caractéristiques de cette époque, tels que Ogygia, Tri nue le us , Amphion, Placopa- yiçi , etc,, correspond à peu près à la hauteur qu’occupent les Or- thocères dits vaginati dans le nord de l’Europe. Cependant, notre bassin ne nous fournit aucune trace des formes de ce groupe, ainsi que nous l’avons déjà constaté plusieurs fois. Nous signalerons en passant, et pour former un contraste, l’affinité cpie présentent plusieurs des espèces qui caractérisent notre bande cl 1, et même tout notre étage des quartzites D, avec les fossiles de la faune se- conde de France, d’Espagne et de Portugal, Nous aurons prochai- nement occasion d’énumérer plusieurs espèces de diverses classes, qui sont communes à ces quatre régions, sur l’horizon qui nous occupe. Explication des figures. Nothoccras Bohemicwn , Barr. PI. XII. Fig. \. « — Spécimen vu par la face latérale. On distingue l’étendue de la grande chambre et une partie des cloisons. Le test a dis- paru. Hlubocep. 388 SÉANCE DU O MARS 1856. Fig . 2. — Section longitudinale, montrant la forme des cloisons, con- caves vers l'ouverture, comme dans les Nautiles, tandis que leur goulot se dirige vers l’avant, comme dans les Ammonites. On voit le siphon placé contre la paroi convexo-ventrale. Il est par- tiellement rempli par un dépôt organique , sous la forme de la- melles rayonnantes, laissant au milieu un espace, occupé par du spath calcaire blanc. Fig. 3. — Spécimen, vu par le côté de l’ouverture. La surface, ayant été un peu usée et polie, permet de reconnaître les cloisons avec leur goulot dirigé vers l’avant, et le siphon avec ses lamelles. Fig. 4. — Irf., vu par le côté convexe, et montrant la limite de la grande chambre, les cloisons, leur goulot, le siphon et ses la- melles. Le spécimen est plus renversé que dans les figures pré- cédentes. Fig . 5. — Section transverse, montrant la forme approchée des cloi- sons et la position du siphon. Fig. 6. — Figure idéale destinée à montrer la disposition ordinaire des cloisons et la direction de leur goulot vers l’arrière, dans tous les Nautilides. Fig. 7. — Section idéale d’une Ammonite, indiquant la forme des cloisons, convexes vers l’ouverture dans le plan médian, et la direction du goulot vers l’avant. Il existe ordinairement un petit intervalle entre le goulot et le test de la coquille. Orthoceras complexum , Barr. PI. XII. Fig. 8. Spécimen montrant la grande chambre et six cloisons. Ces cloisons sont inachevées, comme on le voit par l’étendue de leurs bords et de leurs surfaces, en comparant lesfîg. 8 à 12. La face visible de la grande chambre montre une impression creuse, qui s’étend du milieu vers les côtés, sous la forme d’un arc concave vers le haut. fVosek près Rokitzan. Fig. 9. — ld., vu par la face opposée. La cloison la plus élevée n’est pas visible , à cause de son peu d’étendue horizontale. Fig. 10. — ld., vu par la face latérale, et montrant l’étendue crois- sante du bord des cloisons, à partir de la plus élevée, en descen- dant. Fig. 11. — Section longitudinale, le fossile étant dans la position de la fig. 10, afin de montrer l’étendue de la surface des cloisons , à partir de la paroi de la coquille, vers l’axe. Fig. 12. — Section horizontale sur laquelle l’étendue des cloisons est indiquée par des lignes ponctuées. La ligne ab est la direction de la section longitudinale, fig. 1 1 . Fig. 13. — Autre fragment, montrant le bord des cloisons fortement relevé , en forme de selle à angle aigu. On voit diverses lignes creuses ou rainures longitudinales un peu irrégulièrement dis- posées. IVosek, Fig. 14. — ld., partie médiane du même fragment, grossie, pour NOTE DE M» WARB. 389 mieux montrer la trace des bords relevés et des rainures longi- tudinales. MM. deVerneuilet Hébert demandent si la disposition singu- lière des cloisons signalée par M. Barrande, dans Orth. corn - plexum, ne pourrait pas s’expliquer par un effet de la fos- silisation, analogue à celui qu’on observe dans certaines coquilles converties en calcaire? M. J. Barrande fait observer que le fossile dont il s’agit est dans du quarzite, et que d’ailleurs aucune action n’aurait pu enlever la trace extérieure des cloisons sur le moule. MM. Deshayes et Bayle, qui ont vu ce fossile remarquable, ajoutent que la symétrie et la régularité des traces de cloi- sons ne peuvent laisser aucun doute sur le fait annoncé par M. Barrande. M. Ward fait la communication suivante : En 1855, je suis allé faire un voyage géologique en Egypte et en Arabie-Pétrée, avec l’un de mes amis, M. Wadsworth. Vers le milieu de mai, nous étions près de Tor, sur la côte occidentale de la presqu’île du mont Sinai , lorsque nos guides bédouins nous firent connaître, à deux lieues au nord , une montagne extraordi- naire, nommée Gebel-Ncikous , ou montagne de la Cloche , à rai- son des sons musicaux qu’on y entend. Désireux de constater un tel phénomène, si réellement il exis- tait, nous nous détournâmes de notre route afin d’aller explorer cette prétendue montagne merveilleuse. Pour y arriver, nous sui- vîmes une longue bande de sable, bordée d’un côté par la mer, et de l’autre par un haut escarpement de grès tertiaire. Cet escarpe- ment était généralement perpendiculaire , sauf quelques endroits où, l’agglomération de la roche étant moins parfaite, l’action des éléments atmosphériques avait produit de longs sillons. L’un de ces sillons présentait un long talus de sable jaune, brillant, qui s’étendait presque jusqu’au sommet de la montagne avec une pente inclinée de ZjO à â5 degrés et une largeur moyenne d’envi- ron 15 mètres. Ce talus se trouvait abrité des vents par les mu- railles de grès qui s’élevaient abruptement de chaque côté, et dont les sommets, en se désagrégeant, augmentaient constamment la masse du sable. Nous montâmes très lentement le talus en question, écoutant attentivement, afin de constater s’il y avait bien le son qu’on nous 890 SÉANCE DU 8 MARS 1856. avait annoncé. Pendant quelque temps, nous n’entendîmes rien, ce qui nous fit penser qu’on nous avait induits en erreur. Mais bientôt nous commençâmes à entendre un léger son musical, qui s’élevait et s’abaissait avec une cadence alternative. Cependant, il était impossible de reconnaître d’une manière précise d’où prove- nait ce son, presque toujours sur le même ton, mais très variable en intensité : tantôt il était bas , tremblant et même lugubre , comme le vent ; tantôt il augmentait au point d’être comparable aux notes mélodieuses d’une flûte ; enfin, il subit un changement rapide et produisit de puissantes vibrations , analogues à celles d’un grand orgue, vibrations générales et d’une telle intensité, que toute la colline semblait trembler. Ce son mystérieux , auquel nous ne pouvions assigner aucun point de départ, paraissait provenir tantôt de l’air, tantôt de la montagne, et quelquefois cle partout. Parfois, le retentissement du son arrivait jusqu’aux guides, que nous avions laissés en bas du talus ; mais le maximum du phénomène avait lieu sur le talus lui-même. L’examen attentif que je fis sur ce talus me donna, je pense, la solution de ce curieux problème. En effet, je remarquai d’abord que la musique dont il s’agit était toujours accompagnée d’un mouvement quelconque du sable, puisque , lorsqu’en marchant je retirais mon pied du sol meuble et arénacé, le sable, qui venait aussitôt remplir la dépression, produisait le premier son faible et incertain que j’ai indiqué. A mesure que l’éboulement augmen- tait, le bruit passait à un son clair, ressemblant beaucoup à un sifflement produit par une flamme de gaz hydrogène qui traverse un tube de verre; enfin, une grande masse de sable en mouve- ment donnait naissance à un bruit que je ne puis comparer à au- cune autre chose qu’au plus puissant retentissement d’un orgue. Sauf les variations d’intensité que j’ai signalées, le son était tou- jours le même , quoique beaucoup moins vif dans les parties du talus situées à l’ombre près des murailles de grès. Quant à l’explication de ce phénomène que j’ai cru utile de décrire avec exactitude, je pense qu’on doit la chercher dans les caractères et dans la position du sable lui -même. NOTE DE M. WARD. 391 Comme je l’ai représenté sur l’esquisse rapide que j’ai l’hon- neur de mettre sous les yeux de la Société, ce sable repose à la partie inférieure d’une colline , entre deux massifs de grès, et il résulte de leur désagrégation. Or, comme ce sable quartzeux est pur et cristallin, comme les angles primitifs de chaque grain sont vifs et parfaits, c’est au frottement les uns contre les autres de ces myriades de grains cristallins, fortement échauffés et privés de toute humidité par les rayons d’un soleil tropical, que j’attri- bue la musique dont je viens de vous parler. Je suis disposé à croire que le même phénomène se présenterait ailleurs dans une pareille réunion de circonstances favorables ; mais ces circon- stances sont sans doute plus rares qu’on ne pourrait le supposer au premier abord. Le sable du désert produit bien un certain bruis- sement en s’éboulant ; mais, comme les grains, si longtemps chas- sés et roulés par le vent , sont devenus ronds et lisses, ils ne peuvent plus produire le son musical décrit plus haut. Les notes sonores données par la statue de quartzite de Mein- non , il y a tant de siècles , et celles citées par M. de Humboldt comme émanant de roches granitiques sur les rives de l’Oré- noque, sont aussi de beaux exemples de musique naturelle ; mais le phénomène de Gebel-Nakous me paraît être essentiellement dînèrent : il est pour ainsi dire sui generis , et, comme tel , j’ai l’honneur de le soumettre à l’attention de la Société. 392 SÉANCE DU M MARS 1856. MM. Barrande et Delesse présentent quelques observations sur cette communication. M. Boubée émet l’idée que les sons entendus par M. Ward, et produits par le mouvement du sable, ont pu être amplifiés par l’effet de la forme resserrée de la gorge où cheminaient les voyageurs. Séance du 17 mars 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Miehelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice : Journal des sa- vants, février 1856. De la part de M. l’abbé Fréd. Davoust : Quels sont, parmi les corps organisés fossiles recueillis en France , ceux qui né ont encore été trouvés que dans le département de la Sarthe ? in-8, 55 p. Le Mans, février 1856 ; chez Monnoyer. De la part de M. le docteur Ferd. Rœmer : Palœotheutis , eine Gattung nackter Cephalopoden ans Devonischen Schichten der Eifel, in-4, 3 p., 1 pl. Cassel Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1856, 1er semestre, t. XLII, nos 9 et 10. Annuaire de ta Société météorologique de France , t. III, 1855, 2e série, Bulletin des séances , f. 2/i-26. Annales des mines , 5e série, t. VII, 3e livraison de 1855. U Institut, 1856, nos 1157 et 1158. Bulletin de la Société de V industrie minérale de Saint- Etienne, t. I, 2e livraison, octobre à décembre 1855, avec Atlas in-folio. Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève , t. XIV, lre série, 1855. BUDGET DE 1856 393 The Athenœum, 1856, nos 1 Z|80 et 1A81. Revistci minera , t. VII, n° 139, 1856. M. de Roys , trésorier, donne lecture du Budget de 1856, adopté par le Conseil dans sa séance d’aujourd’hui. Projet de Budget pour 1856. RECETTE. DÉSIGNATION O J RECETTES RECETTES SOMMES des 'S g NATURE DES RECETTES. prévues au budget effectuées prévue» chapitre» de recette. * s û de 1855. en 1855. pour 1856. $1. Produits ordinaires ^ î 2 Droit d’entrée et de diplôme. .... ( de l’année courante. . 500 9,000 520 7,345 1,160 500 8,400 > B des réceptions. . : 3 , Cotisations. . < desannéesprécédenles. 1,000 1,500 1 § 2. Produits extraord. ( 4 . 1 ( anticipées . 300 390 300 9 des réceptions . . 1 1 5 | | Cotisations une fois payées 700 1,800 * 700 9 f 6 f Bulletin 700 1,050 » 700 9 JS. Produits 1 7 | Histoire des progrès de de» publications. < 8 Vente de . . / fa géologie 1,000 720 10 1 ,000 » 9 i Mémoires 700 608 1,400 V 1 ' J \ Cartes coloriées. . . . ‘20 8 „ 10 9 1 ! 10 i 10*. ApS“ 1,461 1,461 B 730 751 9 B i ii 323 B 376 50 409 50 | i 12 Encaissements de bons du Trésor. . . 3,000 1,000 5,000 9 ) 13 Arrérages des bons du Trésor 165 165 250 9 J 4- Recette» diverse». . < >4 Allocation du ministre de l’instruction publique 1,000 1,000 B 1,000 9 I 1 15 Recettes imprévues 20 x » 20 9 ' 16 Remboursement des frais de mandats. . 10 » » 9 l 17 Recette extraordin. relative au Bulletin. 50 B 1,042 » 500 9 \ 18 Recette extraordinaire (loyer). . . . 800 * 800 » 800 9 Totaux. . . . 20,749 » 21,445 40 23,510 » §5. Solde des comptes de 1855 19 Reliquat en caisse au 31 décembre 1855. . . . 2,032 45 Total de la recette prévue pour 1S56. . 5,542 45 894 SÉANCE DU 17 MARS 1856 Projet de Budget pour 1856. DÉPENSE. DÉPENSÉE Dépenses DÉPENSES prévues au budget effectuées prévues de 1855. en 1855. pour 1856. 1,800 „ 1,800 1,800 , 300 » 300 » 300 |) 200 )) 200 » 200 » 200 ), 200 » 200 )) SOO » 800 » 800 » 100 )) 100 » 100 )) 400 )) 400 » » » 1.500 )> 1,494 90 1,550 » 750 » 715 75 550 » 600 » 357 60 600 D 150 » 124 75 150 )) 200 ,) 375 40 2-0 » : 100 $ 6 40 100 » 300 )) 410 80 200 » 1,000 » 410 70 800 » 50 » 6 20 50 » ; 7,000 jj 6,796 05 9,200 » 1,100 )) 1,076 05 1,500 » 1,000 » 290 70 4,000 » 2,000 » » ■ 2,000 * 200 » ^ 110 75 100 ho „ „ „ 50 885 )) 1,918 05 700 » 3,000 )) 5,400 „ » » 50 » 30 75 50 » 23,735 « 22,917 85 25,200 » DESIGNATION des chapitres de dépense NATURE DES DEPENSES. J 1. Personnel. J 2. Frais de logement. § 3. Frais de bureau; . § 4. Encaissement. . . $ 5. Matériel § 6. Publications; . . . g 7. Placement de ca- _ pitaux § S; Dép. imprévues. . i i \ * 9 10 11 12 13 Î4 15 16 17 18 19 20 21 22 22 b, 23 Agent. son traitement. travaux extraordinaires. . . gratification . t indemnité de logement. . . Garçon de bureau. | Se'’ * • 1 gratification. . . Garçon supplém. pendant l’Exposiliot f.oyêr, contributions} assurances . . Chauffage, éclairage Dépenses diverses Ports de lettres. . . impressions d’avis , circulaires; . . . Change et retour de mandats Mobilier Bibliothèque Collections. ............. i impression, papier, plan Bulletin . . j ehes. . . , t port du Bulletin. . . . 1 Histoire des progrès de la géologie. . i / achat d’exemplaires . . * I dépenses supplémenta /Mémoires../ res.. \ I menus Trais. — Coloriag de caries Flacement de capitaux Placements en bons du Trésor. . . . Avances remboursables, dép. imprév; RÉSULTAT GÉNÉRAL. La recette prévue étant de 25.542 fr. 45 c. La dépense de 25,200 » Il y aura excédant de recette de ...... . 342 fr. 45 c. Ce Budget est mis aux voix et adopté à Tunanimité. NOTE DE M. ÉBRAY. 395 Le secrétaire lit la communication suivante de M. Ébray: Comparaison des oolithes inférieures du bassin anglo-parisien avec celles du bassin méditerranéen , par M. Th. Ebray. J’ai eu l’honneur d’indiquer, dans une note précédente, quelle série de couches on rencontre en passant du lias à l’étage oxfor- dien des environs de Niort. Ces couches sont remarquables par l’alternance d’assises sans fossiles et de bancs qui en sont pétris. La vie animale paraît s’interrompre partiellement à cause des changements qui surviennent clans le régime des eaux, et reprendre ensuite un essor d’autant plus grand que cette interruption a été plus longue. J’ai montré aussi de nombreux passages dans les espèces de cet étage, passages ne résultant pas de remaniements, mais bien d’une véritable persistance. Dans beaucoup de lieux, la faune de l’oolithe inférieure ferru- gineuse reposant directement sur le lias supérieur, paraît former le premier anneau d’une chaîne vitale, qui se continue sans inter- ruption jusqu’aux couches de l’étage oxfordien ; mais les carac- tères de ces roches se modifient très rapidement déjà à Saint- Maixent (Deux-Sèvres). La couche ferrugineuse change d’aspect minéralogique ; elle reste ferrugineuse, mais la nature des oolithes se modifie. Aux Bachets près Vivone (Vienne), la couche ferrugineuse se perd totalement, et l’oolithe inférieure, reposant encore direc- tement sur le lias argileux, en a pris les principaux caractères de couleur et de texture ; il n’y a que les couches supérieures, dures et sans fossiles, qui deviennent siliceuses et jaunes. Aux environs de Mezaux (Vienne), la couche à oolithes ferru- gineuses reparaît, quoique très mince (0,15 à 0,30) ; elle se trouve surmontée par des calcaires jaunes comme aux Bachets, et est supportée par les assises calcaires du lias qui acquièrent tant de puissance aux environs de Thouars. Les espèces les plus com- munes sont: Nautihis lineatus , Pecten fibrosus , Lima probos- cicle a . Je donne ci-après, pagë 396, deux coupes de l’oolithe inférieure prises aux Bachets et aux environs de Mezaux, $9Ô BÉANCE DU 17 MARS 1856. N° 1. Coupe de t oolithe infé- rieure aux Bachets. fossiles ; bancs de (Jm,50 à 0m,55, four- nissant de bonnes pierres de construc- tion. (Étage bajocieu.) c. Oolithe inférieure mélangée avec le lias bleu gris; partie supérieure avec Am- monites disons et Gryphœa Knorrii. Bancs réguliers de 0>n,30 à 0m,oo. d. Lins supérieur bleu gris; fossiles appar- tenant exclusivement au lias. e. Lias supérieur à l’état d’argile bleue noi- râtre. Ammonites radiatus, Belemnites irregularis. (Etage thoarcien.) fff /'• Portions de bancs ayant conservé la couleur du lias. N° 2. Coupe de V oolithe injé » ri éure à Mezaux. a. Terre végétale. b. Oolithe inférieure jaune , avec Pecten fibrosus et Lima proboscideat bancs de 0m ,50, durs. (Etage bajocien.) i.\ Base à oolithes ferrugineuses. d. Portion remaniée n’existant pas partout. e. Lias supérieur argileux jaune ; bancs de Oni^S, avec Ammonites insignis, va - riabilis. f . Lias supérieur argileux bleu, avec Am- monites radians. g. Lias supérieur, couche métamorphique! h. Granit et gneiss. Si maintenant du bassin anglo-parisien nous passons au bassin méditerranéen, nous observons des différences minéralogiques plus grandes encore. Pour le prouver, il suffira d’étudier les coupes des terrains des environs du Guétin (Nièvre) et de Nérondes (Cher). NOTE DE M. ÉBRÀt Nu 3. Coupc de Voolithe injé - I ricure aux environs de Né- ron des . a. Étage callovien avec Ammonites anceps, couleur jaune, nature argilo-calcaire, quelquefois avec oolilhes ferrugineuses. Bancs de 0'«,35 à 0m,40. b. Gronde oolilhe avec Ammonites Initia- tus , macrocephalus , Tercbratula di- gona ; couleur Bleue, nature argileuse, tantôt avec bancs, tantôt sans bancs. (Étage bathonien.) c. Fuller’s earth, peu de fossiles; couleur gris blanc, nature argilo-calcaire; bancs réguliers de 0m,30à0m,35. (Etage ba- thonien.) d. Oolitheinférieure. Couchcsépaisses, moins argileuses, couleur bleue. Ammonites Govantianus , Parkinsoni. (Étage bajo- cien.) e. Lias supérieur, couleur bleue, nature argileuse, tantôt avec bancs, tantôt sans bancs. Lima giganlea. N° U- Coupe de ï oolithe infé~ ricure et du lias aux environ s du Gué tin. a. Fuller’s earth, bancs minces au Guétin, épais à Apremont ; couleur bleu gris, nature argilo-calcaire, peu de fossiles. (Étage bathonien.) b. Oolithe inférieure, bancs de 1 mètre à lm,o0, couleur jaune gris, calcaire dur, quelquefois des oolilhes ferrugineuses (carrières de la Grenouille). Oursinsy Ammonites et Pleurotomaires. (Étage bajocien ) c. Oolilhe inférieure, banc ferrugiueux, gé- néralement sans oolithes. Ammon. Brongniarti. Dans la partiie inférieure", souvent des fossiles du lias. (Étage ba- jocien.) d. Lias supérieur. Argile jaune et bleue; peu de fossiles (tranchée du chemin de fer à Gymouille). (Etage thoarcien.) e. Lias supérieur. Banc dur, jaune, ferrugi- neux, avec Oslrea Knorrii (tranchée de Gymouille). /. Lias supérieur. Marnes bleues avec Bé- lemuites et Ammonites. {Idem.) g. Lias supérieur. Banc semblable à la couche e. {Idem.) h. Lias supéiieur. Argile bleue avec Bel. irregularis , Âmm. serpenlinus, etc. (Etage thoarcien.) i. Lias moyen. Argile bleue se transformant souvent en bancs minces, quelquefois jaunes dans le dessus, Amm. planicosta , Valdanii , Belemn. niger , etc. Dans le haut, O. cymbium élargies; dans le bas, O. cymbium allongées (tranchées de Saint- Pierre). (Étage liasieu.) j. Lias inférieur, partie supérieure eree O. arcuata , Pinna Hartmanni , Spirifcp Walcotiiy pinguis , etc, (tranchées de Saint-Pierre). (Etage swéomrieu.) 398 SÉANCE DU 17 MARS 1856. On trouve aux environs de Nérondes, dans un ordre de stratifi- cation presque parallèle, le lias supérieur, Foolithe inférieure, la grande oolithe, i’oxfordien inférieur et l’oxfordien supérieur. Le caractère le plus frappant de cette série de couches pst l’uni- formité des caractères minéralogiques. Le lias supérieur a son aspect ordinaire, bleu, argileux ; les fossiles sont transformés en fer sulfuré ; les plus abondants sont comme toujours X Ammonites serpentin us, la Lima gigantea.Ces couches assez puissantes sont sur- montées par les bancs (d), coupe ri° 3, ayant la pième couleur, et l’enfermant des fossiles de Foobtbe inférieure. Ces bancs corres- pondent aux bancs des carrières de la Grenouille, près du Guétin ; mais, dans cette dernière localité, la couleur du lias n’existe plus. Cette portion de l’étage bajocien est quelquefois ferrugineuse ; niais les oolitlies ne se trouvent pas comme à Niort groupées à la base de l’étage. On en rencontre partout, irrégulièrement distri- buées, et nous les reverrons avec les mêmes caractères dans l'étage de la grande oolithe. Je joins à cette note une Ammonites Humphriesianns et un A. Mnrchisoni , qui proviennent de ces assises. Le fuller’s-earth repose directement sur les bancs épais dont nous venons de nous occuper ; sa couleur est semblable à celle du lias, blanc grisâtre ; les bancs sont très réguliers, la composition argilo-calcaire. Les fossiles y sont très rares ; un seul exemplaire de X A. Gamin - tianus est venu m’indiquer que ce dépôt, tout en appartenant, comme cela est admis, à la grande oolithe, contient des fossiles de l’oolithe inférieure. En se dirigeant vers l’ouest, ces bancs deviennent plus puis- sants, moins argileux; la couleur bleue disparaît de telle sorte, qu’ils finissent par fournir de l’excellente pierre à bâtir, comme à Apremont. Au-dessus de ces dépôts, qui atteignent quelquefois une grande épaisseur, se trouvent les secondes assises de l’étage bathonien qui aux environs de Nérondes ressemble tellement au lias, que, si les fossiles ne venaient pas en aide, on se trouverait certainement induit en erreur. Les fossiles sont généralement aussi transformés en sulfure de fer. J’ai l’honneur de présenter un A. bullatus qui donnera une idée de la ressemblance de la composition de l’étage bathonien avec celle du lias. Ce n’est qu’à partir de l’étage callovien que nous quittons cette couleur monotone ; une couche à Dysaster ellipticus , tantôt jaune, tantôt bleue, forme la séparation des étages. NOTE DE M. VILLE, 399 L’étage callovien est jaune foncé, en bancs de 0,â0 à 0,à5, avec Ammonites adultes. L’étage oxfordien est blanc et contient des spongiaires. Il affleure à Bengy, près Nérondes. Le croquis n° h , page 397, donne la coupe de la tranchée de Gymouille près Nevers. Les lias inférieur et moyen apparaissent à Saint-Pierre (Nièvre) , où l’on rencontre inférieurement, dans la tranchée du chemin de fer, les couches supérieures de l’étage sinémurien, caractérisées par les Ostrea arcuata , Spirifer PTalcotii, Pi /ma Hartmanni. La Gry pliée arquée perd peu à peu ses caractères en passant au lias moyen ; elle s’élargit et se rap- proche considérablement delà Gryphœa cymbium, qui se rencontre avec tous ses signes distinctifs dans les couches supérieures de l’étage liasien. Le lias supérieur se rencontre au Guétin, tantôt jaune, tantôt bleu; l’oolithe inférieure par bancs épais, durs et grisâtres, apparaît ensuite aux carrières de la Grenouille, tantôt avecoolitlies ferru- gineuses, comme la grande oolithe de Nérondes, tantôt sans ooli- thés ; le fuller’s-earth couronne le tout en s’inclinant vers le sud, et l’étage bathonien vient affleurer au-dessus à la Guerche (route de Sancoins), à Nérondes (chemin de fer). On voit donc avec quelle rapidité varient les caractères miné- ralogiques des roches. Ainsi, de Niort aux Bachets, il y a ùO kilomètres; rien ne se res- semble dans la succession , la couleur et la composition des roches bajociennes de ces deux localités; les fossiles seuls restent constants. Des Bachets à Mezaux, on compte 12 kilomètres; les change- ments, quoique moins considérables, sont cependant importants. De Mezaux à Nérondes (2Ù0 kilomètres), il y a changement complet; du lias inférieur au callovien, on ne remarque qu’une même couleur, une même composition chimique. M. Delesse donne communication à la Société de la notice suivante qui lui a été transmise par M. Ville : Notice minéralogique sur la province tV Alger, par M. Ville, ingénieur des mines à Alger. La notice qu’on va lire a pour but de faire connaître, d’une manière succincte, les divers gîtes minéraux reconnus jusqu’à ce jour dans la province d’Alger. m SÉANCE DU 17 MARS 1856. MARBRES. Marbre blanc de V Oued-Bouman. ■ — Il y a un gîte de marbre blanc, contenant des émeraudes, sur le bord de l’Oued-Bouman, affluent de la rive gauche de l’Harrach, à 16 kilomètres E. de Blidah. Marbre des environs du Fondouch . — Des gîtes considérables de marbre, enclavés dans le terrain numinulitique, ont été décou- verts depuis peu dans le massif du Djebel-Bouzegza, aux environs de Fondouck, à 36 kilom. E.-S.-E. d’Alger. Ce marbre constitue une sorte de brèche à noyaux gris-cendrés, reliés par des filets rouges de carbonate de fer Jiydroxydé. Deux carrières viennent d’être concédées; elles ne sont pas encore en voie d’exploitation. Marbre du cap Matijou. — H y a au cap Matifou, à 15 kilo- mètres E. d’Alger, un gîte de marbre qui a été exploité ancien- nement ; il constitue tantôt une brèche à fond gris jaunâtre, vei- née de rouge, tantôt un marbre blanc zoné de légères teintes bleuâtres. La proximité de la côte permettrait d’exploiter ces marbres à peu de frais, s’ils étaient estimés par l’industrie. Marbre de Djelfa. — Il existe des couches de calcaire cristallisé de diverses nuances, susceptibles d’être exploitées comme marbre sur le Djehel-Senelba, aux environs de Djelfa, à 2A0 kilomètres S. d’Alger. Marbre de Laghoiiat. — H y a des couches de marbre cervelas dans la petite chaîne de terrain crétacé sur laquelle est bâti La- ghouat, à 312 kilomètres S. d’Alger. Ce marbre pourrait servir pour l’ornementation de Laghouat. Calcaire hydraulique. — Il y a une carrière de calcaire hydrau- lique dans le ravin des Voleurs, à 12 kil. S.-E. du village de Marengo, dans la partie occidentale de la plaine de la Metidja. — Cette carrière est exploitée. Pouzzolane, de teniet-el-haad. — Il y a à Teniet-el-Hâad une carrière de sable provenant de la désagrégation naturelle d’une roche dioritique. Cette substance est exploitée comme sable ordi- naire pour les constructions de Teniet-el-Hâad. Si on la réduisait en farine, sous une meule, il est probable qu’elle pourrait servir alors comme pouzzolane. Basalte facile a désagréger, de dellys. — Le massif basaltique compris entre la pointe de Dellys et l’Oued-Sebaou renferme des basaltes faciles à décomposer et qui pourraient sans doute, comme NOTE DE M. VILLE. 401 les diorites de Teniet-el-Hâad, servir de pouzzolane naturelle, s’ils étaient réduits préalablement en poussière fine. Gîtes de plâtre. — Yoici l’énumération des gîtes de pierre à plâtre reconnus jusqu’à ce jour par le service des mines dans la province d’Alger : 1. Gypse situé à 8 kilomètres N.-E. du télégraphe de l’Oued-Ras.— Inexploité. 2. Gypse situé à 12 kilomètres N.-E. du télégraphe de l'Oued-Ras.— Inexploité. 3. Gypse du camp de Kerbah, sur la route de Ténès à Orléansville , à 18 kilomètres S. de Ténès. Ces couches, dont l’épaisseur totale est de 48 mètres 79, se prolongent, dit-on, sur une longueur de plusieurs lieues. — Inexploité. 4. Gypse des environs d’Orléansville. — Exploité. 5. Gypses du revers N. du Zaccar-Rharbi , auprès de Milianah. — 2 carrières exploitées. — Il y a un peu de minerai de cuivre as- socié à ces gypses. 6. Gypse d’Aïn-Kherraza , situé à 26 kilomètres N. de Milianah.— Inexploité. 7. Gypses situés à 9 kilomètres N.-E. de Téniet-el-Hâad. — Deux gîtes inexploités. 8. Gypse de Téniet-el-Hâad. — Exploité pour les constructions du poste. Les marnes encaissantes renferment des veines minces de bitume solide, emplissant des fentes irrégulières qui n’ont aucun rapport avec la stratification des couches. 9. Gypse des environs de Cherchell. — Exploité pour les besoins de cette ville. 10. Gypse des environs de Novi. — Exploité. 1 1 . Gypse des environs du télégraphe de l’Affroun, à l’extrémité S. -O. de la plaine de la Métidja. — Inexploité. 12. Gypse du Bou-Roumi, à l’extrémité O. de la concession de Mou- zaïa. — Inexploité. 13. Gypse de la grotte du Chrétien, dans la concession de Mouzaïa.— « Exploité pour les besoins du village de Mouzaïa-les-Mines. 14. Gypse situé à 1500 mètres E. du village de Mouzaïa-les-Mines. — Inexploité. 15. Gypse de lOued-Ouzra, situé près du confluent de l’Oued-Ouzra et de l’Oued-Mouzaïà. — Exploité pour les besoins de Médéah. 16. Gypse de Hammam-Melouan, rive droite de l’Harrach. — Exploité pour les besoins d'Alger. 17. Gypse de Hammam-Melouan, rive gauche de l'Harrach. — Inex- ploité. Contient un peu de pyrite de cuivre. 18. Gypse de l’Oued-Bouman, affluent de la rive gauche de l'Harrach, à 16 kilomètres E. de Blidah. — Inexploité. Il renferme des émeraudes. 19. Gypse de l’Oued-Djebsa , à 46 kilomètres S.-E. d’Alger, sur la route d’Alger à Aumale. — Inexploité. Sgc, géol.y 2” série , tome XIII, 26 402 SÉANCE DU 17 MARS 1856. 20. Gypse de l’Oued-el-Haad, à 49 kilomètres S.-E. d’Alger, sur la route d’Alger à Aumale. — Inexploité. 21 . Gypses des environs d’Aumale (Sour-Ghoslan). — Deux carrières sont’exploitées pour les besoins de la ville. 22. Gypses du Djebel-Rethal, chez les Ouled-Hedim, à 24 kilomètres E.-N.-E. de Boghar. — 2 gîtes voisins inexploités. C’est à tra- vers l’un d’eux que sourdent les sources salées des Ouled- Hedim. 23. Gypses des. environs du marabout de Sidi-Bouzid, à 40 kilomètres O. de Boghar. L’un de ces gîtes présente quelques nodules de soufre au contact des marnes tertiaires encaissantes. 24. Gypse diluvien d’Aïn-Ousserah. — Exploité pour les besoins du caravansérail de même nom, sur la route carrossable de Boghar à Laghouat. 25. Gypse crétacé de Guelt-es-Settel. — Exploité pour les besoins du caravansérail de même nom, sur la route carrossable de Boghar à Laghouat. 26. Gypse diluvien des bords du Zahrez-Rharbi, auprès de la fontaine d’Aïn-Sebakh. — Inexploité. 27. Gypse associé au sel gemme du Djebel-Sabari , rocher de sel , à 22 kilomètres N. -O. de Djelfa. — Inexploité. On trouve un peu de cuivre pyriteux dans les marnes encaissantes. 28. Gypse crétacé situé à 8 kilomètres S. du village de Cberf. *— Inexploité. 29. Gypse associé au sel gemme d’Aïn-Hadjera, à 44 kilomètres N. -O. de Djelfa. — Inexploité. 30. Gypse diluvien de la rive droite de l’Oued-Mala, à 16 kilomètres N.-Ô. de Djelfa. - — Inexploité. 31 . Gypse crétacé de la rive droite de l’Oued-Malah, à 1 5 kilomètres N. -O. de Djelfa. — Inexploité. 32. Gypse diluvien de la redoute Lapasset, à 4 kilomètres O. de Djelfa. — Inexploité. 33. Gypse crétacé du Djebel-Senelba, à 4 kilomètres S. -O. de Djelfa. — Exploité pour les besoins de Djelfa. 34. Gypse diluvien du caravansérail d’Aïn-el-Ibel. — Exploité pour les constructions de ce caravansérail , sur la route carrossable de Boghar à Laghouat. 35. Gypse diluvien du caravansérail de Sidi-Makrelouf. — Exploité pour les constructions de ce caravansérail, sur la route carros- sable de Boghar à Laghouat. 36. Gypse crétacé du Guern-el-Meila , à 12 kilomètres N. -O. de La- ghouat. Ce gypse forme un grand dépôt stratifié de 1 4 kilo- mètres de long sur 4 kilomètres de largeur moyenne, et 20 à 30 mètres d’épaisseur. — Inexploité. 37. Gypses crétacés des montagnes dites Djebel-Zebecha , Djebel- Dakla, Djebei-Rous-el-Aïoun, Djebel-Moudloua. Ces gîtes con- stituent, aux environs de Laghouat, un immense dépôt stratifié de 40 kilomètres de long sur 8 kilomètres de largeur moyenne, NOTE DE M. VILLE. 403 qui n’affleure qu’en certains points, par suite de l’inflexion des couches. — Le gypse de Djebel-el-A'ioun est exploité pour les besoins de Lagbouat. 38. Gypse diluvien de Laghouat.- — Inexploité. 39. Gypse diluvien du Ksar-Àssefia, à 8 kilomètres E.-N.-E. de La- ghouat. — Inexploité. 40. Gypse diluvien des bords de l’Oued-Messaad , à 11 kilomètres S.-O. de Laghouat. — Inexploité. Cette énumération montre tjue la province d’Alger est très- riclie en gîtes de pierres à plâtre. L’étude de ces gîtes est très in- téressante, non-seulement au point de vue géologique, mais encore au point de vue industriel. Ces gîtes sont de deux natures diffé- rentes ; les uns sont associés à des roches d’origine éruptive (diorites) et paraissent résulter de la transformation du carbonate de chaux en sulfate de chaux hydraté par l’action des vapeurs d’eau et d’acide sulfurique qui auraient accompagné les éruptions de ces roches. La stratification est assez souvent indistincte dans les gîtes de cette nature ; ceux-ci ne constituent, en général, que des îlots très restreints qu’une force expansive semble avoir poussés de bas en haut à travers les terrains stratifiés tertiaire et crétacé. Le plus souvent ces gîtes métamorphiques indiquent la zone de contact des terrains tertiaire et crétacé; ils sont associés à divers minéraux : du bitume à Téniet-el-Hâad ; des émeraudes à l’Od-Bouman ; du cuivre pyriteux et oxydé au Bjehel-Sahari, au Zaccar-Rharbi de Milianah, à Hainmam-Melouan, etc. ; du sel gemme au Djebel- Sahari, à À'in-Badjera ; des sources salées chez les Ouled-Hedim; du soufre auprès du marabout de Sidi-Bouzid. Les gypses d’ori- gine métamorphique sont très nombreux dans la région monta- gneuse du Tell, comprise entre Alger et Boghar ; ils sont, au contraire, assez rares dans la partie montagneuse comprise entre Boghar et Laghouat. La 2e catégorie de gypses comprend ceux qui se présentent en I couches régulières épaisses, d’une étendue souvent considérable. ! Ces couches sont intercalées, sans aucune apparence de dérange- | nient, au milieu des autres couches du terrain (argile et calcaires). On ne voit dans leur voisinage aucune roche d’origine éruptive. I Ces couches de gypses paraissent contemporaines des terrains stra- itifiésdans lesquels on les observe. Le terrain tertiaire moyen du j Tell en présente un exemple remarquable auprès du camp de IKerbah, à 18 kilomètres tud de Ténès. Mais c’est surtout dans les terrains stratifiés compris entre Boghar et Laghouat que les gise- ments de cette nature sont nombreux et bien développés. Les SÉANCE DU 17 MARS 1856. m chaînes de terrain crétacé comprises entre ces deux localités ren- ferment des couches épaisses de gypse qu’on peut suivre , sans aucune interruption, sur plusieurs lieues de longueur. Ce caractère est particulier à la région montagneuse dont il s’agit. On ne l’ob- serve pas dans le massif du Tell compris entre Boghar et Alger, dans les terrains du même âge géologique. Le terrain quaternaire forme de vastes plaines entre les chaînes de montagnes qui de Boghar à Laghouat s’allongent du N.-E. au S. -O. C’est lui qui constitue le Sahara algérien, qui s’étend fort loin au sud, à l’est et à l’ouest de Laghouat. Ce terrain est remar- quable par la présence de nombreux dépôts de gypse blanc farineux. Ces dépôts sont généralement traversés par des sources d’eau douce qui ont été probablement plus importantes autrefois, et qui ont produit les gîtes de plâtre par suite d’un phénomène de précipitation chimique. C’est à la présence de ces dépôts de plâtre que les eaux du terrain diluvien doivent les propriétés séléniteu- ses qu’elles possèdent généralement. SEL GEMME. SOURCES SALEES. SALINES. Sources salées El- Melah - M’tâa- el -Habeth . — Les Arabes exploitent les sources salées El-Melah-M’tâa-el-Habeth, situées à 10 kilomètres O. de Ténès, près des bords de la mer. Les sources s’épanouissent à leur point d’émergence sur des dépôts de travertin légèrement inclinés. Le sel, cristallisé par suite de l’éva- poration de l’eau, forme un dépôt de 1 à 2 millimètres d’épais- seur, que les Arabes enlèvent avec une raclette de fer. Les eaux salées vont se perdre en grande quantité dans la mer. Il serait facile d’en tirer un meilleur parti que ne le font les Arabes. Sources salées situées a 3 kilomètres S.- O. du caravansérail d’ Anzeur-el-Louza . — Un ruisseau salé (Oued-el-Malah) débouche dans la rive droite de i’Oued-el-Louza, à 3 kilomètres environ S. -O. du caravansérail situé sur la route muletière de Milianah à Téniet-el-Hâad, à 20 kilomètres N.-E. de ce dernier poste. Les berges de ce ruisseau sont formées de schiste ardoisier noirâtre dont les couches minces et régulières sont dirigées N. 35° E.m, et plongent au N. -O. sous un angle variable qui s’élève jusqu’à U5°. Entre les feuillets de ce schiste, on remarque sur 600 à 800 mètres environ de longueur, suivant le lit du ravin, de petits suintements d’eau salée qui coulent à la surface du sol avec une très faible vitesse. Ces filets d’eau salée, avant de s’épancher au dehors, remplissent les petites dépressions transversales qui existent dans le lit du NOTE DE M. VILLE. 405 ravin, suivant les joints de stratification. Aussi, par l’action des vents et des rayons solaires, l’eau s’évapore en partie, et le sel cristallise en formant à la surface du sol un dépôt continu de 2 à 3 millimètres d épaisseur, que des femmes et des enfants des tri- bus voisines enlèvent journellement avec une raclette de fer. Cette exploitation occupe une cinquantaine de personnes par jour. Comme elle se fait depuis un temps immémorial, le lit du ravin est lisse comme une table, sauf quelques légères dépressions parallèles à la stratification des couches. Source salée des Oiiled-Hedim , — Il existe chez les Ouled- Hedim, à 24 kilomètres E.-N.-E. de Boghar, des sources salées exploitées depuis un temps immémorial par les Arabes de cette tribu. Ces sources sortent d’un amas considérable de gypse inter- calé dans les marnes crétacées. L’eau salée est conduite par de petites rigoles dans une série de petits bassins complètement indé- pendants les uns des antres. Par suite de l’évaporation de l’eau, le sel cristallise en petits cubes sur le fond des bassins ; il est recueilli par des femmes arabes au moyen de couffins . l’eau bour- beuse s’écoule à travers les mailles du couffin, et le sel reste sur le couffin débarrassé de la plus grande partie des impuretés qui le souillaient dans le bassin. Source salée de Kasbah. — Les Arabes exploitent une source salée située auprès du village de Kasbah, à 42 kilomètres S.-E. d’Aumale. Les eaux sont conduites dans de petits compartiments quadrangulaires où le sel cristallise naturellement. Sel gemme du Djebel- S ahuri , a 22 kilomètres N. -O. de Djelja. — Le gîte du sel gemme du Djebel-Sahari, vulgairement appelé Rocher de sel , est situé sur la rive droite de l’Oued-Melah , à 22 kilomètres N. -O. de Bjelfa. On peut considérer ce gîte comme le résultat d’une éruption de boue argilo-calcaire, de gypse et de sel gemme qui se serait fait jour à travers les assises superposées des terrains crétacé inférieur et tertiaire moyen. Ces deux terrains sont fortement redressés autour du gîte éruptif, et lui forment à l’extérieur une double enveloppe ; des fragments de roches créta- cées et tertiaires, éparses et encastrées à la surface du gîte de sel gemme, viennent confirmer cette manière de voir. Le sel gemme est très abondant dans le Rocher de sel ; il y forme des escarpe- ments presque verticaux qui atteignent 35 mètres de hauteur, et qui peuvent suffire à une exploitation à ciel ouvert, faite sur une grande échelle, pendant de longues années. Ce sel est gris bleuâtre en masse, et zoné de diverses nuances à peine distinctes les unes des autres. Il n’est pas stratifié. La face supérieure de l’amas de SÉANCE DU 17 MARS 1856. 406 sel gemme est très irrégulière ; elle est recouverte presque partout i par un magma composé de fragments de calcaire argileux, jaune, vert, rouge, violet, et de cristaux de gypse blanc et rouge réunis par un ciment argileux. Tout cet ensemble d’argile et de plâtre ravine avec la plus grande facilité par l’action des agents atmo- sphériques. De plus, la dissolution du sel par les eaux souter- raines donne lieu à de grands vides intérieurs qui s’effondrent de temps en temps, et produisent à la surface du gîte des crevasses et des entonnoirs plus ou moins larges et plus ou moins profonds. Toutes ces causes réunies déterminent des accidents bizarres, ; fantastiques, qui font du rocher de sel un magnifique spectacle pour le voyageur qui arrive fatigué par la monotonie de la plaine \ uniforme des Z ahrez. Plusieurs sources saturées de sel sortent du Rocher de sel , et vont se jeter dans l’Oued-Mefah. En été, lorsque les eaux sont très basses, la salure des eaux de l’Oued-Meiah par les infiltrations du Rocher de sel est réellement sensible. Mais, dans la saison des pluies, cette salure est à peine sensible au goût, et n’empêche pas les animaux de s’abreuver dans l’Oued-Melah, en aval du Rocher de sel. Il se forme, sur les deux rives, des sources salées s’échappant des flancs du Djebel-Sahari des dépôts de sel blanc qui ont 3 à U centimètres d’épaisseur, et qui sont recueillis pai\ l’intendance > militaire pour les besoins des troupes occupant les postes de Laghouat, Djelfa et Boghar. L’intendance a fait faire aussi de grands bassins d’argile damée pour l’évaporation des eaux salées. Les Arabes emploient de préférence le sel gemme, qu’ils exploi- tent à ciel ouvert et à l’aide de pics. Cette exploitation est très difficile à cause de la dureté de la roche, et ne paraît pas se faire sur une grande échelle. Sel gemme d’ Aïn-Hctdjera. — Le gîte de sel gemme d’Aïn- Hadjera est situé à hh kilom. O. de Djelfa. Il est analogue par sa manière d’être à celui du Djebel-Sahari, seulement le sel s’y présente à ciel ouvert en masses moins considérables. Il forme un escarpement vertical de h mètres de hauteur sur 50 mètres envi- ron de longueur ; il est exploité à ciel ouvert par les Arabes des environs. Les sources salées qui s’échappent des flancs de la masse saline paraissent moins abondantes et moins chargées de sel que celles qui sortent du Djebel-Sahari. On ne voit sur leurs bords que de faibles enduits de sel blanc trop minces pour être recueillis. Salines naturelles du Z ah rez-Rkarb i et du Zaherz-Chergui. — NOTE DE M. VILLE. 407 Les deux Zahrez sont des lacs très fortement salés qui occupent la partie la plus basse d’une vaste dépression comprise entre les chaînes crétacées du Seba-Rous au nord et du Djebei-Sahari au sud. Le Zahrez-Rharbi (occidental) a 40 kilomètres de long sur 8 ki- lomètres de largeur moyenne ; il est alimenté à l’est par l’Oued- Melah, qui baigne le pied du Rocher de sel du Djebel-Sahari ; à l’ouest par l’Aïn-Hadjera, qui traverse le rocher de sel de même nom. La hauteur d’eau de ce lac augmente depuis les bords jus- qu’au centre, où elle s’élèverait, dit-on, à plus d’un mètre pendant l’hiver. Cette eau s’évapore en été, et il ne reste alors qu’une vaste nappe de sel, dont F épaisseur au centre du lac s’élèverait, dit-on, à 0*70. Nous avons traversé ce lac le 3 décembre 1855, auprès de son extrémité orientale, et nous n’avons trouvé dans toute la largeur du lac qu’une lame d’eau, très fortement salée, de deux centimètres de hauteur au plus, ©ans les premiers jours de no- vembre 1855, le fond du lac était tapissé de petits cristaux cubi- ques de sel ne formant pas une couche régulière et compacte. Ce sel, qui pouvait être recueilli à pleines mains, sert aux besoins des Arabes campant à cette époque sur les bords du lac. Un gué, fréquenté par les Arabes, coupe le lac vers le tiers de sa longueur, à partir de l’ouest. Ce gué, qui porte le nom de Macta- Djedean, est remarquable parce qu’il présente en son milieu une source d’eau douce qui jaillit en été à travers la croûte de sel tapissant le fond du lac. Nous avons observé une source d’eau douce ( Aïn-Sebakh ) , à l’extrémité orientale du Zahrez. Cette source est due sans doute aux mêmes causes que celle du Macta- Djedean. Elle s’échappe d’un dépôt assez considérable de gypse de là période quaternaire. Il nous paraît probable qu’il existe autour du Zahrez-Rharbi, et dans la cuvette même de ce lac, plusieurs dépôts de même nature. Le Zahrez-Rharbi (orientai) a 36 kilomètres de longueur sur 14 kilomètres de largeur moyenne ; il est alimenté par des infiltra- tions salines qui ont traversé le terrain quaternaire. Ce lac, de même que le Zahrez-Rharbi, était couvert en novembre et dé- cembre 1855 d’une nappe d’eau très fortement salée. En novem- bre, le fond du lac était également tapissé de petits cristaux de sel marin servant au besoin des Arabes campés sur le bord du lac. Le fond de ce lac paraît plus vaseux que celui du Zahrez-Rharbi ; il est impossible d’v pénétrer en hiver, soit à pied, soit à cheval. En été, il se forme une croûte de sel qui n’est pas très solide. Elle ne peut supporter sans se rompre le poids des chevaux ; ceux-ci en- 6ÊANCE DU 17 MARS 1856. 408 foncent dans la vase de O^âO à 0m,50 ; aussi est-il très dangereux de se hasarder sur le lac pour en explorer les parties centrales, TERRAINS SALPÊTRES. Fabrication de salpêtre de Messad. — Les Arabes fabriquent du salpêtre à Messad, petit ksar situé à 70 kilomètres N.-E. de La- ghouat, sur la lisière du Sahara. A cet effet, ils lessivent des terres qu’ils tirent des ruines d’un ancien ksar voisin de Messad et bâti en mottes de terre séchées au soleil. Ils font évaporer les eaux de lavage par l’ébullition, et quand la liqueur est suffisamment con- centrée, le salpêtre cristallise par refroidissement. Ce salpêtre est employé sur place à la fabrication de la poudre. Le soufre est im- porté, dit-on, de la régence de Tunis, et le charbon est fourni par le bois de laurier-rose. La poudre de Messad jouit d’une assez grande réputation chez les Arabes. EAUX JAILLISSANTES. m Sondage du lac Halloula. — D’après les instructions de M. le gouverneur général de l’Algérie, un sondage a été exécuté, par le service des mines, sur les bords du lac Halloula, dans le but de rechercher s’il serait possible de dessécher ce lac au moyen de puits absorbants. Ce sondage a été suspendu le 16 mars 1855 à la profondeur de 55m,6â. lia traversé une série de couches de sables et d’argiles de diverses couleurs, appartenant au terrain d’allu- vions anciennes qui constitue la plaine de la Métidja. Ces sables ne sont pas absorbants. Ils sont assez fortement agglutinés pour se maintenir sans tubage dans le trou de sonde. A la suite des fortes pluies de l’hiver une source jaillissante est sortie par l’orifice du trou. Le débit de cette source a diminué avec les eaux de pluie. En été, l’eau se maintient dans le trou de sonde au-dessous de l’orifice. Le sondage du lac Halloula a donné un résultat impor- tant pour l’agriculture, puisqu’il indique la possibilité d'obtenir des eaux jaillissantes dans la plaine diluvienne de la Métidja. Sondage de l’Oued-Fatis. — Le service des ponts et chaussées a fait exécuter sur les bords de l’Oued-Fatis, affluent duMazafran, trois sondages de huit à neuf mètres de profondeur, destinés à étu- dier la nature d’un terrain d’alluvions sur lequel on voulait éta- blir un pont. Ces sondages ont donné lieu chacun à une petite source d’eau jaillissante. Le résultat obtenu sur les bords de l’Oued-Fatis, de même que le résultat du sondage du lac Halloula, NOTE DE M. Y1LLE. 409 est de nature à encourager l’exécution de nouveaux sondages dans certains points de la plaine de la Métidja pour obtenir des eaux jaillissantes. EAUX MINÉRALES. Les sources minérales connues dans la province d’Alger sont les suivantes : 1° Source minérale du vieux Ténès, située dans le lit de l’Oued- Allelali. Température , 150°. Cette source sert de bain maure pour les Arabes. Elle est recouverte par une petite construc- tion. 2° Sources thermales de Hammam-el-Hamé, situées à 8 kilomè- tres environ E.-S.-E. de la maison de commandement du caïd des caïds de l’Ouarensenis, sur les bords de l’Oued-el-Hammam. Il y a quatre sources sur la rive droite de la rivière et une cinquième sur la rive gauche ; elles sourdent à travers les argiles schisteuses du terrain jurassique. La plus forte d’entre elles débite environ 400 mètres cubes en 24 heures. Sa température, prise au bouillon, est de 42°. Le bureau arabe d’ürléansville a fait construire auprès de cette source une piscine recouverte par une baraque en maçonne- rie. Les eaux des sources thermales de la rive droite de l’Oued-el- Hammam ne paraissent pas sensiblement sulfureuses ; elles ne noircissent pas l’argent métallique. La source de la rive gauche, au contraire, noircit l’argent au bout de quelque temps d’immer- sion, ce qui indique la nature sulfureuse des eaux. Elle s’épanche dans une légère dépression du sol, qui sert de baignoire aux indi- gènes affectés de maladies cutanées ; aussi les Arabes l’appellent Bain de lépreux. 3" Source minérale acidulé et ferrugineuse d’Aïn-Hammam, située à 3 kilomètres N. -E. de Milianah. Température, 29°. Cette source est utilisée comme boisson ordinaire par les Maures qui habitent les nombreux jardins des environs. 4° Sources thermales de Hammam-Rliira, situées à 32 kilo- mètres N.-E. de Milianah, sur la rive gauche de l’Oued-el-Ham- mam. Température, 41° 1/2 à 53°. L’administration de la guerre a fait construire un établissement thermal près de ces sources. Leurs eaux ne sont pas sulfureuses. 5° Source minérale acidulé et ferrugineuse de Hammam-Rliira, à 2 kilomètres E. de l’établissement thermal. Température, 20° 1/2. La source sert pour la boisson des malades qui fréquentent cet établissement. 410 SÉANCE DU 17 MARS 1856, 6° Source -sulfureuse froide 'd’Àm-Barôtid, située à 4 kilom, O. du village de Mouzaïa-les-Mines. — Sans emploi. 7° Source acidulé froide de Mouzaïa-ies-Mines, située sur les bords de l’Oued-Mouzaïa, à 1 kilomètre N. du village.' — Uti- lisée principalement par lés mineurs de Mouza'ia. -—Température, 17° à 18°. Débit de 2 litres 3 jk par minute. 8° Sources thermales de Hammam-Melouan, dans la vallée de l’Harracli, à 34 kilomètres S. d’Alger. Température, 35° à 40°. Ces sourcés sont très fréquentées par les Maures d’Alger. 9° Source minérale acidulé du Frais- Vallon. Signalée depuis peu. 10° Sources thermales sulfureuses de Berouaguia, à 22 kil. S.-E. de Mécléah. Température, 35° 1/2 à 41°. Débit total, 1 litre envi- ron par seconde. Elles sont utilisées par les Arabes qui viennent, dit-on, de très loin. Une grotte naturelle sert de piscine commune pour prendre des bains. 11° Source thermale située à 8 kilom. N. du ksar Zerguin, sur la rive gauche de l’Oued-Taguin, cercle de Boghar. 12° Source thermale d’Aïn-Hammam, à 32 kilom. E.-N.-E. du caravansérail de Guelt-es-Settel. 13° Source thermale des environs de Djelfa. Température, 29°. Débite un litre cl’eau au plus par seconde. Utilisée au moyen d’un barrage pour l’irrigation des terres avoisinantes. 14° Sources thermales de l’Oued-Hadjia, à 6 kilom. N.-E, du village de Cherf, Ces sources ont une température variable de 33° 1/2 à 36° ; elles sont très nombreuses sur les deux rives de l’Oued-Hadjia, dans une étendue d’une centaine de mètres. Leur débit total est d’environ 6 litres par seconde. Elles ne sont pas sulfureuses. Elles déposent beaucoup de glairine verte sur leur parcours. Elles sont sans emploi. Elles serviront plus tard à l’irri- gation des terres, lorsqu’on aura construit le barrage projeté sur l’Oued-Hadjia. INDICES DE COMBUSTIBLE MINERAL. Indices de combustible minéral des gorges dé VOued-Allelah . — Il existe, dans les gorges de l’Oued- Allelah, aux environs de Ténès, des indices de combustible minéral sur lesquels on a exé- cuté, il y a plusieurs années, des travaux de recherches qui n’ont amené la découverte d’aucun gîte de combustible exploitable. Ce gîte se compose de plaquettes isolées de combustible ayant 8 à 10 centimètres de longueur sur quelques millimètres d’épaisseur, Note de m. ville. Ail intercalées dans des couches d’argile pyriteuse de terrain tertiaire moyen, parallèlement à la stratification de ces couches. Argile bitumineuse du Bled-bou-Frour , cercle d’ Orlèansville . — On a signalé à Bled-bou Frour, entre Ténès et Orlèansville, sur la limite des deux cercles, une couche d’argile bitumineuse noire dont l’affleurement présente 3 mètres environ d’épaisseur sur une quarantaine de mètres de longueur. On avait d’abord attribué à ce gîte une très grande importance, parce qu’on l’avait pris pour un véritable gîte de combustible, et qu’on supposait qu’il pourrait servir à la fusion des minerais de cuivre de Ténès ; mais ce n’était qu’une illusion: l’affleurement, malgré son étendue considérable, n’a présenté jusqu’à ce jour aucun indice réel de charbon. Ce n’est partout que de l’argile bitumineuse noire. Marne bitumineuse des environs de Téniet-el- Hâad. — Quelques îlots de diorites associés à des gypses existent autour de Téniet- el-Hâad. Les marnes qui ont été soumises à l’influence des éruptions dioritiques , à 500 mètres environ à l’ouest du poste, sont traversées par des veines minces et irrégulières remplies d’asphalte ou de bitume solide. Ces veines, qui n’ont aucun rap- port avec la stratification des couches, sont le résultat de fumerolles bitumineuses qui ont accompagné les éruptions volcaniques. On ne doit pas s’attendre à trouver à Téniet-el-Hâad une véri- table couche de combustible minéral; on pourrait y trouver tout au plus un dépôt plus ou moins circonscrit d’asphalte. Le peu d’im- portance de l’affleurement n’est pas de nature à faire entrepren- dre des travaux de recherches dispendieux. Marne bitumineuse des environs de Boghar. — Dans les fentes irrégulières que présentent les marnes schisteuses du terrain cré- tacé de Boghar, il existe quelques veines excessivement minces de bitume. On avait signalé ces veines comme un dépôt de char- bon de terre; c’est une erreur qu’il importe de détruire, afin qu’une illusion trompeuse ne cause pas la ruine de quelques colons trop crédules. Bois fossile d' Aïri-el-lbel. — Il y a un gîte de bois fossile auprès du caravansérail d’Àïn-el-Ibel, dans le terrain crétacé inférieur, à 56 kilomètres N.-N.-E. de Laghouat, sur la route carrossable de Boghar à Laghouat. Une épaisseur de 3 à A mètres de diluvium recouvre, sur les bords de l’Àïn-el-Ibel, un système composé de couches alternatives de grès et d’argiles du terrain crétacé. Les grès sont tantôt gris- blanc, tantôt rouges. Les marnes d’un même banc sont tantôt vertes, tantôt lie de vin. On trouve dans les marnes de la rive gauche de nombreuses empreintes SÉANCE DU 17 MARS 1856. m végétales, et des veines irrégulières d’un lignite noir et brillant. Ces veines ont une épaisseur variable de 1 à 6 centimètres, et une longueur qui s’élève parfois à 0Q1,50. Elles ne sont pas disposées parallèlement aux strates des argiles. Elles les coupent sous des angles très variables, comme si c’étaient des branches d’arbres enterrées dans un dépôt boueux formé de lits réguliers. Du reste, on reconnaît la texture du bois dans certains fragments, et, ce qui vient compléter la démonstration, ce sont les grosses branches si lici fiées que l’on trouve dans le grès. L’extérieur de ces branches est formé de grès, et l'écorce est indiquée par une teinte brune où l’on reconnaît très bien les fibres longitudinales du bois. Cet affleurement irrégulier de combustible se poursuit sur une dizaine de mètres de longueur et 1 mètre d’épaisseur. IL est certai- nement fort peu important par lui-même ; mais il a une certaine importance relative, parce qu’il indique la possibilité de trouver des lignites dans les terrains crétacés du Sud. La rareté du com- bustible autour d’Ain-el-Ibffl engagera peut-être un jour à faire quelques travaux de recherche sur le gîte qu’on vient de signaler. Indices de lignite du Fondouch . — Il y a dans le terrain tertiaire des environs du Fondouck quelques indices de lignite qui n’ont pas de suite en profondeur. Indices de lignite de Dellys. — Les grès quartzeux de Dellys présentent, parallèlement à leur stratification, des plaquettes de lignite de 10 centimètres de longueur sur 2 à 6 millimètres d’épaisseur. Ces plaquettes ne paraissent pas avoir de suite en profondeur. Indices de lignite d’Aumale . — Quelques indices de lignite existent à Aumale dans une couche de calcaire compacte du ter- rain tertiaire moyen. Ces indices n’ont montré aucune continuité en profondeur. SOUFRE. Soufre des environs du marabout de Sidi-Bouzid. — 11 existe, à U0 kilomètres ouest de Boghar, près du marabout de Sidi- Bouzid, un gîte de soufre qui est utilisé depuis longtemps par les Arabes pour la fabrication de la poudre. Ce gîte se compose de nodules de soufre disséminés d’une manière irrégulière dans les marnes tertiaires qui sont au contact d’une couche épaisse de gypse. Ce gypse est traversé par une roche d’origine éruptive (dio- rite) à laquelle il doit probablement son existence. Il constitue NOTE DE M. VILLE. 413 une couche lenticulaire de 200 à 300 mètres de longueur sur 4 à 5 mètres d’épaisseur. Le soufre ne forme que des dépôts très res- treints, si l’on en juge par le point d’où les Arabes le retirent. Du reste, comme ce gîte esc exploité par les Arabes et connu d’eux depuis longtemps, il serait intéressant d’y faire quelques travaux de recherches, afin qu’on puisse mieux se rendre compte de son importance réelle. ARGILES PYRITEUSES. On a signalé des argiles pyriteuses : I Auprès de Ténès, dans les gorges de l’Oued- Allelali ; 2° A 28 kilomètres sud d’Alger, à l’entrée des gorges de l’Oued- Djemâa ; 3° A 4 kilomètres sud du Fondouck, sur les bords de l’Oued- Hamiz. Ces argiles pourraient servir à la fabrication du sulfate de fer et de l’acide sulfurique par le procédé qu’on emploie à l’usine de Weissgrun en Bohême. CONCESSIONS DE MINES METALLIQUES, II y a dans la province d’Alger cinq concessions de mines mé- talliques qui sont : 1° La concession de la mine de cuivre et de fer de l’Oued-Alle- lah, aux environs de Ténès. Cette mine, qui fournit du cuivre pyriteux, présente un assez grand développement de travaux souterrains. On exploite à 100 mètres de profondeur au-dessous du sol au moyen de deux puits à grande section, reliés par des galeries de niveau. 2° La concession de la mine de cuivre et de fer du cap Ténès, aux environs de Ténès. 3° La concession de la mine de cuivre et de fer de l’Oued-Taf- filès, aux environs de Ténès. Aucun travail n’a été fait clans ces deux dernières mines depuis le 14 mai 1849, date du décret de concession. 4° La concession de la mine de cuivre et de fer des Mouzaïas. Elle a donné lieu à un grand développement de travaux souter- rains et de travaux à ciel ouvert. Elle fournit principalement du cuivre gris argentifère. 5° La concession de la mine de cuivre de l’Oued-Merdja. Les travaux d’exploitation sont encore peu développés. Ils sont sus- hlh SÉANCE1 DU 17 MARS 1856. pendus momentanément. Le minerai se compose de cuivre py- riteux. GÎTES MÉTALLIQUES NON CONCEDES. Les gîtes métalliques non concédés pouvant faire chacun un centre spécial d’exploration sont les suivants : Dans le district de Ténès, — 1° Les gîtes de minerais de cuivre et de fer du Djebel-Haddid. 2° Les gîtes de minerais de cuivre de l’Oued-bou-Iialou. 3° Les gîtes de minerais de cuivre de Sidi-bou-Aïssi. Chacun de ces trois groupes de gîtes a donné lieu à des travaux de recherches aujourd’hui suspendus et qu’il importe decondnuer. Dans le district d’ Orléansville. — lx° Le gîte de carbonate de plomb de l’Oued-Fodda, au pied du revers nord de l’Ouarensenis. Ce gîte n’est connu que par les débris roulée qu’on trouve sur les bords de la rivière. Ces débris sont recueillis etfondus surplace par les Arabes des environs. 5° Le gîte de blende et de calamine du sommet de l’Ouarensenis. Le gîte est d’un abord très difficile ; cette situation, joint à l’éloi- gnement de la côte, le rend inexploitable aujourd’hui. 6° Le gîte de fer du village des Atafs, à U\ kilom. est d’Orléans- ville. — Inexploitable aujourd’hui par suite de l’éloignement de la côte. Dans le district de Milianah. — 7° Les gîtes de minerais et de cuivre de plomb de l’Oued-Rehan et d’Aïn-Kerma. 8° Les gîtes de minerais de cuivre et de plomb du Zaccar- Rharbi. 9° Les gîtes de minerais de cuivre et de plomb de i’Oued- Aidous. 10° Les gîtes de minerais de cuivre de l’Oued-Souffay. Les gîtes n,s 7 et 10 sont situés auprès de Milianah. Ils ont tous été l’objet de travaux de recherches plus ou moins considérables, mais qui ne paraissent pas suffisants pour qu’on puisse instituer des concessions immédiates. Il importe donc de continuer les tra- vaux de recherches. Le minerai se compose principalement de cuivre pyriteux et d’un minerai noir à éclat gras, qui est une combinaison d’oxyde de cuivre et d’oxyde de fer. On trouve aussi un peu de cuivre gris dans le périmètre de l’Oued- Aïdous. 11° Les gîtes de minerais de cuivre et de plomb de l’Oued-Adeiia et de l’Oued-Soltan. PÏOTE DE SI. TILLE . 415 12° Le gîte de cuivre pyriteux de Ilammam-Rhira, situé à 32 kilomètres N.-E. de Milianah. Il a été l’objet de recherches peu étendues, et qu’il serait intéressant de continuer. 13° Les gîtes de minerai de fer des environs de Milianah. Ces derniers gîtes nous paraissent assez nombreux et assez riches pour alimenter, soit un haut fourneau, soit une forge à la catalane. L’ Oued- Bou tan fournirait la force motrice nécessaire, mais le combustible et les débouchés manqueraient sans doute à cette industrie, qui présenterait dès lors aujourd’hui fort peu de chan- ces de succès. Dans le district de Blida/i. — ik° Le gîte de cuivre pyriteux du grand pic des Mouzaïas. Il n’a jamais été exploré et mérite de devenir l’objet de quelques travaux de recherches. 15° Les gîtes de cuivre pyriteux de l’Oued-Kebir, auprès de Blidah. Ils ont donné lieu à des travaux de recherches, aujourd’hui suspendus, et qu’il importe de continuer. 16° Les gîtes de minerais de cuivre, de plomb et de zinc de Dal- matie, auprès de Blidah. Ils ont donné lieu à des travaux de recherches, abandonnés de- puis quelque temps, et qu’il serait intéressant de reprendre. 17° Les gîtes de minerais de cuivre de Soumah. Ils ont donné lieu à quelques travaux de recherches qui sont abandonnés depuis plusieurs années, et qu’il serait intéressant de reprendre. Ils fournissent, de même que les gîtes de Dalmatie,un mélange de cuivre pyriteux et de cuivre gris. 18° Les gîtes de minerais de cuivre de l’Oued-ben-Akhlil, à 10 kilomètres S.-E. de Soumah. Ils ont été, il y a plusieurs années, l’objet de quelques travaux de recherches peu importants. 19° Les gîtes de cuivre gris de l’Oued-Bouman. Ces gîtes, découverts depuis peu, sont situés à 16 kilomètres Ë. de Blidah, dans le territoire de la tribu des Beni-Messerah. Ils méritent de devenirl’objet de quelques travaux de recherches. 20° Le gîte d’or natif de la haute vallée de l’Harrach On a trouvé dans cette vallée, près du continent de l’Harrach et de LOued-Boiunan, un caillou roulé de micaschiste, contenant entre ses feuillets des paillettes d’or natif. Mais le gîte en place d’où provient ce curieux échantillon n’a pas encore été retrouvé. Dans le district d'Alger . — 21° Les gîtes de minerai de fer des environs d’Alger. — Très peu importants. SÉANCE DU 17 MARS 1856. A16 22° Le gîte de manganèse de la Bouzaréah, situé à 2 kilomètres > O. d’Alger. — Peu important. 23° Le gîte de minerai de plomb de la Bouzaréah, situé à U ki- lomètres O. d’Alger. — Peu important. 2ft° Le gîte de minerai de plomb de la Pointe-Pescade, situé à 6 kilom. N. -O. d’Alger. Ce gîte, qui est assez important, a donné lieu à quelques tra- vaux d’exploration qui ont été suspendus par suite de difficultés soulevées par les propriétaires du sol. 25° Le gîte de cuivre carbonaté de la porte du Sahel, à Alger. - — Peu important. 26° et 27° Les gîtes de minerais de plomb de l’Oued-Arbatach et de l’Oued-Mserakou, situés à 28 kilom. S.-E. d’Alger. -—Peu importants. | Dans la Kabylie. — • 28° Le minerai de fer du village d’Akbou, à 58 kilom. S. -O. de Bougie. Dans le district de Laghouat. — 29° Le gîte de manganèse de Laghouat. Il forme des filons irréguliers au milieu du calcaire crétacé. En cas d’épidémie à Laghouat, ce gîte pourrait être utilisé pour faire du chlore. GITES DE PIERRES PRECIEUSES. Emeraudes de la haute vallée de t Harrach . — Un gîte d’éme- raudes a été découvert en 1855 dans la haute vallée de l’Har- rach, à 16 kilom. E. de Blidali. Les émeraudes se trouvent dissé- minées dans du calcaire cristallin associé à du gypse et de la diorite. Les gypses associés à des roches dioritiques étant très communs dans le Tell algérien, il est permis d’espérer qu’on trouvera de nouveaux gîtes d’émeraudes. Les émeraudes de P Harrach ne paraissent pas avoir une grande valeur industrielle, parce qu’elles sont de petites dimensions et d’une couleur vert pâle. Leur transparence permet cependant de les employer dans la bijouterie. Silex transparents des plaines diluviennes du Sahara . — On trouve souvent, à la surface des plaines diluviennes comprises entre Boghar et Laghouat et des plaines diluviennes du Sahara, des cailloux roulés de silex translucide et de diverses couleurs. Ces galets, qui sont gros au plus comme un œuf de pigeon, peuvent être gravés pour faire des camées et autres objets d'ornement. MÉMOIRE DE M. MEUGY. h\1 M. Descloizeaux fait remarquer que les minéraux de l’Ar- rach considérés comme des émeraudes par M. Ville sont en réalité des tourmalines v rtcs, semblables à celles qu’on trouve au Saint-Gothard dans une situation pareille -, c’est ce qui explique pourquoi ces prétendues émeraudes n’ont jamais été employées dans la joaillerie. M. Elie de Beaumont dit que les tourmalines vertes ne sont pas moins rares que les émeraudes, et qu’il est très curieux d’en retrouver un second gisement analogue à celui du Saint- Gothard, M. Descloizeaux ajoute qu’en effet ces tourmalines, d’un vert-pomme, sont très rares, de même que les tourmalines incolores, puisqu’on n’avait encore trouvé les unes et les autres qu’au Saint-Gothard et à l’île d’Elbe. M. Meugy fait la communication suivante : Sur le gisement, V âge et le mode de formation des terrains à meulières du bassin de Paris , par M. A. Meugy, ingénieur des mines. Le service dont je suis chargé dans les départements de Seine- et-Oise et de Seine-et-Marne m’a fourni l’occasion de visiter un grand nombre de carrières de pierre meulière, et d’observer des faits qui me paraissent jeter quelque jour sur l’âge et le mode de formation des terrains qui la recèlent. Ce sont ces observations que je m’empresse de soumettre à la Société, en même temps que les conséquences que j’ai cru pouvoir en déduire. Déjà, plusieurs travaux ont été publiés sur la géologie du bas- sin tertiaire parisien et en particulier sur les terrains siliceux qu’il renferme. On peut rappeler, entre autres : la description géolo- gique des environs de Paris par Brongniart , le mémoire remar- quable de M. Dufrénoy sur le terrain siliceux de la Brie, et les excellentes explications données par M. de Sénarmont sur la géo- logie des départements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne. Je n’ai donc aucunement la prétention de m’être occupé le premier des terrains à meulières, qui ont déjà été étudiés sérieu- sement à plusieurs points de vue. Mon but a été seulement de compléter les travaux faits sur le même sujet, en y ajoutant des observations qui conduiront, j’espère, à des conséquences impor- Soc, géol.f 2e série, tome XIII. 27 418 SÉANCE DU 17 MARS 1856. tantes, relativement au classement des divers dépôts tertiaires du nord de la France. Les couches supérieures aux sables moyens, dans le bassin de Paris, peuvent se résumer, lorsqu’on les prend dans leur en- semble, en deux formations d’eau douce, séparées par une assise épaisse de sables marins , et caractérisées par des roches cal- caires , marneuses , argileuses et siliceuses, qui ont entre elles les plus grandes analogies. A part le gypse, qui est spécial au calcaire lacustre inférieur, on remarque, en effet, dans le calcaire de Beauce comme dans celui de Brie , des calcaires compactes gris jaunâtre, avec coquilles d’eau douce et des marnes blanches ou gris blanchâtre qui renferment des rognons, des veines irrégu- lières plus ou moins épaisses et même des espèces de couches su- bordonnées de silex de diverses nuances et à divers états. A la partie supérieure de chacunç de ces formations, on ren- contre également des meulières plus ou moins cariées , en blocs isolés au milieu de sables et d’argiles , ou en bancs discontinus , associées à des glaises compactes. Ces deux terrains paraissent , au premier abord , très bizarres dans leur constitution ; car on y trouve réunis des bancs plus ou moins réguliers qui sont habituellement le produit d’un dépôt lent formé au sein d’eaux tranquilles, et des fragments de diverses grosseurs confusément disposés, qui impliquent toujours une ac- tion de déplacement. Comment faire concorder ces deux idées, qui paraissent contradictoires? Pourquoi ces traces de boulever** sements et de dislocations ? Les argiles et les sables sont-ils con- temporains des meulières? Datent-ils d’époques différentes? Dans quelles circonstances se sont -ils formés? Ces questions , d’une haute importance , n’ont pas encore été abordées, et, si je hasarde ici quelques conjectures sur leur solu- tion, je me hâte de dire que je ne me fonde que sur des faits po- sitifs que chacun est à même de vérifier, et avec la réserve de ne maintenir les conclusions auxquelles je suis arrivé que jusqu’à ce que de nouvelles observations viennent infirmer celles qui me sont personnelles. Les meulières se trouvent, comme on sait, à deux niveaux dif- férents, soit au-dessous des sables de Fontainebleau, soit au-des- sus. Mais on ne paraît pas d’accord sur la position de ces der- nières, qui sont classées par les uns sur le calcaire de Beauce, tandis que d’autres les placent au-dessous. Avant d’entrer dans aucun détail, nous croyons devoir rappeler les limites géographiques des deux terrains à meulières. Ils for- MÉMOIRE DE M. A. ME U, G/Y. 419 ment un vaste bassin discoïde embrassant une partie des départe- ments de Seine-et-Oise , de Seine-et-Marne, de l’Aisne et de la Marne, et dont la concavité est tournée au nord. ,Çe bord de ce bassin coïncide à peu près avec les limites septentrionales des dé- partements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne. il suit ensuite parallèlement la vallée de la Marne, en touchant Fère-en-Tarde- nois (Aisne), puis se recourbe au sud en passant à Epernay, Sé- zanne, Provins, Fontainebleau et Rambouillet. Mais toutes les parties de ce bassin sont loin d’être également riches ; car l’étage des meulières inférieures manque pour ainsi dire complètement sur la rive droite de la Seine et de la Marne, dans les deux dépar- tements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne. Cet étage semble faire suite à celui des meulières supérieures, qui, abstraction faite des lambeaux isolés au sommet de quelques monticules dans les arrondissements de Mantes, Pontoise et Meaux, se réduit à un petit bassin de forme elliptique dont Chevreuse occupe à peu près le centre , et qui est séparé du terrain à meulières infé- rieures par les côtes sableuses de Sceaux, Palaiseau et Montlhéry. Ces deux terrains se trouvent donc, pour ainsi dire, dans le pro- longement l’un de l’autre, bien qu’occupant des niveaux différents, et semblent avoir été formés , en partie du moins , à une même époque par des eaux qui ont ruisselé sur toute la surface où ils s’étendent. Le fait le plus général, et sur lequel j’appellerai l’attention tout d’abord, parce qu’il s’applique aux deux étages de meulières, est la nature minéralogique de l’argile associée à la roche , quand celle-ci est bien en place. Si la meulière n’a pas été déplacée, ce qu’on reconnaît facilement à la disposition horizontale que les bancs siliceux, bien que discontinus, affectent généralement, on n’observe, dans les interstices de la pierre, que de la glaise com- pacte grise ou rougeâtre, dans laquelle sont empâtés des lentilles de sable et des fragments anguleux et non arrondis de silex meu- lière. Au-dessus de cette première assise , il existe très souvent à la surface du sol un dépôt sableux ou limoneux, dont les parties con- stituantes remplissent les cavités ou les fentes du terrain sous-ja- cent. Cette couche de gravier, de sable et d’argile rougeâtre, plus ou moins sableuse, qui recouvre la superficie des plateaux , ren- ferme aussi des meulières; mais celles-ci s’y trouvent disséminées sans aucun ordre en blocs isolés, et leur gisement diffère, par suite, de celui des meulières du dessous, dont la stratification est, au contraire, assez marquée. l\20 SÉANCE Dü il MARS 1856. Déplus, on observe à différents niveaux des blocs de meulières empâtés dans l’argile du limon ou mélangés avec des cailloux roulés de toutes natures. Les faits observés prouvent, en un mot, que les meulières in- férieures, comme les meulières supérieures, associées à des ar- giles compactes , sont recouvertes par des terrains tantôt sablon- neux et graveleux, tantôt limoneux, qui empâtent tous deux des blocs plus ou moins volumineux de la roche sous-jacente. Les meulières paraissent donc avoir été remuées ou déplacées à deux époques différentes : premièrement, à l’époque du dépôt des sables et graviers; deuxièmement, à celle du limon. Nous verrons plus loin à quelle période il convient de rappor- ter ces graviers et ces sables. Occupons-nous d’abord de l’argile du limon . Cette argile sableuse, éminemment propre à la briqueterie . forme la couche superficielle du sol en un grand nombre de points. Elle existe sur les versants de la plupart des vallées comme sur les plateaux, et on peut dire que c’est à elle qu’est due la fer- tilité de la plus grande partie du département de Seine-et- Marne, où elle est généralement répandue, surtout entre les deux rivières d’où ce département tire son nom. Elle est notamment très déve- loppée sur le plateau de Tarterel, près de la Ferté-sous-Jouarre, où l’on exploite depuis longtemps les pierres à meules dont la ré- putation est bien connue , et qui s’expédient dans toute l’Europe et même en Amérique. A la partie supérieure de ce plateau, elle atteint jusqu’à 12 mètres de puissance. On est donc obligé de faire des déblais considérables pour découvrir la pierre exploitable. Les talus de ces hautes tranchées sont entièrement dans un limon ar- gilo-sableux jaune tout à fait semblable au loess du Nord ; et il ne se trouve que quelques lambeaux des sables marins supérieurs entre cette argile et le massif de meulière , dont l’épaisseur est , moyennement, de k mètres. Dans la Brie, j’ai rencontré le limon partout où mes excursions m’ont conduit. De la Ferté-sous- Jouarre à Montmirail, à Coulommiers, à la Ferté-Gaucher et à Provins, de Meaux à Melun et à Brie-Comte-Robert, j’ai toujours constaté son existence, soit à la surface des plateaux , soit sur les versants sud des vallées, qui sont , la plupart du temps, beaucoup moins inclinés que ceux du nord. Ce fait, que j’avais déjà remar- qué dans le nord de la France, se reproduisant aussi aux environs de Paris, me paraît acquérir par cela même une assez grande gé- néralité pour mériter d’être signalé à l’attention des géologues : car il facilite beaucoup la confection des cartes géologiques dé- MÉMOIRE DE M. A, MEUGY. 421 taillées. On peut le formuler de la manière suivante : Quand une vallée est dirigée du sud au nord ou de l’est à l’ouest, dans une contrée couverte de limon, c'est sur le versant de l’est ou sur celui du nord , dont le talus est le plus rapide, que se dessinent les af- fleurements des divers terrains, tandis que le versant de l’ouest ou du sud , qui présente une inclinaison très faible relativement au précédent , est presque toujours couvert entièrement de limon . Ce même terrain existe aussi dans Seine-et-Oise, où il est toute- fois plus restreint que dans Seine-et-IVJarne. C’est surtout au-des- sus des meulières supérieures qu’il s’étend avec le plus de conti- nuité , et il nous suffira de citer comme exemple les excellentes terres de la plaine de Trappes, dont il constitue le sous-sol. On reconnaît aussi l’argile jaune du limon dans la plupart des vallées, surtout sur les versants sud et ouest , où elle masque le plus sou- vent les affleurements des terrains inférieurs. Ce dépôt superficiel , qui a été formé à l’époque quaternaire, lorsque le relie! du soi se rapprochait beaucoup de sa configuration actuelle, recouvre les terrains antérieurs sous forme de manteau , de sorte qu’il n’est pas possible, à priori , de prévoir ses gisements comme pour les couches horizontalement stratifiées. Tantôt il se trouve au sommet des plateaux, comme aux environs de Trappes, tantôt sur les flancs des vallées, comme entre Cercanceaux et Ne- mours. A trois kilomètres d’Etampes, sur la route de Pithiviers, je l’ai observé à la côte d’environ lùO mètres, recouvrant le cal- caire de Beàuce, tandis qu’à peu de distance, à la Ville-Sauvage, c’est un terrain sableux et glaiseux qui affleure au niveau de 150 mètres. Le limon empâte souvent des blocs de meulière, et il en est de même du terrain à cailloux qui se trouve à la base de ce dépôt. Entre la filature d’Yères et le chemin de fer de Lyon, par exemple, j’ai observé, à 10 mètres à peine au-dessus du niveau des eaux de la rivière, un gros bloc entouré d’une argile jaune , dans laquelle on distinguait de petites coquilles terrestres ( Papa , Hélice). Le terrain de meulières qu’on remarque au-dessqs des glaises vertes, en montant la côte à la sortie d’Essonnes, sur la route de Paris, appartient à la même époque ; car les meulières se trouvent là en fragments inclinés en tous sens au milieu d’un terrain re- manié renfermant de la glaise, du sable fin, du gravier, des cailloux roulés et de l’argile sableuse jaune micacée , bien caractéristique du limon . Il existe aussi des cailloux arrondis dans les carrières de meu* SÉANCE DU 17 MARS 1856. m lières de Draveil, et j’y ai même trouvé un fossile roulé du ter- rain de craie {Micra'ster cor-an gui num) . On voit encore en beaucoup d’autres points , notamment aux environs de Marolles, de Saint-Cyr près Dourdan, de Ferrières et I d’ Ho n de vi lliers ( Seine-et-Marne) , des exemples de meulières t fempàtëes dans le limon. Cherchons maintenant dans quel étage des terrains tertiaires doivent être classés les sables et les graviers superposés aux meu- lières avec argiles, et qui eux-mêmes renferment des fragments ; remaniés de cette roche. Ces sables et ces graviers sont très appa- rents dans les carrières de grès ouvertes à 2 kilomètres au nord d’Orçay, sur le plateau qui bordé la rive gauche de la vallée de i l’Yvette. La couche exploitée, qui a 2 à 3 mètres de puissance , est recouverte par le terrain de meulières supérieures , dont l’é- paisseur est d’environ 5 mètres. Ce dernier peut être divisé en deux parties distinctes : celle inférieure consiste en bancs discon- tinus de silex, tantôt compacte, tantôt carié, plus ou moins épais, traversés par des fissures verticales assez nombreuses, qui ont tous les caractères de fractures, et accompagnés de glaises grises ou jaunâtres, qui, en certains points, dominent presque exclusive- ment. La partie supérieure , au contraire , dont l’épaisseur est de 2 à 3 mètres, comprend des graviers et des sables ferrugineux à grains variables, avec blocs plus ou moins gros et plus ou moins fréquents de meulières , auxquels adhèrent encore des argiles grises quelquefois très pures. Mais ces argiles diffèrent de celles qui existent plus bas en ce qu’elles renferment souvent beaucoup de grains de sable provenant du terrain qui les enveloppe. Les graviers et sables dont il est ici question, reposent aussi bien sur les meulières inférieures que sur les meulières supérieures. A Marolles, comme dans toute la plaine qui entoure Corbeil, on retrouve, en effet, les mêmes graviers en plus ou moins grande abondance. Mais afin d’écarter toute incertitude à ce sujet , nous citerons une localité (Arpajon) où leur développement ne per- met pas de douter de la discordance de stratification qui existe entre ce dépôt et les couches tertiaires antérieures. La côte qui do- mine au nord la ville d' Arpajon est traversée par la route d’Etampes à Paris, et l’on voit très bien dans les talus de la tranchée, au-des- sus des meulières qui recouvrent directement les glaises vertes, un terrain argilo -sableux bigarré de gris et de jaune, renfermant des veines de gravier et de sables purs à grains de grosseurs varia- bles et avec fragments de meulières comme àOrçay. Ce sable gros- sier se montre parfaitement à découvert des deux côtés de la route MÉMOIRE DE M. A. MEUGY. hn à 100 mètres avant d’arriver aux premières maisons du hameau de la Folie. Il recouvre quelques lambeaux des sables supérieurs qui remplissent des poches dans la meulière. Le relief du sol ne suffi- rait pas ici pour définir exactement sa constitution géologique. Car, au point le plus élevé de la côte, là où l’on pourrait s’attendre à trouver les sables de Fontainebleau, on ne voit encore que de la meulière couverte par un peu de limon sablo-argileux avec frag- ments de cette roche et de grès, tandis qu’un peu plus loin et à un niveau inférieur est ouverte une sablière assez importante. Il nous paraît donc assez clairement démontré qu’au moment où les sables grossiers ont été déposés, le sol avait déjà subi de pro- fondes dégradations et que toute la plaine de la Brie existait aussi par suite de l’érosion du calcaire lacustre supérieur et des sables marins balayés par les eaux sur de grandes surfaces. Ces gros sables, ainsi que les argiles qui les accompagnent, se retrouvent dans les dépressions du calcaire d’eau douce entreDourdan et Etampes, où les argiles sont exploitées comme terre à tuile. Ce même terrain se rencontre encore aux environs de la Ville- Sauvage à k kilomètres au sud-ouest d’Etampes, Sur la route d’Or- léans. Il affleure dans un rayon assez étendu tout autour duhameau, où l’on voit encore les vestiges d’anciennes excavations qui ont servi à l’extraction de la glaise. J’ai visité la plus récente de ces glaisières, qui se trouve à 2 kilomètres au sud-est du hameau et à k ou 500 mètres au plus de la grande route. Sa profondeur est de 6 à 8 mètres. On voyait en un point de la paroi du sable rougeâtre avec des nids et des veines de glaise grise, et en un autre point, de la glaise bleuâtre et du gravier avec des sables à très gros grains remplissant une poche du calcaire de Beauce. La glaise exploitée paraissait occuper le fond de la cavité, qui était comblée par les sables. J’ai encore observé un lambeau du même terrain dans les fossés de la route, en descendant à Etampes, vis-à-vis le cabaret de Bel-Air. Il existe plusieurs amas semblables entre Etampes et Orléans, notamment au hameau d’Armonville-le-Sablon, entre les stations d’Angerville etdeToury. Ce terrain prend un plus grand dévelop- pement et recouvre des surfaces de plus en plus étendues au furet à mesure qu’on s’avance vers le sud. Nous l’avons reconnu danstoute la Sologne sur la rive gauche comme sur la rive droite de la Loire avec les mêmes caractères. On y a trouvé à Chevilly, lors de la con- struction du chemin de fer d’Orléans, des ossements de Mastodonte, de Dinothérium, de Rhinocéros, etc.; et plus récemment, i’ouver- SÉANCE DD 17 MARS 1856. hU tare d’une grande sablière près de Reaugency a amené la décou- verte de fossiles semblables. Les sables et les graviers d’Arpajon et d’Orçay se rattacheraient, d’après cela, au terrain de Sologne ou aux fahluns de Touraine, et ils auraient soulevé et empâté des blocs de meulière sur la lisière septentrionale du bassin où ils se sont déposés. Ce terrain se prolonge, en effet, beaucoup plus au nord qu’on ne pourrait le supposer, et il est facile de l’observer dans deux localités voisines de Versailles, à Saint-Cyr et à Elancourt. En montant la côte de Saint-Cyr, sur la route de Trappes, on rencontre une sablière qui présente la coupe suivante : au-dessus du sable de Fontainebleau, on remarque d’abord des lits de glaises et de sables diversement colorés avec des débris siliceux et coquii- liers détachés du calcaire de Beauce, et présentant une disposition assez régulière, qui, au premier abord, pourrait tromper en laissant croire qu’ils sont stratifiés. Mais ce ne sont réellement que des fragments, dont quelques-uns renferment de nombreuses coquilles (Lymnées, Planorbes, etc.). Ces débris sont, d’ailleurs, accompa- gnés de galets roulés de diverses natures. L’un de ceux que j’ai exa- minés avait évidemment appartenu au calcaire grossier. Un autre présentait l’aspect d’un calcaire compacte jaunâtre. Au-dessus decettepremière couche, dont l’épaisseur est de 1 mètre 50 centimètres, et qui se distingue par sa nuance rougeâtre pro- noncée, on voit un massif jaunâtre de 3 mètres de puissance renfer- mant des blocs de meulières, quelquefois très gros, mélangés vers le haut avec des sables et des graviers associés à des glaises jaunes et grises. Le terrain où cette excavation est pratiquée se trouve à un niveau très notablement plus bas que celui de la station où les talus du chemin de fer sont entaillés dans un massif puissant de sable. Il y avait donc ici un bas-fond prononcé qui a été rempli à l’époque des fahluns. Cette discordance de stratification est bien tranchée. On observe les mêmes faits sur le versant nord de la vallée d’Elancourt. Dans le chemin qui conduit de ce village à Trappes, les sables supérieurs sont, en effet, recouverts par des glaises rou- geâtres, jaunâtres ou grisâtres plus ou moins sableuses, alternant avec de petites veines de sable comme à Saint-Cyr, et renfermant aussi des fragments détachés du calcaire lacustre supérieur. Au sud du che- min de Trappes, le long de la même côte, est ouverte une sablière où l’on observe encore au-dessus du sable exploité, des glaises bleuâtres et noirâtres veinées de sable ou de gravier, avec des ga- lets semblables à ceux de Saint-Cyr, et des blocs isolés, quelquefois MÉMOIRE DE M. A. MEUGY . h 25 très volumineux, desilex meulière ou de calcaire lacustre. Il existe à la partie inférieure du même dépôt beaucoup de silex brisésen frag- ments anguleux, et des plaquettes siliceuses fossilifères évidem- ment remaniées, qui ne sont, pour la plupart, que des débris du calcaire de Beauce. Plus loin, en montant vers la route de Paris à Rambouillet, on voitencore affleurer des glaises bigarrées mêlées de sable et de gra- vier. Près de la ferme de la Boissière, un puits à marne a traversé le même terrain qui a été aussi découvert à 3 mètres de profon- deur dans les fouilles voisines de la station de Trappes. Il n’est donc pas douteux que les graviers et les sables de So- logne nes’étendent sur de grandes surfaces dans le département de Seine-et-Oise et ne fassent partie des terrains de meulières. Arrivons maintenant aux conséquences qui paraissent découler de la constitution physique et minéralogique de ces terrains. Nous avons dit que, quand la meulière paraît être en place, elle est sim- plement accompagnée de glaises pures, grises, jaunes ou rougeâtres, dans lesquelles sont également englobés de petits débris de la roche et quelques lentilles de sable. Le massif, pris dans son ensemble, affecte bien une disposition horizontale ; mais ses diverses parties, au lieu de faire corps entre elles ou de se lier l’une à l’autre par des veinules plus ou moins épaisses, consistent, au contraire, en fragments de toutes grosseurs, à surfaces droites, séparés les uns des autres par des intervalles souvent très étroits remplis de glaise. En un mot, les matériaux constituants de ce terrain sont disposés comme si l’argile s’était formée après le dépôt de la meulière. Une opinion toute contraire a été émise par M. Constant Prévost (1). Suivant cet auteur, les masses siliceuses seraient contemporaines des argiles qui les enve- loppent, et auraient été produites à la manière des silex de la craie par des agglomérations de la silice au sein du limon argileux. Mais la structure fragmentaire des meulières, bien différente de celle des silex du terrain de craie, qui est au contraire arrondie, nodu- leuse ou mamelonnée, nous paraît s’opposer à ce que cette hypo- thèse puisse être admise. D’ailleurs, on ne pourrait expliquer ainsi la présence des débris qu’on observe au milieu des argiles dans les intervalles horizontaux qui séparent les bancs de meulière et jus- qu’à la partie inférieure de la formation. Nous ne pouvons non plus admettre, avec M. Constant Prévost, que les traces de ruptures (l) Quelques faits relatifs à la formation des silex meulières ( Bulletin de la Société philomatique , 4 826). SÉANCE DU 17 MARS 1856. Zf26 et de dislocations que présentent lés massifs de meulières, doivent être attribuées au tassement des sables qui les supportent. Car cette explication ne pourrait évidemment s’appliquer aux meulières in- férieures. Enfin, certains faits, qui n’ont pas échappé aux investi- gations de M. Dufrénoy, ne peuvent laisser de doutes sur la non- contemporanéité des argiles et des meulières. Ainsi, ce savant a ; remarqué que la meulière de Brie n’était qu’un accident au milieu du calcaire siliceux, et que le développement de l’un de cesterrains i correspondait ordinairement à un amincissement de l’autre. Le i terrain de meulières ne forme pas, en effet, une nappe continue et stratifiée régulièrement au-dessus du calcaire siliceux, puisqu’on i rencontre aux mêmes niveaux, tantôt les meulières avec leurs ar- giles, tantôt les roches de travertin supérieur. Or, si les meulières s’étaient formées dans les argiles, on ne comprendrait pas pourquoi ce terrain ne s’étendrait pas en couche régulière au-dessus du cal- caire lacustre. De plus, on voit fréquemment (Yillemoisson, Es- sonnes, Marolles, Epinay, etc.) la meulière passer insensiblement au calcaire siliceux. Je crois devoir insister sur ce point parce qu’il semble donner la clef du mode de formation de cette roche. A Ma voiles, notamment, on remarque au fond des carrières des bancs ; presque continus de calcaire siliceux passant à une meulière po- reuse. Ces bancs sont recouverts par des meulières associées à des ! glaises compactes auxquelles sont superposées d’autres meulières en fragments anguleux avec glaises rougeâtres et verdâtres envelop- ' pées dans des argiles plus maigres mêlées de gros sable, qui em- pâtent aussi des parties marneuses blanches. Quelquefois le gravier domine, et en certains points ce gravier est lui-même recouvert par un peu de limon argilo-sableux jaunâtre qui remplit les dé- pressions du sous-sol. Dans les carrières ouvertes entre Montgeron et Bmnoy pour l’extraction de la pierre destinée au macadamisage des rues de Paris, on observe au-dessus du banc siliceux exploité, qui a 2 mètres de puissance, une couche de marne blanche dont la surface présente de nombreuses ondulations, puis des fragments détachés, formés partie de meulière, partie de calcaire siliceux, dans une argile rougeâtre mêlée de gravier, qui renferme aussi des lambeaux de marne, au milieu desquels on distingue encore quel- quefois des parties siliceuses meuliériformes. Cette argile, dont l’épaisseur est de 2 à 3 mètres, remplit les nombreuses fentes du banc inférieur. Ï1 semblerait que la couche supérieure du travertin dont il n’existe plus maintenant que des débris, a été partielle- ment décomposée, et que ces débris ont été remaniés postérieu- rement. A Yillemoisson, les bancs dè calcaire siliceux ne sont, pour MÉMOIRE UE M. A. MEUGY. A 2 7 ainsi dire, cariés qu’à ia surface, et une même pierre présente à la fois du calcaire compacte jaunâtre, de la silice gris bleuâtre et de la marne blanche ou gris blanchâtre. 11 en est de même à Epinay et à Essonnes. Dans Tune des carrières ouvertes dans cette dernière localité, au sommet de la côte, sur la route de Mennecy, j’ai vu des bancs épais de calcaire siliceux traversés par des filières très étroites, au contact desquelles la pierre était complètement transformée, et à quelques centimètres de ces fentes, la meulière devenaitde moins en moins cariée et passait graduellement au calcaire compacte. Les vides contigus aux filières ne renfermaient qu’un léger dépôt de glaise rougeâtre. M. de Sénarmont a cité, d’ailleurs, plusieurs lo- calités du département de Seine-et-Marne où la meulière n'est pas exclusivement siliceuse et renferme de 3 à 15 pour 100 decar- bonate de chaux, comme entre Saint-Ouen et Rebais, aux environs du Plessis-Picard, de Servon, de Brie-Comte-Robert, de la forêt d’Armainvilliers, etc. J’ai moi-même recueilli sur le plateau qui borde la Marne, à l’est de Chainpigny, dans un terrain remanié consistant en une argile jaunâtre avec fragments siliceux et mar- neux, des échantillons de meulières imparfaites, au centre desquels on distingue de petits noyaux compactes et calcaires de nuance grisâtre, entourés d’une enveloppe blanche toute siliceuse. C’est surtout au centre du grand bassin dont nous avons jalonné les limites, et aux niveaux les plus bas, que la proportion de cal- caire est la plus considérable, et il convient d’ajouter que c’est aussi dans le voisinage des côtes sableuses de Sceaux, Montlhéry, Bourray, là où le travertin commence à être recouvert par des couches tertiaires plus récentes, que le terrain à meulières propre- ment dit, caractérisé par ses argiles compactes, disparaît pour lais- ser au calcaire siliceux auquel il se soude toute sa puissance. Ainsi, à Villejuif, à Juvisy, à Epinay, lessablesde Fontainebleau recou- vrent immédiatement le travertin supérieur, tandis que la meulière avec argiles affleure au même niveau dans toute la plaine qui s’étend au pied des côtes avoisinantes. Le terrain de meulière paraît cesser également vers le sud. M. de Sénarmont a signalé , en effet , à Saint-Phalier, près Etampes, et à Villiers, près la Ferté-Àlais, c’est-à-dire en dehors du bassin où sont concentrées, suivant nous, les argiles à meulières, des blocs volumineux de calcaire siliceux qui sont déchaussés à la surface dusolet ontappartenu au travertin supérieur. Les coupes des puits de Monde ville et d’Etampes, cités aussi par le ïnême savant, n’indiquent pas non plus de meulières avec argiles entre les sables supérieurs et le calcaire siliceux ; de sorte qu’il est permis de pré- £28 SÉANCE DU 17 MARS 1856. sumer que l’argile des meulières de Brie se trouve limitée aux af- fleurements du travertin, et qu’elle cesse au sud et à l’ouest, dès 1 que celui-ci s’enfonce sous les sables supérieurs. Il existe bien des meulières dans le travertin à une certaine pro- fondeur au-dessous du sol; mais elles présentent une disposition toute différente de celles qui affleurent à la surface. En effet, elles font partie de couches continues ou de massifs puissants, et l’on n’y j voit plus traces de dislocations. Quand leurs alvéoles ne sont pas remplis de calcaire ou de marne blanchâtre, ils sont vides ou renferment un petit noyau d’argile ocreuse. Ces meulières font suite à des bancs plus ou moins calcaires ou siliceux, dans lesquels on remarque des parties marneuses et des nids irréguliers de silice blanche pulvérulente qui se détachent sur le fond gris du silex compacte. On observe des meulières semblables à Epinay, dans une carrière voisine de la station du chemin de fer d’Orléans et dans les fouilles de la tuilerie de Chamarande, entre les stations de Lardy et d’Etrechy. A Epinay, on voit sur les marnes vertes qui s’élèvent très peu s au-dessus de la rivière d’Orge, des bancs siliceux passant à une j meulière poreuse, sur lesquels se sont éboulés des blocs de même j nature empâtés dans une argile rougeâtre mêlée de gros sable, qui occupait sans doute la surface supérieure du plateau (1). La glaisière de Chamarande présente la coupe suivante : 1° Limon argileux , puis sableux , avec blocs de grès , de silex (caillasse), et glaise verte remaniée; 2° Sable pur, avec un lit de glaises diversement colorées à la base (sables supérieurs) ; 3° Massif de meulière, compacte et poreuse. Cette dernière est parfois noirâtre , ferrugineuse , et associée à une ocre jaune au milieu de laquelle se trouvent des nodules de fer hydroxydé ; 4° Glaise verte. Ces nids isolés de limonite, dans lesquels sont compris des frag- ments de meulière ferrugineuse, indiquent assez que la cause qui les a produits a agi postérieurement au dépôt siliceux. Au nord de Paris, sur la rive droite de la Seine , les meulières inférieures manquent complètement, et cette circonstance est due sans doute à ce que le travertin n’est représenté dans cette direc- tion que par quelques lits minces de marnes ou de calcaire la- (4) On observe aussi dans la même carrière un limon argilo-sableux gris jaunâtre et calcaire, renfermant de petites coquilles d’eau douce [Papa , Succinea ). MÉMOIRE DE M. À. MEUGY. 429 custre. Du reste , les profondes érosions que le sol a subies dans les arrondissements de Pontoise et de Mantes, et qui ont eu pour effet de mettre à nu le terrain d’eau douce inférieur aux marnes vertes, suffiraient pour rendre compte de l’absence des meulières inférieures dans cette direction, en supposant qu’elles aient jamais existé. Les meulières supérieures ont une allure toute semblable à celle des meulières de Brie. Elles sont accompagnées des mêmes argiles, et reposent sur le calcaire de Beauce , comme les premières re- posent sur le calcaire lacustre inférieur. Seulement elles s’en dis- tinguent, non-seulement par leur niveau plus élevé, mais aussi par la régularité de leur dépôt et la constance de leurs caractères sur toute la surface du bassin où elles se trouvent comprises. Ici , plus de parties calcaires, comme dans la Brie ; toute la meulière paraît être entièrement siliceuse (1). Mais le calcaire d’eau douce supérieur renferme, comme le calcaire inférieur, des veines et des bancs discontinus plus ou moins épais, formés partie de silice, partie de calcaire et de marne ; de sorte qu’il y a similitude com- plète entre les deux formations. Les meulières supérieures sont souvent fossilifères, tandis que les meulières inférieures ne le sont qu’exceptionnellement (Ferrières) (Seine- et-Marne). Du reste, les débris organiques qu’elles renferment sont les mêmes que ceux des calcaires, d’où elles semblent dériver. Les fossiles sont nom- breux dans le calcaire de Beauce, et il s’y trouve quelquefois même des espèces marines et d’eau douce mélangées ( carrières au sud- ouest d’Etampes , voisines de la route d’Orléans). Dans celui de Brie, au contraire, les fossiles sont, relativement, assez rares. On doit remarquer aussi que le calcaire lacustre supérieur finit en pointe, sous les meulières d’une manière très irrégulière j et , «en- effet, comme l’a fait observer M. de Sénarmont , on le rencontre sur des points assez rapprochés , à des profondeurs et avec une épaisseur très variables ; de sorte que son amincissement paraît correspondre à une augmentation du terrain à meulières, comme (1) Je dois faire remarquer cependant qu’il existe quelquefois au milieu des meulières supérieures des lambeaux de calcaire de Beauce. Un puits à marne creusé dans la commune des Essarts , à 500 mètres au sud de la Maison-Blanche, a traversé un lambeau semblable vers la partie inférieure de la formation. Ce lambeau était englobé au mi- lieu des meulières, et avait, au fond du puits, la forme d’une grande lentille, de lm,50 de hauteur sur 0m,60 à 0m,80 de largeur; mais il était complètement entouré d’argile , et les meulières voisines ne fai- saient pas effervescence avec l’acide muriatique. SÉANCE DU 17 MARS 1856. 430 dans la Brie. Enfin, les meulières supérieures finissent au sud en : biseau aigu sur le calcaire, et leur limite, dans cette direction , paraît dépendre du relèvement de la craie, qui a lieu sous la vallée de la Rimarde. Il existe, en effet, entre ce relèvement et celui de Meudon, un fond de bateau assez prononcé, dont la forme con- cave se reproduit dans toutes les couches tertiaires qui s’y sont en quelque sorte moulées. Ainsi les meulières supérieures sont li- mitées au sud par le relief du sous-sol, comme les meulières de Brie le sont du même côté par les couches sableuses et calcaires qui recouvrent le travertin. Maintenant, comment peut-on concevoir le mode de formation des meulières et des glaises qui les enveloppent? On lit dans la ; Description géologique clés environs de Paris , par Brongniart, page 79 : « C’est dans ce terrain (calcaire siliceux) que se trouve une des sortes de pierres connues sous le nom de meulières, et qui semblent avoir été la carcasse siliceuse du calcaire siliceux. Le silex, dépouillé de sa partie calcaire par une cause inconnue, a dû laisser et laisse en effet des masses poreuses, mais dures, dont les cavités renferment encore de la marne argileuse, et qui ne présentent aucune trace de stratification. Nous avons fait de véri- tables meulières artificielles en jetant du calcaire siliceux dans de l’acide nitrique. » Chacun peut répéter cette expérience bien simple , et l’on re- marquera que l’acide laisse un résidu argileux rougeâtre , qui nous paraît représenter certaines glaises associées à la pierre meu- lière. Mais à quelle époque ces eaux acides ont-elles fait irruption dans le bassin de Paris? Il résulte des faits observés qu’elles n’ont pu arriver avant le dépôt des sables de Fontainebleau : car, s’il en était ainsi , il semble que le calcaire siliceux devrait avoir été attaqué à peu près uniformément sur toute son étendue ; et l’on ne verrait pas , au même niveau et en des points aussi rap- prochés que Juvisy et Yillemoisson par exemple, d’un côté, le calcaire siliceux intact , et de l’autre le même calcaire en partie transformé. J’ai observé, d’ailleurs, à Hondevi lliers, à deux lieues au sud de Nogent -l’Artaud, un fait qui ne peut guère laisser de doute à ce sujet. 11 existe dans cette commune de grandes carrières où l’on exploite le travertin supérieur pour les fabricants de meules de la Ferté sous-Jouarre. Dans l’une d’elles, ouverte depuis douze à quinze ans au milieu d’un terrain appartenant à un sieur Du- moncet, on voit les sables supérieurs interrompus par une grande MÉMOIRE DE M, A. MEUGY. 431 poche qui est remplie de limon et qui atteint le massif exploité. Ce massif consiste en bancs siliceux plus ou moins cariés, qui font corps entre eux, et dont les vides sont presque entièrement remplis d’argile sableuse jaune et grise , qui se lie évidemment au limon du dessus. Or, si les eaux acides étaient venues antérieurement aux sables, il serait naturel que les vides restant dans la pierre fussent remplis de sable, et non de limon. De plus, la pierre meu- lière cariée, la seule qui soit propre à la fabrication des carreaux à meules, se trouve uniquement au-dessous de cette poche et, en général, dans les parties où les sables manquent. On n’observe, en effet , sous ces sables , qui sont supportés par un lit imperméable de glaises de diverses couleurs, que des bancs épais de cailloux, avec fentes verticales remplies tantôt de limon, tantôt de sable pur (1). Les ouvriers disent eux-mêmes qu’ils craignent le sable, parce qu’ils savent, par expérience, qu’il n’y a pas de bonne pierre au-dessous. Cette observation tend donc à confirmer l’hypothèse que nous avons énoncée ci-dessus. Les eaux acides n’ont pu arriver non plus immédiatement après le dépôt des sables ; car, dès qu’il n’est guère possible de concevoir l’allure toute particulière des meulières inférieures sans admettre une dénudation préalable de ces sables, la concordance qui existe entre cette formation et le calcaire de Beauce s’opposerait à cette supposition. Ces eaux n’ont donc pu affluer qu’après le calcaire lacustre su- périeur et lorsque ce dernier avait déjà été raviné ainsi que les sables, c'est-à-dire lorsque le relief du sol présentait à peu près la configuration actuelle, abstraction faite des dernières vallées. Or, comme le terrain des meulières supérieures est disposé, relative- ment au calcaire de Beauce, de la même manière que celui des meulières inférieures l’est par rapport au calcaire de Brie, et que, par suite, la physionomie cpii leur est propre n’a pu leur être im- primée que par des causes semblables ; comme, d’un autre côté, les graviers et glaises qui se rattachent au terrain de Sologne rem- plissent les vides des meulières, dont ils renferment aussi des frag- ments, il s’ensuit que les eaux acides dont il est question n’ont pu envahir le lac parisien que vers la fin de la période miocène, avant (1) Comme le front de la carrière s’arrête à ces fentes, on peut, au premier abord, être induit en erreur, en supposant que l’argile jaune ou .es sables s’étendent horizontalement au milieu du massif. Mais il est facile de s’assurer que ces matières ne forment qu’un enduit à la surface de la pierre. SÈANdË DU 17 MARS 1856. A3 2 l’époque des fahluns. Elles se seraient alors répandues sur les cal- caires siliceux, et les auraient décomposés plus ou moins complè- tement en laissant pour résidu , d’une part , le squelette siliceux du calcaire, et , d’autre part , l’argile ferrugineuse, primitivement mêlée d’une manière intime au carbonate de chaux. Un peu plus tard, les vides nombreux et irréguliers existant au milieu de ce squelette ou de cette espèce de carcasse du calcaire siliceux (pour nous servir de l’expressionjfittoresque de Brongniart) auraient été remplis par les glaises et les sables du terrain de Sologne. Cette hypothèse nous paraît rendre bien compte de tous les faits obser- vés. En effet, il est naturel de supposer que, par suite de la dé- composition des calcaires, les veines siliceuses , ne faisant plus partie d’un massif compacte , se sont facilement rompues dans les points où elles offraient le moins de résistance. Il est résulté de là, d’une part, de menus débris qui ont été empâtés par les argiles, et, d’un autre côté, des fragments, tantôt en grosses masses, tantôt en plaquettes, qui sont restés à peu près dans la position qu’ils occupaient d’abord, mais qui, par suite du tassement, ont dû s’incliner plus ou moins en divers sens et présenter les apparences de dislocations qu’on observe. Les intervalles argileux qui existent au milieu des massifs de meulières seraient donc, pour la plupart, une conséquence de la dissolution du calcaire et des marnes as- sociées à la silice ; mais ils ont pu provenir aussi quelquefois de fissures résultant du retrait même de la matière. Dans le premier cas, l’argile provenant de l’attaque du calcaire par l’acide a formé un léger dépôt clans les vides produits par l’enlèvement du carbo- nate de chaux, lesquels vides ont pu être postérieurement comblés par les glaises de Sologne ; et , dans le second cas , ce sont seule- ment ces glaises qui se sont infiltrées dans les fentes de la pierre en même temps que d’autres matériaux détachés des terrains en- vironnants. C’est ainsi que, dans les carrières de Ferrières et de Collégien (Seine-et-Marne) , situées à deux lieues au sud de La- gny, on trouve quelquefois, au milieu du massif siliceux et même au-dessous, de petites veines de sable provenant de la dégradation des monticules voisins. C’est ainsi qu’à Saint-Michel- sur-Orge (Seine-et-Oise),les fentes des bancs de caillasse sont aussi remplies par du sable ou par une glaise sableuse brune analogue à celle qui existe quelquefois dans le Nord à la base du limon. Quant aux graviers et sables de Sologne, on conçoit que l’agitation des eaux qui avait nécessairement lieu au moment de leur transport ait suffi pour soulever les blocs isolés de meulière déjà même entourés de glaises qui gisaient pêle-mêle à la surface du sol. MÉMOIRE t)È M. A. MEUGY. 433 Les choses se sont probablement passées comme nous venons de le dire quand les bancs calcaires se trouvaient découverts à la surface des plaines. En dehors de leurs affleurements, au contraire, quand ils étaient préservés du contact de la liqueur acide par les veines glaiseuses imperméables qui existent presque toujours à la base des sables supérieurs, et par une plus ou moins grande épais- seur de marnes du calcaire de Beauce, ils ont dû conserver leur structure primitive. Quelquefois les couches calcaires, bien que se trouvant à une certaine profondeur, ont pu être attaquées, soit que les eaux ve- nant delà surface se soient répandues dans des fissures du sol, soit que ces eaux soient sorties de l’intérieur en certains points à l’état de sources; mais les diverses parties du massif corrodé n’ont pu se désunir, et l’action de l’acide n’a dû avoir pour effet que de laisser de petits noyaux argileux dans les pores de la pierre, comme à Épinay et à Chamarande, et d’engendrer de la limonite, qui 6’est agglomérée en quelques points sous forme de nodules. Ainsi les deux terrains à meulières ne seraient que le résultat d’une modification opérée sur les deux calcaires lacustres par des eaux acides qui auraient agi postérieurement à leur dépôt, dansun même bassin dont la forme et la profondeur, indépendantes de l’étendue des deux formations , n'ont été déterminées que par le relief des couches inférieures et par les dénudations que le sol su- perficiel avait déjà éprouvées. On conçoit alors que le calcaire de Beauce, qui était complètement à nu comme dernier terme de la série et qui occupait des niveaux élevés, ait pu subir une décom- position plus complète que le travertin , qui était plus ou moins garanti contre l’action dissolvante des eaux par les couches qui le recouvraient, et qui se trouvait aussi à une profondeur plus con- sidérable, où par suite l’action de l’acide devait être plus faible, en raison de sa moindre concentration. C’est , en effet , comme nous l’avons déjà dit plus haut , vers le centre du bassin et sur les plaines basses des environs de Corbeil, qui sont à la cote de 80 à 90 mètres , que le calcaire siliceux a été le moins altéré. Les meulières supérieures ne seraient donc ni au-dessus ni au- dessous du calcaire de Beauce; mais elles auraient fait partie de cette formation, modifié ultérieurement en même temps que le travertin supérieur de la Brie, et il n’y aurait que les argiles qui seraient postérieures aux deux calcaires lacustres. Le travertin inférieur renferme aussi (Champigny, environs de Montfort , Gallois, Garancières, etc.) des bancs de marne avec silex et des calcaires compactes siliceux, qui, traités par un acide, Soc. géol.. 2® série , tome XIII. 28 SÉANCE DU 17 MARS 1856. m donneraient de véritables meulières. Ces calcaires ne doivent, sui- vant nous, leur conservation qu’aux glaises vertes imperméables dont ils étaient recouverts. On trouve quelquefois les meulières inférieures en contact direct avec les glaises vertes , comme aux environs d’Arpajon et d’Es- •onnes. Cette circonstance peut tenir à ce qu’en certains points le travertin supérieur a été décomposé entièrement. Du reste, on ne doit pas en être surpris si l’on observe que l’épaisseur de cette formation varie suivant le niveau qu’occupent les glaises vertes. Celles-ci présentent, en effet, des ondulations marquées qui cor- respondent à celles de la craie blanche , et il est naturel qu’à Ar- pajon par exemple, où elles se trouvent à la cote de 78 mètres, le travertin qu’elles supportent soit beaucoup moins puissant qu’à Epinay, où elles se trouvent à la cote de 30 mètres seulement. Le calcaire siliceux a donc pu être quelquefois transformé com- plètement en meulière, et n’être attaqué que partiellement en d’autres points. Quant à la nature et à l’origine de l’acide auquel nous attri- buons la décomposition des calcaires siliceux , ce sont là des ques- tions qu’il n’est guère possible d’aborder et encore moins de ré- soudre. Des sources d’acide carbonique , telles que celles qui existent encore de nos jours, auraient-elles suffi pour détruire d’aussi grandes masses calcaires ? On serait plutôt porté à supposer que l’agent qui a servi à la désagrégation et à l’altération de ces roches a été l’acide chlorhydrique, qui s’échappe encore par tor- rents des volcans actuels et qui existe aussi quelquefois dans les sources thermales. L’acide sulfurique résultant du grillage des pyrites ou de la combustion lente du gaz hydrogène sulfuré au contact de corps poreux, a peut-être aussi joué un rôle. Quoi qu’il en soit, les émanations acides auraient coïncidé avec le soulève- ment désigné par le nom de système du Sancerrois, que M. Elie de Beaumont regarde comme séparant le terrain d’eau douce du bassin de Paris des fahluns de la Touraine. Du reste, il ne répugne nullement d’admettre que des eaux acides ont pu ruisseler sur le sol à certaines époques et décompo- ser les roches qu’elles rencontraient sur leur passage ou sur les- quelles elles séjournaient plus ou moins longtemps. S’il est vrai que les dépôts de silice sont dus , pour la plupart , à la réaction d’acides sur les silicates alcalins des terrains primitifs, n’est-il pas possible que des acides aient aussi produit des effets inverses en décomposant, dans certains cas, des roches calcaires et marneuses postérieurement à leur dépôt? MÉMOIRE I)E M. A. MEUGY. m J’ai observé dans le nord de la France certaines argiles qui, par leurs caractères minéralogiques et leur position géologique, pa- raissaient avoir une certaine analogie avec celles des meulières. Ce sont des argiles compactes très glaiseuses, bigarrées de rouge et de gris, avec des blocs de grès souvent très gros et un peu de sable en mélange provenant des couches tertiaires inférieures. Ce terrain , qui est très développé entre la Sambre et l’Escaut, se trouve à différents niveaux sous le limon des plaines. Il est disposé sous forme de manteau et recouvre à stratification discordante les cou- ches tertiaires et crétacées. Mais sa présence indique toujours le voisinage du sable, de sorte que les grès n’ont, pour ainsi dire, pas subi de transport et qu’ilsont été seulement soulevés sur place, ou se sont même simplement éboulés lorsque le relief du sol avait été déjà sensiblement modifié par l’action érosive des eaux. C’était là un premier point de contact avec l’époque à laquelle nous supposons qu’ont été déposées les argiles à meulières. De plus, le même dé» pot se trouve à un niveau supérieur, non-seulement au diluvium gris qui forme le fond des grandes vallées, mais encore au terrain rougeâtre à cailloux qui recouvre immédiatement ce dernier ; et une circonstance qu’il importe de noter, c’est que les argiles avec grès ne renferment pas de silex, tandis qu’il existe des fragments de grès dans le terrain à cailloux. L’antériorité de cette formation à la période diluvienne paraît donc évidente. Ainsi, on observait dans le Nord exactement les mêmes faits qu’aux environs de Paris, avec cette seule différence que les argiles, à meulières de Seine-et- Marne et de Seine-et-Oise étaient remplacées par des argiles à grès qui pourraient en tenir lieu. Toutefois j’ajouterai ici que, postérieurement à la rédaction de ce mémoire, j’ai eu occasion d’observer, aux environs de Lyon (Calluire , tuileries des Aqueducs, Feyzin), un dépôt argileux compris dans le lehm , qui repose eti stratification discordante sur le conglomérat caillouteux de la Bresse, et qui, par ses caractères minéralogiques et sa position, a beaucoup de rapports avec les argiles à grès du Nord dont il vient d’être question. Il résulterait de là que ces dernières argiles seraient encore plus récentes que celles des meulières, et que le sol aurait été dénudé une seconde fois avant leur dépôt. Je ne dois pas passer sous silence un dernier fait qui se rattache indirectement au sujet dont nous nous occupons. Il s’agit de l’exis- tence de minerais de fer hydraté qu’on rencontre fréquemment sur les plateaux où affleurent les meulières supérieures, Ce minerai, dont l’horizon n’a pas encore été nettement défini, se trouve tantôt SÉANCE DU 17 MARS 1856. Û36 en grains arrondis de la grosseur d’un pois, tantôt en masses à la superficie des meulières supérieures dont il empâte souvent des fragments. On l’observe à Saint-Martin-du-Tertre près Beaumont (arrondissement de Pontoise), où il a donné lieu à des recherches assez suivies en faisant même croire à la possibilité de l’érection d’un haut fourneau. M. de Sénarmont l’a cité encore au bois du Tartre (commune de Nogentd’ Artaud) (Aisne), aux environs de Saint- Léger et de Montfort (arrondissement de Rambouillet), des Alluets et de Guyancourt (arrondissement de Versailles). 11 existe aussi dans la plaine de Satory et sur tout le plateau compris entre Jouy-en-Josas et Meudon. Mais ce minerai n’est pas particulier au terrain des meulières dont il ne recouvre que la superficie, et on le retrouve beaucoup plus à l’ouest à la surface des plaines du dé- partement de l’Eure. Tantôt l’agglomération des grains de limo- nile lui donne l’aspect d’un poudingue, tantôt il forme une espèce de brèche ferrugineuse avec gravier et fragments anguleux de meulières. 11 est donc bien postérieur aux meulières et aux sa- bles et graviers de Sologne qu’il empâte. Ce minerai nous paraît contemporain du diluvium rouge caractérisé par une argile sableuse rougeâtre avec cailloux non roulés. Ces cailloux semblent avoir été déposés presque sans déplacement, après avoir été détachés du terrain dont ils faisaient partie, par des sources ferrugineuses chargées d’acide carbonique qui ont enlevé la partie soluble et laissé un résidu plus ou moins coloré par l’oxyde de fer dans lequel le minerai s’est concentré en divers points (1). Les petites couches concentriques dont les globules ferrugineux sont formés et les filets de silice blanche qui sillonnent les masses compactes, prouvent bien, en effet, que ce minerai a été déposé par voie de précipitation chimique ; et son absence au-dessus des meulières inférieures peut se concevoir par la situation de ce ter- rain relativement à celui des meulières supérieures où les sources devaient avoir un degré de concentration plus grand qu’à un niveau plus bas où elles étaient mêlées à une plus grande masse d’eau. Néanmoins, nous avons remarqué dans les argiles rouges qui enve- loppent les meulières inférieures, notamment aux environs de Montgeron, de petites veines blanches très déliées qui rappellent parfaitementdes filets siliceux mentionnés plus haut. Ainsi, il y aurait des indices du dépôt ferrugineux sur les meulières infé- (1) Les gouffres et les puits naturels du calcaire grossier et du cal- caire lacustre représentent peut-être les points d’émergence de ces sources. MÉMOIRE DE M. A. MEUGY. Â37 rieures comme sur les meulières supérieures dans toute l’étendue du bassin où ces deux formations se trouvaient en même temps à découvert. D’après ce qui précède, les derniers dépôts tertiaires et ceux de la période quaternaire seraient classés ainsi qu’il suit : f \° Limon (argile jaune plus ou moins sableuse). — L Sables de Campine. # Terrain J 2° Terrain à cailloux. — Fer hydroxydé, en rognons quaternaire.] ou en grains arrondis, dans un mélange de sable F et d’argile avec cailloux. V 3° Diluvium gris à ossements. Date, du creusement des dernières vallées. 4° Argiles à grès du Nord. Deuxième dénudation du sol. Fahluns de Touraine. — Graviers, sables et glaises de Sologne. — Argiles à meulières. Terrains tertiaires. I Première dénudation du sol. j 6° Calcaire de Beauce. I 7° Sables de Fontainebleau. [ l Travertin supérieur. \8° Calcaire siliceux de Brie. < Glaises vertes. (Travertin inférieur. En résumé, les faits exposés dans ce mémoire conduisent aux conséquences suivantes : 1 La structure particulière de la pierre meulière est due à la réaction opérée sur les deux calcaires lacustres par des eaux acides qui ont afflué, à une époque postérieure au dernier calcaire et an- térieure aux fahluns de Touraine, dans un seul et même bassin, résultant à la fois du relief des couches inférieures et des dégra- dations profondes que les sables de Fontainebleau et le calcaire de Beauce avaient déjà subies delà part des eaux. 2° Les vides de la carcasse siliceuse ainsi produite parla dissolu- tion des parties calcaires qui s’y trouvaient primitivement asso- ciées, ont été remplis, d’abord par le résidu provenant de la dé- composition des calcaires, puis par les sables, -graviers et glaises du terrain de Sologne. 3° Les terrai ns à meulières constituent, par conséquent, des dépôts mixtes appartenant à des époques différentes. 4U Outre les meulières associées à leurs glaises bigarrées, pures /l38 SÉANCE DU 17 MARS 1856. ou veinées de sable, il en est d’autres qui ont été remaniées à l’époque du limon. 5° Les grandes vallées, telles que celles de la Seine et de la Marne, dont les rives sont bordées par des plateaux recouverts d’argiles à meulières, ont été creusées postérieurement au dépôt de ces argiles. Elles ont reçu successivement le diluvium gris à Ossements, le terrain rougeâtre à cailloux, puis le limon qu’on trouve souvent ^superposé aux meulières sur les points les plus élevés. 6° Enfin, les minerais de fer bydroxydé qui remplissent despo- ches à la surface des meulières supérieures, paraissent dus à des sources carbonatées qui ont jailli au commencement de la période agitée du terrain quaternaire, et sont, par suite, contemporains du terrain à cailloux, inférieur à l’argile sableuse du limon. M. Hébert fait observer qu’à Brie-Comte-Robert, localité que M. Meugy cite dans son mémoire, toutes les buttes sont formées de sables de Fontainebleau, et toute la plaine sur laquelle ces buttes reposent est composée de meulières de Brie. M. Hébert pourrait citer d’autres faits semblables qui contredisent la théorie de M. Meugy. M. de Roys cite également la montagne de Train et le pla- teau qui s’étend d’Essonne à Fontainebleau } à Fontainebleau même, dans la rue de la Coudre, on voit les meulières et leurs argiles sous le sable. M. Michelin demande à M. Meugy s’il a cherché à nommer les différentes espèces de Lymnées, Planorbes, etc., des terrains tertiaires et quaternaires qu’il a observées, ce qu’on n’a jamais fait jusqu’à présent. Ainsi, les environs de Bue ont une faune et une flore très riches, qui n’ont point été décrites. Chaque bassin présente des faunes fossiles différentes, ce qu’on n’a pas encore expliqué, il serait à désirer qu’on s’occupât de ces fossiles d’eau douce, aussi bien que de ceux des terrains plus anciens, et qu’on déterminât exactement les couches auxquelles appartient chacun d’eux. M. Meugy n’a pas fait une étude spéciale des fossiles des meulières ; il a reconnu que les meulières inférieures en contiennent quelquefois, et en a trouvé récemment à Ferrières dans cet étage j mais il ne prétend nullement que les fossiles MÉMOIRE DE M. V. RAULIN. 4 3Q des meulières inférieures soient les mômes que ceux de l’étage supérieur. M. Rigaut dit qu’à Epernon il y a dans les meulières infé- rieures une couche très riche en fossiles. M. Hébert confirme ce fait, en ajoutant que les fossiles sont très différents dans les deux étages de meulières. Aux environs de Meaux, on trouve de ces fossiles parfaitement calcaires. M. de Roys ajoute que le seul fossile commun aux deux étages est le Planorbis rotundatus . Le secrétaire donne lecture du mémoire suivant de M. Raulin : Note sur la constitution géologique de Vile de Crête , par M. Victor Raulin. Depuis plus de dix années que j’ai terminé mon voyage de Crète, j’ai seulement écrit quelques lettres à M. Cordier et aussi à M. Roué, qui a bien voulu donner la traduction de l’une d’elles dans les Berichte de Vienne, séance du 31 mars 1848. Cependant, MM. d’Archiac et Agassiz ont compris dans le travail sur les Nummulites et dans le catalogue des Echinodermes les espèces que j’ai trouvées dans File. De Blainville a aussi donné , dans son Ostéographie , la description de fragments d’Hippopotame. Enfin, plusieurs espèces nouvelles de plantes ont été décrites par M. Boissier dans ses Diagnoses ; et M. Lucas a publié, dans la Revue et Magasin de zoologie pour 1853 et 1854, un essai sur les animaux articulés, au nombre de deux cent quatre espèces, que j’ai recueillis. Les circonstances politiques, si peu favorables à la mise au jour d’ouvrages purement scientifiques, pendant les huit années qui viennent de s’écouler, et aussi quelques autres travaux plus pressés, ne m’ont pas permis de songer, jusqu’à présent, à une publication. J’ai seulement coordonné mes matériaux pour une description de la Crète , sur un plan analogue à celui qui a été adopté par L. de Buch pour les îles Canaries. Le moment de la publication étant rapproché maintenant , puisque la Société lin- néenne de Bordeaux vient d’admettre mon travail dans la nouvelle série de ses Jetés , je passe de nouveau en revue mes documents, pour commencer la rédaction, et j’en extrais l’aperçu suivant (1), qui a surtout trait à la géographie physique et à la géologie. (1) Dans cette note, je serai obligé de me conformer, mais le moins SÉANCE DU 17 MARS 1856. 440 Géograph le physique. La Crète, l’une des cinq grandes îles de la Méditerranée , se trouve au centre du bassin oriental, par 35 degrés de latitude et 21 à 2U degrés de longitude orientale de Paris. Elle limite l’Ar- chipel au S. , et appartient bien à l’Europe, car elle est placée à une distance peu considérable de ces séries cl’ îles , dirigées du N. -O. au S.-E., qui sont des prolongements sous-marins des chaînes montagneuses de l'Eubée , de l’Attique et de la Morée. Elle fait partie d’une série d’îles en arc de cercle, entre la Morée et l’Anatolie : Kaso, Skarpanto et Rhodes au N.-E., Cérigo au N. -O. La Crète est allongée de l’E. 7 degrés S. à l’O. 7 degrés N. ; sa longueur est de 2/t5 kilomètres ; sa largeur moyenne est de 32 kilomètres, les extrêmes étant 12 et U2. Sa surface, y compris celle des petites îles qui en dépendent , est de 7,800 kilomètres carrés, un peu moins grande que celle de la Corse. Sous le rapport orographique, elle peut être divisée, suivant sa longueur, en sept massifs , qui sont en allant de l’E. à l’O. : 4° Le pays montagneux de Sitia. 2° Les montagnes de Lassiti. 3° Le plateau accidenté de Megalo-Kastron (Candie). 4° Les montagnes du Pseloriti (Ida). 5" Le plateau accidenté de Rethymnon (Retimo). 6° Les montagnes de Sphakia. 7° Le pays montagneux de Kisamos et Selino. possible, à l’orthographe défectueuse de la carte de Crète de Lapie ; car c’est seulement quand une autre sera gravée que je pourrai resti- tuer aux localités les noms qu’elles portent aujourd’hui. J’ai dressé une nouvelle carte au moyen d’une triangulation faite à l’octant, et coordonnée aux deux points dont la position a été le mieux détermi- née par les navigateurs, le cap Sidero et la Canée. Elle diffère de celles qui ont été publiées: quant à la forme de LUe, par une largeur moindre du pays de Sitia, une largeur plus grande du massif de Lassiti, presque égale à celle du plateau de Candie, enfin une profondeur plus grande du golfe de Kisamos ; quant à l’orographie, c’est par une exactitude à la- quelle on ne peut comparer les topographies de fantaisie des cartes publiées jusqu’à présent. (La Société linnéenne, après avoir décidé Lin* sertion du texte dans ses Actes, avait sollicité de M. le ministre de l’instruction publique une subvention à l’effet de faire graver la carte orographique et géologique. M. Rouland a bien voulu accéder à la demande ; par une lettre en date du 5 décembre 1 856, il a annoncé à la Société qu’il mettait à sa disposition une somme de 1000 francs pour cette publication.) MÉMOIRE DK M. Y. RAUL1N. Ml Les cinq pays montagneux de Si lia, de Lassiti, du Pseloriti, de Sphakia et de Kisamos et Selino sont disposés sur une ligne droite qui court suivant la plus grande longueur de l’île. Le massif cen- tral du Pseloriti atteint environ 2,500 mètres (1); les deux laté- raux, de Lassiti et de Spiiakia , sont un peu moins élevés: ils n’ont que 2,100 à 2,^00 mètres. Quant aux deux qui terminent l'île, ceux de Sitia et de Kisamos et Selino, leur hauteur est beau- coup moins considérable, car ils n’atteignent que 1,500 et 1,400 mètres. Les plateaux de Candie etde Retimo s’élèvent à 600 mètres ; mais tous deux sont limités au S. par de bas chaînons monta- gneux qui dépassent 1,000 mètres. L’île n’est donc pas formée par une seule chaîne de montagnes. Les différents massifs que nous venons d’énumérer sont séparés les uns des autres par des dépressions relativement très basses, qui permettent des commu- nications faciles d’un versant à l’autre : ainsi les passages d’Epi- skopi, entre Sitia et Lassiti, de Kastel-Pedhiada, dans le plateau de Candie, de Karé, dans le plateau de Retimo, et d’Epauokliorio entre Sphakia et Selino, ont seulement des altitudes approxima- tives de 150, 350, MO et 650 mètres. Excepté dans le massif le plus oriental , tous les points culmi- nants de chacun des massifs sont rapprochés de la côte méridio- nale : aussi le versant méridional de l’île est-il, presque partout, plus court, plus rapide, que le versant opposé. Celui-ci est sou- vent prolongé par des parties montagneuses plus basses, des pla- teaux ou bien des plaines plus ou moins accidentées. Aussi, indé- pendamment de sa division en sept massifs, y a-t-il deux plaines longitudinales qui, en raison de leur étendue et de leur unifor- mité, pourraient presque être considérées comme de petites con- trées naturelles : ce sont les plaines de Messara , dans la partie méridionale du plateau de Candie, et de la Canée, au N. des montagnes de Sphakia. — Chacun des sept massifs possède une constitution particulière. Le pays de Sitia , obscurément triangulaire, est très nettement séparé des montagnes de Lassiti par la longue et large dépression d’Episkopi, qui s’étend du golfe de Mirabello à Hierapetra ; il ne (1) Pendant les sept mois et demi que j’ai passés dans l’île, j’ai mesuré l’altitude d’un grand nombre de points à l’aide du baromètre et des observations correspondantes faites à Khania (la Canée) par madame Gaspary ; mais les calculs n’ont pas encore été faits avec la précision nécessaire pour que je puisse donner les altitudes défini- tives. SÉANCE DU 17 MARS 1856. M2 présente pas la compacité et l’homogénéité des autres massifs montagneux ; il est divisé par de grands vallons en plusieurs mas- sifs, dont la hauteur va en augmentant à mesure qu’on s’avance del’E. vers l’O., où se trouve le point culminant. Les massifs se réunissent en deux groupes : l’oriental , auquel se rattache au N. l’Akroteri du cap Sidero, et l’occidental , qui porte le Kavousi. — La ligne de séparation des versants , quoique fort sinueuse, passe généralement par la partie médiane ; le versant septentrional ren- ferme le grand vallon du Stomio , et le versant opposé ceux du Pilialimata et du Goudsero. Les montagnes de Lassiti , de forme rectangulaire, ne forment pas encore un tout très compacte : elles se composent, dans la par- tie méridionale , d’un massif qui porte les plus hautes sommités et qui occupe près de la moitié de la surface ; il se prolonge un peu à l’E. et forme l’isthme de Hierapetra ; au N. se trouve un petit massif moins élevé, qui en est séparé par une série de plaines intérieures allongées de l’E.-S.-E. à l’O. -N. -O., dont celle de Lassiti est la principale. La pointe N.-E. est formée par un petit massif séparé du précédent par la vallée de Mirabello ; l’extrémité N. -O. est un plateau accidenté. — La ligne de séparation des ver- sants septentrional et méridional est assez sinueuse, et elle passe par un seul des deux sommets principaux. Aussi le versant méri- dional, en n’y comprenant pas le bassin intérieur fermé de Lassiti, ne forme-t-il guère que les deux cinquièmes de la surface totale. Il y a trois bassins principaux sur le versant septentrional, ceux du Kalokhorio-Potamos, du Mirabello- Potamos et de l’Aposélémi, et deux sur le versant méridional , ceux du Myrtho et du Soud- souro. Le plateau de Candie est largement uni aux deux massifs qui l’avoisinent et possède un assez grand développement de côtes. Il se compose, dans la partie méridionale, du long chaînon mon- tagneux du Kophinos , qui borde la côte, et au N. duquel se trouve la plaine longitudinale de Messara , laquelle se poursuit jusqu’à Kastel-Pediada, en se recourbant vers le N. La partie sep- tentrionale est un plateau accidenté s’abaissant au N. et présentant de hautes collines isolées ou en chaînons dans la partie centrale. L’angle N.-E. est un plateau assez haut qui se continue vers l’E. avec celui du massif de Lassiti. — La ligne de séparation des ver- sants est très peu sinueuse, et coïncide avec quelques-unes des hautes collines du plateau du N. ; elle est un peu plus rapprochée de la côte septentrionale : aussi le versant méridional occupe-t-il environ les trois cinquièmes delà surface. Il y a sur le versant N. MÉMOIRE UE H. V. RAULiN. les cinq vallons principaux du Kartero, d’Arkhanes, du Djiofiro, du Xeropolamos et du Gazano. Le versant méridional, c’est-à-dire la plaine de Messara. est partagé entre les bassins du Hiero-Pota- mos et du Soudsouro , à l’exception du revers maritime de la chaîne du Kophinos. Les montagnes du Pseloriti, qui occupent la partie médiane de l’île, sont formées, dans la partie S., du massif du Pseloriti, qui va en s’abaissant vers le N. -N. -O.; de l’angle N.-E. s’en détache le chaînon du Kouloukouna, dirigé de l’E. à PO. ; entre les deux se trouvent, dans la partie occidentale, les bas plateaux du Alylo- potainos. À l’angle S. -O. se trouve le petit massif du Kedros, séparé par la vallée d’Âmari, — La ligne de séparation des ver- sants septentrional et méridional est peu sinueuse et passe par le Pseloriti et les hautes sommités qui sont à PE. Celles-ci étant plus rapprochées de la limite méridionale, le versant septentrional a une surface au moins triple de celle de l’autre versant. Il y a deux bassins principaux : ceux du ruisseau de Damasta et du 3Iy- lopotamos, sur le versant septentrional , et celui du Plaly, sur le versant opposé, indépendamment d’un grand nombre de vallons. Le plateau de Retimo , assez bien séparé des montagnes de Sphakia, est largement uni à l’E. aux montagnes précédentes, et s’en sépare assez difficilement. Il se compose, dans la partie mé- ridionale, d’un chaînon montagneux qui borde la côte ; au N. se trouve la plaine longitudinale . Haghio-Vasili. Au X. vient une partie montueuse, assez large dans l’E., qui est bordée d’un plateau qui va en s’abaissant vers la côte septentrionale. — La ligne de séparation des versants n’est pas très sinueuse : elle suit à peu près la ligne médiane, laissant ainsi les points culminants de la région, soit au S., soit au N. Il y a les quatre grands vallons du Stavromeni , du Platania, du Petrea et du Alusla, au N. Le versant méridional est en grande partie occupé par le bassin du Megapotamos. Les montagnes de Sphakia, largement unies au pays suivant, se composent, dans la partie méridionale , du massif montagneux proprement dit, bordé au N. par un plateau montueux assez large. Dans la partie orientale, il y a la plaine intérieure, accidentée, de 1 Apokorona, limitée au IV. par le plateau du cap Drapano. Dans la partie occidentale se trouve la plaine longitudinale, unie, de la Canée, qui s ouvre à la mer à l’E. et à 10. de l’isthme de l’Akro- téri, qui limite au N. la baie de Soudha. Celui-ci est un plateau entièrement isolé , peu élevé , terminé par le chaînon montueux du cap Meleka. — La ligne de séparation des versants est assez SÉANCE DU 17 MARS 18Ô6. hM sinueuse et coïncide avec celle des plus hauts sommets. Comme ceux-ci se trouvent très rapprochés de la côte méridionale, le versant septentrional a une largeur et une surface au moins triples de celles de l’autre ; il se divise en quatre bassins principaux , ceux du Boutaka, de Stilo, du Kladiso et du Platania. C’est en- core à ce versant , plutôt qu’au suivant, qu’appartient le bassin fermé d’Omalo. Le versant méridional renferme les grands val- lons, si profonds et si étroits , de Komitades , de Mouri , d’Ara- dhena et de l’Haghia-Iloumeli-Potamos. Le pays de Kisamos et Sélino a son point culminant, l’Apopi- gari, assez rapproché de sa limite orientale. La partie méridio- nale est un pays montueux , se terminant au N. par une longue crête montagneuse qui part de l’Àpopigari et va droit à l’O.-N-s'-O. joindre un autre sommet situé près de la côte, l’Haghios-Elias. Cette partie montueuse se prolonge au N. de l’Apopigari. La par- tie septentrionale est un plateau qui va en s’abaissant vers le N. à la côte ; à ses deux extrémités se trouvent deux chaînons mon- tagneux élevés, dirigés au N., les Akroteri, ou caps Grabousa et Spada. La ligne de séparation des versants est assez sinueuse et ne coïncide pas toujours avec celle qui passerait par les hauts som- mets; de l’Haghios-Elias elle vient au S. , à l’Haghios-Dikios, et rejoint l’Apopigari, non en suivant la haute crête qui limite les deux parties , mais en passant dans la partie septentrionale de la plaine de Kadano. Les deux versants auraient une surface à peu près égale sans la présence des deux Akroteri, qui viennent don- ner une étendue plus grande à celui du N. Ce dernier renferme quatregrands vallons principaux, ceux duTavroniti, du Nopiano- Potamos , du Typhlos et du Kamara. Le versant méridional renferme les cinq vallons et bassins de Touia, de Remenia , du Ylithias, de Sarakina et de Pehkano. En outre des grands vallons si nombreux qui sillonnent le sol et vontaboutir à la mer, la Crète renferme des dépressions intérieures dont plusieurs, complètement isolées, forment de petits bassins fermés ; lès deux principaux sont la plaine de Lassiti, au centre des montagnes de ce nom, et celle d’Omalo, dans les montagnes de Sphakia. Les eaux pluviales qui s’y rendent se perdent dans des gouffres, khonos , analogues aux katavothrons de laMorée. Les val- lées dans plusieurs parties, principalement sur le pourtour des montagnes de Sphakia, se transforment en de véritables crevasses du sol, pharangi, très profondes, dont la largeur au fond esta peine de quelques mètres. Des cavernes plus ou moins grandes existent sur plusieurs points MÉMOIRE DE Bî. V. R A U LIN „ M5 au milieu des roches calcaires; les principales sont celles du cap Meleka et de Melidoni près du Kouloukouna. Nous ne pouvons ranger dans cette catégorie les excavations d’Ampelousa, au pied méridional du Pseioriti, que l’on décore habituellement du nom de Labyrinthe deCrète, et qui ne sont que les carrières de l’antique Gortyne, ainsi que le disait Selon il y a trois siècles. La Crète estime région très sèche : car, d’une part, son sol est un véritable crible, étant presque partout formé par des calcaires en couches bouleversées, remplies de sillons et de crevasses; etd’autre part, ce n’est que pendant quelques mois de l’année qu’il tombe de la pluie et aussi de la neige sur les montagnes. Il résulte de là que les cours d’eau sont presque toujours interrompus sur une très grande partie de la longueur de la vallée ; ils n’existent à l’état de nappe continue superficielle que dans les parties supérieure et in- férieure, le plus souvent au voisinage de la côte. La partie moyenne n’est alors qu’un ruisseau de pierres roulées presque toujours cal- caires, pendant la saison sèche et chaude qui dure environ sept mois, de mai à novembre, ha partie la plus occidentale fait seule exception ; comme elle est formée par des couches imperméables, les ruisseaux y coulent sans interruption et à peu près constam- ment depuis les sources jusqu’à l’embouchure ; en effet, le pays de Selino est formé par les talschistes, et celui de Kisamos par un terrain marneux tertiaire. Pendant la durée de la partie pluvieuse de l’année, au contraire, de décembre à avril, presque toutes les grandes vallées renferment un torrent en général rapide. Assez souvent même il suffit d’une grande averse pour que des torrents se forment de suite dans le fond des vallées. Dans la Méditerranée, par suite des grands bouleversements dont le sol a été le théâtre, la mer est profonde à une petite distance des côtes ; la Crète ne paraît pas faire exception : car lorsqu’on l’exa- mine d’une des parties élevées qui la bordent sur tant de points, la couleur seule indique qu’elle s’approfondit vite ; en effet, les eaux d’abord blanchâtres, deviennent très vite d’un vert glauque, et passent ensuite assez brusquement au bleu foncé de la pleine mer ; les cotes de profondeur, par suite de cette circonstance, font défaut sur les cartes marines. La Crète offre sur plusieurs points de son pourtour quelques ilôts qui ne sont, pour la plupart, que des rochers arides ; les prin- cipaux sont : les Dhyonisiades et Dhia, sur la côte septentrionale, Gaudos et Gaudo-Poula, à une distance un peu plus grande de la côte méridionale. Dhia, inhabitée, possède plusieurs ports fré- SÉANCE DU 17 MARS 1856. UÔ quentéspar les bâtiments qui vont à Candie. Gaudos, moins aride, renferme plusieurs villages. La température moyenne du sol m’a été donnée par trois sources considérables qui se trouvent sur les côtes nord et sud au niveau de la mer; la moyenne est de 18° 1. A mesure qu’on s’élève, la température moyennediminue ; une source à environ 2,000 mètres d’élévation, dans les montagnes de Sphakia, marquait seule- ment 4° 5. Quelquefois des eaux descendent dans le sol de hauteurs assez grandes, et assez rapidement pour donner des sources dont la tem- pérature est de beaucoup inférieure à la moyenne du point où elles viennent au jour ; dans l’Apokorona, à 30 mètres d’altitude seule- ment, il y a des sources abondantes dont la température était de 11° 1 en mai après la saison froide, et de 13° en octobre après la saison chaude. A peu de distance de Candie et de Retimo se trouvent deux énormes sources saumâtres, désignées sous le nom d ' Armyro, dont l’élévation est de 10 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer; leur température, observée aux deux époques précédentes, était au-dessous de la moyenne et variait peu: elle était de 15°, 15°5 et 16°1 . Il n’existe pas de neiges éternelles en Crète, et, à plus forte rai- son, de glaciers. Au mois de juin, il n’y a plus de neige que dans quelques trous ou crevasses des roches calcaires, ou bien dans quelques obscurs recoinsde profonds sillons dans lesquels lesrayons du soleil ne pénètrent pas. Je n’ai vu nulle part dans les hautes montagnes de traces de roches moutonnées, polies ou striées, que l’on pourrait attribuer à d’anciens glaciers ; les roches calcaires présentent partout ces érosions par dissolution qui sont désignées en Savoie sous le nom de lapias. Géologie. Les roches qui composent l’île de Crète se groupent dans les cinq catégories suivantes : 5° Terrains d’alluvion. 4° Molasses, marnes et calcaires subapennins. 3° Macignos et calcaires noirâtres, principalement crétacés. 2° Serpentines, diorites, antérieurs au terrain crétacé. 4° Talschistes primitifs. Les talschistes forment toute la partie centrale et occidentale des pays montagneux de Risamos et Selino. Il s’en détache une MÉMOIRE m M. y. RÀULIN. kkl bande qui se prolonge à la base des montagnes de Sphakiadu côté du nord; ils constituent en outre, dans chacune des autres parties de l’île, des points isolés plus ou moins étendus dans les dépressions des montagnes, ou bien en saillie à la surface des plateaux de Can- die et de Retimo. Les diorites et les serpentines se trouvent en petits amas prin- cipalement dans les montagnes de Lassiti et du Pseloriti. Les macignos et les calcaires forment les pays montagneux de Sitia, les montagnes de Lassiti, du Pseloriti, de Spliakia, les chaî- nons montagneux qui limitent au sud les plateaux de Candie et de Retimo, le pays montagneux de Selino, et des points isolés dans chacun de ces trois derniers. Sur la côte septentrionale il forme aussi les petits massifs isolés des caps Sidero, Drapano, Meleka, Spada et Grabousa. C’est encore ce terrain qui forme les îles Dhyonisiades, Diiia, Gaudo-Poula, et la partie élevée de celle de Gaudos. 11 est toujours en couches fortement redressées. Le terrain subapennin est principalement développé dans la partie septentrionale de l’île ; mais dans la partie orientale il passe d’un côté à l’autre en deux endroits. C’est lui qui rattache les uns aux autres les massifs montagneux qui formaient presque autant d’îles isolées pendant qu’il se déposait à leur pied dans la mer; il y a cependant aussi quelques petits dépôts d’eau douce clans d’an- ciens lacs isolés. Il forme les parties basses du pays de Sitiasur l’un et l’autre versant, l’isthme de Hierapetra, qui le sépare des monta- gnes de Lassiti, et se prolonge au pied de celle-ci sur la côte mé- ridionale. 11 constitue essentiellement le plateau de Candie et se poursuit, entre lePseloriti et la chaîne du Kophinos, jusqu’à lamer de Libye, il forme aussi une grande partie du plateau de Retimo, d’où par l’Apokorona il relie, au nord des montagnes de Spliakia et dans le pays de Kisamos, les petits massifs de Drapano, Meleka, Spada et Grabousa. On le retrouve enfin dans la partie basse sep- tentrionale de Gaudos. Les terrains d’alluvion forment les parties basses des plaines de Messara et de la Canée, et les plages sur plusieurs points, surtout de la côte septentrionale. 1° Talschistès. — Dans le pays de Selino et la bande située au sud de la Canée, ce sont principalement des quartzites talcifères grisou verdâtres, assez souvent glandulaires, alternant avec des talcites phylladiformes gris verdâtre ou bleuâtre qui pourraient être em- ployés comme ardoises grossières. Sur plusieurs points, les tal- sehistes renferment des bancs ou des lits de calcaire lamellaire gris. A Roumataet prèsd’Elaphonisi, il y a des gypses saceharoï- SÉANCE DU 17 MARS 1856. M8 des blancs, anomaux, sans stratification, et avec fragments de roches talqueuses. Les différentes roches, même les calcaires, sont assez fréquemment traversées par des filons de quartz hyalin blanc. Dans les environs du couvent de Gonia, il y a quelques veines de fer oligiste écailleux ; c’est, avec la pyrite cubique, la seule sub- stance métallique que j’aie vue dans cette partie de l’île. L’Apopi- gari, qui a environ l,/i00 mètres d’élévation au-dessus de la mer, est le point le plus élevé qu’atteigne le terrain primitif. Le terrain talqueux , entre les montagnes de Sphakia et le Pse- loriti , est composé par des quartzites talcifères et des talschistes souvent quartzifères ; il forme la base du mont Vrisina au S. de Retimo, de petites montagnes arrondies au S. de Roustica et du monastère d’Arcacli, et quelques petites bandes étroites au N. de Previli. A Melabes, au S. du Redros, il y a un petit massif de talschistes noirâtres, avec nombreux bancs de calcaire saccharoïde talcifère blanchâtre. Dans la partie septentrionale des montagnes du Pseloriti les quartzites sont moins abondants ; les talschistes forment les collines côtières qui sont au nord de Melicloni, deux petites amandes sur le chemin de Retimo à Candie, et un massif arrondi à l’ouest de Rhogdia ; ce dernier, sur quelques points, présente des filons de quartz avec carbonate de fer spathique d’un beau jaune. Entre’ les montagnes du Pseloriti et celles de Lassiti, les tal- schistes, avec quelques bancs calcaires, forment deux petites mon- tagnes au sud de Kani-Kasteli. Les montagnes de Lassiti renferment un massif talqueux à l’O. de Rastel Pediada ; ce terrain apparaît en outre dans le fond de la plaine de Mirabello et dans le vallon de Potamies. Il y en a aussi des amandes sur les bords de la plaine inférieure de Lassiti et sur ceux de la plaine voisine du Ratharo. Dans le pays montagneux de Sida, des talschistes, passant au micaschiste , forment une amande, à la base occidentale du Ka- vousi, et une grande bande à Mouliana. Ils se montrent à la base du Romanati, près de Roukaka, et à la base du plateau qui est à l’E. de Piskokephali ; et sur ces deux points ils renferment assez réquemment des filons de quartz avec amphibole radiée, verte. Enfin, au cap Sidero, il y a un massif talqueux, avec des tal- schistes feldspathiques jaunâtres., et un petit amas de porphyre talcifère stratifié. Dans aucun des cinq derniers massifs je n’ai retrouvé de gypses oomaux. mémoire de m. v* raulin. M9 2° Serpentine^ diorites antérieurs au terrain crétacé . — J’ai signalé les porphyres stratifiés du pays de Sitia. Dans les montagnes de Lassiti, à Kritsa, il y a des serpen- tines et des diorites à grains fins, au milieu desquels se trouvent de grands filons de pegmatite micacée, grisâtre, passant au gra- nité, et des enclaves considérables de calcaire saccharo'ide blan- châtre. Plus haut, sur les bords de la plaine du Katharo, il y a un petit amas de serpentine. Sur le versant méridional, autour de Kalami, les talschistes sont traversés, sur un grand nombre de points, par de grands amas de serpentine verte ou gris verdâtre, ou brun rougeâtre, plus ou moins altérée, à amandes calcaires; elles se lient à des diorites gris verdâtre, à grains moyens, et à des amphibolites compactes, vertes. Sur le bord S. -O. du massif du Pseloriti. il y a, à Mélabes, des diorites massifs, à grains fins. A 10. de Spili, il y a un petit massif dont la partie méridionale est presque uniquement formée par de belles serpentines d’un vert noirâtre, auxquelles se joignent quelques diorites à grains fins. Sur le revers septentrional des montagnes de Sphakia, entre Youcolies et Sevrona, il y a sur le flanc de la vallée plusieurs affleurements de diorite non stratifié, d’un vert noirâtre, qui ne pa- raissentpas avoir altéré lesquartzitesetlestalcites qui les avoisinent. Sur quelques autres points, à Thériso et à Drakona, il y a, sur les montagnes et dans le lit des torrents, quelques fragments de dio- rite, qui dénotent l’existence d’autres gisements, sans doute peu considérables. 3" Macignos et calcaires noirâtres principalement crétacés. — Sur le terrain talqueux, dans le pays de Selino, viennent des anagé- nites grises, à fragments de la grosseur du poing, qui alternent en couches assez épaisses avec des anagénites noirâtres à grains très fins. Ces roches, dont l’âge m’est inconnu , paraissent toute- fois fort peu développées en Crète : car je ne les ai vues que sur un espace d’une lieue carrée environ , dans les montagnes qui bor- dent la côte occidentale, au-dessus de Sphinari. Dans la partie méridionale et centrale de l’île , au-dessous des calcaires qui forment, comme je l’ai dit, les massifs montagneux de l’île, il y a des macignos, en général à grain moyen, gris-ver- dâtre, avec veines calcaires. Ces roches passent, à leur partie su- périeure, aux calcaires compactes grisâtres, à veines blanches, de l’étage inférieur des calcaires. Ces macignos, qui atteignent par- fois 2 à 300 mètres d’épaisseur, forment en grande partie la chaîne du Kophinos, qui borde au S. la plaine de Messara, et qui va du Soc. géol 2e série, tome XIII. 29 Æ50 SÉANCE DU 17 MARS 1856. cap Matala au delà de Viano ; à l’O., ils forment une bande au pied S. -O. du Pseloriti, de Bibaki jusqu’au delà du cap Haghios- Paulos; il y en a aussi un petit massif au N. de Gortyne. Ces roches forment encore la partie S.-E. de la plaine du Katharo, et elles y renferment des cailloux roulés des serpentines sous- jacentes. ce qui établit incontestablement que ces dernières sont antérieures; il y en a aussi de petits dépôts dansla grande plaine de Lassiti. Enfin , dans le pays de Sitia, on en trouve, près du cap Langada, un lambeau isolé, faisant en quelque sorte le pendant d’un autre que nous allons indiquer à Selino-Kasteli , à l’autre extrémité de l’île. Les calcaires , dans la partie occidentale , forment les mon- tagnes de Sphakia , et , au N. , plusieurs chaînons parallèles ou perpendiculaires. Iis commencent sur plusieurs points , notam- ment à Selino-Kasteli , à Sklavopoula et dans les montagnes qui entourent le bassin tertiaire de Mesoghia , par des calcaires com- pactes gris, veinés de blanc, alternant avec des calcaires phylladi- fères souvent rougeâtres ; ceux-ci renferment des lits de jaspe rouge ou vert. Le plus souvent, cependant, ces calcaires gris n’existent pas, et le terrain commence par des calcaires grenus à grain fin, noirâtres, en général bien stratifiés, qui renferment sur beaucoup de points des lits de nodules ou de véritables lits d’une roche quartzeuse blanche à grain très fin, employée comme pierre à aiguiser, et exploitée à Samaria, d’une manière non continue, depuis très longtemps. La partie supérieure du terrain a une épaisseur très considérable ; elle est formée par des calcaires gre- nus , quelquefois compactes ou complètement saccliaroides , de couleur grise ou blanche , qui sont en masses énormes et qui ne présentent aucune stratification. Toutes les roches de ce terrain sont assez fréquemment traversées par des veines calcaires; mais, nulle part , je n’en ai vu de quartzeuses. Nulle part aussi , je n’ai aperçu la moindre trace de fossiles. A Souia et à Rhodovani, il y a de grands amas de gypse épigène saccliaroïde ou laminaire blanc, au voisinage desquels les calcaires sont plus ou moins alté- rés ; il paraît qu’il y en a aussi un lambeau à Loutro. Les calcaires continuent à présenter, dans les parties centrale et orientale de la Crète, les trois divisions établies précédemment, et qu’il est inutile de reproduire. C’est dans la partie N.-E. du massif des montagnes de Lassiti, à Alouda, près de Spina-Longa. que s’extrait de temps immémorial la roche quartzeuse blanche, à grains fins, employée à aiguiser, et connue dans le commerce sous le nom de pierre du Levant. Sur deux points, près de Yian, MÉMO 1 UE DE M. Y. R AUDI N. 451 et, non loin de là , au-dessus d’Embaro , il y a des gypses ano- maux blancs à grains tins. Enfin, c’est dans ce massif que j’ai eu le bonheur de découvrir, à Apostolous, près de Eastel-Pedhiada, plusieurs espèces de Nummulites, et, un peu plus tard, dans la plaine de Lassiti, deux espèces de Rudistes, indéterminables peut- être spécifiquement, mais appartenant bien à ce groupe de mol- lusques, et fixant ainsi d’une manière incontestable l’âge des cal- caires de la Crète, en les rattachant au système crétacé méditer- ranéen. Les calcaires constituent le massif des plus hautes montagnes de Sitia, et y présentent deux amas de gypse blanc à Sphaka, et quatre autres à Roukaka : ces derniers, quoique anomaux, sont régulièrement stratifiés , circonstance qui ne se représente dans aucun autre des amas gypseux de la Crète , à l’exception de ceux du terrain tertiaire. Les calcaires forment encore le point cul- minant de l’isthme de Hierapetra, le plateau qui va du mona- stère de Toplou au cap Langada , non loin duquel il y a des cal- caires blancs, compactes, presque lithographiques, les montagnes côtières du cap Plako , et enfin plusieurs des petits plateaux du cap Sidero. Les calcaires forment toutes les hautes sommités delà Crète, par suite des bouleversements qu’ils ont éprouvés ; ils atteignent environ 2,500 mètres d’altitude au point culminant de l’ile, le Pseloriti. Les fossiles que j’ai rencontrés dans ces calcaires sont, dans une localité, des Rudistes , probablement indéterminables , et , dans une autre localité, des Foraminifères. Ces derniers, étudiés avec soin par M. d’Arcliiac, ont été rapportés par lui aux espèces sui- vantes : Nummulites complariatci , Lamk., var. Culumhresiana ? c. — perfora là, d'Orb., cc. — Ramondi , Defr., a r. Les calcaires forment aussi plusieurs des îles qui sont dans le voisinage immédiat de la Crète et qui en sont des dépendances naturelles. Ce sont : Dhia, où n’existe aucune des carrières de marbre dont les livres parlent ; les Dhyonisiades et Elasa, dans le voisinage du cap Sidero ; les Paximadi , dans le golfe de Messara. Le plateau méridional de Gaudos et Gaudo-Poula, au S. de Spha- kia, est formé seulement par les calcaires compactes grisâtres in- férieurs. 4° Molasses , marnes et calcaires subapennins, — Le terrain ter- SÉANCE DU 17 MARS 1856. 452 tiaire, sur la côte S, du pays de Selino, n’existe qu’à Selino-Kas- teli, où il est formé par un très petit lambeau de marnes grises. Au N., le bassin de Mesoghia est formé inférieurement par des marnes grisâtres , et , supérieurement , par des calcaires grossiers ou compactes assez bien stratifiés. Au cap Grabousa, un lambeau qui paraît une dépendance de ce bassin est formé par des calcaires très compactes alternant avec de rares lits de calcaire marneux jaunâtre. Le bassin de Kisamos, presque entièrement composé de marnes blanches ou légèrement bleuâtres , présente cependant quelques bancs de calcaire marneux à diverses hauteurs , et no- tamment dans les parties supérieures. A Kaleriana, près de Kisamo- Kasteli, la partie inférieure renferme des bancs d’un gypse com- pacte ou grenu qui contient des poissons fossiles, dont j’ai pu me procurer un certain nombre d’échantillons pendant mon séjour. M. Agassiz, qui les a examinés, les croit identiques avec ceux de Sinigaglia. M. Pictet, qui a examiné ceux qui ont été rapportés par M. de Heldreicli, les rapporte également au Lebias crassi - cauda. Au N. des montagnes de Spliakia, le massif de la Ganée est uniquement formé par des calcaires compactes ou grossiers blan- châtres, en bancs épais et à stratification assez marquée en grand. Le petit bassin de l’Apokorona, qui appartient au même dépôt, est formé, surtout dans sa partie méridionale, par des marnes blan- châtres qui alternent avec des bancs de calcaire compacte souvent marneux ; dans la partie septentrionale, les calcaires deviennent plus compactes et les marnes disparaissent presque entièrement. Dans le plateau accidenté de Retimo, le terrain tertiaire occupe une place considérable et forme plusieurs bassins. Le premier à l’O. est celui de Koustika; ses bords sont formés par des bancs puissants de calcaire compacte blanchâtre, avec empreintes de coquilles. Cependant, au S. du Vrisina, il y a d’abord des argiles bleues, puis des molasses jaunâtres, avec grandes huîtres, et ce n’est qu’à la partie supérieure que se montrent les bancs cal- caires. La partie centrale est formée par des alternances de marnes blanchâtres et de calcaires compactes plus ou moins marneux. Le bassin de Retimo, qui se rejoint peut-être avec le précédent, à 1*E. du Yrisina, est composé de la même manière ; seulement, les marnes qui alternent avec les calcaires , dans la partie centrale, sont souvent jaunâtres. Au S. des deux précédents se trouvent six petits bassins qui ont des caractères particuliers. Celui de Sphakia est formé par de grands bancs de poudingues calcaires grisâtres ; à Franco-Castello, MÉMOIRE DE M. Y. RÀULIN. 453 cependant, il paraît qu’il y a des couches, soit marneuses, soit calcaires, qui renferment de grandes huîtres. Les bassins de Pre- veli et de Hagliio-Vasili sont formés, dans leur partie inférieure, par des marnes bleuâtres, avec petits amas de mauvais lignite, dont on a tenté l’exploitation pendant la domination de IVIéhémet- Ali. Supérieurement, il y a des molasses jaunâtres, avec un petit lit de calcaire compacte d’eau douce. Les bassins de Melabes, de Vrysès et d’Asomatos sont surtout formés par des molasses , jau- nâtres dans les deux premiers, et grisâtres dans le troisième. Celui de Melabes présente, à sa base, des marnes bleues avec coquilles marines, et, supérieurement, un lit de calcaire compacte, avec nombreuses coquilles d’eau douce. Le plus grand bassin tertiaire de la Crète est, sans contredit, celui du plateau accidenté de Candie, qui est limité à l’O. et à l’E. par les montagnes du Pseloriti et de Lassiti, et au S. par la chaîne côtière du Kophinos. Dans la partie S.-E. , il est formé par d’im- menses assises de molasses d’un gris verdâtre , quelquefois avec I grandes huîtres, à la partie inférieure desquelles, à Vouria, il y a j des marnes bleues, avecTurritelles et autres fossiles. Ses contours, sur la plupart des autres points, et ceux des collines de terrains an- i ciensqui y sont enclavées, sont formés par des bancs puissants de calcaires compactes ou grossiers blanchâtres. C’est à Ampelousa , dans un prolongement occidental qui va atteindre le golfe de j Messara , que se trouvent les anciennes carrières de Gortyne , au- jourd’hui le labyrinthe de Crète. Les parties centrales du bassin sont en grande partie formées de marnes jaunâtres, au milieu des- quelles, sur beaucoup de points, on trouve des fossiles marins, notamment l’ Ostrea navicularis. Sur deux points, à Ampelousa | et à Agria, il y a des gypses blancs à gros grains ou laminaires. ; Une petite bande qui borde la côte septentrionale, à l’embou- chure de l’Aposelemi, est formée par des alternances de mai nés et de calcaires blanchâtres. ! Le dépôt tertiaire de Hierapetra comprend en entier l’isthme de ce nom, et s’étend beaucoup le long de la côte méridionale. L’isthme est formé par des poudingues calcaires gris, alternant lavée des bancs de calcaires et des marnes blanchâtres. Le prolon- gement oriental, qui va jusqu’au delà du cap Langada, est princi- palement formé par d’immenses assises de poudingues calcaires jgris qui, lorsqu’on s’approche delà côte, passent à des alternances le mollasses et de marnes bleuâtres ou blanchâtres, avec quelques empreintes végétales. En approchant de Hierapetra, on voit les narnes alterner avec des bancs calcaires et renfermer des amas SÉANCE !)U 17 MARS 1850. llhh de gypse grenu blanc. A l’ouest de Hiernpetraet le long de la côte, des marnes jaunâtres, avec Ostrert navicidaris , alternent avec des calcaires, et renferment une série d’amas de gypse grenu ou lami- naire qui occupe plus d’un myriamètre de longueur ; plus près , des montagnes, les marnes deviennent bleues et alternent avec de puissants bancs de poudingue calcaire. L’extrémité du dépôt, de ce côté, est formée par des mollasses gris verdâtres, très épaisses, semblables à celles du bassin de Candie, dont elles sont assez rapprochées. Le bassin de Piskokephali est constitué, à l’ouest de ce bourg, par des calcaires compactes, blanchâtres ; mais dans son prolon- gement méridional, ce sont des alternances de marnes bleuâtres ou blanches et de calcaires marneux. La bande étroite qui tra- i verse l’isthme du cap Sidero est formée par des alternances de poudi ngues calcaires et de mollasses, avec quelques bancs mar- neux et calcaires qui renferment une immense quantité d’Astrées, j 1 de grands Peignes et de Clypéastres. Les divers lambeaux de ' l’extrémité de l’Akroteri sont principalement formés par des cal- caires compactes ou grossiers, blanchâtres. Le bassin qui s’étend à l’ouest des caps Salomon et Plako ne i présente que des alternances de marnes et de sables rougeâtres, avec quelques bancs de calcaires arénifères à la partie supérieure. Les terrains tertiaires, surtout à l’état de calcaire blanchâtre, forment aussi plusieurs petites îles : ce sont Gradis, qui dépend i du bassin de Piskokephali, puis Psyra, les Kouphonisi et les Gaïdouronisi, qui appartiennent au dépôt de Hierapetra. La par- tie basse septentrionale de Gaudos est aussi formée par le même 1 terrain : ce sont des marnes bleuâtres qui passent supérieurement à 1 des calcaires marneux, avec grandes Huîtres, Astrées, Cristel- laires, etc. , et sont couronnées par des calcaires grossiers jaunâtres. Les terrains tertiaires présentent assez souvent, au voisinage des c terrains plus anciens, des inclinaisons de 15 à 20 degrés vers les 9 plaines ; mais, dans beaucoup de cas, il est probable que ces effets 1 sont dus à des tassements et à des éboulements locaux sur les k pentes des vallées , plutôt qu’à des bouleversements généraux du sol. Pourtant il y a un relèvement général des couches depuis les côtes jusqu’aux parties centrales : en effet, près des premières, les altitudes que ces terrains atteignent sont en général trois fois moins considérables qu’au pied des montagnes. Près de celles-ci, les couches tertiaires s’élèvent de 300 à 600 mètres, et même quelquefois à près de 700 mètres; à la côte, la hauteur moyenne 1 est seulement de 150 mètres, et n’atteint jamais 300 mètres. MÉMOIRE DE M. Y. HAULIN. 455 Les fossiles existent dans les divers bassins et dépôts, mais ils ne paraissent pas être très abondants ; ceux dont la détermination m’a paru à peu près certaine ne forment guère que la moitié des espèces que j’ai recueillies ; ce sont les suivants : Myriapora truncata , Mich, Astrea crenularis , Goldf. — astroites, Blainv. Clypeaster dilatatus , Des. — Tauricus , Des. — allas , Lamk. Tellina planata , Lamk. — elliptica , Brocc. Lucina orbicularis , Desh. — hiatelloides , Bast. Cytherea multilamella , Lamk. Cardita pcctinata , Brocc. Cardiurn multicostatum , Brocc. P ectancalas pilosas , Lamk. Area Diluvii , Lamk. Nucula polit , Phil. — nitida , Brocc. Pecten benedictus , Lamk. — Jacobœus, Linn. — pleuronectes , Linn. — latissimus , Brocc. Ostrea navicularis , Brocc. Oslrea Boblayei , Desh. — Virleli , Desh. Terebratala ampulla , Brocc. Dentalium sexangulare , Lamk. — novemcostatum, Lamk. Nalica maculata , Desh. Troclius patalus, Brocc. Turritella acutangula, Brocc. — triplicata , Brocc.? — vermiculariSj Brocc.? Pleurotoma continua , Brocc. Cancellaria varicosa, Brocc. — mitrœjormis , Brocc. Bac ci nam costulatum t Ren. Cassis Sa baron, Lamk. Conas Mercati, Brocc. — pyrula , Brocc. — virginalis, Brocc. — ■ antediluA’ianus, Brug. Serpula glomerata , Linn. ■ — prolensa , Linn. Lebias crassicauda, Agass. Si théoriquement il est facile de distinguer les uns des autres les trois grands groupes de roches désignés ci-dessus, dans la pra- tique il est souvent difficile, je dirai même impossible, de tracer exactement en Crète la ligne de démarcation. Ainsi, pour les talschistes et les calcaires phylladifères de la base du terrain cal- caire, il n’y a souvent d’autre moyen empirique de les reconnaître que la présence ou l’absence des filons de quartz. Parfois j’ai éprouvé de grandes difficultés à séparer sur plusieurs points les macignos de la base du terrain crétacé des mollasses tertiaires, lorsque ces roches se trouvent superposées. Lorsque les roches du terrain calcaire sont compactes, grisâtres, et qu’elles sont recou- i vertes immédiatement par les calcaires compactes tertiaires , | comme dans les Akroteri de la Canée, de Grabousa, etc., on est souvent fort indécis pour savoir auquel des deux terrains on a affaire . Enfin certains calcaires bréchoïdes crétacés sont aussi presque impossibles à distinguer des poudinguescalcaires tertiaires. Il faut peut-être bien rapporter aussi à la fin de la période ter- 456 SÉANCE DU 17 MARS 1856. tiaîre les dépôts lacustres qui occupent le fond des grandes plaines intérieures dont nous avons parlé. La plaine de Kadano. dans le pays de Selino, à M)0 mètres d’altitude, renferme des sables argi- leux et des poudingues avec lits ferrugineux, formés aux dépens du terrain talqueux environnant. Ce dépôt, bien stratifié, est dé- coupé par des vallons de 50 mètres environ de profondeur. Dans les montagnesde Lassi ti , les plaines deVianoà 500 mètres, de Lassiti à 800 mètres, et du Katharo à plus de 1100 mètres, offrent des dépôts de sables argileux brunâtres, formés en grande partie aux dépens des macignos. Je me suis procuré à Krotsa, comme provenant de ceux du Katharo, des portions de mâchoires d’un Hippopotame, de taille intermédiaire entre les deux espèces de Cuvier, qui ont été décrites par de Blainville. 5° Terrains d'alluvian. — Au pied des montagnes de Spliakia, les plateaux tertiaires, entre le prolongement méridional des mon- tagnes du cap Spada et la rivière Platania, et peut-être même jusqu’à la Canée, présentent un dépôt très épais, sans doute dilu- vien, de sables argileux jaune rougeâtre, avec nombreux cailloux et blocs de la grosseur de la tête, quelquefois même métriques, de quartzites talcifères du terrain primitif. La grande plaine de la Canée, qui s’étend de Lakous à la baie de Soudha, renferme un dépôt de sable argileux rouge, avec cailloux roulés quartzo- talqueux, qui paraît contemporain des dépôts précédents. La côte septentrionale entre les caps Grabousa et Drapano présente sur beaucoup de points des calcaires grossiers et des con- glomérats coquilliers, ou bien des sables avec des bancs de pou- dingues qui appartiennent à une époque assez récente, et qui s’élèvent de 20 à 30 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ces dépôts sur plusieurs points sont découpés par des vallons, et sem- blent aussi antérieurs aux derniers événements qui ont donné au sol ses formes actuelles. C’est dans ce terrain qu’a été trouvé près de la Canée le squelette humain envoyé à l’Académie des sciences par le docteur Caporal en 1837. Ces dépôts récents de calcaire grossier et de conglomérat coquillier, qui s’élèvent à 20 mètres environ au-dessus de la mer, se sont retrouvés sur un grand nombre d’autres points à l’E., notamment dans les environs de Retimo, de Candie et de Malia. La côte méridionale présente aussi sur beaucoup de points des sables avec des bancs de poudingues, mais en bandes très étroites et fréquemment interrompues, les montagnes calcaires tombant souvent à pic dans la mer. A Hierapetra, ces dépôts sont excep- tionnellement plus développés. MÉMOIRE DE M. Y. RÀULIN. 457 Les terres végétales qui recouvrent les talschistes paraissent formées aux dépens de ces roches ; mais celles que supportent les calcaires, soit secondaires, soit tertiaires, ne participent pas du tout de la nature de ces roches -, elles sont argileuses, rougeâtres, et à peu près les mêmes partout. Les alluvions des ruisseaux et des torrents sont formées aux dépens des roches qui existent dans leur bassin hydrographique, et je n’ai pas remarqué qu’il en fût autrement. Enfin, sur beaucoup de points des côtes, les rochers présentent jusqu’à 5 à 6 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer, des agrégats de Serpules et des trous contenant encore des mollusques perforants qui indiquent une élévation récente du sol. Il me resterait encore à faire connaître les différents systèmes de dislocations qui ont influé sur le relief de la Crète ; comme mes idées ne sont pas encore parfaitement arrêtées, je préfère réserver ce sujet pour une communication ultérieure. C’est alors par un aperçu rapide sur la géographie botanique qne je vais terminer cette courte note sur la Crète. Dans les plaines et sur les bas plateaux, jusqu’à 500 mètres d’altitude, l’olivier est l’arbre le plus abondant; dans la partie orientale, le caroubier s’y mêle. Le platane abonde dans les en- droits humides, sur le bord des ruisseaux. Autour de Retimo, on cultive le Qucrcus œgilops. Sur les pentes voisines de la côte mé- ridionale, on rencontre sur plusieurs points le Pinus Halepensis. Le châtaignier est commun sur les talschistes de Sélino. Le figuier, l’oranger et le grenadier sont cultivés partout. Parmi les arbustes, on trouve communément les Pistacia Lentiscus et atlan- tica , Tant aria. ? gallica , Vitex Agnus-castus , Arbutus Unedo , Cle- matis eirrhosa. Les bruyères [Eric a arborca et verticillata) abon- dent sur le terrain talqueux partout où il existe, et le font reconnaître de très loin. Le laurier-rose et le myrte existent sur les bords de tous les ruisseaux. Les broussailles qui couvrent par- tout le sol sont surtout formées par les Cistus salvifolius , Salvia calycina , Lavandula stœchas, Inula viseosa , Galiurn fruticosum , Hypericum ciliatum et empe tri folium, Poterium spinosum , Psoralea bituminosa. Il y a encore les Acanthus spinosus, Euphorbiçt characias , Sambucus Ebulus. On rencontre, dans les salines, les Salsola kali} Suœda fruticosa , Salicornia macrostachya ; dans les lieux mari- times, les Eryngium rnaritimum , Cichoriùm spinosum. De 500 à 1200 mètres, les pentes des montagnes présentent des bois clair-semés de Quercus ilex,cretica , et Acer, creticum , avec le Cupressus horizontalis , qui s’élève encore un peu plus haut ; on y SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. 458 trouve eu outre les Bcrbqris crctica , Euphorbia spinosa , et plusieurs des espèces précédemment énumérées. Au-dessus les rochers sont nus ou présentent de simples brous- sailles, principalement composées des Astragalus creücus et echi- noidcs , Suivi a spinosa , Acantholimon anclrosaceurn , Daphné olcoides et funipevus oxycedi us. Chacune des trois zones de végétation a des plantes herbacées, en grande partie spéciales, dont le nombre va en diminuant très rapidement, de la zone inférieure à la zone supérieure. Séance du 7 avril 1856, PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Filgueira (Patricio), ingénieur des mines à Yalderueda, par Herrera de Rio-Pisuerga (province de Yalencia) ; présenté par MM. Casiano de Prado et de Verneuil ; De Yaublanc (Henri), rue Las-Cases, 1, à Paris j présenté par MM. Charles d’Orbigny et Hugard. Le Président annonce ensuite quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la guerre : 19e Livraison de la carte de France au . De la part de M. le ministre de la justice : Journal des sa- vants,, mars 1856. De la part de M. J. Barrande : Parallèle entre les dépôts siluriens de Bohême et de Scandinavie (Aus den Abhandungen der Kôn. B ohm. Ges. der Wiss . Y. Folge 9. Bd.) *, in-4, 67 p. Prague, 1856 ; chez Charles Bellmann, DONS FAITS A LA* SOCIÉTÉ. 459 De la part de M. E. Renevier : 1° Dates de la publication des espèces contenues dans les planches de la Conchyliologie minéralogique de la Grande- Bretagne, pat' M. James Sowerby , continuée par James de Carie Sowerby (extr. du Bull, de la Soc. mandé des sc. nat. , séance du 2 mai 1855), in-8, 8 p. 2° Résumé des travaux de M . D. Sharpe sur le clivage et la foliation des roches (extr. du même Bulletin , séance du 4 juillet 1855), in-8, 10 p. De la part de M. A. Yiquesnel : Voyage dans la Turquie d'Europe. — Description physique et géologique de la Tlirace. — Texte ; 2e livraison. Paris, 1855 $ chez Gide et Baudry. De la part de M. Alexis Perrey : Note sur les tremblements de terre ressentis en 1854, avec suppléments pour les années antérieures (extr. du t. XXII, n°6, du Bulletin de V Académie R. de Belgique), in-8, 49 p. Delà part de M. J. G. Bornemann : 1° Ueber die Lias formation in der Umgegend von Gôttin- gen und ihre organischen Einschliisse , in-8, 78 p., 4 pi- Berlin, 1854 2° Die mikroskopische Fauna des Septarietithones von Hermsdorf bei Berlin , in-8, 68 p., 10 pl. Berlin, 1855 $ 3° Ueber organische Reste der Lettenkohlengruppe Thii- r ingens, in-4, 86 p., 12 pl. Leipzig, 1856. De la part de M. Evan Hopkins : An illustrated introduction to the connexion of geology and magnétisai , or the principles of terrestrial physics. Third édition , in-8, 76 p. London, 1855 ^ Taylor and Francis. De la part de M. W. King : 1° On A nt lira cosia, a fossil genus of the family Unioides (yvith a plate) (F rom the Aimais and mag. of nat, hist. for january 1856), in-8, 6 p. • 2° On Pleürodiciyum problematicum ( with a plate ) (From the Ann. and mag. of nat. hist. for february 1856), in-8, 12 p. De la part de M. le docteur Moriz Bornes : Ueber einige neue Gastropodes ans den ôstlichen Alpen , mit 3 Tafeln (Aus dem 46 0 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. X. Bd. der Denkschriften der M athem ,-naturw . Classe der K . Akad. der Wissensch .), in-4, 6 p. Wien... De la part de M. Eduard Suess : Ueber Megan teris , eine neue Gattung von Terebratididen , mit 3 Tafeln (Aus dem Novemberhefte des Jahrg. 1855 der Sitzungsb. der Mathem.- natnrw. Classe der Akad. der Wissensch. ( Bd . XVJII , S. 51), in-8, 17 p. Comptes rendus hebdom. des séances de V Académie des sciences , 1856, 1er sem., t. XLII, nos 11 à 13. Bulletin de la Société de géographie , 4e série, t. XI, nos61 et 62. Janvier et février 1856. Annuaire de la Société météorologique de France , t. II, 1854, 2e série, Tableaux météorologiques , f. 32-36. LTnstitut , 1856, nos 1159 à 1161. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, n° 87, 8e année. Mars 1856. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 133. Précis analytique des travaux de V Académie des sciences , belles-lettres et arts de Rouen pendant l'année 1854-1855. Bulletin de V Association florimontane d'Annecy et Revue savoisienne , vol. I, 1855. Philosophical Transactions of the royal Society of London forthe year 1855, vol. 145, part. II. Proceedings of the royal Society , vol. VII, n0# 16 à 18. The royal Society , 30lh november 1855. The Transactions of the royal lrish Academy , vol. XXII, part. VI. Proceedings of the royal lrish Academy for the year 1854-1855, vol. VI, part. II. The quarterly Journal of the geological Society of London , vol. XII, part. I. February 1, 1856, n° 45. The Atheriœum, 1856, nos 1482 à 1484. A eues Jahrbuch , etc. , von K. G. von Leonhard und H. G. Bronn. Jahrg. 1856 • Erstes Heft. Revista minera , 1856, t. VII, nos 140 et 141. M. Viquesnel offre la 2e livraison de son Voyage dans la Turquie d'Europe . NOTE DE M . J. BARRANDE. Z|6l M. Barrande dépose sur le bureau trois ouvrages deJVI.Bor- nemann, présent à la séance (voy. la Liste des dons), M. Barrande offre son ouvrage intitulé : Parallèle entre les dépôts siluriens de la bohème et de la Scandinavie } et en donne le résumé suivant : J’ai l’honneur de présenter à la Société un Mémoire que j’ai récemment publié à Prague, en langue française, sous le titre de Parallèle entre les dépôts siluriens de Bohême et de Scandinavie . N’ayant jamais visité ni la Suède ni la Norvège, je n’aurais pas entrepris un semblable travail, sans l’occasion très favorable qui s’est présentée. Vous savez que M. Angelin s’occupe depuis lon- gues années de recherches géologiques et paléontologiques dans ces contrées, où il a recueilli par beaucoup d’efforts et de sacri- fices personnels une très grande quantité de fossiles de toutes les classes et surtout des Trilobites. Il a déjà publié, à ce sujet, deux livraisons d’un ouvrage très intéressant, sous le nom de Palœon- tologia scandinavica. Ces documents, encore incomplets, seraient loin de fournir les matériaux nécessaires pour un parallèle tel que celui que j’ai esquissé. Mais le savant suédois, étant venu passer deux mois en Bohême pendant l’été dernier, a consacré tout ce temps à l’étude de ma collection et des principales localités de mon bassin. Nous avons donc conféré longuement sur les objets de nos recherches respectives, et nous avons comparé les résultats obtenus par chacun de nous. Ces longues conférences, en ayant sous nos yeux les fossiles si- luriens de la Bohême, nous ont fait reconnaître des rapports in- attendus entre cette contrée et celles que M. Angelin a explorées. Mon intention n’est pas de vous exposer en détail les faits et les analogies qui ont été constatés par nous, à la suite de nos com- munications réciproques. Je me borne à vous signaler les résul- tats les plus généraux, qui sont en harmonie avec ceux que j’ai précédemment eu l’honneur d’exposer à la Société, comme fruits de mes observations. Les étages locaux fossilifères, bien distingués par M. Angelin en Scandinavie, ne sauraient être assimilés, un à un, avec les étages locaux du bassin silurien de Bohême. Ils diffèrent, dans chaque région, par leur nombre et par leurs caractères, soit pétrogra- phiques, soit stratigraphiques, soit paléontologiques, de sorte que les séries verticales des dépôts siluriens offrent un manque frap- pant d’harmonie, si on les considère à ce point de vue trop étroit* 462 SÉANCE DU 1 AVRIL 1856. Pour faire concevoir combien cette différence est frappante, je me bornerai à citer un fait bien constaté. La classe prédominante, dans la période silurienne , était celle des crustacés, représentée principalement par les Trilobites. Cette classe a fourni à M. An- gelin 350 espèces distinctes, tandis que j’en ai trouvé 275 dans mon terrain. Yoilà donc ensemble 625 espèces de Trilobites, au- jourd’hui connues, dans les deux contrées comparées. Or, sur ce nombre si considérable, il existe à peine 5 à 6 formes que nous ayons le droit de considérer, sinon comme identiques, du moins comme très analogues , et représentatives les unes des autres dans ces deux pays, il y a donc un centième d’espèces de Trilobites communes à la Bohème et à la Scandinavie. Il est clair qu’il serait peu rationnel d’invoquer la présence de ces rares espèces, pour établir le synchronisme des dépôts dans lesquels on les a observées. Les autres classes de fossiles, quoique représentées par de nom- breuses espèces dans les deux régions, ne paraissent pas devoir fournir des identités plus fréquentes que les Trilobites. Nous cite- rons les Céphalopodes, les Gastéropodes, les Acéplialés, etc., etc., parmi lesquels on ne rencontre que rarement des formes com- munes à la Bohême et à la Scandinavie. Une seule classe semble faire exception à la loi qui restreignait d’une manière si absolue la distribution des êtres siluriens. C’est la classe des Brachiopodes, qui a déjà présenté environ 20 espèces communes à la Bohême, à ia Scandinavie et à ['Angleterre, ainsi qu’il résulte des beaux travaux de MM. de Verneuil et Davidson, ainsi que de nos propres observations. Il est fort étrange que le privilège de la plus grande diffusion géographique ait été accordé par la nature précisément à la classe des mollusques, que les savants nous représentent comme attachés au sol, tandis que les animaux des autres classes jouissent d’un pouvoir plus ou moins étendu de locomotion. Il y a là un con- traste que la science nous expliquera un jour. La grande diffusion relative des Brachiopodes se trouve encore constatée dans un inté- ressant Mémoire publié à Saint-Pétersbourg par M. de Grüene- waldt. Ce savant a recueilli dans l’Oural, aux environs de Bogoss- lovvsk, \l\ espèces de Brachiopodes, identiques avec celles de notre étage calcaire moyen F, dans la division supérieure ou faune troi- sième de Bohème. Le manque d’espèces identiques en Bohême et en Scandinavie montre suffisamment que, pour établir la contemporanéité des dépôts siluriens, il ne faut pas plus recourir à ce caractère qu’aux NOTE DE M. J. BARRÀNDE. 46 3 caractères pétrçjgraphiques et stratigraphiques, qui sont souvent de nulle valeur entre des régions éloignées. Heureusement la na- ture nous a fourni d’autres documents plus certains, parce qu’ils sont d’une portée plus générale et qu’ils peuvent s’appliquer éga- ment à toutes les contrées du monde silurien. Ces documents con- sistent principalement dans l’ordre d’apparition, d’existence, de développement et de disparition de certaines familles, genres ou groupes d’espèces, dans chacune des classes des fossiles. En pre- nant ces données comme guides, dans le groupement des étages locaux, nous reconnaissons une grande et belle harmonie entre les bassins siluriens de Bohême et de Scandinavie. Pour faire comprendre, par un seul exemple, la valeur des do- cuments dont nous parlons , par rapport au caractère déduit des espèces identiques, il nous suffira de dire qu’après les rectifica- tions faites dans la nomenclature de M. Angelin, nous constatons que, sur 39 genres de Trilobites reconnus par nous en Bohême, 30 se retrouvent en Scandinavie. Il en serait de même des autres classes de fossiles, si nous cherchions à les passer en revue. Au lieu de considérer les étages locaux un à un et de compa- rer leurs faunes isolées, si nous les groupons d’après les affinités générales que nous venons d’indiquer, nous reconnaissons en Scandinavie les 3 grandes faunes que nous avons nommées pri- mordiale, seconde et troisième. Elles se succèdent dans le même ordre et sont constituées des mêmes éléments zoologiques, consi- dérés sous un point de vue rationnel et général, le seul auquel un paléontologue doive se placer pour être utile à la géologie. La faune primordiale est presque entièrement composée de Trilobites, plus nombreux en Scandinavie qu’en Bohême, mais portant le même caractère de la prédominance du thorax et de l’exiguïté relative du pygidium. Avec ces crustacés apparaissent quelques rares Braehiopocles. Tels sont les représentants presque uniques de la vie animale, non-seulement dans les deux contrées comparées, mais encore, ainsi que nous l’avons déjà dit, en An- gleterre et dans l’Amérique septentrionale. Il est remarquable que l’existence de ces premiers êtres soit partout également bornée à une période relativement peu étendue sur l’échelle verticale, car on voit tous les genres de Trilobites que nous venons d’indiquer s’éteindre presque subitement pour faire place à des nouveaux types. Les Brachiopodes, au contraire, qui se trouvaient à peine représentés dans la première faune, se propagent dans la faune sui- vante et s’y développent largement, mais sous de nouvelles formes spécifiques. SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. m La faune seconde est caractérisée, en Scandinavie comme en ! Bohême, par le maximum du nombre des genres Trilobitiques, 4 parmi lesquels prédominent des formes remarquables par le grand développement de la tête et du pygidium, tandis que le thorax est réduit à huit segments. En même temps, on voit les Cystidées I présenter une grande quantité de types et d’individus. Les Grapto- lites se montrent pour la première fois et commencent à pulluler dans les mers. Parmi les mollusques, ce sont les Orthôcères à large siphon marginal, qui représentent la classe des Céphalo- 1 podes, et les Orth idées, qui se distinguent par leur richesse parmi les Brachiopodes. Bien que les genres de ces diverses familles ne s’éteignent pas avec la faune seconde , on peut considérer comme une rare exception, en Scandinavie et en Bohême, le passage de quelques espèces à la faune suivante. La faune troisième est caractérisée, à son origine, par la seconde i période d’existence des Graptolites, qui s’éteignent à cette époque | pour ne plus reparaître. Les Trilobites se réduisent beaucoup sous i le rapport des genres ; mais ceux qui persistent offrent une très grande richesse spécifique. En même temps, toutes les classes i des mollusques prennent un développement jusqu’alors inconnu l et présentent des formes nouvelles dans chaque genre, de sorte > qu’on peut aisément distinguer des groupes d’espèces qui con- < trastent avec ceux de la faune seconde. Enfin, les crinoïdes et les polypiers se développent dans la faune troisième avec une riche variété d’espèces, qui sont particulières à cette époque, et dont i quelques-unes ont joui d’une diffusion relative très remarquable. Il est impossible de méconnaître l’harmonie qui existe entre ces trois faunes, dans les deux pays comparés, si l’on considère les grands traits que nous indiquons, et qui sont d’autant plus frap- l pants, qu’ils se retrouvent exactement dans toutes les contrées si- ! luriennes, telles que la Russie, les îles Britanniques, la France, i l’Espagne, le Portugal et l’Amérique septentrionale. Avant de terminer, nous devons faire remarquer que le paral- lèle entre la Scandinavie et la Bohême nous montre, de la ma- nière la plus évidente, que l’apparition et la succession des êtres, constituant ce que nous nommons les trois faunes générales silu- riennes, sont complètement indépendantes des révolutions phy- siques, qui ont bouleversé partiellement la surface du globe. En effet, tandis que la faune primordiale et la faune seconde ont été subitement anéanties par un déversement de roches plutoniques dans le bassin silurien de la Bohème, les faunes correspondantes de Scandinavie se sont paisiblement éteintes, suivant toute appa- NOTE DE M. J. BARRANDE. 465 rence, par l’épuisement de leurs forces vitales. On voit qu’elles se succèdent sans mélange, dans des couches parfaitement concor- dantes, et dans lesquelles la science ne découvre la trace d’aucune action violente, à laquelle on puisse attribuer l’extinction de l’une avant l’apparition de la suivante. D’après les faits établis par la comparaison entre toutes les contrées siluriennes, la science se trouve aujourd’hui en mesure de rectifier des opinions inexactes, qui ont joui d’une certaine faveur. L’une consistait à considérer les êtres primordiaux, comme de- vant appartenir aux classes les plus infimes de la série animale, sous le rapport de l’organisation. 11 nous paraît démontré main- tenant que les premiers représentants de la vie sur le globe ont été généralement des Trilobites, c’est-à-dire des crustacés qui, par le degré déjà élevé de perfection de leurs organes, occupent à peu près le milieu dans la série ascendante des êtres animés. Pourquoi cette classe moyenne a-t-elle joui de l’insigne privilège d’être appelée avant toutes les autres à vivifier le globe? C’est une question que la géologie livre aux spéculations de la haute philo- sophie, sans en exiger et sans en attendre la solution. L’autre opinion à rectifier admettait, comme un fait constaté, la diffusion à peu près générale des espèces composant les pre- mières faunes, sur toute la superficie des mers. La comparaison entre la Bohême, la Scandinavie et les autres contrées siluriennes nous a convaincu que les êtres les plus anciens étaient soumis à des lois de distribution et de cantounement aussi exclusives que celles qu’on observe daus les mers actuelles, pour toutes les classes en général. Nous avons même montré en particulier, pour les Trilobites, que les limites de leur diffusion, pendant la durée des trois faunes siluriennes, étaient plus resserrées dans la direction de la Suède, vers la Bohême, que celles des crustacés aujourd’hui vivants, et aussi relativement moins étendues que celles de cer- tains mollusques contemporains. En recommandant notre Mémoire à la bienveillante attention de la Société, nous osons espérer qu’il pourra attirer l’attention des savants sur diverses questions importantes, que nous y avons touchées en passant, et qu’il serait inopportun de discuter en ce moment. M. le marquis de Roys, trésorier, donne l’état suivant de la caisse au 31 mars dernier ; Soc. séol,% 2e série, tome XIII. 30 A66 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. Il y avait en caisse au 31 décembre 1853. . 2,032 fr. 05 c. La recette, depuis le 1er janvier 1856, a été de . 8,847 » Total. . . 10,879 05 La dépense, depuis le 1er janvier 1856, a été de 6,746 90 Il restait en caisse au 31 mars 1856 4,132 fr. 15 c. M. Viquesnel fait, au nom de l’auteur, la communication suivante : Parallèle des tremblements de terre , des aurores boréales et du magnétisme terresti'e , mis en rapport avec le relief et la géologie du globe terrestre , ainsi qu’avec les changements éprouvés par sa surf ace ,* par M. A. Boué. La pensée de réunir en un faisceau ees trois fonctions de notre terre n’est pas neuve: plus d’un savant a prononcé leur identité de cause première en tout ou en partie, mais personne n’en a donné jusqu’ici la démonstration physique, quoique la théorie de Gauss pour le magnétisme terrestre en forme pour ainsi dire la preuve mathématique. Ainsi, ce que j’ai à dire est aussi neuf que vieux, tout en exigeant une parfaite connaissance des trois phé- nomènes. Les phénomènes magnétiques sont une propriété du globe qui paraît liée intimement à des rapports de températurey en même temps que les observations et une théorie d’exactitude mathéma- tique placent la source du magnétisme terrestre , si ce n est pas entièrement , du moins en grande partie , sous l’écorce de notre teri'e. La température actuelle du globe provient de sa chaleur primitive et du soleil. Par la double rotation de la terre et son change- ment de position vis-à-vis du soleil, la distribution de la chaleur solaire y a lieu inégalement suivant les saisons , les mois, les semaines, le jour et la nuit, dans ses différentes parties- Il n’y a qu’un petit nombre de physiciens, tels que Hopkins, qui mettent en doute que l’intérieur du globe ait une température plus élevée que sa surface extérieure . Sans parler des observations en partie trompeuses faites dans les minés, celles faites dans des trous de sonde profonds suffisent pour étayer cette dernière opinion. Mais il y a des astronomes, des physiciens, des chimistes et des MmÔïRE DE M. A. ROUÉ. 7; 67 géologues qui vont plus loin, et qui croient que le noyau terrestre a encore un degré cia température f ort supérieure h celle de son enve- loppe. Les astronomes sont conduits parleurs observations à penser que des changements de température sont le facteur principal dans le passage des astres, de nature peu dense, à un état de compacité plus ou moins complet. Les étoiles perdues diminuent, il est vrai ; les nébuleuses se métamorphosent en groupes d’étoiles sous de puissants télescopes ; mais , ne restât-il que les comètes , elles donneraient déjà un support à cette hypothèse. Les physiciens ont établi des calculs sur la température actuelle et ancienne du globe, et ceux qui, comme M. Lamont, croient que le noyau ter- restre est métallique et compacte lui attribuent actuellement une température égale, à cause de la grande conductibilité pour le calorique qui est propre aux métaux. Les chimistes sont moins d’accord, parce qu’ils comptent une école où le laboratoire du cabinet est mis au niveau de celui de la nature. Le géologue puise à son tour ses arguments dans ses dépôts ignés , et surtout dans l’origine de la plupart de ses systèmes de montagnes . Ces deux causes modifiantes de la croûte terrestre sont en relation, sans l’être cependant autant que quelques personnes l’ont cru jadis; mais ces deux formations sont , pour ainsi dire , des fonctions de la vie du globe. D’une autre part, les éruptions volcaniques produisent des trem- blements de terre , ou ceux-ci les précèdent et les accompagnent. Il faut donc qu’il y ait une certaine liaison entre ces deux ordres de phénomènes, quoique l’un puisse cependant avoir lieu sans l’autre ; néanmoins il est rare que de grandes éructations volcaniques aient lieu sans aucune oscillation du sol. ïi y a là deux opinions extrêmes, savoir : celle de Fréd. Hoffmann, qui voudrait nier cette concomitance, et cellede M. Dumoulin, qui lie les éruptions de l’île ! de l’Ascension avec des tremblements de terre dans les Mariannes ( C . r. Je. sc. Paris , 1840, t. X, p. 837). Naturellement les petits tremblements de terre restent hors de compte, savoir ceux produits par l’incendie de couches de combustible, par suite de longues pluies, par la pression de colonnes d’eau, de gaz ou d’air atmosphé- rique, par des glissements de rocs ou de terrain, par la plupart des | volcans boueux, etc. Ces accidents n’ont jamais l’étendue des grands ; tremblements de terre ; ces mouvements locaux leur ressemblent | en gros, mais une comparaison soignée les différencie bien. Cer- I tains caractères manquent, comme par exemple les perturbations magnétiques. Néanmoins l’habitude de les placer dans les cata- logues des grands tremblements de terre a reculé de beaucoup le i SÉANCE DU 7 AVRIL 185(5. 4(58 moment où tout le monde reconnaîtra unanimement la véritable cause de ces énormes mouvements des parties solides et fluides du globe. Le rapport des tremblements de terre avec les phénomènes vol- caniques étant adopté, on est obligé d’en admettre aussi lors de la formation des dépôts ignés ; mais ces derniers dénotent un degré plus grand d’activité dans ces périodes anciennes qu’à présent : donc l es tremblements cle terre devaient être aussi plus considérables qu’au - jour d'hui. Quand deux phénomènes naturels sont liés ensemble, une variation en plus ou en moins pour l’un doit amener un ac- croissement ou une diminution pour l’autre. Mais les oscillations violentes du sol produisent non -seulement des fentes, mais encore des soulèvements, des dépressions, des redressements et des ren- versements. Donc, à en juger d’après ce qui se passe aujourd’hui dans nos grandes marées dynamiques du globe, les effets de ces mouvements devaient être autrefois épouvantables. La surface 1 terrestre a dû en devenir toute pleine de bosses, de rides et de trous. Nous voilà déjà à la source de la formation des montagnes et des chaînes , comme de celle des grandes cavités de cette surface. Nous laissons ici de côté, comme nous intéressant moins pour 4 notre thèse, une des causes principales probables des grands sou- lèvements continentaux, comme aussi les dilatations thermiques possibles du sol dans certaines saisons et dans certaines zones (voy. Mallet, V Institut , 18à3, t. XIV, p. 337). A priori on se croirait en droit de penser que la force et la gran- deur des éruptions volcaniques, comme celles des tremblements de terre, ont diminué depuis les périodes géologiques anciennes jus- * qu’à nous; mais ceci ne paraît juste que pour la valeur totale de la force employée à chaque époque, car la production des chaînes jji est un résultat tout particulier de la vie du globe. D’abord, cette action a produit surtout des fendillements, des soulèvements et des dépressions ; la production d’énormes chaînes ne fut point parmi les premiers changements de la configuration terrestre, quoique notre planète ait joui alors de plus de forces virtuelles t! 7 AVRIL 1856. ment celle du N. O. ou de l’E.-O. , mais encore presque toutes j les directions; cependant, pour M. Sàvi, la direction normale unique fut celle N. -S., et pour Pilla, celle du N. -O. -S. -O. ( Mém . Ac. Dijon , 18/i9, p. 79.) M. le docteur de Frantz caractérise les tremblements de terre, surtout composés de beaucoup de chocs, comme une réunion de i cercles partiels d’ébranlements de bas en haut, qui dériveraient j d’autant de foyers d’explosion. Il fonde son explication sur la théorie des mines à poudre, savoir, l’effet des gaz comprimés (28 fahresber. Soldes. Gesseisch Bresl., 1851, p. 35). Si nous ré- fléchissons que pour une onde séismique la direction peut varier de la verticale à l’horizontale ou presque horizontale dans tout azimut nous comprendrons l’axiome de Gay-Lussac, savoir, qu’un choc passant sous terre est suffisant pour produire un trem- blement de terre géographiquement très étendu (Ann. de ch. et de phys 1823, t. XXII, p. /i28). Les explications théoriques con- i duisent aussi à la cause pourquoi certaines contrées passent pour i dés centres de tremblements de terre . Ainsi, en 1082, Remiremont fut considéré comme tel pour une partie de la France. Dans le || grand tremblement de terre de la Calabre, ou du 5 février 1783, j Àspramonte eut cette réputation, et, actuellement, Goinrie en Ecosse, Cornorn en Hongrie, Laihach en Carniole, Brieg en Va- ] lais, etc. (Pour plus de détails, voyez mon Mémoire sur les niées - : ' "si lés d'observer mieux les tremblements de terre ; C. h. Ac. 1. de Vienne, 1851, t. VII, p. 563.) Dans ces endroits de la terre, on a supposé ordinairement des dépôts plutoniques, hypothétiques ou réels; néanmoins l’existence ou la non-existence de ces derniers n’est pas la cause principale de la fréquence des chocs dans ces lieux ; mais leur sol fort fendillé, ou bien une plus petite épaisseur i de la croûte terrestre, y rend l’ébranlement plus commun ou aisé. Lorsqu’un courant électro-magnétique, dans sa direction normale c ou habituelle, est produit avec ou sans beaucoup d’actions chimi- i ques ou tremblement de terre, ce dernier devra devenir surtout sensible dans de telles localités, d’où se propageront des vibra- tions latérales circulaires. Néanmoins ces dernières pourront frap- per le vulgaire plus que le choc normal et tromper sur sa direc- tion, tandis qu’il aura été très général dans les profondeurs du globe et aura suivi à peu près la direction du méridien magné- < tique, tout en ne s’étant fait surtout sentir que dans de tels points de la surface terrestre par des vibrations latérales. Ceci paraît i avoir été le cas dans le tremblement de terre du 17 mars 18/13, en Angleterre. Aucun de nos séismomètres actuels ne donne avis MÉMOIRE DE M. À. ROUÉ. 487 d’une pareille manifestation du passage du fluide magnétique, et M. Perrey n’a pas abordé cette difficulté. Cependant les résultats, même sur les directions de M. Perrey, nous prouvent que la principale direction des grands tremblements coïncide avec le méridien magnétique , ou s’en éloigne fort peu, comme, par exemple, pour le tremblement de terre du 19 fé- vrier 1822 (/. de ch ., Schweigg.y 1822, t. XXXIV, p. 466.) Pour lui, les ébranlements linéaires suivent l’axe des chaînes et le mi- lieu des vallées, ou bien coupent ces lignes sous un angle droit [Mém. cour. Je. Belg ., 1845, t. XVIII, p. 106) ; mais nous expli- quons ceci comme Ramond. Négligeons pour le moment son opinion, probablement fausse, sur cette matière, et employons ces résultats. Nous trouvons, dans ses écrits, que le nombre de directions N. -S, et S. -N. surpasse de beaucoup celle de O. -E. et de E.-O. = 2,78 : 2,11. Dans cer- tains pays pris isolément, ces nombres se rapprochent de l’égalité, ou même le premier reste en arrière du second, ce qui se com- prend alors aisément par la connaissance de la géographie géolo- gique et des systèmes de montagnes. Mais, si l’on ajoute aux directions N. -S. et S. -N. les autres directions dites obliques à l’équateur, savoir, N.-E.-S.-O., S.-E.-N.-O., N.-O.-S.-E,, S.-O.-N.-E. , on obtient une valeur numérique double de celle pour les directions E.-O. et O.-E. = 5,34 ou 5,99 : 2,59 ou 2,11 . D’après notre manière de voir, et avec les changements séculaires des trois éléments du magnétisme, il faut pourtant mettre les di- rections obliques en parallèle avec les déviations de l’élément de déclinaison d’avec le méridien magnétique, et les réunir avec celles N. -S. et S. -N. Si nous avions raison de joindre les tremblements de terre comme un appendice au magnétisme terrestre, nous y trouverions une nouvelle preuve à l’appui de notre opinion. D’autres sont à chercher dans la direction des plus grands tremblements de terre ; or, celle-ci coïncide presque toujours avec le méridien magné- tique, ou bien les chocs ont ébranlé des chaînes ou des vallées courant N. -S. D’ailleurs, M. Perrey lui-même ne donne que cette direction pour la presque totalité des tremblements les plus con- sidérables et les plus fréquents, comme ceux aux Antilles, dans l’ archipel Indien, en Italie, dans l’Amérique méridionale, etc. Donc, on peut presque admettre comme règle que, dans tous les tremblements de terre qui ébranlent en même temps des contrées très distantes les unes des autres y la direction du choc est N. -S. ou S. -N. SÉANCE EU 7 AVRIL 1856. 488 Une autre observation de M. Perrey trouve aussi sa place ici, savoir, qu’on remarque presque autant de directions orthogo- nales avec les méridiens qu’avec les parallèles dans les bassins du Rhône, de la Seine, de la Loire et de la Garonne, tandis qu’au contraire, dans le bassin du Rhin courant N. -S., cette dernière direction prédomine [Mém. cour. Ac, Brux ., 1845, t. XVIII , p. 105). Enfin, M. Hopkins nous vient puissamment en aide, car il fait courir tous les mouvements dynamiques du sol américain environ du N. au S., ou presque dans la direction de la plupart des chaînes de ce continent. M. Rogers trouva le même résultat pour le tremblemeut du 4 juin 1842 aux Etats-Unis ( Proceed . Amer. Philos. Soc., Phih, 1843, t. II, p. 267). (Comparez Alex. Walker, Phil. ma g. , 1833, t. III, p. 426-431, et Obs. de Cony- beare, 1834, t. IV, p. 1-5.) — Mais notre hémisphère est, sous le rapport des directions des chaînes et systèmes de montagnes, presque l’opposé orthogonal du nouveau monde, puisque l’ossa- ture principale de l’ancien court presque E.-O. D’autre part, per- sonne n’a encore bien comparé ces deux hémisphères sous le rap- port des tremblements de terre. On ne s’est même guère assuré s’il y en a qui soient simultanés, et si c’est le cas où se trouvent surtout ces contrées. Néanmoins, il y a des exemples rares de ce genre de coïncidence, comme le tremblement du 5 octobre 1782 en Angleterre et à la Guadeloupe, et celui du 20-21 janvier 1853 à Java et en Suède. Si M. Milne veut n’y voir qu’un accident du hasard, nous ne pouvons nullement partager cet avis [Rep. brit. Assoc . , 1844); et que dirait-il de celui du 5 janvier 1856 à 2 h. à Galatz et à l\ li. à Brieg, Interlacken etAarau? A quelle distance rapprochée doivent avoir lieu deux chocs simultanés, pour que M. Milne lève son veto d’accident du hasard? C’est déplacer la question, qui est seule celle-ci : Est-ce que les trem- blements de terre sont réellement liés à une grande fonction ou propriété du globe terrestre, ou ne sont- ce qu’anomalies locales du repos habituel du sol, environ comme les verrues sur la peau de l’homme, ou les lenticelles sur l’écorce des arbres, vis-à-vis de la vie animale et végétale? Si l’on admet la première supposition, tout grand tremblement de terre, dans quelque lieu que ce soit, peut et doit être rapproché de ce lieu ou de ceux qui sont simultanés dans d’autres endroits, quelle que soit leur distance réciproque. C’est d’après le même principe qu’on ne sépare pas les unes des autres les courants simultanés d’un aimant et provoqués par une même cause. D’après cela, et conformément à notre théorie, il devrait exis- MÉMOIRE DE M. A. ROUÉ. m ter, au contraire, très souvent de pareils ébranlements simultanés dans des contrées distantes, puisque, pour rétablir l’équilibre dans la distribution du fluide magnétique, les courants seront le plus fréquemment multifides ; d’ailleurs ceci est déjà rendu probable par ceux produits par la rotation terrestre. Ces derniers résultats de V induction magnéto-électrique seraient très importants, car ils pourraient peut-être donner la clef pour la production probable des chaînes, qui courent environ E. -O. M. Faraday croit que, si de pareils courants ont lieu réellement dans la terre, ceux à sa surface et dans les parties voisines du plan de l’équateur auraient une direction opposée à ceux près des pôles. L’électricité positive régnerait près de ces derniers, et l’é- lectricité négative à l’équateur. Ensuite on pourrait aussi se de- mander si un autre facteur, dans la production de ces sortes de chaînes, ne serait pas à chercher dans le ridement de la surface terrestre par suite de son refroidissement et de la diminution de son volume intérieur; en conséquence de la rotation terrestre, ces sortes de plissements devraient avoir eu lieu plutôt vers l’équateur que vers les pôles (deFrancq,^w//. Soc.geol. , 1853, t.X, p. 337). S’il reste toujours la particularité du très petit nombre de ces chaînes dans les deux Amériques, néanmoins, à côté de ces deux conti- nents triangulaires ou à 6 faces du type presque pur des chaînes méridiennes, on observe que leur milieu environ est surtout la place des petites chaînes à peu près équatoriales qui s’y rencon- trent. Or, ce serait aussi environ la place des grandes chaînes équatoriales qui impriment leur cachet à tout ce grand poly- gone à dix ou douze faces de l’ancien monde. Donc, il semble- rait que la production de ces derniers vides est en quelque rapport avec le voisinage de t équateur . Revenant aux travaux de M. Perrey, nous choisirons ceux qui nous offrent le plus de résultats utiles à nos recherches. Dans son Mémoire de 18à5 sur les tremblements en Scandinavie , il ne parle qu’en passant de la liaison possible des perturbations ma- gnétiques avec des orages souterrains. Sa conclusion de fréquence est qui en hiver et en automne les tremblements de terre sont plus fréquents que dans les deux autres saisons du milieu de Vannée , et | cela dans une proportion telle, que ceux pendant le printemps et I l'été n atteignent pas meme les trois quarts en nombre des autres j époques. Il arrive à ces résultats pour les chocs éprouvés dans toute mois de décembre et de janvier , ou le solstice d'hiver , montrent tou- jours une prépondérance marquée de fréquence sur les deux mois SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. 490 qui forment une des trois autres époques critiques, savoir, les deux équinoxes et le solstice d’été. Dans son mémoire de 1847 sur les tremblements d’Italie, il trouve que ceux d’octobre à mars sont toujours à ceux d’avril à septembre inclusivement = 4:3 pour l’Europe, et == 6 : 5 pour l’Italie. Ce dernier pays serait le plus souvent et le plus ébranlé en Europe; mais il ne nous en donne pas la raison. La botte ita- lique n’est qu’une mince muraille restée debout entre deux affais- sements considérables ou mers assez profondes. De plus, cette an- tique construction est considérablement lézardée. Où trouver en Europe, si ce n’est en Morée, une masse plus aisée à ébranler? Dans les îles Britanniques, dira-t-on; mais celles-ci sont placées sur une si large base continentale qu’un rehaussement peu consi- dérable suffirait pour mettre à sec presque toute la mer d’Alle- magne. Des considérations semblables servent à rendre compte de la plus grande fréquence des tremblements de terre à Ventre-croise- ment de divers systèrnes de montagnes, comme, par exemple, dans le Valais, les Grisons, à la rencontre des Blue Mountains et Green Mountains aux Etats-Unis, etc. De même s’explique la plus grande fréquence des tremblements de terre tant dans les chaînes fort fen- dillées et soulevées que dans les grandes vallées et les pays plats ou grandes plaines. La terre est ébranlée partout, mais ce mouvement est plus facile et plus grand dans les rides minces de la surface terrestre, où son enveloppe est moins compacte et plus régulière- ment composée. De plus, les hommes apercevront plus aisément ces chocs dans la première configuration du sol que dans la se- conde. Plus les montagnes seront élevées et les vallées étroites, plus les ébranlements seront fortement sentis et funestes, et vice versa. Voilà pourquoi une si grande pas tiedu nord de l’Amérique, avec ses basses chaînes et ses immenses plaines, ne souffre pas plus des tremblements de terre que la Russie d’Europe. Ce malheur ne peut atteindre ces vastes régions que dans les moments de la plus grande fréquence et de la plus grande intensité des ébranle- ments du sol. Dans sa compilation de 1846 sur les tremblements de terre des pays rhénans , M. Perrey revient sur la prépondérance de fré- quence pour le solstice d’hiver, tandis que pour d’autres bassins, comme ceux du Danube et du Rhône, l’une ou l’autre époque cri- tique de l’année prend l’une ou l’autre place de valeur numérique dans ses courbes séismiques. Il pense que la moyenne direction des tremblements de terre est environ celle des bassins, mais il MÉMOIRE DE M. À. BOUÉ. 491 ne veut pas décider si les grandes chaînes comme les vallées éten- dues (probablement les vallées longitudinales) sont ou ne sont pas les axes d’ébranlements linéaires. Sans revenir sur cette discus- sion, il suffira de rappeler que justement ces murailles et ces fossés sont, sur la surface terrestre, les places des plus grandes fentes et de la plus grande irrégularité dans le gisement des solides les uns à l’égard des autres. Ces parties viennent-elles à être soumises à un choc, ce dernier se propagera aisément par vibrations latérales dans ces portions terrestres si bien préparées pour cela. La valeur numérique de l3 effet s'élèvera ou diminuera suivant que l’angle produit au contact du choc avec la ligne de fen- dillement sera plus ou moins droit. Dans son Mémoire de 18A8, M. Perrey a rassemblé avec peine ce qu’on connaît sur les tremblements du triangle illyrique , y com- pris la Grèce. Malheureusement, ses résultats sont affaiblis par deux circonstances : d’abord, ses données sur les pays turcs en général sont trop maigres, tandis qu’il a trouvé dans Pouqueville une source féconde de renseignements pour les phénomènes qui se sont passés pendant une série d’années en Epire. Puis il n’a pas cru pouvoir distinguer divers genres de tremblements de terre. Depuis l’antiquité on connaît les ébranlements de la partie adria- tique de la Turquie en Europe. Ces tourmentes, l’engouffrement de tant d’eau dans des katavothrons, ainsi que le gaz inflammable de la Chimère (Berg., Zeitsch. J. Erdh., Berlin * 185A, t. III, p. 307- 314 , U Agi), voilà, en gros, ce qui a fait placer jadis sous l’Épire un des palais de Pluton. Ces chocs sont réputés périodiques dans ce pays; donc, quoi qu’il- en soit, on comprend combien une série d’observations pour quelques années, dans un tel pays, peut in- fluer sur des conclusions générales, quand on les réunit à d’autres remarques sur des pays où pareils tremblements de terre n’exis- tent pas. Ainsi M, Perrey arrive à la déduction contraire à toutes celles de ses autres monographies, savoir, que la prépondérance de fréquence des tremblements de terre n’y est pas en hiver, mais bien en été. Ces phénomènes paraissent particuliers et locaux, , et, dans tous les cas, ils méritent une considération a part. Presque toujours accompagnés de détonations, probablement de gaz comprimés, leur cause semble liée intimement à de grands dépôts calcaires. Sous forme de calcaires à Nérinées, de craie à Hippurites et de calcaire et de grès éocène à Nununulites, ils se prolongent depuis l’Istrie, le long de toute l’Adriatique, jusqu’en Morée. C’est le grand terrain des cavernes, conduits et fleuves souterrains, comme SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. 492 celui des katavothrons par excellence. En se rappelant la masse de charbon de terre et d’asphalte du calcaire éocène en particulier, on semble avoir déjà, avec des infiltrations aqueuses, les facteurs néces- saires pour s’expliquer ces ébranlements réitérés. Une particularité, c’est qu’une fois commencés ils se renouvellent souvent dans un court espace de temps, pour ne plus reparaître ensuite que dans quelque temps. Une autre est celle qu’ils se font également sen- tir en Dalmatie et en haute et basse Epire, tandis que le bassin plus ouvert du Drin et de la Bojana à Scutari en est presque exempt ; or, les roches plutoniques ne manquent pourtant pas sur cette ligne transversale O.-E., mais les calcaires à Nummulites ne s’y représentent pas; (voy. mon Mém. C. r. A. 1. des se. de Vienne, 1851, t. VII, p. 776). Des observations de physiciens peu- vent seules nous apprendre si la sécheresse ou l’humidité extrême des années a de l’influence sur ce phénomène et sa prétendue pé- riodicité. Les ébranlements sont, du reste, comme dans les grands tremblements de terre, horizontaux ou verticaux ou circulaires; mais leur localisation est si grande, que M. W. Goodison raconte en avoir éprouvé dans une des îles Ioniennes, tandis qu’on n’en avait senti aucun effet dans les autres îles ( Notizen de Froriep, 1822, t. IV, n° 68, p. 36). Il en est de même des chocs et détonations de Meleda et de Raguse. M. Necker de Saussure, ce géologue oublié i du monde malgré son talent d’observation, a présenté, dès 1840, des observations sur la différence des tremblements de terre dans les pays volcaniques, les régions calcaires et celles où prédominent les gypses [Bibl. unie, de Genève , 1840, nouv. sér., t. XXV, p. 332). De plus, je n’ai jamais vu la nécessité absolue de réunir positive- ment aux grands tremblements de terre les ébranlements àessalses ou volcans boueux . Or, ces phénomènes fournissent aussi des ma- tériaux aux collecteurs de tremblements de terre. Ces accidents, ou au moins une partie, rappellent les ébranlements de certaines contrées tertiaires ou miocènes, comme en Murcie (Journ. de géo - logie, 1830, t. II, p. 21), Valachie, etc., et ils sembleraient attachés à la présence de combustibles. Néanmoins, admettant même que nous sommes dans l’erreur, si réellement le commencement de ces opérations à froid dans les volcans boueux devait être attribué ! à la même cause que nos volcans et grands tremblements de terre, au moins il resterait la différence de la durée de ces effets secon- daires ainsi que de leur nature. Dans une comparaison générale des tremblements de terre, ces phénomènes, comme ceux d’Alba- j nie, ne peuvent que former des tableaux à part, car, dans tous les cas, cesseraient des modifications de leur nature habituelle, et MÉMOIRE DE M. A. BOUÉ. h 93 elles dériveraient de formations distinctes tertiaires des calcaires, où le passage du fluide électro-magnétique aurait développé des actions chimiques particulières et locales. Ainsi s’expliquerait la proximité des volcans ou régions volcanisées d’avec les salses de la Sicile, de Java, de Taman, de Bakou, de la Nouvelle-Grenade, i etc. Lorsque ces terrains tertiaires moyens à lignite, sel, etc,, sont loin des pays ou dépôts plutoniques, comme en Valachie et en Murcie, on n’y remarque ^que des tremblements de terre sans salses, mais avec des sources de naphte. D’après son catalogue de 1850 Sur les tremblements cle terre au Canada et aux États-Unis, M. Perrey croit pouvoir y distinguer, depuis le xviic siècle jusqu'à présent , trois grandes périodes de plus grande fréquence, qui sont séparées les unes des autres par des inter- valles d’une tranquillité comparative de soixante-cinq à soixante-dix ans . Quant aux saisons , l’automne et l’hiver y ont une telle pré- pondérance de fréquence, que les tremblements de terre d’octobre j jusque fin mars sont à ceux du 1er avril au 30 septembre comme 2 : 1 ; l’été donne, comme toujours, moins d’ébranlements. Dans le solstice d’hiver règne une prépondérance marquée de fréquence , | et, dans les temps des équinoxes, il y a eu une fréquence plus grande, il est vrai, mais moindre que dans les deux solstices, et seulement un cinquième plus grande que dans le solstice d’hiver. M. Perrey a traité la matière bien plus philosophiquement que de Hoff et Kries ; c’est pourquoi l’on s’étonne de voir M. Mallet s’appuyer encore sur d’anciennes conclusions. Dans une liste des chocs éprouvés en 1853, M. Perrey s’occupe des rapports possibles des tremblements avec la position de la lune à l’égard du soleil et de la terre. Il trouve quatre-vingt-six jours de tremblements de terre dans le temps des syzygies , et soixante-dix-huit dans celui des quadratures . Dans d’autres me- j moires de 1848 , 1853 et 1 854 , il traite encore du rapport de fréquence des tremblements de terre avec l'âge de la lune , ainsi qu’entre cette fréquence et le passage de la lune au méri- dien ( Mém . de Dijon , 1849, p. 10, et C. r. Ac. de P., 1854, t. XXXYIII, p. 112). En 1728, un professeur de Lima avait déjà déduit de 108 tremblements de terre une influence exercée sur les tremblements de terre par les marées comme par les phases diverses de la lune et ses positions dans le zodiaque. En 1845 | M. Edmonds composa aussi un mémoire sur la coïncidence des ! tremblements de terre avec les grandes oscillations dans les océans j et l’atmosphère, ainsi qu’avec les périodes lunaires. Plusieurs des plus terribles chocs ont eu lieu le jour avant le premier quartier ' SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. 494 de la lune ( Cor nw ail polyteehn . Soc. J. et Eclinb. n.phil. /., 1845, t. XXXVIII, p. 271, et t. XXXIX, p. 386). Renvoyant au mé- moire de M. Perrey pour son exposé et ses calculs, je me con- tente de ces dix tableaux, qui le conduisent tous à reconnaître, surtout depuis cinquante ans, plus de tremblements de terre aux syzygies qu'aux quadratures ; mais ce résultat semble contredit par le résumé de son mémoire pour les tremblements de 1854, car il trouve soixante et onze jours de tremblements de terre pour les syzygies, et soixante-dix pour les quadratures [Bull. Ac. Bruxelles , 1855, t. XXII, p. 572). Par d'autres tableaux, il est arrivé à la conclusion que la pro- duction d’un tremblement de terre est influencée par la différence d’attraction exercée par la lune sur la terre dans sa plus grande ou plus petite distance de la dernière. Comme pour les marées, la fréquence des tremblements de terre existait dans le voisinage du périgée de la lune , et diminuait vers son apogée. Enfin, ayant à sa disposition 824 tremblements de terre à Aréquipa, et en sachant le jour et l’heure, il a examiné s’il y avait un rapport entre les fragments des tremblements de terre et le passage de la lune par le méridien supérieur et inférieur, comme dans les >:i marées. 11 trouve que les tremblements de terre sont plus fréquents quand la lune est près du méridien que lorsqu elle en est éloignée de 90 degrés. Le satellite de la terre était trop voisin pour qu’il ne restât pas sans quelque influence météorologique pour nous ; le vulgaire l’a su, pour ainsi dire, avant que le savant ait voulu y croire. Si la lune influe sur la pureté de l’air et sa quantité d’humidité, ainsi que sur ses changements de pression, il était probabler qu’elle aurait aussi une influence sur le magnétisme terrestre, comme l’ont prouvé, dès 1839, les recherches surtout de M. Kreil, dont nous parlerons plus bas. Ayant achevé l’exposé des particularités des tremblements de terre dans presque toutes les directions étudiées jusqu’ici, nous pouvons passer aux aurores boréales , et comparer, avec les tableaux de ces phénomènes, ceux semblables de M. Perrey sur les trem- blements de terre. 11 est singulier qu’il ne l’ait pas fait lui-même. Il ne donne qu 'une seule coïncidence de ces deux accidents natu- rels. Le 31 août 1841, il y eut dans l’Oural un tremblement de terre accompagné d’un ciel fortement coloré en rouge avec des étincelles, et, plus tard, les lueurs devinrent jaune orange, et il survint une pluie ( C . r. A. d. sc. P., 1843, t. XVII, p. 623); néanmoins ses catalogues en relatent plusieurs autres, tels que le MÉMOIRE DE M. A. BOUÉ. /l95 4 novembre 1704, le 20 mai 1737, le 3 septembre et le 10 octobre 1750, le 2 janvier 1756, le 29 novembre 1840 et le 25 février 1846 (avec perturbation magnétique). Les 19-20 octobre 1848, il y eut, à la Nouvelle-Zélande, un tremblement de terre et une aurore boréale [Jiep. brit. A s soc. , 1851, p. 74). Un premier fait important, c’est que les deux phénomènes signa- lent une certaine périodicité et paraissent souvent liés , surtout dans leur plus grande intensité, avec des changements météorologiques ou dans le temps . Pour la fréquence séculaire des tremblements de terre , nous ne possédons encore que trop peu de séries géographiques et chro- nologiques, dont les observations soient nombreuses et exactes ; néanmoins le peu que l’on sait sur les grandes périodes des trem- blements de terre paraît coïncider avec celles des aurores bo- réales. Les trois grandes périodes de plus grande fréquence des tremblements de terre depuis le xvne siècle, d’après M. Perrey, se j trouvent exactement parmi les 25 grandes périodes de grande fréquence des aurores boréales depuis 502 avant Jésus-Christ jus- qu’à présent, d’après Hansteen [Bull. Am. Bruxelles , 1854, t. XXI, j p. 136 et 303), savoir : la 23e période dans le xvne siècle, la 24e pé- riode de 1707-88, et la 25e période actuellement. M. Perrey estime, pour les tremblements de terre, les intervalles de tranquillité comparative de soixante-cinq à soixante-dix ans ; Hansteen, pour les aurores boréales, de soixante â quatre-vingt-dix ans; et Olmsted [Americ. J . oj sc., 1851, Edinb. n. phil. J. , 1851, t. Y, p. 297) estime toutes les périodes à soixante-cinq ans, savoir : vingt à vingt-deux pour la grande fréquence et quarante-six pour le reste du temps. Quant à la fréquence annuelle et mensuelle , ce sont des éléments déjà plus comparables. Néanmoins, on s’aperçoit tout de suite que l’on met en parallèle deux phénomènes difficiles à comparer. Les aurores boréales sont des lueurs, mais de telles émanations électro-magnétiques peuvent s’élever continuellement du globe sans que nous les apercevions toujours, car nous voyons seulement celles qui sont lumineuses ou qui atteignent de hautes parties de j l’atmosphère, tandis que les plus fortes, même invisibles, nous | sont indiquées par les oscillations inusitées dans l’aiguille aiman- tée. Au Groenland , dans le nord de la Scandinavie , les aurores boréales sont dites quotidiennes en hiver, quoiqu’elles ne soient j pas toujours visibles, ou soient cachées par les nuages. En Lapo- I nie, M. Bravais et ses collaborateurs ont pu observer 150 aurores boréales dans deux cents nuits, et, sur les cinquante-quatre autres SÉANCE DU 7 AVRIL 185(). m nuits, quatre ont été seules claires. D’après mon catalogue clés ! aurores boréales ( C . r. A. I. de Vienne , 1856, t. XVIII), de sep- tembre 1838 à avril 1839, chaque mois n’aurait présenté que, tout au plus, cinq ou six nuits sans aurores boréales ; or, chaque mois, il y a des nuits pluvieuses, un ciel nuageux ; cela prouve la nécessité d’ajouter la météorologie aux catalogues. Il y a de même des contrées, comme dans les Andes ou en Europe, entre le 36e et le 42e degré de latitude (Perrey, Mém . Ac. Dijon , 1847, p. 305), où les tremblements de terre sont , pour ainsi dire, quotidiens ou en permanence. Mais, dans ce cas, la cause en est surtout à une série longue d’actions chimiques, dont le commencement et les reprises en vigueur peuvent avoir été provoquées par le passage de courants i magnétiques. D’une autre part, je regarderais comme une folie j de croire qu'à chaque choc répond une aurore boréale au pôle. Ainsi des infiltrations aqueuses peuvent, par exemple, expliquer une i grande partie du moins de l’excessive fréquence des tremblements d de terre au Chili, etc. Ce ne sont donc pas les chocs isolés, mais d seulement les grands paroxysmes des tremblements de terre, que l’on peut mettre en parallèle avec les aurores boréales. Mais cela \ demandé* la connaissance détaillée du premier phénomène sur i tout le globe. Or, nous sommes loin encore de l’avoir ; telle est la difficulté du moment actuel. D’une autre part, probablement la terre est ébranlée souvent , sans 1 que nous nous en apercevions. Nos sens sont trop grossiers, nos instruments trop imparfaits, ou ceux qui pourraient nous déceler ces ! secrets ne sont pas en usage depuis assez longtemps. Néanmoins on i objectera qu’au moins la comparaison est faisable pour les grands ! tremblements de terre ; cela peut être, mais cela n’exclut pas la possibilité d’aurores boréales sans tremblement bien sensible, ni celle d’ébranlements assez forts pour être sentis sans aurores bo- réales visibles. Sous ce point de vue, notre parallèle restera im- parfait tant qu’on n’aura pas fait plus de progrès dans la connais- sance des deux phénomènes ; mais c’est aussi pour cela qu’il ne faut pas se décourager trop vite et les séparer tout à fait. Si ces différences étaient générales et se vérifiaient dans toutes les direc- i tions, mon parallèle serait à rejeter ; mais^ comme ce n’est pas le i cas, il vaut mieux chercher si des circonstances secondaires parti- , culières ne produisent pas seules ces points de divergence. Dans les tremblements de terre , le solstice cV hiver a une prépon- dérance de fréquence sur les trois autres époques critiques : dans le solstice d’été est la moindre fréquence, et dans le temps des équi- J MÉMOIRE DE M. A. ROUÉ. 497 noxes une fréquence un peu supérieure, mais plus petite que lors du solstice d’hiver. Dans les aurores boréales , leur nombre , au moins en Scandinavie, est plus petit aux environs du solstice d’hiver que vers les deux équinoxes, de manière que Hansteen admet meme deux maxima de fréquence au temps des équinoxes et deux rninima au temps des solstices. Il ajoute que le minimum, dans le solstice d’été, est tel, que dans les derniers seize ans aucune au- rore boréale n’a été remarquée en juin, et que de 1739 à 1762, sur 782 aurores boréales, une seule a eu lieu dans ce mois. Donc, on en déduit au moins une correspondance bien marquée , au moins pour le solstice d’été et le mois de juin, car ce dernier est, d’entre tous, celui qui, dans tous les temps, a présenté le moins de trem- blements de terre. Le manque de concordance entre la différence au solstice d’hiver et aux équinoxes peut avoir plusieurs causes. Cela peut bien aussi résulter, en partie, de circonstances qui per- mettent de voir ou de ne pas apercevoir les aurores boréales, ou bien de celles qui les rendent lumineuses; puis cela peut dépendre du genre hétérogène des tremblements de terre qu’on réunit pour le solstice d’hiver. Ces différences peuvent disparaître, s’il y a vraiment des ébranlements de différentes espèces, c’est-à-dire si les uns sont des chocs dans les profondeurs de la terre, des appen- dices aux fonctions du globe, et liés intimement à l’état magné- tique et thermique du globe, tandis que les autres ne seraient que des effets dans son enveloppe extérieure, par suite de cer- taines saisons et de leur météorologie particulière. Si l’on compare la fréquence mensuelle des aurores boréales , pour une série d’années, avec celle des tremblements de terre , on remarque une concordance générale entre les tableaux des aurores boréales de Mairan, Bertholon et Muncke, et ceux pour les tremblements de terre de M. Perrey, depuis le ive ou vme jusqu’au xixe siècle, dans l’Europe septentrionale, l’Asie boréale et l’Europe occiden- tale (p. 93 et 9à), ainsi que pour huit différents bassins (p. 28) et le sud-est de l’Europe (p. 63). Je n’entends pas parler d’une corres- pondance numérique exacte, mais seulement d’une proportion numérique mutuelle assez semblable entre les nombres attribués aux deux phénomènes dans les divers mois des années. En com- parant les tableaux de Perrey avec ceux de Hansteen pour les aurores boréales, les plus grandes différences numériques tombent en février et mars ainsi qu’en septembre et octobre. Mai, juin, juil- let et meme août restent , comme toujours , les mois où la fréquence des deux phénomènes est la moindre. Déplus , ils paraissent meme tous deux des raretés en juillet , et tout particulièrement en juin. Soc. gèol. , 2e série, tomeXIII. 32 SÉANCE BU 7 avril 1856. 498 Si I on choisit des séries séculaires isolées pour ces deux phéno- mènes, on obtient de nouveau, pour quelques mois, les mêmes valeurs numériques ou des valeurs approchantes, par exemple pour le xviie siècle, etc. Néanmoins, il ne faut pas attacher beau» coup d’importance à de tels résultats, parce que, plus Ton s’éloigne de l’époque actuelle, plus les observations deviennent incertaines, et moins leur nombre connu représente probablement la réalité. La comparaison des observations mensuelles de tous les deux phénomènes conduit au résultat frappant, qu 'au moins un tiers ont eu lieu le même jour , et quelquefois même à la même heure. J’ai choisi la période de onze ans, de 1837 à 1847, parce qu’elle est ! plus voisine de nous, et surtout parce que les observations relatées sont plus exactes qu autrefois, de manière que moins de phéno- mènes auront pu échapper au contrôle du physicien. Néanmoins les notes sur les tremblements de terre restent toujours en désa- vantage comparativement aux observations sur les aurores bo- réales, parce qu’on ne puise trop souvent les premières que dans des rapports de journaux. De 1837 à 1847 , MM. Hansteen et Herrick observèrent 351 aurores boréales, et M. Perrey relate 457 tremblements de j terre. Dans ce nombre, quarante-sept de ces deux phénomènes correspondent pour le jour, et cinq pour l'heure dé observation , tan- dis que plus de cinquante autres offrent au moins une correspon- dance approximative, parce que la différence du temps ne s’élève qu’à un ou deux jours. Si j’établis la même comparaison avec mon cata- logue d’aurores boréales, je trouve, pour quatre cent cinquante-sept tremblements de terre, huit cent soixante-douze aurores boréales, parmi lesquelles plus de cent correspondent pour le jour , et plus d 'une douzaine pour l'heure des phénomènes , en même temps qu’une autre centaine montrent une approximation de correspondance pour le jour. De cette manière, presque la moitié des tremblements de terre auraient eu lieu simultanément avec les aurores boréales ; mais la moindre coïncidence des deux phénomènes existe pour le mois de juillet, et, en général, pour les mois d’été de juin, juillet et août, où les aurores sont plus rares, ou souvent invisibles. Si les deux phénomènes sont vraiment liés, il faut prendre en considération qu’ils ont tous les deux, à l’ordinaire, une durée de plusieurs jours, quoiqu’il soit possible qu’on ne les remarque que dans les instants de leur plus grande intensité. Ceci est surtout bien constaté pour les aurores boréales ; quelquefois nos séismo- mètres n’ont pas encore parlé si distinctement pour les tremble- ments de terre, tandis que des perturbations magnétiques nous MÉMOIRE DE M. À. BOUÉ. 499 ont démontré l’existence d’aurores boréales non relatées (18 avril 1842 à Parme, etc., etc.). D’ailleurs, il peut y avoir ébranlement faible du sol sans que nous le sentions. Ainsi, il semblerait qu’on serait en droit de pousser encore plus loin les limites d’une cor- respondance approximative, et de les étendre à deux, trois ou même quatre jours de différence pour le temps. Un fait positif, c’est que, en général, en toute année , les mois à tremblements de terre nombreux ou très forts ne sont presque jamais sans aurores boréales visibles ou éclatantes . Naturellement, quand on compte dix ébranlements dans l’heure et cent cinquante dans les vingt- quatre heures, on n’a besoin, pour la production de cette masse d’oscillations, que d’une aurore boréale forte, car, comme nous l’avons expliqué, l’action chimique une fois provoquée, elle em- ploiera plus ou moins de temps pour conduire l’opération à sa fin, et il en pourra résulter une série de chocs. A fortiori , il faut employer cette hypothèse pour se rendre compte de ces tremble- ments de terre qui durent des mois, et même des années, comme au Chili, dans le pays de Naples, etc., ou pour ceux de l’Albanie et de la Dalmatie, où quelquefois quatre à cinq chocs se succèdent toutes les trois heures. A Raguse, par exemple, les chocs durèrent de septembre 1843 à août 1844. Tous ces pays sont dans le voisinage de la mer; l’eau peut ainsi s’infiltrer dans le sol, surtout lorsqu’il oscille et se fendille si sou- vent, et alors le réveil des affinités chimiques ou des pressions de colonnes aqueuses ou de gaz comprimés deviennent des phéno- mènes incessants. Les chocs, les détonations, etc., en sont la consé- quence. Mais nous revenons ici à notre connaissance imparfaite de la plus grande partie des circonstances essentielles d’un trem- blement de terre, ainsi qu’à la réunion irrationnelle de tremble- ments de terre locaux et généraux. Ainsi on trouve, parmi ces derniers, même de purs glissements de terrains. L’observation que cette correspondance n’est qu’un accident du hasard , n’est pas valable, parce que le nombre des coïncidences est trop considérable, il est vrai que la probabilité de la correspon- dance est en raison directe du nombre croissant des obser- vations ; mais, pour pouvoir admettre cette objection, il fau- drait qu’aucune correspondance des deux phénomènes ne pût être aperçue , sous aucun rapport ou dans aucune direction. D’une autre part, je la trouve valable pour les cas où certains lieux offrent une coïncidence bien plus forte des deux phéno- mènes qu’ailleurs. Ces points sont ces contrées très souvent ébran- lées, et réputées les centres de tremblements de terre. Si les 500 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. aurores boréales sont presque quotidiennes, au moins pendant certaines parties de l’année, et que des chocs soient habituels dans un lieu, la probabilité d’une coïncidence sera tellement augmen- tée, que le résultat de la comparaison devient nul si l’on n’a pas égard à nos distinctions fondamentales. De semblables raisons m’engagent aussi à attacher plus de valeur à une coïncidence horaire pour les deux phénomènes , parce que les aurores boréales durent presque toujours plusieurs heures. Mais il y a encore d'autres circonstances accessoires très carac- téristiques pour nos deux phénomènes coïncidants. Quand il y a une correspondance pour le jour, ou même pour l’heure, les deux phénomènes sont, à l’ordinaire, très forts: on observe de grandes perturbations magnétiques, l’atmosphère et la nature sont tour- mentées par de terribles ouragans ; le baromètre atteste, par ses oscillations et ses dépressions considérables, des variations énor- mes dans la pression aérienne; des détonations, des bruits, des sifflements se font entendre ; des phénomènes électriques s’obser- vent dans l’air, des plaques ou des bandes rouge de sang ou jaunes dans le ciel, etc., etc. Lors du tremblement de terre du 2 janvier 1756, tout le ciel fut, pendant treize minutes, plein de flammes, qui s’étendirent de l’E. à l’O. et se dirigèrent plus tard vers le N. Du moins, dans les pays les plus voisins du pôle arctique, les aurores boréales sont souvent suivies de changements considé- rables dans le temps, -ce qui est aussi le cas pour les pays à trem- blements, comme aux Antilles. Quant au bruit des tremblements de terre , on ne sait pas encore bien son origine ; si le sifflement paraît provenir quelquefois de l’échappement de gaz, d’autres fois il simule une détonation gazeuse ou électrique, de manière à ne pas exclure la possibilité de quelque analogie avec le bruit particulier du fluide magnétique dans les aurores boréales en Scandinavie et dans le Groenland. Pour ce qui concerne la direc- tion des ébranlements du sol , leur direction normale N. — S. ou S. — N. , au moins pour tous les grands et les plus terribles , tels que ceux de 1783 en Calabre, de 1755 à Lisbonne, etc., est une cir- constance qui concorderait avec la cause des aurores boréales. JNous | renvoyons à l’explication donnée pour les autres directions des ébranlements, qui, au premier abord, paraissent étrangères aux lueurs polaires. La lune a une influence sur la météorologie et le magnétisme terrestre. Cette influence, semblable à celle du soleil, n’en diffère que proportionnellement à la différence de la grandeur et de l’éloi- gnement de ces deux astres de la terre, ainsi que par rapport à I MÉMOIRE DE M. A. BOUÉ. 501 leur contraste en température et en lumière. Si les aurores boréales ne sont réellement que les révélations visibles du fluide magné- tique de notre globe, la lune doit avoir une influence particulière sur leur apparition. Or, cela doit être aussi le cas pour les tremble- ments de terre, si vraiment ces derniers ne sont que des phéno- mènes concomitants du passage du fluide électro-magnétique dans les profondeurs du globe ou un résultat postérieur de ce dernier. Ainsi s’expliquent les conclusions auxquelles M. Perrey croit être arrivé sur l’influence des phases de la lune, sur la fré- quence des tremblements de terre lors des syzygies, tandis que, j pour les aurores boréales , le maximum de fréquence est dans le temps de /’ apparition, et le minimum dans celui de la conjonction . Naturellement il faut bien tenir compte de l’influence modifiante qu’exerce le différent temps du lever de la lune avec l'heure du maximum de fréquence pour les aurores boréales visibles. Or, cette conclusion se trouve être juste la loi des variations magnétiques j (Brown, Proceed. r. Soc. Edinb., 1850, t. Il, p. 39, p. 3ÙÙ, j Americ. J. of sc., 1851, et t. Vif, p. \UÏ). Déjà, en 1803, Ritter ! avait trouvé un maximum de fréquence des aurores boréales pour le temps où V obliquité de l'écliptique passe par sa valeur moyenne , ou quand le nœud ascendant de l’orbite de la lune a une longueur de 3 à 9 pieds (Gilb., Ann. phys ., 1803, t. XXV, p. 206). Enfin Mairan prétend que la fréquence des aurores boréales est deux fois plus grande quand la terre est au périhélie qu'à l'aphélie. Il reste encore à étudier les tremblements de terre sous ces rapports et à s’expliquer les divergences, si par hasard il s’en élevait. Maintenant je vais rappeler les principales propriétés du magné- tisme terrestre , parce qu’elles dénotent des correspondances avec les aurores boréales et les tremblements de terre, et sont liées d’autre part intimement avec la météorologie du globe, et en particulier avec la distribution et les variations de sa tempéra- ture (1). D’abord une certaine périodicité séculaire et annuelle caractérise aussi bien les phénomènes magnétiques réguliers que leurs perturba- tions. Or, cette périodicité paraît correspondre avec celle des (1) Voyez Ampère, Edinb. phil. J 1821, t. IV, p. 435. — Bar- | low, Lond. phil. Tr ., 1827, t. CXVII, p. 2, m. 8. — Hansteen (Ch.), | De mutationib. quas subit momentum virgœ magnet. partira ob tem- porisa partira ob temperaturœ mutationibus ; Christ. 1 842. — Lieut., Maury, Probable relation between magnétisai, arul the circulât, of the atmosphère , 1 851 , 4°. 502 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. aurores boréaies et aussi avec celle des tremblements de terre, autant qu’il est possible de l’entrevoir jusqu’ici. En 1821, Hans- teen avait déjà prouvé que l’intensité magnétique terrestre était soumise aussi bien que la déclinaison à des variations annuelles et quotidiennes, et il a communiqué les m anima et minima de ces périodicités ( Edinb . phil. J., 1820, t. IV, p. 293 ; Ann. de ch. et de phys ., 1821, t, XVII, p. 326, et Nyt ma gaz. for Naturvid., 1839, t. II, p. 207-240). Le minimum absolu de l'intensité est pcn- j dant l'hiver , et le maximum en été, tandis que le maximum de fréquence des aurores boréales est en hiver et le minimum en été . ; Les changements périodiques séculaires pour l’intensité sont en- core à l’élude, mais la géologie et l’abaissement de température de l’intérieur du globe et de sa masse entière les rendent vrai- semblables. V influence de la température sur l'intensité des forces magné- tiques, ainsi que sur leurs variations journalières , est un axiome scientifique (Christie, Lond. phil. Tr . , 1825; Edinb. n. phil. /., 1826, t. XIV, p. 140; Ann. of phil., 1825, t. XXVI, p. 452). Il en est de même pour son influence sur les lignes isodynames (Kup- fier, Ann. de Pogg., 1829, t. XV, p. 190). Brewster et d’autres physiciens, comme Muncke, etc., ont reconnu Y identité des iso- thermes et des isodynames, ainsi que Y analogie des isothermes et des points centraux magnétiques [Tr ans . Edinb. Soc., 1821, t. IX, p. 224). Hansteen a exposé la coïncidence des lignes isoclines ma- gnétiques avec les isothermes (/. de ch. Schweigg., 1826, n. s ., t. XVI, p. 208). Les autres mouvements séculaires découverts dans l'équateur ma- gnétique, ainsi que les variations séculaires des trois éléments magnétiques , correspondent probablement avec la formation des chaînes des systèmes de montagnes dans leurs différentes directions , et sont liées de cette manière avec les tremblements de terre, par ceux-ci avec les aurores boréales. Cette liaison a donc dû avoir lieu dans tous les temps. Aussi, dès 1830, Necker de Saussure fit observer lesl rapports intimes entre les lignes isodynamiques et la stratification, ainsi que la direction des principales chaînes du globe [Bibl. univ. de Genève, t. XLIII, p. 166-180). En 1826, ie docteur T.-J. Seebeck reconnut les relations de correspondance entre la polarité magnétique , la position de l’équateur magnétique et les changements des lignes cle déclinaison avec la place des grandes lignes des volcans , ainsi que des dépôts et clés filons métallifères [Ann. phys. Pogg., 1826, t. VI, p. 280-286; Bull, de Fér., 1829, t. XVI, p. 175). M. le docteur Hopkins a détaillé cette MÉMOIRE DE H. A. BORÉ. 503 idée pour FAmérique et l'Europe, et Fa rendue surtout bien sensible pour le royaume britannique par une planche ( Con - nect. of geo l. with magnet. , 1 84^1- et 1851, pl. VI). M. Robert Were a aussi montré la coïncidence de quelques filons avec le mé- ridien magnétique.-^ tandis que d’autres coupent ce dernier sous clés angles distincts ou définis ( Phil . ma g. , 1829, t. VI, p. 17-21). En 1847, l’ingénieur Melloni se posa la question si le magnétisme terrestre ne pourrait pas être en quelque rapport avec les change- ments de V altitude des continents [Bibl. univ. de Genève , 1847, t.V, p. 330; l'Institut , 1847, p. 368). En 1848, M. Rob. Mallet parla de mouvements séculaires et quotidiens de la croûte terrestre (Soc. géol. de Dublin). Enfin, en 1849, je mis en parallèle les chaînes dites équatoriales avec les isodynames magnétiques , et les chaînes parallèles aux méridiens ou coupant obliquement l'équateur avec les lignes magnétiques de déclinaison ( C . r. Ac. des sc. de Vienne , 1849, p. 283). Si nous avons la certitude d’un effet exercé sur le magnétisme du globe par les corps célestes, et surtout le soleil, nous remar- quons sur la surface terrestre de petites variations magnétiques locales.. Comme l’aiguille aimantée est affectée sur un navire par son armature ou sa cargaison, de même il lui arrive dans certains pays (Baudouin, C. r. Ac. P., 1837, t. I, p. 73, et Fournet, Ann. Soç. Lyon , 1848, t. II, p. 143) , où il y a des montagnes ou des roches particulières , des métaux , ou bien des anomalies locales de température. Ainsi Aï. R. Were Fox a publié un mé- moire sur les perturbations magnétiques par un réchauffement partiel et sur les rapports mutuels du magnétisme de la structure géologique avec les courants thermo-électriques terrestres (Lond. roy. Soc., 1832, 3 et 10 mai). AS. Kreil nomme ces perturbations tout à fait locales par rapport à la déclinaison appartenant géogra- phiquement à ces localités . Des pôles secondaires (ses Nebenpole ) les produisent, et peuvent ainsi renforcer ou diminuer localement l’influence du pôle principal ou normal (Mém . Ac. I. de Vienne , 1849, t. I, p. 309). De cette manière, on peut se former des échelles de perturbations du S. au N. pour les différents pays et j continents, comme on peut en construire de semblables de l’E. à I FO. pour les périodes ou heures de la journée. Une autre influence déjà plus générale est celle de l’altitude | absolue et de la configuration géométrique de la surface terrestre sur le magnétisme). Le magnétisme diminue avec la hauteur comme la température , et peut-être cette diminution suit-elle comme les attractions magnétiques la loi inverse du carré des 504 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. distances. Néanmoins, d’après M. Kreil, cette diminution serait à peine sensible avec nos instruments actuels imparfaits , du moins pour lJ intensité horizontale , jusqu à une hauteur de 1399 toises . De grandes chaînes ont une influence marquée sur les phéno- mènes magnétiques et la direction des lignes isodynames (Phil- lips, Brit. Assoc ., 1836; Eclinb. n. Phil. J., t. XXI, p. 366; Locke, Americ. Assoc., 1841; Americ. J. of sc., 1841, t. XLI, p. 171 ; Obs. on terrestre magnétisai , avril 1852, in-4°). M. Kreil nous a démontré cela d une manière fort claire pour les Alpes, savoir pour la déclinaison, X inclinaison, X intensité horizontale , et même pour X intensité de la force totale magnétique, ce qui était plus difficile ( Mém . Ac. d. sc. Vienne, 1850, t. I, p. 265-310, et 1854, t. X, p. 46). M. le docteur Lamont a été amené par ses cartes magnétiques, pour l’Allemagne et la Bavière, à reconnaître une liaison des plus importantes entre les courbes magnétiques et les inégalités de la surface terrestre , ainsi que les formes des continents. Ces courbes montrent une grande régularité ; mais çà et là il y a un district de perturbation où alors la courbe subit une flexion. Dans tous les districts de perturbations, les courbes sont modifiées de la même manière, et chaque district de déviation a pour toutes les perturbations un centre commun ; donc, toutes les perturbations proviennent d’une même et seule force. Le calcul mathématique démontre que dans chaque district de perturbations un surplus de magnétisme sud est en action, tandis que cette force modi- fiante est liée probablement au magnétisme terrestre de la ma- nière suivante. Dans l’intérieur du globe est un noyau magnétique qui attire nos aiguilles aimantées et règle leur direction et leur force. Le noyau terrestre magnétique a son pôle sud dans l’hémi- sphère boréal. Dans les districts de perturbations est un renforce- ment de la force ordinairement présente, ou en d’autres termes des points isolés du noyau terrestre exerçant une plus grande action sur l’aiguille. Or, ces derniers ne peuvent être autres que les par- (1) Foster (Capit. ), Lond. roy. Soc., 4 828, lOjan. — Kuplfer, Voy. à l’Elbrouz, \ 830, Bull, de Fér., sc. nat., 4 834 , t. XXYI, p. 26. — Forbes, Brit. Assoc,, 4 836; Eclinb. n. phil. /., 4 836, t. XXJ, p. 336; Phil. mag. , 4 836, t. X, p. 261; 4 837, t. XI, p. 263; Amer . J. of sc., 4 837, t. XXXI, p. 369 (pour 3000 pieds anglais de hau- teur, 0,004 moyenne diminut. d’intensité magnétique), contredit pour la Colombie par Boussingault, C. r. A. d. sc. P., 4 837, t. IV, p. 93. MÉMOIRE UE M. A. BOUÉ. 505 ties les plus hautes du noyau terrestre qui sont plus près de la surface du globe, et dont l’état en bosse ou la proéminence doit déjà faire développer un surplus de force magnétique d’après les lois connues du magnétisme. D’après le professeur Jameson ( Mem . JVerner. Soc. Ed ., 1814, t. Il, p. 221) et M. Lamont, comme dans la théorie de M . de Hauslab, la terre aurait un noyau métal- lique compacte (1) ou traversé de filons nombreux métalliques au moyen d'une nature voisine des fers météoriques, et possédant toutes les propriétés de nos aimants communs d’acier. Cette masse serait peut-être composée principalement de fer, de nickel et de cobalt, dont le poids atomique, la pesanteur spécifique et le volume atomique, ainsi que le magnétisme, offrent peu de différences. Ce noyau est recouvert par une enveloppe mince de matières plus ou moins désagrégées ou mal liées, telles que des couches de roches dures ou tendres, de métaux oxydés, etc. , etc. (2). Chaque côte de ce noyau, probablement polyèdre à beaucoup de faces, exercerait une influence proportionnée à sa grandeur lors- qu’il approche de la surface terrestre, et change ainsi plus ou moins le cours des combes magnétiques. Mais si les irrégularités de ces dernières sont produites parles chaînes et les proéminences ou bosses de la surface, la configuration de celles-ci sera donc donnée exactement par une carte magnétique. Bref, la formation des systèmes de montagnes est en rapport immanquable avec la forme du noyau, et pour cela les figures des continents coïncident ou correspondent d’une manière étonnante avec les courbes de déclinaison magnétique et les isodynames (Bull. Ac. de Bavière , CL math, et phys . , 1854, 9 déc.; Ann. phys. Pogg., 1855, t. XCV, p. 476-481). Quant aux rehaussements et dépressions périodiques séculaires de la croûte terrestre, si l’on pouvait accorder au noyau terrestre une certaine mobilité restreinte, il devrait pousser dans un certain ordre périodique contre la croûte terrestre les matières encore pâteuses qui l’encroûtent. Dans l’hémisphère austral, le magnétisme est plus fort, plus (1) Comparez Maindert Semeyns; ouvr. holland. trad. en ail.; A us d. IVirkung der magnet. Hergelut. Abh. v. d. inn. Beschajfenh. d. Erdkugel, Nuremb. , 1764, in-4. Steinhaueser plaçait un noyau mobile dans la terre, Ann. phys. Gilb. , 1 817, t. LXVII, p. 393; 1 81 9, t. LXI, p. 75; Mollweide, t. LXII, p. 422; Chladmi, dito , t. LXI, p. 75. (2) Déjà en 1798, Dolomieu parlait d’une fluidité pâteuse inté- rieure, et liait le magnétisme et la propagation des tremblements de terre (J. de phys., t. XLYI, p. 409). — Deluc, Lettres sur la phys. de la terre , 1 798, p. 1 02. 506 SÉANCE 1)U 7 AVRIL 1856. condensé ou plus près de la surface terrestre que dans l’hémi- splière boréal. La plus grande intensité australe surpasse d’un tiers la plus grande boréale ; d’une autre part, l’intensité n’est pas égale dans tous les méridiens, et il y a dans la zone équato- riale deux pôles de la plus petite intensité qui tous deux tombent dans les océans, savoir : l’un près de Sainte-Hélène, et l’autre presque à l’antipode dans le Pacifique. Avec ces pôles est en liai- son la déclinaison qui, sur la moitié africaine et européenne, est plus ou moins ouest, et sur la partie américaine-asiatique plus ou moins est. Une contrée de l’Asie orientaic forme la seule excep- tion, parce qu’on y remarque une déviation ouest moindre. Entre les deux hémisphères ainsi caractérisés court la courbe sans dévia- tion. Enfin l’intensité ne correspond pas avec l’inclinaison ma- gnétique, comme la théorie le demanderait pour une distribution régulière du magnétisme. La plus grande intensité ne coïncide pas avec le pôle magnétique, mais bien avec un point 20 degrés plus au sud et environ sur le même méridien (lat. -j- long. 279° de l’île de Fer). Un second point de plus grande intensité se trouve en Sibérie (lat. +71°, long. 138°). Dans l’hémisphère aus- tral, la plus grande intensité serait tout près du pôle magnétique (Lamont, Erdmagnetism us , 1851, p. 261-263). Comparez aussi le mémoire de L. C. H. Vortisch sur la configuration géologique en rapport avec les lignes isodynames, isogones et isothermes, et les deux pôles de froid [N. A et. Ac. nat. 185&, t. XVII, pl. II, p. 707). Ces particularités géographiques du magnétisme terrestre sont inexplicables jusqu’ici, mais elles peuvent et ont une influence marquée sur certaines particularités des courants magnétiques ; donc elles en auront aussi une sur les tremblements de terre et leur direction. Ceci est démontré suffisamment par la déclinaison et l’inclinaison. Si la forme générale des grands con- tinents se modèle à peu près sur la ligne sans déviation, la géo- graphie générale magnétique du globe pourrait bien être en rapport avec la prédominance des mers dans l’hémisphère austral et celle des continents dans la moitié terrestre boréale, ainsi qu’avec la position étirée du N. au S. des deux grandes terres émergées du globe entre deux immenses océans. Toutefois, il faudrait accorder pour cela certaines formes géométriques au noyau terrestre compacte, et le placer un peu obliquement et d’une manière excentrique dans l’intérieur de notre planète. Les perturbations magnétiques se propagent sur toute la croûte terrestre dans un temps pour ainsi dire incommensurable ; néan- moins elles ne sont pas aperçues partout de la même manière , de MÉMOIRE DE M. A. BOUÉ. 507 sorte que, même dans les lieux voisins, on observe dans le même moment, non pas seulement différents mouvements dans les aiguilles, mais même des perturbations totalement différentes. Cela provient de la nature et de l’origine de ces orages magné- tiques, ainsi que de la position géographique et de particularités toutes, par exemple, minéralogiques. Il en est à peu près de même pour les tremblements de terre, et cela doit être s’ils ne sont qu’un effet secondaire du rétablissement de l’équilibre ma- gnétique. Les points où on les ressent simultanément forment les lignes coséismiques de M. Mallet. En voici des exemples, savoir : celui du 13 janvier 180Ù en Espagne et Hollande ; celui du 29 no- vembre 18Ù0 à Bruxelles et à Constantinople ; celui du 10 décembre 1850 à Naples, en Sibérie et aux Moluques; celui du 21 décembre •1855 dans les Abruzzes, en Illyrie et en Ecosse; celui du 5 janvier 1856, à deux heures a. m., à Galatz, et à quatre heures à Briegen Valais, etc. Ils s’étendent quelquefois sur des espaces énormes du globe. Ainsi celui de 1783 fut senti de l’intérieur de l1 Afrique par le Portugal jusqu’en Norwége et au Groenland; un autre se pro- longea de l’Islande en Pologne et dans e nouveau monde ; le côté atlantique et surtout pacifique est souvent ébranlé dans une direc- tion presque N. -S. ou S.-IN. simultanément dans le nord et le sud de l’Amérique (Soliy (R.), Edinb . n. phil. J ., 18à5, t. XXXVII, p. 183). En novembre 1783, il se présenta la circonstance cu- rieuse que le 1er novembre le bord occidental de l’Atlantique fut remué terriblement, tandis que presque la même chose arriva le 18 novembre. Comme dans les perturbations magnétiques, le commencement des tremblements de terre est différent pour le temps, de manière qu’on peut se faire une idée de la vitesse de propagation du choc ou de la vibration par la différence du temps pour ce phénomène dans deux localités. Le mouvement du grand tremblement de terre de Lisbonne eut lieu à 9 heures le 1er novembre 1755, tan- dis qu’il ne fut senti en Angleterre qu’à 9, 10 ou 11 heures, sui- vant les lieux, et seulement à 5 heures, à Christiansand, en Nor- vège. M. Kreil remarqua une différence de 10 minutes entre le tremblement de terre du 23 janvier 1838, à Odessa, et celui à Milan. D’après les observations faites en mer par deux vaisseaux sur un même tremblement de terre, M. Robinson calcule la vitesse de propagation de la vague séismique a 1 mille par 5 .secondes, ou un peu moins que l’onde sonore, qui est une véloeité de 1 mille par à, 6 secondes. D’après les observations, pendant douze trem- 508 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. blements de terre, M. Mallet estime cette vitesse variée du choc de 990 à 6,586 pieds anglais par seconde, d’après la diversité des matériaux traversés. Cette dernière circonstance est pour lui un facteur considérable de retard ou d’accélération ; ainsi, dans la roche compacte, la vitesse serait de 5,000 pieds, et dans les allu- vions ou les roches désagrégées, elle descendrait au-dessous de 1,000 pieds ( Rep . brit. Assoc 1851, p. 38; 1852, p. 316). En même temps, ce géologue fixe à 10 ou 12 secondes la durée cl'une onde séismique avant qu’elle abandonne un lieu , ce qui donne à son arc une amplitude de plusieurs milles anglais. Par suite des circonstances accessoires géographiques et d’heure de la journée, les perturbations magnétiques ne se manifestent pas de la meme manière. On observe clans l’aiguille de grands mou- vements, des positions élevées et basses sans mouvements très par- ticuliers, des chocs subits, des oscillations, des déviations, etc., et ces différentes excitations n’ont pas la même marche. Ainsi, dans les régions boréales et australes , on observe surtout de grands mouvements ; tandis que, dans les régions équatoriales, ce sont surtout des positions élevées ou basses de l’aiguille. On remarque aussi de grands mouvements dans un endroit, en même temps qu’un trouble continuel y correspond seulement ailleurs. Or, ces particularités se retrouvent dans les tremblements de terre soigneusement envisagés. Si l’on possède un très petit nombre de cas de la présence simul- tanée des aurores boréales aux deux pôles (par exemple, 18 jan- vier 1839, voy. Bravais, Aurores boréales, Commiss. du Nord , p. 223), les observations, en général, sur les aurores boréales n’ont pas encore pu nous apprendre si chaque changement dans le fluide magnétique du globe trouve son expression simultanée aux pôles, comme la théorie le veut. Dans un aimant, les deux pôles deviennent en même temps plus forts ou plus faibles; dans la terre, c’est le contraire ; car, dans les mouvements diurnes comme dans les perturbations, l’intensité augmente dans le nord et diminue dans le sud. D’après M. Lamont, l’explication de ceci serait à chercher dans le changement du point d’indifférence du magnétisme, ou dans celui de la position de l’axe magnétique, ou dans la variation réunie de ce dernier ainsi que du premier point. (Yoy. Schweigger, Lois de rotation des pôles terrestres magnéti- ques, J. de çhim. et de phys., 1814, t. X, p. 3-90.) Or, voilà une partie théorique de la plus haute importance pour les tremble- ments de terre comme pour la connexion de la géologie et de la MÉMOIRE DE M. A. BOUÊ. 509 formation des chaînes avec le magnétisme terrestre. Cela expli- querait naturellement les déviations de leur direction de celle du nord-sud. Suivant certains physiciens, les perturbations magnétiques ne paraissent pas provenir de lieux déterminés d’origine , mais les changements dans le magnétisme terrestre ont lieu comme dans un aimant , c’est-à-dire qu’un équilibre magnétique se rétablit dans l’instant de chaque changement survenu ; donc cette opération (de proche en proche?) ne peut être exprimée qu’improprement par le mot de courant. Néanmoins cela ne change rien à notre explication des tremblements de terre normaux , ou de ces ébranlements dits centraux. D’une autre part, il y a, entre les phénomènes du magnétisme terrestre et les tremblements de terre, une différence fondamen- tale, savoir, si la force de ces derniers est partout la même, leur plus grande intensité réside entre les tropiques , comme aussi cette zone en souffre le plus et a le plus grand nombre de volcans . Cela forme le pendant de la météorologie de ces contrées ; car, à côté d’une marche barométrique plus régulière et de moins de diffé- rence générale de température que dans les autres zones, elles offrent les phénomènes électro-météorologiques et anémométri- ques les plus intenses. Pour le magnétisme , la grandeur des mouve- ments ou des perturbations augmente de l’équateur vers les deux pôles , tandis que dans la zone équatoriale on n’observe que de moin- dres mouvements ; néanmoins leur forme reste essentiellement la même. Ce contraste n’est qu’apparent, parce que l’on compare une grande fonction du globe avec quelque chose qui n’en est qu’un appendice secondaire, environ comme les excrétions du corps ani- mal sont à l’action de son système nerveux. Entre les tropiques règne la plus grande chaleur, et par la rotation terrestre il y a, en outre, des courants d’air particuliers; c’est pourquoi nous y ob- servons une météorologie et un magnétisme terrestre particuliers. D’une autre part, la terre, sous le tropique, est la partie la plus bombée ; or, si le noyau terrestre , ou plutôt si l’enveloppe du noyau terrestre compacte était encore molle sous l’écorce rigide du globe, cette masse pâteuse et chaude devrait être pressée conti- nuellement contre ce milieu renflé et fendillé du globe par suite de sa rotation. Si l’on ajoute à cela les échanges ou courants ma- j gnétiques continuels des pôles vers l’équateur, ainsi que ceux thermiques de ce dernier vers les pôles, on obtient tous les fac- teurs nécessaires pour s’expliquer la plus grande fréquence des tremblements de terre et des volcans dans la zone tropicale qu’ai b 510 SÉANCE DU 7 AYRIL 1856. leurs. C’est la même cause qui donne aux zones tempérées le moins de volcans et les accumule vers les pôles comme vers V équateur . Les perturbations magnétiques subissent des modifications du S. au N. et de VE. à l’O. Au S. , les mouvements de l’aiguille de dé- clinaison sont en sens inverse qu’au N. ; mais ils sont du moins concordants Plus on s’éloigne de l’équateur, plus on remarque de déviations dans la forme, tandis que, dans les régions polaires, les perturbations acquièrent une grandeur extraordinaire et chan- gent entièrement de forme. Quant aux modifications de TE, à l’O., dans chaque lieu la direction et la fréquence des perturba- tions dans l’ aiguille de déclinaison dépend de l’heure de la jour- née, et le mouvement a lieu ordinairement dans le même sens que le mouvement quotidien. Si, de cette manière, les perturba- tions simultanées dans les hémisphères est et ouest ont lieu dans les directions opposées, il s’établit entre eux un passage de l’un à l’autre, et il doit y avoir des stations où l’aiguille ne doit donner ni une déclinaison est ni une déclinaison ouest. Par ces considé- rations, il devient clair que les perturbations de l’est à l’ouest doivent être modifiées beaucoup plus fortement que celles du N. au S. En se construisant des échelles de perturbations dans ces deux directions et en comparant les registres d’observations aux différentes stations magnétiques, on aperçoit bien que le soleil combiné avec la rotation de la terre a une influence modifiante journalière pour les différentes parties de cette dernière ; mais, en outre, il y aurait encore une antre cause plus puissante qui ser- virait à modifier aussi les perturbations de l’E, à l’O. de la même manière que celles du N. au S. Les mouvements de V intensité horizontale dans le même méridien ont les mêmes ressemblances que ceux de la déclinaison , et cette similitude ne disparaît que dans les régions polaires. Les pertur- bations de l’intensité ont avec celles de la déclinaison l’analogie qu’elles se manifestent en sens contraire dans les hémisphères nord et sud. Quant aux perturbations dans l’intensité horizontale de l’E. à 10., on n’en a pas encore établi la loi. En général, l’étude des perturbations pour les trois éléments magnétiques aux diffé- rentes stations est encore en train. D’ailleurs, l’intensité horizon- tale n’est pas un élément indépendant, mais est liée intimement à l’inclinaison. Les instruments d’inclinaison de M. Lloyd ne com- mencent qu’à fonctionner dans divers lieux. Néanmoins ces der- nières recherches sont de la plus grande importance, témoin la loi déduite déjà par M. Lamont des observations de ce genre à Munich, H a trouvé que les changements dans la force horizon- MÉMOIRE DE M. A. BOUÉ. 511 taie est exactement deux fois aussi grande que les changements de la force totale ; d’où l’on peut déduire l’endroit où gît la force perturbatrice, savoir à ù3 degrés sous l’horizon nord dans le plan du méridien magnétique. Mais, comme cette direction est presque perpendiculaire à l’axe terrestre ou parallèle à l’équateur, on est porté à supposer une liaison mutuelle, sur laquelle les observa- tions des stations boréales nous éclaireront plus tard (. Erclmagne ~ tismus , 1851, p. 275). Les perturbations magnétiques ont une certaine périodicité qui correspond plutôt avec le retour des ouragans, aux équinoxes et aux solstices, qu’avec des époques fixes de temps. Peut-être existe- t-il même une liaison entre elles et ces derniers phénomènes. Les plus grandes perturbations sont en avril et juillet comme en sep- tembre et octobre. L’hiver est, en général, le temps de la tran- quillité magnétique; les perturbations sont alors moindres, et, dans tous les cas, moins nombreuses qu’en été. En comparant ces dernières particularités du magnétisme ter- restre avec ce qu’on connaît sur les aurores boréales et les tremble- ments de terre , on trouve beaucoup de concordance , mais dans un sens inverse. Ainsi, les deux phénomènes en question sont juste- ment plus nombreux quand les perturbations magnétiques le sont le moins. Pour le reste, l’importance d’au moins une partie de ces. | recherches pour la connaissance approfondie des tremblements de terre est de toute évidence. Plus le système magnétique du globe sera connu, plus il se présentera de points auxquels se rattacheront, non pas seulement les tremblements de terre, mais encore la for- mation des systèmes de montagnes et bien d’autres problèmes géologiques. Quant aux mouvements magnétiques journaliers réguliers (1), (f) Rappelons leurs particularités. Dans X hémisphère boréal , la déclinaison E. à sa position est à environ huit heures a. m.; elle se meut avec assez de vitesse, vers l’O., jusqu’à une heure et demie ou deux heures p. m., et retourne après midi et pendant la nuit, lente- ment et avec des mouvements inégaux, à sa première position. L '.in- i clinaison est la plus grande à dix heures a. m., et diminue depuis ce j moment jusqu’à dix heures p. m. ; puis elle s’accroît de nouveau, sans suivre une marche tout à fait régulière, jusqu’à ce qu’elle atteigne, à dix heures a. m., sa position primitive du jour précédent. L'intensité i a les mêmes moments de changement de direction que l’inclinaison, ! mais en sens inverse, savoir : elle est la plus petite à dix heures a. m., | et la plus grande à dix heures p. m. Dans tous les éléments, le mouve- ! ment est plus grand dans la moitié estivale de l’année, et moindre 512 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. nous n’en pouvons pas attendre des effets correspondants dans les ébranlements du sol. En effet, supposant même nos séismomètres bien plus délicats qu’ils ne le sont, on peut se demander si cette classe de phénomènes magnétiques n’appartient pas à ceux produits simplement au moyen de courants thermo-électriques excités par le soleil à la surface terrestre (voyez Secchi, Annuaire de l’Obs. de Bruxelles pour 1855, 185Ù, p. 197-200). Néan- moins d’autres physiciens, comme M. Lamont, en doutent, et voudraient même placer leur cause probable assez loin de cette surface. Du moins, pour la déclinaison, ce dernier physicien dé- montre que les perturbations ont lieu de la même manière aux mêmes temps de la journée dans le nord de l’Amérique et en Europe, et qu’elles y exercent à peu près la même influence. 11 se croit donc en droit de les déclarer indépendantes du temps de la journée, tout en reconnaissant que ce facteur, comme la géogra- phie du lieu, les modifie. Mais un point pour notre comparaison est celui de la liaison ou non-liaison des variations quotidiennes de l’aiguille aimantée avec les périodes atmosphériques. Si réel- lement ces deux phénomènes présentaient une correspondance entre les moments où ces variations changent, savoir, celles de la déclinaison avec celles de la température, et celles de l’inclinaison ainsi que de l’intensité avec celles de la pression atmosphérique, on pourrait rappeler que les forts tremblements de terre sont presque toujours en liaison avec des changements de température et de pression dans l’air, ainsi qu’avec des variations dans les cou- rants de ce dernier. Si la grandeur et la forme des mouvements dans la moitié de l’année où tombe l’hiver. Les moments des chan- gements arrivent un peu plus tôt ou plus tard, sans que le caractère du mouvement varie en général. Dans Y hémisphère austral , les variations magnétiques sont bien exactement les mêmes, mais en sens inverse. Quand, dans l’hémisphère nord, il y a un mouvement à l’O. ou un accroissement de force, dans celui du sud il se fait un mouvement à l’E. , ou une diminution de force a lieu. De plus, le mouvement est le plus petit au sud de l’équa- teur quand il est le plus grand au nord de ce dernier, parce que l’hiver, du côté austral de notre terre, répond à notre été. Les circonstances les plus particulières sont : que l’intensité est la moindre (à dix heures) lorsque l’aiguille de déclinaison a les mouve- ments les plus rapides, et même, dans les perturbations, il n’y a pas de rapport entre les changements dans la déclinaison et ceux de l’in- tensité, tandis que les changements d’inclinaison sont liés intimement à cette dernière, dans les perturbations comme dans les variations quotidiennes. MÉMOIRE DE M. A. BOUÉ. 513 magnétiques journaliers est différente suivant les saisons comme suivant la position géographique , nous retrouvons quelque chose de semblable en grand dans les tremblements de terre, puisqu’à côté de leur fréquence réglée dans chaque lieu, d’après les saisons et les mois, on trouve que leur nombre est encore soumis à une influence diverse locale. Néanmoins n’oublions pas que nous ne savons "pas encore comment la grandeur des mouvements magné- tiques quotidiens dépend des constantes magnétiques . Jusqu’ici nous ne trouvons rien qui corresponde, dans les trem- blements de terre, avec la période de cinq ans pour une diminution du mouvement magnétique journalier et une période égale pour un accroissement correspondant. Il en est de même de la période établie par Hansteen pour l’intensité horizontale , savoir , celle île 19 ans. La force magnétique éprouve continuellement des changements de différentes valeurs qui paraissent provenir toutes de causes sem- blables. Comme dans les aurores boréales et les tremblements de terre, on n’a examiné que les plus grandes variations ou pertur- bations. On ne sait presque pas quels éléments des phénomènes magné- tiques sont le plus modifiés par les tremblements de terre. Pour cela, il faut bien se rappeler les rapports mutuels de ces trois éléments, savoir, que chaque grande perturbation produit une diminution de /’ in- tensité horizontale et est suivie cC un accroissement en grandeur pour t inclinaison. Ceci dure plusieurs jours jusqu à ce que l’aiguille soit retournée à sa position moyenne. Une perturbation considérable se répète encore le jour suivant, mais elle a. lieu toujours plus tôt, et diminue toujours en intensité. De cette manière, l’observation d’une diminution dans l’intensité horizontale, après un tremble- ment de terre, n’a qu’une valeur relative, tandis que la répétition observée de grandes perturbations, pendant plusieurs jours, cor- respond avec le cours habituel de beaucoup de grands tremble- ments de terre, ainsi qu’avec le paroxysme des volcans. Il est intéressant de comparer avec l’activité volcanique et la marche des tremblements de terre la manière analogue toute par- ticulière avec laquelle les éléments magnétiques diminuent et crois- sent en grandeur et en force. Comme dans les marées chaque pro- gression d’une vague est précédée d’un mouvement rétrograde de l’eau, de même les changements magnétiques ont lieu par choc avec un mouvement de recul ou d’oscillation. Dans les volcans actifs, on ne remarque nullement la marche régulière d’une ma- chine à vapeur, mais bien en grand le phénomène des ondes magnétiques dans l’aiguille. Dans les tremblements de terre, il en Soc. géol.p 2e série, tome XIII. 33 SÉANCE : BU 7 "AYHÏt 1856. 514 est de même, et justement dans cette recrudescence de l’ébranle- ment gît le plus grand danger pour l’humanité. Dans les trem- blements remarquables de 1755, celui si terrible du 1er novembre fut suivi, le 18 novembre, d’un autre qui ébranla simultanément l’Europe et l’Amérique; puis les 9 et 27 décembre il y en eut dans le sud-ouest et le centre de l’Europe , tandis que, pendant leurs intervalles, de moindres chocs avaient lieu les 7, 9, 19, 26 et 27 novembre, les 11, 13, 23, 24, 25 et 26 décembre. Néanmoins, même l’année suivante, l’Europe occidentale fut secouée jusqu’en avril. Après l’énorme tremblement de terre en Calabre, le 5 février 1783, ce phénomène dura jusqu’au 30 septembre, et, à trois épo- ques, les chocs se réitérèrent, surtout avec beaucoup de véhémence, savoir, le 7 février, du 28 février au Ier mars, et le 28 mars. Quelque- chose de semblable eut lieu aux Antilles après le grand tremblement de terre du 8 février 1843 ; les chocs durèrent jusqu’en juin. De véritables preuves semblent nous convaincre que le magné- tisme est une propriété générale des corps célestes ; comme pour la gravitation, son siège central serait, pour notre système plané- taire, dans le soleil. D’ailleurs, la lumière , la chaleur et le fluide électro-magnétique sont une véritable électricité physique , puisque chacun d’eux peut se transformer dans l’autre. Les astres les plus voisins de la terre doivent avoir le plus d’influence sur elle, quelle que soit d’ailleurs leur grandeur ou leur petitesse. De là naquirent ces variations journalières et annuelles dans le magnétisme, d’après la position du soleil et de la lune vis-à-vis de la terre, et l’expres- sion de ces changements fut reconnue pour celasoumise à certaines périodes. Déjà, en 1792, Cassini avait été conduit par les observa- tions de 1661 à 1791 à la découverte de l'effet de l'équinoxe du printemps et du solstice d'été sur la déclinaison et les variations de l'aiguille aimantée (/. de phys. , 1792, t. XL, p. 295-303). D’a- près M. Bronn, l' inclinaison de l'aiguille aimantée ainsi que l'in- tensité magnétique totale sont modifiées diversement suivant que le soleil et la lune sont en conjonction ou en opposition ( Proceed . brit. As s oc., 1846, sept.). A la fin du siècle passé, M. Heller avait fait des observa- tions sur le point d’indifférence d’une barre de fer doux pla- cée verticalement et devenue magnétique par la force magné- tique terrestre, et il avait trouvé que ces changements étaient en jmppoit avec la position de la lune [Ann. phys., Gilbert, 1800, t. IV, p. 477). Une seconde série d’observations, en 1808 et 1809, fut entreprise à l’instigation de Ritter et confirma ce ré- MÉMOIRE DE 5Ï. A. ROUÉ, 515 sultat. [J. de ch. et de phys . , de Gelhen, 1809, t. YIÏF, p. 690.) L 'influence de lu lune sur les phénomènes magnétiques a été expo- sée en 1839 par M. Rreil [Ann. phys. , Pogg., 1839, t. XLYI, p. 448-/150), et, plus tard, dans deux mémoires lus à la Société des sciences de Bohême en 1841 et 1842. Cet exact physicien nous a montré que la lune n exerçait pas un effet sur la déclinaison ma- gnétique ni par les phases de sa lumière , ni par sa différente distance de la terre ; ou du moins celte influence très minime nous restait voilée jusqu’ici par les perturbations et d’autres causes; mais la déclinaison de cet astre produit un effet appréciable sur la déclinai- son magnétique : sa déclinaison nord effectue une déclinaison ma- gnétique de 0,17 de l’échelle = 6,8 plus grande que celle produite par sa déclinaison sud. De plus, les phases de la lumière lunaire et la différente distance de cet astre relativement à la terre affectent et une manière bien plus manifeste les cornponents horizontaux de la force magnétique. La lune a une influence double sur cet élément, savoir, d’après sa position relativement au lieu d’observation par suite de la rotation de la terre sur son axe, puis d’après le lieu où elle se trouve dans son cours autour de la terre. Sous le pre- mier rapport, la force horizontale s’accroît au passage de la lune par la partie inférieure du méridien, et atteint son maximum de quatre à cinq heures après ce passage ; puis six heures après, c’est- à-dire avant la culmination supérieure, arrive un minimum. Lors de cette culmination, la force augmente aussi et atteint de nou- veau un maximum quand la lune est éloignée de quatre à cinq heures à 10. du méridien; ensuite, environ six heures après, a lieu un minimum, comme dans le cas delà position orientale delà lune. Les deux maximum ne sont pas très différents l’un de l’autre; leur différence ne s’élèverait qu’à yôïïVôTô' de force horizontale (si l’on pouvait avoir cette confiance en des chiffres), et le maxi- mum oriental est le plus grand. Le minimum oriental est mieux caractérisé et plus petit que l’occidental, leur différence s’élève- rait à ï^-ô3ô6ôjô de f°rce horizontale. Le changement dans la po- sition orientale de la lune serait plus grand que dans sa position occidentale. Dans le premier cas, elle serait jôiî§ïb-ô de ^a force horizontale, et, dans le second, seulement ÿïïvvSW*' résultat correspond à celui qu’on obtient pour la déclinaison ; on y observe une plus grande influence, quand la lune est à l’E. de l’observa- teur, et une plus petite quand elle lui est à l’O. Les points de changements, sous ce rapport, coïncident avec les culminations et le passage de la lune par le premier vertical ; tandis que, pour la force horizontale, ils se trouvent avant ce passage et avant les euh 516 SÉANCE DU 1 AVRIL 1856. minations. Si la lune réagit réellement plus sur la terre dans sa position E. que dans celle à l’0., l’explication s’en trouve le plus simplement dans la composition de la surface terrestre et dans la place d’où nous l’observons ; cette dernière est en connexion vers l’E. avec des parties continentales bien plus étendues que celles à TO. , où des surfaces non moins spacieuses d’eau remplacent les terres. Des observations dans une position opposée à la nôtre, par exemple sur la côte orientale de l’Amérique, décideront de la jus- tesst?de cette explication. M. Kreil a aussi étudié cette influence lu- naire sur î intensité horizontale par rapport aux saisons et a trouvé qu 'elle est plus grande dans les mois d'été et plus petite dans les mois cl’ hiver, tandis cpie celle en automne surpasse celle au printemps . Néanmoins l’efïet en hiver est fort petit. M. Kreil a aussi décou- vert que la différence entre l'intensité lors de la pleine et de la nou- velle lune est soumise à une variation régulière ci cause des phases de lumière de ce satellite, et il a trouvé pour ce changement une période de dix ans. D’après une autre série d’observations, il semblerait que la force magnétique terrestre est plus intense pendant et après l’apogée de la lune que pendant ou après le périgée; mais cette proposition a besoin d’ètre étayée davantage, car des observations faites pendant trois ans à Milan donnent le résultat opposé. En 1836, M. Kupffer avait déjà trouvé, par des observa- tions de février 1831 à mai 1832, que la durée de 200 oscillations doubles donnèrent pour l’apogée = l\ 0' 0",5 et pour le périgée Ù0' 1",5, ce qui correspondrait aux résultats obtenus par M. Kreil, d’après les observations faites à Prague {Ann. phys. Pogg., 1836, t. XXXIX, p. 225). D’une autre part, les observations magnétiques à Toronto (Ca- nada occid.), à Sainte-Hélène et à Hobart-Town (Yan-Diemen), ont conduit M. le colonel Sabine à la conclusion intéressante suivante, savoir que la déclinaison magnétique est soumise à une variation journalière lunaire. En négligeant des irrégularités accidentelles, il lui trouve une progression double dans les jours lunaires avec deux maxima est , dans les points presque opposés du cercle horaire , et deux maxirna ouest dans des points semblablement placés {Lond. phil. Trans ., 1853. — 549-558)*, Hansteen a établi un rapport entre sa période de dix-neuf ans pour l’intensité horizontale et les mouvements des nœuds de la lune autour de l'écliptique en 18 2/3 d'années. Comme ce satellite pro- duit dans l’axe terrestre un balancement ou nutation, il s’ensuit une modification dans la distribution de la température à la surface et surtout une altération dans la position de la zone tropicale. Il MÉMOIRE DE M. A. RODÉ. 517 fixe le petit accroissement séculaire de l’intensité horizontale à 0,000387 par an [Nyt magaz. far Naturvidenskab , 1839, t. II, p. 207). Enfin, M. J. Allan Brown a pu démontrer par les observations à Makerstown, de 18^3-Zi6, que les variations du cornponent verti- cal de l'intensité magnétique sont en liaison avec les périodes solaires et lunaires [Proceed. roy. Soc. Edinb. , 18^6, 20 april , Trans . roy. Soc. Edinb., 1850, t. XIX, p. 2, p. XIY). La comparaison de ces résultats avec ceux de M. Kreil est assez intéressante pour qu’on la transcrive ici. Les observations mises en ordre d’après les angles horaires de la lune ont donné pour la déclinai’ son le plus grand maximum au temps de la culmination inférieure de la lune, le plus petit minimum 6 heures après cette culmination, le second maximum 2 heures 1/2 après la culmination supérieure, et le second minimum 8 heures après cette dernière, ce qui cor- respond avec le résultat des observations de Prague. Pour X inten- sité horizontale , le plus grand maximum environ 1/2 heure après la culmination inférieure, le plus]petit minimum environ 8 heures après la culmination supérieure, le second maximum environ 2 heures après la culmination supérieure et le second minimum en- viron 3 heures avant cette culmination. D’après les observations de Prague, ces extrêmes arrivent 2 à 3 heures plus tard ; mais les an- gles horaires y ont été calculés d’après le méridien magnétique et non astronomique. Pour X intensité verticale , en hiver, maxi- mum environ 2 heures après la culmination inférieure, minimum environ 5 heures après la culmination supérieure. En été, le plus grand maximum 3 heures 1/2 après la culmination inférieure, le plus petit minimum 8 heures après cette culmination supérieure, le second maximum de la culmination supérieure, le second mini- mum environ 5 heures avant la culmination supérieure. Pour X inclinaison, à peu près comme pour l’intensité horizontale, mais en sens inverse. Le plus petit minimum environ 1 heure après la culmination inférieure, le plus grand maximum environ 8 heures après la culmination supérieure, le second minimum environ 2 heures 1/2 après la culmination supérieure, le second maximum environ 3 heures 1/2 avant la culmination supérieure. Pour X in- tensité totale , le plus grand maximum 2 à l\ heures après la culmi- nation inférieure, le plus petit minimum 6 à 8 heures après la culmination supérieure , le second maximum 0 — 2 heures 1/2 après la culmination supérieure, le second minimum l\ — 2 heures 1/2 avant la culmination supérieure. Pour reconnaître l’influence de la lune suivant sa place dans son 518 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. orbite, M. Brown réunit la moyenne quotidienne de chacun des éléments magnétiques en une moyenne pour tous les jours, où la lune avait la même position relativement ail soleil ou à l'équa- teur : par exemple, pour tous les jours de la nouvelle lune et du jour précédent et suivant, pour tous les jours où l’âge de la lune était de 2 — 5 jours, etc., et par rapport à l’équateur pour tous lesjoürs dans le voisinage de sa position la plus boréale, pour 2 — 5 jours après cette dernière, etc. On étendit cette recherche non- seulenlent à la grandeur de la valeur des éléments isolés, mais en- core à la grandeur de leur variation journalière, sans néanmoins prendre en considération les différentes distances de la lune à la terre. Yoici les résultats trouvés : pour la déclinaison , un maxi- mum deux jours après la pleine lune, un maximum à la position la plus septentrionale de la lune; ce dernier résultat est confirmé par les observations de M. Kreil. Pour la grandeur de la variation quotidienne, un maximum = 16', 05, 2 à 3 jours après la pleine lune, un minimum = 11,28,3 jours avant la nouvelle lune, un maximum === 46,15 environ 4 jours après la position boréale de la lünë, un minimum == 12,30 à la position la plus septentrionale de la lune et environ 3 jours après sa position la plusdnéridionale, un second maximum s== 14,04,3 jours avant sa position la plus au nord. Donc, la grandeur des variations journalières paraît être in- fluencée par la lune plus que toutes les autres variations. Cette influence est soumise à une période annuelle, car elle est la plus considérable dans le temps des équinoxes et paraît être aussi grande ou plus grande que celle produite par le soleil sur cet élément. Cette influence s’exprime de la même manière, mais en moindre quantité, dans les différences trouvées entre les moyennes men- suelles et chacune des observations faites à la même heure, quand on les classe d’après la position de la lune. — Pour l 'intensité hori- zontale, un minimum au temps de la pleine lune, un maximum au temps de la nouvelle lune, ce qui est conforme aux observations de Prague, qui montrent que dans les années 1843-56 la différence en ce sens avait sa plus grande valeur; mais bientôt, en 1848, son signe se modifia. Un maximum à la position la plus au N. et au S. de la lune, un minimum à son passage par l’équateur, résultat différent de celui obtenu à Prague. — Pour la grandeur de la va- riation quotidienne, d’après 4 ans d’observations (1 843-46) on trouve un maximum au temps de la pleine lune, un minimum au temps de la nouvelle lune, un maximum 4 jours après sa position la plus ooréale, un minimum à sa position la plus septentrionale. Les ob- MÉMOIRE DE M. A. BQUÉ* 510 servations de 1844 et 45 donnent un minimum à la position la plus au N. et au S. de la lune, et un maximum à son passage par l’équateur. Avec ceci coïncide la marche des différences entre les observations isolées et les moyennes mensuelles respectives. Pour Y intensité verticale, le plus grand maximum au temps du dernier quartier, le plus petit minimum au temps de la pleine lune, second maximum au temps du premier quartier, second minimum au temps de la nouvelle lune. Déplus, des maxima s’aperçoivent lors des positions les plus au N. et au S., et des minima quand la lune est près de l’équateur. — Pour la grandeur de la variation journa- lière, un maximum immédiatement après la pleine lune, un mi- nimum au temps de la nouvelle lune, un minimum à la position la plus S, et N. de la lune, un maximum quand la lune est près ou au IN.de l’équateur. Les différences entre les moyennes mensuelles et les observations isolées faites à la même heure donnent un maxi- mum au temps de la pleine lune, un plus petit maximum au temps de la nouvelle lune, un minimum avant la nouvelle lune et un après celle-ci, un minimum à la position la plus septentrionale de la lune et un autre à sa place la plus au S., et deux maxima dans les temps intermédiaires. Pour Y inclinaison, un maximum immé- diatement après la pleine lune, un minimum immédiatement avant la nouvelle lune, un minimum à la position la plus au N. et au S. de la lune, des maxima à son passage de l’équateur. Pour la force totale magnétique, un minimum dans le voisinage de la pleine lune, des maxima dans le voisinage de ses quartiers, des maxima à ses positions les plus au N. et au S., et des maxima aux temps inter- médiaires ( Mém . Ac. I . des sc. de Vienne , 1853, t. Y, p. 87-90). Plusieurs physiciens et astronomes ont remarqué une liaison entre les taches du soleil et les variations des forces magnétiques. Eli particulier, en 1826, M. Scliwabe a trouvé une périodicité corres- pondante de dix années pour ces deux phénomènes (1). En 1851, M. Lamont a découvert pour la dernière période de dix ans un mini- mum des variations magnétiques^: 6 ; 61 en 1844 et un maximum = 11' 1 5 pour 1848. En 1852, les observations magnétiques de Hobart-Town et de Toronto ont conduit M. Sabine à reconnaître une (1) Archiv. j. M. Karstner , 4 827, t. .XVII, p. 488; 1831, t. XXII, p. 393, t. XXIV, p. 306; 1 833, t. XXV, p. 393; 1834, t. XXVI, p. 457, t. XXXV, p. 296. — Pour 1826-43 elles jours sans taches astronom., Nachrieht. cl. Schumacher , 1 844, fév. , n° 495, ou t. XV, p. 246, et n° 704, ou Ëihl. unie. Génère, 4 850, Archives , t, XIV, p. 35, note p. 36. 520 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. semblable périodicité décennale, savoir : un minimum pour 1843 et un maximum pour 1848. Ces valeurs annuelles s’appliquent également à l’inclinaison et à la déclinaison de l’aiguille aimantée et sont juste ce qu’avait découvert Schwabe pour l’accroissement et la diminution des taches solaires. Enfin, M. Gautier a fait en juillet 1852 les mêmes remarques ( Bibl . univ ., Genève , 4e sér., t. XL), et dans le même mois ou en août. M. Rod. Wolf, à Berne, a fixé cette période à 11,11 ans au lieu de dix [N. Untersuchungen iïber elle Période der Sonnenflecken u. ihre Bedeutung , Berne, 1852, in-8; Proceed. Astron. Soc. Lond . , 1853; Edinb. n. phil. T., 1853, t. LY, p. 186). Faraday a émis, le 21 janvier 1853, les mêmes idées à l’Institution royale de Londres (. Athenœum , 1853, p. 230), et, dans la même année, M. Edm. Ste- venson a prouvé, par un tableau des aurores boréales en Ecosse de 1838 à 1847 inclusivement, que leurs maxima et mininui de fré- quence mensuelle correspondaient exactement avec ceux trouvés pour les taches du soleil aussi bien que pour les variations magnétiques . Son résultat donne pour janvier, 33; février, 20; mars, 18; avril, 18; mai, 3; juin, 0; juillet, 2; août, 14; septembre, 43; oc- tobre, 34; novembre, 30; décembre, 33 [L. Ed. Phil. mag ., 1853, 4e série, t. Y, p. 465-466). Les tremblements de terre n’ayant point encore été comparés suffisamment avec les accidents des corps célestes, nous n’avons pu communiquer que ce que M. Perrey a cru observer relativement à la lune. Ce sont des recherches multiples à faire ; mais, pour leur réussite, il faudra attendre des observations bien plus exactes sur tous les ébranlements du sol. Comme il y a un certain rapport entre les tremblements de terre et les perturbations magnétiques, etque les variations magnétiques correspondent avec la périodicité des taches solaires, il est possible qu’on établisse aussi un rapport entre ces dernières et la plus ou moins grande fréquence des trem- blements de terre à certaines époques. Il nous reste maintenant à rappeler ce qui caractérise la liaison intime des aurores boréales avec le magnétisme terrestre. Le premier phénomène est limité aux pôles comme les émanations d’un aimant ou barreau aimanté. Le point de culmination de l’arc de l’aurore boréale est dans le méridien magnétique (4 ), et le centre de la coupole (1) M. Bravais a confirmé à Bossekop l’observation d’Argelander, qui a trouvé à Àbo le point culminant de l’arc de l’aurore boréale à envi- ron 10° 48' O. du méridien magnétique, mais il en a donné en même temps l’explication rationnelle. — A Bossekop, cette déviation à l’O. est MÉMOIRE DE H. A. BOUÉ. 521 ouïe point d’intersection des colonnes ou rayons de lumière est exac- tement sur le prolongement de l’aiguille d’inclinaison . Les aurores boréales varient dans leur position avec la déclinaison de l’aiguille aimantée . V aurore boréale est composée de rayons lumineux très fins et parallèles dont la direction est environ parallèle à la résul- tante des forces magnétiques . L’ influence des aurores boréales sur l’aiguille aimantée s’exerce non pas seulement sur la déclinaison , mais encore sur l’inclinaison et l’intensité magnétique . Leur action sur le premier élément magnétique est si considérable, que l’irré- gularité des courbes de déclinaison à certaines époques a pu indi- quer à M. Aimé l’existence d’aurores boréales dont il n’avait pas entendu parler [C. r. Je. d. sc. P ., 18Ù3, t. XVII, p. 1038). Plus les aurores boréales sont près de la terre, plus elles se rapprochent du zénith, plus leur influence est grande sur l’aiguille aimantée par rapport à la déclinaison et à l’intensité. Pendant le temps des aurores boréales et plusieurs jours après , /’ intensité magnétique ho- rizontale est diminuée considérablement et ne retourne que peu a peu a sa valeur ordinaire , tandis qui au contraire la déclinaison journa- lière moyenne reste invariable. Comme l’émanation magnétique a lieu dans une zone coupée symétriquement par le méridien magné- tique, l’intensité sera modifiée isolément sans que la direction moyenne soit changée. Ainsi il serait prouvé suffisamment que les aurores boréales émanent cl’un cercle plus ou moins grand autour du pôle magnétique (voy. mon mémoire sur les aurores boréales, C . r. Ac. 1. d. sc. de Vienne , 1856, t. XIX). L’heure du maximum des perturbations pour la déclinaison et l’inclinaison magnétique correspond avec celle du nombre horaire le plus grand des aurores boréales dans la journée , savoir à neuf heures p. m. Il est possible que les aurores boréales présentent encore un autre maximum à cinq heures p. ni., instant où coïncident un maximum des pertur- bations pour la force magnétique totale et un autre pour l’angle d’inclinaison (Brown, Allan, Procced. roy. Soc. Edinb 1850, t. II, p. 3Z| A). La loi de la fréquence des perturbations magnétiques suivant les saisons est la même que celle pour les aurores boréales . Ainsi, lesmaxima sont près des équinoxes et les minima près des solstices, et le minimum principal est au solstice d’été. Les au- rores boréales sont moins nombreuses en mai et août qu’en avril et septembre; mais la loi pour leur fréquence journalière varie avec les saisons. C’est pour cela quelles sont beaucoup plus nombreuses 41° (voyez son beau volume intitulé : Aurores boréales , commiss. du Nord, 1846, p. 444, 456 à 458. 522 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. dans lés mois du printemps que dans ceux de l’automne, ce que démontre la période plus tardive du maximum de fréquence dans les premiers mois. D’après les tableaux sur les perturbations de la déclinaison magnétique, on voit que le maximum de la pertur- bation est après minuit dans les mois de mai, juin et juillet; mais il est à dix heures p. m. en août et dans les deux mois suivants, de manière qu’un plus petit nombre arrive en avril qu’en sep- tembre et octobre; mais cela reste encore douteux pour mai com- paré à avril. Néanmoins cette dernière différence est trop eonsi- défable pour s’expliquer seulement par une petite variation dans le moment du maximum. En résumé, il y a en été un minimum de fréquence tC aurores boréales , soit existantes , soit visibles , ce qui concorde exactement avec la somme des perturbations magnétiques (Brown, ditrf La marche toute particulière des perturbations rha gaéliques et le retour des recrudescences pendant plusieurs jours en- viron vers le même temps se représentent en partie dans la marche ordinaire des accidents divers ou phases des aurores boréales (voy. Bravais). Quant à la lune , le maximum de fréquence des au- rores boréales est dans le temps de l’opposition et le minimum dans celui de la conjonction , ce qui coïncide avec la loi pour les pertur- bations magnétiques, comme nous venons de l’exposer dans notre ébauche des propriétés du magnétisme, ainsi que dans notre paral- lèle des tremblements de terre et des aurores boréales. Enfin, plu- sieurs physiciens ont mis en rapport ces dernières avec les taches du soleil et les variations des forces magnétiques, et ont reconnu à ccs trois phénomènes une périodicité semblable pour leurs maxima et minima annuels. Avant de terminer ma thèse, il faut dire quelques mots sur les phénomènes naturels avec lesquels on a mis quelquefois en rapport les aurores boréales et les tremblements de terre comme le magné- tisme terrestre, Ces phénomènes sont des apparences optiques, des états météorologiques dans l’atmosphère, ainsi que des apparences dans le ciel, savoir : des halos, des brouillards, des bourrasques, des tempêtes, des trombes, des bolides, des étoiles filantes, des aéro litlies et enfin la lumière zodiacale. Comme nos trois phénomènes comparés ont une influence cer- taine sur la météorologie, on doit remarquer des variations dans cette direction et surtout par rapport à la température, la pression atmosphérique et les états hygrométriques de l’air. Néanmoins il n’est pas constant que nos trois phénomènes soient accompagnés de tels grands changements de ce genre. Ainsi on a souvent mis en rapport les tremblements de terre ou les volcans avec certains MÉMOIRE DE M. A. ROUÉ. 528 brouillards secs ou une atmosphère peu claire, un ciel peu serein. Il est possible qu’en même temps il y eût des aurores boréal es -, Dans une telle atmosphère, comme dans celle chargée de va- peurs, des halos de toute espèce se formeront aisément. Néan- moins on ne peut guère parvenir à lier ces derniers accidents op^- tiques, ou même les brouillards secs , avec nos grandes triples fonctions du globe en comparant des catalogues. Supposez même qu’on le puisse pour des brouillards extrêmement singuliers, on ne le pourra jamais pour les halos. En effet, il y a des exemples re- marquables de brouillards très étendus, comme celui de 1638 en Angleterre, celui du 29 octobre 1821 en Europe, du 11 janvier 1839 à la Martinique, etc. Les coïncidences les plus frappantes entre de pareils brouillards et des tremblements de terre, ainsi que des éruptions volcaniques, eurent lieu pendant l’été de 1721 et surtout du 17 juin au 22 juillet 178,3, année où, en février, la Calabre éprouva un tremblement de terre effroyable. L’étendue de ce dernier brouillard sec comprit, du N. O. au S.-E., l’Eu- rope et l’Asie Mineus e, et eut une largeur de 35 degrés depuis l'Is- lande jusqu’à Tripoli en Syrie (Mourgue de Montredon, Hist. Ac . fl. sc. P. nu p h y s. {pour 1781), 1783, p. 7 54-773 ; comparez Rep. b rit. A s soc., 1851, p. 7 U) . , Des remarques semblables s’appliquent aussi à peu près aux tirages , aux grands changements anémométriques et aux tempêtes gyratoires. Ges phénomènes sont liés intimement avec des varia- tions subites de température, de manière qu’ils peuvent être en quelque liaison avec le magnétisme terrestre, et par lui avec les aurores boréales et les tremblements de terre. Il est bien connu que les ouragans sont souvent accompagnés de chocs d’ébranle- ment du sol; mais le plus petit nombre des humains doivent les sentir, parce que la grandeur du mouvement doit être considé- rable pour l’emporter sur le bruit et la force d’un ouragan. D’une autre part, les tempêtes et les ouragans ont lieu surtout aux équinoxes, et les plus considérables sont le partage de la zone torride, en même temps que les ouragans gyratoires de l’Atlan- tique septentrional et du nord de l’Amérique tombent en hiver, époque à laquelle on aperçoit le plus d’aurores boréales; néan- moins il y en a aussi en été entre les tropiques. Les typhons des mers des Indes et de la Chine appartiennent aussi à ce genre de phénomènes. Des catalogues soignés de ces derniers pourront seuls décider sil y a quelque rapport de coïncidence entre eux et nos trois phénomènes. Leur temps d’apparition, leur durée, leur lo- calisation, leur étendue ou limitation, sont des facteurs qui nous SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. 6U permettront de distinguer parmi eux des phénomènes locaux aussi bien que d’autres plus généraux ; puis nous pourrons comparer ces derniers à nos trois propriétés telluriques. Quant aux trombes, elles paraissent, comme tous les orages, des phénomènes électriques restreints à de moindres étendues de la terre (voy. mon mémoire sur une trombe ascendante à Janina, C. r. Ac. I. sc. Vienne, 1851, t. VI, p. 90-95; Bull. Soc. gèol. P., 1851, t. VIII, p. 274). Cependant nous ne connaissons encore que peu la marche des orages; ce n’est qu’actuellement que nous pourrons mieux étudier ces monstres d’électricité, parce que le nombre des stations d’observations météorologiques s’est multiplié assez pour nous apprendre toute l’histoire du commencement du parcours et de la fin d’un orage. Supposant que les bolides, les étoiles filantes et les aérolithes soient un même accident météorique, on remarque bien une cer- taine périodicité dans ces phénomènes; mais leur fréquence an- nuelle, mensuelle ou quotidienne n’est point celle des aurores boréales et des tremblements de terre. Le seul C. W. Ritter a pré- tendu trouver une périodicité décennale alternante pour les chutes d’aérolithes et les aurores boréales, tandis que le maximum de ces dernières coïnciderait avec l’inclinaison moyenne de l’écliptique (Ann. phys. Gilb. , 1803, t. XV, p. 206-217, et t. XVI, p. 221). Mais les bolides, comme les étoiles filantes, apparaissent dans toutes les saisons et dans toutes les directions. Leur fréquence esti- vale en certains jours aux environs du 10 août, celle aux environs du 12 novembre, leur nombre moyen de seize à l’heure à ces épo- ques, etc., sont des caractères qui leur sont propres, et qui man- quent aux aurores boréales et aux tremblements de terre. Il y a eu, il est vrai, des tremblements de terre, accompagnés de bolides, de la chute d’aérolithes ou de pluie rouge (C. r. Ac. d. sc. P., 1842, t. XV, p. 646 ; 1843, t. XVII, p. 622); ou bien on a remar- qué en même temps des étoiles filantes, comme le 1er décembre 1769, le 10 septembre 1822, le 10 décembre 1841 et le 1er août 1847, ce qui a été aussi le cas encore plus fréquemment pour les aurores boréales. Pour les tremblements de terre, on trouve plus souvent des coïncidences relatées avec des bolides qu’avec des étoiles filantes, ce qui se comprend aisément, ces dernières frap- pant moins. Néanmoins le nombre de ces coïncidences est si petit, comparativement aux cas où rien de semblable n’arrive, que le premier nombre s’évanouit vis-à-vis du second pour n’être dû qu’au hasard. D’ailleurs, si les aurores boréales et le magnétisme terrestre ne sont qu’un, leur liaison avec les bolides et les aéro- MÉMOIRE DE M. A. BOUÉ. 525 litlies ne pourrait être qu’un rapport éloigné, car un amateur d’hypothèses pourrait vouloir remplacer la gravitation ou attrac- tion des corps célestes par une puissance ou force telle que le ma- gnétisme. On pourrait rappeler l’uniformité remarquable dans les plans des nœuds de la plupart des planètes par rapport au plan de l’équateur solaire ; or, les lois fondamentales pour tous deux sont les mêmes, savoir : la force magnétique varie en rapport in- verse du carré delà distance de la surface de la terre au plan de l’équateur, donc aussi selon le méridien des pôles à l’équateur (Faraday, Athenœurn , 1853, p. 231). Puis, en admettant que la terre fût aussi susceptible à l’induction qu’un globe de fer, on pourrait ainsi trouver la clef de beaucoup de phénomènes magné- tiques, surtout de ceux qui sont quotidiens ( V . H. de Behr, Théo- rie électro-magn. des mouv. célestes. Konigsh . Naturwiss, Ab h . , 1846-1847, t. I, c. 2, art. 4 et 10). Si peu de physiciens ont voulu mettre les étoiles fdantes en rap- port avec les aurores boréales, d’autres, surtout autrefois, ont cru ces dernières liées à la lumière zodiacale. Cette idée, exposée au long par Mairan, a été renouvelée en 1837 par M. Demonville [Causes des variations diurnes de Vaig. aim. , etc., de la lumière zo- | diacale ; Paris, in-8). Néanmoins la théorie de l’attraction est contraire à l’hypothèse ancienne, que cette lueur soit liée avec l’atmosphère solaire ou avec une enveloppe vaporeuse et très aplatie de cet astre. La forme lenticulaire de cette lumière blan- châtre a surtout amené à cette idée. D’une autre part, comme les aurores boréales naissent dans l’atmosphère et émanent même de la terre, on ne peut pas réunir avec elles une apparence dans le ciel. De plus, la lumière conique zodiacale est liée à certaines sai- sons ou au moins plus visible alors que dans les autres. Dans le solstice d’été, où le moins d’aurores boréales sont visibles, on la remarque le soir et le matin. De février en avril, on la voit en Europe dans les soirées claires à l’ouest et le matin à l’est; mais, entre les tropiques, elle est infiniment plus belle et plus claire, de manière qu’un voyageur en Afrique propose de n’y voir qu’une émanation de la chaleur de la terre, laquelle, arrivée dans les es* | paces célestes, deviendrait lumineuse (Ausland, 1855). Cette idée correspondrait assez avec celle de M. Lamont, que les planètes émettent peut-être une lumière particulière (voy. Ad. Corti, Délia i emanazione dei Jluidi aeriformi délia terra e sua analogia con quella délia materia raggiante dei globi resplendenti per luce propria; Ve- nise, 1820, in-8). Si j’étais parvenu à démontrer l’identité de la cause des aurores 526 SÉANCE DU 7 AVRIL J 856. boréales et des tremblements de terre, ainsi que des phénomènes magnétiques, on serait arrivé pour les périodes géologiques à la certitude que les euuores boréales ont été une fois beaucoup plus nombreuses , ou plutôt, plus souvent visibles , et surtout beaucoup plus fortes qu actuellement. Ainsi nous aurions fourni en même temps la preuve que, dans les temps reculés géologiques , les au- rores boréales auront bien pu remplacer vers les pôles la lumière solaire en hiver. Comme il n’y avait pas encore de neige et de glaces dans ces régions à cause de la température encore élevée de l’intérieur terrestre et de ses émanations thermiques, il n’est pas étonnant qu’il y eût une végétation assez vigoureuse, dont les dé- bris sont enfouis aujourcC hui dans les couches houillères ou paléo- zoïques des terres et îles polaires. Cette végétation est, comme on sait, insulaire et semi-tropicale ( Sitzungsber ., C. r. Ac. I. d. sc. Vienne, 1854, t XII, p. 527), En approfondissant les données sur les anciennes métamor- phoses dynamiques de la surface terrestre, nous retrouverons dans le croisement alternatif des systèmes de montagnes de tous les âges, ainsi que dans le contraste des directions générales des chaînes principales des deux mondes, de précieuses indications sur l’influence extrêmement vraisemblable du magnétisme ter- restre, non-seulement sur les tremblements de terre, mais aussi sur les productions des chaînes de montagnes. De même qu’aujour- d’hui, le magnétisme était soumis alors à des variations séculaires en différentes directions ; leurs effets ont donc dû se reporter sur les ébranlements du sol, et, par conséquent aussi, laisser leur ca- chet dans la formation des montagnes. Si le magnétisme n’était qu’une force polaire immobile toujours la même, et s’il n’était pas soumis à une certaine périodicité, ou, en d’autres termes, à un certain va-et-vient entre certaines limites, toutes les chaînes du globe auraient une direction JN.-S.; mais, par suite de cette nutation remarquable dans le système magnétique, il a pu et dû se former, pendant les diverses époques géologiques, des chaînes aussi bien plus ou moins inclinées à l’équateur terrestre qu’assez voisines des directions presque E.-O., et cela par suite des diffé- rentes positions du méridien magnétique et peut-être même d’un changement périodique d’axe dans le système magnétique. De cette manière, la connaissance exacte de la formation gra- • duelle des systèmes de montagnes nous amènerait à celle des phases périodiques subies par le paléomagnétisme , dans les temps géologiques divers. Mais une fois arrivé à connaître ainsi ce qui paraissait impossible à savoir, nous y réunirons ce que nous savons MÉMOIRE DE M. A. ROUÉ. 527 de positif sur la température du globe ; or si, d’autre part, la liai- son intime du magnétisme terrestre avec cette dernière nous est complètement connue, les phases du magnétisme terrestre pendant les époques géologiques feront pour nous l’office d’un pyromètre exact pour donner des valeurs numériques à notre échelle de tem- pérature des temps anciens aux temps modernes. Pour cela, nous n’aurons qu’à comparer les changements séculaires et autres ac- tuels du magnétisme en général, et de ses variations d’intensité en particulier, avec ce cjue l’étude des systèmes de montagnes nous aura appris là-dessus aux diverses époques de la formation. D’un autre côté, nous savons maintenant le temps des changements séculaires et autres du magnétisme actuel; donc, nous pourrons encore par cette donnée arriver à estimer le temps écoulé pendant toutes ces transmutations magnétiques et géogéniques, comme aussi celui pour chacune de ces périodes de changements dans le magnétisme terrestre, variations qui ont dû dépasser les limites actuelles, d’après la différence de force des causes virtuelles et accessoires. Ainsi, nous arriverons à avoir un véritable chronomètre pour la formation des systèmes de montagnes comme pour celle de la crpûte terrestre en général, et avec cela une espèce de zon- mètre pour toute l’existence de la terre, en même temps que nous trouverons dans la formation et la grandeur diverses des systèmes de montagnes, ainsi que dans leur âge respectif, un dynamomètre naturel tant de la force mécanique employée que de la force magnétique totale ou de son intensité aux divers âges du globe. M. de Bruno ni donne lecture du rapport de la Commission chargée de la vérification des comptes du Trésorier pour l’exer- cice 1855. Rapport sur la < vérification des comptes , des recettes et des dépenses de la Société géologique de France pendant Vannée 1855. Messieurs , La Commission nommée pour la vérification des comptes du Trésorier, et composée de MM. Graves, vicomte d’Archiac et moi, m’a chargé de vous soumettre le résultat de son exa- men 528 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. RECETTE. La recette présumée était portée au budget de 1855 pour une somme de 2/1,253 fr. 70 c., y compris le reliquat actif du compte de 185/ï, montant à 3504 fr. 70 c. -, elle s’est élevée à 2/i,950 fr. 20 c. Différence en plus, 696 fr. 50 c. Cet excédant porte sur plusieurs articles que je vais examiner successive- ment. Les articles 1 et 3 présentent quelques légères augmenta- tions provenant, en partie, de la rentrée de cotisations ar- riérées. L’article 5 présente la plus forte augmentation, par suite de six cotisations une fois payées. Evalué à 700 francs dans le budget, il est monté à 1830 francs, c’est-à-dire 1130 francs en plus. Ces versements inattendus ont permis à M. le Tréso- rier d’accroître de 86 francs notre chiffre de rentes 3 pour 100, de sorte que la Société possède maintenant, en 3 pour 100, la somme de 409 francs, représentant un capital de 9500 francs environ. La rente de 1/|61 francs en h 1/2, inscrite à notre budget depuis quelques années, doit, d’après une décision prise récem- ment par la Société convoquée en assemblée générale, être con- vertie en obligations de chemins de fer garanties par l’État. Art. 6. La vente du Bulletin a subi aussi une augmentation de 350 francs. Nous devons ce résultat à l’excellente mesure qui a été prise l’année dernière d’abaisser le prix de la première série du Bulletin , mesure qui a engagé beaucoup de membres nouveaux à acquérir au moins les huit derniers volumes, et même à compléter leur collection de la deuxième série. Enfin, la dernière augmentation porte sur l’article relatif aux recettes extraordinaires : une somme de 1000 francs a été donnée par M. Élie de Beaumont, l’honorable président de notre Société, pour subvenir aux frais de publication du Bul- letin, qui, en 1855, a atteint des proportions considérables. Qu’il veuille bien nous permettre de lui offrir ici, au nom de tous nos collègues, nos remercîments pour cet acte de géné- rosité. Nous ajouterons que plusieurs autres membres ont suivi RAPPORT SUR LA GESTION DU TRÉSORIER, 529 cet exemple, et ont contribué aux frais extraordinaires occa- sionnés par l’insertion de planches de fossiles qui devaient accompagner leurs communications. Les autres articles de la recette ont subi quelques diminu- tions, notamment ceux qui concernent la vente des Mémoires et de l’ Histoire des progrès de ici géologie. Toutefois nous devons dire que, malgré le déficit sur la recette prévue pour ce dernier article, dû à ce qu’on espérait que le tome VI paraîtrait avant la fin de l’année, le chiffre de la recette, qui est de 720 francs, prouve encore que le succès bien mérité de cette utile et importante publication se soutient toujours. Un seul article nous reste à signaler comme ayant subi une notable diminution : c’est celui qui concerne les cotisations de l’année courante. La différence sur le chiffre évalué au budget de 1855 s’élève à 1685 francs. Hâtons-nous de dire que ce déficit est dû, en grande partie, à l’Exposition, qui a attiré un très grand nombre de membres à Paris. Notre Trésorier avait des motifs sérieux pour penser que ces membres payeraient leurs cotisations sur place, et il en a été tout autrement. Presque tous sont repartis sans payer. Mais il faut espérer qu’ils s’em- presseront, en 1856, de réparer cet oubli. Malheureusement il existe un grand nombre d’autres mem- bres qui laissent accumuler leur dette annuelle pendant deux et trois années. Quoique la plupart se libèrent au bout d’un certain laps de temps, on ne saurait trop s’élever contre ce système, qui entrave la marche régulière de nos opérations financières. Messieurs les membres doivent comprendre que le Bulletin ne peut avoir un certain développement qu’autant que les cotisations annuelles seront exactement et régulièrement payées par eux. En agissant autrement, ils exposent le Tréso- rier, et la Société finalement, à retarder forcément l’impression de mémoires intéressants qui devaient faire partie du volume courant, ou, du moins, de n’en donner qu’une portion incom- plète. Nous espérons que cette observation sera appréciée par tous nos confrères de France et de l’Étranger, et qu’ils s’effor- ceront, à l’avenir, non-seulement de payer exactement leur cotisation annuelle, mais aussi de s’acquitter de tout l’arriéré, qui est assez considérable, et qui se décompose ainsi : Soc. géol 2e série, tome XIII. 34 530 SÉANCE DU 7 AVRIL 1850. Arriéré .d’un an, compris diplôme, etc. 3219 -fr. 00 c. Arriéré de deux ans 880 fr. 00 c. Arriéré de trois ans et au-dessus. . . . 3150 fr. 50 c. Total 7249 fr. 50 c. DÉPENSE. Les articles relatifs au personnel n’ont point éprouvé de modifications. Divers articles compris dans les frais de logement ont fourni quelques diminutions sans importance. Quant aux frais divers pour impression d’avis , circu- laires, etc., ils ont un peu dépassé les prévisions du budget j mais cela tient à la réunion extraordinaire de la Société qui a eu lieu à Paris, comme aussi au renouvellement des circu- laires de diverses natures concernant la rentrée des cotisa- tions. La seule dépense importante que nous ayons à signaler est celle de l’impression du Bulletin. Les prévisions étaient de 7000 francs, et il n’a été dépensé que 6796 fr. 05 c. Différence en moins, 203 fr. 95 c. Mais il s’en faut que ce chiffre de dépense représente exactement le prix du volume du Bulletin de 1855. En effet, il reste encore, à la charge de l’exercice 1856, 25 feuilles environ formant une dépense de 2500 francs, plus J0 planches, qui coûteront envi- ron 600 francs. Ainsi donc, le prix du volume en question dé- passera 9000 francs. C’est une somme de 3000 francs en sus de celle attribuée ordinairement à l’impression de chaque volume. Nous ferons remarquer que cet état de choses résulte de ce que, contrairement aux usages de la Société, des mé- moires très considérables ont été insérés dans ce volume, et qu’il y a eu un nombre inusité de planches de fossiles, ayant entraîné dans une dépense de papier, gravure, tirage, etc., hors de proportion avec les ressources habituelles de la Société. Toutefois, en signalant ces faits, votre Commission, messieurs, n’a pas l’intention de faire la moindre critique sur ce qui a été décidé par la Commission du Bulletin. Nous croyons, au con- traire, que le développement donné à cette publication ne peut RAPPORT SUR LA GESTION DU TRÉSORIER. 531 que lui être profitable sous tous les rapports -, mais nous avons dû faire ces réflexions, parce que, en définitive, tout se tradui- sant en dépense, il est important que les membres de la Société ne l’ignorent point, et qu’ils n’arretent point, par leur oubli à payer leurs cotisations annuelles, l’essor donné depuis quelque temps à la publication des travaux des amis de la géologie. II y a eu de fortes diminutions sur les autres articles du chapitre des publications. Des motifs de diverse nature ont retardé l’impression du tome VI des Mémoires , ce qui explique la diminution signalée au compte des recettes et des dépenses, et qui s’élève à plus de 2100 francs. Même observation pour l’article Histoire des progrès de la géologie. Il n’a été dépensé que 290 francs. La somme de 1000 francs, votée annuellement pour la con- servation des livres et des cartes appartenant à la Société, n’a pas été entièrement dépensée. Près de 600 francs sont restés sans emploi, ce qui est regrettable. Votre Commission, mes- sieurs, demande que les mesures proposées en 1852, dans l’intérêt de notre bibliothèque, reçoivent chaque année une entière exécution , puisque l’état de nos finances nous le permet. Enfin, les articles 21 et 22 présentent de fortes augmenta- tions: l’une, de 1033 fr. 05 c. représente le placement des six cotisations dont nous avons parlé à la recette, et l’autre, de 2000 francs, représente le placement de pareille somme en deux bons du trésor. Résumé de la dépense. En définitive, les augmentations s’élèvent à 3318 fr. 25 c., et portent principalement sur les placements de capitaux, et les diminutions, montant à Û135 fr. kQ c., concernent, en grande partie, les publications. Conclusions. i Nous venons de vous signaler, messieurs, le résultat de I l’examen du compte de notre Trésorier. Vous remarquerez 53*2 SÉANCE DU 7 AVRIL 185(5. avec nous que, maigre la diminution dans le chiffre des cotisa- tions de l’année courante, la Société a pu faire face aux exi- gences de sa situation. Notre Trésorier a su, par l’ajournement de diverses dépenses, et en utilisant à propos les économies réalisées les années précédentes, balancer le budget de la So- ciété. Tout nous fait espérer que, cette année, les recettes seront considérables. L’empressement de notre Trésorier à remplir ses fonctions en est, pour nous, une précieuse ga- rantie. Avant de terminer ce rapport, nous vous proposons, mes- sieurs, de voter des remercîments à M. le marquis de Roys, et de lui donner décharge des comptes et pièces à l’appui parfai- tement en régie, qui ont été déposés au secrétariat. Enfin, nous reconnaissons avec plaisir que votre Agent con- tinue à remplir ses fonctions avec la même exactitude que par le passé. Signé : Graves, vicomte d’ARCHiAc, et baron de Brimont, rapporteur. Les conclusions de ce rapport sont mises aux voix et adop- tées à l’unanimité. M. Barrande fait la communication suivante : Note sur quelques nouveaux fossiles découverts aux environs de la ville de Rokitzan, dans le bassin silurien du centre de la Bohême , 1855, par M. J. Barrande. MM. les géologues de l’Institut impérial de Tienne ont recueilli aux environs de Rokitzan quelques fossiles qui m’ont été commu- niqués par l’intermédiaire de M. le professeur Reuss. Ces fossiles sont dignes d’un intérêt particulier, parce qu’ils proviennent de localités qui n’ont jamais été explorées suivant nos désirs, à cause de certaines difficultés locales. Ils appartiennent de plus à un ho- rizon géologique très-remarquable, en ce qu’ils représentent l’ori- gine de la faune seconde en Bohême. Dès 1840 nous avons souvent parcouru la région qui s’étend entre Rokitzan , Radnitz et Pilsen , où nous appelaient des travaux d’exploration relatifs au bassin houiller illustré par Stern- berg. Le hasard voulut qu’à cette époque nous ne rencontrâmes NOIE DE M. BAR R AN DE. 533 jamais, sur notre chemin, aucun fossile ni complot, ni remar- quable. Tout ce qu’il nous fut donné d’observer alors dans cette région se réduisant à des traces plus ou moins insignifiantes, nous ne crûmes pas opportun de faire travailler des ouvriers dans une contrée qui paraissait promettre si peu. Cependant en 1851, c’est- à-dire avant de publier notre premier volume, nous envoyâmes un ouvrier chargé de rechercher des fossiles dans ces environs. Plusieurs semaines de courses n’ayant produit que des résultats aussi peu satisfaisants que les premiers, nous abandonnâmes l’es- poir de rien découvrir d’important dans ces parages. Ces essais infructueux s’expliquent aujourd’hui par le peu d’étendue occupée par la surface où se trouvent les nodules renfermant les fossiles; surface qu’il est aisé de ne pas rencontrer, surtout lorsque la cam- pagne est couverte de moissons. De ces tentatives presque inutiles pour enrichir notre collection nous avions cependant tiré la conséquence, fondée sur quelques mauvais fragments, que les environs de Rokitzan appartenaient au bassin de notre étage des quartzites D. D’après cette conviction, nous avons tracé les contours de cet étage sur notre petite carte ou croquis, en tête de notre esquisse géologique. On y trouve, en effet, au nord-est de Rokitzan, AVosek, près duquel est située la principale localité qui nous occupe. Notre attention ne s’était plus portée sur ce sujet, lorsqu’il y a environ deux ans, en 1853, nous reçûmes communication de deux fragments d’un trilobite recueilli dans cette localité, par M. Gross, conducteur des mines impériales à Kruschna-Hora. Nous recon- nûmes, à notre grande satisfaction, dans ces fragments, Calym. Ara go, espèce éminemment caractéristique de la faune seconde en France, en Espagne et en Portugal. Nous nous empressâmes de la faire figurer sur une des planches de notre second volume. L’espoir d’obtenir de nouveaux fossiles de la même contrée nous porta à renouveler nos tentatives par le moyen d’un ouvrier que nous en- voyâmes sur les lieux. Ces courses ne furent pas plus heureuses pour nous que les précédentes, sans doute parce que le temps ne nous permit pas de faire nos explorations en personne. On comprendra donc quelle surprise et quel plaisir nous avons éprouvés cette année (1855), au moment de notre retour en Bohême, en apprenant que les environs de Rokitzan avaient récemment fourni des fossiles assez bien conservés pour mériter notre attention. M. le professeur Reuss, dès le printemps, avait reçu un envoi de la part de M. Ratzer, professeur de technique à Rokitzan. Plus tard, les fossiles rassemblés dans la même contrée par MM. les géologues 53/ï SÉANCE DU 7 AVRIL 1856, de l’Institut impérial lui ayant été envoyés de Vienne, il a bien voulu nous faire à la fois la communication du tout. Ayant alors recommencé nos recherches, par le moyen d’ou- vriers qui n’ont cessé de travailler jusqu’à ce que la neige ait rendu toute peine inutile, et ayant aussi reçu dans cet intervalle un envoi de M. le professeur Katzer, nous sommes parvenu à ras- sembler près de àO espèces, qui caractérisent, soit particulièrement la base cl. 1. de notre étage D, soit les autres subdivisions de la faune seconde. Le tableau qui suit indique le nom et l’extension verti- cale de chacune de ces espèces. Celles qui ont été recueillies par MM. les géologues de l’Institut impérial sont indiquées dans la colonne à droite par les lettres K. K. R. A. On voit, d’après ce tableau, que la famille des Trilobites prédo- mine sur cet horizon en particulier, comme dans toute la hauteur de l’étage D. Sur 13 espèces qui viennent d’ètre énumérées, il y en a U qui avaient déjà été signalées à diverses hauteurs dans cet étage, savoir: Calym . pu le lira , Placop. Zippei , Acid, Buchi et dguost. tardas. Déplus, Amph. Lindaueri avait été trouvé sur l’horizon d. 1, mais dans une autre partie de notre bassin. Les 8 espèces restantes sont donc nouvelles à l’exception de Calym. Arago , déjà citée. Il est remarquable que le genre Harpes se trouve représenté à cette hauteur, tandis que nous ne le rencontrons plus au-dessus, dans le reste de notre faune seconde; il est assez fré- quent dans notre faune troisième, qui en renferme 8 espèces. 11 en est de même pour le genre Lichas. Quant kAgnostas tardas , aupa- ravant signalé au sommet de notre étage D, on dirait qu’il y a eu une intermittence dans son existence, à partir de la bande cl. 1, jusqu’à la bande d. 5. Mais cette apparence n’est probablement due qu’à la grande rareté des individus, dont un seul fragment a été trouvé aux environs de Rokitzan, dans la bande d. 1. Le genre Ogygia, qui fournit la plus grande espèce et aussi la plus fréquente, dans les localités qui nous occupent, offre un autre exemple d’intermittence dans son apparition en Bohême. En effet, Ogyg. desiderata caractérise l’horizon d. 1, et nous avons trouvé depuis quelques années une autre espèce très rare, Ogyg. sola , au sommet du même étage, dans la bande d. 5. En somme, les Trilobites qui constituent la classe prédomi- nante nous représentent, sous de nouvelles formes, les genres les plus caractéristiques de la faune seconde, non -seulement en Bo- hême, mais dans les autres pays, tels que Trinucleus , Ogygia , Aeglina , Illaenus, Plaeoparia , Amphion et Agnostus. Nous les con- sidérons comme les plus caractéristiques, parce que presque tous apparaissent et s’éteignent entre les limites de cette faune. NOTE DE M. BARRANDK. 535 ÉTAGE DES QUARTZITES D. d. i. d. 2. d. 3. d. 4. d. 5. | TRILOBITES. * * K. K R. A Calym. Arago, Rouault ' * — pulchra , Barr * * * P * • • • Lich. incola , Barr. * Trinucl. Réussi , Barr * * * Illaen . Katzeri , Barr. ...... * . • • • . R. R. R. A. Placop. Zippei , Cord * * * * * * * * Agnost. tardus, Barr * . . . • . . * R. R. R. A. CRUST. DIVERS. Cyther. prunella? Barr * Anatifopsis ? Bohemica, Barr. . * * * '*■ ? CÉPHALOPODES. Orthoc. primum , Barr * — bonum Barr * — complexum , Barr . * — expectans, Barr % PTÉROPODES. 8 Pugiunc. striatulus, Barr. . . . * * R. R. R. A. | — teres , Barr | — elegans, Barr * * 1 Conul. (fragment insuffisant). . . GASTÉROPODES. 1 Relier, nitidus, Barr * 1 — bilobatus , Barr * * . . . * * 1 Pleurot. (inde't.), Barr * Crepidula ouata T Barr * Ribeiria pliuladiformis , Sharp.. * * * ACÉPHALES. Redonia Bohemica , Barr * . . . R. R. R. A. Nucula Bohemica , Barr * • • * * * * R. R. R. A. — major , Barr * * * * BRACHIOPODES. Orthis maesta, Barr * • • • • . . * R. R. R. A. % R. R. R A Lingula su.lc.ata Rarr. _ , , . sje — attenuat.a ? MnreTi. ..... $ * ÉCHINODERMES. Cystidee (inde't.) * Encrin. findet.). . ( \ » 1 Les Crustacés autres que les Trilobites se composent d’une Cythérine, qui paraît semblable à une espèce déjà observée dans notre bande cl. 5, et à un Anatijopsis qui traverse à peu près tout notre étage D. Il n’y a donc aucune forme particulière à la bande d. 1, 536 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. Les Céphalopodes, très rares et fort mal conservés, nous offrent cependant à formes distinctes , parmi lesquelles Orthoc. com - plénum est très remarquable par la conformation de ses cloisons. C’est peut-être la seule espèce qui caractérise spécialement cet ho- rizon avec Orthoc . honitm , car les deux autres nous semblent se reproduire au-dessus, dans le même étage Les Ptéropodes sont représentés par 3 espèces du genre P ugi un- cul us, dont une seule, Pug. teres , est propre à la bande cl. 1 ; les deux autres étaient déjà connues dans la bande d. U. Un fragment de Conulciria , que nous avons aussi recueilli , est trop mal con- servé pour être déterminé. Parmi les Gastéropodes, sur 5 espèces il y en a au moins 3 qui étaient déjà connues dans l’étage D; et nous remarquerons parmi celles-ci une forme extraordinaire, nommée Ribeiria pholndiformis , par Daniel Sharpe. d’après des individus trouvés en Portugal. La présence de ce fossile dans notre bande cl. h a été constatée depuis de bien longues années, et elle constitue un lien très digne d’atten- tion entre notre faune seconde et celle de la Péninsule. A cette relation s’ajoute une nouvelle connexion entre les mêmes faunes, parla découverte du genre Redonia dans notre bande d. 1. En effet, ce genre signalé d’abord dans la faune seconde de France, par M. Marie llouault, avait été reconnu sous diverses formes spécifiques en Portugal, par M. D. Sharpe. Il nous semble qu’on pourra distinguer aussi plusieurs espèces en Bohême, mais mal- heureusement elles sont toutes représentées par des moules in- ternes. Voilà donc divers fossiles, parmi lesTrilobites, les Gastéropodes et les Acéphalés, qui, sans être très nombreux, portent en eux des caractères tellement marqués, que leur présence simultanée, en Bohême, en France et dans la Péninsule, fournit le lien le plus important que la paléontologie puisse attendre entre les faunes locales contemporaines, représentant notre faune seconde. Ce fait vient parfaitement à l’appui de l’opinion que nous avons émise dans un de nos écrits antérieurs, relativement à l’introduction probable de la faune seconde en Bohême, par la partie sud- ouest de notre bassin, si toutefois la Bohême n’a pas été un des centres de cette création, si répandue aux temps siluriens. Les Brachiopodes n’ont fourni que à espèces dans la bande d% \ , et 2 d’entre elles étaient déjà connues dans l’étage D. Quant aux Echinodermes, ils sont représentés par une Encline et une Cystidée, dont les fragments sont très rares. La conservation de ces fossiles, quelque imparfaite qu’elle soit, NOTE DE M. BARRANDE. 537 puisqu’ils se présentent presque tous sous la forme de fragments très incomplets, est due à ce qu’ils sont enfermés dans des no- dules d’une roche quartzeuse très dure, qu’on trouve épars sur les champs. Ces nodules ont été originairement ensevelis sous la forme de concrétions, dans des masses schisteuses, décomposées plus tard par les intempéries, et ils sont restés à peu près sur place, tandis que les matières argileuses ont été entraînées par les eaux. Cette manière de voir s’appuie sur deux faits également faciles à observer. D’abord, des fossiles semblables à ceux qui se trouvent dans les nodules se présentent également dans les schistes noirâtres et micacés des environs de Rokitzan. Nous ci- terons particulièrement Plncop. Zippei , récemment retiré d’une fouille dans les schistes mentionnés. En second lieu, on peut voir des nodules semblables à ceux qui sont roulants sur les champs, dans leur position primitive, c’est-à-dire dans des schistes plus ou moins durs. Nous nous bornerons à citer entre -autres la localité de Straschitz , qui n’est pas très éloignée de Rokitzan, vers le sud-est. Nous pourrions en citer beaucoup d’autres sur la surface de notre étage D, et il est remarquable que cette tendance à la formation de concrétions autour des fossiles se représente dans tous les dé- pôts schisteux à toutes les hauteurs, tandis que les concrétions elles-mêmes sont tantôt siliceuses, tantôt calcaires, suivant la na- ture des roches où elles se forment. Elles acquièrent aussi une consistance ou dureté très variable , suivant les circonstances lo- cales. Puisque MM. les géologues de l’Institut impérial vont pénétrer de plus en plus sur la surface fossilifère du bassin silurien de la Bohême, nous espérons avec confiance que, partout où ils porte- ront leurs pas et leurs lumières, ils sauront arracher à l’oubli tout ce qui a échappé à nos recherches particulières, et que leurs con- sciencieuses études rempliront toutes les lacunes qui ne peuvent manquer d’exister dans le travail d’un observateur isolé. Leur grande habitude de scruter le terrain, et le contrôle établi dans leurs travaux successifs, sur une même contrée, ne sauraient manquer d’ajouter des faits importants à ceux que nous avons eu le bonheur de signaler. Il est surtout une partie de notre terrain qui nous a toujours semblé insuffisamment explorée, bien que nous l’ayons souvent parcourue. C’est la bande formant la base de notre étage des quartzites, dans la partie sud-est de notre bas- sin. On peut aisément se figurer sa direction par les localités de Straschitz , Tien et Sancta-Benigria. Cette bande représente à peu près le même horizon que les localités qui nous ont occupé dans 538 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. cette note. La situation géographique cle cette contrée a toujours été un obstacle au succès des travaux que nous y avons entrepris, par des ouvriers hors de notre surveillance, et bien que nous y ayons découvert de nombreuses traces des fossiles caractérisant notre faune seconde, nous n’avons cependant rien recueilli qui pût figurer dans notre collection. Avec les moyens que MM. les géologues de l’institut impérial ont à leur disposition, et surtout par l’influence de leur présence personnelle, partout où les appelle la haute mission dont ils sont chargés, s’ils veulent bien recher- cher les fossiles dans la région que nous indiquons, nous ne dou- tons pas que leurs soins ne soient récompensés par de nombreuses découvertes. Nous serons heureux de leurs succès, dont la science s’enrichira. M. Albert Gaudry donne lecture de l’extrait suivant d’une lettre de M. Gaiüardot : J’ai l’honneur de communiquer à la Société la nouvelle d'une observation importante qui vient d’être faite par M. Gaillardot. Il y a trois années, lorsque je passai à Séida (ancienne Sidon), M. Gaillardot, médecin en chef de l’hôpital de cette ville, me présenta des fragments de calcaire renfermant des Nummulites. Il voulut bien me donner ces échantillons : on pourra les voir dans ma collection des roches de Syrie, déposée au Muséum. M. Gail- lardot ignorait alors la localité d’où ils provenaient. Malgré mes recherches, je n’ai découvert aucunes Nummulites en Syrie ; ce- pendant je ne pouvais douter que plusieurs couches, dans les- quelles je n’avais pas su trouver ces fossiles, dussent se rattacher à la formation nummulitique. M. Gaillardot vient de rencontrer un de leurs gisements près de Séida. Elles se montrent à la partie supérieure de cet immense étage de marnes blanches qui recouvre une partie notable de l’île de Chypre, de la Basse-Egypte, de la Syrie et même des côtes de la Caramanie. Comme on a rencontré de nombreux fossiles crétacés dans ces marnes, on avait conclu qu’elles devaient se rapporter à la période secondaire. Mais, par plusieurs raisons que j’expliquerai dans la suite, j’avais été amené à penser que ces puissantes assises se par- tagent en 2 groupes : le groupe secondaire et le groupe tertiaire. La découverte faite par un observateur aussi habile que M. Gail- lardot ne peut plus laisser aucun doute à cet égard. Je ne crains pas de dire, dès à présent, que les terrains tertiaires ont en Syrie une extension beaucoup plus grande qu’on ne l’avait supposé jus- NOTE DE M. MICHEL. 539 qu’à présent, et j’ai lieu de penser que le gisement si justement célèbre des poissons du Liban doit être intercalé dans l’étage qui renferme des Nummulites à Séida. Ainsi les opinions devraient être modifiées au sujet de ce gisement, comme elles l’ont été au sujet d’un autre, beaucoup plus riche encore, celui de Mon te - Bolca en Italie. Dans un temps où la géologie était moins avan- cée, on n’avait pas distingué les couches tertiaires des assises secondaires ; les calcaires marneux de Monte-Bolca étaient consi- dérés comme crétacés; on sait qu’actuellement la plupart des géologues italiens les rapportent au terrain nummulitique. M. Barrande fait, au nom de M. Michel, ingénieur des ponts et chaussées, la communication suivante : Note géologique sur la Dobroudcha , entre Rassova et Kustendjé ; par M. Michel. La Dobroudcha est la contrée qui s’étend depuis Silistrie, Ba- zarde! îik et Balehik, entre le Danube et la mer Noire, jusqu’à reinboucliure du grand fleuve. Les Turcs ne donnent ce nom qu'à la partie dépouillée d’arbres : pour eux la Dobroudcha s’ar- rête à la forêt de Babadagh au N. ; pour les Cosaques et les Ta- tares habitants du pays, elle est limitée par le Danube. La constitution géologique du sous-sol n’est pas constante ; mais une épaisse couche de lœm sableux et micacé recouvre les diffé- rents terrains et donne à toute la contrée l’aspect uniforme, très remarquable, des pays de steppes. C’est à cause de cette uni- formité d’aspect que cette partie de la Bulgarie a reçu un nom spécial ; l’absence d’arbres n’est pas un caractère suffisant pour définir la Dobroudcha , puisque l’on peut voir quelques restes d’anciennes forêts aux environs de Rassova, à à kilomètres du Danube, et même à Mourvatlar, non loin de l’ancienne station de Carassou. Le caractère essentiel de la Dobroudcha, c’est la per- méabilité du sol. On ne voit dans tout le pays aucun cours d’eau, pas même de ruisseau. Les sources y sont très rares, et les puits sont creusés jusqu’à 30 et AO mètres. Les eaux souterraines s’écou- lent probablement par des sources de fond dans les lacs et dans le ! Danube. Au-dessus du lœm sableux dont nous venons de parler se trou- vent, entre Rassova et Kustendjé, les couches successives généra- lement horizontales de calcaires et de grès appartenant au terrain crétacé. SÉANCE DU 7 AYIilL 1856. 540 Par suite de l'horizontalité de ces couches , la Dobroudcha forme un vaste plateau légèrement ondulé : des failles fréquentes ont déterminé la formation des vallées principales, généralement perpendiculaires au cours du Danube ; leurs flancs sont profondé- ment ravinés. Mais on ne les voit point d’une certaine distance, et l’œil du voyageur se fatigue à suivre les lignes monotones d’un horizon qui ne change jamais. La hauteur de ce plateau est moyennement de 60 mètres au- dessus du niveau de la mer ; quelques contre'-forts s’élèvent jusqu’à 120 mètres dans l’intérieur ; mais le terrain s’abaisse le long des côtes, et les falaises forment une ligne uniforme de 20 mètres de hauteur au plus jusqu’au nord de Kustendjé, où elles sont rempla- cées par des dunes peu élevées. Le faîte de séparation entre le Danube et la mer Noire se dé- tache des Balkans au nord de Choumla, et à 80 kilomètres de la mer court à peu près parallèlement au Danube, dans la direction E.-E.-N., en passant par Bazardchik, et n’est plus qu’à 2500 mè- tres de la mer à la hauteur de Kustendjé. De là on le voit remon- ter brusquement vers le N., un peu N. -O. , toujours parallèlement au Danube, et s’arrêter aux longues plages de sable au milieu des- quelles se dressent isolément les Beshteppe (les Cinq-Têtes). Cette note ne comprendra la description que du terrain qui se trouve au point le plus étroit entre le Danube et la mer Noire. Les couches, généralement peu inclinées, n’apparaissent que dans les ravins profondément creusés dans le plateau, ou bien dans les vallées perpendiculaires au Danube. Les terrains sont de plus en plus modernes, soit qu’on marche du N. au S., c’est-à-dire de Babadagh vers Bazardchik, soit qu’on aille de l’O. à l’E. , c’est-à- dire du Danube vers la mer Noire. Dans le premier cas ce sont les failles, surtout, qui ont fait apparaître les couches les plus an- ciennes; dans le second, il est facile de reconnaître que les couches du terrain plongent légèrement vers la mer. A 2 kilomètres à l’aval de Rassova, la falaise le long du Danube est formée par les couches du calcaire néocomien, renfermant nombre de Nérinées, de Ptérocères, de Polypiers et autres fossiles. L’assise inférieure de cette formation, qui se retrouve encore dans l’intérieur jusqu’à 5 ou 6 kilomètres, passe généralement à l’état crayeux. En suivant le cours du Danube, on voit successivement les couches du terrain néocomien et du grès vert bouleversées par de nombreuses failles, et l’étude des niveaux relatifs de ces couches devient extrêmement difficile. A 16 kilomètres plus bas se trouve NOTE DE M. MICHEL. 5/il le village de Teherna-Voda , à l'embouchure du lac du même nom (en slave, Tcherna-Yoda veut dire eau noire, insalubre); Carassou, chez les Turcs. C’est en remontant la vallée des lacs, dans la direction de Kustendjé, que l’on peut étudier le plus com- plètement la géologie du pays. Après les calcaires blanchâtres avec nombreux fossiles du terrain néocomien inférieur, on trouve à 6 kilomètres environ du Danube les calcaires à Qrbitolithes, dont les assises puissantes, rongées par l’action du temps, semblent des ruines gigantesques. La cassure de ces calcaires est d’un blanç grisâtre, mais les surfaces exposées aux agents atmosphériques sont d’un beau jaune safran. Un peu plus loin, à 8 kilomètres du Danube, on trouve les pre- mières couches du grès vert qui forme presque tous les plateaux du centre de la Dobroudcha. La partie inférieure est un poudingue assez fin ; puis vient un grès sableux peu agrégé ; les grains de chlorite y sont fréquents. A la partie supérieure, on voit un grès blanchâtre à grès fins et très dur. Les seuls fossiles que nous ayons trouvés dans ce grès vert sont des débris de grandes Ostrea. Quand on se rapproche de la mer, à partir de l’emplacement de l’ancienne station ou ville de Carassou, on voit la craie blanche avec silex blonds recouvrir le grès dur; elle est généralement peu puissante, il semble qu’elle a été enlevée par un courant très vio- lent, elle n’existe plus que par place comme un dépôt local. L’ensemble du grès vert et de la craie, là où elle existe, est re- couvert par un dépôt tertiaire relativement moderne, qui forme le couronnement de tous les plateaux, depuis Ivrenetz jusqu’au faîte de séparation, entre le Danube et la mer Noire. De l’autre côté du faîte, on trouve à Balcliik le terrain crétacé; sur les bords du lac Sudgueul, à 10 kilomètres au N. de Kus- tendjé, c’est encore le grès vert supérieur et la craie blanche ; mais à Kustendjé même la falaise est formée par le terrain tertiaire inférieur. Une faille remarquable a donné naissance au port en relevant le cap de calcaire sur lequel est bâtie la ville. De chaque côté de cette saillie, qui avance de 500 mètres environ, la falaise est for- mée par des couches argileuses que la mer mine continuellement, en même temps qu’elle ronge le cap qui seul donne un abri aux bâtiments. Immédiatement au-dessus des calcaires vient une argile ver- dâtre avec des nodules marneux ; puis une couche d’argile jau- nâtre renfermant à la base les mêmes fossiles que les calcaires. Ce sont d’énormes quantités de Cardium qui semblent réunis en SÉANCE DU 7 AVRIL 1856t 542 masses considérables, comme les coquilles de Moules repoussées par la vague sur la plage. Par-dessus vient une couche d’argile rouge avec rognons de sulfate de chaux cristallisé en lentilles. C’est le dernier dépôt régulier que nous ayons pu observer dans cette partie de la Dobroudcha. Sur les bords du Danube se trou- vent encore, au-dessus du lœm diluvien, des dépôts considérables de tuf, et, dans leur voisinage, des dépôts considérables de cail- loux roulés. Les différents échantillons de ces terrains et quelques fossiles ont été déposés à l’Ecole des mines entre les mains de M. Bayle. On pourra y trouver, de plus, deux échantillons de calcaire à Nummulites que nous n’avons pas mentionnés dans la description précédente ; car nulle part nous n’avons pu l’observer en place. IJ existe cependant sur les bords du Danube. En deux points diffé- rents, et à 1 2 kilomètres de distance, à Bassova et à Tcherna-Voda, nous avons trouvé de magnifiques morceaux de calcaire à Num- mulites sur la margelle d’un puits et dans les ruines d’un village Les Nummulites y sont très nombreuses, et plusieurs atteignent la dimension d’une pièce de un franc. Telles sont les observations que nous avons pu faire dans des courses rapides à travers un pays à peu près complètement in- connu. C’est à ce titre seulement que nous présentons ces notes, auxquelles nous n’avons pu donner un caractère scientifique. M. d’Archiac annonce la perte que la Société vient de faire dans la personne de M. de Boissy, l’un de ses plus anciens membres. Sur la demande de M. le Président , M. d’Archiac veut bien se charger de rédiger une notice sur le regrettable M. de Boissy. M. Damour fait la communication suivante : Nouvelles recherches sur les sables diamantifères , par M. A. Damour. J’ai fait connaître, il y a quelques années, la composition d’un sable diamantifère provenant de la province de Bahia, au Brésil. ( Bulletin de la Société philomatique, 5 février 1853.) Ayant eu oc- casion, depuis cette époque, d’examiner de nouveaux échantillons de sable recueillis dans plusieurs localités du Brésil, je demande la permission d’exposer la suite de mes recherches sur ce sujet. Je MÉMOIRE DE M. D AMOUR. 543 rectifierai et je compléterai en même temps la liste des espèces que j’avais précédemment indiquées dans le sable de la Chapada de Bahia. Ce sable est composé des espèces suivantes : Quartz hyalin roulé. Zircon cristallisé. Feldspath rouge. Feijaô ( schorl-rock J. Cabocle ( hydrophosphate mine). Yttria phosphaté, blanc. Yttria phosphaté titanifère. Diaspore. d’alu- Rutile. Brookite. Anatase. Fer titané. Fer oxydulé. Étain oxydé. Mercure sulfuré. Or nptif. Un autre échantillon de sable provenant de Limoëro, province de Bahia, m’a présenté les espèces suivantes : Fer titané. Fer oxydulé. Fer oligiste. Fer hydroxydé. Or natif. Et un très petit Diamant formé de deux octaèdres maclés. C’est dans ces sables de la province de Bahia que l’on trouve le Diamant noir en masse cristalline, connu dans le commerce sous le nom de Carbonate. Cette variété de Carbone cristallisé, dont M. Rivot a donné une analyse (Comptes rendus cle T Institut, t.XXYIII, p. 317), se rencontre en morceaux de différentes gros- seurs, sous forme de galets plus ou moins arrondis et usés par le frottement. D’après le témoignage de M. le comte de Castelnau, ancien consul de France à Bahia, on en aurait trouvé un échantil- lon du poids d’un demi-kilogramme. Dans la cassure, les Diamants présentent une structure assez variable : les uns sont compactes, d’autres sont grenus et même lamellaires; on y rencontre aussi, mais assez rarement, de petites géodes tapissées de cristaux régu- liers, de Diamant incolore; quelques-uns, enfin, sont criblés de cavités celluleuses, à la manière de la pierre ponce. Toutes ces variétés, examinées au microscope, montrent une structure bien cristalline. Elles sont formées d’un agrégat confus de petits grains ou de lamelles de Diamant, ayant ainsi une structure analogue à celle du grès, qui, comme on sait, est formé de grains de quartz confusément agrégés. Des paillettes d’or sont quelquefois implan- tées dans les cavités de certains morceaux de ces Diamants. Quartz hyalin roulé. Zircon cristallisé. Tourmaline noire. Rutile. Baïerine (fer niobé). SÉANCE DU 7 AVRIL 4856. 5/i/t Un échantillon pesant l8r,0Zi5 m’a présenté line densité de 3 ,^|8. D’après M. Pelouze, la densité du Diamant employé dans la bijouterie est de 3,55. Je passe maintenant à l’examen de divers sables recueillis dans d’autres proviuces du Brésil. Sable de Diamantino ( province de Minas-Geraës ). — -Échantillon provenant de la collection de M. le duc de Luynes. Grès itacolumite. Quartz blanc. Quartz rose. Galets noirs (feijaô). Hydrophosphate d’alumine ( ca- bocle). Rutile cristallisé. Rutile pseudomorphique rempla- çant l’anatase. Acide titanique hydraté. Anatase. Tantalite. Fer oligiste. Fer oxydulé. Fer hydroxydé. Jaspe rouge. Disthène. Grenat rouge (almandine). Grenat manganésifère. Mica. Talc. Sable de Diamantino. — Échantillon fourni par M. Boubée. Quartz. Zircon. Hydrophosphate d’alumine ( ca- bocle). Galets noirs (feijaô). Rutile cristallisé. Rutile pseudomorphique rempla- çant l’anatase. Anatase. Acide titanique hydraté. Fer hydroxydé. Fer oxydulé. Fer oligiste. Disthène. Grenat manganésifère. Sable de Diamantino. — Échantillon appartenant à l’École des mines. Quartz hyalin roulé. Silex. Jaspe. Galets noirs (feijaô). Galets schistoïdes verdâtres. Hydrophosphate d’alumine bocle). Rutile. Acide titanique hydraté. ( ca- Fer titané. Fer oxydulé. Fer oligiste. Fer hydroxydé. Grenat rouge. Tourmaline verte. Graphite. Pyrite de fer. Sable d' Accaba-Sacco [province de Minas-Geraës , district de Ccrro do Frid). Hydrophosphate d’alumine (ca- bocle). Quartz. Galets noirs (feijaô). MÉMOIRE DE M. DAMOUR. 5 h 5 Rutile prismatique. Rutile pseudomorphique rempla- çant l’anatase. Anatase. Fer oligiste. Fer oxydulé. Fer hydroxydé. Disthène. Grenat rouge. Mica. Pyrite de fer. Or natif. Fragment de micaschiste. Sable d’Abaëthe. Quartz. Grès schistoïde feldspath ique. Jaspe rouge renfermant du fer oligiste. Hydrophosphate d’alumine ( ca bocle). Fer oxydulé. Fer hydroxydé. Grenat rouge. La liste suivante résume les espèces minérales qui viennent d’être mentionnées comme faisant partie des sables diamantifères de ces diverses localités du Brésil : Quartz hyalin. Jaspe et silex. Grès itacolumite. Disthène. Zircon. Feldspath. Grenat rouge (almandine). Grenat manganésifère ( spessar- tine). Mica. Tourmaline. 1 Feijaô ( schorl-rock ). Talc. Hydrophosphate d’alumine ( ca- bocle). Phosphate d’yttria blanc, i Phosphate d’yttria titanifère. Diaspore. Rutile. Brookite. Anatase. Acide titanique hydraté. Tantalite. Fer niobé (Baïerine, Columbite). Fer titané. Fer oxydulé. Fer oligiste. Fer hydroxydé. Fer sulfuré jaune. Étain oxydé. Mercure sulfuré. Or natif. Graphite. Diamant. Je vais entrer dans quelques détails sur la composition des sub- stances les plus remarquables qui se trouvent mentionnées sur cette liste. Disthène. — Cette espèce , facile à distinguer par ses caractères physiques et par son infusibilité à la flamme du chalumeau, se montre en petites baguettes ou en lames, arrondies sur les bords par l’elFet du frottement : sa couleur varie entre le blanc grisâtre, le bleu et le vert pâle. Zircon. — * Le Zircon se montre en cristaux bien conservés* ayant Soc, géol 2e série , tome XIII, 35 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. 546 au plus un millimètre de diamètre : il présente des prismes à quatre ou à huit pans, terminés à leurs extrémités par des pyramides à quatre faces, quelquefois modifiées sur les angles et sur les arêtes: quelques-uns sont incolores ; la plupart offrent diverses teintes dë brun, de jaune, de violet et de rouge. La présence du Zireon eu cristaux bien conservés a été également signalée par M. DufrërlOÿ dans les sables aurifères de la Californie {Comptes rendus de l1 In- stitut\ t. XXIX, p. 193). Feldspath. — J’ai rapporté à cette espèce quelques rares frag- ments roulés, d’une matière rougeâtre, clivable suivant deu£ directions qui se croiseUt à angle droit, fusible au chalumeau et présentant la dureté du Feldspath. Les acides ne l’attaquent pas. En fondant le minéral avec du carbonate de soude, j’ai constaté qu’il renfermait de la silice, de l’alumine, un peu d’oxyde de fer qui sont probablement unis à une certaine proportion de ma- tières alcalines que je n’ai pu doser. Grenat manganésif ère. — Ce Grenat, qui s’est trouvé dans un sable provenant de Diamantino, est en très petits cristaux très écla- tants et de couleur jaune topaze. La forme de ces cristaux est lë \ dodécaèdre rhomboïdal ; la plupart sont roulés, mais quelques- uns ont conservé la netteté de leurs faces et de leurs arêtes. Leur densité est de 4,16. Chauffé au chalumeau, ce Grenat fond aisément en verre bul- leux qui noircit et devient opaque au feu d’oxydation. Il donne | avec le sel de phosphore un verre qui prend une teinte violette foncée lorsqu’on y ajoute un peu de nitre pendant qu’il est chauffé au rouge. IL renferme par conséquent beaucoup de manganèse. Ses \ caractères sont de tout point identiques avec ceux du Grenat jau- nâtre transparent qu’on trouve à l’îie d’Elbe, implanté sur les beaux cristaux de Feldspath blanc du granité à Tourmalines et à J Béryls. J’ai constaté qué ce dernier Grenat renferme également : une forte proportion d’oxyde de manganèse. Feijaô. — Cette matière se montre en grains arrondis et en morceaux ayant la forme de galets roulés, de différentes grosseurs. J Elle est d’un noir mat ; sa cassure est grenue et quelquefois fibreusè'. Certains échantillons, observés à la loupe, paraissent foniiéé d’Iirië ( multitude de petites aiguilles entre-croisées. La poussière du miné- ral est gris verdâtre ; il raye faiblement le verre. Sa densitéfëst de 3,082. Chauffé dans un tube de verre, il laisse dégager une faible quan- tité d’eau. À la flamme du chalumeau , il se boursouffle et fond en une MÉMOIRE DE M. DÀMOUR. 547 scorie brun noirâtre ou vert olive foncé : cette scorie, chauffée sur le charbon, devient faiblement magnétique. Fondu avec le borax ou le sel de phosphore, il donne la réac- tion du fer. Les acides nitrique, chlorhydrique, fluorhydrique, ne l’attaquent pas; l’acide sulfurique, concentré et bouillant, le décompose avec lenteur et laisse un résidu siliceux. Si l’on réduit la matière en scorie à l’aide d’une forte calcination, elle se laisse plus aisément décomposer par l’acide sulfurique bouillant ; la masse réduite en gelée et délayée dans l’alcool, qu’on enflamme ensuite, commu- nique à cette flamme la couleur verte qui indique la présence d’une notable quantité d’acide borique. On obtient une réaction analogue en chauffant le minéral, au chalumeau, avec un mélange de spath-fluor et de bisulfate de potasse : la flamme se colore en vert au moment où la matière entre en fusion. Cette coloration ne dure que peu d’instants. La matière étant complètement vitrifiée par une forte calcina- tion, à l’aide de la lampe de M. H. Deville, se laisse aisément dé- composer par l’acide azotique chauffé à — ]— 60 degrés : de la Silice et de l’acide titanique restent en suspension dans la liqueur, qui finit par se prendre en gelée lorsqu’elle est suffisamment concen- trée par l’évaporation. La poudre du même minéral, étant chauffée dans un courant d’oxygène, perd sa couleur gris-verdâtre et prend une teinte jaune d’ocre, en augmentant de poids : cette opération a pour effet de suroxyder le fer qui existe dans le minéral à l’état de protoxyde. Deux analyses exécutées sur des échantillons recueillis dans deux localités différentes m’ont donné les résultats suivants : Silice Feijaô de la Chapada de Bahia. . . 0,3458 Feijaô du Haut-Pan 0,3501 Acide titanique . . 0,0157 0,0196 Acide borique . . 0,0732 0,0676 Alumine . . 0,3217 0,3654 Oxyde ferreux . . 0,1053 0,0976 Magnésie . . . . 0,0731 0,0437 Chaux 0,0022 Soude . . 0,0284 0,0192 Eau et matières volatiles. . . 0,0368 0,0346 1,0000 1,0000 Cette substance, par sa composition, se rapproche assez bien de la Tourmaline noire ; elle en diffère un peu par la présence de SÉANCE BU 7 AVRIL 1856. 548 l’eau et de l’acide titanique. Selon toute apparence, elle peut se rapporter à la roche désignée sous les noms deliyaloTurmalite, Schorl-Rock, qui accompagne les minerais d’étain en Cornwall et en Saxe. Au dire des mineurs du Brésil, la présence du Feijaô dans les sables est un présage certain de la découverte des Dia- mants. Hydrophosphate cï alumine ( Cabocle ). — Cette substance, par ses caractères extérieurs, se confond aisément avec un Jaspe ou un Pétrosilex : l’examen de ses propriétés chimiques permet de recon- naître qu’elle est composée d’acide phospliorique, d’alumine, d’un peu de chaux, de baryte, d’oxyde ferrique et de 12 à 14 p. 100 d’eau. Sa texture est compacte ; elle raye faiblement le verre. Dans les sables de Bahia, elle se montre en galets arrondis, de couleur rose ou rouge-brique plus ou moins foncée. Sa densité est de 3,19. Dans les sables de Diamantino et d’Abaëthe, sa couleur est le brun de café, et sa densité est de 3,14. Désignée au Brésil sous le nom de Cabocle , cette matière miné- rale est aussi considérée comme donnant l’indice de la présence du Diamant dans les gîtes où on la rencontre. Phosphate d'yttria blanc. — Le Phosphate d’yttria n’entre que pour une bien faible proportion dans le sable diamantifère de I?ahia, et je n’ai pu en réunir encore une suffisante quantité pour entreprendre son analyse. J’ai dû me borner ainsi à quelques essais qui m’ont permis de déterminer les principes constituants de cette espèce minérale. Elle se montre en fragments irréguliers et arrondis, présentant un double clivage qui conduit à un prisme rectangulaire droit ou peut-être légèrement oblique. Un cristal incomplet, le seul que >j j’aie pu recueillir, présente une pyramide à quatre faces. Deux de ces faces opposées l’une à l’autre sont larges et assez nettes ; les deux autres sont étroites et peu miroitantes. J /incidence des deux faces larges, prise par le sommet du cristal, est de 96° 35'; celle des faces étroites est de 98° 20' ; l’incidence des faces voi- sines est de 124° 23' 30/r. Ces mesures ont été vérifiées par AI. Des- cloizeaux. La couleur de ce Phosphate d’yttria est le blanc tirant sur le jaune pâle. Il raye la Fluorine et est rayé par une pointe d’acier. Il a l’éclat gras adamantin. A la flamme du chalumeau , il blanchit et reste infusible; il se dissout dans le borax et donne une perle incolore qui devient blanche et opaque au feu d’oxydation. Il se dissout également dans le sel de phosphore, mais avec une extrême lenteur, et donne un MÉMOIRE DE M. DAMOUR. 549 verre incolore et limpide, tant que le sel n’est pas saturé de ma- tière ; après saturation, le verre prend une teinte laiteuse et perd sa transparence. Réduit en poudre, il se dissout, à l’aide de la chaleur, dans l’acide sulfurique concentré : l’acide oxalique versé dans la disso- lution acide étendue d’eau y fait naître un précipité blanc d’oxa- late d’yttria qui donne, par la calcination, une terre jaune nankin pâle, offrant la réaction particulière à l’yttria. La liqueur, séparée de l’oxalate d’yttria, renferme de l’acide phosphorique. Dans une note précédente, j’avais désigné cette espèce sous le nom d’Hydropliospliate d’yttria, parce que j’avais cru reconnaître qu’elle contenait de l’eau. Je me suis assuré plus tard que la pré- sence de l’eau dans les échantillons soumis à mon premier essai était due à un mélange de lamelles de Diaspore , espèce qui se trouve dans le même sable , et dont les caractères extérieurs se confondent aisément avec ceux du phosphate d’yttria blanc. Phosphate d’yttria titanifère. — J’avais aussi commis une erreur en décrivant cette espèce sous le nom de Silicate d’yttria. Elle ren- ferme un mélange d’acide titanique et de zircone, que j’ai con- fondus au premier abord avec de la silice. Cette substance se montre en grains arrondis, criblés de petits trous à la surface ; quelquefois aussi en octaèdres à base carrée, à faces surbaissées comme celles du Zircon. Elle est opaque et de couleur brun- cannelle \ sa densité est de 4,39. Elle raye faiblement le verre. Le sel de phosphore ne la dissout qu’avec difficulté. L’acide sulfurique bouillant la décompose en laissant un résidu blanc, insoluble dans les acides formés d’acide titanique et de zircone. L’analyse m’a donné les résultats suivants : Acide phosphorique 0,3164 Yttria 0,6040 Acide titanique et zircone .... 0,0740 Oxydes d’urane et de fer . .... 0,0120 1,0064 Les cristaux de cette matière minérale observés dans les sables de Bahia ont tous les caractères extérieurs du Phosphate d’yttria qui se trouve engagé dans les Pegmatites d’Hitteroë, en Norwége, contenant également le Zircon, le Malakon et le Polykrase. Le Phosphate d’yttria cristallisé a été également trouvé dans les sables aurifères de Georgia et de la Caroline du Nord. [Journal de Silliman , 1851.) Diaspore . — Le Diaspore se distingue dans le sable diamantifère SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. 550 par l’éclat de ses lames cristallines de couleur blanc grisâtre, ayant quelque ressemblance avec certains Feldspath s. J’ai trouvé pour sa densité le nombre 3,â6/i. Au chalumeau, il laisse dégager de l’eau, devient opaque et de couleur blanc de lait. Humecté de nitrate de cobalt et fortement chauffé, il prend une teinte bleue. Son analyse m’a donné : Alumine 0,8402 Eau 0,1459 Oxyde ferrique 0,0068 Silice 0,0043 0,9972 Rutile. — Le Rutile se montre à l’état de petits grains roulés et quelquefois en prismes quadrangulaires striés dans le sens de leur giand axe, et terminés par une pyramide à quatre faces offrant diverses modifications. Brookite. — Cette espèce, entièrement composée d’acide tita- nique, ne diffère du Rutile et de l’Anatase que par le type cristal- lin auquel ses formes doivent être rapportées. Le sable de la Cha- pada, de Bahia, ne m’en a fourni qu’un seul fragment de cristal en prisme plat, strié parallèlement à son grand axe et terminé par lé même sommet dièdre qu’on observe sur les cristaux appartenant à la même espèce, et qui proviennent du pays de Galles. Titane anatase. — La transparence et l’éclat que présentent ces échantillons d’ Anatase peuvent, au premier aspect, les faire con- fondre avec le Diamant. Ils s’en distinguent aisément par leur peu de dureté et par leurs réactions au chalumeau. Les cristaux d’ Anatase qui se rencontrent dans les sables de la province de Diamantino se présentent pour la plupart sous forme d’octaèdre à base carrée approchant de l’octaèdre régulier. Quel- ques-uns sont transparents ou demi-transparents ; mais un assez grand nombre a subi une épigénie qui les a fait passer, soit en partie, soit en totalité, à l’état de Rutile. Ils sont alors opaques et de couleur brune ou rougeâtre. Lorsqu’on brise ces cristaux ainsi transformés, on remarque qu’ils ont des vides à l’intérieur et qu’ils sont composés d’une multitude d’aiguilles ayant tous les caractères du Rutile, et qui s’entre croisent suivant diverses directions. Leur densité est de â,06. Fer titane tantalifère. — Ce minéral, qui m’a paru constituer une espèce à part, se montre en grains noirs, presque tous arron- dis et usés par le frottement. Quelques rares cristaux assez bien conservés ont permis de reconnaître que sa forme dérive d’un MÉMOIRE DE M. DAMOUR. 551 prisme rhomboïdal oblique de 123 degrés. Il présente dans sa cassure un éclat demi-métallique. Sa poussière est vert olive foncé. Il raye le verre ; sa densité est de /i ,82. Fondu avec le sel de phos- phore, il donne au feu de réduction un verre de couleur brune, tirant sur le violet, qui caractérise la présence de l’acide titanique et du fer. Les acides nitrique et chlorhydrique ne l’attaquent; pas. Pour le dissoudre, il faut le réduire en poudre fine et le trai- ter pendant quelques heures par l’acide sulfurique concentré et bouillant. L’attaque se fait plus rapidement au moyen du bisulfate dépotasse, à la température du rouge sombre. La liqueur acide étendue d’eau et chauffée laisse déposer des flocons blancs d’acide tantaliqne qui entraîne un peu d’acide titanique. La dissolution d’acide retient l’oxyde de fer, l’acide titanique et un peu 4’oxyde d’étain. Cette matière minérale m’a présenté la composition sui- vante : Oxygène. Acide titanique. . . 0,7432 0,2953 ) Acide tantalique . . 0,0667 0,0077 J Oxyde d’étain. . . . 0,0204 Oxyde ferreux . . . 0,1697 1,0000 Rapports. 0,3030 8 0,0376 1 D’après les récentes expériences de M. Hoffmann, l’acide tita- nique étant exprimé par la formule Tiü3 et ayant pour équivalent le nombre 755, le fer titane tantalifère que je viens de décrire au- rait pour formule : 3 FeO + 8 (Ti03,TaÛ3). On connaît déjà, sous le nom de Nigrine ou de Rutile noir , des composés qui renferment une proportion équivalente d’acide tita- nique : celui d’Ohlapian en Transylvanie, trouvé dans un terrain d’alluvion avec débris de Granité, Schiste micacé, Grenat, Dis- thène, Rutile et Or natif. Il contient, d’après Klaproth : Titane oxydé 84 Fer oxydé . 14 Manganèse oxydé 2 100 Un autre fer titané, provenant de l’Oberfalz (cercle de Gratz, en Autriche), contient, d’après Müller : Acide titanique 86,2 Oxyde ferreux 14,2 100,4 552 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. Le fer titané des sables du Brésil se distingue de ceux que je viens de mentionner par la teneur en acide tantaliquè. Baiérine (Niobate de fer). — Ce composé, qui ne s’est rencontré jusqu’à ce jour que dans un petit nombre de localités (Bodenmais en Bavière, Chanteloube près Limoges, Haddam en Connecticut), se trouve encore dans les sables de Bahia en cristaux aplatis, striés, et dont quelques-uns ont conservé des formes cristallines assez nettes. La poussière de ces cristaux est brune, tirant sur le rouge; les autres caractères de cette substance se confondent entièrement avec ceux que l’on observe sur les échantillons provenant de Ba- vière. Tantalate de fer (Tantalite). — On n’a aussi rencontré cette es- pèce que sur un très petit nombre de points de la surface du globe (Brodbo en Suède, Kimito en Finlande, Chanteloube en France). J’ai constaté récemment sa présence dans un sable provenant de Diamantino (Minas-Geraës). L’échantillon observé est noir foncé, amorphe, et d’une densité de 7,88. Il raye le verre et présente d’ailleurs tous les caractères particuliers à l’espèce Tantalite . Acide titanique hydraté . — J’ai cru pouvoir donner ce nom à une matière concrétionnée, de couleur blanc jaunâtre, qui décré- pite fortement en laissant dégager de l’eau lorsqu’on la chauffe dans un tube de verre et qui donne avec le sel de phosphore la réaction de l’acide titanique. Je n’ai pu en réunir encore une quantité suffisante pour en faire l’analyse quantitative. Étain oxydé. — L’oxyde d’étain n’entre que pour une bien faible proportion dans les sables diamantifères. J’en ai extrait trois à quatre fragments de la grosseur d’un grain de millet; j’ai re- connu leur nature en les chauffant sur le charbon avec un mé- lange de tartrate de potasse et de carbonate de soude, et les rédui- sant ainsi à l’état métallique. Mercure sulfuré (Cinabre). — Le Mercure sulfuré, facile à recon- naître par ses caractères extérieurs et par le sublimé noir qu’il donne lorsqu’on le chauffe dans un tube de verre, ne s’est montré qu’en très petite quantité et dans un seul échantillon de sable provenant de la province de Bahia. Or natf. — La présence de l’Or a depuis longtemps été consta- tée dans les différents gîtes du Diamant. J’ai dit plus haut que des paillettes d’or se montrent quelquefois engagées dans certains échantillons de Diamant noir, en masse cristalline, qui sert ainsi de gangue au précieux métal. Si l’on compare entre elles les espèces qui composent les sables diamantifères dans les diverses localités que j’ai indiquées ci-des- MÉMOIRE DE M. D AMOUR. 553 sus, on voit que celles qui se présentent le plus constamment sont les suivantes : Quartz. Grenat. Feijaô. Hydrophosphate bocle). Rutile. d’alumine f ca« Anatase. Fer titané. Fer oxydulé. Fer oligiste. Fer hydroxydé. Or natif. Toutes ces substances se rencontrent habituellement en filons ou en nids engagés dans les terrains et les roches de cristallisation. Il paraît assez difficile d’admettre que le Diamant se soit formé postérieurement aux alluvions et au dépôt des matières arénacées au milieu desquelles on le rencontre actuellement. Il semble ; beaucoup plus probable que cette précieuse matière, engagée pri- mitivement dans certaines roches cristallines, comme nous voyons I encore aujourd’hui lesZircons, les Tourmalines, les Topazes, les Spinelles, etc. , s’est formée par suite des réactions diverses qui ont déterminé en même temps la production des espèces minérales auxquelles elle se trouve le plus communément associée. Ces roches cristallines servant autrefois de gangue au Diamant, ayant été brisées et en partie détruites par l’effet des commotions qui ont remué et sillonné la surface du globe, à certaines périodes géolo- giques, ne se montrent plus qu’à l’état de débris et de matières arénacées. Dans un intéressant mémoire récemment communiqué à la Société géologique, M. Alphonse Favre, professeur de géologie à l’Académie de Genève, signalant l’importance que peut offrir le caractère d’association des espèces entre elles pour faciliter l’expli- cation des moyens que la nature emploie en formant les minéraux, a cité comme exemple le Diamant et les nombreuses espèces qui l’accompagnent dans différentes localités du Brésil. M. Favre, rappelant à ce sujet les expériences faites dans les laboratoires depuis quelques années, expériences qui ont amené la reproduc- tion artificielle d’un assez grand nombre d’espèces appartenant au règne minéral, a cru devoir admettre comme très probable que le Diamant s’est formé par suite des réactions que certains chlorures volatils ont exercées sur les roches et sur les éléments minéralo- giques avec lesquels ces chlorures se sont trouvés en contact. Je ne conteste pas la vraisemblance de l’hypothèse émise par M. Al- phonse Favre ; je pense cependant que, pour établir avec plus de sûreté une théorie sur la formation du Diamant, il serait utile de 554 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. continuer l’examen des minéraux qui lui sont associés dans les gîtes, du reste peu nombreux, où l’on recueille cette matière tant recherchée. Nous n’avons encore examiné qu’un petit nombre d’échantillons de Cascalhosdu Brésil; ceux de l’Oural, de l’Inde, de Bornéo, ne se voient dans aucune de nos collections à Paris. Il serait intéressant de les comparer entre eux et de chercher si les mêmes minéraux s’y retrouvent; on obtiendrait aussi des données plus certaines sur la formation du Diamant en recueillant avec soin tous les échantillons qui nous montreraient cette substance enga- gée dans les roches ou dans les matières çristallipes qui doivent avoir constitué sa gangue. M. Elie de Beaumont donne lecture des deux notices sui- vantes, traduites du hollandais par M. A. Perrey : Voyage au Batory volcan de File de Bail , par R. -F. de Scjff(l). Dans le mois de mars de cette année (1854), j’ai eu F occasion de faire un voyage dans l’île de Bali. Avapt de l’entreprendre, j’avais réuni des notes et des dessins pendant mon séjour de six mois au fort de Boulin g (1847), et pen- dant les deux expéditions de 1848 et f849. J’avais relu une se- conde fois la description de Bali ppr M. Lauts, ainsi que les rap- ports sur la constitution naturelle du pays, sur ses mœurs et ses usages, publiés par M. Zollinger dans le Tijdschrijt van, J/Yeder- landsch Indië et par M. Melvill van Çarnebée dans le Moniteur des Indes. Enfin j’emportais avec moi le premier de ces ouvragespour y suivre, autant que possible, sur les lieux mêmes, la carte génér raie du pays qui l’accompagpe. Dans ce voyage, j’avais pour but de visiter le Bator, volcan si- tué au milieu de l’île, peu connu ou décrit en quelques mots et sans exactitude. Le 28 avril au matin, nous quittions le hameau de Dasessa, où nous nous étions rendus la veille par le nord de 1 île, et qui se trouve entre 4 et 5000 pieds au-dessus du niveau de la mer; nous étions en marche de bonne heure, afin de ne rien perdre du beau spectacle que devait nous offrir cette journée. Le chemin court sur de petites crêtes couvertes seulement d ’ alang-alang {Imper ata Kœnigii). (1 ) Natuurkundig Tijdschrift voor Nederlandsch Indië [, t. VIII, nuuvve ser., t. Y, p. 14 9, 4 20. NOTE DE M. PERREY. 555 A mesure que nous montions (le chemin monte toujours), les ravins, à droite et à gauche, commençaient à se couvrir çà et là de Tjemarn ( Kasuarinq ), et le terrain, entièrement inculte, devenait de plus en plus sauvage. Nous atteignîmes une coupure transver- sale qui nous barra le passage : elle se trouvait au point le plus élevé. Le chemin courut ensuite horizontalement l’espace de quel- ques centaines de mètres, puis il commença à descendre. Ici jes kasuarinas abondaient dans le sol pierreux sur lequel nous mar- chions et qui formait les parois environnantes. Toute cette descente présente une pente très roide, sur un sen- tier couvert de grosses pierres ; nous avions constamment à notre gauche une espèce de muraille formée par une montagne escar- pée, de 100 à 200 pieds de hauteur ; nous arrivâmes ainsi à une petite plaine d’environ 300 pieds au-dessous du point le plus élevé que nous venions de traverser. Combien je fus frappé, en regar- dant à gauche, d’avoir devant moi le Bator qui , ce jour-là plus qu’à l’ordinaire, élevait jusqu’au firmament de majestueux nuages de couleur brune ! Splendide était la vue dont nous jouissions d’ici sur l’île presque tout entière. Au nord, Boleling complet et la mer; à l’est, le Ba- tor, le Telokbio et l’Agong ; un peu plus au nord, l’île de Lom- bok se perdait dans le lointain sous l’apparence d’une raie bleue, entre ces deux dernières montagnes ; au sud-est, au sud. et au sud- ouest, les terres inclinées de Bangli, la partie la plus mon tueuse de Karangassam etKlongkong, Gianjar, Lombok, Noessa Pandita (île Poelo-Noessa ou Bandieten) ; à leur pied, la mer, dont à leur écume blanche nous pouvions facilement discerner les brisants, la pointe sud de Badong et ses deux baies , l’Océan indien , la terre de Mengoei-Tabanan , la série orientale des montagnes de la Djembrana, si riche en forêts, et, dans le lointain, les montagnes de la pointe est de Java. Nous arrivâmes assez tard à Kottadalem, hameau composé de trois maisons ; nous descendîmes de cheval et nous nous assîmes sur un tas de pierres, afin de jouir plus à notre aise du spectacle qui se déroulait devant nous. Nous nous trouvions serrés sur un mur cratériforme [km ter - muur) (1), de 600 à 1000 pieds de hauteur. Ce mur a une forme (1) Je traduis ainsi les mots composés kraterniuur , et plus loin kra - terrand , qui désignent le bord élevé d’un vaste cirque [kmter de l’auteur) qui renferme une mer intérieure et le cône actif du Bator. 556 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. ovale d’environ 5 païen (1), dans son plus grand diamètre, et de 3 1/2 à U païen , dans le plus petit. Du point où nous nous trouvions, se détachent de nombreux mamelons (i bergklaauwen ), qui occupent à peu près les trois quarts de la plaine basse située devant nous ; le dernier quart s’abaisse et forme une vallée qui se rattache immédiatement au cône éruptif (i eruptic kegel ) même, lequel, par une pente régulière, s’élève jus- qu’à la hauteur d’environ 1000 à 1500 pieds. Ces mamelons et cette vallée ont leurs flancs couverts d’alang- alang et de kasuarinas qui offrent des refuges aux nombreux tigres qui s’y trouvent et dont on rencontre les traces à chaque pas : ces lieux sont, au reste, très fréquentés, soit parles habitants de Tjin- tenmani, hameau situé trois païen plus loin, sur le bord même du cirque, soit par les indigènes de l’intérieur qui vont vers le nord ou qui en reviennent. La recommandation de ne plus sortir après 6 heures et demie du soir et le récit qu’on nous fit de huit person- nes qui avaient été dévorées dans les trois ou quatre derniers mois sont des preuves suffisantes de ce que j’avance. Près de Kottadalem, la crête sur laquelle court le chemin est très étroite ; à l’est, elle se rattache d’abord au pays montueux dont les pentes très accidentées s’étendent jusqu’à la mer, et, plus loin, au Telokbio (près d’un bâtiment sacré ou temple supposé), sur le bord du cratère (2); en plusieurs endroits, elle n’a que 5 à 10 aunes de large ; elle forme ainsi une courbe ; elle s’abaisse en pente douce du côté de Bangli et forme une ligne horizontale plus unie du côté des montagnes de Tabanan ; enfin elle revient vers Kottada- lem, en se portant au nord vers Bobeling, où de profonds ravins servent de lits aux rivières qui, sur la côte boréale de l’ile, se jet- tent dans la mer. Dans son ensemble, ce mur ou bord du cirque forme ainsi une espèce de montagne annulaire ( ring ber g), qui se trouve entre le groupe des montagnes de Tabanan et le système de l’Agong. A distance, d’après la hauteur de l’Agong, 10,000 pieds environ, i et des montagnes de Tabanan, 7 à 8000 pieds, j'estime la hauteur de cet anneau à 5 ou 6000 pieds. D’après la vue d’ensemble que, dans ce voyage, nous avons eue de l’île, il m’est démontré qu’il y a de grandes inexactitudes dans la description du système des montagnes de Bali et dans la carte de cette île. (1) Milles angla is (?) (2) Ou mieux, du cirque. NOTE DE M. PERREY. 557 La masse entière des montagnes pourrait se diviser en trois groupes. Le premier, en commençant au détroit de Bali, comprendrait les montagnes qui couvrent la province de la Djembrana et près des frontières de Tabanan forment des pics plus élevés. Le plateau de Bobeling, au nord, les terres plus basses et les plaines faiblement inclinées de Tabanan et de Mengoci, au sud, appartiendraient à ce premier groupe. Ces sommets s’alignent dans la direction de l’ouest à l’est, sur la plus grande largeur de l’île, et forment une série de montagnes (in cene bergrecks ) qui finirait au nœud de celles de Tabanan, les- quelles les rattacheraient au second système, formé par le haut plateau (ber gland) décrit plus haut et représenté par le Bator. A l’est, enfin, et se rattachant à ce dernier, se dresse l’Agong sur sa large base. Entre le Bator et l’Agong, le mur d’enceinte du cirque (krater- rand) relève ses parois escarpées et forme le Telokbio , nommé aussi Abang. Tu de Kottadalem, ce dernier paraît fendu en deux ; les flancs du Telokbio et de l’Agong, placés vis à-vis, s’abaissent l’un vers l’autre et se réunissent en formant une espèce de selle. A sa base, sous l’escarpement même, se trouve un lac qui occupe le quart de la surface du cirque (krater) et dans lequel se perd le pied orien- tal du cône éruptif (eruptie kegel). Ce lac serait sans fond , suivant ce qu’en disent les insulaires (dans le Moniteur des Indes-Orientales , on lui donne UO à 50 brasses de profondeur) . Des murs escarpés, déchirés de profondes crevasses, en bornent la rive orientale; ils se prolongent ensuite le long du bord du cir- que en s’avançant graduellement dans l’intérieur, et viennent se réunir, en passant par le nord, aux mamelons déjà décrits ( berg - klaauwen ), près de Kottadalem et de Tjitenmani. Autour du cône d’éruption (uitbarstings kegel) et se terminant au lac, de chaque côté de ce cône, se trouve une vallée magni- fique , où croissent des forêts de kasuarinas , et dans laquelle d’énormes courants d’une lave noire et brisée sont hérissés de blocs immenses. Au bas de cette vallée , au pied même du bord du cirque , se trouve le hameau de Pannalokkan, et, au milieu des basses terres, le village de Bator, où l’on a élevé un grand tampatdewa en l’hon- neur de la divinité qui habite le cratère du cône éruptif. Ce lieu 558 SÉANCE DU 7 AYRIL 1856. est en grande vénération, et c’est là que les princes deBangliet de Karangassem viennent remplir leurs devoirs religieux. La super- stition a empêché de tenter l’ascension de la montagne; mais je crois toutefois que les pluies abondantes de cendres et les épais nuages de fumée auraient suffi pour arrêter les indigènes. D’après toutes les apparences, je regarderais volontiers la mon- tagne de Telokbio, dont le talus forme à l’ouest une espèce de selle par sa réunion avec les montagnes de Tabanan, comme ayant été autrefois un volcan actif; une grande éruption l’en aurait détachée en en renversant la moitié occidentale ; le vide, ainsi formé, se se - rait étendu jusqu’au lac, qui l’aurait rempli d’eau, et les feux sou- terrains, se frayant un passage, auraient ensuite élevé le Bator dans cet affaissement. La planche qui, dans la Géologie uncl Petrefacten kunde de Yogt, représente la montagne de Rocca- Monfina, peut, sauf quelques modifications, donner une idée exacte de ce volcan. Le chemin que nous avons suivi depuis Kottadalem est con- stamment plat et embarrassé d’alang-alangs sauvages ; il ne s’éloigne jamais du bord du cirque ( kraterrhuui -), que souvent il longe immé- diatement. Nous ne pouvions, sans frissonner, plonger nos regards dans l’abîme qui était à nos pieds ; mais la vue du Bator, qui se trouvait au-dessus de nous, était d’un pittoresque magnifique. Nous étions à peu près arrivés à cette hauteur, lorsque de noirs nuages de fumée commencèrent, vers dix heures environ, à s’élan- cer de la bouche la plus élevée de la montagne. 11 y avait deux bouches situées plus bas, dont la plus occiden- tale fumait comme à l’ordinaire; nous n’y remarquâmes aucun changement. Peu à peu le vent se mit à souffler plus fort, et bientôt nous fûmes couverts d’une cendre noire et piquante qui nous empêcha presque de tenir les yeux ouverts, ce qui pourtant était d’une né- cessité absolue sur un sentier aussi étroit. Nous atteignîmes ainsi le hameau de Panalokkan, où le chemin s’éloigne brusquement du bord du cirque (kratermuur), pour cou- rir dans une direction sud-est. Bientôt une scène magnifique se développa devant nos yeux. Nous voulions en jouir aussi longtemps que possible, et pendant une heure entière nous restâmes comme fixés à cet endroit. M aintenant nous pouvions parcourir des yeux toute la longueur du grand axe du cirque, toute l’étendue de la belle vallée, au sud, et du lac, non moins magnifique, le mur escarpé de la montagne NOTE DE M. PERREŸ. 55Ô au pied duquel s’élèvent sur la plage quelques dessa’s (1) d’un effet pittoresqüe, leGoenoeng-Àgong avec ses plantations; enfin, devant nous, le Bator avec ses flancs sillonnés par les noirs courants de lave ét profondément crevassés et ravinés , parfaitement visible sous les nuages de cendre et dé fumée, le cratère embrasé, com- plétait cette scène grandiose. J’ai eu le regret de né pouvoir me convaincre, ni par le témoi- gnage des insulaires, ni par mes propres yeux, qu’il existât une iàsue qui donnât passage aux eaux du lac : je ne puis donc rien affirmer à ce sujet. Cependant j’ai vu partout le mur également abrupte et escarpé. Ce volcan, dont la fumée s’aperçoit de tous les points du sud de l’île, est le seul aujourd’hui en activité. L’Agong lancé encore de la fumée, mais seulement à travers quelques fissures situées sur le flanc septentrional. Quant au volcan de la province de Djembranâ et quelques autres qu’on rencontre dans la plupart des descrip- II se trouve , il est vrai , dans les montagnes qui séparent les provinces de Tabanan et de Djembranâ de celles de JBobeling quelques lacs ( meeren ) qui sont peut-être d’anciens cratères ; mais, à toutes nos qtiestions il a toujours été répondu de la manière la plus positive que l’Agong et le Bator étaient les seuls volcans de l’îlë. Combien j’aurais désiré voir de plus près cette montagne ! ou ait moins ÿ recueillir quelques échantillons I Mais le temps qui m’a manqué ni’a présenté un obstacle insurmontable. J’ajouterai ici que lé 3 mai, à huit heures et demie du matin, nous avons ressenti une secousse très violente de tremblement de terre ; elle â duré près d’une minute; le mouvement était ondulatoire du S. au N. Nous reconnûmes, à notre retour, que la bouche la plus élevée du Batdr avait vomi un torrent de lave du côté du lac, que ce torrent s’était divisé au pied de la montagne et s’était propagé en serpentant jusqu’au lac. Les insulaires nous apprirent alors qu’il n’existait qiie depuis quatre jours seulement et qu’ils n’en avaient jamais observé d’aussi considérable. Enfin, en allant et en venant, nous avons vu sur cette mon- tagne un Loctoe/ig que M. Zollinger dit ne pas exister à Bali. Note de V auteur , p. 12 k et 125. M. Melvill van Carnbée dans son Essai des îles de Bali et de (1) Habitation des indigènes. 560 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. Lomboh) inséré au Moniteur des Indes , fait mention de l’éruption d’un volcan dans l’ouest de l’île en l’année 1804 : il nous apprend qu’il a trouvé ce fait dans l’ouvrage de M. Tombe, intitulé: Voyage aux Indes orientales pendant les années 1802-1806 ; Paris, 1810. A la page 14 du tome II de cet ouvrage on lit en effet : « Mais ce pays (Banjoewangi) doit principalement son insalubrité »> à un volcan dans l’ouest de l’île de Bali , à une lieue et demie » dans l’intérieur, vis-à-vis de l’établissement. Ce volcan vomit « » souvent une pluie de cendres qui couvrent et l’établissement » et les environs, ce qui était arrivé l’année précédente et avait » occasionné, peu de temps après, une grande quantité de maladies » mortelles. » M. Tombe visita Banjoewangi en 1805, en sorte que l’éruption citée aurait eu lieu en 1804. D’après cette descrip- tion, la montagne de Bakaengan, située vis-à-vis Banjoewangi, sur la côte ouest de Bali, aurait été autrefois un volcan actif. La proximité de ce point de Banjoewangi ferait désirer qu’on en fît l’examen afin d’éclaircir ce fait. Suivant M. Melvill van Carnbée, les trois sommets les plus élevés de la montagne de Bakoengan atteindraient des hauteurs de 2023, 2029 et 1988 pieds du Rhin au-dessus du niveau de la mer. A cette note , j’ajouterai quelques passages empruntés aux auteurs qui ont traité des volcans de Bali. Yan HofF ( Veranderungen der Crdoberflàche , II, 439, Go- tha, 1824) ne signale qu’un volcan dans la province de Kara- Asam, lequel aurait eu une grande éruption en 1808. De Buch [Ins. Canar . , Berlin, 1825) a copié Yan HofF. Berghaus [Allgcmcine Lànder-und Volkerkunde , II, 714, Stutt- gart, 1837) signale seulement sous le n° 16 de la série des îles de la Sonde : le Bali-Pik, lat. 8° 24' S., long. 113° 4' E. de P. dans la province de Karang-Assam. Enfin M. Landgrebe ( Naturgeschichte der Vulurne , I, 263 , Gotha, 1855) copie textuellement de Hoff et Berghaus. Sickler [Ideen zu einen vulcanishen Erd-Globus , Weimar, 1812) ne parle pas de Bali ; Arago n’en dit rien non plus dans l 'Annuaire de 1829. « Ascension au 'volcan du Kloed en septembre 1854, par T. Arriens (1). En 1854, le 8 et le 9 septembre, j’ai fait l’ascension du Kloed, (1) Natuurhundig Tijdschrift voor Nederlandsch Indië, t. VII, ou nouv. sér., t. IV, 5e et 6e liv. , p. 453-460; Batavia, 1854. NOTE DE M. PERREY. 561 volcan actif de Java, avec MM. Noordziek, résident adjoint, Nolthenius van Eisbrock, capitaine de la cavalerie des Indes orientales, Bernie, contrôleur, Canne et A mens, employés de Witt, Sobels, Huijser et Van der Ulies, particuliers, le régent de Toeloongagoong et le Radhen Rongo de Blitar. Nous avions pour but de reconnaître, autant que ce serait pos- sible, les changements causés par l’éruption du 16 mai 1848 et qui pourraient subsister encore. ï'taus ne répéterons donc pas ce que M. Jungbuhn a écrit de cette montagne, dont il nous adonné une belle et claire description que nous suivons pas à pas. (Voy. Java deszeljs geda ante , Amsterdam, 1850-1853, 13 livr. in-8, avec cartes, planches et 11 vues pittoresques in-fol., livraison 6, p. 645.) Nous suivîmes le même lahar (gorge ou ravin) cpie M. Jun- ghuhn a indiqué. Nous avions cependant, avant d’arriver à Breni, traversé déjà un autre lahar qui ne paraissait pas avoir existé en 1848, ainsi que nous le montrerons plus tard. Au commencement, le lahar n’offrait rien de remarquable, nous le gravîmes sans quitter nos chevaux, l’espace de deux païen ; puis il se rétrécit par degrés insensibles, et les murs qui le bordaient s’élevèrent de plus en plus. On ne pouvait plus rien découvrir des coupures remarquées par M. Jungbuhn. L’éruption de 1848 avait entièrement changé le lit, et naturellement il ne restait plus de traces des petites pyramides [loc. cit.y p. 649). Dans plusieurs endroits, où le lahar formait des sinuosités qui avaient embarrassé les eaux torrentueuses dans leur course, il s’était formé des couches ou bancs de sable et de pierres amonce- lées dans ces courbes, cpii en étaient presque complètement com- blées. Plus tard, les pluies y avaient encore formé de petits détroits. A mesure que les murs s’élevaient , la végétation paraissait changer, et sur leur sommet on ne voyait aucun arbre propre- ment dit, à l’exception de ce qu’on appelle anggrings dans le pays ( Parasponia p arviflo ra, Miq , loc. cit ., p. 667). Les murs étaient tellement abruptes, qu’en les frappant d’un simple coup de pierre on causait aussitôt de petits éboulements, ce que le vent faisait d’ailleurs fréquemment. Une chaleur accablante régnait dans ce passage dangereux, qui un peu au delà de la moitié de la distance à parcourir se resserra tout à coup et devint tellement rempli de masses de pierres, .qu’à partir de là le voyage dut être fait à pied. Sans ces obstacles et quelques autres du même genre nous aurions Soc, gcol ., 2*'’ série , tome XIII. 36 562 SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. pu aller à cheval jusqu’au pied du cône même, car la pente est très douce. Partout où cette gorge est très étroite (moins de 20 pieds en quelques endroits), le sol est plus rude. Puisque la même masse d’eau y a aussi passé, le frottement doit y avoir été plus considérable, par conséquent le sable meuble et les petits cailloux n’ont pu y rester en couches, mais sont allés se déposer dans des endroits plus larges. Ce terrain plus rude est peut-être du trachyte. Peut-être ici pourrait-on supposer encore que ce lahar n’a changé d’aspect que sous l’influence des pluies quotidiennes dans la mousson d’ouest. Probablement une grande partie du sable et des pierres ont été entraînés hors du lahar pendant l’éruption sans avoir été précisément lancés par le cratère. Partout où des éboulements ont eu lieu, le sable a pris le talus naturel. Les murs doivent donc avec l’eau former une espèce de pâte, comme si les matières eussent été brassées ensemble ; autrement ils devraient s’écrouler beaucoup plus tôt. De temps en temps nous rencontrâmes des lahars secondaires ou proprement des crevasses qui débouchaient dans le lahar. Le ruisseau signalé par M. Junghuhn avait entièrement disparu et semble s’être complètement déplacé, car le lahar était desséché jusqu’en haut. Vers une heure nous nous trouvâmes à l’enclroit où le passage s’élargit ( loc . cit ., p. 65A, lettre C, fig. 15, dans le dessin de M. Junghuhn). » Ici la pente commence à être plus roide : le lahar est rempli de plus grosses pierres et de blocs de rochers, et prend plus par con- séquent l’aspect d’un lit de rivière. De là, après une courte halte, nous gravîmes le sommet à peu près dans la direction indiquée par M. Junghuhn, et après une petite heure de montée nous atteignîmes le bord n° XII, d’où nous pûmes apercevoir le lac d’un bleu azuré dont la description qu’en a donnée M. Junghuhn n’a certainement rien d’exagéré (loc. cil., p. 671), car, malgré tout ce que nous nous attendions à voir, nous fîmes cependant un pas en arrière à l’aspect d’un pré- cipice effroyable sur le bord duquel nous nous trouvions tout à coup. Après quelques moments de repos, nous fûmes effrayés par i un fracas aussi subit que violent. Tous les yeux se portèrent vers le lac, et l’énigme fut connue. C’était un éboulement causé par le vent au sommet, n° II, lequel faisait rouler presque au-dessous de nous, comme une avalanche, une grande masse de sable et de pierres. Il fut si considérable, 4 ( NOTE DE M. PERREY. 56S qu’une partie , en dehors du lac , forma un talus incliné de 45 degrés. Plusieurs éboulemeuts semblables se succédèrent ensuite. On peut conclure de là combien il doit s’en être fait dans le lac de- puis 1848, combien plus il doit s’en faire dans le temps des pluies considérables, et enfin combien seraient causés par une éruption suivante. Au pic YI ( loc . cil.) il y a eu un éboulement si considérable, que jusqu’à la partie la plus basse de ce profond ravin on voit une large bande qui prouve évidemment que ce pic n’est aussi com- posé que de sables et de pierres agglutinés ensemble. Le contour du lac était encore intact, il avait la même forme que sur le dessin. En B (loc. cit .) le bord était brisé, et l’eau paraissait avoir trouvé, en 1848, une issue par cette fracture, qui est encore élevée d’environ 50 pieds au-dessus du niveau du lac. De là sort un nouveau laliar qui se dirige à gauche de YII [loc. cit.), et qui n’est pas représenté sur le dessin. Ce lahar paraît être le même que celui que nous avions traversé avant Breni et qui avait été produit par l’éruption de 1848. Le bord entre XII et B [loc, cit.) était aussi plus abrupt que celui représenté dans le dessin. De la pointe XII [loc. cit.) on distingue jusque dans le lointain les trois lahars , comme autant de rivières desséchées, et l’on reconnaît encore delà facilement la végétation des anggrings [Peu asponia). Le terrain entre les lahars qui pren- nent leur origine en Xll et B [loc. cit.) était aussi entièrement couvert d’arbres, et d’en haut on pouvait distinguer la réunion de deux lahars. Du haut du pic pourrait- on reconnaître encore les traces de l’éruption et en conclure la marche (deviner comment elle s’est passée)? Il est difficile de répondre d’une manière satisfaisante à ces questions. On pourrait cependant admettre qu’aucune lave n’a été émise, et même encore que l’éruption n’a pas eu lieu sur le bord du cratère. 11 est en effet évident, à première vue, qu’il n’y a que du sable et des pierres et qu’on n’y rencontre aucune lave. Que la masse éjectée n’a pas coulé par-dessus les bords, mais que , lancée d’abord à une grande hauteur, elle est retombée ensuite autour des bords, est ce qui est évident partout. Ainsi la partie comprise entre le pic XII et le pic Y est recouverte de cette matière, qui s’élève à l’épaisseur de 4 pieds dans plusieurs endroits et dans quelques-uns jusqu’à 8. Si la matière avait 56 A SÉANCE DU 7 AVRIL 1856. coulé, elle ne serait pas allée plus loin que le point le plus bas , et pourtant elle se rencontre partout, même à gauche du pic Y. C’est un conglomérat évidemment formé de pierres et de sables, recouvert seulement, par places, d’une espèce de gazon rare et court et de mousse. Partout cette masse est crevassée de manière à laisser reconnaître facilement l’ancien sol dans beaucoup d’en- droits où la végétation est plus active. Cà et là des plantes de la famille des Parasponia s’élèvent dans ces crevasses , de sorte qu’on peut admettre que la température des matières éjectées s’était déjà tellement abaissée pendant leur chute , que ces plantes n’en ont pas été endommagées, car on ne peut pas suppo- ser que ces végétaux auraient crû depuis l’éruption et qu’ils au- raient atteint aujourd’hui cette hauteur sur un sol aussi aride. On n’a rencontré aucun fragment d’arbres charbonnés. Quel- ques troncs que l’on rencontre à l’extrémité du lahar ont-ils été brûlés par la foudre, ou peut-être même par la main de l'homme, et entraînés ensuite par le torrent ? Le lac se trouvait encore aussi calme que lors de la visite de M. Junghuhn ; il était encore rempli d’eau. D’où viennent ces 1800 millions de pieds cubes? Les hauteurs qui le dominent aux environs n’en fournissent que des quantités sans importance. La superficie du lac peut s’élever à 50 bouws. Imaginons main- tenant une section horizontale qui coupe la montagne entière à environ 1000 pieds au-dessous du sommet, c’est-à-dire à la hau- teur du fond du lac, nous obtiendrons une surface de 300 bouws. C’est là toute la région des pluies de la mer, car les pluies qui tombent au-dessous de 1000 pieds, à compter du sommet, tom- bent déjà plus bas que le fond de ce lac. Il ne se trouve pas dans une vallée où les pics environnants versent leurs eaux , mais sur un pic même et sur un pic composé principalement de sable et de pierres, où une grande quantité doit s’infiltrer ; c’est ce que prouvent évidemment les nombreuses sources qui sourdent au pied de la montagne et qui alimentent si abondamment le Blitar. Comment l’atmosphère pourrait - elle en rassembler une telle masse. Ce serait, en six ans , 300 millions de pieds cubes par année, ou à peu près 1 million de pieds cubes par jour? Pourquoi alors tant d’autres cratères, par exemple celui du Sindoro, sont- ils à sec? Ces questions n’ont pas été suffisamment résolues par M. Junghuhn , qui dans son ouvrage, p. 690, attribue ces eaux à l’atmosphère, ce qui d’ailleurs est en désaccord avec ce qu’il dit à la page 691 . NOTE DE M. PERRE Y. 565 Pour une description plus détaillée de cette montagne , je renverrai le lecteur à celle qu’en a donnée M. Junghuhn ; elle est claire et n’offre aucune exagération. Ces quelques lignes lui serviront de complément pour constater les changements qui y sont survenus depuis lbà8. Nous ajouterons encore un mot ici sur l’éruption elle-même, qui a offert des phénomènes très extraordinaires. Sur toute l’étendue de Java, jusqu’à Samarang et à Bezoeki, on entendit de fortes détonations qui s’étendirent même jusqu’à Makassar. Les plus violentes paraissent avoir été entendues aux plus grandes distances. Le vent, qui soufflait à peu près de l’est, emportait la cendre et le bruit vers le district de Ponogoro, pendant qu’à Bezoeki, qui se trouve à l’est , par conséquent dans une direction contraire à celle du vent, et séparé du théâtre du phénomène par une mon- tagne d’une hauteur considérable, les fortes détonations ne sem- blaient qu’un retentissement lointain des cloches qui sonnaient le couvre-feu (/oc. cit., p. 693). Yoici ce que j’ai observé moi- même à Berbek, d’où le Kloed est très bien visible. Vers huit heures du soir, il s’éleva au-dessus du Kloed un nuage noir qui s’accrut très rapidement en étendue et parut évi- demment sortir de la montagne. Ce nuage était comme parsemé de mille étincelles que je ne puis mieux comparer qu’aux lam- pyres que l’on voit en grand nombre dans les rizières. En même temps il s’éleva un orage’épouvantable ; d’innombrables éclairs, accompagnés de roulements de tonnerre, s’en échappaient sui- vant toutes les directions et sillonnaient lé sommet de la mon- tagne. Le bruit cependant ne parut pas plus fort à Berbek que celui d’un orage ordinaire ; aussi la plupart des habitants ne remarquèrent rien de l’éruption, avant que ce sombre nuage ne se fût, deux heures plus tard, élevé plus haut au-dessus de l’ho- rizon et n’eût ainsi favorisé les observations. A dix heures et demie le calme étaitrevenu et le Kloed n’offrait plus rien à voir. Les nouvelles relatives au bruit ne peuvent être exagérées : le bruit doit donc, dans certaines directions, s’être propagé sous le sol, autrement qu’en ligne droite, en suivant des lignes courbes, d’où il faut conclure encore qu’il avait son origine à une grande profondeur au-dessous du sommet; mais, dans ce cas, l’éruption devait avoir été plus violente. Le Kloed est et demeure donc une montagne qui offre un grand intérêt aux naturalistes et aux géologues. Les changements jour- naliers du sommet doivent indubitablement s’opposer bientôt 566 SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. aux dégagements souterrains, et il y a lieu de s’attendre à une nouvelle éruption. J’espère que ce peu de mots suffira pour engager les savants à visiter cette montagne et à publier leurs observations, qui aide- ront à lever le voile qui couvre ces grands secrets de la nature. Je joins ici une notice des secousses de tremblements de terre et des phénomènes atmosphériques qui ont eu lieu dans cette région. 13 ou là février, dix heures du soir, trois fortes explosions, semblables à des coups de feu. Comme c’était le nouvel an des Chinois, on a supposé que c’était le bruit de leurs feux d’artifices et on n’en a pas tenu note. Plus tard il a été constaté qu’elles avaient été entendues dans le district entier, jusqu’à Madioen et plus loin encore, de manière qu’on ne peut plus les attribuer aux décharges des Chinois. l\ mai, minuit et demi, un léger tremblement. 12 juillet, dans la soirée, du 12 au 13, un léger tremblement. 10 septembre, vers minuit, un léger tremblement. 18 septembre, vers minuit, explosion dans l’air entendue dans toute la résidence. Plusieurs personnes l’ont attribuée à une boule de feu se mouvant du S.-E. au N. -O. dans le voisinage du zénith. 12 octobre, le soir, léger tremblement. Séance du 21 avril 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Michel, ingénieur des ponts et chaussées, à Lausanne (Suisse) -, présenté par MM. Barrande et Bayle. De Bouis, docteur en médecine, archiviste de la Société de botanique de France, rue Saint-Louis au Marais, hh, à Paris ; présenté par MM. Graves et le marquis de Roys. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 567 Watelet, professeur, à Soissons (Aisne) ; présenté par MM. Deshayes et Hébert. Perny de Maligny, concessionnaire de mines, rue du Conser vatoire, 8, à Paris ; présenté par MM. Michelin et Deîanoüe. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Jules Marcou : 1° Esquisse iV une classification des chaînes de montagnes d’une partie de V Amérique du Nord (extr. des Annales des mines , 5e série, t. VII, p. 329); in-8, 2/i p., 1 carte; Paris, 1855, chez Victor Dalmont ; 2° Rapport de M. E. de E erneuil sur un mémoire de M. Jules Marcou , relatif à la classification des chaînes de mon- tagnes d’une partie de l’ Amérique du Nord (extr. des Comptes rendus des séances de V Académie des sciences , t. XL, séance du 2 avril 1855) ; in-A, 8 p. De la part de Sir Roderick J. Murchison et de M. James Nicoî : 1° Geological map of Europe , par MM. Murchison et James Nicol ; A L colombier, 1856 ; 2° Mémoires of the geological Survey of the United-King- dom ; décade V ; London, 1856. De la part de M. A. Viquesnel : Voyage dans la Turquie d’Europe ; texte , 3e livraison. Comptes rendus hebdom . des séances de l’ Académie des sciences, 1856, 1er sem., t. XLII, nos 1 h et 15. Annuaire de la Société météorologique de France , t. III, 1855; 2e partie, Tableaux météorologiques , f. l\- 7. Société lmp. et centrale d’ agriculture. Bulletin des séances , 2e série, t. XI, n° 3. L’Institut , 1856, nos 1162 et 1163. Mémoires de la Société d’ agriculture , des sciences , arts et - belles-lettres du département de l’Aube , t. VI ; 2e série, nos 35 et 36. Mémoires de la Société lmp . des sciences naturelles de Cher- bourg ; t. III, 1855. 568 6ÊÀNCE DU 21 AVRIL 1856. Mémoires de la Société d'émulation du département du Doubs , 2e série, t. VII, 1855. Mémoires de V Académie lmp. des sciences , inscriptions et belles -lettres de Toulouse , 4 e série, t. V, 1855. Société lmp . d' agriculture , sciences et arts de V arrondissement de Valenciennes . Reçue agricole , industrielle et littéraire , 7e année, nos 8 et 9, février et mars 1856. The Àthenæum , 1856, nos 1485 et I486. Revista minera , 1856, t. Vil, n° 142. M. Barrande fait, au nom de M. Salter, la communication suivante : Je suis chargé par M. Salter de présenter à la Société une note relative aux empreintes connues sous le nom de Pas-de-bœuf , et qui se trouvent sur des bancs de quartzites, dans la localité nom- mée Vaux d’Aubin, près Argentan , département de l’Orne. Je vais d’abord traduire littéralement la note que M. Salter m’a envoyée: « L’honorable géologue M. Deslonscliamps a fait à la Société » linnéenne du Calvados une communication relative aux remar- » quables impressions des Vaux d’Aubin, qui sont connues sous le » nom de Pas-de-bœuf. Il les a très bien figurées, ainsi que les » autres traces qui les accompagnent ( Mém . de la Soc. Linn. du » Calv,\ vol. X, 1855). » Le mémoire de ce savant, quoique rempli de considérations » intéressantes, ne résout point la question de l’origine de ces im- » pressions. Ayant moi-même récemment étudié sur des roches » anciennes certaines traces fossiles qui paraissent semblables à » celles des Vaux d’Aubin , je prends la liberté de présenter une » explication à ce sujet. » La grandeur de ces impressions, qui ont 24 centimètres de » longueur, et le contour exactement elliptique de chacune des » moitiés ne permettent pas de les considérer comme la trace du » pied d’un animai vertébré. Leurs formes allongées nous con- » duiraient aussi à la même conclusion. De plus, leurs deux extré- » mités sont égales et semblables. M. Deslonschamps a très bien » remarqué ces circonstances. » 1 1 est très naturel de chercher des analogies pour ces em- » preintes sur les roches de la période paléozoïque. Ainsi le grès » de Caradoc (Clinton group) de New-York nous offre un fucoïde »> qui nous paraît reproduire les mêmes apparences. NOTE DE M. BÀRRANDE. 569 » Si Rysophycus bilobatus (Yanuxem), figuré par Hall [Pal, » New-York, vol. II, pl. 9), était un peu plus grand (et il y a une » espèce très rapprochée du grès calcifère du bas Canada, presque » aussi grand que l’impression décrite par M. Deslonschamps), il » laisserait sur la pierre une empreinte exactement semblable à >» celle des Yaux d’Aubin. Il existe même sur les surfaces décom- » posées de ces dernières une trace de rugosité, qui paraît cor- » respondre au pli transverse des fucoïdes américains. Il ne faut » pas oublier que diverses impressions ont été décrites sous les » noms de Cruziana [ Frœna , M.Rouault) comme caractérisant des » grès probablement du même âge, c’est-à-dire les grès armori- » cains des environs de Rennes [Bull. Soc. géol. France , » oct. 18â9). Cependant M. Rouault ne décrit aucune forme qui » soit exactement semblable à celles qui ont été figurées par » M. Deslonschamps. » La meilleure interprétation serait de considérer le bloc qui »> porte ces impressions comme le moule (intaglio) de la surface » supérieure d’une couche qui aurait été enlevée ; ainsi l’a pensé » M. Deslonschamps. Je croirais qu’il en est ainsi, bien que l’ex- » plication que j’ai à présenter pour les petites impressions semble >» contraire à cette manière de voir. » Les petites impressions connues sous le nom de Bouts de la » canne de la calotte rouge me semblent provenir de vers ou » annélides qui, comme l’espèce nommée Arenicola de nos côtes, » ont un trou pourvu d’une double entrée. Il n’est pas difficile de » reconnaître sur la figure les paires d’empreintes rondes, et je » n’ai pas besoin de citer l’ingénieuse explication qu’a donnée » M. Binney de trous semblables, sur les grès du terrain houiller » des environs de Manchester [Trans. Manchest. Litt. et phil, » Soc., vol. X, 1852, p. 181, pl. I, fig. 2). » Depuis la communication de ce savant, de semblables trous » de vers marins ont été aisément découverts dans diverses lo- » calités, et je pense que j’en ai trouvé aussi dans les sédiments » les plus anciens qui contiennent les premiers vestiges de la vie » animale, savoir, dans les roches du Longmynd. » Si ces explications paraissent satisfaisantes, je propose de » donner aux grandes empreintes des Yaux d’Aubin le nom de >* Rysophycus (ou Cruziana ) Deslonschampsii. Les petites impres- » sions pourraient être appelées provisoirement Arenicola baculi - » puncta. » IN’ayant jamais vu en nature les impressions qui se trouvent sur les quartzites des Yaux d’Aubin, je ne me hasarderai pas à 570 SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. en donner une explication. Je veux seulement faire quelques observations relatives aux interprétations proposées par M. Salter. En ce qui concerne les grandes empreintes en question, il est certain qu’on doit leur reconnaître une analogie avec Rysophyeus bilobatus du Clinton group , en Amérique. Cependant nous ferons remarquer que les figures de Hall indiquent toutes, outre la bilobation de la surface, des plis ou nervures irrégulières, trans- verses, qui manquent totalement sur les empreintes des Vaux d’Aubin» Ces dernières sembleraient plutôt présenter des rugo- sités longitudinales. Une semblable différence s’expliquerait très bien par une diversité spécifique. En outre, sur trois figures de l’espèce aaféricaine données par Hall , deux nous montrent la tige de la plante , ou son insertion sur la rainure qui sépare les deux lobes des surfaces qu’on peut considérer comme des feuilles. Au contraire, d’après la description très détaillée et les figures que M. Deslonschamps a publiées dans son mémoire, il semblerait qu’on n’a observé jusqu’à ce jour aucune trace quelconque de tige dans les grandes impressions des Vaux d’Aubin. Cette diffi- culté reste à expliquer, et peut-être de nouveaux observateurs découvriront- ils quelques vestiges de l’insertion de la tige dans la rainure qui sépare les lobes. Quant aux petites impressions des Vaux d’Aubin, que M. Salter interprète comme le double orifice des trous creusés dans le sable par des annélides, nous ferons remarquer que leurs dimensions, bien que relativement très petites par rapport aux grandes im- pressions, sont encore assez considérables. D’après les indications de M. Deslonschamps, leur forme est à peu près circulaire et pré- sente dans la nature un diamètre moyen de 32 millimètres. Si l’on suppose un cercle de cette dimension divisé en deux compar- timents, chacun de ceux-ci offrira encore une ouverture bien considérable pour un ver marin. Ces proportions seraient gigan- tesques, par rapport à celles des doubles ouvertures observées par M. Salter sur les roches du Longmynd. En effet, d’après le cro- quis que ce savant a bien voulu nous envoyer, le plus grand diamètre des orifices dessinés par lui atteindrait à peine 3 mil- limètres, c’est-à-dire moins de 1 / 1 0 e du diamètre des petites im- pressions des Vaux d’Aubin. En second lieu, le croquis de M. Salter nous montre les deux ouvertures comme de petites surfaces réniformes, indépendantes l’une de l’autre, quoique très rapprochées. Au contraire, la figure donnée par M. Deslonschamps fait voir que les petites empreintes en question constituent une seule surface circulaire creuse, dans NOTE DE M. BARRÀNDE. 571 l’intérieur de laquelle on voit une partition qui suit un diamètre, mais qui est loin d'atteindre la circonférence par ses extrémités. Cette ligne de partition paraît en relief. 11 y a donc dans ce# apparences une différence très notable dont il faut tenir compte, avant de pouvoir les attribuer à une même origine. Peut-être les petites empreintes des Vaux d’Aubin pourraient- elles aussi provenir des fucoïdes. Nous trouvons, en effet, dans l’ouvrage de Hall déjà cité (vol II, pl. 8, fig. 6), sous le nom de Rysophycus pudims des empreintes elliptiques , présentant au ! milieu une rainure creuse qui n’atteint pas les extrémités de l’axe longitudinal. La surface de ces empreintes est d’ailleurs | convexe. Si nous concevons le moule extérieur d’une pareille I surface , il est clair que la rainure creuse sera représentée par une partition en relief, dont la position et l’étendue seront ana- | logues à ce que nous venons de voir dans les petites empreintes | des Vaux d’Aubin. Toute la différence consisterait en ce que celles- I ci sont circulaires, tandis que les apparences américaines sont elliptiques. On pourrait donc concevoir une semblable origine végétale pour toutes les empreintes des Vaux d’Aubin. Nous livrons ces | conjectures à l’examen plus sérieux des savants qui ont visité ou qui visiteront la localité. M. Barrande donne lecture de la lettre suivante, qui lui a été adressée par M. le docteur Hoernes, conservateur adjoint au Cabinet impérial de minéralogie à Vienne : Je vous prie de communiquer à la Société géologique de France la liste ci-jointe de 8à espèces marines subfossiles, de Kalamaki, sur l’isthme de Corinthe, envoyées au Musée impérial de miné- ralogie par M. de Heldreich , directeur du jardin botanique d’Athènes. Ces fossiles ont été trouvés par M. de Heldreich lui- même, sur la route de Kalamaki à Lumaki, à 30-36 pieds (9 à 11 l mètres) au-dessus du niveau le plus élevé de la mer avoisinante. . Ils sont empâtés dans un calcaire composé d’innombrables débris . de tests de mollusques et renfermant également de petits frag- ments roulés de serpentine et de quartz rougeâtre. Toutes ces es- K pèces vivent encore actuellement dans la mer qui baigne l’isthme. >s Des dépôts de fossiles parfaitement analogues à ceux de Kalamaki t ont été trouvés sur la presque totalité des côtes de la Méditerranée : 5 en Morée, à Rhodes, à Chypre, en Sicile, en Italie (Pozzuoli), i$ en Algérie, en Espagne, etc. Ces faits permettent de supposer qu’à 572 SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. line époque reculée toutes les contrées qui bordent la Méditer- ranée ont éprouvé un soulèvement auquel, ainsi que semblent le prouver des recherches consciencieuses, la totalité des conti- nents d’Asie et d’Afrique auraient participé. D’après cette manière de voir, l’Océan Atlantique et la Méditerranée auraient eu une étendue beaucoup plus considérable que celle qu’ils occupent présentement, leurs eaux ayant couvert, pendant la période néo- gène, la portion S. et S.-O. de la France, le bassin supérieur du Danube et celui de Mayence, ainsi que ceux de Vienne et de Hongrie, les plaines du nord de l’Allemagne, une grande partie de la Russie, toute la vallée du Pô, etc. La mer Caspienne, à cette époque, communiquait encore immédiatement avec la mer Noire, et l’Afrique même était une île , l’isthme de Suez étant composé presque entièrement, ainsi que l’ont prouvé les forages entrepris par la commission de canalisation, de couches tertiaires fossilifères de date évidemment néogène. La constitution géolo- gique du désert de Sahara concourt , avec les restes néogènes fréquemment trouvés dans les provinces d’Oran et d’Alger, à appuyer l’opinion qu’à cette époque la mer couvrait une grande partie de l’Afrique septentrionale. Ce soulèvement, dont nous avons tant de preuves évidentes, n’a pu néanmoins avoir lieu subitement ; tous les faits présente- ment connus tendent à prouver qu’il ne s’est opéré que très lentement, les faunes de toutes les couches néogènes de l’Europe passant par des modifications successives pour devenir finalement identiques avec celles des mers présentement avoisinantes. Les couches inférieures renferment des restes d’espèces à caractère subtropical; celles qui les recouvrent ont subi l’influence d’un climat se rapprochant peu à peu de celui qui règne de nos jours dans ces mêmes contrées ; aussi leur faune prend de plus en plus un caractère méditerranéen, et des 87 espèces envoyées de Kala- maki 50 se retrouvent dans la faune fossile du bassin de "Vienne. A mesure que le niveau de la mer s’abaissait par suite du soulè- vement en question et que l’eau même, renfermée dans des bas- sins circonscrits, changeait de nature par l’affluence de l’eau douce, les conditions d’existence de certaines espèces devaient s’altérer et ces espèces devaient faire place à une faune nouvelle (celle des couches h Cérithes ), propre à vivre dans l’eau saumâtre. Nous voyons que, de nos jours encore, les choses se passent ainsi sur les bords de la mer Caspienne. Lorsqu’enfm le niveau de la mer néogène eut tellement baissé, que même les espèces qui habitent l’eau saumâtre ne purent plus exister, la faune marine, autrefois NOTE DE M. BÀRRÀNDE. 573 si variée, fit place au petit nombre de mollusques d’eau douce appartenant à l’époque actuelle. Espèces marines subfossiles de Kalamaki , en Grèce. Conus mediterraneus , Brug. Cyprœa europœa , Mont. Columbella rustica , Linn. Buccinum reticulatum, Linn. — musivum , Brocc. — - mutabile , Linn. — incrassatum , Müll. — serraticosta , Bronn. Columbella semicaudata, Bon. Tritonium succinctum , Lam. Murex trunculus , Linn. — BrandariSj Linn. Fusus corneus , Linn. — intermcdius , Micht. Pleur otoma reliculata, Rén. — - Vauquelini, Payr. Cerithium vulgatum , Brug. — mediterraneum , Desb. — Sardoumy Gant, - — scabrum , Olivi. — perversum , Linn. — bilineatum , Horn. Phasianella Vieuxii , Payr. fur b o rugosus, Linn. Trochus coniformis , Bronn. — Matonii , Payr. — Ferussacei , Payr. — Fermonii , Payr. Scalaria commuais , Lam. Turbonilla costellata , Grat. — gracilis , Brocc. Naîica millepunctata , Lam. — sordida, Swains. Rissoa Bruguieri , Payr. Monta gni, Payr. — interrupta , Mont. — calatliisca , Laskey. * — monodonta , Divona. — violacea , Desm. — - ventricosa , Desm. — auriscalpium , Linn. — crenulata , Mi ch. — venir os a, Montg. Eulima nitida , Lam. Bulla truncata , Adams. Fissure/la grœca , Desh. Dentalium Dentalis , Linn. — fissura y Lam. Cæcum trac/iœa, Lam. Corbula nucléus y Lam. Lutraria ellipticay Lam. Tellina de press a y Linné. — donacinaj Lam. Pétri cola ochrolcuca , Lam. î Lucina lactea, Lam. — Pecteiiy Lam. — bipartita, Phill. Cytherca Chione, Lam. Venus verrucosa , Linné. Cytherea apicalis, Phil. Cardium tuberculatum , Linné, — rusticuniy Linné. — Desliayesii, Payr. — papillosum, Poli. Cardita intermedia ? Lam. .ZVoe, Linné. , — diluvii , Lam. — ■ lactea , Linné. Pectunculus glycimeriSy Lam. Nucula m argaritacea , Lam. — emarginata y Lam. Mo diol a barbata , Lam. Mytilus mini mus y Poli. Chaîna gryphoides , Linné. Pecten Jacobœusy Linné. — - sulcatuSy Lam. — opercularis , Linné. — varias, Linné. — isabella, Lam. Spondylus Gœderopus 3 Linné. — aculeatus , Chem. Ostrea lamcllosa , Brocc. — cornucopia, Brocc. Cladocora ( cœspitosa ) granulosa , Edw. Haime, SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. %7k M. le Secrétaire donne lecture, au nom de M. de Séménoff, de la notice suivante : Je ne puis m’empêcher de faire part à la Société géologique de France d’une découverte intéressante pour la science, que notre savant sinologue, le professeur N. P. Wassilieff vient de faire dans des manuscrits chinois qu’il a eu occasion de rapporter de son voyage à Pékin. ïl s’agit d’une description assez détaillée faite sur les lieux, par des témoins oculaires , de l’éruption d’un volcan de l'Asie orientale en 1721. Je n’ai pas besoin d’appuyer sur l’intérêt général qu’on attache aux volcans continentaux , dont il serait si important , pour la théorie des volcans, de reconnaître l’authenticité. Je rappelle ici seulement que cette authenticité pour les volcans de l’Asie inté- rieure a été souvent mise en doute, et plus que jamais depuis que notre voyageur Al. Schrenk a prouvé que le prétendu volcan d’ Aral-Tube, sur le lac Alak-Koul (l\ 5°-46'’ latit. ,80° long, de P.), n’a jamais été un volcan et ne se compose même que de roches non volcaniques (schistes et porphyres). Quant aux données sur les volcans de la chaîne duThianchan ou Monts-Célestes, c’est-à- dire sur le mont Peclian, la solfatare d’Ouroumtsi et le mont Kotchea, près de Tourfan de l’Asie centrale, recueillies par MM. Klaproth, Ab. Rémusat, Neumann, Stan. Julien et M. de Humboldt, elles ne sont pas de nature à convaincre les plus sceptiques et surtout à prouver qu’on a ici affaire à de vrais vol- cans et non à des phénomènes pseudo-volcaniques, analogues aux salses de la Maremine et aux feux de la Pietra-Mala en Toscane. La seule assertion positive sur les pierres qui fondaient et coulaient du mont Pechan est assez laconique et appartient au vne siècle. Elle a été traduite par Stan. Julien, dans Y Asie centrale de Hum- boldt. Quoique je ne doute personnellement pas de l’existence réelle des volcans du Thianchan, je conviens que les données que nous en avons ne sont pas des plus convaincantes et laissent beau- coup à désirer quant à la nature et au mode d’action de ces phé- nomènes de la volcanicité continentale. il en est tout autrement pour la région volcanique d ' Ouyüne- Kfioldonguij située au N. -O. de la Mandchourie, dans le bassin du fleuve Nonni , grand affluent chi Soungari, c’est-à-dire de la branche chinoise (méridionale) de l’Amour. La localité remar- quable d’Ouyüne-Rholdongui se trouve dans la province mand- choue de Sakhalian-Oule, non loin (près de 7 lieues) de la ville de Merghen, située sur le Nonni (voy. les Cartes de la Chine NOTICE DE M. DE SÊMÊNOFF. 575 d’Andriveau-Goujon, Berghaus, ou l’Atlas de Danville). Au S.-E. de la ville (d’après nos cartes) coule du N.-E. au S. -O. la rivière Nemère, affluent gauche de la Nonni (Non). C’est à 3 lieues et demie de Fr., au N. du Village de Tomotchen, situé sur cette rivière, que se trouve la petite région volcanique en ques- tion, à travers laquelle coule du N. au S. la rivière Oudeline, affluent droit du Nemère. La région volcanique d’üuyüne-Khol- dongui se trouve, par conséquent, aune distance en ligne droite de 250 lieues de Fr. du littoral delà mer du Japon, età 300 lieues du lac Baïkal. C’est donc le seul volcan vraiment continental , tout à fait authentique j que nous ayons; car, depuis que Rüppell et Rus- segger ont démenti i’existence d’un volcan dans l’intérieur de l’Afrique, dans le Kordofan , à 130 lieues du littoral, nous n’avons que 70 lieues pour le plus grand éloignement des volcans du littoral de la mer (comme, par exemple, le volcan de la Fragua, sur la IVlagdalena en Amérique, et l’Ararat en Asie), sans compter sans doute les volcans contestés de l’Asie centrale. M. N. P. Wassilieff a trouvé la première mention de l’érup- tion remarquable d’Ouytine-Kholdongui, en 1721, dans les mé- moires d’un Chinois ou Tchen, fils d’exilé, résidant à Ningouta au commencement du xvme siècle. Ces mémoires intéressants ont été achevés en 1822 ; ils renferment des données très positives sur la géographie de la Mandchourie, de la valeur desquelles j’ai eu occasion de me convaincre en faisant des suppléments pour l’édition russe du célèbre ouvrage de Ritter sur l’Asie. A la fin des mémoires on lit la remarque suivante, annexée évidemment par quelque ami de l’auteur : « A 50 li (6 lieues de Fr.) de la ville de Merghen se trouve un lac de 30 li (3 lieues et demie) de circonférence. Dans la 6e ou 7e lune (fin de juillet-août) de la 53e année du règne de Khanghi (1721) s’élevèrent d’ici dans les cieux des flammes et de la fumée, et se fit entendre un bruit imitant le roulement du ton- nerre, ce qui dura nuit et jour et fut entendu à une distance de 50 ou 60 li. Des pierres noires et des roches de soufre furent lan- cées; enfin parut une montagne, et tout cela dure depuis près d’un an. D’abord les exhalaisons étouffaient les hommes à une distance de 30 li , de manière qu’on ne pouvait observer le phénomène qu’en montant sur de hautes montagnes. Maintenant on n’en peut approcher encore qu’à une distance de quelques li. Un employé, envoyé par l’empereur, a été aussi obligé de regarder de loin. L’odeur des exhalaisons est sulfureuse, >» Il est difficile de décrire en peu de mots avec plus de précision 576 SÉANCE DU 21 AYR1L 1856. une éruption volcanique. Ce n’est plus une donnée vague, c’est une donnée positive. Il lui manque pourtant encore une chose : elle paraît ne pas être écrite par un témoin oculaire, mais être seulement fondée sur des récits qui circulaient de bouche en bouche dans le pays. Mais M. Wassilieff ne s’est pas arrêté là. Il a eu occasion d’acquérir chez un libraire de Pékin un manuscrit précieux, renfermant toute une collection de copies de rapports, adressés par la préfecture de la province mandchoue de Sakha- lian-Oula à l’empereur, depuis 1680 jusqu’en 1812. Parmi ces documents précieux il a trouvé cinq rapports officiels sur l’érup- tion de l’Ouyüne-Kholdongui, datés de février, avril, août, oc- tobre 1721 et juillet 1722. Yoici le contenu de ces rapports : Dans le premier rapport , le préfet Foudoutoun-Macquari dit: « Le 14 de la 12e lune de l’année passée (c’est-à-dire en jan- vier 1721), rOukheri-da (rang chinois) Saintchik me rapporta que le 11 de la 3e lune, 11 de la 10e et 21 de la 4e (octobre, no- vembre, décembre 1720) il y avait tremblement de terre, et que le 5 de la 12e, dans la localité nommée Ouyüne-Kholdongui, à 30 li (3 lieues et demie) du village Tomotchen (situé sur la rivière INemère), commença une éruption de flammes et de pierres. Je l’envoyai pour inspecter la chose, et il expédia le Tchanguine Bicherltou, qui me rapporta à son tour, le 28 de la même lune, que les pierres lancées en s’amoncelant formèrent une montagne analogue à la petite Kholdongui ; qu’en outre le feu (la lave), se répandant du haut au bas de la pente, occupe une surface de 3 li (5500 pieds). Le 12 de la lre lune, Saintchik, retournant de son inspection personnelle, raconta qu’il avait vu la flamme et avait entendu un bruit imitant la foudre ; que les pierres lancées attei- gnaient la grandeur d’une vache; qu’il y en avait qui retombaient d’où elles étaient sorties et d’autres tombaient tout autour ; qu’en tombant elles étaient incandescentes, mais qu’en s’éteignant elles devenaient noires ; qu’elles formaient une montagne de la gran- deur du grand Kholdongui; que le feu sortant de divers endroits de l’enfoncement (du cratère) avait une hauteur inégale, par exemple de 14 à 7 pieds ; que toute l’étendue occupée par l’éruption avait 6 li de long, 2 de large et 18 de circonférence ; le feu rejeté, les pierres lancées et le tonnerre, loin de diminuer, augmentaient toujours. » Dans le deuxième rapport (26 de la 2e lune), le même préfet dit : « J’apprends d’un nouvel envoyé que l’éruption du feu et des pierres du même endroit continue, que la montagne est devenue plus haute, mais le bruit a diminué; que les pierres NOTICE DE M. DE SÉMÉNOFF. 577 (la lave) suivant la pente traversèrent la rivière Oudeline, et s’ar- rêtant à un li plus loin, s’éteignirent ; après quoi la glace fondue se solidifia de nouveau ; que du côté N. E. de la montagne ignivome se formèrent trois petits rochers, de 30 à à2 pieds de hauteur; que ces rochers ne renferment pas de feu, mais les pierres en sont chaudes ; que l’étendue occupée par le phénomène a déjà 15 li de longueur, 7 de largeur, 37 de circonférence. » Le troisième rapport (23 de la 6e lune, c’est-à-dire en août) est déjà adressé par le Gian - Gioun (c’est-à-dire le gouverneur général) après une nouvelle enquête qu’il a faite par ordre de l’empereur Klianghi. Il dit : « Les envoyés me rapportèrent, le 11 de la 5e lune, que l’éruption de la flamme et des pierres et le bruit du tonnerre continuaient ; que la montagne a encore grandi ; que les pierres (la lave) se sont avancées au N. à une distance de 7 li (près d’une lieue de France), à l’O. de 1 li ; que toute l’étendue du phénomène a l\ 6 li de circonférence ; que les trois petits mon- ticules sont restés dans la même position. Les envoyés du 20 ont trouvé le même état de choses, mais la montagne a encore grandi. En outre, à la suite de ce que les pierres (lave) descendues de la montagne ont intercepté le cours de l’Oudeline, la rivière dé- borde et forme du côté oriental de la montagne un lac de 15 li de circonférence, et les pierres (la lave), s’avançant du côté de la pente orientale sur une étendue de à6 li, atteignirent le lac et y entrèrent sur celle d’une li ; l’étendue du phénomène a 5 li de circonférence. » Dans le quatrième rapport (28 de la 8e lune) le même Gian- Gioun dit que « l’éruption continue avec la même force. Du côté oriental les pierres (la lave) s’avançant traversèrent le lac, du côté occidental, et s’avancèrent de 2 li ; que ces pierres mon- trent du feu entre elles (dans les interstices), et que toute l’étendue du phénomène a 55 li de circonférence ; les trois petits rochers n’ont pas changé. » Le cinquième et dernier rapport du Gian-Gioun date du 12 de la 6e lune de la 60e année (juillet 1722) : « L’employé envoyé à la Ue lune me rapporte qu’à une distance de 7 li (près d’une lieue au N.-E. de l’ancienne éruption), au milieu des pierres (de la lave), se montra une nouvelle montagne, vomissant du feu et des pierres et produisant un tonnerre semblablement à la première, mais avec un bruit plus faible ; que cette montagne a la grandeur d’une maison; que le mouvement des pierres s’est arrêté, mais qu’elles laissent échapper de la fumée. Les envoyés du 15 rappor- tèrent que l’éruption et le bruit de la nouvelle montagne n’ont Soc, géol.j 2e série, tome XIII. 37 i 578 SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. pas cessé, mais sont plus faibles que ceux de l’ancienne, qui continue à fumer ; que la lave s’est arrêtée partout, mais qu’elle occupe une circonférence de 80 li (10 lieues de France). Le 28 de la 5e loue, les envoyés ont rapporté que l’éruption de la nouvelle montagne a cessé et qu’il n’en sort que de la fumée, qu’on aperçoit aussi s’échappant des pierres d’alentour. Au commencement de la 6e lune un envoyé rapporte qu’il monta sur le sommet de la première montagne ignivome, et, regardant dans son intérieur, n’y put voir le fond (du cratère) , dont s’échappait une vapeur très chaude ; que cette bouche a 2 ou 3 li de circonférence ; que le sommet de la montagne (probablement la pointe proéminente du rebord du cratère) a 8 cordes (chaque corde équivaut à peu près à 50 pieds) et sa base a 7 li de circonférence. La nouvelle mon- tagne, vue d’ici , ne paraît pas avoir plus de 2 à 3 cordes de hau- teur (100 à 150 pieds); on ne peut s’en approcher, les pierres (la lave) qui s’étendent entre les deux montagnes étant trop chaudes; que la fumée continuait à s’échapper de cette montagne, mais "qu’il n’y avait plus de feu ; l’écoulement et le bruit ont cessé. » Pour une relation chinoise faite par des personnes qui n’ont jamais eu aucune notion des phénomènes volcaniques, quoi de plus clair et de plus détaillé ? Ce sont des faits parlants pour tous ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d’observer une éruption vol- canique, et de nature à convaincre les géologues les plus scep- tiques de l’existence des vrais volcans à une distance de 250 lieues du littoral de la mer , dans une région tout à fait continentale . Il ne me reste que quelques observations à ajouter. Les rapports cités établissent d’une manière très précise qu’il y avait deux ‘éruptions distinctes par deux bouches volcaniques , distantes entre elles de 7 li (près d’une lieue de France). La première a duré de neuf à douze mois, la seconde un mois. La première surtout a été violente et inquiète, ciccompagnée d’un grand bruit et d’une grande quantité de bombes volcaniques. Cela se comprend aisé- ment, qu’une éruption aussi rare (car elle n’est arrivée qu’une fois dans deux siècles tout au plus) a dû avoir un caractère plus violent que les éruptions fréquentes de la bouche permanente du Vésuve, où, pendant l’éruption latérale de 1855, je n’ai presque pas entendu de bruit et vu tomber que très peu de bombes volca- niques. Les rapports établissent encore qu’il y avait tout au moins quatre courants de lave : ï" celui du N. de 7 li ; 2° celui du S. de 3 li; 3° celui de i’E. qui a traversé la rivière Oudeline; U° celui de l’E. qui a traversé le lac ou l’étang formé par la rivière interceptée, tout au moins de 7 li Le mouvement d’un courant NOTICE DE M. DE SÉMÊNOFF. 579 de lave qui croise une vallée n’est rien de nouveau. Le lac d’Aydat, en Auvergne, formé par un courant de lave qui a croisé le ruisseau de ce nom, en offre le plus bel exemple. Pendant l’éruption du Vésuve de 1855 que j’ai eu l’occasion d’observer, le courant de lave se dirigeant du val de Vetrana vers la Cercola croisa un profond ravin, le comblant, £t continua, sans changer de direction, son chemin vers la Cercola. La forme de la princi- pale bouche volcanique de l’éruption d’Ouyiine-Kholdongui se laisse aussi définir par les rapports. Evidemment c’est un cône, pareil à celui du Vésuve ou au Monte-Nuovo des champs Phlé- gréens, renfermant un entonnoir profond du cratère et une punta , c’est à-dire une partie de son rebord plus élevée que le reste, comme cela se voit dans le Monte-Nuovo. Ce qui me paraît intéressant, c’est de se faire une idée de la grandeur approximative du cône. Le rayon de la circonférence du cratère (elle est taxée de 2 à o li) a de 560 à 800 pieds; prenons 650 pieds. Le rayon de la circonférence de la base du cône taxée de 7 li = 1950 pieds ; en décomptant le premier chiffre, nous aurons 1000 pieds. Pre- nant en considération que la pente ordinaire de la surface du cône est de 25 à 35 degrés, et résolvant le triangle dont la base et l’angle nous sont connus, nous obtiendrons pour la hauteur du cône de 700 à 900 pieds. Le chiffre n’est qu’approximatif; mais nous devons conclure que le cône .ne pouvait par conséquent avoir plus de 900 pieds de hauteur, car il n’est pas possible d’admettre que la pente était plus rapide que celle du Vésuve (qui a une pente de 33 degrés), car le Vésuve est assez péniblement accessible malgré les sentiers battus, et l’employé chinois a pu monter sur le cône peu de temps après l’éruption, sans faire mention des grandes difficultés de l’ascension. Donc le cône principal de l’éruption de 1721 d’Ouyüne-Kholdongui offre pour ses dimen- sions de l’analogie avec les petits volcans des champs Phlégréens, comme, par exemple, le Monte-Bai baro, Cigliano, Astroni, Sol- fatara, Monte-Nuovo. Il me paraît aussi très probable qu’en général toute la petite région d’Ouyüne-Kholdongui présente une certaine analogie avec les champs Phlégréens ou avec l’île d’ischia, étant composée comme ceux-là de plusieurs petits volcans groupés sur une étendue peu considérable. Quatre choses me rendent probable cette analogie : 1° le nom d’Ouyüne Kholdongui, qui veut dire neuf collines, ou mamelons, ou cônes; 2° la seconde bouche volcanique en érup- tion en 1722, qui évidemment forme un cône à part, et non un cône parasite dans le'cratère ou sur la pente du premier volcan, 580 SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. car le rayon du cratère n’est que de 650 pieds, le rayon de la cir- conférence de la base de la montagne de 1950 pieds, tandis que la distance du second cône au premier est de 7 li (12000 pieds) • 3° la petite hauteur de ces cônes dont le premier, selon moi, ne peut dépasser 900 pieds, et le second n’a que 150 pieds de hau- teur relative ; 4° la non-permanence des éruptions qui se font comme dans les champs Phlégréens par diverses bouches volca- niques et à des intervalles de temps de plusieurs siècles, car depuis 1722 l’éruption d’Ouyüne-Kholdongui ne s’est pas répétée, et au commencement du siècle dernier aucune éruption antécédente ne s’est perpétuée dans les souvenirs des indigènes, car s’il en était autrement, les employés chinois n’auraient pas manqué de la mentionner et auraient du moins quelque idée préalable du phénomène. Complète ou partielle , l’analogie de la région volcanique d’Ouyüne-Kholdongui avec des régions volcaniques bien plus voisines de la mer est incontestable. Comparée avec l’Auvergne, la région volcanique d’Ouyüne-Kholdongui offrirait, je crois, encore plus d’analogie. Il paraît en tout cas que les phénomènes volcaniques des régions continentales ne diffèrent pas des phéno- mènes observés dans les régions littorales, et que la proximité de la mer n’est pas une condition indispensable des actions volca- niques. M. de Roys lit l’extrait suivant d’une lettre qui lui a été adressée par M. de Limur, sur un granité d’Huelgoat (Finis- tère) : Monsieur et honorable confrère, Je vous prie de mettre sous les yeux des membres de la Société un échantillon d’un granité que j’ai découvert aux environs d’Huelgoat (Finistère), granité qui se présente en coulées très dis- tinctes, et épanché sur et à travers les schistes siluriens qui com- posent le terrain géologique de ce canton. Il présente ce fait remarquable que la pinite de Saxe , en gros cristaux semblables à la gigantolithe , remplace presque exclusivement le mica ; de plus, le granité contient de petits nids d’une substance noire, fra- gile ; pesanteur spécifique, 24,37, donnant les réactions du cérium. Orthite ? cristaux en prisme, à base de rectangle. Ce granité, qui se montre sur une immense surface, me paraît remarquable tant au point de vue géologique que par les minéraux qu’il contient. NOTE DE M. ME UGT. 581 M. Meugy fait la communication suivante : J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société quelques échantillons à l’appui du mémoire dont j’ai donné lecture dans la séance du 17 mars dernier. Ces échantillons consistent en fragments de calcaire siliceux qui ont été attaqués par l’acide muriatique et transformés en meulières. L’un d’eux a été recueilli à Essonnes; je l’ai coupé en deux et je n’ai décomposé qu’une des parties, afin qu’on pût juger, en comparant celle-ci avec l’autre partie restée intacte, de la modification que l’acide a fait subir au calcaire siliceux. J’ai fait de même pour un autre échantillon provenant des car- rières ouvertes entre Montgeron et firunoy. Un troisième échantillon tiré de Champigny a été plongé en partie seulement dans l’acide, de sorte que le calcaire siliceux compacte et le silex carié produit ainsi artificiellement se trouvent réunis dans la même pierre. On reconnaît le calcaire à sa teinte jaunâtre et le silex à sa nuance grise. Yoici maintenant dans leur état naturel d’autres échantillons, qui ont été extraits des mêmes localités, et où l’on voit très net- tement le passage du calcaire siliceux à la meulière poreuse. L’un d’eux, originaire du plateau de Champigny, montre un petit noyau gris, calcaire, entouré d’une enveloppe siliceuse blanche. M. Hébert, en combattant les conclusions de mon mémoire, avait dit entre autres choses qu’il avait vainement essayé de répé- ter l’expérience de Brongniart, et qu’il lui avait fallu beaucoup de temps pour n’obtenir que des débris sans consistance. On voit au contraire qu’il est possible, non pas seulement de produire artificiellement des meulières, comme l’a fait Bron- gniart, mais aussi d’imiter les diverses variétés de forme sous lesquelles se présente le calcaire siliceux. M. Hébert avait aussi avancé, contrairement à ce qui résultait de mes observations, que les argiles à meulières de Brie étaient recouvertes par les sables de Fontainebleau, et il opposait aux cinq ou six localités que j’avais citées, comme exemples à l’appui de mon assertion, un mamelon sableux voisin de Brie-Comte- Bobert sous lequel s’étendaient, d’après lui, lesdites argiles. Je suis allé à Brie, et j’ai été assez heureux pour trouver, en plu- sieurs points de la sablière voisine du moulin à vent, les roches marneuses et calcaires du travertin supérieur parfaitement carac- térisées et sans la moindre trace de meulières. Les prévisions de SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. 5jS2 M. Hébert ne sont donc pas justifiées par les faits, et Brie-Comte- Robert est à ajouter à Essonnes, à Villeneuve-Saint-Georges, à Juvisy, et aux autres points où j’ai déjà signalé l’absence du ter- rain à meulières proprement dit sous les sables marins supérieurs. M. Hébert dit que les meulières peuvent se trouver à une plus grande profondeur sous la plaine, et que d’ailleurs le môme fait a été aussi constaté dans d’autres localités, notam- ment à la Ferté -sous-Jouarre, où les meulières sont recouvertes par une grande épaisseur de sables. M. Meugy répond que, s’il existe des meulières enfoncées profondément sous la butte de Brie, ce qu’il ignore entière- ment, ces meulières ne peuvent appartenir qu’au travertin; mais il est certain que les meulières avec leurs argiles n’exis- tent pas sous le mamelon. Quant à la Ferté-sous-Jouarre, M. Meugy ne nie pas l’existence des sables sur le plateau de Tarterel ; mais il fait observer que ces sables ne se trouvent là qu’à l’état de lambeaux remplissant des cavités ou des dépres- sions du terrain sous-jacent, tandis que la masse principale des terres du recouvrement, dont l’épaisseur atteint jusqu’à 12 mètres, est formée de limon tout à fait semblable à celui des plaines de la Flandre. M. Hébert dit encore que les tranchées du chemin de 1er de Lyon, près de Brunoy, ont traversé le terrain de meulières à un niveau bien inférieur aux sables qui le recouvrent. M. Meugy fait observer que la ligne du chemin de fer à Brunoy est peu élevée au-dessus de la vallée, qu’elle coupe en plusieurs points, et qu’il peut exister à ce niveau des meulières empâtées dans le limon comme celles qu’il a signalées précisé- ment entre Brunoy et Yéres , mais que le chemin de fer est loin de traverser le terrain à meulières proprement dit, ce der- nier recouvrant le plateau, dont la surface est élevée de 30 mè- tres au moins au-dessus de la voie. M. Meugy ajoute : Je ne confonds pas minéralogiquement ni géologiquement les meulières inférieures et supérieures, comme l’a prétendu M. Hébert. Les roches de ces deux étages renferment en effet des fossiles qui leur sont propres, et qui sont les mêmes que ceux des cal- caires dont elles paraissent dériver respectivement. Ce qui lie à NOTE DE M. MEUGY. 583 mon sens ces deux terrains, ce sont les argiles qui les caracté- risent, et qui, d’après mes observations, paraissent s’être formées à la même époque. Il faut distinguer dans ces argiles celles qui représentent le résidu de la décomposition des calcaires, et celles qui se sont déposées en même temps que les sables et graviers qui les accompagnent. Ces dernières sont habituellement de couleur grise, et renferment quelquefois de gros grains de sable et de petites parcelles de mica, tandis que les premières sont ordinaire- ment rougeâtres, compactes et exemptes de sable. On rencontre souvent celles-ci dans les cavités qui existent à l’intérieur même des pierres meulières ; mais ces cavités communiquent toujours plus ou moins directement avec l’extérieur, et cette circonstance donne l’explication de ce qui a pu au premier abord paraître extraordinaire à ceux qui, ainsi que M. Hébert, regardaient les argiles comme contemporaines du dépôt siliceux. J’ai vu en effet dans les carrières ouvertes au-dessus d’Essonnes, sur la route de Mennecy, un fait qui mérite une mention spéciale. Le calcaire siliceux s’y trouve en bancs épais traversés par des filières très étroites et assez nombreuses qui facilitent l’exploita- tion. Or, l’une de ces filières qui formait le front d’une excavation présentait cette particularité remarquable que la pierre était trans- formée seulement à son contact ; les cavités coupées par cette fente ne renfermaient qu’un léger dépôt de glaise rougeâtre, et, à quelques centimètres de la même filière, la meulière, d’abord très cariée, passait par degrés au calcaire compacte siliceux. Les meulières d’Epinay et de Chamarande que j’ai citées dans mon mémoire ne sont que la reproduction sur une plus grande échelle de ce qui se voit à Essonnes au milieu des fissures du calcaire. Les idées que j’ai émises sont donc bien d’accord avec les faits observés, et je me résume ainsi : 1° Les fragments anguleux et irréguliers de toutes grosseurs et sans liaison qui existent jusqu’à la partie inférieure des argiles à meulières, comme on peut l’observer à Versailles, ne permettent pas d’admettre que ces argiles soient contemporaines du dépôt siliceux. Les terrains à meulières constituent donc des dépôts mixtes d’âges différents. 2° Le terrain des meulières de Brie, caractérisé par ses argiles mêlées de sables n’existant qu’à la surface des plaines où affleure le travertin, a du être formé postérieurement aux sables de Fon- tainebleau; comme d’un autre côté les matériaux qui accom- pagnent les meulières inférieures se retrouvent au milieu des meulières supérieures et se soudent aux glaises et aux graviers de SÉANCE DU 21 AVRIL 1856. 584 la Sologne, on peut en conclure que les deux formations de meu- lières, bien que situées à des niveaux différents, ont été produites à la même époque, lorsque le sol avait subi une première dénu- dation qui permettait aux fahluns de se déposer en stratification discordante, comme on l’observe en effet sur les deux calcaires lacustres, ainsi que sur les sables qui les séparent. M. Hébert, à la suite de la communication de M. Meugy, présente les observations suivantes : Dans la séance du 17 mars, M. Meugy a lu un mémoire sur les meulières du bassin de Paris. Ce mémoire m’ayant paru con- tenir des erreurs, j’ai cru devoir en signaler quelques-unes. Je proteste qu’en agissant ainsi je n’avais d’autre but que l’intérêt de la vérité et le désir d’éveiller l’attention de 1 auteur sur les parties de son travail qui exigeaient des rectifications. Je ne serais certai- nement pas revenu sur ce sujet, si dans la dernière séance M. Meugy ne l’avait fait lui-même en produisant deux faits de nature, d’après lui, à confirmer ses idées et à faire justice de mes objections. J’avais dit que toute la plaine de Brie était formée de meu- lières, et que les buttes de sable de Fontainebleau reposaient des- sous. M. Meugy, qui ne veut pas qu’il y ait de meulières sous les sables de Fontainebleau, car alors sa théorie serait évidemment fausse, est allé visiter l’une de ces buttes, celle de Brie-Comte- Robert, y a fait creuser un trou, et a déclaré y avoir trouvé le calcaire siliceux et non la meulière. Quand même le fait eût été vrai, je ne me serais pas cru battu ; mais il est inutile d’allonger la discussion en disant pourquoi, puisque M. Meugy s’est com- plètement trompé. Notre honorable confrère a pris pour du cal- caire siliceux, origine première, selon lui, de la meulière de Brie, un calcaire marin qui dans toute la partie méridionale du bassin de Paris sert de base aux sables de Fontainebleau, dont il renferme les fossiles, et qui dans la partie septentrionale est représenté par les marnes marines de Montmartre. Je m’en doutais bien, mais j’ai voulu en fournir la preuve. Voici des échantillons pris dans la fouille faite par M. Meugy: on y reconnaît le Cerithiiun plica- tum , qui y est abondant ; j’y ai constaté la présence de Cythérées, de Lucines, d’Huîtres, etc. Dans la marne extraite du trou se trouvait un Ccrithium Bohlayi , Desli., que je place sous les yeux de la Société. Quant au second fait, celui de la production artificielle de la DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 585 meulière à l’aide de calcaire siliceux et d'un acide, je dois avouer que je suis peu adroit ou peu heureux. J’ai bien réussi à obtenir quelque chose d’analogue aux échantillons présentés par M. Meugy, mais ce n’était pas du silex molaire : c’était toujours du calcaire siliceux dans lequel le défaut d’homogénéité de structure déter- minait des inégalités dans la corrosion, et l’action prolongée de l’acide a toujours fait disparaître la carcasse ainsi produite, et n’a laissé qu’un résidu pulvérulent, tandis que la meulière est parfai- tement inattaquable. S’il existe des masses de calcaires siliceux dans lesquels le silex peut prendre la forme qu’on lui connaît dans les meulières, ce doit être une rare exception, et si les échantillons de M. Meugy sont dans ce cas, il a été plus heureux que moi. Mais par cela même il est impossible d’admettre que les hautes plaines de la Brie et tous les plateaux de la meulière supérieure étaient primitivement entièrement occupés par un calcaire siliceux si différent de celui que nous connaissons aujourd’hui, même dans le voisinage des meulières. Dans tous les cas, on avouera bien que ce n’est pas avec le calcaire cité par M. Meugy à Brie-Comte- Robert qu’il serait possible de fabriquer des meulières. Séance du 5 mai 1856. présidence de m. dàmour, vice-président . M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Abich : Sur les derniers tremblements de terre dans la Perse septentrionale et dans le Caucase , ainsi que sur des eaux et des gaz s’y trouvant en rapport avec ces phénomènes (tir é des Mélanges physiques et chimiques , t. II)- in-8, p. 356-388, mars 1855. De la part de M. Th. Ébray : Carte géologique du départe- ment de la Vienne , 1 f. colombier } mars 1856. De la part de sir Charles Lyell : On the successive changes oj the temple of Serapis , in-8, 8 p.$ 1856. 586 SÉANCE DU 5 MAI 1856. De la part de M. Guillermo Schulz : Esp/otacïon de la huila y del hierro en Esparia ; in-8, 7 p. Madrid, 1855. De la part de M. A. Viquesnel : Voyage dans la Turquie V Europe. — Description physique et géologique de la TJirace. — Texte 5 Ae livraison, f. 25 à 82. De la part deM. E. L. Guiet : Recherches géogéniques, in-8, 16 p. Mamers, 1856 -, chez Jules Fleury. De la part de M. le professeur Eugène Sismonda : Note sur le terrain nummulitique supérieur du Dego, des Carcare , etc. (lue à l’Académie royale des sciences de Turin, dans la séance du 15 avril 1855) } in-A. 13 p. Turin, 1856. Comptes rendus hebdomadaires des séances de R Académie des sciences . 1856, 1er sem.} t. XLII, nos 16 et 17. Bulletin de la Société de géographie , Ae série, t. XI, n° 63, mars 1856. Réforme agricole, par M. Nérée Boubée, n° 88, 8e année. Avrii 1856. L’Institut, 1856, nos 116A et 1165. Notice sur les collections dont se compose le musée de Troyes ( Aube ) ; in-18, 119 p. Troyes, 1850. The Athenœum, 1856, nos 1A87 et 1A88. Jahrbuch der K. Ko geologischen Reiçhsanstalt , 1855 , VI. Jahrg., n° Jul., Aug., Sept. Compte rendu annuel adressé a S. Exc. M. de Brock , par M. A. -T. Kupffer, année 185A, supplément aux Annales de V Observatoire physique central de Russie pour Vannée 1853} in-A, 110 p. Saint-Pétersbourg, 1855, chez Alexandre Jacobson. De la part de M. Victor Ritter V. Zepharovich : Der Jaulin - git, ein neues fossiles Harz ans der Jauling nâchst St . Veit A . Do Triesting in Nieder- Osterreich [A us dem Maihejïe des Jahrg. 1855 der Sitzungsber. der math.-naturw . Classe der K. Ako der Wiss.-Bd. XVI, s. 366)*, in-8, 7 p. The Canadian journal of industrie, science and art , new sériés, n° 1, january 1856. M. Piette fait la communication suivante : NOTE DE M. PIETTE. 587 Sur les coquilles voisines des Purpurines trouvées dans la grande oolithe des Ardennes et de V Aisne, par M. Ed. Piette. Les paléontologistes ont cm pendant longtemps que les mers les plus anciennes n’avaient vu naître qu’un petit nombre de gastéropodes ; on pensait que la grande abondance de ces coquilles caractérisait les dépôts formés à des époques récentes. Cette erreur s’est évanouie, grâce aux patientes recherches des naturalistes qui se sont attachés à l’étude de la stratigraphie et des mollusques. Mais on pense encore trop généralement que les Pectinibranches canalifères sont rares dans les terrains anciens. Parmi les genres nombreux qui composent cet ordre, M. d’Orbigny ne cite dans son Prodrome des terrains jurassiques que les Pterocera , les Spi- nigera , les Purpurin à , les Ceritliium et les Fusus. Cependant il y en a beaucoup d’autres ; mais on ne connaissait, à l’époque où il écrivait, qu’un petit nombre de gastéropodes dans ces terrains ; il aurait fallu pour de§ espèces uniques créer des genres nouveaux. Il a préféré réunir toutes ces espèces sous le nom de Purpurina. Afin de faire connaître les coquilles nouvelles que j’ai trouvées dans la grande oolithe et de les faire rentrer dans des genres bien définis, je vais analyser le genre Purpurina et rechercher ses limites. M. d’Orbigny définit ainsi les Purpurina dans son Cours élé- mentaire de paléontologie : « Coquille ovale ou allongée, épaisse, » dont l’ouverture est large, pourvue seulement en avant d’un très » étroit sillon qui remplace l’échancrure des Purpura. Bord colu- » mellaire non aplati. » Les coquilles voisines par leurs formes de la Purpurina Bellona sont celles qui se rapportent le mieux à cette définition. Elles ont tous les caractères que demande cet auteur pour constituer la Purpurina ; d’ailleurs leurs formes voisines de celles des Pourpres justifient parfaitement le nom de Purpurina. On peut renfermer dans le même genre les gastéropodes voisins des Turbo dont la bouche est acuminée en avant et dont le côté columellaire est presque droit: telles sont Purpurina ornata,P . Bc- lia, P. B i an or et même Turbo Davousti. Ces coquilles n’ont pas, il est vrai, le labre droit comme Purpurina Bellona; elles n’ont pas le faible sillon que présente cette coquille à la partie antérieure de la bouche ; mais ce sont là des caractères peu importants. La rectitude du labre est due au méplat de Purpurina Bellona , et, quant au sillon, il est si faible que, lorsqu’on s’est procuré plusieurs 588 SÉANCE DU 5 MAI 18Ô6. spécimens de la même espèce, il arrive souvent qu’on trouve un sillon sur quelques-uns, tandis que les autres n’en ont pas. L’âge contribue à le modifier, et l’on n’en peut pas faire un caractère constant. Voilà donc des coquilles qui me paraissent former un groupe très naturel, et auxquelles je laisse le nom de Purpurina sous lequel elles ont été figurées dans la Paléontologie française. Mais à côté d’elles, dans le même ouvrage, on voit des gastéro- podes figurés les uns sous le nom de Turbo , les autres sous le nom de Purpurina , et qui me semblent former également un groupe naturel voisin de ces deux genres, mais assez distinct pour en être séparé ; tels sont : Purpurina Patroclusy P. Philiasus , P. Bathis , Turbo Philenor , etc. Là, pas de sillon, pas de bouche acuminée en avant, mais une bouche ovale, arrondie en avant, acuminée en arrière. Ces coquilles ne rentrent en aucune façon dans la définition que M. d’Orbigny a donnée du genre Purpurina. Quel- ques auteurs les ont rangées parmi les Littorina. J’adopte volon- tiers cette classification. MM. Morris et Lycett ont créé pour les Littorines des terrains jurassiques le nom éé Aberlya. Ils définissent ainsi les Aberlya : « Coquille turriculée , turbinée ; sommet en » pointe; tours arrondis et noueux en avant, droits en arrière; le » dernier est plus développé que les autres. Ouverture entière, » ovale; ombilic presque nul; labre interne, calleux ; columelle » nulle ; suture profonde. » Aucun de ces caractères ne me paraît suffisant pour la création d’un nom nouveau. D’ailleurs ces auteurs ne décrivent qu’un seul fossile très fruste qu’ils font rentrer dans ce genre. Je erois donc qu’on doit rejeter le genre Aberlya , et conserver aux coquilles que j’ai désignées plus haut le nom de Littorina . Après avoir limité le genre Purpurina du côté des Littorina et des Turbo , il me reste à le limiter également du côté des Purpura et des F us us. En 18à8, M. Lycett, rapportant plusieurs coquilles de la grande oolithe à la Purpura Moreausia et à la P. Lapierreay a créé pour ces mollusques le genre Purpuroidea. Voici la définition qu’il en donne : « Coquille turbinée appartenant à la famille des Buccinides , » tronquée à la base. Spire élevée, terminée en pointe. Tours con- » vexes, tuberculeux vers leur milieu. Le dernier prend un grand » développement. Ouverture large, subquadrangulaire, tronquée » en avant, acuminée en arrière. Canal large, recourbé. Columelle >» arquée, arrondie, lisse, acuminée à la base. Labre mince, sinueux » et déprimé vers le milieu. Ombilic recouvert. » NOTE DE M. P1ETTE. 589 D’après cette définition, les Purpuroidea ne diffèrent des Pour- pres que par deux caractères : 1° leur columelle est courbée; 2° leur ouverture est tronquée à la partie antérieure, au lieu d’être échancrée. Le second de ces caractères n’est pas véritable. Les figures que MM. Morris et Lycett donnent de leurs Purpuroidea ne sont passeulement tronquées; elles sont largement échancrées, et il y a beaucoup de Pourpres dans les mers actuelles qui ne le sont pas davantage. Les Purpuroidea sont donc des Pourpres dont la columelle est plus ou moins arquée. Est-ce là un caractère suffi- sant pour en faire un genre distinct? JNlon assurément, si l’on veut que les genres soient fondés sur de profondes différences d’organisation. Il y a parmi les Pourpres qui vivent actuellement beaucoup d’espèces dont la columelle est aussi arrondie que celle des coquilles qui ont servi de type à MM. Morris et Lycett pour établir leur genre. Si le genre Purpuroidea était adopté, il fau- drait y faire rentrer Purpura hœmastoma , P. mancinella , et une foule d’autres que tout le monde s’accorde à désigner sous le nom de Pourpres. Je regarde donc le genre Purpuroidea comme une coupe arbitraire du genre Purpura , ne reposant sur aucune diffé- rence d’organisation sérieuse. Il ne peut être adopté que comme un de ces sous-genres que l’on établit pour faciliter l’étude des fossiles, et qui n’ont d’autre raison d’être que parce qu’ils donnent immédiatement une idée de la forme du fossile. M. d’Orbigny ayant placé Purpuroidea Morcausia et P. Pa- pier rea dans son genre Puipurina, on a cru généralement que ces deux genres étaient identiques. 11 n’en est rien. Si les Purpu- roidea sont des Purpurina aux yeux de M. d’Orbigny, il est évi- dent, lorsqu’on lit la caractéristique des Purpuroidea , que jamais M. Lycett n’a eu l’intention de placer dans ce genre toutes les coquilles que M, d’Orbigny fait entrer dans le sien. Purpurina Bellona , F asus Thorenti , Purpurina Philiasus , P. ornata, sont des types entièrement étrangers au genre Purpuroidea. Il faut restituer aux Purpuroidea leur véritable place ; il faut les retran- cher du genre Purpurina. C’est ce qu’a fait avec raison M. Buvi- gnier en les classant parmi les Pourpres. Il me reste maintenant à limiter le genre Purpurina avec le genre Fuseau et avec quelques autres genres qui ont été introduits depuis dans la science. M. d’Orbigny ne nie pas la présence des Fusus dans les terrains jurassiques; il en cite dans son Prodrome. Il fait donc une diffé- rence véritable entre les Fusus et les Purpurina ; seulement il place dans le genre Purpurina diverses coquilles que d’autres auteurs 590 SÉANCE DU 5 MAI 1856. ont rapportées au genre Fuseau. Ainsi Fasus Thorenti , d’Arch., devient pour lui Purpurina Thorenti. M. d’ürbigny a-t-il rai- son? Si je n’avais sous les yeux que la figure du Fusas Thorenti donnée par M. d’Archiac, je répondrais: Non, il a tort; niais j’ai aussi sous les yeux des centaines de Fusas Thorenti , et, quoique la figure donnée par M. d’Àrchiac soit parfaitement exacte (1) et qu’elle semble devoir être celle d’un Fuseau, je vois, en exami- nant mes divers échantillons, que cette espèce présente des variétés très nombreuses et très diverses. Les deux variétés principales ont été figurées par moi dans la planche XV, figures 8 et 9. On ne croi- rait jamais, si l’on ne voyait les variétés intermédiaires, que ces deux figures représentent le même fossile que la figure du mé- moire de M. d’Archiac. Cependant il m’est impossible de les en séparer. Ce sont les formes diverses que prend ce fossile à ses dif- férents âges ; on ne peut nier que, s’il est voisin des Fuseaux, il ne soit encore plus voisin des Purpurina. La figure même dessinée dans le mémoire de M. d’Archiac ne nous présente pas tous les caractères des Fuseaux. Le canal n’est pas recouvert; c’est une véritable gouttière. Un canal recouvert est, à mon avis, un carac- tère essentiel pour qu’une espèce soit classée parmi les Fuseaux. Ainsi, tout en considérant cette espèce comme placée sur la limite des deux genres, je préfère la classer parmi les Purpurina. Je ferai observer cependant que, si l’on rencontrait d’autres espèces présen- tant comme celle-ci un véritable canal, mais un canal découvert, il faudrait en faire un genre particulier. M. d’Orbigny a compté parmi les Purpurina un fossile désigné par Sowerby sous le nom de Buccinum unilineatum. La figure que Sowerby donne de ce fossile est différente de celle qu’en donnent MM. Morris et Lycett. Le fossile décrit par Sowerby présente à la base une petite échancrure. Si cette échancrure n’est pas un acci- dent, ce fossile est un Br achy tréma. Le genre Br achy tréma, créé par MM. Morris et Lycett, doit être accepté dans la science ; j’en donnerai plus bas la caractéristique. Quant au Buccinum unili- neatum de MM. Morris et Lycett, c’est un véritable Tubifer. Dans une communication que j’ai faite il y a quelques mois sur le lias, j’ai créé pour deux fossiles trouvés dans les grès de Rimogne le genre Tubifer , ainsi nommé à cause de son canal mince, droit et recouvert. Le bord libre de ces coquilles est droit ; il ne s’infléchit jamais comme celui des Fuseaux ; il descend toujours aussi bas (1) Le spécimen dessiné par M. d’Archiac avait probablement ie bord libre brisé. NOTE DE M. PIETTE. 59 j que le canal. J’ai décrit plusieurs espèces de Tubifer dans la pré- sente communication. Après avoir placé toutes mes coquilles dans les genres que je viens de citer, il m’en est resté trois pour le classement desquelles je me suis trouvé fort embarrassé. J’en ai fait des Fasciolaires et des Buccins ; mais je sais aussi bien que toute autre personne que ce ne sont pas de véritables Fasciolaires ni de véritables Buccins. Je n’ai pas voulu créer de genres nouveaux. Si l’on trouve plus tard des coquilles appartenant aux mêmes types, il faudra leur faire une place à part. GENRE LITTORINÀ. Littorinu P nodosa , pl. XV, fig. 3 et h. Aberlya nodosa P Morr. et Lyc., 1850. Terebra nodosa? Buckmann, 18&5. Coquille turriculée, allongée ; tours ornés d’une rangée trans- versale de tubercules pointus et doubles à la partie antérieure, et d’une rangée de petits nœuds postérieurement. Le dernier est plus développé que les autres. Trois rangées de côtes tuberculeuses ornent son dessous. Columelle courbée et lisse, cachant en partie un ombilic assez large. Bouche large, un peu oblique. Quoique je possède un nombre considérable d’individus appartenant à cette espèce, et qu’ils soient tous en parfait état de conservation, je n’en ai pas qui aient intacte la partie antérieure de l’ouverture ; aussi est-ce avec doute que je place ce fossile parmi les Littorines. Il est très possible que ce soit une Purpurine ou une Pourpre. Son ombilic et ses ornements épineux le rapprochent de ce dernier genre. MM. Morris et Lycett ont donné dans leur ouvrage une fort mauvaise figure de ce fossile. Le dessinateur lui a fait une véritable bouche de Pourpre ; mais les auteurs ont soin d’avertir dans la description que la figure n’est pas exacte. Cette coquille se trouve dans les calcaires à Terebratula dccorata d’Eparcy et de Rumigny ; on la rencontre encore dans les calcaires blancs de Bulson et du bois d’Eparcy ; elle n’est pas rare. Littorina ? nodfera , fig. 1 et 2, pl. XV. Turbo nodïfer, Nob., 1855. Coquille turbinée. Tours droits, ornés antérieurement d’une rangée de petits tubercules, et postérieurement d’une rangée de tubercules plus gros. Les premiers tours sont lisses ; le dernier a 592 SÉANCE DU 5 MAI 1856. trois côtes tuberculeuses par-dessous, une rangée de tubercules doubles au milieu, et une rangée de tubercules plus gros posté- rieurement. Suture profonde. Ombilic caché. Columelle lisse et arquée. Bord libre mince. La partie antérieure de l’ouverture est brisée, en sorte que ce n’est qu’avec doute que je le place parmi les Littorines. On trouve cette belle coquille dans les calcaires à Tercbratula decorata d’Eparcy ; elle est assez rare. GENRE TUBIFER. Coquille actéoniforme. Le dernier tour est cylindrique et très développé. Ouverture allongée. Labre mince et droit, descendant toujours aussi basque le canal. Canal long, mince et droit, tubi- forme. Ce genre se distingue des Fuseaux par son bord libre, qui ne s’infléchit jamais, et qui descend aussi bas que le canal; des Pourpres et des Brachytrema , par l’absence d’échancrure respira- toire ; des Orthostoma par son canal, et des Pur purina par son aspect actéoniforme et par son remarquable canal qui s’encroûte plus ou moins quand l’animal vieillit. Tubifer nudus , pl. XV, fig. 13 et lû„ Fusus nudus , JNob., 1855. Coquille lisse, allongée; tours nombreux. Canal mince et droit; bord libre, droit. Bouche très allongée. Les figures 13 et lû, planche XV, représentent le fossile deux fois plus grossi. On trouve ce fossile dans l’oolithe miliaire de Champlein. La coquille figurée ici est une variété qui est beaucoup plus rare que le type dont nous avons donné une figure dans une précédente communication. Tubifer plicatus , pl. XIII, fig. 7 et 8. Purpurina plicata^ Nob., 1855. Coquille purpuriforme, ayant une spire assez courte, terminée en pointe, composée de cinq ou six tours droits, pourvus d’un méplat suturai et ornés de côtes longitudinales assez espacées. Ces côtes sont quelquefois interrompues près de la suture. Le dernier tour est plus développé que les autres ; il est cylindrique. Canal droit, assez court. Bouche allongée, étroite. Cette coquille se dis- tingue fort bien des Purpurina , par son canal tubi forme, et des Pourpres par l’absence d’échancrure. Elle atteint rarement la taille de h millimètres. On la trouve en grande abondance dans les calcaires blancs du bois d’Eparcy. NOTE DE M. PIETTE. 593 Tubifer bicinctus , fig. 5 et 6, pl. XIII, Purpurina bicincta , nob., 1855. Coquille turbinée, ovale. Tours droits, ornés de deux rangées de granulations ; le dernier est cylindrique ; il a près de la suture une rangée de granulations, et ensuite une rangée de' côtes longi- tudinales obliques. Canal court. Bord libre droit. Cette coquille, qui a 3 millimètres de hauteur, se trouve dans les calcaires blancs du bois d’Ëparey. Tubifer acteonjformis , pl . XIV, lig. l\ et 5. Purpurina acleoniformis , nob., 1855. Coquille turriculée, plus ou moins allongée, terminée en pointe. Spire formant un angle convexe. Tours lisses, légèrement con- vexes. Le dernier est plus développé que les autres. Bouche étroite et courte. Canal court. Ce fossile, qui n’a pas plus de 2 millimètres de hauteur, habi- tait les mers qui ont formé le dépôt des calcaires blancs du bois d’Eparcy. Tubifer Gerandoseus , pl. XIV, fig. 6. Coquille lisse, ovale, terminée en pointe. Tours presque droits; le dernier est cylindrique. Canal court. Bouche, petite. Ce fossile, qui a 2 millimètres de hauteur, gît dans les calcaires blancs du bois d’Eparcy. Je l’ai dédié à M. de Gérando. GENRE FASCIOLARIA. Fasciolaria nuda , pl. XV, fig. 15 et 16. Mitra nuda , nob., 1855. Coquille ovale, allongée, lisse. Tours convexes ; le dernier est très allongé. Canal étroit et long. Columelle portant trois plis obliques peu apparents. Bouche allongée et étroite. Cette coquille est aux Tubifer ce que les Fasciolaires sont aux Fuseaux. Je ne la classe donc que provisoirement parmi les Fasciolaires. Cette espèce n’a que 2 millimètres de hauteur ; elle provient des calcaires blancs du bois d’Eparcy ; elle est rare. GENRE FUSUS. Fusus pulchellus , fig. 11 et 12, pl. XV. Coquille fusiforme. Spire courte ; tours légèrement convexes, ornés de stries transversales et de côtes longitudinales. Ouverture Soc. géol.y 2e série, tome XIII. 38 5 94 SÉANCE DU 5 MAI 1856. large, en forme de poire. Canal étroit, légèrement recourbé. Le bord libre est cassé dans le spécimen que j'ai figuré. Il a 5 milli- mètres de hauteur. On le trouve dans les calcaires blancs du bois d’Eparcy, où il est rare. GENRE ROSTELLARIA. Rostellaria amœna , pl. XV, fig. 2ù et 25. F usas amœnus , nob., 1855. Coquille ovale. Spire formant un angle convexe. Tours con- vexes, ornés de côtes longitudinales et de fines stries transversales. Ouverture étroite et allongée. Canal court, presque droit. Colu- melle lisse. On peut voir, sur la figure 25, la place où s’attachait l’aile. Cette élégante coquille se rapproche plus par ses ornements des Rostellaires que des Ptérocères. Hauteur, 15 millimètres. On trouve ce fossile à Rumigny, dans les calcaires marneux. Il y est rare. Genre Brachytrema, 1850, Morr. et Lyc. MM. Morris et Lycett définissent ainsi ce genre : Coquille tur- riculée ; tours convexes, costulés, noduleux ou cancellés. Bord libre mince. Columelle arrondie, lisse, contournée à la base. Canal court, oblique. Ces auteurs le rapprochent ensuite des genres Fusus, Cerithium et Buccinum , et le classent dans la famille des Mur ici dœ à côté des Fus us. Ainsi défini, le genre Brachytrema se confond en partie avec le genre Purpurina , qui a sur lui la priorité ; cependant il renferme un grand nombre de coquilles qui ne peuvent être placées parmi les Purpurina. Afin de faire cesser toute confusion et de ne pas créer de noms nouveaux, je crois devoir modifier la caractéris- tique des Brachytrema de la manière suivante : Coquille turbinée, canaliculée, ayant le dernier tour plus développé que les autres. Columelle lisse, mais non aplatie. Légère échancrure à la base du canal. Cette échancrure, plus étroite que celle des Pourpres, moins profonde que celle des Buccins, est un caractère qui me paraît essentiel, et qui doit faire classer ce genre plutôt près des Buccins que des Fuseaux. Brachytrema / brevis , pl. XV, fig. 21 et 22. Cerithium brève, nob., 1855. Coquille turbinée , triangulaire , terminée en pointe, l'ours presque droits, ornés de stries transversales et de saillies longitu- NOTE DE M. PIETTE. 595 dinales, irrégulières, rappelant par leur forme et quelquefois pai leur arrangement celles des Murex . Canal court. Columelle torse. Echancrure petite. Bouche étroite. Cette coquille a 3 millimètres de hauteur. On la trouve dans les calcaires blancs du bois d’Eparcy ; elle est assez rare. Rrachytrema Buvignieri ;, Morr. et Lyc., pl. XV, fig. 23. Coquille turbinée, conique. Tours convexes, transversalement striés, ornés d’une rangée de côtes ou tubercules assez espacés. Echancrure respiratoire petite. On trouve cette coquille dans les calcaires à Terebratula déco- ra ta de Rumigny et d’Eparcy; elle y est très rare. Brachy tréma granulosa , pl. XV, fig. 7 et 8. Purpurina granulosa , nob., 1855. Coquille turriculée. Spire formant un angle convexe. Tours presque droits, ornés de stries transversales très fines qui se croi- sent avec des stries longitudinales de même grosseur. Dernier tour plus développé que les autres. Bouche ovale, assez large. Labre épais. Canal large et court. Echancrure respiratoire profonde. Cette belle coquille est rare; elle a 5 millimètres de hauteur; elle provient des calcaires blancs du bois d’Eparcy. GENRE BUCCINUM. Buccinum oliva , pl. XV, fig. 17 et 18. Acteon oliva , nob., 1855. Coquille actéoniforme, lisse, ayant 2 centimètres de hauteur. Spire courte, lisse, arrondie en dôme et terminée en pointe. Su- ture à peine visible. Dernier tour allongé et cylindrique. Bord libre droit. Bouche très allongée. Columelle torse, très encroûtée et pourvue d’un pli oblique. Canal large, terminé par une échan- crure respiratoire. On trouve cette coquille à Rumigny, dans les calcaires mar- neux ; elle est très rare. Buccinum lœvigatum , pl. XV, fig. 19 et 20. Ceritclla lœvigata , nob., 1855. Coquille turbinée, phasianelliforme, terminée en pointe. Toui# lisses, à peine convexes. Le dernier est plus développé que les autres. Bouche étroite. Labre saillant, échancré près delà suture. 596 SÉANCE DU 5 MAI 1856, Columelle pourvue d’un pli. Echancrure respiratoire très étroite. Ce fossiie a 6 millimètres de hauteur ; on le trouve dans les calcaires blancs du bois d’Eparcy. GENRE PURPURA. Coquille turbinée, canaliculée. Tours convexes, ornés de tu- bercules ou de pointes. Le dernier est très développé. Ouverture allongée et subquadrangulaire. Large échancrure respiratoire. Coluinelle lisse, plus ou moins droite, plus ou moins aplatie. Purpura minax , nob., 1855, pi. XIII, fig. 1, 2, 3 et U , etpl. XIV, flg.i. Purpuroidea Moreausia ? Morr. et Lyc. Coquille turbinée. Spire terminée en pointe, composée de tours carénés vers leur milieu, portant sur la carène de longs tubercules épineux. Les premiers tours sont lisses, le dernier est très déve- loppé. Dessus des tours strié dans le sens de l’accroissement ; des- sous des tours couvert de côtes transversales, aplaties, rubanées et séparées par des sillons profonds. Stries longitudinales très fines se croisant avec des stries transversales régulières. Quand l’animal est vieux, on remarque en outre sur la coquille un assez grand nombre de sillons irréguliers, parallèles aux stries d'ac- croissement. Col uni elle lisse, cachant en partie l’ombilic et ter- minée en pointe. Bouche subquadrangulaire. Echancrure respi- ratoire large et peu profonde. Bord libre sinueux. Cette belle coquille, qui atteint souvent 8 centimètres de hau- teur, est très abondante à lYtat d’empreinte dans les calcaires blancs inférieurs. On la trouve aussi, mais plus rarement, dans les calcaires à Terebratula décora t'a. Son test est alors remplacé par du carbonate de chaux cristallisé. Je l’ai recueillie au bois d’Eparcy, à Eparcy, à Aubenton, à Rumigny, à Thin-le-Mouthier, à Aubigny, à Gruyères, à .Tandon, à Poix, à But et à Vendresse. Les figures 1 et 2, planche XIII, représentent un adulte ; les figures 3 et A, même planche, représentent un individu pendant le jeune âge ; la figure 1 , planche XIV, représente un moule intérieur. Purpura glabra , fig. 2, pl. XIV. Purpuroidea glabra , Morr. et Lyc. Coquille turbinée, ovale, lisse. Spire élevée, composée de cinq ou six tours anguleux au milieu, portant des tubercules épineux NOTE DE M. PIETTE. 597 Sur leur carène; dernier tour très développé, tronqué inférieu- rement. Echancrure très peu profonde. Ouverture grande. Cette grande coquille, dont je n’ai que des spécimens fort im- parfaits, se trouve dans les calcaires à Terebratula decorata d’Aouste et de But. Purpura bicincta , pl. XY, fig. 5. Coquille turbinée, ayant 6 centimètres de hauteur. Spire ter- minée en pointe. Tours anguleux vers leur milieu, transversale- ment striés et ornés antérieurement d’une rangée de grosses côtes longitudinales et tuherculiformes. Cette rangée est double sur le dernier tour. Colnmelle lisse. Ombilic assez large. Bouche sub- quadrangulaire. Elle vivait à l’époque des Terebratula decorata. On la trouve à Eparcy et à Rumigny. GENRE PUR PURINA. Coquille turbinée. Ouverture acuminée antérieurement et pos- térieurement. Etroit sillon existant quelquefois à la partie anté- rieure. Colnmelle arrondie, plus ou moins arquée. Purpurina buccinoides , pl. XIY, fig. 3. Coquille turbinée, phasianelliforme, lisse, terminée en pointe. Tours presque droits ; le dernier est très développé. Bouche allongée, acuminée en arrière. Columelle lisse et courbée. Sillon creux, large et long. Cette espèce a 15 millimètres de hauteur ; elle est fort rare ; on la trouve à Rumigny, dans les calcaires marneux. Purpurina costellata , pl. XV, fig. 6 et 7. Coquille turriculée, allongée, terminée en pointe. Tours nom- breux, convexes, ornés de fines stries transversales et de grosses côtes longitudinales. Bouche arrondie, terminée en avant par un i étroit sillon, acuminée en arrière dans le jeune âge seulement. On trouve cette coquille dans les calcaires blancs du bois d’Eparcy. Elle est rare. Elle a 6 millimètres de hauteur. Purpurina Thorenti , d’Orb., pl. XY, fig. 8 et 9. Fusus Thorenti , d’Arch. Coquille turbinée, composée d’un petit nombre de tours con- vexes, ornés de côtes longitudinales et de fines stries transversales. 598 SÉANCE DU 5 MAI 1856. Bouche presque ronde. Bord libre, mince, sinueux en avant. Coliunelle légèrement arquée. Sillon très large et peu apparent. L’individu figuré par M. d’Archiac avait probablement le bord libre brisé. Calcaires blancs du bois d’Eparcy. Très nombreux. Purpurina striata, pl. XV, fig. 10. Coquille turbinée, terminée en pointe, composée de six ou huit tours convexes, ornés de rides transversales très régulières. Cette coquille a 4 centimètres de hauteur. Je n’en ai trouvé que l’em- preinte, en sorte que les caractères de l’ouverture sont incertains. Elle provient des calcaires blancs de Fontenelle, près Rumigny. GENRE TROCHUS. Trochus costatus , pl. XV, fig. 26 et 27. Petite coquille plus large que haute, ornée de côtes longitudi- nales en éventail sur chaque tour. Sa hauteur est de 1 millimètre. On la trouve dans les calcaires blancs du bois d’Eparcy. Le bord libre du premier individu de cette espèce que j’ai trouvé étant brisé, j’avais pris d’abord cette coquille pour une Pur fj urina. GENRE DENTALIUM. Dentalium oolithicum, pl. XV, fig. 28 et 29. Coquille arquée et lisse. La section en est presque ronde. C’est incontestablement un Dentalium . Il était entier lorsque j’ai voulu l’extraire de la roche, mais il a volé en éclats, et je n’en ai re- trouvé qu’un fragment. C’est ce fragment que j’ai représenté légèrement grossi. Cette coquille provient des calcaires marneux de Rumigny ; elle est très rare. M. de Roys lit l’extrait suivant d’une lettre qui lui a été adressée par M. Thiollière : * Lyon sera un lieu bien convenable pour une session extraordi- naire de la Société géologique ; mais je crois qu’il faut attendre l’avancement des voies ferrées, qui bientôt nous mettront en communication avec des localités intéressantes (le Bugey, par exemple), trop éloignées pour être comprises dans le rayon des excursions d’une semblable réunion. D’ailleurs, il est des ques- LETTRE DE M. THI0LL1ÈRE. 599 tions à porter au programme de celte session, qui ont besoin d’être plus avancées sous le rapport de la connaissance des gise- ments, et dont nous nous occupons en ce moment, de manière que la Société puisse bientôt en être saisie avec autant d’intérêt pour elle que d’utilité pour la géologie du bassin du BJiône. Ceci se rapporte à la suppression du terrain tertiaire supérieur sur la carte de la Bresse de M . Elie de Beaumont, en tant qu’étage dis- tinct, soit de la mollasse, telle que l’auteur l’entend, soit des dépôts diluviens. A cette question qui, pour moi, n’est plus guère dou- teuse, vient s’adjoindre celle de savoir si, comme le pense notre confrère M. Jourdan, la partie supérieure de ce que l’on désigne un peu vaguement sous le nom de mollasse , dans nos provinces, doit être rangée dans l’époque pliocène ou subapennine, ou bien si, comme je suis assez porté à l’admettre, notre mollasse, de même que dans le bassin de Vienne, en Autriche, ne peut pas être par- tagée en deux systèmes d’âge différent, et serait de l’âge des fahluns de la Touraine, c’est-à-dire à peu près miocène supérieur? Mais, dans ce dernier cas, il nTy aurait pas moins une série d’assises paléontologiquement distinctes dans ce terrain miocène, et c’est à la recherche et à l’étude des localités fossilifères décisives que nous sommes occupés à présent, M. Jourdan, M. JDumortier et moi. .... Le gisement de Cirin, qui n’avait presque pas fourni de fos- siles depuis quinze mois, parce que l’exploitation portait sur les couches supérieures qui sont très pauvres, vient de n e présenter un très beau reptile lacertiforme de près de 1 mètre de longueur, et auquel il ne manque que l’extrémité de la queue. C’est le qua- trième genre de lézard dont le squelette ai tété trouvé dans ce gise- ment. 11 se distingue des trois autres par ses formes plus grêles, plus allongées, par ses membres plus faibles, surtout les anté- rieurs, ses vertèbres plus courtes et plus nombreuses, et sa tête en museau pointu, presque en rostre. Ce n’est point un Dolicho- saurus d’Owen, mais un genre inédit pour lequel je proposerai le nom d’ Isc/iaosaurus, en dédiant l’espèce à M. Paul Gervais, pro- fesseur à la Faculté des sciences de Montpellier, qui a bien voulu se charger de décrire les reptiles de Cirin, à la suite de mon tra- vail sur les poissons fossiles du Bugey. Si vous pensez que l’annonce de cette trouvaille puisse intéres- ser la Société géologique, je vous prierai de lui communiquer en même temps la découverte d’un lambeau de terrain néocomien que j’eus l’occasion de faire l’année dernière aux environs de Châlon-sur-Saône. Personne n’a encore signalé de vestiges de la 600 SÉANCE DIJ 5 MAI 1856. formation crétacée dans le département de Saône-et-Loire; il est intéressant de voir qu’elle s’avancait du côté du midi jusqu’au delà de la Côte-d’Or. Le lambeau que je 'signale est placé sur la colline et tout près de la ferme de Saint-Hilaire, à 2 kilomètres à l’ouest du village de Fontaines, station du chemin de fer entre Chàlon et Chagny. Laroche est un calcaire marneux et sableux, jaunâtre, qui semblé avoir été préservé des érosions anciennes par un pli dans les calcaires coralliens sur lesquels il repose. Les fos- siles y sont assez abondants. Ceux que j’ai recueillis et pu déter- miner sont les suivants : Pterocera pel/igi, Pholadomya elon - gcita , Pecten atavus , Terebralula sella , Cap rôti na Lonsdalii et P y garas rostratas. Sans être d’une belle conservation, ces fossiles sont bien reconnaissables Ils semblent se rapporter à la partie supérieure de l’étage néocomien, au calcaire à Ptérocères de la perte du Rhône, bien que l’assise à Caprotiiia ammoniac ainsi que l’étage néocomien inférieur, manquent en dessous, dans le gise- ment de Saint-Hilaire. M. Hébert fait la communication suivante ; l)ans la dernière séance, M. Meugy, à l’appui de sa théorie sur la formation des meulières, a cité le coteau de Juvisy comme montrant la superposition immédiate des sables de Fontainebleau sur le calcaire siliceux et l’absence totale des meulières de Brie. Voici la coupe détaillée de ce coteau, prise de haut en bas au-dessus du village et à la montée de la Cour-de-France : 1 . Terre végétale. 2. Sable (de Fontainebleau) argileux, environ 4,00 3. Lit d’argile brune 0,50 4. Marne calcaire grise, avec Huîtres (O. rfathala, O. loagi - lostris, .etc.) 0,30 5. Marne calcaire grise avec concrétions calcaires remplies de Miliolites et autres coquilles marines 1 ,00 6. Marne sableuse, jaunâtre, avec petits fragments arrondis de marne blanche 0,50 7. Marne calcaire blanche contenant, à la partie supérieure, des Planorbes et des Lymnées, alternant à la partie infé- rieure avec des lits de silex accompagnés d’un peu d’ar- gile jaunâtre 3,00 8. Banc de calcaire siliceux compacte. (La surface inférieure de ce banc est à l'état de meulière.) 1,60 9. Meulière accompagnée d’un peu d’argile jaunâtre ..... 0,40 10. Calcaire siliceux, concrétionné et meuliériforme 0,80 NOTE DE M. HÉBERT. 601 41. Meulières et calcaire siliceux de 1 à 3,00 4 2. Marnes vertes 5,00 4 3. Marnes jaunes feuilletées (marnes à Gythérées de Bron- gniart) 4,00 4 4. Marnes bleuâtres et blanchâtres. J’ai rhonneur de déposer sur le bureau une série d’échantillons appartenant aux principales assises de cette coupe. La Société pourra ainsi se convaincre qu’il existe de véritables meulières au milieu du calcaire siliceux, sous des assises assez puissantes de marnes calcaires, d’argiles et de sables. Ces meulières, si elles étaient dues à l’action d’un acide, et je n’ai jamais nié qu’il fût possible d’en obtenir par ce procédé , n’auraient certainement pas été produites à une époque postérieure à celle de la formation du calcaire siliceux ; elles sont évidemment contemporaines. L’examen de ces meulières nous fera faire un pas de plus vers la véritable explication de leur origine. On voit, en etfet, dans quelques-unes des cellules cloisonnées, de petits cristaux de quartz ; ailleurs, à coté des cellules de la meulière, sont des concrétions siliceuses mamelonnées, tantôt pleines, tantôt creuses à l’inté- rieur. Dans le dernier cas, l’épaisseur de la couche siliceuse est quelquefois tellement mince, que la partie supérieure se brise, et il reste une cellule de meulière. Ces faits indiquent clairement que la structure de la meulière est due, au moins dans les cas cités, au mode de solidification de la matière siliceuse, et aucu- nement à l’action d’un acide. Les échantillons déposés le démon- trent complètement. On en remarquera surtout où la silice conditionnée ou cristallisée a enveloppé des globules de carbo- nate de chaux pulvérulents semblables à celui qui remplit une partie des cellules de certains échantillons de meulières. Voilà les faits ; ils sont contraires à la théorie de M. Meugy. Les meulières du bassin de Paris doivent leur origine à des causes qui avaient déjà plus d’une fois manifesté leur puissance sur le globe. On sait, en effet, que l’on observe de la meulière jusque dans les assises inférieures du terrain jurassique. A Saint- Amand (Cher) on exploite, sur une épaisseur de 10 mètres, à la base de l’oolithe inférieure, des meulières qui ne cèdent en rien à celles de la Ferté-sous-Jouare ( Explication de la carte géologique de la France , t. II, p. 2à9). La seule explication qui me paraisse admissible et toute natu- relle est celle de sources thermales, les unes siliceuses, et, comme les geysers, rejetant en même temps des matières argileuses, les autres calcaires, agissant ensemble ou successivement, de manière 002 SÉANCE. DU 5 MAI 1856. à produire cette variété infinie de roches comprises sous le nom . de calcaire siliceux. La structure particulière de la meulière est un des phénomènes produits par ces sources aux deux 'époques du calcaire de Brie et du calcaire de Beapce. On ne saurait penser à l’attribuer à une même époque, pas plus qu’on ne sera tenté de rattacher à la même cause la formation des meulières de Saint- Aman d. M. Meugy présente les observations suivantes : M. Hébert s’est donné la peine de refaire la coupe de la côte de Juvisy, et sans utilité, suivant nous, cette coupe ayant déjà été publiée antérieurement et se trouvant rapportée à la page 150 du texte explicatif de la carte géologique de Seine-et-Oise par M. de Sénarmont. M. Hébert ne nous apprend donc rien de nou- veau. Nous savons parfaitement qu’il existe, au milieu des marnes du travertin, des bancs siliceux contemporains des couches cal- caires et marneuses au milieu desquels ils se trouvent intercalés. Nous savons aussi que la roche qui les constitue peut affecter une structure cariée ; mais ce que nous avons entendu développer dans notre mémoire, c’est que cette même roche en blocs isolés, dis- posés plus ou moins confusément au milieu d’argiles rouges et grises, n’existe pas ailleurs qu’à la surface des plaines au-dessus des affleurements du calcaire siliceux. La coupe de Juvisy, que j’ai moi-même citée à l’appui de mes assertions, n’infirme donc en rien les conclusions auxquelles je suis arrivé. Il faut bien distin- guer dans les pierres meulières des plateaux, c’est-à-dire, dans celles qui sont associées à des argiles plus ou moins sableuses et qui constituent les terrains à meulières proprement dits, dont je me suis uniquement occupé dans mon travail, il faut distinguer, dis-je, dans ces meulières; la conformation des blocs et la struc- ture intime de la roche elle-même. Or, nous n’avons jamais nié que cette structure ne fût le résultat d’une agrégation particu- lière des molécules siliceuses. Il faut bien que nous l’admettions pour que nous puissions reproduire artificiellement des meulières avec leurs vides et leurs cloisons, en enlevant, au moyen d’un acide, les parties calcaires ou marneuses qui remplissent souvent les cavités du squelette siliceux. Seulement, nous disons que la forme et la disposition des blocs répandus dans les argiles s’oppo- sent à ce que l’on puisse admettre que ces blocs se trouvent là dans leur position primitive, quand nous observons si fréquem- ment aussi le passage de la meulière au calcaire siliceux, et que NOTE DE M. MEtJGY . 603 nous voyons même ce passage s effectuer au contact des fentes qui traversent le massif (comme à Essonnes) ; quand enfin nous obte- nons des meulières artificielles avec un résidu rougeâtre, en atta- quant des morceaux de calcaire siliceux par un acide. Nouscroyons pouvoir conclure que les meulières avec argiles dérivent du cal- caire siliceux par l’action d’un acide qui a réagi sur les roches du travertin postérieurement à leur dépôt. J’ai l’honneur de présenter à la Société des échantillons de marnes et de calcaires d’eau douce recueillis au-dessous de ls butte sableuse de Brie-Comte-Robert. En faisant déblayer l’exca* vation que j’avais fait pratiquer au fond de la sablière, j’ai retrouvé les couches à Ly innées et à Planorbes caractéristiques du travertin supérieur, et sans la moindre trace de meulières , comme je l’avais dit dans l’une des dernières séances. M. Hébert ne peut contester ce fait. Les échantillons de marnes marines qu’il a apportés dans la séance précédente appartiennent à une couche qui se trouve immédiatement au-dessous de la masse de sable, et qui n’a, du reste, que peu d’épaisseur. Cette explication rend compte de la contradiction apparente cjui existait entre ses obser- vations et les miennes sur ce point. M. Hébert prend acte de ce que M. Meugy admet l’existence de véritables meulières en assises intercalées dans le calcaire siliceux, et de ce qu’il reconnaît que ces meulières doivent leur origine à des sources thermales. Cela posé, la discussion lui semble désormais sans objet ; car s’il existe, comme cela est maintenant démontré, des meulières recouvertes par des assises assez épaisses de calcaire d’eau douce et de calcaire marin, pour ces meulières la théorie de M. Meugy est inadmissible. Du moment que la théorie des sources thermales est bonne pour les meulières recouvertes, M. Hébert ne croit pas qu’il soit nécessaire d’en admettre une autre pour les meulières dé- couvertes, et surtout une théorie qui assignerait une époque unique à la formation des cellulosités des meulières de Brie et des meulièrès de Meudon. M. Meugy dit être retourné à Brie-Comte-Robert et y avoir constaté l’existence du calcaire d’eau douce avec Lymnées, dont il met des échantillons sous les yeux des membres de la Société. M. Hébert répond que la coupe qu’il vient de présenter de la côte de Juvisy rend parfaitement compte de la position du 604 SÉANCE DU 5 MAI 1856. calcaire à Ly innées rencontré parM. Meugy àBrie-Conite-Robert: c’est le n° 7 de celte coupe. Dans la première fouille, M. Meugy avait eu affaire au n° 3 et à une partie du n° h. En creusant plus profondément, M. Meugy a traversé le n° 5 (calcaire à Milioliles et à Cerithium plicatum ), le n° 6, et a atteint le n° 7 -, seulement à Brie les bancs sont plus épais, plus calcaires et plus durs. C’est ainsi que le n° 6 qui, à Juvisy, est une marne sableuse avec fragments de marne blanche , est à Brie une véritable brèche calcaire, et que le calcaire à Miiiolites (n° 5) pourrait être employé comme pierre de construction. Pour trouver les meulières, il aurait fallu creuser plus profon- dément encore. Les échantillons présentés par M. Meugy sont formés d’un calcaire blanc, tendre, presque crayeux, qui est à Brie, comme à Juvisy et en beaucoup d’autres lieux, superposé, soit aux calcaires siliceux, soit aux meulières } car c’est à tort qu’on a souvent présenté les meulières comme étant toujours à la partie supérieure de ce système de couches. M. Meugy fait la communication suivante : Je demande à la Société la permission de lui donner communi- cation d’un fait intéressant que j’ai eu occasion de constater tout récemment dans les Ardennes. Il s’agit d’une couche crayeuse remplie de nodules phosphatés ou de véritables coprolitlies que le souterrain du chemin de fer en construction a traversée près de Retliel. Cette couche a une épaisseur variable entre 0“,30 et 0m,80, et vient affleurer dans la tranchée qui aboutit à l’entrée sud du tunnel. J’avais déjà signalé, en 1852, des nodules sem- blables dans la craie glauconieuse des environs de Lille; mais ces phosphates ne se reconnaissaient qu’à leur forme arrondie et mamelonnée. Ceux de Rethel se distinguent, non-seulement par leur structure, mais aussi par leur couleur jaunâtre. Iis sont à pâte fine et compacte et se détachent très nettement par leur teinte sur le fond blanc de la craie. J’en ai fait un essai qualifi- catif par l’acétate de soude et par le molybdate d’ammoniaque, et je me suis assuré par ces deux moyens qu’ils contiennent une très forte proportion d’acide phospliorique. Ils renferment aussi de l’acide sulfurique ; de sorte que ce sont des composés de sulfate, de phosphate et de carbonate de chaux. L’analyse complète doit être faite au bureau d’essai de l’Ecole impériale des mines. Il est important de faire remarquer que ces nodules se trouvent sur le DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 605 même horizon que ceux d’Annapes, près de Lille, c’est-à-dire à la base du système sénonien de M. Dumont. Les roches marneuses du système nervien affleurent en effet dans la vallée de l’Aisne à Rethel, comme je l’ai indiqué dans ma note sur les caractères du terrain de craie (Bull., 2e série, t. XII, p. 5à), et, abstraction faite de quelques lambeaux qui couronnent de petites buttes au nord de la ville, ce n’est qu’à une certaine distance, sur la rive gauche, que commence la craie blanche proprement dite. Or, c’est préci- sément dans la première côte que traverse le chemin des Ar- dennes, à une lieue sud de Rethel, que la couche phosphatée prend naissance. Séance du 19 mai 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le président proclame membres de la Société : MM. Alphonse d’Aussure, à Paris, rue Saint-Jacques, 171, pré- senté par MM. Delesse et Hébert-, Rivot, ingénieur des mines, professeur de docimasie à l’Ecole impériale des mines, rue de Lille, n° 1, à Paris, pré- senté par MM. Élie de Beaumont et Charles Sainte-Claire - Deville -, Le docteur Jus- us Rotii, secrétaire de la Société géologique allemande à Berlin (Prusse), présenté par MM. Ëlie de Beau- mont et Charles Sainte-Claire-Deville. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice : Journal des sa- vants, avril 1856. De la part de M. le baron d’Hombres-Fir.mas : Observations sur le Pecten giaber, in-8, 10 p, Nîmes, 15 mars 1856. 606 SÉANCE DU 19 MAI 1856. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1856, 1er semestre, t. XLII, nos 18 et 19. Bulletin de la Société de géographie , he série, t. XI, n° 6A. Avril 1856. Annuaire de la Société météorologique de France , t. III, 1855, 2e partie, bulletin des séances, f. 27-29. Annales s tient if. , lût, etindustr. de l'Auvergne, t. XXVIII, 1855. U Institut , 1856, nos 1166 et 1167. The Athenœum , 1856, nos 1/Ï89 et 1A90. Revista minera , 1856, t. VII, nos 1A3. Memorie délia R, Accademia delle scierize di Torino, sérié seconda, tomo XV, 1855. M. Michelot, secrétaire, donne lecture d’une lettre de M. Royer, qui propose Joinville (Marne) pour lieu de réunion de la session extraordinaire de cette année, et offre de préparer, avec MM. Barotte et Cornuel, un itinéraire qui serait arrêté dans la première séance. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. La Société fixe au dimanche 7 septembre le premier jour de la session extraordinaire. M. Charles Sainte-Glaire Deville communique le mémoire suivant : Sur la nature et la distribution des jumerolles dans l'éruption du Vésuve du 1er mai 1855, par M. Ch. Sainte-Glaire Deville. g 1er. — Objet du mémoire. L’éruption du Vésuve qui a immédiatement précédé celle dont il s’agit ici a eu lieu en février 1850. Elle a été des plus remar- quables, tant à cause de l’abondance des laves qu’elle a rejetées, que parce qu’elle a changé complètement la disposition du som- met du cratère. M. le professeur Scacchi en a donné une excel- lente relation, et l’on peut voir dans son intéressant mémoire, publié dans les Annales des mines (1), le plan des deux grandes cavités qui se sont ouvertes sur le plateau supérieur du Vésuve. (1) Traduit par M. Damour, 4e série, t. XVII, p. 323. MÉMOIRE I)E M. DEVILLE. 607 L’un des résultats les plus curieux de cette éruption est d’avoir produit une sommité qui, dépassant notablement la P un ta ciel P a la, est devenue le point culminant de la montagne et pourrait s’appeler Pic de 1850, ou, en italien, Punta ciel 1850. Deux obser- vations barométriques, faites le 22 mai et le 23 juin, m’ont donné entre ces deux points une différence en hauteur de 56m,6 (1). Depuis 1850, rien n’annonçait l’approche d’une éruption, si ce n’est peut-être le nombre et la haute température des fumerolles du sommet, lorsque le \lx décembre 1854, à huit heures trente minutes du soir, s’ouvrit au pied occidental du Palo, et dans la portion sensiblement plane du plateau supérieur, une cavité conique presque circulaire, dont le diamètre et la profondeur sont tous deux évalués à 80 mètres par M. Guiscardi, à qui l’on doit un dessin de la nouvelle disposition du cratère supérieur. Tel a été, à vrai dire, le premier acte de l’éruption actuelle, dont l’explosion a eu lieu, le 1er mai 1855, vers quatre heures du matin. Arrivé à Naples le 21 mai (2), et témoin de la fin de la période active de l’éruption, je me suis particulièrement attaché, pendant les trois séjours que j’ai faits sur les lieux (du 21 au 30 mai, du 17 au 30 juin, et du 16 au 2A septembre), à étudier les phéno- mènes qui se rattachent aux dégagements de matières gazeuses. C’est sur cette partie délicate et encore obscure des manifesta- tions volcaniques que, sur le point d’entreprendre un troisième voyage aux mêmes lieux, je désire surtout appeler l’attention dans ce mémoire, n’insistant, d’ailleurs, sur la structure de la lave et sur son allure générale, qu’autant qu’il sera nécessaire pour l’in- telligence de mon sujet. Je ne m’étendrai point ici sur l’historique de l’éruption, qui sera, sans aucun doute, traité complètement dans le travail que prépare en ce moment la commission nommée par l’Académie des sciences de Naples, et qui compte dans son sein MM. Scacchi et Palmier! . On en trouvera, d’ailleurs, les traits principaux indiqués dans ma Lettre à M. Elfe clc Beaumont du 17 mai 1855 (3). (1) Une observation faite le 20 septembre n’a plus donné que 48m,9, ce qui semble indiquer un affaissement de la pointe de 1850. (2) L'annonce de l’éruption n’a été connue à Paris que par les journaux du 12 mai. Commencée le 1er, la période active, caractérisée par la sortie de la lave, a fini le 28. (3) Bull., t. XII, p. 1065. 608 SÉANCE DU 19 MAI 1856. Comme l’éruption de 1850, celle-ci a entamé le cône du Vé- suve du côté intérieur ou sur le flanc qui regarde la Somma. Les diverses bouches ou ouvertures qui ont laissé écouler la lave se sont très sensiblement alignées sur une même arête du cône, et cette fissure, siège actuel de l’éruption, vient précisément passer vers le centre de la cavité circulaire formée, au sommet du volcan, en décembre 1854- On voit donc, dès l’abord, dominer ici, comme dans toute manifestation volcanique, ces deux tendances en apparence opposées, mais qui, en réalité, se complètent l’une l’autre, et suivant lesquelles les forces semblent à la fois se répar- tir longitudinalement sur toute l’étendue d’une ligne et se con- centrer en certains points déterminés de cette ligne. Cette double tendance, qui, dans les phénomènes généraux, se traduit par les alignements volcaniques et par les volcans centraux (1), se retrouve aussi dans les manifestations secondaires, par exemple dans une éruption isolée, dont le trait principal est toujours une fissure dia- métrale, sur laquelle s’échelonnent de petits centres locaux, qui sont les bouches ou les orifices de l’éruption. Dans un grand nombre de volcans, ces centres locaux acquièrent une certaine importance; de sorte que le point initial d’une coulée est presque toujours signalé et comme fixé sur la carte par la pré- sence d’un ou de plusieurs cônes formés de scories accumulées. C’est ce que l’on observe à l’Etna Le Vésuve lui-même n’est pas entièrement dépourvu de ces grands cônes de scories ; le plus considérable est celui au sommet duquel a été bâti le couvent des Camaldules. Mais ils sont très rares au Vésuve, et, dans la plupart des éruptions de ce volcan, il ne se détermine aux points d’ori- fices des coulées que d’assez faibles accumulations de matières fragmentaires, qui finissent même souvent par disparaître par l’effet des agents météoriques. Tel est le cas de la dernière érup- tion, qui a produit onze ou douze de ces petits cônes éphémères. Mais, quelles que soient les dimensions de ces cônes de débris, ils sont évidemment dus à une même cause: à la sortie, sous une forte pression, de substances gazeuses, entraînant avec elles des portions détachées de la masse lithoïde en fusion. Puis, après cette dernière explosion, les substances gazeuses, qui faisaient évidem- (1) Les volcans centraux de M. Léopold de Buch ne sont, comme je l’ai fait voir ailleurs, que des points singuliers des alignements vol- caniques, et, le plus ordinairement, des points où viennent se couper deux ou plusieurs alignements. Il y a donc encore là concomitance des deux tendances que je signale. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 609 ment corps avec la lave, qui la pénétraient intimement, s’en sé- parent sans effort, et cette action se poursuit pendant toute la durée du refroidissement de la masse. Il s’établit ainsi des émanations dont le dégagement peut se prolonger pendant plusieurs années, et dont la nature paraît varier avec le point de la lave d’où elles proviennent et avec le moment de leur sortie. Ces émanations ou fumerolles transportent avec elles des matières solides ou gazeuses, susceptibles de réagir les unes sur ies autres ou sur les divers élé- ments de l’atmosphère ; de sorte que chacun de ces petits cônes, et, en outre, une foule d’autres points sur le parcours de la lave, de- viennent, pendant un temps plus ou moins long, les foyers d’un certain nombre de réactions chimiques, variables avec le temps et le lieu, et se traduisant finalement par le dépôt d’un petit nombre de minéraux stables. En définitive, lorsqu’on envisage les circonstances générales d’une éruption volcanique, on est amené à la considérer comme un phénomène naturel destiné à produire au jour un magma, doué d’une très haute température, et dans lequel se trouvent amalga- mées, à un état qu’il est difficile encore de définir, en même temps que les substances fixes qui formeront les minéraux ordinaires des laves (feldspaths, pyroxènes, péridots, etc.), des matières volatiles qui se résoudront, d’une part, en gaz ou vapeurs qui se répandront dans l’atmosphère, de l’autre, en minéraux solides (soufre, sul- fates, chlorures, oxydes, etc.) qui tapisseront certaines cavités de la lave elle-même. En d’autres termes, nous sommes ramenés, par la considération des phénomènes chimiques et mécaniques d’une éruption , à cette vue remarquable que M. Elie de Beaumont (1) a introduite dans la géologie chimique, en distin- guant les minéraux formés à la manière des laves des minéraux formés à la manière du soufre. Si ces derniers jouent, en tant que minéraux , un rôle relativement moins important dans les laves actuelles que dans les roches plus anciennement solidifiées comme les granités, il n’est pas certain que la masse des substances ga- zeuses destinées à les produire présente la même disproportion ; et, dans tous les cas, l’étude de ces fumerolles de nos volcans, dans leur double rapport avec la lave d’où elles émanent et avec lei substances concrétionnées qu’elles déposent, est de nature à jeter un grand jour sur les phénomènes analogues qui ont du se passer aux époques les plus anciennes, mais dont l’existence n'est plus (l) Des émanations volcaniques et métallifères ( Bull ., 2e série, t. 1Y, p. 4249). Soc. géol ., 2* série , tome XIII. 39 610 SÉANCE DU 19 MAI 1856. trahie à nos yeux que par les produits solides qui en sont les traces et les témoins. On voit quelles études variées et fécondes en applications peut offrir h observation de ces fumerolles volcaniques durant la pé- riode active de l’éruption et durant les périodes consécutives. Depuis Humphry Davy et Gay-Lussac, d’habiles chimistes et mi- néralogistes, parmi lesquels je citerai particulièrement MM. Bous- singault, Daubeny, Bunsen et Scacchi , ont fait, à diverses époques, des travaux intéressants sur ce sujet. Mais les recherches ont porté jusqu’ici plutôt sur la nature des produits gazeux ou solides que sur la distribution des fumerolles dans les diverses parties de l’appareil volcanique, et sur les variations qu’elles pré- sentent avec l’époque et le lieu de leur sortie. Au point de vue de l’éruption, on peut diviser en trois portions distinctes l’appareil volcanique. En premier lieu, celle où s’est manifesté le maximum d’activité ou le foyer propre de l'éruption, qui n’est autre chose que la fissure diamétrale du grand cône, sur l’étendue de laquelle se sont établis les orifices ; puis, l’espace placé au-dessus de la fissure en y comprenant le sommet du vol- can ; enfin, toute la portion de la montagne située au-dessous de la dernière bouche et affectée par l’éruption ou la coulée propre- ment dite. Je décrirai successivement ce que j’ai remarqué dans les fumerolles de ces trois tronçons de l’appareil volcanique pen- dant la période d’activité proprement dite, et après que, la lave ayant cessé de couler, eut commencé la période décroissante de l’éruption. Mais, auparavant, il me semble indispensable de jeter un coup d’œil général sur la fissure elle-même et sur la lave qui s’en est épanchée. § n. — De la fissure et de, la lave. La fissure initiale s’aligne à peu près exactement du nord au sud (de la boussole), ou de la dépression placée au pied de la P u nia. del Palo sur un point de la Somma situé quelques degrés à l’ouest de la Punta di Nasone. Simple à son origine (située, d’après mon observation barométrique, à 138 mètres au-dessous de la Punta del Palo) , la fissure se trouve ensuite plus bas dédou- blée ou plutôt bordée .de chaque côté par une ligne de petits cônes, il en est résulté, par le fait, trois centres d’émission de moins en moins élevés sur la surface clu grand cône. Le premier de ces centres a donné, au début de l’éruption, outre un petit courant très liquide de peu d’étendue, une première lave qui a MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 611 coulé sur le bord occidental de la fissure. Le deuxième a rejeté, le 18 mai, une lave qui a présenté un caractère particulier : elle est presque entièrement composée de fragments scoriacés. Parmi ces scories, on remarque un grand nombre de morceaux arrondis et isolés, et lorsqu’on vient à les briser, on trouve au centre un fragment de la roche pyroxénique du Vésuve, entouré d’une couclie uniforme de matière lavique. Une circonstance remar- quable est que le fragment intérieur est toujours intact et ne pré- sente aucune trace de fusion. Cette seconde émission a suivi le bord oriental de la fissure. Enfin, le troisième centre, le plus bas placé, composé de trois petits cônes élevés de 50 à 60 mètres seulement au-dessus de l’Atrio del Cavallo, a fourni la dernière lave que j’ai vue couler du 21 au 27 mai; elle s’est étendue, comme la première, à l’ouest de la grande fissure. Cette dernière lave contraste, par ses carac- tères, avec les deux premières, sur la surface desquelles elle est venue s’étaler. Tandis que celles-ci, colorées en brun, en rouge, en jaune, sont uniquement formées de matériaux scoriacés, isolés dans le milieu de la coulée, et ne se consolidant que sur les parois pour former les deux remparts latéraux, les dernières laves émises consistent en masses contournées, tordues, présentant quelquefois, à s’y méprendre, l’apparence de cordages grossièrement enroulés. Ici rien de fragmentaire : la coulée ne forme qu’un tout sans au- cune discontinuité, et parfois comme un plancher à surface très irrégulière et d’une singulière sonorité. Cette variété est toujours noire ou d’un brun extrêmement foncé et d’un aspect subvitreux ; elle est hérissée à sa surface de la manière la plus bizarre, et présente une infinité de pointes aiguës et délicates, dont l’extré- mité est très souvent colorée par du chlorure de fer. Ces trois émissions de lave ne sont pas indifféremment mélan- gées ou superposées ; mais elles se sont comme engainées l’une dans l’autre, la dernière occupant toujours l’axe du courant, et, vue d’en haut, cette disposition se traduisait très nettement par l’apparence zonaire et rubanée que présentait l’ensemble de la lave avant que ses surfaces eussent subi les dégradations atmosphé- riques. C’est cette disposition que j’ai cherché à reproduire dans le croquis ci-joint, que j’ai pris des pentes mêmes du Vésuve et qui représente la portion de la lave qui a atteint l’Atrio del Cavallo. SÉANCE DU 19 MAI 1856. 61 â A, A, A, A. Bourrelets extérieurs; d’un brun fonce'. B, B, B. . . Lave fragmentaire; brun-rouge. C, C, C. . . Dernière lave, à surface contourne'e et tordue; gris de fer. D Sable de l’Alrio, entouré par le courant. L’analyse des deux variétés (grise et cristalline, noire et sub- vitreuse) de la lave de 1855 m’a donné les résultats suivants : Silice Alumine Protoxyde de fer ... . Protoxyde de manganèse Magnésie Chaux Soude Potasse Perte par calcination . . Perte de l’analyse. . . . Variété grise, Var iété noire, cristalline. subvitreuse. 47,5 50,7 20,0 23,7 9,8 10,6 0,2 0,3 L9 2,6 8,6 4,7 8,9 S, 4 0,5 0,2 0,6 0,0 2,0 1,8 100,0 100,0 Une circonstance qui mérite d’être notée est celle-ci : tandis que la lave grise et cristalline dévie fortement l’aiguille aimantée, l’autre roche ne possède absolument aucun pouvoir magnétique. Le fer n’est donc point absolument au même état dans les deux variétés. Toutes deux m’ont donné une proportion notable d’acide phosphorique : l’une contient 1,4, l’autre 2,2 pour 100 de phos- phate de chaux. Toutes deux présentent une petite quantité de chlore, dont une partie au moins est à l’état de chlorure soluble et en mélange MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 613 pour ainsi dire moléculaire. Pour en citer un exemple, 6gl-,77 de la lave noire sübviireuse, pulvérisés, et bouillis avec l’eau distil- lée, ont donné O5' ,022 de chlorure d’argent, Correspondant à O8' , 0055 de chlore. Cette même poudre, soumise quatre fois à la porphyrisation et lavée après chacune de ces opérations, a toujours donné une liqueur qui se troublait par le nitrate d’argent. Enfin, 2sr ,5 du dernier résidu chauffés avec le bisulfate de potasse ont laissé 0s'-,025 de chlorure d’argent ou 0gr ,006 de chlore. La lave contenait donc en tout, probablement à deux états différents, un peu plus des 3 millièmes de son poids en chlore. La présence concomitante dans ces laves du chlore et du phosphore me paraît un fait digne d’intérêt; elle me semble expliquer l’une des expériences que j’ai faites sur les fumerolles de la lave incandescente [Bull, de la Soc. géol . , t. XII, p. 1079). Ayant exposé à l’action de ces émanations un vase contenant de l’eau de chaux, j’ai obtenu de très petits cristaux blancs, solubles sans effervescence dans l’acide chlorhydrique, donnant par le chlorure de barium un précipité soluble dans l’acide. Il devient infiniment probable que cette substance, qui était en trop petite quantité pour être analysée, était un phosphate de chaux ou un chlorophosphate de chaux analogue à celui qui est fixé dans la lave. La petite quantité de fluor décelée aussi dans l une de mes expériences sur la lave joue vraisemblablement un rôle du même genre. Il s’était sans doute déterminé, au contact de la chaux, une réaction semblable à celle par laquelle M. Daubrée a reproduit l’apatite dans ses ingénieuses recherches sur la formation des minéraux. La présence du phosphate de chaux et probable- ment du chlorophosphate de chaux ou de l’apatite dans les laves semble un fait presque général; je l’ai signalée, dès 18^5, dans les laves anciennes de Fogo [Voyage aux Antilles et aux îles de Ténèriffe et de Fogo , t. Ier). Depuis, le phosphate de chaux a été retrouvé dans les laves de Niedermendig. Enfin, dans quelques expériences récentes, j’en ai reconnu qualitativement l’existence, au moyen du molybdate d’ammoniaque, dans plusieurs produits volcaniques, entre autres dans la roche du Puracé recueillie par M. Boussingault, et dans la lave rejetée par l’Etna en 1852. Des deux variétés de la lave sortie du Vésuve en 1855, c’est la variété cristalline qui paraît être la plus riche en phosphate. Les formes qu’affecte, après sa solidification, la matière même des courants doivent varier, suivant les pentes et suivant le degré de liquidité, ou, si l’on veut, suivant la température de la lave à sa sortie. SÉANCE DU 19 MAI 1856. 6lt Ces deux circonstances influent naturellement aussi sur l’état de la surface de la matière incandescente en mouvement. Lors- qu’elle rencontre un endroit plan, elle s’y arrête et forme une sorte de petit lac, dont l’aspect, de jour, rappelle absolument celui d’une mare de sang, et dont la surface paraît presque lisse ; mais, lorsque la pente est plus forte, sur un plan vertical par exemple, la matière, sans tomber comme le ferait de l’eau, s’ar- rondit et forme une courbe à long rayon, et, dans ce cas, on dis- tingue parfaitement à la surface des rugosités qui s’alignent et forment des traînées parallèles à la direction du courant, tandis que des rides circulaires, perpendiculaires à cette direction, indi- quent l’inégal mouvement de la matière, au bord et au centre du courant. L’aspect de la lave annonce alors très bien qu’elle constituera, en se refroidissant, quelque chose d’analogue à ces masses tordues, tressées et contournées dont j’ai parlé plus haut. La vitesse avec laquelle se meut le courant en un point donné est à la fois fonction de l’inclinaison du sol en ce point, du degré de liquidité ou de la température, enfin de la masse des matières entraînées. Or, comme ces divers éléments sont très variables, il en résulte que la vitesse peut présenter des écarts très grands, suivant le moment et le lieu où elle est mesurée. M. Palmieri, qui a fait un grand nombre d’expériences sur la lave de 1855, a trouvé, pour termes extrêmes, 2 mètres par seconde, et seulement 5 à 6 centimètres (1). La masse des matières rejetées subit, dans le cours de l’érup- tion , des accroissements et des décroissements assez rapides. C’est ce dont j’ai pu m’assurer par moi-même. Ainsi, lorsque je vis de près, pour la deuxième fois, le courant, le 2 U mai au ma- tin, il avait acquis notablement de puissance depuis le 22 : on voyait la lave grossir et se gonfler, puis refondre et entraîner avec elle les parties supérieures qui s’étaient solidifiées en voûte au- dessus d’elle, et quelle atteignait de nouveau. Le 26, il y avait eu nouvelle décroissance, et depuis lors cette période s’est accé- lérée de plus en plus. La température d’un même courant est un élément qui varie (1) Ces expériences ont été faites tout près des orifices, et au point où la vitesse était maximci . Il est clair qu’on ne peut confondre la vitesse ainsi mesurée en un point choisi avec celle qui résulterait, pour Yénsèmble du courant , du temps qu’il mettrait à parcourir un assez long espace sur les flancs de la montagne. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 615 beaucoup aussi. Humphry Davy (1), le 5 décembre 1819, remar- qua que les fils d’argent et de cuivre fondaient instantanément au contact de la lave, tandis que, le 6 janvier suivant, l’argent exposé à l’action de la lave ne parut pas avoir subi de fusion. Mais Davy opérait sur un courant moins volumineux que celui de 1855 ; et, si les expériences sont alors plus faciles à exécuter, il est douteux qu’elles puissent indiquer le maximum de tempé- rature aussi sûrement que des essais tentés sur une masse beau- coup plus considérable. D’un autre côté, sur un courant d’un aussi grand volume, il est absolument impossible de suivre de l’œil les objets mis en contact avec la lave. Des fils de cuivre et d’argent, d’un tiers de milli- mètre de diamètre, attachés à l’extrémité d’un long fil de fer (2), disparaissaient après un contact de peu d’instants avec la matière incandescente. Tout fait penser qu’ils s’étaient fondus, comme dans les expériences de Davy. Néanmoins, on ne pourrait le con- clure absolument, car je me suis assuré qu’en mettant en contact avec la lave un fil de fer dont j’avais coudé l’extrémité, cette extrémité revenait toujours rectiligne. Il y avait donc eu ramollis- sement du fer ; or, ce ramollissement eût suffi évidemment pour détacher le cuivre et l’argent du fil qui les supportait. Mais, dans une des nombreuses expériences que j’ai exécutées (et celle-là était faite en commun avec MM. Scacchi et Palmieri), j’ai trouvé une seule fois le fil de fer, d’environ un demi-millimètre de diamètre, étiré en pointe, et l’extrémité portait très distinctement une petite masse sphéroïdale. Ce dernier fait, et même le seul ramollisse- ment du fer, me paraissent établir pour ce courant, le 2 k et le 26 mai, une température considérable (3). L’inclinaison du sol sur lequel a lieu l’écoulement est un élé- ment qui ne varie pas sensiblement, comme les deux précédents, pour le même point ; mais il subit, comme on peut le penser, des variations considérables avec les diverses portions de la montagne qu’atteint successivement la lave. Voici quelques nombres que j’ai déduits de mes propres mesures, faites en partie au moyen du fil à plomb attaché à la boussole, en partie avec le sextant, en (1) Annales de chimie et de physique , 1re série, t. XXXVIII, p. 138. (2) Je n’avais malheureusement point de fil de cuivre assez long pour atteindre la lave en ignition. (3) Dans ces expériences il y a, d’ailleurs, toujours à craindre qu’il y ait oxydation du fer, et, par suite, accroissement dans sa fusibilité. 616 SÉANCE DU 19 MAI 1856. suivant la méthode indiquée par M. Elie de Beaumont (1). Ces pentes ont été prises toutes sur le grand courant qui s’est dirigé sur la Cercola : Portion moyenne du grand cône , sur laquelle a coulé la petite lave, sortie au sommet de la fissure, au début de l’éruption. 35 à 30° 30' Portion inférieure du grand cône; c’est la partie de la fissure sur laquelle se sont échelonnés les petits cônes. ..... 26° Raccordement du grand cône avec X Atrio del Ccivallo ; c’est la partie de la fissure qui est restée ouverte, et au fond de laquelle on voyait couler la lave 7° 30' Atrio del Ccivallo, depuis 1° 30' jusqu’à une pente presque nulle. Du bord de X Atrio, au point appelé Cognulo lo/igo . .... 7° Première cascade de lave dans le fosso délia Vetrana, pente moyenne. 27® Cette pente moyenne se décompose en Pente maxima 37° Pente minima 21° Au pied de la première cascade, et le long de la colline du Sa 1 va tore. 2° Plus bas, et avant d’arriver au plan de l’Observatoire. ... 8° Plus bas encore, et par le travers de l’Observatoire 3° Deuxième cascade, dans \e fosso di Faraone : Pente maxima 34° Pente minima 22° Enfin, du pied de cette dernière cascade au point où la lave s’est arrêtée, un peu au-dessus du pont de la Cercola . . 4° 1 8; Ce dernier nombre a été conclu de la manière suivante : j’ai pris, au moyen du baromètre, la différence entre les altitudes des deux points et mesuré la distance horizontale sur la grande carte du bureau topographique de Naples. JDe cette simple énumération, on peut déduire aisément l’allure générale de la lave : on voit qu’elle a présenté une alternance remarquable de parties planes ou peu inclinées et de portions où la pente était considérable et formait de véritables cascades de feu, qui, pendant l’obscurité de la nuit, offraient le spectacle le plus saisissant que l’on puisse imaginer. De là a dû résulter aussi une grande variété dans la texture de la roche : puisque certaines portions du courant ont coulé avec (1) Annules des mines , 3e série, t. X, p. 529. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 617 une grande rapidité sur une forte pente, tandis que d’autres ren- contraient de profondes cavités dans les ravins de la Vetrana et de Faraone, et s’y sont accumulées sur une épaisseur qui a atteint quelquefois ZiO à 50 mètres. Néanmoins, quelle que soit la com- pacité qu’ait pu acquérir l’intérieur des masses, et dont on ne pourra juger qu’après leur refroidissement et par l’exploitation, leur surface, même en ces points où la pente a varié de 2 à 7 de- grés, a toujours été extraordinairement tourmentée et se compose uniquement de gros blocs anguleux, entassés les uns sur les autres ; en un mot, leur forme générale, même en ces circonstances, a toujours été celle d’une cheire , jamais celle d’une nappe. Il faut aussi parler de l’apparence d’ignition que présente la lave. De jour , on ne distingue le rouge qu’autant que l’on est placé de manière que le regard plonge au fond de la fissure où elle coule : chaque fois que je l’ai ainsi aperçue, la nuance du rouge m’a paru voisine de celle du fer que l’on fait passer sous les laminoirs, mais plutôt moins claire. Les bords intérieurs de la fissure sont d'une couleur sombre, et ne présentent aucune trace de rouge. Au contraire, de nuit, ou même lorsque le jour est très faible, ils paraissent rouges: ce sont même les seules parties rouges de la lave que l’on aperçoive de loin, excepté lorsqu’elle offre des chutes ou des cascades, ou qu’elle se présente dans le haut d’une j vallée de manière que l’œil puisse, d’en bas, pénétrer au fond de la fissure. Ces deux conditions se sont, d’ailleurs, trouvées réunies dans l’éruption actuelle. Mais, dans la presque totalité des cas, il est clair que les sur- faces qui, de nuit, présentent un si grand éclat, n’appartiennent pas à la lave en fusion, mais seulement à ses parois intérieures, soit qu’elles soient échauffées jusqu’au rouge par leur conduc- tibilité propre (et c’est certainement le cas le plus habituel), soit qu’elles ne fassent que réfléchir le rouge éclatant de la lave placée à quelques mètres au-dessous. Les portions du courant qui manifestent le plus longtemps l’incandescence sont celles qui ont coulé sur une plus grande pente. Ainsi, vers la fin de l’éruption, deux parties incandescentes, celle du grand cône et celle de la Vetrana, toutes deux fortement inclinées, étaient séparées par un intervalle sombre qui corres- pondait à l’Âtrio del Cavallo. Cela s’explique parfaitement, l’accu- mulation de la lave se faisant sur les parties presque planes, avec une lenteur suffisante pour que la croûte, devenue fort épaisse, cache entièrement le courant qui se maintient liquide seulement au-dessous. 618 SÉANCE Dli 19 MAI 1856. Quant aux flammes, je n’ai rien vu qui les rappelât en aucune façon, et la relation de M. Palmier! n’en fait pas mention. Les vapeurs blanches n’étaient évidemment colorées en rouge que par réflexion (1). Je dois encore mentionner un fait qui m’a frappé. Le 26 mai, en plein jour, comme j’étais placé sur le courant et dans la direc- tion de la fissure, en examinant l’un des petits cônes qui ont donné le dernier courant, et d’ou s’échappaient, au milieu des efflorescences les plus variées de couleurs , d’abondantes fume- rolles, je distinguai parfaitement que les fissures qui accidentaient son sommet présentaient dans leur intérieur Une couleur rouge bien prononcée. Plus tard, en montant avec précaution â ce sommet, je me convainquis que la température y était suffi- sante pour enflammer l’extrémité du bâton que je portais à la main, et le même phénomène se manifesta pour les deux autres cônes placés au-dessus. L’extrémité de ces cônes était placée certainement à plus de 15 ou 20 mètres au-dessus du niveau du courant alors incandescent. Cette haute température est-elle due à ce que la matière pénètre Ce cône vide presque à son sommet? Ou le nombre, la variété, la violence des réactions chimiques qui s’exécutaient en ce moment autour de ce sommet ne sont-ils pas de nature à y entretenir une grande chaleur ? Arrivons aux fumerolles. Bien qu’elles fussent très abondantes et que, de jour surtout, elles signalassent, pendant toute la durée de la période active, par un nuage épais et d’un blanc éclatant, le parcours entier de la lave, l’éruption actuelle paraît, sous ce rap- port, notablement inférieure à Celle qui l’a précédée , et qui, d’après M. Scacclii, a été des plus remarquables par le volume et la variété de Ses émanations gazeuses. Cette disproportion entre les deux éruptions, quant à la masse des vapeurs émises, s’est tra- duite par un contraste frappant dans leurs caractères extérieurs. Autant celle de 1850 avait été bruyante et orageuse, autant celle- ci est calme. Tandis que notre éruption n’a amené aucun chan- gement sensible dans la disposition du cratère supérieur, en 1850, en une nuit, et sans que personne en ait pu apprécier le mode de formation, deux profondes cavités se déterminent dans le plateau (1) Je ne prétends pas cependant qu’il n’ait pu, en certains mo- ments de l’éruption et sur certains points particuliers, se développer des flammes. Ce que j’affirme, c’est que, dans la période de l’éruption que j’ai observée, il ne s’en est point produit. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 6Î9 supérieur, et, entre elles deux s’élève une crête qui devient le point culminant de la montagne. Au reste, n’expliquerait-on pas la diversité de ces allures par ce fait, que l’éruption de 1855 a été précédée et comme amortie par l’ouverture, quelques mois aupa- ravant, de la grande cavité dont nous avons parlé, qui n’a cessé pendant tout l’hiver, et qui ne cesse encore de rejeter des masses immenses de vapeurs et de gaz ? Quoi qu’il en soit, l’éruption actuelle, bien qu’elle soit incon- testablement une des plus importantes qu’ait foui nies le Vésuve, est aussi une des plus tranquilles. Peu ou point de projections, seulement quelques-unes dans les premiers jours ; les détonations ont cessé bientôt aussi. Le phénomène s’est réduit alors à un dé- versement de la lave comme par un trop-plein, déversement qui était seulement accompagné de la sortie de vapeurs abondantes, mais à une faible pression. Aussi est-ce pour le géol igue une véritable bonne fortune qu’une éruption qui a permis d’étudier de près le phénomène dans des proportions aussi considérables. ^ 3. — Des fumerolles de la fissure. Le foyer propre de l’éruption se compose de deux parties : la portion supérieure de la' fissure, sur laquelle se trouvent échelon- nés les petits cônes qui ont donné successivement issue aux trois coulées ; la portion inférieure, ouverte, au fond de laquelle on voyait couler la lave, et qui ne s’est comblée qu’aux derniers instants de l’éruption, par la solidification des derniers contin- gents de matière lavique. J’ai déjà parlé de l’aspect que présentait la lave en coulant I dans la fissure, et des vapeurs d’un blanc éclatant que l’on voyait sortir, sans pression, soit des parties de la fissure où la coulée se montrait à découvert, soit des interstices de la lave récemment solidifiée. La température de ces vapeurs était extrêmement élevée ; elle ! atteignait en peu d’instants les 350 degrés que pouvait indiquer mon thermomètre, et ne différait évidemment que peu de celle de la lave incandescente, placée à une faible distance au-dessous. Ces fumerolles m’ont paru absolument dépourvues de vapeur d’eau. Voici comment je m’en suis assuré : j’ai assujetti au-dessus | de l’orifice de l’une d’elles un large entonnoir de verre dont la pointe était engagée dans une allonge également de verre et re- courbée, de près de 1 mètre de long, laquelle communiquait, au moyen d’un tube de caoutchouc, avec un tube de plomb dont 620 SÉANCE DU 19 MAI 1856. l’extrémité plongeait dans un flacon. Ce récipient, éloigné ainsi d’environ 2 mètres de l’orifice, était placé sur une portion de la lave dont la température, à la surface, ne dépassait pas 28 ou 30 degrés, et de plus, pendant toute la durée de mon observation, je l’ai constamment humecté. Cet appareil est resté quarante-huit heures en fonction ; les parties les plus voisines de la fumerolle se sont recouvertes d’efflorescences blanches, mais il n’y avait dans aucune portion de l’appareil une seule goutte d’eau condensée. L’absence de la vapeur d’eau, constatée dans cette expérience, se manifeste aussi par la sensation particulière de sécheresse que les organes éprouvent sous l’influence de ces fumerolles : jamais les vêtements ne s’y recouvrent d’humidité, comme il arrive dans les fumerolles d’un autre ordre. Ces fumerolles sèches n’ont ordinairement qu’une très faible odeur, souvent même elles n’en présentent pas de sensible. Elles sont quelquefois un peu acides, car elles rougissent le papier de tournesol, soit qu’on l’y expose directement, soit qu’on le plonge dans l’eau distillée laissée longtemps à leur contact. Elles ne noircissent pas l’acétate de plomb. J’ai déjà indiqué, dans ma lettre à M. Elie de Beaumont ( loc . cit ., p. 1078), le résultat d’expériences faites en commun avec M. Scacchi sur ces fumerolles de la fissure. J’ai, depuis mon retour à Paris, examinéquelques fragments des efflorescences déposées par les mêmes fumerolles sèches sur la lave } auprès des orifices qui leur donnaient issue. Ce sont des croûtes \ solides, d’un blanc parfait ou légèrement jaunâtre, ayant forte- ment la saveur du sel marin, n’offrant aucune réaction acide et n’attirant pas sensiblement l’humidité de l’air ; elles sont entière- « ment solubles dans l’eau. L’analyse y a signalé les éléments sui- vants : Chlorure de sodium 0,943 Chlorure de manganèse (avec traces de fer) . 0,006 Sulfate de soude 0,002 Sulfate de potasse 0,010 Sulfate de magnésie 0,004 Sulfate de chaux 0,027 Eau hygrométrique 0,008 4,000 Ces efflorescences ne contiennent pas de chlorhydrate d’ammo- niaque et ne présentent aucune trace de fluorures, et, chose i remarquable, elles sont aussi, comme on voit, absolument dé- pourvues de silice. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 621 Quant aux substances gazeuses qui pourraient s’échapper dans l’atmosphère et ne sont pas susceptibles d’être condensées, les gaz des fumerolles sèches, n’étant point combustibles, ne contiennent, au moins en quantité notable, ni hydrogène, ni hydrogène car- boné. Il devenait donc très probable que ces exhalaisons consis- taient simplement en un dégagement d’air atmosphérique mélangé d’une petite quantité de substances solides, presque uniquement composées de chlorures alcalins, et susceptibles d’être entraînées mécaniquement ou par volatilisation. C’est ce qu’est venu confir- mer l’examen des gaz recueillis aux orifices des fumerolles. Ces gaz recueillis sur les lieux, et examinés à mon retour par M. Lewy et moi, nous ont présenté très sensiblement la compo- sition de l’air atmosphérique (1) ; ils ne contenaient que quelques millièmes d’acide carbonique. Ce résultat, bien que les difficultés qui ont entouré la captation du gaz ne nous permettent de le pré- senter qu’avec réserve, vient néanmoins tout à fait à l'appui des conclusions que je viens de tirer des expériences de condensation faites près des orifices, et que pouvaient déjà faire prévoir les recherches de Davy sur la lave de 1820. Ces fumerolles chlorurées sèches sont en relation avec l’écoule- ment de la lave , cependant elles ne s’en échappent pas d’une ma- nière très visible. On ne distingue, par exemple, rien d’analogue à une ébullition qui donnerait issue aux gaz. Je n’ai aperçu qu’un très petit nombre de fois quelques bouffées légères de fumées blanches sortant immédiatement de la lave en mouvement (2), et j’ai, au contraire, remarqué que dans les fissures au fond des- quelles coule la matière lavique, et d’où s’échappe aussi la plus grande partie des fumées, celles-ci se concentrent sur les bords et semblent sortir sans pression de dessous la croûte solide qui con- stitue ces bords. Je suis, en un mot, très porté à penser que la lave fondue maintient encore dans ses pores les gaz et les matières volatiles, et qu’elle ne les abandonne que lorsqu’elle a déjà atteint une certaine période de son refroidissement. D’un autre côté, les fumerolles sèches ne s’observent avec les caractères que je viens de décrire que là où existent des laves j récemment sorties et encore à l’état d’incandescence. On pourra donc les retrouver encore, comme je le dirai plus loin, plusieurs mois après la fermeture des bouches, sur les points de la coulée (1) L'oxygène y était, néanmoins, toujours un peu en défaut (2) C’était dans les points où la pente était rapide, ainsi que le refroidissement. 622 SÉANCE DU 4 9 MAI 1856. où l’accumulation des matières aura été considérable ; mais déjà, le 2û mai et durant la période active, à mesure qu'en montant le long de la fissure, je m’éloignais de la bouche inférieure, qui seule donnait encore issue à la lave, je voyais les caractères des émana- tions changer insensiblement. Le résultat de la condensation par les réactifs donnait des quantités plus appréciables d’acide sulfu- rique ; et, plus haut, lorsque je suis arrivé aux portions supérieures de la fissure, par exemple, aux petits cônes qui avaient donné naissance aux premières laves , je percevais très bien l’odeur suffocante de l’acicîe sulfureux. Cela était surtout frappant pour le petit cône très aigu, dont il est question dans la relation de M. Palmieri (1), et qui, au début de l’éruption, donnait un sifflement si bruyant. Lorsque j’ai visité ce cône le 22, j’ai trouvé qu’il laissait échapper un gaz avec une pression considérable, qui rejetait en dehors les petits fragments de roches de 3 à h centimètres de diamètre qu’on y. jetait. C’est le seul point où j’aie vu le gaz sortir avec une pression notablement supérieure à la pression extérieure. On entendait un bruit tout à fait analogue à celui d’une énorme marmite en ébullition. | Le thermomètre plongé dans ce gaz (avec quelque difficulté, il était toujours rejeté en dehors) est tout de suite monté à 250 de- grés, et j’ai dû le retirer de crainte de briser l’instrument. Les autres cônes placés plus bas, qui par conséquent n’avaient donné issue que plus tardivement à la lave, et en particulier ceux du pied desquels s’était échappé le dernier courant qui coulait i encore, et dont les fissures montraient la roche incandescente, ne i présentaient dans leurs fumerolles aucune odeur d’acide sulfureux. , i On ne distinguait autour d’eux, parmi les nombreux produits ( formés par émanation directe ou par réactions postérieures, que < des chlorures ou des oxydes résultant de leur transformation. C’étaient, outre les chlorures alcalins, les chlorures de fer et de ( cuivre et le fer oligiste. Ce dernier offrait deux variétés : l’une, q d’un gris noir, qui est la couleur habituelle de l’oxyde naturel ; ( l’autre, d’un brun léger ou rosé, d’une ténuité extrême, et tout à fait semblable aux poudres micacées que l’on obtient souvent dans les laboratoires dans une foule de réactions parla voie sèche. La q réunion de ces divers produits, chargés des tons les plus -vifs, réa- lisait sur les parois de ces cônes et dans leur voisinage le plus riche assortiment de couleurs qu’on puisse imaginer. (4) T. XII, p. 4 Û680 o MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 625 Tels étaient les caractères de la fissure éruptive pendant la période active. Cette période active a pris tin du jour où la lave a cessé de s’écouler par ses orifices. Or, le 28 mai, elle ne présentait plus à sa surface aucun point d’incandescence, même de nuit : le 29, au matin, le dégagement des fumerolles n’était plus visible autour des petits cônes de la fissure, et celles de la lave avaient décru considérablement. Le courant s’était arrêté et comme figé dans son dernier canal, où je l’avais observé du 21 au 27. Lorsque de retour de l’Etna, à l’étude duquel j’ai consacré la première quinzaine du mois de juin, j’ai revu de nouveau, quel- ques semaines après que l’éruption fut entrée dans sa période décroissante, ces fumerolles de la fissure, leur aspect avait consi- dérablement changé. Les cônes inférieurs n’offraient plus les teintes variées dont je viens de parler : quatre jours de pluies abondantes avaient gravement endommagé cette riche parure, et la lave ne fournissait plus aucun moyen de la réparer. En effet, je pou vais alors gravir facilement ces petits cônes .et me soumettre sans inconvénient à l’action des gaz qui en sortaient. Ces gaz, beaucoup moins abondants, étaient absolument inodores et incolores, de telle manière qu’à quelque distance on pouvait douter de leur existence, La seule chose qui la trahît de loin, c’était le tremblotement apparent, dû à un phénomène de mirage qui est imposé aux divers objets par l’émission d’un gaz plus chaud que l’atmosphère dans laquelle il s’échappe. Ce gaz parais- sait aussi parfaitement sec. Une bouteille contenant de l’eau à la température ordinaire, exposée à ces fumerolles, n’a rien con- densé à sa surface, et je suis convaincu qu’elles consistaient uni- quement en un courant d’air très échauffé. Les cônes du centre supérieur, et en particulier celui qui avait i dégagé du gaz sulfureux sous une forte pression, présentaient quelque chose d’exactement semblable à ce que je viens de dé- crire. Un thermomètre, inséré aussi profondément que possible au milieu des fragments détachés qui composaient ce petit cône, a indiqué 305 degrés. Mais la température eût été probablement plus considérable à une plus grande profondeur, et elle témoi- gnait sans doute de l’existence de points encore incandescents à une I assez faible distance au-dessous de la surface. Un seul point de la fissure donnait encore des vapeurs blanches et visibles de loin : c’était un des cônes du centre moyen. En s’en approchant, on pouvait aisément constater que ces vapeurs contenaient une quantité notable cl’acide sulfureux. BÉANCE DU 19 MAI 1856. 62 h En définitive, on voit que, après un mois, je constatais sur la partie essentiellement active de l’éruption, c’est-à-dire sur l’éten- due de la fissure qui a donné issue à la lave, les circonstances sui- vantes : les chlorures volatils qui caractérisaient la première période de l’éruption avaient disparu à peu près complètement; il en était de même de l’acide sulfureux qui, dans la période secon- daire, accompagnait l’acide chlorhydrique. Un seul point de la fissure présentait encore les phénomènes de la deuxième période : c’était l’un des cônes du 18 mai, c’est-à-dire du courant qui a tenu le milieu par la position de ses orifices comme par l’époque de son apparition. 11 ne se dégageait ni hydrogène sulfuré, ni vapeur de soufre, ni vapeur d’eau. Le gaz qui sortait des petits cônes, doué d’une température au moins égale à 305 degrés, n’était vraisemblablement que de l’air échauffé au contact très voisin de points encore incandescents, comme d’ailleurs cela se manifestait plus ou moins sur toute l’étendue de la lave. Enfin, au mois de septembre suivant, les dernières traces de vapeurs acides avaient entièrement disparu de la fissure, et les forces éruptives avaient, au contraire, tendu à se concentrer de plus en plus dans le cratère supérieur du volcan. § 4. Des fumerolles du cratère supérieur. Dans sa disposition actuelle (1), le cratère supérieur du Vésuve présente quatre régions assez distinctes : 1° La Punta del Palo , incessamment minée par les fumerolles et diminuée successivement par les ébôulements qui l'attaquent, J aussi bien sur son bord extérieur que du côté du gouffre formé en décembre 1854. Un de ces ébôulements a mis à nu une succes- sion d’assises scoriacées rouges et noires, 2° Au pied sud-ouest du Palo, le gouffre de 1854, bordé à l’ouest et au nord-ouest par le bourrelet des petites laves de 1842 à 1848. 3° Tout le pourtour de la cime de l’est à l’ouest, en passant par le sud, occupé par les deux grands cratères de 1850. 4° Enfin, au centre et touchant à ces diverses parties, ce qui reste de Y ancienne plaine , qui forme maintenant un plan légère- ment incliné vers la cavité de 1854. (1) C’est-à-dire au moment où je l’ai quitté, en octobre J 855. De- puis lors il s’est formé, au centre même du cratère, une cavité plus considérable et plus profonde que toutes celles qui y existaient aupa- ravant. * MÉMOIRE DE M. DE VILLE. 625 Avant de passer successivement en revue l’état comparatif des fumerolles dans ces quatre portions du cratère pendant et après la période active, constatons d’abord, dans toutes ces fumerolles du sommet, un caractère cjui les met tout de suite en opposition avec celles que nous venons de décrire sur la fissure latérale du cône : c’est qu’elles sont éminemment aqueuses. On en observe qui don- nent à la fois l’odeur de l’acide chlorhydrique et de l’acide sulfu- reux ; d’autres qui présentent, faiblement à la vérité, celle de l’acide sulfliydrique ou du soufre en vapeur ; quelques-unes enfin qui contiennent une notable proportion d’acide carbonique ; mais dans toutes l’élément prédominant est la vapeur d’eau. En juin 1855, les dégagements qui avaient lieu en une foule de points du Palo se composaient uniquement de vapeur d’eau; mais leur température atteignait 82 degrés, tandis que, durant la période active de l’éruption, je ne leur avais trouvé qu’une tem- pérature de 56 à 70 degrés. La petite plaine inclinée offrait quelque chose d’analogue : des nombreuses fissures qui la traversaient, et qui, formées lors de la dernière éruption, étaient encore tapissées de sel marin, il ne se dégageait plus que des bouffées de vapeur d’eau à une tempéra- ture de 79 degrés (1), présentant une très faible odeur de soufre . Cette première moitié septentrionale du grand cratère qui avoi- sine immédiatement la fissure de 1855 présentait donc, en juin 1855, un mois environ après que la lave eut cessé de couler, plutôt une diminution dans l’intensité de ses phénomènes d’émanation. Dans tous les cas, elle contrastait fortement, par la modération et la tranquillité relative de ses manifestations, avec ce qui s’obser- vait dans la moitié méridionale, comprenant les deux cratères de 1850. En effet, tout le pourtour de ces deux bouches profondes, comme aussi la crête aiguë qui les sépare, était garni d’innom- brables fumerolles qui m’ont présenté une température uniforme de 90 degrés (je l’avais trouvée seulement de SU degrés un mois auparavant et pendant la période active de la fissure) ; elles exha- (4) Des expériences précises faites sur le gaz recueilli quelques mois plus tard, en septembre 4 855, aux mêmes fumerolles de la plaine, indiquent dans ces gaz, comme je le dirai plus loin, une quan- tité notable d’acide carbonique. Il est donc bien vraisemblable qu’en juin l’acide carbonique y accompagnait déjà la vapeur d’eau, bien que je n’en aie point constaté alors la présence. Soc. géol. , 2e série, tome XIII. 40 626 SÉANCE DU J 9 MAI 1856. laient, d’une manière presque intolérable, l’odeur pénétrante de l’acide sulfureux jointe à celle de l’acide chlorhydrique. On n'y distinguait jamais celle de l’acide sulfhydrique ni celle du soufre. Cette dernière substance ne se déposait point non plus aux orifices dont les abords étaient garnis, comme je vais le dire, d’un mé- lange acide de sulfates et de chlorures. Pour me rendre compte aussi bien que possible de la compo- sition de ces fumerolles, j’ai établi, sur le bord oriental du grand cratère de 1850, un appareil distillatoire qui m’a donné, en quel- ques heures, une quantité notable d’une liqueur incolore, très acide. Cette liqueur exhalait fortement, comme la fumerolle elle- même, l’odeur de l’acide sulfureux ; mais lorsqu’un mois après, rendu à Paris, je l’ai examinée dans le laboratoire, cette odeur avait à peu près entièrement disparu, et l’acide sulfureux s’était probablement transformé en acide sulfurique. Il n’y avait point d’odeur de chlore. Les vases qui avaient servi à condenser la vapeur ou à contenir la liqueur ne présentaient aucune trace d’altération par l’acide fluorhydrique. 100 grammes de cette liqueur contiennent: Acide sulfurique. 0,001 Acide chlorhydrique 0,092 L’ammoniaque y détermine un précipité pesant 0,003 composé de peroxyde de fer avec une trace de manga- nèse : l’évaporation à siccité de la liqueur donne un résidu pesant 0,008 Et consistant uniquement en chlorure de sodium , dans lequel le sel de platine ne détermine qu’un trouble insen- sible. L’eau condensée figurait donc pour 99,896 100,000 P De cette analyse il résulte que, dans ces fumerolles, la vapeur d’eau n’entraînait avec elle qu’un millième environ de son poids de substances étrangères, et que l’acide sulfureux, bien que son odeur suffocante y dominât beaucoup, était incomparablement moins abondant que l’acide chlorhydrique. Il faut néanmoins observer que l’acide sulfureux, ne se con- densant point dans ces circonstances et étant d’ailleurs peu soluble dans l’eau à une température un peu élevée, doit s’échapper en partie. Aussi, pour le recueillir entièrement, j’ai, dans mon second voyage, adapté à la sortie des vapeurs un vase avec une dissolution alcaline. J’ai trouvé ainsi qu’en septembre 1855 et dans les MÉMOIRE î)E M. DEVILLE. 627 mêmes fumerolles, les acides sulfureux et chlorhydrique se trou- vaient dans le rapport de 1 à 7 (1). Quant à la répartition des acides et des bases, il est probable que le sodium et le fer sont entraînés à l’état de protochlorures, et que ce dernier métal, en se suroxydant, a transformé dans le flacon l’acide sulfureux en acide sulfurique, d’où est résultée, en définitive, une petite quantité de sulf ite de peroxyde de fer. Bien entendu que, dans la nature, le passage de l’acide sulfureux à l’acide sulfurique doit se faire aussi par l’action immédiate de l’air. J’ai recueilli les substances qui formaient les parois de l’orifice d’où sortaient les vapeurs précédentes. Ce sont évidemment des fragments de roches où se sont condensées ces vapeurs et qu’elles ont profondément altérés. Leur couleur est d’un jaune verdâtre ou rougeâtre ; on y distingue de nombreux cristaux de gypse. Elles sont fortement acides, ont une saveur atramentaire très pro- noncée et attirent l’humidité de l’air. J’en ai fait bouillir un échantillon dans l’eau, en renouvelant celle-ci jusqu’à ce que la liqueur ne donnât plus sensiblement de précipité par le nitrate d’argent; le nitrate de baryte donnait encore un précipité notable à cause d’une certaine quantité de sulfate de chaux qui eût exigé une quantité considérable du dissolvant pour être complètement enlevée, et que séparait bien l’emploi d’une liqueur acide. Le résidu, presque pulvérulent, est d’un blanc jaunâtre ; il ne con- tient pas de soufre, et n’est que le résultat probablement très sili- ceux de l’altération de la roche. La dissolution, d’abord claire, s’est troublée et a laissé par le repos déposer une petite quantité de silice. Un même poids de la liqueur a donné les quantités relatives suivantes des deux acides sulfurique et chlorhydrique : Acide sulfurique. . 49,26 1,0 Acide chlorhydrique . . 72,55 1,5 L’analyse qualitative y indique, en outre, les bases suivantes : soude, potasse, alumine, fer avec une petite quantité de manga- nèse, chaux et un peu de magnésie. En comparant ces résultats à ceux que j’ai obtenus dans l’ana- lyse précédente, on est frappé des différences qu’elles présentent dans les proportions relatives des deux acides, puisque la substance solide n’est en réalité qu’un résultat de la condensation et des (1) Deux fumerolles analogues de l’Etna ont donné entre les deux acides les rapports 1 à 16 et 1- à 9. 628 SÉANCE DU 19 MAI 1856. actions chimiques des gaz de la fumerolle. Plusieurs causes peu- vent servir à expliquer cette anomalie. D’abord, comme je l’ai fait remarquer, dans la simple condensation par le refroidissement, une petite portion de l’acide sulfureux a pu échapper, qui ne résiste pas à l’action particulière de la roche poreuse pour le transformer en acide sulfurique. De plus, il est probable que ce dernier acide, une fois formé, chasse peu à peu l’acide chlorhydrique de ses combinaisons, qui, étant d’ailleurs toutes solubles, sont entraînées par les eaux météoriques. On a une confirmation de cette manière de voir eu examinant les produits solides, laissés par quelques-unes des fumerolles de la même crête qui ont cessé de se -dégager ; ces produits consistent uniquement en concrétions soyeuses de sulfate de chaux sans aucune trace de chlorure. On les observe au fond du grand cratère de 1850 et sur la crête étroite qui sépare les deux cratères. Enfin, et pour terminer ce que j’ai à dire de l’état du plateau supérieur vers la fin de juin, je dois mentionner un fait intéres- sant qu’on n’observait point durant la période active, et qui, à coup sût*, indique un changement dans la répartition des forces volcaniques dans l’intérieur du volcan. Arrivé aux deux tiers de la hauteur du cône, à peu près au niveau des bouches les plus élevées de la dernière éruption, j'entendis toutes les huit ou dix minutes, quelquefois même à des intervalles plus rapprochés, des mugissements sourds qui étaient souvent accompagnés de com- motions dans le soi. Cès phénomènes m’ont paru d’autant plus sensibles, que je me suis plus rapprochédes deux gouffres de 1850, et, lorsque je me suis trouvé sur la crête qui les sépare, le bruit était très distinct ét le mouvement du sol assez violent. Au mois de septembre 1855, la région méridionale du cratère supérieur continuait toujours à gagner en intensité. Les fumerolles chlorhydro-sulfureuses né présentaient en mai qu’une tempéra- turede 85 degrés ; à la fin de juin, je constatais 90 ; en septembre, 98, et meme, dans l’une d’elles, 180 degrés. La région ou zone centrale, qui court du flanc oriental du Palo au revers occidental des petites laves de 1852 à 1858, en passant par l’ancienne plaine du centre, était toujours caractérisée par le dégagement de vapeurs d’eau à une température variant de 55 à 80 degrés, soit pures, soit accompagnées de soufre qen vapeur, d’une quantité extrême- ment faible d’acide sulfhydrique, et surtout d’acide carbonique, dont j’ai trouvé une fois plus de 9 pour 100. Enfin, la région sep- tentrionale, qui comprend la cavité de 1855, à la tète de l’érup- tion actuelle, offrait des caractères intermédiaires : une tempéra- MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 629 turc de 85 à 86 degrés, et des fumerolles contenant à la fois de la vapeur d’eau, de l’acide chlorhydrique et du soufre en vapeur. Quant aux produits solides, ils étaient, pour les premières fu- merolles, un mélange acide de chlorures et de sulfates; pour les secondes, uniquement de petits cristaux de soufre ; pour les der- nières, un mélange de chlorures et de soufre sublimé. En résumé, si l’on cherche à apprécier le mouvement qui s’est effectué dans les forces volcaniques des orifices de la lave au som- met du cratère, et si l’on remarque que l’on a deux moyens de mesurer d’une manière générale l’intensité de ces forces en un point donné, savoir : la température des fumerolles et la nature de leurs éléments qui, rangés dans l’ordre suivant, paraissent (au moins pour le Vésuve et dans l’éruption actuelle) correspondre à des intensités volcaniques de moins en moins grandes : Chlorures alcalins anhydres, avec traces de sulfates : fumerolles sèches ; Acides chlorhydrique et sulfureux, entraînés avec la vapeur d’eau; Vapeur d’eau avec de faibles quantités de soufre ou d’acide sulfhy- drique ; Vapeur d’eau accompagnée d’acide carbonique ; Enfin, vapeur d’eau pure, on voit que, depuis le commencement de la période décroissante de l’éruption, le maximum d’action a tendu constamment à se transporter des orifices de la lave vers le sommet de la mon- tagne. Sur le cône lui-même, la portion septentrionale, la plus voisine des dernières bouches et celle qui leur est le plus directement liée par le gouffre de décembre 185/i, a déjà atteint le troisième et le quatrième ordre; de sorte que le maximum de l’action volcanique est concentré dans la moitié méridionale, qui seule présente en ce moment, à un haut degré d’intensité, les phénomènes du second ordre, et où paraît se trouver aussi le foyer de ces mugissements intérieurs dont j’ai parlé et des tremblements du sol qui les accompagnaient (1). (1) Ajoutons encore un fait très curieux, qui me semble lié à ce changement dans l’équilibre des forces volcaniques qui a suivi immé- diatement le moment où a cessé l’épanchement de la lave. Ayant visité, le 18 juin, la solfatare de Pouzzoles, je remarquai que le gaz de la grande bouche ( bocca grande} s’échappait avec un très fort sifflement et une abondance remarquable. Le guide qui m’accompa- gnait, Francesco di Fraya, m’a assuré n’avoir jamais observé aupara- 630 SÉANCE DU 19 MAI 1856. Si l’on ajoute à ces diverses circonstances l’action des fume- rolles qui minent constamment les crêtes des deux cavités de 1850, il y a quelque probabilité que l’effet d’unk des prochaines convulsions du Vésuve sera de provoquer l’éboulement partiel de cette portion méridionale de son sommet, de détruire peut-être le rebord qui, depuis 1850, forme le point culminant du cratère, et comme la Punta del Palo se désagrégé aussi pièce à pièce sous nos yeux, il y a des raisons de penser qu’avant peu le point le plus élevé du Vésuve se trouvera sur le côté nord-ouest de son cratère, tout composé des matériaux solides qu’y ont accumulés les petites éruptions de 18ù2 à 18ù8. § 5. — Des fumerolles de la lave. Les fumerolles qui se sont échelonnées sur le cours même de la lave, depuis l’extrémité inférieure de la fissure qui l’a produite jusqu’au point où elle s’est arrêtée vers la plaine, sont très variées; car, si l’on excepte l’acide carbonique, que je n’y ai jamais con- staté d’une manière certaine, elles présentent les divers caractères que nous venons de signaler dans les deux premiers tronçons de l’appareil volcanique, et offrent, en outre, une variété qui paraît avoir toujours été étrangère à ces portions supérieures du Vésuve: ce sont les dégagements de chlorhydrate d’ammoniaque. Et d’abord, remarquons que les points sur lesquels se mani- festent les fumerolles ne se répartissent pas d’une manière quel- conque sur l’étendue d’un même courant de lave. J’ai déjà fait observer, en parlant des émanations qui accom- pagnent le cours de la lave dans la fissure, que ces émanations se concentraient à peu près uniquement sur les bords de la crevasse. C’est aussi en grande partie ce qui a lieu après que la surface de la lave s’est consolidée dans l’intérieur de sa gaine. Le plus grand nombre des fumerolles s’alignent le long des deux murs irrégu- liers qui constituent latéralement la limite d’un courant. Aussi, lorsque ce courant est simple, on est frappé de cette circonstance que la plupart des fumerolles forment de chaque côté une sorte de ruban parallèle à sa direction. Mais, si l’on se reporte à ce que j’ai dit précédemment, on concevra aisément qu’une coulée im- vant une telle violence dans le phénomène, et le gardien des petites exploitations d’alun nous dit que cet état de la solfatare et, en parti- culier, le bruit intense produit par les fumerolles ne dataient que d’un mois environ. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 631 portante comme celle qui nous occupe se compose de plusieurs jets de lave successifs qui se sont étendus, soit parallèlement les uns aux autres, soit de manière que la lave postérieure est venue remplir la gaine, restée vide en partie, d’une précédente émission ; d’où résultent sur la surface de la lave un assez grand nombre de fumerolles qui, au premier abord, y semblent placées sans symé- trie, mais qui, par le fait., marquent le plus souvent les limites longitudinales des diverses émissions successives, à peu près comme les moraines latérales pour deux glaciers qui se sont réunis. Outre ces lieux géométriques, en quelque sorte normaux, des fumerolles, il y- en a d’autres qui ne présentent pas la même régularité, mais qui néanmoins obéissent encore à certaines pré- férences. Les uns sont les sommités de petites accumulations co- niques de matériaux qui réalisent, sur le cours même de la lave, quelque chose d’analogue aux petits cônes de la fissure initiale ; les autres sont de simples fentes transversales très étroites. Les premiers se trouvent uniquement sur les laves composées de blocs isolés qui, dans la disposition très symétrique et très régulière qui résulte de l’apparition successive des courants particuliers qui viennent s’enchâsser l’un dans l’autre, forment la ceinture exté- rieure du courant général et se dessinent en brun foncé ou en brun jaunâtre. Les petites fentes, presque exactement perpendiculaires à la direction du courant, appartiennent aux laves venues les der- nières, qui se dessinent en gris joncé ou en noir dans la partie intérieure ou dans l’axe des coulées, et qui y forment des surfaces tordues et comme tressées, mais d’une seule pièce. J’ai examiné aussi, à des époques différentes, ces diverses por- tions de la coulée proprement dite. Du 26 au 29 mai, je n’y ai constaté que des fumerolles sèches , à chlorures dominants, du moins jusqu’au niveau de la première chute de la Yetrana, portion que j’ai seule alors examinée avec soin ; il ne serait pas impossible que déjà à ce moment se fussent montrées, soit dans la première lave, soit dans celle du 18 mai, des fumerolles à acides chlorhydrique et sulfureux ; mais elles étaient certainement peu nombreuses, et peut-être concentrées dans l’intérieur du courant, où il était assez difficile, sinon impos- sible, d’aller les reconnaître. Sur les bords de la coulée, on ne distinguait que des fumerolles chlorurées à une très haute tempé- rature ; seulement, le 29 mai, j’ai reconnu dans la Yetrana, au pied de la colline de l’Observatoire, des fumerolles sèches qui contenaient, en même temps que les chlorures de sodium et de potassium, le chlorhydrate d’ammoniaque. L’altitude de ces fu- 632 SÉANCE DU 49 MAI 1856, merolles, les plus élevées où j’aie constaté la présence du sel ammoniac, peut être très approximativement évaluée à 630 mè- tres (1). Etant allé le même jour examiner la portion inférieure du petit courant de San-Giorgio, je n’y ai vu non plus aucune trace d’émanations sulfureuses, mais un très grand nombre de fume- rolles à chlorhydrate d’ammoniaque. J’ai négligé de constater alors par la condensation directe si ces fumerolles contenaient, en même temps que ce dernier sel, de la vapeur d’eau, ou si elles étaient anhydres comme celles d’en haut. Mais je n’hésite point à penser qu’elles étaient hydratées et très riches même en vapeur d’eau. Quelques semaines après, le 17 juin, je suis allé, avec MM. Pal- mieri etScacchi, examiner la grande coulée au point même où elle a détruit le pont qui joignait les deux villages de Massa-di- Somma et de San-Sebastiano. Voici ce que nous y avons constaté : Les fumerolles s’alignaient toutes parallèlement à la direction du courant, à peu de distance du bord, en dedans ou en dehors du mur extérieur de la gaine. Cette disposition suffisait déjà, d’après ce que j’ai dit plus haut, pour faire penser que, dans cette portion inférieure, le courant était simple, et qu’aucune des émis- sions postérieures n’était venue s’intercaler au milieu de ce jet primitif. On s’en assure d’ailleurs en traversant la lave et en con- statant son homogénéité et l’absence complète de ces courants d’un gris de fer, à surface tordue, qui sont le résultat des émis- sions postérieures. Presque toufes ces fumerolles consistaient en exhalaisons de chlorhydrate d’ammoniaque; il était facile de s’assurer qu’il s’en dégageait en même temps de la vapeur d’eau qui en formait même la masse principale. Mais nous observâmes avee intérêt que quelques-unes de ces fumerolles, d’ailleurs peu considérables, laissaient échapper, en même temps que l’eau et le sel ammoniac, une très petite quantité de soufre natif que l’on reconnaissait à son odeur aromatique par- ticulière, et qui se déposait sur le sel ammoniac. Le papier d’acé- tate de plomb décelait aussi des traces d’hydrogène sulfuré ; le gaz n’était pas inflammable. Ces fumerolles avaient une tempé- (1) D’après M. Scacchi (. Annales des mines , 4 e série, t. XVII, p. 351), les fumerolles à chlorhydrate d’ammoniaque n’avaient point été observées jusqu’ici au Vésuve au-dessus d’une altitude de 400 mètres. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 083 rature fort peu élevée ; elles étaient à peu près entièrement éteintes le 29 juin, tandis que les fumerolles ammoniacales voi- sines donnaient encore à la même époque une température de 70 à 80 degrés, et avaient plutôt acquis de l’intensité. Les efflorescences ammoniacales que j’ai examinées laissent à peine un résidu sensible (5 milligrammes pour 1 gramme), qui paraît consister en peroxyde de fer, provenant sans doute d’une faible proportion de chlorure. Mais quelques-unes, chauffées for- tement dans un creuset de platine, en altéraient la surface, soit à cause de la faible proportion de soufre mélangée dont je viens de parler, soit plutôt à cause d’une petite quantité de fluorures que M. le professeur Scacclii m’a dit depuis y avoir constatée. Pour terminer ce que j’ai à dire des fumerolles ammoniacales, j’ajouterai qu’étant retourné le 23 juin au même point de la Ve- trana où j 'avais observé le 29 mai des exhalaisons de chlorhydrate d’ammoniaque, je ne pus retrouver leur trace, et je suis très porté à penser qu’elles avaient disparu. Il semble donc qu’à mesure qu’avançait la période secondaire ou consécutive de l’éruption, les dégagements de chlorhydrate d’ammoniaque tendaient à dimi- nuer dans les portions supérieures, et à prendre au contraire un plus grand développement dans les parties les plus basses de la lave. En septembre, les fumerolles ammoniacales avaient elles-mêmes grandement perdu de leur activité ; elles n’existaient plus que sur le cours inférieur de la coulée et y décroissaient visible- ment. Le gaz qui s’en échappait alors, et que j’ai recueilli avec le plus grand soin, analysé à mon retour par M. Leblanc et moi, consistait en air atmosphérique légèrement appauvri en oxygène. Quant aux fumerolles sèches, on a vu qu’elles avaient disparu complètement des cônes supérieurs sans avoir été remplacées • il en était de même des portions de la fissure où la lave s’était mon- trée à découvert, et où elle s’était figée par une sorte d’engorge- ment, comme je l’ai dit précédemment. Il ne se dégageait plus de ces points qu’un gaz parfaitement inodore, incolore, et qui m’a paru ne consister qu’en un courant d’air chaud. Il n’en était pas de même des divers points de la coulée propre- ment dite qui avaient donné issue à ce genre de fumerolles. Le 23 juin, m’étant rendu sur le courant situé au pied de la Vetrana dans l’intention d’y recueillir les émanations gazeuses des fumerolles sèches, j’eus assez de peine à trouver en ce point, où s’était accumulée la lave sur une grande épaisseur, quelques fumerolles qui ne présentassent pas déjà quelque mélange d’acides SÉANCE DU 19 MAI 1856. 634 chlorhydrique et sulfureux. Celle sur laquelle je fixai mon choix, et qui avait franchement tous les earactères des fumerolles sèches, sortait d’une fissure transversale de la dernière lave ; sa tempéra- ture dépassa tout de suite 360 degrés, et l’on pouvait aisément s’assurer qu’à moins de 2 ou 3 centimètres au-dessous de la sur- face, la roche présentait la température rouge, et que le bois s’y enflammait au premier contact. On voit par ee fait que les fumerolles anhydres, à quelque mo- ment de l’éruption et en quelque point de l’appareil volcanique qu’on les observe, sont toujours en relation avec des portions incandescentes de la lave. J’ai eu, au mois de septembre suivant, l’occasion de m’en convaincre plus sûrement encore, et aussi de m’assurer d’un fait curieux, qui est la transformation de ces fume- rolles sèches. En effet, deux points du ravin de la Vetrana, situés au pied même de la colline de l’Observatoire et là où la lave s’est accu- mulée sur la plus grande épaisseur, présentaient encore, quatre mois après la fin de l’éruption , l’incandescence à un très haut degré. Ce qu’il y a de singulier, c’est que toute trace d’incandes- cence avait disparu de ces points, lorsque, vers la fin de juin, elle s’y est manifestée de nouveau. Blais ce fait s’expliquera aisément, je pense, si l’on se reporte à ce que j’ai dit précédemment sur la manière dont la dernière lave, sortie du 21 au 28 mai, est venue s’intercaler et s’enchevêtrer dans les vides laissés par les deux premières, soit à leur surface, soit au-dessous. L’incandescence n’était ici qu’une conséquence de la lenteur avec laquelle se re- froidissent ces masses accumulées sur une grande épaisseur. Il ne serait même pas impossible qu’il y eut dans les parties centrales des points où la matière conservât, même alors, une certaine viscosité. Quoi qu’il en soit, les gaz qui s’échappaient de ces deux fissures étaient, comme ceux que j’avais observés en juin, à une haute température. Le thermomètre s’y élevait en quelques secondes à 378 degrés, et la rapidité avec laquelle le mercure a dépassé ce point ne laisse aucun doute que la température ne fut de beaucoup supérieure à ùOO degrés. Quant à la nature des vapeurs, il y avait une différence notable dans les deux fissures. Dans la première que j’ai examinée le 19 septembre (et dont j’ai recueilli les produits gazeux avec l’assistance obligeante d’un jeune professeur de l’Université, ancien élève de l’École poly- technique, M. Tissot), les émanations n étaient point acides ou l’ étaient à peine. Aucune odeur suffocante ne s’y manifestait, et l’on n’était gêné que par l’énorme température de la vapeur, d’un MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 635 blanc légèrement bleuâtre, qui s’en échappait. J’ai répété ici les expériences de condensation que j’avais faites en mai dernier sur les fumerolles qui se dégageaient de la lave en fusion, et j'ai ob- tenu identiquement les mêmes résultats. Mais, pour être à l’abri de toute objection, j’avais entouré le récipient où se rendaient les vapeurs (après avoir été recueillies dans un entonnoir et avoir passé dans une allonge) d’un mélange réfrigérant, composé de sel marin et de neige endurcie ou de névé. Le thermomètre que j’avais à ma disposition ne s’abaissait pas au-dessous de — 8 de- grés, mais la rapidité avec laquelle le mercure dépassait ce point pour se concentrer dans le réservoir témoignait assez que la tem- pérature était notablement inférieure à — 8 degrés, et je l’ai estimée tout au plus à — 12 ou — 15 degrés. Or, il ne s’est con- densé absolument aucune trace de liquide dans le vase ainsi refroidi, tandis que ses parois intérieures se recouvraient d’efflo- rescences blanches de chlorures alcalins. Je crois donc pouvoir affirmer que la quantité de vapeur d’eau qui aurait pu exister dans ce gaz était inférieure à celle qui est susceptible de saturer l’air à — 12 ou — 15 degrés." Le second point d’incandescence, situé quelques mètres plus bas que le précédent et examiné par moi le 23 septembre, pré- sentait des caractères un peu différents. En effet, tout d’abord l’odorat y était fortement affecté par l’acide chlorhydrique, et un appareil analogue au premier, mais dans lequel le récipient n’était refroidi que par l’eau à 17 degrés, a condensé, après plusieurs heures, une petite quantité d’un liquide qui n’était que de l’eau fortement acide; elle était incolore à l’extrémité de l’allonge, et légèrement colorée par un peu de chlorure de fer dans le récipient lui-même. On voit, par conséquent, que cette fumerolle n’était déjà plus absolument anhydre, et la présence de l’eau y était évi- demment en connexion avec l’existence d’une petite quantité d’acide chlorhydrique en excès. Maintenant si, en remontant dans la Vetrana, ou observait les fumerolles qui se dégageaient encore de la lave qui s’y est accu- mulée, on reconnaissait parfaitement que ces fumerolles acides contenaient une proportion notable de vapeur d’eau, et un phé- nomène météorologique bien simple le met clairement à nu. Pen- dant les trois premiers jours que j’ai passés à la Vetrana (du 17 au 20 septembre), il y eut plusieurs orages et de très fortes pluies ; l’air était saturé d’humidité, et les fumerolles aqueuses devenaient d’une densité telle, que leur aspect rappelait les abondantes émanations qui avaient accompagné la période active de l’érup- 636 SÉANCE DU i 9 MAI 1856. lion. Les fumerolles sèches dont je viens de parler ne présentaient alors, au contraire, aucune espèce d’accroissement. Enfin, les fumerolles chlorhydriques aqueuses se distinguent de loin par une circonstance caractéristique : leurs orifices sont d’un jaune de soufre , et ils doivent cette coloration au chlorure de fer qui s’y dépose et qui se transforme peu à peu en sesquioxyde, tandis que les efflorescences qui se forment aux orifices des fume- rolles sèches, et dont j’ai recueilli de beaux échantillons, sont uniquement composées de sels incolores. En définitive, mes nouvelles expériences établissent, comme les premières, que de la lave incandescente se dégagent, dès l’abord, des fumerolles anhydres, composées de chlorures (et fluorures?) alcalins incolores, avec une petite quantité de sulfates, et elles montrent, en outre, que ces fumerolles primitives se transforment peu à peu, en acquérant de la vapeur d’eau et des traces d’acide chlorhydrique et d’acide sulfureux. Les sels entraî- nés et déposés subissent aussi, de leur côté, une transformation, puisque les premières fumerolles ne donnaient que des sels inco- lores ou leucoly tiques , pour me servir de l’expression d’ Ampère, tandis que les fumerolles secondaires entraînent et déposent des concrétions chroïcoly tiques de chlorures de fer et de cuivre : soit que ces dernières proviennent de la réaction du gaz acide sur la roche, soit qu’il y ait une véritable succession dans l’apparition des corps simples qui sortent en combinaison avec le chlore : les premiers étant les métaux alcalins ou leucolytes, les derniers, les métaux proprement dits ou chroïcoly tes*, le manganèse jouant là un rôle intermédiaire. Les mofettes ou dégagements d’acide carbonique ont été signalées pour la première fois le 26 mai. Elles n’ont été observées que sur les territoires de Résina et de Torre del Greco. Mais ce qui est tout à fait caractéristique pour ces fumerolles, c’est que, bien que leur apparition se rattache incontestablement au phénomène de l’érup- tion, leurs points de sortie sont tout à fait en dehors du parcours de la lave elle-même, et se coordonnent plutôt avec les directions affectées par les deux plus grandes laves du Vésuve, celles de 1631 et de 179à. C’est ce dont on peut s’assurer en considérant les points où ces mofettes se sont montrées le plus distinctement. Le plus élevé est placé, à une élévation de ÙOÜ mètres environ, dans le haut du Fosso-Gfande, dans une caverne creusée dans le tuf, et habitée par un vieillard que l’on trouva, dit-on, asphyxié un matin ; d’autres se sont déclarées à peu près à mi-hauteur entre le Fosso- MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 637 Grande et la mer, sur la pente du Vésuve et dans l’ancien chemin de Résina au Salvatore ; enfin, j’ai eu l’occasion d’en observer moi-même, à Résina, un peu au-dessus de l'église et au pied de la lave de 1631. Un enfant, qui s’était endormi en ce point, avait été profondément affecté, et on l’avait à grand’ peine fait reve- nir. En me baissant, je ressentis distinctement l’odeur piquante de l’acide carbonique, et un fragment de papier enflammé, plongé dans la petite cavité d’où sortait le gaz, s’y éteignit instan- tanément. Au mois de septembre, les dégagements d’acide carbonique avaient entièrement disparu, du moins ceux que l’on pouvait rattacher au phénomène de la dernière éruption. § 6. — - Résumé et conclusions. Telles sont les remarques que j’ai eu occasion de faire sur la nature et la répartition des fumerolles dans les diverses parties de l’appareil volcanique du Vésuve, de mai à septembre 1855. Quelques personnes les trouveront peut-être minutieuses, et j’au- rais hésité à les présenter aussi longuement s’il ne m’avait paru que ce n’est que par la constatation patiente, je dirai presque mé- ticuleuse, de toutes ces circonstances que l’on parviendra à saisir les rapports qui dominent cet ordre de faits, et établiront plus tard un lien naturel entre des observations qui semblent encore aujourd’hui isolées, Mais si, malgré l’imperfection actuelle de ces études, on cherche à résumer les notions qui résultent des recherches que je viens d’exposer, on voit, en définitive, que ces diverses émanations se groupent assez nettement en sept variétés, distinctes habituelle- ment, mais qui se fondent quelquefois l’une dans l’autre, à la limite. Ces sept variétés ou ces sept ordres d’émanations sont : 1° Les fumerolles sèches ou chlorures anhydres de sodium, de potassium, de manganèse, auxquels peuvent s’ajouter les fluo- rures (comme M. Scacchi l’a montré pour la lave de 1850, et comme l’indiquent aussi quelques-unes de nos expériences sur la dernière éruption) et une petite quantité de sulfates alcalins. Ces fumerolles n’entraînent, d’ailleurs, dans leur état primitif, ni vapeur d’eau, ni gaz combustibles, ni acide carbonique, mais seulement de Fair atmosphérique, privé peut-être d’une faible proportion de son oxygène. Ce premier ordre d'émanation ne s’est jamais dégagé que de la lave incandescente, soit sur la fissure d’éruption, soit sur la coulée 638 SÉANCE DU 19 MAI 1856. elle-même. Mais, dans la période qui a suivi immédiatement la période active ou la sortie de la lave, on l’a vu, dans certains points, passer aux deux ordres suivants. 2° Emanations de chlorhydrate d’ammoniaque . Ce chlorure n’accompagnait jamais les fumerolles précédentes, quand celles-ci se dégageaient dans la période active de l’éruption ; mais je l’ai rencontré en une seule occasion, le 29 juin, associé, en propor- tion assez faible, aux chlorures alcalins anhydres qui sortaient de la lave, au pied de la colline de l’Observatoire, et à une hauteur d’environ 630 mètres. Son véritable gisement était dans les portions de la coulée déjà refroidies à la surface, et à des hauteurs qui ne dépassaient pas généralement Ù00 mètres : il était alors accompagné d’une quantité considérable de vapeur d’eau et même, accidentelle- ment, d’une trace d’hydrogène sulfuré et de soufre natif. Ces dégagements de sel ammoniac sont susceptibles de présenter de très hautes températures ; car, sans parler des fumerolles où il accompagnait les chlorures alcalins, j’en ai trouvé, le 29 juin, sur la grande lave, près du pont de San-Sebastiano, dont la tempéra- ture dépassait 80 degrés, et sur le petit courant de San -Giorgio, près du point où il s’est séparé de la grande lave, d’autres dans lesquelles le thermomètre marquait 135 degrés, et se serait élevé plus encore s’il y avait été plongé plus profondément. 3° Mélange d 1 acide chlorhydrique et d’ àcicle sulj areux , entraînés par une quantité prépondérante de vapeur d’eau. Cette troisième variété de fumerolles s’est trouvée sur la lave, sur la fissure d’éruption et dans les cavités du cratère supérieur ; mais elle pré- sentait des caractères un peu différents avec ces gisements. Dans les deux premiers, surtout dans les orifices de la fissure, il était habituellement accompagné de chlorures métalliques de fer et de cuivre, qui formaient des oxydes par épigénie (1). Sur le cratère supérieur, ces gaz acides n’entraînaient avec eux aucun chlorure solide ; ils exerçaient seulement une réaction postérieure sur la roche encaissante et la transformaient en un mélange de chlorures et de sulfates, semblable à celui dont la composition est rapportée (l) J’ai clairement observé des émanations acides entraînant ces chlorures, et j’ai vu aussi leur passage aux fumerolles purement chlorhydro-sulfureuses ; mais je n’oserais affirmer que les vapeurs qui enrichissaient les petits cônes de la fissure d’incrustations métalliques fussent toutes aqueuses. Il serait possible qu'elles eussent été primiti- vement anhydres, ou encore que toute l’eau qu'elles auraient pu apporter eût été employée à l’oxydation des chlorures, MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 639 page 627 ; mais, l’acide sulfurique tendant à déplacer peu à peu l’acide chlorhydrique, les ci dorures étant d’ailleurs tous solubles et entraînables par les eaux météoriques, les fumerolles de cet ordre, lorsqu’elles viennent à s’éteindre en quelques places, n’y laissent plus, comme témoins, que des concrétions gypseuses. Ces fumerolles, celles même qui paraissaient le plus fortement chargées d’acide, ne contenaient, en mélange avec la vapeur d’eau, qu’ww millième environ de gaz étrangers, et l’acide sulfureux, dont l’odeur était dominante, ne représentait guère en poids qu’un dixième de l’acide chlorhydrique. Le gaz qui les accompagne ne consiste d’ailleurs, comme pour les précédentes, qu’en air privé généralement d’un peu d’oxygène. 4° Je ne sépare point ici l’acide chlorhydrique de l’acide sul- fureux, parce que, dans toute la série de mes recherches sur les produits du Vésuve, je n’ai jamais observé le second corps sans le premier. Mais il ne faudrait pas en conclure que cette association fût nécessaire ; car j’ai eu l’occasion d’examiner, à l’Etna et à Yulcano, des fumerolles, très riches en acide sulfureux, qui ne contenaient que des traces d’acide chlorhydrique. Mais j’ajouterai que le soufre en vapeur, que j’associe plus bas avec l’acide sulfhydrique, peut se trouver aussi réuni, dans une même fumerolle, avec l’acide sulfureux (1); tandis que, naturelle- ment, ces deux derniers acides sont incompatibles, et que leur mélange même doit produire la vapeur de soufre. 5° Vapeurs cl’eau mélangées à de très petites quantités d’ acide sulfhydrique ou de soujre natif. Ces fumerolles ne sont jamais con- fondues avec les précédentes ; elles correspondent évidemment à une intensité volcanique moindre. Aussi leur température ne dépassait-elle pas, dans le cas actuel. 80 degrés, et était générale- moindre. Elles occupaient, dans le cratère supérieur, la moitié septentrionale , comprenant la Punta del Palo , la cavité de décembre 1854 et la plaine centrale; tandis que les fumerolles chlorhydro-sulfureuses se faisaient jour dans toute la région méridionale où sont les deux gouffres de 1850. Sur le cours même de la lave, les fumerolles de cet ordre n’existaient qu’à peine ; du moins, au 17 juin, elles n’avaient encore paru qu’en très faible mélange avec les fumerolles am- moniacales des parties inférieures, et, le 29 juin, on n’en retrou- vait même plus la trace. (1) Cette association existait, par exemple, au fond de la cavité de 1 854 ; elle se retrouve aussi dans le cratère de Yulcano. SÉANCE DU 19 MAI 1856, (Six 0 6° Mofettes, ou dégagements à’ acide carbonique . Comme les fumerolles ammoniacales, les dégagements d’acide carbonique ne se sont manifestés que vers la fin de la période active de l’érup- tion, de sorte que, quant à l’époque de l’apparition, ces deux ordres d’émanations sont opposés aux chlorures alcalins; elles semblent naître et se développer à mesure que celles-ci s’éteignent et disparaissent; elles inaugurent et caractérisent la période décroissante, comme les fumerolles chlorurées la période essen- tiellement active de l’éruption, ou l’émission de la lave. Même contraste pour le gisement. Les fumerolles anhydro-chlo- rurées alcalines ne se sont guère montrées au-dessous d’un niveau de 600 mètres, et là elles se sont momentanément mélangées de chlorhydrate d’ammoniaque : de sorte que le dernier sel n’a fait son apparition que là où finissait la zone des chlorures alcalins, puis il a été en se développant de plus en plus vers le bas. L’acide carbonique ne s’est manifesté que plus bas encore. Le point le plus élevé où il ait été observé dans le Fosso-Grande ne doit pas dépasser ùOG mètres, et je l’ai trouvé presque au niveau delà mer, à Résina. Mais ce qui établit entre les mofettes et tous les autres ordres d’émanations une différence essentielle, c’est que ces dernières, en quelque point de la lave qu’elles se montrent, sont en relation évidente avec elle, tandis que, comme on l’a vu, il en est tout différemment des points où s’est dégagé l’acide carbonique. Ces mofettes sont cependant, à n'en pas douter, un effet de l’éruption dont elles sont, en quelque sorte, le dernier acte. Ne pourrait-on pas les y rattacher de la manière suivante ? Trois points, à ma connaissance, ont été envahis par ce dernier ordre d’émanations. Les deux inférieurs que j’ai observés moi-même se trouvaient, l’un à Résina, à l’angle nord de la petite plantation située à l’église Santa- Maria- a-Pugliano ; l’autre près de l’ancienne route du Salvatore, en un point désigné sur la carte du Bureau topographique sous le nom de Genovesc. Or, en joignant sur la carte ces deux points par une ligne, il est aisé de se convaincre qu’elle passera au sommet du Fosso-Grande où se trouvait le troisième dégagement des mofettes, et que, prolongée, elle ira couper le cratère supérieur du Yésuve dans l’angle nord, c’est-à- dire précisément au point où s’est formée la cavité de 185ù, pre- mier acte de l’éruption actuelle. Si l’on se rappelle, enfin, que les mofettes se sont déclarées aussi sur le territoire de Torre del Greco, et là seulement, on voit que l’éruption de 1855 peut être considérée comme ayant affecté trois fissures diamétrales du grand MÉMOIHE DE M. DEVILLE. ôZil cône. L’une, dirigée à peu près nord-sud, a fourni ia lave, et les deux autres ont donné, quelques jours après, issue aux mofettes, précisément suivant les deux directions où s’observent, comme on sait, à chaque grande éruption, la disparition des eaux de puits, leur enrichissement en acide carbonique, etc. Si cette coïncidence se confirmait par des observations ulté- rieures, ce serait évidemment par là que se rattacherait au phé- nomène général de l’éruption l'apparition des mofettes, qui semble d’abord, au moins par leur gisement, en être indépendante. 7° Le dernier ordre d’émanations que j’aie à mentionner est la vapeur d'eau pure. Du 21 mai au 29 juin, je n’ai jamais observé sur la dernière lave du Vésuve une seule fumerolle qui ne trahît pas de quelque manière la présence d’un agent chimique autre que la vapeur d’eau. Mais, au mois de septembre, certaines des fumerolles ammoniacales de la partie inférieure ne contenaient plus que de faibles proportions de ce sel, et, par conséquent, ne différaient qu’imperceptiblement de celles que, vers 1a même époque, la coulée sortie de l’Etna en 1852 présentait en une foule de points de son parcours, mais surtout dans sa partie inférieure et la plus épaisse, et qui consistaient uniquement en vapeurs d’eau pure, à une température de 50 à 60 degrés. Quant au cratère supérieur du Vésuve, à quelque époque que je l’aie examiné, j’y ai toujours trouvé une région, où la seule ma- nifestation des forces volcaniques qu’on pût observer se réduisait à un dégagement, sous une température plus ou moins élevée, de vapeur d’eau, soit pure, soit mélangée à de légères traces d’acide sulfhydrique, de soufre sublimé ou d’acide carbonique. En terminant cette énumération, je ferai observer que, de ces sept (1) ordres d’émanations, les cinq derniers se trouvaient à la fois réunis et localisés d’une manière frappante dans les fume- rolles du cratère supérieur, lorsque je l’ai visité pour la dernière fois en septembre 1855 ; de sorte qu’on est absolument en droit de conclure que les diverses portions d’un cratère aussi restreint que celui du Vésuve peuvent être, en un moment donné, fort diversement ou, si l’on veut, fort inégalement en rapport avec la (1) Je n’ai point à mentionner ici deux derniers ordres d’émana- tions : Y hydrogène carboné et X azote pur : le premier se retrouve abon- damment en Sicile, et j’en ai même constaté l’existence sur un des flancs de l’Etna; j'ai signalé aussi le second dans les environs de Catane, mais ni l’un ni l’autre ne s’est présenté à moi dans le domaine du Vésuve. Soc. gèol ., 2* série, tome XÏIL 44 SÉANCE DU 19 MAI 1856. 642 source, de quelque nature qu’elle soit et à quelque profondeur qu’elle se trouve , qui donne immédiatement naissance à ses fu- merolles. Et comme, dans le même temps, on pouvait observer des fume- rolles sèches sur la lave encore incandescente et des dégagements de chlorhydrate d’ammoniaque dans les portions inférieures de la coulée, il en résulte que l’appareil volcanique du Vésuve réu- nissait alors tous les ordVes d’émanations que je viens de définir. Cette circonstance me paraît éminemment le propre des volcans actifs , tandis que ceux qui ne possèdent plus ou n’ont jamais pos- sédé la faculté d’amener au jour des laves se bornent à émettre des émanations, soit d’un ordre unique, soit de plusieurs ordres, qui se mélangent ou s’échelonnent, mais, dans tous les cas, jamais d’émanations du premier ordre ou des fumerolles sèches. Dans ce mémoire, je me suis borné à exposer, pour l’éruption du Vésuve qu’il m’a été permis de suivre avec soin, la série des phénomènes qui ont signalé le dégagement des matières volatiles sur la lave même et sur les autres parties du volcan en connexion avec elle. Ces phénomènes se poursuivent encore en ce moment, et leur étude persévérante pourrait, sans aucun doute, apporter quelques éléments nouveaux pour la solution des questions qu’ils soulèvent. C’est dans cet espoir que je m’apprête à retourner pour la troisième fois sur les lieux, muni des moyens qui m’ont paru les meilleurs pour éclairer l’observation et l’expérience. Je me propose, à mon retour, après avoir exposé les résultats de cette nouvelle exploration, de jeter un coup d’œil plus général sur l’ensemble de ces phénomènes, en utilisant aussi les données que j’ai recueillies sur les autres évents volcaniques de l’Italie méri- dionale. M. Boubée rappelle qu’il a inventé les mots de volcans dl air, de boue , etc. -, il a fait dans les volcans six genres, suivant leurs éjections : flammes, laves, boues, soufre, eau, air. M. Deville répond qu’il ne réclame nullement ce mot, que, d’ailleurs, il n’adopte pas. Il fait remarquer que ces prétendus volcans d’air paraissent susceptibles de donner de l’hydrogène carboné, de l’acide carbonique ou de l’azote, suivant les réactions qui se passent au-dessous de la surface. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 643 Séance du 2 ylzz’tt 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. A. Erdmann : Utô Jernmalmsfàlt i Stock - holms Lan , in-8, 104 p., 1 carte et 19 pl. Stockholm, 1856. De la part de MM. Ch. Lyell et Hugard : Manuel de géolo- gie élémentaire , ou changements anciens de la terre et de ses habitants tels qu’ils sont représentés par les monuments géo- logiques; t. Ier 5 trad. sur la 5e édition par M. Hugard • in-8, 402 p., avec bois intercalés dans le texte. Paris, 1856, chez Langlois et Leclercq. De la part de M. Meugy : Sur le gisement , Vâge et le mode de formation des minerais de fer du département du Nord et de la Belgique (extr. des Annales des mines , 5e série, t. VIII, 1855)*, in-8, 66 p., 3 pl. De la part de M, Michelin : 1 ° Conchyliologie nouvelle et portative , par Caverai ( ? ) • in-18, 333 p. Paris, 1767, chez Regnard -, 2° Outlines of an attempt to etablish a knowledge of extraneous fossils on scientific principles , by William Martin ; in-8, 250 p. Macclestield, 1809-, 3° Familiar lessons on mineralogy and geology , by John Mawe ; in 12, 116 p. London, 1828. De la part de M. Car! Ehrlich : Geognostiche Wanderungen in Giebete der nordôstlichen Alpen , in-8, 148 p., 4 pl. Linz, 1852. De la pari de M. Karl Schroeder : La rotation souterraine de la masse ignée , ses causes et ses conséquences , in-8, 16 p. Paris, 1856, chez Paul Dupont. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’ Académie des sciences, 1856, 1er semestre, t. XL1I, nos 20 et 21. SÉANCE DU 2 JUIN 1856, L’Institut , 1856, nos 1168 et 1169. Mémoires de V Académie /. des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, 2e série, t. IV, année 1855. Bulletin de la Société de F industrie minérale ( Saint-Étienne ), t. I, 3e livr., janvier, février, mars 1856, et atlas. Société /. d’ agriculture , sciences et arts de V arrondissement de Valenciennes. — Revue agricole , industrielle et littéraire ; 7e année, n° 10, avril 1856. The Athenœum , 1856, nos l/i91 et 1192. Vierler und Füufter Bericht des geognostich-montanistischen Vereines für Steiermark. Gralz, 1851 und 1856. Revista minera , t. VII, n° 111, 1856. M. Hugard offre h la Société le premier volume de sa tra- duction du Manual of elementary geology , etc., de Lyell ; en texte français : Manuel de géologie élémentaire , ou change- ments anciens de la terre et de ses habitants , tels qu’ils sont représentés par les monuments géologiques, par sir Charles Lyell, traduit de l’anglais, sur la 5e édition, par M. Hugard, aide de minéralogie au Muséum d’histoire naturelle, etc. La première édition de cet important ouvrage fut traduite en français par madame Tullia Meulien, sous les auspices de l’il- lustre Arago, en 1839; elle portait le titre: Nouveaux élé- ments de géologie , etc., et elle comprenait seulement un volume in-12 de 620 pages environ, avec 300 sujets inter- calés dans le texte. Cette traduction fut bientôt épuisée. La traduction nouvelle a été faite sur la cinquième édition anglaise. Elle se composera de deux volumes in-8 de près de 500 pages chacun, dont le premier vient de paraître. Les augmentations en texte sont considérables, et, d’un autre côté, nous comptons plus de 750 gravures sur bois qui viennent à l’appui des explications. Peu d’ouvrages scienti- fique, élémentaire, moderne, présentent un tel luxe d’il- lustrations -, inutile d’en faire ressortir la haute importance, et surtout l’immense utilité, dans l’étude d’une science qui repose si essentiellement sur l’observation et sur les faits. Voici un exposé sommaire des additions ou changements introduits dans la nouvelle édition, du moins quant au premier volume de la traduction française. NOTE I)E M. HUGARD. 645 Un travail général des couches fossilifères, que l’on avait remarqué déjà dans les éditions précédentes, a ôté augmenté d’une colonne d’équivalents étrangers, comprenant les noms et localités de quelques-unes des couches les mieux connues de» autres pays, et de dates contemporaines à celles des formation» de l’Angleterre. La classification des formations tertiaires a été rectifiée d’après de nouveaux documents que l’auteur annonce avoir recueillis particulièrement en 1851, pendant un voyage en France et en Belgique. Les rapports entre le crag d’Anvers et celui de Suffolk, la place stratigraphique des lits du Kold or- be rg près de Hasselt, celle des couches du Limbourg ou de Kleyn-Spawen, etc., ont été déterminés d’une manière plus exacte. D’un autre côté, une étude nouvelle de la partie nord de File de Wight, faite en compagnie du professeur Forbes, a permis à M. Lyell d’établir avec plus de certitude la véritable position de la série de Hampstead, dont il fait aujourd’hui l’équivalent des lits de Kieyn-Spawen ou du Limbourg. Le savant géologue discute plus loin, à fond, la place qu’il faut assigner aux sables de T ha net et les rapports des terrains éocénes moyen et inférieur de France aux dépôts de File de Wight et du Hampshire. Ces explications sont accompagnées d’un très grand nombre de figures de débris organiques et nouveaux. Dans un des chapitres suivants se trouve indiquée, pour la pre- ■ miére fois, la position du calcaire pisolitique en France, et celle des autres formations que l’on observe en Belgique, entre la craie blanche et les lits de Thanet. Un autre chapitre traite des lits de Weald, comprenant l’argile wealdienne et les sables de Hastings. L’auteur considère les deux groupes de couches comme crétacé inférieur, ce qu’il n’avait pas encore fait jusqu’à présent. Vient ensuite une longue et ingénieuse discussion sur la dénudation du Weald ; cet important sujet a été presque entièrement rédigé de nouveau. L’auteur donne plus loin la description des couches de la série oolithique : pour la pre- mière fois les lits du Purbeck sont considérés comme membre le plus supérieur de i’oolithe il donne plusieurs figures nou- velles de fossiles caractéristiques des trois sous-membres qu’il adopte dans le Purbeck ; il ajoute enfin de nombreux fossiles aux trois ooiithes supérieure, moyenne et inférieure : cette 6J6 SÉANCE DU 2 JUIN 1856. description des couches de la série ooliihique remplit le ving- tième chapitre, et termine le premier volume. Le second volume commencera donc avec le lias-, nous en donnerons le sommaire en temps opportun -, les éditeurs nous le promettent pour le mois d’août prochain. M. Cotteau met sous les yeux des membres de la Société une série d’Echinides provenant des terrains jurassiques et cré- tacés de la Sarthe, et présente à ce sujet les observations suivantes : Nous connaissons en ce moment dans la Sarthe , grâce aux communications obligeantes de MM. Bavoust, Guéranger, Ba- chelier, et surtout de M. Triger, environ 136 espèces d’Oursins réparties en k 2 genres. Ce nombre déjà considérable s’aug- mentera encore, nous n’en doutons pas, avant la fin du travail que nous avons entrepris. Parmi ces espèces, près de la moitié n’ont jamais été ni décrites ni figurées. Leur belle conservation nous permettra de reproduire certains caractères qui le plus sou- vent échappent à l’observation, et notamment l’appareil apicial, qu’il nous a été possible d’étudier dans presque toutes nos es- pèces (1). En ce moment où les Echinides sont l’objet de publica- tions importantes en France (2), en Suisse (3), en Angleterre* (û), c’est pour nous une bonne fortune d’avoir à décrire des échantil- lons tels que ceux qu’on rencontre dans les grès verts du Mans, ou dans les argiles de Pecheseul. Parmi les Cidaris , qui nous ont offert 21 espèces distribuées dans presque tous les terrains de la Sarthe, nous citerons le Ci- daris vendocinensis , Ag., si remarquable par sa taille. Le musée du Mans en possède un exemplaire admirablement conservé. Tous les détails des pores, des tubercules, des granules, de l’appareil apicial, sont intacts, et certainement c’est le plus beau et le plus complet des Cidaris fossiles que nous connaissons. (1) Si l'appareil apicial, quelquefois très compliqué dans sa struc- ture, n’a pas toute l’importance qu’on y avait d'abord attachée, cet organe n’en fournit pas moins, par le nombre et la disposition de ses plaques, un caractère générique de premier ordre. (2) D’Orbigny, Paléontologie française , terrains crétacés , t. VI, 1853-1856. 13) Desor, Synopsis des Echinides fossiles, 1854-1856. 4) Wright, Memoirs of the paleont. Society, 1856. NOTE DE M. COTTEàU. 647 Le genre Rhabdocirfaris , récemment établi par M. Desor, est représenté par trois espèces. L’une d’elles est le Rhabclocidaris copeoides , Des. Les nombreux échantillons que M. l’abbé Davoust nous a communiqués nous ont fait réunir à cette espèce les Cidaris hastata , Ag., spatula , Ag., foliacea, cl’Orb., et remus , Des., qui n’en sont que des variétés. Quatre espèces, dont deux sont nouvelles, appartiennent au genre Bemicidaris , Ag. A Ecommoy, les radioles de X Ht* mi cidaris cre - nulariSj Ag., très reconnaissables à leur forme clavellée, sont assez abondants ; mais, associés à ces radioles, il s’en trouve quelques autres beaucoup moins renflés, et passant insensiblement à la forme cylindrique, allongée, qui constitue les radioles de X Bemi- cidaris intermedia , Forbes (1). N’en faut-il pas conclure que cette différence de forme n’est due qu’à la place que les radioles occu- paient sur le test, et que X Bemicidaris intermedia doit être réuni à 1 ’/i. cremdciris , avec lequel il offre sous tous les autres rapports une si étroite ressemblance ? Le genre Bemipedina de M. Wright, que caractérisent ses tu- bercules dépourvus de crénelures, nous a offert deux nouvelles espèces : la première est du lias moyen, et la seconde du coral-rag d’Ecommoy. L’une et l’autre sont remarquables par leur petite taille et le développement de leur appareil apicial. Dans le lias moyen de Précigné a été recueillie une charmante espèce que nous avons provisoirement rapportée au genre Magnosia , Mich., mais qui s’en distingue par la disposition de ses tubercules inter- ambulacraires présentant deux rangées plus apparentes que les autres, et par ses pores simples depuis le sommet jusqu’au péristome. Les grès verts du Mans nous ont fourni plusieurs espèces de Goniopygus , Ag., de Codiopsis, Ag., et de Cottaldia , Des. Leur belle conservation nous a permis d’y reconnaître certains détails d’organisation nouveaux et dignes d’être signalés. Spécial aux terrains crétacés moyen et supérieur, le genre Cy- phosoma nous a offert dans la Sarthe huit espèces, dont aucune n’a encore^ été figurée. Ce genre et le suivant font partie d’un groupe d’Echinides que distinguent leurs pores disposés en lignes onduleuses et formant des arcs autour des tubercules. Dans quel- ques espèces de ce genre, la structure des plaques ambulacraires est facile à saisir ; elles sont étroites, irrégulières , intimement soudées au milieu, et séparées à la base externe des tubercules par (1) Memoirs of géologie al Survey, décade III, pl. îv. 6?|8 SÉANCE DU 2 JUIN 1856. des sutures apparentes. Chacune de ces plaques correspond à une paire de pores. A côté des Cyphosoma se place notre genre Porosoma , qui en diffère par ses pores simples et non dédoublés près du sommet. C’est ce caractère seul qui distingue les Pseudodiadema , Des., du Diplopodia , M’Coy. Si l’on adopte comme une coupe générique naturelle le Diplopodia , il faut admettre le Porosoma ; car ce genre est également basé sur la disposition des pores près du som- met, et c’est avec raison qu’on peut dire qu’il est aux Cypho- somes ce que les Pseudodiadèmes sont aux Diplopodia. Les seules espèces qui nous soient connues proviennent de la craie de Saint- Fraimbault et de Villedieu. Beux espèces représentent le genre Pedina, Ag. L’une d’elles, le Pedina Davoustiana , Cott. , est remarquable par sa forme ren- flée, la petitesse de ses tubercules interambulacraires et l’étroi- tesse de son péristome, marqué cependant de fortes entailles. Le genre Stomechinus de M. Desor nous a fourni plusieurs espèces fort curieuses. Nous citerons notamment le S. pyramida- tus , Cott., du kelloway de Chauffour. Sa forme subconique, sa surface peu granuleuse, sa base plane, son péristome si profondé- ment entaillé, et présentant tout à fait l’aspect d’un pentagone à angles bifurques, en font l’une des espèces les mieux caractérisées du genre. Cinq espèces appartiennent au genre Holectypus , Des. L ’//. ce- nomanensis , Guér., présente dans son appareil oviducal cette sin- gulière anomalie d’avoir la plaque génitale impaire non perforée. La constance avec laquelle ce caractère se reproduit dans les nom- breux exemplaires que nous avons sous les yeux ne nous permet pas de l’attribuer à un accident. Le genre Pygaster , Ag. , nous a offert deux espèces : l’une est le P. umbrclla , Ag. , et a été rencontrée par M. Triger dans le coral-rag d’Ecominoy ; l’autre appartient à la grande oolithe, et nous a paru nouvelle. A côté du Pygaster se range notre genre Anorthopygus, qui en diffère essentiellement par son appareil apicial, composé de quatre plaques génitales au lieu de cinq, par son anus oblique, irrégulier, par sa bouche transversalement ovale. Nous ne connaissons de ce genre, confondu jusqu’ici avec le Pygaster , qu’une seule espèce, le Pygaster orbicularis (P. costellatas , Ag.), assez fréquent dans les grès verts du Mans. C’est également dans le voisinage des Pygaster que doit se placer le genre Galeropygus , que nous avons démembré des Hyboclypus . &OTE DE M. COTTE AU. 6 Sa bouche subdécagonale ; son anus, situé à la face supérieure, dans un sillon profond ; ses ambulacres postérieurs, subflexugux ; son appareil apicial circulaire, ramassé, en font un type parfaitement distinct, intermédiaire entre les Pygaster , dont il se rapproche par sa bouche et la forme de son appareil apicial, et entre les Hyboclypus , dont il présente la physionomie générale, les ambu- lacres flexueux et le sillon anal. Une espèce de Gcileropygus s’est rencontrée dans la Sarthe : voisine du G. agariciformis [Hybocly- pus agariciformis, Forbes), elle s’en distingue par sa taille plus petite, ses ambulacres renflés, son sommet plus excentrique en avant, et sa face supérieure moins obliquement déprimée. Deux espèces appartiennent au genre Hyboclypus , Ag. L’une d’elles, VH. gibberulus, Ag., est assez fréquente dans les couches supérieures de la grande oolithe, et varie beaucoup dans sa forme, qui est plus ou moins allongée, quelquefois même circulaire. Les nombreux exemplaires que nous avons sous les yeux nous ont permis de réunir à cette espèce Y Hyboclypus sandalinus , qui n’en est qu’une variété moins large, et se relie au type de M. Agassiz par des passages insensibles. Nous connaissons parfaitement la structure de l’appareil oviducal; il est allongé, et les plaques ocel- laires antérieures sont en contact par le milieu et sur la même ligne que les plaques génitales. Le genre Collyrites nous a fourni cinq espèces. Nous appellerons l’attention sur deux d’entre elles : le C. ovalis , qui caractérise, comme Y Hyboclypus gibberulus , les couches supérieures de la grande oolithe, et le C . bicordata , spécial à l’étage corallien infé- rieur. A l’égard de ces deux espèces, il existe une confusion regrettable. Leske, en 1778, les a figurées l’une et l’autre d’une manière très reconnaissable, la première sous le nom de Spcitan- gites ovalis , et la seconde sous celui de S. bicordatus ; ce qui n’a pas empêché Agassiz (1), et après lui tous les auteurs qui ont cité ces deux Echinides, de ne tenir aucun compte des figures de Leske, et d’attribuer le nom d , ovalis à l’espèce du coral-rag, et celui de bicordatus à l’espèce de la grande oolithe. Quelle que soit la confusion qui doive momentanément en résulter, il me paraît impossible de ne pas restituer à ces deux Collyrites les noms qui leur ont été donnés par Leske. Onze espèces, dont plusieurs sont nouvelles, représentent le (1) En ce qui concerne le Collyrites bicordata , Agassiz, en lui don- nant le nom d 'ovalis, n’a fait que reproduire une erreur de Phillips et de Parkinson. 650 SÉANCE DU 2 JUIN 1856. genre Echinobrissus , Bieynius ( Nucl colites , Lam.). Nous citerons d’abord VE. Dehniesi , Cot., de la grande oolithe, que caracté- risent sa forme subpentagooaie un peu plus large que longue, ses ambulacres légèrement renflés, ses aires interambulacraires plissés près du sommet, et la largeur de son sillon anal, qui s’étend depuis l’appareil apicial jusqu’au bord postérieur ; nous citerons également ME. pulvinatus , Cot., du kelloway, remarquable par sa forme arrondie en avant, subtronquée en arrière, épaisse et ren- flée sur les bords, subconcave et sensiblement pulvinée en dessous, par son anus très éloigné du sommet et sa bouche relativement petite. L’espèce la plus commune de ce genre est VE. clunicularis , d’Orb. Les nombreux exemplaires que nous avons pu comparer, en nous démontrant combien cette espèce éprouve de modifica- tions, nous ont décidé à y réunir les Nucleolites Sowerbyi , Ag. , latiporus, Ag., pyramidatus , M’Coy, Ednmndi , Cot., conicus , Cot., et sarthacensis, d’Orb., qui ne sont que des variétés d’un même type. Quatre espèces fort belles, et provenant de la grande oolithe, appartiennent au genre Clypeus. L’une d’elles, le C. Agassizii , Wright, signalée pour la première fois en France, atteint une taille énorme. L’exemplaire que nous a communiqué M. Gué- ranger a près de 1 1 centimètres de longueur sur 6 de hauteur. La plus curieuse de ces espèces est notre C. Davoustianus :1e canal profond, étroit et très long, qui relie l’anus au sommet, lui donne une physionomie toute particulière. Quatre espèces représentent le genre Pygurus . Une seule est nouvelle: c’est le P. Dctvoustiamis , Cot., confondu jusqu’ici avec le P. orbi cula lus {P. depressus , Ag;), mais qui en diffère par sa forme ordinairement plus allongée, par ses ambulacres plus larges, se rétrécissant moins brusquement, et logés aux approches de la bouche, dans des sillons plus droits et plus prononcés, par sa face inférieure bien moins profondément déprimée. Mentionnons encore le genre Archiaciana , Ag., qui se rapproche des Pygurus, mais dont la forme est si bizarre. M. Triger a ren- contré dans les grès verts du Mans un magnifique exemplaire de MA. sandalina , dont la taille est de beaucoup supérieure à l’échan- tillon qui a servi de type à M. Agassiz et à celui figuré par M. d’Orbigny. La famille des Spatangoides a laissé également, dans les ter- rains crétacés de la Sarthe, de nombreux représentants. Le genre Epiaster , d’Orb., que caractérise l’absence des fas- cioles, nous a offert quatre espèces : l’une d’elles, ME. Guerangeriy NOTE DE M. SÆMANN. 651 Cot., est nouvelle et se rencontre dans les grès verts du Mans ; elle est remarquable par sa forme dilatée en avant, étroite, acuminée, subrostrée en arrière, et par ses ambulacres profondément excavés. Le genre Hemi aster , Desor, nous a présenté cinq espèces, dont deux, provenant des grès verts du Mans, sont nouvelles. La plus intéressante est notre H . cenomanensis , que caractérisent sa forme déprimée, son sillon ambulacraire très prononcé vers i’ambitus, et le large fasciole qui entoure les ambulacres. Deux espèces connues depuis longtemps appartiennent au genre Micraster , Ag. : le M. Michelini , Ag. , et brevis , Desor. Chacune d’elles se rencontre à un niveau qui lui est propre ; le M. Miche- Uni ne dépasse pas la craie à bryozoaires , étage turonieu de M. d’Orbigny. Le M. brevis, parfaitement reconnaissable à la longueur de ses ambulacres postérieurs, est abondamment répandu à Saint-Fraimbaultetà Villedieu; dans cette partie de la craie que quelques auteurs rattachent à la craie moyenne, que M. d’Orbi- gny place à la partie inférieure de son étage sénonien, mais qui certainement, au point de vue paléontologique, le seul qui nous occupe en ce moment, ne saurait être réunie à la craie blanche de Dieppe ou de Meudon. M. Sæmann fait la communication suivante : Note sur les relations géologiques d’un nouveau gisement de fossiles à Montreuil -Bellay , département de Maine-et- Loire , par M. L. Sæmann. La découverte d’un gisement très remarquable de fossiles à proximité de Montreuil-Bellay, dans le département de Alaine-et- Loire, remonte déjà à plusieurs années. Il paraîtrait même que les personnes qui les premières en ont eu connaissance ont gardé le silence pour l’exploiter sans concurrence. Quelques-uns des fos- siles ont été publiés dans la Paléontologie française ; ils y sont placés dans l’étage bajocien ou de l’oolithe inférieure, probable- ment sur l’autorité de M. Millet, qui a consacré un chapitre aux environs de Montreuil-Bellay dans sa Paléontologie de Maine-et- Loire. Une pote de AL Hébert, lue à la Société géologique dans une de ses séances de l’année dernière, n’est pas encore imprimée; elle ne fera cependant pas double emploi avec ce qui suit. AI. Hé- bert, n’ayant pas vu la localité, n’a formulé son opinion que sur l’examen des fossiles. Le travail de M. Millet n’offre point de conclusion satisfaisante. 652 fcÈÀNCE DU 2 JUÏN 1856. La terminologie des coupes empruntée aux ouvriers est à peine expliquée, et les listes des fossiles contiennent en grand nombre des espèces indéterminées; d’ailleurs, comme pour les Ammonites de l’étage bajocien, la liste contient des espèces qui ne se trouvent jamais ensemble ou ne se trouvent pas du tout. Montreuil-Bellay est situé près de la limite du département des Deux-Sèvres, sur la route de Saumur à Thouars. Le Thouet, rivière qui coule au pied de la colline couronnée par le château et la ville, est dans un endroit encaissé entre deux escarpements qui, en forme de promontoires, rétrécissent la vallée. C’est la colline de la rive gauche opposée à la ville qui présente la coupe géologique complète des environs. Les fossiles proviennent d’une carrière qui a été ouverte à une demi-lieue en aval de la ville, sur la rive gauche et sur les bords mêmes de la rivière. Elle porte le nom de la rivière du Chalet, d’après une maison construite pour le service de l’exploitation. La pierre s’est trouvée gelive, et l’extraction a dû cesser avec des pertes regrettables pour le propriétaire. La carrière présente dans sa partie supérieure une assise d’environ 5 mètres d’une marne grise argileuse avec B. hastatus ; au-dessous viennent des bancs calcaires, au nombre de trois ou quatre, qui augmentent en dureté vers le bas, où la pierre commence à se charger d’oolithes ferrugineuses. La partie inférieure de la carrière est formée par une oolithe ferrugineuse ayant au plus 1 mètre d’épaisseur, minéralogiquement très semblable à celle de Bayeux, à cette différence près que les oolitlies sont plus petites et plus nombreuses. Au-dessous du niveau de la carrière on voit affleu- rer, sur le bord de la rivière, des calcaires avec de nombreux rognons de silex blond et grisâtre. Les fossiles sont abondants dans l’oolithe ferrugineuse , et d’une conservation remarquable. Les ornements les plus délicats des coquilles ont conservé leur netteté primitive ; rien n’a été roulé, et il est même rare de trouver des échantillons couverts de petites Huîtres ou de Serpules. Le même fait se présente presque partout où les oolithes ferrugineuses existent, par exemple dans le lias inférieur de Semur, le lias supérieur de la Verpillère, l’oolithe inférieure de Bayeux, de Dundry et de Wasseraitingen, dans le terrain oxford ien supérieur des Ardennes et de la Bourgogne, et jusque dans le grès vert des Ardennes. Les gisements considérables d’oolithes ferrugineuses dans ce dernier département présentent un changement très curieux qui a dû s’opérer dans la roche. Les couches actuellement exploitées se composent exclusivement d’un NOTE DE M. 5ÆMANN. 655 mélange d’oolithes miliaires ferrugineuses, d’argile et de fossiles siliceux. Ce dépôt occupe les pentes des petites vallées d’érosion sillonnées par les ruisseaux qui alimentent les lavoirs des minerais. Le plateau dans lequel ces vallées sont creusées est, au contraire, formé de marnes calcaires ( castine ) pleines des mêmes oolitbes et des mêmes fossiles, mais pour la plupart à l’état calcaire. Il paraît impossible d’expliquer cette juxtaposition de deux roches d’aspect si différent, autrement qu’en admettant que les eaux, en pénétrant dans les marnes, ont enlevé la substance calcaire, laissant comme résidu insoluble les dépôts de minerai que l’on exploite. La belle conservation des fossiles dans les roches de cette nature nous permet de deviner quelques-unes des circonstances qui accompagnaient leur formation encore assez mystérieuse. Il est évident que les coquilles ont dû être promptement ensevelies par un dépôt se formant sans interruption; le mouvement des vagues, si faible qu’il soit, agit d’une manière très énergique sur tout ce qu’il remue, et il est probable qu’une coquille qui l’aurait subi pendant vingt-quatre heures en porterait les traces. L’abondance de représentants des genres Turbo , Troc h us, Cerithhim , P leur o ta- marin, Area , Nucula , etc., prouve que la roche se consolidait presque au moment de sa formation ; un fond vaseux aurait amené d’autres types, notamment la famille des Myacées, si abondantes ailleurs à ce niveau. Enfin, l’association du fer oxydé hydraté au carbonate de chaux, l’absence totale des pyrites et de tous les produits de leur oxydation, qui sont probablement les grands destructeurs des coquilles calcaires dans les terrains argileux, font supposer que l’origine des oolitbes ferrugineuses est à chercher dans le carbonate de fer dissous en même temps que le carbonate de chaux, mais se précipitant bien plus promptement par suite d’une oxydation complémentaire du protoxyde de fer. A la carrière du Chalet, les fossiles se trouvent sans doute dans toute i’épaisseur de l’oolithe ferrugineuse; on ne les recueille cependant que dans quelques endroits qui ont subi une désagré- gation à la suite d’infiltrations aqueuses analogues à celles qui ont dissous le carbonate de chaux dans la castine des Ardennes. Le sommet du promontoire de la rive gauche, vis-à-vis de la ville, porte deux moulins à vent qui communiquent avec la route de Saumur par un petit chemin creux. On y a récemment tiré des pierres, ce qui permet de voir la coupe très nette de la partie supérieure du terrain. La marne de la carrière du Chalet y est à peine visible • la couche la plus élevée est déjà pénétrée de substance calcaire ; c’est 65 h SÉANCE DU 2 JUIN 1856. une pierre tendre qui se délite fortement à l’air en couvrant le sol des nombreux fossiles qu’elle renferme. Les plus abondants sont : le Belemnites hastatus , Y Ammonites piicatilis , Sow., ou, pour mieux la préciser, Y A. convolâtes , Quenstedt, Y A, àthleta , Phi 11. , Y A. Duncani, Y A. hecticus , Y A. liinûla et un Aptychus . On s’explique difficilement la présence de Y A. oculatus , Phill. , dans ces couches ; cette espèce a cependant été trouvée plusieurs fois. Son association aux espèces précédentes prouve suffisamment que l’on ne saurait pas la considérer comme provenant du terrain oxfordien supérieur. Les couches suivantes sont des calcaires bruns ferrugineux, très durs, de 20 à 30 centimètres d’épaisseur, renfermant presque exclu- sivement de grosses Ammonites : A. cithleta, anceps , bipartitus et ► sub-Bakeriœ , d’Orb. Le dernier banc, appelé banc marbre par les ouvriers, est un calcaire plus pur, cassant, et rempli de fossiles, notamment d’Am- monites. Immédiatement dessous commence l’oolithe ferrugi- neuse qui fournit les fossiles à la carrière du Chalet ; son épaisseur totale n’atteint peut-être pas 1 mètre. L’Ammonite la plus abondante est encore Y A. sub-Bakeriœ, surtout une variété à côtes plus fortes et plus espacées, qui sera probablement le vrai A. triplicatus de Quenstedt. Comme dans le Wurtemberg, elle y est associée à Y A. macroccphalus . Quelques rares Bélemnites paraissent encore appartenir au B. hastatus. Les autres Ammonites sont les suivantes : A. lunula , hecticus , anceps , variétés avec ou sans épines latérales, coronatus , pustulatus , réfrac- tas, modiolaris et micros tom a. L’oolithe ferrugineuse repose sur un calcaire blanc, très dur, fendillé en tous sens. Il n’est point oolithique ; mais sa couleur blanche et son aspect terne rappellent encore la grande oolithe de Normandie qu’il représente. Je n’ai pu trouver qu’un seul rognon renfermant des fossiles : un Montlivaultia qui pourrait bien être le M. caryophillata de Ranville, une Trigonie du groupe de T. striata , et un fragment indéterminable appartenant probablement à une Astarte. L’insuffisance de ces fossiles pour une détermination exacte est évidente ; il est certain cependant que ces trois genres, s’ils existent dans la partie supérieure, y sont numériquement très rares. Je n’hésite nullement à considérer ce calcaire blanc comme ne présentant aucun passage avec les couches supérieures ; il est le commencement d’un autre étage qui ne saurait être autre chose que la grande oolithe. L’épaisseur de ce calcaire blanc doit être peu considérable ; on peut l’évaluer à 1 mètre. NOTE DE M. SÆMANNé 655 À quelque distance à FO. des moulins à vent, la route de Doué donne la coupe des assises suivantes. Ce sont 2 mètres à peu près de calcaire siliceux plein de silex qui, vers le milieu, domine à ce point, que des bancs entiers ne sont réellement que des amas siliceux. La suite de la coupe ne se voit plus dans cet endroit à cause des constructions qui couvrent la pente de la colline jusqu’à la rivière ; mais à 2 kilomètres plus loin, près de Yeaudelenav, il y a deux grandes carrières qui ont mis à nu une coupe d’environ 20 mètres de hauteur. La partie supérieure est entièrement occu- pée par les silex en partie remaniés. L’objet de l’exploitation est un calcaire marneux parsemé de rognons de silex dont le nombre diminue peu à peu vers la base. Des fossiles mal conservés, prin- cipalement des Ammonites, commencent à se montrer dans la partie moyenne ; ils deviennent plus abondants vers la base, où j’ai recueilli les suivants : Nautilus excavatus , Ammonites Parkin - sont et Mart'msii , P leur otomari a, moules de plusieurs espèces, Pleuromya Jarassi, Gresslya abducta, Pholadomya , Cardiumy Lima gibbosa , Terebr atu/a sphœroidalis et Phillipsii , Rhynchonella plica - tella. Ce sont les espèces de Foolithe ferrugineuse de Bayeux, partie inférieure. La partie supérieure de Foolithe inférieure du même étage ne se rencontre qu’aux environs de Doué et de Tbouars, où elle est caractérisée par la Gervillia Hartmanni , Mytilus Sowerbyi , Astarte excavata j Ostrea sublobata, Desh. (O. Buckmanni }, Tere- br atula Kleinii , etc. Le fait le plus saillant qui résulte de ces observations est un hiatus très marqué entre le calcaire blanc rapporté à la grande oolithe et Foolithe ferrugineuse supérieure. Le passage des diffé- rentes variétés de sédiments en dessus et en dessous est presque insensible. La base de la partie supérieure, comme il est dit plus haut, est évidemment un cordon littoral indiquant la première invasion d’une eau alors peu profonde. Ces conditions vitales ont promptement changé ; l’eau gagnait en profondeur par l’abaissement de la côte et les gastéropodes, et les acéphales disparaissaient pour faire place aux brachiopodes et aux céphalopodes, avec lesquels ils se trouvaient réunis dans la pre- mière couche. La persistance des mêmes espèces de céphalopodes dans la par- tie supérieure est la preuve incontestable qu’elle ne forme qu’un seul et même étage. L’ Ammonites macrocep halus n’est pas rare dans Foolithe ferru- gineuse ; les échantillons sont généralement petits ; j’en ai cepen- 656 SÉANCE DU 2 JUIN 1856. dant recueilli un sur place ayant près de 10 centimètres de dia- mètre, et tout à fait le beau type de l’espèce, à côtes fines et serrées, la bouche comprimée exactement comme la belle figure de la Paléontologie française (pl. 151) des Terrains jurassiques. Cette trouvaille et des renseignements que je compte vérifier dans un avenir prochain me font supposer que tout ce qu’on a dit sur l’existence de cette espèce dans la grande oolithe est une erreur. J’ai bâte d’ajouter que j’ai partagé cette erreur (voyez ma note du 6 février 1854). Tout ce qui est supérieur au calcaire blanc ne formerait donc qu’un seul étage, qui est l’oxfordien proprement dit ou inférieur, et la faune des gastéropodes et des acéphales qu’il renferme vient combler une lacune qui a existé jusqu’à présent entre la faune analogue de l’oxfordien supérieur et celle de la grande oolithe. Il n’est pas étonnant que cet ensemble de fossiles, pour la plupart nouveaux, ait donné lieu à toutes sortes d’erreurs. Le premier mouvement était de les placer dans l’oolithe de Bayeux, comme cela a eu lieu pour presque toutes les oolithes ferrugineuses découvertes jusqu’à ce jour. Il est probable que ce rapprochement était fondé presque uni- quement sur la nature de la roche ; les quelques espèces de fos- siles qui rappellent des analogues de Bayeux devaient avoir une bien faible valeur si l’on se rappelle les discussions sur la grande oolithe de Coulie, dont la nature bajocienne devait être prouvée par une liste de quatre-vingt-quatorze espèces bajociennes et l’absence totale de fossiles de la grande oolithe. L’espèce la plus trompeuse est un Trochus très abondant à Montreuil-Bellay, et très voisin, sinon identique, avec le T. du- plicatas. L’analogue de cette espèce se retrouve jusque dans le terrain corallien, d’où Goldfuss l’a figuré sous le nom de T. bino- dosus. L’espèce ou variété de Montreuil- Bellay se distingue de celle de Bayeux en ce que son angle spiral est un peu plus ouvert, de sorte que les plus aigus de Montreuil-Bellay ont le même angle que les plus obtus de Bayeux (75 degrés). Le bourrelet suturai, dans l’espèce de Bayeux, est formé aux dépens des deux tours contigus, tandis qu’à Montreuil- Bellay le bourrelet entier appar- tient à la carène basale. Il paraît inutile de poursuivre ces comparaisons dans d’autres espèces ; les céphalopodes cités plus haut, et la présence de roolilhe de Bayeux à Montreuil-Bellay, à 20 mètres au-dessous de l’oolithe oxfordienne, prouvent à eux seuls la vraie nature de cette dernière. NOTE DE M. SÆMANN. 657 Il reste à rechercher si l’oolithe de Montreuil ne représenterait pas, par absorption, quelques couches de la grande oolithe qui paraissent manquer entre elle et les couches à Montlivaultin de Ran ville. Je n’hésite pas à répondre négativement par les raisons suivantes. L’absence du cornbrash n’a en principe rien d’élon- nant après la constatation d’une limite tranchée entre l’oolithe oxfordienne et la grande oolithe. Toutes les fois que l’apparition d’un dépôt très différent de celui sur lequel ii repose vient mar- quer une nouvelle invasion des eaux, il sera permis de suppo- ser que le mouvement du terrain indique le commencement d’une nouvelle époque géologique. Ce même phénomène ne prouve donc rien pour l’âge de la couche sous-jacente, parce qu’il ne fournit aucun moyen d’apprécier le temps qui s’est écoule entre son émersion et sa nouvelle submersion. La comparaison des fossiles reste alors le seul moyen qui puisse donner des résul- tats positifs. Il s’ensuit qu’il faut beaucoup de précautions pour tirer des conclusions sur les rapports qui existent entre deux assises lorsqu’elles sont d’une nature différente et bien tranchée, et que les gisements où il y a une succession non interrompue des cou- ches sont les seuls qui permettent de saisir exactement les rela- tions entre deux étages successifs. La partie la plus importante de la faune de Montreuil-Bellay pour la comparaison avec celle de la grande oolithe est les brachiopodes. Les Térébratules y sont très abondantes ; elles le sont également dans le cornbrash de l’Angleterre et dans les couches correspondantes de la Sarthe, comme dans le Bradfor- clay de Ranville. Sur les quinze espèces de Rhynchonelles et de Térébratules que je connais de Montreuil-Bellay, il n’y en a peut être qu’une seule d’identique avec les espèces communes de Banville : c’est le Rhynchonella cjiiadriplicata, dont la présence habituelle dans les dépôts oxfordiens est bien connue. H n’y a pas, notamment à Montreuil-Bellay, aucune Terebratuld d i g un a , fa b c II a m , coarctala ni Cardium. J’ai trouvé une espèce du cornbrash, le Rhynchonella Mooiéi , Dav. ; une grande Térébratule désignée souvent sous le nom de T. biccinaliculata , Zieten, est l’espèce la plus commune. L’ensemble des espèces, et les plus abondantes, constituent certai- nement un faciès à part qui ne se retrouve dans aucun étage supé- rieur ou inférieur. Les échinodermes sont représentés à Montreuil-Bellay par une petite tige de Pcntacrinus arrondie et lisse comme il y en a existé dans la partie supérieure de la formation jurassique, et par un Sac* 2° série, tome XIII. 42 658 SÉANCE DU 2 JUIN 1856. Dysaster [D. Orbignyanus) qui rappelle parfaitement les types oxfordiens communs de la Sarthe. Je n’ai rencontré aucune trace d’ Jpiocrinus , mais un seul échan- tillon d’une petite Âcrosulenia très distincte des espèces du Wilt- shire. Tel est l’ensemble des observations sur le gisement de Mon- treuil-Bellay et sur le caractère général de ses fossiles. La description des céphalopodes et des gastéropodes préparée par M . Hébert est très avancée ; espérons que les acéphales pour- ront trouver prochaineme nt leur monographe. La description des brachiopodes est meme déjà commencée par M. Eugène Deslongcliamps. À la suite de la lecture de sa note, M. Sæmann présente à la Société un échantillon d 'Ammonites huiula de Montreuil* Bellay. M. Barrande, en communiquant le 3 mars dernier (1) un mémoire sur un nouveau genre de céphalopodes paléozoïques, avait, signalé comme caractère accessoire des Ammonites, que leurs cloisons étaient convexes par rapport à l’animal qui était placé dessus. Cette remarque était fondée sur la forme de la courbe dessinée par les cloisons dans une coupe d’ Am monde parallèle au plan de symétrie de la coquille. L’exemplaire mis sous les yeux de la Société présente l'es- pace au-dessus d’une cloison parfaitement vidée, ce qui permet de voir une cloison fortement concave par les parties ascen- dantes des selles. M. Sæmann fait observer que le côté opposé présentera bien une apparence semblable à cause des lobes descendants en forme d’arcs-boutants -, cependant le développement en super- ficie des selles étant, dans toutes les Ammonites, beaucoup plus considérable que celui des lobes, on ne saurait se mé- prendre sur la concavité de la surface supérieure. Il est certain qu’une coupe passant par le lobe dorsal et le ventral présen- tera une ligne convexe-, il arrivera la même chose pour les plans coupant simultanément les lobes dorsaux ou latéraux, mais, sur cinquante coupes passant en différentes directions (1) Bull., t, XIII, p. 372., DOIS’ S FAITS A LA SOCIÉTÉ. 059 par un point central de la cloison, il y en aura au moins qua- rante qui donneront une courbe concave, et tout au plus dix à courbure convexe. Séance du 16 juin 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Micheîot, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, Se Président proclame membre de la Société : M. Gosselet, préparateur à la Faculté des sciences, à Paris, rue des Fossés-Saint-Jacques, n° 20 $ présenté par MM. Hébert et Delesse. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice : Journal des savants, mai 1856. De la part de M. le général Albert de Sa Marmora : Carte géologique de file de Sardaigne ; \ feuille colombier; Turin, 1856. De la part de M. B. Studer : Sur la manière tV écrire V his- toire de la géologie, i n - 8 , 7 p. , 3 mai 1856. De la part de M. A. Viquesnel ; Voyage dans la Turquie d'Europe, description physique et géologique de la T lira ce, texte, 5e livraison, f. 3 3 - /i 0 . De la part deM. ie docteur Albert Oppel : 1° Acantboteuthis antiquus a us den Ornatenthonen von Gammelshausen hei Boll , in-8, 5 p.- Stuttgart, november 1855 j 2° Die jura forma tion En glands , Erankreichs und des Sud- lichen Deutschlands, in-8, 192 p.- Stuttgart, 1856. De la part de M. le docteur Fred. Roemer : (Jeter den Baa von Melonites multipora, ein Echirud des Amerikanischen kohhnkalks , in-8, 19 p., 1 p!.* Breslau, 1855, 660 SÉANCE DU 16 JUIN 1 856. Comptes rendus hebdomadaires de l’ Académie des sciences , 1856, 1er semestre, t. XLII, nos 22 et 23. Annuaire de la Société météorologique de France , t. II, 185/i, 2e partie, Tabl. météor ., f. 37 -/il. L’Institut, 1856, nos H7Q et 1171. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, 8e année, n° 89, mai 1856. Société lmp. et centrale d’agriculture, Bulletin des séances, 2e série, t. XI, n° h. Société d’ agriculture , commerce , sciences et arts du dépar- tement de la Marne , année 1855. The Athenœuni, 1856, ncs 1Zi93 et 1/j9/i. Proceedings of the royal Society , vol. VIII, n° 19. Revista minera , t. VII, n° 1&5, 1856. M- Yiquesnel fait hommage à la Société de la 5e livraison de son Voyage dans la Turquie d’Asie. M. le secrétaire donne lecture de l’extrait suivant d’une lettre de M. Virlet d’Aoust : Monsieur le Président , Bans l'impossibilité, pour cause de départ, d’assister à la séance de lundi prochain, je vous prie de vouloir bien présenter à la Société la carte géologique de l’île de Sardaigne dont, à mon retour d’un voyage dans cette île, M. le général comte Albert de la Mannora a bien voulu me charger. Cette carte sera accompagnée de treize coupes faites à une échelle double, et correspondant, en conséquence, exactement à la grande carte topographique de l’auteur, que la Société possède déjà. Le volume de texte qui doit accompagner cette carte géologique s’imprime en ce moment; cependant il ne paraîtra guère qu’à la lin de cette année. La carte géologique du Piémont de M. Ange Sismonda avance aussi ; on grave en ce moment les montagnes. L’échelle adoptée par notre savant confrère est la même que celle de la carte géolo- gique de la France, et les divisions des terrains et leurs couleurs représentatives seront exactement les mêmes que celles adoptées par MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont, en sorte qu’elle pourra s’ajouter à leur carte. Le changement le plus important qu’elle apportera aux limites ISOTE DE M . LVELL. 661 des terrains déjà signalées dans les différents mémoires de l’auteur concerne l’arrondissement de Nice, où de nouvelles études ont convaincu M. Sismonda que le terrain précédemment rapporté par lui à la formation néocomienne doit être, comme l’avaient déjà fait depuis longtemps T. de la Bêche et quelques autres géo- logues, rapporté au terrain jurassique. J’ai également profité de mon séjour à Turin pour visiter son curieux musée géologique et minéralogique, auquel son conserva- teur, M. Sismonda, accompagné de M. Bellardi, a ajouté de l’intérêt par l’heureuse disposition des vitrines , qui en rend l’étude très facile. La collection minéralogique, rangée d’après la dernière mé- thode de classification d’Alex. Brongniart, modifiée d’après les progrès de la science, est surtout remarquable par le nombre et la beauté de ses cristaux. Dans les collections géologiques, on remarque surtout avec intérêt celles des Etats sardes (Alpes, Apennins, etc.) faites par M. Sismonda, et disposées par vallées, et celles de l’île de Sar- daigne du général de la Marmora, dont nous possédons les doubles au Muséum de Paris. La collection des fossiles, tous bien étiquetés et bien détermi- nés, est classée zoologiquement; mais, ce qui attire surtout l’atten- tion des naturalistes dans la collection paléontologique, ce sont trois grands squelettes remarquables par leur état de conservation. L’un de ces fossiles est le Mdstodon an gus tidens trouvé en Pié- mont presque entier. Les deux autres sont : 1° le Glyptodon cia - ripes, Owen. Ce batracien est un véritable Eléphant pour la gros- seur, et 2° le Mégathérium Cuvieri , provenant tous deux du rio de la Plata, d’où ils ont été envoyés par M. le baron Picolet d’Heiinillon, ministre de Sardaigne au Brésil. Le Glyptodon offre surtout de l’intérêt en c.c qu’il confirme d’une manière tout à fait évidente les doutes émis par Cuvier sur la manière dont on avait d’abord supposé que la clavicule de cet animal anté- diluvien s’articulait. M. de Verneuil communique la noie suivante de M. Lyell, traduite par M. Laugel. Dans le courant des trois derniers mois, j’ai eu souvent l’occa- sion de causer à Londres avec plusieurs personnes qui peuvent passer, à juste titre, pour de bons observateurs, et qui se sont trouvées l’an passé (1855) à la Nouvelle-Zélande au moment du 662 SÉANCE DU 16 JUIN 1 656. grand tremblement de terre. Ce sont MM'. Edward Roberts, des ingénieurs royaux, Walter Man tell, fils de feu mon ami le célèbre géologue, et lui-même un explorateur scientifique de la INouvelie- Zéîande, et Frédéric A. Weld, propriétaire de terres dans l’île du -Milieu (Middle-Island). J’espère pouvoir vous apporter plus tard un compte plus dé- taillé des modifications géologiques et géographiques qui sont le résultat de cette grande convulsion, ou de persuader à un des témoins de faire lui-même' la description de ce qu’il a vu. En attendant, je vous envoie l’exposé de quelques-uns des faits prin- cipaux qui présentent un intérêt géologique, surtout de ceux qui se rapportent à la formation d’une grande faille et à un soulève- ment qui dépasse en hauteur verticale et en étendue horizontale toutes les dislocations de cette espèce, dont la date soit historique et qui soient jamais venues à ma connaissance. Le tremblement de terre eut lieu dans la nuit du 23 janvier 1855, à neuf heures et demie du soir : il fut le }flus violent dans la partie la plus étroite du détroit de Cook, à quelques milles au S. -O. de Port Nicholson ; mais des vaisseaux en mer en ressen- tirent le choc à 150 milles de la côte, et la surface entière ébran- lée sur terre et sur mer est estimée à 360,000 milles carrés, surface trois fois plus grande que celle des îles Britanniques. Dans le voisinage de Wellington, dans l’île septentrionale, M. Roberts croit qu’une étendue de pays qui comprend A, 600 milles carrés (et par conséquent peu inférieure en dimension au York- shire) a été soulevée d’une manière permanente de 1 à 9 pieds. Il n’y avait point de soulèvement perceptible sur la côte à 16 milles N. de Wellington ; mais, de ce point à Pencarrow- Head, le pro- montoire occidental de Port-Nicholson, la hauteur du soulève- ment allait graduellement en augmentant depuis 1 jusqu’à 7 pieds, et continuait à croître jusqu’au flanc oriental d’une rangée de collines nommées Rimulaka, qui forment un chaînon des montagnes Tararua, et où cette hauteur atteignait 9 pieds. Là le mouvement fut arrêté brusquement, et n’affecta en rien la contrée basse qui s’éténd plus loin vers FE., et que l’on nomme la plaine Wairarapa. Les points d’élévation, maximum et mini- mum, que nous venons de mentionner, sont à peu près à 23 milles l’un de l’autre, dans la direction du N. -O. AI. Roberts a été occupé, avant et après le 23 janvier, à exé- cuter pour le gouvernement divers travaux dans la rade de Port-Nicholson et sur la côte, et il a eu l’occasion d’observer avec précision les changements de niveau du sol qui ont affecté plu- NOTE DE M. LYELL* 663 sieurs points, et entre autres les falaises de la pointe de Muko- Muka, à 12 milles S. -E. de Wellington, où le côté oriental des collines Rimutaka, dont nous avons parlé plus haut, vient atteindre le détroit de Cook. Il y a observé une ligne de faille très distincte ; d’un autre côté d ' cette ligne, la roche a été élevée verticalement à une hauteur de 9 pieds ; de l’autre côté de la fissure, il n’y a eu de mouvement d’aucune sorte. La masse soulevée consiste, d’après M. Walter Mantell, en argillite ancienne, non stratifiée, ayant la composition ordinaire du schiste argileux, mais sans présenter de schistosité. Cette roche forme, du côté de la mer, une falaise de plusieurs centaines de pieds de hauteur, tan dis que les couches marines tertiaires, qui sont à jour à l’est, le long de la côte, forment une autre falaise, relativement basse, qui ne dépasse pas 80 pieds en hauteur. Ces couches tertiaires n’ont été nullement soulevées. M. Roberts a pu mesurer avec exactitude la hauteur du soulèvement dans la roche ancienne de la pointe de Muko-Muka, grâce à une bande blanche où la surface de la roche avait été couverte de Millépores juste au-dessous du niveau de la marée basse. Le matin du jour qui suivit le tremblement de terre, il trouva cette zone blanche à 9 pieds plus haut qu’elle n’était avant le choc. Il n’y avait aupa- ravant pas moyen, excepté pendant très peu de temps, à la marée basse, de passer entre la mer et le pied de cette falaise perpendi- v culaire. Les bergers étaient obligés d’attendre la marée basse pour faire dépasser le promontoire à leurs troupeaux. Depuis le mouvement de soulèvement, une plage doucement inclinée de plus de 100 pieds de largeur a été mise à sec, et les colons ont pu y faire passer la route qui suit la côte. La ligne de jonction des roches anciennes et plus modernes que nous avons décrites plus haut est marquée, dans l’intérieur de la contrée, par un escarpement continu qui suit la direction N. — S. tout le long des collines Rimutaka, dont le flanc est escarpé du côté oriental et domine la plaine de Wairarapa, for- mée de dépôts tertiaires. La direction de la faille produite par le soulèvement a été rendue visible par la formation d’un mur presque vertical qui porte la trace d’une récente rupture à 9 pieds de hauteur, et peut être suivi dans l’intérieur des terres sur l’étonnante longueur de 90 milles, suivant le témoignage de M. Boiia.se, colon qui habite la vallée Wairarapa, à peu près à 60 milles au N. du détroit de Cook. La faille est, néanmoins, marquée en beaucoup d’endroits par une fissure ouverte dans laquelle les bestiaux sont venus tomber, sans qu’on ait pu, dans SÊÀftCE DU 16 JUIN 1856. 664 certains cas, les en retirer r quelquefois ces fissures, de 6 à 9 pieds de largeur, sont remplies çà et là de boue et .de terre meuble. Le jour du tremblement de terre (23 janvier), la rade de Port-Nicbolson, ainsi que la vallée de la Hutte, ont été élevées de 4 à 5 pieds : l’élévation minimum s’est produite sur le côté occi- dental, l’élévation maximum sur le côté oriental de la rade. Un rocher nommé le roc Balley, à une petite distance de la baie d’Evan, était autrefois à 2 pieds au-dessous du niveau des plus basses marées, et, comme un vaisseau y avait touché, on avait placé une bouée pour marquer sa position. Ce rocher dépasse actuellement de 3 pieds le niveau de la mer à la marée basse. Depuis le tremblement de terre, la marée remonte à peine la rivière de la Hutte. Au moment du choc, de grandes vagues sont venues se jeter sur la côte, et pendant plusieurs semaines les marées ont été très irrégulières. Des poissons morts ont été rejetés par les flots sur le champ de course de Wellington lors du trem- blement de terre, et fVl . Mantell raconte que différents vaisseaux ont vu aussi, dans le détroit de Cook, des poissons morts flottant sur la mer en nombre prodigieux, quelques-uns appartenant à clés espèces que les pécheurs n’avaient jamais vues auparavant. Je viens d’apprendre par Ai. Weld, qui résidait au S. du détroit, dans l’île du Milieu, que le premier choc a été senti autour du cap Campbell, en même temps qu’à Wellington (à neuf heures et demie du 23 janvier), mais que, en outre, on y ressentit pendant la nuit plusieurs mouvements de tremblement très forts; que le lendemain matin, à trois heures, on sentit un choc que l’on suppose être local, et qui était égal en violence au premier. Pen- dant plusieurs jours, il y eut encore d’autres mouvements; les vagues roulèrent sur la côte à une distance de 50 milles dans les terres. Le deuxième jour après le premier tremblement de terre du 23 janvier, à un endroit que l’on nomme les Drapeaux, entre le cap Campbell et Waipepo, quelques hommes, occupés à char- ger du bois sur un vaisseau, virent distinctement le tremblement de terre venir à eux depuis le point que l’on nomme les Rochers Blancs, placés à 3 milles plus au N. Il vint à eux dans la direction de N. -O. à S.-E. , et était rendu visible par les pierres qui roulaient du haut des falaises, par des éboulements, des nuages de poussière et les vagues de la mer. En somme, il semble que la surface mise en mouvement dans l’île du Milieu ne fut pas aussi considérable que celle qui le fut autour de Wellington. En outre, il semble qu’au S. du détroit le NOTE DE M. LYELL. 665 mouvement a été renversé, c’est-à-dire qu’il a été presque par- tout un mouvement d’abaissement. La vallée du Wairan, avec des parties de la côte voisine, se sont abaissées de 5 pieds environ, de façon qu’aujourd’bui la marée s’étend à quelques milles plus loin qu’auparavant dans la rivière Wairan, et que les colons sont obligés de remonter à 3 milles plus haut qu’ils ne faisaient avant le tremblement de terre pour avoir de l’eau douce. Il n’y eut aucune éruption volcanique pendant que tout ceci avait lieu, ni dans l’île du Nord, ni dans celle du Milieu: mais les natifs prétendent que la température des sources chaudes de Taupo s’éleva sensiblement, juste avant la catastrophe. Il avait été rapporté dans les journaux delà Nouvelle-Zélande que, dansl’île du Milieu, il y avait eu une éruption volcanique sur une mon- tagne nommée Kairuru, près de Waipepo; mais cette assertion est aujourd’hui démentie, et l’on suppose que la colonne de fumée aperçue par quelques bergers venait de quelque incendie allumé par des naturels, qui ont, en effet, l’habitude de brider les buissons. Je terminerai cette esquisse des changements qui ont été pro- duits par le tremblement de terre de 1855, en faisant observer que l’on a agité la question de savoir si la contrée, soulevée de plusieurs pieds en janvier autour de Port-Nicholson, ne s’est pas affaissée de nouveau dans le courant de sept ou huit mois, jusqu’au mois de septembre. Les témoignages sur ce point sont, jusqu’à un certain point, contradictoires, mais ne sont pourtant pas entière- ment inconciliables. M. Mantell croit qu’il y eut un affaissement partiel avant qu’il quittât la Nouvelle-Zélande en septembre, opi- nion partagée par le capitaine Sharp, le commandant du port et M. Robert Pack, ingénieur civil et géomètre du gouvernement. Leurs conclusions s’appuient principalement sur les marées hautes, qui leur parurent monter plus haut, au lieu que les marées basses étaient plus basses immédiatement après le choc du mois de janvier. M. Roberts quitta la Nouvelle-Zélande trois mois après le tremblement de terre, et ne pouvait donc donner aucun témoi- gnage sur l’état des choses en septembre ; mais il revint avec la I persuasion qu’à son départ aucun affaissement n’avait encore eu lieu, et, comme il éiait constamment employé à des travaux pour le gouvernement, il croit que le moindre changement de niveau aurait difficilement pu lui échapper. Nous avons déjà dit que les marées avaient été très irrégulières pendant plusieurs semaines après le choc, de sorte qu’il est nécessaire de prendre des mesures exactes pour établir le fait d’un affaissement, en tenant compte, 666 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. à la fin, d’un soulèvement et d’un effondrement subséquent. Ceci est d’autant plus nécessaire que, dans le port Nieholson. il y a toujours 18 pouces de différence entre les marées des syzygies et des quadratures, de façon que l’émergence des roches à la ma- rée basse dépend en partie de l’époque où l’on fait l’observa- tion. D’un autre côté, il ne faut pas oublier qu’au Chili et sur d’autres parties de la côte de l’Amérique du Sud, plusieurs obser- vateurs ont constaté qu’après des mouvements de soulèvement considérables la côte s’était ensuite légèrement affaissée. Le nombre des tremblements de terre violents ressentis dans la .Nouvelle-Zélande depuis le commencement de ce siècle est si grand, qu’il alarme avec raison les colons, et peut démontrer au géologue quels changements géographiques importants peuvent avoir lieu, non-seulement pendant la durée d’une espèce, mais encore pendant la vie d’un individu, surtout si l’on choisit pour individu un de ces arbres qui couvrent quelques-unes des mon- tagnes de la Nouvelle-Zélande. M. Weld, qui a été dans File du Milieu pendant le tremblement de terre précédent de 18è8, m’in- forme qu’à cette époque il se produisit une grande fissure dans la haute chaîne de montagnes, de 1000 à Ù000 pieds de haut, qui s’étend au S. depuis la falaise Blanche dans la baie des Nuages, et qu’on peut regarder comme la prolongation, de l’autre côté du détroit, de la chaîne Rimutaka ou Tavarua dont il a été question plus haut. La fissure de 18A8 n’avait pas, en moyenne, plus de 18 pouces de largeur, mais elle était remarquable par sa lon- gueur, car elle a été tracée par M. Weld ou ses amis, et des personnes dignes de confiance, sur une étendue de 60 milles, dans la direction N. — S., sur une ligne parallèle à l’axe de la chaîne. Qu’il n’y ait eu aucun soulèvement lié à la formation de cette j fissure, c’est ce que l’on n'a pu établir. Il semble qu’on puisse conclure , des divers renseignements que l’on possède , que le point où les mouvements souter- rains se manifestent avec le plus de force s’est déplacé pendant les tremblements de terre successifs de la Nouvelle-Zélande ; ceux de 18Ù3, 18A1, 1832 et 1826, ont déterminé des modifica- tions permanentes dans les caractères géographiques de régions diverses. En 1832, sept ans avant la colonisation de ces îles par les Anglais, les convulsions étaient si sensibles, que les baleiniers se réfugièrent dans leurs bateaux pendant quatre mois. Suivant M. Taylor, qui a récemment publié un ouvrage intitulé La Nouvelle-Zélande et ses habitants (Londres, 1855), il s’est NOTE DE M. MICHELIN. 667 produit des cl.iangem.ents, dans le dernier demi-siècle, en divers points de l’île du Milieu, dont quelques-uns sont situés jusqu’à 5 ou 6 degrés de latitude du détroit de Cook. Parmi d’autres faits, il rapporte qu’en 1 8Zi 7 on découvrit la carène d’un vaisseau qu’on crut être fictive, naufragé en 181 à, à 200 yards dans les terres, sur la côte occidentale (à peu près à 30 milles au S. -O. de Nelson) avec un petit arbre qui croissait à travers la membrure. Ceci nous apprend que, dans une période de trente ans, l’Océan s’était retiré assez loin pour laisser ce débris d’un naufrage à 200 yards dans les terres, Beaucoup plus loin au S., environ à 80 milles au N. de la baie Dusky, était une petite crique, autre- fois nommée la Queue, souvent visitée, en 1823, par les pêcheurs de phoques, dont les vaisseaux y trouvaient un excellent abri, derrière de hautes falaises, et des eaux si profondes près de la côte, qu’ils pouvaient directement passer de leurs bateaux sur les rochers. Après une succession de tremblements de terre, en 1826 et 1827, la transformation de la côte fut si complète, que ces traits anciens devinrent entièrement méconnaissables : la crique est aujourd’hui à sec, et l’on a vu sous l’eau des arbres, qui ont sans doute été entraînés clans la mer, par des éboulements, du haut des montagnes escarpées qui entourent la côte. M. Michelin donne lecture de Sa note suivante : Note sur le Conoclypeus conoideus, Jgassiz. En nous faisant connaître dernièrement ses observations et des- criptions relatives à des coquilles fossiles ou nouvellement obser- vées, notre honorable collègue M. le baron d’Hombres-Firmas a nécessairement appelé notre attention sur un des plus grands fos- siles connus dans la famille desEcbinides. Il s’agit du Conoclypeus conoideus , Agassiz, figuré en 1672 dans le musée Moscardo, et nommé par Leske dans Klein, en 1778, Clypeus conoideus . Cette espèce a, suivant les auteurs, été successivement placée dans les genres Clypeus , Echinas, Célérités, Clypeaster, Echino- clypem , Echinalampes et Conoclypeus . Les noms spécifiques qui lui ont été imposés sont ceux de conoideus , Bouei , coniexcentricus , Agassizii, semiglobus et cos telle tus.. Avant de donner une synonymie aussi complète qu’il nous a été possible, nous ferons observer que les C. costcllatus et Bouei sont, le premier une variété, et le second un jeune âge du C. conoideus , et que, pour la partie supérieure qui quelquefois forme une pointe 663 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. lin peu conique, ce qui a déterminé M. Catullo à donner a l’es- pèce le nom de conicxcentricus , nous considérons d’autant plus ce fait comme accidentel, que nous avons vu dans certains indi- vidus deux pointes, et dans d’autres circonstances le sommet complètement arrondi. En général, le test de cesEchinides est épais, et la forme plutôt elliptique que ronde. Il en existe plusieurs bonnes figures, et parmi elles nous avons été surpris de voir que les auteurs qui ont parlé de cette espèce depuis 1840 n’avaient jamais cité celles données par M. Catullo, planche Ire de son intéressant mémoire intitulé : Ossèrvcizioni geog/iostico-zoologiche snpra due scripti publicoti nel tomo terzo delle Memorie delta Societa geologica di Pdrigi per Vanna 1838. Nous profitons de l’occasion pour réparer un oubli involontaire. Synonymie. 1648. Grande Êchinite, Àldovrande, Musœum metallicnm , p. 436. 1672. Echinus marinas , Moscardo, Musèo £ tavola 177, fig. 1. 1767. Grande Échinite, Davila, Catalogue des curiosités de V art et de la nature , t. III, p. 182, n° 223. 1778. Clypeus conoideus, Leske in Klein, p. 159, pl. 43, fig. 2. 1778 à 1789. Hacquet, Oryctol. carniolica , p. 105, pl. 4. 1789. Echinas conoideus, Linné, Gmelin, p. 3181. 1816 à 1818. Galeritcs conoideus , Lamarck, System t. III, p. 22. 1819 à 1822. Galerites coniexcentricus, Catullo, Giornale di storia natur. di Paria. 1820. Echinus conoideus vel Istriacus , Schlotheim, Pctrej. gerrna- nica , p. 311. 1824. Galerites conoideus , Deslongchamps, Encyclopédie métho- dique, p. 344, n° 11. 1826. Clypeaster conoideus , Goldfuss, Petrej ., p. 132, pl. 41, fig. 8. 1826. — Bouei, Goldfuss, loc. cit., p. 131, pl. 41, fig. 7. 1827. Galerites con iexeen tri eus , Catullo, Saggio di zool. joss. delle prov . Venete, p. 21 6. 1829. Galerites conoideus, Al. Brongniart, Théorie des terrains , in Dictionnaire des sciences naturelles, t. L1V, tableaux 5 et 8. 1831. Echinolampas Agassizii , Dubois de Montpéreux, Voyage au Caucase , série géologique, pl. 1 , fig. 22 à 24. 1834, Echinoclypeus conoideus , de Blainville, Manuel d' ac tin., p. 208. 1834 et 1835. Clypeus et Echinolampas conoideus , Agassiz, Mé- moires de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel [Suisse), p. 186 et 187. 1836. Galerites conoideus, Grateloup, Oursins fossiles du départe- ment des Landes, p. 51, pl. 2, fig. 3. NOTE DE M. MICHELIN. 669 1837. Echinolampas semiglobus , Desmoulins, Échinides , p. 344. n° 1 1 . 1839. Conoclypeus conoidcus , Agassiz, Echinides suisses, 1rc partie, p. 64, pl. 10, fig. 1 6. 1 840. Galerites conoideus., Lamarck, Animaux sans vertèbres , nou- velle édition, t. III, p. 310, n° 9. 1840. Conoclypeus conoicleus , Agassiz, Catalogue syst. ectyp p. 5, S 94, 54. 1840. Gai cri tes con i excen tri eus , Catullo, Osservaz. geognost. zoo - log., p- 5, pl. 1. 1847. Conoclypeus conoidcus , Agassiz, Catalogue raisonné, p. 109. 1847. Conoclypeus costellatuS) Agassiz, Catalogue raisonné , p. 110, Q 68 b . 1 847. Conoclypeus Bouei , Agassiz, Catalogue raisonné , p. 1 1 0, R 60. 1855. Galerites coniexcen tricus, d’Hombres-Firmas, Description de coquilles nouvelles ou nouvellement observées. 1856. Conoclypeus conoidcus , Cotteau, Catalogue des Échinides fossiles des Pyrénées [Bull, de la Soc . geo/, de France , t. XIII, 2e sérf, p. 336). D’après les auteurs et les collections, le Conoclypeus conoideus se rencontre dans les terrains nummulitiques de l’Europe méridio- nale, et notamment en Crimée, dans l’Istrie, la Sardaigne, le Véronais, la Gascogne, au Kressemberg, etc. Ce fossile atteint en hauteur 100 millimètres, et son grand dia- mètre a quelquefois 150 millimètres de largeur. M. Michelin fait la communication suivante : Extrait d'une notice sur la mine de cornaline de Barotch , entre Bombay et Brouda , par M. John Copland, D. M. Je regrette que le temps ne m’ait pas permis de donner une étendue convenable à mes observations ; mais étant, je crois, le premier qui ait décrit ces mines, j’espère que ma notice ajoutera quelque chose à nos connaissances sur l’Orient. A cinq milles de Dïimoudra, nous trouvâmes le Kairri, ruisseau insignifiant dans la saison sèche. Son lit consiste principalement en cailloux de quartz et d'agate; il y avait plusieurs variétés de la dernière pierre: la plus remarquable était d’un bleu foncé avec des veines blanches. Les ouvriers demeurent à Nimoudra, où i’on brûle les pierres. Les mines sont très nombreuses et situées dans la partie des Djengl la plus sauvage ; ce sont des puits creusés perpendiculai- rement, de la largeur de 4 pieds. Le plus profond de ceux que 670 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. nous vîmes avait 50 pieds ; quelques-uns se prolongent au fond dans une direction horizontale. Nous arrivâmes aux mines à sept heures du matin. On nous dit que les vapeurs de gaz hydrogène étaient assez fréquentes, et que les ouvriers n’y descendaient que lorsque le soleil était assez élevé sur l’horizon pour dissiper ces exhalaisons. Le terrain est graveleux, consistant principalement en sable quartzeux rougi par le fer, et un peu d’argile. Les rognons de cornaline pèsent depuis un petit nombre d’onces jusqu’à deux à trois livres, et sont très rapprochés les uns des autres , cependant isolés généralement, non pas disposés en couches, mais épars dans la masse et extrêmement abondants. Je ne vis dans la mine au- cune pierre de couleur rouge ; quelques-unes étaient d’une cou- leur olive noirâtre, comme des pierres à fusil d’une teinte sombre; d’autres étaient moins foncées , d’autres encore plus claires ; d’autres enfin avaient une légère teinte laiteuse. Notre guide nous dit que, lorsque les premières auraient été brûlées, elles devien- draient noires, h s secondes rouges et les troisièmes blanches. Il avait peut-être raison pour celles-ci ; mais je doute du fait poul- ies premières, car elles étaient beaucoup trop nombreuses relati- vement à la rareté des cornalines noires. Je pense que la couleur de la pierre quand elle sort de la mine ne peut pas faire présumer celle qu’elle aura après avoir été brûlée, parce que ce changement de couleur dépend en partie du degré de chaleur auquel elles sont exposées. Une cornaline rouge devient blanche par l’action du feu ; mais autant que j’ai pu l’observer, on n’en trouve dans la mine aucune qui ait la première de ces couleurs ; la plupart la prennent à Nimoudra. Beaucoup de cornalines, après avoir été brû- lées, montrent les deux couleurs, quelquefois distinctes, quelque- fois mêlées, et aussi une teinte rose; tandis que la couleur de la plupart de celles que je vis aux mines était uniforme. Les pierres de la couleur la plus claire sortent du feu plus blanches et plus transparentes qu’auparavant, et sont souvent entourées d’un bord rouge. Ayant cassé quelques rognons, ils offrirent un mélange de quartz et d’agate ; d’autres, composés d’une écorce quartzeuse dont la surface intérieure était tapissée de petits cristaux, contenaient un oxyde de fer noir d’une apparence pulvérulente, dont nous trou- vâmes beaucoup de fragments dans le gravier. Je vais maintenant décrire la manière dont les cornalines subissent l’action du feu : Tous les soirs, les pierres sont apportées à Nimoudra, étalées à Huit, de la Soc- CeoL de France. Mémoire sur le terrain _ jurassique des Pyrénées françaises ; par M. A. 1EYMERIE Srji-We. T. JW. Jimihge G;- j. Pi.œ.7 rÆrClJ’?" . /.idi./tuyyu /ùt (J.lbltiW'f i~ NOTE DE M. LEYMERIE . 671 terre et exposées au soleil pour les préparer aux opérations sub- séquentes; on les retourne tous les quinze jours jusqu’à l’époque où on les brûle, ee qui a lieu une fois l’an, un mois avant le commencement de la moisson. Alors on les met dans des vases de terre de forme ronde et d’environ là pouces de diamètre dont on a ôté le fond, et qu’on pose sens dessus dessous. Le fond que l’on a enlevé est placé dans l’intérieur, dessus l’ouverture de chaque vase, pour empêcher les pierres de tomber. Ainsi arrangés, ces vases sont placés dans une tranchée large et profonde de trois pieds, mais de longueur indéfinie ; elle est remplie d’une couche de fiente de chèvre desséchée, épaisse de six pouces ; on en met par-dessus une autre semblable, et l’on allume le feu vers huit heures, du soir. Tout ce combustible est consumé avant le point du jour ; alors on retire les vases de la tranchée pour que les pierres refroidissent en plein air, ce qui exige trois heures ; en- suite on les ôte des vases, on les rassemble en tas, et on les entame encore comme dans la mine pour en reconnaître la qualité. On finit par les jeter dans une fosse, où on les laisse jusqu’à ce que l’on en ait besoin. Les cornalines sont ensuite portées à Cambaye, pour être ta illées et en faire des ornements très recherchés. M. d’Archiac présente, de la part de M. Leymerie, un Mé- moire sur le terrain jurassique des Pyrénées françaises. Les généralités qui forment l’introduction de ce travail ayant été communiquées à l’Académie des sciences- et insérées dans les Comptes rendus (vol. XL U, p. 730, 1856), et tous les détails descriptifs essentiels ayant été reproduits dans le tome VI de Y Histoire des progrès de la géologie (p, 5A 1-558), nous don- nerons seulement ici la légende explicative des coupes que M. Leymerie avait jointes à son mémoire; et qui sont repré- sentées dans la planche ci -jointe (pl. XVI). Fig. 1. Coupe O. — E. d’izaut à Aspet , passant par Girosp ( Haute-Garonne é) . a. Calcaire compacte gris clair rayé, et calcaire noir. b. Calcaire compacte gris et noir veiné de blanc. c. Calcschiste passant au calcaire, dans le bas, souvent en décompo- sition. d. Calcaire fossilifère (lias supérieur) avec nombreuses Gryphœa Macculochu. 672 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. e. Assise de schistes terreux, avec traces de végétaux. j. Calcaires assez brillants, sublamelleux, en bancs durs et réglés. g. Calcaires gris et noirs, bitumineux, en partie dolomitiques ?, et brèches fleuries. t. Terrain de transport. Fig. 2. Coupe clc l' ancien château de Campels , ci Arbone. d. Calcaires rocheux, irréguliers, de couleur claire, en partie mar- morisés, avec des brèches fleuries. c. Calcaires modifiés, bituminisés, partiellement irréguliers. bf. Schistes psammitiques à grains très fins, noirs, à cassure bacci- loïdo. b. Lias supérieur, alternances de couches calcaires et de schistes (Térébratules ordinaires, Bélemnites, Pecten , Ammonites, Nautilus clans us). L6 calcaire est noir et se divise assez faci- lement en lopins aplatis sub-quadrangulaires. a. Calcaire compacte gris, inférieur aux fossiles. Fig. 3. Coupc N. — S. de Sainte-Maure à Francazal ( A/iégc ). Schistes noirs et gris terreux à la surface. Calcaires gris et gris noirâtre, compactes, peu réglés (Oursins, Huîtres crêtées). Calcaires gris compacte à Requienies, avec baguettes d'Oursins à la surface (odeur bitumineuse), strati- fication obscure, roches saillantes creusées par les eaux en larges gouttières doubles ou triples formées par des surfaces gauches. Calcschist.es et calcaires marneux. Assise de schistes terreux noirâtres et gris jaunâtre dans les affleuremements anciens, avec Ammonites écrasées rares. Calcaire compacte avec lumachelles empâtant une petite Huître deltoïde, des Serpules et de petites coquilles turriculées. Calcaires en couches irrégulières, roches saillantes corrodées par les eaux. Fig. 4. Coupe N. — S. de Mon légat à la vallée de Luz , près Aubert, a. Calcaire noir veiné largement de blanc (grand antique). b. Calcaire analogue au précédent, à plus petits accidents, avec par- ties de Requienies ? (petit antique). c. Calcaire à Requienies bitumineux bien caractérisé, exploité à diverses hauteurs. c1. Couches plus relevées, fissurées, avec filons de beau spath calcaire blanc, passant ou grand antique. Terrain crétacé inférieur. Lias. Terrain i jurassique moyen. Ig. V NOTE UE M. LEYMEHIE. 673 d. Couches peu épaisses de calcaire compacte gris à petites Térébra- tules striées. e. Schiste gris argilo sableux grossier, avec Ammonites et Bélem- nites rares lias). e' . Continuation des schistes précédents, avec couches concrétionnées argilo-calcaires ou ferrugineuses et rognons de diverses formes, très puissants, /. Calcaires. Fig. 5. Coupe N.-O. — S.-E, passant par C église de Montesquieu. Les couches fossilifères sont riches, surtout en ïéréhraiules, et les individus y sont, en général, bien conservés. Voici la liste des espèces que j’y ai recueillies : Ammonites , 3 espèces. Bele milites tri parti tus . Teiebratula bit! lata. — puncta ta? — ri ni osa ? — cynocephala ? Pccten œquivalvis. • Pecten simplicosta. ] Lima proboscidea. j Tri go ni a. Autres bivalves. Gryphœa rynibium. — Macculocliii . Fig. 6. Coupe N. — S. de Lortét h Léchan ( vallée d' Aitrey a. Calcaires gris mal réglés, à grandes écailles, et calcaires compactes. b. Calcaire à petites cavités rondes, et brèches de couleur claire, et calcaires unis, mat, à cassure rectangulaire. c. Calcaires g* is et noirs subcompactes, avec points noirs, et débris de baguettes d'Oursins fossiles vers le N. d. Calcaires schisteux, et schistes gris du ravin, près d’Héchette. e. Calcaire comme c. f. Calcaire bréchoïde noir (petit antique) (débris d’Oursins, Réquie- nies, Polypiers). g. Calcaire esquilleux gris foncé, avec baguettes d’Oursins, traces noires nombreuses (test de Requienies en partie). h. Couches schisteuses avec lopins de calcaire gris foncé. i. Assise de schistes terreux avec une assise intercalée de calcaire gris en partie fissile. /. Calcaire gris subcristallin, esquilleux, exploité; il prend des débris d'Oursins et des traces de Requienies au point k. I. Calcaire blanchâtre et gris clair, cristallin, dans lequel est ouverte la grotte de Lortet. Fig. 7. Coupe du val cl’ As té {vallée de Camp an], a. Calcaire compacte, en partie blanc, marmoréen, et brèches. b. Calcaire compacte gris clair et calcaire noir brillant bitumineux. Sac. géo/,, 2e série, tome XI II. 43 67A SÉANCE DU 16 JUIN 1856. c. Calscbiste. d. Schiste et calcaire gris compacte, olivâtre, fossilifère ; on y trouve des bivalves allongées (Gryphées ?) et quelques autres fossiles indéterminables, et quelquefois des Bélemnites. e. Schiste noir filandreux déjà signalé à Rebouc et à Campels (Haute- Garonne). f. Schiste verdâtre ou noirâtre, mat. g. Calcaire gris foncé. h. Schiste verdâtre et calcaire rubané. h Calcaire modifié et calcaire bitumineux noirâtre. Fig. 8. Profil géognostique du pic de Gat , près Saint-Béal . x. Ophite. a. Granité, gneiss. b. Schistes de transition modifiés. c. Terrain de transition normal (silurien). d. Grès rouge (trias). e. Dolomie et calcaire gris compacte. f \ Schiste et calcaire schisteux (Ostracées). g. Calcaire brun bitumineux. h. Calcaires gris en partie fossilifères. i. Brèches calcaires de couleur pâle. /'. Terrain de transport. M. de Verneuil présente, au nom de M. Gollomb et au sien, un tableau des observations barométriques qu’ils ont faites dans le sud-est de l’Espagne, pendant le printemps de 1855, et le fait précéder de l’itinéraire suivant : La bienveillance avec laquelle la Société géologique a accueilli jus- qu’ici diverses communications relatives à nos précédents voyages en Espagne, nous encourage à lui rendre compte de l’excursion que nous y avons faite au printemps dernier. Notre but était de continuer l’étude géologique de la partie S. -E. de l’Espagne, de reprendre notre tâche au royaume de Valence, où nous avions déjà passé deux printemps, et de pousser nos observa- tions à travers le royaume de Murcie. Les frontières orientales de l’Andalousie entraient aussi dans notre cadre. L’intéressant Mémoire, accompagné d’une carte géologique (1) publié par un de nos amis, M. Ramon Pellico, ne comprenait avec détail que la partie méridio- nale du royaume de Murcie, celle qui avoisine la côte, et dont la richesse métallifère avait dû appeler d’abord l’attention des mineurs. (4) Rens ta minera. , vol. III, p. 7. MM. DE VERNEUIL ET COLLOMB, — NOTE SUR ^ESPAGNE. 675 Pour compléter sou ouvrage, nous résolûmes de visiter surtout la région centrale et la frontière septentrionale du côté de la Manche, qu’il n’avait pas étudiées. Les montagnes désertes où naissent les rivières Segura et Guadalquivir, qu’aucun géologue n’avait encore visitées, avaient pour nous le charme de l’inconnu, et devaient être principalement l’objet de nos investigations. Un accident ne nous a pas permis d’en terminer l’examen; mais nous ne tarderons pas à le reprendre, et dans un prochain voyage, parcourant de nouveau ces montagnes, qui, après les Pyrénées, sont les plus hautes que for- ment les terrains secondaires en Espagne, nous les suivrons à travers les provinces de Jaen et de Ronda, jusqu’au détroit de Gibraltar. Partis de Paris le 14 avril 1855, nous prîmes, pour gagner rapi- dement Madrid, la route de Bayonne et de Burgos. La rupture d’un essieu nous ayant retenus à la Puebla de Arganzon, entre Vitioria et l’Èbre, nous eûmes le temps d’y étudier les poudingues placés à la limite du terrain nummuiitique et des dépôts miocènes lacustres de Miranda. Ces poudingues identiques avec ceux qu’on nomme, dans les Pyrénées, poudingues de Pallassou , sont en couches inclinées et concordantes, en apparence, avec les marnes et les calcaires sous- jacents. Us sont composés généralement de cailloux provenant des calcaires crétacés ; cependant, vers la partie supérieure, près du télé- graphe, on y trouve des fragments de calcaires remplis de petites INummulites, qui démontrent qu’à l’époque où ces poudingues se déposaient, les calcaires nu mm uii tiques avaient déjà été élevés au- dessus du niveau de la mer, et formaient des rivages dont les roches étaient assez dures pour être usées, roulées et arrondies. La plupart des géologues considèrent le poudingue de Pallassou comme le der- nier terme du groupe nummuiitique, et comme ayant subi les mêmes redressements que ies couches sur lesquelles il repose. li nous paraît important de constater, toutefois, qu’il y a eu, entre la formation de ce poudingue et les calcaires nummulitiques, des oscillations du sol assez considérables, pour mettre à sec une partie de ces derniers, et pour les dégrader de manière à fournir les éléments de ce puissant poudingue. On ne peut donc affirmer qu i! V ait continuité parfaite entre les dépôts nummulitiques et les poudingues qui leur sont supérieurs, quoique en général ils soient tous deux également redressés. Le même retard qui nous a permis d’examiner les environs de la Puebla de Arganzon, nous a fait parcourir de jour la roule de Burgos au Duero, et nous avons pu reconnaître que le terrain, miocène la- custre, qui constitue ies environs de cette ville, ne tarde pas à dispa- raître au sud sous un manteau diluvien qui le recouvre jusqu’à Lerma. 676 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. Au delà de celle ville, la roule traverse une bande de calcaire crétacé, en couches légèrement inclinées, qui semble être le prolongement presque effacé des montagnes de Lara et de Covarrahia. Un peu avant Bahamon , la craie est recouverte par des marnes et des calcaires d’eau douce que l’on suit jusque près de Onrubia au sud du Duero. Le col de Somo-Sierra, où la route traverse la chaîne du Gua- darrama, a été mesuré par nous en allant et en revenant, et son alti- tude paraît devoir être fixée entre 1 éi 36 et 1A50 mètres. Entre Cabanillas et El Moiar, on rencontre un îlot granitique flanqué de chaque côté d’une bande de calcaire crétacé, comme le montre très bien la carte géologique de notre excellent ami M. C. de Prado (1). Le granité forme un axé anticlinal et semble avoir relevé la craie. Coupe prise dans la Sierra de Guadarrama , au sud de Cabanillas. C3 Diluvium. CruiëV ", Granité.4 èHîvé. Depuis cette bande crétacée jusqu'à Madrid, le sol est recouvert d’une argile rouge diluvienne mêlée avec beaucoup de cailloux roulés. De Madrid à Chinchilla. — De Madrid, la voie la plus courte pour arriver promptement dans les montagnes de Murcie était de prendre le chemin de fer jusqu’à Albacete, lieu du rendez-vous que nous avions fixé d’avance à nos hommes accompagnés de nos mules. Jusqu’à la station d’Aranjuez, la plaine coupée par le chemin de fer est exclusivement composée des dépôts marneux et calcaires du ter- rain tertiaire d’eau douce qui occupe une si grpndevsuiface en Es- pagne. A partir de Madrid, ce, terrain cesse d’être recouvert parle diluvium, dont les limite# se dirigent vers le N. -E;. pour border le pied de la chaîne du Guadarrama et lui former une ceinture de 20 à 25 kilomètres de largeur. La ligne du chemin de fer suit d’abord une légère dépression creusée parle Manzanarès, et arrive à Aranjuez après avoir coupé (1 ) Mapa geo i agi co de la proyincia de Madrid (1 853). MM. DE VERNE U IL ET COLLÔMB. — NOTE SUR L’ESPAGNE. (577 le Rio-Tajuna et le Tage. Sur une longueur d’environ 45 kilo- mètres, la pente est de 105 mè tr.es, d’après le nivellement qui nous a été communiqué par don José de Aldama. La station d’ Aranjuez se trouve, suivant nos mesures, à 68(5 mètres au dessus de la mer. Pendant ce trajet, le 25 avril, nous apercevions au nord la chaîne granitique du Guadarrama, que nous venions de quitter, encore toute blanche de neige, tandis que la vallée du Tage à Aranjuez avait déjà revêtu sa brillante parure du printemps. Après Aranjuez, notre première station fut Alcazar de San- Juan. Pour y arriver, le chemin de fer monte insensiblement jusqu’à 639 mètres, et la ville est située non loin des limites occidentales du grand plateau tertiaire de la Manche. Ce plateau est la continuation de celui de la Nouvelle-Castille; il conserve à peu près la même altitude vers sa partie nord, puisse relève du côté de la Sierra d’Alcaraz, pour arriver insensiblement à une aitiiude de 900 à 1000 mètres (Villaher— mosa, 9A8 mètres, et Villanueva de la Fuente 996). Alcazar est bâti sur un îlot de grès rouge, quarlzoux, sans mica, en couches ou en bancs à peu près horizontaux, que nous croyons devoir rapporter au trias. Cet îlot, qui n’a que quelques kilomètres de circonférence, ne formequ’unelcgèresaillie au milieudecette immense plaine; les seules montagnes qu’on aperçoive sont dans la direction de Puer to-Lapiche, vers l’O. 30 degrés S. Elles forment l’extrémité de la Sierra de Tolède et appartiennent au terrain silurien. Quelques îlots du même terrain surgissent près de Villacanas et de i.iiio, entre Tem- bleque et Alcazar, et ne sont que les extrémités de cette même chaîne qu’ont isolées en se déposant les sédiments lacustres de l’époque miocène. D* Alcazar de San Juan, le chemin de fer passe successivement à Soquellanos, Villarobledo, la Roda, et arrive enfin à Albacete, en suivant la direction du S. -E. , sans quitter un instant le plateau uniforme de la Manche, qu’il parcourt en entier dans sa plus grande longueur. La distancé dé Madrid à Albacete est de 276 kilomètres, et la diiï rcuce de nivcâq ést peu considérable, si l’on admet avec, nous que rohservatôîfe dé Madrid est à 050 mètres et Albacete à 680. Le pays est d’une grande uniformité dans ce long trajet ; à peine remarqué- 1— cm quelques basses collines qui disparaissent elle.vinèmes dans la partie orientale; les eaux, incertaines dans leur é« oulom- nt, se rassemblent dans des étangs que dessèche biemôt le soleil de l’été, ou forment quelques ruisseaux dont le lit s’apeiçoit à pt ioe à la sur- face du pays; le Tage seul au nord et la Guadiana au sud don- nent lieu chacun à une échancrure du sol un peu pi fis profonde. Ce grand dépôt tertiaire d’eau douce qui, selon toute probabilité, cor- SÉANCE DU 16 JUIN 1856. 678 respond à l’époque miocène, occupe, comme on voit, au centre de l’Espagne une position assez analogue, relativement aux frontières du pays, à celle du plateau centrai granitique de la France. Son altitude moyenne est plus grande que celle de la Nouvelle-Castille. Exposé à tous les vents, il a un climat relativement âpre et sec; on n’y voit point les orangers , les citronniers , les palmiers , les cactus , lesa/oés, si abondants aux latitudes correspondantes sur les bords de la mer, à Valence et à Alicante : cependant la terre végétale, d’une grande épaisseur, ferait de ces plaines le pays le plus fertile de la terre, si le manque d’eau ne venait, dans certaines années, en paralyser la force productive. Les céréales, l’olivier et la vigne y sont les princi- pales cultures. Les prairies naturelles ou artificielles y sont presque inconnues. Si l’on fait abstraction du diluvium quaternaire, et si l’on réunit les deux plateaux, celui de la Nouvelle-Castille et celui de la Manche, qui n’en est que la continuation, la composition géologique étant la même, on reconnaît que ce vaste dépôt lacustre est entouré de terrains plus anciens, qui lui forment une ceinture continue de montagnes. Depuis la province de Guadalaxara jusqu’à Chinchilla, il est limité au N.-E. et au S.-E. par une longue bande de collines et de montagnes crétacées, de 3A0 kilomètres de longueur environ , qui n’est interrompue que sur un point vers ütiel et Requena, où se trouve une coupure dont le Rio-Magro a profité pour gagner la mer. Au N. -O., ce plateau est limité par les montagnes granitiques de la chaîne du Guadarrama. Les montagnes de Tolède et une portion de la Siërra-Mor'éha, région granitique et paléozoïque, lui servent de limite du côté de l’O. et du S. -O., tandis qu’au S. il vient se terminer aux montagnes d’Alcaraz et à celles plus anciennes et plus basses que traverse la Guadiana. Il se passe vers le sud, du côté où cette grande plaine se relève insensiblement, un phénomène assez remarquable : c’est que, sans que l’on aperçoive de changements notables dans les caractères physiques, le terrain tertiaire fait place à des dépôts de i’époque du trias qui sont en couches parfaitement horizontales. A Albacete, nous sommes placés vers la limite sud des dépôts lacustres; les sables, les cailloux, les marnes, les calcaires, iden- tiques avec ceux du centre du bassin, y existent encore dans toute leur intégrité; mais un peu plus au sud, comme nous le verrons (ont à l’heure , ces sédiments d’eau douce commencent à disparaître, et sont remplacés par des dépôts marins également miocènes. Albacete et Chinchilla se trouvent à l’entrée d’un détroit par lequel les formations, soit lacustres, soit marines, communi- MU. DE VERNEUIL ET CGLLOMB. — NOTE SUR l’eSPÀGNE. 679 quent sans interruption avec la mer actuelle dans la direction du S.-E., en passant par Murcie, et venant aboutir sur le litto- ral, entre Garthagène et Alicante ; là les terrains tertiaires perdent leur caractère de plateau , le sol devient accidenté, montueux, et paraît avoir été soumis à des dislocations postérieures. Le Rio-Mundo et le Rio-Segura, après être sortis des hautes chaînes, où ils prennent leur source, circulent dans ce détroit, en le fertilisant et en quittant rarement le terrain tertiaire. Le Rio-Segura vient parfois battre, soit à droite, soit à gauche, des falaises nummulitiques ou triasiques, comme dans les environs de Zieza ; puis il reprend son cours à tra- vers le terrain tertiaire moyen, en passant par Murcie et Qrihuela, pour se prolonger jusqu’à la mer. Nos observations barométriques au sommet du château de Chin- chilla nous ont donné une hauteur absolue de 97A mètres, qui est certainement trop grande, la hauteur au-dessus d’Albacete n’étant que de 260 mètres. La montagne sur laquelle est bâti cet antique château est formée de sable blanc et de marnes à la base, sur- montés par un calcaire horizontal, blanc, grisâtre, dans lequel sont taillés les larges et profonds fossés qui entourent cette citadelle. Dans les débris de ce calcaire, nous avons trouvé un certain nombre de fossiles tertiaires marins, inconnus sur tout le grand plateau que nous venions de traverser. Ce sont probablement les témoins, les plus avancés vers le nord, de l’ancienne mer miocène, qui couvrait une partie du sud de l’Espagne. Ces dépôts marins ont été portés à une hauteur beaucoup plus grande que ceux d’eau douce. ïl eût été intéressant de connaître les relations stratigraphiques de ces forma- tions marines et lacustres. L’existence de grands lacs intérieurs de l’Espagne est-elle postérieure aux dépôts marins de la vallée du Gua- dalquivir, à ceux de Chinchilla , et à d’autres que nous allons rencon- trer encore sur notre route? Pour résoudre cette question, il eût fallu voir le contact bien accusé des deux sortes de dépôts, et nous 11e l’avons rencontré nulle part. D’après la disposition des lieux, nous pensons, avec notre ami M. Casiano de Prado, que les sédiments marins sont antérieurs à ceux d’eau dorme, et que. dans certains cas, ils formaient le fond aussi bien que les rivages des lacs intérieurs. Mais, d’un autre côté, on peut aussi se demander si toutes les couches lacustres sont du même âge% De Chinchilla à Murcie. — De Chinchilla, en nous dirigeant vers l’est sur la route d’Ahnansa, nous quittons le détroit tertiaire dont nous venons de parler, et nous entrons dans une région plus élevée, plus montagneuse et d’une composition géologique différente. Quel- ques Ammonites et d’autres fossiles que nous trouvons sur le bord de 680 SÉANCE DU 10 JUIN 1856. la roule, près de la Venta de! Carcei et de Villar, tels que Homomya hortulana , Ag. , Ceromya inflata, id. , C. exeentrica , kl., Cardium dissimile, Sow. , nous indiquent la présence d’un lambeau juras- sique de l’étage supérieur ou de Kimmeridge, assez rare en Espagne. Au IMonpiçhcl, nous trouvons, à la base, des sables blancs et jaunes mélangés de marnes, avec quelques fossiles probablement crétacés, et une mine de charbon sans importance. La moitié supé- rieure de la montagne est composée de calcaires blanchâtres, et le sommet atteint 1113 mètres d’altitude. Du sommet du Monp.içliel, nous apercevions au sud une contrée aride, sur laquelle les cartes indiquent un certain nombre de lacs salés. Il était intéressant d’en visiter un. Celui vers lequel nous nous sommes dirigés est situé près de la Higuera, non loin de Peirola, à 873 mètres d’altitude ; il est connu dans le pays sous le nom de Lac de sel amer , et donne en elle!, par la concentration de ses eaux, du sulfate de magnésie cristallisé. lia, suivant le dire d’un employé, 8000 pas de circonférence, est très peu profond et se trouve à sec pendant une partie de l’été. Il n’est pas, d’ailleurs, l’objet d’une exploitation active; depuis plus de trente ans le sulfate de magnésie, en cristaux très blancs, produit d’un seul été, est entassé dans un ma- gasin, et reste sans consommation ni écoulement au dehors. Près de ce lac, à la Venta de la Higuera, apparaît le calcaire crétacé avec des Requienla, des; Nerinea et VOstrea aquila ; mais le lac lui- même est entouré de mollasse tertiaire. En continuant vers l’est, nous arrivons à Montealegre. La ville et son ancien château sont bâtis sur une colline triasique dont le pied est formé de grès bigarré rouge et vert, et le sommet de calcaire doiomitique bleuâtre semblable à celui que nous avons si souvent rencontré dans nos courses précédentes, et que nous rapportons au musclu'ikalk. Le gypse, si fréquent en Espagne dans le trias, est ici placé entre ..le grès bigarré et le muschelkak, le tout plongeant légèrement vers l’est. Nous retrouvons le trias au pied du M tigron d’Almansa ; la route d’A bacele à Valence le coupe près de la Venta de la Vega; on y voit des grès et des argiles rou ;es ou bigarrés, avec des calcaires bleus subordonnés, assez fortement relevés et percés par une roche érup- tive verte, analogue à la diorile. La Venta de la Vega n’est qu’à 790 mètres d’altitude ; cependant, le 30 avril, à six heures du matin, par un ciel très pur, les environs de la Venta étaient couverts de gelée blanche, preuve d’un rayon- nement nocturne très fort dans celte contrée. Le Mugron d’Almansa et la Sierra de Meca forment, à la limite des MM. DE VERKEU1L ET COLLOMB. — NOTE SIR L’ESPAGNE. (58 L provinces d’Albacete et de Valence, un promontoire montagneux; assez remarquable, allongé dans la direction de l’O.-S.-O. L’escar- pement très abrupte de ces montagnes, vers l’E. un peu S., permet difficilement d’en faire l’ascension de ce côté, et nous avons dû les aborder du côté occidental. Elles sont la continuation l’une de l’autre, et portent deux noms, parce qu’elles sont séparées par une dépres- sion assez large, de 300 mètres environ de profondeur, inaccessible du côté du sud. Nous n’avons pas tardé à reconnaître qu’en appro- chant de leur sommet, à environ 250 mètres plus bas, les bancs presque horizontaux sont formés d’une roche blanche, légère, cri- blée de petits trous, pétrie de fragments de fossiles, d’une consis- tance et d’une structure analogue à celle des fa In ils durcis. C’est au- dessous de celte roche et dans le calcaire tendre, qui en forme la base, que nous trouvons I a Clypeasler altus, VOstrea navicularis , des Térébratules, des Pacten, des Vénus, Balanes, etc. Ces montagnes ..forment, le prolongement, vers l’est, du terrain miocène marin que nous avions découvert quelques jours aupara- vant à Chinchilla; elles se trouvent presque sur le même parallèle et marquent vers !& $»r«d4a des dépôts marins de cette époque, Ils ont été portés à une hauteur assez considérable sans subir de dislocations profondes, puisque leurs assises sont peu inclinées par rapport à l'horizon. Nos mesures barométriques nous donnent pour le Mugron d’Almansa 12 17 mètres, et pour la Sierra de Meca 1163 , c’est-à-dire environ 506 mètres au-dessus de la plaine d’Almansa. Du sommet du Mugron, la vue plonge au loin vers le S. et le S. -O. sur la région de basses collines où se trouve le lac de se! amer ; elle ne s’arrête à l’horizon que vers des montagnes dé Viliena, au S. -E. , puis à la Sierra del Carche au S. et aux montagnes de Moratalia au S. -O. Vers le nord, du côté de Cofrentes, la vue est bornée par une merde montagnes dépouillées, en grande partie crétacéeset Iriasiques, telles (jue le mont Cabdlon, la Muela de Vicorp, la Sierra de Ca- roche et les crêtes qui s'étendent de Peresa vers le Puerto d’Almansa. Au pied de la Sierra de Meca, du rô é oriental, est situé l’Iier- mitage de San-Benito. En descendant du sommet par un sentier de chèvies, taillé en escalier sur le flanc . abrupte de l'escarpement, nous avons reconnu, au-dessous des calcaires faluûieuS, des masses consi- dérables de grès et de pondingues à gros éléments, mais sans fossiles. Ceux-ci ne tardent pas à être couverts par les dét i lus et les ébou- lements à talus rectilignes qui flanquent le pied de la montagne. 682 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. La Sierra de Meca, vue à grande distance , du côté S. i De San-Benito à Almansa, le terrain était autrefois occupé par un lac aujourd’hui complètement desséché et remplacé par une plaine d’une parfaite horizontalité et cultivée en céréales. En 1707, cette plaine a été le théâtre d’une grande bataille gagnée par le ma- réchal de Berwick, et qui assura le trône d’Espagne au petit-fils de Louis XIV. Une petite pyramide consacre le souvenir de ce fait historique. Almansa est bâtie sur un îlot de grès rouge triasique, et son vieux château sur un piton escarpé de calcaire dolomitique. A la station du chemin de fer en construction, notre moyenne barométrique nous donne 710 mètres. Dans la direction de Yecla, à quelques kilomètres d’ Almansa, le terrain tertiaire est interrompu par une chaîne rocheuse crétacée de peu d’élévation, d’un aspect sauvage et sans culture. Les couches sont très inclinées, et nous y avons trouvé de grands Requienia , voisins du R. lœvigata ; un Radiolites , voisin du R. neocomiensis ; la Tri- gonia caudata , Agass. ; le Pecten quinquecostatus ; une Ostrea, etc. En sortant de ce désert, on entre dans une grande plaine tertiaire qui s’étend vers l’ouest, dans la direction de Villena , et que bornent au sud plusieurs sierras dont l’une s’appelle Sierra del Cuchillo. Un défilé assez large conduit de la grande plaine vers Yecla. L’absence d’eau, dans ce pays, rend la culture très pauvre, et ce n’est qu’en ap- prochant de la ville que l’olivier et la vigne deviennent abondants. Yecla est dominée par un vieux château bâts sur un rocher de calcaire bréchoïde très dur, sans fossiles. La moyenne de l’altitude du château est de 755 mètres, et celle de la ville de 596. De Yecla à J u milia, après avoir traversé des collines gypseuses triasi- ques, nous avons vu deux mines de charbon peu importantes, toutes deux dans le calcaire tertiaire marin. Dans l’une, le char- bon est accompagné de beaucoup de pyrites ferrugineuses ; près de l’autre, à Fuente l’Éspiuo del Pino, nous ayons récolté quelques MM. DE VERNE UIL ET COLLOMB. — NOTE SUR L’ESPAGNE. 68B Hequienia de la formation crétacée, ainsi qu’a Jumilla, suivie rocher du vieux château, dans un calcaire dur et caverneux. Le gypse et le sel du trias reparaissent un peu à l’O. de Jumilla. Cette dernière ville est assise au bord d’une grande plaine fertile, dirigée à peu près E.-O. et à A91 mètres au-dessus de la mer. En face , au sud-est s’élève la montagne de Santa-Ana , avec son pittoresque ermitage. Cette sierra forme un massif allongé, entouré de plaines; elle change de nom dans son prolongement vers le sud, et, sous la dénomination de Sierra-Larga, s’avance du côté de Zieza. Elle est composée d’un calcaire dur magnésien, où nous avons trouvé quelques fossiles de la craie mal conservés. Au sommet de la montagne, à 9A5 mètres, il y a une petite source dont la température est à 12°. A l’E. de Jumilla, et en laissant â notre gauche la Sierra del Buey, nous arrivons à la saline de la Rosa, qui a une assez grande im- portance dans le pays. Le sel gemme, en dépôt puissant, y est enclavé dans des gypses rouges et blancs ; la stratification est bien accusée, et les couches sont très relevées. A leur base, nous avons trouvé des bancs de calcaire marbre, de couleur noire, avec des veines spathiques blanches, sans fossiles. Dans ce même gypse, une roche éruptive dioritique s’est fait jour, et, à son contact, des bancs de dolomie rouge sont remplis de cristaux exaèdres de fer oligiste. Tout ce système gypæux et salifère plonge au N. 25° E. il est surmonté en complète discordance par une masse de calcaires jaunes crétacés, plongeant au S. Nous y avons trouvé la Requienia carinata , la Rlicatula placunea, la Terebratula lata , V Orbitolites conoidea et des Montlivaultia , très voisins d’une espèce du terrain4 jurassique. Craie. Trias. Craie, SÉANCE DU 16 JUIN 1856. 68 h Près de la saline s’élève une haute montagne, la Sierra del Carche, entièrement composée de roches crétacées. Cette montagne offre, depuis sa base jusque près du sommet, une alternance trois fois répétée de masses calcaires considérables avec des systèmes moins épais de sables blancs et de grès. Les dernières assises du sommet sont composées d’un calcaire dolcinitique très dur, sans fossiles, analogue à celui qui constitue la Sierra-Ana, et qui couronne le sommet de la Mariola au-dessus d’Alcoy. Sous la domination romaine, ce point élevé a été l’objet d’une exploitation industrielle; on y trouve de grandes excavations en tranchées profondes, dont on n’aperçoit pas le fond, et l’on ne se rend pas compte du but de ces travaux, la roche étant stérile, sauf quelques filons d’albâtre jaune, qui peut- être auront tenté les anciens explorateurs. Les fossiles que nous avons recueillis dans les sables, les grès et les calcaires qui alternent du bas en haut de la montagne, sont les mômes que ceux que nous avons déjà trouvés, soit au sud d’Almansa, sur le chemin de Yecla, soit à Fuente-Lespino, près de Jumilla, et ils paraissent devoir être rapportés au terrain néocomien supérieur, ou au terrain aptien. Ainsi, les espèces les plus communes sont des grands Requienia , une Radiolite voisine du Jtt. polyconilites , une grande Ostrea voisine de l’ O. oquüo, la Janira atava et des Orbitolites. La Sierra del Carche est un des points les plus élevés de cette contrée : son altitude moyenne est de 1380 mètres, tandis que celle de la saline de la Rosa, située au pied même de la montagne, n’est que de 60û ; cette différence de niveau de 776 mètres peut donner l’idée de l’épaisseur de la craie, les couches du Carche n’étant géné- ralement pas fort inclinées. De son sommet nous reconnûmes que le massif dont il fait partie s’unit, sans discontinuité, avec la chaîne de Salinas que nous avions visitée deux ans auparavant, et qui est composée de craie recouverte par la formation nummulitique. De ce même point nous vîmes aussi, dans la : grande plaine qui nous sé- parait des montagnes de Crevillente et del Rollo, s’élever le dôme surbaissé du Pinoso, avec ses gypses et ses immenses amas de sel. Pendant que notre œil cherchait à reconnaître ces montagnes où, dans un précédent voyage, nous avions trouvé la formation juras- sique. il atteignait à l’O. les collines de Hellin, ainsique les montagnes de Moratal a, où règne celte même formation ; et alors nous nous demandions comment on pouvait expliquer son absence dans tout le district intermédiaire de Jumilla, où les marnes du trias sont si souvent en contact avec la craie. En quittant le Carche, les grès et les calcaires de la craie dispa- raissent complètement, et on n’en voit plus de traces dans la direc- MM. DE VEIINE U IL ET COLLOMB. NOTE sur l’espagne. 685 lion de Murcie et de Carthagène. A quelques lieues de la saline, sur la roule de Fortuna, on pénètre dans le terrain miocène marin avec des Pecten et de grandes Ostrea. Cependant il y a encore une pe- tite chaîne de montagnes qu’il faut traverser avant de pénétrer définitivement dans la plaine : c’est la Sierra de la Pila, dont les pics les plus élevés sont, l’un à 1238, et l’autre à 1 269. mètres au- dessus de la mer. Les dolomies et les brèches calcaires dont cette sierra est formée sont très pauvres en fossiles; mais une Am- monite trouvée dans un des torrents qui en descendent, près de Fortuna, nous a donné la certitude qu’il y existe des calcaires jurassiques (oxfordjens)* et que sa composition n’est pas très diffé- rente de celle de la Sierra de Crevillente, dont elle est Te prolon- gement. Immédiatement à sa base sud , on trouve les molasses miocènes à OUraa cmssisstma qui plongent vers la Pila, comme pour s’enfoncer sous sa masse, mais qui très probablement viennent butter contre elle. Sur la pente nord de cette montagne, à 300 mè- tres environ au-dessous du sommet, on a établi une glacière artifi- cielle, où l’on conserve la neige pour les besoins de Pété. A partir du pied sud de la Pila, nous entrons dans une contrée toute différente de celle que nous venons de traverser; le niveau moyen du sol subit un abaissement considérable. Au nord de celte petite chaîne les plaines se maintiennent à une altitude de 500 mètres environ , tandis qu’au sud, à Fortuna, elles descendent à 185. Le climat change subitement, et devient presque africain. A Fortuna, le 5 mai les orges sont en pleine maturité et les paysans occupés a ies couper. On y voit déjà quelques beaux palmiers dattiers et quelques champs de cactus-cochenille. Les maisons rappellent aussi une con- trée chaude; elles n’ont pas de toit et sont construites en terrasses, à la manière arabe. Cette plaine, dont le fond est tertiaire et d’alluvion, entoure des montagnes groupées par petites chaînes, qui simulent des îles, et dont la composition géologique est différente de celle des montagnes que nous avons vues jusqu’ici. Ces chaînes détachées sont le commen- cement d’un grand système de roches métamorphiques qui borde tout le littoral de l’Espagne, depuis la province dé Murcie jusqu’à Malaga et Gibraltar. On les appelle Sierras de Caüosa et d’Orihuela. Elles sont composées de schistes argileux et talqiieux, et de calcaires bleus pénétrés de roches dioritiques vertes, analogues à celles que nous avons souvent trouvées dans le trias. A quelques kilomètres au sud de Fortuna, au milieu de la plaine, nous fûmes frappés par l’aspect d’un monticule dont la teinte noire tranche avec les teintes blanches et rouges des gypses et des marnes 6 86 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. tertiaires qui l’environnent, et nous reconnûmes que cette proémi- nence, qui ne s’élève que de 12 à 15 mètres au-dessus du niveau du sol, était un ancien cratère volcanique, circulaire, de AO à 50 mètres de diamètre. Ce petit point éruptif, isolé, s’appelle el Cabezo negro. Le bourrelet qui forme le pourtour du cratère, ainsi que son intérieur , est composé d’une roche noire spongieuse , analogue aux scories volcaniques modernes. Cette roche, que nous avons soumise à notre ami M. Delesse, lui a paru assez curieuse; elle est, selon lui, formée par une pâte brune, dans laquelle sont disséminées des lamelles très nombreuses de mica brun tombac, en sorte qu’elie ressemble un peu , sous ce rapport, à la minette des Vosges ; mais elle en diffère cependant par les cavités et les cellules qui la traversent, et qui la rapprochent des roches volcaniques. A Qrihuela, au premier étage de la posada de la Pisana, nous ne sommes plus qu’à 28 mètres au-dessus du niveau de la mer. La ville, divisée en deux par la Segura, est assise au bord d’une des plus riches plaines du monde. Les eaux de la rivière, distribuées sur les terres avec beaucoup d’art, leur donnent une extrême fertilité. L’hi- ver est pour ainsi dire inconnu dans ce pays; une récolte succède à une autre pendant presque toute l’année. Le palmier-dattier y est cultivé avec succès ; le cactus-figuier, le grenadier, l’oranger et le citronnier y sont très abondants, ainsi que la vigne, le mûrier et l’olivier. D’Orihuela à lYiurcie on remonte le cours de la Segura sur sa rive gauche, en suivant le pied d’une chaîne métamorphique qui limite cette riche plaine du côté du nord et dont la cime prend le nom de Pico del Âguila. Au pied d’un pic élevé, composé de roches schisteuses analogues à la grauwacke, nous visitâmes, près di San- tomera, une mine de cuivre abandonnée, la Mine de la c an flanc e ; le minerai y est accompagné de quelques pépites d’or. Cette chaîne se termine brusquement à Monteagudo, près de Murcie, où elle forme un promontoire contourné par la Segura. A Murcie, un de nos premiers soins fut de monter sur la tour de la cathédrale pour prendre une idée générale de la configuration du pays, et rectifier autant que possible les erreurs résultant de l’extrême imperfection des caries de la contrée. Dans la direction de l’est un peu nord, s’étend la belle huerta que nous avons traversée en venant d’Orihuela. Ses bouquets de palmiers, qu’on aperçoit au loin de distance en distance, lui impriment un cachet tout à fait orien- tai. Cette plaine est encaissée entre deux chaînes de roches métamor- phiques, qui sont : au N. la Sierra del Aguila, el au S. celle de Carrascoy. Complètement dépouillées de verdure, ces montagnes MM. DE VERNEUIL ET COLLOMB. NOTE SUR ^ESPAGNE. 687 montrent leurs flancs nus et arides, qui fout un contraste frappant avec l’abondante végétation delà huerta . Au N.-E. , l’horizon est limité par la Sierra d’Orrhuela et celle de Grevillente près d’Elche ; au N. , par la Sierra de la Pila ; au N, -O., par la Sierra de Ricote, et à l’O. , par la Sierra d’Espuna. A Murcie, nous eûmes l’avantage de rencontrer deux ingénieurs des mines distingués, MM. José Grande et Benigno Arce , qui eurent la bonté de nous accompagner dans une course à travers la chaîne métamorphique de Carrascoy, au S.-E. de la ville, sur la route de Carthagène. Celle montagne est traversée par de nombreux filons de roches ignées, M. Grande nous fit observer, à cette oc- casion, qu’en générai, dans le royaume de Murcie, les éruptions de dioritesont accompagnées défilons de cuivre, et les éruptions de tra- chées de liions de plomb ; selon les mineurs du pays, diorite et cuivre, trachyte et plomb, vont toujours ensemble. Le point culmi- nant du col où passe la route de Carthagène, le Puerto de laCadena, est à la hauteur de 366 mètres. Le Caslilio del Puerto, vieille con- struction mauresque qui domine le coi, a 538 mètres, tandis que la moyenne de plusieurs observations faites à Murcie au premier étage de la posada de San- Antonio, ne donne que 53 mètres au-dessus du niveau de la mer. Au sud du Puerto, les argiles miocènes marines du Campo de métamorphiques de la Sierra de Carrascoy ; au nord, du côté de la plaine de Murcie, elles sont fortement redressées et tellement modifiées au point de contact des roches anciennes et des diorites, qu’il est quelquefois difficile de tracer une limite exacte entre ces roches, quelque différentes qu’elles soient. De Murcie à Baza. — À quelques lieues de Murcie, sur la route de Lorca, dans les argiles et les gypses tertiaires, il y a une source salée qui donne lieu à une petite exploitation ; la température de ia source esta 19°. Les eaux se réunissent dans des bassins carrés, de 8 à 10 mètres de côté, peu profonds, où elles sont soumises à l’éva- poration spontanée, procédé très simple, mis en usage dans toute celle partie de l’Espagne. Plus à l’O. , à Alhama, au pied d’un rocher de conglomérat tertiaire, qui s’appuie sur des roches métamor- phiques, il y a une source minérale très abondante, dont la tem- pérature est de l\ 2° ; rétablissement qu’on y a formé attire dans la saison un grand nombre de baigneurs. Ces différentes sources, soit salées, soit thermales et minérales, qui surgissent ainsi à ia surface du terrain tertiaire, ont probablement leur origine dans les terrains sous-jacents plus anciens. Aihama, qui touche cependant encore à la 688 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. piaine, est déjà plus élevé que Murcie et se trouve à 230 mètres. En partant d’Alliamà; nous avions i 'intention de faire l’ascension d’une montagne intéressante, la Sierra d’Espuna, que nous avions vue à distance, bien avant d’arriver à Murcie. Nous traversâmes d’abord, à la Ttambla del Molino, des conglomérats et des grès jaunes tertiaires, presque horizontaux, avec Ostreçi çmssissiwu. puis une série de grès rouges et gris, fort durs, et de calcaires bleus méla- morpSiiques avec gypse, appartenant probablement au trias. En continuant l’ascension du côté du S., des calcaires avec des Num- mulites commencent à se montrer, puis sont remplacés par des bancs de calcaires jaunes, compactes, dans lesquels nous recueillons une grande Ammonite jurassique (A. plicatilis)^ .ceux-ci disparais- sent à leur tour, et les calcaires pétris de Numinuliles reviennent au jour, pour se continuer jusqu’au sommet de la montagne. Le Cortijo de Sa Nieve, ou glacière artificielle située au pied du pic du côté nord, est sur le calcaire nummulitique. Du sommet de l’Espuna, on voit distinctement la Méditerranée dans la direction du S. et du S.-E. . par-dessus la chaîne côtière d’Almazarron et de Cartîiâgenè. Du côté de l’E. , la vue s’étend vers les montagnes d’Alicante, la Sierra de Crevillente et celle de Font- Calente. En suivant l’horizon, après avoir reconnu les sommets de la Pila et du Carche, nous apercevons, vers le N.-E., la Sierra de Meca prèsd’Almansa, à 120 kilomètres en ligne droite; au N.,, le LMorchon de Zieza ; plus à l’O. , les montagnes d’Alcaraz et de la Segura ; à l’O. un peu N., la Sagra Sierra, qui surgit au-dessus de tout le massif mon- tagneux environnant, et qui, au 10 mai 1855, est encore couverte de quelques plaques de neige Enliu àl’O., un peu S., nous décou- vrons un grand massif, qui offre l’aspect de la chaîne du Mont-Blanc, vue des hauteurs de Lyon : c’est la Sierra Nevada, complètement blanche de neige ; sa distance en ligne droite est d’environ 150 kilo- mètres; malgré son éloignement, l’air étant très pur et sa hauteur étant de 3500 à 3600 mètres, on l’aperçoit d’une manière très nette et très distincte. La hauteur de la Sierra d’Espuna nous donne une moyenne de 158 i mètres. Nous passâmes la nuit au pied de la Sierra dans le Cortijo (1) de Malvariche, à 850 mètres au-dessus de la mer. Les calcaires sableux peu consistants des environs du Cortijo sont pétris de Numinuliles, grandes et petites [N. perforata, N. yranulosa). Nous y avons trouvé aussi beaucoup d’Oursins en bon état de conservation, cir- constance rare dans les fossiles de ce pays (!) On appelle ainsi des fermes ou maisons jsolé^ . de ç^m^leurs. MM. DE VERNE IJ IL Et C0LL0MB. NOTÉ SUR L’ESPAGNE. 689 dalis , d’Arch. , Schizaster Newboldi, ici. ), et enfin la Pholadomy a Puschii , Golclf. Après avoir quitté le terrain nummulitique, et avoir traversé de nouveau une ceinture de grès rougeâtre et de calcaire bleu en couches fortement redressées, nous entrons dans une vaste plaine composée de conglomérats, d’argiles, de marnes et de calcaires tertiaires ma- rins, qui nous conduit jusqu’à Lorca. Cependant, à notre gauche au pied de la falaise tertiaire, et dans la dépression qui de Lorca s’étend vers Murcie, affleure une bande étroite de roches schisteuses noires que nous avons étudiées près de la ville. Cette bande est interrompue à Lorca même, pour faire place à un détroit de terrain tertiaire et donner passage à ia rivière; puis elle prend un grand développement dans la direction de FO. et forme la Cuesta de V.iotar et la Sierra de las Estancias. Les roches prédominantes sont des conglomérats à fragments de micaschistes et de quarzites, des schistes micacés tal- queux ou argileux, satinés, et des calcaires bleus ou noirs, le tout en couches fortement relevées. Ce sont les mêmes terrains qui se pro- longent jusqu’à la Sierra Nevada, et que, sur notre carte, nous avons coloriés comme métamorphiques. Les argiles et les marnes tertiaires de Lorca sont assez bitumi- neuses, et riches en dépôts de soufre; plusieurs mines sont en pleine exploitation; le soufre y est en couches réglées, intercalées dans les marnes; les bancs plongent de 25° à 30° vers FO. Le minerai mêlé d’argiles est distillé à l’usine dans de grandes cornues en fonte. C’est dans ces lits avec soufre qu’on trouve de temps en temps des poissons fossiles. Nous avons été assez heureux pour nous en procurer quel- ques exemplaires. Noire ami M. Cocchi croit y reconnaître, outre VAlosa elongata, Agass. , une espèce du genre Chipe a et une autre du genre Scriola. Ces fossiles, les seuls qu’on y ait remarqués, rappellent beaucoup les espèces d’Oran , sur la côte voisine de l’Afrique. Les marnes gypscuses et bitumineuses avec soufre et pois- sons, sont à quelque distance de Lorca, et bien distinctes des, mo- lasses et des grès, qui contiennent le Clypecistcr al tus et la grande Ostrea crassissimci. Ces derniers dépôts paraissent être inférieurs. Il y a aussi à Lorca un certain nombre de fabriques de salpêtre. La terre à salpêtre se trouve à la porte même de la ville; pour en ex- traire le nitrate on la mêle avec de vieux plâtras, on l’expose à Faction de l’air, on la lessive et on concentre le liquide poûr le faire cristal- liser. De Lorca, qui est à 3 mètres au-dessus de la mer, nous nous dirigeâmes à l’O., vers la Sierra de la Culebrina, en pas- sant par les deux pantanos , le pantano de Abojo et le pantano Soc. gcol,, 2e sér., tome XIU, 44 690 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. de Arriba , grands travaux d’art, entrepris vers la fin du siècle dernier, pour faire des retenues d’eau , des réservoirs grands comme des petits lacs, et en régler le débita volonté, au moyen d’un barrage en maçonnerie d’environ 50 mètres de hauteur. Mais les murs du pantano inférieur n’ont pas résisté longtemps à la force de pression exercée par les eaux accumulées dans ce lac ; vers 1792 les digues se rompirent, et il en résulta une inondation désastreuse, qui oc- casionna la ruine de la partie basse de la ville de Lorca. Quant au pan- tano supérieur, il est aujourd’hui comblé par le limon qu’ont entraîné les eaux qu’on y rassemblait des hauteurs environnantes. Par suite de cette incurie de l’administration, la grande plaine de Lorca, privée d’arrosement, se transforme en désert. La montagne la plus élevée de la Sierra de la Guîebrina s’appelle le Gigante; elle est composée en entier, ainsi que les environs du pantano supérieur et du Cortijo de Juan de Merlo, où nous pas- sâmes la nuit, d’un calcaire très blanc sans fossiles, formé de l’agglomération d’une infinité de petites oolithes. C’est sans doute celte structure oolithique qui a déterminé M.Ramon Pellico, le pre- mier géologue qui ait visité cette sierra, à la placer dans le terrain jurassique; nous n’avons pas cru devoir changer cette détermination, que nous regrettons toutefois de n’avoir pu appuyer de preuves pa- léontologiques. Le sommet du Gigante, suivant nos observations baro- métriques, est à ld96 mètres, De la Sierra de la Cuiebrina nous avons gagné l’Andalousie par Yeiez-Rubio. Cette ville, située à l’extrémité d’une plaine assez fertile, bien qu’élevée , est à 831 mètres, sui\ant notre moyenne barométrique, observée à la Posada du duc d’Albe L’oli- vier, la vigne, les céréales, y sont les principales cultures. Au S. de Yelez-Rubio, la Sierra de las Estancias et celle qui lui fait suite, la Sierra de Oria, courent dans la direction de L’O. -S.-O. , et sont formées de schistes argileux et de calcaires bleus métamorphiques. Parallèlement à leur direction et en suivant la rive droite du Rio de Yelez, nous avons reconnu une longue bande d’environ 25 à 30 kilo- mètres de calcaires et de grès nummuiitiques, qui commencent à Veiez-Rubio et s’appuient contre le pied de la chaîne métamorphique, en se prolongeant vers las Yenientes et Chirivei. Cette bande, large de k à 5 kilomètres, quelquefois moins, est peu montueuse et n’offre que des proéminences rçcheuses sur quelques-unes desquelles se trouvent de vieux châteaux. Au nord elle s’appuie sur une chaîne élevée, la Sierra Tdaria et la Sierra de Cullar, qui appartiennent au terrain jurassique. 1 ' ()tî i firotc'i b ! ci os HHjf:? î ?j O., bordée au S. par le terrain métamorphique et au N. par des calcaires jurassiques. Les eaux qui circulent dans celle vallée se partagent à son point culminant, près de las Vertientes, sur la route de Grenade, à une hauteur de 1137 mètres; à l’est, elles gagnent la Méditerranée par le Rio de Velez et de Lorca, ou plutôt se perdent et s'évaporent avant d’y arriver; à FO., elles se rendent à l’Océan par le Rio de Baza, le Guardal et le Guadalquivir. La mer nummulitique qui pénétrait dans ce détroit, communiquait probablement dans la direction dti l’E. -N. E. avec une mer plus considérable* dont les dépôts se reconnaissent aujourd’hui dans la Sierra cl’Espuna, dans les montagnes des envi- rons de Zieza, et, plus loin, dans la Sierra de Ci evillente, les collines des environs d’Alicante et les hautes montagnes, telles que l’Aïtana qui séparent cette ville du cap San-Antonio. A Velez-Rubio, le î 5 mai, par un ciel bleuet pur, la violence du vent d’O. était telle, qu’elle ne nous permit pas de continuer notre voyage. Nous nous contentâmes de visiter le vieux château, et de monter sur le pic le plus oriental de la Sierra de Maria, qu’on appelle ie Maïmon, lequel n’est séparé du pic de Montajbiche et du Giganle que par la plair.e qui conduit de Velez-Rubio à Velez-Blanco. Le lendemain, après avoir fait notre provision de Nummulites, nous nous dirigeâmes vers le S.- O., en traversant la Sierra de las Estan- cias, par un défilé appelé la Boca de Qria, qui est taillé à pic sur une hauteur de 300 h fiOO mètres dans les schistes satinés plus ou moins quartzeux ou calcaires. De grandes masses calcaires couron- nent ordinairement les sommets; elles sont dolomitiquçs, tandis que 692 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. les petits bancs subordonnés aux schistes passent à de vrais calcaires cipolins. Le village d'Oria, situé sur le revers méridional de la Sierra, à deux lieues du point où débouche le défilé, esta 1054 mètres d’altitude; l 'Agace americana y végète encore cependant là où elle trouve une exposition convenable. Avant d’y descendre, on a une belle vue sur la mer, du côté de Vera, et sur la chaîne de Eilabres et le pic de Bacares. Les schistes et les calcaires métamorphiques se prolongent dans la direction du sud jusqu’à Lucar, mais sur ce point ils sont interrompus par une plaine où se trouvent les bourgs de Seron et de Purchena, situés au pied de la Sierra de Fiiabres. A l’ouest de Lucar s’ouvre une grande plaine de 25 kilomètres de largeur, indiquée sur les caries de l’Andalousie sous le nom de Dé- sert de Jauca. C’est en effet un désert, en ce qu’on n’v trouve ni villages ni habitations. Cette vaste et haute steppe, orientée N. -S., s’étend jusqu’à Benamaurel et Huescar. Elle a pour limite à l’est les Sierras de Maria et d’Oria, entre lesquelles règne une dépression qui, par Veiez-Rubio, communique avec Lorca. Une autre dépression, entre les montagnes de Lucar et celles de Bacares , la met en communication avec les plaines basses de Yera et la Méditerranée. A i’O. elle vient s’appuyer contre la Sierra de Baza, le Jabalcoî, et, pénétrant du côté de Pozoalcon, elle borde les montagnes de Cazorla. Elle est composée en général de marnes gypseuses, légères et blanches, qui, s’échauffant sous le feu d’un soleil africain, fatiguent beaucoup les yeux des voyageurs. A Benamaurel on y exploite du soufre. Le sol, peu fertile, est envahi par une graminée à tige tenace et textile, qui sert à faire des nattes, des tapis, des paniers et des cordages, et qu’on appell e Êsptifto. Cette plaine §st traversée du S. au N. par le Rio de Bazà, qui se jette dar.s le Guadalquivir, et dont le niveau en face de Baza est à 822 mètres au-dessus de la mer. La ville est située sur ie penchant des collines de grès et de cal- caires tertiaires qui bordent la rive occidentale de la steppe, et elle est entourée d’une riche Imerta. De Baza à la Sierra Maria et à Huescar. — Au N. -O. de Baza se trouve une montagne isolée, le Jabalcoî, qui domine la contrée envi- ronnante; elle est tout entière formée de caLaires compactes, d’un blanc gi'is, éù les fossiles sont très rares. Ce n’cst qu’après avoir chwché longtemps que nous sommes enfin parvenus à y découvrir une Ammonite jurassique (A. plicalUis).- Le Jabalcoln’esL séparé de la Sierra Nevada que par la Sierra de Goiv et la vallée cîeï Cuadix;, c’est-à-dire par une distance d’environ 60 kilomètres en ligne dfrôtét diûi'si ; 'ajtèfcçevait-on très bien du sommet du Jabalcoî les MM. DE VE UNE CIL ET COLLOMB. NOTE SIR l’eSPAGNE. 693 détails de structure de celte célèbre chaîne avec ses deux j oints culminants, le Picaclio de Veleta et le Mulahacen. La Sierra Nevada était le 18 mai couverte de neige, dont la limite inférieure paraissait suivre une ligne horizontale, qui se maintenait à une hauteur évaluée approximativement à 2200 mètres ; le sommet du Mulahacen étant à 1350 mètres plus haut (1). On apercevait aussi des taches de neige au N. -N.-E. sur la Sagra Sierra, et à l’0., un peu N., sur la Sierra de Jaën. A partir du Jabalcol nous traversâmes de nouveau le désert de Baza pour gagner Cullar (888 mètres), où nous recueillîmes des fossiles tertiaires, plus ou moins analogues à ces singuliers Cordimn [C: pseudocardhm), si abondants dans le calcaire des steppes de la Crimée et de la Russie méridionale (2). Aux villages de las Ver- lienles et de Chiriyel, nous retrouvâmes les Nummulites dans des calcaires très durs faisant partie de la bande nummulitique de Velez-Rubio. L’ascension (juc nous fîmes à la Sierra Maria, sur les deux pics principaux (2033 et 2039 mètres), nous confirma l’existence d’un giand système jurassique dans cette partie de l’Espagne, système dont la direction serait à peu près de i’E.-N.-E. à l’O.-S.-O; Les fossiles y sont moins rares qu’au Jabalcol, et en gravissant la pente méridionale, nous fûmes assez heureux pour trouver, près d’une ferme où nous passâmes la nuit, les espèces suivantes : Ammonites Bakeriœ, Sow., A. plicatilis, id. , A. eoronatus , Brong., Aptydips lotus , Park. , etc. En descendant les pies rocheux de la Sierra Maria, un acci- dent arrivé à l’un de nous le priva, pendant le reste du voyage, de l’usage de sa main droite, et il dut renoncer pour le moment à se servir de son marteau. Pour aller du village de Maria à Huescar, on traverse la partie N-.-E. de la grande steppe de Baza, qui, de ce côté, est beaucoup plus fertile. Huescar, petite ville bâtie au pied de la Sagra Sierra, est un peu plus élevée que le reste de la plaine; elle est, suivant notre moyenne, à 955 mètres. On y jouit d’une vue étendue, mais pendant la journée que nous y restâmes, la plaine fut couverte d’un brouillard sec nommé çaiincis, qui prend une teinte bleue ou rouge, (i) D'après des nouvelles mesures que vient de nous communiquer M. Ci de Prado/ le Mülahacen n’aurait que 3400 mètres. ( 2 ) J\ u s dm m hë > ffîJrul'ù P ar M M , M u rchi.so de Vern eu i 1 e t Kevser- 1 i n g , ; vol, I * P?? ; % 99 • ,• -ttt. d ddogi 0 j (te Ui Çrinire, par M , ,d e Verneuil (Mém. Soc. géoi, de France, vol. III, p. 51), pl. I). 694 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. suivant ie degré d’élévation du soleil au-dessus de l’horizon, et qui a la propriété de faire paraître les divers objets, les montagnes, entre autres, beaucoup plus loin qu’ils ne le sont réellement. Ces culinas, qui n’apparaissent que dans les temps chauds et secs, ressemblent plutôt à une poussière répandue dans les parties inférieures de l’atmosphère qu’à de la vapeur d’eau. De Huescar à Morcitalla , Caravaca et Zieza. — A Huescar, nous cherchâmes à prendre quelques renseignements sur la meilleure manière de parvenir au sommet de la Sagra Sierra; mais tout ce qu’on put nous dire était peu satisfaisant, personne dans la localité n’ayant fait cette ascension; nous crûmes môme nous apercevoir que quelque préjugé mystérieux régnait à ce sujet dans le pays. Les auteurs qu’on pouvait consulter, à l’exception de N. Willkomm (1), dont nous n’avions pas l’ouvrage, sont aussi muets que les habitants de Huescar, et les géographes placent la Sagra Sierra beaucoup trop au N. de la ville. Celte partie montagneuse de l’Andalousie est, du reste, une de celles qui est le plus mal représentée sur les cartes. Pour avoir une idée d’ensemble du pays, nous fîmes d’abord une petite reconnaissance sur une montagne voisine, le Cerro de Pedro- Iluiz, d’< ù l’on voit parfaitement la Sagra, et le lendemain, nous nous acheminâmes vers le pied de la montagne en passant par le Cortijo-Nue\o ou Cortijo de Aîasa, localité précieuse pour le géo- logue, et oiwious fîmes une abondante récolte de petites Ammonites de la formation néocomienne. De là notre chemin était indiqué vers le Cortijo del Agua-Alta, à la base immédiate de la Sierra, où nous laissâmes nos mules. Cette partie de la montagne est couverte d’une abondante végétation de chênes verts, de pins, de thuyas, de grands genêts, de génevriers et de beaucoup d’asphodèles. Peu à peu, lorsqu’on monte, on voit cette végétation diminuer; les pins restent seuls, deviennent rabougris, clair-setnés, et disparaissent tout à fait à leur tour pour laisser la roche complètement à nu. Celle-ci est un calcaire argileux assez dur, en bancs légèrement inclinés. Nous y recueillîmes de distance en distance, depuis la base, près du Cor- lijo, jusqu’au sommet, soit dans la roche même, soit dans les débris éboulés, quelques Ammonites et Bélemmites appartenant au lias, parmi lesquels nous reconnûmes Y Ammonites Turneri , Sow. , et une espèce voisine de VA. Conybeari. Sur le sommet lui- même, nous découvrîmes à notre grand éton- nement, presque sous la neige, une pièce de monnaie à l’effigie d’un empereur romain. Qui l’y avait apportée en ce lieu sauvage, où (1) Die Ualbinsel der Pyrenaeni von Morilz Willkomm , 4 855. MM. DE VERNEUIL ET COLLOMB. — NOTE SUR L’ESPAGNE. 695 les bergers eux- mêmes ne moment jamais? Peut-être un citoyen de Rome, un élève de Pline, un curieux comme nous des grands spectacles de la nature. Le sommet de la Sagra est formé d’une arête rocheuse, culmi- nante, alignée N. -IL, S. -O. T/'s pentes du N. -O. sont pins fortes que celles du côté opposé : elles étaient couvertes de grandes plaques de neige de 5 à 6 mètres d’épaisseur. Cette arête est composée de trois mamelons principaux, et c’est sur celui du milieu, le plus élevé, que nous avons établi notre observatoire. La moyenne de trois observations, faites le 23 mai, de une heure à trois heures et demie, nous donne une hauteur de la colonne barométrique, de 574mn\50 (la température du mercure ramenée à zéro); la tempé- rature extérieure étant de 9 degrés. En calculant par Madrid et par Oran, comme nous l’avons fait pour toutes nos observations, et en tenant compte bien entendu de toutes les corrections , nous trou- vons une altitude de 2400 mètres. En ligne droite, la Sagra Sierra est à peu près à égale distance de Madrid et d’Oran. Le pic de la Sagra, qui, au sud, n’est séparé de la plaine que par les chaînes secondaires appelées Sierras del Muerto, de la Incanta, de Marmolance, etc., est, comme le pic du Midi de Bagnères, dans une position fort excentrique par rapport au massif principal qu’il domine. Aussi, du sommet de cette espèce de tour avancée, pouvions-nous avoir une idée du réseau montagneux assez com- pliqué où naissent la Segura et le Guadalquivir. A l’est de la Sagra, nous distinguions le Calar, au pied duquel est situé le village de la Puebla de don Fadrique-, et plus loin, la Sierra de la Sarza et celle plus haute, dite Sierra de las Cabras, qui se pro- longe vers Nerpio et d’où partent le Quipar et le rio de Caravaca. En continuant à parcourir l’horizon, nous voyions au N.-E. la Sierra d’Ana-Blanca et le Calar dèÎ Mundo; puis, plus près de nous, la Sierra de Grillemona (1) encore couverte de quelques plaques de neige. A mesure que nous ramenions nos regards vers le N., du côté du Yelmo de Segura, et surtout vers l’O. , il était facile de juger que la hauteur des montagnes augmentait, La neige, qui chaque année fond entièrement vers le mois de juin, présentait encore, le 23 mai, de vastes accumulations sur la Sierra Seca et la Sierra de Castril. Nous ne pensons pas que ce haut massif, ni celui dont fait (1) M. Willkomm dit n’aveir rencontré personne qui connût le nom de Gritlemona , qu’on lit sur la carte de Lopéz. Tous nos guides au contraire le connaissaient parfaitement, et nous ont désigné sous ce nom la chaîne la plus rapprochée de la Sagra vers le N.-E. 696 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. partie le long plateau appelé Campo de Hernan Pelea , à PO. de Mornillo, soient plus élevés que la Sagra ; mais comme ils occu- pent une bien plus grande surface, il est naturel qu’ils conservent plus de neige. C’est de ce côlé qu’est la source du Guadalquivir, et comme la petite ville de Cazorla se trouve dans le voisinage, le groupe entier prend quelquefois le nom de Sierra de Cazorla. Enfin, à une plus grande distance, entre PO. et le S., on voyait de hautes montagnes dans l’ordre suivant : la Sierra de Jaën, puis la Si rra de Rallo, la Sierra Nevada, le Jabalcol et la Sierra de Baza; entre le S. et l'E., la fêta de Bacares, la Sierra de Periate et la Sierra Maria qui en est la suite, et enfin le massif d’Espuna, sans compter beaucoup d’autres petites chaînes qui forment autour de ce remarquable horizon, un immense océan de montagnes. En descendant les pentes S. -O. pour regagner le Cortijo del Agua- Alta où nous passâmes la nuit, nous trouvâmes encore quelques Ammonites et des Bélemnites. Ee Cortijo lui-même esta 1A60 mètres. La Puebla de Don Fadrique est le village le plus rapproché de la Sagra. Situé à la limite de la province de Grenade, vers son extré- mité nord-est, il esta 1165 mètres au-dessus de la mer. Sur le chemin du Cortijo del Agua-Alta à la Puebla, près de l’ermitage de Las San- tas, les calcaires jurassiques disparaissent et sont remplacés par des grès, des calcaires argileux et des marnes où nous trouvâmes des Ammonites, ômMiWditer. voisins du M. brevis et VOstrea carinata ?, du terrain crétacé. A la Puebla de Don Fadrique, il y a quelques exploitations de gypse; puis, à 1 kilomètre au nord de la Puebla, le terrain num- mulitjque commence h se montrer. Nous trouvons des Nummulites d’abord dans les murs de clôture, puis dans la roche même, et nous ne quittons plus ce terrain jusqu’à Hornillo, en laissant la Sagra Sierra, et la Sierra de Grillemona à gauche, et la Sierra de las Ca- bras, à droite. Nous passons d’abord par le col del Hornillo (1676 mè- tres), puis dans une série de défilés déserts et sauvages, couverts d’une belle forêt de pins, appartenant au duc d’Albe. Le col est en grande partie composé de grès et de sable ; mais lorsqu’on approche du village, le terrain change et passe à l’état de calcaire grossier. Les Nummulites et les autres fossiles y deviennent très ra^es, et la rochev assez tendre, est percée de nombreuses cavernes qui ; serve nt d’ha* bitation. ? m .okpa/I oh 9isqàa anon En jetant les yeux sur -unBîCîHfetecelUî partie 4e IMtspagne, on voit que le village del Hornillo ou de Santiagtrdè la Espayla èsl^itaéi dans ui>ç des cpptrées k$£,plus désertes, au inilieO cl’ raveinégionî mon- tagneuse, complètement (lépomivtte de villes et dq villages, jet qui. MM. DK VERNE UIL ET CÔLLOMB. ~ NOTE SUR l’eSPAGNE. 697 située entre la Sagra et Segura, est quelquefois désignée sous le nom de Sierra de Segura. Tout ce système, compris entre Huescar au sud et la ville de Se- gura ou celle d’Alcaraz au nord, forme un réseau de montagnes assez compliqué, mais généralement allongé dans la direction de l’E.} N.-E., à l’O.-S.-O. C’est là que plusieurs rivières et des fleuves importants prennent leur source; Le Rio-Mundo, le Taibilla, le Qui- par, qui se réunissent tous au Rio-Segura, gagnent à l’est la Médi- terranée, tandis que le Guadalimar, le Guadalquivir et le Barbata vont à l’ouest se jeter dans l’Océan. Cet ensemble, au point de vue géologique, est exclusivement com- posé de dépôts sédimentaires. Les terrains secondaires et tertiaires, y compris le trias, y sont disposés en bassin, de telle sorte que les plus nouveaux occupent le centre de la région montagneuse et les plus anciens en constituent les bords. Les roches ignées y manquent complètement. Les masses éruptives les plus rapprochées sont les granités des environs de Linares et ceux du pont de Genave, à 5 ou 6 kilomètres au nord de Segura, qui appartiennent à un autre système de montagnes, à la Sierra Morena. Quelque désert que paraisse le pays sur les caries de l’Espagne, c’est cependant on des plus agréables à parcourir. Quand il n’y a pas de villages, le voyageur peut coucher dans des cortijos, ou fermes isolées, éparses c'a èü là dans la montagne, et où il trouve l'hospitalité la plus bienveillante et la plus honnête. Les habitants, vivant éloi- gnés des bruits du monde, sont, comme les marins, toujours prêts à rendre service. De Sornillo, nous descendons en suivant un torrent qui n’est marqué sur aucune carte, et qui coulant vers le N. -N.-E., va se jeter dans la rivière Segura. Ce torrent est profondément encaissé, et, à 2 ou 3 lieues de Hornilio, il arrose et fertilise quelques lam- beaux de terré labourables, où se trouvent çles chaumières qu’on appelle Sortijada ou hameau de Vîtes. Des couches de combus- tibles assez pauvres viennent y affleurer; elles appartiennent au grès vert, où des dépôts de ce genre abondent en Espagne. La coupure dans laquelle coule le Tliô: dei Homillo, et qui met à découvert, sur une; gïmâé*é.jwsseütV' lios; ■» calca ires et les marnes crétacées, n’a pas moins deiSôâamètresvs; Nous remontons ensuite sur le plateau acci- denté et aride qui nous sépare de Nerpio, en recueillant des Re- quieniaM < lès Radiüiùest’ a nalogues à la Requienià iœuvffatà et au R^dmlibes\pQUfianitU0Si; : n h à u * ; Avant «cTarriver à Nafpio- le ealcairë tertiaire blanchâtre qui ré- coii^reie plaifôïu^ù'eafeit'iiie dis des Operculines et des 698 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. grandes Huîtres. Le petit village de Nerpio, très mal indiqué sur les cartes, esi situé à la jonction do la petite rivière TaibjSia avec un ruisseau qu’on appelle Aiiagosa. Une grande chaîne, qui paraît être une ramification de la Sierra de las Cabras, limite au sud la rivière de Taibilla, et la sépare du Rio-Quipar. Le 25 mai, on y voyait en- core quelques taches de neige* à peu près comme sur le Calar del Mundo, près de Teste. Elle doit donc avoir, comn.g ce dernier, de 1650 à 1700 mètres. De Nerpio à la saline de Zacalin et à l’ermitage de San- Juan nous retrouvons la formation nummulitique et les cal- caires miocènes marins. La saline paraît être située dans un poin- tement de trias en couches très inclinées, au milieu (tes terrains tertiaires, qui le sont peu. Toute cette contrée est formée de plateaux fort élevés, coupés par des barrancos profonds, et couverts de bouquets de pins. Nos obser- vations nous donnent, pour Hornillo, ! 31 l\ mètres, pour Nerpio 1091, et pour la saline de Zacalin 1120. A l’est de Zacatin, la con- stitution géologique change; on entre dans le système des calcaires jurassiques qui font suite à la Sagra, et qui limitent au sud et à l’est le massif des montagnes de la haute Segura; puis une descente rapide mène à Moratalla, à la limite du terrain jurassique et du terrain tertiaire. Celte ville n’est qu’à 651 mètres au-dessus de la mer. La végétation change avec l’altitude, et les pins du plateau supérieur sont remplacés par la vigne, l’olivier, l’agave, et les cactus. De Moratalla à Caravaca (555 mètres) et à tehegin (542 mètres), nous avons traversé une contrée entrecoupée de vallons où l’on trouve des argiles, des gypses et des calcaires caverneux doiomitiques, le tout appartenant au trias. Cette contrée est dominée à l’ouest de Cehegin par une montagne de 739 mètres, où nous avons re- cueilli une assez grande quantité de fossiles jurassiques dont les formes caractérisent, les unes le groupe moyen ou l’Oxford-clav, les autres des couches plus anciennes. Ce sont des Térébralules voisines de la T. varians et de la T. plicata, Lamk. , un Aptj/chus voisin de VA. lamellosus, Y Ammonites tatricas, deux espèces qui rappellent les A. Constantii, d’Orb. , et Brongniarti, et enfin VA. Bakeriœ. A la porte de Cehegin, sur la rive gauche du Rio de Caravaca, nous avons examiné un riche filon de fer magnétique qui apparaît au milieu des gypses et des calcaires bleus et jaunes du trias. De Cehegin à Zieza, dans la même journée, nous avons traversé des terrains très variés : d’abord des .gypses., et des calcaires bleus doiomitiques du trias, avec des Avicuies, voisines de VA. socialit, et la petite Lima que nous avons déjà figurée comme provenant du MM. DE VERNEUIL ET COLLOMB. NOTE SUR l’eSPÀGNE. 699 trias de Royuela (1); puis des calcaires blancs marneux du terrain miocène; et de nouveau enfin, à la saline de Calasparra, le trias avec son calcaire bleu ou noir et des Avicoles. En approchant du Rio- Seguraet de Zieza, les calcaires sableux qiimmuli tiques se montrent au pied de la montagne qu’on appelle ei Morchon de Zieza. Ici, comme dans le nord du royaume de Murcie, le calcaire jurassique manque et paraît avoir été dénudé avant l’époque crétacée. La ville de Zieza, assise sur le bord du Rio-Seeura, est dominée par une montagne dite Sierra del Oro ou de Lloro. Son sommet (938 mètres) est formé de calcaires blancs dolomitiques de l’époque du trias, percés çà et là par des dioi ites, et vers la base elle est en- tourée de calcaires et de grès nummuljliques. Zieza est à 173 mètres, et le niveau du Rio-Scgura, qui baigne les murs de la ville, à 162. Cette rivière circule difficilement au milieu d’un dédaie de hautes montagnes sèches et stériles; mais il y a, de temps en temps le long de son cours sinueux, des anses un peu larges où l’on peut cultiver et surtout arroser les terres. Ces huertas successives, qui l’accompagnent tantôt à droite, tantôt à gauche, sont alors d’une fertilité extrême, grâce à un système d’irrigation habi- lement employé. Le val de Ricote, près de Zieza, qui se trouve dans ces conditions exceptionnelles, est renommé pour la richesse et la beauté de ses produits, principalement en oranges, citrons, limons, grenades, figues, etc. Le palmier- dattier y est cultivé avec succès, et ce luxe de végétation des bords de la rivière forme un contraste frappant avec l’extrême aridité des montagnes qui l’en- caissent. De Zieza à Hellin , Yeste et Segura. — De Zieza à Hellin, dans la direction du nord, la contrée n’est plus montagneuse ; c’est une plaine légèrement ondulée dont le fond, composé de terrain ter- tiaire, est entrecoupé par des chaînes peu élevées de calcaire crétacé, comme celles du Puerto de la Mala-Muger, de la Cabeza del Asno et la Sierra de las Cabras, toutes dirigées vers l’O. un peu S. A Hellin même (572 mètres), le terrain tertiaire est en contact à PE. avec des collines de calcaires marneux, où nous avons trouvé des Ammonites jurassiques (A. hiplex , Sovv.), et au S. -O. avec des dolomies, des grès rouges micacés et des conglomérats remplis de galets de quartz, probablement triasiques. De Hellin nous avons pris la direction de l’ouest pour visiter les montagnes du N. de la Segura, et celles où le Rio-Mundo prend sa (1 ) Coup d’œil sur la constitution géologique de Espagne (Bull. Soc. géol.y 2e sér., vol. X, pl. 3, fîg. 2, 1852). 700 SÉANCE DU itë JUIN 1856. source. Jusqu’à Socobos, nous nous sommes trouvés presque con- stamment sur un terrain tertiaire d’eau douce; delà à Teste, on pé- nètre dans une bande de terrain crétacé. La contrée devient monta- gneuse; elle est profondément sillonnée par la Segura, qui n’est qu’à 550 mètres au-dessus de la mer, tandis que Teste, placée à mi-côte sur les hauteurs qui dominent la vallée et au pied du Çajàrdel Mundo, est à 890 mètres. L’agave y végète encore, mais il est sans vigueur. On y trouve quelques traces de lignite dans les grès crétacés. Pour faire l’ascension du Calar, il faut traverser la montagne d’Ardel, qui sépare Teste du ruisseau de Tous, montagne crétacée composée de calcaire a Nerinea surmonté par des calcaires plus bruns avec Requienïa et Ostrea et par des grès, le tout couronné par une puissante masse de dolomie. Le Calar del Mundo offre .à peu près la même constitution. Nos observations barométriques donnent pour le Cerro Argeî, pic le plus élevé, 1658 mètres. Le 4 juin on y voyait encore quelques petites plaques de neige. Le revers nord du Calar est couvert de pins et de thuyas. C’est de ce côté, dans la pittoresque vallée du Rio-Muncîo, que se trouvent les riches mines de zinc et la grande fabrique de Itiopar, ou de San Juan de Alcaraz. Les gisements de calamine sont inter- calés entre des dolomies compactes et un mélange brechoïde de marnes dures et de fragments de calcaire, qui se trouve presque au contact du calcaire crétacé avec Rëquienid . Les trois principaux points où le minerai est exploité sont situés sur la rive droite du Rio* Mundo. Il y a aussi, très près de la fabrique, une source salée qui if est pas utilisée et des dépôts de grès rouge, ce qui nous porte à croire que cette mine se trouve au contact des dépôts triasiques avec la craie. Le directeur de la fabrique, don Juan Ugarle, nous donna l’hos- pitalité la plus bienveillante, et nous fit voir eu détail son bel établissement qui est en voie de prospérité. L’exploitation du mi- norai, la fonderie, le limage, le§ fours à recuire et le travail des objets de laiton manufacturés pour le commerce occupent environ 400 ouvriers. Au premier étage de la maison du directeur, la moyenne ba- rométrique nous donna 966 mètres. Au nord de la fabrique de San -Juan de Aicaraz, une diaîne assez élevée , le Cerro de Almenara , est composée de calcaire do'omitique. Sa crête rocheuse, fortement relevée, est coupée à pic du côté du nord, et son point le pius élevé atteint presque 1800 mè- tres. C’est la limite nord des hautes montagnes du groupe de la Se- gura, et on la désigne souvent sous le nom de Sierra d’Alcaraz.* SIM. DE VERNE D IL ET COLLOMïï. * NOTE SUR L’ESPAGNE. 701 Du haut du pic, la vue plonge au loin sur une grande parlie des plaines de la Manche, dont le bourg deBonillo paraît occuper le point culminant. On voit aussi au nord-ouest, et dans une profonde dépres- sion, l’extrémité de la Sierra Morena mieux que nous ne l’avions vue jusqu’à présent. De San-Juan de Alcaraz, nous nous sommes dirigés vers le S.- S.-O. , pour gagner Segura de la Sierra. A une petite distance de la fabrique, nous avons été voir les sources du Rio-Mùndo. Cette rivière surgit au fond d’un grand cirque, analogue au cirque de Gàvarnic, en formant trois cascades d’un volume d’eau considérable, étagées les unes au-dessus des autres et coulant sur des bancs horizontaux de calcaire crétacé. Le Rio- Guàdaiimar, tributaire du Guadalqnivir, prend sa source sur le re- vers opposé de ces mêmes montagnes, qui marquent ainsi le partage des eaux entre l’Océan et la Méditerranée. Cette haute région montagneuse, entre Viliaverde et Gotilîas, près de Siles et de Segura de la Sierra, est couverte d’une belle végéta- tion de pins; le sol est revêtu d’un épais gazon, chose rare en Anda- lousie. Dans le fond des vallées et des barra n cos , le trias règne avec ses dolomies cristallines, ses argiles et ses grès rouges. Près de Siles est une source salée exploitée dans les calcaires bleus et jaunes, où nous avons trouvé des traces de fossiles du musçhelkalk. Lorsqu’on s’approche de Segura, le calcaire argileux jurassique se montre sur quelques sommets et paraît occuper une zone, intermé- diaire entre la craie qui couronne le Yelrno et les couches triasiques qui prédominent au N. de la ville. Près de Segura de la Sierra nous avons trouvé V Àmmouité's plicatilis . La ville elle-même est située au contact des calcaires jurassiques avec Ammonites et des calcaires dolomitiques ; elle est dominée par un I vieux château et bâtie en gradins sur le penchant rapide des dolo- mies. Sa hauteur moyenne esl de 1112 mètres. Le Rio-Trojala, qui passé au pied de la ville , n’est qu’à 822 mètres, en sorte que la vallée a près de 300 mètres de profondeur. De Segura à Veas , Alcaraz et Albacete. — Lorsque nous quit- tâmes Segura, le 8 juin, nous dûmes, à cause de l’accident dont nous avons parlé, renvoyer à une autre année l’exploration des Sierras de Cazorla et de Jaëii, encore si peu connues. Nous nous décidâmes à faire seulement une dernière ascension intéressante : celle du Yelrno, au sud de Segura. Le sommet de celte montagne est composé d’un calcaire blanc un peu cristallin, tandis que vers la base , on rencontre des calcaires bruns, argileux, avec Ostrea , et des sables à lignites, comme nous eu 702 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. avions déjà vus à Yeste et à Yites. La masse entière du Yelmo, située au sud de la bande jurassique qui passe à Segura, appartient à la craie. Du sommet qui s’élève à 1811 mètres, on voyait au sud la Sagra» au sud-ouest les Sierras de Gazorla et de Jaën, et à nos pieds, dans la même direction, une profonde vallée où coule le Guadalquivir. Après avoir admiré ce magnifique panorama, nous sommes des- cendus dans la plaine de Hornos, qui communique d’un côté avec la vallée du Guadalquivir et de l’autre avec celle du Guadalimar. Près du village, il existe une ancienne mine de cuivre ou plutôt des travaux de recherche dans des lignites triasiques, au milieu desquels s’est formé du carbonate de cuivre. Le minerai y est trop peu abondant pour donner lieu à une exploitation. La plaine de Hornos est creusée dans les argiles et les marnes du trias, et quelques bancs de calcaire qu’on y rencontre contiennent des fossiles du muschelkalk, entre autres, la Myophoria Goldfussie t VAvicula socialis. A partir du Puerto de Yeas jusqu’à la petite ville de ce nom, on traverse des dolomies sans fossiles. A Veas même existe un lambeau de calcaire tertiaire avec Clypeaster altus. De cette ville, qui est à 575 mètres au-dessus de la mer, nous avons remonté le cours du Guadalimar jusqu’au pont de Getiave, où nous avons atteint un îlot de granité traversé par la rivière. Ce granité, qui ne présente rien de particulier dans sa structure, si ce n’est de très grands cristaux de feldspath, nous annonçait le voisinage de la Sierra-Morena ; et c’est en elfet la plus orientale des éruptions ignées qui accompagnent cette chaîne, où nous entrâmes bientôt en nous dirigeant au nord vers Albaladejo. La Sierra .Morenase fait reconnaître de loin par la végétation spéciale qui la couvre; on n’y voit plus de grands pins, ni de grands chênes comme dans les sierras que nous venions de quitter ; elle est cou- verte de buissons arborescents, très serrés, comme les maquis de la Corse, de lentisques, de lavandes, de chênes nains, de tamarins, de myrtes, d’asphodèles, et surtout de J aras ou Cystus , à fleurs blan- ches et à fleurs roses. Nul chemin tracé n’indique la roule qu’on doit suivre, et nous pénétrâmes dans ce fourré sans trop savoir comment nous en sortirions. Le sol où croissent ces arbustes est exclusivement composé de schistes argileux et de quarzites siluriens. Les fossiles du système silurien inférieur [Calymene Tristani , Asaphus nobilis) que nous y avons trouvés sont renfermés dans des boules de schistes argileux en voie de décomposition. Par ses caractères extérieurs, la Sierra Morena ne ressemble pas aux autres montagnes du pays ; elle se compose d’une série de col- MM. DE VERNE IUL ET COLLOMB. — NOTE SUR L’ESPAGNE. 708 lines peu élevées, qui se surcôdem les unes aux autres, dont le sommet est formé de couches de quarzites et les parties basses de schistes argileux. Les quarzites, qui résistent mieux à la destruction, constituent souvent des crêtes dentelées à contours capricieux, tan- dis que les schistes prennent des formes arrondies. A son extrémité orientale, au moment où elle disparaît sous des terrains plus récents, la Sierra Morena est une chaîne fort basse, ainsi que nous l’expliquerons tout à i’heure. Le niveau du Guadarmena, qui la traverse entre Genave et Albaladejo, est à 6ù2 mètres. A Albaladejo, premier village de la Manche (920 mètres), on quitte- la Sierra Morena pour entrer dans les grès rouges du trias, qui sont horizontaux. Entre Albaladejo et Monliel, où le calcaire siliceux repose sur les grès, le plateau s’élève peu à peu jusqu’à 1013 mètres; puis à Montiei, situé dans une dépression de grès, il n’est plus qu’à 892 mètres. Pour arriver aux sources du Guadiaiia en passant par Viilaher- mosa, on traverse une steppe horizontale de 15 à 16 kilomètres d’étendue. Ces sources comprennent une série de sept lacs. Les eaux, pures et transparentes, passent d’un lac à l’autre avec une pente très faible. Le pins élevé d’entre eux, la Laguna blanca, qui est la source même du Guadiana, nous a donné une altitude de 878 mètres. En quittant ce point, nous avons traversé un second désert, de 12 à 15 kilomètres, pour arriver à là saline de Piailla, dont l’altitude est de 98d mètres* et qui est en pleine exploitation. Les eaux salées sont traitées- par l’évaporation spontanée, dans des bassins carrés peu profonds, comme nous l’avons vu précédemment. Suivant M. le directeur de la saline, ces bassins, qui occupent une grande surface, sont au nombre dé 1350. üe la saline à Alcaraz, on suit, jusqu’à Villanueva de la Fuente, le plateau dont nous venons de parler, et sur lequel croissent çà et là d’assez beaux chênes; puis l’on arrive sur le bord d’une large dé- nudation qui a mis la sierra MoreÙa à découvert, et qui est le pro- longement de celle que nous avions traversée deux jours auparavant, entre Genave et Albaladejo. Le Rio- Guadarmena coule dans celte dé- pression, occupée par des schistes argileux et les quartzites du terrain silurien inférieur, en couches fortement inclinées. Sur l’autre rive de cet évidement , les grès rouges et les calcaires cristallins reparaissent en bancs horizontaux. En cei endroit, le Rio-Guadai mena est à 778 mètres, tandis que Villanueva de la Fuente, sur î’un des bords de la dénudation, est à 996 mètres, et Viauos, sur l’autre, à 1135. La dénudation a donc plus de 200 mètres de profondeur, et, sans Villanueva 704 SÉANCE DU 16 JUIN J 856. elle, toute cette extrémité de la Sierra Morena serait entièrement cacliéc par les dépôts postérieurs. Coupe de la dénudation qui a mis la Sierra Morena à découvert. » « ^ v » • j _ ^ yqhrll/da sfi üudupltil î9 xasliSi !’ s La ville d’Alcaraz est située a la pointe extrême de la Sierra Mo- rena ; le rocher du vieux.châtèaü est sur les quarizites siluriens, et la ville est bâtie /en partie sùr les argiles bigarrées et sur les grès rouges du trias qui sont horizontaux et complètement discordants avec les bouchés silurieiïWesr fc’altituded’Alcaraz, suivant la moyenne de plusieurs observations, est de 961 mètres. t soklrmsnaeylcks ÛVO D’Alcaraz à AlbaCèfe, en ' tournant le dos à la Sierra Morena, nous 3ns laissé a gauche'' teà'gfatfd&s ' pleines de la Manche, et à droite 1 * V, Jv • , , ■ , , , , , la chaîne d’Almcnara, qui, tout eh perdant de sa hauteur et en changeant de nom, se continue a l’est jusqu’à las Pèîîas de San- Pedro. Le chemin (pie nous avons suivi est pratique sur le versant nord de ces mohîàghés, et traverse les villages cle. Çilleruelo, Mase- goso, Péfiarubia et Grlsto deî Sàucô. Ôn rencontre çà et là, sur le trias, dés lambeaux de ce terrain tertiaire marin , horizontal ou peu incliné, que nous avFtfhs déjà vu à Via nos, près d’Alcaraz, et ce n’est pas sans étonnement (pi’on trouve des dépôts aussi récents (miocènes) portés à une pareille hauteur. En effet, ils atteignent 1135 mètres à Vianes,1107 à Masegoso, et i080 à las Penas de San- Pedro. Cette dernière montagne, que surmonte un vieux château et qui s’aperçoit de si loin au milieu des plaines de la Manche, marque, en même temps que l’extrémité de la Sierra d’Alcaraz, Je point où le terrain miocène marin est interrompu pour faire place au terrain d'eau douce qui s’étend vers Albacete, Vianos, M35. MSI. DÉ VËRNEU1L ET COtLÛSIB. — NOTÉ SUR L’ESPAGNE. 705 Lp 15 juin au soir, nous étions de retour à Albacete, après un vovage de sept semaines. Résumé. Régions ou systèmes de montagnes distincts clans le sud de l'Espagne. — Après ce rapide itinéraire, nous terminerons par quelques observations sur les tiaits physiques et les caractères géo- logiques de la contrée que nous avons parcourue. La province de Murcie et celle d’Andalousie, qui la limite à l’Q. , et où nous avons un peu pénétré, peuvent au point de vue géologique se diviser en trois régions, caractérisées chacune par des roches aussi différentes sous le rapport minéralogique que sous celui des formes orographiques qu’elles revêtent. La plus méridionale suit la Méditerranée et comprend une zone plus ou moins rapprochée du rivage. C’est la région métallifère par excellence; car malgré de nombreuses exploitations qui remontent jusqu’aux Romains, certaines montagnes, comme celles de Cartha- gène, d’Aimagrera et de Gador, fournissent encore au commerce des quantités considérables d’argent et de plomb. Elle est composée de schistes argileux et lalqueux, de phyllades satinées, de schistes siliceux, de quartziles, de conglomérats, et enfin de calcaires ma- gnésiens, grenus, bleuâtres, ou de calcaires blancs saecharoïdes. C’est la région que nous appelons/# éta morp h iq ue . . No u s n’avons pu v découvrir aucuns fossiles, et nous doutons qu’il en ait encore été trouve (I). L’affleurement le plus oriental des roches métamorphiques est situé près d’Orihuela. Elles forment d’abord la montagne schisto- calcaire de Callosa, fragment détaché de la sierra qui s’étend d’Orihuela à Monteagudo, près de Murcie. Celle-ci est bientôt suivie par d’autres sierras étroites et allongées dans des directions qui oscillent autour d’une ligne tirée de l’E.-N -E. à l’O.-S.-O. , telles que celles de Car- rascov, de Carthagène, d’Almenara, etc. Tantôt isolées au milieu des plaines tertiaires, tantôt réunies par leurs extrémités, ces montagnes se continuent à travers la province de Murcie, et se prolongent en Andalousie où, sous les noms de sierras de las Estancias, d’Oria, de Filabres, de Baza, elles vont enfin s’unir au gigantesque massif de (1 ) Dans son excellent Mémoire sur la géologie du district métal- lifère de Murcie, M. Ramon Pellico dit avoir trouvé, près de Car- thagèpe, quelques restes organiques assez problématiques qu'il croit être des Qrthocères (Recista minera, vol III, p. 99). M. C. de Prado nous écrit qu'il a vu en. effet des monuments de Carthagène, mais qu’il n’a pu s’assurer d’où elles proviennent. Soc. gèol., 2e série, tome XIII. 45 706 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. la Sierra Nevada. Partout elles offrent la même composition, partout les calcaires en occupent les parties supérieures et moyennes, tandis que les grès et les schistes en forment la base. Les roches plutoniques n’y jouent qu’un rôle très secondaire, et ne s’v montrent que sous forme de dykes ou de masses dioritiques très circonscrites. Quant a l’âge de la chaîne métamorphique, nous y reviendrons tout à l’heure Si maintenant nous nous transportons au N. -O., à l’autre extré- mité delà province de Murcie, là où elle confine à la province de la Manche, nous verrons affleurer près d’Alcaraz les premiers rudi- ments de cette chaîne qui, sous le nom de Sierra Morena, s’étend à ]’0.-S. -O.; passe un peu au N. de la Carolina, de Cordoue et de Séville, et après s’être élargie pour embrasser une partie de l’Estra- madure, va se terminer au cap Saint-Vincent, en Portugal. Cette chaîne est entièrement compOvSée de dépôts paléozoïques, et si l’on en juge par les découvertes de notre amiM. G. de Prado, les fossiles les plus caractéristiques s’y rencontrent dans leur ordre accoutumé (1), Les roches dominantes sont les quarizites et les schistes argileux pas- sant tantôt à l’ardoise et tantôt au psammite. Les premiers, plus inaltérables que les seconds, forment des crêtes allongées qui domi- nent le pays. Çà et là percent des porphyres et des granités occupant quelquefois une assez grande surface. On sait aujourd’hui que les schistes et les quarizites de la Sierra Morena appartiennent au sys- tème silurien inférieur; que le supérieur y est à peine représenté par quelques couches d’ampélites avec Graptoîiles et Cardiola, et qu’enfm les systèmes dévonien et carbonifère, dont la partie infé- rieure est seule développée, n’y forment que des îlots très espacés. Ges systèmes se distinguent par leur composition minéralogique comme par leurs fossiles. Ainsi le système dévonien contient peu de schistes et beaucoup de grès, plus tendres que ceux du système silu- rien, Le calcaire, qui manque presque entièrement dans ce dernier, commence à se montrer pendant la période dévonienne, mais ne prend un grand développement que dans la période carbonifère ; c’est là seulement qu’il concourt à donner au sol des caractères par- ticuliers. En effet, dans les riches bassins carbonifères d’Espiel et de Belmez, le calcaire à Procluctus forme une série de pics assez élevés au pied desquels viennent s’étendre les grès et les conglomérats où l’on exploite la houille. Le terrain paléozoïque, qui constitue toute la Sierra Morena, offre donc un développement très inégal de ses trois formations inférieures, (1) Bull. y vol. XIÏ, p. 9 64. MM, DE VERNEUIL ET COLLOMB. — NOTE SUR ^ESPAGNE, 7Ô7 la formation silurienne étant prédominante et occupant seule une surface cinq ou six fois plus considérable que les deux autres réunies. A son extrémité orientale, près d’Alcaraz, la Sierra Morena n’est composée que de quartzites et de schistes siluriens inférieurs avec Calymene Trntani , C. Arago et Placoparia Tourmminei. Elle offre ce trait remarquable d’une chaîne qui, après s’être maintenue pendant 500 kilomètres à une altitude plus ou moins grande, se ré- trécit et s’enfonce graduellement sous le niveau général des contrées environnantes, de manière à n'être plus visible que dans le fond d’une large dépression qui règne au pied.de la Sierra d’Alcaraz. Cette dépression où coule le Guadarmena est l’analogue de celles que nous avons signalées des deux côtés de la chaîne du Guadarrama, sur la route de Madrid (1). A 6 kilomètres au N.-O, d’Alcaraz, elle est déjà à 200 mètres au-dessous du plateau horizontal de la Manche, qui la borde au N., et à 1000 mètres au-dessous du pic d’Almenara, l’un des plus élevés de la chaîne d’Alcaraz qui la domine au S, C’est par le point où la Sierra Morena disparaît ainsi que passera probablement le chemin de fer de Madrid à Séville. Celle ligne est moins directe que la roule actuelle, mais elle évitera les travaux d’art. Entre la région silurienne au N. et la région métamorphique au S., on en trouve une troisième composée de terrains secondaires et tertiaires plus ou moins calcaires dans leurs éléments principaux, et qui occupe la plus grande partie du royaume de Murcie. C’est près de Moratalla que commence cette troisième chaîne. Les montagnes s’y dessinent en traits moins heurtés que dans celle du S., mais elles forment un massif dont les diverses parties sont liées plus intimement. De même que nous avons vu les m ntagnes métamorphiques du lit- toral s’élever vers l’O. jusqu’à la Sierra Nevada, de même aussi la chaîne calcaire dont nous nous occupons s’élève graduellement dans cette direction depuis Moratalla jusqu’à la Sierra Sagra, où elle atteint 2400 mètres. Sans s’abaisser ensuite sensiblement, elle se continue par Cazorla, comprend les points où naissent le Guadalquivir et la Segura, forme entre Grenade et Jaën des pics élevés recouverts en- core d’un peu de neige au milieu de mai, et passe près d’Antequera | pour se terminer par les montagnes de Ronda et de Medina-Sidonia. Cette chaîne a presque la même orientation que la chaîne métamor- phique prise dans son ensemble. On y rencontre les formations secondaires depuis le trias jusqu’à la craie, surmontés par les dépôts nummulitiques qui, sur le revers S.-E. de la Sagra, atteignent 1600 à 1700 mètres d’altitude. Sur quelques points, comme à Vianos, près (1) BulL, vol. XI, p. 684 et 684. 708 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. d’Alcaraz, ut entre Zacatin et Moratalla, les calcaires miocènes avec coquilles marines ont été portés à d’assez grandes hauteurs sans que leurs couches aient été dérangées. La largeur moyenne de ce massif montagneux est d’environ 80 ki- lomèires, et sa longueur de 350. Nous n’avons étudié que son extrémité orientale, depuis Moratalla jusqu’à la Sagra, à Hornillo et à Segura. Sa constitution est encore peu connue au S. -O. de Cazorla, et dans les montagnes de Jaën ; mais autant qu’on peut en juger à une certaine distance, d’après les formes orographiques, elle doit être la même que celle fies parties que nous avons parcourues. Dans la Sierra d’Elvira, près de Grenade , dans celles d’Antequera et de Ronda , dans les montagnes de Cabra et de Baena au S. de Cor- doue (1) , on a trouvé des Ammonites jurassiques qui confirment ces rapprochements. Ainsi l’on peut dire que toute la partie méridionale de l’Espagne se compose de trois chaînes, ou massifs montagneux, allongés de rE.-JV.-J5. à l’O.-S.-O. : la chaîne silurienne au N., la chaîne mé- tamorphique au S., et au milieu d’elles la chaîne secondaire et ter- tiaire. Quelles que soient les différences qui les distinguent, elles varient peu dans leur orientation. La première est de beaucoup la plus ancienne, soit relativement à l’âge de ses dépôts, soit par rap- port à l’époque du redressement de ses couches. Son ancienneté se révèle par ces deux caractères, d’être la moins élevée des trois, et d’offrir cependant dans la position de ses couches plus de traces de bouleversement. Toutes les trois se relèvent quand on les suit de l’E. à 1*0 , mais d’une manière inégale. La chaîne calcaire, plus rapide, atteint son maximum d’élévation à la Sagra, à 72 kilomètres environ de Moratalla , et la chaîne métamorphique à la Sierra Nevada , c’est-à-dire à près de 250 kilomètres de son origine aux environs d’Orihuela. La ligne qui joint la Sierra Sagéa à la Sierra Nevada, et qui les coupe obliquement, est dirigée du N. 35° E. au S. 35° O. La distance de ces deux points culminants en ligne droite peut être d’environ 150 kilomètres, et grâce à la grande pureté de l’air dans ces climats, nous pouvions du haut de la Sierra Sagra distingueravec la plus grande netteté tous les détails de forme qui font la beauté des majestueuses montagnes de Grenade. (1) M. A. de Linera, inspecteur des mines de la province de Ma- laga, et qui, dans le 2e volume de la Revisia minera, a déjà publié un mémoire sur ce pays, nous a dit récemment y avoir trouvé des Am- monites qui lui paraissent jurassiques, notamment dans les escarpe- ments de Gaitan, à l’extrémité occidentale de la Sierra d’Abdalajis et au col de los Alazores, sur la route de Malaga à Loja. Coupe théorique suivant une ligne brisée partant d3 Alcaraz à Y extrémité orientale de la Sierra Morena , se dirigeant vers là Mé lit erronée en passant par le Cerro de Almenara, le Calar del Mundo , la Sagra Sierra , la Sierra Maria, la Sierra de tas Estnncias, et venant aboutir sur le littoral entre Carthagène et le cap de Gates , sur une longueur d'environ 200 kilomètres. MM. DE 'VERNEUIL ET COLLOMB. — >OTE SUR l’eSPàGNE. 709 ujjaig lîaSiîg 03 iïlïi! ï?f 10 ÜOâ «ail ;oogî vjylÎMi *GItfn3(Ü|Ÿ 3 p ©il ’/.iV 01.33 vAWh - pi M0 « lift!! *nO9;0O! •GE H ‘soriniA m\\' 11 *.96 ‘ZR,P3IV müLL ‘nasai 1 pan^v M -om A •nnsiojg n i.iaig nj o,, 3] 13 •H81J0 'lujj;x3 0l|3UHJ\[ E[ ap neainij Signes conventionnels. 710 SÉANCE DU 10 JUIN 1856. S’il ne nous reste aucune incertitude sur l’âge de la Sierra Morena ni sur celui de la chaîne calcaire moyenne, il n’en est pas de même de la chaîne méridionale, qui suit Se littoral de la Méditerranée, et que nous appelons métamorphique ou métallifère. La plupart des auteurs qui en ont parlé l’ont rapportée tout entière, et à. tort selon nous, à l’époque silurienne. En l’absence de corps organisés, il est sans doute difficile de se former une conviction bien motivée ; mais si l’on recherche dans le pays même, en dehors du centre métamor- phique, les terrains qui ont à peu près la même composition miné- ralogique, on est aussi frappé des analogies qui rapprochent les roches de la chaîne méridionale de celles du trias, que des différences qui les distinguent du système silurien. Si, en effet, on suit le système silurien de la Sierra Morena dans toute son étendue, on n’y rencontre partout que des roches quartzo- schisteuses, à peu près privées de calcaires et pénétrées c'a et là par des granités. L’uniformité de cette constitution pétrographique est un caractère constant depuis Aicaraz jusqu’au cap Saint-Vincent. Ce qui distingue, au contraire, la chaîne métamorphique, c’est, d’une part, l’abondance des calcaires et des dolomies qui manquent précisément dans la Sierra Morena, et de l’autre, l’absence de ces masses granitiques qui y accompagnent toujours les roches silu- riennes. Lorsque deux systèmes de roches placés près l’un de l’autre sont aussi différents, est-il rationnel de les considérer comme con- temporains, surtout quand ils conservent leurs caractères différen- tiels sur une grande étendue de pays? Si l’on compare, au contraire, la composition minéralogique de la chaîne métamorphique avec celle du trias, sur le revers septentrional du massif calvaire, soit entre leRio-Mundo et leRio-Guadarmena, soit entre Veas et Chiclana, ou près d’Alcaraz, on reconnaît alors entre elles la plus grande analogie. Dans ces localités, le trias se compose de grès et de marnes rouges d’une énorme épaisseur, accompagnés de calcaires très puissants, c’est-à-dire d’un ensemble de roches qui, soumises aux causes qui ont produit le métamorphisme en grand , ont pu facilement se transformer en schistes satinés , en schistes siliceux, en quartziles et en calcaires magnésiens ou saccha- roses (1). En outre, dans l’une et l’autre région, les mêmes roches d’érup- (i) Les calcaires métamorphiques sont souvent bleuâtres, et rap- MM. DE VERNEUIL ET COLLOMB. — NOTE SUR L’ESPAGNE, '/il tioiïsont percé les dépôts- stratifiés* Les diorites, si souvent en dykés au milieu du trias, ne peuvent être distingués de ceux qui pénètrent les roches métamorphiques, et, comme ces derniers, iis sont quel- quefois accompagnés de cuivre. Si l’on admet la supposition, peut-être hardie et un peu prématu- rée, que les roches de la chaîne métamorphique, ou du moins une partie, ne sont autres que celles du trias dans un grand étal d’alté- ration, on sera frappé, en jetant les yeux sur notre carte géologique, de la symétrie qu’offrirait alors la distribution géographique des ter- rains dans cette partie de l’Espagne. En effet, le massif situé entre la Sagra et la ville de Segnra, qui comprend principalement la haute vallée de la Segnra, représen- terait Se centre d’un bassin géologique où les dépôts nummulitiques seraient flanqués;-, au N. comme au S., par la craie, les couches jurassiques, et enfin par les grès, les marnes et les calcaires du trias d’Alcaraz, qui trouveraient alors leurs équivalents dans les quart- zites, les schistes et les calcaires de la région métamorphique, ou du moins dans une partie de ces puissants dépôts. Répartition des terrains dans la province de Murcie . — les terrains que nous avons le plus étudiés sont ceux de Sa région moyenne comprise entre les régions silurienne et métamorphique dont nous venons de parler. Ils recouvrent la plus grande partie de ia province de Murcie, et l’on y reconnaît le trias, les formations jurassique et crétacée . et enfin les dépôts nummulitiques et miocènes. Nous dirons ici, en terminant, ce qu’ils nous ont offert de plus im- portant. Trias. Fortement relevé à l’O. de Moratalla, comme on l’a vu, le soi s’abaisse vers le centre de la province pour se relever à l’E. et former les chaînes de Salinas, de Carche, de la Pila et de Crevil- lente, sur la limite du royaume de Valence. Ces montagnes, qui atteignent 1300 et lùOO mètres, sont généralement composées de calcaires crétacés ou nummulitiques; mais ce qu’il y a de remar- quable, c’est que leurs couches sont moins dérangées que dans la basse région. Cette dernière, au centre de laquelle se trouvent les villes de Heliin et de Zieza, offre une surface très inégale, traversée par des chaînes de 50è ou 600 mètres de hauteur, isolées ou reliées entre elles, «et dirigées à peu près de l’O.-N.-O. à i’E.-S. E* pellent les marbres bleus turquins de l’Italie, qui, comme l’ont prouvé les géologues toscans, font partie d une formation triasique altérée. 712 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. I Tilles semblent avoir été fortement dégradées avant et pendant l'époque miocène, si l’on en juge par l’épaisseur des dépôts de cet âge qui, enveloppant leur base, les séparent souvent les unes des autres. Le résultat de cette dénudation a été d’enlever les calcaires jurassique et crétaeè^et d’amener au jour le trias, dont les parties solides sont restées en saillie, en affectant la forme de chaînes cal- caires, et dont lesÿarlîlftMhdfès recouvertes par les dépôts ni iocèfîes . Le& gîf&ës1 ë t sel s si cara é tétistiqu es d u ke u per abondent dans toute cette basse région, entré Zieza et Moratalla. Lesgrès iïe>seili#«il0ntiit^ttiqiï#4^rlî|^QjÔFds du côté d’Alcaraz, et dans le voisinage du système silurien qui servait de rivage aux dépôts triasiques. oiiBunol sis!) lofitaoa Rien nîest moins régulier- que te succession des terrains dans cette contrée. Des dénudations fréquente^ôî des osëillatîôns du sol, sur- venues? it toutes teépoques; ont inissod-véTrl-etî èônfact des dépôts fort éloiguésidans i’éche|le géologh{ueP Àinsidé trias est recouvert par les couches jurassiques, près d’HéllIiÿ, qter la iciiiie au pied du Carche, à l’fe de Jumilla, parles roeheS nummüjitiqués aux salines de Calas parra et dans toutes les montagnes* des environs de Zieza, enfin, ? par les dépôts miocènes rdu ALugron d’Al- mansïiïOfïi aaluBri ^sï snnol olb *Of! éaism i olloH lob ma Le trias est le seul de ces dépôts qui ait été traversé par des roches éruptives. Gelles^èi sont ordinairement dés diorîtes qui forment seu- lement des masses pétr apparentes à te surface du sol. Nous en avons rencontré souvêiit au fond des vallées , iiotaiimieiit sur 1a route de Bonete à Almansa, aux salines de la Rosa, prè^d^lumilla, aux salines de (jaiiispaii^ dïOntegiteS^u%l dë Zieza , entre Caravaca et GehëgüH ♦ enfin à Cèbégid *di§mëi ^Sur ce dernier point la diorite est* accompagnée d’une ntessë ëtifoidérable de fer oligistésidsi) jisiino iop angii s! sb noiîDsdb si gôriq ooq É Je Lesrfossllosisôtitto'Ujô0ri-,irè^i?&tèsîdàflè'flè.f%kfëâifë^'tiitesiqùes de l’Espagne; etp comme dans tftôs? précé'dëWit'èflfôyà^è^, noirs en avons peu tromiésoâtêbiiSédfiNlIôSlOfter^i^^WidëiR^ pülftî lés localités fossilifères, les ^alkfes.'dë'WteSfrarrâ ët de ¥rllâverde, près de Sites, les environs dé^BoUelë; dë-MJëhëgin, deSHOrrtes jiéès de Segura, et enfin ceux d’A-caraz.' iNîïOs V à von s trou vé 1 n i/ ij6}>horia Goîdfussi, la GermUià ■ - soêM*à\ -dë Alberti, et une Oslrea voisine de Y O. multkm'téëAG) 9b xo93 poah.di ?n h- Le trias nous a offert ùne éii rcoiistance qui prouve avec quelle cir- conspection il faut pPucédër qùanddn juge de l’âge relatif des mon- tagnes par les caractères de la stratification. MM. DE VERNEU1L ET CüLLüMB. — NOTE SLR L’ESPAGNE. 713 Nous avons assez souvent remarqué en Espagne que les couches redressées dans les montagnes sont les mêmes que celles qui s’éten- dent horizontalement à leur pied. Ainsi les grès rouges et les cal- caires disloqués de la chaîne d’Aimenara , entre Riopar et Alca- raz, sont horizontaux sur le revers septentrional et sur le plateau de la Manche. La force perturbatrice fa été limitée à la zone monta- gneuse, et n’a exercé, . arççnne . action , en -^nhops... $1 l’on suppose maintenant, ce qui peut et doit -lia ;.qnelquefois, que la limite de l’action dynamique coïncide sur le sol avec la limite de deux formations, on comprend dans quelle erreur on pourrait tomber. inp îiohoisa smêieya n'î> 9§6i Si, par exemple, la ligne de contact delà formation jurassique et du trias passait par Alcaraz, ne pourrait-on pas, en voyant la pre- mière horizontal^ second redressé, en conclure qu’il y a dis- cordance entre ces.dhio|iodés que dans le Nord. , EnJ|n piv^Qi^^PélW^^^^i^ formation ou le Kimmeridge-clay nous a offert aussi quelques, espèces, telles que i/o- SÉANCE DU 16 JUIN 1856. 71 4 mornya hortulanci , Ag.; Ceromya excentrica , id.; C. inflata , id.; Cardium dissimile , Sow. que nous avons recueillies entre Chinchilla et Almansa, ainsi qu’à l’O. d’Ayora, vers le bord de la bande juras- sique. Sous le rapport minéralogique, la formation jurassique se compose principalement de calcaire jaunâtre ou gris, plus ou moins pur, com- pacte, lithographique, et de calcaire légèrement marneux. Il y a peu de marnes et presque point de grès (1 ). Formation crétacée . — L’étage néocomien est moins développé dans le royaume de Murcie que dans celui de Valence; la formation crétacée y est représentée le plus souvent par de puissants calcaires où l’on trouve ça et là les Ostrea columbu et biauricvlata , des Radio - lites voisins du R. polyconilites , des Requienia , etc. Au-dessous on voit souvent affleurer des sables et grès à lignite. Ces lignites sont ana- logues par leur position à ceux de l’îie d’Aix, et les calcaires qui les surmontent représentent la partie inférieure de la craie du S. -O. de la France. Formation nummulitique. < — Si, dans le sud de l’Espagne, le trias, au lieu d’être régulièrement recouvert par les dépôts jurassiques, l’est souvent par des dépôts plus récents, il en est de même de la for- mation jurassique et de la craie. Cette dernière venant à manquer, ou ayant été dénudée, les calcaires jurassiques sont directement re- couverts par les couches nummuütiques (Sierra d’Espuna, environs de Ve!ez-el-Rubio). Ces dernières, dans le sud de l’Espagne, diffèrent sensiblement, au point de vue minéralogique, de celles qui leur sont contemporaines dans le Nord. Les macignos et les conglomérats, si puissants en Ca- talogne, le sont moins ici, et cèdent la place à des masses considé- rables d’un calcaire dur, compacte et difficile à distinguer des calcaires jurassiques ou crétacés sous-jacents. Cette modification est d’ailleurs conforme avec ce caractère généra*, que tous les dépôts marins sont plus calcaires au sud de l’Europe qu’au nord. Quant à sa répartition géographique, la formation nummulitique offre ceci de remarquable, qu’elle suit le littoral de la Méditerranée, (I) Les lecteurs qui désirent avoir plus de détails sur la formation jurassique du sud de l’Espagne, les trouveront dans le VIIe volume de Y Histoire des progrès de la géologie, où M. d’Àrchiac a bien voulu insérer nos observations, en leur donnant l’étendue que com- porte son ouvrage. MM. DE VERNE U IL ET COLLOMB. — NOTE SUR l’eSPAGNE. 715 et borde la Péninsule sans pénétrer sur le plateau central Elle s’avance cependant ici assez loin de la côte méridionale, puisque nous avons constaté son existence sur le revers nord de la Sagra, entre la Puebla de Don Fadrique et Hornillo, où elle atteint 1,800 mètres d’altitude. Sur les pentes de la Sierra d’Espuna on la trouve encore à environ 1,300 mètres. Les fossiles sont en général plus rares dans les couches nummuli- iiquesdu sud que dans celles de la Catalogne. Cependant on y trouve beaucoup d’Oursins et de Nummulites. parmi lesquels nous citerons P Echinolampas ellipsnidalis d’A., le Sehizaster Newboldi d’A., les Nummulites Ramondi et perforata. Formation tertiaire miocène. — Les couches de cet âge sont la- custres ou marines. Celles-ci suivent plus particulièrement la région littorale, tandis que celles-là se sont déposées dans des lacs qui occu- paient principalement le centre même de la Péninsule. Ces dernières sont plus étendues que les premières. Aussi l’époque miocène peut- elle être appelée, en Espagne, l’époque des grands lacs. La formation marine est très développée dans le royaume de Murcie et sur la frontière des provinces voisines. Les fossiles y sont abondants, mais presque toujours à l’état de moules, empâtés dans le calcaire. Les Huîtres et les Oursins y ont seuls conservé leur lest, et l’on peut facilement y reconnaître le Clypeaster oltus é t YOstrea crassissima Lam., la plus grande des Huîtres connues. Les Nummulites y man- quent complètement. Près du littoral, les couches marines miocènes offrent des alter- nances de mollasse, de grès, de marnes et de calcaires grossiers ; dans l’intérieur du pays le calcaire prédomine; le sol est d’une grande sté- rilité, surtout quand il est mélangé de marnes gypseuses, comme cela arrive trop souvent. Les plus affreuses steppes du royaume de Murcie sont composées de dépôts tertiaires miocènes. Cette formation s’avance un peu plus au nord que la formation nummuîitiqüe, car elle pénètre jusqu’à Almansa, et de là se dirige à l’O. 10° à 12° S. par Chin- chilla, Penas de San-Pedro, jusqu’à Pianos, près d’Alcaraz. Quel- ques lambeaux perdus çà et là dans les montagnes, à l’O. d’Alcaraz, comme celui de Yeas, semblent indiquer qu’un bras de mer étroit allait se relier avec le golfe, qui remplissait alors la vallée du Guadal- quivir, et comme de Chinchilla à Murcie il existait un autre golfe, il en résulte que tout le massif méridional de la Sierra Nevada, ainsi que le massif calcaire de la Sagra, de Segura et des montagnes de .Jaën, for- maient une grande île escarpée et montagneuse, mais dont les mon- tagnes, toutefois, étaient loin d’être aussi considérables que celles qui 746 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. font aujourd’hui de ce' pays la région la plus élevée de l’Espagne. En effet, la hauteur où l’on rencontre les calcaires miocènes marins, sans que leurs couches aient subi de grands dérangements, prouve que tout le pays a été soulevé en masse d’une quantité considérable. Voici quelques-unes des altitudes que nous avons mesurées: au Mugron d’Almansa le calcaire miocène avec fossiles est à 1,200 mètres au -dessus de la mer; à Vianos, près d’AIcaraz, il atteint 1,135 mètres; à Péri as de San-Pedro, 1,080 ; près de Zacatin, 1,100, et à Cullar de Baza, 89A. En supposant que la chaîne méta- morphique ait existé à l’époque miocène, ce qui est très douteux, elle devait avoir 1,200 mètres de moins qu’aujourd’hui , toutes choses égales d’ailleurs. En résumé, au milieu des accidents si compliqués qu’offre la partie de l’Espagne que nous avons parcourue, ce qui frappe le plus, c’est le peu d’ancienneté relative de la plupart d’entre eux. Les deux chaînes qui ont pour massifs culminants la Sierra Ne- vada et la Sierra Sagra de II u oscar sont, du moins en grande partie, postérieures aux dépôts miocènes marins; sur certains points meme, commeà Alcoy, les dépôts pliocènes sont redressés. La Sierra IMorena seule est très ancienne ; aussi les terrains tertiaires et secondaires n’v ont-ils pas pénétré. On doit remarquer cependant que, malgré cette différence d’âge, eile partage à peu près la direction des deux autres, E.-N.-E. a O.-S.-O. Celte direction, si fortement marquée dans le sud de l’Espagne, fait un angle presque droit avec une des autres directions principales de la Péninsule, laquelle ne se dessine bien que sur une carte géolo- gique. On voit, en effet, depuis Siguenza, et surtout depuis le Mon- cayo jusque près d’Almansa, tous les terrains se coordonner à une ligne dirigée du N.-N.-O. au S.-S.-E. , que marquent parfaitement le cours du Xiloca et les deux chaînes de terrain paléozoïque situées à l’E. et à l’O. de Daroca. Dans celte zone, comme dans la part ie méri- dionale de l’Espagne, on observe des redressements qui affectent les dépôts les plus récents, ou au moins les couches lacustres de l’époque miocène. Ainsi entre Alfambra, Aguaton et Rubielosau N. de T< ruel, les dépôts lacustres, apouyés sur le calcaire jurassique de la Pena Palomera, ont été déranges et. portés à 1 00 mètres d’altitude Près de Üeza. au nord d’Ariza, sur la route de Madrid à Saragosse, les conglomérats et les 'marnes- lacustres sont encore fortement relevés; mais iis ne le sont qu’au contact de la falaise crétacée contre laquelle ils s’appuient, car, à une très petite distan e, ils reprennent leur hori- zontalité. L’Espagne, dirons-nous donc en terminant, paraît avoir été MM. DE VERNEU IL ET COLLOMB. NOTE SUR L’ESPAGNE. 717 depuis longtemps le théâtre de nombreuses révoquions physiques, d’oscillations (jui ont changé la forme des mers et des rivages. Aux plus anciennes de ces révolutions il faut attribuer les irrégularités observées dans la superposition des dépôts, et les interruptions qui ont mis en contact immédiat des terrains d’âge très différent, tandis qu’aux plus récentes sont dues la plupart des chaînes de montagnes, qui sillonnent aujourd’hui celte belle péninsule. Note relative au tableau des mesures hypsomètriques. Les instruments dont nous nous sommes servis pour nos mesures hypsomètriques sont deux excellents baromètres de Fortin, construits par Ernst et Fastré, qui ont résisté à toutes les vicissitudes d’un voyage de sept semaines dans les montagnes, et surtout à un long trajet en diligence. Avant notre départ de Paris, ils ont été comparés et réglés avec celui de l’Observatoire impérial ; puis, à Madrid, nous les avons également comparés à celui de l’Observatoire de celte ville, sous les auspices bienveillants de soit directeur, M. Rico y Sinobas. Lés instruments de cet établissement sont d’origine anglaise, et construits avec le plus grand soin. Nos deux baromètres, placés à côté de celui de Al. Rico, au rez- de-chaussée de l'Observatoire, marquaient à Madrid, le 22 avril, à 3 h. du soir 7U4mn\25 TB 15° celui de l'Observatoire marquait . ... . . . 705mm,2P TB 14°, 2 Le lendemain, la 'même opération a donné : pour les baromètreSï Fortin . . . <■ . . . ... $ > TB 14%5 pour le baromètre de M. Rico 705mnl,36 TB T4°,2 Il y avait donc une différence moyenne d’environ 0,n,u,001 en plus pour le baromètre anglais ; différence dont nous avons tenu compte plus tard. Nous avons ensuite fait la même vérification à l’École des mines de Madrid, où notre ami, M. Casiano de Prado, a organisé un ser- vice d’observations météorologiques régulières; ces instruments sont d’origine française, ils sont placés au premier étage de l’École des mines. Le 22 avril, à 6 1k!;((P!OT]» nos baromètres marquaient . celui de M . Casiano de Prado 705mm,25 TB 18° 705mm,52 TB 15°,8 718 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. Nous él ions donc d’accord avec l’Ecole des mines, à une petite fraction près. Cetle École est située Calle dei Florin , à environ 10 mètres au dessous de l’Observatoire. Sous la direction de JV1. Kieo y Sinobas, les, observations, dans ce dernier établissement, se font toutes les heures, depuis 6 heures du matin jusqu’à 7 heures du soir, tandis qu’à l’École des mines elles se font quatre fois par jour : à 9 heures du matin, à midi, à 3 et à 6 heures du soir. Quant à la hauteur absolue de Madrid, MM. Casiano de Prado et Rico y Sinobas pensaient que , à défaut de mesures trigonomé- triques, nous pouvions adopter le chiffre de 650 mètres comme moyenne d’un grand nombre d’observations. C’est celui qui ligure sur noire tableau. Dans le cours de notre voyage, les neiges que nous avons rencon- trées sur les hautes montagnes, comme à la Sierra Sagra, à la Sierra Maria, etc., nous ont servi à vérifier le zéro de nos thermomètres. Pour établir nos calculs, nous avons pris comme termes de com- paraison deux localités assez éloignées l’une de l’autre : Madrid et Oran, en Afrique (1). Elles nous offraient cet avantage que, pendant la plus grande partie de notre voyage, en Andalousie et dans la province de Murcie, nous en étions placés à peu près à égale distance. Les chiffres que nous avons ainsi obtenus présentent souvent, pour le même lieu, des différences d’altitude assez considérables qui pro- viennent de l’inégalité des oscillations barométriques à Oran et à Madrid. Les tableaux météorologiques que publie M. Leverricr dans les journaux quotidiens nous ont démontré combien la marche du baromètre est souvent irrégulière d’un bout de la France à l’autre. Nos propres observations , depuis trois ans que nous voyageons avec des baromètres, nous ont fait voir qu’il en est de même en Espagne. Il arrive assez souvent que. là où nous passons la nuit, nous notons un abaissement d’un ou de plusieurs millimètres, tandis qu’à Madrid il y a eu, dans le même temps, un mouvement contraire. Q) Les observations d’Oran faites par M. Auoour, au moyen d'un baromètre comparé à l’Observatoire de Paris, nous ont été fournies avec une extrême obligeance par M. Renou, et nous saisissons cette occasion pour lui en faire ici nos remercîments, ainsi qu’à MM. Casiano de Prado et Rico y Sinobas. Le baromètre de M. Aucour est à 50 mè- tres au-dessus de la Méditerranée. MM. DE VEUNEU1L ET COLLOMB. — NOTE SUR. L’ESPAGNE. 719 C’est pour obvier, autant que possible, à ces inconvénients, quev noos avons combiné les chiffres obtenus par Oran avec ceux obtenus par Madrid, et que nous en avons pris la moyenne qui figuie dans notre seconde colonne. îl est à remarquer que les écarts des deux chiffres diminuent quand nous nous trouvons sur des montagnes, comme si, dans les grandes hauteurs, la marche du baromètre était plus régulière et moins soumise à des influences accidentelles que dans les lieux peu élevés. Tableau des mesures liypsomêtriques prises en 1855, dans le S.-E. de V Espagne , par MM. de Verneuil et Collomb. 720 séance du 16 Juin 1856 MM. DE VERNEUIL ET COLLOMB. — NOTE SUR l’eSPAGNE. 721 S» . » 2 c rs O. b s a £ « - Sa a ' — y .s .3 S 2 t, ts fc. (5 J3 11 a h 3 4) ft.-3 •S « s a C3 ~ _9 -oi a y w .2 H « O Eh « -a 'P a '= -J -2 t- «J — i— 5 ,t> cr fy) na S la « r u x § « Jî c“*y O ^ 3 '« o *r S -3 iSB- lO es □ S _o .rt “o ~ « -3 o Th O 1-1 — — O B U (-*3,0 « -y . 2 ■«. ^ a a -a- j- --a ra « W, ° v 1= o i-"1 ~o ' . a *h JH ‘ — -«« * • a - Hl>«(M Hocotcanco CS«HChChCh0(M cocoifl^Jcaost'L'i t> O OC> lO <3 es -h sa CO • a i> a ce JH O CS O O «O CH CH • - y o y y a _ 2^3 .-SS 2 rf 2 o^| a y ^ S « B _ re *C — rt en *o g.-!- l “ïs ? 1 1 • B a * «< « ^ B w •< 53 â .22 a 2 2 cc « a 2 . o -a y ^ 3 2 Fü^ § x ^ ^ y rT3 - 03 03 >H U ’ CO • a y. ; 2 S ! s S c o c 3 ü«2 . -3 • 2 S pp S l'es O in en » S «O O LO OS S as* en* S oîowo *W. £'J<}OO10r'OOMO^t0 ODWK)COûO »o • CO^S^HOOOOt^eOOseOOOCOOCMlOOffvl «H * «3 OO CS O CM CS(MGN)“^'n^l'^G'1SNCSI<î^^(*rlCsl'*d-=d'=n CM „ -H ^ lO CO co eo os 03 CO co W CO <3 KO C O CO -H OS cT O O ■sri sî oT O oT CS «o o c-T co 'lO eo o *CÏ <3 <3 eo eo os oo c: eo eo CO co eo SN OS CO 30 os, os 00 00 i> CO co E> t> I> CO co co co i> c- t> O i> L~> o CO CO CO co co co co to co co O * • • • # 03 • . . 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JL ri • y u © 5 © .b ^ s .2 -© J ? 5 Jî 5 O « -O '■a « rt ,y o£ © aj — O 1 O J3 -a i • 'a . 53 es , i Æ p 1 9 D ' > a t : cr^O ! g -S i£ « rs '« s s s s > *3 © C J; « S V = « CT u _£?-© C-H fl ^ lo ‘E oo .- rt 00 00 « to ^ « - U ■rl .- »© 00 00 -5-) l> (M CO (N 05 CO >g CO co^tcoooîoeoiooo -riOCOCOOOCO^H ^•rl*!n'rlCSlOîO * <3 t> lO mooToo^ooa ■Hoor>o •ojaz ç irapaj aaiamoava ilCO -H ■ Ci Ch O 02 « N (M CO 00 Ci Ci 00 O 00 00 CO COCI>® o© t>CO©OLO© ©t><30 © © © © LO LO © ® »« Ci LO O) © r> ut> c © © © m en -3 « .si *- 'O „ C3 .2 O TJ ci p a js -a K « eà j uo ~v .2 'p c5 u • © „ • • g g • . g *© • . . en *r^ • V ^ • -o ^ . • VN v » © a % •s *8 3 £ « " y ^ T -© .w P' +j ‘© 3 . fl ^ o *« : TJ ' — CC rt .fl s; s . 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KOECHLIN-SCHLUMBERGER . 729 M. Hébert donne lecture, au nom de M. Kœchlin , du mémoire suivant : Etudes géologiques dans le Haut-Rhin , par M. Kœchlin- Schlumberger. I. — Terrains jurassiques. A l’exception des environs de Belfort et de la partie des monts Jura qui empiète sur le département dans sa partie méridionale, le terrain jurassique est peu développé dans le Haut-Rhin. Il existe cependant tout le long du flanc E. des Vosges, mais en bandes ou lambeaux le plus souvent faibles et dont l’allure ne présente pas de suite. Dans ce terrain ainsi déchiqueté, tous les étages jurassiques tels qu’on les voit dans les monts Jura ne sont pas représentés; ainsi, comme je l’ai signalé ailleurs, jusque dans les derniers temps, je n’avais pu y reconnaître que les suivants : Lias inférieur. Lias moyen. Oolithe inférieure. Grande oolithe. Bradford-clay. Corallien?. J’ai pu récemment augmenter cette liste d’un septième étage, celui du lias supérieur ou toarcien. Je l’ai trouvé en un point, à peu près à égale distance entre Sentheini et Law, dans la vallée de Massevaux, connue depuis longtemps par ses Ammonites spi- natus du lias moyen, que j’avais visitée déjà souvent et où j’avais également rencontré le lias inférieur. Cette localité ne présentait que des affleurements très insuffisants. Les Ammonites et de nom- breux fragments de Béleinnites se rencontraient 'dans une marne creusée à d’assez longs intervalles et en petite quantité pour servir à l’amendement des prairies. En 1855, M. Jutier, notre infatigable ingénieur des mines et géo- logue, m’avertit qu’il existait sur le même point des tranchées toutes fraîches qui offraient beaucoup de fossiles. J’eus hâte de profiter de cette indication ; je me rendis sur les lieux, et reconnus les tranchées cpii avaient été faites pour la recherche d’une roche propre à la chaux hydraulique. Cette course, en me donnant oc- casion de mieux observer la localité et d’augmenter ma collection de fossiles, motive en grande partie la description succincte qui va suivre. 730 SÉANCE DE 16 JUIN 1856. Quand à Sentheim on traverse le pont pour passer sur la rive gauche de la Doller, et qu’on prend le chemin qui se dirige vers l’ouest, on suit le pied d’une colline plantée de vignes, et qui limite sur une assez grande étendue la vallée. Sa surface est con- stituée par un terrain meuble, rempli de fragments peu arrondis de grès vosgien, de musclielkalk, de roches jurassiques, et ressemble au premier abord à un diluvium ; mais c’est bien le conglomérat de l’étage tongrien, mélangé peut-être à un peu de lehm, le même que j’ai observé àTurckheim, à Rouffach, au Bollenberg, à Berg- holz, à Soultz, à Vieux -Thann, à Ramersmatt, etc. On s’en assure à l’extrémité ouest de cette colline qui se termine ici d’une manière abrupte, et montre à sa partie inférieure le conglomérat tertiaire solide et non altéré ; il se présente en bancs stratifiés plongeant de 35 degrés vers S.-E. Une dépression, dont le fond est occupé par un petit ruisseau, sépare le terrain tertiaire d'une autre colline ou d’un massif se dé- tachant en saillie sur le sol environnant, s’étendant vers l’ouest, sur 11 à 1200 mètres, etuniquementcomposé de terrain jurassique. Ce massif est constitué par le Bradford-clay, la grande oolithe, l’oolitlie inférieure et les trois étages du lias, et en gros et surtout en prenant les étages extrêmes, les terrains sont disposés dans cet ordre d’Ë. un peu S., à O, un peu N., allure qui est à peu de chose près aussi celle du jurassique de Roppe et de Belfort. Mais dans le détail les couches sont excessivement bouleversées, souvent elles deviennent verticales, et quelques-unes ne se trouvent pas à la place qu’elles devraient occuper^dans l’ordre indiqué et qui est celui de leur ancienneté. A l’extrémité la plus rapprochée de Sentheim , encaissant à l’ouest la dépression dont je viens de parler, le massif jurassique offre une carrière que nous allons examiner. Quand on se place en face de la carrière, on voit qu’elle est séparée en deux parties par un banc marneux bleuâtre qui, ne s’accordant pas exactement avec la stratification générale et étant dirigé suivant une ligne ondulée, semble indiquer une faille. À l’extrémité droite de la carrière, les bancs plongent de â0 degrés vers le S; -O. , puis en allant vers la gauche se redressent successive- ment, et au delà du banc marneux arrivent à la verticale ; mais dans ce redressement la direction aussi s’est modifiée, puisque celle des couches verticales est E. un peu N. vers O. un peu S., tandis que celle des bancs à droite est N. -O. vers S. -E. La roche à droite du banc marneux est compacte, fragile, à « n ! p H* ! 1 i NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 731 cassure lisse, empâtant quelques gastéropodes, et a une grande analogie avec certaines variétés du jurassique supérieur. À gauche du même banc marneux, la roche est d’abord compacte, puis devient suboolithique, et enfin à l’extrémité gauche de la carrière, elle constitue une grande oolithe normale. L’ensemble de cette roche est de couleur claire , presque blanche ; la partie à gauche du banc marneux offre cela de parti- culier qu’elle contient des veinules de poix minérale noire, ayant | beaucoup de rapport avec la poix ordinaire. Le banc marneux renferme quelques fossiles généralement aplatis et assez mal conservés ; j’y ai trouvé : Lima ovalis , d’Orb. I Mytilus asper , d’Orb. Pecten Luciensis , d’Orb. Pinnigena. Spondylus ou Pecten. Rhynchonella continua , d’Orb. Terebratula intermedia , Sow. 2 espèces de Cidaris (pointes). Encrinus (tige), i Astre a. L’extrémité gauche, franchement oolithique de la carrière, m’a offert plusieurs exemplaires de belle taille de Clypeus pa- telle’, Ag. Enfin, en montant par la gauche, on trouve, dans une vigne immédiatement au-dessous de la carrière : Pholadomya Marchisoni , Sow. (1) Pecten P ali nui us P , d’Orb. — lens, Sow. Lima proboscidea , Sow. — petite (2), nov. sp. Ostrea costata, Sow. (1) La description trop succincte que donne M. A. d’Orbigny de cette espèce, dans le Prodrome, se rapporte assez bien à mon échantillon ; «seulement, chez cet auteur, l’espèce serait propre au callovien, tan- dis qu’ici il s’agit du bathonien. Je ne possède qu’un seul échantillon dé cette espèce, et je n’en ai jamais rencontré d’autre, ni dans le Haut-Rhin, ni partout ailleurs. Sa largeur, qui égale exactement sa longueur, est de 15 millimètres; l’épaisseur est de 7 millimètres. Les côtes rayonnantes sont aplaties 3t plus larges que leurs intervalles; sur une valve il y en a 18, sur ’autre, si l’on y comprend une fausse côte du bord, il y en a 19. Ces ïôtes sont très égales entre elles : celles du milieu paraissent lisses ; ;ur celles des bords il existe des imbrications. L’oreillette buccale est ! an peu brisée, on y remarque cependant trois petites côtes rayon- nantes imbriquées ; l’autre oreillette est lisse et ne montre que des stries d’accroissement. (2) Cette espèce porte 36 à 38 côtes égales, saillantes et nettement 732 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. Jlhynchonella Zicteni , d’Orb. — concinna , d’ürb. Hemithiris spin os a, d’Orb. [ Terebratula intermedia , Sow« 3 polypiers. En cri nus. Les fossiles déterminés du banc marneux caractérisent ou la grande oolithe ou le Bradford-clay. Le Clypeus patelin est propre à la grande oolithe dans le can- ton de Bâle. Les fossiles de la vigne sont ceux habituels du Bradford-clay dans le département du Haut-Rhin et dans le Jura; ils sont pla- cés immédiatement au-dessus de la grande oolithe, et se rencon- trent presque toujours là où cette dernière roche existe. Si l’on joint à toutes ces données les caractères minéralogiques de la roche, on peut hardiment conclure que la partie gauche de la carrière et le banc marneux sont constitués par la grande oolithe. Il est possible que l’oxfordien et le callovien ne soient pas repré- sentés ici, et que la partie droite de la carrière appartienne au jurassique supérieur. Cette roche se voit rarement en place dans le département au nord de Roppe, mais on en trouve fréquem- ment des fragments dans le tertiaire. En montant sur la colline jurassique par le sentier qui se trouve à droite de la carrière et en poursuivant à l’ouest, en se tenant sur la crête, on arrive bientôt à deux fouilles ouvertes dans l’oolithe inférieure, l’une à droite, l’autre à gauche. La fouille à gauche pourrait bien s’appeler carrière; elle fournit une castine très ferrugineuse au haut fourneau de Massevaux. Cette roche, type de l’oolithe ferrugineuse du Haut-Rhin et du Jura, est d’un rouge-brun foncé, composée uniquement de petites oolithes apla- ties et un peu inégales de grosseur; elle est un peu fissile et a peu de consistance. Les fossiles y sont très rares ; je n’y ai trouvé que quelques fragments de Bélemnites, et une seule fois une Ammo- nite empâtée et indéterminable. La fouille à droite a fourni aussi de la castine, mais n’est plus exploitée depuis longtemps. La roche en est beaucoup moins ferrugineuse que dans la première; ses caractères minéralogiques sont très variables, les surfaces exté- rieures seulement sont d’une couleur rouge-brun, l’intérieur a une teinte beaucoup plus claire de brun jaunâtre. Cette roche marquées, se rapprochant un peu du côté anal. Les intervalles sont moins larges que les côtes : longueur (système de M. A. d'Orbigny), 8 millimètres; largeur, 10 millimètres. NOTE DE M. KOECHL1N-SCHLEMBEIIGER. 733 paraît comme finement grenue ; elle est composée de lamelles spathiques et de petits fossiles triturés ; on n’y voit, même à l’aide le la loupe, que très peu d’oolitlies. Les fossiles n’y sont pas très rares, mais empâtés et mal con- ervés. Voici ceux que j’ai pu recueillir : Bclemnites. Vholadomya fidicula , Sow. ■ — Murchisoni , Sow. Oj \Dccten pumilus , Lam. • dem issus, Bean. Gryphœa calceola. Quenst. Hemithiris spinosa , d’Orb. Terebratula subventricosa , d Orb„ Cidaris horrida, Mer. Pentacrinus scalaris P. Serpula groupée comme S. socialis. , , Ces fossiles, ainsi que les caractères pétrograpliiques de la roche, jépondent à l’oolithe inférieure telle qu’elle se présente dans le orct du Jura et dans le département du Haut-Rhin (1). (1) Si l’on voulait être très rigoureux, quelques uns de ces fossiles ourraient laisser des doutes sur l’âge du terrain. Ainsi, M. A. d’Or- igny place le Pecten pumilus, Lam., dans le toarcien, de même que |i Pentacrinus scala/is. Quant à la première de ces espèces, j’ai éta~ li ailleurs ( Bull 2e série, t. Il, p. 15) qu’elle se trouve également ans le bajocien ou oolithe inférieure. Si l’on voulait absolument en ire deux espèces, comme M Bronn, dans la nouvelle édition de sa ethœa , paraît en avoir l’idée, en revenant ainsi sur sa première opi- ion, il n’y aurait qu’à considérer notre espèce du Jura comme Pecten °i sonatus, Goldf., que cet auteur attribue à l’oolithe inférieure. Je ;ste d’ailleurs fidèle à l’opinion exprimée dans la note citée, et je ois qu’il n’y a qu’une seule espèce qui caractérise la limite du toar- I sn et du bajocien. Le Pentacrinus scalaris , Goldf., n’est pas assez complet pour une iitermination rigoureuse. M. Quenstedt (voyez son Handbuch der htrejactenkunde , 1 852, p. 602) est aussi de l’opinion que ces articles tachés et simples que l’on rencontre dans plusieurs étages du juras- |[ue se ressemblent, et qu’il est difficile d’y observer des différences i'scifiques. j Le Pecten lisse que j’appelle ici Pccten dernissus, . Phill., est la ijime espèce qui se rencontre dans l’oolithe inférieure de Aalen, que enstedt réunit au Pecten discijormis , Ziet. [Handbuch , p. 506), et e M. de Buch, dans son ouvrage [Der Jura in Deutschland) , place as la couche qui est immédiatement au-dessus du toarcien. En général, ces Peignes lisses, dont il y a dans le Prodrome une èce pour chacun des étagesjurassiques me paraissent bien difficiles à tinguer sous le rapport purement zoologique et sans se préoccuper ( terrain. On devra peut-être réunir tous ceux attribués aux diffé- i its étages depuis le néocomien, jusques et y compris l’oxfordien, en > seule et même espèce. SÉANCE DU 16 JUIN 1856. 734 M . Marcou estporté à réunir Foolithe ferrugineuse du Jura (roche de notre carrière à gauche) au toareien ; les observations de M. Thir- ria viennent appuyer cette opinion ; M. A. d’Orbigny classe Foo- litlie ferrugineuse de M. Thurmann dans le toareien, mais celle de M. Thirria dans le bajocien (?) ; moi-même, avant d’avoir re- connu le toareien dans notre département, j’avais une velléité de considérer cette assise comme représentant à la fois le bajocien et le toareien. D’un autre côté, les principaux géologues suisses tels que Merian, Thurmann, Gressly et Studer, ont toujours consi- déré l oolithe ferrugineuse du Jura comme appartenant au bajo- cien. M. Studer va même plus loin, et parallélise cette assise, non pas avec les grès ferrugineux du Wurtemberg (Jura brun (3), et qui répondent sans conteste à la couche la plus inférieure du bajo- cien; mais avec le Jura brun (5 qui d’après M. Marcou, et c’est là aussi mon opinion, représente à la fois la couche la plus supérieure du bajocien et celle la plus inférieure du bathonien. Examinons maintenant les arguments que fournit le gîte de Sentheim pour résoudre cette question. L’oolithe ferrugineuse y diffère complè- tement sous le rapport minéralogique d’abord de la marne du toareien ; il n’y a aucun passage entre les deux assises qui parais- sent même être en discordance de stratification. Le toareien ren- ferme les fossiles qui caractérisent la partie la plus supérieure de cet étage, comme par exemple X Ammonites primordialis , Scliloth. [opaliniiSy Yoltz). L’oolithe ferrugineuse, par contre, ne renferme que très peu de restes organiques; on y trouve quelquefois le Pecten de miss us , Phill. , la même espèce qui est très abondante dans la carrière à droite, c’est-à-dire l’assise dont les couches sont placées immédiatement au-dessus de Foolithe ferrugineuse. On voit qu’à tout prendre, les circonstances qui se rencontrent à Sen- theim sont favorables à l’ancienne opinion des géologues suisses. Cependant on ne peut se cacher que les arguments qu’on a tirés du gîte de la Verpillière ont une grande importance dans cette question, et que les observations de MM. Thirria et Marcou ne sont pas non plus à négliger. Il y a donc évidemment là quelque chose d’obscur et qui attendame solution. Ne pourrait-on pas tout concilier en admettant que dans les localités où, comme à la Ver- pillière et ailleurs, Foolithe ferrugineuse renferme des espèces du toareien, il y a par exception passage et confusion entre la limite supérieure de ce dernier terrain et celle inférieure du bajocien. En passant sur le dos de la colline jurassique déjà mentionnée, et en descendant tout en tirant un peu vers le sud, on trouve une autre carrière qui forme une butte isolée en saillie sur le sol envi- NOTE DE U. KOECHLIN-SCHLIIMBERGER. 735 ronnant. Plusieurs autres carrières ou fouilles ouvertes dans la grande oolithe font également saillie sur le sol du plateau juras- sique. Cela prouve que cette roche , plus solide que les autres couches du jurassique, a aussi mieux résisté aux dislocations et à l’action des agents atmosphériques qui ont dénudé ses abords. La coupe qui suit indique les rapports de cette assise oolithique avec le lias qui en est rapproché et dont je vais m’occuper. E. 30° s. O. 30° N. Â. Grande oolithe. B. Oolithe inférieure, 1. Lias supérieur. 2. Lias moyen. 3. Lias inférieur. 4. Grès. 3. Dolomie. 6. Roche pulvérulente, En <7, les bancs sont régulièrement stratifiés ; ils sont un peu pliés, tournant leur convexité vers S.-E.; ils sont formés à gauche par la grande oolithe qui paraît passer à l’extrémité opposée à i’oolithe inférieure. Ces bancs oolithiques sont inclinés de 61° vers E. 30° S. La coupe ci-dessus indique le lias placé à droite. Lors de ma visite, ce terrain était mis au jour par trois tranchées creusées pour la recherche d’un calcaire propre à faire de la chaux hy- draulique. Ces tranchées avaient 40 à 45 mètres de longueur. Les deux premières (celles les plus rapprochées de Sentheim) étaient paral- lèles, creusées dans la direction de S. un peu O. à N. un peu E. ; la direction de la troisième formait un angle presque droit avec celle des deux autres. Dans la première tranchée, on ne voyait pas bien l’inclinaison et la direction des couches, parce que ses bords s’étaient éboulés; j’ai supposé^que ces éléments y étaient les mêmes comme dans la seconde tranchée, qui n’en était éloignée que de 30 à 40 pas, et où les couches plongeaient de 20° vers S. 25° E. On voit par là combien ces couches ont une allure irrégulière, 736 SEANCE DU 16 JUIN I806. puisqu’à une distance de AO à A5 mètres des bancs oolitliiques, il y a déjà une très grande différence dans l’inclinaison et une no- table dans la direction. Revenant à la première tranchée, en commençant par le haut ou l’extrémité S.-E., on trouve d’abord un terrain purement marneux, d’un gris-bleu assez foncé qui passe plus bas au jau- nâtre. Ces deux couches renferment les fossiles bien caractérisés du toarcien ou lias supérieur. Au-dessous se trouve un schiste très fissile, marneux et de peu de consistance, sans restes orga- nisés, et qui repose sur la marne inférieure de couleurs gris-clair, caractérisée comme liasien parles nombreuses Ammonites spinatus et par d’autres fossiles appartenant à cet étage. Cette couche con- tient un lit de 8 à 10 centimètres d’une roche un peu marneuse, composé de fragments détachés et arrondis en forme de parallé- lipipèdes. Avec l’inclinaison de 20 degrés, le calcul donnerait à ces marnes et schistes une épaisseur de 12 à 13 mètres. Il est vrai qu’on ne voyait pas au fond du fossé vers N. -O. apparaître le lias inférieur, et qu’ainsi, à la rigueur, les marnes du liasien pourraient conti- nuer dans la profondeur; mais cela n’est pas probable : car le sol étant à peu près de niveau, le sinémurien apparaissait dans la seconde tranchée, qui n’était guère plus profonde que la première. On voit qu’ici, quoique l'ensemble du terrain offre si peu de développement, comme à Mende, comme dans le Wurtemberg et dans d’autres localités, le toarcien est séparé du liasien par une couche schisteuse , qui ailleurs renferme de nombreuses Posi- donies, des Ammonites aplaties, etc., mais qui à Sentheim est complètement stérile. Les fossiles des marnes supérieures sont généralement fragmen- taires et d’une roche peu solide ; cependant ils sont assez bien conservés pour ne pas laisser le moindre doute sur les espèces auxquelles ils appartiennent. Voici ceux que j’ai recueillis : Belemnites irregularis (1 ), Schlot. — tri parti tas, Schloth. Ammonites radians , Schloth. — J are nsi s, Ziet. — Hircinus , Schloth. — complanatus, Brug. Ammonites primordialis , Schloth. ( A . o p ali nus, Voltz). — variabilis , d'Orb. — Levesquei, d’Orb. Astartc al ta ?, Goldf. I i (1) Avec la variété B. acuarius qu’y réunit aujourd’hui M. A. d’Or- bigny. NOTE DË M. KOECHLIN-SCHLUMBÈRGëR. 73 1 On rencontre encore dans ces deux couches marneuses du cal- caire. imparfaitement lamelleux que les Allemands appellent Na- gelkalk , et des prismes à six pans très réguliers de chaux sulfatée. Le liasien offre les espèces suivantes dans lesquelles nous com- prendrons aussi quelques échantillons trouvés dans la seconde tranchée. Bélemnites niger, List. (1). — cUivatus , Blainv. — Foiirneliamis , d’Orb. — ncutiis (2), Mill. Ammonites spincitus (3), Brug. - — margaritatus, Montf. Ammonites natrix (4), Ziet. Gastéropodes, quelques petites es- pèces fragmentaires impos- sibles à déterminer. Dentalium. Area parvula? (5), d’Orb. — Munsteri , Goldf. Leda acuminata , d’Orb. Lucina. Cardium multicostatum ?, Phill. (1) Cette espèce présente d’assez grandes variétés, parmi lesquelles un certain nombre semblent presque faire passage avec les trois espèces suivantes. Ainsi, il y a des exemplaires jeunes qui s’approchent de B. clavatus par leur forme en fuseau encore peu prononcée; dans ces spécimens, la partie renflée a 3 millimètres 1 /2 de diamètre, et celle près de l’échelle 2 millimètres 1/4. Ce rapport est de 5à2 dans les B. cla- vatus bien caractérisés. D’autres échantillons, par leur pointe émous- sée, se rapprochent de B. Fourncliantis. Les caractères différentiels de ces Bélemnites sont bien insuffisants, et on serait presque tenté d’en faire une seule et même espèce pour se dispenser du grand em- barras de les séparer. (2) Mes échantillons sont encore plus courts, et donc plus coniques que les figures de M. A. d’Orbigny, pl. 9, fig. 8-14, et sur les trois espèces de Bélemnites qui se rencontrent en outre de B. niger dans ce liasien, c’est celle qui se sépare le mieux de cette dernière. Il est assez singulier que M. A. d’Orbigny n'ait pas de Bélemnite courte et conique pour le liasien ; la mienne, par le manque de sillons, paraît s’identifier avec l’espèce du sinémurien plutôt qu’avec celle du toarcien. (3) Espèce très abondante, on en trouve les différentes variétés que j’ai décrites dans le Bulletin , 2e série, t. XII, p. 118 ; mais les spécimens à dos arrondis sont rares. (4) Mes échantillons s’accordent très bien avec la figure de Quen- stedt [Petrefactcnkunde Deulsehlands , pl. 4, fig. 16 et 17). lis ont moins de rapport avec VA. Regnardi , d'Orb. , dont ils diffèrent par plus d’épaisseur et un moindre nombre de côtes. M. d’Orbigny indique pour cette espèce 30 à 54 côtes, tandis que je n’en ai trouvé que 26 à mes échantillons. (5) Quoique cette espèce soit placée par les auteurs dans foolitho inférieure, je n’en trouve pas moins que mon échantillon a les plus grands rapports avec la figure de Zieten, pl. 56, fig. 4. Soc. gèol.y 2e série , tome XIII. 47 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. 738 Plicatula spinosa , Sow. Panopœa . Myoconcha. Pecten priscus , Schloth. Ostrea irregularis , Munst. Rhynchonella variabilis , d’Orb — ri/nosa (4), d’Orb. Terebratula riurriismalis, Lam. Spirijerina Hartmarmi , d'Orb. Pentacrinus (2). Dans la seconde tranchée, toute la partie marneuse était bou- leversée ; il n’y avait plus trace de fossiles du lias supérieur, mais seulement un très petit nombre de fragments du lias moyen. Les fossiles de ce terrain paraissent être accumulés dans un lit de peu d’épaisseur, puisqu’à la première tranchée nous les avons vus si nombreux et si rares dans la seconde. La roche en place se voit au- dessous de ces déblais de marnes ; c’est un calcaire un peu mar- neux, bleu, en bancs bien stratifiés. Elle renferme des Ostrea arcuata qui, quoique n’ayant pas le bourrelet caractéristique, me ( I) Un petit nombre seulement de mes échantillons porte les côtes dédoublées vers le bord palléal ; cependant ceux qui ne montrent pas ce caractère, et ce ne sont pas toujours les plus jeunes, ne peuvent pas se séparer des autres ; il ne me semble donc pas que cette confor- mation de côtes puisse être posée comme condition rigoureuse pour constituer l’espèce. Parmi les échantillons de cette espèce que m’a envoyés du Wurtembérg M. Fraas, aujourd'hui conservateur du musée d'histoire naturelle à Stuttgard, i! s’en trouve aussi qui n’ont pas ce caractère, et tous les jeunes sont dans ce cas. M. Quenstedt, dans son Handbuch , n’insiste pas beaucoup sur ce dédoublement des côtes, il dit qu’il n’est pas régulier, et qu’on ne le voit généralement pas aux jeunes individus. Mais quand on supprime dans ce caractère cer- taines variétés de Rhynchonella rimosa se rapprochant beaucoup de R. variabilis , cette autre espèce qui ferait le désespoir des paléonto- logues si dès longtemps on n’avait eu l’excellente idée de réunir les nombreuses variétés. En général, la séparation des espèces parmi ces brachiopodes n’est pas chose facile, elle l’est beaucoup moins qu’elle semblerait devoir l’être d'après les livres, et je confesse à ma honte que je n’y réussis guère. (2) Il n’est pas facile, avec deux petits fragments de tiges, de déter- miner l’espèce ou même le genre. La tige est ronde, les articles ont autant de hauteur que de diamètre , leur surface articulaire est d’abord fortement crénelée à la circonférence, et au milieu il y a une étoile à cinq branches. Cette surface articulaire, par ses ornements, a les plus grands rapports avec celle de Pentacrinus subcrenatus, Munst., du saliférien de Saint-Cassian. On ne voit pas à ces articles d’attaches verticillaires que l’on dit être caractéristiques pour le genr e Pentacri- . nus; mais je ne vois pas non plus ces attaches sur mes échantillons, beaucoup plus nombreux et plus développés, de P. scalaris du siné- murien. NOTE DE M. R OECHLlNrSÇHLUM BERGER. 739 paraissent cependant appartenir à cette espèce.- des Peignes et une Bélemnite cjuia la plus grande analogie avecl?. niger. Çette couche, qui diffère essentiellement par ses caractères minéralogiques du lias inférieur normal, me paraît cependant y appartenir et en con- stituer la partie la plus supérieure ; le mélange des fossiles des deux étages et les relations de superposition autorisent cette conclusion. D’ailleurs, une fois que la stratification concordante indique qu’il n’y a pas eu de bouleversement entre le dépôt des deux étages, qu’y a-t-il de plus naturel que de penser que le passage d’un étage à l’autre s’est fait par degré et non pas d’une manière tranchée ? Dans la troisième tranchée, le toarcien et le liasien ont été en- levés; on n’y voit plus que du sinémurien dont les roches, quoique si rapprochées de celles des deux autres tranchées, ont cependant une direction un peu différente, et plongent de 20° à l’E.-S.-E. Ce sinémurien présente les mêmes caractères minéralogiques qu’on est habitué à lui voir dans les contrées de l’Est. La roche est de couleur bleu-gris foncée, un peu grenue, dure, parsemée de lamelles spathiques dues sans doute à des fragments d’Encrines \ les surfaces extérieures ont une couleur plus claire, jaunâtre, sou- vent ocreuse. Voici les fossiles que cette couche m’a offerts; j’y joins ceux de la partie inférieure de la seconde tranchée : Belemnites niger , List. — a eu tus, Mi 11. Nautilus s tri a lus, Sow. Ammonites bisulcaius , Brug. — rciri costatus, Ziet. — planorbis , Sow. Troc hus (1). Avicula inœquivalvis, Sow. i Area. Cardinm (2). î Pecten sa binas, d’Orb. j — Hchlii, d’Orb. ! — textorius, Schloth. | Lima gi gante. a, Desh. j — duplicata (3), Desh. (1) Avec 6 ou 9 côtes perlées par tour, dans le genre de Trochus acünthus , d’Orb., Paléont. franc, jurais., p. 312. (2) Cette espèce a quelque analogie avec Car di uni rnulticostatum , Phill. , mais les côtes sont plus fortes et moins nombreuses, il y en a 25 sur la longueur de la coquille, qui est de 8 millimètres. (3) D’après un examen attentif que je viens de faire, je crois que Lima pectinoides , Desh., ainsi que quelques espèces créées par M. A. d’Orbigny, comme Z. Eryx , L. Helena , L. Eryna, L. hippia, doivent être réunies à L . duplicata. Quand on étudie les auteurs qui se sont occupés de ces Lima , on reste convaincu que, si des différences peu importantes les ont portés à faire deux ou un plus grand nombre d’espèces, ils y ont été entraînés, en général, par l’idée préconçue et systématique que la même espèce ne pouvait pas se rencontrer à la fois dans des étages éloignés par l’époque de leur dépôt, comme, par SÊANCÈ DU 16 JUIN 1856. ih 0 Ostrea nrcuata , d’Orb. — arietis , Quenst. Rhynchonella variabilis , d’Orb. Spirijcrina IV dlcotti, d’Orb. Tercbratula vicinalis arietis , Quenst. Pentacrinus scalaris, Goldf. Cidaris , fragments, corps et pointes. Au- dessous du lias à Ostrea arciuita vient un grès de couleur verdâtre, composé de grains de quartz très fins, mêlés de quel- ques paillettes de mica. La pâte, ordinairement très rare, paraît être argileuse ; elle domine quelquefois et contient alors beaucoup exemple, le sinémurien et le callovien. Il n’y a encore que quelques années que l’idée d’une destruction complète des faunes, après l’achè- vement du dépôt de chaque division de terrain, était très répandue et menaçait d’envahir et de dominer la science. Aujourd’hui que l’on est généralement revenu à des idées moins absolues et plus d’accord avec l’observation, il doit être permis, en examinant un fossile, de faire pour un moment abstraction du terrain dans lequel on l’a rencontré, et de donner le même nom à ce qui ne diffère en rien par la forme. Je ferai remarquer ici, en passant, que ces divisions ou subdivisions de terrain auxquelles on attribuait d’une manière par trop rigoureuse une faune propre, sont et doivent être plus ou moins arbitraires, qu’elles ne s’appliquent, d’une manière un peu exacte, que sur des localités d’une étendue comparativement faible, et que l’on éprouve souvent les plus grandes difficultés en cherchant leur concordance avec des contrées éloignées. Cela dit, je passe à l’étude spéciale que j’ai annoncée. Comme il devait naturellement arriver, les auteurs sont loin d’être d'accord sur les terrains auxquels appartiennent les deux espèces principales, L. duplicata et L. pectinoides, les seules à peu près généralement adoptées. Sowerby a placé son Plagiostoma duplication dans le cornbrash (bathonien), et le Plagiostoma pectinoides dans le lias ; Goldfuss attribue la première espèce au lias et à l’oolithe inférieure, et la seconde à l’oolithe inférieure (bajocien); Phillips cite le Plagiostoma duplicatum dans le Kelloway-rock (callovien) ; Morris place la Lima duplicata dans le corallien, le callovien, la grande oolithe (batho- nien) et l’oolithe inférieure, et la Lima pectinoides dans le lias. M. Quenstedt sépare les deux espèces, en attribuant Plagiostoma duplicatum au Jura brun <5, et P. pectinoides an lias « ou sinémurien de M. d’Orbigny. M. Bronn, dans l’Index, place la première espèce dans sa moitié inférieure du jurassique («), et la seconde dans ce même étagp et le lias ( m ). Cet auteur réunit la figure de Zieten de Lima pectinoides à l'espèce Z. duplicata , mais il conserve la pre- mière pour la figure de Goldfuss. Il paraîtrait assez extraordinaire que la L. pectinoides de Zieten ne fût pas bien nommée et ne fût pas du lias, d’abord parce que cela est positivement dit dans le texte, et qu'en second lieu, argument plus décisif, la couleur de cette figure est celle du Jura noir ou du lias. On voit donc que les auteurs cités ont attribué NOTE DE M. KOECHLÏN-SCHLUMBERGER. 741 moins de quartz. Cette roche ne fait pas la moindre effervescence avec les acides ; elle a peu de consistance , cependant assez pour être façonnée en échantillons. Cette assise a une épaisseur de 1 à i mètre 1/2 ; sur ses limites, elle se fond avec celles qui la touchent. Au-dessous de ce grès existe une roche qui a la plus grande la L. duplicata à tous les étages, depuis et compris le lias inférieur, jusques et compris le corallien. Je vais discuter les différences, sensées caractéristiques, que les auteurs trouvent entre leurs espèces. M. Goldfuss sépare la L. duplicata de L. pectinoicles par le motif que cette dernière porterait de fines stries concentriques qui manque- raient à la première. Je n’ai pas trouvé ce caractère constant : parmi mes échantillons du Silzbrunnen (liasien), il y en a où ces stries sont faiblement accusées, d’autres où l'on n’en aperçoit rien. Les spéci- mens de Saint-Vigor (bajocien) sont dans le même cas, dans quelques- uns les fines stries .concentriques sont nettement marquées, dans d’autres elles sont complètement effacées et dominées par les côtes. Du reste, d’après les dessins grossis de Goldfuss, pl. 102, fig. I l et 12, il ne paraît pas qu’il y ait entre les deux espèces une grande diffé- rence sous ce rapport. M. A. d’Orbigny, pour séparer la L. Erjx du L. pectinoicles du toarcien, attribue à la première 24 côtes, tandis que la seconde n’en aurait que 20. À cela je dois faire observer que mes échantillons de différentes localités du sinémurien ont tous, comme ceux du toarcien de Fontaine-Étoupefour, plus de 22 côtes. D’après le même auteur, la L. Ery/ia du liasien se distinguerait de L. pectinoides parce qu’elle n’aurait que 15 côtes; or, je trouve à mes échantillons du Silzbrunnen (liasien) 22 à 25 côtes. Dans les spécimens de Saint-Vigor, qui, quant au terrain (bajocien), seraient très rapprochés de l’espèce du toarcien, il y a également 22 à 25 côtes. La principale différence que signale M. Quenstedt entre les deux espèces, c’est que la L. pectinoides aurait passablement plus de lar- geur, ce qui est d’ailleurs conforme aux figures de cet auteur (voyez Handbuc/i, pl. 41). J’objecte à cela que cette différence ne s’est pas trouvée confirmée par mes échantillons du liasien et du sinémurien ; qu’on n’en voit également pas la moindre trace dans les figures de Sowerby, qui est l’auteur des espèces, ni dans celles de Goldfuss, dont cependant les planches sont réputées, sur toutes les autres, par leur exactitude et leur naïveté. J’ajouterai que la figure de Zieten de la L. pectinoides , figure adoptée par M. Quenstedt pour cette espèce, n’a pas plus de largeur que la L. duplicata de ce dernier. La diversité des caractères différentiels adoptés par ces au leurs me paraît fournir le meilleur argument contre ces caractères mêmes, qui non-seulement sont d’une importance très secondaire, mais encore qui ne sont ni nets ni constants. Disons plutôt que ces auteurs ont été SÉANCE DU 16 JUIN 1856. 7Ü2 analogie avec une dolomie ; elle est caverneuse, légère et formée de compartiments tantôt angulaires, tantôt arrondis , et dont les parois sont constituées par la chaux carbonatée de couleur grise préoccupés avant tout de donner satisfaction à une idée, et qu’ils se sont ainsi efforcés à trouver des différences insignifiantes pour pouvoir donner deux noms à la même forme trouvée dans deux terrains ou étages différents. Je passe à un autre côté de la question. J’ai devant moi des Lima duplicata Du sinémurien de Semur, de Bratelen (près 'de Bâle), d’Oberwiller, d’Uffhausen, de Wolfshalde (grand-duché de Bade), d’Orsch- wir et de Sentheim (Haut-Rhin), de Mirecourt et Châtenois (Vosges), de Schafhouse, d’Ostdorf, près Balingen (Wurtemberg); Du liasien de Silzbrunnen (Bas-Rhin), du Mont-d'Or (près de Lyon); Du toarcien de Fontaine-Étoupefour (Calvados) ; Du bajocien de Saint-Vigor (Calvados), de Belfort (Haut-Rhin); Du bathonien de Ranville (Calvados), de Corsham (Wilts), de Àncliff (Wilts). de la Deneria. près Sainte-Croix (Vaud) ; Du callovien de Liffol-le-Grand (Vosges), de Châtillon-sur-Seine (Côte- d'Or). Dans le Prodrome de M. À. d'Orbigny, on trouve pour chacun des terrains suivants une forme représentant la L. duplicata. Ainsi, dans le sinémurien, on a L. Eryx avec 24 côtes ; Dans le liasien, on a L. Eryna avec \ 5 côtes ; Dans le toarcien, on a L. pectinoides avec 20 côtes ; Dans le bajocien, on a L : Helena ; Dans le bathonien, on a Z. TJippin ; Dans le callovien, on a L. duplicata. La Z. duplicata , abondante dans le sinémurien, l’est beaucoup moins dans les étages superposés à ce dernier ; il n’est donc pas hors de propos d’indiquer encore quelques auteurs qui ont signalé cette espèce dans les étages supérieurs. M. Daubrée (dans la Description géologique du Bas-Rhin ), cite L. duplicata dans le liasien, dans le toarcien et dans le bajocien. M. Thurmann (Essai sur les soulèvement* jurassiques} la cite dans le bajocien et le bathonien. M. Rœmer [Vcrsteinerungen des Norddeutschen Olitengebirgs ), qui admet deux espèces, les place toutes deux dans les marnes au-dessus du schiste à Posidonomies, c’est-à-dire dans le toarcien. M. Phillips ( Geology of the Yorhshirc coast ) cite Z. pectinoides dans le lias supérieur (upper lias shale ), et Z. duplicata à la fois dans trois étages, c’est-à-dire dans le corallien oolithique, dans l’Ox- ford-clay et dans le Kelloway-rock. M. Studer ( Géologie der Schweiz ) ôite Z. duplicata dans l’oolitho NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 7â3 et ayant la texture d’un grès. Les vacuoles sont remplies d’une substance terreuse, friable, d’une couleur jaune d’ocre qui ne fait aucune effervescence, mais qui se dissout aux deux tiers environ ferrugineuse, et L. pecilnoïdcs - dans l’oolithé subcompacte, couches qui appartiennent toutes deux au bajocien. M. Morris (dans son catalogue 1854) cite L. duplicata dans la grande oolithe, assise qui est comprise dans le bathonien de M. d’Or- bigny. De même Sowerby place son Plagiostonia duplicatum dans le cornbrash qui est considéré comme formant l’assise supérieure du bathonien (voyez Aperçu sur la géologie du département de C Yonne , par Cotteau jeune, 1847). Enfin, M. Quenstedt attribue le Pla- giostoma duplicatum au Jura brun § qui, d'après M. Marcou [Re- cherches géologiques sur le Jura sàlinôis (Méïh . Soc. géol., 2e série, t. III)], répondrait aux couches moyennes et inférieures de l’étage bathonien. Il est vrai que, quant à cette dernière concordance, je ne la trouve pas confirmée en cherchant dans le Prodrome les étages qu’occupent les fossiles qui d’après M. Quenstedt accompagnent le Plagiostonia duplicatum dans le Jura brun S. Ainsi, de ces espèces wurtember- geoises, dans le Prodrome , dans l’oxfordien, le callovien, le bathonien, le bajocien. le liasien. Puisque cet étage est encore un peu bas, prenons celui suivant e, qui ne contient pas le Plagiostonia duplicatum , mais qui, d’après M. Marcou, répond à l’assise supérieure du bathonien. Nous aurons : 2 espèces rangées, dans le Prodrome , dans l’oxfordien, 4 — — le callovien, 5 — — le bathonien, 3 — - — le bajocien, 2 — • — le toarcien. Ces fossiles sont de ceux connus et figurés depuis longtemps, et l’on ne peut supposer un instant qu’en deçà ou au delà du Rhin , les mêmes noms soient appliqués à des espèces différentes ; on ne peut donc chercher l’explication de ce défaut de correspondance que dans l’idée préconçue que les mêmes espèces ne peuvent se rencontrer à la fois dans différents étages du jurassique, idée qui amène à classer les espèces dans les différentes localités, suivant leur abondance, tantôt dans un étage supérieur, tantôt dans un étage inférieur. Si l’on voulait s'en tenir à deux espèces, comme font la plupart des auteurs, au lieu d’en avoir une pour chaque étage, la difficulté n’est guère amoindrie. Puisque la forme identique, ou du moins très sem- blable, existe dans tous les étages depuis et compris le sinémurien SÉANCE DU 16 JUIN 1856. 7 Ixh dans l’acide chlorhydrique. Le résidu paraît être argileux ; il est onctueux au toucher. Cette roche a une épaisseur de 1/2 à 2 mè- tres ; elle repose sur une assise d’une consistance pulvérulente, rappelant par son faciès celui du mortier de démolition grossière- ment pilé ; sa couleur passe du blanchâtre au violet. Je n’ai pu trouver aucun vestige de fossile dans ces trois assises inférieures au lias à Gryphées; on voit qu’elles ont de l’analogie avec celles du mont d’Ür à Lyon et de Mende ; seulement dans cette dernière localité l’ordre de superposition est interverti, le grès, d’un grain beaucoup plus grossier, y étant inférieur à la do- lomie, et c’est le contraire qui existe à Sentheim. Le terrain jurassique se reproduit sur la rive droite de la Dol- ler, en face des dépôts que je viens de décrire. Ici ce terrain forme une élévation d’une longueur d’environ A00 mètres , à pente rapide vers la vallée, et se rattachant vers le sud aux plateaux ter- tiaires; il est régulièrement stratifié et constitué uniquement par la grande oolithe, les assises inférieures restant cachées. De nom- breuses carrières sont ouvertes dans ce massif. Dans celle la plus rapprochée de Law, j’ai trouvé l’inclinaison des bancs de A0°vers E. 10° à 15° S.; plus loin le plongement incline plus vers S. et est de E.-S.-E. La couleur de la roche est blanche ou jaunâtre ; sa texture est le plus souvent un intermédiaire entre ce que M. Thurmann a appelé grande oolithe, c’est-à-dire où les oolithes sont régulières, de forme et de grosseur égale et bien détachées, et l’oolithe sub- compacte où elles sont empâtées ; mais il y a aussi des bancs très subordonnés et se fondant dans ceux qui les touchent , où les jusques et compris ie callovien, par quel motif mettrait-on la ligne de démarcation des deux espèces plutôt à un point qu’à un autre de la série ; et si cette manière de voir devient un argument spécieux quand on s’isole et que l’on ne considère qu’une seule localité, elle ne peut plus se soutenir aussitôt que l’on veut généraliser. Ainsi les géologues du Wurtemberg, qui ont une forme dans le lias inférieur et une autre dans l’assise inférieure du bathonien, s’ils admettent deux espèces, comment rendront-ils raison des formes qui, ailleurs, se trouvent dans le liasien, le bajocien et le callovien. Pour terminer cette longue digression, je dirai qu’il me paraîtrait bien extraordinaire, bien difficile à expliquer, qu’à chacun des étages par lesquels nous divisons avec plus ou moins d’arbitraire le lias et le terrain jurassique, la nature se soit plu à détruire une espèce pour en créer immédiatement après une autre toute pareille. N’est-il pas plus naturel et plus humain de réunir ces espèces et de les laisser vivre en paix? NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGEft. 7Zl5 oolitlies sont plus grandes de forme, irrégulières et allongées, à tel point qu’un éeliantillon isolé de cette dernière variété se pren- drait pour l’oolithe corallienne, à laquelle roche on attribue, trop exclusivement sans doute, les oolithes de forme irrégulière ; il y a enfin quelques bancs franchement compactes. Je n’ai pu me rendre un compte exact si ces faibles variations dans les caractères de la roche affectent une position particulière en raison de l’ancienneté des couches ; seulement les oolithes irré- gulières apparaissent seulement dans la moitié supérieure ou E. de la série. Les fossiles sont très rares et généralement mal conservés dans cette oolithe; voici ceux qu’à grand’peine j’ai pu ramasser : Nerinea petite. Homomya gibbosa (1), Ag. P cc.lt. ri lamina tus ?, Sow. Trie lûtes , fragments. Ostrea petite. Rhynchonella continua, d’Orb. Tert bratula intermedia , Sow. Cidaris , pointes. Astrea et autres polypiers. Les caractères minéralogiques, la position en face de la grande oolithe de la rive gauche dont il n’est qu’une prolongation, ses strates ayant sensiblement la même direction, et enfin les fossiles, tous ces motifs ne doivent laisser aucun doute que ce terrain de la rive de la Doller appartient à la grande oolithe. Coupe de la mine de Roppe : N. 25° O. S. 25° E. j N. 25° O. S. 25° E. d 2. Roule impériale de Cernay à Belfoit, 5. Ancienne fouille. (1) M. A. d’Orbigny réunit cette espèce à Pholaclomya Vezelayi , d’Arch. ( Mém . Soc. géol ., 4 rc série, t. Y, pl. 25) ; cependant je trouve dans ces deux espèces de notables différences en comparant, soit les figures, soit les échantillons. La P . Vezelayi me parait se distinguer de la Homomya gibbosa , 1° en ce qu’elle n’a pas cette dépression latérale qui part des crochets pour aboutir sur le milieu du bord pal- SÉANCE Dl! 16 JUIN 1856» 7lid La coupe commence à gauche par un calcaire marneux blanc (À) d’une stratification incertaine. Les fossiles y sont rares et mal con- servés ; j’y ai trouvé : Pinnigena Saussurii , d’Orb., j Piioladomya Prôt'èi\ Brong. exemplaire entier. j Tercbratula lisse. Cette roche est suivie des bancs (B) régulièrement stratifiés, rele- vés vers S. 25° E. de 75° à 80° et plus encore ; ils se composent d’un calcaire compacte à grain très fin, de couleur jaune clair, encore un peu marneux. Cette assise ne montre pas de fossiles extérieurement; aussi ai-je été pendant longtemps très incertain sur son âge, les quelques espèces citées du calcaire marneux ne pouvant pas résoudre définitivement la question. La principale de ces espèces, le Pinnigena Saussurii , passe dans plusieurs étages ; la Piioladomya Protèi était en trop mauvais état de conservation pour ne pas laisser subsister des doutes sur l’espèce, sans parler des grandes variations auxquelles un assez grand nombre d’espèces de Piioladomya sont sujettes, et qui empêchent une certitude com- plète dans les déterminations En 1855, j’ai découvert dans des fragments de la même assise (B), extraits de l’intérieur de la mine, les fossiles suivants : Mytilus jurensis , Mer. Pinna plana,, Thur. Âvicula Gesneri, Thur. Corimya tenera?, Ag. D’après lesquels, puisque les trois premières espèces sont iden- tiques avec celles qu’on trouve avec fréquence dans le riche dépôt des marnes kimméridiennes du Banné, près Porrentruy, j’ai cru devoir ranger le calcaire de Roppe avec cette dernière formation. De nouvelles observations et réflexions m’ont cependant fait reve- nir à ma première opinion, qui était de considérer ce calcaire comme appartenant à l’étage astartien, et voici pourquoi : 1° La roche compacte, à grain fin, à cassure conchoïde, dans laquelle se sont rencontrées les trois espèces signalées, n’a presque aucune analogie avec les roches marneuses du kijmnéridien ; elle est au contraire, à peu de chose près, identique avec les calcaires compactes qu’on trouve au S.-E. de Pérouse et dans les tranchées léal ; 2° en ce que la région buccale y est beaucoup plus tronquée, et 3° en ce que les crochets sont plus gros et plus arrondis. Mes spéci- mens de Sentbeim, assez bien conservés, s’accordent très bien avec la figure de Y H. gibbosa, Ag., pl. 18, et beaucoup moins avec la figure citée ou avec les échantillons de Vézelay. NOTE DE M. KOECHLW-SCHLUMBERGER. Ihl du chemin de fer entre Chèvremont et Banjoutin, calcaires qui, soit par leur position au-dessus du corallien, soit par leurs fossiles, sont évidemment astartiens, L’analogie existe encore avec ces der- niers par la superposition directe du terrain sidéroolithique et des conglomérats qui en dépendent. 2° Les marnes kimméridiennes existent pas très loin de Roppe, à Morvillars (Haut-Rhin) et à Audincourt (Doubs) (1), avec tous les caractères classiques qu’on est habitué à leur voir dans les monts Jura; il est donc présumable que, si le kimméridien devait exis- ter à Roppe, il aurait pris son faciès habituel. 3° Les trois fossiles kimméridiehs cités sont très rares à Roppe. Quoique dans cette localité il y ait beaucoup de déblais, ce n’est qu’une seule fois que je les ai rencontrés ; ils sont, au contraire, très abondants et réunis à beaucoup d’autres dans les marnes kimmé- ridiennes. Avec la fréquence du passage d’une espèce d’un étage à l’autre, et surtout quand il s’agit d’étages qui se touchent, quel- ques fossiles isolés ne peuvent pas dominer la question d’âge. Appuyé sur les bancs (B), on trouve en (G) un calcaire blanchâtre un peu marneux, formant comme une brèche dans laquelle il n’y aurait pas de pâte. Laroche est divisée en de nombreux fragments très angulaires, presque sans intervalles et paraissant être en place. Juxtaposé à cette brèche existe avec une grande puissance le conglomérat (E), dans lequel les exploitations anciennes et succes- sives de minerai de fer ont produit une grande excavation : c’est comme un grand fossé qui suit le jurassique dans la direction de ses plans de stratification, et dont le fond est accidenté de trous, d’anciens puits, etc. Les galets qui entrent dans la formation de ce conglomérat sont exclusivement composés d’un calcaire de caractères très suivis et identiques avec les variétés les plus compactes du jurassique tirées de l’intérieur de la mine. Leur grosseur varie depuis 1 jusqu’à 60 centimètres de diamètre, ceux de la dernière dimension sont cependant rares. Les galets ou fragments de faibles dimensions sont anguleux ; les autres sont un peu arrondis sans être polis et tout en conservant une certaine rudesse à leurs surfaces. La pâte qui remplit les interstices des galets est composée de chaux carbonatée, d’argile et d’oxyde de fer ; elle a une cassure terreuse, est assez dure, de couleur rouille ordinairement, quelquefois rosée. La proportion entre la masse des galets et celle de la pâte est (1) Ces derniers gisements m’ont été signalés par M. Jutier. 7A8 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. très variable : tantôt c’est l’un des éléments, tantôt c’est l’autre qui prédomine. Cette pâte renferme souvent d’assez nombreux grains de minerai de fer ; je n’y ai jamais rencontré de fossiles. Des grains de mine- rai de fer se trouvent également incrustés à moitié à peu près de leur diamètre dans la surface des galets calcaires ; dans le fond de la grande excavation gisent une quantité de ces galets détachés du conglomérat, et dont la surface est criblée de petits creux hémi- sphériques ayant renfermé ou renfermant encore des grains de minerai de fer ; souvent ces creux sont allongés et représentent alors des cannelures qui, sur une certaine étendue de la surface des galets, sont parallèles. Ces grains incrustés, les creux et les canne- lures qu’ils ont occasionnés, existent indifféremment sur les plus grandes surfaces des galets et sur les parties arrondies de leurs angles. Les galets n’ont donc pu être ainsi façonnés qu’après qu’ils avaient été préalablement détachés de la roche en place et un peu arrondis. Ces galets contiennent eux-mêmes quelques restes organisés ; voici ce que j’y ai trouvé : Pinnigena Saussurii , d’Orb , des j Ostrea solilaria , Sow. fragments. j Pecten subfibrosus , d’Orb. Mytilus Sowerbyanus? (1 ), d’Orb. | Ces fossiles sont très rares. Le conglomérat continue vers S.-E., au delà de la route, sur une distance de 300 à 350 mètres, jusqu’à peu près à moitié che- min d’Éguenigue ; il se trahit par un bombement du sol sans cul- ture. Vers S. -O., cette nappe s’étend jusqu’au village de Roppe. M. Jutier a reconnu un dépôt analogue qui s’étend des Errues jusqu’au delà de Bethonvillier. Ce conglomérat forme entre ces deux points un escarpement de 3 à à mètres qui suit la rive gauche du ruisseau la Madelaine, et qu’on peut facilement apercevoir un peu caché par les arbres de la route impériale ; on peut en obser- ver la stratification près d’une ancienne forge convertie en tissage mécanique. Les bancs ici plongent vers E. 20° S.; mais comme on (1) Je sais bien que les auteurs placent généralement cette espèce dans des couches plus anciennes, c’est-à-dire dans le bajocien et le bathonien. Cependant Thurmann, Thirria et Renevier, et d’après eux Bronn, citent ce Mytilus dans les couches les plus supérieures du jurassique. J’ai comparé mes exemplaires de Roppe à ceux de Dundry et de Marquise; je n'y ai pu voir d’autre différence que celle de la taille, qui est un peu moindre. NOTE DE M. KOËCHL1N-SCHLUMBERGER. 749 ne voit que leurs têtes, la quantité de l’inclinaison ne peut être facilement appréciée. Les galets dont le conglomérat est formé sont purement calcaires et sont identiques, quant à la forme, la grosseur et le degré d’usure, à ceux de la minière de Roppe. Voici les roches dont ils se composent ; elles sont assez variées : 1° Oolitlie subcompacte lumachellique, de couleur un peu fon- cée, parsemée de nids et de veinules de calcaire spatliique, en quelle substance sont aussi convertis de nombreux restes de co- quilles. Je suis dans le doute sur Page de cette roche ; le mélange de calcaire spatliique, l’inégale grosseur des oolithes, militeraient pour une oolitlie corallienne ou astartienne. La couleur foncée, au contraire, dénoterait une variété de l’oolitlie inférieure. Cette roche me paraît composer les trois quarts des galets. 2° Oolithe inférieure un peu sableuse, parsemée de lamelles spathiques ou de fragments d’Encrines. 3° Astartien compacte, grain fin, cassure conchoïde, pareil à celui qui compose les galets de la minière de Roppe. 4° M uschelkalk avec le faciès et les Encrines caractéristiques. Les trois dernières roches sont à peu près dans la même pro- portion. La pâte qui relie ces galets a une consistance peu suivie, mais généralement moindre que celle du conglomérat de Roppe ; elle est d’une couleur claire, mais les lentes et la surface des galets sont régulièrement enduites d’une pellicule ocreuse. Cette pâte forme elle-même un grès grossier dans lequel les éléments, de 1/2 à 2 millimètres de grosseur, sont mêlés de fragments de quartz. Ces fragments ne sont pas usés sur leurs côtés, mais présentent souvent les faces brillantes et fraîches du pointement des cristaux de quartz, évidemment formés après coup à la place qu’elles occupent aujourd’hui. C’est le même phénomène, connu depuis longtemps par les surfaces cristallines des galets du grès vosgien, et qui s’offre, non-seulement sur les galets, mais aussi sur les surfaces qui forment une solution de continuité du grès lui-même ; je l’ai aussi signalé dans un conglomérat tertiaire des environs de Mende (1). Le conglomérat de Bethonvillier diffère donc de celui de Roppe en ce que les galets en sont composés, en partie, de roches plus anciennes que l7 astartien, et en ce que la pâte contient quel- ques grains de quartz et n’a plus de teinte ferrugineuse. D’après les observations que j’ai pu faire au S.-E. de Pérouse (4) Bull., 2e série, t. II, p. 608. 750 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. et dans les tranchées du chemin de fer entre Chèvremont et Üan- joutin, le conglomérat, à mesure qu’il s’éloigne des dépôts sidéro- lithiques, se modifie par degrés insensibles et sans solution de continuité, si l’on peut s’exprimer ainsi ; la couleur de la pâte, de brun-rouge qu’elle était d’abord, passe au jaune d’ocre, puis au jaune clair, puis s’efface complètement. Ï1 m’a aussi semblé qu’avec l’éloignement du sidérolithique, qui repose directement sur les roches compactes astartiennes, la composition des galets devenait plus mélangée, et que la proportion du calcaire com- pacte astartien y devenait moindre. Ceci expliquerait les différences que j’ai signalées entre le conglomérat de la mine de Boppe et celui de Bethonvillier. J’ajoute que dans les trois localités le conglo- mérat est recouvert par des marnes tertiaires identiques, ainsi que je vais le montrer pour celui de Bethonvillier, et ainsi que je le montrerai, dans une suite au présent travail, pour les localités de Pérouse et du chemin de fer C’est encore M. Jutier qui a découvert et m’a signalé ce fait de superposition à Bethonvillier, que j’ai, du reste, trouvé am- plement confirmé dans ma visite sur les lieux. Sur l’élévation qui forme le dépôt du conglomérat, à moitié chemin environ entre Bethonvillier et les Errues, et à quelque cent mètres au N. du chemin de voitures, on voit des fouilles anciennes assez étendues où la marne tertiaire, qui repose sur le conglomérat, a été extraite. L’état des fouilles ne permet pas d’apprécier la puissance de celte marne, qui a, du reste, les mêmes caractères que celle que l’on rencontre sur beaucoup de points du département, comme à Bergholtz , à Ollwiller , à Aspach-le-Pont, entre Law et la Chapelle, à Altkirch, à Hirsingue, à Chèvremont et dans la tranchée du chemin de fer. Dans les fouilles de Bethonvillier, elle est recouverte de dalhs de U à b centimètres d’un grès très solide, tantôt jaune, tantôt bleu, et qui est complètement identique avec celui qui , à Ollwiller , recouvre également la marne ; j’ai même trouvé dans ce grès, avec quelques autres empreintes, un moule de Pectunculus c ras s us, Phill., le seul fossile un peu abondant dans le tertiaire tongrien du département. Il me paraît résulter, de tout ce qui précède, que le conglomérat de Bethonvillier ne peut être séparé de celui de Koppe. On voit, à l’entrée du même village, une ancienne fouille dans le même conglomérat, comme à lamine, et qui est indiquée sur le côté droit de la coupe. A quelques mètres au S.-E. au delà de l’escarpement taillé dans le conglomérat, on retrouve les bancs NOTE DE M. KOECIILIN-^CIILUMliERGER. 751 du. calcaire jurassique (B) bien stratifiés relevés vers S.-S.-E., comme ceux à la gauche de la coupe, mais seulement de ù5 de- grés. La stratification du conglomérat lui-même est obscure et bien difficile à apprécier ; à la mine de lloppe, la direction m’en a paru être de N.-E. au S. -O., direction qui est un peu plus en évidence dans la fouille dont je viens de parler, et où l’inclinaison ne me paraît pas dépasser 10 ou 15 degrés. La coupe montre les bâtiments d’exploitation de la mine , placés sur une petite éminence sur le bord N. -N. -O. de la prin- cipale excavation; ils renferment le puits neuf, la machine à vapeur pour extraire les eaux et le minerai, et les machines de lavage. Le puits creusé en î856 est aujourd’hui (1854) à 100 mè- tres de profondeur. Dans ce gisement, ainsi que l’indique la coupe, en se dirigeant du N. -N. -O. au S.-S.-E., on trouve donc, à certaines distances, des bancs bien stratifiés de calcaire jurassique (astartien) ayant à peu près la même direction (O. -S. -O. à E.-N.-E.), mais étant différemment inclinés. Les intervalles de ces bancs sont remplis d’un conglomérat ou d’une brèche qui, elle même, con- tient, dans des vides en forme de poches, et irrégulièrement réparti, le terrain à minerai de fer en grain. Ces circonstances, que l’inspection des anciens travaux, exécutés principalement à ciel ouvert, fait reconnaître, sont confirmées par ce qu on observe à l’intérieur des travaux actuels. Au N., la mine FF est limitée par la roche vive ou le juras- sique, flanquée en quelques endroits du conglomérat ; vers le S., la mine est encaissée par le conglomérat, qui souvent est recou- vert par une marne argileuse de quelque consistance, contournée, blanche, diaprée de brun, et renfermant quelques rares grains de minerai ; dans les parties brunes paraît dominer l’argile, dans celles blanches le calcaire ; ces dernières acquièrent quelquefois autant de dureté que le jurassique en place, quoique ayant une texture rappelant les concrétions. Durcie, cette roche représente les nodules calcaires marno-compactes de M. Thirria (1;. Le fond de la mine est formé par une argile stérile que l’on ne perce pas ; au-dessus existe le minerai ordinaire composé d’argile de couleur claire remplie de grains de fer hydroxyde souvent très petits ; c’est là où l’on travaillait en 1855. On a reconnu au-dessus un second (1) Statistique de la Haute • Saône , p. 12G. SÉANCE DU 16 JUIN 1856. dépôt beaucoup plus riche, à pâte quelquefois grisâtre, quelquefois rougeâtre ; les grains y sont beaucoup plus gros et plus nombreux. Avec ce second dépôt, on sera encore loin d’atteindre les anciennes fouilles faites à ciel ouvert. Vers le S. le conglomérat surplombe les travaux, qu’il gêne en s’écroulant souvent. Je tiens ces renseignements concernant l’intérieur de la mine d’un jeune directeur des travaux. Il a ajouté que le minerai était réparti d’une manière fort irrégulière, que le calcaire compacte se trouvait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, que souvent il y avait confusion ou mélange du conglomérat avec le terrain à minerai, ce qui augmentait la difficulté de l’exploitation. On a rencontré, dans l’intérieur de la mine, un bloc presque sphérique de 50 centimètres de diamètre, formé d’une roche plus ancienne, et qui est en place à quelque cent mètres au N. -N. -O. Cette roche est un peu grenue, parsemée de paillettes de spath, et passe à la lumachelle ; elle me paraît se rapporter à un des bancs que l’on rencontre au-dessous de la grande oolithe ou en alter- nance avec elle. Le jurassique en place, sorti de l’intérieur de la mine, offre encore quelques particularités qu’il importe de mentionner. D’abord sa surface, touchant le dépôt de la mine, est en partie corrodée, arrondie, trouée, rugueuse, comme cela se voit dans les autres dépôts sidérolithiques , et comme cela a été signalé depuis longtemps par tous les auteurs qui ont traité de ces dépôts. Il y a ensuite d’autres surfaces de la roche encaissante (qu’il ne faut pas confondre avec les galets du conglomérat) dans lesquelles on voit incrustés des grains de minerai souvent de l’épaisseur de leur diamètre, qui va jusqu’à 10 millimètres et plus. A la suite de ces grains incrustés on remarque également des sulcatures parallèles, que j’ai déjà signalées pour les galets, et où chaque sulcature semble répondre, par sa largeur et sa profondeur, à un des grains. La description succincte que l’on vient de lire suggère naturel- lement le désir de savoir comment et à quelle époque ce dépôt sidérolithique a été formé. Ce sont deux questions qui ont déjà été traitées par de hautes intelligences, sur lesquelles des hypo- thèses ingénieuses ont été proposées, et qui, cependant, ne peuvent être considérées comme résolues. Quoique ce terrain, ainsi cpi’on le verra plus loin, ne doive plus être compris parmi le jurassique, on me permettra, en raison des relations intimes qu’il a avec ce dernier, de m’en occuper ici. Je n’ai nullement la prétention de venir dire le dernier mot sur les questions ardues qu’il soulève ; mais j’essayerai d’y jeter quelques lumières, de les discuter au NOTE DE M. KOECIÏLÎN-SCRLliMBfcRGEIt. 753 point de vue des circonstances particulières qui se présentent à Roppe. Cherchons d’abord quelle est la nature de ce dépôt, quelles causes ont présidé à sa formation ; nous dirons après quelques mots de son âge probable. Brongniart, qui s’est, je crois, occupé le premier de cette question, attribue le dépôt sidérolithique au sourdissement des eaux thermales, et c’est encore là, après tout ce que l’on a dit et imaginé d’ingénieux, la meilleure explication de l’ensemble des faits que l’on observe dans ces dépôts. M. Thirria (1), quoique disposé à croire que le terrain du mi- nerai de fer pisiforme s’est formé par l’influence de causespeu diffé- rentes de celles qui ont agi pendant le dépôt du terrain jurassique, admet cependant l’intervention de sources minérales. M. Gressly (2), en amplifiant beaucoup cette idée, a imaginé un système grandiose où viennent concourir presque tous les agents que la science moderne tient à sa disposition. Ainsi, dans un résumé, il attribue l'origine des dépôts sidérolithiques : 1° A des vapeurs incandescentes chargées d’acides et d’oxydes ; 2° A des épanchements réels de masses minérales ferrugineuses en fusion plutonique ou à l’état de pâte boueuse; 3° A des filets d’eau s’échappant des petites fissures ; U° A des sources en ébullition ; 5° A des cratères d’éruption. L’auteur du Jura soleurois, cet observateur intelligent et infati- gable, emporté par son imagination vive et féconde^ me semble avoir dépassé le but. M. Quiquerez, auquel on doit un mémoire descriptif, du plus grand mérite, sur les minières du terrain sidérolithique des envi- rons de Délémont, a, dans la partie théorique de son travail, adopté les idées de M. Gressly, en leur donnant plus de déve- loppement. Avant même que je me sois occupé plus sérieusement du ter- rain sidérolithique, et dès mes premiers pas dans cette question, j’ai toujours eu une aversion vague, plus sentie que raisonnée, contre l’intervention des actions plutoniques. C’est que j’avais vu la structure concentrique aussi bien des grains d’oxyde de fer que des rognons de jaspe de Kandefn ; j’avais vu l’admirable con- servation des pointes de Cidaris Blumenbachii et des forarninifères (4) Statistique de la Haute- Saône . (2) Observations géologiques sur le Jura soleurois. Soc . géol.} 2e série, tome XIII. 48 SÉANCE DU 16 JUIN 1856, 75/1 dans ces mêmes jaspes ; j’avais vu enfin l’ensemble des faits et des circonstances qui accompagnent le terrain sidérolithique qui, tous, me paraissaient militer en faveur d’actions aqueuses seule- ment ; j’ai donc appris avec plaisir que d’autres géologues reve- nant à l’idée primitive, tout en lui donnant des bases plus solides et plus de développements, émettaient l’avis que l’apparition des sources thermales à la surface du sol suffisait pour expliquer la formation du terrain sidérolithique. De ce nombre sont MM. Greppin et Muller. Le premier qui, naguère encore, semblait attaché aux idées de MM. GseSsiy et Quiquerez (1), après avoir mieux étudié la question, vient de m’écrire (2) pour me dire qu’il est en controverse épistolaire avec M. Gressly, et qu’il soutient ctintrë ce dernier les trois points suivants : 1 . Qu’il ri y a aucune connexion (Cage entre la formation sidéroli- thique et le soulèvement clés chaînes jurassiques ; 2. Que le terrain sidérolithique est éocène ; 3. Qu’il nie toute cause platonique ou volcanique dans la formation du terrain sidérolithique. Ces opinions, que M. Greppin se propose de développer dans une publication prochaine, me paraissent mériter d’autant plus notre attention, que le modeste savant qui les émet a Su déjà, par ses travaux, se concilier la confiance ët la considération. Quant à M. Muller, mon savant ami, il explique dans un excellent travail, simplement et naturellement, les phénomènes et les circonstances qui accompagnent le terrain sidérolithique, et Sans abuser des causes et actions géologiques. D’après lui, les masses éruptives en ignition dans l’intérieur de la terre, mises en contact avec les dépôts calcaires stratifiés les plus rapprochés, ont rendu libre une quantité très grande de gaz acide carbonique qui, cherchant une issue vers le haut, a trouvé des sources pour l’absorber. Cette eau acide, parcourant les différents terrains stra- tifiés, depuis les plus anciens jusqu’aux plus récents, en a dissous en passant les parties solubles, et est arrivée à la surface du sol chargée de calcaire, d’oxyde de fer, de magnésie, etc. Ces sub- stances, les mêmes que l’on trouve dans les dépôts sidérolithiques, (1) Notes géologiques sur les terrains modernes , quaternaires et tertiaires du Jura bernois , et en particulier du val de Délé mont ^ p. 50. (2) Du 18 février 1856. NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER • 755 ont du se déposer, quand, à l’air libre, une partie du gaz acide carbonique, celui qui constituait les bicarbonates, a quitté la combinaison. M. Muller s’est donné la peine d’analyser un grand nombre de roches pour établir que toutes les substances que l’on rencontre dans les dépôts sidérolithiques sont préexistantes dans le trias et le terrain jurassique. Ce système séduit par sa simplicité et parce qu’il ne s’écarte que peu des causes actuelles (1) : mais, je dois le dire, toutes ses parties ne me satisfont pas également ; ainsi , si l’auteur se bornait à concevoir la constitution dû terrain sidérolithique par des sources chargées de bicarbonates, je serais parfaitement d’accord avec lui ; mais quand il veut, par le désir de ne pas sortir des causes actuelles, que ces différents bicarbonates se trouvent dans les sources à peu près dans les mêmes proportions dans les lesquelles elles existent dans les roches du trias et du terrain jurassique, je ne dois plus être de son avis. Yoici les objections qui se présentent : Sans doute les calcaires et les autres couches qui composent la masse des monts Jura, jusques et y compris le trias, contiennent toutes les substances qu’offre le terrain sidérolithique ; mais elles n’y sont pas dans la même proportion. Dans ces roches prises ensemble, le calcaire prédomine ; les autres substances n’y sont mêlées que dans une faible proportion. Dans le terrain sidéroli- thique, c’est l’inverse : le calcaire y est rare, et les autres sub- stances, telles que l’oxyde de fer, l’argile, la silice, l’oxyde de manganèse, etc., composent à elles seules tout le dépôt. Dans cette hypothèse, que serait devenue cette masse, compara- tivement énorme, de calcaire dont les eaux, perdant de leur acide carbonique à leur arrivée à la surface du sol, auraient dû déposer une grande partie, et qu’on ne retrouve ni dans les dépôts sidéro- lithiques ni dans les environs? M. Muller, sentant l’importance de cette objection, croit y répondre suffisamment en disant que le calcaire, ayant plus d’affinité pour l’acide carbonique, a pu rester en dissolution et être enlevé au loin par les eaux, pendant que l’oxyde de fer et les autres substances se déposaient. Que voyons-nous cependant quand nous examinons les sources (1) Je ne veux pas me rendre garant de la manière de voir de l’au- teur sur l’origine du gaz acide carbonique qui afflue sous différentes formes et en quantité considérable à la surface du sol. Je me borne à prendre ce fait pour constant, sans prétendre en donner une autre ou une meilleure explication. 756 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. nombreuses de calcaire incrustant qui sourdissent dans les monts Jura et ailleurs, et qui sont précisément dans le cas que M. Muller suppose pour les sources constitutives du terrain sidérolithique, c’est-à-dire qu’elles ont traversé au moins les couches les plus supérieures du terraiu jurassique, dont elles ont dissous la substance à l’aide de l’acide carbonique? Ces sources arrivant à la surface du sol, et perdant une partie de leur acide carbonique, ne déposent- elles pas principalement du calcaire, mélangé des autres substances dans une proportion faible et rapprochée de celle dans laquelle elles existent dans les roches parcourues par les eaux? Remarque- t-on ici un triage, surtout entre le calcaire et l’oxyde de fer; toutes les substances, au contraire, ne se déposent-elles pas pêle-mêle? Et ne serait-il pas anormal de supposer que les sources qui ont amené au jour le terrain sidérolithique, placées dans des condi- tions identiques, se soient cependant comportées d’une manière toute différente? Les dépôts formés par les sources incrustantes ordinaires, que j’ai eu occasion d’observer dans les monts Jura, sont de la couleur des roches jurassiques supérieures, c’est-à-dire d’un blanc sale un peu jaunâtre ; on n’y voit pas de sédiment oereux, ils ne peuvent donc pas contenir beaucoup de fer. M. G. Bischof (1) parle de sources froides plus ferrugineuses dans l’Eifel, et dans lesquelles, d’après l’analyse qu’il en a faite, le rapport du fer hydroxyd^ à la chaux carbonatée est comme 19 à 100, et cependant le dépôt oereux accusait 617 parties de fer liydroxydé sur seulement 100 de chaux carbonatée. Le bicarbonate de fer, par sa moindre affi- nité, s’est donc sépare de l’acide carbonique en plus grande pro- portion que le bicarbonate de chaux ; mais quoique cette source fut très ferrugineuse, elle a cependant déposé une notable quan- tité de chaux carbonatée mêlée au fer hydroxydé. Toujours d’après M. Bischof, la proportion de chaux carbonatée déposée serait beaucoup plus grande dans le cas d’une source thermale. Puisqu’il est donc bien établi, et que M. Muller l’admet lui-même, que l’acide carbonique a plus d’affinité pour le calcaire que pour le fer, il doit en résulter nécessairement, dans le système que nous analysons, que les ea.ux acides, dans leur parcours à travers les roches, dissoudront préférablement le calcaire, et que de cette manière la proportion du fer contenu dans les sources, très faible déjà par la teneur en fer des roches, serait encore amoindrie par la (4) Lehrbuch der chimischen und physikalischen Géologie , I, p. 901. NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLDMBERGER, 757 différence d’affinité. Ces sources ne pourront donc pas, à leur arri- vée à la surface du soi, donner lieu à des dépôts ferrugineux. Il y a une circonstance propre aux gisements du terrain sidéro- lithiquequi a frappé tous les observateurs : je veux parler de l’état usé, rongé, troué dans lequel se trouvent les roches encaissantes; l’existence de ce fait attribué généralement à Faction d’un acide se concilierait mal avec le système que nous discutons, car il serait peu conséquent d’admettre que les eaux arrivant à la surface du sol, au lieu de déposer leur excédant de calcaire pour devenir carbonate neutre, dissoudraient au contraire celui sur lequel elles séjournent; je ne sache pas, du reste, qu’il en soit ainsi des sour- ces incrustantes actuelles, qui n’entraînent pas les roches calcaires sur lesquelles elles coulent au moment de sourdre à l’extérieur. J’ai fini avec ma critique, j’y ai trop insisté peut-être, car je sais bien que dans les hypothèses géologiques, où il se mêle toujours quelque chose de la fragilité humaine, il faut mettre de côté l’assurance et la présomption ; mais c’est que précisément le sys- tème de mon savant ami me convient, je l’adopte de préférence à tout autre: il importait donc de bien préciser les circonstances et les faits que ce système laisse inexpliqués pour pouvoir le com- pléter, c’est là ce que je vais essayer de faire. Ces circonstances et ces faits sont : 1° Les surfaces corrodées du jurassique encaissant la mine; 2° Le triage presque complet entre le calcaire et l’oxyde de fer ; 3° La grande prédominance de l’oxyde de fer, de l’argile, de la silice, etc., et l’absence ou la très faible proportion de calcaire dans les dépôts sidérolithiques; U° Les grains de minerai incrustés aussi bien dans le terrain jurassique en place que dans les galets du conglomérat. Les sources actuelles ne pouvant expliquer ces phénomènes, ce ne sera pas trop donner à l’hypothèse, que de concevoir les sources qui ont du alimenter les dépôts sidérolithiques autrement consti- tuées que ne le sont les sources que nous voyons sourdre aujour- d’hui des monts Jura. J’admets donc que ces sources tenaient principalement en dissolution du fer et peu ou point de calcaire; ces substances ainsi que celles accessoires, comme l’oxyde de manganèse, la magnésie, la silice, l’alumine et l’argile, dont les trois dernières, en partie à l’état de pur mélange, oiTtdu se trouver réunies en de certains points où les eaux acides les ont dissoutes ou enlevées mécaniquement. Les eaux ainsi chargées, poussées avec force et traversant les 758 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. roches avec vitesse, n’ont pas eu le temps d’en dissoudre le cal- caire ou de faire des échanges de bases, suivant leur degré d’affi- nité; du reste, leur parcours à travers les couches stratifiées n’au- rait pu avoir lieu que sur une très petite étendue, car le gaz acide carbonique, venant du bas, n’aurait pu rencontrer des eaux pour l’absorber et lui servir de véhicule qu’à une partie élevée de ces couches. Cette dissolution de fer bicarbonaté, arrivée au repos dans les fentes et crevasses du terrain jurassique supérieur, il y a eu échange des bases, le fer s’est précipité à l’état de carbonate neutre, et l’acide carbonique, qui constituait l’excédant du bicarbonate sur le carbonate neutre, a dissous et corrodé les parois calcaires des dépôts sidérolithiques. Les autres substances tenues en dissolution ont subi la même influence, celles tenues seulement en suspen- sion, comme le sable quartzeux et l’argile, se sont déposées dans les eaux devenues tranquilles. Ainsi s’expliquent les principales cir- constances qu’on observe dans les dépôts sidérolithiques et peut- être aussi la formation des grains d’oxyde de fer incrustés dans le calcaire en place et dans les galets du conglomérat, car on peut bien admettre qu’à mesure qu’une parcelle de calcaire se dissol- vait et s’enlevait, une parcelle de fer carbonaté neutre, passant promptement à l’état de peroxyde, venait le remplacer, et cette opération lente et régulière, déplaçant ainsi atome par atome, me semble aussi pouvoir rendre raison de la structure par couches concentriques des grains de minerai. J’ajoute que, si l’on suppose que pendant cette opération, qui a sans doute eu besoin d’une longue période de temps pour s’accomplir, le terrain sidéroli- thique est venu à s’affaisser lentement par retrait, on peut encore mettre sur le compte de l’épigénie les cannelures parallèles qui prennent leur origine à chaque grain incrusté. M. G. Bischof (1), en signalant les pseudomorphoses de fer hydroxydé sur chaux carhonatée, donne une pleine confirmation à mon hypothèse ; il va plus loin et soutient que, quand même les eaux contiendraient à la fois du bicarbonate de fer et de chaux, l’échange des bases aurait également lieu, puisque ce n’est que l’excès de l’acide carbonique qui constitue le bicarbonate de fer, et qui, moins lié, agit sur le calcaire. On voit d’après cela que je ne puis admettre, dans les sources ayant alimenté le terrain sidé- rolithique, d’assez larges proportions de chaux carhonatée sans nuire à mon système. (I) Lehrbuch , etc., t. II, p. 823. NOTE DE M. K0ECHL1N-SCHLUMBER6EIU 759 Comme j’avais conçu mon hypothèse sans avoir jamais ouvert le livre de M. G. Bischof, et que les opinions des chimistes que j’avais consultés laissaient planer de l’incertitude sur la question, il a fallu recourir à des expériences qui l’ont, du reste, pleinement confirmée (1). Je dois encore examiner les objections qu’on peut faire à mon hypothèse et parler de quelques circonstances accessoires. Et d’abord M. Midi er peut rétorquer mon argumentation contre lui : il peut me dire que toutes les sources incrustantes ne (1 ) On a fait deux parts d’une dissolution saturée de fer dans l’acide muriatique : l’une a été exposée à l’air pendant plus de quinze jours sans qu’elle se soit troublée ni qu’il s’y soit formé le moindre dépôt ; dans l’autre on a placé quelques fragments d’une roche composée presque uniquement de chaux carbonatée : il n’y a eu aucune effer- vescence, mais il s’est formé instantanément un précipité ocreux qui s’est successivement augmenté. Le dépôt ferrugineux était attaché principalement aux surfaces des fragments dont les angles, du reste, étaient usés. Des essais plus rigoureux ont été faits sur ma prière par M. Édouard Schwartz, et avec du bicarbonate de fer, il les a partagés en deux séries, c’est-à-dire qu'il a opéré, soit en vase clos, soit à l’air libre, et, dans les deux cas, il y a eu précipité de carbonate neutre de fer et dissolution de calcaire. Voici la première expérience : On a préparé du carbonate ferreux en décomposant le sulfate fer- reux par le carbonate de soude, et lavant le précipite hors du contact de l’air. La pâte grisâtre que l’on a obtenue a été étendue d’eau distillée, et le mélange a été saturé d’acide carbonique dans un de ces appareils de verre dont on se sert habituellement pour faire l’eau de Seltz arti- ficielle. Après plusieurs jours de contact, on a soutiré la liqueur et on l’a filtrée, puis on l’a versée sur du calcaire à peu près pur préala- blement trempé dans de l’eau distillée pour en chasser l’air. Le con- tact a duré pendant quinze jours, dans un flacon bouché à l’émeri entièrement rempli et placé dans une position renversée dans de l’eau distillée. Pendant ce temps aucun dégagement de gaz n’a eu lieu- mais il s’est formé un précipité de carbonate ferreux neutre, tandis qu’une quantité correspondante de bicarbonate de chaux a été trouvée dans la liqueur. Le précipité, en séchant au contact de Pair, s’est transformé en oxyde ferrique. Dans l’expérience à l’air libre, les choses ont marché plus vite. Une heure après avoir immergé les fragments calcaires, la liqueur était fortement troublée par le précipité ferrugineux. Le lendemain on n’a plus trouvé trace de fer dans la dissolution, tandis qu’on y a constaté une quantité notable de bicarbonate de chaux. Dans cette expérience, le précipité ferrugineux a été plus abondant parce que, dans la pre- mière, une partie du bicarbonate ferreux est restée en dissolution avec le bicarbonate de chaux. 760 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. contiennent pas aussi peu de fer que quelques-unes du Jura, que celles qui sont riches en fer et qui continuent de couler ne pro- duisent cependant pas ces grains ronds de fer hydroxyde avec structure concentrique. A cela je pourrai répondre que ni M. Mul- ler ni personne d’autre n’a donné jusqu’à présent une explication plausible de ce phénomène, et. que si mon système pèche un peu de ce côté, il faut être indulgent, d’autant plus que cette explica- tion n’est qu’une partie accessoire de mon idée. La nature ne se laisse pas prendre souvent sur le fait, résignons-nous donc. On pourrait vouloir expliquer les sulcatures dont j’ai parlé et qui existent sur la roche encaissante et sur les galets, par un frot- tement des grains de fer hydroxydé en saillie, sur le calcaire. Mais d’abord ces grains, dans l’état actuel des choses, sont passa- blement moins durs que le calcaire et n’auraient pu l’entamer; et, en second lieu, les grains jusqu’au diamètre de 10 millimètres, sont incrustés de toute leur épaisseur dans le calcaire: il n’y avait donc ici aucun corps en saillie, et cependant l’effet est produit. M. Thirria (1) qui, le premier, a signalé l’incrustation des grains de minerai dont je viens de parier, a attribué ce fait à la circonstance qu’au moment de la formation de ces grains le cal- caire avoisinant était encore à l’état pâteux. Je ne connais pas les gîtes de la Haute-Saône où M. Thirria a fait ces observations; mais à Roppe il me paraît de toute évidence, 1° que l’action qui y a redressé les couches du kimméridien dans une position presque verticale, a eu lieu longtemps avant la formation du ter- rain sidérolithique ; 2° que ce mouvement avec les fentes et cre- vasses auxquelles il a donné lieu, s’est produit à un moment où les couches kimméridiennes étaient déjà parvenues à une consi- stance rapprochée de celle qu’elles ont aujourd’hui, et qu’ainsi le calcaire ne pouvait plus être à l’état pâteux lors du dépôt du ter- rain sidérolithique. Des bancs calcaires à l’état pâteux se seraient fortement con- tournés en se redressant, et n’auraient pas conservé droits leurs plans de stratification ; d’ailleurs l’état des roches, les fentes et crevasses elles-mêmes, tout prouve qu’il y a eu brisure, et non courbure . J ajoute que cette manière de voir, que je combats, rapproche- rait trop la formation sidérolithique de celle du terrain jurassique, et serait par là en désaccord complet avec l’opinion la plus récente (1) Statistique de la Haute-Saône , p. 1 26. NOTE DE M. KOECHLIN-3CHLUMBERGEU. 76l et la plus probable, c’est-à-dire celle qui synchronise le terrain sidérolithique avec l’éocène ou tertiaire inférieur. Mais il y a plus: ce n’est pas seulement le terrain jurassique en place qui est ainsi incrusté de grains de minerai, mais les galets calcaires du conglomérat le sont avec beaucoup plus de fréquence. Les empreintes laissées par les grains existent aussi bien sur les parties des galets, arrondis préalablement par le charriage et le frottement, que sur les autres. Or, pour concevoir la formation des galets d’un conglomérat, ne faut-il pas d’abord que la roche dont ils se composent ait été déposée en bancs, qu’elle ait acquise une certaine dureté ; ne faut-il pas qu’une dislocation quelconque ait brisé cette roche et en ait charrié et bouleversé les fragments pour les arrondir ou au moins émousser leurs angles et arêtes, et les ait enlin placés dans un milieu limoneux qui, par le durcisse- sement, les a liés pour en former un tout ? Toutes ces opérations ont-elles pu se faire, et surtout les galets auront-ils pu s’émousser tout en conservant assez peu de dureté pour permettre aux grains d’oxyde de fer de s’y loger? On doit ajouter que les grands galets seulement sont émoussés, les petits conservent leurs angles très vifs, circonstance qui ne s’expliquerait pas si la roche dont ils ont été détachés avait été à l’état pâteux. M. Daubrée (1) a proposé une autre explication de ce phéno- mène d’incrustation : c’est celle d’admettre, après le dépôt et la formation des grains de fer hydroxydé, l’action d’un acide qui serait venu ramollir la surface du calcaire, et aurait ainsi permis aux grains de s’y loger. L’objection principale qu’on peut faire à cette hypothèse, c’est qu’elle ne paraît pas être d’accord avec l’ex- périence ; ainsi quand on immerge un calcaire pur ou presque pur dans un liquide acide, la surface de la roche est entamée ; une pellicule, dont l’épaisseur est proportionnelle à l’intensité et à la durée de l’action acide, est dissoute et enlevée, la nouvelle surface qui est au-dessous se trouve avoir conservé toute sa dureté primitive. Le plus gros des grains incrustés, que j’ai observé à Roppe, a 10 millimètres de diamètre et est engagé dans la roche de toute son épaisseur, et ici le ramollissement supposé aurait dû atteindre une couche de 10 millimètres. L’agent auquel on peut le plus naturellement attribuer l’action dont il est ici question, est l’acide carbonique, existant partout et s’exhalant en quantités considérables des profondeurs de la terre ; (1) Bull , 2e série, t. V, p. 171. 762 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. mais cet acide, très peu énergique, arrivé dans les gîtes de fer sidérolithique déjà mis à sec, aurait communiqué plus ou moins avec l’air atmosphérique ; il se serait dispersé ou évaporé en partie, et ainsi affaibli n’aurait pu produire les effets qu’on lui suppose. Si, au contraire, on veut que ce soit un acide fort qui ait agi, ce qui est peu vraisemblable, alors il devrait rester des traces, outre le ramollissement, de Faction énergique qu’il aurait exercée, ce qui n’est pas Je parlerai encore d’une autre circonstance qui me paraît défavorable à l’explication proposée par M. Daubrée : c’est que les calcaires jurassiques ne sont pas assez purs pour ne pas contenir quelques centièmes de substances étrangères, comme le fer, le manganèse, le quartz et la silice, la magnésie, l’alumine et l’argile. Une partie de ces substances moins solubles dans les acides que la chaux carbonatée, ne se seraient enlevées qu’incom- plétement, et il aurait du en résulter des surfaces rugueuses qui n’existent pas ni pour les galets ni pour la roche en pl|ice(l). (1) M Daubrée ne parle du fait des grains de minerai de fer incrustés qu’accessoirement, et à la suite d’un beau travail d’ensemble qui a pour but d’expliquer le changement d’état des roches compo- sant différents dépôts de galets ou de conglomérats par l’action d'un acide ( Bull t. Y, p. 165). Et ainsi, il attribue aussi les impressions que l’on voit souvent à la surface des galets qui forment conglomérats, au ramollissement produit par un acide. Cette explication me paraît insuffisante, car j’ai montré, par une expérience directe (Bull., t. XII, p. 87), que si l’on fait agir un acide très étendu d’eau sur une réunion de galets calcaires pressés fortement les uns contre les autres, il n’y a pas ramollissement, mais dissolution et destruction d’une cer- taine épaisseur de la surface des galets à l’entour du point où ils se touchent; ce point lui-même, loin de se creuser dans ce cas, restant au contraire en relief. A la même occasion, j ai fait connaître à la Société géologique des impressions pareilles à celles que l’on trouve sur les galets calcaires de la Nagelfluhe suisse, mais produites sur des galets de quartzite provenant du grès vosgien, et que l'on ne peut certainement pas attribuer à l’action d’un acide. Quant aux galets de Fildbach et autres de ce genre, on a voulu, à tort, contester à M. Daubrée qu’ils aient changé de nature à la place qu’ils occupent encore aujourd’hui, et donc après avoir été détachés de la roche, transportés et charriés. Mes observations confirment entièrement les déductions de M. Daubrée : ainsi, j’ai rencontré très souvent, dans le conglomérat au S. d’Altkirch, des galets de calcaire siliceux (véritable flysch) dont l’intérieur n’avait pas changé de nature, tandis que le quart ou le tiers extérieur du rayon avait perdu toute trace de calcaire, était devenu beaucoup plus léger, et avait une tex- ture finement spongieuse. Ce qui vient à l’appui de ce fait incontes- NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 763 Il me reste encore à parler du conglomérat qui accompagne ordinairement les gîtes de minerai de fer en grains, ou plutôt de la pâte qui le relie et qui, par sa composition, paraît aussi devoir son origine aux sources qui ont constitué les terrains sidéroli- tliiques. D’après M. Thirria (1), ce conglomérat se présente assez irré- gulièrement dans la Haute-Saône ; il y a des minières où il n’existe pas du tout; il n’est point relié par une pâte formant ciment, mais les galets gisent dans une argile figuline; il se présente le plus souvent au-dessus, rarement au-dessous de l’argile ferrugineuse dans laquelle se trouvent les gîtes de minerai pisiforme. M. Greppin (2) parle aussi de ce conglomérat, il dit qu’on peut aussi bien le comprendre dans son étage U (groupe marin moyen) que dans celui du terrain sidérolithique, et, en effet, il cite des coupes où ce conglomérat est placé au-dessous de la terre jaune ou de l’agile supérieure du terrain sidérolithique. A Roppe ce conglomérat est très puissant, il encaisse d’un côté le terrain sidé- rolithique ; sa pâte, qui forme un ciment très solide, est composée de chaux carhonatée, d’argile, de fer hydroxydé, probablement de silice; la première de ces substances est généralement prédo- minante. Les conglomérats des environs de Bélémont, dont l’obli- geance de M. Greppin a‘ bien voulu mettre à ma disposition une série d’échantillons, sont peu différents de ceux de Roppe, et leur pâte paraît composée de même. Dans ces deux localités, et surtout à Bélémont, la composition de cette pâte varie un peu suivant les gîtes : ainsi la proportion de ses trois éléments principaux, le calcaire, l’oxyde de fer et l’argile, ne sont pas toujours les mêmes. Bans les minières de la Haute-Saône cette pâte doit, d’après ce que nous avons dit, contenir très peu de calcaire. Il résulte, de ce qu’on vient de lire, que le conglomérat est lié d’âge au terrain sidérolithique ; on pourrait donc à la rigueur demander à l’explication de la constitution de ce dernier de rendre aussi raison du calcaire que contient le plus souvent la pâte du conglomérat. Ce qui devient une petite difficulté pour moi, était table, c’est que le plus souvent les galets altérés de flysch ou autres montrent intérieurement des zones coloriées, concentriques, parallèles à leur surface. Ces zones, dues sans doute à des intermittences, prouvent jusqu’à l’évidence que l’action modifiante s’est réglée sur l’épaisseur des galets. (1) Statistique de la Haute-Saône, p. 121, (2) Notes géologiques , p. 48. 76A SÉANCE LU 16 JUIN 1856. un argument favorable pour M. Muller, mais dont il n’a pas usé. Essayons toujours cette explication : Puisque le conglomérat n’apparaît qu’avec les couches les plus supérieures du terrain sidérolithique, on peut supposer qu’au moment de sa formation les sources ne contenaient plus autant de fer, mais plus de chaux en dissolution, que dans l’origine, et qu’alors aussi la substitution des hases entre le calcaire en place et le bicarbonate de fer étant venu diminuer d’intensité ou ayant cessé, les eaux ont pu déposer pêle-mêle leur excédant de fer et de chaux, et fournir ainsi la matière pour constituer la pâte du conglomérat. Pour résumer ce qu’on vient de lire sur la formation du terrain sidérolithique, je dirai : 1° Ce terrain a dû ga constitution à des sources minérales sourdissant à la surface du sol. 2° Ces eaux, pendant les premières époques de la formation du terrain sidérolithique, tenaient principalement en dissolution du bicarbonate de fer, et ce n’est que plus tard, quand probablement le dépôt ou elles s’alimentaient de fer était épuisé, que leur teneur en carbonate de chaux s’est augmentée. 3° Le bicarbonate de fer, amené par les eaux au repos dans les fentes et crevasses du terrain jurassique supérieur, a abandonné sa base, qui s’est précipitée à l’état de carbonate neutre, puis s’est convertie en peroxyde hydraté : l’acide carbonique s’est porté sur le calcaire en place, et ainsi se sont produits les surfaces corrodées, les grains de minerai en général et ceux incrustés en particulier. U° Les eaux contenant une plus grande proportion de bicarbo- nate de chaux vers la fin de la formation, les choses se sont passées alors comme avec les sources incrustantes ordinaires : l’excédant d’acide carbonique, constituant les bicarbonates, s’est dégagé, une quantité correspondante de carbonates neutres de fer et de chaux s’est déposée pêle-mêle et a pu fournir la matière de la pâte du conglomérat qui accompagne beaucoup de dépôts sidérolithiques. 5° Le sable siliceux, une grande partie de l’argile, n’ont été dans les eaux qu’à l’état de suspension, ces substances se sont pré- cipitées aussitôt que le liquide est arrivé au repos. Ces conclusions, quoique résultant de longues études, d’observations multipliées et d’expériences, je ne les donne cependant pas avec une complète assurance, et je comprends bien qu’elles pourront à leur tour être critiquées. Mais au moins je puis espérer que mes réflexions ser- viront à éclairer la question, et à préparer pour un autre temps une solution plus complète et plus rationnelle. NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 765 Jge probable du terrain sidérolithique. Cette question, controversée assez longtemps, paraît maintenant arrivée à une solution ; car je crois que les découvertes récentes de M. Greppin ne permettent plus guère de douter que ce terrain ne soit contemporain, ou à peu près, du tertiaire inférieur. Les premiers géologues qui se sont occupés de la recherche de l’âge de ce terrain ont penché pour le mettre au niveau du juras- sique supérieur. Ils ont été principalement conduits à cette ma- nière de voir par l’étude spéciale des gîtes du grand-duché de Bade, où les circonstances qui accompagnent le terrain sidéroli- thique sont assez différentes de celles propres aux gîtes de Délé- mont ou de la Haute-Saône, et où surtout des fossiles coralliens d’une très belle conservation devaient entraîner l’opinion. Ces fossiles, par l’état particulier dans lequel ils se présentent, autori- saient parfaitement une pareille conclusion au moment où elle a été prise, alors qu’on n’avait pas encore rencontré dans ce terrain des fossiles d’une époque plus récente. Des polypiers y sont con- vertis en fer hydroxydé, des piquants de Cidaris Blumenbachii sont enfermés au milieu de rognons de jaspe à structure concen- trique, et faisant partie intégrante du terrain sidérolithique. Ces dépouilles d’êtres marins pouvaient et devaient servir de preuve négative pour l’âge du terrain jusqu’au moment où l’on y en au- rait rencontré de plus récents. Plus tard, en 1829, M. Brongniart (1) plaça ce terrain dans le diluvium (clysmien), mais M. Thirria observa avec raison que ce classement ne pouvait convenir qu’au terrain sidérolithique remanié, et non à ceux en place. Cette opinion ne trouva pas d’écho ; je m’abstiendrai donc de la discuter. M. Thirria, qui en 1833 (2) a décrit avec soin et détail le ter- rain sidérolithique de la Haute-Saône, en a aussi cité des fos- siles (3) qui appartiennent au lias moyen et à tous les autres étages ( l ) Tableau des terrains qui composent V écorce du globe ; Paris, 1829. (2) Statistique de la Haute-Saône , p. 116. (3) Sur 7 fossiles déterminés, il y en a : 1 du kimméridien. 1 de l’oxfordien. 1 du callovien. 1 du bathonien. 1 du bajocien. 2 du liasien. Statistique de la Haute-Saône, p. 1 1 8, 766 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. du jurassique ; cela n’a pas empêché ce savant géologue de mettre avec Thurmann, Gféssiÿ, et plus tard Marcou, le terrain sidéroli- tliique au niveau du greensand anglais ou du néocomien. Cette opinion, émise avec hésitation par M. Thirria, a été dé- veloppée par les autres géologues que je viens de citer, et qui l’ont basée principalement : 1° Sur une analogie entre les caractères minéralogiques de la couche généralement la plus inférieure du néocomien dans la partie centrale des monts Jura, avec le terrain sidéroiithique ; 2° Sur la circonstance que dans le Jura ces deux terrains se remplaceraient, qu’ainsi en allant du N. au S., là où finissaient les dépôts sidérolithiques, là précisément commençaient les dépôts néocomiens. On pourrait objecter à cette opinion que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie paraissent plutôt fortuites’ que basées sur une raison de synchronisme; que les deux terrains, à part l’ana- logie qu’ils ont, pour être composés tous deux de grains ferrugi- neux, sont cependant de nature bieu différente, le terrain néoco- mien étant stratifié régulièrement, formé dans une eau tranquille et permanente, rempli de fossiles marins propres à cet étage, et enfin conforme à tous les autres terrains stratifiés, tandis que le terrain sidéroiithique n’est pas stratifié, n’a pas de fossiles propres, mais seulement erratiques, et cpi’il faut recourir à des suppo- sitions sans doute ingénieuses, mais un peu compliquées, pour rendre raison d’un rapport d’âge entre des terrains si différents. Mais doit-on mettre autant d’importance dans ces caractères mi- néralogiques, quand on voit que beaucoup d’autres formations sont composées d’oolithes ou de grains ferrugineux qui n’ont ce- pendant aucun rapport avec l’un ou l’autre des terrains en ques- tion? Ainsi on peut citer le lias supérieur à Saint-Quentin (Isère), l’ooiithe inférieure et l’oolithe sous-oxfordienne dans les monts Jura et ailleurs, la craie chloritée près d’Allauch (Bouches-du- Bhône), et enfin le minerai du terrain à JNummulites quasi-ooli- tliique de IS'eukirchen [appelé ordinairement formation de Kres- sénberg (Bavière)], minerai qu’on rencontre aussi en Suisse, sur les bords du lac de Lowerz, entre le village de ce nom et Sewen. J’ajouterai une considération qui a son importance, et qui montre que les grains du terrain sidéroiithique ne se sont pas formés sous l’ influence des mêmes causes qui ont agi pendant le dépôt du néocomièii inférieur ferrugineux. Ainsi les grains du sidéroiithique sont. généralement très ronds, mais surtout ils sont tous formés par couches concentriques; les grains ferrugineux du 767 NOTE DE M. KOECHL1N-SCHLUMBERGER. néocomien, auxquels le nom d’nolitïtes ne convient nullement, sont au contraire loin d’être ronds ; ils ont les plus grands rap- ports avec du sable de roches feld spath iques ; les formes en sont irrégulières, arrondies sur les angles et les arêtes, et vu l’absence complète de structure concentrique, ces grains ne peuvent être autre chose qu’un détritus, un sable de roches massives préexis- tantes, et ne sont pas formés à la place qu’ils occupent mainte- nant, comme paraissent évidemment l’être les grains du terrain sidérolithique. Je rappelle à ce sujet que les nombreux rognons de jaspe rubané des minières des environs de Kandern sont éga- lement formés par couches concentriques; il y a donc eu ici une influence similaire sur deux corps, le fer hydroxydé et la silice, qui me paraît imprimer un caractère particulier au terrain sidé- rolithique et le séparer nettement du néocomien inférieur. Je n’insiste pas sur les autres différences qui séparent le terrain sidérolithique du néocomien inférieur ferrugineux ; tout le monde les connaît , et ce sont ces différences mêmes qui ont inspiré JYJ. Gressly, et qui ont amené tant de controverses entre les savants. Avant de m’occuper de M. Greppin et de ses fossiles tertiaires, je veux citer une note de M. Fromherz, professeur de géologie et de minéralogie à l’université de Fribourg, enlevé à la science et à ses amis il y a déjà quelques années. Voici ce qu’il écrivait en 1838 (1) : u Dans ces derniers temps, ces minerais de fer (si dérolith iques) » ont été considérés par M. Vollz, d’après une communication » verbale de sa part, comme un dépôt tertiaire. Cette manière de » voir se confirme surtout par la circonstance cjue M. Thirria a » rencontré tout récemment, dans les minerais de fer de la Haute- » Saône, des dents de mastodonte. » M. Greppin (2) a donc découvert, dans quatre points différents des minières du terrain sidérolithique du. val de Délemont, des ossements appartenant à des P'alœotherium et à d’autres espèces du tertiaire inférieur. Dans l’un des gîtes, il a recueilli aussi des graines de Chara d’une espèce éocène, des moules de Physes, etc. Dans deux de ces quatre cas, les fossiles ont été rencontrés dans la couche la plus inférieure du terrain sidérolithique, immédiate- ment au-dessus du jurassique, et à 25 et h 2 mètres de profondeur ; dans les deux autres cas, ils ont été trouvés, soit dans les argiles (1) Die Jurajormationen des Breisgaues, Carlsruhe, 1838. (2) Notes géologiques, etc., p. 48. 768 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. supérieures, soit au-dessous de la terre jaune et à 16 mètres de profondeur. Ces différents gîtes à fossiles ont paru à M. Greppin être dans leur état normal et non remaniés. Il faut ajouter les espèces de mammifères recueillies par M. le curé Cartier à Egerkingen, dans un dépôt de fer sidérolithique, et les dents si bien conservées, appartenant principalement au genre Palœotherium , rencontrées par centaines de mille dans un terrain analogue au sidérolithique, remplissant les fentes du cal- caire jurassique de l’Alpe wurtembergeoise (1). M. Hébert, qui a aidé M. Greppin dans la détermination des fossiles du val de Déiéinont, et dont l’opinion est pour moi d’un grand poids, a adopté complètement la manière de voir de ce dernier sur le niveau éocène du terrain sidérolithique. Il convient de faire remarquer ici que ces fossiles tertiaires ne prouvent pas plus un synchronisme rigoureux que ne l’ont prouvé les espèces coralliennes trouvées à Kandern, ou encore celles des couches jurassiques plus anciennes citées des gîtes de la Haute - Saône ; seulement avec des fossiles tertiaires il n’est plus possible de concevoir que la formation du terrain sidérolithique ait eu heu avant l’époque tertiaire à laquelle appartiennent ces fossiles, car' toutes ces dépouilles sont évidemment erratiques. Celles ma- rines de Kandern et de la Haute-Saône n’auraient pu vivre dans ces eaux chargées de substances nuisibles à la vie animale, et d’ailleurs personne n’a eu l’idée jusqu’à présent de faire de cette formation un dépôt marin ; celles tertiaires trouvées par MM. Thir- ria, Cartier, Greppin, et dans le Wurtemberg, paraissent toutes terrestres, et n’ont donc pu exister que sur les bords des terrains sidérolithiques. Les deux catégories de dépouilles ne se sont donc trouvées qu’ accidentellement dans ces dépôts. De tout cela il semble ressortir que le terrain sidérolithique ne peut être plus ancien que l’éocène, mais qu’à la rigueur il pourrait être plus ré- cent ; mais ici la limite est tracée par le tongrien qui recouvre s franchement le sidérolithique. L’âge de ce dernier reste donc renfermé entre celui des assises inférieures et supérieures de l’éocène. On a vu, par ce que j’ai dit précédemment, qu’à Bethonvillier aussi le tertiaire tongrien repose sur le conglomérat; mais il en est autrement ailleurs. Ainsi à Eguenigue, au S.-E. de Pérouse, et dans la tranchée du chemin de fer entre Clièvreinont et Dan- joulin, le conglomérat n’est pas recouvert, et le tertiaire n’existe (1) Sonst und jetzt von Quenstedt ; Tubingen, 1866, p. 135. NOTE DE M. KOECHLTN-SCHLUMBERGER. 769 que sur l’extrême lisière S.-E. des grandes nappes de conglo- mérat. Puisque ces nappes n’ont pu être atteintes par la mer tongrienne, elles devaient préexister, et dès lois le conglomérat devient indépendant et se sépare du tongrien comme dépôt plus ancien. Pour rendre cette démonstration plus rigoureuse, il faudrait discuter l’objection de la dénudation qu’on pourrait lui faire. Je crois devoir ajouter un autre argument, peut-être superflu, en faveur de cette conclusion. D’après MM. Tbirria et Greppin, et d’après toutes les circonstances dans lesquelles se présente le conglomérat à galets jurassiques, il me paraît évident que cette formation est contemporaine avec les couches les plus récentes du terrain sidérolitliique avec lesquelles elle est entièrement liée. Or, d’après ce que j’ai pu observer, les conglomérats, les brèches, les JNagelfluehs, sont excessivement rares dans les terrains juras- sique et crétacé. Pour retrouver ces agglomérations de débris, ces effets de grandes dislocations et de charriages, il faut remonter plus haut dans l’âge des formations, et aller jusqu’au grès vosgien et au terrain carbonifère. Cette circonstance donne donc heu à présumer que ce conglomérat appartient lui-même avec le terrain sidérolitliique au tertiaire, où cette forme des dépôts neptuniens est habituelle et répandue sur de vastes étendues. Ce raisonnement se trouve en accord avec l’opinion de M. Elie de Beaumont, qui en 1831 a classé ce conglomérat dans le tertiaire moyen sous le nom de Nagelfluch jurassique. M. le secrétaire donne lecture de la note suivante : Notes supplémentaires pour faire suite aux Etudes géologiques dans le Haut-Rhin, /. Terrains jurassiques ; par M. J. Kœchlin-Schlumberger. Le retard qu’a éprouvé l’impression des mémoires destinés à être publiés dans le Bulletin de la Société géologique me permet de compléter le travail sur les environs de Sentheim qui précède, et de faire connaître des faits nouveaux que les travaux récents de fouille ont mis au jour. En effet, depuis la rédaction de mon mé- moire, les recherches d’une roche propre à être convertie en chaux hydraulique ont pleinement réussi, et ont donné lieu à une entreprise qui est aujourd’hui en pleine exploitation, et qui pro- mue. géol . , Ie série, tome XIII, 49 770 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. duit tous les jours la charge de trois chevaux de chaux hydrau- lique. Nouvelle coupe à Sentheim. S. 20° E. d’ a. Oolilhe inférieure. ! q. Lias inférieur, schiste à Fucoïdes (sine* b. Lias supérieur (toarcien). ! murien). c Lias moyen, à Amm. irisées \ ; h. Marnes irisées et muschelkalk. d. Lias moyeu, à Amm. pyritisées [ liasien. | *'. Grès bigarré. e. Lias moyen, à Amm. Davœi ) j k. Terre végétale. f. Lias inférieur, à Ostrea arcnnia (siné- I 1. Fosse d’exploitation, murieu). I 2. Fouille de recherche. Grâce à ces circonstances, cette coupe est devenue plus complète et plus exacte que celle présentée au commencement de ce travail. La comparaison des deux coupes ayant des directions différentes montrera combien l’allure des terrains dont il s’agit ici est peu régulière, et combien celui du lias est peu développé. D’après ma première coupe, une tranchée, située à 30 ou ftO mètres N.-E. des travaux actuels, montrait dans sa partie supérieure une couche de marne gris bleu foncé avec les fossiles caractéristiques du toarcien ou lias supérieur, et au-dessous une marne de couleur gris clair avec les fossiles de l’étage supérieur du lias moyen, et surtout avec un grand nombre d’ Ammonites à surfaces irisées. Arrêtons-nous un instant sur ces Ammonites ; un plus grand nombre d’échantillons et un examen plus attentif m’ont prouvé que les couleurs de l’iris étaient dues à un reste de test représenté par une membrane excessivement mince qui est très distincte du moule sur lequel elle est appliquée, et dont elle peut se détacher. Cette membrane est d’une épaisseur variable, et ce n’est que quand elle est très mince que l’on peut voir les lobes à travers, qu autrement elle cache. NOTE LE M. KOECHLIN-SCULUMEERGER, 77Î Ces Ammonites , outre la chaux carhonatée cristallisée et blanche qu’elles renferment souvent dans l’intérieur, sont consti- tuées par du fer hydroxyde ; ce sont de véritables pseudomorplioses des Ammonites pyritisées dont il va être question. Ce qui le prouve, c’est que souvent la transformation n’est pas complète, et le fer hydroxyde ne forme alors qu’une couche extérieure plus ou moins épaisse qui recouvre le fer sulfuré ; la circonstance que les Ammonites offrent absolument les mêmes espèces que celles pyri- tisées vient corroborer ce fait. Dans la fosse en exploitation aujourd’hui, on ne voit plus rien de ces deux assises de marnes b et c , seulement le schiste argilo- marneux noir cl renferme encore, dans sa partie la plus supé- rieure, quelques Ammonites irisées. En ajoutant sur ma coupe ces deux assises b et c, que l’on ne trouve complètes qu’à une tren- taine de mètres à l’E. 20° N., je me suis permis de restaurer les faits. Le schiste noir argilo-marneux, peu consistant, cl, est enlevé en déblai pour arriver au calcaire inférieur e , qui constitue l’étage inférieur du liasien ou lias moyen, et sert à alimenter les fours à chaux. Ce schiste renferme un grand nombre d’Ain induites des. mêmes espèces et variétés, comme celle de la marne c ; seulement elles sont dans un état différent, c’est-à-dire qu’elles sont pyriti- sées. La pyrite constitue souvent toute la masse de ces Ammonites, dont la cassure offre alors les facettes brillantes du -fer sulfuré; d’autres fois elle ne forme qu’un revêtement plus ou moins épais, l’intérieur du moule consistant alors en chaux carhonatée cristal- lisée blanche ; cette chaux carhonatée paraît être à l’état d’arrago- nite, car le plus souvent elle présente une structure fibreuse, et nulle part on n’y voit le clivage rhomboédrique. J’ai rencontré une de ces Ammonites dont la surface était aussi convertie, sur une épaisseur de l/à à 1/2 millimètre, en fer sulfuré, et dont, sur une longueur de 10 millimètres, le tour était rempli de zinc sul- furé de couleur brune, et bien clivé ; le reste de l’Ammonite, sauf le revêtement en pyrite, était en chaux carhonatée. Ces Ammonites sont d’une belle conservation, sauf que le test y manque le plus souvent ; les plus grandes que j’ai pu recueillir ont 75 millimètres de diamètre. On réussit quelquefois à s’en pro- curer la bouche ; mais vu que l’extrémité des tours n’est souvent pas pyritisée, et que le schiste n’a aucune consistance, cela devient très difficile. Cette bouche, telle que je l’ai reconnue à Sentheim, consiste dans le prolongement de la quille chevronnée qui, pour une Ammonite de à0 millimètres, dépasse l’extrémité des tours de SÉANCE DU 16 JUIN d 856. / / 2 9 millimètres. M. Qucnstedt (1) et plus tard M. Oppel (2) ont donné de bonnes figures de cette partie de l’Ammonite. Toutes ces Ammonites, quoique de formes aussi variées que celles de la couche e, appartiennent, dans mon opinion, à la même espèce, c’est-à-dire à X A. spinatus , Brug.; mais je ne m’étendrai pas ici sur ce sujet, puisque je me propose de faire un travail spé- cial pour établir cette identité. Je vais cependant indiquer les noms qui ont été donnés aux principales variétés : Ammonites spinatus , Brug. * — margaritatus , Montf. ■ — — tuberculeux. Ammonites Amaltheus spinosus , Quenst. — variété c de mon mémoire (3). Les combinaisons entre ces cinq types produisent un assez grand nombre de variétés nouvelles. Il y a sans doute d’autres fossiles dans cette couche ; mais comme ils sont probablement petits et empâtés dans la roche, dont ils ont la couleur avant d’être nettoyés, ils sont difficiles à découvrir. Je n’y ai reconnu que les suivants : Leda Doris, d’Orb.,Goldf. , pl. 125, j Peeten textorius , Schloth. fig. 11. \ Rhynchonella rimosa , d'Orb. Au-dessous de ce schiste noir, et affleurant sur la paroi N. de la fosse d’exploitation qui est creusée à environ U mètres de pro- fondeur, on voit des bancs c nettement stratifiés, d’un calcaire solide d’un gris clair, variant de consistance, tantôt très dur et tenace avec une texture subcristalline, tantôt marneux. Cette roche, inclinée de 20 degrés vers S. 25° E. , tranche parfaitement, soit par la couleur, la consistance, la netteté de la stratification, soit par l’état de conservation et les espèces des fossiles qu elle renferme, du schiste argilo-marneux noir. Ces circonstances et sa position sous-jacente ne laissent aucun doute que cette roche ne constitue l’étage inférieur du lias moyen. La partie supérieure de ce calcaire, facilement accessible, offre les fossiles suivants : (1) Petrefactenhunde Dcutschlands , pl. 5, fig. 10; der Jura , pl. 21 , fig. 2 et 3. (2) Der mittlerc Lias Schwab cnst pl. 2, fig. 12. (3J Bull. , 2e série, t, XII, p. 118, NOTE DE M. KOECIILIN-SCHLUMBERÜER. 773 Belemnites Fournelianus , d’Orb. ! Ammonites fimbriatas , Sow. - — niger , List. j — Normanianus , d’Orb. (1). (1) Cette Ammonite ne diffère en rien de 1’^. radians , Schloth. M. Quenstedt [Petrefactenhunde Dcutschlands, p. 111) donne, avec raison, l’^L Normanianus , d'Orb., comme un type modèle de son A. radians depressus du lias supérieur ou lias Ç. Mais dans son dernier ouvrage ( drr Jura), où cet éminent paléontologue montre plus de dis- position à augmenter le nombre des espèces, il paraît vouloir (p. 173) admettre comme espèce VA. radians Amalthei, Oppel, qui n’est autre que Y A.. Normanianus, d'Orb, M. Bronn, dans son Index palœontologicus , a suivi le sentiment de M. Quenstedt en réunissant les deux espèces. D’un autre côté, M. Oppel admet aujourd’hui le nom NA. Norma- nianus, d’Orb. , pour son A. radians Amalthei , et il en donne une figure dans un de ses mémoires ( Der mittlere Lias Schwabens , pl. 3, fig. 1 à 6). Mais cette même planche, fig. 2, donne le dessin d’une autre Ammonite qui, par sa forme, ressemble plus à VA. radians , Schloth., ou à VA. Normanianus, fig. 1, et dont M. Oppel veut faire une nouvelle espèce par le motif qu’elle appartient au lias y, et non au lias S, et que, en outre, et surtout parce que les lobes seraient plus compliqués que ceux de Y A. Normanianus, d’Orb. La différence des lobes dans les figures citées de M. Oppel est à peu près la même que celle qui existe entre les lobes NA. radians et A. Normanianus des planches de M. A. d’Orbigny. Cette différence, qui n’atteint absolu- ment que les détails, et qui consiste, quant à la dernière espèce, dans une plus grande simplicité et en ce que le lobe dorsal est moins développé, ne me paraît pas suffisante pour motiver la création d’une troisième espèce NA. radians , que M. Oppel propose de nommer A. Stahli. Enfin, M. Quenstedt, en proposant la réunion de VA. oblique costa- tus, Ziet. , à Y A. radians Amalthei , Oppel, prétend que, dans la figure de cette dernière, les lobes ne sont pas rendus correctement. L'A. Nor- manianus, d’Orb., recueillie dans les bancs supérieurs du calcaire immédiatement sous-jacent aux marnes et schistes à A. spinatus , est l’espèce d’Ammonite la plus abondante dans ces couches : les échan- tillons sont assez bien conservés, ils ont le dos tranchant et sans sil- lons à côté de la quille; ils sont parfaitement identiques par leur forme, par leurs côtes, par leurs lobes, avec VA. radians d’un grand nombre de localités auxquels je les ai comparés, et surtout à Y A. ra- dians depressus , Quenst. , que je tiens du Wurtemberg, et pour ce dernier jusqu’à la circonstance signalée par M. Quenstedt, que le plan passant par la quille se trouve souvent être gauchi. L’examen que je viens de faire de cette question me donne la con- viction que ce serait vouloir faire violence aux faits les plus évidents, et cela rien que pour se complaire dans un système conventionnel, que de faire ici plusieurs espèces. 77â SÉANCE DU 16 JUIN 1856. Ànunouites voisine de VA. Jame- soni (4 ). P leur o to mari ci (moules). Pholadomya decorata , Ziet. Lima gigantea , Desh. (2). Lima petite, presque lisse. Pecten Hehlii , d’Orb. — petit à côtes rayonnantes. Ostrea cymbium, d’Orb. (3). Rhynchonella tetraedra , d’Orb. Parmi les fragments de roches déposés sur le chantier et pré- parés pour être convertis en chaux, j’ai trouvé quelques autres (1) Cette Ammonite a les mesures suivantes : Diamètre . . . Um,21 0 Largeur du tour oy HO ) R Epaisseur du tour . . . . 0m,044j Recouvrement. ..... Om,4 81 Rapporté à la largeur du dernier tour à son ori- gine. Ombilic. . . 0m,087 Rapport au diamètre. . . Côtes avant la bifurcation. 0,n,063 4 m,81 0 0m,41 4 Dans l’ensemble, cet échantillon, assez mal conservé, a un peu d’analogie avec A. Janiesoni , Sow.; mais après l’avoir comparé aux exemplaires que je possède de cette dernière du Wurtemberg, j’ai trouvé des différences trop importantes pour permettre de l’y réunir. Les côtes, dans cette Ammonite, sont inégales: quelquefois une seule de la force ordinaire est remplacée par deux plus faibles et qui se trouvent accolées ; l’inégalité existe aussi dans le degré de flexuosité, souvent les côtes sont formées de lignes droites, et se dirigent rigou- reusement dans le sens du rayon ; d’autres fois, et plus habituelle- ment, elles sont dirigées un peu en avant et sont alors flexueuses à un faible degré. Mais ce qui distingue surtout ces côtes de celles de VA. Jamesoni , Sow., c’est qu’avant de passer sur le dos elles se bifurquent. Cette disposition paraît exister avec régularité jusqu’au diamètre de 120 millimètres, mais au delà les côtes bifur- quées sont interrompues par un certain nombre d’autres groupées ensemble et qui ne sont pas dédoublées. Le dos est arrondi à peu près comme chez VA. Jamesoni , Sow. Les lobes sont trop mal conser- vés pour en tirer un argument caractéristique. (2) Cet échantillon ne me paraît différer en rien de l’espèce caracté- risant habituellement avec V Ostrea arcuata et V Ammonites bisulcatus le lias inférieur. M. Quenstedt dit (dans son ouvrage le plus récent, Ber Jura ) que cette espèce passe en petit nombre dans le lias y. M. Oppel ( Der mittlere Lias Schwabens) est de la même opinion. (3) Les échantillons que j’ai recueillis en assez grand nombre dans les bancs supérieurs delà division inférieure du lias moyen sont, pour la plupart, et sauf le bourrelet caractéristique, identiques avec V Ostrea arcuata , d’Orb. Il y en a cependant quelques-uns, et notamment un, qui en diffèrent considérablement, liés, il est vrai, par des passages. NOTE DE M. KOECHL1N— SCHLUMBERGEIl. 7;5 fossiles qui, d’après ce que i on observe dans d’autres localités, sont aussi propres au lias moyen. La roche qui les renferme est peu différente, quant à ses caractères minéralogiques, -de celle dont je viens de parler ; il est donc tout naturel de la considérer comme sous-jacente à cette dernière. Voici les espèces : Belemnites niger , List. Nautilus. Dans ce spécimen, la valve inférieure est très faiblement recourbée, son bec est échancré et ne se termine pas en pointe, et, dans l’en- semble, il diffère plus de ses camarades crochus que ceux-ci ne dif- fèrent de Y O. arc uat a. La vue de cet échantillon m’a ébranlé dans la disposition où j’étais de réunir Y O. cymbium à Y O. a remua, disposition où je me rencontrai avec M. Bronn, qui n’admet plus qu’une seule espèce, Y (). areuata , pour ce type, dans le lias. Pour répondre aux variétés nombreuses de formes qu’affectent ces Ostrea du lias, Goldfuss a admis 5 espèces : Gryphœa areuata, Sow., avec deux variétés, G. obliquata, Sow., G. cymbium , Sow., avec trois variétés, G. suilla , Schloth., G. Mficulochii , Sow. : en tout huit formes, Aujourd’hui la plupart des paléontologues sont d’accord pour les réduire à deux, à l’exemple de M. Quenstedt et de M. d’Orbigny. M. Oppel conserve la G. obliquata, Sow., pour l’assise la plus inférieure du lias moyen. Tout en opérant ces réductions, on a laissé prédominer l’idée géologique sur l’idée zoologique, et l’on a donné à chaque étage son espèce propre. Comme les variations, soit par leur nombre, soit par leur importance, existent principalement dans les formes du lias moyen, on a été réduit, pour représenter ces dernières par Ostrea cymbium seule, à réunir des formes presque disparates, et dont, çomme je l’ai déjà dit, les extrêmes sont beaucoup plus éloignés entre eux que ne l’est la forme prédominante du lias moyen de Y O. areuata . Considérant les nombreux passages d’une variété à l’autre, et la station comparativement peu éloignée de toutes ces formes, il me semblerait plus en harmonie avec les lois simples de la nature d’admettre la mo- dification de l’espèce avec l’âge et le changement du milieu, que de faire mourir violemment Y O. areuata du lias inférieur, pour la faire remplacer, immédiatement après, par une nouvelle espèce, dont quel- ques variétés sont presque identiques avec l’espèce détruite. (1) Mes échantillons m’offrent deux types de cette Ammonite : l’un presque lisse, très aplati, à bouche très haute ; l’autre épais, avec 23 fortes côtes s’effaçant vers le dos, ressemblant à la variété tuber- culeuse, mais sans tubercules. Par la régularité et la force des côtes, le faible accroissement en largeur des tours, cette variété me paraît représenter un passage entre A . margaritatus , Montf., et A, spinatus. Brug. Ammonites margaritatus (1) , Montf. 776 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. Ammonites Davœi , Sow. , très Plicalula Oxynati , Quenst. Terebratula Amalthei , Quenst. * — numismalis , Lam. Ostrca cymbium , d’Orb. abondante. — planicostatus (I), Sow. Anomya ?. L’intérieur des Ammonites est quelquefois garni de strontiane sulfatée cristallisée en forme de table. (1) ^/. planicosta , Sow., capricornus , Schloth., Dudres - j/er/, d’Orb., maculants , P h i 1 1 . La question de la convenance de ces espèces et celle de la station à leur assigner ont déjà donné lieu à beaucoup de controverses, et restent encore aujourd’hui dans un complet état d’incertitude. Je ne prétends pas la résoudre; mais quelques matériaux rapportés de Lyme-Regis, et d’autres que je dois à la complaisance de M. Engelhardt, directeur des forges de Niederbronn, m’ayant permis de l’étudier plus spécialement, j’offre ici le résumé de mes recherches, qui se terminent malheu- reusement encore par un doute. Je ne m’arrêterai pas trop à l’historique de ces espèces, et ne ferai connaître que la dernière opinion des auteurs qui s’en sont particuliè- rement occupés. M. Quenstedt voudrait voir adopter pour le lias (3 (partie supérieure du sinémurien) V Ammonites capricornus nudus, tab. 13, f. 3 de son dernier ouvrage [Der Jura) ; il réunirait franchement à cette espèce A. Dudressieri , d'Orb., si cette dernière n’était pas citée du lias supérieur ou toarcien. Quant au lias y (partie inférieure du lias moyen), cet auteur craint de se prononcer; il y admet cependant A. maculatus , Phill , espèce qui ne semble pas différer, autant que l’on peut en juger par l’insuffisance de la fig. 9, tab. 14 [Der Jura), de A. planicosta de la Paléontologie française, pl. 65. M. Oppel ( Die Jura Formation ) est plus affirmatif; il adopte VA. Dudressieri , d’Orb., et Y A . planicosta, Sow., à la fois, pour le lias [3. Pour le lias y, il admet Y A. capricornus , Schloth., en y réu- nissant A. maculatus , Phill., et A. planicosta, Sow., chez d’Orbi- gny- Les deux savants allemands semblent ignorer que M. d’Orbigny, dans son Prodrome , a abandonné le nom d’A. Dudressieri , et l’a remplacé par celui d 'A. capricornus, Schloth. On le voit, l’ordre dans lequel d’Orbigny a placé les deux espèces dans la série des couches est interverti par MM. Quenstedt et Oppel ; ce dernier reproche aussi à d’Orbigny d'avoir adopté le nom d’A. planicosta de Sowerby pour une espèce du liasien, tandis qu’il désignait une espèce du sinému- rien. J’ai hâte de terminer ici mes remarques sur cette espèce d’im- broglio, dont le développement me mènerait beaucoup trop loin. M. A. d’Orbigny, tout en convenant que les A. planicosta, pl. 65, A. Dudressieri , pl. 1 03 (aujourd’hui A. capricornus, d’après le Pro- drome), ont les plus grands rapports dans leur jeune âge, se base NOTE DE M. KOECHL1N-SCHLUMBERGER. 777 On dédaira facilement, de ce que je viens de dire, qu’à Sen- theim le lias moyen peut se partager en deux grandes divisions, qui se distinguent encore plus par leurs caractères minéralogiques sur les motifs suivants pour justifier la séparation de ces deux espèces : 1° Grande différence des lobes; 2° Absence de pointes chez Y A. planicosta ; 3° Différence des terrains, VA. planicosta appartenant au liasien et Y A. Dudressieri au toarcien. Avant d’examiner et de discuter ces différences, je vais exposer l’état de mes matériaux et les décrire. Groupe a. — Formes se rapprochant clc FA. planicosta, Sow.} d’Orb., pl. 65. Diamètre. Rapport entre la largeur et l’épaisseur du tour. Nombre de côtes. 1. De Charmouth. , 92,5 1,31 28 2. Id. 80 0 0,92 21 3. Id. 1,10 23 4. De Lyon . . . . 1,10 20 5. De Metz . . . . 88,0 1,14 27 6. DeMulhausen. . 1,30 23 7. Id. . . 0,86 25 8. De Yenarey. . . 127,0 1,23 30 9. De Mende. . . . 121,0 1,31 26 Groupe b. — Formes se rapprochant cFA. Dudressieri, d’Orb. 10. De Charmouth. 53,0 1,20 18 11. Id. 37,5 1,00 12 12. Id. 21,0 1,30 23 13. DeMulhausen. . 1,00 18 U. — 29,5 0,77 15 15. Du Wurtemberg, ...... 21,0 * 0,75 17 Dans ces mesures, la différence des formes ne s’aperçoit guère, parce qu’elle consiste principalement dans la présence ou l’absence des pointes. Dans le groupe a il n'y a que les nos 1,2, 3, qui aient des pointes; dans le groupe b tous les numéros ont de fortes pointes. Si l’on tient compte de ces dernières en mesurant l’épaisseur, les pointes comprises, le rapport de la largeur à l’épaisseur du tour deviendrait, pour le n° 10 = 0,62, 13 = 0,73, 1 4 = 0,66. Les deux derniers numéros étant des moules, les pointes sont plus courtes qu’elles ne le seraient avec le test. Dans le n° 10, les pointes 778 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. que par ceux paléontologiques. Celle supérieure c et <7 est constituée par des marnes et schistes marneux renfermant avec une grande abondance X Ammonites spinatus,. Brug. , et nwrgaritcitus , Montf. , conservées entières, grâce à la roche qui les soutient, ont une lon- gueur de 4 millimètres 1/2. Voici les mesures des échantillons types de M. d’Orbigny : Rapport de la largeur à l’épaisseur Diamètre. du tour. Côtes. Ammonites planicostci . . . . 0m,100 1,03 22,5 — Dudressieri. . . . 0m,075 0,93 18,5 Les nos 1 et 2 se rencontrent en abondance entre Charmoath et Goldencap, près Lyme-Regis, mais il ne reste que la dernière loge, les tours intérieurs n’y sont plus; j'ai donc dû les restaurer pour indiquer le diamètre. Ces fragments sont remplis par un calcaire marneux , généralement une légère couche de test est conservée : elle est blanche, nacrée, et de peu de consistance. Ce qui distingue cette variété de toutes celles que j’ai rencontrées sur le continent, ce sont deux petits tubercules existant sur chaque côte : l’un au quart intérieur du tour, l’autre au point où la côte commence à prendre la courbure pour passer sur le dos. Les tubercules intérieurs sont plus marqués, quoi- qu’ils donnent, comme ceux extérieurs, seulement plus de hauteur à la côte sans l’élargir. Les côtes, dans quelques échantillons, sont un peu aplaties, dans d'autres elles ne le sont pas d’une manière sen- sible ; elles font un sinus en avant sur le dos, mais sous ce rapport il existe de grandes différences, ce caractère étant peu marqué et n’existant que sur une partie des échantillons. Là où le test est con- servé, il montre des stries d’accroissement assez saillantes. Le n° 3 est pyritisé. Ces échantillons, de la même localité, sont, aussi abondants que les précédents, dont il est à supposer qu’ils constituent les tours intérieurs. Les côtes sont généralement dirigées en avant et un peu écrasées , mais quelquefois l’un de ces deux caractères seulement existe. * Ces Ammonites sont accompagnées de VA. jîmbriatus, Sow., de VA. Loscombi , Sow., de VA. Becbei, Sow.; elles appartiennent donc incontestablement au lias moyen. Le n° 4 est celui de mes échantillons qui se rapproche le plus de la figure de M. A. d’Orbigny, planche 55 ; il en diffère en ce que les côtes sont plus dirigées en avant et plus aplaties sur le dos. Nos 6 et 7. Ce sont, comme on le voit, deux extrêmes, quant au rapport de la largeur à l'épaisseur II en est de même quant aux côtes. Le n° 6 a les côtes presque dans la direction du rayon ; dans le n° 7, au contraire, elles sont fortement penchées en avant. N" 8. D’autres spécimens de la même localité sont plus aplatis ; les côtes sont beaucoup moins saillantes et plus arrondies que dans les échantillons décrits jusqu’ici; elles sont écrasées sur le dos, et â NOTE DE M . KOECHL1N-SCHLUMBERGER. 779 avec leurs nombreuses variétés ; celle inférieure est constituée par un calcaire plus ou moins dur, plus ou moins marneux, caracté- risé dans sa partie supérieure par les A.fimbriatus , Sow., N or ma- l’extrémitédu dernier tour elles s’effacent presque complètement ; le dos aussi est plus arrondi que dans les échantillons de Charmouth nos 1^ et 2, dont quelques-uns l’ont un peu carré. Le dernier tour montre des plis entre les côtes, qui sont plus marqués sur le dos et se perdent vers l’ombilic. Le n° 9 a beaucoup de rapport avec les précédents : les plis d'ac- croissement, quoique ce ne soit qu’un moule, se remarquent encore mieux ; les côtes s’arrondissent avec l’âge : elles sont tranchantes sur les premiers tours et émoussés sur le dernier. Les n°* 10, 11 et 12 ont le. test converti en spath brun à surface polie, et sont très bien conservés ; les côtes, suivant la direction du rayon, font un léger bombement sur le dos en joignant les pointes qui se trouvent de chaque côté, et sans pencher en avant. Les pointes sont affilées, et font saillie, dans le n° 10, de 4 millimètres 1/2. Le rap- port de la largeur à l’épaisseur du tour varie : il y a des exemplaires plus comprimés que le n° 1 0 ; on voit que le nombre des côtes est aussi très variable, il diminue avec l’âge. Les côtes ne commencent à prendre des pointes qu’avec 15 ou 20 millimètres de diamètre ; elles sont toujours dirigées dans le sens du rayon, et sont moins aiguës dans le jeune âge que chez les variétés 3, 6, 7 ; jusqu’à 5 ou 7 millimètres on en voit à peine des traces. M. Engelhardt m’a communiqué un échantillon anglais de sa belle collection, qui présente une foule de jeunes Ammonites appartenant au groupe dont il est ici question. Jusqu’à 30 millimètres de diamètre il n’y avait pas de vestiges de pointes. La station de cette Ammonite est le lias (3 ou étage supérieur du sinémurien. Elle se trouve empâtée dans une roche gris bleuâtre assez dure, traversée de veines de chaux carbonatée cristalline de couleur d’or, accident que l’on appelle ici septaria ; les fossiles eux-mèmes sont convertis en cette matière. D’un autre côté, les A. ste Maris, A . Birchii, A. obtusus, que j’ai recueillies en partie moirmème, entre Charmouth et Lyme, se trouvent dans la même roche, et leur com- position et faciès sont identiques avec ceux des A . Dudressicri . Sur la falaise entre Goldencap et Lyme-Regis, les couches sont inclinées vers l’E. Quand donc on quitte Goldencap pour aller à l’O. , on va du haut en bas dans les étages du lias; cette falaise peut se diviser grossièrement en deux parties : à l’E. de Charmouth serait le liasien, et à l’O. le sinémurien. Les fossiles liasiens que l’on rencontre dans la première de ces divisions sont engagés dans une roche qui a quelque analogie avec celle qui accompagne dans l’autre les Ammo- nites du sinémurien que j’ai déjà nommées; le test des fossiles est aussi quelquefois converti en spath jaune, comme, par exemple, celui de VA. Loscombi , et l’intérieur de quelques échantillons est rempli du mêncie spath. Cette ressemblance a pu faire croire à M. Quenstedt 780 SÉANCE DU 16 JUIN 1856. nianus , d’Orb. , Pholadomya decorata , Ziet., et dans sa partie inférieure par les Ammonites margaritatus , Montf. , Davœi , Sow. , plonico status, Sow. Je ne signale pas l’ Ostrca cymbium, d’Orb., parce qu’elle est propre à tout l’étage calcaire. Les marnes de la que VA. Loscombi était à placer dans la division inférieure. Mais il n’en est pas ainsi. La roche du liasien est d’une couleur beaucoup plus claire et moins bleue, elle est plus marneuse et moins dure ; ces différences sont constantes sur un grand nombre d'échantillons. D'après cela, il est bien certain pour moi que les Ammonites nos 10, 11, 12 se rencontrent dans la même couche que les A. stcllnris , Birchii et obtus us . N° 13. A les plus grands rapports avec la figure de VA. Dudressieri ou capricornus , pl. 1 03 de M. d’Orbigny ; s’il n’y avait une petite dif- férence dans le diamètre, on dirait que cet échantillon a servi de mo- dèle pour la figure citée. Cet exemplaire est aussi très voisin des échantillons de Lyme n0' 1 0 et 1 1 ; seulement, comme c’est un moule, les pointes y sont moins longues; les côtes, en passant sur le dos, font un renflement moins saillant ; elles y sont sensiblement inclinées en avant, et celles des tours extérieurs sont presque aussi aiguës que dans les n01 6 et 7. N° 1 4. C’est l’échantillon le plus curieux de toute la série : il con- stitue un véritable passage entre le groupe des p.lanicosta et celui des Dudressieri ; les côtes, faiblement arrondies, sont inclinées un peu en arrière; elles sont aplaties sur le dos, et s’y élargissent en forme de losange. Par ce dernier caractère, cette forme lient à VA. planicosta ; elle tient à VA. Dudressieri par ses côtes moins nombreuses, non inclinées en avant, et par des pointes rudimentaires. Je dois chercher ici à déterminer l’étage auquel ces deux Ammo- nites appartiennent. D’après M. Engelhardt, les fossiles de Mulhau- sen se rencontrent dans un terrain remanié, espèce de diluvium qui renferme pêle-mêle des fossiles propres à différents terrains. Sur 8 espèces, y compris VA. Dudressieri , qui ont été détermi- nées, et qui sont citées de ce terrain remanié dans la description de la carte géologique du Bas-Rhin, il y en a : Du liasien 5 Du toarcien 1 De l’oolithe inférieure ou du callovien .... 1 ' Du callovien 1 La prédominance des espèces du liasien établit déjà la présomption que la plupart de ces restes appartiennent à ce terrain : mais quand on compare la roche des A. Dudressieri , n09 13 et 14, à celle des échantillons des n°‘ 6 et 7, et à celles d’autres fossiles liasiens de la provenance de Mulhausen, et qui se trouvent sans doute en place, comme A. spinatus , A. margaritatus , A. fimbriatus , Terebratula numismalis , il ne peut rester l’ombre d’un doute que V Ammonites NOTE DE m. koeciilin-schlumbérger. 781 division supérieure peuvent aussi se diviser en deux étages, mais qui ne diffèrent guère entre eux que par les caractères minéralo- giques ; celui supérieur formé par une marne gris clair avec Dudressicri de Mulhausen appartient au 1 iasien , puisque les roches, comparées, sont tout ce que l’on peut appeler le plus identique. M. Bronn, dans la nouvelle édition de la Lethœa, réunit A. plani - costa à A.Dudressieri, et cite les deux espèces du toarcien de Mul- hausen. C’est évidemment là une erreur, car, à part VA. Dudres - sieri, pour laquelle nous croyons avoir établi la véritable station à Mulhausen, VA. planicosta , planche 65 de d'Orbigny, est reconnu par les paléontologues de tous les pays comme appartenant au liasien. Je n’ignore pas que M. Marcou ( Recherches géologiques sur le Jura salinois ) signale VA. Dudressicri , d'Orb. , dans le lias supérieur, tout en conservant VA. planicesta , Sow., pour le lias moyen. Ce fait, s’il était bien constaté, ne me paraît pas motiver la création ou la conser- vation d’une espèce particulière ; car si l’on voulait suivre rigoureuse- ment le système de confiner une espèce dans une subdivision, quelque faible d’épaisseur et quelque arbitraire qu’elle soit, on arriverait à une multiplication effrayante d’espèces, et l’on aurait : Pour le lias (2, 1 espèce à pointe, 1 espèce sans pointe. — y, 1 — ■ 1 — — e, \ — ensemble 5 espèces, voisines par les lobes et les passages, et dont les 3 à pointes sont véritablement identiques. J’ai maintenant à examiner la question des lobes, et je dirai d’abord que le lobe latéral supérieur, sur la différence duquel on veut se fonder pour séparer 2 espèces, n’est, ainsi que ses cama- rades, plus petits, jamais symétrique, comme l’est le lobe dorsal ; quand on parle donc d’un lobe latéral à parties paires, on ne doit pas entendre par là quelque chose de rigoureusement régulier. D’ailleurs, qu’y a-t-il de pair dans ces lobes, ce ne peuvent être que les deux extrémités les plus inférieures, mais les digitations situées au-dessus ne sont jamais ni symétriques, ni paires, et cepen- dant leur développement à gauche ou à droite doit influer sur celui des pointes terminales, et les faire éloigner ou rapprocher de la dispo- sition appelée par parties paires. Je n’ai jamais pu me convaincre que cette disposition avait quelque importance comme caractère spéci- fique. Je possède un exemplaire de chacun des deux groupes sur les- quels les lobes sont bien conservés et bien visibles. Pour le groupe des Ammonites planicosta , c’est un échantillon de Venarey de 114 mil- limètres de diamètre ; les lobes n’existent que sur le premier cin- quième du dernier tour, ce qui en reste compose la loge; dans l’ensemble , ils sont loin d’être identiques avec ceux donnés par M. d’Orbigny, planche 65 ; d’abord ils sont beaucoup plus découpés ; les lobes latéral supérieur et latéral inférieur sont plus larges, ils ne 732 SÉANCE DU 1.6 JUIN 1856. Ammonites irisées, celui inférieur formé par un schiste marnd- argileux noir avec Ammonites pyritiséesj Ces relations s’accordent assez bien avec celles que j’ai obser- sont pas inclinés vers le dos, mais leur direction est exactement celle de l’axe du tour ; le lobe latéral supérieur, qu’il s’agit principalement d’examiner, se termine en deux branches : celle située vers le dos a 5 millimètres de longueur, celle vers l’ombilic 5 millimètres 1/2; l’écartement des deux branches, à leur extrémité inférieure, est de 3 millimètres. 1/2. Avec la direction de ce lobe, suivant l’axe du tour, on voit que ce sont là des parties paires, autant qu’on peut les deman- der dans une forme non symétrique. L’Ammonite du groupe des Dudressieri, sur laquelle j’ai pu voir les lobes en enlevant une partie du test, est de Charmouth, pareille à celles nos 1 et 2 ; elle a 56 millimètres de diamètre, et les lobes n'existent que sur le premier sixième du dernier tour; ils ne diffèrent pas beaucoup de ceux de X A. Dudressieti , planche 1 03, et je ne dois insister que parce que l’on veut ici trouver des parties paires chez le lobe latéral supérieur, qui n’existeraient pas dans le même lobe de X A. planicosta , pl. 65. Ce lobe latéral supérieur est donc aussi dirigé suivant l’axe du tour, il se termine par deux branches de longueurs inégales,, celle située vers le dos ayant 4 millim. 1/2 de longueur, celle située vers l’ombilic 3 millim. 1/2; il y a donc ici moins de parité dans les parties du lobe latéral supérieur que chez X A. plani- costa. D’après l’étude qui précède, 1 A. Dudressieri, d’Orb., ou capri- cornns , Schlot. {Paléontologie française, pl. 103), et XA. planicosta , Sow. (même ouvrage, pl. 65), appartiennent à la même espèce ; leurs types extrêmes sont reliés par des passages, comme, par exemple, les A. planicosta à pointes entre Charmouth et Goldencap (n°* 1 à 3), ou comme l’échantillon n 1 4 de Mulhausen. Mais encore si ces formes extraordinaires n'existaient pas, il n’y aurait rien de surprenant à voir la même espèce tantôt avec, tantôt sans pointes, puisque la même circonstance existe sans conteste pour une foule d’Ammonites connues de tout le monde. Dans le jeune âge, ces deux espèces ne peuvent pas se distinguer l’une de l’autre; j’ai ici pour moi l’opinion de M. Aie. d’Orbigny et celle de M. Oppel ( Die J ara formation, page 157). La différence des lobes est, ainsi qu’on l’a vu, très peu importante, et n’autorise nullement la création de deux espèces. La station de XA. Dudressieri , d’Orb., est, à Lyme-Regis, l’assise supérieure du sinémurien (lias (3 des auteurs allemands) ; il paraît en être de même dans le Wurtemberg, d’après M. Quenstedt, pour XA. cûpricornus. A Mulhausen cette station est dans l’étage immé- diatement au-dessus, c’est-à-dire dans l’assise inférieure du liasien (lias y des auteurs allemands). La station du groupe des A. planicosta , Sow., pl. 65, de M. d’Or- bigny, est, de l’avis de tout le monde, dans l’assise inférieure du lia- NOTE 1)E M. KOECHLIN-SCHLEMlïERGER. 783 vées à Mende (Lozère), où il existe également pour le liasien deux divisions nettement tranchées : celle supérieure est composée de marnes un peu schisteuses avec Ammonites spinatus , Brug. , et A. margaritatus , Montf. ; celle inférieure est composée de calcaire avec les A. Davœi, plcinicostatus, fimbriatus, margaritatus. M. de Buch n’avait distingué qu’une seule division pour le lias moyen ; aujourd’hui la plupart des géologues allemands , M. Quenstedt, M. Bronn, M. Fraas, en admettent deux, le lias y et §■. M. Oppel propose six subdivisions paléontoiogiques : cela peut être exact dans certains points du Wurtemberg, mais un sien. Il n’y a dès lors rien d’étonnant que cette espèce ait vécu dans deux étages aussi rapprochés et assez mal limités, en modifiant, après quelques passages intermédiaires, par l’influence du temps et du mi- lieu, sa forme, et abandonnant les pointes. J'ai dit que les limites de ces étages limitrophes étaient mal définies, et en effet les caractères minéralogiques, soit de la roche, soit des fos- siles se ressemblent beaucoup dans les deux étages, et leur différence s’établit par degrés insensibles J’ai indiqué, à l’occasion de VA. Los- tombi , que M. Quenstedt a fait une remarque dans le même sens. Voilà ce qui s’observe à Lyme. Maintenant M. Quenstedt affirme que dans le Wurtemberg les étages du lias j3 et y sont nettement séparés, ce que je crois volontiers; toutefois il ne paraît pas en être de même dans d’autres contrées du continent : ce qui le prouve, c’est que si je prends la liste complète des fossiles du lias inférieur a et (3 du Wur- temberg, telle que l a publiée récemment M. Oppel (Die Juraforma- tion ); et si je cherche, dans le Prodrome de M. Aie. d’Orbigny, dans quel étage ce dernier auteur a rangé chacune des espèces qui figurent à la fois dans les deux listes, je trouve le résultat suivant : Nombre total des fossiles du lias inférieur dans le Wurtemberg : 80. Classés, dans Prodrome, dans le sinémurien, . 57 — — — le liasien. ... 44 — ■ — * — le toarcien. ... 7 — — le bajocien. . . 1 — - — — le callovien. . . 1 Nombre égal. . . 80 Le nombre des espèces divagantes serait évidemment plus grand sans la propension du plus grand nombre de paléontologues à donner à chaque faible subdivision ses fossiles propres et à diminuer ainsi les espèces passant d’un étage à l’autre. Je finis par demander ce qu’on ferait de VA. Dudressieri n° 13 de Mulhausen. qui est identique avec la figure de d’Orbigny, planche 1 03, qui ne diffère presque en rien des exemplaires du lias |3 de Lyme, si l’on n’accepte pas mes conclusions? 78/i séance du 16 juin J 856. pareil morcellement me parait avoir les inconvénients de rendre la parallélisation des terrains avec ceux de contrées éloignées plus difficile, et de pousser dans la fâcheuse disposition de confiner les espèces dans des limites d’âge trop peu étendues. En procédant vers N. -O., la première fouille de recherche montre le lias inférieur avec de nombreuses Ostrea arcuata. Aux fossiles que j’ai déjà indiqués pour cet étage, j’ai à ajouter une grande Ammonite; mais je ne le fais qu’avec une certaine hésita- tion, puisque je l’ai rencontrée, non en place, mais dans les dé- blais gisant sur le chantier (1). (1) Mesures d6 cette Ammonite : Diamètre 0m,266 Largeur du tour. . . . Épaisseur du tour. . . 0m,052 j " Recouvrement 0,674 Partie dont le dernier tour est recouvert à son ori- gine. Ombilic 0m,062 Rapport au diamètre. . . . Côtes 42 2,270 0,233 Le test est conservé en partie, il est représenté par une mince mem- brane noire. Les côtes sont peu saillantes et s'effacent sur le dernier quart du dernier tour; elles sont peu flexueuses mais courbées en avant, près du dos, où elles se bifurquent. Le dos est tranchant, et sous ce rapport ainsi que sous celui de la forme générale, cette Ammonite pourrait se placer entre la figure de Y A. primordiales, Schlot. , d Orbigny, Terrains jurassiques , pl. 62, et celle de Y A. margaritatus , Montf. , pl. 67 du même auteur. Incertain si cette Ammonite appartenait au sinémurien ou à la divi- sion inférieure du liasien, j’ai eu une velléité de l’assimiler à l 'A. mar- garitatus. Mais il y avait la difficulté de l'absence de la quille che- vronnée, même dans les endroits où le test était conservé, et ensuite celle de la bifurcation des côtes. J’ai alors cherché à m’éclairer par les lobes, qu’avec grande peine j’ai pu faire apparaître ; ils diffèrent complètement de ceux de Y A. margaritatus , et ont, par contre, beau- coup d’analogie avec ceux de Y A. More anus , d’Orb., ou angulatus , Schlot. Ce caractère me paraissait assez net, quoique je n’aie pu ob- server le lobe ventral dont les pointes géminées sont caractéristiques pour cette espèce, d’après M. Quenstedt; mais d’autres motifs venaient s'ajouter pour me décider : d’abord mon éloignement à faire de nou- velles espèces, et ensuite la grande variabilité à laquelle cette espèce est sujette, d’après les auteurs allemands. A part les A. anguliferus , Phill., A. colubratus , Ziet . , MM. Quenstedt, Bronn et, en dernier lieu, M. Oppel réunissent à Y A, angulatus , Schlot., A, Moreanus , NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMEERGER. 785 En poursuivant dans la même direction, la fouille suivante nous offre un schiste noir de peu de consistance qui ne parait renfermer d’autres restes organiques, des empreintes nombreuses de fuco'ides. La troisième fouille que l’on rencontre ensuite est remplie d’eau, ce qui rend son examen plus difficile. Elle est creusée dans une marne qui présente des bandes ondulées, colorées alternati- vement en rouge et en jaune ; vers la partie inférieure il y a une d'Orb., A . catenatus , d’Orb., A . Charmasse/, d’Orb., A. Laigneletti , d’Orb. La variété de VA. Charmassei, d’Orb., pl. 92, fig. 1 et 2, quoique différant encore de la mienne, s’en approche cependant beaucoup. Dans mon échantillon, le recouvrement des tours est plus grand et la progression en largeur un peu moindre, de manière que l’ouverture de l’ombilic y est aussi plus grande. Les côtes sont courbées davan- tage en avant près du dos, le dédoublement y est plus net ; les côtes plus fortes, disposées en étoile, que présente la figure de M. d’Orbigny, ne s’y voient pas. Les lobes, très rapprochés de ceux de VA . Moreanus, d'Orb., pré- sentent cependant quelques différences : ainsi les petits lobes auxi- liaires ne sont pas coupés par la ligne du rayon tirée du centre vers l’extrémité inférieure du lobe dorsal, ils ne sont donc pas rangés sur- une ligne inclinée. Le lobe latéral supérieur est naturellement plus long, par rapport au lobe dorsal, que dans la figure pl. 93 ; il en est du reste absolu- ment de même dans les lobes de VA. angulatus , Schlot. , représenté dans l’ouvrage de M. Quenstedt ( Die Pctrefactenkunde Deutschlands , pl. i, fig. 2) et dans ceux d’une Ammonites Moreanus très bien con- servée, que je possède du sinémurien d’Orchwyhr (Haut-Rhin), et qui, sauf ce caractère, est parfaitement identique avec l’Ammonite pl. 93, fig. 1 et 2. Quoique habitué à ne pas m’étonner des grandes variations qu’on rencontre dans les formes et les lobes des mêmes espèces d’ Ammonites, je me suis défendu d’abord à admettre les lobes de VA. Charmassei , d’Orb., pl. 91, comme appartenant à la même espèce que ceux de VA. Moreanus , d’Orb., pl. 93. En effet, la différence paraît énorme; cependant, en y regardant de plus près, j’ai vu que ni les lobes de l’Ammonite de Sentheim, ni ceux de l’Ammonite d’Orchwyhr, ni enfin ceux figurés par M. Quenstedt, pl. 4, fig. 2, ne s’accordaient bien avec la figure de M. d’Orbigny, pl. 93 ; que sur ces trois figures de lobes, assez rapprochées entre elles, les deux dernières se reliaient avec ceux de VA. Charmassei , d’Orb., pl. 91 , et pouvaient être con- sidérés comme passage entre ces derniers et ceux de la planche 93. Si, aux sept formes que j’ai indiquées comme constituant la même espèce d’après les auteurs allemands, on ajoute : 1° L'A. angulatus , Schlot., du jeune âge, qui, dans le Wurtem- Soc. géol 2e série, tome XIIL 50 786 SEANCE DU 16 JUIN 1856. bande de couleur olive foncée qui paraît répondre au grès infra- basique que j’ai indiqué déjà dans la première coupe, mais qu ici on voudrait voir placé au-dessus des marnes rouges. Ces couches peu inclinées paraissent renfermer peu de roches solides et être généralement dans un état pulvérulent ; cependant j’ai reconnu dans le déblai des fragments de dolomie et de muschelkalk. La dernière fouille, enfin, est creusée dans le grès bigarré bien caractérisé ; il est constitué par des alternances de bancs sableux et solides ; ces derniers sont composés de la roche rouge ordinaire d’un grain moyen avec beaucoup de paillettes de mica. Disons encore un mot des bouleversements que les roches dont nous nous occupons ont subies. Les couches de toutes ces forma- tions ont la même direction ; mais leur inclinaison est excessive- ment variable, et cela sur une très faible étendue. L’oolithe infé- rieure, sur la gauche de la coupe, est inclinée de 60 à 65 degrés ; à 30 mètres de là le lias moyen ne l’est plus que de 20 degrés, et encore à 110 mètres plus loin, le grès bigarré n’a plus guère que U à 5 degrés de pente. En prolongeant la direction de la fouille dans laquelle nous avons indiqué la présence du muschelkalk, vers E. 25° N., et à 180 ou 200 mètres de cette fouille, il existe un grand affleurement de muschelkalk constitué par la roche compacte ordinaire ; les bancs, très régulièrement stratifiés, ont la même direction que les couches que je viens de passer en revue, mais sont inclinés de 70 degrés. berg, est identique avec la jeune A . Charmassei , d’Orb., pi. 91, fig. 4 et 2 ; 2° Les figures de l’age moyen et adulte de M. Quenstedt, pl. 4, fig. 2 b , c, d; 3° L’Ammonite décrite dans cette note ; et qu’on voie quel grand nombre de formes, plus ou moins disparates, une même espèce peut affecter, on doit regretter la recrudescence d’un système condamné antérieurement par les mêmes savants qui aujourd’hui ne craignent pas de publier des espèces nouvelles d’Âm - mondes basiques par douzaines. fmp. Lemercier, Rapj Ecl.helfe cLel. Ml. de la. Soc. Géol. de France . Désempli on dêfJPb'urpTes , etc. . par..F:3'eite : 2eSerif.;LM.[W,%.5' Description, des. Pourpres etc. psr E.Piette.. Bulldela Soc.GéoLle ïrance , 2e Série IIIII, PLAIT, Page 587 lmp Lemercier. Pan /. Purpura/ Toxuioay: Il PÔ . Tutiifex axUûmforrru/ % /. P. j/laiïras. Mrr. etlyû. \ê T. Percmdûseus . 3. Parpw'mûiy biiccrnûules H P~8 . Prax/u/irr^ur yrœnzûlûs/Z' E.Piette, ciel. Bail, de la. S oc. GéoL de France Description des Pourpres, etc.par E.Piette 2e Senejini, Blindage 587 i ■P4. Purpura-" muiaoy P- 6. Tuèi/er . buuncùzr 7 S . Tkbïfer pclioauUrs. lmp .Lemercier , Æsrl RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE (haute-marne )5 Du 7 au 4 4 septembre 4 856. Les membres de la Société qui ont assisté à cette réunion sont : MM. j MM. J. Barotte, Mares, Berthaud, A. Meugy, Buvignier, P. Michelot, Cornuel, Perrin, Cotteau, E. Perron, CoUVREUX, Pissot, A. Damour, E. Royer, Désoudin, Marquis de Roys, De Fromentel, Triger, Guéranger, Vallon, Haguette, De Verneuil, Lagrange, Un auditoire assez nombreux a constamment assisté aux séances -, on peut citer plus particulièrement les personnes ci- après, dont plusieurs ont pris part aux travaux de la Société en s’unissant à ses membres dans leurs explorations scienti- fiques : MM. Antoine, pharmacien, à Joinville ; Charil-Desmazures, garde général des forêts, à Joinville; Chominot , pharmacien, à Join- ville ; Cordier, docteur-médecin, à Paris; MM. Drouet, greffier du tribunal civil de Châlons-sur-Marne; Drouot, ingénieur en chef des mines, à Chaumont ; Gaudry, ancien bâtonnier de l’or- dre des avocats, à Paris.; Description des Pourpres, etc. par E.Piette Btill.de laSoc.Geol.de France 2e Série, T.M, HUIT, Page P4. Purpicra » . I 6. 7Mifcr buzTcOus 7S . TuMfrc jlIixcUos. F IFiette ciel. lmp . Lemer tier J ri REUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE ( HAUTE- MARNE ), Du 7 au 4 4 septembre 4 856. Les membres de la Société qui ont assisté à cette réunion sont : MM. I MM. J. Barotte, | Marès, Berthaud, A. Meugy, Buvignier, 1 P. Mighelot, CûRNUEL, j Perrin, CûTTEAU, E. Perron, COUVREUX, Pissot, A. Damour, E. Royer, Désoudin, Marquis de Roys, De Fromentel, Triger, Guéranger, Vallon, Haguette, De Verneuil. Lagrange, Un auditoire assez nombreux a constamment assisté aux séances ; on peut citer plus particulièrement les personnes ci- aprés, dont plusieurs ont pris part aux travaux de la Société en s’unissant à ses membres dans leurs explorations scienti- fiques : MM. Ant.oine, pharmacien, à Joinville ; Charil-Desmazures, garde général des forêts, à Joinville ; Chominot , pharmacien, à Join- ville; Cordier, docteur-médecin, à Paris; j MM. Drouet, greffier du tribunal civil de Châlons-sur-Marne; Drouot, ingénieur en chef des mines, à Chaumont; Gaudry, ancien bâtonnier de l’or- dre des avocats, à Paris.; 788 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE MM. Gillet père, propriétaire, à Join- ville ; Hanin, propriétaire, à Joinville ; Lacordaire, contrôleur, à Join- ville ; Larivière, ancien pharmacien, à Joinville ; Ledeschault, docteur-médecin, à Paris ; MM. Leloup , juge de paix , à Join- ville ; Royer, docteur-médecin, à Join- ville ; Royer (Louis), à Cirey-sur-Blaise ; Royer (Henri), à Cirey-sur-Blaise; Tanret, maire de Joinville; Tomreck , professeur au lycée Bonaparte, à Paris. Séance du dimanche 7 septembre 1856, à Joinville. PRÉSIDENCE DE M. CORNUEL. Les membres présents se réunissent à six heures du soir dans l’une des salles de î’hôtel de ville, que M. le maire de Joinville a bien voulu mettre à la disposition de la Société. La Société ouvre sa session extraordinaire sous la prési- dence provisoire de M. le marquis de Roys, doyen d’âge des membres présents, qui, assisté de M. Royer, procède à l’orga- nisation du bureau. Elle nomme : Président : M. Cornuel. Vice-président : M. le marquis de Roys. Secrétaires : MM. E. Royer et J. Barotte. Après l’installation du bureau, M. Cornuel, prenant la pa- role, remercie la Société de l’honneur qu’elle lui fait en le nommant son président pour la session extraordinaire de Join- ville. 11 adresse également àM. le maire de Joinville, près duquel M. Damour, vice-président, etM. le marquis de Roys, trésorier de la Société, assistés des membres appartenant à la localité, s’étaient déjà rendus avant l’ouverture de la séance, des remer- cîmenls pour l’accueil empressé qu’il veut bien faire à la So- ciété. Puis, en quelques mots bien sentis, il fait ressortir les avantages des réunions extraordinaires de la Société géologique, et cherche à prévenir les personnes étrangères à là Société contre des espérances exagérées dans les résultats de ces sortes de réunions qui, tout avantageuses qu’elles soient pour la 789 DU 7 AU J h SEPTEMBRE 1856. science, ne lui font cependant faire que des pas lents, progres- sifs et prudents, avec lesquels avancent toutes les sciences d’observation. M. le Président, au nom des membres du bureau, remercie la Société de la distinction qu’ils viennent de recevoir. Il l’as- sure qu’ils feront tous leurs efforts pour qu’elle puisse, dans le peu de jours qu’elle consacre ordinairement à ses sessions extraordinaires, visiter, avec utilité pour la science, les points les plus intéressants des arrondissements de Wassy et de Chau- mont. Dans ce but, il l’appelle à arrêter l’itinéraire de ses excursions. La Société, après une courte discussion, adopte, avec de légères modifications, le programme de courses préparé à l’avance par MM. Cornue!, Royer et Barotte. M. le Président annonce ensuite une présentation. M. J. Barotte donne lecture d’une lettre à lui adressée par M. Walferdin, dans laquelle ce savant, après avoir exprimé ses regrets de ne pouvoir assister à la réunion de Joinville, le charge d’offrir, en son nom, à la Société, un travail ayant pour titre : Sur les échelles thermométriques aujourcV hui en usage. L’auteur de ce travail, ajoute M. Barotte, propose pour l’échelle centigrade une modification qui ne permettrait plus aux partisans des échelles Fahrenheit et Réaumur de la repousser, et introduirait dans la science un langage uniforme pour l’ap- préciation des températures. M. le Président annonce que, sur la demande de M. E. Royer, M. Zeiller, ingénieur en chef du chemin de fer de Saint-Dizier à Gray, a envoyé à la Société une autorisation qui lui permet- tra de visiter, au besoin, tous les chantiers de construction du chemin de fer de la Marne, à ciel ouvert ou en souterrain, à pied d’œuvre ou en carrière, avec invitation à ses collabora- teurs ou assistants de donner à la Société tous les secours, facilités et renseignements en leur pouvoir, leur concours le plus complet, enfin, pour ses explorations scientifiques. La Société témoigne sa gratitude pour l’obligeance de M. l’ingénieur en chef, et charge son bureau de lui transmettre ses remerclments les plus empressés. 790 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , M. le Président dépose sur le bureau une brochure ayant pour titre : Eléments de géologie , par M. Lecanu, docteur en médecine. Cette brochure est accompagnée d’une lettre de l'auteur en faisant hommage à la Société. M. le Président dépose encore sur le bureau une brochure, ayant pour titre : Notice sur Page géologique des gîtes fossili- fères de P Orléanais, par M. Lockhart, et qui est également adressée à la Société. M. Haguette offre à la Société, de la part de MM. Pictet et Humbert, une brochure ayant pour titre : Monographie des chéloniens de la mollasse suisse. M. Haguette, donnant un résumé succinct de ce travail de MM. Pictet et Humbert, dit que ces géologues ont pu constater que les plus anciennes couches, qui comprennent les mollasses d’eau douce des cantons de Vaud, de Berne et d’Argovie, cor- respondent, au moins en partie, au miocène inférieur ou ton- grien. C’est la faune à Anthracotherium , Gervais. C’est dans cette époque qu’ont vécu les Emys Saudini , Laharpi , Char- pentieri, JVyttenbachii , Fleischeri et Gessneri , les Cistudo Mor- loti et Razoumowskyi. La mollasse marine de la Molière, les mollasses du nord-est de la Suisse, et les marnes d’eau douce de la Chaux-de-Fonds rentrent tout à fait dans le miocène proprement dit. Cette époque a été caractérisée en Suisse par l’existence de Emys Cordieri , de Fonte, Nicoleti , Testudo Es chéri, et probable- ment d’autres espèces indéterminées. Quant au dépôt d’OEningen, qui est le plus supérieur de tous, on sait qu’il doit être considéré comme formé dans le commencement de l’époque pliocène. On n’y a trouvé que deux espèces, la Chelydra Murchisoni et Y Emys scutella. Une partie des excursions de la Société devant être consa- crée à l’exploration des couches portîandiennes supérieures et de la série crétacée inférieure indiquées par M. Royer (Bull., lre série, t. IX, p. 428) et décrites par M. Cornuel ( Mémoires , lre série, t. IY, p. 229 et suiv., et Bull., 2e série, t. VIII, p. 430 et suiv-), M. le Président donne communication de la coupe, fig. 3, pl. A de son mémoire, en annonçant qu’il se propose de la suivre pour faciliter la reconnaissance des cou- DU 7 AU ih SEPTEMBRE 1856. 791 ches et de leurs superpositions. En outre, ajoute-t-il, MM. les membres de la Société ont sous leurs yeux, dans la salle où ils sont réunis, une carte géologique très détaillée du départe- ment de la Haute-Marne, faite sur la même échelle que la grande carte de la France du Dépôt de la guerre, commencée depuis longtemps, et poursuivie avec le plus grand soin par MM. Royer et Barotte, sous les auspices du Conseil général de ce département -, j’invite MM. les géologues présents à cette réunion à examiner ce beau et minutieux travail, tant en vue des excursions & faire, que pour avoir une connaissance exacte de la constitution géologique de la Haute-Marne. La Société, après avoir fixé l’heure du départ pour sa pre- mière course du lendemain, lève la séance à neuf heures du soir. Séance du lundi 8 septembre 1856, à Joinville . PRÉSIDENCE DE M. CORNUEL. La séance est ouverte à huit heures du soir. M. Barotte, l’un des secrétaires, donne lecture du procès- verbal de la séance du 7 septembre, dont la rédaction est adoptée. M. Émile Pissot, notaire à Doulevent-le-Château (Haute- Marne), présenté à la séance précédente par MM. E. Royer et J. Barotte, est proclamé membre de la Société géologique. M. Cornue! fait en ces termes le résumé des courses et des observations que la Société a faites dans la journée. La Société a fait une excursion de Joinville â Wassy en suivant la route, qui conduit de l’unejà l’autre de ces deux villes. Elle a constaté que le massif de la côte de Joinville, à partir des dernières maisons de la ville jusque vers le sommet de la côte, était formé par le calcaire portlandien compacte, d’un blanc crayeux, et à assises peu épaisses et très divisées-, et que le sommet même l’était par les couches du calcaire marneux gris verdâtre inférieur, parmi lesquelles M. le Prési- dent fait remarquer celle qu’il a décrite sous le nom de banc brèchiforme. Ces roches recèlent peu de fossiles -, cependant, à 702 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , la carrière ouverte au bas de îa côte, au lieu nommé le Pré Jacques , entre Joinville et Nomécourt, il en a été trouvé par la Société quelques-uns qui suffisent pour faire connaître que la roche appartient bien au calcaire portlandien. A Nomécourt, la Société a exploré une ancienne marnière ouverte au bord d’un chemin, à quelques pas de la route et en avant du château. Elle y a trouvé, au-dessus de tout l’étage portlandien, la marne calcaire bleue néocomienne, puis le calcaire à Spatangues mélangé de marne jaunâtre, tous deux caractérisés principalement par YOstrea Couloni et la Panopea neocomiensis , d’Orb. Après sa sortie de Nomécourt, et à peu de distance de ce village, la Société a remarqué encore le calcaire à Spatangues sur les bords de la route, puis elle s’est rendue à la minière de fer géodique ouverte entre Nomécourt et le bois de Guindre- court-aux-Ormes, non loin de la route de Joinville à Wassy. Elle y a recueilli plusieurs fossiles du calcaire marneux à Spatangues, superposé au minerai de fer géodique dans cette localité, et ces fossiles ont été reconnus par elle comme carac- téristiques du terrain néocomien. En continuant son trajet, elle a trouvé sur l’un des bords de la route, ef à peu près à demi-distance entre Nomécourt et Guindrecourt , l’oolithe vacuolaire altérée, â un niveau qui indique que sa place est au-dessous du fer géodique. Derrière l’église de Brousseval, dans le chemin creux qui conduit de ce village à Magneux, elle a observé, au-dessus de l’étage portlandien, d’abord un petit affleurement de fer géô- dique, ensuite les couches des sables et grés ferrugineux infé- rieurs, et enfin, sur ces couches, un lambeau de la marne bleue néocomienne qui, quoique décolorée, se fait aisément reconnaître par YOstrea Couloni , d’Orb., que l’on y rencontre. Entre Brousseval et Wassy, à un niveau inférieur à celui des couches qui viennent d’être mentionnées, la Société a exa- miné une coupe des calcaires gris verdâtres inférieurs appar- tenant au sommet de l’étage portlandien, et dont elle avait déjà vu un exemple sur le haut de la côte de Joinville. Cette coupe a été faite pour la construction de la roule et de plu- sieurs maisons. DU 7 AU 14 SEPTEMBRE 185(5. 793 Ce résumé fait, M. Cornuel rappelle à la Société les phases diverses qu’a subies le classement, dans la série géologique, de l’ensemble de ces couches que la Société a pu examiner en partie dans la course de ce jour (les deux étages de la pierre verte et l’oolithe vacuoiaire), et que, dans son mémoire sur les terrains de l’arrondissement de Wassy, il a cru devoir désigner sous le nom de terrain supra-jurassique. Il explique pourquoi, tout en ne reliant pas ce terrain au terrain crétacé inférieur, il le séparait des calcaires portlan- diens, le considérant comme un nouveau membre du troisième étage jurassique. M. Buvignier demande la parole et s’exprime en ces termes : La question sur laquelle M. le Président vient d’appeler l’attention de la Société me paraissait résolue par la réponse qu’il avait faite lui-même aux communications de MM. Thirria et Lejeune dans la séance de la Société du 13 janvier 1840 ( Bull ., t. XI, p. 100). Depuis cette époque, je n’avais plus entendu parler de cette discussion, et j’étais d’autant plus porté à la croire terminée, qu’en présentant à la Société la carte géologique de la Meuse dans la séance du 15 avril 1844 ( Bull ., 2e sér., t. I, p. 397), j’ai rangé ces terrains dans l’étage portlandien sans que ma classification ait été con- testée, quoique, autant qu’il m’en souvienne, M. Thirria lui- même fût présent à la séance. Quoiqu’il en soit, si M. le Président conservait encore des doutes sur cette question, j’espére pouvoir les lever en ajou- tant aux faits qui avaient déterminé son opinion quelques observations nouvelles que je crois décisives. Mais la discussion remontant à une époque déjà éloignée, il me paraît utile d’en présenter d’abord un résumé succinct. Elle avait été soulevée en 1838 par MM. Thiuria et Lejeune qui, par des motifs différents, croyaient devoir rapporter au terrain néocomien l’ensemble des couches décrites par M. Cor- nuel sous le nom de groupe supra-jurassique. M. Thirria avait remarqué dans certaines carrières les bancs d’oolithe vacuoiaire présentant une inclinaison différente de celle qu’il avait conslatée à peu de distance pour les assises 7 9 A RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, calcaires qui les supportent, d’où il avait conclu qu’il y avait discordance de stratification entre ces deux séries de bancs -, mais ces différences d’inclinaison en des points plus ou moins rapprochés, mais toujours différents, sont dues à des disloca- tions causées, selon toutes probabilités, par le contre-coup des grandes failles de la vallée de la Marne et des environs, dislo- cations qui ont affecté en même temps le groupe supra-juras- sique et les calcaires sur lesquels ils reposent 5 de sorte que partout où l’on peut observer la superposition directe de ces deux systèmes calcaires, on ne trouve entre eux aucune trace de discordance. M. le commandant Lejeune basait son opinion sur des con- sidérations d’un ordre tout différent, et auxquels les progrès de la géologie ont fait perdre toute l’importance qu’on pouvait* leur attribuer à cette époque. Le terrain néocomien de la Suisse, alors tout récemment dé- crit, se compose d’un massif marneux compris entre deux systèmes calcaires. Dans la Meuse et fa Haute-Marne, on rencontre un système marneux recouvert par le calcaire à Spatangues. C’est aujourd’hui un fait bien établi que, si les grandes for- mations géologiques se retrouvent avec des caractères ana- logues en des points très éloignés de la surface du globe, les différentes subdivisions de ces terrains sont loin de présenter la même constance et dans leur nombre et dans leurs caractères, qui se modifient souvent, même à des distances peu considé- rables y mais il y a dix-huit ans, beaucoup de géologues croyaient encore que, là où existe un terrain, on doit en re- trouver avec tous leurs caractères toutes les subdivisions qu’on y a observées dans les autres contrées. Pénétré de cette idée et négligeant l’étude paléontologique du groupe supra-jurassique, M. Lejeune le rangeait dans le terrain néocomien, parce qu’il ne retrouvait pas ailleurs le cal- caire néocomien inférieur de la Suisse. Il reconnaissait d’ail- leurs qu’il n’y avait pas de discordance de stratification entre les assises portlandiennes non contestées et le système supra- jurassique. Quant aux discordances que M. Cornue! avait déjà signalées en plusieurs points entre ce système et les terrains DU 7 AU 14 SEPTEMBRE 1856. 705 néocomiens, il les regardait comme des accidents locaux et peu | importants. M. Gornuel de son côté, indépendamment de ces discor- j dances locales de stratification, avait établi que les fossiles des assises coquilliôres de l’oolithe vacuolaire étaient différents de ceux des terrains néocomiens. A ces faits qui me paraissent assez concluants, j’en puis ajouter d’autres qui ne laisseront, je crois, aucun doute. Les fossiles des assises coquillières de l’oolithe vacuolaire, \ recueillis et décrits par M. Gornuel, sont les Pholadomya par- vida , Cyrena ou plutôt Cyprina fossulata , Mytilus subreni- formis , A vie nia rhomboidalis , Mêla nia crenulata, Melania ou plutôt Tornatella cylindracea et une Natice. De ces sept espèces, il en est deux, le Mytilus subreniformis et X Âvicul a rhomboidalis , que j’ai recueillies à Treveray dans un banc suboolitliique intercalé dans les assises portlandiennes à 70 mè- tres au-dessous des bancs d’oolrthe vacuolaire. Outre les fossiles que M. Gornuel a recueillis dans ces assises, j’y en ai rencontré cinq ou six autres, et notamment la Trigonia gibbosa qui se retrouve dans les assises moyennes du terrain portlandien de la Meuse, et qui de plus est un des rares fossiles cités par Sowerby dans le calcaire portlandien d’Angleterre. Voilà donc déjà trois espèces de l’oolithe vacuolaire qui se retrouvent dans les assises portlandiennes non contestées. Mais nous ne devons pas oublier que î’ooîithe vacuolaire ne forme pas à elle seule le groupe supra-jurassique -, elle n’est qu’un dépôt peu épais intercalé dans un massif gris verdâtre auquel sont également subordonnées d’autres roches, et notam- ment les calcaires tubuleux et bréchiforme. Or, on rencontre dans quelques parties de ces calcaires une assez grande va- riété de fossiles, et dans le nombre il en est plusieurs qui se retrouvent dans le groupe moyen et même dans le groupe in- férieur des terrains portlandiens : tels sont les Neœra mosen - sis, Cardium Dufrenoÿcum , Gervillia linearis (1), etc. L 1 Ano- (I ) Dans une excursion faite quelques jours après par la Société, MM. Triger et Royer ont trouvé cette espèce dans l’oolithe vacuolaire même, à Chancenay, près Saint -Dizier, 790 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, mia supra - jurensis du groupe moyen se retrouve jusque dans les calcaires gris verdâtres supérieurs. Ainsi, non-seulement le groupe supra-jurassique ne contient aucun fossile néocomien, mais encore il renferme plusieurs des fossiles caractéristiques de l’étage portlandien. Si nous revenons aux considérations stratigraphiques, je pourrais, aux discordances locales déjà signalées, en ajouter assez d’autres pour ne laisser aucun doute sur la séparation du terrain néocomien et du groupe supra-jurassique dont la surface avait subi de nombreuses érosions avant le dépôt des premières -, mais je me bornerai à mentionner la discordance qui existe sur une plus grande échelle entre les terrains juras- siques et les terrains crétacés de la Meuse. Il y a là un phèno-. mène analogue à celui que nous avons constaté dans les Ardennes au contact du lias et des terrains anciens ( Gcol . des Ard p. 29). La mer basique se déplaçant lentement et gra- duellement par suite d’un mouvement du sol qui s’exhaussait vers l’est ou qui s’affaissait dans la direction opposée, les di- verses assises du lias ont débordé successivement celles qui les avaient précédées, et en ont masqué les affleurements, de telle sorte qu’à mesure qu’on s’avance vers l’ouest, on voit dispa- raître les assises inférieures, tandis que les assises supérieures viennent les unes après les autres reposer sur les terrains de transition. Ce mouvement , qui a continué pendant toute la période jurassique, a changé de direction au commencement de la pé- riode crétacée. Il y a eu alors exhaussement vers le sud ou affaissement vers le nord, et il s’est produit une disposition analogue à celle du bas des Ardennes, mais plus compliquée par suite du peu d’exhaussement des côtes jurassiques et de la mer crétacée. En effet, tandis que les assises crétacées dé- bordent successivement , les assises précédentes viennent les unes après les autres reposer sur les terrains jurassiques \ les assises supérieures de ceux-ci disparaissent de la même manière sous les empiètements de la mer crétacée que le mouvement lent et graduel du sol rejette vers le nord. Ainsi, d’un côté, les marnes noirâtres ne s’étendent pas au nord jusqu’à là route de Bar à Saint-Dizier , le fer géodique Dû 7 AU M\ SEPTEMBRE 1856, 797 u existe plus à Brillon qu’à l’état rudimentaire, les calcaires à Spatangues ne dépassent pas l'Ornàin, les grès piquetés s’éten- dent jusqu’à la Chée, et dans le canton de Triancourt les sables du gault reposent sur les terrains jurassiques vers le bord oriental du bassin crétacé, quoique plus à l’ouest les argiles à Plicatules apparaissent au-dessous de ces sables dans les ravins qui sillonnent le golfe produit par la dénudation de la gaize : tandis que d’un autre côté les calcaires gris verdâtres supé- rieurs n’existent plus à Brillon, l’oolithe vacuolaire n’atteint pas la vallée de l’Ornàin -, les calcaires gris verdâtres inférieurs se retrouvent encore entre cette rivière et la Chée. Dans l’est des cantons de Triancourt et de Clermont, les sables verts et le gault reposent sur le groupe inférieur de l’étage portlandien, quoique à l’ouest on retrouve encore une partie des groupes supérieurs. Au nord de Montfaucon, les sables recouvrent directement les argiles à Gryphées virgules, et plus au nord, dans les Ardennes, ils viennent successivement reposer sur les calcaires à Astartes, sur le coral-rag, sur l’Oxford-clay, sur la grande oolithe, et enfin vers la limite de l’Aisne et des Ardennes, sur l’oolithe inférieure. La discordance de stratification entre les terrains crétacés, d’une part, et les terrains jurassiques, y compris le groupe supra-jurassique d’autre part, se manifeste donc autant par la disposition générale des couches que par les érosions et les ravinements qui ont sillonné les derniers avant le dépôt des premières assises néocomiennes. Les considérations stratigraphiques sont donc d’accord avec la paléontologie pour établir la limite des terrains jurassique et crétacé avec une évidence telle, que j’ai cru inutile de rappeler dans la géologie de la Meuse une discussion que je croyais ou- bliée depuis plus de quinze ans. Mais les terrains qui nous occupent ont aussi donné lieu à une autre question dont je vous demanderai la permission de dire quelques mots avant de renoncer à la parole. Je veux parler de la différence qui existe entre nos terrains portlandiens et ceux qui ont été décrits sous le môme nom dans la Suisse et le Jura, différence que je croyais avoir constatée le premier ( Géol , de la Meuse, p. M 2), mais qui, je l’ai reconnu 798 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , depuis, avait été déjà signalée par M. Royer (Bull., 2e sér., t. II, 1845, p. 715). En indiquant cette différence, je disais ( Géol. de la Meuse, p. 413) qu’il restait à décider par la compa- raison avec les terrains de l’Angleterre qui ont servi de types, quels sont ceux qui doivent conserver les noms classiques des géologues anglais. Je crois pouvoir vous annoncer aussi que cette question est aujourd’hui résolue, et résolue conformément à l’opinion des géologues de la Meuse et de la Haute-Marne. Ayant appris hier soir que M. Triger arrivait de Portland même, je me suis empressé de lui demander quelques rensei- gnements sur cette localité classique de l’Angleterre. M- Triger a vu à Portland le Portland-oolithe , roche ooli- thique semblable à notre oolithe vacuolaire, sans autre fossile discernable que la Trigqnia gibbosa , Sow., et reposant sur d’autres calcaires qui contiennent dans certains bancs de nom- breuses empreintes de coquilles appartenant à trois ou quatre espèces, dont la plus abondante est une Gervilîie étroite et allongée qu’il a reconnue pour être ma Gerwillia linearis lorsque je lui en ai montré la figure (Géol. de la Meuse , pl. XVItl, fig. 1 à 4). Ces caractères, que M. Triger vous exposera sans doute d’une manière plus détaillée et plus complète, ne me laissaient déjà plus de doute sur l’exactitude de notre classification 5 mais lorsque j’ai parlé à M. Triger de la différence qui existait entre cette classification et celle des géologues de la Suisse et du Jura, qui reportent au portlandien les assises que nous consi- dérons comme appartenant à la base du système kimméridgien, et même encore à la partie supérieure des calcaires à Astartes, M. Triger me répondit immédiatement : a Voilà pour moi un trait de lumière. Je comprends maintenant comment un de nos confrères, que j’ai vu en Suisse il y a quinze jours, me disait : « A Portland, il n’y a pas de portlandien. » C’est que le ter- rain portlandien de la Suisse n’a aucune analogie avec le portlandien type, le portlandien de Portland ; c’est qu’il n’est pas du terrain portlandien. M. Triger, prenant la parole et répondant en quelques mots à l’interpellation qui vient de lui être adressée par M. Buvi- gnier, donne un aperçu des observations qu’il vient de faire à DU 7 AU ll\ SEPTEMBRE 1856. 799 Portland même, et desquelles il résulte effectivement pour lui que le Porlland-oolitlie des Anglais est exactement représenté dans la Haute-Marne par l’oolithe vacuoîaire ou le supra-juras- sique de M. Cornuel, et il dit que pour lui la plus grande ana- logie existe entre ces deux terrains. La même analogie existe- rait, selon lui encore, entre le portlandien inférieur de la Haute-Marne tel que la Société l’a étudié dans la course de ce jour et le Portland-sand d’Angleterre à Portland même. M. Perron demande ensuite la parole, et donne lecture de la note suivante : Note sur V étage portlandien dans les environs de Gray , et sur les causes de la perforation des roches de cet étage , par M. E. Perron. Le terrain jurassique forme dans [Arrondissement de Gray un bassin ouvert au N.-E. et au S. -O., et traversé par la Saône. Des côtés S. -E. et N. -(). , les étages qui le composent s’abaissent vers le centre du bassin occupé par l’étage portlandien, et par d’autres dépôts plus récents qui recouvrent en partie celui-ci. En sorte que, par rapport aux autres étages jurassiques auxquels il est superposé, l’étage portlandien occupe la partie la moins élevée de l’arrondissement, ce qui s’explique par la stratification à niveau décroissant des strates qui composent le terrain juras- sique de cette contrée. Bien que nous établissions plus loin ses limites, nous devons dire dès à présent que la série d’assises cà laquelle nous donnons le nom d 'étage portlandien diffère du Portland-stone de M. Thir- ria ( Statistique géologique de la. R aute- Saône) en ce que ce géologue y a compris : 1° les calcaires compactes de Montot, que nous rap- portons au groupe des calcaires à Astartes ; 2° les calcaires raarno- compactes avec Isocardia excentrica , P ho la do m y a. Prolei, Tere- hratiila biplicata ( subsella ), Trigonia cos ta ta , etc., dont la position au-dessous de l’assise marneuse à Grypliées virgules n’est pas douteuse, et que nous rangeons dans la partie moyenne de l’étage kimméridgien (1). (1) Aussi nous ne comprenons pas au nombre des localités assises sur l’étage portlandien les communes de Montot, Soirry, Rigny, Autet, Bouhans, Oyrières et Chargey-les-Gray, sur le territoire desquelles M. Thirria a signalé cet étage. 800 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A 'JOINVILLE , Notre portlandien diffère aussi de celui de M. Thurniann ( Coup d'œil sur la stratigraphie du groupe portlandien aux environs de Porrentruy), qui comprend sous le nom de portlandien cet étage réuni à l’étage kimmeridgien. Les différences essentielles qui existent dans la Haute-Saône entre ces deux groupes, tant sous le, rapport minéralogique que sous le rapport paléontologique, ne nous permettent pas de partager son opinion quant à leur réunion en un seul et même étage. L’étage portlandien, comme nous le comprenons, repose sur une puissante assise de marne pétrie de Gryphées virgules, qui forme dans la Haute -Saône la partie supérieure de l’étage kim- méridgien. Il est recouvert dans quelques localités par l’étage néocomien. Son dépôt s’est donc opéré régulièrement, et son niveau géognostique est bien celui qui lui est assigné par tous les géologues. On le rencontre sur les deux rives de la Saône ; sur la rive droite à Savoyeux, à Arc-les-Gray, à Nantilly et à Essertenne ; sur la rive gauche à Seveux, à Molley-sur-Saône, à Mercey, à Baujeux, à Saint-Yalier, à Ancier, à Gray, à Gray-la-Ville, à Yelet, à Esmaulins et à Apremont. On le retrouve encore dans les communes limitrophes des précédentes, à Germigney, à Champ- vans, au Trembloy, à Batterans, à Noiron, à Cresancey, à Arsans, à Yalay, à la Resie, à Pesmes. Il entoure aussi un petit bassin tertiaire d’eau douce situé au centre de l’arrondissement de Gray, à Saint-Broing, à Yelesmes, à Nantouard, à Yelloreille-les-Choye, à Clioye, à Gy, à Bucey, à Yelleclaire, à Greucourt, à Yezet, à Fresnes -Saint-Mamès et à Yellexon. Enfin, on trouve encore quelques traces de l’étage portlandien sur la lèvre droite d’une faille qui, passant par Gy, se dirige du N.-E. au S. -O. à travers les territoires de Charcenne, Yirey, Tro- marey, Chancevigney, etc. Cette faille, qui est sensiblement pa- rallèle à la chaîne de la Côte-d’Or et aux chaînes du Jura, et qui paraît devoir son origine à la commotion qui a soulevé ces * chaînes, met sur quelques points l’étage que nous décrivons en contact avec les étages oxfordien et corallien. On voit par ce qui précède que l’étage portlandien occupe une assez grande partie de la surface de l’arrondissement de Gray. En outre, dans un certain nombre de localités autres que celles que nous venons de citer, cet étage, quoique ne paraissant pas à la surface, existe néanmoins à une faible profondeur, recouvert par du 7 au 1 h SÈrîÉMBhÉ 1856. 801 des dépôts crétacés, tertiaires ou quaternaires, le plus souvent remaniés. Il est plus développé sur la rive gauclie que sur la rive droite de la Saône, ce qui vient de ce que cette rivière n’occupe pas exactement le centre du bassin géologique qu’elle traverse. Ali premier aspect, la puissance de l’étage portlandien paraît difficile à évaluer, parce que, le sol étant faiblement accidenté, on ne trouve jamais un grand nombre de bancs réunis dans une seule coupe. Cependant, après un examen attentif de la nature des roches et des fossiles qu elles renferment, nous pensons être arrivé à une connaissance suffisante de ses assises pour pouvoir établir leur superposition aussi exactement que possible Nous évaluons la puissance totale de l’étage à environ 70 mètres. Les strates de l’étage portlandien, dans les environs de Gray, n’offrent jamais ni contournements ni inflexions ; elles sont sou- vent horizontales ; mais, au pourtour du bassin tertiaire, notam- ment à Gy, à Bucey, à Velleclaire et à Mottey-sur-Saône, elles plongent sous les couches de ce bassin avec une inclinaison très prononcée. Dans la plupart des localités dont la surface est formée par l’étage portlandien, le sol n’est que légèrement accidenté, et le relief, assez peu marqué d’ailleurs, se borne à quelques ondula- tions. Généralement les accidents de terrain, causés par les diffé- rentes ruptures dont on remarque les traces, ont été atténués par les dépôts postérieurs, et principalement par celui du terrain du minerai de fer pisiforme , qui n’est autre chose que le prolongement du dépôt tertiaire supérieur généralement désigné sous le nom d 'allueions de la Bresse. Aussi les escarpements portlandiens sont- ils peu fréquents, et ceux que l’on remarque ont-ils peu d'impor- ! tance, comme à Mottey, à Gray, à Apremont et à Essertenne ; en sorte que les seuls endroits qui offrent au géologue un sujet d’études sont les carrières ouvertes sur les différentes assises qui composent l’étage. L’étage portlandien de la Haute-Saône est exclusivement com- posé d’assises calcaires, ce qui le distingue de prime-abord des étages kimméridgien et néocomien entre lesquels il est enclavé, et qui tous les deux sont composés d’assises argileuses ou marneuses. | Les calcaires portlandiens sont généralement compactes, à cas- sure esquilleuse, unie ou conchoïdale ; quelquefois ils sont marno- compactes, plus rarement oolithiques ou suboolithiques. Leur couleur varie du jaunâtre au gris clair. Ils sont presque toujours Soc. géol.. 2e série , tome XIII. 51 802 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , criblés de trous ou tubulures verni i formes dont le diamètre varie de 5 millimètres à 5 centimètres. Une circonstance à remarquer, c’est que les tubulures dont la roclie d’un banc est criblée ne correspondent jamais exactement aux tubulures du banc supérieur ou du banc inférieur, quoique ceux-ci soient également criblés de tubulures. On remarque même fréquemment, dans la partie inférieure de l’étage, des bancs tubuleux intercalés au milieu d’autres bancs de calcaire com- pacte ne renfermant pas la moindre cavité. La stratification des bancs qui composent les différentes assises est ordinairement distincte et régulière. Quelquefois cette stratifi- cation devient confuse, et il est alors difficile d’établir exactement leurs limites. Les bancs sont quelquefois composés de rognons mal assemblés, de calcaire grossier, sans stratification apparente. La surface des joints de stratification n’est jamais unie ; elle est au contraire toujours ondulée, ridée ou mamelonnée. Nous venons de dire que les calcaires portlandiens étaient presque toujours criblés de tubulures. Nous allons maintenant rechercher l’origine de ces tubulures, qui ont été désignées indif- féremment sous le nom de irons vermif ormes ou tortueux , cavités tubuleuses ou cylindroïdes, vacuoles , perforations , etc. Elles ont été attribuées à différentes causes, notamment à un mode particulier du dépôt sédimentaire des roches perforées, à des dégagements de gaz, à la filtration des eaux ou à leur interposition dans les roches nouvellement déposées, ainsi qu’à des perforations produites par des animaux lithophages. On a à peine indiqué la disparition des corps organisés comme une des causes probables de la formation de ces tubulures. On a même prétendu que « la présence de trous vermiformes dans les calcaires (portlandiens) indique toujours qu’il n’existe pas ou qu’il n’existe que très accidentellement des fossiles dans ces roches, » parce que « les débris de ces fossiles n’ont pu résister aux influences chimiques sous lesquelles ces cal- caires se sont trouvés, soit au moment de leur formation, soit plus tard (1). » Nous avons particulièrement étudié les tubulures des calcaires portlandiens de Mantoche, sur lesquels le géologue dont nous venons de citer l’opinion paraît avoir fait ses observations, et nous avons reconnu que ces calcaires renfermaient un très grand nombre de fossiles. Aussi ne pouvons- nous pas partager sa ma- (1) M. Nodot, Bulletin de 1851, t. Vîlï, séance du 1 4 septembre. DU 7 AU 1 li SEPTEMBRE 1856. 803 nière de voir, relativement à l’absence ou à la rareté des fossiles dans les roches portlandiennes perforées. Quant aux perforations que nous désignerons plus volontiers sous le nom de tubulures , à cause de leur forme, nous les attribuons spécialement à la disparition totale ou partielle des corps organisés enfouis à l’époque où les calcaires étaient déposés. Nous pensons que leur disparition est postérieure au dépôt et à l’émersion des roches, qu’elle a eu pour cause le passage des eaux pluviales à tra- vers ces dernières (1), que l’action dissolvante n’a pas été limitée aux fossiles, mais qu’attaquant aussi la paroi calcaire elle a le plus souvent élargi les vides et fait disparaître les empreintes que ces fossiles ont dû laisser. Avant d’exposer les motifs de notre opinion, nous faisons ob- server que nous n’avons en vue que la recherche des causes qui ont occasionné la perforation des roches portlandiennes de la (l) On sait que les terrains calcaires renferment toujours des par- ties pyriteuses plus ou moins abondantes, et que ces parties exposées à l'air se transforment en sulfate de fer, qui passe à son tour à l’état de peroxyde de fer. Ce dernier, qui jouit des propriétés acides, à cause de la faiblesse de sa base comparée à la chaux, ronge le calcaire en y creusant de petites poches qui restent remplies de terre ocreuse, dont la teinte est due à la présence de l’oxyde de fer qui a été déplacé par la chaux. C'est l’origine de la terre végétale. D’un autre côté, on sait que les premières ondées d’une pluie sont toujours fortement chargées d’acide carbonique qui dissout le calcaire, et que les eaux de pluie ne forment jamais de mares stagnantes dans les terrains calcaires. En effet, celles-ci remplissent d’abord les poches superficielles dont nous venons de parler, décomposent le calcaire et y creusent des cavités d’autant plus nombreuses qu’elles rencontrent des parties plus attaquables, comme, par exemple, les polypiers que les roches portlandiennes ont évidemment englobés lors de leur dépôt. Ces cavités finissent par communiquer avec les grandes excavations intérieures où les eaux se rassemblent pour s’échapper ensuite sous forme de sources permanentes. Enfin, on sait que la composition de la terre végétale est la même que celle des parties, insolubles aux acides, du sous-sol qu’elle recouvre. D'où l’on conclut que la terre végétale n’est pas une forma- tion géologique particulière, et qu’elle n’est que le résultat de l’alté- ration du terrain sur lequel elle repose. Ainsi se relient ces trois grands phénomènes : aridité des terrains calcaires, sources permanentes, et formation de la terre végétale. Nous proposons d’y rattacher les perforations des calcaires et l’exis- tence de ces grandes grottes, où les stalactites montrent bien qu’il y a eu filtration d’eau tenant du calcaire en dissolution. HÉ UNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE 80 h Haute-Saône, et que nous n’entendons nullement attribuer la même origine aux perforations des roelies que nous n’avons pas eu l’occasion d’étudier. Notre intention n’est pas non plus d’exclure les autres causes qui peuvent avoir concouru avec celle que nous signalons, bien que nous regardions celle-ci comme la plus im- portante. Nous avons reconnu à l’étage portlandien de la Haute-Saône un faciès sous lequel il n’a pas encore été signalé : c’est celui d’une ancienne station coralligène. Une grande partie des couches qui le composent renferment effectivement de nombreux polypiers, dont il est facile de constater la présence, quoiqu’il soit difficile d’en déterminer le genre et l’espèce à cause de leur mauvais état de conservation. Considérés sous le rapport de leur forme générale, ces polypiers peuvent être divisés en deux groupes : les polypiers amorphes ou massifs, et les polypiers de forme dendroïde. On retrouve ordi- nairement les premiers assez bien conservés quant à l’ensemble, quoique les caractères indispensables à leur détermination soient le plus souvent effacés ; leur texture saecharoïde et leur couleur blanchâtre les distinguent nettement de la roche qui les empâte. Les seconds ont généralement disparu, et nous allons voir cpie ce sont eux qui ont laissé dans la roche les nombreuses cavités cylin- droïdes auxquelles on a assigné jusqu’à ce jour une origine toute différente. Ces cavités ou tubulures affectent toujours des allures très irré- gulières ; elles sont le plus souvent contournées en tous sens; rare- ment elles sont horizontales ou verticales. Quoiqu’elles ne com- muniquent pas entre elles directement d’un banc à un autre, elles permettent cependant aux eaux qui tombent sur la surface du sol de s’infiltrer et de circuler avec la plus grande facilité dans l’in- térieur de l’étage. Longtemps nous avons examiné ces cavités sans en soupçonner la cause ; mais, ayant un jour remarqué que la paroi intérieure de l’une d’elles était tapissée d’empreintes en relief provenant évi- demment des calices d’un polypier brancliu, nous les avons exa- minées plus attentivement, et nous n’avons pas tardé à reconnaître: 1° Que les empreintes coralliennes sont assez fréquentes dans l’intérieur des cavités ; 2° Que les cavités qui en sont tapissées ont la même forme et la même disposition irrégulière que celles dans lesquelles les em- preintes paraissent manquer tout à fait ; 3° Qu’en suivant attentivement le trajet de ces dernières cavi- DU 7 AU AA SEPTEMBRE 1856. 805 tés, on arrive quelquefois à y rencontrer des empreintes coralliennes plus ou moins bien conservées. Dès lors nous n’avons plus clouté que les polypiers dendroïdes, ramifiés et contournés comme les tubulures des calcaires, n’aient été englobés dans la roche lors de son dépôt, et que, dissous en- suite par l’action des eaux venant de la surface du sol, ils n’aient occasionné les vides élargis plus tard qui sillonnent en tous sens la plupart des assises de l’étage portlandien. D’autres preuves viennent d’ailleurs corroborer cette opinion. C’est ainsi que l’on remarque que la cause dissolvante n’a pas agi seulement sur les polypiers, et que le test des mollusques, que la roclie a renfermés en grand nombre, a disparu comme la partie basilaire de ces derniers, en laissant des cavités et des empreintes plus ou moins reconnaissables dans l’intérieur de la roche. D’un autre côté, on retrouve dans l’intérieur des tubulures des Serpules et des Pliolades, dont la présence est une preuve de plus en faveur de notre opinion. En effet, les polypiers, soit pendant la vie des polypes, soit après la mort de ceux-ci, mais avant que leur surface ait été recouverte par d’autres polypiers ou enveloppés par les sédiments, ont du servir d’habitation à une foule de mol- lusques lithophages, et de support a un grand nombre d’annélides tuhicolesqui vivaient alors dans les mers portlandiennes. Les dé- bris testacés de ces animaux se retrouvent d’ailleurs aujourd’hui, non-seulement dans l’intérieur ou à la surface des polypiers qui n’ont pas été détruits, mais encore dans les tubulures. La position particulière qu’ils y occupent prouve autant que l^ur présence que ces tubulures ont été occasionnées par la dissolution des polypiers dendroïdes dont rensemble ramifié, plus attaquable et peut-être de nature différente, n’a pas résisté à l’action dissolvante comme la masse plus compacte et mieux agrégée des polypiers amorphes. Ainsi, les tubes des Serpules qui vivaient attachées à la surface des polypiers dendroïdes se retrouvent actuellement fixés par la face opposée aux parois des tubulures dont elles suivent toutes les sinuosités , tandis que des Pliolades adhèrent quelquefois par leur partie anale aux mêmes parois, et présentent leur extrémité buc- cale libre dans l’intérieur des cavités tubuleuses, position qui répond exactement à celle que ces animaux ont dû occuper pen- dant leur vie par rapport aux polypiers, à la surface ou dans la substance pierreuse desquels ils vivaient implantés. Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’insister sur les in- dices certains qui résultent de la présence et de la position de ces débris fossiles à l’intérieur même des tubulures, indices qui suffi- 806 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , raient à eux seuls pour confirmer l’opinion que nous émettons sur l’origine corallienne de celles-ci ; car à ces indices et à ceux qui résultent de la discontinuité des tubulures d’un banc à un autre vient se joindre une preuve plus positive : celle qui résulte des em- preintes que les polypiers eux-mêmes ont laissées dans la roche. On peut donc affirmer que la dissolution d’un grand nombre de fossiles, principalement de forme dendroïde et irrégulière, comme celle de la plupart des perforations des calcaires portlandiens de la Haute-Saône, est la cause, sinon unique, au moins principale de ces perforations. 11 faut admettre aussi que les eaux, continuant à les parcourir, ont le plus souvent fait disparaître les empreintes coralliennes, et qu’elles ont contribué et contribuent encore chaque jour à en augmenter le diamètre. Quoique les tubulures existent et soient semblables, au dia- mètre près, dans presque tous les calcaires de l’étage, cependant nous n’avons jusqu’à présent rencontré celles dont les parois sont chargées d’empreintes que dans les couches inférieures, où les tubulures ont un diamètre constamment plus faible que dans les couches superposées. Si dans les couches moyennes et supérieures les tubulures sont plus larges et dépourvues d’empreintes, il est vraisemblable que là, non-seulement les fossiles ont été dissous, mais que la roche qui les enveloppait, composée d’éléments moins bien combinés, a été ensuite attaquée elle-même par l’action dis- solvante à laquelle la roche des couches inférieures a générale- ment résisté. Nous terminons ce travail par une coupe générale qui com- prend l’étage tout entier, et qui renferme des détails suffisants sur les différentes parties qui le composent. Cependant nous croyons devoir entrer dans quelques développements sur l’ensemble, et établir clairement la position des assises que nous groupons sous le nom d’étage portlandien. Aux calcaires à A s tartes , que nous considérons comme la partie inférieure de l’étage kimméridgien , succède un ensemble de couches composées de calcaires marno-compactes, rarement sub- oolithiques, avec Nautilus giganteus, d’Orb., Nerinea supra-juren- sis , Yoltz, Panopea ragosa , d’Orb., Pholadomya Protei , Defr., P. acuticostata, Sow., P. hortulana, d’Orb., Ceromya excentrica, Agass., C. obovata , d’Orb., Cyprina cornuta, d’Orb., Terebratula subsella , Leym., etc. Ces couches, dont le type pour la Haute- Saône se trouve à Chargez-les-Gray, ont été considérées comme dépendant de l’étage portlandien par le plus grand nombre des auteurs qui ont décrit les roches du Jura, soit qu’ils n’aient pas DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. 807 reconnu ieur position géognostique, soit qu’à l’exemple de M. Thur- mann ils aient confondu en un seul les étages kimméridgien et portiandien. Elles forment réellement la partie moyenne du kim- méridgien, qui se termine plus haut par une puissante assise mar- neuse, remarquable par l’immense quantité de Gryphées virgules qu’elle renferme. Pour nous, l’étage portiandien commence immédiatement au- dessus de cette assise, au point où la roche passe brusquement de la marne au calcaire, et où les Gryphées virgules, si abondantes jusque-là, disparaissent tout à coup. Pour en faciliter la descrip- tion, nous le diviserons en quatre sous-groupes : 1° le sous-groupe inférieur ou des calcaires lithographiques; 2° le sous-groupe des calcaires tubuleux avec empreintes coralliennes et polypiers ; 3° le sous-groupe des calcaires tubuleux sans empreintes ; !\° le sous- groupe supérieur ou des calcaires marno-compactes et com- pactes (1). Sous-groupe inférieur. — Les premières assises de l’étage sont formées par un calcaire compacte, lithographique, gris jaunâtre, et divisées en un grand nombre de bancs bien stratifiés dont l’épaisseur moyenne est de 8 à 10 centimètres. Les fossiles sont rares à l’intérieur des bancs ; mais on trouve fréquemment entre les joints de stratification des lits de petites Ostracées, non adhé- rentes à la roche, qui diffèrent de Y Ostrea virgule t, surtout par une taille beaucoup plus faible. A la partie supérieure de ce pre- mier sous-groupe, on commence à rencontrer quelques bancs avec tubulures, dans l’intérieur desquelles on remarque l’empreinte costale d’un polypier brancliu. Ces premiers bancs tubuleux, qui établissent le passage avec le 2e sous-groupe, sont souvent inter- calés entre des bancs qui ne renferment aucune espèce de cavité. Cette partie de l’étage a une puissance d’environ 12 à 15 mètres. 2e Sous-groupe. — L’étage se continue par une série de bancs de calcaire jaunâtre, à pâte compacte, à stratification parfois peu dis- tincte, renfermant un grand nombre de polypiers. C’est dans ce sous-groupe qu’on rencontre les cavités ou tubulures tapissées d’empreintes coralliennes. Parmi celles de ces empreintes qui sont susceptibles de détermination, nous citerons le Stylina intri- cata , From., auquel paraît se rapporter plus particulièrement la (1) Nous n’attachons aucune importance à ces subdivisions : nous comprenons tout ce qu’elles ont de défectueux, et nous ne les éta- blissons que pour rendre la description plus facile ; car, à vrai dire, l’étage portiandien, dans les environs de Gray, forme un seul groupe calcaire, dans lequel il est difficile d’établir des sous-groupes présen- tant des caractères distincts et nettement tranchés. 808 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , forme tortueuse et anastomosée des tubulures, et le Thamnastrm duniosa , From., dont l’empreinte, beaucoup moins fréquente que la précédente, ne se rencontre que dans les cavités cylindroïdes disposées plus régulièrement et plus verticalement que les autres. On y rencontre également un banc presque exclusivement formé des polypiérites aggrégés du Thamnastrea portlandica , From. Ce banc, bien connu des ouvriers des carrières et désigné par eux sous le nom de banc de roche , est remarquable par sa coustance. Nous l’avons reconnu à Mantoclie, à Gray-la-Ville, à Mottey-sur- Saône et dans plusieurs autres localités. C’est un des points de repère qui nous ont servi à établir l’ordre de superposition des différentes parties de l’étage. Les belles carrières de Mantoche sont établies sur une partie des assises qui composent ce sous-groupe, dont la puissance totale est d’environ 20 mètres. 3e sous-groupe. — - Au-dessus des assises que nous venons de dé- crire, on en rencontre d’autres dont l’aspect général est le même, et qui ne différent des premières que par des tubulures beaucoup plus larges. Ces tubulures, tout en conservant la même disposition tortueuse et ramifiée que l’on remarque dans les calcaires du sous- groupe précédent, ne renferment plus dans leur intérieur ni em- preintes de polypiers, ni Serpules, ni Pholades ; du moins nous n’en avons pas encore rencontré. Nous n’hésitons pas cependant, attendu leur forme identique, à attribuer à ces cavités l’origine corallienne qui ne peut être douteuse pour les assises du 2e sous- groupe. A la base du 3e sous-groupe, il existe une couche marno-sa- bleuse, jaunâtre, renfermant des plaquettes de calcaire marneux, suboolithiques, sans tubulures. Cette couche, d’un aspect parti- culier, que l’on ne peut confondre avec aucune autre, est aussi un des points de repère dont nous nous sommes servi ; elle est remar- quable par la grande abondance d’échinodermes fossiles qu’elle renferme. Ceux-ci appartiennent aux genres Pigurus , Nucleolitcs et Discoidea. Nous ne les avons rencontrés dans aucune autre couche de l’étage portlandien. L’épaisseur totale de cette subdivision est d’environ 18 à 20 mè- tres : elle fournit de bons moellons, exploités dans les carrières de Batterans, de Cresancey et de Velesmes. Sous-groupe supérieur. — A la partie supérieure de l’étage, les calcaires cessent insensiblement d’être tubuleux ; leur pâte est moins compacte; quelquefois elle devient oolithique. Les débris de mollusques y sont très nombreux, et les plus abondants ap- partiennent au genre Nerinea qui présente à celte hauteur au DU 7 AU 1 Zi SEPTEMBRE 1856. 809 mgins dix espèces, parmi lesquelles les plus fréquentes sont les N. subpyramidalis , N. trinodosa et N. grandis, d’Orb. Nous comprenons dans ce sous-groupe une série de bancs que nous n’avons rencontrés que sur le territoire d’Essertenne, au hameau de la Maison-Rouge, et qui renferment quelques poly- piers. Cette assise est surtout remarquable par la grande quantité de moules de Dicerates que l’on y rencontre. Quoique nous ayons quelques doutes sur sa véritable place, nous croyons cependant devoir la maintenir dans le sous-groupe supérieur jusqu’à plus ample examen. Enfin, l’étage portlandien se termine par des calcaires com- pactes assez semblables pour la couleur, la texture et l’épaisseur des bancs, à ceux qui en forment la base. Ces calcaires ne ren- ferment pas de fossiles, et c’est sur eux que reposent les premières assises marneuses de l’étage néocomien. Considérées au point de vue de l’utilité industrielle, les roches portlandiennes de la Haute-Saône ne fournissent que de la pierre à chaux, des moellons pour construction et des matériaux pour les routes. Au point de vue paléontologique, elles offrent de l’intérêt au géologue ; elles sont riches en fossiles, surtout en polypiers, dont la présence n’avait pas encore été signalée par les observateurs qui les ont étudiées (1). Parmi les espèces fossiles que l’on y ren- contre, un très petit nombre paraissent être communes à l’étage kimméridgieu. Toutes paraissent avoir cessé avec la période juras- sique; en sorte que sous le rapport paléontologique, comme sous le rapport minéralogique, l’étage portlandien se trouve tout à fait distinct des étages qui l’ont précédé et suivi. La liste des fossiles que nous donnons ci-après est loin d’être complète. Un grand nombre de ceux que nous avons recueillis sont mal conservés, à l’état de moules ou d’empreintes, ce qui en rend la détermination difficile. Cette liste suffira néanmoins pour donner une idée de l’ensemble de la faune portlandienne. Les espèces que nous avons pu déterminer sont les suivantes : ANNÉLIDES . Stipula , 13 espèces. CÉPHALOPODES. Ammonites Gravcs/anus, d’Orb. — b^nsi Zieten — Irius, d’Orb. — supra jurensis, d’Orb. GASTÉROPODES. Chcmnitziu gigantea , d Orb. — Danae , d’Orb. (I) Une seule espèce a été signalée; c’est Xlsastrea oblonga , Milne- Edvv. et Haime, rencontrée dans le Portland-stone d’Angleterre. 810 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, Ncrinea grandis, Vollz. — salinerisis , d’Orb. — tri no dosa, Yoltz. — - subpyramidalis , Münst. — cylindrica , Yoltz. — Elea, d’Orb. — bacillaris , Buy. Natica suprajurensis , Buv. — Marcousana , d’Orb, — elegans ?, Sow. — Veriotina , Buy. — barrensis P, Buv. Pterocrra oceani , de la Bêche. Cerithiiùn Nodoneum , Buv. - — inerne , Buv. Troc h us P . LAMELLIBRANCHES. Panopea ( Arcomya , Ag.) qua drata, d’Orb. — , 6 autres espèces?. Pholadomya barrensis , Buv. Maetra rostralis ? , d'Orb. — çaudala P. d’Orb. — insularum P , d’Orb. J s tarte ambigua , Buv. Venus?, 3 espèces. Lticina portlandica? , Sow. Trigonia gibbosa , Sow. — , 6 autres espèces, Cardium Verioti , Buv. Pinna barrensis , Buv. « — , \ autre espèce. Gervillia lihèaris , Buv. Mytilits portlandicûs ?, d’Orb — , 2 autres espèces. Modiola. Pinnigena » Pecten nudus. — , 3 autres espèces. Avicula, Diceras. : Ostréa Bruntrutana , d’Orb. * — , 3 ou 4 autres espèces. BRACHIOPODES. Rhynchonella inconstans , d’Orb. — , 4 autre espèce. Terebratula voisine du 7\ rê//a, Leym. , 3 autres espèces. BRYOZOAIRES. Stomatopora elongata , From. Berenicea portlandica , From. Heteropora gibbosa , From. ÉCHINODERMES. Hemicidaris ? Pigurus jurensis ? , d Orb. Nucleolites. Discoiclea . ZOOPHYTES (4). Pleurosmilia portlandica , From. j — cylindrica , From. j — commuais , From. — grandis , From. — compressa , From. Pleurosmilia stylifera , From. — graciosa, From. — elongata , From. Peplosmilia portlandica , From. Stylina Maillei , From. — Perroni , From. — in trie ata, From. — Bucheti, From. — • injlata, From. — speciosa, From. — Haimei , From. — grayensis , From. Holocœnia explanata, From. — arachnoïdes, From. - — dendroidea, From. (1) Nous devons à l’obligeance de M. le docteur de Fromentel, qui a étudié tout spécialement les polypiers fossiles de la Haute-Saône, la détermination des bryozaires et des polypiers que nous avons recueillis dans le portlandien des environs de Gray. Quelques-unes des espèces que nous citons n’existent que dans sa collection particulière. DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. 811 Stylocœnia portlandica , From. Astrocœniu triangularis , From. Convexastrea portlandica, From . Pleui'ophyllia trichotoma , From Js astre a foliacé a, From. — Gourdani, From. — - dispar, From. Latimeanclra Pelissieri , From. ■— l incaris, From. • — sequana , From. Thamnastrea portlandica , From. — Perroni , From. — Bouri, From. j — damosa , From. Microsolena grctyensis , From. AMORPHOZOAIRES. Cnemidium ? Coupe générale de l'étage portlandien dans les environs de Gray . NATURE DES ASSISES. Bancs, épais de 8 à 10 centi- mètres, de calcaire com- pacte, à cassure esquil- leuse, sans tubulures, gris jaunâtre , régulièrement stratifiés. FOSSILES PRINCIPAUX. Sans fossiles. / Assise composée de bancs j de calcaire compacte, à i cassure esquilleuse, jaune i rougeâtre, avec quelques 1 rares tubulures, mal stra- J lifiés; en rognons, plutôt qu’en bancs réguliers, à la partie supérieure. LOCALITES (0. Champtonnay 6m,00 / Assise composée de bancs de calcaire marno - com- pacte ou sub-oolilhiqnes, blanchâtre, d’épaisseur v riable, mais généralement minces . à stratification quelquefois peu distincte renfermant un grand nom- bre de fossiles. Nerinea subpyramidalis Münst. Nerinea Elea, d'Orb. Plerocera. Mactra . . . Diceras. Panopea. Holocarnia arachnoïdes , From. Astrocœnia triangularis , id. îsasLrea folia( ea , id. Latineandra Pelissieri, id. Ammonites Irius. d’Oib. Chemnitzia Dance ? id. Nerinea grandis , Yollz. - trinodpsa, id. . . . , subpyramidalis , Munst - cy/indrica, Voltz. Natica Marcousana , d’Orb Mactra. Cardium Verioti, Buv. Pinna barrensis , id. . . . Pecten nudus, id. Terebratula. Stylocœnia portlandica , From. Esserlenne (La Maison-Rouge). 8'n.00 Noiron. Yelesmes. LeTrembloy. 8m,00 A reporter. . 22m,00 (1) Les localités que nous indiquons comme types sont loin de présenter l’ensemble de chacune des as ises. Naus n’avons pu établir leur puissance et leur ordre de super- position, qu’en réunissant plusieurs coupes, et en complétant nos observations person- nelles par des renseignement pris, soit auprès des ouvriers des carrières, soit auprès des personnes qui ont fait faire des recherches de matériaux ou creuser des puits. B 1 2 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, | GROUPES. j| | N05 des assises. | NATURE DES ASSISES. . .... FOSSILES PRINCIPAUX. ! | LOCALITÉS. W U Z bm,00 eu distincte, exploile's pour w C/5 | \ moellons. < C/5 Bancs généralement e'pais, Serpula. de calcaire grisâtre ou jau- Ammonites Gravesianus , H nàtre, compacte, à tubu- d’Orb. S lures larges et nombreu- — gigets , Zicten Butterons. j D j ses, à stratification ordi- Nerinea salinensis, d’Orb. H i nairement distincte, quel- ~ Elea , id. ^ 12m, 00 S | quefois un peu conluse, Rostellann barrensis , exploités pour moellons. Buv, Velesmcs. ’ U Ostrea Bruntrutann , < U d’Orb. S I P Couche de marne endurcie, Rostelluria. S l 04 avec plaquettes de cal- Mytilns porllandicus? i O caire jaunâtre, sableux, d’Orb. f as 6^ sub-oolithique, sans traces Ostrea Bruntrutana, [1 . J 1 Batleraus. de tubulures, renfermant Pigurus jurensis, id. R' un grand nombre d’Our- Nucleolites Gray-la-Ville i CO \ sins. Discoidea. (carrière Cornet) . J / ' Assise compose'e de bancs,' ' Ammonites gigas, Zicten. y épais de 0>n, 20 àO»i,oO,de \My lilas. calcaire compacte ou mar-j \Lucina portlandica, Sow. no-compacte, à cassure \Pterocera Oceani, de La esquille use, sub-concboï- 1 Bêche 1 dale et quelquefois ter- Ostrea Bruntrulana, i V5 » reuse, de couleur grise ou d’Orb. » H 1 jaunâtre, à tubulures nom- Rhynchonella inconstans, F 2 1 ] breuses, renfermant un id Mailloche. [ S | 1 7< / grand nombre de poly- Terebratula. \ 04 1 \ piers, exploités pour moel- Pleurosmilia (9 espèces) , !s lom,00 1 W J ] ions. From. CO 1 Z Stylina Mailleri, id. . . . Gray-lu-Ville. i — Perroni, i l. * — in/lata, id. P Coiwexaslrea portlandi- P ca, id. P Isastrea Gourdani, id. P H . / j LalineandraPelissieri , id’ Gray. 1 co \ S \ v Thamnastrea Perroni, id. / 5 U Banc de calcaire compacte, Serpula. > i P empâtant le Thamnas- Modiola Gray-la-Ville. i U | trea portlandica , dont la Thamnastrea porllandi. F CO W j i 8 6m. 00 | épais, avec empreintes Pinna. ^ ! costales de polypier den- Trigonia gibbosa , SoW, . Arc-lès-Gray. g v droïde. \u\ ■ 2* P \ 1 Assise composée d’un grand Serpula. O i nombre de bancs très Ostrea. ! o i f i minces de calcaire corn- 1 Ji S p F 1 1 / ' pacte, lithographique, gris Arc-lcs-Gray. 1 ;> 7m (00 o ] I jaunâtre, à cassure esquil- 1 leuse et conchoïdale, régu- lièrement stratifiés, très rarement tubuleux. Puissance totale. . . 72rn ,70 Après la lecture du mémoire de M. Perron, M. E. Royer fait les observations suivantes : Je ne puis vous dissimuler, messieurs, la satisfaction que viennent de me faire éprouver quelques passages des commu- nications de M. Buvignier et de M. Perron que vous venez d’entendre-, j’y trouve la confirmation d’une opinion que j’ai émise, il y a déjà un certain nombre d’années, sur la non-iden- tité du portlandien du bassin de Paris avec certaines assises du Jura et du bassin bourguignon considérées à cette époque comme portlandiennes. v Lors de la réunion extraordinaire de la Société géologique à Porrentruy, en 1838, l’infatigable M. Thurmann, dont la So- ciété déplore la perte récente, fit voir aux membres réunis dans cette ville ce qu’il regardait alors comme portlandien au Banné, à Fontenois et dans les célèbres carrières à Tortues de So- leure. Dès cette époque le doute pénétra dans mon esprit ^ je ne pus reconnaître dans les calcaires de ces localités le portlandien supérieur aux marnes kimméridgiennes du bassin de Paris -, les fossiles, et notamment les grandes Nérinées, réunis à la texture minéralogique des calcaires de Soleure, et de Fonte- nois surtout, portèrent ma pensée vers certaines parties des terrains à Astartes et corallien compacte de la Haute-Marne ; 81 h RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, plus tard, ayant eu occasion de visiter les carrières de Chargey- les-Gray, la présence des mêmes fossiles, la même texture minéralogique augmentèrent encore mes doutes. Enfin, en comparant les listes de fossiles du portlandien de M. Thurmann avec celles des fossiles que je trouvais au-dessous des marnes kimméridgiennes de la Haute-Marne, je dus reconnaître enfin que ce qui était regardé alors dans le Jura suisse et la Haute-Saône comme portlandien n’était autre que les calcaires immédiatement inférieurs aux marnes kimméridgiennes du bassin parisien. Je fis part de mes doutes à la Société géologique lors de la réunion à Avallon, en 1845 (Bull, de la Soc. géol 2e série, t. II, p. 712) -, toutefois, je tirai de ces faits des conséquences trop générales en disant que le portlandien du bassin de Paris n’existait probablement pas dans le bassin bourguignon. M. Mar- cou réfuta, dans un mémoire inséré au Bulletin de la Société, cette dernière assertion, et prouva que le portlandien parisien exis- tait réellement dans la Haute-Saône, ce que j’ai reconnu effec- tivement plus tard. Mais les conséquences que j’avais tirées, soit de mes observations à Fontenois, à Soleure et à Chargey- Îès-Gray, soit de la comparaison des listes de fossiles , c’est-à- dire la non-identité des terrains portlandiens parisiens supé- rieurs aux marnes kimméridgiennes avec les calcaires regardés et décrits comme portlandiens par MM. Thurmann et Thirria à Soleure, à Fontenois, au Mont-Terrible et à Chargey-îès-Gray, n’en avaient pas moins toute leur valeur -, avant 1838, M. Thur- mann n’avait point trouvé le véritable portlandien dans le Jura, et ce qu’il regardait alors comme tel ne formait qu’un seul massif avec son corallien ; je ne citerai qu’un des nombreux passages cle ses publications qui le prouve. Dans son deuxième mémoire sur les soulèvements jurassiques, page 12, il dit en décrivant le flanquement méridional du Mont-Terrible : Enta- mez la roche , et vous reconnaîtrez tantôt le faciès portlandien , tantôt le faciès corallien, plus souvent ce dernier ; et, quelques lignes plus bas, il ajoute : Ne vous y trompez pas ; cet aspect corallien que nous reconnaissons ici , si nous faisions notre ascension un quart de lieue plus a Best , vous V duriez presque constamment vu remplacé par le faciès portlandien avec les fossiles de ce groupe ; un peu plus à C est encore , vous le retrouveriez corallien , et ainsi de suite , ce qui est très embar - DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. 815 saut quand on considère Je portlandien et le corallien comme deux groupes superposés , et non pas comme deux manières d'être différentes , quoique synchroniques d'une meme division. Ces deux citations suffisent pour faire voir que ce que M. Thur- mann regardait alors comme portlandien ne formait qu’un meme massif avec ses roches coralliennes, et n’était point ce portlandien du bassin de Paris séparé du corallien par près de 100 mètres de marnes kimméridgiennes. M. Thurmann a découvert depuis cette époque, dans le Jura, le véritable portlandien, et il a constaté, en même temps, le niveau infra-kimméridgien des calcaires de Soleure, de Fonte- nois et du Banné, ce que j’avais reconnu dès 1838. M. Buvi- gnier est arrivé, par ses observations dans la Meuse, aux memes conclusions } et M. Perron a déterminé de la manière la plus positive le même niveau sous les assises kimmérid- giennes des calcaires de Chargey. Je m’estime donc très heu- reux de voir l’opinion que j’ai émise depuis longtemps déjà adoptée aujourd’hui. M- Marcou a cherché dans son mémoire à prouver l’identité complète, dans ses détails mêmes, du portîan- dien des deux bassins, en comparant notamment les calcaires de Chargey à certaines divisions que j’ai établies dans le port- îandien supérieur aux marnes kiminéridgiennes-, je crois inutile et surabondant, dans l’état où est la question aujourd’hui, de faire voir l’inexactitude de cette comparaison. On peut donc résumer ainsi ce débat : le portlandien, tel qu’il est compris généralement, supérieur aux marnes kiminéridgiennes, existe dans les deux bassins, mais pendant longtemps on a attribué, dans la Franche-Comté et le Jura, au portlandien, certaines assises qui sont évidemment inférieures au kimoiéridgien -, d’où il est résulté une grande confusion dans les descriptions et les listes de fossiles, confusion qu’il est important de faire cesser. Après cette communication de M. Royer , M. Buvignier demande la parole et dit : Lorsque j’ai appelé tout à l’heure l’attention de la Société sur la différence qui existe entre les terrains portlandiens de ce pays et ceux de la Suisse et du Jura, je n’avais pas cru devoir rapporter les circonstances qui m’ont fait reconnaître cette différence. Ce qui me l’a fait d’abord soupçonner, c’est 816 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A J G IN VILLE , la comparaison des listes de fossiles des deux bassins, listes qui n’ont de commun que quelques espèces de la famille de Pholadomyes dont la détermination laisse beaucoup d’inexac- titudes , soit à cause de la mauvaise conservation des types qui ont servi à les décrire , soit en raison de la mul- tiplicité et de la variété des figures données par leurs au- teurs, et quelques Trigomes que j’ai cru pouvoir rapporter à des espèces établies par M. Agassiz sur des échantillons mal conservés et.sur de simples fragments, espèces dont j’ai retrouvé depuis, dans le calcaire à Âstartes supérieur, des exemplaires bien caractérisés et différents des espèces portlandiennes que j’avais confondues avec elles. De sorte que, quoique les cal- caires du Barrois contiennent plus de 150 espèces de fos- siles, il n’y en a peut-être pas une seule qui lui soit commune avec les terrains de l’autre bassin -, mais, y en eût-il eu réelle- ment 2 ou 3, comme je pouvais encore le supposer à cette époque, il devenait bien évident pour moi que les deux ter- rains ne pouvaient appartenir à la même formation. C’est alors que, me rappelant ce que j’avais vu en 18Æ0, en compagnie de j M. Parandier, dans les environs de Besançon, et comparant { les échantillons que j’y avais recueillis avec ceux des terrains ; de la Meuse, je restai convaincu que le prétendu terrain port- ! landien du Jura et de la Suisse était identique avec nos assises supérieures (calcaire marneux! du calcaire à Astartes et avec les 1 assises inférieures du groupe kimméridgien. r M. Buvignier cite ensuite quelques passages de sa Géologie 1 de la Meuse à l’appui de ce qui vient d’être dit par M. Royer ; J sur cette question et sur la comparaison des terrains portlan- 11 diens de la Haute-Saône avec ceux de la Haute-Marne. Il en résulte qu’il n’y a entre les terrains portlandiens de la Meuse et de la Haute-Marne que des différences peu importantes ; fl l’une desquelles consiste dans l’existence un peu au-dessus de l’oolithe vacuolaire de Savonnières d’un lit de marne bleue pyriteuse, contenant un assez grand nombre de Pholadomya j parvula 9 Corn. Cette marne, intercalée dans les assises juras- siques supérieures, est bien distincte des marnes bleues qui existent à la base des terrains néocomiens, et qui contiennent des fossiles tout différents. m t)U 7 AU \k SEPTEMBRE 1856. 817 M. Buvignier ajoute : Bien qu’on ne rencontre que rarement dans les calcaires portlandiens de la Meuse des traces que l’on puisse rapporter ayec certitude à des polypiers, je suis très disposé à adopter l’opinion de M. Perron, qui attribue à la destruction de poly- piers les tubulures plus ou moins régulières de certains cal- caires portlandiens. Dans toute l’épaisseur des calcaires portlan- diens de la Meuse, les coquilles fossiles, sauf les Ostracèes , ont été dissoutes, ce qui fait supposer que les polypiers, s’il y en avait, ont dû l’être aussi. Or, si dans certaines assises, on trouve encore très bien conservées et très nettes les empreintes de coquilles (1), il arrive aussi souvent que les surfaces de l’em- preinte ont subi des érosions plus ou moins fortes, et l’on trouve facilement des séries passant de l’empreinte la plus nette et reproduisant les détails les plus délicats de la co- quille à des empreintes moins distinctes et à des cavités qui n’en offrent plus que grossièrement la forme générale, de sorte que l’action érosive, pour peu qu’elle se soit prolongée, a dû transformer celles-ci en cavités informes comme celles qui caractérisent certaines assises portlandiennes. On peut donc admettre avec beaucoup de vraisemblance que ces cavités ont été produites, pour la plupart, par la destruction de corps organiques, et notamment que les cavités de formes plus ou moins tubuleuses doivent leur origine à des polypiers rameux. Si, jusqu’à présent, je n’ai pas encore rencontré de traces de ces polypiers en nature dans les calcaires de la Meuse j j’y ai trouvé un corps conique qui a été moulé dans l’étoile ter- minale de l’un d’eux. M. Gotteau donne lecture de la note suivante : Sur les Echinides du terrain jurassique supérieur de la Haute- Marne. En décrivant les Echinides jurassiques du département de l’Yonne, nous nous sommes occupé nécessairement des espèces qui se rencontrent dans les départements voisins. M. Royer ayant (1) Dans quelques bancs, ces empreintes ont été remplies par du spath calcaire, mais généralement elles sont restées vides. Soc. gcol.y 2e sér., tome XIII. 52 818 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE eu l’obligeance de nous communiquer une série fort curieuse des Echinides du terrain jurassique supérieur de la Haute-Marne, nous croyons qu’il n’est pas sans intérêt de faire connaître à la Société la liste de ces espèces, au moment de parcourir ujuelques- unes des localités où elles ont été recueillies. Ces espèces sont au nombre de quatorze et appartiennent à des genres différents. Cidaris pirijera , Des. Rhabdocidaris Orbignyana, Des. Hemicidaris crenularis , Ag. — purbeckensis , Forb. — Desoriana , Cot. Pseudodiadema mamillcinum , Des. Pedina aspèra , Àg. Stomechinus semiplacentci , Des. Acrosalenici décora ta, Wright. pisurn , Cot. Holectypus corallimis , d'Orb. Pygurus Blumenbachii, Ag. — Royerianus , Cot. Bysaster anasteroides , Leym. Suivant les indications de localité et de gisement fournies par M. Royer, ces espèces sont ainsi distribuées dans les couches du terrain jurassique supérieur. CALCAIRE A ASTARTES. Acrosalenia décor ata, Wright. Pygurus Blumenbachii, Ag. Biaise. Colombey-les-deux-Églises. KIMMERIDGIEN INFERIEUR. Cidaris pirijera , Des. Rhabdocidaris Orbignyana , Des. Pedina as per a, Ag. Holectypus corallinus , d’Orb. Champcourt. Biaise. Marbeville. Marbeville. KIMMERIDGIEN MOYEN. Rhabdocidaris Orbignyana , Des. Dysaster anasteroides , Ag. Marbeville. Champcourt. KIMMERIDGIEN SUPERIEUR. Hemicidaris Desoriana, Cot. Pseudodiadema mamillanum , Des. Pygurus Royerianus , Cot. Biaise. Biaise. Bouzancourt. PORTLANDIEN INFERIEUR. Hemicidaris crenularis , Ag, - — purbeckensis , Forb. — Desoriana , Cot. Joinville. Cirey. Cirey. 819 DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. Stomechinus semiplacenta , Des. Acroscilenici pis uni, Cot. Holectypus corallinus, d’Orb. Pygurus Blumenbachiij Ag. Cirey. Girey. Joinville, Cirey. Cirey. Sept espèces ont été rencontrées dans les couches inférieures du Portland ; c’est là un fait d’autant plus intéressant à constater que le Portland de l’Yonne et de l’Aube, qui cependant n’est que le prolongement de celui de la Haute-Marne, ne nous a offert jusqu’ici aucune Ecliinide. M. E. Royer présente les observations suivantes ayant rap- port à la course du lendemain : La composition du deuxième étage jurassique est en géné- ral complexe et variable j il ne présente pas comme les autres parties de ces terrains un ensemble, uniforme dans sa hauteur, qui se continue latéralement sur de grands espaces. Quelques- unes des assises, soit oxfordiennes, soit coralliennes, qui com- posent cet étage, sont constantes dans leur allure et dans leurs caractères -, mais il en est d’autres qui se modifient latérale- ment, ou bien disparaissent pour faire place à d’autres dont la composition est différente ^ de là résulte une grande difficulté d’observation qui a fait errer et différer d’opinion, jusque dans ces derniers temps, les géologues qui se sont occupés de ces terrains. Dans le département de l’Yonne comme dans celui de la Haute-Marne, on peut observer dans le groupe médio- jurassique deux faciès principaux dont chacun occupe une ou plusieurs parties transversales de la bande d’affleurement. L’un de ces faciès est généralement marneux ou marno-calcaire ; l’autre plus calcaire et oolithique. MM. Gotteau et Raulin ont, dans des mémoires précédemment publiés dans le Bulletin de la Société géologique , fait ressortir cette variété de composi- tion dans l’Yonne, et j’ai fait également insérer dans le Bul- letin un mémoire où j’ai constaté la même complexité dans la Haute-Marne. Toutefois, ce n’est qu’après des hésitations et des erreurs que l’on est arrivé à la connaissance encore si imparfaite de la composition de cet étage, et il ne sera peut-être pas inutile de dire quelques mots sur ce qui a été écrit précédemmeut, pour 820 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , servir en quelque sorte d’introduction à la course que la So- ciété se propose de faire sur ce terrain. La Société géologique de France, lors de sa session extraor- dinaire à Avallon, en septembre 18Æ5, a visité les terrains ba- siques et jurassiques, depuis le lias inférieur jusqu’au corallien. Sous la conduite de M. Gotteau, elle a pu observer les calcaires oolithiques du deuxième étage jurassique à Châtel-Censoir et ù Àvrigny. A Châtel-Censoir, dans les flancs du coteau formant la droite de la vallée de l’Yonne, une première masse de cal- caires oolithiques repose sur le terrain oxfordien. En descen- dant la vallée , des calcaires compactes viennent recouvrir l’oolithe \ puis à Merrey, encore plus haut dans l’échelle géo- logique, de grandes roches forment des falaises sur le bord de la rivière -, enfin, de Merrey à Avrigny, des calcaires encore su- périeurs sont constitués par une oolithe bien caractérisée. Les membres de la Société géologique se sont demandé si les calcaires oolithiques de Châtel-Censoir étaient bien les mêmes que ceux d’Avrigny, si, malgré la différence de niveau, ils n’ap- partenaient pas à une même assise, et si cette différence de niveau n’était pas due à une faille , ou bien s’ils ne consti- tuaient pas deux assises différentes, deux subdivisions du groupe corallien. M. Cotteau, qui avait étudié d’une manière spéciale le dé- partement de l’Yonne, avait adopté la dernière manière de voir. Pour lui, il y avait deux assises de calcaires oolithiques ; pour d’autres membres, il y eut doute. Dans les courses rapides de la Société, n’ayant pas eu le temps de chercher et de trouver des preuves directes de la superposition d’une assise oolithique à l’autre, et n’ayant pas non plus dans la Haute-Marne re- connu la séparation des roches oolithiques en deux assises, par suite de la même difficulté de découvrir un point où la super- position fût évidente, je cherchai dans les dérangements du sol l’explication de la différence de niveau des roches oolithiques que je croyais ne former qu’une même assise. Depuis la réunion de la Société géologique à Avallon en 18Ù5, M. Cotteau a confirmé son opinion par de nouvelles recherches, et M. Raulin a reconnu également que dans l’Yonne il existait réellement deux assises de calcaires oolithiques dans DU 7 ÀU l/l SEPTEMBRE 1856. 821 le deuxième étage jurassique-, les calcaires de Ghâtel-Censoir représentent l’assise inférieure et ceux d’Avrigny l’assise su- périeure. De mon côté, dans la Haute-Marne, j’ai pu également con- stater le même fait-, j’ai reconnu que deux assises oolithiques parfaitement distinctes se présentent dans cet étage. Ces deux assises sont désignées dans une Notice insérée au Bulletin de la Société géologique de l’année 1854 , et dans une coupe qui accompagne cette notice, sous les dénominations ééooUthe corallienne supérieure et d 'oolithe corallienne inférieure. Il est difficile dans la Haute-Marne d’observer une superposition di- recte des deux assises. Chacune d’elles occupe une surface hori- zontale distincte, et, si quelque localité les offre toutes deux, c’est vers les extrémités des lentilles qu’elles forment et lors- qu’elles ne sont plus caractérisées d’une manière tranchée. L’oolithe corallienne supérieure, caractérisée surtout par un grand nombre de Nérinées, s’étend particulièrement dans le plateau qui sépare la vallée de la Marne des affluents de î’Au- jon 5 c’est sur les bords de la vallée de Biaise à Curmont et à Lamothe qu’elle présente les plus beaux bancs -, elle y prend des caractères bien tranchés, qui en font une roche qui mérite d’être décrite à part. Elle contient beaucoup de fossiles, et notamment des Nérinées, des Actéons, etc. Elle disparaît à peu prés complètement avant d’arriver à l’Aube dans les environs de Clairvaux, et, dans les escarpements de la vallée de la Marne, à Rouvroy, à Gudmont et à Villers-sur-Marne, les calcaires qui la constituent n’offrent plus que des oolithes disséminées dans un calcaire compacte. L’oolithe corallienne inférieure, remar- quable par ses nombreux polypiers et par des Dicérates, oc- cupe le plateau triangulaire qui sépare la vallée de la Marne de celle du Rognon, et celui qui s’étend au delà de cette der- nière rivière ; elle est bien développée surtout aux fermes d’Heu, à Doulaincourt et à Roche-sur-Rognon. L’existence de deux assises oolithiques dans l’étage médio-jurassique est donc un fait bien établi dans l’Yonne comme dans la Haute-Marne depuis plusieurs années -, mais la connaissance de leurs relations avec les autres assises du groupe corallien n’a pas été bien appréciée immédiatement. 822 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , Je reviens encore ici à la session extraordinaire d’Avallon en 1845. La Société géologique a visité à Yermanton les calcaires compactes regardés ordinairement comme appartenant au groupe corallien. Ces calcaires, d’abord assez purs, alternent fers leur partie inférieure avec des lits d’une marne schisteuse, puis ils deviennent de plus en plus marneux, et passent enfin à une marne grisâtre presque sans fossiles qui constitue une assise que la plupart des membres de la Société considérèrent comme la partie supérieure du groupe oxfordien. Les relations de ces marnes avec les calcaires oolithiques inférieurs dont je viens de parler n’avaient point été jusqu’alors, et ne purent, lors de la réunion de la Société à Avallon, être observées direc- tement; mais elles étaient regardées, ainsi que je viens de le dire, comme constituant la partie supérieure du terrain oxfor- dien, et par conséquent comme inférieures aux calcaires ooli* thiques considérés comme coralliens. Les mêmes difficultés se présentent dans la Haute-Marne. Les marnes sans fossiles accompagnent comme à Yermanton les calcaires compactes, mais elles semblent disparaître lorsque î’oolithe inférieure se développe. En les regardant comme infé- rieures aux assises oolithiques, on les a réunies au terrain oxfordien dont elles formeraient la partie supérieure. Tel fut le classement de ces diverses assises coralliennes et oxfordiennes jusqu’en 1853, époque où M. Raulin publia de nouvelles obser- vations dont je vais parler; c’est cet ordre de superposition que j’adoptai dans une Notice lue à la Société géologique lors de la session extraordinaire de Dijon en 1851. En 1847, M. Raulin, en parcourant le département de l’Yonne pour y faire les observations nécessaires à la rédaction de la statistique de ce département, crut que l’assise marneuse dont il vient d’être question, observée par la Société à Yer- manton, n’était point inférieure, mais bien supérieure aux calcaires oolithiques de Châtel-Censoir qui s’enfonçaient sous cette assise. Les recherches qu’il fit l’année suivante confir- mèrent pleinement ce fait des plus intéressants, qu’il consigna dans le Bulletin de la Société géologique de l’année 1853, en l’appuyant de détails qui le rendent désormais incontestable. DU 7 AU i/i SEPTEMBRE 1856. 823 M. Cotteau, qui avait fait avec M. Raulin des courses et des observations communes, adopta comme lui cette nouvelle su- perposition. De mon côté, à l’exemple de ces messieurs et conjointement avec M. Barotte, j’ai cherché à reconnaître si dans la Haute-Marne les marnes sans fossiles sont bien posté- rieures à Poolithe corallienne inférieure, et nous croyons être arrivés à reconnaître que l’assise marneuse et le grand massif oolithique pourraient bien être en partie contemporains, qu’ils viennent se terminer l’un vers l’autre assez brusquement en biseau, mais toutefois que le biseau des marnes se terminerait à son croisement avec celui des calcaires oolithiques en passant par-dessus. Il serait donc maintenant reconnu que l’assise oolithique que j’ai désignée sous le nom Poolithe corallienne inférieure , qui est bien celle de Châtel-Censoir, est antérieure à une assise marneuse regardée jusqu’ici comme oxfordienne. M. Raulin, persistant à regarder l’assise marneuse comme oxfordienne, conclut de sa superposition à Poolithe qu’il faut ranger également Poolithe dans le groupe oxfordien, malgré, dit-il, la grande analogie de sa faune avec la faune corallienne. M. Cotteau, s’appuyant sur des considérations paléontologiques, repousse la manière de voir de M. Raulin, et croit que Poo- lithe, ainsi que les marnes qui la recouvrent, doivent appartenir au groupe corallien. Telle est la question intéressante soulevée par le terrain médio-jurassique du département de l’Yonne. Les mêmes faits se présentent dans le département de la Haute-Marne, Nous voudrions faire voir à la Société géologique les diverses assises de ce terrain et nous efforcer de lui faire saisir leurs relations entre elles et l’ordre de leur superposition, espérant que ses observations éclaireront la question. La séance est levée à onze heures du soir. 824 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, Séance du mercredi 10 septembre , à Joinville . PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE ROYS , Vice-président. La séance est ouverte à huit heures du soir, par M. de Roys, en l'absence de M. Cornuel, président. M. Barotte, l’un des secrétaires, donne lecture du procès- verbal de la séance précédente, dont la rédaction est mise aux voix et adoptée. M. le Président annonce une présentation. M. E. Royer, l’un des secrétaires, a la parole, et rend compte, dans les termes suivants, des excursions des 9 et 10 septembre. La Société géologique s’était proposé d’étudier particulière- ment, dans les courses du mardi et du mercredi, la série du terrain jurassique moyen, en coupant transversalement ce ter- rain sur deux points différents, par la vallée de la Marne et par celle du Rognon : ces deux vallées présentent, en effet, deux coupes naturelles qui offrent chacune le spécimen de l’un des deux faciès principaux, marno-calcaire et calcaire oolithique, qui constituent cette partie intéressante de la période juras- sique. MM. les Secrétaires, qui connaissaient les localités, et que la Société avait bien voulu prendre pour guides, se sont attachés à faire saisir l’ordre de la stratification en faisant des- cendre toute la série des assises, depuis le calcaire à Astartes jusqu’aux marnes oxfordiennes ferrugineuses, en montant la vallée de la Marne, où le faciès marno-calcaire compacte se présente, et en faisant remonter cette série par la vallée du Rognon, où est développé le faciès calcaire oolithique et gru- meleux. Partie de Joinville vers sept heures du matin, la Société s’est dirigée rapidement vers Mussey et Donjeux, où commence à surgir, au-dessous des marnes kimméridgiennes, la partie supérieure du terrain médio-jurassique -, chemin faisant, elle a pu jeter les yeux à droite et à gauche sur le terrain jurassique supérieur, qui constitue les coteaux pittoresques qui entourent la ville de Joinville, et remarquer les alternances de calcaires DU 7 AU lh SEPTEMBRE 1856, 825 et de marnes du groupe kimméridgien, alternances qui se trahissent à la surface par des protubérances et des dépressions successives dans les pentes des coteaux. Arrivée à la gare de Donjeux, la Société a quitté ses voi- tures pour suivre à pied la ligne du chemin de fer ; l’emplace- ment de la gare de Donjeux a été creusé en partie dans un terrain de transport composé de gravier calcaire, que sa hau- teur au-dessus du niveau delà rivière fait attribuer aux alluvions anciennes 5 les bancs de calcaires stratifiés, qui sont au-dessous, ont été nivelés et entamés par érosion avant le dépôt du ter- rain de transport. Ces bancs, dans lesquels la partie inférieure de la gare et la tranchée qui en fait la suite ont été creusées, appartiennent au groupe des calcaires à Astartes, tel qu’il a été compris par les géologues du bassin de Paris. Vers les deux tiers de la hauteur de la masse du terrain , la Société a observé quelques bancs d’une oolithe rougeâtre tachée de bleu *, ces bancs, d’uneconstance remarquable, sont la station ordinaire de grandes Nérinées qui les caractérisent, et qui caractérisent le même niveau à Ghargev, près de Gray, dans la Haute- Saône. Dans cette dernière localité, toutefois, cette oolithe est plus développée. L’analogie du terrain à Astartes avec celui d’autres contrées a été reconnue par tous les géo- logues assistant à la réunion 5 cependant, ceux des membres de la Société qui étudient plus particulièrement le bassin de la Bourgogne ont dit que dans ce bassin ils attribuaient la partie supérieure au groupe kimméridgien, et faisaient, par compen- sation, descendre le groupe astartien plus bas dans les calcaires compactes que la Société a vus un peu plus tard. Les fossiles recueillis par les membres de la Société dans la tranchée de Donjeux sont les suivants : Nautilus. Nerinea. Natica hemisphœrica , d’Orb. — turbin formis , Roemer. Pholaclomya Protêt, Defr. — rugnsa , d’Orb. Ceromya exc entrica , Ag. Ceromya obovata , d’Orb. Ostrca virgula , d’Orb. — solitaria , Sow. Rhy/ichonella inconstans , d’Orb. Terebratala subsella , Leym. — Lcymerii. Holectypus corallinus , d’Orb. La Société, arrivée à Gudmont, a examiné, derrière les 826 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , maisons qui bordent la route dans la parlie basse de ce village, une falaise composée à son sommet des bancs compactes infé- rieurs du terrain à Astartes, et à sa base d’un calcaire blanc oolithique-, cette roche oolithique est, à Gudmont et dans les coteaux qui bordent la vallée de la Marne, mal constituée-, elle est composée d’une pâte calcaire à texture un peu grumeleuse contenant des oolithes disséminées. On n’y trouve pas les nom- breux fossiles qu’elle renferme dans d’autres localités. Cette assise représente ici ce que les géologues du pays ont appelé oolithe corallienne supérieure : c’est celle d’Avrigny, dans le département de l’Yonne. A quelques centaines de métrés du village de Gudmont, au niveau même de la route, commencent à surgir au-dessous de l’assise oolithique des bancs parfaitement stratifiés, à cassure assez nette, et à texture généralement compacte -, au delà du village de Villiers-sur-Marne, la Société a retrouvé ces bancs dans la tranchée du chemin de fer, puis encore dans le coteau connu sous le nom de Roche-d’Or , dans lequel est percé le tunnel. Les travaux du chemin de fer ont permis de bien étu- dier ces bancs ; à leur partie supérieure ils sont épais et sépa- rés par des joints de stratification très minces ; mais, à mesure que l’on descend, et notamment à la Roche-d’Or, où leur par- tie inférieure se présente , on observe des lits de marne schisteuse qui alternent avec les bancs calcaires. Ces calcaires sont désignés ordinairement sous le nom de calcaires coralliens compactes; ils ont été reconnus ici comme analogues aux calcaires compactes de Yermanton, dans le département de l’Yonne, et, en effet, ils ont, dans les deux localités, une ana- logie des plus remarquables. Dans la Haute-Marne, ils sont très constants, et se poursuivent à travers le département, d’un côté jusqu’à la limite de la Meuse, et de l’autre jusqu’à celle de l’Aube à Glairvaux -, dans ce dernier lieu, ils sont caracté- risés par une grande Ammonite qui pourrait êtrel’^. Achille s. Quelques membres ont fait observer , ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que dans le bassin bourguignon, on faisait descendre jusque dans ces calcaires la limite inférieure du terrain à Astartes, en y comprenant ainsi l’oolithe observée à Gudmont ; M. Leymerie, dans sa Monographie du département de V Aube, 827 DU 7 AU 1 II SEPTEMBRE 185&. à Clairvaux notamment , où l’oolithe corallienne supérieure n’existe pas, a agi de môme. On a recueilli dans les calcaires compactes les fossiles suivants : Panopœci subrecurm , Ceromya excentrica , Ag. Pinnci obliquatn , Desh. Mytilus plicatus , Perna foliaceci, Pecten subarticulatus , d’Orb. Ostreci solitaria , Sow. Au delà du tunnel de la Roche-Noire, et après avoir tra- versé la Marne, la Société a observé, dans une petite tranchée du chemin de fer, un calcaire à cassure raboteuse et à texture grossière, dans lequel se rencontrent d’assez nombreux fossiles très déformés -, ce calcaire est au-dessous des calcaires com- pactes, et se présente également sous le sol du tunnel de la Roche d’Or. De ce point, la Société s’est rendue au village de Frondes ; mais il est bon, pour la clarté de la stratification, d’interrompre pour un instant l’ordre de la course. En continuant à suivre le tracé du chemin de fer, on arrive à la tranchée de Buxières- lès-F rondes -, cette tranchée est presque entièrement creusée dans des marnes bleues schisteuses parfaitement stratifiées, dans lesquelles les fossiles sont d’une extrême rareté -, on leur a donné, par cette raison, la dénomination de marnes sans fossiles. Cette dénomination, toutefois, n’a rien d’absolu, et ne doit être prise que comme un moyen de les désigner • il ne faut pas y attacher l’importance qu’elle semblerait avoir. La Société a retrouvé ici, reposant sur les marnes, le calcaire à texture grossière qu’elle avait vu en sortant du tunnel , et dont il vient d’être parlé. A droite delà tranchée, dans le coteau qui s’élève jusqu’aux retranchements d’un ancien camp ro- main, on observe les calcaires schistoïdes de la Roche d’Or reposant sur le calcaire grossier. Avant de pénétrer dans la tranchée de Buxières, la Société s’était rendue au village de Frondes situé sur les bords de la rivière, et là, dans une carrière placée à proximité des forges de M. de Bonnecaze,ellea vu avec intérêt des calcaires oolithiques Lima proboscideci , Sow. Rhynchonella inconstans , d’Orb. Terebratula insignis, Schub. Dysaster granulosus , Agass. Cidaris Blumenbachii , Münst. Apiocrinites . 828 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , exploités par l’administration du chemin de fer pour ses con- structions. Ces calcaires, en bancs épais, sont grisâtres avec quelques taches bleues -, les oolithes sont mal circonscrites et se fondent dans la pâte. On a fait observer à la Société le déve- loppement considérable que prennent rapidement les calcaires oolithiques dans le coteau escarpé qui domine les villages de Frondes et deBuxiéres, au delà de la vallée de la Marne. En quittant la carrière de Frondes, on a pu s’assurer facilement qu’elle est inférieure à l’assise des marnes sans fossiles de la tranchée de Buxières -, les bancs oolithiques existent du reste au niveau de la prairie, au-dessous des marnes, au pied de l’es- carpement dans lequel la tranchée est creusée. Des travaux du chemin de fer, la Société s’est rendue à Vignory où elle a pris quelque repos. De Vignory, la Société a suivi la route de Chaumont jusqu’à la chapelle de Saint-Hilaire ; elle a retrouvé dans ce lieu les marnes sans fossiles dont les bancs les plus calcaires sont ex- ploités par l’administration du chemin de fer pour la fabri- cation de la chaux hydrauliquè nécessaire à ses travaux. La chapelle repose sur la partie inférieure de ces marnes, et im- médiatement derrière les murs d’enceinte du cimetière est creusée une profonde tranchée du chemin de fer. Cette tran- chée entame une très faible épaisseur de la base des marnes, et pénètre au-dessous dans des bancs de calcaire blanc jaunâtre parfaitement stratifiés, à texture assez fine, à cassure conchoïde en grand ; en examinant ces calcaires avec soin on découvre dans certains bancs quelques très rares oolithes. La superpo- sition des marnes aux calcaires se voit dans la tranchée de Saint-Hilaire de la manière la plus nette et la plus précise j la Société a pu remarquer que les calcaires oolithiques qui, à Frondes et à Buxières, sont immédiatement sous les marnes, ne sont point développés à Saint-Hilaire, soit que les bancs mêmes n’existent pas, soit que les oolithes qui composent les calcaires de Frondes ne se soient point formés dans ceux que recouvrent immédiatement les marnes à Saint-Hilaire. Les fossiles sont rares dans ces calcaires *, ils sont ordinairement la station de V Ammonites Babeanus ; les Secrétaires de la Société, dans leurs observations précédentes, ont, par cette raison, DU 7 AU \k SEPTEMBRE 1856. 829 donné à cette assise la dénomination de calcaires à Ammonites Babeanus. Les fossiles trouvés à Saint - Hilaire sont les suivants : Nautilus gi gant eus , d’Orb. Ammonites Babeanus , d’Orb. — plicatilis , Sow. Phnladomya paucicosta , Rœm. Cardium intextum , Münst. Berna foliacea , Ostrea gi gante a, Leym. Terebratula insignis, Schub. Cidaris Blumenbachii , Münst. Colyrites ovalis , Desm. De Saint-Hilaire, la Société s’est dirigée sur le village de Vouécourt, où, après avoir traversé la Marne, elle a commencé à gravir le vallon rapide qui aboutit à ce village. Arrivée à peu près au niveau de la chapelle de Saint-Hilaire, que l’on aper- cevait dans le lointain au delà de la vallée, elle a trouvé, dans le fossé même du chemin, des calcaires ooîitbiques, mais telle- ment recouverts par la terre végétale et des débris incohérents, que l’on n’a pu étudier suffisamment ce gîte, où des observa- tions précédentes ont fait reconnaître le développement des calcaires oolithiques qui manquent à Saint-Hilaire. Au-dessus de ce lieu, et à une certaine hauteur dans le co- teau, on a fait remarquer à la Société les marnes sans fossiles, puis, au-dessus encore, les calcaires compactes remplis ici de nombreux fossiles, qui sont les mêmes que ceux de la tranchée de Viîliers-sur-Marne. La Société, remontant le cours de la Marne, a pénétré, à 500 mètres de Vouécourt, dans un petit vallon, où elle a trouvé une assise de calcaires à grosses oolithes grises, se délitant à l’air, et formant comme un sable oolithique ; cette assise fait partie des calcaires oolithiques observés quelques instants au- paravant près de Vouécourt. A la ferme de Grandvaux, on a fait remarquer à la Société des bancs inclinés dans le voisinage d’une faille qui traverse la vallée de la Marne et se dirige par Soncourt, Champcourt, Saulcy, Lévigny, vers Trannes, dans la vallée de l’Aube. Au delà de Grandvaux, la Société est montée sur un coteau com- posé des mêmes calcaires que ceux de la tranchée de Saint- Hilaire, recouverts de calcaires oolithiques; puis, descendant dans un chemin creux qui conduit au village de Viéville, elle a atteint la base des calcaires à Ammonites Babeanus , formée de 830 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, bancs de marnes calcaires contenant de nombreux fossiles, parmi lesquels V Ammonites plicatilis est surtout très abon- dant et atteint de grandes dimensions 5 ces marnes alternent d’abord avec des bancs calcaires, puis elles deviennent plus argileuses à mesure que l’on descend. En quittant le chemin creux de Viéviîle, la Société a traversé l’extrémité de ce village, et, pressée par les approches de la nuit, elle s’est dirigée sur Roocourt-ia-Côte et Bologne ; au sud de Viéviîle elle a rencontré, dans les terres labourées qui recouvrent des calcaires inférieurs aux marnes que l’on venait de visiter, la Terebratula sehticosà. Ce fossile est précieux en ce qu’il établit un horizon très constant. La Terebratula sen - iicosa n’occupe qu’une zone d’un métré de puissance environ, qui se trouve vers la base des marnes à Ammonites plicatilis. À partir de ce niveau jusqu’au corn-brash, on observe des bancs calcaires contenant toujours l’ Ammonites plicatilis , puis des marnes d’un gris bleuâtre, puis enfin les marnes ferrugineuses, rapportées soit â l’oxfordien inférieur, soit au callovien. Les Secrétaires de la Société ont donné à cette zone, provisoirement et pour se comprendre seulement, sans employer une péri- phrase, la dénomination de zone à Ammonites plicatilis. C’est sur ce terrain que la Société a marché jusqu’au pont de Bolo- gne, où elle a trouvé le corn-brash. La nuit étant venue la surprendre, après une journée de fatigues, elle a dû prendre du repos à Bologne, pour continuer le lendemain ses travaux. Le lendemain, la Société a repris le cours de ses études 5 après avoir traversé la Marne, elle a gravi le coteau élevé au- quel est adossé le village de Roocourt. Ce coteau est ainsi composé : à la base, les marnes oxfordiennes ferrugineuses ou calloviennes reposant sur le corn-brash ; au-dessus, les marnes, puis les calcaires oxfordiens inférieurs atteignant à peu près la partie haute du village } dans le chemin creux qui conduit sur la hauteur, apparaissent les marnes qu’on avait observées la veille à Viéviîle, caractérisées par l’abondance de X Ammonites plicatilis , puis, presque au sommet, les calcaires à Ammonites Babeanus de la tranchée de Saint-Hilaire ; quelques bancs de ces calcaires sont ici légèrement oolithiques. La Société géologique a retrouvé, couronnant d’une légère épaisseur quelques parties DU 7 AU 14 SEPTEMBRE 1856. 831 du coteau de Roocourt, la roche oolithique désagrégée obser- vée la veille dans le vallon de Vouécourt, et sa position à la partie supérieure des calcaires à Ammonites Babeanus a été évidente. Les fossiles suivants ont été recueillis dans ce terrain à Roocourt : Belehmites Royerionus , d’Orb. Ostrea . Pigaster ambre lia, Ag. Echinas per la tus , Desmar. Acrosalenia decorata , Wright. Hemicidaris crenularis , Ag. Cidaris Blurnenbachii, Münst. — coronata , Goldf. Collyrites ovalis , Des Moul. Du sommet de la montagne de Roocourt, la Société a pris la direction du village de Briaucourt ; elle a vu dans les terres labourées, dans une position supérieure aux roches oolithiques désagrégées, des calcaires oolithiques grisâtres ayant beaucoup d’analogie de texture avec ceux de Frondes. En traversant les bois, on a observé dans le chemin même des polypiers à texture saccharoïde, et l’on a pu remarquer que l’on marchait sur une oolithe blanche. Descendue des bois dans le parc de Briaucourt, par une pente composée parfois de roches abruptes, la Société n’a fait que traverser cette habitation, où elle a été accueillie par M. de Noiron, pour aller visiter, au-dessous des grandes roches, dans le chemin creux du village, un terrain composé de calcaire marneux grossier, qui est placé au même niveau géologique que les roches oolithiques désagrégées de Vouécourt et de Roocourt, mais qui présente ici des caractères qui ont fait reconnaître cette zone par plusieurs membres, notamment par MM.Cotteau, Buvignieret de Fromenteî, comme celle qui forme la base du terrain corallien dans d’autres contrées. On a recueilli à Briaucourt quelques fossiles caractéristiques, comme ceux du sommet de la montagne de Roocourt, de la base du corallien. Pecten Moreausus , d’Orb. Echinas perla tus, Desmar. Terebratala Glypticus hieroglyphicas , Ag. Après être descendue sur la pente des marnes oxfordiennes jusqu’au corn-brash, la Société s’est dirigée sur le bourg d’Andelot, en suivant la route constamment tracée sur ce der- 832 RÉUNION EXT1UORDINAIRE A JOINVILLE, nier terrain et sur quelques lambeaux des marnes ferrugi- neuses, et en laissant à sa gauche la falaise des marnes oxfor- diennes qui ne présente plus que faiblement la forme orogra- phique ondulée des coteaux de la gauche de la vallée de la Marne. A Andelot, on a visité des roches abruptes, composées, à leur partie supérieure, de corn-brash, et à leur base, de forest- marble. En quittant Andelot, la Société a traversé Rimaucourt, puis, descendant la vallée du Rognon, elle a commencé à cou- per de nouveau la série des terrains , mais cette fois en la remontant. Le terrain oxfordien est constitué, dans la partie haute de la vallée du Rognon , de la môme manière que dans la falaise longitudinale qui s’étend de Bologne à Andelot; la Société ne s’y est point arrêtée ; elle a atteint, près de la forge à lami- noirs de Roche sur-Rognon, l’assise caractérisée par des Echi- nides déjà observée à Briaucourt, à Roocourt-la-Gôte et à Voué- court ; cette assise est à la base de grands rochers coralliens qui dominent ces usines, et donnent au paysage un aspect pitto- resque et sauvage. Ces roches s’abaissent conformément à la pente générale des terrains, et sont bientôt recouvertes par une masse très puissante de calcaires blancs , tantôt compactes et à cassure esquilleuse, et tantôt oolithiques et grumeleux, qui forment une falaise élevée au-dessus des villages de Bettaincourt, et constituent les deux lignes de coteaux qui bordent la vallée du Rognon jusqu’au delà de Doulaincourt. La Société a visité, à Bettaincourt, la partie moyenne seulement de ces calcaires ; puis, reprenant la route de Doulaincourt, elle a bientôt trouvé les assises à Dicérates qui sont à la partie supérieure, et que l’inclinaison normale des couches a fait descendre au niveau du fond de la vallée. En deçà et au delà de Doulaincourt, les travaux de la route ayant entamé la base du coteau ont fait voir la stratification; on y observe une alternance de bancs grumeleux et de bancs oolithiques ; ces derniers contiennent peu de fossiles, mais les bancs grumeleux en sont pétris ; ce sont desNérinées, des Dicérates, et d’innombrables polypiers; 833 DD 7 AU ïh SEPTEMBRE 1856. ces calcaires ont été regardés par tous les géologues comme représentant le terrain corallien bien caractérisé-, M. Gotteau y a reconnu celui de Châtel-Censoir -, M. Triger, celui de la Sarthe; M. Buvignier, le corallien si célèbre de Saint-Mihiel. Entre les calcaires oolithiques à Dicérates et à polypiers et les calcaires coralliens compactes que la Société a retrouvés, tou- jours en remontant la série, au village de Saucourt, on aurait dû rencontrer les marnes sans fossiles ^ toutefois ces marnes n’ont point été rencontrées jusqu’ici dans la vallée du Rognon, soit qu’elles n’y existent pas, soit qu’elles ne s’y trouvent qu’à un état rudimentaire qui les fasse passer inaperçues, cachées par les terres superficielles. Depuis Saucourt jusqu’au pont sur lequel on traverse le Rognon, les bancs du calcaire compacte ont été yus par la Société avec leur stratification régulière. Au-dessus, dans le bois, à gauche de la vallée, existe l’oolithe corallienne supé- rieure, puis, sous le village de Donjeux môme, la Société a retrouvé le calcaire à Astarles. De là elle s’est dirigée sur Joinville, en suivant de nouveau la base des pentes kimmérid- giennes et portlandiennes. Elle a donc traversé dans ces deux journées de courses deux fois la série de l’étage jurassique moyen. Dans la vallée de la Marne particulièrement, elle a vu son faciès marneux compacte, et, sur la droite, quelques parties déjà oolithiques, l’extrémité pour ainsi dire de la lentille oolithiques dans la vallée du Rognon, son faciès oolithique. On peut résumer ainsi l’ordre de superposition de la série observée dans les deux vallées de la Marne et du Rognon : Terrain à As tartes : Tranchée de Donjeux. Oolitlie corallienne supérieure : Gudmont. Calcaires coralliens compactes : Tranchée de Villiers-sur-Marne, tunnel de la Roche d’Or, route de Saucourt. Marnes sans fossiles ou peu fossilifères : Tranchée de Buxières , Saint-Hilaire. Oolithe corallienne inférieure : 1 ° Partie supérieure, blanche, à Dicérates et à polypiers : Frondes au delà de la Marne, premier ravin de Vouécourt, bois de Briaucourt, Bettaincourt, Doulaincourt. 2° Partie composée de roches grisâtres dures, de roches grume- Soc, geo/,, série, tomeXIII, 53 83Ü RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, leuses et de roches oolithiques désagrégées : Carrières de Frondes, deuxième ravin de Youécourt, sommet de la montagne de Roocourt-la-Côte, Briaucourt et Roche-sur- Rognon. Oxjordien supérieur : 1° Partie calcaire à Ammonites Babecinus : Tranchée de Saint- Hilaire, Roocourt-la-Côte. 2° Partie marneuse à Ammonites plicatilis : Chemin creux de Viéville, Roocourt-la-Côte. Oxjordien inférieur à Ammonites plicatilis calcaire , et marneux : Champs de Viéville, Roocourt-la-Côte. Callovien ou marnes ferrugineuses : Bologne. Une discussion s’est établie sur. la question de savoir où devait être fixée la limite des groupes oxfordien et corallien. Sans qu’il y ait eu une opinion entièrement prépondérante, la majorité des membres semble cependant avoir pensé que les caractères paléontologiques devaient faire ranger l’assise à oolithes désagrégées, caractérisée par ses nombreux Échinides, et tout ce qui est au-dessus, dans le groupe corallien, tandis que toutes les assises inférieures composeraient le groupe oxfordien. Quelques membres ont émis l’opinion que les deux groupes paraissaient plutôt ne former réellement qu’une série, dont les divisions varient souvent dans leurs caractères paléontologiques etpétrographiques, et qu’il serait difficile de scinder en deux. M. Gotteau demande la parole et dit qu’il n’a que peu de mots à ajouter au compte rendu si clair et si complet qui vient d’être présenté par M. Royer. Il insiste d’abord sur l’analogie qui existe entre le coral-rag de la Haute-Marne et celui de l’Yonne, dont les assises présentent également, à des distances très rapprochées, de profondes modifications latérales. En par- tant de Tonnerre pour aller à Ancy-le-Franc, par la vallée de l’Armançon, les couches se développent comme dans la vallée de la Marne ; les calcaires compactes deCommissey et de Lezines reposent sans intermédiaire sur les calcaires grisâtres sub-ooli- thiques de Pacy et d’ Ancy-le-Franc. Dans la vallée de l’Yonne, au contraire, à Coulanges-sur-Yonne , à Châteî-Censoir et à Mailly-le-Franc, les mêmes calcaires sont remplacés, comme à Doulaincourt , par des couches blanches, grumeleuses, très grossièrement oolithiques et renfermant un grand nombre de fossiles ( Nerinea , Diceras et polypiers). A l’appui de ces ex- DU 7 AU 1 !\ SEPTEMBRE 1856. 835 piicatioos, M. Cotteau trace sur le tableau une coupe théorique montrant la disposition affectée, suivant lui, dans la Haute- Marne par ces différentes assises. Calcaire à A s tartes. Coral-rag supérieur. Calcaire compacte et marnes sans fossiles. Calcaires blancs, à Dicérates et à Nérinées. Couche à Échinides. Calcaires à Ammonites plicatilis et Babeanus. M. Cotteau, revenant ensuite aux opinions émises relative- ment à l’âge des calcaires blancs à Nérinées et à Dicérates, rap- pelle que, dans le département de l’Yonne, il a considéré dans ces derniers temps ces mêmes calcaires et les couches marno-com- pactesqui les surmontent, comme appartenant au coral-rag infé- rieur et moyen (1), tandis queM. Raulin les a rapportés à l’ox- ford-clay moyen et supérieur (2). Il ajoute : Ce que nous avons vu dans la vallée de la Marne et dans celle du Rognon confirme notre manière de voir et ne nous laisse aucune incertitude sur la place à assigner à ces calcaires. M. Raulin, dans le mémoire qu’il a publié à ce sujet, nous accordait qu’il serait de notre avis s’il lui était démontré que les couches de Châtel-Censoir et de Coulanges-sur-Yonne correspondaient à celles de Saint- Mihiel (3). M. Buvignier, en reconnaissant l’identité du coral- rag de Doulaincourt avec celui de Saint-Mihiel, nous paraît avoir tranché cette question, car les calcaires de Doulaincourt (1) Bull., 2e série, t. XII, p. 693 et suiv. (2) Bull. , 2e série, t. X, p. 485 et suiv. (3) Bull., 2* série, t. X, p. 496. 836 réunion extraordinaire a joînville, sont certainement le prolongement de ceux de Châtel-Censoir et de Gonlanges-sur-Yonne. Du reste, notre but, lorsque nous ayons répondu au mémoire de M. Raulin, et publié dans le Bulletin, notre tableau paléontologique, avait été surtout de démontrer que les couches que M. Raulin voulait rapporter à l’Oxford-clay moyen et supérieur correspondaient aux couches coralliennes les mieux caractérisées de Saint-Mihiel, de la Rochelle, de Nathuin. Ce synchronisme est aujourd’hui établi. Il ne s’en suit pas cependant que le coral-rag soit complète- ment indépendant de l’Oxford-clay. Nous reconnaissons"que ces deux étages se rapprochent par plusieurs caractères communs, souvent même se développent au détriment l’un de l’autre, et que le coral-rag n’est peut-être que le faciès madréporique de l’Oxford-clay -, mais alors, et c’est là le point sur lequel nous insistons, il faut réunir à l’étage oxfordien les couches de Saint- Mihiel, de la Rochelle et de Nathuin, avec autant de raison que celles de Châtel-Censoir ou de Doulaincourt, car elles ne sau- raient en être séparées. M. Cotteau ayant terminé ses observations sur le compte rendu des différentes courses faites dans la journée des 9 et 10 septembre par la Société, M. Triger demande la parole et dit qu’ayant été chargé de l’exécution de la carte géologique du département de iaSarthe, il s’était trouvé embarrassé, lorsqu’il lui avait fallu fixer sur cette carte les limites inférieures et supérieures du coral-rag, par suite de la divergence d’opinion des géologues à cet égard. Voulant trancher la question, M. Triger s’est rendu en An- gleterre, sur les lieux mêmes où cette division géologique a été établie et créée par Buckland et de la Bêche. Là, il a été à même de se convaincre que cette formation se divise naturellement en trois assises bien distinctes, que les Anglais ont appelées, de bas en haut, calcareous-grit inférieur , coral- line-ooliihe et calcareous-grit supérieur. Si aujourd’hui M. Triger cherche à appliquer ces trois divi- sions au coral-rag de la Haute-Marne, il est frappé de la res- semblance qu’offre avec le calcareous-grit inférieur le calcaire compacte et le calcaire à grosses oolithes désagrégées qui couronnent le sommet du plateau de Rooeourt-la-Côte, près de DU 7 AU là SEPTEMBRE 1856. 837 la chapelle que l’on vient tout récemment d’y construire, et surtout dans la carrière où ce calcaire est employé à la fabri- cation de plusieurs objets d’architecture. A Oxford, cette partie du coral-rag est appliquée aux mêmes usages, et la ressemblance du calcareous-grit inférieur avec cette oolithe compacte est tellement frappante, qu’il lui est impossible de lui attribuer une autre limite inférieure, malgré toutes les objections qui ont pu se produire à cet égard. Le coral-rag de la Haute-Marne, de l’avis de M. Triger, commence donc immédiatement au-dessus des argiles et des calcaires marneux du coteau de Roocourt-la-Côte, dans lesquels on rencontre Y Ammonites plicatilis et Y Ammonites Babeanus , qui, depuis longtemps, sont reconnus comme caractéristiques de l’Oxford-clay supérieur. Si maintenant, dit M. Triger, je jette un coup d’œil général sur le coral-rag visité depuis deux jours par la Société, je le trouve infiniment plus développé qu’en Angleterre-, mais les trois divisions signalées par M. Cotteau, dans la coupe qu’il a mise sous vos yeux, rappellent toutefois celles établies dans ce dernier pays. De sorte que je trouve dans les calcaires com- pactes et à grosses oolithes le calcareous-grit inférieur - dans votre calcaire analogue à celui de Saint-Mihiel, si riche en fos- siles, comme nous avons été à même de le voir, le coralline- oolithe-, enfin, dans les calcaires compactes et marneux, la représentation du calcareous-grit supérieur, quoique à Oxford et dans plusieurs autres localités ce dernier calcaire ait un faciès qui ne rappelle pas ce dépôt aussi bien que vos autres divisions rappellent celles d’Angleterre. En résumé, dit en terminant M. Triger, je ne trouve aucune anomalie dans votre dépôt corallien. Il repose, comme à Oxford, sur des marnes oxfordiennes bien caractérisées, à Roocourt-la Côte, par la présence des Ammonites Babeanus et biplex, et ces deux dépôts, en outre, se trouvent exactement semblables à ce que nous avons aussi dans la Sarthe ; car j’ai rencontré dans le coteau de Roocourt-la-Côte tous les fossiles des roches de l’Oxford - clay supérieur , et, immédiatement au-dessus , M. Cotteau m’a fait voir les assises qui caractérisent, dans mon département, le calcareous-grit inférieur, identique 8SS RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , avec votre oolitke compacte du plateau de Roocourt et de Briaucourt. La séance est levée à onze heures. Séance du jeudi 11 septembre , à Vassy, PRÉSIDENCE DE M. COUNUEL, La Société se réunit à huit heures du soir dans la grande salle du tribunal, à l’hôtel de ville. La plupart de MM. les magistrats et fonctionnaires du chef-lieu d’arrondissement et un grand nombre de personnes de la ville lui font l’honneur d’assister à la réunion. M. le Président ouvre la séance par une allocution dans la- quelle il remercie les honorables assistants, au nom de la Société, de l’accueil empressé qu’ils ont bien voulu lui faire, et il fait ressortir le but et les avantages des explorations faites et de celles restant à faire dans les environs de Yassy. M. Barotte, un des Secrétaires, donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est mise aux voix et adoptée. M. Cotteau demande la parole pour faire une observation relative à un passage du procès-verbal, dans lequel il est dit que les géologues du bassin bourguignon ont fait descendre la limite inférieure de leur calcaire à Astartes jusque dans les couches du calcaire compacte, et que M. Leymerie en a fait autant dans le département de l’Aube. M. Cotteau dit que, dans l’Yonne, le calcaire ci Astartes se réduit à une faible épaisseur, et bien que sa limite inférieure ne soit pas très tranchée, il n’a jamais été confondu avec les calcaires com- pactes, dont il est séparé par ies calcaires blancs de Tonnerre et de Bailly -, que dans l’Aube, et aux Riceys notamment, M. Leymerie ne lui paraît pas avoir confondu le calcaire à Astartes avec les calcaires compactes -, que ces deux couches, comme dans l’Yonne, sont nettement séparées par le coraî-rag supérieur proprement dit, remarquable par sa couleur blanche et ses nombreux polypiers ; il ajoute qu’aux Riceys la puissance DU 7 AU ï!x SEPTEMBRE 1856. 839 du calcaire à Astartes ne saurait être évaluée au-dessus de 30 mètres. M. Royer répond à M. Gotteau que M. Leymerie a effective- ment, dans certaines parties du département de l’Aube, arrêté la limite inférieure du terrain à Aslartes aux calcaires de l’oo- lithe corallienne supérieure *, mais que comme ces derniers calcaires, variables dans leur allure, manquent dans les envi- rons de Clairvaux, ce point de repère lui a fait défaut, et qu’il est évident qu’il a compris dans son terrain à Astartes la masse des calcaires coralliens compactes, comme on peut le voir dans sa Statistique minéralogique et géologique du département de V Aube. Ainsi il cite, page 215, la localité de Clairvaux dont les belles carrières entament les bancs du calcaire corallien compacte que l’on voit parfaitement reposer sur les marnes sans fossiles à Clairvaux même et à Vi!le-sous-la-Ferté, et, page 251, il évalue ainsi la puissance du terrain astartien : Lignol, limite supérieure, altitude 271 mètres. Bayel, limite inférieure, altitude 175 mètres. Puissance de l’assise 96 mètres. Or, la cote de hauteur de Bayel est sensée prise, selon lui, à la base du calcaire à Astartes -, mais, par le fait, elle comprend dans ce sous-groupe toute la partie supérieure des calcaires coralliens compactes sur laquelle le village de Bayel est construit -, d’un autre côté , la cote de hauteur prise à Lignol est également erronée en ce qu’elle ne repose pas sur la limite supérieure du calcaire à Astartes, mais bien sur un lambeau de marnes kimméridgiennes dont il comprend ainsi l’épaisseur. Il est donc évident que la puissance énorme de 96 mètres attribuée ù l’astartien, basée sur des cotes dont Ja position n’est pas fixée aux limites du terrain, est inexacte. J’ai cherché, ajoute M. Royer, en m’aidant, comme l’a fait M. Leymerie, des cotes de la carte de l’état-major, à évaluer la puissance de ce terrain dans les environs de Clairvaux et de Bar-sur-Auhe, et de cinq opérations différentes se rapprochant beaucoup par leur résultat, j’ai obtenu la moyenne de 29 mè- tres, puissance que nous avons aussi dans la Haute-Marne. 840 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JÔINVILLE , La discussion soulevée par M. Cotleau au sujet du procès- verbal étant épuisée, M. le Président proclame membre de la Société M. le docteur Perrin, de Joinville (Haute-Marne), pré- senté à la séance précédente par MM. Haguette et Royer. L’après-micîi du 11 septembre a été consacrée par la So- ciété à visiter les collections géologiques de MM. Gornuel et Tombeck, et à rechercher dans son gisement, à l’est de Yassy, le sulfate de strontiane fibreux dont M. Gornuel a signalé la découverte dans le tome IV des Mémoires , lre série, page 290, et dans le tome VIII du Bulletin , 2« série, page 349. Les excur- sions ont donc offert peu d’intérêt, d’autant moins que la Société, suivant le matin la roule qui conduit de Joinville à Yassy, n’a vu et étudié que les parties de l’arrondissement qu’elle avait déjà visitées dans la journée du lundi 8 septembre. Dans ce nouveau trajet de Joinville à Yassy, la Société a visité une seconde fois la minière de fer géodique ouverte entre Nomécourt et les bois de Guindrecourt-aux-Ormes et celles ou- vertes dans ces derniers, pour y recueillir des fossiles du cal- caire à Spa tangues. Un peu avant d’arriver à Yassy, elle s’est rendue à une an- cienne carrière ouverte vers le haut du coteau qui fait face au moulin du Donjon, et elle y a constaté la présence de l’oolithe vacuolaire et sa position au-dessus des calcaires marneux gris verdâtre, observés par elle au bord de la route dans la journée du 8 septembre. Cette oolithe contient principalement un bon nombre de moules et d’empreintes de la Cyprina et de X A vi- cula, décrites parM. Gornuel dans les Mémoires de la Société , lre série, tome IY, pages 286 et suivantes. Il constitue en cet endroit une roche de couleur rousse dont plusieurs parties sont sableuses, ce qui, suivant l’opinion des géologues de la loca- lité, proviendrait de l’altération qu’a fait subir àl’oolithe altérée le dépôt du fer géodique. La Société a remarqué, en effet, des détritus de ce dépôt sur l’oolithe dont il s’agit. Plus haut, elle a trouvé la marne calcaire bleue néocomienne qui est l’objet d’une exploitation pour l’amendement des terres, puis le cal- caire à Spatangues qui forme le sommet du plateau. M. Buvignier ayant demandé la parole donne lecture de la note suivante : Î)U 7 AL’ ïh SEPTEMBRE 1856. 841 Rectification de quelques erreurs commises dans la description des fossiles nouveaux du département de la Meuse , par M. Amand Buvignier. Malgré les soins que j’ai pris pour ne décrire dans la Géologie de la Meuse que des espèces nouvelles, et dont les caractères gé- nériques fussent bien établis, il s’est glissé dans mes détermina- tions un petit nombre d'erreurs que j’ai reconnues sur des exem- plaires mieux conservés, et qu’il y a lieu de rectifier. Trigonella pandorina. Ce n’est qu’avec beaucoup de doutes que j’ai rangé cette co- quille dans le genre Trigonella ou Lavignon, qui ne comprend que des espèces équi valves. J’ai trouvé sur un moule de cette espèce une petite cavité qui paraît être l’empreinte d’un osselet cardinal. Je crois donc que cette coquille sera mieux placée dans la famille des Ostéodesmes, et dans le genre Ostéodesme lui-même. Il faudra donc changer son nom en celui d ' Osteodesma pan - dorina . Pullastra barrensis. J’avais d’abord l’intention de classer cette coquille parmi les Telli nés, le premier exemplaire que j’en avais eu ayant un pli flexueux postérieur. Des exemplaires sans plis et une charnière incomplète m’ont fait changer d’avis. Depuis j’ai retrouvé une charnière plus complète qui est bien celle des Psamnobies et des Tellines. C’est dans ce dernier genre que je classe cette coquille, le pli fluxueux qui le caractérise se retrouvant sur à peu près la moitié des individus de l’espèce qui prennent le nom de Tcllina barrensis. Cypri cardia décora ta. L’espèce que j’ai fait figurer n’est pas le Mytilus décora tus, JYlünst. M. Terquem, m’ayant vu préparer celui-ci pour l’envoyer au dessinateur, m’offrit de m’en prêter un exemplaire mieux conservé que le mien ; mais cet exemplaire ne m’étant parvenu qu’après le départ de mon envoi, je ne pus reconnaître la diffé- rence des deux espèces, et j’envoyai l’échantillon de M. Terquem comme plus complet que le mien, et devant être dessiné de préfé- rence. 11 en résulte que l’espèce figurée dans mon ouvrage n’est 8A2 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, pas celle de Goldfuss, qui devra conserver le no ; de Cypricardia dccnraia , et que la mienne est une espèce nouvelle que je propo- serai de nommer Cypricardia Terquemea. Mytilus textus. j’ai reconnu sur cette espèce l’empreinte de la côte qui accom- pagne l’impression musculaire antérieure des Myocoitcha qui ne sont qu’une section des Cypricardes. Cette espèce devra donc prendre le nom de Cypricardia texta . Pecten Michaelensis . La différence des gisements était le principal motif qui m’a fait distinguer ce Peigne de l’espèce oxfordienne que j’ai décrite dans la Géologie des Ardennes sous le nom de -Pecten Collineus , et que pendant quelque temps j’ai confondue à tort avec le Pecien inter- texius , Rœm.; mais depuis que j’ai retrouvé dans le coral-rag un grand nombre d’espèces oxfordiennes, et entre autres la plu- part des Peignes de l’Oxford-clay, je ne vois pas de raisons suffi- santes pour séparer ces deux coquilles, et le Pecien Michaelensis ne me paraît qu’un individu très grand, et un peu déformé dans son dernier accroissement, du Pecten Collineus . Ammonites Petreus. La coquille que j’ai décrite sous ce nom pourrait bien n’être qu’une variété de Y Ammonites Turneri , Ziet. Cerithium Moreanum (pl. XXVIÎ, fig. 12 et 21). La crainte de compliquer inutilement la synonymie de cette espèce me décide à conserver provisoirement le nom que je lui ai donné ; mais elle me semble avoir autant et peut-être plus d’ana- logie avec les Rostellaires qu’avec les Cérites. Panopea tenui strict. Après avoir modifié quelques-unes de mes dénominations qui n’étaient pas convenables, je vous demanderai la permission de dire quelques mots pour en maintenir une qui a été contestée à tort. Parmi les coquilles pour lesquelles M. Agassiz avait créé le m BU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. genre -Pfeuromyif, -èt qu’on avait généralement rangées depuis dans les Panopées, il en est plusieurs auxquelles M. Terquem a re- connu des caractères particuliers que n’avait pas soupçonnés M. Agassiz, et qui ont déterminé le genre de cet auteur. Ces espèces étant assez nombreuses, M. Terquem a cru pouvoir en conclure que toutes les Panopées jurassiques étaient des Pleuro- myes ; d’où il n’a pas hésité à tirer cette nouvelle conclusion, que la figure que j’ai donnée de la Panôpea tenui stria ( Géol. de la Meuse , pl. VU, rig. 12) est inexacte en ce qu’elle fait croire à l’existence d’une fossette cardinale. Je mets sous les yeux de la Société l’échantillon représenté sur cette figure, afin que tout le monde puisse constater qu’elle est de la plus grande exactitude, et que, si beaucoup de Panopées jurassiques doivent rentrer dans le genre Pleuromya , il existe cependant de véritables Panopées dans les terrains jurassiques. A la suite de cette communication, tous les membres pré- sents ont reconnu la parfaite exactitude de la figure donnée par M. Buvignier. M. Buvignier, demandant de nouveau la parole, dit qu’il lui a été impossible d’assister à la fin de la séance de la veille, et qu’il n’a pu, comme il en avait le projet, établir une compa- raison entre les terrains visités par la Société dans ses courses des deux jours précédents et ceux du même âge qu’il a eu occasion d’étudier dans le département de la Meuse, où ils se présentent avec un développement et une régularité qu’ils ne montrent pas ailleurs, et qui tendent à faire considérer le bas- sin de la Meuse comme le type de ces terrains. Cette compa- raison devant offrir quelque intérêt et compléter ce qui a été dit sur ce sujet, M. Buvignier demande la permission de donner lecture de la note suivante dont elle fait l’objet : Note sur les calcaires a Astcirtes et V étage jurassique moyen de la Meuse et de la Haute -Marne , par M. Amand Buvignier. Le groupe des calcaires à Astartes atteint, dans le département de la Meuse, une puissance qui varie de 130 à 140 mètres. Il se divise en deux sous-groupes principaux : 1° le supérieur, qui com- prend, en commençant par le haut, les calcaires marneux, les calcaires blancs fossiles, les calcaires blancs oolithiques et les cal- 8 Ml RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, caires gris compactes ; 2“ l’inférieur, qui comprend les marnes à lumachelle, les calcaires oolithiques et les marnes inférieures : ces dernières tantôt bleuâtres et peu fossilifères, tantôt grises ou jau- nâtres, contenant l’ Qst.rea deltnideci et une grande quantité Eœo- gyrci Briuitrutana. Ces marnes séparent les calcaires à Astartes du coral-rag, et établissent entre les deux formations une limite nette et bien tranchée. Le coral-rag, sur la composition duquel nous reviendrons tout à l’heure, est également séparé de l’Oxford-clay dans la Meuse et dans les Ardennes par une limite bien distincte, sur laquelle il n’y a pas de contestation possible quand on l’a observée sur toute son étendue. L’Oxford-clay, qui atteint jusqu’à 280 mètres d’épaisseur dans le département de la Meuse, présente à sa base un énorme massif d’argile qui s’étend en une vaste plaine connue dans une grande partie du département sous le nom de Voèvr'e , et le traversant du sud au nord dans la plus grande partie de sa longueur, pour tour- ner ensuite vers l’est, et se prolonger dans les Ardennes où elle disparaît sous les terrains crétacés, à quelques kdomètres du dé- partement de l’Aisne. A l’ouest de cette plaine, les sous-groupes moyen et supérieur de l’Oxford-clay forment une longue falaise qui suit la même di- rection, et qui est couronnée par le coral-rag dans toute l’étendue du département de la Meuse. Un peu plus loin, dans les Ardennes, cette falaise se dédouble, le coral-rag reculant en arrière de l’es- carpement oxfordien; de sorte que la plaine argileuse est limitée par une falaise oxfordienne supportant un plateau oxfordien, borné lui-même vers le sud par une falaise et un plateau corallien. Le sous-groupe oxfordien moyen a, dans la Meuse, une épais- seur qui varie de 90 à 70 mètres, et qui diminue encore en se prolongeant dans les Ardennes. Il présente dans toute l’étendue des deux départements une composition uniforme et constante. Il est composé d’alternances d’argile grise ou bleuâtre, avec des bancs de calcaire gris ou bleuâtre plus ou moins argileux et sa- bleux, souvent propres à la fabrication de la chaux hydraulique. Ces bancs deviennent généralement plus épais et plus rapprochés dans la partie supérieure. Le sous-groupe supérieur est intimement lié à celui-ci, et nous ne l’avons distingué sur la carte géologique des Ardennes qu’à cause de l’importance industrielle que lui donnent les minerais de fer qu’on y exploite dans ce département. Il n’a qu’une dizaine de DU 7 AU l/l SEPTEMBRE 1856. 845 mètres d’épaisseur, et se compose généralement de grains ooli- thiques de fer hydroxydé, d’un jaune brun, tantôt disséminés dans une argile ocreuse, tantôt agglutinés par un ciment calcaire plus ou moins solide. Ces grains ferrugineux sont exploités comme minerai dans les localités où ils sont assez abondants et pas trop agrégés. Il y a des exploitations nombreuses dans les Ardennes. Dans la Meuse, il n’y en a que dans les environs de Stenay et de Commercy. En s’éloignant de ces deux points, le dépôt devient moins riche en fer, de sorte que dans les environs de Verdun, il faut quelque attention pour reconnaître le gisement qui ne s’an- nonce plus par une couleur aussi tranchée ; mais dans toute l’étendue des deux départements, excepté à l’extrémité sud du canton de Vaueouleurs, il est parfaitement caractérisé et forme un horizon géognostique bien constant, et établit une limite nette et bien tranchée entre les terrains coralliens et oxfordiens. L’ensemble de ces deux groupes oxfordiens supérieurs est carac- térisé par l’abondance des Ostrea grc gare a , O. dilatata , Perna mytiloides , Pectcn vngcins (1), Rhynchonella Thurmanni y je dis par l’abondance de ces fossiles et non pas seulement par ces fos- siles eux-mêmes, parce que, comme un grand nombre d’autres espèces oxfordiennes, la plupart d’entre elles se retrouvent à diffé- rentes hauteurs dans les terrains coralliens. Au-dessus des calcaires argileux et de l’oolithe ferrugineuse dont il est souvent séparé par 1 ou 2 mètres d’argile noirâtre, on trouve le coral-rag composé de bancs calcaires d’aspects si variés que, si on ne les voyait s’enchevêtrer les uns dans les autres et re- poser au même niveau sur la surface constamment régulière de l’oolithe ferrugineuse, on serait tenté de les regarder comme ap- partenant à des formations différentes. On y rencontre des cal- caires crayeux plus ou moins durs, plus ou moins compactes, des calcaires oolithiques tantôt à grains presque uniformes, tantôt mélangés de galets calcaires provenant de débris de grosses co- quilles et de polypiers roulés, des bancs de polypiers, des calcaires à En troques, des calcaires à petits fragments de coquilles et de corps marins ; il est même un point où la partie inférieure se (4) Le Peigne que j’ai considéré comme le Pccten vagans , Sow.r a été regardé par d’autres auteurs comme le Pectcn fibrosus, Sow. AI. Aie. d’Orbigny, de son côté, en fait une espèce distincte des deux autres, le Pecten subfibrosus. N’ayant pas eu l’ouvrage deSowerbv à ma disposition depuis que je connais cette divergence d’opinions, il m’a été impossible de vérifier laquelle des trois devait être adoptée. 846 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , compose d’une marne bleuâtre d’une épaisseur assez consi- dérable. Toutes ces diverses variétés dérochés, quoique quelques-unes se trouvent plus fréquemment à certaines hauteurs de l’étage co- rallien, se mêlent et s’enchevêtrent les unes dans les autres sans aucun ordre constant de superposition ; et les fossiles se trouvent répartis dans tout l’étage, non en raison de la hauteur géologique, mais en raison de la nature du dépôt qui présentait des circon- stances plus favorables à leur développement. Il est d’ailleurs facile, quand on réfléchit au mode de formation de l’étage corallien, de se rendre compte de cette variété dans la nature des dépôts. Les polypiers, ne pouvant se fixer sur un fond vaseux, n’ont pu se développer, dès le commencement de la pé- riode corallienne, que dans les points où l’Oxford-clay présentait une surface consistante ; puis il a pu, à différentes époques, s’éta- blir d’autres bancs là où s’étaient déjà formés des dépôts calcaires. Quoi qu’il en soit, les polypiers de l’époque corallienne, pas plus que ceux d’aujourd’hui, n’ont pu couvrir le fond de la mer d’un banc uniforme et continu, et, quoiqu’il ne soit pas possibl de promener la sonde dans toute l’épaisseur du coral-rag comme dans les profondeurs de la mer du Sud, L exploration minutieuse des carrières et des autres excavations pratiquées dans les vallons qui sillonnent cet étage dans la Meuse ne permet guère de douter que la mer corallienne n’y ait été aussi hérissée de récifs présen- tant la forme d’ilots, de barres et de ceintures ou atols. Des cou- rants dont la force et la direction étaient modifiées par les récifs qu’ils rencontraient, et pouvaient changer en raison du dévelop- pement de ceux-ci, apportaient aux polypiers la nourriture sans laquelle ils n’auraient pu vivre. Les sédiments qui se formaient dans les intervalles des bancs de polypiers ou à leur surface étaient en rapport avec la force et la direction des courants qui les dépo- saient. Là où le courant venait se briser contre un récif, l’agitation continuelle produite par le remous donnait lieu à la formation d’oolithes qui, dans un courant de force modérée, acquéraient un volume à peu près uniforme, et se déposaient tantôt seules, tantôt en se mélangeant avec des coquilles plus ou moins entières, ou avec d’autres corps transportés par le courant. Si celui-ci était plus violent et capable d’entraîner des polypiers et de grosses coquilles, de les briser et de les arrondir en galets plus ou moins réguliers, les oolithes, plusieurs fois reprises et abandonnées par le courant, devenaient plus grosses, plus iné- gales et moins régulières, et il se formait sur le récif ou à sa base DU 7 AU Ih SEPTEMBRE 1856. 847 des dépôts analogues au calcaire à Dicérates de Boulaincourt, de Saint-Mihiel, de Vadon ville, etc. En certains points, il se formait des dépôts de petits fragments de coquilles et d’autres corps broyés et triturés par les mouve- ments de la mer et des courants. Ailleurs, ceux-ci entassaient quel- quefois, sur une épaisseur de plus de 10 mètres, des amas d’En- troques provenant de la destruction d’innombrables crinoïdes qui se sont probablement succédé pendant une longue suite de siècles au fond de la mer corallienne. Enfin, dans les endroits où les cou- rants se ralentissaient ou se mêlaient à des eaux plus paisibles, des particules calcaires très ténues, produites par le frottement des coquilles et des polypiers les uns contre les autres, se déposant tranquillement à l’état de vase crayeuse, analogue à celle qui se produit de nos jours sur les récifs de la mer du Sud, donnaient lieu à la formation des calcaires crayeux à grain fin que l’on ren- contre à différentes hauteurs dans la formation corallienne. Ces calcaires vaseux, dans les endroits où ils sont très dévelop- pés et en contact avec les bancs de polypiers, ont donné lieu à un phénomène très remarquable. Ils n’ont pu se solidifier sans éprou- ver des retraits et un tassement considérable. Le retrait des extré- mités et les difficultés du tassement des parties enchevêtrées dans les inégalités du banc de polypiers ont produit des fractures et des glissures. La décomposition des parties molles des polypiers ou les gaz résultant de cette décomposition ont pu aussi occasion- ner des rides ou une altération de la roche au contact des bancs, et la rendre, en ce point, plus attaquable aux agents atmosphé- riques. Il en est résulté que ceux-ci, pénétrant dans les rides et les fissures, et les agrandissant peu à peu, en ont fait à la longue des ravins et des vallées qui séparent les bancs de polypiers des calcaires blancs crayeux. C’est ainsi que se sont formés les cols de Creüe, de Marbotte, de Boncourt, qui coupent transversalement le plateau corallien et mettent en communication la plaine de la Woëvre avec la vallée de la lieuse, et qui présentent tous cette particularité : que l’un de leurs versants est constitué par le cal- caire blanc à grain fin, et l’autre par le calcaire à polypiers. En voyant, sur les deux versants de ces vallées, des roches aussi différentes, et par leurs caractères extérieurs, et par leurs fossiles qui, dans chacune d’elles, sont en rapport avec leur mode de for- mation, on serait d’abord tenté de croire qu’elles appartiennent à des terrains d’âges différents; mais on reconnaît facilement le con- traire en les voyant toutes deux reposer sur l’oolithe ferrugineuse, dont les affleurements, situés à la même hauteur, s’abaissent 8Æ8 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , simultanément suivant la pente générale des couches, pour venir se rejoindre au fond de la vallée. On peut d’ailleurs voir ces deux sortes de dépôts en contact, et juxtaposés à la surface de l’oolithe ferrugineuse en plusieurs points, et notamment sur le restant du plateau de Liouville, entre les cols de Mai-botte et de Boncourt, plateau qui, malgré son peu de largeur, est constitué au nord par les polypiers, et au sud par les calcaires blancs à grain fin. Ces calcaires, d’origine vaseuse, présentent une forme toute dif- férente de celles des bancs oolithiques et à polypiers. Les gastéro- podes y sont bien moins abondants ; on n’y voit plus de coquilles térébrantes, ni de Dicérates, de Nérinées et d’autres coquilles à test épais et solide, capable de résister aux chocs des brisants. On y retrouve des céphalopodes, dont les coquilles minces et fragiles devaient être broyées dans les dépôts d’une mer agitée, mais les espèces qui y dominent surtout, et par le nombre et par la variété, sont celles qui vivent enfouies dans la vase, comme les Pholado- myes, les Pleuromyes, les Panopées, les Anatines, etc. Beaucoup de ces espèces existaient déjà dans les calcaires de l’Oxford-clay. Aussi, des observateurs qui avaient exploré isolément quelques- uns de ces dépôts ont voulu les considérer comme oxfordiens. Mais ces quelques fossiles ne peuvent prévaloir contre l’évidence de la stratification, et, d’ailleurs, si l’on persistait, en négligeant tout à fait celle-ci, à ranger dans l’Oxford-clay les dépôts de cal- caire vaseux de Creüe, de Liouville, parce qu’ils contiennent des fossiles oxfordiens mélangés aux fossiles coralliens, on serait entraîné, par la même considération, à supprimer le coral-rag tout entier pour le ranger dans l’Oxford-clay. JËn effet, la plupart des fossiles oxfordiens, même de ceux que l’on considère comme les plus caractéristiques, se retrouvent à différentes hauteurs dans le coral-rag ; on rencontre, soit dans les polypiers, soit dans les bancs qui leur sont supérieurs, comme les calcaires à Dicérates, les calcaires oolithiques, et même les cal- caires compactes supérieurs, les Perna mytiloid.es , Lam., P. qua- drcitci, Sow., Ostrea gr égaré a, Sow., Pecten vagans , Sow., P. inœ- quicostatus , PliilL, P. biplex, Buv., P. Collin eus, Buv., P.erinaceus , Buv., P. Moreanus , Buv., P. sub articulants , d’Orb,, Cypricardia isocardina, Buv., Melania striata , Sow., P le uro to maria fil igran a f Desh., Rostellaria composita , PhilL, Ncrinea nodosa , Yoltz, Pur~ purea Morcana , Buv., P. Lapierrea , Buv., Ammonites biplex , Sow., Nautilus gi gant eus, Ziet., Ncrita ovula , Buv., et une foule d’autres espèces appartenant aux mêmes genres et aux Pliolado- myes, aux Arches, aux Astartes, aux Natices, aux Nérinées, etc. J T)U 7 AU l/l SEPTEMBRE 1856. 8/|9 Il y a aussi des polypiers, des Ecliinides, des Annélides qui sont communs aux deux formations, de telle sorte que, quoique la séparation en soit bien nette et bien tranchée sous le rapport géognostique ou stratigraphique, les faunes n’en sont pas aussi distinctes, et ces terrains sont intimement liés sous le rapport zoologique. Comparons rapidement ces terrains, dont la stratification est si nette et ne laisse prise à aucune contestation, avec ceux que nous avons vus dans la Haute- Marne. En arrivant à la tranchée de Donjeux, lorsqu’on nous annonça qu’elle présentait, sur une hauteur de quelques mètres, toute l’épaisseur des calcaires à Astartes de la Haute-Marne, je crus d’abord y voir toute la série des calcaires à Astartes de la Meuse réduits à l’état rudimentaire. Mais un coup de marteau donné par hasard sur le banc noirâtre que j’avais pris pour les luma- chelles de la partie moyenne de l’étage me fit reconnaître un banc noirâtre, quelquefois grenu ou sub-oolithique, qui se trouve con- stamment dans les assises les plus élevées du terrain. Les couches inférieures au banc noir se rattachent également, et par leur nature, et par leurs fossiles, à la partie supérieure des calcaires marneux, de sorte que si ces terrains, qui avaient dans la Meuse 140 mètres de puissance, n’en ont plus que 8 ou 10 dans la Haute-Marne, cette énorme diminution ne serait pas causée par une réduction proportionnelle des différentes subdivisions, mais par la disparition des parties inférieures et moyennes de l’étage ; cette disparition est d’autant plus extraordinaire que c’est dans le sud de la Meuse, c’est-à-dire à la limite de la Haute-Marne, que ces calcaires présentent le plus grand développement. Aussi, je n’aurais pas hésité à considérer comme leur appartenant encore quelques-uns des terrains inférieurs, et notamment le calcaire compacte de la tranchée de Yilliers-sui -Marne, sans la présence, dans ce calcaire, de la Terebratula insignis , qui m’a toujours sem- blé, dans la Meuse, un des fossiles les plus caractéristiques du coral- i i'ag (4). J’aurais été d’autant plus porté à adopter cette opinion, (1) Depuis la réunion de la Société, j’ai reconnu que de tous les fossiles recueillis dans la tranchée de Villiers, la Terebrcitula insignis est le seul que l’on puisse considérer avec certitude comme propre au coral-rag, tandis que, au contraire, la Panopœa , que je crois distincte de la P. subrecurva, les Pholadomyes, la Ccromya excenlrica , le Carclium , les Arches, la Pi mm obliqua ta , le Mitjius plicatus , la Perna , qu’un membre a appelée joliacea, mais qui est bien distinct© Soc. géol.y V série, tome XIII. 54 850 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , que les marnes sans fossiles, si elles different des marnes à luma- chelles du calcaire à Astartes, ressemblent, à s’y méprendre, à certains bancs des marnes inférieures de cette formation. Quant au calcaire de Frondes, on ne peut avoir aucun doute sur sa nature corallienne, et je crois qu’il en est de même pour les calcaires de la tranchée de Saint-Hilaire et de Roocourt-la- Côte, que plusieurs membres, cependant, considèrent comme oxfordieus. Ces calcaires sont identiques avec ceux de Creüe, de Liouville, etc. D’ailleurs , parmi les fossiles que nous avons recueillis à Saint-Hilaire, les Cardium intextum , Münst., Perna folicicea , OstreaMoreana, Buv., Terebratula ins ign i s , Scliübl . , sont propres au coral-rag, et, à l’exception peut-être de Y Ammonites Babeanus , d’Orb., tous les autres sont communs aux deux forma- de celle de Saint-Hilaire, Y Ostrea solitaria et la Gonio/ina sont propres au calcaire à Astartes. Les Cardium corallinuni , Pecten sub- articulatus , Cidaris Blumenbachii et Rhynchonella inconstans sont communs aux deux formations ; quant aux Lima proboscidea, L. coral- lina et Dysaster granulosus , ils sont si voisins de certaines espèces du calcaire à Astartes, que je regarde comme très douteuses ces déter- minations faites sur place et de mémoire sans aucun terme de compa- raison. Mais ces fossiles fussent-ils réellement coralliens, nous trouve- rions dans ces assises quatre espèces coralliennes contre dix ou douze du calcaire à Astartes et quatre espèces communes aux deux forma- tions. Il n’est pas possible, en présence de ces chiffres, de considérer les calcaires compactes comme coralliens. En les rangeant dans les calcaires à Astartes, il faudra y mettre aussi les marnes sans fossiles qui ont une si grande analogie avec les marnes inférieures de ce ter- rain, et, à» lus forte raison, l’oolithe de Grudmont, qui repose sur le calcaire compacte. Cette oolithe présente d’ailleurs tous les caractères qne prennent, dans la Meuse, les calcaires blancs oolithiques ; la Pinna ou Pinnigera Saussürii que nous y avons rencontrée appartient à cet étage, et c’est bien à tort que l’on a confondu avec elle la Pinna à test épais que l’on trouve dans l’oolithe corallienne de Saint-Mihiel, et que nous avons aussi rencontrée, avec d’autres fossiles coralliens, dans l’oolithe de Frondes. Cette dernière espèce diffère de l’autre par sa taille plus grande, par sa forme plus élargie, et surtout parce qu’elle est équivalve. Cette classification, qui me paraît reposer sur des preuves incontes- tables, fait, pour ainsi dire, évanouir une anomalie fort grave dans la géologie de la Haute-Marne : je veux parler de la prétendue dispari- tion subitee t presque totale des calcaires à Astartes au point même où ces terra. ns viennent d’acquérir, vers les limites de la Meuse et de la Haute-Marne, leur plus grand développement. {Note produite par M, Buvignier depuis la réunion de Joinville .) DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. 851 dons (1). Je n’en excepte pas VA. plicatilis ; je ne sais si les carac- tères qui la séparent de VA . Achilles , d’Orb., sont suffisants pour constituer deux espèces , mais ces deux coquilles se rencontrent toutes deux dans le coral-rag de la Meuse. M. le docteur de Fromentel fait à la Société la communica- tion suivante : Note sur les polypiers fossiles de V étage portlandien de la Haute-Saône , par M. E. de Fromentel, d.-m. p. Lorsqu’on jette un coup d’œil sur l’ensemble des terrains qui composent la croûte terrestre, et qu’on y cherche la présence des zoophytes, on est surtout frappé de cette particularité que de tous les étages fossilifères, depuis les plus inférieurs jusqu’aux plus récents, les terrains portlandien et kimméridgien sont à peu près les seuls où l’on n’ait, pour ainsi dire, pas signalé l’existence du polypier. Deux fossiles seulement, l’un, Isastrea oblonga , trouvé dans le portlandien, l’autre, Montlivaultia Lesuearii , découvert dans le kimméridgien, ont été décrits par les auteurs qui se sont occupés de l’histoire des zoophytes. Cependant l’étage portlandien de la Haute-Saône est si riche en polypiers, leur station y est si nettement indiquée et y forme un horizon si constant et si facile à retrouver, que l’on est étonné qu’ils n’aient été encore l’objet d’aucune étude. Doit-on supposer que l’étage portlandien de la Haute-Saône soit une exception; que là seulement les zoophytes se soient trouvés dans des circon- stances particulières qui ont favorisé leur développement? Nous ne le pensons pas, et nous croyons plutôt que les polypiers fossiles du portlandien, étant généralement très empâtés dans une roche dure et compacte, et se trouvant dans un état de conservation qui rend leur recherche difficile, ont dû échapper facilement aux observations des géologues. Les polypiers du portlandien se présentent sous deux formes, (1) Ces autres espèces sont: Nautiliis giganteus, d’Orb , Ammo- nites B abe anus, d’Orb., A. plicatilis , Sow., Pholactomya paucicosta, Rœm., Cidaris Blumenbachii , Münst , Collyrites ovalis , Desm., Os- trea gi gante a ?, Schub., et une autre Huître qui pourrait bien n’ètre qu’une variété plate, et non gryphoïde, de la même espèce, variété qui se trouve aussi dans le calcaire blanc de Creüe. 852 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, suivant la place qu’ils occupent clans l’étage et les circonstances qui ont permis aux agents extérieurs d’agir sur eux : ou on les rencontre à l’état d’empreinte, et alors l’animal a complètement disparu, laissant sur la roche qui l’a enveloppé les caractères qui lui sont propres ; ou bien ces cavités sont remplies par un cal- caire cristallin, qui représente la forme exacte de l’animai lui- même. Lorsque l’on trouve l’animal complet, la masse calcaire qui le compose est d’une nature toute particulière qui le fait facilement reconnaître au milieu de la roclie. Au lieu d’être constituée, comme cette dernière, par un calcaire blanc jaunâtre, compacte, à cassure nette et esquilleuse, elle se montre presque toujours sous un aspect blanc, translucide, saccharoïde, qui tranche nettement avec le calcaire qui l’enveloppe. Souvent le polypier est constitué au dehors par une couche mince, jaune et opaque, qui dessine parfaitement les contours de l’animal, tandis que l’intérieur est rempli par des cristaux prismatiques de carbonate de chaux. Si le polypier a disparu, et qu’on ne retrouve plus que son empreinte, cette dernière est quelquefois admirablement conser- vée. D’autres fois, au contraire, l’eau qui s’infiltre à travers ces roches percées, et qui s’est chargée de principes calcaires, dépose aux parois des cavités une couche blanche plus ou moins épaisse et dure, qui fait disparaître tout à fait les caractères distinctifs de l’animal. A en juger par la quantité d’empreintes que l’on trouve dans le portlandien, cet étage est au moins aussi riche en polypiers que le corallien, et l’on peut affirmer que presque toutes les cavités ou tubulures qui percent les roches portlandiennes et leur donnent un aspect spongieux tout particulier sont des empreintes de poly- piers qui, usées par les eaux qui suintent facilement à travers ces roches, se sont agrandies, déformées, et ont donné naissance à ces trous, dont on a si longtemps cherché à expliquer la formation. Ce qui vient surtout a l’appui de cette assertion, c’est que partout où des masses compactes, argileuses ou calcaires, ont empêché les eaux de pénétrer, on trouve au-dessous des empreintes de poly- piers sillonnant en tous sens la roche, et ayant le diamètre et tous les caractères extérieurs de l’animal qui a disparu. Nous avons, M. Perron et moi, recueilli des échantillons de roches qui ne laissent aucun doute à cet égard. Il arrive quelquefois que des masses considérables de polypiers ont disparu, et la roche pré- sente alors de vastes cavités d’un mètre de diamètre qui, les unes, sont restées béantes, tandis que les autres sont remplies par des DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. 855 stalactites ou des dépôts calcaires mamelonnés, lamellaires, de couleurs différentes et d’aspects variés, que Ton exploite dans les environs de Gray pour faire l’ornement des jardins. Les premiers polypiers que l’on rencontre en s’éloignant des marnes kimméridgiennes, à 12 ou mètres environ au-dessus de ces marnes, appartiennent au genre Stylina. On remarque à cette hauteur des tubulures de la grosseur du petit doigt partant d’un point inférieur, et s’élevant, s’irradiant et s’anastomosant en tous sens. Chaque tubulure porte sur ses parois les traces évidentes des caractères propres aux Stylines, et nous lui avons donné le nom de S. intricata. Quelquefois on rencontre les rameaux rem- plis par une masse saccharoïde qui représente exactement le poly- pier ; mais ce cas est très rare, et presque partout la S. intricata esta l’état d’empreintes et d’une bonne conservation. Elle doit probablement cette conservation à ce qu’elle se trouve encore dans une roche très compacte, et qu’à sa partie supérieure se trouve un banc de polypiers d’environ 1 mètre de puissance, constitué par un calcaire saccharoïde très dur, et qui forme un horizon que l’on retrouve presque partout dans le portlandien de la Haute-Saône. Ce banc est formé par une Thamnastrée , à laquelle nous avons donné le nom de portlandien , et que nous décrirons avec un soin tout particulier, parce que nous avons pu nous assu- rer que ce fossile est un point de repère certain. Au-dessus de cette Thamnastrée la roche présente des tubulures de petite dimension généralement percées perpendiculairement. Ces tubulures se subdivisent, mais ne s’anastomosent qu’acciden- tellement ; elles sont les empreintes d’un fossile nouveau que nous avons pu nous procurer après de longues recherches, et que nous avons décrit sous le nom de Pleurophyllia trichotonia . Ce fossile se trouve déjà en compagnie d’autres polypiers, mais à cette hauteur la roche n’est pas encore très riche, et ce n’est que 6 ou 7 mètres plus haut que l’on rencontre un banc d’un aspect blanchâtre, avec rognons saccliaroïdes, d’une puissance d’environ 1 mètre 1/2 à 2 mètres, presque entièrement composé de poly- piers. Les polypiers que nous avons, jusqu’à ce jour, découverts dans le portlandien, sont compris dans 12 genres, dont 2 seule- ment sont nouveaux, et ces 12 genres renferment 37 espèces. 1er Genre. Pleuiiosmilia. Les Pleurosmilies forment un genre nouveau voisin desAxosmi- 85 & RÉUNION EXT R AO RUINAI HE A JOINVILLE, lies et desPéplosmilies. Comme ces derniers, ce sont des polypiers simples qui ont des cloisons entières non dentelées. Le polypier est recouvert d’une épithèquc plus ou moins épaisse, complète, formant des bourrelets quelquefois très prononcés, suivant les lignes d’accroissement du polypier. Ce qui distingue surtout les Pleurosmilies des deux genres que nous avons indiqués, c’est cette particularité constante de la réunion d une grande cloison avec la columelle. Celle-ci est très saillante et généralement très com- primée. Nous avons déjà constaté ce fait de la réunion de la colu- melle et d’une cloison principale pour un polypier de l’étage corallien auquel nous avons donné le nom de Pleurostylina. Un autre fossile du portlandien présente cette même particularité, et nous l’avons, comme on le verra ci - dessous, décrit sous le nom de Pleurophyllia. 1. Pleurosmilia graciosa. Polypier simple, turbiné, à croissance régulière (du moins les bourrelets sont peu prononcés) , rétréci au sommet d’un cinquième de son diamètre ; côtés distincts à la partie supérieure, faisant suite aux cloisons, et recouverts, à 2 millimètres du calice, d’une épithèque pelliculaire fine ; cloisons épaisses, complètes, parfaite- ment lisses : 12 grandes cloisons, 12 moyennes, 24 petites; une grande cloison, dirigée dans le sens du grand diamètre, unie à la columelle ; 48 côtes. Columelle très comprimée, épaisse de 2 mil- limètres, longue de 7 à 8 millimètres. Calice ovale. Grand diamètre, 25 millimètres ; petit diamètre, 18 millimètres. (Man- tocbe. — Notre collection.) 2. Pleurosmilia grandis . Polypier simple, s’accroissant rapidement en largeur. Bour- relets bien prononcés. Calice peu profond. 32 grandes cloisons. 32 moyennes, 64 petites et 128 rudimentaires. Columelle sail- lante comprimée. Grand diamètre du calice, 47 millimètres ; petit diamètre , 40 millimètres. Epithèque pelliculaire débor- dante. Hauteur du polypier, environ 40 millimètres. (Mantoche. — - Notre collection.) 3. Pleurosmilia porilandica. Polypier simple. Bourrelets d'accroissement bien prononcés. Epithèque pelliculaire complète, 12 grandes cloisons, 12 moyennes, DU 7 AU 14 SEPTEMBRE 1856. 855 48 cloisons rudimentaires. Columelie saillante comprimée. Ce polypier ne nous est connu que par un fragment supérieur qui comprend le calice. (Mantoche. — Collection Perron.) 4. Pleurosniilici cylindrica . Calice parfaitement rond. Epithèque séparée des cloisons et débordante. Diamètre du calice, 37 millimètres ; profondeur, 15 millimètres. 20 grandes cloisons, 20 moyennes, 41 rudimen- taires. Columelie très saillante, très comprimée, looyiede 5 mil- limètres, et faisant presque suite à une grande cloison. €g polypier nous est connu par l’empreinte du calice admirablement conser- vée. (Mantoche. — Collection Perron.) 5. Pleurosniilici communis . Calice rond, large de 30 millimètres. 21 grandes cloisons, 21 moyennes, 42 rudimentaires. Columelie styliforme, compri- mée, faisant suite à une grande cloison. Ce fossile ne nous est connu que par une empreinte. (Mantoche. — Collection Perron et Nobis). 6. Pleurosmilia stylifera. Calice presque rond, large de 25 millimètres. 12 grandes cloi- sons, 1 2 moyennes, 24 petites. Columelie presque ronde, forte et styliforme, largement unie à une grande cloison. Empreinte du calice seulement. (Mantoche. — Notre collection.) 7. Pleurosmilia irradians. Calice légèrement ovale, large de 30 millimètres. 24 grandes cloisons, 24 petites. Columelie très comprimée. Les cloisons sont très épaisses et le calice peu profond. Empreinte du calice seule- ment. (Mantoche. — Notre collection.) 8. Pleurosmilia elongata. Polypier très long, sans accroissement bien sensible en largeur. Epithèque pelliculaire complète, dépassant les bords du calice sans s’attacher à la partie externe des cloisons. Bourrelets d’ac- croissement bien prononcés. 24 grandes cloisons, 24 moyennes, 48 petites. Columelie saillante très comprimée. Calice parfaite- ment rond, large de 30 millimètres. Longueur du polypier, envi- ron 1 décimètre. (Mantoche. — Notre collection.) 856 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , 9. Plcurosmilia compressa . Calice ovale. Petit diamètre, 16 millimètres; grand diamètre, 20 millimètres. Epitlièque pelliculaire à bourrelets d’accroisse- ment. 6 grandes cloisons, 6 moyennes, 12 petites. Columelle saillante comprimée. Ce fossile ne nous est encore connu que par sa partie supérieure. (Mantoche. — Collection Perron.) T Genre. — Peplosmilia. Ce genre, décrit par MM. Milne Edwards et J. Haime, ne con- tient jusqu’à présent qu’une seule espèce, qui est de la craie tuf- feau, et qu’ils ont nommée Peplosmilia Austrei. Nous avons cru devoir y faire rentrer le fossile suivant, bien qu’il ne nous soit connu que par une empreinte du calice. 1. Plcplosrnilia portlandica. Calice ovale. Grand diamètre, 20 millimètres; petit diamètre, 17 millimètres; 26 grandes cloisons, 26 moyennes, 52 petites. Les cloisons sont très minces, ainsi que la columelle, qui est iso- lée et lamellaire. Calice peu profond. (Mantoche. — Notre col- lection.) 3e Genre. — Stylina. Les Stylinesdu portlandien se présentent sous trois formes con- stantes : ou elles sont en lames minces et étendues, ou en masses arrondies et mamelonnées, ou enfin sous forme arborescente. Jusqu’à présent nous n’avons pas encore constaté, pour les Stylines en lames et en masse globuleuse, de plateau plissé, comme on le rencontre presque toujours dans les espèces des autres terrains. Toutes les Stylines de l’étage portlandien appartiennent au type hexaméral. 1. Stylina Maillei. Polypier massif, convexe , presque hémisphérique. Calices ronds, peu saillants, assez rapprochés. 6 grandes cloisons soudées à une columelle petite, peu élevée ; 6 petites cloisons. 2 à côtes fines et en relief. Largeur des calices, 2 millimètres. (Gray-la- Ville. — Collection Perron.) 2. Stylina Pcrroni. Polypier épais, étendu, mamelonné. Calices ronds, rapprochés, DU 7 AU ill SEPTEMBRE 1856, 857 peu élevés. 6 grandes cloisons soudées à une columelle saillante et un peu comprimée ; 6 petites cloisons. Côtes fines et nom- breuses. Largeur des calices, 2 millimètres 1/2. (Mantoclie. — Collection Perron.) 3. Stylina intricata. Polypier branchu. Les rameaux ont la grosseur du petit doigt et se soudent rapidement les uns aux autres, de manière à consti- tuer un ensemble buissonneux et comme réticulé ; ils s’élèvent à la hauteur de 6 à 8 centimètres avant de se souder. Calices petits, profonds. Columelle petite et profondément située. 6 grandes cloisons, 6 petites. Calices assez espacés. 12 côtes fortes et épaisses. Le diamètre du calice varie depuis 1/2 millimètre jusqu’à 1 mil- limètre 1/4. (Mantoclie. — Collection Perron et Nobis.) 4. Stylina Bucheti . Polypier en lame mince et étendue. Calices ronds, peu saillants. 6 grandes cloisons, 6 petites, 12 rudimentaires. Côtes fines, sub- égales. Columelle petite, un peu comprimée et rarement au centre. Largeur des calices, 3 millimètres et même plus. (Mantoche. — Nobis.) 5. Stylina injlata. Polypier en masse gibbeuse, mamelonnée. Calices saillants, espacés. Les plus anciens sont comme renflés, et forment entre eux des vallées où se trouvent les plus jeunes qui ne font pas saillie. 6 grandes cloisons, 6 petites. Columelle ronde, forte et saillante. Largeur des grands calices, 2 millimètres 1/2 ; diamètre des petits, 2 millimètres et même moins. Côtes fines, égales et peu développées. (Mantoclie. - — Nobis.) 6. Stylina speciosa. Polypier en masse arrondie. Calices généralement très saillants ; quelques-uns atteignent 5 millimètres de hauteur. 6 grandes cloi- sons, 6 petites, 12 rudimentaires. 12 côtes bien prononcées attei- gnant le sommet du calice ; 12 s’arrêtant à la moitié de la hauteur. Columelle petite, saillante. Cloisons très débordantes. Largeur du calice, 3 millimètres à 3 millimètres 1/2. (Gray. — Nobis.) 7. Stylina Haimei. Polypier dendroïde, à rameaux droits et assez rapprochés. Ca- S58 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , lices très saillants, peu éloignés, large s de 1 millimètre 1/2. 6 cloisons seulement. Columelle petite. Côtes fines, mais bien dé- veloppées. Diamètre des rameaux, 15 millimètres environ. (Gray, Maugey. — Nobis.) 8. Stylina grayensis. Polypier arborescent, à rameaux épais et droits. Calices petits, très rapprochés et superficiels. Cloisons fortes, débordantes, 6 grandes et 6 petites. Columelle petite, rudimentaire. Diamètre des calices, 2 millimètres. (Gray-la- Ville. — Nobis.) Ue Genre. — Dolocoenia. Ce genre a été établi par MM. Milne Edwards et J. Hainftè, pour un fossile du néocomien du département de l’Yonne. Il pré- sente tous les caractères des Thamnastrées ; seulement les rayons §epto-costaux sont parfaitement lisses entre eux et sans traces de dents ou d’épines. Nous en possédons 3 espèces dans le port- landien. 1. Holocœnia explanata. Polypier en lame mince et étendue. Calices à fossettes peu pro- fondes, mais très distinctes, un peu saillants. Columelle petite, peu élevée. Cloisons épaisses, arrondies et lisses. Calices écartés et larges de 3 millimètres, profonds de 1 à 1 millimètre 1/2. Côtes épaisses. 12 grandes cloisons, 12 petites ; ce nombre de cloisons n’est pas toujours constant. (Mantoche. — Nobis.) 2- Holocœnia dendroides . Polypier en rameaux épais, droits et très rapprochés. Calices peu profonds, à bord un peu saillant, lairges de 2 millimètres. 20 à 26 cloisons. Columelle petite. Côtes fines, subégales et flexueuses. Calices éloignés. Accroissement par superposition, in- diqué par des bourrelets saillants et étendus dans le sens de la largeur. (Beaujeù. — Collection Perron.) 3. Holocœnia arachnoïdes. Calices profonds, sans saillie sensible, larges de 2 à 3 milli- mètres, irréguliers. Columelle bien développée, saillante et un peu comprimée, de 18 à 2k cloisons. Côtes égales, épaisses, très lisses et toutes dirigées dans le même sens. DU 7 AU lh SEPTEMBRE 1856. 859 Ce polypier ne nous est connu que par une empreinte admira* blement conservée. (Mantoche. — Collection Perron.) 5e Genre. — Astrocoenia. Ce genre ne nous a encore fourni quune seule espèce, et encore ne nous est-elle connue que par une empreinte parfaitement conservée. 1 . Astrocoenia triangularis. Polypier à surface unie. Calices très irréguliers. La forme trian- gulaire domine; de 12 à 16 cloisons presque égales. Columelle petite, saillante. Profondeur des calices, 1 millimètre ; moyenne des grands diamètres de calices, 2 à 3 millimètres. (Mantoche.— Nobis.) 6e Genre. — Stylocoenia. Ce genre, qui ne renfermait jusqu’alors que des fossiles de la formation crétacée, est représenté dans le portlandien de la Haute- Saône par une espèce d’une remarquable conservation. 1. Stylocoenia portlandica. Polypier en masse hémisphérique. Calices polygonaux , à peu près réguliers. Largeur des calices, 1 1/2 à 2 millimètres. Colonnes murales bien développées. 3 cycles complets. Endo- tlièque peu abondante. Cloisons entières allant jusqu’au centre où elles se soudent quelquefois à une columelle peu développée. (Noiron. — Collection Perron.) 7e Genre. — Convexastrea. Le genre Convexastrea , créé par M. Aie. d’Orbigny pour deux fossiles, l’un du coral-rag et l’autre de l’étage saliférien, est repré- senté dans notre portlandien par une espèce dont nous n’avons que l’empreinte, mais bien conservée. 1. Convexastrea portlandica . Polypier en masse mamelonnée. Largeur des calices, 2 milli- mètres; profondeur, 1 millimètre 1/2. Les calices sont espacés de 2 millimètres environ. Côtes très prononcées. 2 cycles complets. 6 grandes cloisons, 6 petites. Les premières seulement se réunis- sent au centre. (Mantoche. — Nobis.) 860 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , 8e Genre. — Pleurophylua. Ce genre nouveau tient le milieu entre les Prabdophyllies et les Thécosmilies. Voisin par la forme des premiers, il s’en éloigne et se rapproche des seconds par une épithèque très développée et complète ; mais ce qui distingue la Pleurophyllie de ces deux genres, c’est cette particularité que nous avons déjà reconnue dans un fossile du corallien, d’une grande cloison plus forte et plus développée que les autres et tenant lieu de columelle. 1. Pleurophyllia trichotoma. Polypier à rameaux dicliotomes ou plus souvent trichotomes, peu allongés, et à bourrelets d’accroissement bien marqués. Epithèque épaisse et lisse ; on remarque rarement des traces décotes. Bourgeonnement latéral, subépi thécal. Calices ronds ou ovales. 7 cloisons principales, dont une plus forte que les autres s’avance jusqu’au centre columellaire sans s’amoindrir, et se ter- mine brusquement. 7 petites cloisons placées entre les 7 grandes. Chaque individu ne s’individualise que tard. Largeur des calices, 7 à 8 millimètres. (Mantoche. — Nobis.) 9e Genre. — Isastrea. Le genre Isastrea , tel qu’il est établi par MM. Milne Edwards et J. Haime [Polyp. Joss. du terr. paléozoïque ), comprend aujour- d’hui les Astreci et Agaricia [pars) de Goldfuss, les Prionastica , Meandrophyllia et Dendrastrca de M. Aie. d’Orhigny. Un seul fos- sile du portlandien est décrit par ces auteurs ; les autres Isastrea con- nus sont des fossiles des terrains oolitliiques moyens et inférieurs. 1. Isastrea oblonga. Isastrea oblonga , Milne Edwards et J. Haime, Polyp. des terr . paléozoïques , 1851. — British foss . coral ., 1851. « Polypier en masse élevée. Polypiérites pentagonaux ou hexa- » gonaux, unis par des murailles simples et épaisses. lx cycles » complets, le 4e étant rudimentaire dans les l\ systèmes. Cloisons » presque droites, un peu épaisses, fortement granulées latérale- » ment et un peu inégales. Traverses bien développées, arquées, » un peu inclinées, ordinairement bifurquées. Largeur des calices, » environ 5 à 6 millimètres. » (Groupe oolithique supérieur ( Portland-beds ) , Tisburg (Wiltshire) — Milne Edwards et J. Haime, 1856.) DU 7 AU 14 SEPTEMBRE 1856. 861 2. Isastrea foliacca. Polypier en niasse lamellaire, formant en tous sens des expan- sions minces, foliacées et horizontales. Calices polygonaux, larges de U k 5 millimètres, profonds et assez réguliers. Cloisons fines s’étendant jusqu’au centre. (Mantoche. — Nobis.) 3. Isastrea Gourdani . Polypier en masse compacte, arrondie. Calices polygonaux, su- perficiels, peu réguliers, cloisons minces, se rencontrant au centre et formant une fausse columelle. Murailles élevées. Les calices nouveaux semblent déprimer, déplacer les anciens pour s’élever. De 18 à 24 cloisons. Largeur des calices, 3 à 4 millimètres. (Man- toehe. — Nobis.) 4. Isastrea dispar. Polypier en masse étendue. Calices très irréguliers, oblongs, affectant toutes les formes, depuis le triangle jusqu’au pentagone. Cloisons nombreuse^, alternativement grosses et petites, souvent arquées vers le centre ; on en compte depuis 24 jusqu’à 48 et plus. Fossette calicinale assez profonde. Les calices ont de la tendance à se mettre en série. Largeur des calices depuis 3 millimètres jusqu’à 6 ou 7. (Mercey-sur-Saône. — Collection Perron.) 10e Genre. ■ — Latimeandra. MM. Milne Edwards et J. Haime ont renfermé dans le genre Latimeandra les fossiles décrits en partie sous les noms d 'Astrea, Meandrina , Litfiodendron par Goldfuss; les Latomeandra , Axo - p/tyllia, Microphyllia et Comophyllia de M. Aie. d’Orbigny sont compris dans ce même genre. (Voyez Polyp. des terr. paléoz Milne Edwards et J. Haime, 1851.) Nous avons rencontré dans le portlandien de la Haute-Saône trois fossiles qui rentrent dans ce genre. 1. Latimeandra Pelissieri . Polypier étalé , à vallées peu longues. Centres calicinaux très distincts. Calices assez rapprochés. Cloisons très fines, réguliè- rement dentelées et s’anastomosant en descendant vers le centre, de manière qu’il n’y en a que 12 qui arrivent au centre. Les crêtes sont, les unes très fortes et élevées ; les autres, petites, sem- 862 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE blent comme renfermées entre les premières. La forme générale du polypier est un disque arrondi sur ses bords, et présente en dessous un plateau finement strié. Largeur moyenne des calices. (Maison-Rouge, Mantoche, Gray-la-Ville. — Nobis.) 2. Latimeandra linearis. Polypier en lames assez minces et étendues. Centres calicinaux distincts seulement par leur dépression. Vallées peu profondes et toutes dirigées dans le même sens. Cloisons relativement épaisses. Calices peu profonds, larges d’environ 3 à l\ millimètres. (Gray- la-Ville. — Nobis.) 3. Latimeandra sequana. Polypier en masse étendue, polymorphe. Crêtes assez contour- nées, quelquefois très rapprochées, et laissant entre elles des sur- faces à peu près planes, où les calices prennent l’aspect de calices ÿlsüstrea par leur forme pentagonale et leurs murailles élevées. Calices petits, très distincts. Cloisons assez épaisses, alternative- ment grandes et petites; 18 cloisons environ dans les calices poly- gonaux. Fossette calicinale assez profonde. Largeur des calices, 2 à 3 millimètres. (Mercey-sur-Saône. — Collection Perron.) 11e Genre. — Thamnastrea. Le genre nombreux des Tliamnastrées (Milne Edwards et J. Haime), qui renferme les Thamnastrea de Lamouroux, une partie des Agaric la et des Astrea de Goldfuss, les Dactylocœnia Centrastrea , etc., de M. Aie. d’Orbigny, etc., ne nous est repré- senté dans le portlandien que par U espèces. 1. Thamnastrea portlandica . Polypier en masses quelquefois énormes, arrondies, mamelon- nées, occupant jusqu'à 1 mètre de hauteur; d’autres fois se pré- sentant sous forme foliacée, lamellaire, et constituant des feuillets minces , horizontaux, dont l’épaisseur varie depuis 2 millimètres jusqu’à 3 ou A centimètres. La Thamnastrea portlandica forme au milieu des roches portlandjennes une zone très épaisse et presque continue, formée par la masse arrondie ou lamellaire appartenant à la même colonne, et placés les uns à côté des autres. L’accrois- sement se fait par couche superposée, et chaque fois qu’une nou- velle couche s’étend sur l’ancienne, il se forme sur ses bords une DU 7 AU 1 îi SEPTEMBRE 1856. 863 arête tranchante et striée au point où s'arrête le développement de la nouvelle couche. Les calices sont petits, très rapprochés, larges de 1 milli- mètre 1/2. Les grandes cloisons sont au nombre de 8 ou 10, et séparées par autant de petites cloisons qui n’arrivent pas jusqu’au centre. La columelle est forte et peu saillante. Les rayons septo- costaux sont un peu contournés et très régulièrement denti- culés. Le plateau du polypier est souvent oblique, rarement horizon- tal, quelquefois tourné en cornet et finement strié. (Mantoche, Gray-la- Ville. — Nobis.) 2. Thamnastrea Perroni. Polypier en masse arrondie et mamelonqée ; accroissement par superposition. Les lignes d’accroissement sont marquées par des bandes striées profondément et verticalement. Ces bandes sont de 8 à 12 millimètres de largeur. Calices larges de U millimètres, et très rapprochés. 16 à 2ù cloisons épaisses et très saillantes. Colu- melle petite et presque papilleuse. Calices superficiels. (Mantoche, Gray-la-Ville. — Collection Perron et INobis.) 3. Thamnasfrea Bouri. Polypier en masse arrondie et mamelonnée, et polymorphe. Calices profonds, très serrés, larges de 3 millimètres. 18 à 2ù cloisons saillantes, épaisses, et bien séparées l’une de l’autre. Columelle rudimentaire et punctiforme. (Mantoche, Essertenne. *— Collection Perron.) U. Thamnastrea clumosa. Polypier dendroïde, touffu. Les rameaux ont de 10 à 15 milli- mètres de diamètre. Calices très superficiels, larges de 6 à 7 mil- limètres. Cloisons minces, serrées et très nombreuses. Columelle petite et peu marquée. Les caractères de ce fossile ne nous sont indiqués que par une empreinte qui n’est que très imparfaitement conseryée. (Mantoche. — Collection Perron.) 12e Genre. — Microsolena. Ce genre nous a offert plusieurs polypiers qui, bien que diffé- rents par la forme, ne nous ont pas paru appartenir à des espèces différentes; aussi les avons-nous réunis sous le même nom, RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, 864 1. Microsolena portlandica. Polypier en lame étendue et horizontale, quelquefois gibbeux et mamelonné. Calices larges d’environ 1 centimètre, marqués par une légère dépression au centre. Cloisons formées par des pointes très fines et très rapprochées; les cloisons principales vont jusqu’au centre, où elles se rencontrent ; les secondaires et les tertiaires se soudent quelquefois aux premières, et sont, comme celles-ci, assez séparées les unes des autres. Dans la forme gibbeuse les calices sont souvent situés au sommet de tubercules larges de 1 centimètre 1/2, dont le centre est occupé par le milieu du calice. Les rayons septo- costaux passent d’un calice à un autre sans interruption; on en compte environ 26 à 32. Les calices sont séparés, d’un centre à un autre, d’environ 15 millimètres. A la fin de la séance, la Société examine divers échantillons que M. Gornuel lui communique. Ce sont : 1° un morceau d’oolithe vacuolaire altérée, contenant plusieurs cristaux de sulfate de strontiane en octaèdres allongés, et provenant de la carrière du Donjon visitée dans la journée ; 2° de très beaux échantillons du même minéral, à l’état fibreux, recueillis par lui à la base de l’argile ostréenne de Yassy -, 3° de gros cristaux de la même substance, clivés, en prismes rhomboïdaux, et pro- venant du fer géodique de Bettancourt-la-Ferrée ; li° deux pièces trouvées dans le calcaire à Spatangues de Vassy, l’une dextre, l’autre sénestre et provenant de la mâchoire d’un pois- son rapporté jusqu’à présent au genre Pycnodus ; elles portent encore, l’une 96 et l’autre 103 dents presque hémisphériques, de différentes grosseurs ; 5° une portion de mâchoire d’un autre Pycnodus ayant conservé A8 dents et formant une espèce différente de la précédente 5 6° et les fragments de mâchoires de sauriens dont il a donné la description dans le Bulletin , tome VIII, 2e série, pages 178 et A96. M. le Président fait ressortir les points de ressemblance qu’il croit exister, sous le rapport de la forme et à part la grandeur, entre les dents qui sont sur ces dernières pièces et plusieurs de celles que la Société a vues dans sa collection, et dont l’une provient de l’assise mince du calcaire à Spatangues qui lui a fourni les grands ossements fossiles indiqués tome VIT, DU 7 AU ill SEPTEMBRE 1856. 865 2e série, page 702 du Bulletin. Il en conclut qu’il sera peut- être possible de déterminer, par voie de comparaison, le genre de l’animal auquel ces ossements ont appartenu. Enfin, il met aussi sous les yeux de la Société plusieurs os- sements fossiles de mammifères trouvés dans le minerai de fer qui remplit de profondes cavités dans le calcaire portlandien du canton de Poissons, et qui prouvent que le remplissage de ces cavités par le minerai a eu lieu à l’époque diluvienne. Séance du vendredi 12 septembre , à Saint-Dizier . PRÉSIDENCE DE M. CORNUEL. La Société se réunit à huit heures du soir dans la grande salle de l’hôtel de ville. M. le Maire et plusieurs personnes de la ville, que les recherches scientifiques intéressent, lui font l’honneur d’assister à la séance. M. le Président déclare la séance ouverte. Au nom de la Société, il adresse des remerctments à M. le Maire pour le bon accueil dont elle a été l’objet de sa part, et pour le bienveillant empressement qu’il a mis à faire disposer une salle pour la recevoir. M. Barotte, l’un des secrétaires, donne lecture du procès- verbal de la séance précédente, dont la rédaction est mise aux voix et adoptée. M. le Président explique le but de la réunion de la Société â Saint-Dizier, et entre dans quelques considérations pour faire apprécier la belle constitution géologique du canton dont cette ville est le chef-lieu. Il fait ensuite le résumé de ce qui a été observé dans l’ex- cursion de la journée, en le rattachant à ce qui a été vu dans les courses des 8 et 11 septembre. La Société a déjà constaté, les 8 et 11 septembre, qu’au sommet de la côte de Joinville, ainsi qu’entre Brousseval et Yassy, la masse du calcaire portlandien est surmontée par des lits épais de calcaire marneux gris verdâtre, au-dessus desquels Soc, géol,% 2e série, tome XIII, 55 866 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , elle a vu une roche, contenant les mêmes fossiles que l’oolithe vacuolaire et regardée par les géologues du pays comme n’étant pas autre chose que cette oolithe altérée, lors de la dénudation qui a précédé le dépôt des couches les plus anciennes du ter- rain crétacé inférieur. L’examen de ces roches et les fossiles qu’en ont décrits MM. Cornuel et Buvignier les ont fait con- sidérer comme appartenant à la partie supérieure de la forma- tion jurassique. M. Triger n’a même pas hésité à rapporter le calcaire marneux gris verdâtre au Portland-sand, et l’oolithe vacuolaire au Portiand-ooiithe d’Angleterre. Les deux excursions précitées ont eu pour objet, non-seule- ment la reconnaissance de la ligne de séparation du terrain jurassique supérieur et du terrain crétacé inférieur, mais en- core celle de la nature des premiers dépôts de cette formation. C’est ainsi qu’à part la marne argileuse noirâtre, partie la plus basse et la moins régulière du terrain néocomien , et que l’on qe voit que rarement parce qu’elle n’est presque pas exploitée, la Société a observé successivement, et en allant de bas en haut, le fer géodique, les grés et sables ferrugineux inférieurs, la marne calcaire bleue et le calcaire à Spatangues. Aujourd’hui, elle a d’abord exploré la partie du territoire de Yassy qui avoisine la route de Montier-en-Der. Après avoir quitté le sol alluvial de la vallée, elle a retrouvé le calcaire à Spatangues à la butte que franchit la route et sur laquelle est établie la tuilerie de Yassy, ainsi qu’à la bifurcation du chemin vicinal duPont-Yarin et de celui qui conduit à Yoy-le-Comte. Plusieurs fossiles y ont été recueillis, entre autres un Nautilus pseudo-elegans , YOstrea Couloni , Y O. Tombeckiana et la Panopœa neocomiensis , d’Orb. Dans la dernière de ces localités, le passage du calcaire à Spatangues à l’argile ostréenne s’est manifesté par une marne argileuse jaunâtre, au-dessus de laquelle la Société a rencontré l’argile ostréenne proprement dite. A la surface de cette argile, elle a trouvé notamment YOstrea Lejmerii, Desh., Y O. Bous - singaultii , d’Orb, ( Exogyra subplicata , Rœmer in Leym.), et des plaquettes à Entosmostracés. Le sol du plateau qui la couronne prend les teintes rose et rubigineuse des sables et grès ferrugineux supérieurs et de l’argile rose marbrée ou pa- DU 7 AU IA SEPTEMBRE 1856, 867 nachée dont il a conservé des lambeaux. Des morceaux de grès ferrugineux très foncé, provenant du haut de ce plateau et entraînés par les eaux d’anciens ravins, gisent encore sur la pente du chemin que la Société a suivi. L’argile rose panachée a montré aussi son affleurement vers le haut des talus qui bordent la route de Montier-en-Der, et sur la route môme, à l’entrée de la forêt de la Belle-Faysse. Un peu plus loin, la Société a exploré les minières de fer ooli- thique ouvertes de chaque côté de la route, sur les deux pe- louses qui la séparent de la forêt, auprès et à l’ouest du point coté 200 sur la carte du dépôt de la guerre. Elle y a vu le fer oolithique se présentant sur une épaisseur qui varie de 65 à 70 centimètres. Du minerai extrait du fond d’une de ces mi- nières, et provenant d’une petite couche sans grains oolithi- ques, séparée du reste par un feuillet d’argile, lui a permis de recueillir des U/iio et des cônes de pin convertis en hydrate de fer. Elle a remarqué ensuite que le dépôt de fer oolithique y est surmonté par une couche d’argile rougeâtre de 20 centi- mètres d’épaisseur, désignée sous le nom de couche rouge , et contenant éparses des pierres de la même couleur, de même âge que cette couche, et qui empâtent des fossiles néocomiens. A cela elle a vu succéder la partie basse de l’argile à Pficatuîes, de couleur verdâtre, qui présente, à 1 mètre environ au-dessus de la couche rouge, un lit d’argile très fossilifère et de 20 cen- timètres environ d’épaisseur, caractérisée principalement par XOstrea aquila , d'Orb., et par la Terebratida sella , Sow. Le sol superficiel est un diluvium argilo-sabîeux, blanc jau- nâtre, et commun dans la plupart des exploitations de fer oolithique de la Haute-Marne. La Société s’est ensuite transportée à Louvemont par le Pont-Varin, Aitancourt et le Buisson. A la base du coteau de Louvemont, au bord du fossé du Rouge-Rupt, une première exploitation lui a fait voir un sable blanc grisâtre, très fin, appartenant à la partie inférieure de l’argile rose marbrée. Une seconde exploitation, très rapprochée de la première, mais en- tamant des couches immédiatement supérieures, lui a fourni une coupe nette présentant en bas l’argile rose marbrée, au milieu le fer oolithique réduit ici à une épaisseur de 33 cen- 868 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , timètres environ, et au-dessus la partie inférieure de l’argile à Plicatules avec ses fossiles, et surtout son Oslrea aquila , exactement comme elle venait d’être remarquée dans les mi- nières de Yassy. En montant le versant sud du coteau, la Société a observé, au bord du chemin, une coupe de la partie moyenne de l’ar- gile à Plicatules (argile aptienne de M. Aie. d’Orbigny), exploi- tée en cet endroit pour la fabrication de la tuile et de la brique. Elle y a recueilli quelques échantillons de X Ammonites Des- hayesi , Leym., et elle a pu s’en procurer quelques autres de VA. Cornuelianus , d’Orb., et de VA. Milletianus , d’Orb., ou d’une espèce très voisine de celle-ci, trouvés lors de l’extraction de l’argile. Au sommet du coteau, le changement de nature du sol lui a donné l’indice de la superposition d’un dépôt sableux-, aussi, auprès des dernières maisons de Louvemont, au nord-est du village, a-t-elle trouvé un gisement de sable à grains assez gros, blanc dans le bas, avec quelques petits points noirs, jaunâtre et un peu terreux dans le haut, et recouvert par un sable fin, terreux et contenant des grains verts qui paraissent être du silicate de fer. Le sable blanc est exploité pour la confection des briques réfractaires employées dans les hauts fourneaux, et le sable vert l’est pour le moulage dans les fonderies. Le pre- mier, que l’on ne découvre pas dans toute son épaisseur, a une puissance évaluée par les ouvriers à 5 mèlres environ -, le second se montre sur une épaisseur de près de 2 mètres, le surplus ayant cédé à la dénudation qui a donné au sol son relief actuel. On n’y trouve point de fossiles. De Louvemont, la Société s’est rendue à la Côte-Noire de Moëlains, où la rivière de la Marne a produit par érosion une falaise de 30 mètres au moins d’élévation. Elle y a observé, à la base, le sable vert de couleur foncée, sur une épaisseur de plus de 5 mètres, certaines parties étant agglutinées de manière à former un véritable grès vert. Sur ce sable, le gault, de cou- leur gris bleuâtre, est d’une épaisseur d’environ 20 mètres, et au-dessus du gault des graviers calcaires sans stratification, puis une épaisse couche de diluvium sableux, de couleur jaune d’ocre. Le gault est le dernier terme de la série crétacée infé- 869 BU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. rieure du département de la Haute-Marne, et ce n’est que dans les départements de la Marne et de l’Aube qu’il a conservé toute sa puissance. A Moëlains, les fossiles sont ordinairement friables et difficiles à isoler. La Société y a trouvé notamment deux grandes vertèbres d ' lchthyosaurus t le Belemnites miniums, Lister, X Ammonites interruptus , Brug., VA. latidorsatus , Mich., X Area carinata , Sow. , X Inoceramus concentrions , Sow., la Turbinolia conuliis, d’Orb., des valves de Scalpellum , etc. Au bord de la route, entre Valcourt et Saint- Dizier, au coude de l’ancien lit de rivière nommé la Vieille Marne, la Société a remarqué des fouilles d’où l’on extrait le sable blanc jaunâtre qu’elle avait déjà vu au sommet du coteau de Louve- mont. Enfin, avant d’arriver à Saint-Dizier, elle a visité le bord gauche de la rivière, en aval du barrage, et y a retrouvé la partie inférieure de l’argile à Plicatules. Elle y a recueilli X Ammonites Deshayesi , Leym., les A. A dus et Cornuelianus , d’Orb., le Toccoceras Emericianus , d’Orb., des fragments à' Ancyloceras, le Cerithium aptiense , d’Orb., le Pecten inter - striatus , Leym., la Plicatula Rœmeri , d’Orb., la P . placunea , Lam., les Ostrea aquila et Tombeckiana , d’Orb., la Rhyncho- nella , d’Orb., la Terebratula sella , Sow., des Area , des Nucula , une Salenia et des pointes de Cidaris. Au sujet des fossiles trouvés à la base du fer oolithique, à l’ouest deVassy, M. le Président fait observer qu’il a rencontré, il y a déjà longtemps, des débris de branches de pin dans l’ar- gile sableuse placée à Louvemont sous l’argile rose marbrée, et des portions de feuilles de fougère dans le fer oolithique de Yassy -, mais qu’il attache moins d’importance aux débris végétaux rencontrés dans ces couches qu’aux coquilles d’eau douce que contient le minerai, parce que des débris de végé- taux, susceptibles de flotter plus ou moins longtemps, peuvent être apportés de loin par les eaux, tandis que les llnio, les Paludines, les opercules de celles-ci, se montrent dans un état de conservation qui exclut l’idée d’un transport à une grande distance, et qui prouverait, au contraire, que les coquilles ne sont pas loin de la place où leurs animaux ont vécu. Relativement aux dépôts néocomiens inférieurs, ajoute-t-il, la présence de restes d’animaux d’eau douce d’une grande dimension, dans une 870 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , couche, peut bien faire conjecturer que le rivage marin n’était pas éloigné, mais ne permet pas de décider qu’ils appartiennent à un dépôt d’eau douce, lorsqu’ils sont accompagnés par toute une faune marine. C’est ainsi que Cuvier n’a pas hésité à rap- porter à une grande Emyde des ossements et morceaux de carapaces queM. Gornuel a eu l’honneur de lui soumettre, il y a environ vingt-sept ans, à la prière de M. E. Royer qui les pos- sède comme les ayant recueillis dans la marne argileuse noi- râtre de Ville-en-Blaisois \ et cependant toutes les coquilles que recèle cette marne sont marines. M. Buvignier demande la parole et fait la communication suivante : M. le Président vient de vous présenter avec autant de clarté que de précision la description des terrains que la Société a visités aujourd’hui. Il en est un cependant qu’il a passé sous silence, sans doute parce que nous ne l’avons aperçu que dans un espace très resserré, où il était peu développé et très diffi- cile â observer : je veux parler des alluvions qui couronnent l’escarpement des Côtes-Noires. Ces alluvions, composées de galets calcaires, recouverts par un limon ou une sorte de loess jaunâtre, s’étendent sur le sommet des coteaux qui bordent la plaine comprise entre Ser- maize, Saint-Dizier et Yitry. Elles offrent un grand intérêt, non-seulement parce qu’elles contiennent des ossements d’Élé- phants et de Rhinocéros, et d’autres espèces d’animaux anté- rieurs à l’homme, mais encore parce que les galets calcaires reposant presque toujours sur un sol de nature différente et dont il est facile de les distinguer, on peut, en les étudiant, retrouver la trace des cours d’eau qui sillonnaient la contrée aux époques géologiques antérieures, et des modifications qu’ils ont éprouvées avant de prendre leur direction actuelle. Les galets qui composent ces alluvions proviennent presque tous des calcaires portlandiens -, quelques-uns paraissent coral- liens ou même un peu plus anciens. Le limon paraît formé du mélange et du remaniement des divers éléments argileux, sableux et ferrugineux qui entrent dans la composition des couches meubles des terrains crétacés inférieurs. En étudiant la disposition des dépôts, on reconnaît qu’ils ont DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. 871 été amenés par la Marne et ses affluents, la Ghée, l’Ornain, la Saulx, la Biaise, qui venaient autrefois se réunir dans un grand lac qui s’étendait au delà des limites de la plaine de Yitry, à une époque où celle-ci n’avait sans doute pas encore atteint sa profondeur actuelle. Mais les eaux de ce lac, au lieu de s’écouler dans la direction actuelle de la Marne, s’échap- paient vers le nord entre Nettancourt et Charmont pour aller tomber vers Givry, dans la vallée de l’Àuse, et rejoindre entre Chatrin et Verrières la vallée actuelle de l’Aisne. Le dépôt d’alluvion se prolonge sur les coteaux voisins de cette vallée, dans les départements de la Marne et des Ardennes, et j’ai eu occasion de les y observer jusque vers les limites de celui de l’Aisne. Le seul changement que j’y aie remarqué, c’est que les galets deviennent plus petits et plus polis à mesure qu’ils s’éloignent davantage de leur origine. Dans les localités où ils ont des dimensions suffisantes, et notamment dans une grande partie de l’arrondissement de Sainte-Menehould, on les emploie, faute de meilleurs matériaux, à l’empierrement des routes. On a trouvé dans les carrières où on les exploitait pour cet usage un grand nombre d’ossements fossiles 5 mais ils avaient été recueillis en grande partie par des ingénieurs et des conduc- teurs des ponts et chaussées qui ont quitté le pays, de sorte que je n’ai pu les voir. J’y ai recueilli quelques dents d’Éléphants, et un astragale de très grande dimension que je crois provenir d’un Rhinocéros ou d’un Hippopotame. J’ai vu aussi des dents de ruminants et de pachydermes, et d’autres ossements trouvés dans les mêmes carrières. Dans la vallée de la Marne, on trouve, en aval de Vitry, des alluvions de même nature, mais elles sont situées à un niveau plus bas, et les galets en sont plus petits. J’ignore si l’étude plus détaillée de ces alluvions pourrait jeter quelque jour sur l’époque à laquelle la Marne, trouvant une issue vers l’ouest, a quitté sa direction primitive vers le nord. Quoi qu’il en soit, ce changement de direction de la Marne, dans un temps antérieur aux époques historiques, n’est pas un fait isolé. J’ai déjà constaté depuis longtemps ( Mèm . Soc. phi h de Verdun , 1855, et Gèoh dç Ici Meuse , p. 97 et 159), 872 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE, dans les départements de la Meuse et des Ardennes, les traces de changements aussi considérables dans les cours de la Meuse et de la Moselle. Les alluvions siliceuses de cette dernière rivière en ont dessiné l’ancien lit à la surface des calcaires et des argiles jurassiques. Elles montrent que, avant de prendre en aval de Toul la direction actuelle, la Moselle, coulant dans le col de Toul à Pagny-sur-Meuse, venait tomber dans la Meuse, et que ces deux rivières réunies, après avoir suivi la vallée de la Meuse jusqu’à quelques lieues au-dessous de Verdun , allaient par Cunel et Saint-Juvin se jeter dans l’Aire, et ensuite dans l’Aisne. Ces alluvions ont aussi tracé les contours d’une série de lacs dont les eaux se déversaient de l’un dans l’autre, lacs qui ont disparu plus tard à mesure que l’action érosive des rapides par lesquels ils communiquaient, approfondissant leurs lits jusqu’au niveau du fond des lacs, a réuni ceux-ci en une vallée d’une pente régulière et uniforme. Quant aux changements survenus dans la direction des ri- vières, ils ont pu être produits par l’affaiblissement et la rup- ture des barrages latéraux de quelques-uns de ces lacs. Il est possible aussi que les mouvements d’affaissement ou d’exhaus- sement lent et graduel qui ont affecté le sol de nos contrées pendant les époques jurassique et crétacée, et qui ont pu se continuer ou se modifier pendant la période tertiaire , n’aient pas été sans influence sur des changements de direction. Les soulèvements de montagnes les plus récents ont pu également y contribuer. M. le marquis de Roys demande la parole, et répond en ces termes à M. Buvignier : Il m’est impossible de voir dans ces formations allu- viales des fonds de lacs. Celle qui couronne l’escarpement des Côtes-Noires présenteexactement les mêmes caractères que ceux si bien décrits par M.Daubrée pour le loess de la vallée du Rhin, par M. Leymerie dans son étude du diluvium des valléesdei’Aube et de la Seine, tels que je les ai constatés moi-même dans les départements de Seine-et-Marne, de Seine-et-Oise, etc. C’est toujours une argile mêlée d’un sable grossier, en proportions variables, mais assez fortes , d’un jaune rougeâtre , n’ayant point de fossiles propres. On y trouve habituellement des co- DU 7 AU 1 li SEPTEMBRE 1856. 873 quilles terrestres, Hélices, Cyclostomes, Bulimes, et très rare- ment fluviatiles, telles que Lymnées, Planorbes, Paludines, que je n’ai yues que dans les parties où l’argile devient plus pure, comme dans les environs de Valenciennes. Elle renferme quelquefois, toujours vers sa partie inférieure, quelques galets roulés ou plutôt cailloux, différant de ceux des rivières en ce qu’ils conservent leurs angles, seulement très émoussés, indice d’un transport violent, mais peu prolongé. C’est, dans le dilu- vium des plateaux, un rappel de l’assise caillouteuse, diluvium des vallées, entièrement [formé de ces cailloux provenant des roches peu éloignées. Cette assise caillouteuse remplit, comme M. Leymerie l’a fait observer, pour les départements de l’Aube et de l’Yonne, le fond des vallées, et y est couverte seulement par les alluvions actuelles des rivières, ne s’élevant sur les co- teaux qu’à une hauteur très limitée lorsque la pente en est très faible. Dans ce cas, il est recouvert par le lehm qui s’étend ensuite sur les plateaux. On peut en voir un bel exemple au- dessous du confluent de l’Yonne et de la Seine. Le plateau de la Brie est recouvert par le lehm ; la falaise escarpée de la rive droite l’interrompt brusquement. Le fond de la vallée est ni- velé par l’assise caillouteuse entièrement formée de silex de la craie, à angles émoussés mais très apparents, ayec quelques blocs de grès. C’est là qu’on trouve les dents et ossements d’Eléphants et autres quadrupèdes. L’assise s’élève à près de 10 mètres au-dessus du fond de la vallée, sur les pentes très adoucies des coleaux de la rive gauche, où sont tracées les roules de Montereau à Nemours et de Melun à Fontainebleau, recouverts à une certaine hauteur par une mince assise de loess qui plus loin s’étend sur tous les plateaux. Ces caractères constants, l’absence complète de stratification dans tous les lieux que j’ai cilés, sont absolument contraires à l’hypothèse de loess, et indiquent positivement un transport violent. L’assise caillouteuse existe aussi dans le département de la Haute-Marne, inférieurement au lehm ; je l’ai vue exploitée pour le ballast du chemin de fer entre Joinville et Donjeux, entièrement composée de cailloux calcaires blancs, semblables à ceux des Côtes-Noires. Là, comme partout, ces cailloux viennent de localités rap- 87Zl RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , prochées, et ont simplement leurs angles émoussés, tandis que les galets des rivières sont ovales, plais et viennent de grandes distances. C’est ainsi qu’au pli le plus rapproché de Montereau, sur la route de Montargis, avant la butte de cal- caire pisolithique, le lehm recouvre un amas à strates bien nets, minces et nombreux de galets très plats, granitiques, porphyriques, siliceux ou calcaires, provenant des parties su- périeures du cours de l’Yonne. Cet amas, tout à fait semblable aux îlots de gravier qui se forment aujourd’hui dans les fleuves, est évidemment un banc de gravier formé par l’Yonne pendant la période pliocène et ne peut être confondu avec le diluvium caillouteux. M. Ernest Royer demande la parole pour répondre à MM. Buvignier et de Roys. Il ne contredit en rien l’opinion de M. Buvignier qui attribue à la Marne et à ses affluents, la Saulx et l’Ornain, un autre lit par lequel elles deyaient autrefois traverser la falaise crayeuse qui limite au nord-ouest la plaine de Perthois. Il y a de nom- breux exemples de changement du lit d’une rivière, et indé- pendamment de ceux qui sont cités par M. Buvignier, on peut voir, sans sortir du pays , l’Aube abandonner la plaine de Brienne et la large vallée qui en fait la suite, et où elle s’écou- lait autrefois avec la Yoire, pour traverser à Brienne-la-Vieille les coteaux de gault dans une gorge étroite 5 mais il ne pense pas que les couches de gravier qui ont nivelé la plaine du Perthois aient la disposition que prennent ordinairement les matériaux qui, en s’accumulant, finissent par combler un lac 5 elles ont plutôt la disposition à peu près horizontale que donne aux débris qu’elle charrie une rivière qui promène pendant des siècles ses méandres mobiles dans une plaine dont elle charge sans cesse la surface. M. de Roys croit devoir attribuer à l’époque du lehm les terres blanches et rougeâtres qui recouvrent les plateaux du Perthois • M. Royer fait remarquer que la vaste nappe de gra- vier qui constitue le sol de ce pays porte les caractères les plus positifs de son origine; on y trouve effectivement une grande quantité de fossiles de divers étages jurassiques, dans lesquels les rivières telles que la Biaise, la Marne, la Saulx et l’Ornain DU 7 AU 1 h SEPTEMBRE 1856. 875 les ont puisés. Il est évident que ces graviers ont été amenés par ces rivières des hauts plateaux jurassiques dans lesquelles leurs vallées sont creusées, Or, on trouve dans les terres rou- geâtres dont a parlé M. de Roys quelques-uns des mêmes fossiles, et aux Côtes-Noires notamment M. Royer a trouvé, lors de la visite que la Société y a faite dans la journée, des articulations de V Apiocrinus Roissy anus , d’Orb. Ces terres paraissent donc appartenir à la même époque que le gravier et avoir la même origine. Aux Côtes-Noires , elles sont, il est vrai, à un niveau de beaucoup supérieur à celui des graviers qui composent la plaine qui est au pied de la falaise ; maison peut remarquer qu’il existe autour de Saint-Dizier, et en remontant la vallée de la Marne, plusieurs nappes de graviers dont deux très apparentes sont situées à deux niveaux diffé- rents. Entre Valcourt et Saint-Dizier, le coteau même qui fait suite à celui des Côtes-Noires derrière Saint-Pantaléon et jus- qu’en face des usines du Clos-Mortier est couronné de bancs de gravier, et au pied de ce petit coteau s’étend la vaste nappe qui compose la plaine de Saint-Dizier. En remontant la vallée, on peut voir également des graviers à des niveaux différents. M. Royer n’en veut citer que deux exemples. Sur le coteau, en face de la station d’Eurville, il existe un lambeau de gravier ancien, et à son pied un autre lam- beau est coupé par une tranchée du chemin de fer. A Don- jeux et à Villiers-sur-Marne, le chemin de fer a mis à nu deux amas de gravier à quelques mètres au-dessus de la rivière, et, sur la nouvelle route de Provenchéres à Vignory, on voit un dépôt à un niveau supérieur déplus de 30 à ZtO mè- tres. Ces différences de niveau trouvent leur explication na- turelle dans le creusement successif de la vallée de la Marne. Ainsi à Saint-Dizier, lorsque la vallée était moins profonde, la rivière promenait ses graviers au niveau du sommet des coteaux de Saint-Pantaléon-, plus tard, en s’approfondissant, elle détruisit cette première nappe pour former celle de la plaine, et aujourd’hui enfin on peut voir la Marne approfondir son lit et détruire encore cette dernière nappe qui forme des falaises sur ses bords. Les terres du sommet des Côtes-Noires parais- sent être de l’époque de la première nappe jde graviers et en 876 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , faire partie. Quelles que soient les phases de ce phénomène de transport, on n’en doit pas moins attribuer l’ensemble à la même grande époque et à la même cause, cause fluviale. La couleur presque uniforme, dit M. Buvignier, que pré- sentent en beaucoup de contrées les loess ou dépôts limoneux analogues à ceux qui recouvrent les plateaux voisins de la Marne et de ses affluents, ne me paraît pas un motif suffisant pour qu’on puisse croire que tous ces dépôts ont été produits en même temps et par une cause unique. Formés des débris des terrains meubles de chaque contrée, ils doivent presque toujours con- tenir les mêmes éléments, parmi lesquels se trouvent presque toujours aussi des argiles ou des marnes contenant quelques traces de matières ferrugineuses. Lorsque ces matières, ré- duites à un état de grande ténuité, ont été longtemps agitées ou tenues en suspension dans l’eau, le fer s’hydrate et prend une teinte ocreuse qu’il communique à la masse à laquelle il est mélangé. Il est donc tout naturel que tous les terrains formés de la même manière aient des couleurs peu variées et presque uniformes, et cette presque uniformité de couleurs ne suffit pas pour établir qu’ils doivent leur formation à une seule et même cause ayant agi au même moment. On peut observer d’ailleurs que les rivières qui tombaient dans le lac de Vitry provenaient de directions très différentes. La Marne et la Biaise venaient du sud, la Saulx du sud-est, l’Ornain et la Chée de l’est -, il est même probable que l’Aisne venait du nord-est se réunir à la Chée vers Lahaycourt. Or, si l’on re- monte les vallées qu’arrosent ces rivières, on trouve sur les plateaux voisins des galets provenant uniquement des roches situées en amont dans la vallée, et ces galets deviennent plus gros et plus anguleux à mesure qu’on se rapproche de la source, et cela est vrai pour les vallées qui viennent du sud, comme pour celles qui viennent du nord-est et de l’est. Quelle que soit la direction de ces vallées, le loess des plateaux voisins paraît aussi en rapport avec la nature des roches meubles qui bordent la vallée. Si nous nous éloignons de la plaine de Yitry, nous trouverons dans les vallées de la Meuse et de la Ghiers des dépôts de couleur analogue, mais composés d’éléments diffé- rents. Dans les alluvions amenées de la Meuse, on reconnaît TDU 7 AU 1/î SEPTEMBRE 1856. 877 la Nerea et les sables des terrains anciens et des grés bigarrés amenés par la Moselle, et mélangés aux débris des calcaires et des argiles jurassiques dans lesquels la Meuse a creusé son lit. Dans les alluvions anciennes de la Chiers, on retrouve surtout les débris des argiles et des fers basiques que cette rivière lave dans la plus grande partie de son cours. M. Gotteau présente les observations suivantes sur l’assise supérieure du terrain néocomien de la Haute-Marne : La Société a pu remarquer près de Yassy, sur la route de Montier-en-Der, au-dessus des argiles et des sables bigarrés, une couche de quelques centimètres d’épaisseur qui recouvre le minerai de fer oolithique et sépare le terrain néocomien des argiles aptiennes. Désignée dans la Haute-Marne sous le nom de couche rouge , cette assise, malgré son peu d’épaisseur, occupe un horizon constant-, on la retrouve dans l’Yonne, au même niveau et avec des caractères tout à fait identiques. Elle se compose d’une assise rougeâtre dans laquelle sont épars des rognons caîcaréo-marneux, souvent très durs, et qui empâtent un assez grand nombre de fossiles. Quelques-uns de ces fossiles sont propres à cette petite assise -, d’autres se retrouvent dans l’étage aptien ; la plupart s'étaient déjà montrés dans le terrain néocomien proprement dit. La couche rouge appartient-elle, ainsi qu’on l’a prétendu, à l’étage aptien, et les fossiles néoco- miens qu’elle renferme ont-ils été remaniés à cette époque? Nous ne saurions l’admettre. Rien n’indique dans l’aspect des rognons calcaréo-marneux qu’ils aient été arrachés à des cou- ches néocomiennes plus anciennes ; les fossiles qu’ils ren- ferment ont conservé le plus souvent tous les ornements de leur test. L’extrémité de la spire délicate des gastéropodes, ainsi que nous l’avions déjà observé dans l’Yonne, fait souvent saillie sur les bords du nodule, et certainement elle eût été brisée, si ces nodules avaient été roulés par les eaux. Du reste, leur aspect intérieur, le noyau plus dur et imprégné de fer, et qui occupe le centre de presque tous ceux que nous avons ou- verts, tendent à démontrer qu’ils se sont formés par suite d’une action chimique dans les argiles mêmes où on les a rencontrés. Nous préférons considérer cette assise comme la couche la plus supérieure du terrain néocomien, La plupart des fossiles 878 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , sont essentiellement caractéristiques de cet étage -, les espèces aptiennes* au contraire, y sont très rares -, aussi ne pouvons- nous partager l’opinion de M. Renevier qui, sans admettre aucun remaniement de fossiles» place cette couche au-dessus du terrain néocomien, et pense qu’elle représente, dans nos contrées, son étage urgonien ou aptien inférieur (1) . M. de Roys faitremarquerdansle faciès des fers géodiques une ressemblance frappante avec les minerais qui sont exploités à Bonfour, près Maubeuge (Nord), où la Société les a visités dans la session de 1853, et qui se retrouvent encore plus dé- veloppés sur plusieurs points de la Belgique. M. Dumont, l’habile et consciencieux auteur de la carte géologique de la Belgique, et après lui M. Meugy, chargé de la carte géologique du département du Nord, les rapportent à l’étage crétacé. Us doivent cependant être antérieurs à l’étage moyen, puisqu’ils sont recouverts par le tourtia et la pierre des Sarrazins, ce qui, avec leur nature évidemment concrétionnée, s’accorderait avec la pensée de M. Gotteau. La Plicatula placunœa , qui caractérise l’étage des argiles à Plicatules de M. Gornueî, se retrouve dans le midi de la France, dans les argiles ou marnes grises de Gargas, près Apt, à Cassis, etc. Elle y est assez abondante pour qu’on ait dési- gné quelquefois l’argile de Gargas sous le nom de marnes à Plicatules. Elles sont associées avec le Belemnites semicana- liculatus , que M. Aie. d’Orbigny regarde comme caractéristique de l’étage aptien, et qui est associé àBeaucaire. en effet, avec le Nautilus Requieni. Cependant il m’a semblé que la délimita- tion entre l’étage aptien et le néocomien supérieur n’était pas toujours exactement bien tranchée, comme elle l’est avec le gault qui est bien distinct par ses fossiles à Uchaux, où le gault et l’étage aptien, avec très peu de puissance et un faciès mi- néralogique si rapproché, n’offrent aucun mélange d’espèces. M. Cotteau présente à la Société un Oursin fort intéressant que M. Tombeck a recueilli avant d’arriver à Saint-Dizier, dans le lit de la Marne, au milieu des argiles aptiennes. Cette espèce, mentionnée pour la première fois par M. Desor sous le (1) Mém.géol. sur La perte du Rhône et ses environs, p. 67, 4 854- DU 7 AU ik SEPTEMBRE 1856. 879 nom de Salenia drestensis , est remarquable par sa taille assez forte et la grandeur de son appareil oviducal. Bien que tard, elle a été recueillie dans un grand nombre de localités, à Dresta, à Asti, à la Clape, au Resnet (Isère), à Auxerre, aux Croûtes (Aube). Sur tous ces points, elle occupe un même niveau et témoigne de l’extension de l’étage aptien. M. Meugy fait la communication suivante : J’appellerai l’attention de la Société sur le parallélisme, ou plutôt le synchronisme de formation qui paraît exister entre les minerais de fer géodiques observés entre Joinville et Yassy, et certains minerais de même nature exploités en Belgique et dans le nord de la France : je veux parler des minerais géodiques du pays d’entre Sambre-et-Meuse, qui forment des poches ou des espèces d amas couchés dans les crevasses et les plis du terrain anthracifère, et qui se retrouvent partout où affleure le même ter- rain sur une surface un peu étendue, comme dans l'arrondisse- ment d’Avesnes et aux environs de Marquise (Pas-de-Calais). Il y a plus cl’une relation entre les minerais de la Haute-Marne et ceux du Nord. Ils sont placés tous deux à la partie inférieure du terrain crétacé, et sont accompagnés de sables et d’argiles sem- blables. Ils ont aussi une grande analogie d’aspect, et ne diffèrent guère que par les conditions de gisement. Ainsi, les sources fer- rugineuses qui ont donné lieu à ces dépôts dans l’Entre-Sambre-et- Meuse ont ruisselé sur les tranches de terrains bouleversés et cre- vassés dont les fentes ou les plis alignés suivant certaines direc- tions ont été remplis par le minerai, tandis que, dans la Haute- Marne , ces sources , prenant naissance près de rivages où se déposaient les premiers sédiments de la période crétacée, se sont répandues sur de grandes surfaces en se mélangeant aux eaux chargées de sable qui les recouvraient. Cette circonstance permet de concevoir ici l’absence de fer carbonate qui a dû se décom- poser, pour ainsi dire, au fur et à mesure de sa précipitation, comme nous l’avons expliqué en exposant la théorie de la forma- tion des minerais de la Belgique et des environs d’Avesnes [Annales des mines, 5e série, t. VII, p. 175). Souvent le sable existe seul, bien que se trouvant au même niveau que les gîtes ferrugineux , comme à Brousseval , près de Yassy, où la Société a pu remarquer, dans la tranchée d’un che- min, des sables fins jaunâtres avec grès plus ou moins ferrugi- neux, tout à fait analogues, par leurs caractères et par leur position, 880 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , à ceux qui affleurent au sud de Vinant, dans le Boulonnais, et qui font suite aux sables d’Hastings. Les sables et grès ferrugineux semblent se substituer au minerai, qui n’est, en effet, qu’un acci- dent au milieu du dépôt. A un kilomètre de Nomécourt, en retour- nant à Joinville, nous avons visité une exploitation de minerai géodique où l’on voit beaucoup de sable fin gris cendré qui rap- pelle ceux des environs d’Hautrage (Belgique) et de Glageon (Nord), dont la formation remonte aussi à la même époque. On rencontre Là non-seulement du fer hydraté géodique, mais aussi des grès ferrugineux portant quelquefois des empreintes de bois fossiles, et passant à un minerai siliceux semblable à celui de AVimille (Boulonnais). A un niveau supérieur du minerai géodique, on connaît, dans la Haute-Marne, un minerai oolitliique formé de petits grains sphériques à couches concentriques, dont la grosseur ordinaire est celle du millet. Ce minerai est exploité à ciel ouvert, à peu de distance de Yassy, sur la route de Montier-en-Der. Une glaise bigarrée de gris et de jaunâtre, avec de grosses Ostrea Couloni (argile à Plicatules), recouvre le fer oolitliique au milieu duquel on avait trouvé une certaine quantité de coquilles d’eau douce (Unios, Paludines, etc.) transformées en minerai, des bois carbonisés ou à l’état d’hydrate de fer, des empreintes de fougères et des cônes de pins que les ouvriers avaient dési- gnés sous le nom d’épis de blé. On remarque dans le minerai une grande quantité de cristaux de gypse dont la masse est intimement pénétrée. On y trouve aussi des géodes ferrugineuses et de petits fragments roulés et polis de limonite. Ce dépôt , dont l’épaisseur moyenne est de 2m,51 (1), né forme pas une couche régulière , et disparaît au nord. Il n’existe déjà plus à Saint-Dizier , et l’on n’en a pas trouvé de traces dans le département de la Marne, où MM. Buvignier et Sauvage ont cependant constaté l’existence de toutes les autres couches du ter- rain néocomien de la Haute-Marne. On ne peut pas admettre que le minerai oolitliique soit l’équivalent du minerai en grain de Grand-Pré, car les conditions de gisement sont toutes dilïérentes. Le premier se trouve au milieu d’argiles compactes inférieures aux sables verts, tandis que le second est répandu dans ces sables eux-mêmes. Puis le fer oolitliique a tous les caractères d’un dépôt (1) Ces 2m,51 comprennent non-seulement le minerai de fer ooli- thique, mais aussi les deux couches entre lesquelles il est intercalé, savoir : le sable rose au-dessous et l’argile rougeâtre au-dessus. IHJ 7 AU \h SEPTEMBRE 1856. 8S1 formé sur place par voie de précipitation chimique tandis que le minerai des Ardennes, par l’irrégularité et le poli de ses grains, accuse une certaine action de frottement par transport. Enfin, F un ne renferme que des coquilles d’eau douce, tandis que l’autre est essentiellement marin. En un mot, les deux ruinerais diffèrent complètement l’un de l’autre, tant par leur nature minéralogique que par les diverses circonstances de leur gisement. Ces divers dépôts ferrugineux, dus à des sources qui ont jailli à diverses époques, et à peu de distance des rivages de la mer crétacée, ont couvert des surfaces plus ou moins étendues dont les limites étaient probablement en rapport avec les ondulations du sol. Ainsi, le minerai en grains de Grand-Pré n’existe pas plus dans la Haute-Marne que le fer oolithique néocomien n’existe dans les Ardennes. La coupe théorique de Grand-Pré à Yassy peut donc être cgnçue de la manière suivante : Grand-Pré. Département de la Marne. Vassy. 1. Sables verts et gault. ] 3. Minerai en grains. 2. Terrain néocomien. | 4. Fer oolithique. Il résulterait des observations précédentes que la partie infé- rieure du terrain néocomien de la Haute-Marne, comprenant la marne argileuse noirâtre, le fer géodique, les sables et grès ferru- gineux, et le sable blanc, dont l’épaisseur totale est de se rattacheraient au terrain wealdien de l’Angleterre ou au système aachenien de la Belgique. Les marnes et les calcaires néocomiens qui viennent ensuite, et qui présentent beaucoup de rapports aux points de vue minéralogique et stratigraphique avec les roches des carrières de Sassegnies (département du Nord), formeraient la base du green-sand inférieur, qui s’élèverait jusqu’à l’avant-dernier terme de la coupe déjà citée, c’est-à-dire jusqu’aux sables verts inclusivement : épaisseur, 6âm,0â (néocomien et aptien, d’Or- bigny ; partie inférieure du système nervien de Belgique) ; puis viendrait le gault : épaisseur, 20 mètres (albien, d’Orbigny ; par- tie supérieure du système nervien ) ; le green-scind supérieur, représenté par la gaize de Youziers ; le tourtia nervien (cén ma- nien, d’Orbigny ; partie inférieure du système nervien de Bel- gique); les marnes crayeuses; les cornus de Yalenciennes et de Mons ; la craie tuffeau (turonien, d’Orbigny ; partie supérieure du Soc . géol ., 2S série, tome XI 11. 56 882 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , système nervien) ; enfin, la craie blanche (sénonien, d’Orbigny). Ce dernier correspond seul à la lettre Ca de la carte géologique de la France, la lettre Ci se rapportant à tous les autres systèmes. La séance est levée à dix heures et demie. Séance du dimanche I h septembre, à Joinville . PRÉSIDENCE DE M. CORN UE L. La séance est ouverte à huit heures du matin. M. le Président rend compte en ces termes de l’excursion du 13 septembre : La Société a visité Chancenay où elle a remarqué, dans le village même, les calcaires gris verdâtres déjà observés dans la course de Joinville à Yassy. Une marne calcaire y est inter- calée. Une assise à Cjrprina et à Pholadomya parvula , repo- sant sur une couche de marne, a fait reconnaître l’horizon géologique de l’oolithe vacuolaire dont M. Cornuel a donné une description détaillée dans son mémoire sur les terrains de l’arrondissement de Yassy. En effet, la Société a vu cette oolithe exploitée comme moellon au nord et à peu de distance de Chancenay, dans le voisinage de la route impériale de Paris à Strasbourg, et elle y a recueilli en grand nombre la Cy- prina (1) et la Pholadomya parvula, qui en sont les fossiles caractéristiques, et qui se présentent en valves isolées à l’état de calcaire spathique. Elle y a constaté aussi la présence de Y Avicula rhomboidalis, Cornuel, et de la Gervillia linearis , Buv. Ici manquent la marne argileuse noirâtre, le sable ferru- gineux inférieur et le fer géodique. A la place de ce fer, on ne trouve qu’une faible couche de roche marneuse dont la cou- leur est due à de l’hydrate de fer, et la marne calcaire néoco- mienne lui succède avec son Ostrea Couloni, d’Orb., et les autres fossiles qu’on lui connaît dans la contrée. C’est cette marne qui occupe le haut de la carrière jusqu’à la terre arable. (1) Celle que M. Cornuel avait nommée Cyrena jossulata. DU 7 AU \h SEPTEMBRE j 85(t. 883 Il est à remarquer que, tandis que les formations qui consti- tuent le sol de la Haute-Marne, depuis Langres et Bourbonne jusqu’aux environs de Saint Dizier, sont inclinées vers le nord- ouest, les couches de Chancenay le sont vers le sud-ouest, ce qui est dû à la faille coudée qui va être indiquée. Des carrières de Chancenay, la Société s’est transportée aux minières de Bettancourt-la-Ferrée, où elle a observé le fer géodique surmonté du calcaire à Spatangues et de la partie inférieure de l’argile ostréenne. Elle a remarqué qu’à Bettan- court le minerai est beaucoup plus oolithique qu’aux environs de Joinville. Elle y a recueilli quelques fossiles dans le calcaire à Spatangues, tels que Pleurotomaria neocomiensis , Panopœa neocomiensisy Pholadom y a Agassizii , d’Orb., Venus Eron- gniartina , Leym., Cardium peregrinosum, Crassatella Cor - nueliana , d’Orb., T rigonia long a , Ag., Ostrea Couloni , Ehynchonella de pressa y d’Orb., Terebratula semistriata , Defr., etc. De là, elle est revenue à Saint-Dizier, puis elle a pris la route de Ligny pour aller examiner la grande faille qui traverse cette route à l’ouest du hameau de la Houpette, et qui, passant aussi à l’ouest des villages de Narcy, Cousances, Cousancelîes, Sommelonne et Baudonvilliers, est très pro- noncée sur une longueur de plus de 17 kilomètres. Elle a vu que la lèvre supérieure de cette faille, celle de l’ouest, est formée par le calcaire portlandien ayant à son sommet le cal- caire à Spatangues du terrain néocomien, tandis que la lèvre inférieure présente, au terrier de la tuilerie de la Houpette, l’argile à Plicatuîes moyenne, bien caractérisée par X Ammonites Deshayesi , Leym., et, à quelques pas delà, le sable vert exploité pour le moulage de la fonte, de sorte que le sable vert, qui se trouve au point coté 192 sur la carte du Dépôt de la guerre, a été abaissé de 5Ô mètres au moins au-dessous du sommet des calcaires portlandien s qui se remarquent auprès de la cote 2Zj8 de cette carte. Après cette exploration, la Société s’est dirigée par Cou- sancelles, Cousances et Boches-sur-Marne, vers la station d’Eurviile, d’où elle s’est rendue à Joinville par le chemin de fer. Dans la première partie de ce second trajet, eiie a constaté çà et là la présence du calcaire à Spatangues, le long du 88 II RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , chemin, sur les territoires de Cousancelles et de Cousances, puis elle a remarqué la forme étroite et sinueuse de la vallée qui coupe le massif portlandien de la lèvre supérieure de la faille entre Cousances et Chamouilley. Il semble que la cause première de cette courte et profonde vallée soit une fracture transversale de tout le massif ; ce serait un diminutif des cluses du Jura. Dans tous les cas, elle a un aspect différent de celui des autres vallées du pays. M... le Président appelle l’attention de la Société sur les principaux gîtes de minerai de fer remanié qui existent dans l’espace compris entre les communes de Thonnance-lès-Join- ville, Poissons, Saiîly, Montreuil-sur-Thonnance et Osne-le- Yal, et il exprime le regret que le mauvais temps oblige la Société de se séparer sans les avoir visités. J’en ai donné, dit-il, une description et une coupe partielle dans mon mémoire lu à la Société le 6 mai 1839 ( Mém . de la Soc. géol.y p. 271 à 273, et fig. 8, pl. XIY), etM. Tbirria les a décrits de son côté dans sa Notice sur les gîtes de minerai de fer du terrain néocomien de la Haute-Marne (. Annales des mines, t. XY, p. 38, année 1839). Sans revenir avec détail sur ces descriptions auxquelles il est facile de se reporter, je dirai seulement que dans le canton de Poissons le minerai appelé mine de roche a rempli des fentes, des boyaux ou puits, des entonnoirs et autres cavités qui existent dans la masse du calcaire portlandien, et dont plusieurs pénètrent jusque dans l’argile kimméridgienne. Il s’en est trouvé qui avaient jusqu’à ZlO et 50 mètres de profondeur. C’est sur les côtes que sont les ouvertures de ces gîtes. Leur âge n’a pas été plus douteux pour M. Thirria que pour moi. Ils sont évidemment de l’époque dite diluvienne , puisque des ossements de mammifères de cette époque, que j’ai communiqués à la Société dans sa séance du II de ce mois, ont été rencontrés à diverses profondeurs dans certaines minières de Poissons. La faille qui sépare la côte de Melaire de celle sous Mêlai- range, entre Poissons et Montreuil -sur-Thonnance, les colonnes et les pyramides de calcaire portlandien restées debout au mi- lieu de plusieurs cavités, le resserrement de certaines ouver- tures après le remplissage accompagné de la compression du DU 7 AU \ h SKl'TK'i H RE 1856. 885 minerai interposé, tandis que d’autres prenaient plus d’écarte- ment à leur orifice supérieur, tout cela paraît prouver que les eaux, qui ont fini par creuser les vallées environnantes, n’ont pas été sans action sur l’argile kimméridgienne, qu’elles atta- quaient de front à quelques kilomètres au sud-est, où est son affleurement, comme elles font attaquée latéralement dans les vallées, puisque la partie supérieure de cette argile excède, en hauteur, le milieu des côtes les plus accidentées. Les plus intéressantes des minières dont je viens de parler s’épuisent de plus en plus $ et, à mesure que l’exploitation marche vers le nord, les gîtes deviennent moins profonds, plus évasés, et de moins en moins remarquables sous le rapport des phénomènes géologiques. M. Thirria a pensé que le lavage diluvien, auquel est dû fenfouissement de la mine de roche , avait mélangé nos deux minerais, c’est-à-dire l’inférieur ou fer géodique, et le supé- rieur ou fer oolithique. Je n’ai rien reconnu de semblable. Toute la mine de roche m’a paru provenir du remaniement du dépôt normal du fer géodique. Le fer oolithique a son af- fleurement actuel trop loin de Poissons, pour que l’on sup- pose que ses débris soient restés dans les eaux diluviennes et aient attendu l’ablation de toutes les couches qui le séparent du fer géodique avant de se mélanger avec ceux de ce dernier dépôt. S’il en eût été ainsi, il se serait mêlé à la mine de roche des matières étrangères beaucoup plus abondantes et plus va- riées que celles que l’on y rencontre. Ce sont les deux struc- tures, oolithique et en plaquettes, qui ont déterminé l’opinion de M. Thirria. Pour moi, je ne me suis pas arrêté à cette par- ticularité, parce que, lors de ma première exploration des mi- nières de Poissons, j’ai trouvé sur le bord inférieur de la faille (fîg. 8, pl. IZi, précitée) un lambeau intact du dépôt primitif du fer géodique, lambeau qui était partie en grains oolithiques, comme à Bettancourt-la-Ferrée, et partie en morceaux, pla- quettes et masses géodiques, comme à Bettancourt, et sur- tout comme à Chatonrupt, Nomécourt, Guindrecourt-aux- Ormes, Morancourt, etc... Le mélange du minerai des deux sortes, dans les cavités, n’a donc rien d’extraordinaire. Le larn^ beau dont je viens de parler avait conservé sa stratification pre- 886 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A JOINVILLE , miére. Il arrivait jusqu’au bord d’une fosse à mine, et Ton voyait parfaitement les indices de l’action des eaux sur sa tranche, et comment la partie dérangée se déversait et con- courait au remplissage de la fosse que les ouvriers vidaient. On se demande si les effondrements que l’on remarque çà et là à la surface des couches néocomiennes inférieures que sup- porte le plateau portlandien situé entre la Biaise et la Marne, et dont plusieurs sont assez récents, ont la même cause que les cavités qui viennent d’être signalées. Il n’existe encore, à cet égard, aucune preuve positive ; et il est mieux de ne pas tran- cher la question, que de la juger d’après des hypothèses non appuyées de laits précis. M. Leymerie, qui a observé de sem- blables effondrements dans le département de l’Aube, les attri- bue aux affouillements produits par les eaux souterraines dans les sables de la base du terrain néocomien. Il est certain que dans plusieurs de ces excavations naturelles, on voit des sour- ces dont le courant se perd de suite dans le sol sous-jacent, ou bien qu’on y entend le bruit d’un écoulement souterrain . Dans tous les cas il y a entre les uns et les autres cette différence, que les effondrements annoncent des vides internes plus ou moins anciens, tandis que les fosses à minerai indiquent des cavités qui ont subi un remplissage complet à l’époque même de leur formation. En quittant ce sujet, ajoute M. le Président, je cherche à constater les résultats que cette réunion extraordinaire de la Société géologique aura produits, et j’en vois de suite trois principaux : 1° Comparaison des différentes divisions du groupe corallien de la Haute-Marne avec celles du même terrain dans les dépar- tements voisins, de l’Yonne et de la Marne, et éclaircissements des rapports de stratification de ces divisions. Elucidation de la question de non-identité du portlandien du bassin parisien avec le portlandien tel qu’il était composé par les géologues du bassin bourguignon et du Jura. 2° Les calcaires gris verdâtres, les couches qui leur sont subordonnées et l’oolithe vacuolaire de l’arrondissement de Yassy, appartiennent bien au troisième étage jurassique, et DU 7 ÀU ïh SEPTEMBRE 185(5. 887 non pas au terrain crétacé inférieur. Ainsi se trouve confirmé ce que j’en ai dit moi-môme depuis longtemps (Mérn., lre série, t. IV, p. 27/i à *277). 3° L’ordre de superposition établi par les géologues de l’ar- rondissement de Vassy, pour toutes les formations et couches que la Société a observées, est reconnu exact. Ces données devront rester désormais acquises à la science ; et ainsi n’auront pas été infructueuses les explorations de tous ceux des membres de la Société géologique qui ont concouru à les établir. Aucun autre sujet n’étant à l’ordre du jour, M. le Président a déclaré close la session extraordinaire de 1856. TABLE GENERALE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. Le général Helmersen. — • Lettre à Sir R. I. Murchison sur des nou- velles géologiques de la Russie. 43 Lardy. — Notice nécrologique sur Jean de Charpentier 1 Sir R. I. Murchison. — Recherches géologiques dans le nord de l’Écosse 21 E. Bayle. — Notice sur le Listriodon splendens et quelques autres mammifères découverts dans la mollasse miocène de la Chaux- de-Fonds (Suisse) 2 A Ville. Notice sur les gîtes d’émeraudes de la haute vallée de l’Har- rach (Algérie) • 30 F. CailliAud. — Sur les terrains tertiaires inférieurs des communes de Campbon, Arton, Chéméré et Machecoul (Loire-Inférieure) . 36 Ch. Lory. — Note sur des Oursins perforant le granité sur les côtes de Bretagne Deshayes. — Observations sur les communications ci - dessus de MM. Cailliaud et Lory 46 Th. Ébray. — Accidents géologiques survenus pendant la formation de la craie tuffeau du Poitou et de la Touraine 51 De Keyserling. — Explications relatives à une note sur la succession des êtres organisés dans les coudhes sédimentaires ( Bulletin , 2e série, t. X, p. 355) 60 A. Sismonda. — Lettre à M. Élie de Beaumont sur une course exécutée par lui avec M. Fournet autour du Mont-Blanc en septembre 1855 64 A. Damour. — Note sur un sable magnésien des environs de Pont- Sainte-Maxence (Oise) 67 E. Bayle. — Observations sur le Sphœrulites foliaceus, Laiiï. (PI. I). , 71. Éd. Piette. — Notice sur les coquilles ailées de la grande oolithe de l’Aisne, des Ardennes et de la Moselle (PI. II à V) . . . . 85 E. Bayle. — Observations sur le Radiolites Jouanncii , Des Moul. (sp.) (PI. VI) 102 Th. Ébray. — Étude comparative des Ammonites anceps et pustulala. 115 Triger. — Observations sur les sables des environs de Nogent-le-Ro- trou (Eure-et-Loir) (PI. Vil) 118 Dr François Lanza. — Essai sur les formations géôgnostiques de la Dalmatie et sur quelques nouvelles espèces de Radiolites et d’Hippurites (PI. VIII) 127 E. Bayle. — Observations sur le Radiolites cornu-pastoris9 Des Moul. (sp.) (PI. IX) 139 B. Sxuder. — Notice sur le terrain anthracifère dans les Alpes de la Suisse 146 La Société. — Nominatiôn du Bureau pour 1856. ....... 160 Soc. géol.r 2® série, tome XIII. 57 800 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. Griffith. — Letlre accompagnant l’envoi de sa carte géologique de l’Irlande. . . 164 V. Raulijv. — Observations sur le Résumé d'un essai sur la géologie des Corbières , par M. d’Archiac 170 D’Archiac. — Remarques sur les observations précédentes .... 173 J. Desnoyers. — Réponse aux observations de M. Triger sur les sables des environs de Nogent-le-Rotrou (p. 118) 177 Éd. Piette. — Notice sur les grès d’Aiglemont et de Rimogne (PI. X). 189 Éd. Hébert. — Note sur le lias inférieur des Ardennes, suivie de remarques sur les Gryphées du lias ......... 207 G. Jenzsch. — Note supplémentaire sur l’amygdalophyre de Saxe et ses espèces minérales. . 222 I. Cocchi. — Description des roches ignées et sédimentaires de la Toscane (Pl. XI) 226 A. Favre. — Recherches sur les minéraux artificiels. ...... 307 A. Leymerie et G. Cotteaü. — Catalogue des Échinides fossiles des Pyrénées 319 A. Leymerie. — Considérations géognostiques sur les Echinodermes des Pyrénées et des contrées annexes de cette chaîne de montagnes 355 Ville. — Notice minéralogique sur le cercle de Laghouat (Algérie). . 366 La Société. — Projet de conversion de ses renies 4 1/2 369 J. Barrande. — Caractères distinctifs des INautilides, Goniatides et Ammonides. — Etablissement du genre Nolhoceras (Pl. XII). 372 Ward. — Note sur la montagne nommée Gebcl-Nakous , ou montagne de la Cloche (Arabie Pétrée) 389 Le Trésorier. - — Présentation du Budget des recettes et des dépenses pour 1856 393 Th. Érray.. — Comparaison des oolithes inférieures du bassin anglo- parisien avec celles du bassin méditerranéen 395 Ville. — Notice minéralogique sur la province d’Alger 399 A. Meugy. — Sur le gisement, l’âge et le mode de formation des ter- rains à meulières du bassin de Paris 417 V. Raülin. — Note sur la constitution géologique de l’île de Crète. . 439 J. Barrande. — Parallèle entre les dépôts siluriens de la Bohême et de la Scandinavie 461 A. Boué. — Parallèle des tremblements de terre, des aurores boréales et du magnétisme terrestre, mis en rapport avec le relief et la géologie du globe terrestre, etc. 466 La Commission. — Rapport sur la gestion du Trésorier pendant l’année 1855 527 J. Barrande. — Note sur quelques nouveaux fossiles découverts aux environs de Rokitzan (Bohême) 532 Gaillardot. — Découverte d’un gisement de Nummulites près de Séida (Syrie) 538 Michel. — Note géologique sur la Dobroudcha , entre Rassowa et Ivustendjé 539 A. D amour. — Nouvelles recherches sur les sables diamantifères du Brésil 542 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 891 R. -F. de Scvff. — Voyage au Bator, volcan de Pile de Bali (trad. par A. Perrey) 554 T. Arriens. — Ascension au volcan du Kloed en septembre 1854 (trad. par A. Perrey) 560 Salter. — J. Barrande. Sur les empreintes de Pas-de-Bœuf de s Vaux-d’ Aubin, près d’Argentan (Orne) 568 IJornes. — Liste de 84 espèces marines subfossiles de Kalamaki, sur l’isthme de Corinthe 571 De Séménoff. — Sur une éruption volcanique à Ouyüne-Kholdongui (Mandchourie) en 1721 574 Meugy et Hébert. — Notes sur les meulières du bassin de Paris. 581 et 600 Éd. Piette. — Sur les coquilles voisines des Purpurines trouvées dans la grande oolithe des Ardennes et de l’Aisne (PI. XII, XIV, XV) 587 Ch. Sainte-Claire Deville. — Sur la nature et la distribution des fumerolles dans l’éruption du Vésuve du 1er mai 1855. . . 606 G. Cotte au. — Sur une série d’Echinides des terrains jurassiques et crétacés du département de la Sarthe 640 Sæmann. — Sur les relations géologiques d’un nouveau gisement de fossiles à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) 651 Lyell. — Sur un tremblement de terre à la Nouvelle-Zélande, le 23 janvier 1855 661 Michelin. — Sur le Conoclypus conoideus 667 John Copland. — Sur la mine de cornaline de Barotch, entre Bombay et Brouda 669 A. Leymerie. — Sur le terrain jurassique des Pyrénées françaises (PI. XVI). . * 671 De Vbrneuil et Collomb. — Observations géologiques et barométriques faites en Espagne en 1855 674 J. Kcechlin-Schlumbergkr. — Études géologiques dans le Haut-Rhin. — Terrains jurassiques 729 Béunion extraordinaire à Joinville (Haute-Marne) 787 Perron. — Note sur l’étage portlandien dans les environs de Gray, et sur les causes de la perforation des roches de cet étage. . . 799 G. Cotteau. — Sur les Echinides du terrain jurassique supérieur de la Haute-Marne 817 A. Buvignier. — Rectification de quelques erreurs commises dans la description de fossiles nouveaux dans le département de la Meuse 841 A. Buvignier. — Note sur les calcaires à Astartes et l’étage jurassique moyen de la Meuse et de la Haute-Marne. ...... 843 Dr de Fromentbl. — Note sur les polypiers fossiles de l’étage portlan- dieu de la Haute-Saône. . . 851 A. Meugy. — Note sur le synchronisme de formation entre les minerais de fer géodique de Joinville et de Vassy, et ceux de la Belgique et du nord de la France 879 FIN DE LA TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANGE. TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS POUR LE TREIZIÈME VOLUME. (DEUXIÈME SÉRIE.) Année 1855 à 1856. A Ain. Reptile fossile de Cirin , et terrain tertiaire supérieur de la Bresce, p. 598. Aisne. Sur les coquilles ailées de la grande oolithe. p. 85. — Sur les co- quilles voisines des Purpurines de la grande oolithe, p, 587. Algérie. Sur les gîtes d’émeraude de la haute vallée de l’Harrnch, p. 3o, 4.16. — Oursins ne perforant pas les roches sur les côtes, p. 46. — Notice minéralogique sur le cercle de La- ghouat, p. 366. — Id. sur la pro- vince d’Alger, p. 399. Angleterre. Oolithe de porlland , p. 798. — Etage oolithique moyen, p. 836. Antilles, Oursins tertiaires de la Jamaï- que, p. 222. Arabie, Sur le Gehel-Nakous ou mon- tagne. sonore dans la presqu’île du S inaï, p. 389 Archiac (d’). Tableau des terrains des Gorbières, p. 12. — Sur quelques points de leur orographie et de leur géologie, p. 173. — Observations, p. 124. B Ardennes . Sur les coquilles ailées de la grande oolithe, p. 85. — Sur les grès basiques d’Aiglemont et de Rimogne, p. 188. — Sur leliasinférieur, p. 207. — Sur les coquilles voisines des Pur- purines, delà grande oolithe, p. 587. — Nodules de phosphate de chaux dans la craie de Réthel, p. 604. Ahgeliez. Sur le lias de i’Aveyro n, p. 186. Arriens. Ascension au volcan du Kloed dans l’île de Java, p. 56o. Aube. Sur le calcaireà Astarles, p. 838. Aude, Tableau des terrains des Gor- bières, p. 12. — Sur quelques points de l'orographie et de la géologie des Gorbières, p. 170, 175. — Ossements humains et débris d’industrie dans le diluvium de Bize, p. u3. — Echi- nodermes des Corbières, p. 36o. Aurores boréales. Leur parallèle avec les tremblements de terre et le magné- tisme terrestre, mis en rapport avec le relief et la géologie du globe ter- restre, p. 466. Aveyron. Sur le lias de Milhau, p. 186. Barrandr. Caractères distinctifs des Naulilides, Goniatides et Ammoni- des, p. 372 et 658. — Sur le genre Nothoceras, p. 38o.— ■ Sur quelques TABLE DES MATIERES ET DES ACTEURS. 89$ nouveaux fossiles dans le bassin silu- rien <îu centre de la Bohême, p. 53a. — Sur des empreintes de l’Orne, p. 5jo. — Observations, p. 3oo, 38p. Bayle. Sur le Listriodon sp tendent et antres mammifères de la Mollasse du Gers et de la Chaux-de-Fonds (Suisse), p. 24. — Sur le Sphœrulites fdiaccus, p. 71. — Sur le lladiolites Jouanneti , p. 102. — Sur le Radiotites eornu-pastorisf p. 139. — Observa- tion, p. 389. Belgique. — Sur des minerais de fer géodique, p. 879. Bibliographie, p. 5, 57, 101, ia3, 15g, 162, 176, 221, 3o5, 568, 392, 4^8, 567, 585, 6o5, 643, 659. Bohême. Parallèle de ses terrains silu- riens avec ceux de la Scandinavie, p. 461. — Nouveaux fossiles du bas- sin silurien central, p. 53a. Boubée. Observations, p. 36, 70, i58, 392, 64a. Boni. Sur les mines de Maïdan-Prk (Servie), p. 63. — Parallèle des trem- Cailuàud. Sur les terrains tertiaires inférieurs de la Loire-Inférieure, p. 36. — Sur la perforation des grès par les Oursins, p. 4^. Céphalopodes. Sur les Ammonites an- ceps et pustulatus, p. 1 1 5. ■ — An- cylocéras? du lias des Ardennes, 20t. — Caractères distinctifs des autilides, Goniatides et Ammoni- des, p. 372, 658. — Genre Notho- céras, p. 38o. — Orllioceras corn- plexum , p. 584* — Observations sur diverses espèces du Haut-Rhin , P» 7^7» 7 7^» 775. — Rectification d’une espèce, p.842. Charpentier (J. de). Notice nécrolo- gique sur lu:, p. 1 7. Cher. Ooiithe inférieure de Nérondes, p.398. Chlorophœnerite . Nouveau silicate, p. 222. Coccht. Description des terrains ignés et sédimentaire» de la Toscane, p. 226. — Observation, p. 3oo. Collomb et de Verneuil. Itinéraire géognostique dans le S.-E. de l’Es- pagne, p. 674. — Tableau de mesu- res hypsométriques dans cette partie, p. 7*7* Comptes du trésorier , p. 12, 160, 466» Soc. gcol ., V série, tome XI hlements de terre, des aurores bo- réales et du magnétisme terrestre mis en rapport avec le relief et la géolo- gie du globe terrestre, ainsi qu’avec les changements éprouvés par sa sur- face, p. 466. Brachiopodes nouveaux du lias des Ar- dennes, p. 207. — Observations sur diverses espèces du Haut-Rhin, p. 738. Brêt'.l. Nouvelles recherches sur les sables diamantifères, p. 642. — Nou- veaux minéraux. Budget pour i856, p. 3p3. BuvigniBr. Sur le calcaire portlandien de la Haute-Marne et de la Meuse, p. 793, 8x5. — Rectification de quelques erreurs commises dans la description des fossiles nouveaux de la Meuse, p. 84 1. — Sur les calcaires à Astartes et l’étage jurassique moyen de la Meuse et de la Haule-Marne, p. 843. — Sur lesalluvions de Sainl- Dizier (Haute-Marne) et de la Meuse, p. 870, 876. — Rapport sur la gestion en i85 5, p. 527. — Conversion des rentes de la Société, p. 3yo. Conchifères nouveaux du lias des Ar- dennes, p. 206, — Sur les gryphées du lias, p. 2i3. — Ostrca Pillce de Toscane, p. 274. — Observations sur diverses espèces du Haut-Rhin , p. “3 r, 733, 739, 745, 774. — Rec. tification de diverses espèces, p. 84 1. Copland (John). Sur la mine de cor- naline de Barotcb, entre Bombay et Brouda, p. 669. Cornaline. Mine de Barotcb près de Bombay, p. 669. Cobnckl. Remerciement à la Société, p, 788. — Résumé sur l’étage port- landien, p. 791. — Id. néocomien, p. 792. — Sur des minerais de fer remaniés de la Haute-Marne, p. 884. Cotte au . Sur les Êcbinides fossiles de la Sarthe, p. 646. — Id. du terrain jurassique supérieur de la Haute- Marne, p. 817. — Sur l'étage juras- sique moyen de l’Yonne et de la Haute-Marne, p. 834, 838. — Sur l’assi»e supérieure du terrain néoco- mien de la Haule-Marne, p. 877. Cotteào et Leymbhik. Catalogne de Ecbinides fossiles des Pyrénées cl I. ' 57* TABLE DES MATIERES 894 description des espèces nouvelles , I Crète. Sur sa constitution géologique P- 3 19. I p. 439. D Dalmatie. Sur ses formations géognos- tiques et sur quelques nouvelles es- pèces de Rudistes, p. 127. Damoub. Sur un sable magnésien des environs de Ponl-Sainte-Maxence (Oise), p. 67. — Nouvelles recher- ches sur les sables diamantifères du Brésil, p, 542. — Observation, p. 71. Delahoue. Observation, p. i58. Dkscloizbaux. Observation, p, 417. Dbshayes. Surla prétendue perforation des roches par les Oursins, p. 4 7* — Observation, p, 389. Desnoyees. Sur les sables des environs de Nogent le-Rolrou (Eure-et-Loir), p. 177. — Observations, p. 117,134* Deville (Ch. Saintb-Clairb). Sur les Eaux jaillissantes de la province d’Al- ger, p. 4o8. Eaux minérales de la province d'Alger, p. 409. Ebray. Accidents géologiques survenus pendant la formation de la craie tuffeau du Poitou et de la Touraine, p. 5i. — Etude comparative des Ammonites anceps et pustulatus , *p. 1 1 5. — Comparaison des oolilhes inférieures du S. et du S, -O du bassin anglo-parisien, p. 5g5. Echirûdes perforant le granité sur la côte delà Loire-Inférieure, p, 43. — ne perforant pas les roches sur les côtes d’Algérie, p. 46. — Catalogue de ceux des Pyrénées et description des espèces nouvelles, p. 319. — Considérations géognostiques, p. 555. — Sur ceux de la Sarthe, p. 646. — Sur le Conoclypeus conoidcus , p. 667. Echinides du terrain jurassique supé- rieur de la Haute-Marne, p. 817. — Salenia Prestensis de la Ha ale- phénomènes volcaniques de l'Italie, p. 5g. — Sur la carie de la Guade- loupe, p. ii3.- — Sur la nature et la distribution des fumerolles dans Pé- ruption du Vésuve du ifr mai i855, p. 606. — Observation, p, 71. Diamant. Recherches sur son origine, p, 5i2. — Nouvelles recherches sur les sables diamantifères du Brésil, p. 542. Diorites de la Toscane, p. 268, 296. — de la Crète, p. 449- Dotomie sableuse tertiaire de l'Oise, p. 67. Dubocukr. Aperçu de son ouvrage sur la Scandinavie, p. 3o6. — - Observa- tion, p. 36. Marne, p. 878. Ecosse. Terrains de transition, p. ai. Elections , p. 160. — De la session ex- traordinaire. p. 788. Elte de Beatmont. Coupe théorique du lias dans le pays de Luxembourg, p. 319. — Observations, p. 71, 186, 507, 4 1 7- Emprein tes dite? Pas-de-bœuf, de l’Orne, p. 568. Espagne , Itinéraire géognostique dans le S.-E., p. 674. — Tableaux de mesures hypsométriques, p. 717. Etats-Sardes. Nouvelles scientifiques, p. 660. Etats-Unis. — Sur la paléontologie du Missouri, p, 3o2, Etres organisés. — Explications rela- tives à une note sur leur succession, p. 60. Eure-et-Loir. — Sur les sables crétacés de Nogent-le-Rotrou, p. 1 18. -— Sa- bles tertiaires du même lieu, p. 177. F Favrk. — Recherches sur Ses minéraux artificiels et l'origine des diamants, p. 307. Feijao. — Nouveau silicate du Brésil, p. 546. I Fer titané tantaüfère du Brésil, p. 55 1. Finistère. — Granité à pinite, p. 58o. Fbombhtel (db). Note sur les polypiers fossiles de l’étage portlandien de la Haute-Saône, p. 85 1. ET DES AUTEURS. 895 G Gaïixahdot. Couches à nummulites en Syrie, p. 538. Gastéropodes. Sur les coquilles ailées nouvelles de la grande oolithe de l’Aisne, des Ardennes et de la Mo- selle, p. S5. — Des grés nouveaux du lias des Ardennes, p. aor. — Sur les coquilles voisines des Purpurines trouvées dans la grande oolithe des Ardennes et de l’Aisne, p. 58j. Gers . Sur 1 \iListriodon splendcns , p. a 6. HtiBBBT. Sur le lias inférieur des Ar- dennes, p. 207, — et sur les gry- phées du lias, p. 21 3. — Sur les meulières de Juvisy, p. 600. — Ob- servations, p. 43» iî4» *58, 219, 38y, 438, 439, 58a, 584, 6o3. Helubhsen. Nouvelles scientifiques de l’empire russe, p. i3. UüESNES. Sur les espèces marines sub- ]nde. Mine de cornaline de Barotch près Bombay, p. 669. Jekzsch. Sur la Chlornphænérite , la l’amygdalophyre de Saxe, p. 222. Kssvskeling (de). Sur la succession des êtres organisés dans les couches sé- dimcnlaires, p. 60. KcECHLlH-SciILCMRKRGBH. ÉtudcS geO- logiques sur les terrains jurassiques du Haut-Rhin, p. 729. — avec des notes sur des mollusques fossiles, no- Landes. Considérations géognostiques sur leurs échinodermes, p. 3 6h. La kza. Sur les formations géognos- tiques de la Daîmatie et sur quelques Granité de Toscane, p. aSo, 271, 39?. A Huelgoal (Finistère), p. 58o. Gras (Scipion). Observation, p. »58. Grèce. Terrain à coquilles subfossilss de l’Isthme de Corinthe, p. 671. Ghbssly. Saurien du canton de Bâle, p. 569. Gbtffith. Sur la carte géologique d’Irlande, p. 164. Gypse de la province d'Alger* p. 40ï« fossiles de Kalamaki, pr ès Corinthe, p. 57i. Homme . Ses débris dans le diluvium de l’Aude, p. n3, 169. Hugard. Sur une description de la ga- lerie de minéralogie et de géologie du Muséum de Paris, p. 126. — Sur le manuel de géologie élémentaire de Lyell, p. 644. Irlande. Sur la carte géologique, p. 1 64 - Wcissigite et le Feldspath bleu de tamment sur le Lima duplicata , p. 739. — Id. sur le terrait» sidéroli- thique éocène, p, 747* — Note sup- plémentaire sur les terrains jurassi- ques, p. 769, — Avec des notes sur diverses espècesd’Àmmoniles, p.773. Radiolitee et Hippurites, p. 127. Lardy. Notice nécrologique sur J. de Charpentier, p. 17. Lacgkl. Sur un globe terrestre avec le 896 TABLE DES MATIERES réseau pentagonal de M. E. de Beau- mont, p.T65. Lbvallois. Sur le grès du lias dans le N.-E. de la France, p. aig. — ■ Ob- servation, p. ï 58. Leymbrie. Considérations géognosti- ques sur les échinodermes des Pyré- nées, p. 355. — Coupe du terrain ju- rassique des Pyrénées, p. 671. Leymkbik et Cottkàu. Catalogue des écliinides fossiles des Pyrénées et des- cription des espèces nouvelles , p- 019. Lignite» de la province d’Alger, p. 4»o. Liuur (de). Sur un granité d'Huelgoat (Finistère), p. 5So. Loire-ln fcricure. Terrains tertiaires in- férieurs, p. 36. — Oursins perforant le granité sur les côtes, p. 43. Lory. Sur des Oursins perforant le granité sur les côtes de Bretagne , p. 43. Lyell. Sur les effets du tremblement de terre du 20 janvier i855 à la Nou- velle-Zélande, p. 661. M Magnétisme terrestre. Son parallèle avec les aurores boréales et les trem- blements de terre mis en rapport avec le relief et la géologie du globe ter- restre, p. 466, Maine-et-Loire. Sur les couches oxfor- diennes de Montreuil-Bellay, p. 65 1. Mammifères fossiles. Sur le Listriodon splendens , p, a4- Manche. Terrain silurien à Cherbourg, p. 5o4. Mandchourie. Existence d'un volcan continental, p. 5j4- Marbres de la province d’Alger, p. 4oo. Marcel de Serres. Sur les ossements humains et les débris d’industrie, du diluvium, p. n3. — Des ossements humains des cavernes et de l’époque de leur dépôt, p. 169. Marne (Haute-). Réunion extraordi- naire delà Société, à J oinville, p. 787. •—Etage oolithiquc moyen, p. 819- 34. — Calcaire à Astartes, p. 843. — Calcaire portlandien, p. 791, 790, 840, 865. 882. — Sur les échinides du terrain, jurassique supérieur, p. 817. — Étage néocomien, p. 792, 84o, 864, 866, 869, 877, 879, 883. — Gault, p.868.— Alluvions, p. 870, 874, 884. Membres nouveaux, p. 57, ia4, i58, 16a, 176, 320, 458, 566, 6o4» 659, 791, 84o. Mecgy. Sur le gisement, l’âge et le mode de formation des terrains â meulières du bassin de Paris, p. 417, 5Si, 602. — Nodules phosphatés de la craie de Réthel (Ardennes), p, 6 o4. — Sur des minerais de fer géodiques du N. de la France et de la Belgique, p. 879. — Observation, p. 438*. Meuse. Calcaire portlandien, p. 793, 816, — Rectification des noms de divers fossiles, p. 841. — Sur le cal- caire à Astartes, p. 843. — Ancien cours de la Moselle, p. S72, 876. — Minerai de fer de Grandpré, p. 880. Michel. Note géologique sur la Do- broudcha, entre Rassowa et Kus- teudjé, p. 53g. Michelin. Sur deux oursins tertiaires de la Jamaïque, p. 222. — Sur le Conoclypeus conoideust p. 667. — Observation, p. 438. Minéraux. Produits artificiellement, p. 3o7. Ministre de l'instruction publique, p. 164. Mines métalliques de la province d’Al- ger, p. 4i3. Moselle. Sur les coquilles ailées de la grande oolithe, p. 85. — Position du grès d’Hettange, p. 319. Mubchisoh. Survie lerraïn de transition du nord de l’Écosse, p. ai, S N Naples C Royaume de). Sur la nature et la distribution des fumerolles dans l’éruption du Vésuve du ier mai i855, p. 59, 606. Nouvelles scientifiques de l’empire russe, p. i3. — Des États Sardes, p. 660. Nouvelle-Zélande. Tremblement de terre du a3 janvier î 855 , p. 66t. ET DES AUTEURS, 897 Oise. Sable magnésien de Pont-Sainte- Maxence, p. 67. Omalius d'Halloy (d’j. Observations. p. 218, 220. Orne. Sur les empreintes, dites Pas-de- bœuf, des Vaux d’Aubin, p. 568. Paris ( Bassin de). Gisement, âge et mode de formation des terrains à meulières du bassin de Paris, p. 4*7? 58 1, 600. — Terrain d’alluvion, p. 872. Perron. Note sur l’étage portlandien dans les environs de Gray (Haute- Saône), et sur les causes de la perfo- ration des roches de cet étage, p. 799. Phosphate de chaux en nodules dans la craie de Réthel (Ardennes), p. 604. Phosphates d’Yttria , du Brésil, p. 548. Pictkt. Sur les chéloniens de la mol- lasse Suisse, p. 790. PiETXfî. Sur les coquilles ailées de la grande oolithe de l’Aisne, des Ar- dennes et de la Moselle, p. 85.— Sur les grès d’Aiglemont et de Ri- mogne, p. 1 88, — et sur leurs nou- veaux fossiles, p. 201. — Sur les co- quilles voisines des Purpurines trou» vées dans la grande oolithe des Raülijv. Sur quelques points de l’oro- graphie et de la géologie des Corbiè- res, p. 170. — Note sur la constitu- tion géologique de l’île de Crète , p. 439- Reptiles. — Fossile nouveau de Cirin (Ain), p. 599. ~ Chéloniens de la mollasse Suisse, p. 790. Rhin (Haut-). Etudes géologiques sur le terrain jurassique, p. 729. — Notes supplémentaires, p. 769. — -Sur le terrain sidéroiiihique éocène, p. 747. Rigaüt. Observation, p. 439. Rover (E.) Sur le terrain jurassique moyen de Soleure, p. 81 3, — Id. de Ardennes et de l’Aisne, p. 587. Planches du Bulletin , 1, p. 71 : II, III, IV, V, p. 85; VI», p. 102; VII, p. 118; 4 111, p. 127; IX, p. 139 ; X, p. 188 ; XI, p. 226 ; XII, p. 372; XIII, XIV, XV, p. 587; XVI, p. 671. — Figures sur bois. Plans : p. 612. — Vues : p. 391, — Coupes : p. 34, 54, 55, 219, 396, 397, 676, 682, 683, 69L, 704, 709, 735, 745, 770. 835, 881. — Fossiles : p. 1 16. Porphyres deSaxe, p. 222, — de Tos- cane, p. 283, 296. Prévost (Corstant ). Observation, p. 124. Provence, Argile à plicatules, p. 878. Pyrénées. Catalogue de leurs échinides et espèces nouvelles, p. 319. — Con- sidérations géognostiques sur leurs échinodermes, p. 355. — Coupes du terrain jurassique, p. 671. la Haute-Marne et de l’Yonne , p. 819. — Id. de l’Aube, p. 839.— Observation, p. 8-4. Rovs (dr). Sur desalluvions de Seine- et-Marne et de la Haute-Marne, [). 872, 874. — Observations, p, 438, 439, 874, 878. Rudistes. Observations sur le Sphœru - lites foliaceus , p. 71. — îd. sur le Radioliles Jouanneti, p. 102. — Sur quelques nouvelles espèces de la Da I- matie, p. 127. — Sur le Radiotites cornu-pastoris, p. 1 5p. Russie. Nouvelles scientifiques de l’em- pire, p. i3. Sæmanw. Note sur les relations géolo- giques d’un nouveau gisement de fos- siles oxfordiena de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), p. 65 1 - — Obser» valion, p. 658. Saltbr. Sur des empreintes d’animaux 698 TABLE DES MATIÈRES des quarlxiles d’ Argentan (Orne), p. 568. Saône {Haute-). Sur l’étage porllandien des environs de Gray, et les causes delà perforation de ses roches, p. 709. — Sur les polypiers de l’étage port- landien. p. 85 1. Saône-et-Loire. Terrain néocomien près de Chalon-sur-Saône, p. 599. Sarthc. Ech inides fossiles jurassiques et crétacés, p. 646. Savoie. Terrains jurassiques qui entou- rent le massif du Mont-B'anc, p. 64. Scandinavie. Indication d'un mémoire géologique de M. Duroeher, p. 3o6 — Parallèle de ses terrains siluriens avec ceux de la Bohême, p. 46 1. Scyff. Voyage au Bator, volcan de l’île de Bali, p. 554. Sel gemme. Salines de la province d’Alger, p. 4o4* Skmknoff (de). Sur un volcan de la Mandchourie, p 574. Terrains d’alluvion de la Toscane, p. 284. — De Laghouat (Algérie), p. 368. — De la Crète, p. 456. — De la Dobroudcha (Turquie), p. 53g. — - A coquilles subfossiles de l’isthme de Corinthe, p. 571. — Dans le bassin de Paris, p. 872. — Dans la Haute- Marne, p. 870, 8j4, 884- Terrain anthracifère dans les Alpes de la Suisse, p. 146. Terrain crétacé. Craie tufeau de la Vienne, p. 5i. — De la Dalmalie. p. i3'i. — Des Coi bières, p. 170, 174. — De la Crète, p. 449* — De la Dobroudcha (Turquie), p. 539. — Minerai de fer de Granrlpré (Meuse), p. 880. — Réunion extraordinaire de la Société dans la Haute-Marne ; di- vers articles, p. 792 à 8N3. Terrain crétacé à émeraudes de l’Algé- rie, p. 3o. — De Laghouat (Algérie), p. 567. Terrain jurassique de la Dalmalie, p. 1 35. — Lias de Mühau, p. 186. — Grès basiques d’Aiglemont et de Rimogue (Ardennes) , p. 188. — Lias inférieur des Ardennes et Gry- phées du lias, p. 207. — Sur le grès de Luxembourg, p. 218. — Lias et terrain oolilhique de Toscane, p. 237. — Oolithe inférieure de la Vienne et du Cher, p. 3g5. — Couches oxfnr- Serpenlines de la Toscane, p. 260, 296. - De la Crète, p. 449* A. Sismonda. — Sur la géologie des en- virons du massif du Mont-Blanc, P 64. Shumard. Indications sur la paléonto- logie du Missouri, p. 5oi. Sonde {Iles de la). ^ oyage au Bator, volcan de l’îie de Bali, p. 554. — Ascension au volcan du Kloed (Java), p. 56c. Soufre de la province d’Alger, p. 4*2. Studer. Sur le terrain anthracifère des Alpes de la Suisse, p. i 46. 1 Suisse. Mammifères fossiles de la mol- lasse de la Chaux-de-Fonds, p. 24. — Sur le terrain anthracifère dans les Alpes, p. 1 46. — Chéloniens de la inollassp, p. 790. — Absence du cal- caire rortlandien dans le Jura Suisse, p. 8.3. Syrie. Terrain à nummulites, p. 538. diennes de Montreuil-Bellay (Maine- et-Loire), p. 65i . — Coupes du ter- rain jurassique des Pyrénées, p. 67s. — Terrain jurassique de Murcie, p. 7 1 3. — Etudes sur celui du Haut- Rhin, p. 729, 769. — Réunion ex- traordinaire ; sur diverses parties de celui de la Meuse. Haute-Marne, Aube, Yonne, Haute-Saône, Suisse . Volcans de Ralor dans {‘île de Bali (Sonde), p. 554- — Du Kloed (Java), p. 56o. — ■ De la Mandchourie, p. 574. — Sur la nature et la dis- tribution des fumerolles dans' l’érup- tion du Vésuve, du ter mai 18 5 5, p. 59, 606. w Walperdin. Sur les échelles thermo- presqu’île du Si naji, p. 389. métriques, p. 789. TVeissigite. Nouveau minerai, p. 22^ Waro. Sur le Gebel Nakous dans la Y Yonne. Sur l’étage oolithique moyen, p. 819-24,834. — Calcaire à Astarles, p. 838. Z Zoophytes. Sur les polypiers fossiles de l’étage portUmdien de la Haute-Saône, p. S5i. FIN DE LA TABLE. 900 LISTE DES PLANCHES. Liste des planches. î, p. 71. Baylb. Sphcerulites foliaceus. II, III, IV, V, p. 85. Piettb. Coquilles ailées de la grande oolithe de PAisne, des Ardennes et de la Moselle. VI, p, ioa. Baylb. Radioiites Jouanneti, VII, p. 118. Trigbb. Coupes géologiques des environs de la Ferté-Bernard et Bonnétable. VIII , p. 127. Lanza. Radioiites turbinata et Hippurites arborea de la Dalmatie. IX, p. i3ç). Bayle. Radioiites cornu-pastoris. X, p. ’i88. Piettb. Coquilles fossiles des grès basiques d’Aiglemont et de Rimogrie ('Ardennes). XI, p. 226. Cocchi. Coupes géologiques de !a Toscane. XII, p. 372. Babbandk. Nothoceras bohemicum et Orthoceras eomptexam de Bohême. XIII, XIV, XV, p. 587. PiEXi'B. Coquilles voisines des Purpurines, de la grande oolithe des Ardennes et de l’Aisne. XVI, p. 671, Lf.ymbrib. Coupes du terrain jurassique des Pyrénées françaises. i5, 4», 64, 65, 66, 17c 222, 22,3, •226, 226, 262, 324. 4 5 o, 769» 836, 841, 679* ERRATA . Ligne* 6, au lieu de : gaultiana, lisez : gaultina. 6, en remontant , au lieu de : la craie de Croisic, lisez : la baie de Croisic. 4, en remontant, au lieu de: Bec de Pona, lisez: Becca de Nona„ 4, au lieu de: Col de la Balme, lisez: Col de Balme. 21, au lieu de : bois Saint-Maurice, lisez : Bourg-Saint Maurice. — au lieu : du bois Saint-Maurice , lisez : du bourg. 16, au lieu de : pic du Fours, lisez: pic des Fours. 5, au lieu de : fecuiüis, lisez : recueillis. i5 et 20, au lieu de: Canoclypus, lisez : Conoclypus. 2, au lieu de : métaphyses, lisez: mëlaphyres. 9, au lieu de : Hodeberg, lisez: Radeberg. 9, au lieu de : quartz, lisez ; et Babylone quartz. 20, au lieu de: Impruncta, lisez: Impruneta. 1, au lieu de: Noyau, lisez: Royan. dernière, au lieu de : Vian, Usez: Via no. i5. en remontant , au lieu de : Nagelfluch, lisez : Nagelfluh, 8 et iG, au lieu de : Nathuin, lisez : Natheim. 12, en remontant, au lieu de: {luxueux, lisez : flexueux, î, au lieu de : drestensis, lisez : Prestensis. 4, au lieu de: Dresta, lisez: la Presta.