Natural History Muséum Library 000233049 Mrmm ! I ■ SOCIETE GÉOLOGIQUE mm Soc. gêol., 2e série , tome XIV, \ &64~ PARIS. — IMPRIMERIE DE L. MARTINET, IMPRIMEUR DE LA SOCIETE GÉOLOGIQUE DE FBANCE, RUE MIGNON, 2. ÆulWttn DE LA SOCIÉTÉ DE FRANCE. ëome J2sua£o?*z>('0tne. 'eitœt&me C? e/< te 1856 a 1857. $ÀlUIia» A U LIEU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ, BUE DU VIEUX-COLOMBIER, 7t{, 1857 I b & b & b b a bu* 12 DE FRANCE. Séance du 3 novembre 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part deM. le ministre de la justice, Journal des savants , juin, juillet, août et septembre 1856. De la part de M. Ed. Beltrcmieux, Description des falaises de l’Aunis, in-8, 16 p., 1 pi., La Rochelle, 1856. De la part de M. A. Boué, Sur rétablissement, de bonnes routes et surtout de chemins de fer dans la Turquie d’ Europe , in-8, 52 p., Vienne, 1852 • chez G. Braumüller. De la part de M. Frédéric Cailliaud : 1° Observations sur les Oursins perforants de Bretagne (exlr. des Annales de la Société académique de la Loire-Infé- rieure"), in-8, 23 p., 1 pl.; 2° Mémoire sur les Mollusques perforants ( Ouvrage couronné par la Société hollandaise des sciences à. Harlem), in-A, 58 p., 3 pl. De la pari de M. A. Damour : 1° Nouvelles recherches sur la composition de l’euklase , espèce minérale (extr. des Annales des mines , 1855, t. VIII, p. 79), in-8, 11 p.- 2° Note sur un péridot titanifère (extr. des Annales des mines , 1855, t. VIII, p. 90), in-8,- 7 p. Delà part deM. Descloizeaux, Notices minéralogiques (extr. des Annales des mines , 5e série, t. VIII, p. 386), in-8, 19 p., 1 pl. De la part de M. Eugène-Eudes Deslongchamps : 1° Note sur deux nouvelles Térébratules du lias moyen de Précigné ( Sarthe ) (extr. du t. X des Mémoires de la Société linnéenne de Normandie) , in-8, l\ p,, 1 pl . • 6 SÉANCE 1)U 3 NOVEMBRE 1856. 2° Notes pour servir a la géologie du Calvados , in -Zi, 13p., Caen, 1856; chez A. Hardel ; 3° Supplément à la Notice sur des empreintes ou traces d’animaux existant à la. surface dé une roche de grès , au lieu dit les Vaux d’ Aubin, près d’ Argentan [Orné] (extr. dut. X 'tes Mémoires de la Société linnéenne de Normandie ), in-/i, 8 p.; li° Introduction à V histoire naturelle des Brachiopodes vi- vants et fossiles ; traduit de l’anglais de Th. Davidson , in-Zi, 203 p.} 9 pl., Caen, 1856 ; chez A. Hardel. De la part de M. Ch. Sainte-Claire Deville, Dix lettres à M. Elie de Beaumont sur l’ éruption du Vésuve , du 1er /w«i!855, et deux lettres à M. Dumas sur quelques produits d’ émanation en Sicile (extr. des Comptes rendus des séances de V Académie des sciences , années 1855 et 1856), in-Zi. De la part de M. Élie de Beaumont, Expériences sur la di- rection des courants de l’océan Atlantique septentrional ( Lettre de S. A. F. le prince Napoléon à M. Elie de Beaumont , secrétaire perpétuel de l’ Académie des sciences') (extr. des Comptes rendus des séances de l’Ac. des sc . , t. XLilï, séance du 8 septembre 1856), in-Zi, 2 p. De la part de M. le professeur Forchhammer, Oversigt over det k. danske videnskabernes selsbaks forhandlinger og dets medlemmers arbeider i aaret , 1855 ; in-8, Zi3Q p. Copenhague. De la part de M. J. Fournet, Résumé des observations re- cueillies en 1855 dans le bassin de la. Saône par les soins de la Commission hydrométrique de Lyon. De la part de M. le professeur H. B. Geinitz, Geognostische Darstellung der Steinkohlen formation inSachsen mitbesonderer Beriicksichtigung des Rothliegenden , in-f°, 91 p., 12 pl., Leipzig, 1856; chez W. Engelmann. De la part de M. Gruner, Essai d’une classification des principaux filons du plateau central de la France avec indi- cation des roches éruptives et des soulèvements auxquels i./s semblent se rattacher , suivi de la description spéciale des anciennes mines de plomb du Forez (ext. des Annales de la Société I. d’ agriculture , etc., de Lyon , 1856), in-8, 103 p., 2 pl., Lyon ; chez Barret. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 7 De la part de M. de La Roquette, Notice 'biographique sur V amiral sir John Franklin , in-A, 67 p., 2 cartes, 1 portrait et 3 autographes, Paris, 1856 5 chez Martinet. De la part de M. Lockhart, Notice sur l’âge géologique des gîtes fossilifères de V Orléanais (extr. du t. II des Mémoires de la Société d’agriculture , etc. , d’ Orléans), in-8, 15 p. Orléans, 1856 ; chez Pagnerre. De la part de M. P. Mingaud, Examen d’un minerai qui présente tous les caractères de l’allophane , in-8, IA p., Mont- pellier, 18 AA. De la part de M. C. Puggaard, Deux Dues géologiques pour servir à la description géologique du Danemark , représentant les falaises de Stevens-Klint et de Moëns-Klint , 2 feuilles co- lombier, Copenhague, 1853-, chez C. A. Reitzel. De la part de M. Y. Raulin : 1° Projet de classification minéralogique (extr. d’une lettre à M. Leymerie en date du 27 avril 185A), in-8, 13 p., Rordeaux 5 chez Th. Lafargue ; 2° Catalogue des mollusques terrestres et fluviatiles, vivants et fossiles , de la France continentale et insulaire , par MM. les docteurs de Grateloup et Victor Raulin, in-8, 56 p., 2 tableaux, Bordeaux, 1855 ^ chez Th. Lafargue. De la part de M. E. Renevier, Note sur la synonymie de la Natica rotundata et remarques sur quelques points de la géologie de l’ Angleterre (ext. du Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles , vol. Y, p. 5 h et 54 [juin 1856]), in-8, 8 p., Lausanne, 1856* chez F. Blanchard. De la part de M. le comte de Rottermund, Rapport sur l’ exploration des lacs Supérieur et Hur on , in-8, 2 A p. , Toronto, 1856. De la part de M. Alexandre Yézian, Du terrain post-pyrénéen des environs de Barcelone et de ses rapports avec les forma- tions correspondantes du bassin de la Méditerranée ( Thèse de géologie soutenue devant la Faculté des sciences de Montpellier le 13 août 1856), in-8, 116 p., 1 pl. — Mollusques et zoophytes des terrains nummulitique et tertiaire marin de la province de Barcelone , in-A, 5A p., Montpellier 1856 ; cbeg Ricard frères. 8 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. Delà part de M. A. Yiquesnel, Voyage dans la Turquie d’Europe , texte, 6e livraison, f. Al-AS. De la part de M. le général Zarco del Valle, Real decreto de 56 de oct ubre de 1855 para la ejecucion de la ley de 1° de niayo del misrno ano en la parte relativa a la desamortizacion de los montes, in-8, 105 p., Madrid, 1855. De la part de M. Aimé Drian, Résumé des observations de météorologie faites entre le 1er décembre 1853 et le 1er décembre 1855, à Lyon , in-8, 15 p., Lyon; chez Rey et Sézanne. De la part de M. le docteur Duchassaing, Observations sur les formations modernes de Vile de la Guadeloupe (extr. du Bulletin de la Société géologique de France , 2e série, t. XII), in-8., 8 p. Delà part deM. Frenet, Observations météorologiques faites d 9 heures du matin à F Observatoire de Lyon du 1er décembre 1853 au 1er décembre 1855, in-8, h 9 p., 2 tableaux, Lyon*, chez Rey et Sézanne. De la part deM. le professeur Paul Gervais, Discours pro- noncé aux funérailles de M. Félix Dunal, doyen de la Faculté des sciences de Montpellier, in -A, 8 p., Montpellier, 1856. De la part de M. le docteur Sigmund Aichhorn, Geogra- phische Vertheilung des Schiefer-Schicht uncl Massen- Gebirges in Steiermark , in-12, 1 h p.,Gratz, 1856. De la part de M. J. D. Dana : 1° Address before the American association for the avan- cement of science, augustl855, in-8, 36 p., Cambridge, 1855 $ chez Metcalfe et C° ; 2° Science and the Bible ; a review of the six days of création ofp/vf. Tayler Lewis {from the Bibliotheca sacra for january 1856), in-8, 129 p., Andoyer, 1856; chez Warren F. Draper; 3° Second supplément to Dana’ s Mineralogy {from the Americ. Journ. of science and arts, vol. XXI, sec. ser.,| p. 193, march 1856), in-8, 21 p. De la part de M. le docteur H. von Dechen, Geognostische Beschreibung des Sieben gebirges am Bhein, in-8, 275 p., 1 pl., Ronn, 1852 ; chez Henry et Cohen. De la part de M. le professeur Ernst Dieffenbach, Gcologische DONS FAITS A LA SOCILTÉ. 9 Spécial harte des Grosskerzogthwn Hesseh. Section Giessen , in-8, 112 p., 1 carte, Darmstadt, 1856- chez G. Jonghaus. De la part de MM. le chevalier Franz de Hauer, Franz Fœtterle et W. Haidinger, Geologische Ubersicht der Bergbaue der ô s terreichischen Monarchie , in-A, 222 p., Wien, 1855. De la part de M. le professeur Hyrtl : 1° Einstund Jetzt der Na lu îwissensch aft in Osterreich , in-8, 15 p., Wien, 1856 j chez M. Auer ^ 2° Abschiedswort an die in IVien versammelten Naturfor- scher and Aerzte in Jahre 1856, in-8, 6 p. Wien, 1856 j chez M. Auer. De la part de M. le docteur Benedikt Kopezky, Uebersicht der Mineralwàsser urid einfachen Mineralien Steiermark's , in-A, 26 p., Gratz, 1855. De la part de M. Miguel Lerde de Tejada, Cuadro sinoptico de la Republica mexicana en 1856, 1 feuille grand-colombier, Mexico, 1856. De la part de M. R. Ludwig, Geologische Specialharte des Grossherzoglhums Hess en. — Section Eriedberg, in-8, 76 p., 1 carte et 1 pl. de coupes, Darmstadt, 1855 ; chez G. Jong- haus. De la part de M. le docteur Jos. Szabo : Erster Jahres- Bericht der A . K . Über-Recd-Schide der K ôniglich jreien Haapt- stadt O feu , in-A, Ofen, 1856. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1856 : 1er sem ., n0* 2 A à 26 5 2e sem., nos 1 à 17. Annuaire de la Société météorologique de France. T. II, 185A, Tableaux météorologiques , f. A2-AA. — T. III, 1855, Bulletin des séances , f. 30-36. Bulletin de la Société de géographie , Ae sér., t. XI, nos 65 et 66, mai et juin 1856-, t. XII, n° 67, juillet 1856. Annales des mines , 5e sér., t. VIII, Ae et 5e üy. de 1855. L'Institut, 1856, nos 1172 à 1191. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, 9e année, nos 90 à 93, juin à septembre 1856. Société impériale et centrale d'agriculture , Bulletin des séances , 2e sér., t. XI, nos 5 et 6. Mémoires de la Société d'agriculture , des sciences , arts et '10 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. belles -lettres du département de V Aube, t. XX de la collec- tion ; t. VII, 2e sér., nos 37 et 38. Journal d’ agriculture de la Cote- d’ Or, nos 1 à 6, janvier à juin 1856. Mémoires de la Société d’émulation du Doubs , 3e sér., 1er volume, 1856. Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan , t. Ier, janvier et avril 1856. Annales de la\Société d’ agriculture , sciences , arts et belles- lettres du département d’Indre-et-Loire , t. XXXIV, n° 2, juillet à décembre 1854 ; t. XXXV, nos 1 et 2, janvier à dé- cembre 1855, Mémoires de U Académie de Stanislas, 1855. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , nos 13 h et 135. Annales des sciences physiques et naturelles , etc. , publiées par la Société impériale d’agriculture , etc. , de Lyon , 2e sér., t. VI, 1854. Mémoires de /’ Académie impériale des sciences , belles-let- tres, , de Lyon. Classe des sciences (nouvelle sérié), t. III et IV. * — Classe des lettres (nouvelle sérié), t. III. Bulletin de la Société de l’industrie minérale de Saint- Etienne, t. I, IVe liv., avril, mai, juin 1856, avec un atlas de 5 pl. in-folio. Société impériale d’ agriculture , etc. , de V 'ilenciennes , VIIe année, nos 11 et 12 : VIIIe année, n° 1. Bulletin de la Société archéologique de Sens, années 1 853 et 1854. Philosophical Transactions of the royal Society of London for the year 1856, vol. 146, part. I. Proceedings of the royal Society ; vol. VIII, nos 20 et 21. Transactions o f the royal Society of Edinburgh, vol. XXI, part, III, for the session 1855-1856. Proceedings of the royal Society of Edinburgh. Session 1855-1856. The Quarterly journal of the geological Society of London, vol. XII, nos 46 et 47, may and august 1856. The Athenœum, 1856, nos 1495 à 1514. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 11 Die Entstehung and seitherige Wirksamkeit des mitlel- rheinischen geologischen Eereins , in~8, XYI p. Bulletin, de la Société vaudoise des sciences naturelles , t.V , bulletin n° 38, Verhandlungen dcr naturforschenden Gesellschafi in Basel , 3e cahier. Mémoires de la Société royale des sciences de Liège , t. X. M. Deville, en offrant à la Société douze lettres adressées à MM. Élie de Beaumont et Dumas, sur les phénomènes volca- niques de l’Italie méridionale, annonce qu’il présentera dans une prochaine séance le résumé des idées générales qu’il a dé- duites de l’observation des faits sur les lieux. M. le Président prend la parole pour exprimer les regrets de la Société à l’occasion des pertes très douloureuses qu’elle a éprouvées depuis sa dernière réunion dans la personne de quatre de ses membres : M. Constant Prévost, M. J. Haime, M. Puton et M. de Collegno. La Société, en s’associant aux regrets exprimés parM. le Pré- sident, accueille avec reconnaissance l’offre faite par M. d’Archiac de rédiger une notice sur M. J. Haime, et celle de M. le général de laMarmora, transmise par M. Delesse, de rédiger également une notice sur M. de Collegno. A la demande de plusieurs membres, M. le Président donne lecture du discours qu’il a prononcé sur la tombe de M. Con- stant Prévost. Il annonce ensuite que M. J. Desnoyers s’occupe de rédiger sur M. Constant Prévost une notice plus étendue qui sera communiquée à la Société. M. le Président soumet à la Société la proposition faite par le Conseil de nommer un vice-président en remplacement de M. J. Haime. Cette proposition est repousséeà la majorité, après une courte discussion. 12 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 18Ô6. M. le Trésorier présente l’état suivant de la caisse au 31 oc-* tobre dernier : Il y avait en caisse au 34 décembre 4 855. . 2,032 fr. 05 c. La recette, depuis le 1er janvier 4 856 , a été de . . 22,584 40 Total. . . 24,64 6 45 La dépense, depuis le 4cr janvier 4 856 , a été de 24 ,64 2 05 11 restait en caisse au 34 octobre 4 856. . . . 3,004 fr. 40 c. M. Hébert donne lecture d’un mémoire qu’il vient de termi- ner sur le terrain jurassique (1). L’auteur s’est proposé un double but : d’une part, lever les incertitudes qui se sont accu- mulées depuis quelque temps autour des limites des principaux étages jurassiques, et, d’autre part, déduire de l’observation des rivages de la mer aux différentes époques de cette période les mouvements du sol dans le nord de la France, et même dans la France entière. Les conclusions théoriques adoptées dans ce travail sont le résultatd’un nombre considérable de faits observés par l’auteur, pendant douze années, dans les différentes parties du bassin de Paris. Des descriptions détaillées, des coupes nombreuses et une coupe générale au 1G0Virô> allant de Sainte-Menehould à l’Ardenne par Monlmédy à travers toute la série jurassique, permettront au lecteur de juger par lui-même de l’exactitude des observations. M. Goquand fait la communication suivante : (4) Ce travail, présenté et déposé à l’Académie des* sciences te 3 novembre 4 856, a paru en janvier 4 857, à la librairie Hachette, sous le titre : Les mers anciennes et leurs rivages dans le bassin de Paris , ou classification des terrains par les oscillations du sol . — 4 re partie. — Terrain jurassique. "v-n/ - i. l.vrJ ‘ryjtfün/ 3i;om'm>G'iO s .s: :m ... ■•• ■ /..I ’fO -n >h->U-A)ï tUjhlli'ïl i) r. V', ; ri N •• •Vc-,,\V»iV . .mV ' î '} .uî MÉMOIRE DE M. COQUAND. 13 Mémoire géologique sur l'existence du terrain permien et du représentant du grès vosgien dans le département de Saône- et-Loire et dans les montagnes de la Serre {Jura) , par M. H. Coquand, professeur de géologie et de minéralogie à la Faculté des sciences de Besançon. On a beaucoup discuté sur la position géologique que les arkoses occupent dans les montagnes granitiques du Morvan et de la Bour- gogne. Les recherches de M. de Bonnard sur ces grèsfeldspathiques, ainsi que les travaux plus récents du colonel Rozet et d’autres géo- logues, ont eu pour résultat de démontrer qu’il en existe à divers niveaux, et que par conséquent le caractère minéralogique seul ne saurait être invoqué à priori pour établir sûrement la place qu’il convient de leur assigner. En effet, dans la chaîne qui sépare la Loire du Rhône et de la Saône, on observe des arkoses dans le terrain houiller, dans le grès rouge, dans le grès bigarré et à la base de la formation jurassique. J’ai eu moi-même l’occasion d’en signaler de très bien caractérisés au milieu de sabies tertiaires, même dans des dépôts éloignés des roches granitiques, notamment dans les environs de Parcou et de Ghalais (département de la Ch a rente]. On sait que M. Rozet (1) a introduit, dans son terrain de grès rouge ( Tothe rodtliegende des Allemands), la totalité des grès feldspathi- ques qui recouvrent une grande partie de la surface de la formation houillère, dans la vallée de la Bourbince et de la Dheune; tandis que M. Manès (2) en fait une dépendance de l’étage des grès bigarrés, en rejetant les arkoses proprement dites dans l’étage keupérien. La compagnie du Creuzot a ouvert dernièrement plusieurs puits au milieu des grès rouges, afin d’atteindre les bancs houillers dans la profondeur, et ces puits, ainsi que des sondages pratiqués sur d’autres points, ont dévoilé une épaisseur considérable que les accidents de la surface étaient loin de faire soupçonner. D’un autre côté, une com- pagnie a foncé près de Charmoy un puits au milieu des grès et des schistes bitumineux qui présentent tous les caractères particuliers des roches du véritable terrain houiller, mais dont les empreintes végé- tales découvertes à divers niveaux appartiennent pour le plus grand (4) Mémoire géologique sur la masse de montagnes qui séparent le cours de la Loire de ceux du Rhône et de la Saône, Paris, 4 840. [Mém. Soc. géol. de France, t. IV, 4 re partie , p. 53.) (2) Statistique minéralogique , géologique et métallurgique du département de Saône-et-Loire, Mâcon, 4 847, U SÉANCE DD 3 NOVEMBRE 1856. nombre à des Wçdchia caractéristiques de la formation permienne. Ces doubles recherches offraient cela de particulier, à l’époque où j’étudiais le terrain houiller de Blanzy, que la compagnie du Creuzot en choisissant pour remplacement de ses travaux les grès rouges était convaincue qu’elle s’était placée au-dessous des schistes à Walchia Schlotheimii , tandis que celle de Charmoy, dont le puits traversait les couches de ce dernier système, se croyait en plein dans le terrain houiller. Celte question controversée éveilla naturellement mon at- tention, et je fus impatient de m’assurer si je ne trouverais pas dans cette partie de la France, entre la formation houillère et les grès bigarrés, le représentant du terrain permien, dont j’avais constaté l’existence dans les environs de Rhodez (1). La solution de ce problème, outre l’intérêt spécial qu’il offrait, me permettrait, suivant toute vraisemblance, de rattacher au système géologique du Morvan une petite montagne granitique, vraie senti- nelle perdue au milieu du Jura, qui, entre les vallées du Doubs et de l’Ognon, se montre non-seulement avec le cortège des grès rouges et des arkoses que l'on remarque dans l’arrondissement de Châlons, mais de plus avec la série complète du terrain triasique. A la suite d’une communication verbale que je fis à la Société d’émulation du Doubs, sur la composition du terrain permien dans les départements de l’Aveyron et de l’Hérault (2), M. Pidancet visita de nouveau la forêt de la Serre, près de Dole, et annonça avoir ren- contré dans un grès que lui et moi regardions en 1833 comme étant du grès bigarré, plusieurs végétaux fossiles parfaitement conservés, entre autres les Walchia Schlotheimii , qui ne iui laissaient aucun doute sur l’existence du terrain permien dans le Jura. L’objet de cette notice n’est point de fournir une description dé- taillée du terrain permien de l’arrondissement de Châlon, mais bien de confirmer par quelques faits nouveaux, et par la découverte de fos- siles dont la détermination est rendue facile par leur bonne conserva- tion, l’opinion émise déjà par M. Rozet, que le terrain permien existe dans cette partie de la France, et de démontrer surtout que l’îlot gra- nitique recouvert par la forêt de la Serre, dans le département du Jura, est une dépendance, au point de vue de ses particularités et de ses affinités géologiques, des montagnes du Morvan, plutôt que des (1) H. Goquand, Description géologique du terrain permien du département de l’Aveyron et de celui des environs de Lodève ( Hé- rault) [Bull. Soc. géol. de France , 2e série, t, XII, p. 128. (2) Mémoires de la Société d' Émulation du département du Doubs. 2e série, vol. VI, 4 854, 2° livraison, p. XXII. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 15 montagnes des Vosges ; avec cette différence pourtant, que ie mu- schelkalkest très bien représenté dans la Serre, tandis qu’il est presque complètement effacé dans le département de Saône-et-Loire, si tou- tefois il y existe. La comparaison de ces deux régions est indispen- sable pour atteindre le but que je me suis proposé. Le bassin houiller de Blanzy et du Creuzot a la forme d’une ellipse dirigée du N.-E. au S. -O., et dont les extrémités du grand axe, qui est sensiblement parallèle au canal central, aboutissent à la Loire et à la Saône. Celte direction prolongée passe sans déviation par le centre de l’îlot granitique de la Serre, et rencontre le massif du terrain de grès rouge compris entre Belfort et Giromagny/au pied des Vosges : elle se confond sensiblement avec î’orienlation du système du Rhin. Une ligne de faîte, qui le traverse longitudinalement dans presque toute son étendue, établit un double pendage en sens opposé, et fait que les cours d’eau deviennent tributaires, partie de l’Océan, partie de la Méditerranée. Ce bassin est recouvert presque complètement par un manteau puissant de grès à éléments feldspathiques, et d’argiles de couleur généralement rougeâtre, qu’à l’exception de M. Rozet les géologues, qui ont écrit sur cette contrée, ont classé dans l’étage des grès bigarrés. Leur épaisseur est considérable, car le puits de re- cherche creusé à la Gaîté, entre Blanzy et Montcenis, a atteint la pro- fondeur de plus de cent mètres, sans avoir recoupé de formations plus anciennes. À partir de Perrecy, entre Toulon et Charolles, jus- qu’à Saint-Bérain, on voit les grès s’appuyer directement sur lés cou- ches du terrain houiller, sans qu’on remarque aucun passage entre eux. Leur indépendance réciproque est manifeste ; mais au centre même du bassin, entre Sauvigne et Saint-Eugène, et entre Blanzy et Charmoy, on observe un système puissant de grès grisâtres micacés alternant avec des argiles de même nuance, et supportés par des ar- giles brunes et bitumineuses. Ce système court sous forme de bandes étroites parallèles à la direction générale du bassin. Dans la carte géo- logique delà France il a reçu la teinte spéciale au terrain houiller, tan- dis que dans la carte géologique du département de Saône-et-Loire il est confondu avec l’étage des grès bigarrés. Or ces grès et ces schistes bitumineux, dont l’épaisseur paraît être très grande, et qui, comme le démontre le puits en voie de foncement à Charmoy, sont incontes- tablement inférieurs au manteau des grès rouges, contiennent à Charmoy même, et dans la carrière des Thérots, près de la Gaîté, une quantité considérable de plantes fossiles, dont les plus abondantes sont les Walchia Schlotheimii et kypnoides , ainsi que des Fou- gères et des Calamites ; mais ces derniers fossiles sont plus rares, et on Ses recueille surtout dans les schistes de Charmoy, qui sont infé- 16 SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1856. rieurs aux grès des Thérots. J’ai trouvé aux Thérots des rameaux de Walchia terminés par des fruits qui consistent en des cônes oblongs revêtus d’écailles imbriquées. Le terrain de grès bigarré de M. IVianès (1), composé des argiles schisteuses à Walchia , ainsi que des grès rouges supérieurs, dont M. Rozet fait le Tothe rodtliegende , consiste en : Poudingues à fragments d’eurites, de granités et de gneiss, réunis par un ciment de grès fin (au nord de la Coudrave) ; Grès blanc à grains moyens ; Grès quartzo-feldspathique très siliceux (Montcenis); Psammites mica'cés grisâtres avec impression de plantes (Mont- cenis) ; Marnes schisteuses, rougeâtres, très micacées (route de Blanzy à Montcenis) ; Enfin, en argiles schisteuses noires, avec empreintes de roseaux et de fougères, etnodules de fercarbonaté. Ces argiles, dont les environs de Charmoy fournissent un bon exemple, constituent au milieu de la formation une bande continue, qui s’étend du puits près Saint-Ro- main à l’étang de Martenet, aux Chaumes, à la Coudroye, à Saint- Nizier et aux Mâchurons. Comme les grès grisâtres micacés de la carrière des Thérots, qui alternent avec des marnes feuilletées, contiennent en très grande abondance les Walchia Schlotheimii et hypnoides , qui caractérisent les ardoises permiennes des environs de Lodève, et que celles-ci con- stituent le second terme de cette formation, la superposition ainsi que l’identité des fossiles permet d’assimiler ces deux localités et de les placer sous le même horizon géologique. On peut donc admettre rai- sonnablement que les argiles schisteuses noires avec empreintes de fougères dans les environs de Charmoy forment le troisième terme du système permien, et occupent la même position que les schistes bitumineux et les dolomies de Lodève. Les conglomérats et les pou- dingues, qui, dans cette dernière localité, sont la base du permien, seraient les équivalents des poudingues, qui s’appuient sur le ter- rain houiller dans Saône-et-Loire. On trouverait une ressemblance analogue pour les étages moyen et inférieur que j’ai établis dans la formation permienne des environs d’Alboy, où le fer carbonaté en rognons a été également signalé. M. Manès (2) annonce que les poudingues, les grès résistants et les arkoses qui existent à la partie inférieure de la formation avec (1 ) Loc. cit. , p. 122. (2) Loc. cit p. 123. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 17 psammites et argiles schisteuses, sont quelquefois assez difficiles à distinguer de la partie supérieure de la formation houillère avec la- quelle ils offrent alors des passages, tandis que les grès blancs ou nuancés de diverses couleurs et les marnes schisteuses rougeâtres qui s’observent à la partie supérieure présentent quelquefois de très grandes ressemblances avec les marnes irisées. C'est dans des condi- tions à peu près identiques que se trouve le terrain permien des en- virons de Rhodez, où des argiles bitumineuses avec impressions végé- tales sont intercalées entre des conglomérats quarlzeux (1er étage per- mien) et des calcaires noirâtres (zechstein) au-dessus desquels s’étend le grès bigarré. Nous avons constaté pareillement à Lodève que, près de Saumont, le terrain permien s’appuie sur un grès houiller ru- dimentaire caractérisé par la présence des Sigillaires et des Calamites. Le même géologue, dont nous continuons à analyser le travail, reconnaît que ces diverses roches reposent le plus souvent à stratifi- cation discordante sur celles de la formation houillère et paraissent généralement moins inclinées que ces dernières. Nous ajouterons que, sur toute la limite méridionale du bassin de Blanzy, les grès couleur amarante reposent directement sur les grès houillers sans l’intermé- diaire des grès et des argiles bitumineuses à Walchia Schlotheimii , et que le permien moyen et inférieur n’est développé par conséquent que dans la bande parallèle opposée qui occupe le centre du bassin. On peut conjecturer que le terrain permien existe aussi dans la con- cession du Creuzol, à en juger par les empreintes de Walchia qu'a eu l’obligeance de me montrer M. Aumont, ingénieur de la compagnie, empreintes qui ont été également rapportées par le fameux sondage qui au mois de juin, époque où je visitais la contrée, avait dépassé la profondeur de 800 mètres, sans avoir traversé aucune couche de houille, mais bien des schistes et des psammites, dont la plus grande partie pourrait appartenir à la formation permienne. Ces schistes bitumineux existent aussi dans les environs de Saint-Bérain, où ils ont été signalés par M. Yirlet. L’existence du terrain permien dans le bassin de Blanzy est donc un fait bien établi, surtout dans la car- rière des Thérots, dans les environs de Charmoy, qu’on peut citer comme fournissant les exemples les plus concluants, à cause des végé- taux fossiles qui en proviennent. L’honneur de cette constatation revient de droit à M. Rozet, qui plaça dans les terrains permiens non-seulement les schistes bitumineux des environs de Saint-Bérain, où près de Charrecey on a découvert des débris de poissons et des coprolithes, mais encore ceux de Muse, d’Igornay et de Saint-Léger- des-Bois, dans le bassin d’àulun, qui renferment des poissons devenus célèbres, ainsi que des Walchia. On connaît les débats auxquels ont Soc. géol., 2e série , tome XIV, 2 18 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1856. donné lieu ies questions qui se rattachent à ia position qu’occupent dans la série stratigraphique les schistes bitumineux de Muse. A la Salle, suivant M. Rozet, iis reposent en stratification discordante sur le terrain houiiier, ainsi qu’à Saint-Bérain. Enfin, aux yeux de cet ha- bile observateur, l’existence à Muse du Palœoniscus magnus, qui abonde dans les schistes de la Thuringe, la présence à Comaille et à Igornay d’un calcaire gris de fumée, offrant tous ies caractères miné- ralogiques du zechstein, subordonné aux schistes bitumineux, four- nissent des arguments nouveaux et d’un grand poids pour faire con- sidérer ces schistes comme faisant partie de la formation permienne, et les rapporter au système pénéen de l’Allemagne centrale. Les décou- vertes opérées par M. Fournet dans les environs de Neffiez (1), et les documents récents que mes travaux sur le terrain permien de l’Aveyron et de l’Hérault ont ajoutés à ceux que la science possédait déjà, don- nent à cette opinion un degré de grande vraisemblance, pour ne pas dire de certitude. On sait aussi que M. Rozet sépare de l’étage des grès bigarrés les grès rouges supérieurs aux schistes bitumineux, et qu’il en fait l’équivalent du rothe Todtliegende . Pour lui, le premier terme de la formation triasique commence par les assises de l’arkose. Cette manière de voir, que nous partageons sans réserve, se vérifie avec une exactitude parfaite dans la montagne delà Serre, où les grès rouges permiens et ies arkoses des grès bigarrés se montrent avec des relations identiques et dans un état d’indépendance réciproque complète. M. Manès rapporte, au contraire, à son étage des grès bigarrés les schistes bitumineux et les grès rouges qui les surmontent. Les arkoses qu’il introduit dans le keuper forment la base des marnes irisées pro- prement dites : or, comme dans les environs de Levesiau (2) le ter- rain d’arkose repose en couches sensiblement horizontales sur un grès permien que ce géologue regarde comme du grès bigarré, en couches inclinées de 15 à 20 degrés, il résulterait de cette disposition que deux étages de terrain triasique seraient discordants entre eux ; mais celte discordance devient un fait très naturel et facile à expli- quer, si l’on réfléchit que les grès considérés par M. Manès comme grès bigarrés ne sont autre chose que des couches de l’étage permien, tandis que les arkoses sont réellement du grès bigarré inférieur. La séparation du terrain permien se trouve donc nettement établie con- formément aux règles admises en géologie, et par son indépendance relativement au terrain houiiier et au trias, et par la nature de (1) Bail. Soc. géol. de France. 2e série, t. VIII, p. 53. (2) Loc . cit.7 p. 129. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 19 ses fossiles. M. llozet, nous le répétons, a saisi et tracé très-heureu- sement ies limites de ces trois formations superposées, en reconnais- sant que le représentant du grès bigarré est une véritable arkose, c’est- à-dire une roche arénacée, composée de grains de quartz, de feldspath plus ou moins altéré, et de quelques paillettes de mica, réunis par un ciment généralement siliceux, et il c||stingue cette arkose triasiquc sans fossiles d’une autre arkose à ciment calcaire, supérieure aux marnes irisées, qui correspond au grès infraliasique, et contient des fossiles du lias. Dans le département de Saône-et-Loire, le terrain d’arkose peut être subdivisé en deux assises (1), dont l’inférieure, épaisse de 5 à 15 mètres, est formée d'arkose pure, et la supérieure, puissante de 8 à 15 mètres, est composée de grès marneux, et de marnes vertes avec calcaire subordonné, soit blanc, semi-cristallin, non dolomitique, soit grisâtre, cristallin, siliceux. Nous devons appeler l’attention sur la présence du calcaire dans les parties supérieures du grès bigarré, parce que nous pensons qu’il y est le représentant, rudimentaire il est vrai, du muschelkalk, tandis que dans la Serre le calcaire con- chylien, qui y occupe la même position, est très développé et dessine un horizon qui permet d’opérer la séparation du grès bigarré d’avec les marnes irisées. Aux arkoses succède le keuper avec des bancs de gypse exploités dans les environs de Saint-Léger-sur-Dheune ; puis viennent le grès infraliasique, le calcaire à Gryphées et la série jurassique. En résumé, donc, on a reconnu dans le département de Saône-et-Loire, et sur- tout dans l’arrondissement de Ghâîon, qui nous sert plus spéciale- ment de terme de comparaison pour la constitution géologique de Ig montagne de fa Serre, ,à partir du terrain houiller, et en remontant jusqu’au grès infraliasique : 1 . La formation houillère ; 2. La formation permienne s’annonçant, à sa base, par des poudin- gues, à sa partie moyenne, par des argiles schisteuses, noires, avec fer carbonaté, par des grès jaunâtres avec fFalchia Schlot- heimii et hypnoides , et à sa partie supérieure, par des grès rouges très puissants ; 3. La formation triasique, consistant en deux étages distincts : d’abord le grès bigarré, composé d’arkose et de grès sableux, avec cou- ches de calcaire (muschelkalk?) subordonné, ensuite des marnes irisées composées de marnes bariolées, de gypse et de dolomie ; 4. La série jurassique, débutant à sa base par un grès feldspathique à ciment calcaire. (1) Manès, loc. cit p. 4 26. 20 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE J 856. On reconnaît de plus que le terrain permien est discordant avec la formation houillère et avec la formation triasique, et que sa position est par là môme franchement déterminée et stratigraphiquement et paléontologiquement. Une succession à peu près identique se reproduit dans le départe- ment de l’Aveyron, près d’Alboy, où l’on rencontre au-dessus du ter- rain granitique : 4. La formation houillère ; 2. La formation permienne, occupée, à sa partie inférieure, par des poudingues, à sa partie moyenne, par des schistes bitumineux avec plantes fossiles et rognons de fer carbonaté, et à sa partie supérieure, par des calcaires en couches bien réglées (Zech- stein} ; 3. La formation triasique, qui se laisse subdiviser en deux étages dis- tincts : d’abord le grès bigarré, et ensuite ks marnes irisées composées de dolomies et de marnes bariolées; 4. La série jurassique. Il est à remarquer en outre que, si à Alboy même le terrain per- mien est concordant avec le terrain houiller, sous Rhodez, où il n’est représenté que par le zechstein, il déborde du bassin où il est le mieux développé, et il s’affranchit de toute subordination par rapport à ce premier: or, une disposition semblable se reproduit dans le bassin houiller de Blangy. La coupe des terrains des environs de Lodève est indiquée, au-dessus des terrains de transition, par l’échelle suivante : 4 . La formation houillère ; 2. La formation permienne, que l’on peut diviser en quatre étages : le premier, composé de poudingues ; le deuxième, de dolomies et de schistes bitumineux; le troisième, de grès ardoisiers avec Walchia Schlotheimii et hypnoides , et le quatrième, de schistes noirâtres ; 3. La formation triasique, qui a deux étages : le grès bigarré avec Calamites arenaceus et IVoltzia brevijoliayQt les marnes irisées; 4. La formation jurassique. Ces diverses coupes prises sur trois points éloignés les uns des autres, à part quelques variations dans les caractères minéralogiques, indiquent d’une manière suffisante que, dans une grande partie de la France, le terrain permien s’est formé sous l’influence de circon- stances à peu près identiques. Nous touchons à présent à la seconde partie de notre travail. Il nous reste à donner la description de la montagne de la Serre, et à MÉMOIRE DE M. COQUAND. 21 démontrer que cette oasis granitique, perdue au milieu des calcaires du Jura, se rattache par tous les caractères pétrographiques et paléon- tologiques aux divers terrains que nous venons d’indiquer dans le département de Saône-et-Loire. Entre Dole, Àuxonne, Pesmes et Gendrey, se dresse, sous forme de bourrelet montagneux entièrement enclavé au milieu du terrain jurassique, un massif qui, par la nature des matériaux dont il est composé, contraste avec les terrains dominants de la contrée. Ce massif, dirigé sensiblement du S. -O. au N.-E., est logé dans un es- pace triangulaire dont il peut être considéré comme la base, et dont les deux autres côtés un peu amplifiés seraient la Saône et la rivière de POgnon. Le sommet pointe vers le N.-O. , dans la direction de Fontallier. La section par un plan horizontal donne une ellipse al- longée dont le grand axe ne dépasse pas 17000 mètres, et dont la lar- geur moyenne mesurée aux foyers de l’ellipse varie de 3500 à 5000 mètres. Son altitude absolue est de 380 mètres, et elle se soutient égale d’une manière assez uniforme dans toute son étendue, excepté à ses deux extrémités, où elle se déprime graduellement en s’enfon- çant au-dessous des calcaires du Jura. A une différence de composi- tion minéralogique correspondent des modifications dans la végéta- tion : on n’v retrouve plus la flore des terrains calcaires, mais bien des plantes qui rappellent jusqu’à un certain point les montagnes de la Bretagne ou le bocage de la Vendée. C’est qu'en effet on marche sur un sol formé au détriment des roches granitiques désagrégées sous l’influence des agents atmosphériques, ou remaniées par les eaux. La physionomie que prend la Serre est, en un mot, celle des montagnes primitives à formes ballonnées et confuses, et que recou- vrent des forêts vigoureuses. Le granité schistoïde occupe le centre du massif dont il constitue l’axe orographique et minéralogique, et il est recouvert circulaire- ment par des bancs puissants de grès et d’arkoses, dont nous allons esquisser l’histoire, en retraçant le rôle géologique qu’ils remplissent. A l’exemple de ce que nous avons déjà fait pour le département de Saône-et-Loire, notre description ne s’étendra pas au delà de la limite des grès infraüasiques, les étages supérieurs de la formation juras- sique n’offrant aucune particularité remarquable qui ne soit connue | de tous les géologues. Notre programme se trouve donc tout tracé | par le tableau suivant des terrains que nous avons reconnus, et dont nous nous occuperons successivement. 4 . Terrain granitique ; 2. Terrain porphyriquo , 22 SÉANCE MJ 3 NOVEMBRE 18Ô6. 3. Terrain permien ; , T . . . ( Grès bigarré proprement dit i. Terrain tr.asique j Musche]ka]k/ C. Marnes irisées ; 5. Grès infra-liasique. i° Terrain granitique. — La roche dominante (Pl. ï, fig. 3) et qu’on peut considérer comme formant la roche de fondation qui sup- porte le terrain stratifié est un granité G feuilleté, schistoïde (gneiss) disposé en larges écailles entrelacées, de couleur rouge tendre-, à mica argentin blanchâtre, feldspath orthose rosé, et noyaux de quartz hyalin. Ces divers éléments varient dans leur volume et leur distri- bution, et donnent naissance à une foule de variétés depuis les lepty- nites grenus jusqu’aux pegmatites, en passant par toutes les nuances intermédiaires : quelquefois de grands cristaux d’orthose hémilropes lardent régulièrement la roche* qui devient alors porphyroïde, et présente les caractères d’un véritable granité d’éruption. On peut en étudier un bon exemple à la gorge de Wriange, un peu au-dessus du Moulin-du-Bois, au pied même de la Serre. Cependant, malgré son apparence massive, sa schistosité se trahit toujours dans les blocs d’une certaine dimension, et la roche ne diffère réellement des autres gneiss de la contrée que par un simple accident minéralogique et la couleur de son mica, qui est noir. On observe quelquefois entre les surfaces des feuillets un enduit de talc argentin à écailles très fines, contiguës, qui leur donne un aspect satiné très agréable à l’œil. Ces gneiss talcifères abondent surtout dans le bois de Menotey et dans la raie des Gorges, en face de Moissey. Une autre variété se rencontre lorsqu’on se rend de Wriange à Moissey par le sentier le plus direct, et qu’après avoir dépassé le chemin dit de la Poste, on atteint par un ravin creux le vallon qui débouche de la Serre dans la direction du village d’Ofîlange. Cette variété consiste en un granité schistoïde, dont la pâle noirâtre ressemble assez à une eurite fissile au milieu de laquelle s’isolent des petits cristaux d’orîhose rose, avec cette diffé- rence, que le mica, qui est de couleur noirâtre et mat, quoique par- faitement visible, a perdu sa cristallinité ordinaire ; seulement la masse prend l’apparence d’une phyllade porphyroïde. Une variation de même nature se reproduit dans les alentours du village de Serre. Le chemin qui, un peu au-dessus de l’abreuvoir public, conduit à la forêt, est traversé par du gneiss emitique, qui se fond insen- siblement dans la masse du gneiss ordinaire. Toutefois les roches que l’on recoupe dans le bois d’Offlange ont une tendance ehcore plus prononcée à la structure porphyrique, et l’on voit le gtieiss le MÉMOIRE DE M. COQUAND. 25 mieux caractérisé se dépouiller peu à peu de son mica et de sa schis- tosité, et revêtir une texture entrelacée et confuse : le feldspath, de lamellaire et de cristallin, devient compacte et se transforme en une pâte pétro-siliceusedans laquelle s’isolent des cristaux d’orthose rose comme dans les porphyres. La modification extrême conduit à un véritable pétro-silex à cassure conchoïde qui ne conserve plus aucun des carac- tères primitifs du granité schistoïde dont il n’est réellement qu’une variété dégradée. La formation granitique contient, à l’état subordonné, quelques filons de granité à gros grains et de quartz hyalin amorphe. Les premiers, dont la puissance dépasse rarement 50 centimètres, sont composés de granité rose à éléments volumineux, pauvres en mica, et passant à la pegmatite. Souvent des cristaux de quartz effilés, fichés dans les lames mêmes de l’orthose, donnent naissance à la variété qui est connue sous le nom de granité hébraïque. Quelque- fois aussi, mais cet accident se manifeste rarement, on trouve ces filons composés d’un granité à petits grains, et formés de deux feld- spaths, l’un blanc et l’autre rose, mais tous deux à surface miroi- tante! et appartenant au même système cristallin, qui est celui de l’orthose. Le gneiss se désagrégé avec la plus grande facilité, et le produit de la désagrégation est une arène granitique qui semble n’atteindre qu’un ciment siliceux pour se changer en arkose. L’altération, à son tour, a pénétré si profondément dans les roches en place, que l’on ne peut demander des échantillons de collections qu’aux blocs épars c'a et là à la surface du sol ou roulés dans les torrents, et dont les éléments plus résistants se sont montrés plus rebelles à la décompo- sition générale. 2. Terrain porphyrj^que. - — J’avoue qu’un sentiment de pure convenance pour les idées reçues m’engage seul à introduire un ter- rain de porphyre dans la forêt de la Serre : car, ainsi que je l’ai déjà fait observer, en indiquant le passage graduel des gneiss à des roches pétro-siliceuses compactes et porphyroïdes, il est impossible d’opérer une séparation satisfaisante dans ce tout indivisible ; et ce qu’offre de mieux l’association de ces roches dans cette partie ignorée du Jura, c’est qu’elle répète les mêmes accidents minéralogiques qui, dans l’île d’Elbe, particularisent la formation granitique et porphyrique, en montrant que des granités à grands cristaux de feldspath, des pegmatites tounnaünifères, les représentants les plus éclatants des roches pyrogènes, se transforment en des porphyres quartzifères, en des eurites et en des pétro-silex compactes, sans qu’il soit possible au géologue de reconnaître sur place les limites ou finissent les uns SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. n et où commencent les autres. Cette inséparabilité est encore plus manifeste dans les environs d’Offlange et cîe .Moissey, où les gneiss G (fig. 3), qui forment l’axe minéralogique delà montagne de la Serre, ont pour manteau extérieur, surtout sur le versant occidental, une couche de pétro -silex E doublée de gneiss ; de sorte qu’il existe entre ces deux roches, si différentes à leurs pôles opposés, une liaison aussi intime qu’entre les enveloppes corticales externe et interne d’un végétal. Quoi qu’il en soit, les roches de notre terrain porphyrique se résument en trois types, qui sont : 1° des gneiss pétro-siliceux , 2° des eurites pétro-siliceuses, et 3° des pétro-silex porphyroïdes. Quand on pénètre, par Moissey ou par Offlange, dans la forêt de la Serre, on rencontre, après avoir dépassé les grès permiens dont nous parlerons incessamment, des pétro-silex à cassure largement conchoïde, dont la couleur dominante est le vert poireau, l’olivâtre, le rouge sombre, le jaunâtre et le gris sale. Ces diverses teintes sont souvent réunies sur un même échantillon. Ils contiennent fréquem- ment de petits cristaux de fer sulfuré cubique qui, lorsqu’ils ont disparu par une cause quelconque, laissent vides les cavités qu’ils occupaient primitivement. Des variétés compactes ou à grains fins présentent toujours quelques points miroitants d’un ton plus pâle qui, examinés à la loupe, se laissent reconnaître pour appartenir à des cristaux hémitropes d’orthose. Ces cristaux deviennent de plus en plus abondants à mesure que l’on se rapproche des gneiss, et conduisent à des variétés porphyroïdes qui seraient de véritables por- phyres, si la forme en était plus nette et mieux définie dans les con- tours ; enfin, à la limite des gneiss, des oscillations dans la composi- tion, qu’il serait difficile de traduire en langue écrite, font que des granités schistoïdes deviennent indifféremment des gneiss porphy- roïdes ou des porphyres gneissiques. Ces oscillations créent des em- barras même pour une classification : car, s’il est facile d’appliquer des noms différents aux termes extrêmes de la série, les roches de passage, à cause de leur hybridité, se prêtent moins aisément à une spécification rigoureuse. Les roches pétro-siliceuses, comme on peut s’en assurer au ruisseau de l’Ermitage et sur la route de Moissey à Amange, sont divisées, par des lignes de retrait, en nombreux fragments polyédriques, qui leur donnent les apparences d’un clivage souvent régulier, et pour- raient les faire prendre pour des roches d’origine sédimentaire en trompant sur leur direction véritable. Elles sont exploitées en plu- sieurs endroits, et elles fournissent des matériaux excellents pour l’entretien des routes. Si l’on se bornait à étudier les eurites sur la pointe où elles sont le MÉMOIRE DE M. COQUAND. 25 mieux développées, sans s’occuper de leur liaison et de leur subordi- nation par rapport aux granités schistoïdes* on pourrait être tenté de les considérer comme des roches d’origine éruptive, et qui, à la ma- nière de certains porphyres de la chaîne des Vosges, se seraient fait jour à travers le terrain granitique : mais les détails qui précèdent suffisent pour montrer qu’elles ne sont qu’un des termes du gneiss modifié probablement par des influences particulières de refroidisse- ment ou de cristallisation. Au surplus elles n’empâtent aucun débris de granité. On ne doit pas non plus les regarder comme des filons- couches analogues à des dykes parallèles à la stratification des masses sédimentaires entre lesquelles elles se seraient insinuées. Elles ne jouent par conséquent qu’un rôle purement passif dans la forêt de la Serre. Le passage minéralogique entre ces eurites, les granités et les por- phyres a été également signalé par M. Rozet (1) dans les monta- gnes qui séparent la Loire du Rhône et de la Saône. Ce géologue dit d’une manière positive que le granité passe insensiblement aux por- phyres par la diminution de ses cristaux, qui finissent par n’être plus que disséminés dans une pâte homogène ; que d’un autre côté il passe au leptynite, et par suite au gneiss, à peu près de la même manière; en sorte que de chaque côté de la masse granitique, c’est-à-dire dans le voisinage du porphyre et du gneiss, il existe deux espèces de ro- ches qui se ressemblent beaucoup minéralogiquement. 3. Terrain permien. — Le terrain permien avait déjà été en 1837 rapporté au rothe Todtliegende par M. E. Richard (2), qui pensait, à tort, avoir découvert au ruisseau du Pré-des-Veaux, entre Ofïïange et Moissey, des indices de terrain houilier ; mais ce géologue avait plutôt établi ce rapprochement par sentiment que d’après des faits rigoureux d’observation. Ainsi les rapports des arkoses avec le mus- chelkalk lui avaient complètement échappé, car il les supposait pos- térieurs au terrain jurassique, et il avait aussi méconnu l’existence du grès bigarré. Les géologues qui en ont fait du grès vosgien sont tombés dans une erreur analogue ; ils l’ont trop rajeuni, puisque les plantes fossiles qu’il renferme lui assignent sa place dans le système qui a immédiatement succédé au terrain houilier, et qui, désigné d’abord par le nom de pênéen, est aujourd’hui connu plus générale- ment sous celui de permien. Dans la forêt de la Serre (PI. I, fig. 3) il s’appuie directement sur ie gneiss et sur les eurites pétro-siliceuses. A cause d’une faille qui, comme on le dira plus tard, a fait buter la (\) Loc. cit p. 144. (2) Bull. Soc. géol. de France, 1re série, vol. VIII, p. 152. 26 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. formation jurassique contre le terrain primitif sur ies flancs delà mon- tagne qui fait face à la chaîne du Jura, il ne devient visible que sur le pendage septentrional, et c’est principalement entre Moissey et Saligney qu’il prend son plus grand développement. De plus, il n’y a que la partie supérieure, c’est-à-dire les grès, qui affleure. La composition du terrain permien est fort simple : les matériaux dont il est formé consistent en des poudingnes, des grès d’une cou- leur rougeâtre très foncée, alternant avec des argiles sableuses mica- cées lie-de-vin ou verdâtres. Ces roches, remaniées avant peu de cohérence, fournissent des terrains friables et délitables, recouverts indistinctement par des forêts ou par des vignes, là où leur exposi- tion au midi permet d’établir des vignobles. Les poudingues sont sur- tout visibles dans le quartier des Croisières, entre Offlange et le bois de Montmirey, et sur les flancs 'occidentaux de la bande granitique. Le sentier qui conduit de ce premier village à celui de Serre les tra- verse obliquement jusqu’à leur rencontre avec les roches de gneiss. Les éléments consistent en cailloux roulés de gneiss, de granité et de quariz, de volume variable, confondus sans ordre, et agglutinés par un ciment de grès de même matière que les gros fragments, mais triturés et colorés en rouge par le peroxyde de fer. Toutefois les pou- dingues ne sont pas relégués dans une position unique ; ils se mon- trent à divers niveaux et alternent avec des grès polygéniques et des argiles micacées. Les grès ne diffèrent réellement des poudingues que par le volume moindre de leurs cailloux. On y distingue des variétés composées presque entièrement de grains de quartz vitreux dans la cassure, mais salis à la surface par du fer peroxyde, et d’autres variétés, dans lesquelles prédominent des fragments de feldspath à cassure brillante, et qui, mêlés à dés mica et à du sable quartzeux, donnent naissance à une véritable arkose à gros grains, qui ne diffère des arkoses du grès bigarré que par la position, la coloration et l’absence de tout ciment siliceux. Cependant, ces grés sont presque constamment d’une structure grossière. Les bancs de grès et de poudingues sont séparés par des couches d’argiles sableuses schisteuses, et dont ia schisto- sité est due à de nombreuses paillettes de mica interposées entre les feuillets. Les argiles sont relativement peu développées : elles sont en général rudes au toucher, teintes .en rouge hématoïde et maculées de vert: ces deux couleurs sont quelquefois représentées dans un même banc, mais on peut dire que la première est prédominante. Elles ne sont jamais pures, et par les nombreux grains de quariz et de feldspath, ainsi que par les paillettes de mica qu’elles retiennent, on voit qu’elles 27 MÉMOIRE DE M. COQUÀND. constituent le terme extrême, à éléments atténués, des grès de la for- mation. Bien que la stratification, considérée dans son ensemble, soit assez distincte, cependant le terrain permien de la Serre, qui a été formé presque exclusivement aux dépens des granités, porte dans la manière dont les fragments sont mélangés et dans l’envahissement réciproque des bancs de grès, de poudingues et d’argiles, les traces de l’agita- tion du liquide au sein duquel il a été déposé : c’est une formation d’origine essentiellement mécanique, et qui, pendant la période de la sédimentation, a été soumise à des alternatives de tranquillité et d’agitations d’intensité variable. On a ouvert au sud de Moissey une carrière, d’où l’on retire des matériaux d’assez mauvaise qualité. Cette carrière se trouve au pied de la Serre, sur la berge gauche d’un petit ruisseau qui descend du vallon connu sous le nom des Gorges. Les fouilles sont pratiquées sur un escarpement, dont les bancs qui le composent sont inclinés de 25 à 30 degrés vers l’ouest, et dont la direction est sensiblement N.-Ë., S. -O. C’est dans cette localité qu’on a découvert, au milieu des ar- giles subordonnées aux grès polygéniques, des empreintes très bien conservées de Walchia, dont les plus abondantes sont les W. Schlot- heimii et hypnoides. On trouve même des rameaux terminés par leurs fruits coniques. Une très grande fougère, dont nous n’avons pu déterminer l’espèce, a été recueillie dernièrement sur le chemin des Gorges par M. Contejean. J’ai observé à Moissey, provenant des mêmes grès, un fragment de tige végétale, à surface Cannelée, dont le diamètre à la base dépassait 12 centimètres. L’ouvrier qui avait retiré cette pièce m’a assuré que sa longueur totale, avant sa mutila- tion, était d’un mètre 50 centimètres au moins. Enfin, pour com- pléter l’énumération des richesses paléontoîogiques que l’on connaît de la Serre, je dois ajouter que, dans la dernière excursion que j’ai faite à Moissey, en compagnie de mon collègue M. Grenier, j’ai re- cueilli un fragment incomplet de mâchoire de saurien, dont le genre se rapporte au Protosaurus d’H. de Meyer, et l’espèce me paraît ap- partenir au Monitor fossile de la Thuringe de Cuvier ( Protosaurus Speneri , H. de Meyer). Ce fragment, long de 10 centimètres, porte treize dents éloignées, assez minces, allongées, pointues, légèrement recourbées et comprimées, bordées d’émail lisse avec une arête ex- terne non denticulée. Le mode d’implantation des dents rappelle l’or- ganisation des crocodiliens, caron reconnaît qu’elles sont logées dans des alvéoles distinctes, ce qui place notre reptile dans la famille des Thécodontes. La neuvième dent, à partir de l’extrémité antérieure de la mâchoire, est plus grande que les autres i elle mesuré 30 millimè- 28 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. très, à partir de la saiilie externe de l’os maxillaire, tandis que celles qui en sont le plus rapprochées, et la plus grande parmi elles, n’at- teignent au plus que le tiers de cette dimension. On peut étudier une bonne coupe du terrain permien au-dessous du village d’Ofïlange, et cette coupe présente d’autant plus d’intérêt qu’elle montre la succession des étages triasiques ainsi que la traus- gressiviîé, ou, si l’on aime mieux, la discordance des grès bigarrés avec les grès rouges à Walchia Schlotheimii. En effet (Pl. I, fig. 3) en des- cendant du village qui est bâti sur un escarpement du muschelkaik M, on recoupe successivement au-dessous des derniers bancs crdcaires des argiles sableuses micacées B, qui représentent la partie supérieure des grès bigarrés et des arkoses A en couches épaisses, qui en consti- tuent la base. Les arkoses, dont l’inclinaison est très faible, et que l’on dirait être horizontales, s’appuient sur les grès permiens, lesquels au fond du vallon sont inclinés de près de 22 degrés, avec pendage vers le N. -O. Toutefois, quand on gravit les pentes opposées du ravin, les couches s’inclinent en sens opposé, et viennent buter par consé- quent contre le massif de la Serre. Je n’ai pu déterminer si le chan- gement dans les allures de la stratification était du à une faille ou bien h une simple disposition en forme de voûte, et dont les portions courbes auraient été enlevées par dénudation. C’est sur un mamelon, petit promontoire jeté en dessus de deux vallées qui se confondent un peu plus bas, et qui les domine de 30 mètres environ, qu’en face d’Offlange on a établi un sondage destiné à découvrir le terrain houiller au-dessous du permien : il a été poussé jusqu’à la profondeur de 11 5 mètres sans avoir franchi les grès rouges. La formation houil- lère n’affleure nulle part dans la montagne de la Serre. Si l’on par- vient à démontrer d’une manière péremptoire que les terrains per- miens traversés par le puits de Charmoy, dans le département de Saône-et-Loire, sont concordants avec le terrain houiller du bassin de Blangy, en appliquant par analogie la même conclusion à la Serre, les recherches de la houille au-dessous des grès rouges sont ration- nelles : or, si quelques exemples de concordance ont été cités, d’autres exemples mettent aussi en évidence l’indépendance du terrain per- mien (1), indépendance qui rend l’existence souterraine de la houille au moins très problématique, surtout pour une contrée éloignée des points que l’on choisit pour terme de comparaison, et où les acci- dents que peuvent présenter les terrains recouverts sont complète- ment inconnus. Nous dirons même que l’analogie n’est pas toujours un guide sûr pour la solution de ces problèmes délicats. Ainsi dans (1) Manès, loc. cit.} p. 123. — Rozet, loc. cit p. 101. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 29 les environs d’Alboy (Aveyron), où toutes les formations sédimentaires ont leur affleurement apparent, on a pu attaquer le grès houiller et saisir la houille à travers la formation permienne ; mais si, à 12 kilo- mètres plus loin, on eût pratiqué les mêmes attaques au-dessus du zechstein des environs de Rhoclez, par exemple, les puits n’auraient atteint que les gneiss du Lanterne qui supportent le zechstein seul, sans l’intermédiaire des deux étages inférieurs et du terrain houiller que l’on trouve à Alboy (1). Le sondage pratiqué à Offlange ne me paraît pas se poser avec des chances favorables de réussite, à cause du voisinage du terrain primitif et de l’inclinaison des couches vers les gneiss. D’autre part, en s’éloignant des affleurements permiens, et en choisissant les points d’attaque entre Offlange et Montmirey, dans l’étage des marnes irisées, je suppose, le sondage prendrait des proportions considérables, puisqu’il faudrait ajouter aux profondeurs du sondage calculées sur le terrain permien toute la puissance du terrain triasique ; et l’épaisseur des grès permiens est inconnue. Or ceux-ci représentent incontestablement la partie supérieure de la formation et correspondent, à en juger par l’identité de la flore fos- sile, aux grès ardoisiers de Lodève et aux grès des Thérots. On “sait, par des mesures directes et par des sondages, que dans le bassin de Blanzv il faut attribuer à la partie inférieure du terrain permien des épaisseurs très considérables, de plusieurs centaines de mètres, sans qu’on puisse préjuger la présence de la houille dans la profondeur. Ces questions sont, comme on le voit, de la plus haute importance, et intéressent également la science et l’industrie. Leur solution me paraît liée essentiellement aux travaux qui sont en ce moment en cours d’exécution dans les bassins houillers de Saône-et-Loire, et il est à désirer que les géologues distingués qui aident les compagnies de leurs conseils et de leurs lumières parviennent à montrer claire- ment le rôle que les terrains de recouvrement remplissent dans des bassins où sont accumulées saut de richesses souterraines. Les détails qui précèdent, relatifs aux sédiments anciens de la mon- tagne de la Serre, suffisent, je l’espère, pour prouver l’analogie qui existe entre ceux-ci et leurs équivalents dans l’arrondissement de Châlon. L’étude de la formation triasique va nous fournir des faits nouveaux, dont la direction servira à compléter l’ensemble des rap- ports que nous avons saisis entre ces deux régions. U. Terrain triasique. — Ce terrain se compose de trois termes (1) Description géologique (la bassin permien de V Aveyron [Bull, Soc . géol. de France , 2e série, t. XII). 30 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. distincts, reconnus depuis longtemps dans les contrées classiques et qui sont : les grès bigarrés, le muschelkalk et les marnes irisées. Les grès bigarrés peuvent se subdiviser en deux assises dans la partie du Jura que nous décrivons : l’inférieure caractérisée par des ar- koses A (Pl. I, fig. 3), et la supérieure par des grès B marneux et par des argiles micacées. L’arkose A (fig. 3) de la forêt de la Serre ne diffère en rien des arkoses de la Bourgogne et du Charolais : c’est un granité recom- posé, et qui offre, à l’état roulé, les éléments distincts de la roche dont elle procède. Il serait par conséquent sans utilité de s’occuper des diverses variétés que l’état lamellaire ou argiloïde du feldspath, la grosseur des grains de quartz, l’abondance du ciment siliceux, etc., sont susceptibles de fournir. Nous nous bornerons à dire que certains bancs, comme dans le quartier des Croisières, sous Ofîlange, ren- ferment des cailloux de quartz assez volumineux pour engendrer de véritables poudingues; mais, dans ce cas, la roche a peu d’adhérence: elle se désagrégé avec la plus grande facilité en donnant un sol sa- bleux et graveleux, dont la végétation s’empare difficilement. Daps les carrières ouvertes anciennement au-dessous de Moissey pour l’ex- traction de meules à moudre les grains, on remarque quelques dépôts lenticulaires d’une calcédoine rougeâtre et cariée, dont la formation est due certainement à une plus grande abondance de silice, au mo- ment où la couche était cimentée par l’intervention d’infiltrations sili- ceuses. Les mêmes carrières contiennent aussi quelques bancs d’ar- kose avec nids de baryte sulfatée lamellaire, rose ou blanchâtre. Je n’ai pu parvenir à y découvrir des substances métalliques, telles que le fer oxydé rouge ou la galène, qui ne sont pas rares dans cette roche aux environs de Charolles, de Vaudebarrier, de Saint- Christophe et d’Oyé (1). Quelques lits d’argile rougeâtre et verdâtre intercalés dans les assises supérieures, voilà les seuls accidents minéralogiques qui troublent l’uniformité qu’on observe dans la composition des arkoses. Les grès marneux, qui forment au-dessus des grès feldspathiques la deuxième assise des grès bigarrés, consistent en des roches très tendres à grains très fins, qui, à cause de leur tendance à se désa- gréger, sont couvertes de vignobles dans presque toute l’étendue qu’elles occupent ; circonstance qui rend leur étude difficile. Cepen- dant, entre Ofîlange et àlojssey, quelques ravins perpendiculaires à l’axe de la Serre permettent d’en saisir les caractères principaux. Ce sont en général des grès très argileux, de couleur grise ou verdâtre, (1) Manès, loc. cit ., p. 128. MÉMOIRE DE M. COQUAND. SI chargées d’une très grande quantité de mica, se séparant en plaques excessivement minces, et alternant avec des argiles tenaces, égale- ment micacées et susceptibles de faire pâte avec l’eau. Elles sont ex- ploitées en plusieurs endroits, près de Moissey, pour la fabrication des tuiles. Elles sont surtout abondantes à la partie supérieure de l’étage et fournissent les eaux qui alimentent les puits d’Ofïlange et une partie des sources naturelles, telles que celle de Moissey. Çà et là on remarque bien quelques lits d’argile bariolée de rougeâtre ou de violacé; mais on peut dire que la teinte gris verdâtre domine, ce qui donne à l’ensemble l’apparence d’une formation marneuse. La friabilité de ces roches et leur transformation en terre végé- tale, que le fer retourne sans cesse, ne permettent guère de se livrer avec succès à la recherche des fossiles. Cependant en divisant avec patience et précaution les plaquettes qui gisent au milieu des vignes, on parvient à découvrir quelques empreintes de végétaux qui se rap- portent au genre Calamites. Les collections de la Faculté des sciences de Besançon possèdent, de celte localité, un échantillon de grès marneux qui renferme une tige Lien conservée du Calamites arenaceus. Nous retrouvons donc 1 dans le Jura, au-dessus des arkoses, et la superposition ne peut laisser place à aucun doute, l’horizon des grès bigarrés des environs de Plombières et de Souitz-les-Bains, qui, dans les Vosges, recou- vrent le grès vosgien. La puissance des arkoses, calculée à la carrière des pierres meu- lières, et au-dessous d’Ofïîange, est de 25 mètres environ ; celle des grès et des argiles est un peu supérieure. Si, au point de vue de la composition, l’étude du grès bigarré offre peu de variété, il en est tout autrement quand on l’envisage dans sa position par rapport à la formation permienne à laquelle il suc- cède dans la série stratigraphique. Son indépendance est un des faits le plus solidement établis qui permettent de séparer cette formation du trias. Ainsi que nous l’avons déjà exposé, les bancs permiens au- dessous d’Offîange sont redressés sous un angle de 25 degrés envi- ron ; or, les arkoses dont on a une bonne coupe sur le chemin qui conduit au village de Serre les recouvrent presque horizontalement et conservent les mêmes allures contrastantes dans tout l’espace qu’elles occupent sur la berge gauche du ruisseau qui prend nais- sance entre Ofïlange et Moissey, et qui déverse les eaux de cette partie de la Serre dans l’Ognon, près de Montrambert. Elles s’incli- nent faiblement dans la direction du N. -O. ; et la seconde assise du grès bigarré à Calamites arenaceus , le muschelkalk, les marnes irisées ainsique le lias, qui se succèdent en bandes étagées en retrait, 32 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. les uns au-dessus des autres, obéissent au même mouvement oro- graphique. En suivant le prolongement des arkoses dans la direction de Mois- sey, on voit qu’elles subissent un amoindrissement considérable; elles sont bien encore visibles au delà d’Ofîlange, mais on ne les trouve plus sur la route de Moissey à Amange, ni sur le chemin des Gorges : les grès micacés fins et les argiles supérieures semblent reposer di- rectement sur les grès permiens. Comme ceux-ci éprouvent des dé- rangements assez notables dans le voisinage des lieux que nous dési- gnons, il pourrait très bien se faire qu’une faille, et les failles sont très nombreuses dans la Serre, en établissant une dénivellation, eût masqué l’étage des grès feldspathiques, d’autant mieux que sur le revers opposé de la montagne, près du village de Serre, un lambeau d’arkose qui y est visible, est surmonté par ces mêmes grès fins. Le temps m’a manqué pour éclaircir ce point douteux ; toutefois la solution de cette question a fort peu d’importance, car nous allons voir que. les arkoses occupent deux positions distinctes, et sous ce rapport elles se comportent exactement comme le grès des Vosges. Nous avons constaté qu’au -- dessous d’Offlange les arkoses se montrent intercalées entre les grès bigarrés proprement dits, à Cala- mites arenaceus , et les grès permiens. Ailleurs elles forment des dépôts pour ainsi dire indépendants, s’affranchissent à la fois du voi- sinage des grès rouges en atteignant un niveau bien plus élevé, et du muschelkalk. Dans cette situation nouvelle, elles recouvrent im- médiatement les gneiss sur lesquels elles ont assis des masses puissantes horizontales, ou légèrement inclinées dans le sens des pentes qui les supportent. C’est ainsi qu’on les observe à la carrière des pierres de meules au S. -O. de Moissey (fig. 2), où elles acquiè- rent une épaisseur de 25 à 30 mètres. Elles admettent par intervalles des lits minces d’argile rouge et verte qui les séparent en grands bancs réguliers. Ces arkoses, dont les produits sont désignés par les habi- tants du pays sous le nom de mollasse , ont été exploitées autrefois avec activité et ont fourni des meules à moudre, des pierres détaillé et des moellons piqués qui figurent encore dans presque tous les édi- fices et les murs de clôture de Moissey et d’Offlange. Les carrières sont délaissées aujourd’hui. Les sommités de la Serre sont envahies en une foule d’autres points par cette roche remaniée. Le sentier qui relie Wriange et Moissey en traverse un dépôt curieux, un peu au-dessous du chemin de la Poste. On y extrait des sables pour les constructions. Les éléments du grès, au lieu d’être agglutinés par un ciment siliceux comme on le constate ailleurs, sont libres et incohé- rents et mélangés dans un désordre complet ; on croirait parcourir MÉMOIRE DE M. COQUAND. 33 une grève dont les matériaux auraient été charriés par des courants de directions contraires. En effet, l’ensemble se compose de traînées d’inégale épaisseur qui s’enchevêtrent les unes dans les autres, à la manière des débris accumulés par des eaux torrentielles à des inter- valles différents. Le versant oriental, où une très grande faille met le plus souvent l’étage jurassique moyen en contact avec les gneiss, montre à son tour plusieurs lambeaux d’arkose. On peut citer celui qu’on rencontre avant de quitter la montagne de la Serre, en face d’Amange. Au village de Serre, les arkosesqui dominent l’abreuvoir public offrent cette particularité remarquable quelles sont recou- vertes par les grès à grains fins et les argiles bariolées à Calamites arenaceus que nous avons cités à Ofîlange dans une position iden- tique, ce qui démontre que, si sur les plateaux granitiques les grès feldspathiques ne sont pas recouverts, ils le sont au moins sur les deux flancs de la chaîne. Il est à remarquer que dans le département de Saône-et-Loire le terrain d’arkose se compose exactement comme dans l’îiot jurassique que nous décrivons; qu’il se subdivise en deux assises dont l’infé- rieure, épaisse de 5 à 15 mètres, est formée d’arkose pure, et la su- périeure, puissante de 8 à 10 mètres, est composée de grès marneux avec calcaire subordonné (1). Nous reviendrons bientôt sur ce cal- caire que nous croyons être le représentant rudimentaire du mu- schelkalk. Nous remarquerons encore que, dans la forêt de la Serre, l’arkose, par suite de failles ou de soulèvements, se montre indistinc- tement sur les sommets et les flancs des montagnes primordiales. « Je n’ai jamais vu les arkoses, dit M. Rozet (2), former des mon- » tagnes à elles seules : ces roches se présentent souvent sur le » sommet et les plateaux granitiques, où elles occupent des espaces » assez étendus. Aux environs de Châteauneuf, de la Claytte, du mont » Saint-Vincent, d’Autun, etc., tous les sommets recouverts par les » arkoses ont une forme aplatie, qui les fait reconnaître de fort loin. » Le sommet du mont Saint-Vincent, couvert d’arkoses, atteint 602 » mètres au-dessus du niveau de la mer. Les plateaux qui environ- » nent ce point sont élevés de Ù50 à Zi7ü mètres. Ceux qui se trou- « vent à l’est d’Autun atteignent 550 mètres. Sur tous ces sommets » et plateaux, l’arkose n’est jamais recouverte par aucune autre roche, » fait remarquable, qui nous servira plus lard à établir une des épo- » ques de soulèvement des montagnes que nous étudions (3). » (1) Manès, lor. cit., p 126. (2) Loc. c/Y., p. 108 et 106. (3) M. Élie de Beaumont (/oc. c/Y., p. 425) fait remarquer que Soc. géol. , 2e série, tome XIV, 3 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 4 856. U Le même observateur ajoute que, dans les montagnes comprises entre le canal du Centre et la vallée de la Saône, l’arkose siliceuse forme des masses très puissantes, généralement assez bien stratifiées, horizontales ou légèrement inclinées dans le sens des pentes graniti- ques qu’elles recouvrent. M. Manès, à son tour, reconnaît que l’arkose, dans sa superposition à la grauwacke*» au grès houiller et au grès permien, formations qui sont toujours en couches plus ou moins inclinées, les recouvre con- stamment en stratification discordante. Ainsi, aux environs de Leve- siau (1), elle repose en couches inclinées de 15 à 20 degrés. Le dépôt offre la succession suivante : 15 mètres d’arkose et 10 de marnes rouges et jaunes, avec bancs épais de calcaire cristallin gri- sâtre. Il existe donc une identité complète et frappante, et de position et de composition, entre les grès bigarrés des environs de Moissey et ceux de Saône-et-Loire. Celte identité ressort directement de ce que j’ai vu par moi-même, comme des travaux de MM. Rozet et Manès. Seulement nous ne partageons pas les idées de M. Manès sur la clas- sification qu’il a adoptée. Ce géologue appelle du nom de grès bigarré les grès rouges à Walchia Schlotheimii et hypnoides , et il fait des arkoses la base de son terrain keupérien. Nous croyons avoir démontré péremptoirement que les arkoses A, dans le val d’Ajol, et entre Plombières et Ronchamp, le grès bigarré qui, généralement, ne fait qu’entourer les Vosges, s’étend jusque sur les épaules des montagnes, et se raccorde même avec elles. Ainsi, la hauteur qu’il atteint, vers Maxonchamp, est de 750 mètres au-dessus du niveau de lamer. M. Élie de Beaumont conclut de ce fait qu’il y a là un axeparticulierouune ligne de soulèvementdifférente de toutes celles qui ont principalement influé sur la configuration des Vosges, et plus mo- derne qu’elles toutes. Ces circonstances qui l’ont ainsi élevé sur les plateaux lui paraissent comparables à celles qui portent les arkoses de la formation des marnes irisées à la cime du mont Saint-Vincent, au S.-E. du Creuzot (596 mètres), et sur les hauteurs de Pierre-Écrite, dans le Morvan (580 mètres). Il convient de dire que les arkoses que M. Élie de Beaumont attribue ici aux marnes irisées sont l’équivalent du grès vosgien, et que, comme celui-ci, elles existent recouvertes ou non sur les sommités granitiques, ou au-dessous du grès bigarré, et con- cordent avec lui sur les flancs des montagnes et dans les plaines. L’absence du muschelkalk, dans la Bourgogne et le Morvan, n’a pas permis de bien reconnaître le grès bigarré à Calamites arenaceus au- dessus des arkoses, et de le séparer des marnes irisées. Le grès bigarré n’y existe pas moins. Dans tous les cas, sa présence à Moissey et à Qlflange ne saurait être contestée. (i) Loc. cit.j p. 4 29. MÉMOIRE DE U. CÜQUAND. 35 qui supportent des grès à Calamites arenacevs B, commencent au moins le terrain triasique, si même elies ne sont pas l'équivalent des grès vosgiens, comme nous avons tout lieu de le croire, et nous four- nirons bientôt des arguments à l’appui de notre opinion. Au grès bigarré succède un ensemble U d’argiles cajcarifères de calcaires grisâtres, à cassure conchoïde, des dolomies cendrées à grain très serré ou caverneuses, alternant à plusieurs reprises, et atteignant une puissance de 35 à AO mètres. Telle est la composition générale du mugchelkalk, qu’on observe dans les communes de Moisseyet d’Offlange. I 'Encrinites liliiformis, dont les articles sont passés à l’état spathique, foisonne dans certaines couches, et forme une véritable lumachelle. J’y ai recueilli aussi un très bel exemplaire de V Ammonites nodosus. Cet étage s’élève sous forme de récif saillant entre deux dépressions, dont l’une est occupée par les marnes irisées, et l’autre par les assises marneuses du grès bigarré supérieur. Mon intention n’étant pas de donner une description détaillée de cet étage, ces simples indications sont suffisantes pour le programme que je me suis tracé. Ni M. Manès ni M. Rozet n’ont signalé la présence du mnschel- ; kalk dans le département de Saône-et-Loire ; cependant les coupes de Levesiau et de Saint-Émilien données par le premier de ces géologues, et qui dévoilent à la partie supérieure du grès bigarré, ou à la base des marnes irisées, la présence de bancs épais d’un calcaire cristallin non dolomitique, sont de nature à faire admettre que ces bancs représentent le calcaire conchyiien de la même manière que dans les environs de Besançon un banc peu épais de grès, placé à ! la base du calcaire à Gryphées, représente le grès infraliasjque uni en Bourgogne acquiert un développement considérable. Le muschelkalk forme, comme on le sait, à partir de Lure, autour du massif des Vosges, une ceinture qui traverse toute la Lorraine, et se termine entre Aix-la-Chapelle et Bonn. Ce second terme du trias, qui est si puissant , dans les provinces rhénanes et dans les Vosges , perd évidemment de son importance à mesure qu’il se rapproche du plateau central. Le pointement primitif de la Serre, qu’on peut considérer comme une station intermédiaire entre ces deux régions granitiques, offrirait encore un représentant respectable, quoique amoindri, de cette formation qui, dans le département de Saône-et- Loire, serait à peine indiquée par quelques bancs calcaires. Nous mentionnerons pour mémoire seulement l’étage des marnes irisées I, dont on peut suivre le développement sur le versant occidental de la Serre. Il y acquiert peu d’épaisseur, et se compose de marnes et de dolomies. On a bien découvert du gypse près d’Offlange, mais il 36 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. était si peu abondant, qu’il n’a pas été jugé digne d’être exploité. 5. Grès infraliasique. — Si, dans la Bourgogne, une arkose à ciment calcaire et fossilifère constitue, au-dessus des marnes irisées, lespremièresassisesdulias, ce terrain débute, dans le massif de la Serre, par un grès quartzeux H, jaunâtre, à grains fins et miroitants, et présentant tous les caractères d’un quartzite de transition. On y ren- contre quelques fossiles, et entre autres des Pectena côtes aiguës. Ce grès, assez commun au lieu dit le Champ-Rouge, près de Moissey, sépare très nettement la formation jurassique de la formation tria- sique ; il est employé comme pierre à aiguiser. Au-dessus de ce grès commencent les séries basique L et jurassique O. Le sommet du mont Guérin par lequel se termine le système de la Serre est occupé par des calcaires appartenant à l’oolithe inférieure. Ainsi que nous l’avons dit au commencement de notre description de la Serre, le revers occidental de cette montagne montre la suc- cession du terrain permien , du terrain triasique et de plusieurs étages de la formation jurassique. Le revers oriental, dont les eaux; se rendent dans le Doubs, est loin d’offrir une série stratigraphique aussi complète, à cause d’une faille qui, depuis Saligney jusqu’à Jouhe, dans la direction de Dole, a mis presque constamment en contact le terrain jurassique avec le granité. Près de Sauvigney cependant, le lias supérieur et les calcaires de l’ooliihe inférieure s’appuient sur le terrain permien ; à Wriange, c’est le cornbrash, et plus bas, en face d’Avrange, c’est i’oxfordien. Il résulte de cette disposition que l’inlérét, qui s’attache à l’étude des phénomènes géo- logiques qui se sont accomplis dans la Serre, se concentre pres- que tout entier sur le versant dont les eaux sont tributaires de POgnon. Il sera facile de retrouver dans les Vosges, entre les terrains sédi- mentaires qu’on y a reconnus et ceux de la Serre, des ressem- blances tout aussi frappantes que celles que nous avons eu occasion de signaler dans le département de Saône-et-Loire. Les remarquables travaux de M. Elie de Beaumont sur cette chaîne rendront cette comparaison facile. Le noyau central de la partie méridionale des Vosges (1) est en- touré par d’autres montagnes, dont les formes aplaties et carrées contrastent avec les profils arrondis des premières, et qui sont com - posées d’un grès quartzeux , d’un grain uniforme et grossier, d’un rouge de brique plus ou moins foncé, connu sous le nom de grès (1) Explication de la carte géologique de la France , t. I, p. 373, MÉMOIRE DE M, COQUAND, 37 des Vosges. Ce grès est quelquefois felcîspathique ; à Bozemonf* 1YI. Mougeot y a découvert des empreintes parfaitement conservées de Calamites arenaceus , plante caractéristique du grès bigarré. Le système du trias (1), dont le grès bigarré constitue la partie infé- rieure, forme autour des Vosges une zone presque continue, qui s’é- 1 tend en général au pied des montagnes du grès vosgien, comme une ! mer au pied d’une falaise dont elle baigne la base. Cette disposition j est manifeste tout le long des plaines de la Lorraine. Le grès bigarré s’arrête au pied des montagnes de grès des Vosges ou se juxtapose à lui, comme à Étabon, sans jamais atteindre une hauteur égale, tan- dis que le dernier, qui s’élève au-dessus de la plaine et couronne, sans être recouvert, des sommités élevées, avait dû éprouver un re- lèvement avant l’époque de la formation triasique. Sur les deux flancs d’une même vallée, et souvent sur toute l’étendue d’un même canton, toutes les montagnes de grès des Vosges atteignent des hau- teurs à peu près égales. Cette circonstance, jointe à celle de l’hori- zontalité presque parfaite de leurs couches et à l’existence de ces ro- chers hardis et souvent isolés dont aucun n’est incliné, atteste que les mouvements éprouvés par le grès des Vosges, depuis son origine, n’ont fait que changer le niveau de ses diverses parties, sans déran- ger bien sensiblement l’assiette de chacune d’elles (2). Tous ces faits concourent, suivant M. Éiie de Beaumont, à prouver que le dépôt du grès bigarré n’a pas succédé sans interruption, ou du moins sans secousse, à celui du grès des Vosges ; que ce dernier avait été dislo- qué et même détruit en quelques points, avant que le dépôt du grès bigarré commençât à s’opérer, et que la circonstance de gisement qui rend ces deux formations distinctes se lie d’une manière intime au relief des Vosges (3). Le grès vosgien s’appuie immédiatement sur les terrains anciens, sur le terrain houiller et sur la formation permienne. Comme il dé passe considérablement les bords des bassins où s’est formé le grès rouge, il devient manifeste, bien qu’il y ait concordance, qu’il s’est déposé dans des circonstances fort différentes, ce qui suppose deux révolutions : l’une antérieure, l’autre postérieure au grès rouge. Les environs de âloissey mettent aussi ce fait hors de doute. N’est-il pas de la dernière évidence que tous les détails qui précè- dent s’appliquent, pour ainsi dire, terme pour terme aux montagnes de Saône-et-Loire et de la Serre? A part la couleur et la nature des (1) Explication de la carte géologique de la France , t. I, p. 300. (2) Ibid., p. 401 . SÉANCE îf LJ 3 NOVEMBUE 1856, 38 matériaux, deux caractères insignifiants et sans valeur, quand on compare deux chaînes aussi éloignées i’uue de l’autre, le grès vosgien représente, et par son origine et par sa position, les arkoses du Cha- roliais et de la Bomgogne, que l’on observe, comme le grès des Vosges, en bancs horizontaux non recouverts, sur les sommités et les plateaux granitiques, et qui ne supportent le grès à Calamites arenaceus que sur les flancs des collines et dans les plaines. La coupe Ü’Offlangè à Amange, dans la Serre, est, à son tour, une véritable coupe des Vosges ; car les arkoses indépendantes au sommet reçoi- vent sut' les pentes les étages triasiques. Or, il en est de même dans les Vosges. Par quelque point que l’on pénètre dans ce massif, que ce soit par Plombières, par Epinaî, par Spiémont, ou par les plaines de la Lorraine, on constate d’abord le recouvrement du grès vosgien par le grès bigarré, en stratification concordante; et ce n’est qu’après avoir dépassé les failles qui donnent naissance aux falaises vosgiennes, que le grès des Vosges s’élève brusquement, et laisse au pied des escar- pements le grès bigarré. Aussi, quand il y a superposition des deux terrains, leur séparation ne peut s’opérer que par des différences de leurs éléments minéralogiques. Le grès vosgien est un grès gros- sier quarîzeux; le grès bigarré, au contraire, un grès argileux, mi- cacifère et fin, exactement comme dans le département de Saône-et- LoireetdanslaSerre, oùles arkoses sont migres quartzo-feldspathique à gros grains, tandis que les grès à Calamites arenaceus sont des rochers argilo- sableux micacifères à grains fins. Et encore ce ca- ractère n’est pas toujours suffisant : ainsi, dans la zone qui dessine le pied occidental des Vosges, le grès bigarré repose, en général, sur le grès vosgien à stratification concordante, et avec un passage gra- duel qui rend souvent difficile de saisir la ligne de démarcation entre les deux formations. Cette difficulté est même si grande, ajoute M. Élie de Beaumont, aux environs de Trêves, et, plus au nord, entre Witlicb, Gerolstein, Prüm et Malmédy, qu’on a renoncé à tra- cer la ligne de démarcation sur la carte géologique où l’ensemble des deux grès a été colorié comme grès bigarré (1). La constitution géologique de la Serre étant bien connue, et ses rapports de ressemblance avec les terrains de même époque dans les montagnes de Saône-et-Loire et dans les Vosges ayant été démontrés à l’aide d*arguments qu’il me paraît difficile de renverser, discutons à présent l’époque qu’il convient d’assigner aux révolutions qui ont imprimé à cet îlot perdu dans la chaîne du Jura les traits les plus (4) Explication de la carte géologique de la France , t. II, p. 4 2. MÉMOIRE DE M. CQQUAND. 39 saillants de sa physionomie. La discordance que l’on remarque, dans les trois contrées que nous comparons, entre les grès rouges d’un côté, et les grès vosgiens et les arkoses de l’autre, indique que la for- mation permienne avait subi un premier redressement avant le dépôt du grès des Vosges et des arkoses. M. Ma nés, qui a introduit dans l’étage du grès bigarré les grès permiens de Saône-et-Loire, a attaché tant d’importance à leurs discordances réciproques , qu’il a été obligé de transporter les arkoses et les grès fins supérieurs dans l’étage des marnes irisées. Nous avons vu que cette classification n’est pas en harmonie avec les faits géologiques. M. Rozet, se fondant sur l’isolement des arkoses au-dessus des plateaux granitiques, et n’ayant pas reconnu dans les grès et argiles micacés qui les recouvrent à Levesiau et ailleurs le représentant des grès bigarrés à Calamites arenaceus , comme nous les avons à Moissey, ce géologue a admis qu’un soulèvement était sur- venu dans le dépôt du grès bigarré et celui des marnes irisées. Il a donc méconnu complètement la véritable place des arkoses dans les montagnes de Saône-et-Loire, en les supposant parallèles aux grès bi- garrés de Plombières, tandis qu’elles y remplissent le même rôle que le grès vosgien dans la chaîne des Vosges. Il est juste cependant de convenir que, dans les arrondissements de Châlon et d’Autun, les grès bigarrés qui surmontent les arkoses sont si mal définis, et comme roches et comme étage, et d’une nature tellement argileuse, qu’ils semblent ne faire qu’un tout indivisible avec les marnes irisées ; et l’illusion est d’autant plus possible que le muschelkalk manque dans ces contrées, ou qu’il devient fort difficile de le reconnaître dans les quelques bancs calcaires subordonnés qu’a signalés M. Manès au- dessous du keuper (1). Fort heureusement le développement des divers étages de la formation basique, et surtout du calcaire conchy- lien dans la Serre, fait échapper l’observateur à une erreur de ce genre, et lui permet de retrouver, et géologiquement et paléonto- logiquement, dans le grès à Calamites arenaceus , l’équivalent du grès bigarré de Plombières, et dans les arkoses inférieures l’équiva- lent du grès vosgien. (4 ) Une difficulté de même nature se présente pour séparer nette- ment les marnes irisées du grès bigarré dans le département de l’Aveyron, l’ensemble des couches placées entre ce grès et le lias inférieur consistant le plus généralement en des dolomies alternant | avec des argiles bariolées. Cette difficulté, pourtant, ne tient qu’à l’absence ou à la rareté des fossiles; car je suis parvenu à découvrir, entre Milhau et Saint-Rome-de-Tarn, au-dessus des grès bigarrés, des bancs d’un calcaire fuligineux pétri de Terebratiila vulgaris. SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. AO La transgressivité des arkoses sur le terrain permien, telle qu’on la remarque àOfïlange, jointe à leur position isolée au-dessus des plateaux granitiques, et que ce terrain n’a jamais atteinte, démontre suffi- samment que le bassin dans lequel la formation triasique a été dépo- sée n’avait plus la même configuration que le bassin rempli par la mer permienne, et, par conséquent que le relief de la Serre a été modifié par plusieurs bouleversements successifs, dont le dernier est celui qui a déterminé les accidents orographiques dominants de la chaîne du Jura. Il nous reste à préciser l’époque à laquelle les arkoses ont été dé- rangées de leur position primitive, et nous verrons qu’elle coïncide parfaitement avec le système du Rhin de M. Élie de Beaumont. Le système du Rhin est dirigé du N. 21° E. au S. 21° O. ; et il y a affecté, suivant le célèbre auteur de la théorie des soulèvements , les dépôts antérieurs au système des grès bigarrés, du muschelkalk et des marnes irisées. Il n’y a qu'à jeter les yeux sur la carte géologique de la France pour s’assurer que, depuis Digoin sur la Loire jusqu’à Mayenne, une bande de terrains que leur âge identifie se trouve, malgré des lacu- nes occasionnées par des recouvrements plus modernes , alignée exactement suivant la même direction, c’est-à-dire du N.-E. au S. -O. Cette bande qui prend naissance près de Donjon, dans le départe- ment de l’Ailier , englobe tout le bassin de Blanzy , s’approprie la montagne de la Serre, et se confond avec la chaîne des Vosges. Cette orientation s’écarte de celle des crêtes dominantes du Jura et de la Bourgogne et obéit par conséquent à un tout autre système. Or, dans tout ce parcours, les terrains atteints par le soulèvement du Rhin appartiennent aux formations anciennes et nous montrent des grès à éléments de quartz, comme dans les Vosges, ou des grès à élé- ments de feldspath (orthose), comme dans la Serre et dans le bassin de Blanzy et d’Autun, formant falaise au-dessus du terrain triasique offrant les mêmes accidents orographiques et le même ordre de succession que dans les Vosges. La montagne de la Serre est donc le trait d’union qui relie les Vosges et le plateau central, et l’on y voit se refléter, en se fondant dans une nuance intermédiaire, la physionomie et les couleurs pro- pres à chacune de ces deux régions. En effet, si par les caractères minéralogiques de son grès permien et de ses arkoses la Serre tend à se rapprocher davantage des montagnes de Saône-et-Loire, par son muschelkalk et son grès bigarré plus complet elle offre des traits de plus grande ressemblance avec la chaîne des Vosges. Le tableau suivant qui place en regard les unes des autres les for- MÉMOIRE DE M. COQUÀND, a mations du bassin de Blanzy , celles de la Serre et celles des Vosges, met en évidence les rapports que nous venons d’énumérer et qui les placent toutes sous le même régime géologique. BASSIN DE BLANZY, 4. Granité. | 2. Porphyre. | 3. Terrain houiller. : 4. Terrain permien. ! 5. Arkose. 6. Grès bigarré. 7. Muschelkalk? 8. Marnes irisées. i 9. Grès infraliasique. LA SERRE. 1. Granité. 2. Porphyre. 3 ? 4. Terrain permien. 5. Arkose. 6. Grès bigarré. 7. Muschelkalk. 8. Marnes irisées. 9. Grès infraliasique. LES VOSGES. 1. Granité. 2. Porphyre. 3. Terrain houiller. 4. Terrain permien. 5. Grès des Vosges 6. Grès bigarré. 7. Muschelkalk. 8. Marnes irisées. 9. Grès infraliasique. Le but que je m’étais proposé dans cette notice est atteint. Je vou- lais démontrer : 1° que c’était à tort qu’on avait rapporté les grès permiens du bassin de Blanzy aux grès bigarrés ; 2° que les arkoses, ! qui pour M. Rozet sont des grès bigarrés, et pour MM. Manès et Élie I de Beaumont du keuper, représentent Je grèsvosgien; 3°que le grès bigarré proprement dit, celui de Plombières et de Soultz-les-Bains , existait dans la Serre et dans Saône-et-Loire; U° que les arkoses se comportaient dans ces deux contrées exactement comme le grèsvos- gien dans les Vosges, ou en masses isolées et pour ainsi dire indé- pendantes et formant falaises au-dessus des plateaux granitiques , ou supportant en concordance de stratification les grès bigarrés propre- ments dits; 5° enfin , que la division du bassin de Blanzy et de la montagne de la Serre concordait avec forien talion du système du Rhin , et complétait l’assimilation à laquelle j’ai conclu dans cet écrit. Il serait intéressant sans doute de rechercher si le grès vosgien , au point de vue paléontologique, constitue une formation indépen- dante, comme le sont par exemple le grès houiller, le grès permien et le grès vert ; ou bien si, comme le prétendent plusieurs géologues, il ne serait que la partie inférieure du grès bigarré, porté par un soulèvement à un niveau plus élevé que ce dernier. Comme le seul fossile signalé jusqu’ici est le Calamites arenaceus , espèce du grès bigarré, on ne saurait tirer des inductions suffisantes de ce fait unique. Ceux qui adoptent la première opinion s’appuient sur l’iso- lement du grès vosgien, sur son altitude, sur le refoulement du grès bigarré en dehors de la chaîne des Vosges, et sur quelques exemples de discordance. Au contraire, les géologues qui réunissent le grès vosgien au grès 42 séance du 3 Novembre 1856. bigarré invoquent la concordance qu’on observe presque partout , le passage de l’un à l’autre. Us objectent que le caractère d’isolement se présente nettement accusé, il est vrai, pour le grès vosgien et pour les arkoses de la Bourgogne, mais qu’il n’est pas spécial à. ces deux sortes de roches et qu’il paraît tenir à la disposition en retrait que présentent ordinairement les étages des formations sédimentai- res et qui les empêche de se recouvrir dans toute leur étendue, comme on l’observe presque constamment quand, des régions occupées par les terrains stratifiés, on se rend vers les montagnes granitiques. Ainsi, les trois grandes assises du trias occupent sur la surface du terrain trois zones successives qui enveloppent consécutivement le pied des Vosges (1), disposition qui est due à ce qu’elles s’enfoncent successivement l’une au-dessous de l’autre, en plongeant légèrement du pied des Vosges vers l’intérieur de la France. On conçoit que les dislocations qui ont dérangé l’horizontalité pri- mitive des couches, et produit pourcclles ci des altitudes différentes, aient eu pour résultat, si l’exhaussement s’est opéré sur la portion non recouverte de l’étage, de la porter à un niveau plus ou moins élevé, et de la poser en falaise par rapport à la portion qui n’aura pas participé au même mouvement ascensionnel. C’est d’après cette théo- rie qu’on peut expliquer sur les plateaux granitiques du Limousin la présence des lambeaux insignifiants du terrain jurassique, dont quelques uns, tels que ceux que de Rilhac et du Beau-Moulin, sont séparés de la grande bande jurassique de fa Charente et de la Dordo- gne, à laquelle ils appartenaient autrefois, par un espace libre de de plus de cinquante kilomètres. Si les failles, dans la chaîne des Vosges, au lieu de s’être produites là où elles existent aujourd’hui, avaient affecté le massif de grès bigarré compris entre Remiremont et la Marche, et qui occupe, sans être recouvert, une surface immense dont la distance la plus courte de la Marche aux Vosges est de 50 à 55 kilomètres, il est probable que, si la location n’avait pas atteint la totalité des grès , la portion dérangée aurait dessiné au-dessus de celle qui serait restée en place une con- figuration analogue au relief que présente actuellement le grès vos- gien soulevé relativement à celui qui est resté en dehors de la chaîne. Dans la forêt de la Serre, les arkoses se trouvent à la fois sur les deux versants où on les voit supporter en stratification concordante le grès bigarré et sur les sommets granitiques où elles se montrent isolées en (1) M. Élie de Beaumont, Explication de la carte géologique dç la France , t. II, p. 4 4 . MÉMOIRE DE M. COQ U AND. A3 bancs horizontaux et. non recouverts, et cela sur un rayon de 5000 mètres seulement. On ne peut guère vie rendre compte de cette dispo- sition contrastante qu’en admettant que les arkoses qui sont sur les plateaux représentent les portions non recouvertes de l’étage qu’une force soulevante, agissant perpendiculairement au plan des couches, | aura exhaussées en les arrachant aux masses dont elles faisaient I primitivement partie, tout en respectant leur horizontalité, ou bien la I portion laissée en place entre deux failles, le long desquelles les ter- rains contigus auront glissé d’une manière inégale, Mais, après tout ce qui a été écrit sur les Vosges, une discussion plus étendue serait ici I déplacée. JS ota. Le tome VIe des Mémoires de l3 Académie impériale des sciences de Lyon , qui contient l’appendice aux aperçus concernant l’extension des terrains houillers de la France, par M. Fournet, m’est remis aujourd’hui même 12 janvier 1857, c’est-à-dire trois mois après la communication de mon travail. Les environs du canal du Centre, si riches en houilles, y sont l’objet d’une description spéciale et pleine de détails intéressants. La relation des divers terrains qu’on y remarque est indiquée par la coupe suivante, qu’en donne mon savant ami et collègue. La comparaison qu’on pourra en faire, avec celle que nous avons donnée nous-même des terrains de la montagne de la Serre, démon- trera jusqu’à l’évidence que le type reconnu dans le département du Jura est calqué sur le type de celui de Saône-et-Loire. SAÔNE-ET-LOIRE, MONTAGNE DE LA SERRE. Calcaire à Gryphées. Lumachelles , calcaires jaunâtres, sublamel- laires ou à grain fin, et à cassure esquil- leuse, contenant beaucoup de bivalves pa- Lias. rallèlement aux strates. Puissance, 5 à 6 mètres. 'Grès siliceux, inférieur à la lumachelle, à grain fin, blanchâtre ou jaunâtre, quelque- fois micacé , schisteux et grisâtre , avec beaucoup de débris végétaux. Puissance, V \ à 2 mètres. J Lias, calcaire à Gryphées. Manque. Grès infraliasique. SÉANCE DU B NOVEMBRE 1856, hlx Marnes irisées. SAÔNE-ET-LOIRE. MONTAGNE DELA SERRE. I Étage supérieur. — Il se compose, vers le , / haut, de calcaire siliceux, fournissant une \ bonne chaux hydraulique. Il forme deux ou trois bancs peu suivis, et n’ayant, en tout, que 1 à 2 mètres d’épaisseur. Marnes vertes et rouges avec lames subordon- nées de dolomie compacte ou cellulaire et de calcaire siliceux. Dolomie jaunâtre, cellulaire, cloisonnée de veines spathiques, et contenant des marnes dans les cavités. Elle constitue un ensemble de bancs dont l’épaisseur s’élève à 5 ou 6 mètres. Au milieu de ces assises on voit quelques couches de dolomie compacte , formant un total de \ à 3 mètres. Cet étage! supérieur contient de la strontiane sulfatée et du gypse. Sa puissance totale varie entre 10 et 20 mètres. XÉtage moyen. — Il se compose de marnes noires, grises, rouges et vertes, avec ro- gnons de calcaire saccharoïde, à cavités tapissées de quartz cristallisé. Veines de gypse et quelquessources salées. Puissance, ; 20 à 30 mètres. Keuper.<( Étage inférieur. — Il débute par des grès marneux et des marnes vertes ou grises très liantes, avec cal-caire blanc, semi-cris- tallin non dolomitique , ou cristallin, gri- sâtre et siliceux. Puissance, 8 à 10 mètres. Plus bas viennent des grès ferrugineux jau- nes, ferro-manganésiens, bruns, pas cohé- lavée Calami- rents et à grain fin. ) tes arenaceus Enfin arrivent les couches inférieures, com-\ posées d’abord de grès arkose, qui forme sur les plateaux de la contrée, par exemple à Châtel-Moron, au Plessis, au Mont-Saint- Vincent, à la forêt de Planoise, à Antully, de vastes nappes souvent complètement dé- nudées de toutes les assises précédentes. Ces couches supérieures sont blanchâtres, à grain très fin et à ciment siliceux, de manière à se rapprocher des quartzites alpins. Cet étage est remarquable par l’ab- sence de toute trace d’assises calcaires et de dolomies, soit compactes, soit caver- neuses., Enfin, en descendant, ce grès se montre plus riche en parties feldspathiques : 11 simule souvent un granité recomposé. Épaisseur, 30 mètres. Muschelkalk avec Ammonites nodosus. Grès bigarré Grès vosgien (arkose) . MÉMOIRE DE M. COQUAND. tib SAÔNE-ET-LOIRE. MONTAGNE DE LA SERRE. Grès bigarré. /Également subdivisible en plusieurs étages. I La partie supérieure , simulant les conglomé- l rats, les grès et les schistes houillers, au 1 point qu'elle a été l’objetde plusieurs tenta- ] tives d’exploitation, notamment à Charmov < et à la Coudraye. J La partie inférieure, consistant en grès bario- I lés, en grès rouges et argiles schisteuses [ vertes et grises, suivies d'un conglomérat à I gros blocs (Saint-Eugène) . Puissance, 400 à 500 mètres. \ Terrain permien à IV alchi a et P r oto s cuiras Speneri. Nous aurons à critiquer cette coupe sur deux points. D’abord, le grès bigarré de M. Fournet se réfère au terrain permien ; sa discor- dance avec les étages du terrain triasique et la nature des fossiles ( Walchia) l’indiquent suffisamment ; de plus, nous pensons que ce géologue a interverti l’ordre de superposition de ses deux étages, en plaçant à la base les grès et les argiles bariolées, tandis que pour nous ils constituent la partie supérieure de la formation , comme on peut s’en assurer en se rendant du puits de la Gaité au hameau des Theu- rots. Les plantes permiennes que M. Fournet et moi avons recueil- lies dans les carrières ouvertes au sud des Theurots gisent dans un système de grès jaunâtres recouvert par les grès rouges, et surmontent les schistes bitumineux que recoupe le puits de recherches foncé par M. Maniglere aux environs de Charmoy; schistes qui contiennent beaucoup d’empreintes de Walchia. Les grès bigarrés de Saône-et- Loire ne sont donc autre chose que nos grès permiens de la montagne de la Serre, et ne peuvent par conséquent être rapportés aux grès bigarrés, ce dernier d’ailleurs étant représenté au-dessous du mu- schelkalk et étant séparé du permien par toute l’épaisseur des arkoses (grès vosgien). La seconde observation est relative au keuper. Nous pensons qu’on doit considérer les trois termes de l’étage in- férieur, tel que l’a délimité M. Fournet, comme représentant le muschelkalk, le grès bigarréetle grès vosgien : 1° parceque le calcaire senti -cristallin non dolomitique correspond, quoiqu’il ne soit que rudi- mentaire dans Saône-et-Loire, au muschelkalk d’Ofïlange (monta- gne de la Serre), où il est mieux développé et où abondent les fossiles propres à cet étage ; 2° parce que les grès ferrugineux correspondent au grès bigarré avec Calamites arenaceus de la même localité ; 3° parce que les arkoses de Saint-Vincent correspondent aux arkoses des carrières de Moissey. Or, nous le répétons, dans le Jura comme dans SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. Aô Saône-et-Loire, tous les termes du terrain triasiquesont complètement indépendants des grès permiens sous-jacents. On voit que le motif qui a engagé presque tous les géologues, qui ont écrit sur le département de Saône-et-Loire, à réunir à l’étage du keuper les trois ternies du terrain triasique, provient de la difficulté qu’ils ont rencontrée à y trouver le représentant du rnuscheikaik. Nous avons démontré que l’examen de la forêt de la Serre permet d’éviter une pareille confusion. Nous dirons donc, avec M. Fournet, que <> l’axe de Saint-Vincent » (Saône-et-Loire), prolongé vers le N.-E. , passe entre les vallées du » Doubs et de l’Ognon, et longe successivement Auxonne , Dole, » Besançon, Baume-les-Dames, Montbéliard, pour aboutir à la pointe » méridionale des Vosges, précisément vers les terrains houiilers de » Ronchamp. On doit par conséquent admettre comme un fait très » probable que lessecousses qui produisirent la ride de Saône-et-Loire » ont retenti jusqu’auprès de Giromagny , de manière à contribuera » l’émersion de ces dépôls. Si d’ailleurs on voulait mettre en doute » cette extension, on pourrait invoquer la Montagne de la Serre , » placée sur la même direction, à peu près à la moitié de ce grand » trajet, comme pour servir de jalon à l’observateur. La présence » de cette butte, composée de terrains cristallins et triasiques, au » milieu de l’ample nappe jurassique de la contrée, serait une ano- » malie, si elle ne *>e raccordait de la manière la plus explicite avec » les autres reliefs indiqués ci-dessus. » {Mémoires de l'Académie des sciences de Lgen, tome V, page 241. ) Il est à regretter qu’un aussi habile observateur que M. Fournet n’ait pas eu l’occasion d’étendre ses investigations jusque dans la montagne de la Serre. Son coup d’œil exercé lui eût montré immé- diatement les rapports qui lient cet îlot aux terrains de Saône-et- Loire et lui aurait permis de compléter la série triasique. U l’aurait empêché surtout de faire remonter, malgré une discordance flagrante, des grès permiens jusque dans le cœur du keuper. • Les conclusions auxquelles je suis arrivé sont déduites des lois de la superposition et de la présence de fossiles caractéristiques. Bien que les rapports stratigraphiques soient identiques dans Saône-et-Loire et dans la montagne de la Serre, il eût été à désirer que le muschel- kalk et le grès bigarré de la première contrée eussent renfermé les mêmes corps organisés que dans le Jura. Le caractère paléontoiogi- que qui a bien sa valeur, quoi qu’en disent les adversaires de la paléon- tologie, eût fourni à la stratigraphie un secours dont celle-ci se fût bien trouvée, et, déplus, le moyen de trancher une question qu’elle a résolue contrairement à la vérité. NOIE m 31. LO H Y. 47 M. Élie de Beaumont admet tout ce que M. Coquand a dit des couches de ïa Serre 5 mais il pense que dans le département de Saône-et-Loire le calcaire magnésien n’est pas l’équivalent [ du muschelkalk, mais plutôt celui du calcaire analogue qui, en Lorraine, est superposé à un grès grossier dans les marnes iri- j sées 5 il y admet d’ailleurs bien la présence du grés permien, mais il n’y voit ni grès vosgien ni grès bigarré. Pour assi- miler le calcaire magnésien au muschelkalk, M. Coquand 1 est obligé d’admettre que les terrains sont très amincis dans le département de Saône-et-Loire, ce qui n’a pas lieu cependant pour les marnes irisées, Ge calcaire est d’ailleurs tout sem- blable à celui des marnes irisées de Lorraine -, dans cette province, les grès subordonnés sont seulement plus grossiers, ! et passent à l’arkose, comme le font les grès voisins des granités j autour du massif central de la France. M. Coquand répond que le grès inférieur au calcaire magné- | sien contenant le Calamites arenaceus , il a dû le rapporter au j grès bigarré, et par suite ce calcaire lui-même au muschelkalk, malgré l’absence des fossiles. M. Lory fait la communication suivante : Note sur les terrains crétacés de la vallée de Dieu-le-Fit [Drôme) , par M. Ch. Lory, LesCératites signalées à Dieu-le-Fit se trouvent dans une assise de calcaire sableux, d’un vert d’herbe, qui renferme les mêmes fossiles que les grès d’IJchaux (Vaucluse), dans un état de conservation tout à fait analogue. J’y ai recueilli, en particulier, les espèces suivantes : Acteonella lœvis , d’Orb.; Turritella Verneuiliana , id. ; T. Re- nauxiana , id.; Area Matheroniana id. ; Arcopagia numismalis , id. ; Trigonia scabra , Lam.; Janira quadricostata, d’Orb. Pal. fr. ; Car- dium1 indét. ; lnoceramus, indét. ; Trochosmilia compressa , Edw. et H.; Ananchytes gibba , Lam , et deux exemplaires du Ceratites Robini. Ce grès vert, connu et décrit depuis longtemps (1), est l’assise la plus élevée de la série crétacée dont on puisse constater l’existence dans la vallée de Dieu-le-Fit. Il forme le plateau de la colline de Rou- vière, à laquelle est adossée la ville de Dieu-le-Fit; à sa base, on re- (4) Stat. min . de la Drôme , par M. ScipionGras. Grenoble, 4 835. SÉANCE DU S NOVEMBRE 18.56. 48 marque une couche de calcaire sablonneux, vert, rempli de bryo- zoaires, et en dessous une grande épaisseur de sables, faiblement agglutinés, dans lesquels on creuse de vastes caves. Ces couches dans le centre de la vallée sont à peu près horizon- tales ; mais elles se relèvent au nord sur le flanc de la chaîne du Poët, et sont parfaitement concordantes avec les autres assises créta- cées qui forment cette montagne. On pourrait en établir la série en suivant la route de Dieu-le-Fit à Bourdeaux, qui traverse la chaîne du Poët dans une cluse étroite; mais on a une coupe plus nette et plus intéressante en gravissant le flanc de cette montagne un peu plus à l’ouest, à moitié chemin de Dieu-le-Fit au village de Poët- Laval. J’ai eu l’avantage de faire cette exploration avec nos savants confrères, MM. Thiolüère et Dumortier. La coupe peut être pro- longée à travers la colline de la Plate , formée de couches tertiaires lacustres, dont font partie les argiles à poteries qui alimentent la principale industrie de Dieu-le-Fit. La disposition des terrains est indiquée par la coupe suivante, allant du N. -N. -O. au S.-S.-E., et dont le profil peut être parfaitement saisi du bas de la colline sur laquelle est bâti le village de Poët-Laval. Coupe du flanc nord de la vallée de Dieu-le-Fit. Montagne du Poët. La Plate. mençant par la partie supérieure : 1. — Calcaires siliceux, contenant de grandes plaques de silex blond, translucide; ces silex renferment des coquilles d’eau douce, à l’état de moules siliceux, d’une belle conservation : Planorbes, Lym- nées, Paludines. Sur quelques points la roche devient bréchiforme, en englobant une grande quantité de débris de la craie et même de ro- ches étrangères aux montagnes voisines. 2. — Marnes et calcaires blanchâtres : 10 à 15 mètres. 3. — Alternances de sables et d’argiles plastiques. D'abord 10 mè- tres de sables marneux jaunâtres, avec des veines d’argile d’un beau vert, que l’on exploite comme matière colorante, sous le nom de NOTE DE M. LORY. A9 vert de Vérone; ils sont associés à des conglomérats grossiers de fragments de silex, de grès, etc. , réunis par un ciment siliceux ; — puis 3 mètres d’’argile plastique violacée, exploitée pour poteries; 2 mètres d’une autre argile plastique plus réfractaire, d’un vert pâle, également exploitée ; — enfin, 10 mètres de sables blancs ou jaunâ- I très, très purs. U. — Argile noire, charbonneuse, pyriteuse, avec traces de lignite; 1 puissance variable ; environ 6 à 8 mètres. 5. — Grande masse de sables jaunâtres ou blancs , ces deux teintes alternant par grandes zones ou couches peu régulières; plus de 20 mètres d’épaisseur. Ils reposent directement sur les grès verts contenant les fossiles d’Uchaux, dont l’inclinaison va en augmentant rapidement depuis le fond de la vallée jusqu’à la hauteur du plateau tertiaire. Ces sables, que nous regardons comme faisant partie de la forma- tion tertiaire, par suite de leur liaison intime avec les couches qui les surmontent, ne renferment aucun fossile ; ils ont d’ailleurs une grande analogie d’aspect avec certaines couches sableuses du terrain de craie et résultent probablement de leur remaniement par les eaux. Cette formation lacustre est absolument semblable à celles des val- lées de Lus-la-Croix-Haute et de la forêt de Saou, dans le même département; elle correspond encore bien manifestement aux sables bigarrés de Nyons, de Saint-Paul-Trois-Châteaux , du Rovans, qui se montrent sous la mollasse, mais comme terrain distinct et indé- pendant de celle-ci. Nous pensons que ces dépôts d’eau douce sont avec la mollasse dans la même relation que le calcaire de la Beauce avec les faluns du bassin de la Loire (1). (1) Dans sa Statistique minéralogique de la Drôme , M. Sc. Gras a distingué l’une de l’autre deux formations lacustres, qu’il appelle premier et second terrain d’eau douce: la première, inférieure à la mollasse marine et complètement indépendante d’elle; la seconde, î plus récente, supérieure aux premières assises de la mollasse marine, à intercalée, par conséquent, dans cet étage. Cependant, en général, cette seconde formation lacustre repose sur des terrains plus anciens p que la mollasse, et ce n’est que sur un petit nombre de points que l’on peut, d’après M. Gras, constater l’existence de couches de mollasse 1 | marine placées au-dessous d’elle. Il cite, à cet égard, Auriple, le Fort- les-Coquilles, et le pied de la chaîne de Raye, entre Crest et Chabreuil. 1 Dans les deux premières localités, nous n’avons trouvé que deux petits il- | lambeaux de mollasse marine bien évidemment supérieurs à la forma- tai tion lacustre; mais, au fond de la chaîne de Raye, l’intercalation de jjç celle-ci entre deux assises de mollasse marine se vérifie parfaitement , dans plusieurs coupes naturelles très nettes, depuis la tour de Barce- Soc , géol, , V série, tome XIV, 4 50 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. Passons maintenant à la série des assises crétacées : a. — Grès à ciment calcaire, ou calcaire sablonneux, jaunâtre, chlorité, contenant les fossiles des grès d’Uchaux, et particulière- ment les espèces énumérées plus haut, qui presque toutes ont été recueillies sur le point par où passe notre coupe, de même que sur le plateau de Rouvière. Dans une couche un peu inférieure, on ren- contre ïOstrea columba , var. jeune, à crochet strié ; et au-dessous, la couche b , pétrie de bryozoaires, comme au-dessus de Dieu-le-Fit. c. — Grès jaunâtres ou verdâtres, sans fossiles, peu fortement ci- mentés; sables blancs, jaunes ou d’un vert pâle, peu cohérents; sables de teintes plus foncées, un peu plus solidement agrégés. Le tout forme une assise que les eaux entament et ravinent facilement, et probablement cette assise a fourni une bonne partie des sables qui sont à la base de la formation lacustre tertiaire. d. ■ — Calcaires bleuâtres, sableux, assez durs, mais à cassure mate, terreuse, contenant quelques grains verts ; ils renferment çà et là quelques petites bandes ou rognons de silex. Iis alternent avec des couches plus sableuses, jaunâtres, peu cohérentes. Ces calcaires renferment quelques fossiles qui ne sont pas à l’état de moules sili- ceux, comme ceux des couches suivantes : Ananchytes ovata , Lam.; Micr aster cor- anguinum, Ag.?; T erebratula carnea , Sow. , et des empreintes d’Inocérames. e. — Calcaire sableux, jaunâtre, pénétré de silice, passant par places à une roche de silex presque pur; des couches également rem- plies de gros rognons siliceux irréguliers forment toute cette partie de la montagne. A cette assise appartiennent des moules entièrement siliceux d’échinides, dont le gisement est très intéressant, parleur po- sition bien au-dessous de l’horizon des grès d’Uchaux : Galerites vul- garis, Ag. ; Ananchytes ovata , Lam.; A. gibba , id. ; Micraster cor- anguinum , Ag. (var. M. cor-testudinarium , id.). Nous avons déjà cité l’un de ces oursins avec les fossiles de l’assise «, sur le plateau de Rouvière ; voilà donc plusieurs espèces que l’on a regardées sou- vent comme caractéristiques de la craie blanche, et qui se trouvent ici dans l’horizon des grès d’Uchaux et dans des couches qui leur loue jusqu’à la Beaume-Cornillane. La formation lacustre, très puis- sante, consistant en sables, marnes bigarrées avec traces de gypse et de lignite, et calcaires à coquilles d’eau douce, est surmontée par une grande épaisseur de mollasse marine ; et, d’autre part, on trouve au- dessous d’elle une assise peu épaisse d’une autre mollasse, remplie de petits bryozoaires. Le tout repose, en couches très inclinées, sur le calcaire néocomien supérieur. NOTE DE M. LORY. bi sont très positivement inférieures ; la même remarque peut être faite à l’occasion de la Terebratula carnea , du Janira quadricostata , d’Orb., etc. f. — La dernière partie de la pente de la montagne, jusqu’au som- met, est formée de grès à ciment calcaire plus ou moins chlorités; et tout l’escarpement qui regarde le nord est composé de grès ana- logues g , rappelant complètement le grès de la base de la craie chlo- rilée des environs de Grenoble, du Yillard-de- Lans, etc. h. — A la base de ce grand escarpement formé par les assises in- férieures de la craie chloritée, on rencontre un étage très épais de marnes d’un gris bleuâtre, sableuses, alternant avec des couches de grès. Ces marnes occupent presque tout l’espace compris entre les I montagnes de Dieu-le-Fit et celles de la forêt de Saou. Les fossiles y sont rares; MM. Thiollière et Dumorlier ont bien voulu me com- , muniquer deux Ammonites qu’ils avaient recueillies dans cet étage I au-dessous de Bourdeaux, et qui m’ont paru être les Ammonites Du- ! frenoyi , d’Orb. et A. Martinii , id. Ces fossiles confirment ce qui j résulte d’ailleurs de l’étude de ces marnes sur d’autres points du département; elles correspondent aux marnes d’Apt ou marnes à I Plicatules. C’est dans une couche de grès subordonnée à ces mêmes marnes que se rencontre, un peu plus au nord, à Beaufort, le gise- ; ment de poissons fossiles dont M. Paul de Rouville a donné la des- ! cription dans le Bulletin, t. XII, p. 178. I Les particularités intéressantes que nous venons de signaler dans | celte coupe de la montagne du Poët se retrouvent sur d’autres points du département de la Drôme. Si de Dieu-îe-Fit on se rend à Nyons, par Montjoux, on voit que les couches de sables et de grès vert qui forment la colline de Rouvière occupent tout le fond de la vallée de j Dieu-le-Fit, et qu’elles se relèvent au midi comme au nord sur le ; flanc de la montagne qui sépare le bassin de Dieu-le-Fit de la vallée du Lez. Au-dessous d’elles apparaissent alors les assises d, e , f, de la coupe précédente : à l’assise d appartient un calcaire crayeux , sa- bleux, blanc, avec des silex noirs, exploité en face de Montjoux et comme pierre de taille à Dieu-le-Fit; j’y ai trouvé des oursins dont le [ test est silicifié en partie, et qui sont encore le Micraster cor-angui- j mm , Ag.,et YAnanchytes ouata, Lam. Un peu plus loin, à Béconne, on trouve, au-dessous de ces assises, la craie chloritée bien caracté- risée, avec ffolaster suborbicularis , Ag. , puis les marnes bleues noi- râtres de l’étage aptien ; et enfin, à la Roche Saint-Secret, ces marnes reposent immédiatement sur les calcaires néocomiens inférieurs avec Criocères, Ammonites subfimbriatus , d’Orb. , A. Gratiams, id. , etc. Des coupes toutes semblables peuvent être suivies avec le plu- 52 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. grand détail, soit dans la gorge de i’Aygues, au-dessus de Nyons, soit dans celle de l’Ouvèze, entre Mollans et le Buis. Dans cette dernière, en face du point où l’Ouvèze reçoit le ruisseau qui vient du vallon de Plaisians, on trouve, sur le bord de la route, une couche sableuse pétrie de Galerites vulgaris, Ag. Cette couche n’est pas la plus éle- vée de la série crétacée; il s’en faut même de beaucoup; elle repose presque immédiatement sur une assise sableuse, verdâtre, où j’ai recueilli plusieurs exemplaires de Holaster suborbicularis , Ag. Un peu plus loin, à Eygaliers, et près du hameau de Bluye, commune de Plaisians, j’ai trou Holaster subglobosus , Ag. , et Ammonites Man - telli, Sow. ; la craie chloritée qui renferme ces fossiles sert de base à une assise de marnes, contenant une couche d’argile noire, bitu- mineuse, où l’on a tenté d’exploiter du lignite. Toutes les grandes crêtes de cette partie méridionale du Dauphiné, la crête de Bluye, celle du mont Ventoux, etc., sont formées par une longue série de couches calcaires plus ou moins sableuses, plus ou moins remplies de rognons siliceux, auxquelles sert de base la craie chloritée bien caractérisée , avec Holaster suborbicularis , H. sub- globosus, Ag. , etc. La coupe de cette série de couches doit donc encore correspondre à celle de la chaîne du Poët à Dieu-le-Fit. Enfin, à Clansayes, près Saint-Paul-Trois-Châteaux, la série des assises crétacées présente encore des particularités analogues. L’étage des marnes d’Apt est représenté, au quartier de la Leuze , par des marnes sableuses, avec Ostrea aquila , Belemnites semi-canalicula- tus , Blainv. , etc. Au-dessus viennent des grès jaunâtres chlorités, formant la base de la colline de Venterol, et le reste de celle colline est composé d’une grande masse de sables et grès ferrugineux, con- tenant les fossiles du gauit à l’état de moules siliceux roulés, dans les ravins de Gaspardoux. Nous regardons ces sables comme faisant déjà partie de la craie chloritée ; le gault manque ici comme dans les localités dont nous avons parlé ci-dessus, et ses fossiles sont roulés et remaniés dans les assises inférieures de la craie chloritée. En avan- çant vers le village de Clansayes, on voit que ces sables ferrugineux sont surmontés par d’autres assises de craie chloritée, où l’on trouve beaucoup de fossiles, et particulièrement : Ammonites Mantelli, Sow. ; Ancyloceras , indét. ; Spondylus striatus , Goldf. ; Ostrea cari- nata, Lam. ; Holaster suborbicularis , Ag. ; Hemiaster bufo, id. ; Mi - craster distinctus , id. ; Catopygus carinatus, id., etc. En continuant à monter dans la direction du S.-E. , on arrive bientôt sur le pla- teau de Pansier, formé de grès blanchâtres, avec beaucoup de grains de quartz et des rognons de silex : ces grès renferment en abondance les Galerites vulgarisy Ag., G. subrotunda , id., G. albo-galerus , id., NOTE DE M. LORY. 65 accompagnés d’autres échinides peu déterminables et de divers au- tres fossiles. Ce gisement correspond exactement à celui de la vallée de l’Ouvèze, entre Mollans et ie Buis, et aux assises e et d de la mon- tagne du Poët; mais, sur ce plateau, il ne subsiste plus de traces des assises crétacées qui devraient venir au-dessus. J’indiquerai encore, en terminant cette note, quelques faits rela- tifs aux caractères du terrain de craie dans les départements de la Drôme et des Hautes-Alpes. Les crêtes si remarquables qui circonscrivent de toutes parts la vallée elliptique de la forêt de Saou, au S.-E. de Crest, sont formées d’une épaisse série de grès et de calcaire siliceux, reposant, sur tout leur pourtour extérieur, sur les marnes sableuses, noires, de l’étage aptien. Ces grès et calcaires siliceux correspondent à ceux des escar- pements du Poët (assises g et /*); on y voit des empreintes d’Inocé- rames, comme dans la craie chloritée des environs de Grenoble. | Dans l’intérieur du bassin de la forêt , on trouve des assises sa- | bleuses, supérieures à ces couches, et contenant quelques fossiles, entre autres ie Janira quadricostata , d’Orb. Cependant le manque de bonnes coupes naturelles ne permet pas de déterminer les carac- tères de l’assise crétacée sur laquelle repose immédiatement une formation tertiaire lacustre exactement semblable à celle de Dieu-le- Fit, qui occupe le centre de la vallée. Les grandes cimes du Dévoluy, aux limites communes des trois départements du Dauphiné, sont aussi formées, comme nous l’avons précédemment indiqué [Bull., t. X, p. 20), de calcaires siliceux, constituant un étage d’une puissance énorme, superposé aux marnes aptiennes, et reposant directement, à sa limite orientale, sur le calcaire oxfordien. Le mont Aurouse est composé de ces calcaires à silex, à couches à peu près horizontales dans leur ensemble ; sur le vaste plateau qui couronne cette montagne s’élève le pic de Bure (2713 mètres), on l’on peut suivre la continuation de la série des couches crétacées. A une quinzaine de mètres en dessous du som- met , j’ai trouvé une assise de calcaire crayeux, légèrement chlorité, rempli de petits bryozoaires, et contenant en même temps une grande quantité d 'Ostrea vesicularis , Lam. Sur la rive droite de Béous, entre Yeynes et Montmaur, on peut suivre en détail une coupe analogue des assises crétacées, dont j’ai aussi donné la description dans la note précitée ( Bull . , t. X, p. 25). Les dernières couches du terrain de craie sont des grès assez fria- bles, de diverses teintes, qui renferment également en abondance Y Ostrea vesicularis. Ils sont recouverts immédiatement par une for- SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. 5 h motion lacustre qui est encore, selon toute apparence, synchronique de celles de Lus-!a-Croix-Haute, de Dieu-le-Fit, etc. On voit, par ces divers exemples, que les assises supérieures de la série crétacée, dans les départements de la Drôme et des Hautes- Alpes, renferment, sur plusieurs points, des fossiles que l’on consi- dère habituellement comme caractéristiques de la craie blanche du bassin parisien , mais que ces fossiles ne peuvent cependant suffire pour établir l’existence de ce dernier étage. En effet, nous les ren- controns dans des couches qui, sur les points où la série paraît la plus complète, comme à Dieu-le-Fit, sont inférieures à l’horizon si bien caractérisé des grès d’üchaux. Les couches à Ostrea vesiculoris que nous venons de signaler sont peut-être, il est vrai, supérieures à ce niveau ; mais nous ne connaissons encore, sur aucun point de cette région, le Belemnitella mucronata , qui caractérise la craie blanche dans les montagnes de la Chartreuse. M. Elie de Beaumont demande si ces couches crétacées ne sont pas les mêmes que celles de Villars-de-Lans, et quelle est l'épaisseur des divers étages dans les localités citées par M . Lory . M. Lory répond qu’au Villars la série crétacée est plus com- plète, et que la craie blanche s’y trouve avec les fossiles carac- téristiques 5 que dans la vallée de Sont, comme à Crest, il n’y a pas de craie blanche. M. Lory ajoute que, près de Grenoble, la craie chloritée a plus de 100 mètres, et la craie blanche 50 mètres -, elle est moins épaisse à la Grande-Chartreuse, où sa texture est vrai- ment crayeuse, et où l’on y trouve le Belemnites mucronatus. La craie chloritée a beaucoup plus de puissance dans cette localité. M. Elie de Beaumont remarque que c’est une tache de craie blanche dans l’Isère. M. de Yerneuil demande si M. Lory peut distinguer ces Ananchytes ovata et Micraster cor-cinguinum de ceux de la craie blanche. M. Lory dit que non ; ils sont dans un calcaire très siliceux et remplis de silex. M. Coquand présente les observations suivantes sur les divi- sions de la craie dans le sud ouest de la France : MÉMOIRE DE M. COQUAND. 55 Notice sur la formation crétacée du département de la Cha- rente , par M. H. Coquaod , professeur de géologie ix la Faculté des sciences de Besançon. Après les travaux nombreux que la science possède sur la constitu- tion géologique du sud-ouest de la France, et surtout après les publi- cations récentes de M. d’Archiac, il pourra paraître surprenant qu’il soit proposé un remaniement dans la classification de la formation crétacée de cette partie de la France; et le géologue, qui ne recule pas devant une tentative de ce genre, semble s’exposer à un reproche justement mérité d’imprudence ou d’innovation. J’aurais bien cer- tainement reculé devant une hardiesse pareille, si je n’avais eu à légitimer les divisions que je dois suivre dans mon texte explicatif, divisions qui correspondent aux teintes conventionnelles que j’ai adoptées pour la carte géologique de la Charente, dont la confection m’a été confiée. Les conclusions auxquelles j’ai été conduit par huit années d’études, diffèrent d’ailleurs très notablement de tout ce qui a été écrit jusqu’ici. Pour indiquer tout d’abord en quoi mes idées s’écartent le plus radicalement de celles émises par les géologues qui m’ont précédé, je dirai que les principales divergences consistent en ce que je n’admets pas dans les deux Çharentes l’existence de la craie chloritée de Rouen, et que j’admets, au contraire, l’existence de la craie blanche de Meudon et de Maestricht. J’espère confirmer l’exactitude de cette double affirmation par des arguments tirés à la fois et de l’ordre de superposition et de la distribution des animaux fossiles, en démontrant que la stratigraphie et la paléontologie, qui se contrôlent d’une manière si admirable, pour ne pas dire infaillible, dans toutes les parties du monde connu, acquièrent dans le départe- tement qui est l’objet de cette notice un titre de plus à la confiance qu’elles inspirent ; car il est facile d’y établir des horizons distincts au moyen de faunes distinctes, tout comme il est facile de s’assurer que celles-ci sont spéciales à l’étage qu’elles caractérisent, et qu’elles n’empiètent jamais sur le domaine des faunes limitrophes, si ce n’est dans quelques bancs qui font passage d’un étage à un autre, et dont, faute de pouvoir en opérer une séparation rigoureuse et mathémati- que, le géologue est obligé de faire, pour ainsi dire, un terrain neutre. Il est superflu de faire remarquer que les principes que nous venons d’énoncerici sont indépendantsde la détermination fautive ou hasardée de quelques espèces douteuses ou bien de la comparaison établie par divers auteurs, entre des localités éloignées les unes des autres, et dont l’assimilation n’avait pas pour base l’identité des fossiles recueillis. 66 •ÉANCB DU 3 NOVEMBRE 1856. C’est ainsi, par exemple, que l’on s’est obstiné à ne voir dans les cou- ches les plus élevées de la craie de Royan et de Barbezieux que le représentant de la craie de Villedieu à Micraster cor-anguinum Agass. , tandis qu’à Cognac et ailleurs où cet échinoderme abonde , on oublie de mentionner que les bancs à Micraster sont surmontés par trois étages superposés dans lesquels on reconnaît très bien, et jdansla po- sition qui leur appartient et avec les fossiles qui leur sont propres, la craie blanche de Meudon et celle de Maeslricht. Aussi est-on étonné de voir un auteur recommandable et dont la paléontologie a assuré la réputation, qui, pensant avoir recueilli dans une véritable craie blanche une variété d'Ostrea, rappelant par sa forme YOstrea co- lumba , Lam. , arguer delà présence de ce seul fossile (que, malgré des recherches minutieuses, je n’ai pu parvenir à retrouver), pour con- sidérer cette craie comme l’équivalent de la craie chloritée de Rouen, et ne tenir aucun compte de YOstrea vesicularis , Lam., de YOstrea frons , Park. , de YOstrea larva , Lam. , de Y Ananchytes ovata, Lam. , du Conoclypus Leskei, Agass., et d’une foule d’autres espèces tout autant caractérisques de la craie de Meudon ou de Maestricht et dont la signification proteste contre la date qu’on cherche à leur faire représenter. Pour bien apprécier la portion de la formation crétacée qui est représentée dans la Charente, il est utile de connaître les termes dont elle est composée ailleurs. Considérée dans son ensemble, cette formation est divisée par les géologues anglais et par M. d’Archiac en quatre groupes qui sont, pris en bloc et dans l’ordre ascendant : 1* Le groupe néocomien, ou le grès vert inférieur ; • 2° Le groupe du gault ; 3° Le groupe de la craie tuffeau (grès vert supérieur) ; h° Le groupe de la craie blanche. Subdivisés en étages d’après l’ordre de superposition et d’après les distinctions des faunes, ces groupes peuvent être désignés par étages de la manière suivante : 1 . Etage injèrieur {valangien des géologues suisses), caractérisé par le Strombus Sautieri , Coquand. 2. Etage moyen ( marnes et Hauterive'j, caractérisé par le Belcmnitcs clilatatus , Blainv., et Y Ammonites radia tus, B ru g. 3. Etage supérieur ( urgonien de M. d’Orbigny, calcaire à Chama ammonia ), caractérisé par la Chama am monta , Goldf., le Radiolites neocomiensis , d’Orb., et Radiolites Marticensis , d’Orb. 4 . Groupe hêocomien. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 57 Î4. Étage inférieur [étage aptien de M. d’Orbigny, ar- giles a Plicatules ), caractérisé par le Belemnites semicanaliculatus , Blainv., et X Ostrea aquila, d’Orb. 2. Étage supérieur [ga ait), caractérisé par X Ammonites Beudanti, Brong., et X Ammonites mamillatus , Schloth. '1 . Étage inférieur [craie chloritée de Rouen , cénoma- j nien de M. d’Orbigny, grès vert supérieur), carac- térisé par X Ostrea conica , d’Orb., les Ammonites rothomagensis , Lam., varions , Sow., Mantelli , Sow., le Scaphites œqualis , Sow., le Pecten asper, Lam. 2. Étage supérieur [étage turonien de M. d’Orbigny, grès vert supérieur). Cet étage, compris entre les bancs à Ostrea columba et la base de la craie blanche, est caractérisé par les Ostrea columba , Lam., et plicata, Lam., le Radiolites lumbricalis, d’Orb., et la Sphœrulites Desmoulinsiana , Ma- theron). 4. Groupe f\. Étage inférieur, craie marneuse. de la i2. Étage moyen, craie blanche à Ostrea vesicularis , craie ) Lam. supérieure. (3. Étage supérieur, calcaire pisolithique. Ces secondes subdivisions, quoique moins générales que les pré- cédentes, sont insuffisantes cependant pour exprimer d’une manière convenable les coupes naturelles qu’on est en droit d’opérer dans l’ensemble des formations sédimentaires, surtout quand ces coupes sont en harmonie avec les principes paléontologiques, qui seuls, et à l’exclusion du caractère pétrographique dont la valeur est de moindre importance, doivent servir de base philosophique aux classifications géologiques. C’est ce but que j’ai tenté d’atteindre dans mon travail sur la for- mation crétacée de la Charente, en m’appuyant sur la persistance de plusieurs coquilles au milieu de certaines limites verticales qu’elles ne dépassent jamais. Or, la profusion des Ostrea et surtout des rudis- tes, dont les espèces changent incontestablement suivant les niveaux auxquels on les observe, m’a fourni des jalons précieux qui m’ont permis de tracer mes horizons avec la plus grande sûreté, tout en m’empêchant de confondre des couches que leur faciès extérieur semblait identifier. J’ai apporté le plus grand soin dans la détermination des corps organisés fossiles, ainsi que dans la désignation des lieux où je les ai recueillis. J’ai pu éviter, grâce à cette double précaution, une foule 3. Groupe de LA CRAIE TUFFEAU. 58 SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1856. d’erreurs qui se sont glissées clans la Paléontologie française et dans les travaux de M. d’Arcbiac, erreurs inévitables de la part de cet auteur, qui n’a pas eu, comme moi, le bénéfice du temps et les facilités de tout genre pour voir et revoir pas à pas chaque localité. La formation crétacée n’existe pas à l’état complet dans la région du sud-ouest de la France dont nous nous occupons. Les groupes néocomien etdugaulty manquent complètement, et celui de la craie tuffeau, que nous désignerons dorénavant par le nom de craie infé- rieure, n’est représenté que par la portion des grès verts supérieurs à la craie chloritée de Rouen : en d’autres termes, elle débute par les bancs à Ostrea plicata , Lam. ( O flabellata d’Orb.); mais, à partir de cet horizon, la série est complète jusques et y compris le niveau de la craie de Maeslricht. Nous admettons, à l’exemple des géologues anglais, quatre groupes dans la formation crétacée ; ce sont : 1° le néocomien ; 2° le gault; 3° la craie inférieure, et l\° la craie supérieure. Les groupes seront partagés en étages et ceux-ci en sous-étages. Les étages sont délimi- tés d’après l’identité des faunes et les sous- étages d’après la compo- sition minéralogique. Ces derniers peuvent offrir des variations suivant les localités où on les observe, tandis que les étages sont ici indépendants de tout changement qui peut survenir, soit dans la na- ture, soit dans la puissance des matériaux constituants. Le tableau qui suit énonce les divisions et les subdivisions que nous avons adoptées dans la formation crétacée du département de la Cha- rente et qui sont identiquement les mêmes pour celui de la Cha- rente-Inférieure. Premier étage. Craie chloritée de Rouen, caractérisée par Y Ammonites rotho- magensis , Lam., et Y Ostrea conica) d’Orb. (Il manque dans la Charente.) Deuxième étage. 1 er sous-étage. — Argiles lignitifères. 2e sous-étage. — 'Grès verdâtre calcarifère et grès sableux, ferrugineux, caractérisés par Y Ostrea plicata , Lam. [O . flabellata , d’Orb.). 3e sous-étage. — Calcaire à Ichthyosarcolites et à Alvéolines, caractérisé pa Y Ostrea columba , Lam., la Caprina ad- versa , d’Orb., et la Sphœrulites foliacea, Lam. 4e sous-étage. — A rgiles tégulines, caractérisées par Y Ostrea plicata , Lam., VO. columba , Lam., et Y O. biauriculata1 Lam. CRAIE SUPÉRIEURE. CRAIE INFÉRIEURE (suite). MÉMOIRE DE M. COQUÀND. 59 1 5e sous-étage. — Sables supérieurs à Ostrea plicnta , Lara., / O. biauriculata , Lam., et O. columba Lam. I 6e sous -étage. — Second banc à Ichthyosarcolites. { 7e sous-étage. • — Calcaire marneux avec Ostrea columba , (var. major ) Lam., Ostrea carinata . Lam., Terebratula pectita , Sow., Inoceramus problematicus , d’Orb., Pieu - l rotomaria G allie ni , d’Orb. | Cet étage correspond au deuxième horizon des rudistes (1). I Troisième étage. M er sous-étage. — Calcaire subcristallin en plaquettes. /2e sous-étage. — Calcaire dur, saccharoïde (pierre à paver \ d’Angoulême). 3e sous-étage. — Calcaire pierre de taille, caractérisé par la I liadiolites lumbricalis, d’Orb., et YHippurites cornu- I vaccinant , Bronn. I Cet étage correspond au troisième horizon des rudistes. [ Quatrième étage. 1*r sous-étage. — Calcaire marneux en plaquettes, 2e sous-étage. — Calcaire solide (appelé chaudron ) à Sphœru - ^ lites Sauvagesi , d’Orb., et S. Desmoulinsiana , Math. \ 3e sous-étage. — Calcaire feuilleté marneux. \ Cet étage correspond au quatrième horizon des rudistes. Premier étage. 1er sous-étage. — Sable et grès sableux de Richemont. 2e sous-étage. — Craie solide caractérisée par Y Ostrea auri- cularis , Brongn., la Sphœrulites sinuata , d’Orb., le Mi- cro s ter cor-an gui num , Agass., et la Terebratula vesper- tilio , Brocchi. 3e sous-étage. — Craie tendre avec silex ( Petite-Champagne ). Cet étage correspond au cinquième horizon des rudistes. Deuxième étage. Craie tendre à Ostrea vesicularis, Lam., O. larva} Lam., Sphœrulites Hœninghausi , Desmoul., Radio lites craterijor - mis, Desmoul., Ananc/rytes ovata , Lam. (Grande- Cham- pagne). Cet étage correspond au sixième horizon des rudistes. Troisième étage. Calcaire jaune à Sphœrulites crlindracea , Desmoul., Radiolites Rouanne ti , Desm., et Hippurites radiosa , Desmoul. Cet étage correspond au septième horizon des rudistes. (I) On sait que la première apparition des rudistes remonte à l’étage supérieur du groupe néocomien. 60 BÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. Il est superflu de rappeler que, dans les deux Charentes, la direc- tion générale des collines dont sont constituées les formations secon- daires est du nord-est au sud-ouest, et qu’à partir de la forêt d’Horte, sur les confins du département de la Dordogne jusqu’à l’île d’Oleron, le terrain crétacé s’appuie d’une manière transgressive sur les dif- férents étages du terrain jurassique, et s’étend du côté de la Gironde, en envahissant dans la Charente une partie des arrondissements d’Angoulême et de Cognac, et l’arrondissement entier de Barbe- zieux. Les divers termes qui le composent sont disposés en retrait les uns au-dessus des autres, et, à cause de la faible inclinaison des couches, ils forment des zones plus ou moins larges, généralement parallèles entre elles. Nous allons esquisser rapidement les traits principaux que nous avons reconnus dans les derniers étages de la craie de la Charente, en nous bornant à ce qu’ils peuvent offrir d’essentiel, cette notice n’étant en réalité que le résumé de notre travail général sur la géo- logie de ce département. PREMIÈRE PARTIE. CRAIE INFÉRIEURE. Premier étage , comprenant la craie chloritée de Rouen. Ce premier étage manque complètement dans les deux Charentes, et les géologues, qui ont cru en trouver l’équivalent dans l’ensemble de la formation, ont fait une confusion contre laquelle il est utile de se prémunir. En effet, les fossiles les plus abondants et les plus ca- ractéristiques de la colline de Sainte-Catherine, près de Rouen, et qui sont le Nautilus Archiacianus , d’Orb. ; Ammonites Mantelli , Sow. ; Ammonites rhotomagensis, üefr.; Ammonites varions, Sow. ; Turrilites costatus , Lam. ; Scaphites œgualis, Sow. ; Avellana cassis , d’Orb.; Ostrea conica, d’Orb.; Pecten asper, Lam.; Galerites cas- tanea, Ag. , etc. , n’ont jamais été signalés dans les deux Charentes. Il est vrai de dire que l’on trouve au-dessus du second banc à lck - thyosar colit es, notamment à Siilac, près d’Angoulême, une Ammo- nite, que M. d’Orbigny ( Paléontologie française , pl. 103), a consi- dérée comme une variété de l 'Ammonites Mantelli, Sow., dépouillée de ses tubercules dorsaux, tandis qu’elle se rapporte à l 'Ammonites navicularis de Mante!!. On pourrait critiquer avec autant de raison quelques autres espèces que l’on a assuré être communes entre les deux étages de la craie inférieure, dont l’un est caractérisé par Y Ostrea conica, d’Orb., et le second par Y Ostrea columba , Lam. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 6l Mais ces erreurs paléontologiques, la paléontologie se charge de les corriger successivement. Au surplus, le fait de la suppression du premier étage de la craie inférieure dans le département de la Charente ressort très nettement de l’étude comparative de plusieurs contrées du midi de la France, où l’on voit de la manière la plus évidente que la craie cldoritée de Rouen supporte les couches supérieures à Ostrea columba , dont elle est séparée par une formation d’eau douce lignitifère de plus de 60 mètres de puissance, et qui n’est autre chose que l’équivalent des argiles lignitifères de i’île d’Àix et des environs d’Angoulême. Comme il est utile de mettre ce fait en lumière, nous choisirons pour sujet de notre démonstration une des localités les plus instruc- tives et les plus intéressantes à la fois, celle de Saint-Paulet, près du Pont-Saint-Esprit, dans le département du Gard. Effectivement, la coupe des terrains compris entre les rochers de Roquebrune, sur les bords du Rhône, en face de Mondragon, et la rivière de l’Ardèche, au delà de laquelle la craie inférieure et le gault reposent sur le ter- rain néocomien, permet de déterminer avec toute la précision dési- rable la place qu’occupent les bancs à lignites dans l’épaisseur des grès verts supérieurs, et de démontrer surtout que c’est à tort qu’on voudrait assimiler les bancs à Ostrea columba , Lam. , et la montagne de Sainte-Catherine. Une faille (fig. 1), dirigée sensiblement de l’est à l’ouest, et qui, partant des environs de la ville du Pont-Saint-Esprit, passe par le revers nord du village de Carsan, d’où elle va se perdre dans le massif montagneux de la Chartreuse de Yalbonne, a déterminé au milieu des terrains une ligne de rupture de chaque côté de laquelle les cou- ches plongent en sens opposé, de sorte qu’en marchant des hauteurs de Roquebrune sur l’ermitage de Saint- Pancrace, l’observateur re- coupe deux fois les mêmes bancs. Les plus inférieurs A, qui se montrent à la base des affleurements, consistent en des marnes grisâtres qui appartiennent à cette partie inférieure du gault que l’on connaît sous la dénomination de terrain aptien ou de marnes à Plicatules. On y trouve le Belemnites semica - naliculatus , Blainv. , et V Ammonites Nisus , d’Orb. On remarque ensuite dans l’ordre ascendant : 1° Un grès B, à grains fins, parsemé d’une infinité de points ver- dâtres ( silicate de protoxyde de fer), et contenant les Belemnites semicanaliculatus , Blainv., et minimus, Lister, ainsique YOrbito- lites lenticulata , Lam. , fossile si commun à la perte du Rhône. Ce grès représente le gault proprement dit. T Des bancs puissants d’un grès sableux rouge C, très quartzeux, Roquehrune. Fig. 1. Taille. Saint-Pancrace. Ardèche. 62 SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1856. renfermant, à l’état subordonné, un banc de fer peroxydé, mélangé d’hv- drate et de la variété magnétique dé- _j crite sous le nom de Berthiérite , dont la puissance oscille entre 1 mètre et lm,50. Ce grès ferrugineux, qui ne ren- ferme aucun corps organisé fossile, me paraît appartenir au gault supérieur, et il forme, dans toute l’étendue du bassin, un horizon nettement accusé. 3° Des grès verts D, très puissants, solides ou friables, en couches alter- nantes avec des argiles sableuses et des marnes bleuâtres, caractérisés par le Pecten asper, Lam., le Pecten quin- quecostatus, Sow., XOstrea conica , d’Orb., l’ Holaster subor bicularis, Ag. , le Nautilus Arckiacianus , d’Orb. , X Orbitolina concava, Lam. , et d’autres espèces fossiles spéciales à la craie chlo- ritée de Rouen. !x° Des sables rougeâtres ou jaunâ- tres E, généralement friables, mais quelquefois agglutinés par un ciment siliceux ou calcaire , et formant alors, au milieu des portions meubles, des plaques interrompues ou des couches solides. 5° Une formation lacustre F, très puissante, presque exclusivement cal- caire, renfermant beaucoup de co- quilles d’eau douce, telles qnedes Arn- pullaria (A. Faujassi , Dumas), des Cyrènes, des Cyclades, des Pyrènes, etc. C’est dans ce système, dont l’épais- seur, sur plusieurs points du bassin, dépasse 60 mètres, qu’est enclavé un w lignite piciforme avec rognons de suc- cin, dont il existe trois bancs exploita- bles. Les calcaires qui avoisinent les combustibles sont remplis d’em- preintes de végétaux. On remarque aussi des Huîtres à divers r MÉMOIRE DE M. COQUAND. 6S niveaux dans cette formation, qu’on peut considérer comme étant d’origine fluvio-marine ou d’embouchure. 6° Des grès et des sables jaunâtres G, contenant à la base YOstrea plicata , Lam. (O. flabellata , d’Orb. ) , qui descend quelquefois jus- que dans l’étage à lignites, et YOstrea columba, Lam., à la partie supérieure. 7° Des sables jaunâtres H passant à un grès friable, alternant avec des argiles sableuses. 8° Un grès lustré I, passant à un quartzite très solide, alternant avec des argiles sableuses et contenant la Triyonia scabra , Lam., et Y Area Requieniana, d’Orb. 9° Un calcaire jaunâtre K, à points miroitants en couches minces, formant la base du calcaire à Hippuriles. 10° Enfin, le calcaire à Hippurites L, formant des bancs très épais et représentant la partie supérieure des grès verts, mais parfaitement distincte et par sa position et par sa faune des bancs à Ostrea columba , Lam., et Ostrea plicata, Lam. Ges Hippurites, ou du moins les plus abondantes, sont les Hippurites organisans, Montf. , et cornu-vac- cinum , Bronn ; elles sont accompagnées des Sphœrulites Desmou- linsiana , Math., et Sauvagesii, d’Orb. Cette coupe du terrain crétacé des environs du Pont-Saint-Esprit démontre d’une manière péremptoire que la formation lacustre avec combustible fossile, qui se retrouve, sur la rive opposée du Rhône, dans la même position, est réellement intercalée dans l’étage du grès vert supérieur, et qu’elle est placée entre les couches à Pecten asper , Lam., et Ostrea conica , d’Orb. (craie chlorilée de Rouen), et l’étage des Ostrea columba , Lam., et plicata, Lam., par lequel débute la craie inférieure dans les deux Charentes. C’est un nouveau wealdien spécial aux grès verts supérieurs. Celui du département du Gard, à cause de son importance et de sou grand développement, pourrait être désigné par le nom de terrain ou à' étage gardonien. Il est facile de se convaincre que les lignites de l’île d’Aix, qui re- montent jusqu’au-dessus d’Angoulême, sont exactement de la même époque que ceux de Saint-Paulet : car ils forment la base, ou plutôt ils sont une dépendance de l’étage de grès vert à Ostrea columba , Lam., et plicata, Lam., ainsi qu’on le remarque dans le Gard, et ils reposent sur la formation jurassique sans l’intermédiaire de la craie chloritée de Rouen. Donc ce dernier terme, qui dans le midi de la France est placé au-dessous des couches à lignite, manque incontes- tablement dans les deux Charentes. 64 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. Deuxième étage. C’est par les argiles lignitifères, dont nous avons démontré l’équi- valence avec les couches à lignites de Saint-Paulet, que débute la formation crétacée dans les départements de la Charente et de la Charente-Inférieure. Cet étage, composé de plusieurs sous-étages* que distinguent leurs caractères pétrographiques, est caractérisé très nettement par la présence des Ostrea plicata , Lam. , columba , Lam. , et biauriculata , Lam., qui le traversent dans toute son épaisseur, par la Caprina adversa , d’Orb. , la Sphœrulites foliacea , Lam., et par d’autres rudistes qui y forment des bancs très considérables. Ainsi que l’indique le tableau de nos divisions, nous avons admis sept sous-étages, dont nous allons esquisser les principaux traits. Premier sous-étage. — Argiles lignitifères. — Ces argiles sont ordinairement grisâtres ou bleuâtres, et remplies de rognons de pyrites de fer, dont la décomposition donne naissance à des efflorescences de sulfate de fer et d’alumine. Leur indépen- dance par rapport à la formation jurassique est manifeste, bien qu’à cause de la faible inclinaison des couches il ne soit pas facile d’ob- server sur un point donné des discordances de stratification tranchées. C’est ainsi que, dans les environs de Saint-Sulpice, à la limite occi- dentale du département, elles reposent directement sur les argiles gypsifères qui représentent une formation d’eau douce subordonnée à l’étage portlandien. Près de Saint-Même, elles s’appuient sur le portlandien supérieur; à Angoulême, sur le portlandien moyen; à Touvre, sur l’étage kimméridgien ; à Bouex, sur le corallien supé- rieur, et près de Grassac , sur le corallien inférieur. Leur trans- gressivité, par rapport aux étages jurassiques, est donc indubitable, déduction qu’on pouvait tirer, à priori , de l’absence des groupes néocomien, du gault et de la craie chloritée de Rouen, dans l’An- goumois et la Saintonge. La route d’ Angoulême au pont de Basseau fournit une démonstra- tion fort intéressante de la superposition des argiles au calcaire port- landien. Les escarpements qui, dans le voisinage du pont, séparent la région des coteaux des plaines alluviales de la Charente, et que la route a profondément entamés, laissent lire la disposition indiquée par la fig. 2 , MÉMOIRE DE M. COQUAND. 65 Charente. Fig. -■ Les prairies s’appuient sur un calcaire solide A, composé d’ooîithes fines, engagées dans un calcaire spathique et qui contient des Neri- nea et des Chemnitzia. Il est surmonté par un calcaire très argi- leux B, pétri d 'Ostrea Bruntrutana , Thurm. , auquel succèdent d’au- tres bancs d’un calcaire solide G, jaunâtre, à cassure lithographique, renfermant la même espèce cVOstrea, mais avec moins d’abondance, et dont la surface est criblée d’une infinité de cavités dues à des per- forations de Pholades. Les trous laissés par les animaux perforants sont généralement perpendiculaires au plan des couches. On a donc affaire à un dépôt littoral. La formation crétacée commence, en ce point, par un banc d’argile bleuâtre D, feuilletée, dont l’épaisseur est de 65 à 70 centimètres, et dans laquelle on a remarqué des rognons de succin brunâtre. Elles sont exploitées comme argile à foulon : la qualité m’en a paru d’ailleurs médiocre. Elles sont surmontées par une masse puissante de grès verts calcarifères E, solides ou friables, remplis de débris d’Huîtres, parmi lesquelles prédominent les Ostrca plicata, Lam. , et carantonensis , d'Orb. Les grès verts envahissent le sommet des co- teaux et se répandent dans la direction de Châteauneuf jusqu’à l’Océan, sous formes de bandes frangées. Les excavations qui ont été pratiquées dans la plaine de Saint-Yrieix, et notamment au Petit- Bardine, presque en face de la Poudrerie, ont atteint les argiles in- férieures, qui doivent être calcarifères, puisqu’elles ont été utilisées pour le marnage des terres. J’y ai observé de nombreux fragments de végétaux carbonisés. On y a recueilli aussi quelques noyaux de succin. Les seuls représentants du règne animal que je connaisse de cet étage consistent en une vertèbre d’un reptile de grande taille, décou- verte par M. de Terrasson, sous les Molidards et les Tarets qui sont engagés dans les bois fossiles ou dans la roche jurassique. Les troncs d’arbres, signalés par M. Fleuriau de Bellevue sur la côte de l’île d’Aix, gisent au milieu des argiles qui nous occupent, et, bien que Soc. géol., 2e série, tome XIV, 5 06 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. leur accumulation n’ait pris nulle part ailleurs autant de développe- ment, on en rencontre cependant des vestiges sur plusieurs points de la Charente, et notamment dans les environs de Saint-Même. M. Manès (1) cite dans les lignites de l’île d’Aix divers mollusques convertis en calcédoine, et entre autres le Sphœrulites Bellœvisus , la Caprina opposita , le Pecten quinquecostatus, le Nautilus trian- gularis , la Gryphœa aquila, la Gryphœa columba et le Spatangus cor-anguinum. Il a dû se glisser quelques inexactitudes dans la déter- mination de ces espèces. Deuxième sous-étage. — Grès verdâtres calcarifères et grès sa- bleux ferrugineux . — Aux argiles lignitileres succèdent des grès verdâtres , solides ou friables, et dont les grains de quartz sont sou- vent agglutinés par un ciment calcaire. En're Fléac et le pont de Basseau, le calcaire devient si abondant, qu’il s’isole en plaques ou en noyaux assez volumineux, et donne naissance à une roche bréchi- forme des mieux accusées. L’alternance entre des grès solides et des sables et l’enchevêtre- ment des uns et des autres font que les masses qui composent ces roches sont généralement ébouleuses, comme on peut s’en assurer dans les alentours de Nersac. La partie supérieure du sous-étage est occupée par des sables ferrugineux exploités sur plusieurs points du faubourg Saint-Pierre, endurcis par places et passant alors à un grès ocracé, dont la stratification est irrégulière et interrompue; son épaisseur est variable. Les fossiles que j’y ai recueillis sont les sui- vants : Ostrea columba , Lam. ( varietas minor ]. — plicata , Lam. (< flabellata , d’Orb.). — carantonensis , d’Orb. Ich th yosarcolites Orbitolites plana , d’Arch. — mamillata, d’Arch . et des tiges de végétaux indéterminables. Ces fossiles se trouvent constamment à l’état roulé ; seulement l’épaisseur de leur test les a préservés d’une destruction complète. La puissance du second sous-étage oscille entre 15 et 25 mètres. Troisième sous-étage. — Calcaireà Ichthyosar colites et à Alvéoli- nes. — Par sa puissance et par les remarquables espèces de fossiles qu’il contient, ce calcaire constitue un des termes les plus importants de (1) Description physique , géologique et minéralurgique du dépar- tement de la Charente-Inférieure y 1853, p. 183. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 67 notre second étage. Exploite dans beaucoup de localités comme pierre de taille, placé entre des grès verts et des argiles remplies d’Huîtres qui ne permettent pas de se tromper sur sa position véritable, ii devient un des points de repère le plus aisé à recon- naître de la formation crétacée de cette partie de la France, Les limites dans lesquelles doit se renfermer celle notice ne nous permettent pas d’entrer ici dans beaucoup de détails sur les variations nombreuses que ce calcaire présente dans le grain et sa composition , et moins encore sur sa distribution géo- graphique. Nous nous bornerons à dire que les deux localités les plus intéres- santes du département de la Charente sont les coteaux de Saint-Trojan, près de Cognac, et l’emplacement des ate- liers du chemin de fer, c’est-à-dire le triangle dans lequel la ligne du chemin de fer, la base du plateau d’Angoulême et de la Charente enserrent le faubourg de l’Houmeau. Nous donnons , dans la fig. 3, la succession des divers bancs que Fort traverse, à partir de la Charente jusqu’à l’entrée de la gare des voyageurs. Les fondations de la fabrique de bri- ques réfractaires de la Rochine, sur les bords de la rivière, sont creusées dans les grès verts A, supérieurs aux argiles lignitifères dont nous venons de parler, et dans lesquels on a découvert aussi quelques nids de résine fossile. On rencontre ensuite : 1° Un calcaire marneux B, feuilleté, mélangé de sable, et établissant le pas- sage des assises A au calcaire supé- rieur C ; 2° Des bancs d’un calcaire coquillier 68 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. C, très grossier, entièrement pétri de fragments anguleux ou roulés de coquilles dont le test fort épais est passé à l’état de chaux carbo- natée spathique. On y remarque de nombreux débris de Caprines et de Nérinées, agglutinés par un ciment calcaire et dont l’aspect général rappelle exactement les gâteaux formés d’amandes concassées ; 3° Des couches très épaisses d’un calcaire dur D, glanduleux et rempli d’ Ichthyosar colites et de Caprines gigantesques ( Caprina adversa , d’Orb.) ; U° Un calcaire marneux E, peu riche en fossiles ; 5° Un calcaire solide F, avec Sphœrulites foliacea , Lam., etc. ; 6° Un calcaire marneux G ; 7° Un calcaire solide H , axecSphœrulitespolyconilites , d’Orb. , etc. 8° Des bancs d’un calcaire solide I, d’une couleur un peu foncée à la base, et passant à des calcaires plus blanchâtres, quoique tou- jours très durs et contenant la Sphœrulites triangularis , d’Orb., la Chama navis , Coquand ( Caprotinanavis , d’Orb.), Y Ichthyosarcolites triangularis Desmar. ( Caprinella triangularis , d’Orb.). Cette der- nière espèce occupe surtout les parties les plus élevées, et elle est accompagnée d’une grande quantité d ' Alveolina cretacea, d’Archiac. La puissance de ce sous-étage comprenant les numéros un jusqu’à huit dépasse une trentaine de mètres. Bien que les divers fossiles que nous avons mentionnés se trouvent, en général, répandus dans l’épaisseur totale, on peut dire cependant que leur maximum de développement est en rapport avec la position que nous leur avons indiquée. Quatrième sous-étage. — Argiles tègulines. — Des argiles bleues K, pyritifères, remplies d 'Ostrea columha , Lam., d ' Ostrea biauriculata, Lam., cY Ostrea plicata , Lam., A Ostrea flabellata, d’Orb., dont la puissance est de 1 à 3 mètres. Ces bancs d’argile que l’abondance et la spécialité de leurs fos- siles, tout comme leurs caractères pélrographiques, rendent un des horizons géologiques les plus saillants de la Charente, sont la patrie par excellence des sources ; aussi la présence des prairies artificielles qu’elles arrosent révèle au géologue un de ses points de repère le plus sûr. Les argiles se laissent, en outre, très bien pétriV, et cette propriété précieuse est utilisée sur presque tous les lieux du dépar- tement où elles affleurent. Elles servent à alimenter un nombre très considérable de tuileries: aussi le nom A argiles tègulines, qu’on peut leur donner, est justifié par les exploitations auxquelles elles se prêtent, et par les services qu’elles rendent à l’industrie. Cinquième sous-étage. — Sables supérieurs. — Il consiste en un banc de grès sableux L, de couleur jaune ou verdâtre, contenant les MÉMOIRE DE M. COQUAND. 09 mêmes Huîtres que les argiles inférieures, et devins le Catopygus columbarius , À g. ; sa puissance est de 1 mètre à lm,50. Sixième sous- étage. — Second banc d’ïchthyosarcolites. — ïl est /orme d’un banc calcaire M, à Ichthyosarcolites, épais de 1 mètre à 1m,50, et contenant YOstrea columba , Lam., YOstrea biauriculata , Lam, , le Pecten Fleuriausianus , d’Orb. , le Nautilus triangularis Monlf. , le Pterodonta inflatci , d’Orb., Y Area Guerangeri, d’Orb. Septième sous-étage. — Calcaire avec Terebratula pectita , Sow. Il consiste en une masse très puissante d’un calcaire marneux N, passant souvent à une argile bleuâtre susceptible de faire pâte avec l’eau. Ce gous-étage forme la base du plateau d’Angoulême, et c’est dans son épaisseur qu’a été percé le tunnel qui passe au-dessous de la ville. Puissance, 12 à 16 mètres. Les fossiles qu’on y recueille le plus fréquemment sont les suivants : Ammonites Fleuriausianus , d’Orb. — navicularis, Mantell ( Mantelli , d’Orb.). Pterocera inflata, d’Orb. Pleurotomaria Gallieni , d’Orb. Ostrea columba , Lam. ( varietas major], — hippopodium , Nilsson. — carinata , Lam. Terebratula pectita , Sow. — carantonensis , d’Orb. Catopygus columbarius , Agass. Nucleolites Ricardi. Archiacia sandalina , d’Orb. Des polypiers et des dents de poissons dont M. de Rochebrune possède une très belle suite. Malgré les variations nombreuses que le caractère pétrographique imprime aux diverses assises de notre deuxième étage, nous n’avons pu les séparer les unes des autres à cause de la présence à tous les niveaux des Ostrea columba et plicata , ainsi que des rudistes con- nus sous le nom à' Ichthyosarcolites. Nous indiquons ici les fossiles les plus communs que nous avons recueillis dans cet étage, en précisant, h côté de chaque espèce, leurs stations dans les différents sous étages. Les chiffres correspondent au même numéro d’ordre de ces derniers : Nautilus triangularis , Montfort, 3D, I, 7. Ammonites navicularis , Mantell, 7. — Wolgari, Mantell, 7. — Fleuriausiana, d’Orb., 7. 70 SÉANCE DU S NOVEMBRE 1856. Ne rin ea Fleuri a us i a n a , d'Orb., 3D, H, I. — aunisiana , d’Orb., 3D, H, I. — Bau°a, d’Orb., 3D, H, I. — monilijera , d’Orb., 3D, H, I. Pleurotomcirici Gallieni , d’Orb., 3, I. Pterodonta infiata , d’Orb., 3D, 6. — elongata , d’Orb., 3D, I. Pterocera incerta , d’Orb., H, 6. Pecten F leur iausiq nus , d’Orb., 3D, I, 6. — quinqueçostatus , Sow., 3D, G. — phqseolus, Lam., 3D, I. Area taillcbur gensis , d’Orb., 6. — Guerangeri , d’Orb., 6. Trigonia sinuata , Park., 30, I. Chaîna lœvigata , Coq. ( Caprotina lœvigata, d’Orb.), 3D, I. — navis, Coq. ( Caprotina navis , d’Orb.), 3D, I. Carclium Carolinum , d’Orb., 3D, I. Teredo Fleuriausianus , d’Orb., 4. Tnnceramus prohlematicus ? d’Orb., 7. Ostrea plicata , Lam. (O. Jlabellata, d’Orb.), 2, 3D, I, 4, 5. — columba , Lam., 3D, I, 4, 5, 6, 7. — biauri culata, Lam., 4, 5, 6. — carinata , Lam., 6, 7. — - hippopodium , 7. — carantonensis, d’Orb, , 3D, 6. Caprina adversa, d’Orb., 3D. — triangularis , d’Orb. ( Ichthyosarcolitcs ), 3D, I, 6. — quadripartita } d’Orb., 3D, I. — cos ta ta, d’Orb., 3D, I. — striata , d’Orb., 3D, I. Sphœruli tes joli acea, Lam., 3D, I. • — polyconilites , d’Orb., 3D, I. Caprina Fleuriausiana, d’Orb. ( Sphœrulites , d’Orb.), 3D, I. — triangularis , d’Orb., 3D, I. Terebratula Larnarckiana, d’Orb., 3D, I. — bi plicata, Def., 3D, I, 6. — Menardi , Lam., 2, 3D, I. — pectita, Sow. , 7. — carantonensis , d’Orb., 7. Catopygus columbarinus , Agass., 5, 6, 7. Nucleolites Ricard i, 6, 7. Archiacia sandalina , d’Orb., 7. Orbitolites conica, d’Arch., 2, 3D, I. — mamillata, d’Arch., 3, 3D, I. — plana, d’Arch., 3D, 1. Alveolina cretacea , d’Arch., 4. Nous ne mentionnons ici que pour mémoire un assea grand nombre de polypiers, dont la détermination, devenue aujourd’hui assez diffi- MÉMOIRE I)Ë M . COQ U AND. 71 cile, aurait pu nous entraîner dans des erreurs, ainsi que d’autres coquilles univalves et bivalves sur les noms desquelles Goidfuss et la Paléontologie française , les deux ouvrages que nous ayons seule- ment à notre disposition, ne nous ont pas renseigné d’une manière suffisante. La liste que nous donnons doit inspirer de la confiance, puisqu’elle est dressée d’après des espèces d’une conservation irré- prochable, et qui, de plus, ont été très bien figurées par les auteurs qui les ont décrites. Sans les secours précieux que l’examen des tranchées du chemin de fer nous a prêtés, il ne nous aurait pas été possible de connaître, dans tous ses détails , la composition du deuxième étage de notre craie inférieure, surtout dans une contrée où, comme dans la Charente, les cultures ont envahi complètement la surface du sol , et où le sous-sol, par conséquent, ne se montre guère que là où des excava- tions, des carrières ou quelques escarpements au-dessus des vallons permettent de lire dans la profondeur. Les caractères pétrographi- ques d’ailleurs ne sont pas constants, principalement pour les bancs calcaires. En effet, ceux-ci, qui sont durs et solides aux environs d’Angoulême, deviennent tendres dans d’autres localités, comme à Nersac, aux Molidards, à Saînt-Sulpice, et deviennent des pierres de taille que l’on exploite. Les rudistes s’y montrent bien encore çà et là, mais ils n’offrent plus cette énorme accumulation d’individus que l’on remarque à Saint-Trojan et sous Angoulême. Cependant les traits dominants, ainsi que les grandes divisions, sont conservés. La coupe représentée par la fig. A, que nous avons prise au-dessus du champ de foire de Châteauneuf, et qui se répète exactement dans les tuileries des environs de cette ville, confirme pleinement nos conclusions. Fig. H. Charente. Champ de foire. Le talus qui sépare les coteaux des prairies de la Charente est occupé par un calcaire compacte A, avec Caprina adversay d’Orb., 72 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856, Spkœrulites foliacea , Lain. , Pecten Fleuriausianus , d’Orb., Alveo - lina cretacea , d’Archiac, correspondant à la portion des terrains comprise entre les grès verts et les argiles tégulines de la coupe des ateliers du chemin de fer. On trouve ensuite les argiles tégulines K, avec Ostrea columba , Lam. , Ostrea plicata, Lam., biauriculata , Lam.; Un grès sableux L, jaunâtre ou verdâtre , renfermant les mêmes fossiles ; Le deuxième banc à Ichthyosar colites M, qui consiste en un calcaire jaunâtre et grumeleux; Enfin, un calcaire mar- neux N, avec Terebratula pectita , Sow. , et Ostrea columba , Lam., qui sert de base aux troisième et quatrième étages de la craie inférieure. Pour compléter nos rapprochements , nous terminerons nos citations par la description d’une région située à la limite occidentale du départe- ment. La coupe repré- sentée par la fig. 5 montre la succession des étages de la formation crétacée que l’on traverse à partir d’une ferme dite la Com- modité, au-dessus du fau- bourg Saint-Jacques(Co- gnac), où l’on remarque une succession régulière de terrains, à partir des premières assises de la craie supérieure à Ostrea aunculams , Brongn. , jusqu’au pays bas, qui est occupé presque en totalité par la formation jurassique. Le quatrième étage de la craie inférieure consiste principalement MÉMOIRE DE M. COQUÀND. 75 en un calcaire dur, cristallin, renfermant les Sphœrulites Sauva - gesi, d’Orb. , et Desmoulinsiana , Matheron. Au-dessous de ce système apparaît le troisième étage, qui est con- stitué par un calcaire solide dans le haut, mais devenant plus tendre à sa partie inférieure, et susceptible de fournir alors de la pierre de taille. C’est l’horizon de la Radiolites lumbricalis , d’Orb. Le deuxième étage, celui dont nous traitons ici plus spécialement, présente à partir de haut en bas : 1° Un calcaire marneux N, avec Terebratula pectita , Sow.; Ostrea carinata , Lam.; Ostrea columba , Lam.; Ammonites navicularis , Mantell ; A. Fleur iausianus, d’Orb.; 2° Un calcaire jaune, solide, avec Ichthyosar colites, M, et Ostrea columba, Lam. , et correspondant au deuxième banc à Ichthyosarco- lites d’Angouîême et de Châteauneuf; 3° Un banc de grès L, solide et sableux, épais de 2 à 3 mètres, et contenant en très grande abondance Y Ostrea columba, Lam. ; Y Ostrea biauriculata , Lam.; Y Ostrea plicata, Lam. ( O . flabellata, d’Orb.). Ce grès est ordinairement très dur à sa base, et le lest des Huîtres qu’il contient est devenu siliceux. Les assises sableuses sont remplies de concrétions à formes tuberculeuses provenant de la consolidation capricieuse de certaines portions qui ont été imprégnées de carbo- nate de chaux. Elles abondent dans les alentours de Bagnolet. Dans cette localité, toutefois, les argiles tégulines semblent manquer, ou du moins elles y sont à peine indiquées. Elles y sont remplacées par les grès; 4° Des bancs très puissants d’un calcaire blanc C, dur et cristallin, presque entièrement formé par des Sphœrulites foliacea, Lam., et polyconilites , d’Orb., des Caprina adversa, d’Orb., qui y sont ac- cumulées à ia manière des polypiers dans l’étage corallien. Ces bancs sont la continuation des bancs à rudistes de Saint-Trojan et de Bou- liers : ils représentent le second horizon des rudistes; 5° Des grès verdâtres B, avec Orbitolites et fragments de végétaux; 6° Les argiles lignilifères A, qui forment la base de la craie dans la Charente. Elles s’appuient sur les argiles Y, qui constituent le sol des Pays-Bas et qui appartiennent à une formation lacustre dépen- dant de l’étage supérieur jurassique, et que nous pensons être l’équi- valent des couches de Purbeck. Les gypses qui sont exploités sur plusieurs points, notamment à Montgaud, à Croix-de-Pic, à Nan- tillé, aux Molidards, à Triac, etc., sont subordonnés à ces argiles. La première apparition des rudistes ayant eu lieu à l’époque de la formation néocomienne supérieure, il s’ensuit que le deuxième étage ?h SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. de la craie inférieure correspond au second horizon des représentants de cette famille éteinte. Les caractères généraux que nous avons reconnus à notre étage, dans le département de la Charente-» se maintiennent avec beaucoup de constance dans celui de la Charente Inférieure, ainsi que le démontrent les coupes de Souhise à Moëse et de Martrou à Saint- Àignan, celles de l’Houmé à Villeneuve, et de Saint-Savinien à Taille- bourg, données par M. Manès (1), qui cite au-dessus du banc infé- rieur à Ichthvosarcolites : 1° Un banc d’argile pure; 2° Des bancs de sables et de grès calcarifères, puissants, de 1 à 5 mètres, contenant une grande quantité d 'Exogyra columba et d 'Ostrea biauriculata ; 3° Un calcaire grisâtre, noduîeux, à Caprinelles (deuxième banc à Ichthyosar colites) ; !\° Des calcaires grisâtres, caractérisés par des Ammonites, des Nautiles, des Spatangues, qu’on y trouve associés à Y Exogyra co- lumba (varietas major). Troisième étage. Notre troisième étage se subdivise en trois sous-étages distincts, et constitue la partie moyenne et supérieure du plateau d’Angoulême, ainsi que des plateaux qui depuis Angoulême jusqu’à Grassac, d’un côté, et d’Angoulême jusqu’à la forêt de Chardin, de l’autre, se pro- jettent, sous forme de promontoires majestueux, au-dessus des bancs à Ichthyosarcolites. Premier sous-étage. Il se compose d’un calcaire subcristallin à grains miroitants^ qui a la propriété de se détacher en petites pla- quettes solides, et qui, dans les escarpements exposés aux influences atmosphériques, prend une apparence feuilletée. Il est facile de s’as- surer que ce calcaire, dont la puissance est de 18 mètres environ, repose directement sur les calcaires marneux à Terebratula pectita , Sow. , et Ostrea columba , Lam. A sa partie supérieure, il passe à un calcaire plus solide et plus résistant, et donne naissance à deux ou trois bancs épais, séparés par des nerfs d’une nature un peu plus friable. Ces bancs ressortent en bosses sous formes de corniches saillantes. La cassure montre que la pâte est composée de grains miroitants et de nombreux débris de coquilles passées à l’état de (4) Loc. cit p. 4 44. MÉMOIRE DE M. CQQUAND. 75 chaux carbotiaiée spathique. M. de Rochebrune a découvert dans ce système plusieurs Ammonites inédites, un Nautile, des Pleurotoma- - ria (P. Gallieni ?, d’Orb.) et mi Spondyle. Deuxième sous-étage. — Il consiste en un calcaire jaune, très dur, à grains serrés et miroitants, analogue à un marbre métamor- phique, disposé en couches régulières et exploité sur divers points du plateau d’Angoulême comme pierre à paver. On y remarque déjà de nombreux individus de Radiolites lumbricalis , d’Orb. Sa puis- sance varie de 1 à 2 mètres. C’est lui qui sert de plate-forme au pla- teau d’Angoulême, ainsi qu’on peut s’en assurer à la place d’Armes et le long de plusieurs rampes qui conduisent de la ville dans la plaine. Troisième sous-éfage. —-Aux pierres à paver succède un calcaire blanchâtre tendre, dont la poussière produite par la scie ressemble à de la cassonade, et remarquable par le nombre infini d q Radiolites lumbricalis , d’Orb., qu’il contient. U est homogène dans sa cassure et se laisse tailler avec la plus grande facilité. Aussi est-il exploité comme pierre de taille partout où if affleure, et il fournit des maté- riaux de bonne qualité qui sont exportés au loin, principalement dans la Champagne de Cognac et de Barbezieux, et même dans l’ar- rondissement de Confolens, où les pierres de construction sont rares. Malheureusement il est criblé dans tous les sens de cavités irrégu- lières, qui proviennent de ce que la valve inférieure de la Radiolites lumbricalis , d’Orb. , est généralement vide. Cette particularité s’op- posant à ce qu’il puisse recevoir des moulures délicates, il est re- poussé pour les travaux d’ornementation. Grâce à l’abondanee des Radiolites et de leurs formes allongées, ce calcaire fournit pour le troisième étage un horizon aussi nettement caractérisé que le cal- caire à Ichthyosarcolites pour le second. La fontaine du Cerisier, à l’est d’Angoulême, que l’on atteint en remontant le vallon de l’Angienne. et près de laquelle sont ouvertes les principales carrières, donne une bonne coupe du troisième étage. On a, en procédant de haut en bas (fig. 6) : A. Calcaire argileux faisant partie du quatrième étage; B. Calcaire jaunâtre à grains saccharoïdes, dur, avec Radiolites lumbricalis , d’Orb., servant de toit à la pierre de taille. Puissance, lm, 50 ; C. Pierre de taille remplie de Radiolites lumbricalis. Puissance, 6 à 7 mètres; D. Calcaire saccharoïde dur, jaune (pierre à pavés), avec Radio ~ lites lumbricalis , d’Orb. Puissance, lm, 50 ; E. Calcaire en bancs très épais. Paissance, 5 mètres; 76 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. Fig. 6. F. Calcaire subcristallin en plaquettes, 18 mètres. Il repose au- dessus du calcaire marneux N, à Terebratula pectita, Sow. , qui re- présente la partie supérieure du deuxième étage. La physionomie du terrain crétacé revêt dans les environs d’An- goulêuie, de Monthiers et de Rouiet, un caractère particulier qu’il doit à la disposition des roches dont il est composé. Aux lignes mono- tones et indécises des coteaux de Châteauneuf et de la rive droite de la Charente succèdent brusquement des lignes nettement arrêtées dans leurs contours et d’un effet remarquable. L’œil embrasse une série de plateaux frangés et taillés en promontoires que limitent des talus à pentes roides et régulières, et qui s’avancent majestueusement au-dessus de la plaine. Un de ces promontoires, qui de loin attire le regard, 'a cause de sa ressemblance avec un camp romain, porte le nom d’Auvignat. La fig. 7 en reproduit la silhouette. Le village de Rouiet est bâti sur les argiles tégulines K, si bien carac- térisées par les Ostrea plicata, Lam. , et biauriculata du même auteur. Elles sont surmontées par les sables jaunes L, qui contiennent les mêmes espèces. On rencontre ensuite le second banc à Ichthyo- sarcolites M, dont l’épaisseur atteint près de U mètres. Il est exploité chez Guidon, et il fournit de bons moellons. Il supporte à son tour une série découches minces, fendillées, d’un calcaire marneux N, se débitant en écailles, dans lequel on recueille YOstrea columba , Lam., YOstrea carinata , Lam., et Terebratula pectita, Sow. Au-dessous de Rouiet, dans la direction de Saint-Estèphe et de Châteauneuf, se dé- MÉMOIRE DE M. COQUÀND. 77 veloppe, au-dessous des argiles téguïines, le système du calcaire à Caprines avec les grès verts inférieurs. Fig. 7. Le troisième étage qui vient après le calcaire N, s’annonce par ce calcaire subcristallin F, que nous avons déjà signalé sous Angoulême ; au-dessus apparaissent des bancs épais d’un calcaire saccharoïde E, très durs, correspondant à la pierre à pavés; enfin, le coteau est couronné par d’autres bancs calcaires également durs, remplis de Radiolites lumbricalis , qui n’ont laissé qu’une partie de leur test passé à l’état de chapx carbonatée spathique. C’est cette assise supé- rieure qui a fourni anciennement des pierres de moulin ; mais, depuis leur remplacement par des meules siliceuses, l’exploitation en a été abandonnée. Nous retrouvons encore les mêmes relations entre les diverses as- sises du troisième étage jusqu’au delà deChâleauneuf, où les calcaires à Radiolites lumbricalis sont exploités; mais, à partir des environs du château d’Anqueville, ce fossile disparaît pour ainsi dire, et jus- qu’à Cognac, il devient moins facile d’opérer une séparation nette entre le quatrième et le troisième étage. Dans la partie du parc de Cognac qui fait face à Bouliers, ainsi que dans le parc de M. Hen- necy, à Bagnolet, sur la rive opposée de la Charente, les calcaires subcristallins F de nos coupes sont changés en une pierre de taille dans laquelle les fossiles sont peu reconnaissables. Le quatrième étage, 78 SÉANCE i)C S NOVEMBRE 1856. à son tour, est un calcaire dur, cristallin, qui fournit des pavés, et qui est rempli de Sphœrulites Desmoulinsiana, Matheron, de Sphœ - rulites Sauvagesi , d’Orb., et de Nérinées. Les divers degrés de consistance que sont susceptibles de prendre les assises calcaires de la formation crétacée tout entière dans la Charente, et qui font qu’on exploite des pierres de taille à tous les niveaux , pouvaient entraîner dans des erreurs , si ces erreurs n’étaient pas redressées par la paléontologie. Ainsi, sur la rampe qui conduit de la gare du chemin de fer à Angoulême, les calcaires F (base du troisième étage ) prennent un grain sableux, et certaines portions pourraient fournir de la pierre de taille : à Bagnolet comme dans le parc de Cognac, il existe des carrières de pierre de taille ou- vertes au même niveau. A Angoulême, au contraire, et dans les plateaux environnants, à l’île d’Épagnac, à Cers, à la Rochebeau- court, on exploite les bancs supérieurs avec Radiolites lumbricalis, d’Orb. ; or ceux-ci, dans les alentours de Châleauneuf, ne donnent déjà plus que des moellons et des pavés; et les pierres de taille sont fournies par le quatrième étage. Les points les plus instructifs à consulter pour constater ces chan- gements de texture, et disons-le. ce changement de rôle, au point de vue industrie!, saris que pour cela l’ordre de superposition soit interverti, sont Saint-Même et Anqueville„ Dans ces localités remar- quables, le troisième et le quatrième étage, sous le rapport liiholo- gique, sont pour ainsi dire confondus et ont été transformés pres- que complètement en une pierre de taille que font rechercher ses qualités excellentes. La figure 8 donne la succession des différents terrains que l’on traverse à partir de la Charente jusqu’au village de Douvesse, en passant par le vieux château d’Anqueville. Au-dessus des alluvions anciennes et modernes de la Charente on rencontre: 1° Un calcaire jaune V surmonté d’argiles grises entremêlées de calcaires cariés, représentant l’étage portlandien, et une portion de formation lacustre qui lui est supérieure ; 2° Les argiles lignitifères A ; 3° Les grès verts inférieurs B ; U° Les calcaires à Ichthyosar colit es C avec Caprina adversa , d’Orb., et Sphœrulites foliota, Lam. ; 5° Les argiles tégulines K avec Ostrea hiauriculata , Lam., qui ali- mentent les belles sources du voisinage du château ; 6° Les sables supérieurs Lavée Ostrea columba, Lam. ; MÉMOIRE DE M. COQUAND. 79 7° Les calcaires marneux N avec Ostrea carinata , Lam . , et Terebratula pectita, Sow. Ces six derniers numéros consti- tuent notre second-étage, tel que nous | - l’avons observé déjà sur une foule de J points. Le troisième étage consiste en une niasse très considérable d’un calcaire compacte F, sans mélange de couches ///Y 7/7 /À# argileuses, qui se relie sans transition à l’étage supérieur. Gomme d’un antre côté les fossiles susceptibles de déter- mination exacte y sont rares, les sub- 3 divisions qu’il était possible de faire g, ailleurs deviennent réellement très *< \/J mW difficiles à établir ici. Toutefois, sous le hameau de Douvesse, le quatrième « étage se laisse distinguer du moins dans g5 sa partie supérieure, à cause de la grande abondance des Sphœrulites Sauvagesi , d’Orb. , et des Sphœrulites Desmoulinsiana , Math. , qu’on observe empâtées dans les calcaires qui corres- pondent exactement aux bancs dési- gnés à Angoulême, sous le nom de Chaudron, et qui dessinent un horizon de rudistes distinct de celui tracé par les Radiolites lumbricalis , d’Orb. Cette dernière espèce d’ailleurs, quoi- J§§ que moins répandue à Saint-Même .g qu’à Châteauneuf et à Angoulême, se 5 montre encore entre Douvesse et An- *3 queville, et suffit pour prouver que ® le caractère pétrographique seul a | .. changé. Douvesse est assis sur les pre- u miers bancs de la craie supérieure à Ostrea auricularis, Brongn. Le coteau de Saint-Même, distant d’Anqueville de trois kilo- mètres environ, est la continuation des mêmes bancs qui nous occu- pent. Au-dessous des couches à Ostrea auricularis , Brongn., on re- marque des calcaires durs très épais, à grains miroitants, avec Sphœrulites Desmoulinsiana, Math. Ces couches, qui constituent la Jurassique. 2e étage. 3e étage. 4e étage. 80 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. partie supérieure des carrières, conduisent à des masses très puissan- tes de pierre de taille qui y sont exploitées par cavage à plusieurs étages. Les régions les plus rapprochées du toit renferment quelques Radiolites Iumbricalis , d’Orb. , ce qui détermine exactement leur position. La pierre de taille a le grain très homogène et mesure 12 à 15 mètres de bonne levée. En descendant vers la Charente, on trouve au-dessous des calcaires jaunâtres, très durs, à couches minces. Iis recouvrent des calcaires blanchâtres, un peu marneux, à cassure terreuse, se débitant en plaques argileuses, fendillés dans tous les sens et dans lesquels j’ai recueilli la Terebratula pectita, Sow. Enfin, les dernières maisons au bas du village sont bâties sur un banc de calcaire dur rempli d’Ichthyosarcolites , correspondant à notre deuxième banc d’Ichthyosarcolites. 11 renferme à sa base du sable siliceux ; puis il passe à des bancs très épais de sable jaune incohé- rent, à Ostrea biauriculata , Lam. , auxquels succèdent les argiles té- gulines exploitées pour le service d’une tuilerie voisine. Les détails qui précèdent suffisent pour démontrer que les car- rières de Saint-Même occupent toute l’épaisseur du troisième étage, à partir de la division F de nos coupes qui, dans les environs d’Àn- goulême, a un faciès tout différent. Sous Marencheville, dont les sommets sont les prolongements du plateau de Saint-Même, on exploite des bancs d’un calcaire dur, jaune, cristallin, et rempli de débris d’En troques qui forment la base des calcaires à Radiolites Iumbricalis , d’Orb. , et qui correspondent à la plate-forme du pla- teau d’Angoulême. L’étage à Radiolites Iumbricalis renferme, au cœur même du village, des encroûtements particuliers consistant en une espèce de jaspe jaune très rebelle, mélangé de fer hydroxydé, et tapissé de nombreuses géodes de quartz cristallisé. On a sous les yeux un simple accident occasionné par des sources minérales. Depuis Saint-Même jusqu’en face de Jarnac, les couches ont éprouvé un dérangement considérable , car elies plongent toutes vers le S. -O. , quelquefois sous un angle de 30 degrés. Les fossiles que nous avons recueillis dans notre troisième étage sont : Radiolites Iumbricalis , d’Orb. — * cornu-pastoris , Desmoul. Sphœrulites Ponsiana , d’Arch. Hippurites co rn u-va ccinam, Bronn, Cardium prodiictum , Sow. Tr igonia scabra ? Lam. Caprina Archiaci , d’Orb. Cet étage correspond au troisième horizon de la famille des rudisles. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 81 Quatrième étage. Sa J Le quatrième et dernier étage de notre craie inférieure est formé de trois sous-étages qui sont nettement représentés dans les plateaux des environs d’Angoulême. Premier sous-étage. — Il est composé d’un calcaire subcristallin B (fig. 9), analogue au cal- caire F que nous avons dé- « s « * «• crit au-dessus des bancs à Ostrea columba, Lam., et possédant comme lui la pro- priété de se débiter en pe- tites plaques ; sa puissance est de 16 à 20 mètres. Deuxième sous-étage. — Il consiste en un calcaire très dur, solide (A), disposé en bancs très épais, désigné dans la contrée sous le nom de chaudron . Il est rempli de rudistes parmi lesquels prédomine la Sphœrulites Desrnoulinsiana , Math, puissance est de 8 à 1 2 mè- tres. Il dessine la portion saillante, ou sert de corniche au second plateau qui vers le levant se superpose à celui d’Angoulême. Troisième sous-étage. — Il est formé par un calcaire feuilleté, solide A', de 2 à U, mètres de puissance. 11 supporte les premiers bancs de la craie supérieure. Ces différences pétrogra- phiques que nous venons de signaler ne se soutiennent pas dans toute 1 étendue du département C’est ainsi qu’au sud-ouest e lateauneuf les carrières importantes de pierres de taille ouvertes ans e quartier de chez Delesse sont positivement au-dessus du ni* Soc. géol. , série , tome XIV. ê 82 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. veau des bancs à Radiolites lumbricalis , d’Orb. Ces derniers sont exploités comme pierres à paver et de taille, de qualité médiocre, dans le quartier dit la Combe-à-Paquet. Les carrières de chez Delesse, que l’on ne rencontre qu’après avoir remonté toute l’épaisseur du troisième étage, sont très rappro- chées de la craie supérieure, et elles sont attaquées partie à ciel ouvert, partie souterrainemenî. La pierre y paraît formée de grains calcaires mal agglutinés, dont l’aspect rappelle certains calcaires? coralliens. Elle ne présente point de parties lamelleuses ; elle est très1 tendre ou même friable, mais il paraît qu’elle durcit à l’air. Elle offre ordinairement une teinte jaunâtre, quelquefois assez prononcée, plus souvent très faible, et qui, au dire des carriers, disparaît presque entièrement avec le temps. Celte coloration est bien plus manifeste à la partie supérieure des bancs. L’épaisseur totale des bancs exploités excède de 6 à 7 mètres, leur puissance au-dessous n’étant pas connue. Les fossiles n’y sont pas rares, mais ils font tellement corps avec la roche encaissante, qu’il est assez difficile d’en extraire des échan- tillons complets. Il existe toutefois une exception pour une espèce, la Sphœrulites Desmoulinsiana , Math., dont la valve supérieure armée de ses dents se trouve fréquemment détachée. Des Nérinées, des Actéonnelles et des polypiers qui me rappelaient singulièrement les grès verts supérieurs d’Uchaux, voilà les corps organisés qui sont les plus abondants. En suivant de chez Delesse les diverses branches de la petite val- lée du Cluseau qui vous ramène à Châteauneuf, on voit les calcaires à Sphœrulites Desmoulinsiana , Malh., reposer sur les escarpe- ments formés par les bancs à Radiolites lumbricalis , d’Orb., que l’on exploite comme pierre de taille au-dessus de la Pelleterie. Nous avons déjà eu l’occasion de faire remarquer que, dans le parc de Cognac, le même calcaire à Sphœrulites Desmoulinsiana était exploité comme pierre à pavés. Ainsi nous répétons ici, pour le quatrième étage, ce que nous avons eu l’occasion d’exprimer pour les deuxième et troisième étages, à savoir, que les incertitudes créées par la variation des caractères pétrographiques étaient toujours dis- sipées par la constance des caractères paléontologiques. Nous mentionnerons aussi, comme accident minéralogique, la présence de rognons très volumineux d’un silex calcédonieux bleuâtre au milieu des calcaires solides. Ils sont surtout abondants dans les environs de Claix et de Mouthiers. Les fossiles que nous avons recueillis dans le quatrième étage sont i MÉMOIRE DE M. GOQUAND. 83 Sphcer alites Desmoulinsiana , Math. — va clios a, d’Orb, — mctmillaris , Math. — Saiwagesi , d’Orb. Nippantes Area Archiaeiaiuï , d’Orb. Nerinea . Des polypiers. Cet étage correspond au quatrième horizon des rudistes. La coupe représentée par la figure 9 retrace !a série complète des divers étages et sous-étages dont se compose la craie inférieure dans le département de la Charente. Elle est tracée à partir de la Charente» où la craie repose sur le kimmeridgien, jusqu’à la rencontre des lambeaux de la craie supérieure que l’on remarque au dessus des plateaux de Sovaux et de Puymoyen. Celte coupe passe par la ville d’Angouîême, traverse la vallée de l’Anguienne, et vient s’arrêter dans le massif interposé entre cette dernière vallée et le ruisseau des Eaux-Claires, où le troisième et le quatrième étage sont com- plets. Pour ne pas donner à la figure une trop grande étendue, nous avons rapproché les étages plus qu’ils le sont réellement sur le ter- rain, de sorte que le relief est exagéré. Mais cette exagération qu’on ne peut pas éviter dans ces sortes de diagrammes, loin de troubler l’ordre des relations, le montre d’une manière plus sensible. Le pont de la Charente sous Angoulême esta 30 mètres au-dessus du niveau de la mer ; la ville est élevée de 81 mètres au-dessus de la Charente, et l’altitude du point situé entre Toulifaut et Soyaux, sur la route de Périgueux, où le quatrième étage existe complet» a 186 mètres ; d’où il résulte que la craie inférieure atteint près d’An- goiilêrne une puissance de 155 mètres environ, répartie entre les trois étages de la manière suivante : 1 . Argiles lignitifères 2. Grès verts et grès calcarifères 3. Calcaire à Ichthyosa réalités. ........ 4. Argiles tégulines 5. Sables supérieurs 6. Second banc à le h th y os a rco l i te s 7. Calcaire marneux à Terebratala pectita , Sow 1 . Calcaire en plaquettes . 3e étage.) 2. Calcaire solide à pavés f 3. Pierre de taille à Radi dites lumbricalis. . !1. Calcaire en plaquettes 2. Calcaire solide dit chaudron 3. Calcaire fissile Épaisseur totale de la craie inférieure . . V étage. 24 i 29 I 2 > 77 1 I 2 1 16 J 20) 2 ' > 39 17 1 f 20 i 1 12 36 4 1 i . 162 84 SÉANCE DU B NOVEMBRE 1856. DEUXIÈME PARTIE. CRAIE SUPÉRIEURE. La craie supérieure se laisse diviser dans la Charente d’une ma- nière très nette en trois étages distincts qui sont caractérisés, cha- cun d’eux, par une faune spéciale, et surtout par des espèces différentes de rudistes et d’Huîtres. Son épaisseur totale n’est pas moindre de 180 mètres. Elle forme au-dessus des calcaires plus solides de la craie inférieure une série de coteaux à formes indé- cises et arrondies, qui envahissent une partie sud des arrondisse- ments d’Angoulême et de Cognac, et tout celui de Barbezieux. Le sous-sol de ces coteaux est généralement de nature crayeuse, et il se prête admirablement à la culture des vignes, qui fournissent des vins assez médiocres, mais dont on retire ces excellentes eaux-de-vie auxquelles sont attachées la réputation et la richesse de la contrée. Les champs recouverts par les vignobles privilégiés ont reçu le nom de champagne. Cette dénomination, que la spécialité des crus, la composition des terres et le synchronisme des formations géologiques rendent très significative, rappelle une autre Champagne rivale dont les produits, quoique de goût différent, reconnaissent une origine analogue et ne sont ni moins fameux ni moins recherchés. Premier étage. Cet étage comporte les trois sous-étages suivants : 1® Sous-étage des grès sableux et des sables ; 2° Sous-étage du calcaire à Ostrea auricularis (Brong.) ; 3° Sous-étage de la craie micacée avec silex. Premier sous-étage des sables et des grès sableux. — Quand de Javresac, près de Cognac, on remonte vers le village de Richemont en suivant la côte escarpée qui domine le ruisseau de l’Antenne, on voit les calcaires durs à Sphœrulites Desmoulinsiana , Math., les mêmes calcaires connus sous le nom de chaudron à Angoulême, exploités pour pierres à pavés. Dans le jardin rocailleux qui sépare le village du petit séminaire, les derniers bancs du quatrième étage de la craie inférieure sont recouverts par des assises assez puissantes d’un grès verdâtre ou blanchâtre très pur, souvent assez dur pour se laisser tailler, quelquefois au contraire s’égrenant avec facilité et passant à un sable meuble, mais en présentant çà et là des plaques où les grains de quartz agglutinés sont convertis en masses solides. Ces grès peuvent avoir une épaisseur de 2 à 3 mètres. Au-dessus MÉMOIRE DE M. COQUÀND. 85 de Richement, ils ne sont pas recouverts. Ils renferment, mais pas- sés à l’état siliceux, de nombreux exemplaires d 'Ostrea auricularis , Brongn., qui est le fossile caractéristique par excellence des pre- mières assises de la craie supérieure. Cette grande accumulation de matériaux remaniés au-dessus des bancs à Sphœrulites Desmoulin - siana, Math., suffirait, si les fossiles ne le commandaient d’ailleurs, pour justifier la séparation que nous avons établie entre la quatrième zone des rudistes et les bancs à Ostrea auricularis. Il est survenu bien certainement à celte époque dans les mers crétacées un mouve- ment qui a mis fin à un ordre de phénomènes particulier et inau- guré un ordre de choses nouveau. Bien que les grès soient moins apparents ailleurs qu’à Richemont, leur amoindrissement ne pourrait être invoqué, contre la légitimité des horizons que nous traçons ici, qu’autant qu’on substituerait le caractère pétrographique à celui de la superposition. Or, une pareille erreur serait grossière, car dans la direction de Broussac, où les couches éprouvent un pendage vers le nord, les grès supportent les calcaires à Ostrea auricularis% et ils renferment eux-mêmes ce fos- sile, ce qui détermine exactement leur position. Deuxième sous-étage. Calcaire à Ostrea auricularis , Brongn. , et à Micraster cor-cinguinum. — Les faubourgs de Cognac, Saint- Jacques et Saint-Martin, et une partie même de la ville, sont bâtis sur un calcaire subcristallin, à grains serrés et miroitants, se débi- tant en plaques plates , propriété qui le fait rechercher comme moellon dans les constructions, et présentant dans la tranche des couches la structure entrelacée en grand. La séparation en dalles est rendue facile par la quantité considérable de grains verts qui y sont disposés par traînées, et que l’on voit aussi engagés dans la pâte. Outre ces grains chlorités, il contient quelquefois du sable quartzeux, blanc ou verdâtre. Comme il est généralement dépourvu d’argile, sa décomposition à l’air, et surtout la désagrégation des légions innombrables de Gryphées qui y sont empâtées, font que les champs dont il forme le sous-sol sont couverts de débris caillouteux sans apparence de terre végétale. C’est le terrain de groie par excellence, nom par lequel les champs pierreux et calcaires sont désignés dans la Charente. Entre Roncenac et La Valletle pourtant, les calcaires à Ostrea auricularis , Brong., ont un grain serré et tendre qui permet de les utiliser comme pierres de taille. Leur puissance n’est pas moindre de 30 mètres, commme on peut s’en assurer par les excavations que la Société viticole a fait pratiquer dans le vif du rocher pour l’établissement de ses puits, au faubourg Saint-Martin: or, on peut dire sans exagération que les Huîtres à 86 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. elles seules forment la moitié au moins de la masse. La tranchée de Javresac," sur la rouie de Saintes à Cognac, les environs de Douvesse, de Malberchic, au-dessus de La Voilette*, et mille autres localités qu’il serait facile de citer, témoignent du développement prodigieux qu’avait pris Y Ostrea auricularis , à l’époque où ies matériaux du premier sous-étage de la craie supérieure se déposaient au fond des mers. Aussi la présence de ce fossile est précieuse en ce sens qu’elle fournit un moyen aisé de séparer la craie supérieure d’avec la craie inférieure. Les fossiles les plus abondants que j’aie recueillis à ce niveau sont : Ostrea auricularis, Brong. (dont le type a été pris dans les environs de Périgueux, et dans la même position). — turonensis , d'Orb. Lima Bqugasiana , d’Orb. — coniacensis , d’Orb. — santonensis , d’Orb. Pecten sexangutarts , d’Orb. — decemcostatus, d’Orb. Spondylus truncatus , Goldf. Sphœrulites sinuata , d’Orb. Terebratula vespertilio , Brocchi. — Baugasii , d’Orb. — echinulata , Dujard. Plusieurs autres espèces nouvelles. Micr aster cor-an guintim , Agass. — laxoporus, d’Orb. He mi as ter Stella , Desor. Pentqcrinus car in a tus, Rœmer. Une quantité considérable de bryozoaires. Une dent de reptile voisine du Mosasaurus Hoffmanni . Des vertèbres de reptiles. Troisième sous-étage. — - Croie micacée avec silex. — Ce troi- sième terme qui, à la rigueur, pourrait être érigé en étage séparé, puisqu’il est placé entre le calcaire à Ostrea auricularis, Brong., et le calcaire à Ostrea vesicularis, Lam.., et dont la faune n’est ni celle du premier, ni celle du second étage, est constitué par une craie tuffeau, micacée, grise, tendre et maculée de points verts, qui s’étend sur toute la plaine qu’on traverse depuis les bords de la Cha- rente jusqu’aux coteaux qui, à partir de Gimeux, Genté, Segonzac, dessinent un bourreletsaijlant parallèleaux dernières rides de la craie inférieure. Cette plaine, qui prend le nom de Petite- Champagne, four- nit des eaux-de-vie moins estimées que celles des coteaux dont elle MÉMOIRE DE M. COQUAND. 87 est recouverte vers le sud. Celte différence tient, vraisemblable- ment, à deux causes principales : la plus grande dureté de la pierre en premier lieu, qui ne permet pas aux racines de la vigne de péné- trer assez profondément, et en second lieu, une exposition moins favorable. Quand on suit la rive droite ou la rive gauche de la Charente, on juge très bien de la nature du soi. En effet, après avoir dépassé de 200 mètres le faubourg de Saint-Martin, ou le village de Javresac, on voit un système parti- culier de couches blanchâtres, écail- leuses ou terreuses, suivant la consi- stance du grain, succéder aux bancs solides à Ostrea àuricularis , Brongn. , qui lui servent de base. On remarque de nombreux rognons de silex blond ou noirâtre enchatonnés dans les cal- caires, ou se fondant insensiblement dans leur pâte et donnant alors nais- sance à des calcaires siliceux résistants, qui, dans les parties exposées aux ac- tions extérieures, se détachent sous forme de nodules irréguliers à surface rugueuse et cariée. La figure 10, tracée de Cognac à la rivière du Né, indique que le quatrième étage de la craie inférieure supporte la craie supérieure. A. Calcaire à Ostrea auricu- ) taris, Brong. > 1 er étage. B. Craie micacée à silex. ) C. Craie à Ostrea vesiciilaris . 2e étase. Une excellente étude de ce système peut se faire dans les environs du châ- teau de Malberchie, dont le proprié- taire, M. E. de Nanclas, réserve aux géologues que leur bonne fortune amène dans la contrée, et l’hospitalité la plus cordiale, et les renseignements les plus précieux. Les ravins que l’on traverse au-dessous du Maine-aux-Anges sont creusés dans 88 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. le quatrième étage de la craie inférieure. Les champs qui dominent les escarpements offrent en profusion \' Ostrea auricularis , Brong., qui remonte jusque dans les vignobles méridionaux de Malberchie, où ce fossile est mêlé à la Terebratula vespertilio, Brocchi, et à une foule d’échinides dont la détermination est à faire. Le calcaire qui renferme ces espèces est déjà blanchâtre et friable. Il est recouvert par un calcaire blanc plus friable encore, contenant le Spondylus carantonensis , d’Orb. , les Ammonites Orbignyanus , d’Archiac, et Bourgeoisianus , d’Orb., des Pleurotomaires, et qui forme la base de la butte de la Ralinie. Le sommet des coteaux est occupé par les bancs à Ostrea vesicularis, Lam. ; Ostrea santonensis , d’Orb. ; Ostrea frons, Parkins. , qui caractérisent l’étage supérieur. La puissance de ce calcaire dépasse 65 mètres. J’avoue que, si j’avais pu y reconnaître une faune assez riche et surtout des rudistes spéciaux, comme j’en ai rencontré pour tous les autres étages, je n’aurais pas hésité à introduire tous ces bancs placés entre le niveau des Ostrea vesicularis , Lam., et celui des Ostrea auricularis , Brong. , comme étage distinct dans une craie supérieure. Mais, outre que les fossiles n’y sont pas communs, ils sont en général mal conservés, et j’ai dû renoncer à mon idée première, quoique je la croie plus rationnelle que celle que j’adopte en ce moment. Voici les fossiles que j’ai recueillis dans ce sous-étage : Ammonites Bourgeoisianus , d’Orb. — Orbignyanus , d’Arch. — polyopsis , Dujard. (Plusieurs espèces nouvelles). Turritella Bauga , d’Orb. Pleurotomaria santonensis , d’Orb. — — secans, d’Orb. — Fleuriausiana , d’Orb. — turbinoides , d’Orb. Trigonia limbata , d’Orb. Spondylus carantonensis , d’Orb. — • globosus , d’Orb. Terebratula d if for mis, Lam. Diadema Kleinii , Desmoul. Cet étage correspond, à cause de la présence de la Sphœrulites sinuata , d’Orb., au cinquième horizon des rudistes. Deuxième étage . Craie à Ostrea vesicularis , Lam. ; Ostrea larva , Lam. ; Sphœrulites Hœninghausii, Desmoul. , et Radiolites crateriformis , Des. MÉMOIRE DE M. COQUAND. 89 Quand on a dépassé les limites supérieures de l’étage précédent et que l’observateur atteint les coteaux qui forment les points les plus élevés de la bande méridionale du département, il remarque un chan- gement sensible dans la nature pétrologiquc des roches : aux bancs généralement plus solides, quoique d’origine crayeuse, du premier étage, succèdent des bancs plus tendres dont la consistance ainsique la couleur sont à peu près celles de la craie blanche de Meudon. On se trouve alors dans la Grande-Champagne, la patrie par excellence des eaux-de-vie de Cognac, et que l’abondance à’Ostrea vesicularis dont la roche et les vignobles sont remplis permet de distinguer et de reconnaître immédiatement. Il y a peu de chose à dire sur la nature minéralogique de cet étage, puisque, à part quelques accidents exceptionnels, on observe constamment une alternance de bancs de craie tendre et de bancs de craie plus solide, renfermant les uns et les autres une grande quantité de silex blanchâtres qui, par suite de la désagrégation de la roche enveloppante, se transforment en rognons libres, irréguliers, gisant çà et là au milieu des champs, et que l’on recherche pour l’empierrement des routes. Les seuls matériaux susceptibles d’être utilisés dans les constructions consistent en des moellons de mau- vaise qualité que la disette de bonnes pierres oblige à mettre en œuvre. Grâce aux escarpements qui dominent le cours de la Dronne, à l’extrémité méridionale du département, les environs d’Aubeterre se prêtent admirablement bien à l’étude de la craie à Ostrea vesicularis , Lam. Aussi serait-ce par ce point que je conseillerais, aux géologues qui voudraient connaître le terrain crétacé du sud-ouest de la France, de commencer leurs explorations. Le vieux château ruiné d’Aube- terre a été construit sur une saillie de rocher taillée à pic du côté de la rivière, et des travaux exécutés à main d’homme sur le revers opposé l’ont isolé du coteau auquel l’emplacement actuel était pri- mitivement attaché. On a opéré, par ce moyen, des coupures verti-^ cales que la résistance de certains matériaux et la friabilité de certains autres rendent fort intéressantes pour l’étude. En effet, l’alternance de couches siliceuses et de couches crayeuses, la transformation de la plupart des fossiles en silice ou en carbonate de chaux spathique, ont amené, par suite d’altérations, une carie plus ou moins pro- fonde dans les bancs à la surface desquels les fossiles se montrent tous en saillie. La coupe représentée par la figure 11 indique la succession des couches, depuis le sommet du coteau jusqu’au niveau de la rivière» 92 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. mètres, avec de nombreux silex grisâtres disposés en chapelets. Ils renferment des Pleur otomaria, mais plus d 'Ostrea vesicularis. La coupe d’Aubeterre démontre que l’ Ostrea vesicularis, Lam., possède trois stations bien distinctes dans l’étage qui la contient. Ce fait se vérifie sur tous les points dans le département, et notamment sous le coteau qui supporte le village d’Archiac sur la rive gauche du Né. Les falaises qui s’étendent depuis Mortagne jusqu’à Royan confirment aussi la persistance de cette disposition. Nous y avons recueilli les fossiles suivants : Nautilus Dekayi , Morton [N. lævigatus, d’Orb.). Ammonites Gollevillcnsis , d’Orb. Baculites Faujcisii , Lam. Nerinea bisulcata , d’Arch. Globiconcha Fleuriausa, d’Orb. — Marrotiana , d’Orb. JSatica royana, d’Orb. Trochus Marrotianus , d’Orb. — girondinus , d’Orb. Turbo royanus , d'Orb. Phasianella supracretacea , d’Orb. Pterocera supracretacea , d’Orb. Fusus Espaillaci, d’Orb. — » Marrotianus , d’Orb. — Fleuriausus , d’Orb. Cyprœa ovula , Coquand ( Globiconcha ovula, d’Orb.). Cyprina elongata , d’Orb. Corbis striaticostata, d’Orb. Trigonia i nom ata, d’Orb. Pectunculus Marrotianus , d’Orb. Area cretacea , d’Orb. — royana , d’Orb. Mytilus Dufrenoyi, d’Arch. Pholadomya Marrotiana , d’Orb. Venus royana, d’Orb. Perna royana, d’Orb. Inoceramus impressus, d’Orb. — Goldjussianus , d’Orb. — Lamarckii , d’Orb. Myoconcha cretacea , d’Orb. Lima Marrotiana , d’Orb. — truncata , Münst. — semisulcata , Goldf. — maxima , d’Arch. Pecten barbesillensis , d’Orb. — Espaillaci , d’Orb. MÉMOIRE DE M. COQUÀND. 95 Pecten Dujardini , d’Orb. — Nil l s sg ni, Goldf. — Dutemplei , d’Orb. — quadricostatus, Sow. Spondylus santonensis , d’Orb. Plicatu/a aspera, Sow. Chama angulosa , d’Orb. Avicula approximata, Goldf. Ostrea frons, Parkinson. — lac in i a ta, d’Orb. — la rca, Lam. — Matheroniana , d’Orb. — vesicularis, Lam. — vesicularis ( varietas deltoidea , Lam.). — pyrenaica , Leym. — Talmontiana, d’Arch. — cornu-arietis , Coquand. — santonensis , d’Orb. Sphœrulites Hœninghausii, Desmoul. ( Radiolites dilatata, d’Orb.). — alata, d’Orb. Radiolites cra te ri for mis, Desmoul. — fissicostatus , d’Orb. Terebratula santonensis, d’Arch. Conoclypus Leshei, Agass. Ananchytes Gravesi, Desor. ■ — gibbüy Lam. — ovata, Lam. — striata, Lam. Hemipneustes radiatus , Agass. Holaster semistriatus , d’Orb. — pilula , Agass. Micraster breviporus , Agass. Cardiaster ananchytes , d’Orb. Pygaulus Toucasianus , d’Orb. Hemiaster prunella, Desor. — Moulinsianus, d’Orb. — punctatus , d'Orb. Pygurus Faujasii, Agass. Nucleoporus minor, Agass. Salenia scutigera, Agass. Beaucoup de bryozoaires et de polypiers. Orbitolites gigantea, d’Orb. — radiata, d'Orb. — media y d’Arch. L’élage à Ostrea vesicularis correspond au sixième horizon des rudistes* SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. n Nota, Nous nous sommes abstenu de charger nos listes du nom des espèces citées par d’autres auteurs dans la craie des deux Cha- rentes. Nous n’y avons maintenu que les fossiles trouvés par nous, voulant assumer la responsabilité complète de nos indications. Nous aurions pu aussi enrichir notre catalogue de beaucoup d’espèces nou- velles que nous comptons publier plus tard. Troisième étage. Les dénudations survenues dans les divers étages de la craie, pos- térieurement à leur dépôt, n’ont respecté le dernier étage de la craie supérieure que sur trois points du département, lesquels sont en grande partie recouverts par les sables et argiles tertiaires. Ces trois localités, placées dans l’arrondissement de Barbezieux, sont le village des Philippeaux, à l’ouest de Lamerac, les environs du Maine-Blanc, au sud de Montmoreau, et le sommet du plateau qui domine au nord la ville d’Aubeterre. La coupe que nous avons donnée (6g. 11) de ce dernier gisement indique bien clairement que cet étage surmonte les bancs les plus élevés à Ostrea vesicularis , Lam. : or, c’est dans une position identique qu’on l’observe au Maine-Blanc et aux Philip- peaux. A Aubeterre, la roche dominante est un calcaire jaunâtre, grume- leux, assez dur, mélangé d’un calcaire crayeux plus tendre. Elle est remplie de rudistes et de polypiers dont le plus grand nombre appar- tient à la famille des Astrées : ces polypiers sont en outre perforés par des Lithodomus dont le test a été conservé. Comme l’étage secondaire est recouvert presque immédiatement par le terrain tertiaire, ce n’est guère que dans un fossé profond, creusé à la limite des bois et des vignes, qu’on peut en étudier les allures. La surface des champs toutefois est parsemée de Radiolites Jouanneti , DesmouL, et (Aïlip- purites radiosus , Desmou!. La localité du Maine-Blanc, qu’on rencontre un peu sur la droite du chemin de Montmoreau à Aubeterre, offre plus d’intérêt. Les Hippurites et les Radiolites sont engagées dans un calcaire crayeux blanc, très friable, ce qui permet de les extraire dans un rare état de conservation. Comme le test de ces coquilles, qui est déjà natu- rellement très épais, est converti en un carbonate de chaux cristallin, il est facile de les dégager de la gangue au milieu de laquelle elles sont enveloppées. Leur nombre est vraiment prodigieux : elles y forment des bancs épais, à la manière des Huîtres, sur lesquelles elles vivaient groupées en famille. J’ai retiré un bouquet Ü Hippurites radiosus , Desm., composé de onze individus soudés les uns aux au- MÉMOIRE DE M. COQUAND. 95 très par un côté longitudinal de leurs valves inférieures. On y trouve aussi beaucoup de polypiers, et une Huître assez grande que je crois nouvelle. Aux Philippeaux, le récif de rudistes est quelque chose de plus surprenant encore. C’est une île véritable formée exclusivement par des Sphérulites et des Hippurites, où la gangue disparaît pour ainsi dire. On pourra se faire une idée de leur prodigieuse accumulation, quand on saura que les coquilles fournissent des matériaux de cons- truction qui se vendent à la toise cube, et que les maisons du village des Philippeaux sont toutes bâties avec des rudistes dont chaque in- dividu ferait les délices du collectionneur le plus difficile. Bièn que ces matériaux, que leur forme irrégulière et leur dureté empêchent de mettre en œuvre d’une manière convenable, ne soient pas d’une qualité supérieure, on est forcé de s’en contenter dans une contrée où les terrains consistent en craie tendre, en argiles et en sables. On ne pourait donner, même approximativement, la puissance de l’étage supérieur, puisqu’il n’existe complet nulle part. Au Maine- Blanc, sa puissance oscille entre 12 et 15 mètres. Les fossiles que j’y ai recueillis sont : Hippurites radios a, Desmoul. Radiolites Jouanneti , Desmoul. — acuticosta , d’Orb. Sphœrulites cylindraccus , Desmoul. Ces mêmes espèces, associées à la Sphœrulites Bournoni, Desmoul. , à la Radiolites ingens , Desmoul., Radiolites calceolides , Desmoul,, la Sphœrulites Toucasii, d’Orb. , se retrouvent dans les environs de Saint-Mamelz ( Dordogne ) et caractérisent, dans ce département comme dans la Charente, l’étage le plus élevé de la craie supérieure. Cet étage correspond au septième et dernier horizon des rudistes. Nous donnons ici la puissance des divers étages qui composent la formation crétacée dans la Charente : Craie inférieure. 2e étage 77 \ 3e étage . 39 ( 152 4e étage 36 J Craie supérieure. 1er étage 102 ) 2e étage 70 1 187 3e étage 15) Puissance totale 339 96 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1856. Conclusions. Les conclusions suivantes résument le sujet de nos études : 1° La craie chloritée de Rouen manque complètement dans les deux Charentes ; 2° La formation crétacée de la Charente se laisse diviser en deux groupes , la craie inférieure et la craie supérieure ; 3° La différence de faunes permet de diviser ces deux groupes en six étages distincts dont la puissance est de 3A0 mètres environ ; U° Chacun de ces étages correspond à six horizons distincts de rudisles ; 5° Nos recherches établissent sept zones distinctes de rudistes, au lieu de quatre qui étaient reconnues jusqu’ici ; 6° La base de la craie supérieure caractérisée par le Micraster cor-anguinum , Agass., correspond à la craie de Villedieu, et ne peut être confondue avec la craie de Meudon ou celle de Maeslricht, dont elle est séparée par une épaisseur de bancs crayeux de près de 70 mètres ; 7° Le troisième sous-étage du premier étage de la craie blanche peut être considéré comme l’équivalent de la craie sans silex du bassin de Paris ; 8° La craie de Meudon et de Maestricht est représentée, dans les deux Charentes, par l’étage de la craie à Ostrea vesicularis, Lam. , comme le démontrent la superposition d’abord et ensuite la liste des fossiles communs à la Charente, à Maestricht et à Meudon, qui com- prend les espèces ci-dessous dénommées : Nautilus Dekayi, Morton. Baculites Faujasii , Lam. Na tic a royana, d’Orb. Pholadomya Fsmarkii , Pusch [P. carantoniana , d’Orb.). Venus subplana , d’Orb. Trigonia limbata , d’Orb. Lima tecta , Goldf. — truncata , Münst. — semisulcata, Goldf. Avicula approximata, Goldf. Pecten Nüssoni , Goldf. — striato-costatus , Goldf. — quaclri costatus, Sow. — Truelli , d’Orb. Ostrea Talmontiana , d’Arch. — laciniaia , d’Orb. lare a, Lam. mémoire de m. coquand. 97 Ostrea pyrenaica , Leym. — cornu arietis, Coquand. — frons , Parle. Tcrcbratula striata , d’Orb. — sanîonensis , d’Arch. Crania Tgnabergensis , Retzius. Radio li tes LapeiroitsiiP, d’Orb. Hemipneust.es radiants , Agass. Ananchytes ovata , Lam. — gibba, Lam. — striata , Lam. Micraster 'coran guinum , Agass. Hemiaster prunella , Desor. Cardiaster ananchytes , d’Orb. Conoclypus Leshei , Agass. Pygurus Faujassii , Agass. Salenia heliopora , Desor. Cyclolites cariccllata , d’Orb. Aplôsastrœa gemminata, d’Orb. C crioporn cryptopora , Goldf. Polytrenm sphœra, d’Orb. — arceolata , d’Orb. Orbiwlites media , d’Arch. 9° La craie supérieure, dans les deux Charentes, offre, sous le rap- port du nombre des espèces, un type plus complet que la craie supé- rieure du bassin de Paris et de Maestricht. Ces conclusions, que mes premières courses de 18A8 dans la Cha- rente m’avaient fait adopter, se sont fortifiées chaque année par des observations nouvelles. Mais aujourd’hui un des motifs qui m’v fait persister avec plus de force encore, c’est le témoignage du juge le plus compétent, M. Triger, qui a reconnu que les divisions que j’avais admises dans la craie inférieure de la Charente se vérifient terme pour terme dans le département de la Sarthe. Je dirai de plus que mes idées sont partagées par un paléontologiste dont personne ne contestera l’autorité, M. Bayle, qui possède la connaissance parfaite des fossiles et de leur signification . Ce savant professeur a eu l’occasion de vérifier sur le terrain et dans la Charente môme l’exactitude des principes paléontologiques et de constater une fois de plus l’insépara- bilité de la paléontologie et de la superposition ainsi que leur équi- valence dans les questions de stratigraphie (f). M. Sæmann met sous les yeux de la Société deux magni- (1) M. Triger, dont les géologues apprécient l’esprit observateur, Soc, géol . , 2e série , tome XIV, 7 98 SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1856. fiques échantillons de Melonites multiporo , qu’il a reçus récem- ment d’Amérique. bien voulu me communiquer le résumé de ses coupes de la craie de la Sarthe et de l’Anjou, telles qu’elles résultent des caractères puisés dans la stratigraphie et la paléontologie. 1 . Kimmerigde-clay. 2. Alternance de grès et de sables supé- rieurs à la craie de Rouen. 3. Marne grise à Sphœrulites foliacea. 4. Craie à Ichthyosarcolites (deux bancs in - tercalés entre des Ostrea biauriculata ). 5. Craie à Ostrea biauriculata. 6. Craie sableuse à Terebratula pectita et bryozoaires (1 er banc). 6 bis. Craie plus grise à Pleut otomaria Gail- lierti (tuffeau exploité à Saumur). 7. Craie marneuse à Inoceramus proble- maticus (marnes de la Sarthe) . 8. Craie sableuse, tendre, à bryozoaires et Terebratula Bourgeoisii. 9. Craie à Radiolites lumbricalis (tout le groupe). (partie inférieure). \\0. Craie marneuse à Terebratula vesperti - y lio, Ostrea auricularis , etc. Cette coupe se rapporte, pour ainsi dire, terme pour terme, à nos divisions, avec cette différence, toutefois, que les bryozoaires man - quent, dans la Charente, au niveau indiqué par M. Triger, et que le quatrième étage de notre craie inférieure, caractérisé par le Sphœru- lites Desmoulinsiana , Matheron, paraît ne pas exister dans la Sarthe, puisque les bancs à Radiolites lumbricalis , d’Orb., que M. Triger introduit dans sa craie blanche, sont recouverts directement par la craie à Ostrea auricularis , Brongn. Or, aux environs d’Angoulême, on voit très distinctement (voy. fïg. 6 et 9) que cette dernière (route de Périgueux) est séparée des Radiolites lumbricalis par un étage intermédiaire dont la puissance dépasse 30 mètres, et qui, de plus, renferme une faune distincte. J’avoue que j’explique difficilement sa suppression dans la Sarthe. La séparation facile que les sables et grès de Richemont permettent d’opérer entre la craie inférieure et la craie supérieure nous a fait choisir pour base de celle-ci les couches à Ostrea auricularis , Brongn. Voici ce résumé : Craie à ( Terebratula Menarcli. ( Craie à Ostrea biauriculata et rudistes. Craie tuffeau. Craie blanche DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 99 Séance du 11 novembre 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations laites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Leferon d’Eterpigny, à Cuise-Lamotte (Oise), présenté par MM. l’abbé Lévêque et Deshayes -, Mingaud, pharmacien, à Saint-Jean-du-Gard (Gard), pré- senté par MM. le marquis de Roys et Emilien Dumas \ G. Garcia Moreno, docteur en droit, à Guayaquil (Quito, Équateur), présenté par MM. Charles d’Orbigny et Hugardj Thomas R. Pynchon, professeur de chimie au collège de la Trinité , à Hartford (Etats-Unis d’Amérique) , présenté par MM. Charles d’Orbigny et Bayle ; Vicente Restrkpo, de Medellin (Nouvelle-Grenade), présenté par MM. Charles d’Orbigny et Hugardj Shumard, à Saint-Louis (Missouri), présenté par MM. de Yerneuil et Graves \ Fedor Thomann, ingénieur militaire, chef de la statistique du Crédit mobilier, 5, quai d’Anjou, à Paris, présenté par MM. Charles d’Orbigny et A. Gaudry. Monseigneur l’évêque Landriot, ancien membre, à la Ro- chelle (Charente-Inférieure), est admis sur sa demande à faire de nouveau partie de la Société. DONS FAITS a LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice : Journal des sa- vants, octobre 1856. De la part de M. G. Cotteau : Etudes sur les Echinides fos - siles du département de V Yonne, livraisons 19 à 22. Paris, chez J. -B. Baillière. 100 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. De la part de M. Delesse : Discours prononcé aux funérailles cle M. Constant Prévost le 20 août 1856, in-/|, 3 p. Paris, chez Firmin Didot. De la part de MM. À. Gaudry et Lartet : Mémoire sur les résultats des recherches paléontologiques entreprises dans rAtticpie sous les auspices de P Académie (extr. des Comptes rendus des séances de V Académie des sciences , t. XLIIÏ, séance du h août 1856), lre et 2e séries, in -h, 8 p. De la part de M. J. Levailois : Carte géologique du dépar- tement de la Meurthe , h b colombier. Paris, 1855 -, Imprimerie impériale. De la part de M. Léon Martres : Essai sur le drainage et sur son application à V agriculture des Landes , in-18, 71 p., 1 pl. Paris, 1856 De la part de M. Karl Kreil : J ahrbiicher der K. K. central- an st ait fur Météorologie and Erdmagnetismus , vol, 111,1851, vol. IY, 1852, in-Zé . Wien, 1855 et 1856. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1856, 2e semestre, t. XLIIJ, n0s 18 et 19. Bulletin de la Société de géographie , he série, t. XII, nos 68 et 69. Août et septembre 1856. JA Institut, 1856, nos 1192 et 1193. Société I. d'agriculture , sciences et arts de V arrondissement de P alenciennes , 8e année, nos 3 et h. Septembre et octobre 1856. The Athenœum , 1856, nos 1515 et 1516. The Transactions of the R. Irish Academy, vol. XXIII, part. I, science. Dublin, 1856. Proceedings of the R. Irish Academy for the year 1855- 1856, vol. YI, part. III. Denkschriften der K. Akademie der PFissenschaften. — Math.-naturmss . Classe. Yol.IX et X, 1855; vol. XI ; in -h, Wien, 1856. Sitzungsberichte der K. Akademie der PFissenschaften. — Math, naturmss. Classe. 1855, marz-dec. ; 1856, janu.- marz, in-8. Almanach der K . Akademie der PFissenschaften zn PFien , 1856, in-18, 225 p. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 101 Acta Academiœ C. L. C. natarœ curiosorum, vol. XXIV, suppl-; vol. XXV, part. 1 et 2. Det K. Danske Videnskabernes Selskabs Skrifter . Femte Hœkke, Natuivid. oj Mathem. Afdeling, vol. IV, in-Zl. Copen- hague, 1856. Zeitschrift der Deutschen geologischen GesellschaJtfüW vol . , Iie cahier-, VIIIe vol., 1er et 2e cahiers. Neues Jalirbuch fur Géologie and Minéralogie , etc. , mon K . C . Leonhard and IL G . Broun , 1856, 2e, 3e et Üe cahiers. Verhandlungen der naturhistorischen Vereincs der PrcussL schen Rhei/dande and Weslphalens , 12e et 13® années. Würtembergische nataiwissenschaftliche Jahreshejte , 12® année, 2e cahier. Jahresbericht üiber die Fort schlitte der reineni pharmaceu- tischen and technischen Chemie , etc., von Justus Liebig und Hermann Kopp, für 1855, 1er cahier. Arbeiten der geologischen Gesellschaft für Ungarn , I heft, in-Zi , Pesth, 1856. Memorias de la Real Academia de ciencias de Madrid . 1. 1, 3e sér. Cienc . natur,\ t. I, 3e sér.*, t. II, lre sér. Cienc, exact., 1. 1, lre sér. Resumen de las actas de la Real Academia de ciencias de Madrid en el ano academico de 1851 a 1852, et de 1852 à 1853, por Dor Du. Mariano Lorente. Revista de los progresos de las ciencias exactas, fisicas y naturelles 9 t. VI, nos 5 et 6. Revista minera , 1856, nos l/j6 à 155. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou , année 185Zi, nos II, III et IV -, année 1855, n° 1. The American journal of science and arts, by Silliman , 2° sér., nos 61 à 65. M. Gaudry présente, au nom de M. Lartet et au sien propre, une note extraite des Comptes rendus de l’Académie des sciences, au sujet de laquelle il fait espérer de donner j quelques développements dans une séance prochaine. I M. le Président annonce à la Société que M. Barrande vient I de lui adresser sa démission de vice-président, et que le Con- 102 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. soiî propose de procéder en conséquence à l’élection de deux vice-présidents en remplacement de MM. Barrande et Haime. Cette proposition est adoptée par !a Société, dont les membres recevront une convocation spéciale pour la séance du 1er dé- cembre. M- Delesse offre à la Société de la part de M. de Karnall, directeur des mines du royaume de Prusse, un portrait de Léopold de Buch gravé par ordre du roi de Prusse. — Il dé- | pose en même temps sur le bureau un exemplaire du discours qu’il a prononcé sur la tombe de M. Constant Prévost. M. Delesse lit ensuite un extrait d’une lettre de M. de la Marinora, qui promet à la Société de lui envoyer une notice nécrologique sur M. de Collegno. M. Deshayes donne lecture d’un travail relatif à Fespècê qui doit former un chapitre de la nouvelle publication qu’il pré- pare pour faire suite à ses études sur les fossiles tertiaires du bassin parisien. Le Secrétaire lit la note suivante de M. Scarabelli. Imola, 15 septembre 1856. Il ne sera pas sans intérêt pour les progrès de la géologie de vous donner les détails d’un sondage artésien exécuté à Conselice, pro- vince de Ferrare, pour les comparer avec ceux des sondages exécutés à Venise, présentés à la Société par M. Degousée dans la séance du 6 mai 1850. Lorsque les marnes et sables subapennins déposés au pied des Alpes et des Apennins eurent acquis, par l’effet du soulèvement, l’al- titude qu’ils présentent aujourd’hui, les cours d’eau descendant de ces deux chaînes commencèrent à combler par leurs alluvions la pro- fonde dépression triangulaire qui les sépare, en sorte que, dans une i période de temps géologique relativement très courte, se forma cette riche et magnifique plaine de la Lombardie et de la Vénétie, sillonnée au milieu par le Pô, qui dut être naturellement le plus grand cours d’eau entre les Alpes et les Apennins, étant dirigé, ainsi que nous le voyons, précisément comme la résultante des forces de tous les cours d’eau qui s’y jettent. Par suite de ces circonstances hydrodynami- ques, le delta du Pô s’avança dans l’Adriatique en raison des détritus abondants que ses affluents ne cessèrent d’y déverser. Les dépôts originaires de ces cours d’eau sont composés d’éléments i NOTE 1)E M. SCARABELLI. 103 pierreux plus ou moins gros, selon l’éloignement de leur provenance, se plaçant en stratification discordante sur les sables subapennins perméables par leur nature comme les autres dépôts détritiques pos- térieurs, en sorte que les eaux s’infiltrent en abondance dans le plan de discordance des deux formations, et, si l’on doit pratiquer un fo- rage dans les lieux qui, outre ces circonstances géologiques et litho- logiques, présentent les sables convenablement inclinés vers la plaine où doit être placé le puits, trois probabilités de rencontrer l’eau jail- lissante sont réunies, et il ne s’agira que delà profondeur à atteindre pour l’obtenir. Telles étaient les conditions de Conselice, située à 21 kilomètres de l’affleurement des sables pliocènes, dans une plaine un peu ma- récageuse formée par les dépôts successifs des fleuves voisins, qui, à l’époque romaine, laissaient encore ce bourg, alors Caput silicis , au bord de la mer, distante aujourd’hui de 36 kilomètres. Mais quelle profondeur devait avoir le forage pour atteindre les sables pliocènes affleurant à une telle distance, où ils présentent une inclinaison de 3 degrés, lors même qu’on se fût proposé de l’arrêter quand l’eau jail- lirait à la jonction des sables ! 11 ne restait d’espoir de diminuer la dépense qu’en essayant le degré de perméabilité de quelques-unes des couches alluviales déjà anciennes, à qui une grande inclinaison eût conservé leur perméabilité, demeurées par conséquent aquifères. Dans un mémoire publié en 1830 sur les chances de réussite des puits artésiens dans le territoire dé Imola, j’ai traité des difficultés de semblables entreprises. La conclusion était qu’avec une dépense plus ou moins grande le succès dans notre plaine était assuré. La population de Conselice n’avait pour son usage que des eaux fort mauvaises. Pressée par la nécessité, elle demanda et obtint du gou- vernement l’autorisation défaire forer un puits au milieu du pays sur les fonds communaux. Je fus alors chargé de chercher un entrepre- neur exercé, et, sur mon rapport, on traita avec un ingénieur fort habile, M. Eugène Canevazzi, qui avait pratiqué avec succès des fo- rages à Venise, aux environs de Bologne et dans quelques autres lieux. En peu de temps, muni d’excellents appareils, il trouva l’eau jaillissante à 50 mètres de profondeur, dans une couche de sable mêlé d’une petite brèche. L’eau rencontrée s’éleva à 2 mètres au-dessus du sol, avec une température de 12 degrés Réaumur (15 degrés centi- grades), dégageant du gaz hydrogène, légèrement ferrugineuse, en quantité plus que suffisante pour les besoins de la population. Voici le tableau des assises traversées et des fossiles trouvés dans la onzième. Il est impossible d’avoir une idée du temps écoulé entre le dépôt des sables aquifères et les dépôts argileux actuels des rivières voisines, exactement de même nature que les assises traversées. iQ O SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. 104 Coupe du sous-sol de Conselice jusqu à 50 mètres de profondeur. Mètres. 1. Argile marno-sableuse, jaunâtre, avec nodules (m'attoni) et bois 2,10 2. Marne sableuse cendrée, avec mica et débris végétaux. 5,15 3. Argile marneuse cendrée 1,63 4. Tourbe argileuse 0,48 5. Argile tourbeuse 1,07 6. Tourbe 1,12 7. Argile bleuâtre 1,23 8. Argile marneuse cendrée, jaunâtre 3,76 9. Argile gris perle 0,20 10. Argile marno-sableuse, jaunâtre, micacée . . . 6,18 41. Argile marneuse, bleuâtre, coquillière (ci-après la liste des coquillesdéterminées par M. Tas- sinari) 0,57 12. Marne sableuse, jaunâtre, micacée 4,39 13. Argile bleuâtre micacée 3,78 14. Argile marno-sableuse, micacée, jaunâtre. . . . 4,38 15. Argile marneuse bleuâtre, avec fragments de coquilles. . 0,22 16. Argile bleuâtre obscure. 2,36 17. Argile sableuse, jaunâtre, micacée 3,41 18. Argile marneuse cendrée 4,19 49. Argile grise veinée, avec nodules calcaires. . . 4,20 20. Sable argileux, cendré, micacé 0,30 24. Argile grise veinée 0,68 22. Argile sableuse cendrée, avec mica 1,00 23. Argile grise veinée 0,50 24. Marne sableuse, cendrée, verdâtre, micacée. . 6,00 25. Sable quartzeux aquifère, avec gaz hydrogène. 0,00 Mollusques trouvés dans la couche n° \ Terrestres. 1. Succinea Pjeijjcri , Rosm. 2. Hélix nitida , Müll. non Drap. 3. Pygmœa , Drap. Aquatiques. . Lymnœci palus tris , Müll. . — fossarius, Mont. — — var. trunculatus , Gmel. 7. Planorbis corneus, Linn. 8. Planorbis cotnplanaius , Linn. non Drap. 9. — albus , Linn. 10. — vortex , Müll. 14. — spirorbis , Müll. non Drap. 12. — contortus, Müll. 13. Bythinia tentaculata, Linn. 4 4. Valvata planorbis, Drap. 15. — pi s ci n ali s % Lamk. 16. Sphœrium lacustie, Müll. NOTE DE M. B1ANCONI. 105 Le Planorbis ccmtortus est la seule espèce qui n’ait point encore été trouvée vivante dans la vallée de Conselice; mais elle existe dans le Milanais et la Vénétie. (Voy. Tassinari, Catalogue des mollusques delaRomagne , extrait du Journal de malacologie , 2e année, n09 5, 7 et 10.) M. Scarabelli a joint à sa noie une lettre à M. Deshayes, avec le dessin d’une Nasse dont il a troirvé trois exemplaires dans les marnes subapennines, voisine de la Nassa prismatica (Brocc. sp.) et par la forme de son ouverture du Buccinum gra - nulatum, Sow., figuré par M, Nyst (Coq. de la Belgique, 3Z&3, fig. 11 a). Il la croit nouvelle, et se propose de lui donner le nom de Nassa Deshaycsi. M. Desbayes, après avoir examiné le dessin, lui trouve beau- coup d’analogie avec une Nasse déjà connue, dont cependant la forme est moins allongée. Le Secrétaire lit la note suivante de M. le professeur Bian- coni/;de Bologne : Note sur l’origine métamorphique des argiles écailleuses du terrain serpentineux des environs de Bologne (Italie), par M. J. J. Bianconi. Les argiles, associées aux serpentines, ont été étudiées dernière- ment par M. le professeur Santagata, qui a jadis le premier fait con- naître les serpentines du Bolonais dans ses Discorsi qeologici intorno aile rocce serpent inose del Bolognese , 1837. Les intéressants résul- tats auxquels il est parvenu m’engagent à en faire la communication à la Société. Les argiles des terrains serpentineux sont-elles d’origine de sédi- ments ou bien métamorphiques? Telle est la question que M. Santa- gala s’est proposé de résoudre. Les grandes masses d’argile, ou plutôt les montagnes d’argile très développées ici, ne sont jamais homogènes; elles contiennent une foule de corps étrangers, des fragments de calcaire à Fucoïdes, de I macigno, de marne calcaire éocène, etc. Ici les fragments sont exces- sivement abondants, là les argiles prédominent; autre part tout est i argile, et les fragments sont réduits presqu’à rien. Ces fragments ne | sont pas jetés dans l’argile comme des cailloux dans la boue ; au con- ! traire, ils sont souvent arrangés, soit en direction verticale, soit | oblique ou contournée, toujours avec un parallélisme bien remar- 106 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. quable avec la direction des écailles qui composent la masse de l’ar- gile, car il ne faut pas oublier que la structure de ces argiles est émi - nemment écailleuse. De très petites écailles sont comprises dans une plus grande, dont un grand nombre fortement jointes forment des po- lyèdres cunéiformes dont l’assemblage compose la montagne. Jetons d’abord un coup d’oeil sur les fragments, et ensuite sur les argiles. On sait jusqu’à l’évidence que les fragments sont des lambeaux de lits ou bancs de roches neptuniennes, précisément du calcaire albérèse et du macigno fracassés en morceaux et dérangés de fond en combie. Lorsque les morceaux lavés par les eaux ont été mis au jour, on les voit anguleux, profondément rongés; d’autres fois ils sont altérés à la surface, c’est-à-dire rubigineux, parsemés de pyrite, encroûtés et pénétrés d’oxyde de manganèse ; bien des fois la substance pierreuse, soit du calcaire, soit du macigno, se réduit à un nucléus tout con- tourné de manganèse et d’ocre ferrugineuse. Voilà donc, sans aucun doute, des vestiges de métamorphose bien profonde et quelquefois totale dans l’un des éléments du terrain des argiles, c’est-à-dire dans les fragments et dans les blocs de calcaire et de macigno. Examinons maintenant les argiles. Lorsqu’on vient à frapper un bloc d’argile, elle se divise en écailles qui, souvent dans leur intérieur, offrent des points micacés ou réelle- ment des paillettes de mica ; d’autres écailles présentent encore plus clairement les éléments du macigno, soit une variété, soit l’autre. Quelquefois l’argile prend un aspect schistoïde, et en même temps sableux et finement micacé, de telle sorte qu’on voit là les apparences des argiles mêlées avec celles de certaines marnes sableuses propres à la formation éocène ou bien des macignos friables schistoïde;. Il y a là-dedans une véritable transition parmi les deux roches indiquées, c’est-à-dire l’argile et la marne sableuse ou le macigno, et l’on ne saurait pas bien définir si c’est une argile qui passe au macigno ou bien un macigno qui se transforme en argile; car, si la stratification schisteuse et la présence du mica etdu sabiequartzeux sont despreuves incontestables de l’existence primitive du macigno, d’autre part, l’ar- gile, avec ses surfaces luisantes et sa pâte extrêmement fine, pénètre de toutes parts avec ses écailles d’une ténuité extrême l’intérieur du macigno schistoïde. De même de gros morceaux du plus bel albé- rèse ou calcaire à Fucoïdes, avec sa pâte fine couleur de lait, homo- gène, conchoïde, sont sur quelques points pénétrés de matière argileuse qui forme des surfaces écailleuses lustrées dans la substance très compacte du calcaire, soit au travers, soit obliquement ou parallèle- ment à la direction originaire de la couche du calcaire. Dans ces NOTE DE M. BIANCONI. 107 conditions, si l’on va de l’intérieur à l’extérieur, on trouve le nombre des petites écailles argileuses toujours croissant; bientôt elles domi- nent et occupent les parties externes du morceau qui en est tout ver- nissé; cet enduit argileux n’a pas de limite déterminée avec le cal- caire; celui-ci passe à l’argile, comme l’argile pénètre et se confond insensiblement avec la substance calcaire. Nous avons dit qu'il y a des impressions de Fucoïdes dans les cal- caires et dans quelques macignos. Or, il est bien surprenant de voir, lorsqu’on examine quelques morceaux de ces roches enclavés encore dans l’argile, combien les Fucoïdes, qui, avec leurs extrémités im- mergées dans la substance interne la plus pure et inaltérée du même calcaire, s'avancent vers le côté du fragmeni avoisinant la surface extérieure qui commence à être dominée par l’argile, vont suivre la surface extérieure du calcaire enduit par l’argile. Ici donc, les Fu- coïdes sont peints sur la surface de l’argile ; mais cela n’est pas tout : on peut détacher les premières écailles d’argile adhérentes au frag- ment à Fucoïdes, et sur ces écailles on voit très clairement les em- preintes des Fucoïdes- D’autres écailles plus extérieures portent aussi des portions de Fucoïdes; on serait par conséquent tenté de conclure qu’il y avait du calcaire là où à présent on trouve de l’argile, ou, en d’autres termes, que la partie extérieure du calcaire s’est métamor- phosée en argile. M. Santagata confirme cette dernière observation avec des exemples tirés du macigno. Tous les résultats des observations de notre ami amènent à la con- jecture que les argiles écailleuses des terrains serpentineux sont le résultat du métamorphisme des roches neptuniennes de la forma- tion éoc'ene , c'est-à-dire que , en grande partie , l’argile résulte de la conversion du calcaire , du macigno , des conglomérats , etc. Dans une dernière communication présentée à l’Académie des sciences d’ici, le professeur Santagata a pu encore chercher b quelle époque a eu lieu ce métamorphisme, par des observations inat- tendues. Parmi les argiles du mont Paderno, célèbre jadis par la présence de la pierre phosphorique de Bologne, il a trouvé une partie de la même montagne composée d’argile écailleuse rouge de brique. En l’examinant, ii a trouvé dans son intérieur le résidu d’un macigno très micacé, friable, jaunâtre, en un mol, tout à fait semblable au macigno mollasse miocène des environs. Cent fois il a confirmé la parfaite ressemblance du macigno contenu dans les argiles rouges du mont Paderno et d’autres localités avec le macigno miocène qui oc- cupe une grande partie de l’Apennin. Il a définitivement conclu 108 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. l’identité des deux choses lorsqu’il a pu recueillir plusieurs échantil- lons de ce macigno de l’argile avec l’un des fossiles caractéristiques de ce terrain dans notre pays. Enfin, dans le lavage des argiles emportées par les eaux, il a trouvé plusieurs dents de Squale, enduites ou pénétrées de cuivre carbonalé, substance qu’on trouve fréquemment en incrustation parmi les argiles. La couleur verte, qui manque toujours aux dents de Lamia qu’on trouve fréquemment dans le macigno miocène, vient suppléer jusqu’à un certain point au défaut de n’avoir pas encore trouvé dans l’argile de pareilles dents. Suivant ces observations , l’apparition des argiles a donc eu lieu postérieurement à toute la formation éocène et durant la première partie de la période miocène, mais tout à fait durant la première partie de cette période , car les macignos miocènes plus récents cou- ronnent, bien que partiellement dérangés, les alentours des lieux d’observation elles autres montagnes apennines sous lesquelles dispa- raissent les argiles écailleuses. Telle que se présente la question que s’est proposée le professeur Santagala, de l’origine métamorphique des argiles des serpentines, éclaircie par ses belles observations, elle est si vaste, qu’on pourrait bien la dire inépuisable, surtout si l’on fait attention aux minéraux contenus et parsemés dans l’argile même, comme la baryte, l’arago- nite, la sélénite, etc., etc. M. P. de Berville fait la communication suivante : Notice sur une noue elle espece de crustacé fossile , trouvée dans le calcaire grossier inférieur , par M. P. de Berville. Historique. — La faune carcinologique des terrains tertiaires a été jusqu’ici l’objet d’un petit nombre de travaux. Depuis ceux de M. Desmarest (1) (1822) sur les crustacés fossiles, peu de paléontologistes se sont occupés de cette question. Le travail de M. Desmarest a rapport en grande partie aux crus- tacés décapodes macroures et brachyures, c’est-à-dire à ces crustacés qui commencèrent à apparaître, les premiers après la période paléo- zoïque, à l’époque du trias (2), les seconds après la période crayeuse, à l’époque des terrains tertiaires. (1) Voy. Desmarest, Histoire naturelle des crustacés fossiles. Paris, 1822, in-4. (2) Yoy. Aie. d'Orbigny, Paléontologie et géologie stratigra- phiques , vol. 111, p. 395. WlpÈl&Soc Géol*de France . Note de M. P. de BerviEe, sm le Pseudocarcirms Cfiauvïmï !' Série, TJlV.Pl.lI.Page 106. BHBerrff, *; Pseudocarcinus Chauvinii (Nol). le la ûeanÂew naturelle . hnplemercier , Varia NOTE DE M. DE BERTILLE. 109 La plupart des crustacés décrits par l’illustre savant appartiennent aux brachvures (Cancer), et proviennent presque tous des terrains nummuliuques et des argiles de Sheppey (Angleterre). Quelques années après ces publications, parut un Mémoire de M. Van Rensselaer (1) dans lequel sont cités des crustacés fossiles (macroures) provenant des terrains tertiaires de la Nouvelle-Jersey. Puis M. Roux (2), répondant à l’appel de M. Desmarest, fit pa- raître vers 1829 un Mémoire sur une nouvelle espèce de Xanthe, Leach, le X. Desmarestii. Nous possédons également un premier mémoire de M. Milne Edwards (3) sur des crustacés fossiles de l’île de Sheppey. Un mémoire de M. Sismoncla (A), publié en 18A6, sur des crus- tacés tertiaires (miocène) de Turin et de ses environs. M. Sismoncla cite parmi les décapodes brachyures : Genre Platycnrcinus , Latr. P. antlqims , E. Sism. — Xantho , Leach. X. Edwardsii, E. Sism. — Ranima. Lamk\ R. palinca, E. Sismonda. Parmi les isopodes : Genre Sphœroma , Latr. S. Gastaldi , E. Sism. M. H. de Meyer a également donné quelques descriptions de crus- tacés provenant des terrains nummulitiquës ; nous les voyons men- tionnés dans l’ouvrage de M. le vicomte d’Archiac (5) et décrits dans celui de M. de Meyer (6). Voyez aussi un mémoire de M. M’Coy sur des crustacés fossiles de l’île de Sheppey (7), publié en 18A9. M. M’Coy y décrit quatre nouveaux genres tant brachyures que macroures ; ce sont parmi les brachyures, les genres Zanthopsis et (1) Voy. Ann. oj the Lyc. oj nat. Inst, of New*- York, 1824, vol. I, part. 2, p. 195, pl. XIV. (2) Voy. Ann. des sciences naturelles , vol. XVII, p. 84, 1 829. (3) Vov- Extrait des procès -va baux de la Société philomatique, 3 juillet 1837. (4) Voy. E. Sismonda, Description des poissons et des crustacés fossiles du Piémont, in-4, 38 pl. , 3 pl. Turin, 1 846. (5) Voy. d’Archiac, Hist. des progrès de la géol.,v6\. III, p. 303. (6) Voy. H. de Meyer, Beitr. z. Naturgesch. des Vorwelt, 1847. (7) Voy. The Armais and magazine oj natuval history , 2e série, 1849, t. IV, p. 161. MO SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Basinotopus , et parmi les macroures, les genres Archœocarabus et Hoploparia; les espèces sont réparties ainsi qu’il suit : Brachyures : iZ. nodosa , M’Coy. Argile de Sheppey. Genre Zanthopsis7 M’Coy < Z. bispinosa, M’Cov. Id. ( Z. unispinosa , M’Coy. Id. - — Basinotopus , M’Coy. B . Lamarckii , jM’Coy. Sheppey. Syn. Inachus Lamarckii , Desm. Id. Macroures : Genre Archœocarabus, M’Coy. Bowerbcinki , M’Coy. Sheppey. rr , ( //. gammaroides , M’Coy. Id. - Hoploparia-, M Coy j JeW> rCoy. Id. Outre ces différents mémoires, nous mentionnerons un travail manuscrit de M. Milne Edwards sur des crustacés' des terrains num- mulitiques, qui, d’après l’une des opinions émises clans l’ouvrage de i M. le vicomte cl’Archiac (I), sont synchroniques des terrains tertiaires inférieurs. M. Milne Edwards (2) a donné une esquisse de ce travail dans une lettre adressée à M. d’Archiac en 1851. Enfin, un travail remarquable de M. Bosquet (3) sur les entomo- stracés fossiles des terrains tertiaires, ouvrage dont nous devons la communication à M. Michelin, et dans lequel M. Bosquet ne cite pas moins de 83 ostracodes fossiles, dont kl appartenant aux terrains éocènes, 22 aux terrains miocènes, 3 aux terrains pliocènes et 11 ré- partis dans ces 3 étages pris 2 à 2. Maintenant, si nous compulsons ces différents travaux, nous voyons que le bassin de Paris y est représenté par un très petit nom- bre d’espèces, ainsi : Parmi les décapodes brachyures, nous voyons décrit et figuré dans Desmarest (A) le Portunus Hericarti (Desm.), espèce particulière (1) Yoy. d’Archiac, Histoire des progrès de la géologie , t. III, p. 216. (2) Yoy. d’Archiac, Histoire des progrès de la géologie , t. III, p. 303 et 304 (y). (3) Voy. Extr. du tome XXIV des Mèm . cour, et Mém . des sav. étrang . Acad. roy. de Bruxelles, 1852, (4) Voy. Desmarest, Hisl. nat . des crustacés fossiles . Paris, 1822, p. 87, pl. V, fig. 5. NOTE DE M. DE BEIIVILLE . 111 aux assises supérieures des sables moyens ou sables el grès dits de Beau champ. Une autre espèce de brachyure également caractéristique de ces mêmes sables a été décrite par M. Milne Edwards (notes manus- crites) : c’est un Xantho , Leach, le X. Brongniarti , M. Edw. Puis, dans la famille des Orbiculaires, nous voyons une espèce du genre Leucosia , Fabr. , L. Prevostiana, Desm. (1), citée par Des- marest; cette espèce est propre aux assises inférieures de la troisième masse de gypse (Montmartre). A ces trois brachyures nous ajouterons : Un petit isopode cité dans Desmarest (2), très commun dans les marnes supérieures aux gypses : c’est pne espèce du genre Sphœroma , Latr. , S. Margarum , Desm. M: Milne Edwards (3) le range dans son genre Palœoniscus et en fait le P. Brongniarti , M. Edw.; Une espèce de Cypris, le C. punctata, d’Arch. (A), provenant des ligniles, et trouvée à Vailly et à Messons (Aisne); Et enfin tous les entomostracés décrits par M. Bosquet, qui for- ment une étude spéciale et très étendue de cette division dans la grande famille des crustacés. Gisement. — Les environs de Noyon (Oise), qui, depuis long- temps, sont l’objet des recherches de M. Beguéry, se trouvent com- pris dans la description géognostique que M. Graves (5) fit, il y a quelques années, du département de l’Oise. « La ville de Noyon, comme le dit l’éminent géologue (2), est en- » cadrée dans une série de collines dénommées montagnes de Gran- » dru, Béhéricourl ou Babœuf, Dominois, Saint-Siméon, Applain- j «court, Tarlefesse, etc., dont l’ensemble constitue le plateau de ! » Salency. » Ces collines, qui forment ainsi un réseau presque continu, sont pour ainsi dire exclusivement formées par le calcaire grossier infé- rieur. Cette partie de l’étage, le plus important du bassin de Paris, y prend en effet un développement assez grand. (1) Yoy. Desmarest, Hist. nat. des crustacés fossiles , p 114, pl. IX, fig. 1 3. (2) Yoy. Desmarest, Hist. nat. des crustacés fossiles, p. 138. (3) Yoy. Milne Edwards, Ann. des se. nat., t. XX, p. 328,, : 1843. (4) Yoy. d’Archiac, Description géologique du département de I l'Aisne, p. 175. (5) Yoy, Graves, Essai sur la topographie géognostique de f Oise, 1847. 112 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. On y distingue, suivant M. Graves (1), trois assises parfai- tement distinctes, contenant en plus ou moins grande abondance les fossiles propres à la faune du calcaire grossier inférieur. La plus su- périeure de ces trois assises est constituée par un calcaire tendre que l'on exploite comme pierre de taille; ce calcaire contient en grande abondance des moules intérieurs de Cerithium giganteum et de Nciutilus Lamarckii. Ges deux fossiles, que nous avons recueillis dans nos excursions aux environs de Noyon, deviennent plus rares dans l’assise inférieure. Cette assise et celle qui est placée au-dessous sont distinguées par les Nummulites, qui, à leur contact, forment une zone bien mar- quée. Ces deux assises prennent toutes deux un développement assez notable; elles sont formées par un grès calcaire que l’on exploite, soit pour en faire des pavés, lorsque la masse est assez compacte (Grisolles), soit pour l’entretien des routes, lorsqu’elle est mamelon- née et disposée en rognons (Saint-Siméon). Ces grès contiennent en quantité considérable des Nummulites (N. lœvigata , Lmk.) et les fossiles de l’assise supérieure. La glauconie grossière, qui commence l’étage du calcaire grossier, se trouve à la base de quelques-uns de ces coteaux. Ces grès forment le passage de la glauconie grossière (glauconie su- périeure de M. Graves) au calcaire grossier qui les surmonte, tant sous le rapport des fossiles que l’on y rencontre que sous le rapport de leur composition minéralogique ; ainsi, tous les fossiles de la glau- conie grossière passent dans les grès et les calcaires, et croissent en nombre; les Nummulites seules (TV. lœvigata , Lmk.) qui apparais- sent dans la glauconie ont leur maximum de développement dans les grès et décroissent par degrés insensibles dans les calcaires; de même, ces grès, qui, à leur base, sont disposés en rognons très sili- ceux et même empreints de ces grains verts et noirs caractérisant si bien la glauconie grossière, deviennent de plus en plus calcaires à mesure que l’on approche des assises supérieures. Cette dernière raison ne prévaut pas pour rattacher la glauconie au calcaire grossier, car, siratigraphiquement et même minéralogi- quement, elle se lie également bien aux sables du Soissonnais (glau- conie moyenne de M. Graves), tandis que, d’après la première rai- son, qui porte uniquement sur les données paléontologiques, on doit considérer la glauconie grossière comme étant la base du calcaire (1) Yoy. Graves, Essai sur la topographie gcoguostigue de V Oise, p. 315. i 1 NOTICE DÉ M. DE BERVILLE. 113 grossier : c’est en effet ce qui est admis dans les classifications ré- centes (1). C’est à la partie inférieure du banc de calcaire, c’est-à-dire de l’assise supérieure, dans l’une des carrières situées au revers du massif de collines tournées vers le N. -O., aux approches de Grisolles, que.M. Chauvin a trouvé les différents échantillons du crabe dont je me propose de donner la description succincte (2). Les différentes pièces recueillies par M. Chauvin consistent en : 1° Une carapace parfaitement conservée dont nous donnons le des- sin dans les deux sens (PI. ïl), fig. 1, 2; 2° Les deux pinces, fig. 3, Zi, 5, 6; 3° Un fragment de patte ambulatoire, fig. 8; U° La plus grande partie de l’abdomen, fig. 7; 5° Un fragment de la patte antérieure, figurée en 3 et U, montrant le condvle articulaire du carpe ou poignet avec le corps de la pince ou métacarpe (fig. 9). DÉCAPODES BRACHYURES. Famille des Cyclométopes, Miln. Edw. (3), tribu des Cancériens arqués. Genre Pseudocar cinus, Miln. Edw.; Cancer, Fabr., Herbst., Lmk., etc. Pseudocarcinus Chauvinii, nob. Bords latéro-antérieurs de la carapace découpés en festons, dont le nombre varie de 8 à 10; le feston adjacent aux angles latéraux a un développement double des autres. Carapace environ une fois et demie aussi large que longue, d’une convexité voisine de celle des Zanthes, légèrement bosselée, ponc- (1) Yoy. Ch. d’Orbigny, Tableau synoptique des terrains et des principales couches minérales qui constituent le sol du bassin pari- sien. Paris, 1855. (2) Encouragé par la bienveillance de M. Milne Edwards, ainsi que par les bons conseils de MM. Michelin, Hébert, Bayle et Lucas, tant pour leurs aimables communications que pour l’empressement avec lequel ces savants m’ont fourni les renseignements que je solli- citais, j’ai essayé de donner une description, aussi exacte qu’il m’a été possible de le faire, des différents échantillons que j’ai entre les mains. (3) Voyez Milne Edwards, Hist. nat. des crustacés (Suites à Bufîon), Paris, 1837. Soc, $éol,t V série, tome XIV, 8 114 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. tuée dans les deux sens et présentant assez distinctement les diffé- rentes régions du corps. Le bord antérieur A (Pl. II), fig. 2, ou front, que l’on nomme aussi bord interorbitaire, est légèrement incliné et peu saillant; il porte en son milieu deux petits rostres arrondis, régulièrement distants des orbites B. Les orbites sont de moyenne grandeur, presque circulaires et peu écartés; la partie inférieure de leur contour est festonnée. Les bords laléro-antérieurs G, c’est-à-dire ceux qui se trouvent entre les yeux et la saillie du test appelée angle latéral D, sont dé- coupés en forme de festons, concaves par rapport à la position nor- male du crabe, et ces festons sont terminés à leurs extrémités par de petits tubercules qui, au lieu d’être spiniformes comme chez presque tous les Pseudocarcins, sont arrondis. Les bords la téro- postérieurs E sont lisses et d’une longueur à peu près équivalente à celle des bords iatéro-antérieurs ; l’angle qu’ils forment avec le bord postérieur F est très ouvert. Les sommets des deux angles latéraux se trouvent sur la ligne médiane qui séparerait le corps de l’animal dans le sens de sa largeur; ces deux angles latéraux présentent une saillie oblique, très pro- noncée, qui empiète environ de 0,01 sur les régions branchiales de la carapace. Le bord postérieur a une largeur équivalente à celle du bord anté- rieur. La partie postérieure de la carapace (Pl, II), fig. 1, est elle-même extrêmement bien définie. Le cadre buccal A ne porte trace que de cinq articles, trois à l’une des pattes-mâchoires et deux à l’autre. L’épistome manque, ce qui laisse apercevoir un petit appendice sous-frontal B, dont les extrémités s’étendent jusqu’aux régions ptérygostomiennes G : ces régions, situées de chaque côté du cadre buccal, sont assez bien développées; c’est contre elles que viennent s’appliquer les pattes-pinces du crabe lorsqu’il est au repos. Le plastron sternal D s’étend depuis la partie inférieure du cadre buccal jusqu’au deuxième anneau thoracique E; il est à peu près aussi long que large et présente six sillons, dont quatre sont parfaite- ment prononcés; ces sillons viennent se réunir en un même point du plastron plus rapproché de la bouche que du deuxième anneau thoracique. - — Le sillon médian, contre lequel vient s’appuyer l’abdo- men, est très profond, ce qui fait voir que ce devait être un sujet mâle. L’échantillon ne présente que les deux anneaux thoraciques cor- NOTICE DE M. DE BERYILLE. i 1 5 respondant aux deux premières pattes ambulatoires F; les sutures de ces anneaux sont presque transversales et viennent se réunir sur une meme ligne au sillon du plastron sternal. Les deux pattes ambulatoires 11e présentent chacune que leur pre- mier article (hanche), c’est-à-dire celui qui se lie au plastron sternal par l’intermédiaire d’une petite pièce nommée pièce épisternale. Les pattes antérieures (pinces) (PL ÏI), fig. 3, A, 5, 6, ou pattes de la première paire, sont inégales, grosses, bien développées et disposées de façon à pouvoir s’appliquer contre les régions ptérygostomiennes (c’est d’ailleurs dans cette position qu’a été trouvé l’échantillon). La fig. 1 (PL I!) présente les quatre premiers articles de la plus grosse des deux pattes-pinces, c’est-à-dire celle qui est vue dans les deux sens, fig. 3, A; elle présente également les deux premiers articles de l’autre pince et la naissance de la troisième. La pince vue fig. 3, d, porte à son doigt non mobile A, seulement deux tubercules B, C très forts ; le premier de ces tubercules B, qui est beaucoup plus développé que l’autre, est sinueux à sa partie supérieure ; le doigt mobile D porte également deux tubercules E, F, dont le premier est aussi plus développé que le suivant, mais ce dé- veloppement est moindre que dans le doigt non mobile. Le corps de la pince ou métacarpe G est assez globuleux et permet de voir, en H, la cavité où vient s’insérer le condyle articulaire A, fig. 9, fixé au carpe ou poignet. L’autre pince, fig. 5,6, présente un article de plus que la précé- dente; cet article est le carpe ou poignet D, fig. 5; il porte sur son bord antérieur une forte saillie E, spiniforme, suivie elle-même sur le côté postérieur de la pince de deux petits mamelons peu dévelop- | péset très visibles, ainsi que la saillie citée plus haut fig. 9 en B, G, I D, sur une portion du carpe appartenant à la pince représentée fig. 3, d. Les tubercules des deux doigts sont beaucoup moins saillants que dans la pince précédente ; le doigt non mobile À de cette pince a une disposition un peu différente de celui de l’autre: d’abord le pre- mier tubercule est très peu sinueux ; puis, immédiatement après lui, la surface interne de ce doigt s’infléchit et ne présente pas de tuber- cule sensible. L’abdomen , fig. 7 , est étroit et ne laisse apercevoir que cinq articles ; ia pièce terminale manque complètement; la petite largeur de cet I abdomen est un second indice pouvant servir à constater que ces | différents échantillons appartenaient à un sujet mâle. Nous possédons également un fragment de patte ambulatoire, fig. 8, I présentant la réunion de deux portions d’articles; ce sont probable- 116 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. ment les deuxième et troisième articles que l’on désigne sous les noms de trochanter A, ou exinguinal, et de cuisse B ou de fémoral. L’espèce vivante dont se rapproche le plus ce fossile , tant pour l’ensemble de la carapace que pour la disposition des pinces et même pour la (aille, est sans contredit le Pseudocarcinus Rum- phii, M. Edw., tome Ier, page A08. Syn. Cancer Rumphii , Fabr. , Herbst. De même que chez ce crustacé il a les pattes antérieures très dé- veloppées, globuleuses ; de plus, les pattes ambulatoires ne sont au- cunement comprimées, ce qui indique un individu éminemment côtier. Il diffère du Pseudocarcinus Rumphii en ce que les régions sont un peu mieux marquées que chez celui-ci, et, à ce premier examen, on pourrait le rapprocher des Xanthes, le ranger même parmi ces crabes, si ses autres caractères ne le rapprochaient aussi précisément des Pseudocarcins. Enfin, il en diffère par son caractère spécifique que nous avons énoncé dans notre diagnose, c’est-à-dire qu’au lieu de porter à ses bords latéro-antérieurs des dents, dont le nombre varie de quatre à cinq , il porte de petits tubercules à l’extrémité de festons, dont le nombre varie de huit à dix. Comme on peut le voir, il y a donc un très grand rapport entre ces deux espèces, particulières à des époques si différentes ; ce rapport est d’autant plus intéressant à constater, qu’il existe entre deux sujets ayant vécu, l’un pendant l’époque tertiaire, lors de l’apparition des brachyures (1), l’autre vivant à l’époque actuelle, époque de leur maximum de développement. Explication de la Planche IT. Fig. 1 . — Partie postérieure de la carapace. A. Cadre buccal. B. Appendice sous-frontal. C. Régions ptérygostomiennes D. Plastron sternal. E. Anneau thoracique. F. Naissance de patte ambula- toire (hanche). Fig. 2. — Partie antérieure de la carapace. A. Front. B. Orbites. C. Bords latéro-antérieurs. D. Angles latéraux. E. Bords latéro-postérieurs. F. Bord postérieur. (1) On n en a pas encore rencontré dans des terrains plus anciens que les terrains tertiaires. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 117 Fig. 3 et 4. — Patte de la première paire (côté droit) vue dans les deux sens. A. Doigt non mobile. B, C. Tubercules de ce doigt. D. Doigt mobile. E, F. Tubercules de ce doigt. Fig. 5 et 6. — Patte de la première paire (côté gauche) vue dans les deux sens. A. Doigt non mobile. | E. Saillie placée sur le bord D. Carpe. j interne du carpe. Fig. 7. — Fragment d’abdomen montrant les cinq premiers articles. Fig. 8. — Fragment de la patte ambulatoire. A. Trochanter ou exinguinal, j B. Cuisse ou fémoral. Fig. 9. — i Débris du carpe appartenant à la pince (fig. 3, 4). A. Condylearticulairedu carpe. C, D. Tubercules de la surface B. Saillie placée sur le bord in- interne du carpe. terne du carpe. M. Hébert donne lecture, au nom de Fauteur, du mémoire suivant : Études géologiques dans le département du Haut-Rhin , par M. J. Kœchlin-Schlumberger. II. ENVIRONS DE BELFORT. Belfort et ses environs immédiats offrent à l’étude de la géologie stratigrapbique un des points les plus intéressants. Les escarpements naturels que présentent les hauteurs de la Miotte et du fort Justice, i et les travaux qui y ont été faits pour ies fortifications, ont mis à j découvert l’intérieur des couches et permettent ainsi de reconnaître j leurs relations et leurs restes organiques. D’autres circonstances ont 1 favorisé cette localité en mettant à nu certaines couches du juras- 1 sique les plus riches en fossiles. Les formations jurassiques de Bel- ! fort, avec leurs subdivisions, sont, par leurs caractères minéralo- ] giques et paléontologiques, peu différentes de celles de la partie j N.-O. des monts Jura. Elles paraissent donc avoir été déposées dans j le même bassin ; les strates de ces formations ont la même direction | que celles du Jura : cela aulorisc-t-il à conclure que leur redresse- I ment est dû aux mêmes causes et qu’il est contemporain avec une de G. Métacarpe. H. Cavité glénoïde du méta- carpe. 118 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1850. ces dislocations assez nombreuses que, d’après M. Studer (1), le Jura aurait subies? Il est difficile de répondre dans l’état actuel de nos connaissances, où il y a encore très peu de certitude sur le nombre et l’âge des soulèvements qui ont donné au Jura sa forme actuelle. D’après ce que j’ai pu observer, la direction N. -E.-S.-O. du jurassique des environs de Belfort se continue non-seulement du lias inférieur jusqu’au kimmeridgien, mais cette allure est aussi celle des terrains plus anciens, comme le muschelkaîk, le grès bigarré, le grès vosgien et le grès rouge, qu’on voit entre Chenebiez et Chagey reposer en stratification discordante sur les calcaires, les conglomé- rats et les schistes du terrain de transition. La direction du grès bi- garré dans les carrières d’Offemont est la même; d’un autre côté, la coupe EE de M. Thirria (2) montre que la même série de terrains vient s’appuyer vers le N. -O., avec un plongement inverse, au massif du terrain de transition ; la ligne anticlinale du soulèvement serait donc à placer au milieu de ce massif même. L’angle d’inclinaison des couches jurassiques est assez irrégulier. Nous avons vu, dans une précédente étude, que les strates du kim- meridgien sont presque verticales et même renversées à Roppe. A Belfort, l’angle varie de 18 à 35 degrés; mais il diminue par degrés en se dirigeant vers le S.-E. , de manière à n’être plus que de 6 ou 7 degrés dans les carrières de Perouse. Ainsi cette inclinaison, for- mant une ligne infléchie de 12 kilomètres de longueur, diminue à mesure qu’on s’éloigne du centre du soulèvement. J’ajouterai ici qu’on pourrait à la rigueur chicaner sur la discor- dance annoncée entre le terrain de transition et ceux plus récents ; en effet, la direction de cette ancienne formation est tantôt N. -E. vers S. -O., tantôt N. vers S. A l’extrémité N. -O. de la coupe, à travers le massif de transition, à l’endroit appelé la Petite-Fréchotte, le schiste très fissile suit la première de ces allures; à l’extrémité S.-E., le calcaire de la grotte de la Balme est dirigé de même, tandis que, sur deux points intermédiaires, le conglomérat au S.-E. de la Petite- Fréchotte et le calcaire de la carrière de la Revenue, c’est la seconde direction qui existe; d’ailleurs, les angles dont ces couches sont re- levées sont toujours considérables et varient de 50 à 90 degrés. D’après cela, et d’après la circonstance que ce massif de terrain de transition occupe le point le plus élevé de la contrée et n’est pas re- couvert par les dépôts les plus récents, il ressort que ce terrain a dû (1) Géologie der Schweiz, t. II, p. 210. (2) Statistique de la Haute-Saône . MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. \ lô être soulevé une première fois avant le dépôt du grès rouge et une seconde fois probablement avant l’époque tertiaire. Les hauteurs qui environnent Belfort, comme la Miotte et le fort Justice et celle qui est dominée par le château, ont généralement le côté qui regarde le N.-.O. escarpé, tandis que le côté S. -E. s’abaisse en pente douce. Abstraction faite de la direction du plongeaient, qui peut avoir eu son influence sur cette disposition, ne pourrait- on pas attribuer cette circonstance aux couches des marnes du lias moyen et aux marnes oxfordiennes qui, là où elles venaient affleurer à la sur- face du sol, ont été détruites et enlevées par les courants diluviens, et ont laissé pour résultat les dépressions que nous voyons aujour- d’hui. Dans cette manière de voir, la gorge qui forme aujourd’hui la porte du vallon répondrait aux marnes oxfordiennes. On voit un effet analogue continué sur une assez grande étendue sur le flanc O. de la Forêt-Noire. Quand on suit à mi-côte le chemin de Badenweiler jusque près de Fribourg, on marche souvent dans des courbes, ayant à sa gauche des hauteurs escarpées ou des tertres en grande oolithe couronnés d’anciens châteaux, comme le Kastelberg, le Staufen, etc., et à sa droite des assises de grès vosgien ou de grès bigarré avec quelques lambeaux de muschelkalk, ou bien encore le terrain de transition. On reconnaît dans plusieurs de ces combes le lias, comme par exemple au Bœgelhof, près Badenweiler. Il est évident qu’ici ces dé- pressions plus ou moins profondes répondent à la place qu’occupaient les marnes du lias et peut-être aussi les marnes du keuper. Le massif formé par la Miotte et la hauteur du fort Justice, avec son prolongement au delà de Perouse, offre tous les étages jurassi- ques depuis le lias inférieur jusqu’au kimmeridgien. Le flanc N. -O. delà Miotte a une pente de 29 degrés dans sa partie supérieure; ici les roches affleurent et montrent les têtes des bancs, ainsi que dans les murs et le fossé extérieur des fortifications. La partie inférieure n’a plus que 10 degrés de pente et même encore moins près des bords de l’étang, où elie expire; cette partie inférieure est générale- ment couverte de gazon et offre peu de facilité an géologue. En regar- - dant à certaine distance du N.-E. ou du S.-E. , ces deux pentes I semblent faire intersection à un point précis, d’accord sans doute j avec le degré d’altérabilité des roches au-dessus et au-dessous de ! cette limite. Ce flanc N. -O. est du reste constitué par le jurassique ! inférieur, y compris Poolithe subcompacte, dont il montre encore j les assises les plus inférieures. Ce terrain est régulièrement stratifié et plonge de 30 degrés environ vers le S.-E. On ne voit pas le lias en place; mais on en trouve ies fossiles, soit 120 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. sur les bords, soit dans le ruisseau même qui sort de l’étang de la forge, dont il forme le trop-plein. J’ai reconnu ici des espèces appar- tenant aux deux étages inférieurs du lias, tels que Ostrea arcuata, Belemnites niger, Rlujnchonella variabilis. On voit chez des ama- teurs de la ville de Belfort des exemplaires bien conservés et assez nombreux de Y Ammonites margaritatus , Montf. Il paraît qu’on les rencontre avec d’autres fossiles de cette division supérieure du liasien dans l’étang de la Forge quand ses eaux sont détournées; quant à moi, j’ai inutilement consacré avec mon savant ami, M. Pierre Me- rian, une demi-journée pour trouver un affleurement de liasien, en croisant en tous sens dans la dépression qui existe au N. et au N.-E. de l’étang de la Forge, en poussant jusqu’à Vctrigny. Dans cette course cependant, nous avons découvert, à dix minutes E. de ce vil- lage, sur le flanc E. d’une petite éminence, une fouille pratiquée dans le lias inférieur et dans laquelle nous avons trouvé les fossiles suivants : Ostrea arcuata , d’Orb. , Lima gigantea , Desh., Pentacri - nus scalaris, Rhynchonella variabilis , d’Orb., des Bélemniles. Bajocien. Je reviens à la Miolte : ses assises inférieures consistent en une roche grise finement grenue, ressemblant beaucoup à un grès; elle affleure peu, et les fossiles y sont rares; je n’y ai rencontré qu’un Pecten lisse. J’évalue cette assise à 60 mètres de puissance; elle sup- porte une couche de 16 mètres environ, ayant des caractères minéra- logiques analogues; mais elle est d’une couleur plus foncée, moins homogène, à surface très rugueuse et tourmentée, présentant beau- coup de places ocreuses; cette couche est caractérisée par un assez grand nombre de Lima proboscidea mal conservées; elle renferme en outre d’autres fossiles. Une assise colorée uniformément de jaune d’ocre, ayant plus franchement les caractères d’un grès, y est inter- calée; cette assise est peu épaisse et ne renferme aucun fossile; la roche en est homogène, mais moins dure et moins tenace que la pré- cédente. La roche grise se dissout avec une vive effervescence dans l’acide chlorhydrique; elle laisse un dépôt assez abondant d’un gris cendré foncé qui paraît être silico-argileux; je n’ai pu y apercevoir, même à l’aide d’un fort grossissement, aucun grain de quartz; seule- ment j’y ai vu un petit squelette siliceux provenant d’un fragment de pinna. La roche jaune contient beaucoup moins de calcaire, l’acide en dissout seulement le tiers ou tout au plus la moitié et laisse pour résidu un sable quarlzeux blanc, coloré en jaune d’ocre par une pe- tite quantité d’argile ferrugineuse. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLIJMBERGER. 121 Au-dessus de ces assises se trouve une couche de 1 mètre environ de puissance, de la même roche, mais caractérisée par des concré- tions ferrugineuses et par des fossiles particuliers différant de ceux des assises inférieures ou supérieures; ces concrétions sont usées, plates ou arrondies; leur diamètre varie de quelques millimètres jus- qu’à 11 centimètres ; leur surface est enduite d’une couche de fer hydroxydé luisante, leur intérieur est composé d’un grès jaune ver- dâtre d’un grain très fin renfermant quelques paillettes de mica ; il est traversé par des veinules de fer hydroxydé, et olfre quelquefois de petites oolithes de la même substance et de formes irrégulières. Superposées à ces concrétions, on voit des assises de différente na- ture qui, réunies jusqu’à leur jonction au calcaire à polypiers, dont il sera question plus loin, présentent une épaisseur de 26 mètres. La couleur de ces assises varie du bleu au gris : tantôt elles sont consti- tuées par des marnes, tantôt par des schistes, ou bien encore par des roches compactes, tenant le milieu entre celles que nous venons de I décrire et le calcaire à polypiers. Ces assises sont caractérisées par des fossiles particuliers, mais renfermant toujours la Lima probosci- ! dea et quelques autres fossiles des couches inférieures. Elles suppor- ! tent le calcaire à polypiers, puissant de 9 mètres environ et bien dif- ' férent sous tous les rapports des assises inférieures; la roche en est lurnachellique, subcompacte ; les fossiles consistant principalement en polypiers, parmi lesquels Ylsastrœa Bernardana domineront nom- breux, mais plutôt en individus qu’en espèces : ils sont convertis en calcaire grenu ou en spath, et souvent aussi ils sont silicifiés. Cette roche, dissoute dans l’acide chlorhydrique, laisse sur le filtre un très faible dépôt argileux, mais un grand nombre de petits fragments de fossiles passés à l’état siliceux. Au-dessus de ce calcaire à polypiers, la roche devient oolithique : c’est l’oolithe subcompacte de M. Thurmann, mélangée quelquefois avec une pâte à fossiles triturés ou alternant même avec des bancs | dont la roche devient par places une véritable grande oolithe. Cette j assise s’élève du côté N. -O. jusqu’à la cime de la Miolte; on peut la poursuivre dans le fossé qui limite au N.-E. les fortifications de la I Miotte, où elle rencontre une couche marneuse de 2 mètres qui re- ! présente sans doute ici les marnes vésuliennes ou à Ostrea acuminata. I Cette assise, une des plus puissantes de notre coupe, a une épaisseur j d’environ 19 mètres et renferme quelques fossiles. En descendant le fossé dont je viens de parler vers le S.-E., on suit les couches de bas en haut, et, à 36 mètres de la première couche marneuse, on en trouve une seconde de 1 mètre à lni,50 d’épaisseur, sans aucun fossile. La roche entre les deux marnes est tantôt une oolithe sub- 122 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. compacte, tantôt une lumachelle ou encore un mélange des deux. Il paraît d’après cela très probable que ces deux couches mar- neuses, avec les roches qui y sont enclavées, constituent ici le terrain des marnes vésuliennes ou à Ostrea acuminata. Cette assise a une puissance de 12m,50, Les deux couches marneuses dont il est ques- tion ici sont constituées d'une manière fort irrégulière et sont plutôt un composé de marnes, de roche marneuse et de roche lumachel- lique. La marne, tout en existant sur toute la largeur des couches et occupant les espaces entre les roches solides, n’est cependant que l’accessoire dans ce mélange et olfre rarement plus de quelques cen- timètres d’épaisseur ; elle disparaît quelquefois presque complète- ment, ou du moins s’atténue beaucoup, pour ensuite reparaître un peu plus loin dans le prolongement des couches. La couleur de ces couches est d’un gris cendré; mais il y a aussi des parties de couleur jaune d’ocre qui sont répandues comme de grosses taches et sans suivre le parallélisme de la stratification. Les fossiles, dont quelques- uns, comme le Lima proboscidea , \eLima punctata , un Cidaris, sont très abondants et se rencontrent dans la roche marneuse et celle qui est lumachellique; il n’y en a point dans la marne même. La partie de la roche marneuse qui est de couleur grise paraît se décomposer à l’air et se couvrir d’une efflorescence blanche, comme si elle conte- nait du sulfure de fer passant à l’état de sulfate. Fossiles appartenant à cette coupe. Couches à Lima proboscidea. Ammonites Gervillii , Sow. (d’Orb. 137, sous le nom d’A. Bron- gniartii , Sow.). Panopœa. Pholadomya. Trigôma clcivellata , Park. Unicardium cognàtum , d’Orb. Pinna. Lima proboscidea ^ Sow. — punctata, Desh. Avicula inœquivalvis , Sow. Gerviilia Zieteni , d’Orb. Pecten disciformis (1), Schub. Pecten textorius (2), Schlot. — lens (3), Sow. Ostrea acuminata , Sow. - — Marshi (4), Sow. — explanata , Goldf. — gregaria, Sow. Rhynchonella continua, d’Orb. Hemithiris spin osa , d’Orb. Cidaris horrida , Mer. Serpula socialis , Goldf. — - flaccida , Goldf. Entalophora Tessonii , d’Orb. (1 ) Voyez note A. (2) Voyez note B. S Voyez note C. Voyez note D. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 123 Couches à concrétions ferrugineuses. Belemnites brevis , Blainv. Pleurotomaria armata , Miinst. — conoidea, Desh. — - snbreiicnlata , d Orb. Panopœa Juras si, d’Orb. Pholadomya obtus a, Sow. Lyon sia. Isocardia ? Astarte excavata , Sow. — • detrita , Goldf. Trigonia costata , Park. (4). — duplicata , Sow. Area sublineata, d’Orb. Myoconcha . Mitylus b /parti tus, Sow. — - Sowerbyanus , d’Orb. (2). — petit , recouvert de stries rayonnantes. Lima punctata, Desh. — gibbosa , Sow. — à fortes côtes rayonnantes. — à fortes côtes rayonnantes, mais fortement bombée. Avicula inœquivalvis , Sow. Pinnigena. Pecten textorius , Münst. — disciformis, Schub. — Sow. — à côtes rayonnantes fines. Ostrœa Marshi , Sow. — lisse. Rhynchonclla quadri plie ata , d’Orb. Terebralula perovalis , Sow. Scrpula Jl accula, Goldf. Ass/ses variées entre les couches à concrétions ferrugineuses et le calcaire Belemnites giganteus, Schlot. — acutus , Mill. Nautilus striatusj Sow. (3). Ammonites Murchisonœ , Sow. Chemnitzia line ata? Sow. Lima proboscidea, Sow. — duplicata, Sow. Calcaire ! Belemnites unicanaliculatus , Hart. J Chemnitzia. I Troc h us. ! Panopœa subelongata , d’Orb. | Lyonsia recurva ? d’Orb. J Trigonia costata , Park. i Area. i Lima punctata, Desh. x polypiers . Avicula inœquivalvis, Sow. Gervillia Zieteni, d’Orb. Pinnigena. Qstrea acummata , Sow. Terebratula lisse. Pentacrinus scalaris , Goldf. à polypiers. Pinnigena. Pecten textorius , Münst. — vêla tus, Goldf. (4). Ostrea Marshi , Sow. i Cidaris. Pentacrinus scalaris, Goldf. Thamnastrea fungifqrmis , M. Edw. et H. — Terquemi , M. Edw. et H. (4) Voyez note E. (2) Voyez note F. f3) Voyez note G. (4) Voyez note H. 124 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Isastrea Bernanlana , M. Edw. et H. Montlivaltia sarthacensis ? M. Edw. et H. Thccosmilia indéterminable. Agaricia. Plusieurs autres polypiers. Couche entre le calcaire à polypiers et V ooiithe franchement subcompacte. Chemnitzia. Lima. Pecten lens , Sow. Pecten lisse. Terebratula orbicularis P Sow. Clypeus angustiporus , Ag. Couches marneuses à Ostrea acuminata. Mitylus asper , d’Orb. Lima punctata , Desh. — • proboscidea , Sow. — striatula , Münst. Ostrea acuminata? (1), Sow. — * gregaria, Sow. Terebratula Thcodori? d’Orb. — intermedia ? Sow. Cidaris, pointes très longues, cy- lindriques, ayant de l’analogie avec C. baculifera} Ag. Bathonien . A Belfort, cet étage ne se sépare pas nettement du bajocien, car il y a d’abord la complication qu’au -dessous de la grande ooiithe on (1) M. d’Orbigny, dans son Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques , t. II, p. 478, comprend les marnes vé- suliennes de M. Marcou dans le bajocien, et les marnes h Ostrea acuminata de M. Thurmann dans le bathonien. Or, d’après M. Mar- cou, ces deux étages sont identiques; ils sont dans tous les cas et d’après les deux auteurs placés au-dessous de la grande ooiithe, et carac- térisés par le grand développement de Y Ostrea acuminata. Cette dernière espèce est cependant dans le bathonien du Prodrome. J’ajoute que l’incertitude de savoir à laquelle des grandes divisions du bajocien ou du bathonien appartiennent les marnes vésuliennes de M. Marcou, augmente quand on voit la répartition dans le Prodrome des espèces que ce dernier a citées pour cet étage [Recherches géolo- giques sur le Jura salinois). Les 23 de ces espèces que nous retrou- vons dans le Prodrome y sont ainsi classées. 1 dans le toarcien, \ 0 dans le bajocien, 9 dans le bathonien, 3 dans le callovien. On chercherait en vain à expliquer un pareil résultat par un dés- accord dans la détermination des espèces avec des savants comme MM. d’Orbigny et Marcou, avec des espèces généralement bien con- nues, cela ne peut être. Mais si l’on voulait une bonne fois admettre qu’un assez grand nombre d’espèces jurassiques se rencontrent à la fois dans plusieurs étages, toute la difficulté sera levée. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 125 trouve deux couches marneuses séparées par 10 mètres de roches ooli- thiques subcompactes, de manière que les marnes vésuliennes alterne- raient avec la roche oolithique inférieure ; en second lieu, au-dessous de l’oolithe subcompacle qui est sous-jacente aux couches marneuses, il apparaît à plus de 10 mètres de la marne inférieure une grande oolithe qui, minéralogiquement, ne présente à certaines places pres- que aucune différence avec la roche immédiatement au-dessous du Bradford-clay ; si les oolithes n’y étaient pas un peu, mais très peu, moins détachées, il y aurait identité complète; il y a un banc dont la roche est analogue, mais un peu plus compacte, au pied de la tour de la Miotte; ici les oolithes sont rondes, d’un diamètre égal, très régulières, et les vides en sont remplis par du calcaire spathique. A la Miotte, la séparation entre le bajocien et ïe bathonien se ferait donc mieux à la limite supérieure du calcaire à polypiers, dont tous les caractères sont bien tranchés avec ceux de la roche qui le sup- porte. Le bathonien ainsi circonscrit, c’est-à-dire limité par le bas par les marnes vésuliennes, par le haut par l’oolithe sous-oxfordicnne ou le callovien, se divise à Belfort, dans tout le Haut-Rhin et dans une grande partie des monts Jura, en deux assises distinctes, qui sont : 1° la grande oolithe, 2° le Bradford-clay. La première, réunie quelque- fois à l’oolithe subcompacte, est le seul des étages jurassiques qui, au N. de Belfort, sur le flanc E. des Vosges, présente quelque impor- tance. La grande oolithe affleure en plusieurs points des environs de Bel- fort; on la voit dans une carrière entre Roppe et Belfort, qui se trouve à côté d’une maison isolée, au N.-O. de la route impériale; on la voit également au S.-E. de cette route en face de ladite mai- son; mais où on peut le mieux l’étudier, c’est dans le fossé au N.-E. de la Miotte, dont j’ai déjà parlé. ïci cette assise suit immédiatement dans le haut la couche supérieure de marne et est recouverte par le Bradford-clay; ses bancs sont régulièrement stratifiés, inclinés de 30° 'a32°vers le S.-E , formés d’une roche solide franchement oolithique i à oolithes régulières et bien détachées (1) de la grosseur d’un demi- | (1) J’ai remarqué à la Miotte que la différence entre la roche de la grande oolithe et celle de l’oolithe subcompacte qui lui est inférieure n’est le plus souvent due qu’à l’adhérence plus ou moins forte des grains oolithiques à la pâte. En effet, dans beaucoup de variétés de la roche subcompacte, les grains sont aussi serrés et aussi réguliers que dans celle de la grande oolithe ; seulement, à la cassure, les grains se brisent en même temps que la pâte et montrent leur coupe formée de 126 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. millimètre , de couleur claire , quelquefois rosée à l’intérieur et ocreuse sur les plans de stratifications et les fentes; les fossiles y sont peu nombreux et mal conservés. Cette roche se dissout presque en entier dans l’acide hydrochlorique, elle laisse un faible dépôt jaune d’ocre composé principalement de fer hydroxydé. La puissance de cette assise est de 19 mètres. Dans la carrière près de la maison isolée, la roche est composée d’oolithes plus grandes et qui ont un millimètre de diamètre. Le Bradford-clay occupe, dans le Haut-Rhin et dans la partie N. -O. des monts Jura, la même position qu’à Bath et à Bradford ; il est superposé immédiatement et avec concordance de stratification à la grande oolithe, qu’il accompagne presque toujours. A Belfort, ce ter- rain est marneux, de couleur ocreuse, mais moins vive que celle du terrain callovien qui le suit immédiatement ; il a généralement peu d’épaisseur et renferme des fossiles caractéristiques nombreux, quant aux individus, mais non quant aux espèces. On trouve ce terrain au pied de la pente S.-E. de la Miotte et des hauteurs qui la continuent vers N. -E., et à peu près parallèlement à la route impériale jusque près des Errues. C’est à quelque 100 mètres au S. -O. de ce hameau, dans une fouille à côté de la route, que ce terrain est le mieux dé- veloppé. La partie inférieure de cette assise offre dans cette localité un grand nombre des fossiles habituels du Bradford-clay comme Pho- ladomya Murckisoni, Sow. , Hemithiris spinosa, d’Orb. , Bhyncho- nella Zieteni, d’Orb., Terebratula intermedia , Sow.; la partie supé- rieure paraît déjà appartenir par les fossiles qu’elle renferme à i’oolithe sous-oxfordienne, ou former du moins un passage à cette dernière. Ces fossiles sont: Trigonia clavellata , Park. , Pecten fibrosus , Sow., Gervillia aviculoides , Sow., et Pecten disciformis, Sclmb., dont les deux derniers très abondants. Cette superposition des deux étages se fait ici insensiblement, à stratification concordante et sans changer ments bien notables dans les caractères minéralogiques de la roche. Nonobstant ces dernières circonstances, il convient de faire dominer ici l’âge indiqué par les restes organiques et attribuer l’assise supérieure au callovien. Fossiles de la grande oolithe. Lima proboscidca , Sow. — rigidula , Phill. Pecten vagans, Sow. Serpula socialis , Goldf. couches concentriques, tandis que dans la grande oolithe les grains, moins liés à la pâte, s’en séparent et restent entiers. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 127 Fossiles du Bradford-clay. Ammonites arbustigerus , d’Orb., 32 centimètres de diamètre. Pholadoniya Murchisoni , Sow, Lucina. Mitylus. Ostrea costatay Sow. Rhynchonella concinna , d’Orb. — Zieteni , d’Orb. Hemithiris spinosa (1 ), d’Orb. Terebratula intermedia , Sow. Scrpula plicatilis , Münst. Bivalves indéterminables. Oolithe sous-oxfordienne de M. Thurmann , callovien de M. d'Orbigny. j i Ce terrain est généralement peu développé dans le N. -O. des monts Jura et dans le Haut-Rhin; il est cependant très bien carac- térisé et se reconnaît facilement par sa constitution minéralogique et par ses fossiles. A Belfort, cette assise , en partie marneuse, est trop peu puissante pour constater sa stratification ; mais il n’y a pas à douter qu’elle ne suive l’allure des terrains dans lesquels elle est inter- calée et qui ont ici l’inclinaison vers S.-E. La roche solide présente deux variétés principales ; 1° Un grès fin, gris, jaunâtre, avec taches fortement ocreuses; ses surfaces extérieures sont également de cette couleur ; il prend quelquefois une couleur bleue assez intense et paraît alors augmenter en dureté; 2° Une pâle un peu marneuse, peu dure, de couleur jaunâtre, renfermant des grains de fer hydroxydé, groupés et abondants dans certaines places, rares ou absents dans d’autres. Les surfaces exposées aux agents atmosphériques sont généralement plus fortement colo- riées que celles des cassures fraîches. On peut voir ce terrain sur la pente du glacis, au N.-Ë. de la Miotte ; il est intercalé là entre le Bradford-clay et les marnes oxfor- diennes, et se trahit par sa couleur ocreuse plus intense que celle du Bradford-clay ; mais il est plus développé sur les bords N. -O. de l’an- cien étang de Moèche, aujourd’hui desséché. Un fossé d’écoulement pratiqué en cet_ endroit a mis ce terrain à nu et ouvert ainsi une assez riche mine de pétrifications. Entre la Miotte et le fossé de l’étang de Moèche, il existe sous la route impériale où des trous creusés pour la plantation d’arbres l’ont fait apparaître; il se ter- mine vers N.-E. à la fouille des Errues, dont j’ai déjà parlé. (1) Voyez note J. 128 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Voici les espèces que des visites répétées m’ont procurées : Belemnites has tâtés, Blainv. Nautilus hexagonus, Sow. — subsinuatus, d’Orb. (1). Ammonites dis eus, Sow. — macrocephaliiS) Schloth. (2). subbakeriœ , d’Orb. onceps , Rein. — hecticus , Hoen. — pustalatus , Haan. — coronatus , Brug. ■ — Jason , Ziet. — Dnncani , Sow. — Lamberti , Sow. Pleurotomnria (moules). Trochus (moules). Rostellaria (moules). Panopœa Brongniartina , d'Orb. Pholadomya carinata , Goldf. Gresslya , Ag. ( Lyonsia , d’Orb.). Trigonia costata, Park. — - clavellata, Park. (3). Isocardia minima , Sow. Cardium subdissimile ?, d’Orb. Mitylus gibbosus , d’Orb. — asper, d’Orb. (4). Lima proboscidca, Sow. Avicula inœquivalvis , Sow. (5). InoccramiLs très rapproché de la figure 5 du tabl. 108, Goldf. Gcrvillia aviculoides, Sow. Pecten velatus , Goldf. — fibrosus , Sow. — clisciformis , Schub. Ostrea sandalina , Goldf. — gregaria , Sow. (6), Rhynchonella concinna , d'Orb. (î)- Terebratula inter media, Sow. — pala, de Bucb. — coarctata , Sow. (8). Dysaster ellipticus , Ag. Pygurus depressus ? Ag. Holectypus depressus , Ag. Cidaris spatula , Ag., corps et pi- quants. Miller i cri nus échina tus , d’Orb. Vertèbres de sauriens. Dent plate de poisson. Serpula. Marnes oxfordiennes, Thurm. (9). Cette formation, bien plus puissante que la précédente dans les monts Jura et le département du Haut-Rhin, paraît reposer en stra- tification concordante sur l’oolithe sous-oxfordienne ou callovien, dont elle se sépare bien nettement surtout par les caractères minéralogiques; elle est constituée par une marne bleue, riche en fossiles, surtout en petites Ammonites pyritisées, et manque rarement dans la série des couches jurassiques. Tous les géologues qui ont traité des monts (1) Voyez note K. (2) Voyez note L. (3) Voyez note M. (4) Voyez note N. (5) Voyez note O. (6) Voyez note P. (7) Voyez note Q. (8) Voyez note R. (9) Voyez note S. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER . 129 Jura en ont parlé ; i! est donc inutile de m’en occuper ici plus au long. Le principal affleurement de cette assise à Belfort se trouve à gam- che et à droite de la roule impériale, un peu avant d’entrer par le i N.-E. dans la porte du vallon ; on en voit aussi des lambeaux, indi- qués par de petites éminences, à l’E.-N.-E. de ce point entre la route ! et l’ancien étang de Moèche. Enfin, on rencontre ce terrain près des Errues, où les fouilles dont j’ai déjà parlé ont été creusées pour extraire les marnes oxfordiennes qui servent d’amendement. A la porte du vallon, il y a cela de particulier que les talus, des deux côtés de la route, chacun de 2 à 2 1/2 mètres de haut, formés par cette marne, ne renferment aucun reste organisé, tandis que le glacis, qui touche la route au N.-0.,est rempli de petits fossiles; il paraît donc que ces derniers sont réunis dans une couche peu épaisse qui, dans sa direction, suit celle du glacis C’est cette dernière place qui était, il y a peu d’années encore, une des mines les plus riches pour les collecteurs; elle était connue même des géologues allemands, puisque ! M. Quenstedt en parle en plusieurs endroits de ses publications. Au- jourd’hui, tout cela est malheureusement changé; le talus du S.-E. de la route ayant été remplacé par un mur en maçonnerie, une cer- taine quantité de marne stérile en a été enlevée et a été répandue à 30 centimètres d’épaisseur sur le glacis en face, de manière que la couche à fossiles est enterrée. Fossiles des marnes oxfordiennes à Belfort . Belemnites h as ta tus , Blainv. (t). Nucula Calliope , d’Orb. Area subparvula , d'Orb. A vi cilla inœquivalvis , Sow. Pecten fibrosus , Sow. Ostrea. Tcrebratiila pain , de Buch. — intermedia , Sow. Serpula. Ci daris spin osa, À g. — coronata , Goldf. Diadema superbum, A g. Pentacrinus pentagonalis , Goldf. MiUericrinus échina tus, d’Orb. A p ty chu s. Sphenodus longidens , Ag. — gi gantais , Schloth. Nautilus granulosus , d’Orb. Ammonites Lamberti, Sow. — cùnvolutus interruptus , Quenst. — hecticus, Hœn. - — Duncani , Sow. — Eugenii, d’Orb. — biparti tus, Ziet. — modiolaris , d’Orb. — perarmatus , d’Orb. ! — oculatus , Bean. j Pleurotomaria. Leda Moreana , d’Orb. (1) Voyez note T. Soc. géol. , 2* série, tome XIV, 9 130 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Terrain à chailles . Ce terrain est très développé dans les environs de Belfort : il s’y pré- sente à peu près avec les mêmes caractères que dans la partie française des monts Jura. Les assises inférieures sont composées de marnes d’un gris jaunâtre, mélangées d’abord de rognons et fragments de roche marneuse ; puis cette dernière vient à dominer. Cette roche marneuse n’est pas homogène dans sa composition ; mais dans l’en- semble et en grand, elle est comme divisée par des parties marneuses, en feuillets ondulés, dont les surfaces sont très rugueuses. Cette roche a des parties dures, compactes, d’un gris-cendré foncé à la cassure fraîche, entremêlées d’autres parties marno-sableuses, de couleurs claires, souvent ocreuses, généralement de peu de consistance jus- qu’à la pulvérulence. Les assises supérieures sont caractérisées par une abondance de polypiers. Le test d’un certain nombre de fossiles est passé à l’état de chaux carbonatée lamellaire accompagnée de spath brunissant ; d’autres et la plupart sont, dans ce cas, silicifiés en tout ou en partie. La stratification est régulière quant à la direction seulement; la pente des couches est variable : la puissance de ce terrain est de 60 mètres. Les points principaux où ce terrain peut être observé sont : 1° Le fossé extérieur au N.-E. du fort Justice, 2° la tranchée pratiquée par le passage de la route impériale de Belfort à Bâie ; 3° le chemin couvert du fort Justice, et enfin U° le chemin longeant le pied de la colline, sur la rive gauche de la Savoureuse, de Belfort à Danjoutin. Quand, venant de la route de Cernay, on monte dans le fossé N.-E. extérieur du fort Justice, on marche d’abord sur la marne ; puis vient la roche marneuse dans laquelle sont taillés les murs de l’es- carpe jusqu’à l’angle N. -O. du premier bastion. A ce point, les cou- ches plongent vers le S.-E. de 2U degrés : c’est ici que, superposé au terrain à chailles en stratification bien parallèle, on voit commen- cer une roche nouvelle : c’est une véritable oolithe corallienne, à oolithes petites, mais inégales en grosseur, à cassure rugueuse, parce qu’une partie des oolithes se détachent de la pâte. En considérant les tranches des couches de loin, on voit bien la différence de ces deux roches : celle oolithique est homogène, massive, exempte des trous et crevasses que produisent dans l’autre les parties marneuses; ses plans de slralilîcation, quoique existant, sont moins fortement accusés. En continuant de remonter dans le fossé, on trouve au milieu du deuxième bastion encore la roche oolithique ; ici les oolithes, plus MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 131 grandes que dans le premier échantillon, sont bien soudées avec la pâte, et il en résulte une cassure plus lisse et des arêtes tranchantes. A l’extrémité du deuxième bastion, le fossé, qui jusqu’ici s’est dirigé vers le S.-E. , fait un coude et prend la direction vers l’E. Les bancs de la roche ooliihique, qui ont régné avec l’allure indiquée jusqu’à l'extrémité du second bastion, sont interrompus ici par une faille, et un peu à l’E., au-dessous d’une petite tourelle qui est établie au mi- lieu de la courtine, on trouve des bancs horizontaux d’une roche toute différente de celles observées jusqu’ici; elle est compacte, à grain très fin, cassure lisse un peu conchoïde, dure et fragile, res- semblant beaucoup au calcaire compacte du terrain astartien, tel qu’on est habitué de le voir dans les monts Jura et les environs de Belfort. Au delà et à l’E. de ces bancs horizontaux, après une nouvelle faille qui ne permet pas de bien comprendre les relations des diffé- | rentes couches, on voit avec le nouveau bastion reprendre le terrain à chailles qui, après une faible inclinaison et après un double coude très prononcé, reprend l’allure de 16° vers S.-E., et un peu plus loin et à l’extrémité du fossé, cette pente s’augmente jusqu’à 21°. Ce ter- rain est parfaitement identique à celui qui se trouve dans la partie inférieure du fossé et à celui de tous les environs de Belfort. . Coupe à V extrémité supérieure du fossé extérieur du fort Justice. e. o. Terrain Calcaire Oolithe à chailles. compacte. corallienne. La disposition anormale des couches que fait voir la coupe, offre 1 d’abord l’idée d’une faille qui aurait soulevé le terrain à chailles pour le porter au-dessus de l’oolithe corallienne, et même au-dessus du cal- caire compacte qui, comme nous le verrons plus loin, est intercalé entre deux assises distinctes d’oolilhe corallienne, dont celle qui forme les bastions du fort Justice est inférieure. L’examen que je vais faire d’une coupe à l’extrémité S. -O. du massif sur lequel repose le fort Justice, viendra à peu près confirmer cette opinion ; mais celte per- turbation dans les couches n’en restera pas moins un phénomène compliqué dont l’explication laissera beaucoup à désirer. 132 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. En partant du croisement des routes de Cernay et de Bâle, et en se dirigeant sur celte dernière vers S. -E. , nous voyons d’abord des deux côtés de la route, mais plus développés à droite, de hauts talus en marne grise mêlée de fragments de roches solides , marne qui est celle qui constitue la base du terrain à chailles; à gauche, i! paraît même exister au pied du talus un peu de marnes bleues appartenant aux marnes oxfordiennes qui viennent donc ici joindre le terrain à chailles. Après ces marnes, on enire dans une tranchée où des deux côtés les murs sont taillés à pic dans la roche solide mais marneuse du terrain à chailles. Cette roche montre dans sa stratification très nette la direction normale de N.-E. vers S. -O., mais l’inclinaison des bancs est variable et diminue assez promptement vers S.-E. ; à droite, il y a une véritable faille où la pente passe de 16° à 10° ; à gauche, le passage de 26° à 16° se fait graduellement. La coupe générale fait voir que l’inclinaison des couches jurassiques diminue du N. -O. au S.-E. Elle est de plus de 30° à la Miolte, et n’est plus que de 6° à Perouse. La plus forte diminution paraît avoir lieu dans l’épaisseur du terrain à chailles, et est peut-être en relation avec le dérangement dont nous avons parlé. Dans la tranchée dans laquelle nous nous trouvons, le terrain à chailles continue jusqu’à l’angle presque droit qu’elle fait ici , pour se diriger un moment vers S. -O. On voit cela par le changement du faciès des roches , qui deviennent de couleur plus claire , plus mas- sives et plus homogènes. Ce point se trouve sur le prolongement de la limite des chailles avec le corallien, qu’on trouve au-dessus un peu au S.-E. du chemin couvert. Cette ligne de limite est à peu de chose près dans la direction du chemin couvert , c’est-à-dire S. -O. vers N.-E., et vers son extrémité N.-E. elle ne se trouve que peu en dedans de l’extrémité S.-E. du terrain à chailles soulevé, que d’après la coupe nous voyons exister dans le haut du fossé extérieur du fort Justice. Sur le plateau, de niveau à peu près, qui occupe la plus grande partie du mamelon du fort Justice, et qui est limité vers N.-E. par ce fort, au S.-E. par le chemin couvert, et au N. -O. par des es- carpements, présente, dans les trois quarts de son étendue vers N. -E. , l’aflleuremcnt de la roche ooîithique des bastions, tandis que dans le quart S. -O. on ne voit que du terrain à chailles : la roche oolithique aurait donc bien moins d’épaisseur vers S. -O., où elle semble finir en coin. Il résulte de tout cela que la coupe au S. -O. du massif de la Justice s’étend à 60 ou 70 mètres plus au S.-E. que le premier bas- tion où commence à apparaître foolilhe corallienne, sans montrer dans toute son étendue la moindre trace de cette roche; que dans celte coupe le terrain à chailles existe sans interruption et sans autre dét ail- MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERÜER. 133 gemenl qu’une diminution un peu prompte de l’inclinaison ; qu’enfin la roche oolilhique des bastions est entourée au S.-E. et au S. -O. du terrain à cbailles, et se présente comme y étant incrusté. Le relève- ment du terrain à cbailles est donc, après tout, la seule explication raisonnable et possible ; un autre argument en faveur de celte ma- nière de voir, c’est que sans comprendre la partie du terrain à cbailles qui, dans le fossé du fort Justice, paraît superposé à la roche ooli- thique, les mesures de mes coupes au N.-E. et au S. -O. me donnent, à un ou deux mètres près, la même épaisseur pour ce terrain. M. Thirria (1), dans une note succincte consacrée aux terrains de Belfort, parle, mais très en passant, des failles qu’on observe dans le fossé extérieur du fort Justice; cette complication ne l’a cependant pas empêché, en excellent observateur qu’il est, de signaler deux assises de roche oolithique séparée par un calcaire compacte à cassure conchoïde. On peut observer la superposition du terrain à cbailles sur les marnes oxfordiennes, sur un talus qu’on trouve à gauche et en face du corps de garde peu après être entré par la porte du vallon. Un mètre à peu près du pied de ce talus est constitué par les marnes oxfordiennes ; le reste appartient aux chailles. On rencontre, dépendant du terrain à chailles, une roche assez singulière dont l’origine est peut-être due à un reste organique, sans que cependant on puisse y trouver des traces d’organisation. Elle présente exactement le dessin d’un moiré avec des bandes alternées blanches et grises. Les premières sont le plus souvent d’un beau blanc 1 mat farineux, mais quelquefois approchent de la calcédoine; elles paraissent uniquement composées de silice. Les secondes ont l’aspect et les caractères du calcaire saccharin à grain fin, mais paraissent aussi mélangées de silice, car les acides n’y déterminent qu’une faible effer- i vescence. Ces bandes, plus ou moins parallèles et quelquefois concen- | triques jusqu’à produire des cercles, s’amincissent et se grossissent d’une largeur' de un jusqu’à celle de cinq millimètres; elles ne sont pas superficielles, mais traversent la masse de la roche. Fossiles du terrain à chailles. i Ammonites perarmatus , d’Orb. j Chemnitzia Heddingtonensis , j d’Orb. Lima nota ta ?, Goldf. Lima proboscidea , Sow. Pinnigena (fragments qui indi- diquent une espèce de grande dimension). (1) Statistique de la Haute-Saône , p. 157. SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. 134 Pecten articulants, Goldf. I Mi lie crin us r os a cens , d’Orb. Ostrea dilata ta, Desh. j Cidaris coronata , d’Orb. — sandalina , Goldf. (Là hau- ! — baculijera, Ag. teur du côté palléal est de \ Hemicidaris crenularis , Ag. 37 millimètres 4 /2, la Ion- ! Jsastrœa Grerioughii 5 M. Edw. et gueur 58 millimètres.) j H. — gregaria, Sow. ! • — helianthoides , M. Edw. et H, Rhynchonellavarians , d’Orb. ( Te- j Clausastrœa parva , M. Edw. et H. rebratula Thurmanni , | Microsalenia Kœchlini , M. Edw. Voltz.) et H. — espèce allongée à côtes, avec! Stylina Labechei, M. Edw. et H. crochet très pointu. j Cnemidium . Terebratula insignis , Schub. Serpula gorclialis , Goldf. Millecrinus échina tus , d’Orb. — quinquangularis , Goldf. — polycrphus ? , Des.* Corallien. Le terrain à chailles que je viens de décrire répond , à peu de chose près quant à l’âge et aux fossiles , à l’oxfordien du Prodrome. Il est nettement séparé, au moins minéralogiquement, du corallien qui lui est superposé. Celle limite étant d’accord avec celle établie par le Prodrome, notre corallien, sauf la partie supérieure ou l’as» tartien, que nous en séparons, doit aussi se rencontrer avec celui de M. d’Orbigny. Le corallien, à Belfort, est formé par plusieurs assises de caractères minéralogiques très différents. L’assise inférieure, et qu’on voit re- poser sur le terrain à chailles dans le fossé extérieur N.-E. du fort Justice, est constituée par une roche oolilhique, en elle- même très variée. Les oolithes, formées toujours par couches concentriques, sont plus ou moins grandes, plus ou moins empâtées; entre les échantillons où toutes les oolithes se détachent, lorsqu’on brise la roche, de la pâte, et ceux où les oolithes se brisent toutes, pour constituer ce que Thurmann a nommé subcompacte , il existe tous les degrés de passage. La grosseur des oolithes, qui sont presque toujours sphériques, varie de un quart jusqu’à six millimètres. M. Thirria en signale encore de plus grandes jusqu’au diamètre d’une balle de fusil. En grand, la roche est homogène, saine, divisée en gros bancs d’une allure parallèle à ceux du terrain à chailles; les fossiles y pa- raissent rares, je n’en ai point rencontré ; elle est recouverte par un calcaire compacte à grain fin, tantôt jaunâtre, à cassure un peu conchoïde, tantôt blanc et un peu saccharin ; j’ai signalé la première de ces variétés dans le fossé du fort Justice; la seconde peut se voir MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER* 135 avec assez de développement près et au N.-E. de la butte du tir. Cette dernière est caractérisée par des veines de chaux carbonatée spalhique et un petit peigne. Entre ces deux extrêmes de cette roche, i il y a des passages qui tiennent de l’un et de l’autre. Au-dessus du ' calcaire compacte se présente une seconde assise de roche oolithique, ' qu’on peut le mieux étudier dans les grandes carrières au N.-N.-O. ! de Perouse; l’assise y est mise à nu sur une hauteur de six mètres, I les bancs bien stratifiés plongent de 6° vers S.-E. La texture de la I roche est moins régulière et suivie que celle de l’assise oolithique ! inférieure ; les oolithes, en partie ovales, sont très souvent incrustées I dans la pâte de manière qu’on ne peut les apercevoir qu’à l’aide de la loupe. La roche offre aussi des parties compactes de peu d’étendue | et beaucoup de veines et de nids garnis de chaux carbonatée cristal- | Usée. On ne rencontre que très peu de fossiles dans la partie infé- | Heure de la carrière, tandis que les deux ou deux mètres et demi | supérieurs sont très riches, et offrent une grande quantité de néri- 1 nées, de lithodomus, de polypiers. Ces fossiles sont difficiles à obtenir dans un état passable de conservation, parce qu’ils sont presque | toujours convertis en spath et dès lors très fragiles; et comme, en ; outre, ils adhèrent fortement à la roche, il n’v a que ceux qui ont | été dégagés en partie par les agents atmosphériques qui puissent être j utilisés. J’ai trouvé de gros fragments de celte roche avec beaucoup de nérinées à l’extrémité S. -O. du chemin couvert et tout près de la limite du terrain à chaiües. Il paraîtrait, d’après cela, que la roche | oolithique s’étend ici plus loin vers N.-E.,. ce qui impliquerait une diminution dans la puissance du calcaire compacte. M. Thirria me semble trop appuyer sur la distinction entre les caractères minéralogiques des deux assises d’oolithe corallienne , en appelant l’u ne calcaire compacte suboolithique , et l’autre calcaire oolithique crétacé. J’ai bien aussi indiqué quelques différences; mais elles ne sont pas même constantes, et il y a tel échantillon, pris à la base de l’assise inférieure là où elle repose sur le terrain à chailles, qu’il serait difficile et même impossible, sans étiquette, de distinguer | de variétés nombreuses de la carrière de Perouse. On peut voir que j les caractères que j’indique, concernant la texture et l’arrangement | des oolithes, sont diamétralement opposés à ceux de M. Thirria. Ce j que je ne peux pas comprendre de la part de ce dernier auteur, c’est la qualification de crétacé (sans doute crayeux) qu’il donne à l’assise supérieure, car sa texture, serrée comme celle de l’assise inférieure, me paraît plutôt mériter la qualification toute contraire ; ce sont, sans doute, des échantillons exceptionnels et altérés qui ont dû servir de type à M. Thirria. 136 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. En avançant de la carrière oolithique, dont je viens de m’occuper, vers le village de Perouse, on rencontre plusieurs autres carrières avec une roche bien différente : c’est un calcaire compacte, tendre, crayeux , tachant les doigts, homogène , en bancs qui ont jusqu’à 2 mètres d’épaisseur. Ce calcaire est superposé à l’oolithe corallienne, il a été reconnu par des puits creusés dans le village de Perouse jusqu’à une épaisseur de 13 mètres. Dans une roche à grain aussi fin et aussi tendre, les fossiles de- vaient, s’il y en avait, être bien conservés et faciles à détacher ; je me suis donc donné bien de la peine pour en trouver, mais inutilement; à peine si de nombreuses visites j’ai obtenu une mauvaise térébratule empâtée et quelques autres fragments; mais je n’ai pas vu de traces des nérinées dont parle M.Thirria. Cette belle roche se présente dans les circonstances les plus favo- rables pour fournir de beaux matériaux pour la taille ; les blocs s’enlèvent très facilement de leur gîte par le procédé suivant : comme la roche a une disposition à se fendre parallèlement aux plans de stratification, on fait sur la face de devant une entaille de 15 ou 16 centimètres de longueur sur la ligne qui détermine la hauteur du bloc qu’on veut obtenir, et on y chasse avec force des coins; le bloc, qu’on avait préalablement dégagé sur les autres côtés , se détache alors sur la ligne de la fente. Malheureusement ce calcaire présente l’inconvénient de ne pas assez résister à la gelée et aux intempéries, et est ainsi peu employé. Les propriétaires des carrières prétendent qu’il y a des bancs gélifs et d’autres qui ne le sont pas, et que si la roche a été autrefois beaucoup employée, ce qui est attesté par les énormes excavations auxquelles elle a donné lieu, c’est que lors de la restauration et de l’agrandissement des fortifications de Belfort, on n’a pas été assez scrupuleux pour rejeter les mauvais bancs, et qu’ainsi la roche a perdu sa réputation. Sa grande fusibilité a cependant permis de l’utiliser dans les arts, et on l’emploie aujourd’hui comme fondant dans la verrerie de Wildenstein , et pour la fabrication de la soude dans l’établissement de M. Kestner au Vieux-Thann. La puissance de ces différentes assises du corallien, oolithe infé- rieure et supérieure, calcaire compacte dur et calcaire crayeux, est grande, mais difficile à préciser : oti n’en connaît exactement l’angle d’inclinaison qu’à leur extrémité S. -E. ; mais, dans la supposition probable que cette inclinaison s’augmente graduellement pour venir se confondre sans soubresaut avec celle du terrain à chailles, cette puissance doit être de plus de 250 mètres. MÉMOIRE DE M. KOECHLW-SCHLUMBERGER. 137 Fossiles du corallien. Nerinca suprajurensis , Voltz. — Rœmeri? , Thil. Panopœa. Mytilus subcylindricus, Buv. [Li- thodomus'J. Lima subsemilunaris , d’Orb. Pinnigena Saussurii , d’Orb. Pecten varians, Rœm. — textorius , Schloth. — octocostatus , Rœm. Ostrea dilata ta ? , Desh . Terebratula insignis , Schub. Cidaris Blumenbachi , Münst. Pygurus Hausmanni , Ag. Pentacrinus alternans , Rœm. Apiocrinus polycyphus, Ag. Synastrœa More an a, d’Orb. Sty'lina ramosa , M. Edw. et J. H. Cladocera. Eusmilia P 4 autres polypiers. Âstartien. M. A. d’Orbigny réunit cet étage à son corallien ; je crois que c’est bien fait : car dans un ouvrage qui, comme le Prodrome, doit être d’une application générale, il serait peu convenable de multi- plier les subdivisions; mais cela ne doit pas empêcher que, dans la description d’une localité de peu d’étendue, on ne puisse séparer un étage qui présente ou un grand développement, ou un intérêt par- ticulier. Si on veut réunir l’astartien au corallien , il faut le considérer comme formant les assises les plus supérieures de ce dernier. Quand on a quitté Perouse en se dirigeant vers S.-E., on passe d’abord un petit ruisseau ; puis on arrive à un mamelon sans végé- tation, s’étendant de S. -O. à N.-E., et s’abaissant dans le sens de cette orientation ; il est couvert de fouilles anciennes pratiquées pour la recherche du minerai de fer en grain et d’affleurements qui per- mettent de bien étudier les roches dont il est formé. Dans un des affleurements inférieurs, qui est exploité pour le char- gement des routes, j’ai reconnu à la roche une épaisseur visible de 3 mètres; elle est régulièrement stratifiée et inclinée légèrement vers S.-E. Elle repose donc sur le calcaire blanc crayeux de Pérouse ou sur une formation intermédiaire que la végétation qui occupe le bas- fond dont j’ai parlé ne permet pas de voir, et peut donc, en tenant compte de ses caractères minéralogiques, être considérée comme appartenant à l’astarlien. Le banc le plus inférieur de cette petite carrière est constitué par un calcaire oolithique, à peu de chose près identique à celui des carrières de Perouse ; les oolithesensont petites et assez bien détachées; elles sont mélangées de parties de roche compacte, ce qui fait croire au premier abord à une lumachelle. Dans 138 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. le reste de la carrière, à l’exception du banc supérieur, la roche est purement oolithique sans mélange, avec des grains plus égaux de grosseur Enfin le banc supérieur, divisé en dalles dans le sens de la stratification, est composé de la roche compacte, à grain fin, à cassure un peu conchoïde et fragile, j’ai cru d’abord (à quoi les idées systé- matiques et préconçues ne conduisent-elies pas!) que la roche ooli- thique n’existait que dans la partie inférieure de la formation, qu’elle était là comme réminiscence de la grande formation de l’oolithe coral- lienne, et que j’allais en poussant vers S.-E. , et en remontant ainsi dans la série des couches, ne plus rencontrer que la roche compacte; mais il n’en a point été ainsi : car, en haut du mamelon, pas loin d’un bois qui le borde à l’E. , j’ai encore reconnu des bancs franchement et purement oolithiques; mais il est vrai de dire qu’ici la roche com- pacte paraissait devenir dominante. En général, dans l’étendue de ce mamelon, les deux éléments, c’est-à-dire la roche oolithique et la roche compacte, sont combinés dans toutes les proportions. Voici encore ce que j’avais écrit à ce sujet, après une course faite de Pérouse à Vezelois, il y a neuf ans, accompagné de M. Pierre Merian : « Jusqu’à environ 800 mètres de Vezelois les roches observées ont » consisté en deux espèces de calcaire, toujours les mêmes, affleurant » quelquefois naturellement, quelquefois mises à nu par les fouilles » pratiquées, soit pour la recherche du fer pisiforme, soit pour » extraire des matériaux propres au chargement des routes. Ces deux » espèces de roche alternent continuellement sans aucune forme de j» régularité apparente ou sans aucune loi dont on puisse se rendre » raison. La première, plus abondante, c’est uneoolithe corallienne » rapprochée de celle que l’on voit dans la carrière de Perouse; la » masse formée d’oolithes fines d’égales grosseur, arrondies etressem- » blant à celles de la grande oolithe, est parsemée de grains plus gros et de formes variées, ovales irréguliers et le plus souvent aplatis; » j’ai cru y reconnaître des vestiges de nérinées. La seconde est une » roche compacte à grain très fin ; en petit les arêtes et les angles en » sont tranchants, la cassure en est lisse, un peu conchoïde, le marteau » l’entame facilement. Ce calcaire me parafe identique avec le cal- » caire compacte à Astartes, des environs de Ferrette et de Porrenlruv, » et à celui dont sont formés les galets du Nagelfiuh de Rappe. » Pour en finir avec le mamelon, j’ajouterai que vers sa limite S.-E., tout près du bois, le calcaire astartien n’est plus divisé en dalles, mais offre des bancs massifs de 1 mètre d’épaisseur. Si les caractères minéralogiques de cet astartien ne le séparent pas nettement du corallien, il en est autrement des fossiles qui, à un ou MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 139 deux près, sont tous différents; ces fossiles sont peu nombreux, géné- ralement empâtés et par conséquent difficiles à détacher. Fossiles de ï astartien du mamelon au S.-E . de Perouse. Terebratula humeralis , Rœm. — insignis, Schub. Çlypeu.s a eu tus, Ag. Apiocrinus rolundatus , Goldf. Pentacrlnus . Moules de petites bivalves et gas- Nerinea à tubercules. Homonryci hortulana , Ag. Astartâ. Tri go ni a cos ta ta, Park. Mytilus asper , d’Orb. — subœquiplicatuSj Goldf. Ostrea. A no mi a. téropodes, 5 ou 6 espèces. En prenant la direction vers Chèvreoiont à PE. -S.-E., après avoir traversé un petit bois dans un terrain bas et humide,* on arrive à un nouveau mamelon formé uniquement de conglomérat et qui s’étend en montant à plusieurs 100 mètres vers S. Dans la direction de Chèvre- montil se rétrécit successivement jusqu’à se terminer presque en pointe à 500 mètres du bois. Le conglomérat est formé de galets jurassiques sans liaison, noyés dans une argile rouge parsemée, elle même, de grains de fer sidéroolithique, dont l’exploitation a donné lieu à un grand nombre d’excavations. Le plus grand nombre des galets est formé par la roche compacte asiariienne, quelques-uns par une roche oolithique. En se rapprochant de Chèvremont, l’argile ou marne, qui constitue la pâte de ce conglomérat, prend une couleur plus claire, et de brun-rouge devient jaune d’ocre; cette couleur s’atténue de plus en plus vers E. -S.-E., et fiait par n’avoir presque plus rien de ferrugineux : ce ne sont que les argiles de couleur rouge-brun qui contiennent des grains de fer. Longtemps avant d’arriver à Chèvre - mont, le conglomérat est interrompu par une dépression couverte de culture ; mais dans le village même, tout près de l’auberge, on voit encore un petit monticule de conglomérat, dont tous les caractères indiquent qu’il est la continuation de celui dont je viens de parler. Lesgaiets, tous jurassiques, sont en grande partie composés de la roche compacte astartienne ; il y a quelques-unes des roches oolithiques ou subcompactes dont il n’est plus facile de dire s’ils appartiennent à l’oolithe inférieure ou au corallien. Parmi les galets du terrain rouge- brun, il y en a un certain nombre dans les surfaces desquels des grains de fer hvdroxydé sont incrustés absolument comme à Roppe. A Chèvremont, dans le chemin creux qui conduit de ce vidage à Vezeiois, les talus sur les deux côtés sont formés de tertiaire, dont la couche inférieure est marneuse et est couronnée par une molasse à grain fin et homogène. Avec l’inclinaison générale des couches vers SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. 140 le S.-E., il est évident que ce tertiaire recouvre immédiatement le conglomérat de la formation sidéroolithique qui vient finir à quelques pas de là. A quelques cents mètres de Chèvremont, sur le chemin de Fontenelle, on voit, à droite et à gauche du chemin, une marne et un calcaire marneux gris clair, qui, au premier abord, ont dans leurs faciès quelque analogie avec les marnes kimmeridgiennes, mais qui sont tertiaires. En 1847, j’ai fait la course dans la direction exactement S. -È. de Perouse à Yezelois, accompagné alors de M. Pierre Merian, et nous avons reconnu absolument la même série de couches : Astartien , conglomérat du terrain sidéroolithique, et tertiaire. D’après cela je ne puis comprendre ce que dit M. Thirria du troi- sième étage jurassique qui, d’après lui, se montrerait à Chèvremont au-dessus du calcaire à Astarte, et qui serait constitué dans sa partie inférieure par une marne avec Exogyra, et dans sa partie supérieure par un calcaire compacte tuberculeux, au-dessus duquel se présen- teraient les gîtes de minerai de fer pisiforme des territoires de Pe- rouse et de Chèvremont. D’un autre côté, M. Renoir place les marnes kimmeridgiennes im- médiatement au delà de Perouse. Quoique je me sois donné beaucoup de peine à trouver ces marnes kimmeridgiennes sans réussir, je ne veux pas contester leur existence; il est cependant singulier que l’un des observateurs les place à Perouse, l’autre à Chèvremont, deux villages distants de 2,500 mètres, et situés presque sur la ligue du prolongement des couches. Dans tous les cas, il est certain que le centre du mamelon astartien, dont j’ai parlé, est situé, d’après la carte du Dépôt de la guerre, à 800 mètres au S.-E. de l’église de Perouse, et que sur toute sa surface le terrain sidéroolithique existe dans les fentes et crevasses de l’astartien, ce qui est prouvé par les nombreuses fouilles. Les tranchées du chemin de fer, récemment ouvertes entre Chèvremont et Danjoutin, offraient un bon moyen de corroborer le résultat des coupes entre Perouse et Chèvremont, et entre Perouse et Yezelois; je me suis donc hâté de les parcourir, et j’ai trouvé la confirmation des coupes indiquées. Voici les observations faites le long du chemin de fer, rangées dans l’ordre d’après lequel elles ont été faites, c’est-à-dire en allant du haut en bas : lü A 100 ou 150 mètres à l’E. du croisement du chemin de fer avec le chemin de Chèvremont à Vezelois, au bas 2 mètres de marnes tertiaires couronnées de 1 mètre de grès très solide; 2° A l’O. du même croisement, au bas du conglomérat ou galets très arrondis, composés de roches jurassiques, par-dessus roche mar- neuse schisteuse ayant très peu de consistance, qui se confond avec MÉMOIRE DE M. KOECHUN-SCHLUMBERGER. tZjl la marne dans laquelle sont noyés les galets. Dans ces deux tranchées l’inclinaison de la stratification est presque nulle; 3° Fouille pratiquée pour en obtenir du remblai, des couches de i galets presque tous de la roche compacte astartienne alternant avec l des couches de marne, et sont eux-mêmes logés dans une marne argileuse tantôt bleue, tantôt jaune ocre ; ô° Une faible tranchée avec galets aslartiens dans l’argile jaune- ’ brun foncé ; 5“ Galets astartiens dans l’argile brun-rouge foncé, puis roche astartienne compacte de 3 mètres et demi d’épaisseur, stratification horizontale ; 6° Tranchée de 9n,,50 de profondeur dans i’asîartien compacte , bien stratifié, incliné vers S.-E. de 5° ou 6°; 7° Tranchée très profonde, la dernière avant Danjoutin ; elle paraît toute taillée dans l’astarlien et a 3 à A00 mètres de longueur. La roche en est extrêmement variée, en commençant par le haut astar- lien compacte, type ordinaire, en gros bancs, ensuite deux couches de marnes bleues, des marnes brunes alternant avec des bancs d’une faible épaisseur d’astartien compacte. La stratification de toutes ces couches, que je n’ai indiquée que très sommairement, est très régu- lière ; l’inclinaison est de 10° vers E. un peu S. Je n’ai point rencontré de fossiles dans le tertiaire, ni dans les tranchées du chemin de fer ni ailleurs. Le jurassique, dans ce par- cours de la ligne de fer, est aussi d’une pauvreté exceptionnelle sous ce rapport ; quoique, ayant vu une énorme surface dans les déblais et les roches en place, je n’ai à peu près rien trouvé jusque dans l’assise inférieure , c’est-à-dire dans la tranchée de Danjoutin. En voici les espèces : i Ncrinea. Phasianella striata , d’Orb. Pholadomya myacina, À g. Coriniya Studeri, Ag. P irma très bien conservée, et qui me paraît nouvelle. Mytilas jurcnsis , Mer. Avicula Gesneri , Thurm. Pecten clathratus , Rœm. Ostrea bruntrutcma, Thurm. Terebratula humer a lis. Rœm. Ces fossiles peu nombreux ne décident pas la question de l’âge de la roche qui les renferme : car, sur les huit espèces déterminées, il y en a juste la moitié habituelles aux marnes kimmeridgiennes et l’autre moitié à l’astartien. Mais si l’espèce en elle-même, et sans tenir compte de son abondance , est un argument pour fixer l’âge d’une formation , l’espèce caractéristique nombreuse en est certai- nement un bien meilleur. Or, ici cette espèce abondante est la Terebratula humeralis , Rœm., qui pullule et est l’espèce la plus commune dans l’astartien si grandement développé des environs de U2 6ÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Ferrette, et que je n’ai pas encore rencontré dans les marnes kim- meridgiennes. Je l’ai déjà fait observer : presque tous les fossiles sus-indiqués proviennent de la tranchée de Danjoutin, qui répond aux couches les plus inférieures de la roche dont nous cherchons à constater l’âge. Si, à cause de ces quatre fossiles, on voulait considérer ces couches comme kimmeridgiennes, que deviendrait alors la grande série de couches qui s’étendent au S.-E., jusqu’à celle qui supporte les galets jurassiques à pâte argileuse rouge-brun? Serait-ce du kimmeridgien supérieur ou même du porllandien ? Mais alors que deviendrait la roche compacte du mamelon au S.-E, de Perouse, à laquelle est superposé exactement, comme dans la tranchée 5, le conglomérat du terrain sidéroolithique? Ce serait donc aussi du kimmeridgien, et finalement l’astartien ne serait plus nulle part. J’ajouterai qu’à floppe, dans une roche qui a au plus haut degré les caractères de l’astartien compacte, j’ai aussi rencontré des fossiles véritablement kimmeridgiens. Mais quand on est si rapproché des monts Jura comme l’est la localité de Belfort, quand on trouve à Morvillars, à une distance de 9 kilomètres, et à Audincourt, à 16 kilomètres, les marnes kim- meridgiennes exactement comme elles existent au Bannéet dans tout le Jura, avec leur faciès si caractéristique et leurs nombreux fossiles, peut-on alors prétendre à du véritable kimmeridgien, en l’absence des caractères devenus classiques de ce terrain dans le Jura, et pour l’amour de quelques fossiles rares et isolés? Je ne le pense pas; cependant ces conflits entre les différents signes qui servent à la fixation de l’âge des dépôts ne laissent pas de troubler le géologue et de lui imposer le doute comme résultat de ses recherches. Je dois encore revenir sur quelques détails : les bancs de marnes un peu argileuses bleues que j’ai signalés dans la tranchée n° 7, ne renferment aucun fossile; en général, les fossiles de cette tranchée sont formés d’une roche tantôt un peu marneuse, tantôt oolilhique, et qui s’éloigne passablement de i’astartien compacte à grain fin et à cassure conchôïde. C’est plutôt dans les roches les plus supérieures dans le parcours du chemin de fer examiné que ces derniers caractères dominent. J’ai essayé d’évaluer la puissance de ces roches astàrtiennes depuis l’apparition des premiers bancs, tranchée n° 5; mais je ne suis arrivé à aucun résultat, surtout parce que l’inclinaison de ces couches n’est que très imparfaitement connue ; car il n’y a pas rien que des tran- chées, et dans les dépressions où il y a remblai, on ne sait rien de ce qui est au-dessous de la surface du sol. En prenant une moyenne entre les trois inclinaisons observées? on arrive à une épaisseur ver- ticale de 160 mètres. Coupe de Belfort a Chèvremont. MÉMOIRE DE M. KOECHLTN-5CHLUMJBERGER 443 ,mPacte- ! o Calcaire compacte conchoïde. m SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Notes pour le mémoire des environs de Belfort. A. Pecten disciformis , Schub. Un examen attentif m’a amené à penser que plusieurs des Pecten lisses qu’on rencontre dans les ter- rains jurassiques devaient être réunis. M. de Buch (1) place le Pecten disciformis comme fossile carac- téristique dans l’antépénultième division de son Jura brun, qui répond à l’assise la plus inférieure du bajocien. Cependant il signale aussi cette espèce, mais comme moins abondante, dans le lias inférieur. Zieten (2) dit que cette espèce se rencontre dans l’oolithe ferrugi- neuse de Wasseralfmgen, assise qui est parallèle au bajocien inférieur. M. Quenstedt (3) est du même avis, et réunit à celte espèce Pecten demissus. M. Bronn (U) réunit également les deux espèces. M. A. d’Orbigny ayant placé le Pecten disciformis , Schub., dans le liasien , nonobstant le texte si positif de Zieten et la couleur rouge de la figure, a donc dû trouver l’espèce du liasien du Calvados identique avec celle figurée par Zieten. La déduction naturelle à tirer de celte circonstance, c’est que cette espèce se rencontre à la fois dans le liasien de l’Ouest de la France et dans le bajocien du Wur- temberg. Celte déduction se trouve confirmée par Goldfuss lui- même : car, si on réunit le Pecten demissus de ce dernier auteur au Pecten dis- ciformiSy comme le fait M. A. d’Orbigny, on doit aussi épouser l’opinion sur i’age de celui dont on cite la figure ; or, Goldfuss dit nettement, du Pecten demissus , qu’il se rencontre à la fois dans le lias et dans l’oolithe inférieure. M. A. d’Orbigny, pour son Pecten demissus , qu’il place dans le caliovien, prend celui de Philipps; mais cet expédient ne sauve pas le système; car Philipps (5) signale son espèce comme se rencontrant à la fois dans l’oolithe corallienne, dans l’Oxford-clay, dans le kelloway- rock et dans l’assise moyenne, de l’oolithe de Bath, formation qui comprend à la fois le bathonien et le bajocien de M. A. d’Orbigny. M. Morris (6) suit à peu près le sentiment de M. Philipps, et de plus, (1) Dcr Jura in Deutschland. (2) Pétrifications du Wurtemberg . (3 J Dus Floctzgcbirge Wurtembergs , p. 310. (4) Index paleontologicus. (5) Geology of the Yorks/ùre coast. (6) Catalogue 1854. MÉMOIRE DÉ M. KOECHLIN-SCHLÜMBERGER. t/|5 il ajoute à sa synonymie le Pecten demissus de Goldfuss, propre , d’après ce dernier, au lias et à l’oolithe inférieure. On comprendra que toutes ces divergences ne peuvent se concilier qu’en admettant qu’on n’a à faire qu’à une seule et même espèce, opinion entièrement confirmée par l’inspection des figures des Pecten disciformis , dans Zieten ; Pecten demissus, dans Goldfuss, et Pecten demissus, dans Philipps, entre lesquels il est impossible d’apercevoir la moindre différence. Les échantillons de Pecten disciformis à ma disposition sont : Du liasien de Curcy , de Vieux-Pont (Calvados), de Silzbrunnen (Bas-Rhin), de Lyon (Rhône) ; Du toarcien de Gundershofen (Bas-Rhin); Du bajocien de Belfort, Sentheim, Ramersmat, Orschwir, Bollenberg (Haut-Rhin), du Wurtemberg, du mont Oindre près de Lyon, de Mende (Lozère), de Nancy (Meurthe); Du bathonien d’Egg, près Àrau ; Du callovien de Liffol-le-Grand (Vosges), d’Étrochey (Côte-d’Or). Tous ces échantillons me paraissent identiques, et je crois qu’il faut les réunir sous le nom de Pecten disciformis ; on doit peut-être y ajouter P. silenus, d’Orb., du bajocien et bathonien du Prodrome; mais vu l’insuffisance de la description et l’absence de figures, il faut laisser subsister le doute. Quant aux terrains plus récents, comme l’Oxford-clay et l’oolithe corallienne , où cette espèce est également citée par Philipps et Morris sous le nom de P. demissus , et par Rœmer sous celui de Pecten solidus, Rœm. , les matériaux me font défaut pour constater s’il s’agit de la même espèce; mais je le crois très probable. Dans tous les cas, je possède des échantillons du kimmeridgien du Banné qui ne me paraissent pas différer des variétés indiquées ci-dessus de Pecten disciformis. ïl reste encore le sinémurien, dont j’ai des échantillons de la Maison-de-Paille près Semur, et de Bath ; mais j’hésite de les réunir au P. disciformis ; ces peignes sont toujours de plus petite taille que ceux des terrains plus récents, et ont une des oreillettes plus grande ! que l’autre ; pour le surplus, ils ne diffèrent pas du P. disciformis. \ On trouve ces deux caractères différentiels dans les figures et les descriptions du Pecten glaber , Hehl., Zieten, 53. 1, et du Pecten calvus , Goldf., 99. qui sont bien identiques avec mes échantillons. Il est possible cependant que l’âge et le milieu diffèrent des spécimens Soc. géol., %e série, tome XIV. 10 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. ViQ ayant vécu dans le sinémurien , aient pu influencer la forme des oreillettes qui, il faut le dire, n’est pas très constante. B. Pecten textorius , Schlot. ; Pecten vimineus , Sow. ; Pecten articu- latus, Schlot. ; Pecten subtextorius , Mun. Il est difficile de trouver une question plus embarrassante, pour les paléontologues, que celle de la distinction de ces différentes espèces: à quelque point de vue qu’on se place, géologique ou zoologique, il me paraît impossible que cette tâche amène un résultat quelque peu raisonnable. Les caractères distinctifs, insuffisants du reste, et les stations normales qu’on a cherché à attribuer à chacune de ces espèces, n’ont pas la moindre constance ; les formes extrêmes auxquelles ces caractères donnent lieu, avec de nombreux passages, sont répandues sans règle apparente dans presque tous les étages jurassiques. Le seul moyen de sortir de cette difficulté, qui m’est apparue comme inextricable pendant longtemps , me paraît celui de la tran- cher comme le nœud gordien, en réunissant toutes ces espèces, nonobstant la différence d’âge et de forme. Je vais essayer de faire entrer dans l'esprit de mes lecteurs la conviction que me donnent à ce sujet les nombreux matériaux qui sont devant moi, et espère que ma proposition ne leur paraîtra pas par trop héroïque et empreinte d’hérésie. Voici d’abord le détail des échantillons qui m’ont servi, rangés d’après l’âge des terrains : Du sinémurien , de Sentheim (Haut- Rhin), Semur (Côte-d’Or), Lyon (Rhône), Balingen (Wurtemberg). Du liasien , du Silzbrunnen, près Niederbronn (Bas-Rhin). Du toarcien , Urwiller (Bas-Rhin) : ici je n’ai rien, mais le Pecten textorius y existe d’après M. Daubrée. Du bajocien , de la Miotte (Haut-Rhin), des Moutiers (Calvados). Du bathonien , d’Étrochey, près Châlillon-sur-Seine (Côte-d’Or), de Saint- Aubin - sur - Mer, de Langrune (Calvados), de Sentheim (Haut-Rhin). Du callovien, d’Étrochey , près Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or), Liffol-le-Grand (Vosges), Beuzeval (Calvados). De Yoxfordien, du Prodrome (terrain à chailles des monts Jura), de Belfort, de Ligsdorf, de Bendorf (Haut-Rhin), Creué, près Saint -Mihiel pieuse), Calabry, près Porrentruy. Du corallien , Rosberg, prèsFerrette (Haut-Rhin), Kandern (grand- duché de Bade). MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 147 Le Pectenvimineus, Sow., est placé par son auteur dans le coral-rag, par Goldf. dans le sin.émurien, par M. A. d’Orbigny dans l’oxfordien du Prodrome. M. Bronn, d’après les auteurs cités par lui, fait passer cette espèce de l’ooüthe inférieure jusqu’au corallien, et ce qu’il y a de curieux, c’est que, quoique sa ligure soit copiée sur un échantillon du lias wurtembergeois, et parce que le dessinateur, par inadvertance sans doute, a donné à cette figure 4 à 5 côtes de trop peu, elle répon- drait cependant, d’après M. Bronn, bien à l’espèce de Sowerby et mieux que la figure de Goldfuss, 99.7, représentant la même espèce. M. Morris enfin attribue le P. vimineus, Sow., à l’Oxford-clay et au coral-rag. Le Pecten textorius , Schlot., est placé par Schlotheim dans le sinémurien, par Goldfuss dans le lias et l’oolithe inférieure, par M. A. d’Orbigny dans le sinémurien, par M. Morris dans l’oolithede Ballintoy (1). Le Pecten articuiatus , Schlot. sp. Schlotheim le cite dans le cal- caire jurassique des environs d’Arau , Goldfuss le cite uniquement à Nattheim (terrain à chailles, oxfordien, d’Orb.); cela n’empêche pas M. A. d’Orbigny de placer cette espèce dans le bajocien, tout en citant la localité de Nattheim; cet auteur, retrouvant cette forme dans le corallien français, l’a placée dans le Prodrome sous le nom de P. subarticulatus , d’Orb. M. Goldfuss dit, avec raison, que cette espèce a la plus grande ressemblance avec P . vimineus , Sow., et i P. textorius , SchL sp. M. Morris la cite dans le corallien de Hea- dington. Le Pecten subtextoi'ius , Muo. , est cité par Goldfuss dans le coral- lien d’Amberg, de Muggendorf et de Nattheim ; cet auteur lui trouve aussi de la ressemblance avec P. vimineus et P. textorius ; que l’on compare à ce sujet les figures de Goldfuss du P . textorius , Sch. , pl. 89.9, avec celles du P.subtextorius , Mun., pl. 90.11, on n’y verra pasla moindre différence; et il est évident que cette dernière espèce n’a été créée que pour donner satisfaction au système qui ne veut pas que les mêmes espèces passent dans plusieurs étages. Dans le Prodrome ! de M. A. d’Orbigny, cette espèce est placée dans l’oxfordien. M. Quenstedt (2), en signalant, le groupe des Pecten textorius , | depuis le lias a jusqu’au Jura blanc de Nattheim, dit avec beaucoup de raison que les espèces isolées sont difficiles à distinguer. On comprend, par ce que je viens de dire, et surtout de ce que : (1) D’après 7 fossiles sur 8 cités par Portlock dans l’oolithe de Bal- lintoy, Magilligan, etc., ces assises appartiennent au lias. (2) Handbuch , p. 507. SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. 148 1° Goldfuss ait retrouvé 1 ePecten vimineus, Sow., du coral-rag dans le lias; 2° M. A. d’Orbigny, le P ecten articulât us , Schlot. sp.,du Jura blanc, dans le bajoeien ; 3° et enfin, de ce que M. Bronn se soit servi d’un échantillon du lias pour représenter une espèce de coral-rag, qu’il doit y avoir une grande analogie, sinon une identité parfaite entre des spécimens placés ainsi simultanément dans des étages aussi éloignés. Les principaux caractères différentiels des peignes dont je m’oc- cupe ici sont : Le nombre des côtes, L’ouverture de l’angle apicial. Commençant par le premier de ces caractères : appliqué au P. vimineus, Sow., Goldfuss indique 21 côtes, Sowerby 20, Bronn également 20. Constatons d’abord que puisque le P. vimineus , Sow., figuré par Goldfuss est du lias, que ce terrain a des variétés avec un aussi petit nombre de côtes. Quant au P. textorius , Schl. , en comptant les côtes des quatre figures de Goldf. , pl. 89.9, on trouve pour nombre moyen 39. En jetant les yeux sur une collection quelque peu nombreuse de peignes à côtes imbriquées de tous les étages jurassiques, 911 11e peut disconvenir que les étages plus anciens offrent un plus grand nombre d’échantillons à côtes plus nombreuses ; mais ce fait n’est rien moins que régulier et subit de nombreuses exceptions. Ainsi je possède des échantillons ; Du sous-groupe inférieur du kelloway-oxfordien de Châtillon avec l\h et 48 côtes ; Du sous-groupe supérieur du kelloway-oxfordien de Châtillon ou de l’argovien avec 44 côtes ; Du callovien de (Calvados) 34 côtes. J’ajoute le P. subtextorius , Mun. , dans Goldfuss, du Jura blanc, 36 côtes comptées sur la figure. D’un autre côté j’en ai du lias de Lyon avec 30 côtes; Du liasien de Silzbrunnen 20 côtes; Du balhonien de Saint-Aubin (Calvados) 24 côtes; Du bathonien de Langrune (Calvados) 22 côtes. J’ajoute le P. vimineus de Goldfuss, du lias, 21 côtes comptées sur la figure. Les échantillons du terrain h chailles (oxfordien du Prodrome) que j’ai à ma disposition ont de 21 à 24 côtes. J’arrive maintenant à l’angle apicial ; ce caractère suit, à peu de chose près, celui du nombre de côtes, avec lequel il augmente et diminue ; les généralités que j’ai établies pour le nombre de côtes MÉMOIRE DE M. KOECHLIN— SCHLUMBREGER . 149 s’appliquent donc egalement ici. Cette espèce de règle subit aussi des exceptions : ainsi mon échantillon du balhonien de Langrune a 22 côtes avec un angle de 91 degrés. M. Quenstedt, à la suite de la phrase que j’ai citée tout à l’heure, ajoute que le P. textorius du lias présente souvent un angle apicial de 90 degrés, tandis que dans le Jura brun cet angle serait quelque- fois réduit à 60 degrés. Je ne prétends pas qu’il n’existe pas d’échantillons avec un angle aussi faible; cependant ils doivent être rares : le plus petit que ma collection m’ait offert est de 71 degrés. Voici maintenant les angles que j’ai mesurés sur les échantillons de ma collection rangés suivant l’âge des terrains : Sinémurien à Semheim 91° Lias de Lyon 90°, 92® Jura noir (3 de Balingen (sinémurien) 81° Bajocien des Moutiers 80°, 94® — de Belfort 78° Bathonien de Saint-Aubin 81° — de Langrune.. 91° ■ — de Châtillon . . 82° Kellowav-oxfordien de Châtillon 87°, 90° Callovien de Beuzeval 87° Oxfordien ou chailles à Belfort 78° — — au Fringely. 71°, 90° J’ajoute (mesuré sur la figure) r Du coral-rng P. vimineus , Sow., pl. 543 82°, 92° Du Jura blanc P. subtextorius , Mun. , Goldf. , 90. 1 1 . 89° On voit par ce tableau que ce second caractère ne peut pas non plus guider pour séparer les espèces ; que, par exemple, au Fringely, à côté de l’échantillon le plus allongé et à angle le plus fermé, il y en a un autre qui présente l’angle le plus ouvert que l’on rencontre dans la série des variétés. Il en est de même des figures de P. vimi- neus, Sow., eide P. subtextorius , Mun., qui, quoique provenant des terrains les plus récents, n’offrent pas de différence quant à l’angle apicial avec les variétés des terrains les plus anciens de la série. Outré le nombre de côtes et de l’angle apicial, il y a encore le bombement des valves et la forme des oreillettes qui peuvent servir de signes distinctifs ; mais que l’on examine les figures citées de 150 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Goldfuss, de Sowerbv, on ne verra sous ces deux rapports aucune différence entre les espèces. Il résulte pour moi, de ce qui précède, que les quatre espèces indiquées au commencement de cette note n’en forment qu’une seule qui s’est peut-être un peu modifiée, dans le laps de temps qui s’est écoulé depuis le dépôt du sinémurien jusqu’à celui du terrain à chailles ou du corallien. Dans la masse des échantillons qui sont devant moi, je conçois deux types extrêmes, celui du sinémurien et du corallien, le premier caractérisé généralement et pris en gros par un nombre de côtes et un angle apiciaî plus grands. Les deux types ont existé simultanément dès l’époque du sinémurien ( P . vimineus de Goldf. , P. textorius du même) : seulement alors le premier domi- nait en nombre ; plus tard, et à mesure que les dépôts sont devenus plus récents, le second type a gagné plus d’importance (identité du P. articulatusà u terrain à chailles avec celui du bajocien), jusqu’à ce que, vers l’époque du terrain à chailles et du corallien, il ait presque entièrement éliminé le premier type. Durant la partie de l’époque jurassique dont il est ici question, les éléments de ces deux types tantôt se sont montrés isolés, tantôt se sont mêlés, de manière à pro- duire de nombreuses variétés et de rendre ainsi impossible toute séparation rationnelle en plusieurs espèces. C. Pecten lens , Sow. Les auteurs ne sont pas bien d’accord sur l’étage auquel cette coquille appartient; il résulte, des recherches dont le détail suit, qu’elle se rencontre depuis le bajocien jusqu’au kimme- ridgien. M- de Buch (1) la place dans l’antépénultième division de son Jura brun ((3), parallèlement avec Pecten per sonatus, division qui répond au bajocien le plus inférieur ; il ajoute qu’en Angleterre l’espèce est propre à toutes les couches moyennes du jurassique. M. Quenstedt (2) n’est pas tout à fait de cette opinion, puisqu’il dit que cette espèce est caractéristique pour le Jura brun Æ. M. Broun (3) cite ce peigne d’un grand nombre de localités depuis le lias jusqu’au corallien. M. A. d’Orbignv assigne comme station à cette espèce le callovien, l’oxfordien et le corallien, quoique sur trois auteurs qu’il cite dans le (1) Der Jura in Deutschland. (2) Handbiich , p. 506. (3) Lethœa geognostica, 1851. MÉMOIRE DE M. KOECULIN-SCHLUMBERGER . 151 Prodrome, deux la placent dans Foolithe inférieure (Goldfuss dans le Jura brun (3, Zieten dans le Jura brun Æ). Cependant cet auteur a déjà une espèce dans le bathonien, qui peut représenter le Pecten lens : c’est le Pecten Germaniœ , d’Orb. , qu’il synonyinise avec Pecten annulatus , Goldf. , dont il cite la figure; mais ce même nom et cette même figure sont cités aussi pour le Pecten lamellosus , Sow. Dans le kimmeridgien il y a donc double emploi de l’espèce et de la figure de Goldfuss. Cette erreur, tout involontaire qu’elle est, me paraît avoir sa signification. Si les variétés du bathonien et du kimmeridgien n’avaient pas de grands rapports, on ne se serait pas laissé aller à citer le même nom et la même figure, tout en voulant faire deux espèces différentes. Les deux espèces décrites et figurées par M. Bu- vignier, Pecten Zieteneus pour le corallien, et Pecten supraj urensis pour le kimmeridgien, me paraissent être l’équivalent des variétés que j’ai du Banné et d’Àudincourt, et doivent sans doute aussi être réunies au Pecten lens , Sow. Goldfuss dit que l’espèce du Wur- temberg est plus petite et a des stries plus prononcées que la variété ou l’espèce anglaise, qu’il figure également. Je dois observer à ce sujet que, dans la planche de Sowerby, ces stries sont beaucoup moins nombreuses et sont plus apparentes que dans la figure que donne Goldfuss de l’espèce anglaise; en comparant mes échantillons de la IViiotle, je trouve que sous ce rapport ils tiennent le milieu entre les deux figures que je viens de citer, il en résulte que le nombre de stries est un caractère variable. D’un autre côté, l’échantillon figuré par Zieten, et qui provient du Wurtemberg, est plus grand même que celui de Sowerby, la différence de taille signalée par Goldfuss n’a dès lors plus de signification. Il n’y a donc pas de motif pour ne pas réunir l’espèce anglaise à celle du Wurtemberg. Mes échantillons de Pecten lens sont : ! Du bajocien inférieur de la Miolte, près Belfort; Du bajocien du mont Oindre, près de Lyon ; De bathonien, près de Marquise (Pas-de-Calais) ; du Lochenbach, près de Balingen (Wurtemberg); de la Deneria, près St-Croix (canton de Yaud) ; de Combdown, près Bath (grande ooîilhe) ; I Kimmeridgien d’Audincourt (Doubs); Banné, près Porrentruy. L’espèce du kimmeridgien d’Audincourt et du Banné a les plus grands rapports avec les variétés citées des autres terrains; elle est même, sauf la taille qui est plus grande, de l’identité la plus complète et la plus incontestable avec mes échantillons du bathonien de Mar- quise. Ceci établi, la lacune de trois terrains que présentent mes matériaux sera comblée par les citations de M. Bronn, mais surtout 152 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. par celles de M. d’Orbigny, que j’admets très volontiers ; et ainsi le Pectenlens , Sow., sous les noms de P. lamellosus , Sow. ; P. Decheni, Rœm. ; P. annulatus , Goldf. ; P. Germaniœ , d’Orb. ; P. distriatus , Leym.; P. Zieteneus, Buv., et P. suprajurensis , Buv., passerait sinon du lias, du moins du bajocien jusques et compris le kim- meridgien. D. Ostrea Marshii , Sow. ; Ostrea subcrenata , d’Orb. Il me semble difficile d’admettre la distinction que M. A. d’Orbigny fait entre ces deux espèces. Cet auteur réunit Y Ostrea crenata , Goldf., 72, 13 ; Ostrea flabelloides, Lam. dans Zieten, 47, 3; Ostrea Marshii, Sow., dans Philipps, pour en faire son Ostrea subcrenata , qu’il attribue au bajocien. Il prend l’ Ostrea Marshii , Sow., 48, la même espèce dans Goldfuss, 73, 1, et dans Zieten, 46, 1, pour l’attribuer sous le nom de Sowerby au callovien et à Poxfordien. M. A. d’Orbigny n’a donc pas de forme pour représenter Y Ostrea Marshii dans le bathonien. Or, il n’est guère possible de séparer les deux espèces des deux auteurs allemands quant aux terrains dans lesquels elles se rencon- trent : car ils disent positivement l’un et l’autre que les deux espèces {Ostrea Marshii, Sow., et Ostrea crenata, Goldf., dans Goldfuss, et Ostrea Marshii, Sow. , et Ostrea flabelloides, Lam. dans Zieten ) , proviennent de la même couche et des mêmes localités, c’est-à-dire de l’oolithe ferrugineuse ou bajocien. Quant à Philipps, il place son Ostrea Marshii, Sow., dans l’Oxford-clay, dans le cornbrash et dans la partie supérieure du bajocien ; il faut donc encore faire violence à cet auteur, en supprimant ces deux derniers terrains. MM. Bronn et Quenstedt réunissent à Ostrea Marshii, Sow., O. crenata , Goldf., O. flabelloides, Lam. dans Zieten, et je crois avec raison. Rœmer y réunit seulement la dernière. J’ajoute que les échantillons que je possède du callovien et oxfordien du Calvados sont parfaitement identiques avec ceux du bajocien du Wurtemberg. V Ostrea Marshii Sow. , figurée par Goldfuss et par Zieten , se rencontre identique à ces figures dans le Jura brun 8 du Wurtem- berg, d’après Quenstedt (1) et d’après un bel échantillon que je tiens de M. Fraas. M. Quenstedt, ailleurs (2), attribue aussi cette espèce à une couche plus basse d’un étage, c’est-à-dire au Jura brun y. Ce dernier étage répond au bajocien; quant au Jura brun S, (1) F loetzgcbirge IV urtembergs . (2j Handbuch. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 153 M. Marcou (1), en parlant de la difficulté de paralléliser certaines couches jurassiques du Wurtemberg avec les couches du même âge des monts Jura et des contrées de l’Ouest, croit qu’il est synchro- nique en partie au balhonien, en partie au bajocien. Dans le tableau de la série des terrains jurassiques et de leurs fossiles caractéris- tiques, M. de Buch (2) place VOstrea Marshii , Sow. , dans la couche qui précède immédiatement le kelloway-rock. En ne tenant pas compte pour un instant de celte dernière observation , il ne peut rester de doute que l’espèce figurée par Goldfuss et Zieten, et que M. A. d’Orbigny attribue au callovien et à foxfordien, ne se ren- contre dans le Wurtemberg dans le bajocien jusques et peut-être au delà de la rencontre de ce terrain avec le bathonien. Cette station est aussi celle qu’accuse cette coquille dans les monts Jura et les contrées de l’Est; mais il s’agirait encore de faire voir qu’entre le bajocien et le callovien elle n’a pas cessé de vivre, et qu’ainsi il n’v avait pas nécessité de créer une nouvelle espèce pour I ce dernier terrain et foxfordien. Le cornbrash, dans lequel Philipps cite cette espèce, et qui pré- ! cède immédiatement le kelloway-rock, ne peut être autre chose que du bathonien. La station normale que M. de Buch, ainsi qüe je viens de le dire, attribue à cette espèce, est aussi le bathonien. D’après M. Fromherz (3), VOstrea Marshii , Sow., se rencontre dans le Bradford-clay du grand-duché de Bade. M. Broun (A), parmi un grand nombre de localités et de terrains, cite aussi cette espèce de l’Oxford-clay d’Egg près Arau ; mais ces couches, d’après de nombreux fossiles caractéristiques, appartiennent bien plutôt au Bradford-clay (bathonien). Mais il y a plus : je possède un bel échantillon d 'Ostrea Marshii, Sow., du Maresquier (Calvados), terrain que je crois identique avec celui de Ranville (bathonien). * Il résulte de ce que je viens de dire qu’on ne peut se dispenser | de supprimer O. crenata, Goldf., O. flabelloides , Lam. dansZieten, ; 0. subcrenata , d’Orb., et quelques autres noms qu’on a donnés à i VOstrea Marshii , Sow., et de considérer cette dernière espèc • j comme se rencontrant depuis et compris le bajocien jusques et com- pris l’oxfordien du Prodrome. I (4) Recherches sur le Jura salinois. (2) Der Jura in Deutschland. (3) Die Jura Formation des Breisgaues . (4) Lethœa geognostica, 4 854 . 15ü SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Quant à la citation de M. Broun concernant le coral-rag du Gal- genberg, elle est tirée de Rœmer, qui la donne comme douteuse. E. Trigonia costata , Park. Je possède cette forme provenant des terrains suivants : Du toarcien de Gundershofen (Bas-Rhin). Du bajocien des Moutiers et de Cürcÿ (Calvados) ; de Lyon (Rhône) ; de la Miotte (Haut-Rhin); du canton de Bâle, de Schaffhouse (Suisse); de Longwy (Moselle); de Duridry, de Yeovil, de Burton- cliiï (Angleterre). Du bathonien de Marquise (Pas-de-Calais); de Luc (Calvados) ; du Jura brun £ du Wurtemberg; du Forestmarble, de Hinton Saint- Georges, Sommerset, de Corsham Wilts (Angleterre). Du callovien , étang de Moèche (Haut-Rhin); Uffol-le-Grand (Vosges); Éîrochey (Côte-d’Or); Montsec (Meuse). De Yoxfordien de Dives (Calvados) ; de Weymouth (Angleterre) ; de Nattheim (Wurtemberg, Jura blanc t d’après Quenstedt) ; du ter- rain à chailles, Neufchâteau (Vosges). Du corallien de Montbéliard (Doubs); de Ligsdorf (Haut-Rhin); de Tonnerre (Yonne). Du kimmeridgien du Havre (Seine-Inférieure) ; du Banné près Porrentruv ; d’Egerkingen près d’Arau. Du portlandien, île de Portland (Angleterre). Les échantillons de ces différentes provenances et âges ne me sem- blent pas différer essentiellement ; dans tous les cas , les variations qu’on y observe ne sont pas aussi grandes que celles qu’on voit le plus souvent dans une grande série d’un fossile quelconque de la même espèce et de la même localité. A ce sujet , je signalerai les échantillons du kimmeridgien : ceux du Havre et d’Egerkingen sont très bombés, ceux du Banné sont au contraire aplatis; cette diffé- rence, la plus saillante que j’ai remarquée, ne me semble pas motiver la création de deux espèces pour ce terrain. La grande analogie de ces Trigonies costulées devait conduire raisonnablement à un petit nombre d’espèces. Cependant c’est le contraire qui a eu lieu, et il y a peu ou point de groupe d’un genre pour lequel on ait été aussi prodigue sous ce rapport. M. Agassiz a donc fait douze espèces de ces Trigonies (1), depuis (1) Etudes critiques. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 155 le toarcien jusqu’au portlandien. Sur ces douze espèces, M. À. d’Or- bigny en a supprimé quatre ; mais il en a par contre créé quatre nouvelles, de manière que le nombre d’espèces Agassiz n’a pas été diminué. M. Broun (1) observe que toutes ces formes étaient réunies sous le nom de T. costata , jusqu’à ce que Rœmer, Agassiz et d’Orbigny les aient disséquées jusqu’à en faire 2A espèces ; il croit qu’on a été beaucoup trop loin. Cet auteur réduit donc notablement les espèces, et attribue par ses citations T. costata aux étages jurassiques, depuis le bajocien jusqu’au kimmeridgien. Il conserve T. similis, Ag. , pour la placer dans le toarcien et dans une couche argileuse du grand-duché de Bade, qui me paraît répondre aux marnes à Ostrea acuminata. M. Morris attribue (2) Trigonia costata, Park, à Poolithe infé- rieure, à la grande oolithe, à l’Oxford-ciay et au corallien ; il conserve | T. pullus , Sow. , pour la grande oolithe et l’Oxford-cîay, et T. elon - I gata, Sow., et T. incurva , Sow., pour le portlandien. M. Rœmer est à peu près d’accord avec moi, en admettant que la 5 T, costata, Park, a vécu depuis le bajocien jusqu’au portlandien. Il I accorde une latitude, pour le nombre des côtes, de 15 jusqu’à 30, ce qui est fort raisonnable, et écarte toutes les espèces créées par la cir- constance du plus ou moins grand nombre de côtes. M. de Buch (3), en parlant de la Trig. costata, dit : « Quoique cette espèce paraît se rencontrer dans toutes les couches jurassiques, elle n’est, au moins dans le Jura allemand, propre qu’aux couches moyennes. Dans les couches supérieures, où elle n’est pas rare dans le nord de l’Allemagne, elle n’a été rencontrée ni en Franconie ni en Souabe. » M. Quenstedt (A) ne sépare pas les Trigonies à côtes du jurassique ; il trouve, avec grande raison, que les distinctions établies par M. Agassiz sont trop minutieuses. Et comment pourrait-on accepter avec confiance ces espèces créées à profusion, modifiées, réduites, transplantées dans d’autres | terrains, suivant les vues particulières ou les préventions de chaque auteur, et linalement admises par à peu près personne? Et ce désac- cord complet, qui existe sur cette question entre les paléontologues, n’est-il pas la meilleure preuve en faveur de ma thèse ? Et le moyen (1) Lethœa geognostica, 1851, p. 242. (2) Catalogue of british fossiles , 1854. (3) Der Jura in Deutsehland. (4) Handbuch 7 p. 523. 156 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. que je propose n’est-il pas le seul qui puisse mettre tout le monde d’accord ? S’il est incontestable que les variations que subissent un grand nombre d’espèces, soit de localités différentes mais de même âge, soit dans les mêmes localités, sont bien autrement importantes que les minuties par lesquelles on a voulu multiplier les Trigonies à côtes, qu’y aurait-il d’étonnant que cette dernière espèce, fournissant une longue carrière à travers les âges géologiques, se soit un peu mo- difiée, soit en raison de l’âge, soit en raison des localités? En réfléchis- sant bien, on trouverait au contraire surprenant qu’une même espèce, dans ces circonstances, ait conservé rigoureusement tous les carac- tères de sa souche. On accorde une certaine tolérance de forme pour d’autres espèces ; pourquoi ne pas suivre ici le même principe, |et faire des espèces pour des différences insignifiantes et souvent acci- dentelles? Et ce n’est pas seulement l’idée systématique de donner à chaque étage son espèce qui a entraîné à cette profusion, car souvent on voit plusieurs et jusqu’à quatre espèces de Trigonies à côtes pour le même étage. Ce que je viens de dire me conduit naturellement à proposer la réunion de toutes les Trigonies jurassiques à côtes sous le nom de Trigonia costata. F. Mytilus Sowerbyanus, d’Orb., Goldf. 130, 12. On trouve dans le Prodrome cinq espèces qui peuvent se rapporter à cette forme : Pour le bajocien et le bathonien, Mytilus Sowerbyanus, d’Orb. Pour le callovien, M. solenoides , d’Orb. Pour l’oxfordien, Pour le corallien, M . lombricalis , d’Orb. Pour le kimmeridgien, M. medus , d’Orb. ; M. medamus , d’Orb. Je ne peux pas trouver de différence entre l’espèce du bajocien et du bathonien que je possède provenant de plusieurs localités, avec celle qui se trouve assez fréquemment dans l’astartien et le kimme- ridgien des monts Jura, et que je possède aussi provenant du calcaire blanc de Creuë (Meuse, corallien inférieur) et du kimmeridgien de Boulogne-sur-Mer. ïl n’y a que la taille qui soit moindre dans les échantillons des terrains plus récents. M. Pierre Merian, de Bâle, est à peu près de mon avis. M. Broun (dans Y Index) fait passer celte espèce par tous les étages jurassiques au-dessus du lias, c’est-à-dire du bajocien au portlandien. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 157 On pourrait objecter à celte opinion l’interruption que subit cette espèce pendant l’époque de l’oxfordien ; mais aiors au moins suffi- rait-il de deux espèces, une pour les étages au-dessous, une autre pour ceux au-dessus de l’oxfordien. Au reste, le sol fossilifère est loin d’avoir été fouillé partout. Il n’est donc pas impossible qu’on trouve quelque part un Mytilus Sowerbyanus , d’Orb. , dans l’ox- ford ien. G. Nautilus striatus , Sow. D’après les stries en long qui ornent son dos, et d’après l’âge du terrain dans lequel elle s’est rencontrée, le seul nom qui conviendrait à cette forme, ce serait celui de Nautilus giganteus , Schub. dans Zieten ; c’est la seule espèce striée qui ait été citée dans le bajocien ; elle l’a été par plusieurs auteurs, d’abord par Zieten lui-même, puis par M. Buvignier et par M. Quenstedt. D’un autre côté , les auteurs suppriment ce nom pour le réunir : M. A. d’Orbigny, à N. intermedius , Sow.; les géologues allemands, soit à la même espèce, soit à N. aratus , Schlol. Il y a donc là, pour un amateur qui désire nommer les objets de sa collection, une véritable difficulté; et, d’après les circonstances indiquées, ii 11e semble pas qu’il y ait un autre moyen de la lever que de réunir à N. giganteus , Schub., N. striatus , Sow.; N. inter- médius , Sow. ; N. semistriatus , d’Orb., et N. aratus , Schlol. ; et de n’avoir ainsi , pour les trois divisions basiques et pour le ba- jocien, qu’une seule espèce, à laquelle, en tenant compte de la priorité, on donnerait le nom de Nautilus striatus , Sow. M. Bronn, dans V Index paleontologicus , procède déjà ainsi, en ne conservant sur les cinq noms que celui de N. intermedius , Sow. M. Quenstedt ne me semble pas séparer les Nautiles striés en long, qui se rencontrent depuis le lias inférieur jusqu’au Jura blanc £; il réunit positivement (Voyez Handbuch , pag. 3A7) N. giganteus , Schub., à N. aratus , Schlol. M. de Buch (1) en fait de même : il réunit, en conservant le nom allemand de N. aratus , Schlot. ; N. striatus , Sow. ; N. intermedius , Sow. ; N. giganteus , Schub. Il croit que ce Nautile est limité au lias inférieur, et que les citations de terrains plus récents ont besoin de confirmation. (1 ) Der Jui ' a in Deutschland. 158 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Voici maintenant les mesures de mon Nautile : Les chiffres de M. d’Orbi- bigny sont : Diamètre réel. 250 mil!. Lat-geur du tour. Diam. = 100. 58 Épaisseur du tour. Diam. — 100. 60 Pour N. striatus, Sow. 110 » 54 56 N. inter médius , Sow. 170 » 52 68 N. semisùiatus,^ Ovh. Ceux de M. de Buch, rap- port entre la largeur et l’é- 165 » 56 42 paisseur seulement. Ceux de M. Quenstedt (1) » 60 100 comme dessus. » 46 45 Ces différences édifieront sur la valeur des déterminations des Nautiles à l'état de moule, alors qu’on est réduit pour tout caractère à ces dimensions principales. Le test de mon Nautile est parfaitement conservé ; il se détache de la roche qui remplit l’intérieur; sou épaisseur est d’un peu plus de 2 miilim. sur le côté, entre l’ombilic et le dos. La surface extérieure de ce test est ornée de stries longitudinales qui, plus fortes sur le dos, s’étendent en s’atténuant vers l’ombilic, et s’effacent un peu avant le milieu de la largeur du tour. Ces stries sont assez régulières? larges de 2mny25 ; elles sont croisées par des stries d’accroisse- ment, qui commençant fines et flexueuses du côté de l’ombilic, se groupent en faisceaux vers le milieu du tour ; là elles forment de gros plis arqués en avant et qui s’arrêtent à l’origine du dos. Ces détails font voir que le Nautile du bajecien ne diffère pas de ceux des trois étages du lias, et qu’on ne peut faire autrement que de l’y réunir ; mais je me propose encore de les utiliser, pour exa- miner une opinion émise par M. de Buch (2) sur les stries longitu- dinales dont est ornée quelquefois la surface des Naqliles et des Ammonites. Ce grand géologue croyait que ces stries n’appartenaient pas à la surface extérieure du test, mais à une membrane particulière piissée, dépouillée accidentellement de son enveloppe; que cette membrane existait au-dessous de la surface du test dans tous les Nautiles et (1) Petrefcictenkunde Deutschlands. (2) Voyez Leonhard und Bronn, Jahrbuch^ 1838, p. 186. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 159 toutes les Ammonites, et qu’ainsi les stries longitudinales ne pou- vaient pas servir de caractère spécifique. Cette opinion a été adoptée par M. Broun (1), tandis qu’elle est rejetée par plusieurs autres savants : ainsi par M. Quenstedl , qui donne une explication plausible des circonstances qui ont pu y donner lieu; ainsi par Mr A. d’Orbigny, qui se sert des stries en long pour caractériser un groupe de ses Nautiles. M. de Hauer aussi ne paraît pas disposé à se soumettre à cette loi. L’échantillon de la Miotte ne la confirme pas non plus ; sa surface, ornée comme je l’ai dit, se voit sur un grand développement, et n’offre cependant aucun indice d’avoir jamais été recouverte d’un épiderme lisse, dont aucun fragment ne subsiste. Le réseau de stries, tout en étant bien conservé, ne suggère pas l’idée d’une surface pro- tégée contre les influences extérieures ; son état prouve tout le con- traire, et ainsi ses parties proéminentes sont un peu lissées par l’usure. Des huîtres, des serpules, sont attachées directement sur cette surface ornée, sans aucun intermédiaire ; elles ont dû s’y fixer, sinon pendant la vie du Nautile, du moins peu après, et lorsque le test devait encore être complet ; car ces coquilles sont pétrifiées comme le test du Nautile. Enfin, l’épaisseur actuelle du test me paraît aussi un argument contraire à la supposition qu’aucune membrane en ait été détachée. Al. Quenstedt (2), ainsi que je l’ai dit, a donné, à l’occasion d’une description de Y Ammonites tornatus, Bronn, du terrain keuperien de Hallstadt, une explication du fait annoncé par M. de Buch. Il suppose que la couche lisse qu’on a vu recouvrir la surface extérieure rayée, est une lame détachée de la paroi intérieure de la dernière cloison. Cette explication a son mérite; mais il était naturel de sup- poser que M. de Buch, avec sa grande pénétration, n’aurait pas pris le change sur une chose aussi simple, et que sa théorie devait avoir pour base des faits moins palpables. C’est aussi ce qui résulte de l'exa- men minutieux que je viens de faire de quelques Nautiles anglais et i d 'Ammonites tornatus , Bronn, de Hallstadt. L’un des échantillons de Nautilus striatus , Sow., du lias de Lyme - i Regis , a 90 mil!, de diamètre, l’autre 130 miîi. Le test du premier, dans les parois qui forment le tour, a 1 mill. et demi d’épaisseur; il est formé de deux lames ou couches distinctes, dont l’extérieure est un peu moins épaisse que l’autre. La surface concave de la couche inlé- (1) Lethœa, 1re édition, p. 418. (2) Petrejactenkunde Deutschlands , p. 253. 160 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. rieure est lisse, celle qui est convexe porte le réseau des stries longitu- dinales et d’accroissement; la surface concave de la couche extérieure porte une contre-empreinte exacte en creux de ce réseau , qui est ensuite reproduit en relief sur sa surface convexe. Ce dernier relief, quoique reproduisant tous les accidents du réseau de la couche inté- rieure, en offre cependant une impression plus effacée, circonstance qui ne paraît pas due à l’usure après la mort du Nautile, car la sur- face extérieure sur laquelle elle existe, a été protégée par la roche solide et compacte dans laquelle elle est engagée. Cette différence ressemble plutôt à l’effet qui résulte de contre-empreintes et em- preintes multipliées qu’on prendrait sur un corps, et qui tendent à niveler successivement les reliefs. Les surfaces convexes des deux couches ornées de stries sont d’une couleur plus foncée que le reste de leur masse, couleur qui devient presque noire pour la couche extérieure. Cette circonstance me paraît prouver, d’une part, qu’il y a eu intermittence entre le dépôt des deux couches, et d’autre part, que la couche extérieure ne peut être due à une croûte de calcaire incrustant, comme l’état des échantillons d e Lyme-Regis pourrait un instant le faire supposer. En effet, les surfaces de ces Nautiles, par- tout où elles renferment des espaces vides, sont couvertes d’une couche de calcaire incrustant ; mais ce calcaire offre toujours, du côté tourné vers le Vide, une surface occupée de pointements plus ou moins gros de cristaux de chaux carbonatée, et ne reproduit jamais l’état de la surface sur laquelle il est appliqué ; il ne montre pas non plus trace de l’enduit noir, qui pourrait bien être un reste de sub- stance animale. Le second Nautile est construit absolument de même, sauf que, vu son plus grand diamètre, le test a 2 mill. d’épaisseur et que la couche extérieure est encore plus faible en proportion que dans le premier, puisqu’elle n’a guère plus d’un 1/2 mill. d’épaisseur. V Ammonites tornatus , Bronn, présente une organisation fort ana- logue, sinon identique; toute la surface est couverte de stries longi- tudinales très régulières et qui, sur les côtés, paraissent comme tracées au compas ; les stries d’accroissement manquent. Le test est composé de deux, et peut-être d’un plus grand nombre de mem- branes ou couches qui, toutes, la plus extérieure comme les autres, sont ornées de stries longitudinales. Ces couches se séparent paral- lèlement à la surface et atteignent quelquefois une telle ténuité que, tout en continuant d’être rayées, on peut voir distinctement les lobes à travers. A l’inverse du test des Nautiles, ici les stries sont plus faiblement accusées sur cette couche mince intérieure que sur MÉMOIRE DE M. KOECHL1N-SCHLUMBERGER . 161 celle extérieure. M. de Hauer (1) avait déjà remarqué sur un de ses exemplaires à' Ammonites tornatus la structure feuilletée du test etune couche intérieure assez mince pour permettre de voir les lobes à travers. Il a observé sur celle couche des traces peu distinctes ( un - deutliche Spuren) des stries en long ; quant à mesdeux échantillons, ces stries y existent, comme je l’ai dit, très nettement sur cette couche intérieure. Il paraît donc évident que la couche même qui recouvre les lobes est normale, et qu’elle se rencontre dans le lest de tous les individus de IM. tornatus , Bronn. A côté de cette dernière, il existe à Hallstadt une autre espèce identique pour la forme et les lobes et qui n’est pas striée en long. M. Bronn l’a d’abord nommée A. multilobatus , et l’a ensuite réunie à A. tornatus. C’est sans doute celte anomalie, que deux des principaux caractères d’une Ammonite sont conformes tandis que le troisième ne l’est pas, qui a fait imaginer à M. de Buch son sys- tème, et lui a fait ainsi découvrir une partie de la vérité. Mais il aurait dû, ce me semble, se borner à l’appliquer à IM. tornatus et au ISautilus striatus ; l’étendre, rien que pour expliquer un cas isolé, à deux genres aussi riches en espèces que celui des Nau- tiles et des Ammonites, c’était aller trop loin dans la voie des hypo- thèses. L’examen de V Ammonites multilobatus , Bronn, est loin, du reste, de confirmer cette hypothèse, même pour le cas isolé. On a prétendu que celle Ammonite était la même que A. tornatus , mais munie de la couche ou membrure extérieure lisse qui manque- rait à l’autre; or, il n’en est pas ainsi: cette Ammonite n’est pas rare; j’en possède un certain nombre d’échantillons où le test existe, tantôt dans toute son épaisseur, tantôt seulement représenté par une ou deux lames ou couches dans lesquelles il se divise facilement comme celuidelM. tornatus. Mais aucune de ces lames ou couches ne montre la moindre trace de stries en long, et il est évident que le test de cette Ammonite est construit tout autrement que celui de IM. tornatus , et qu’il en diffère par sa texture autant que par son orne- mentation. M. de Hauer (2) a montré que la surface de IM. mul- tilobatus n’était pas véritablement lisse, mais couverte d’un réseau de lignes délicates, ondulées, se dirigeant et grossissant de l’ombilic vers le pourtour ; j’ai trouvé celte observation parfaitement confirmée par mes échantillons où, du reste, ces lignes arrivées sur le dos deviennent des granulations. Cette non-conformité de la texture du (1) Die Cephatopodcn des Sa l zkam m ergutes , p. 27. (2) Die Cephalopoden des Salzkammergutes , pl. 7, fig. 7, p. 27, Soc. géol. , 2e série, tome XIV \\ 162 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. lest et de l’ ornementation de la surface pourrait peut-être s’expli- quer par la différence de sexe. J’ajouterai qu’on n’a pas remarqué de stries en long dans le test d’autres espèces d’Ammonites, dont le nombre est si prodigieux et dont certainement il existe beaucoup d’individus qui permettraient de voir sur une membrane intérieure les stries si elles existaient. Il en est de même des Nautiles autres que ceux dont il est ici question. En résumé, il résulte pour moi de tout ce qui précède que les Nautiles striés en long des terrains basiques et de l’oolilhe inférieure, ainsi que Y Ammonites tornatus , portent non-seulement ces stries sur une membrane intérieure, mais aussi à leur surface, et qu’ainsi ce caractère peut bien servir pour la détermination des espèces. H. Pecten veiatus, Goldf. , 90, 2, Spondylus tuberculosus , Goldf., 105, 2. Spondylus veiatus , Goldf. , 105, A, Pecten tumidus , Ziel. , 52, 1. Hinnites inœquistriatus , Thurm. , Pecten papyraceus , Sow. , dans Zielen. Je n’ai pas la prétention de vouloir discuter ici la question du genre auquel ce fossile appartient, et sur lequel les auteurs ne sont pas bien d’accord. Goldfuss l’appelle tantôt Pecten , tantôt. Spondylus , d’Or- bigny etThurmann le nomment Hinnites. Zieten en fait un Pecten et M. Quenstedt, l’auteur le plus récent qui ait écrit sur celte ma- tière, penche aussi pour cette dernière opinion. Ce que je veux chercher à établir c’est que ces différents noms appartiennent à une seule et même espèce, qui se rencontre dans tous les étages juras- siques, depuis le liasien jusqu’au kimmerklgien. Voici d’abord la liste des Pecten veiatus que je possède ; ils pro- viennent : Du liasien , de Silzbrunnen, près Niederbronn (Bas- Rhin). Du toarcien , d’Urwiller, en amont de Silzbrunnen; de Fontaine, Étoupe-Four (Calvados). Du bajocien, de la Miotle, près Belfort (Haut-Rhin); de Saint- Vigoret des [Routiers (Calvados); de Dundry, près Bristol (Angle- terre). Du bathonien , de Ranvilie (Calvados). Du callovien , de l’étang de Rœche, près Belfort (Haut-Rhin); du kelloway-oxfordien, sous-groupe supérieur d’Élrochey, près Châ- tillon-sur-Seine (Côte-d’Or). Du kimmeridgien7 du Banné, près Porrenlruy. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 165 Du virgulien , ou au moins d’une couche immédiatement au-dessus du kimmeridgien signalée par M. Julier, à Audincourt. Ces échantillons variés d’âge et de localité, presque identiques quant à la forme, ne présentent que des différences peu importantes et qui concernent principalement l’ornementation. Je parlerai d’abord de la valve inférieure, celle qu’on rencontre le plus fréquemment, et la seule qui ait jusqu’à présent été figurée* Le degré de bombement de cette valve est assez variable, mais cette irrégularité est entièrement indépendante de l’âge de la couche à laquelle appartiennent les individus, car on la retrouve, non-seulement sans aucun ordre, dans des individus des terrains les plus éloignés, mais même dans la même localité et dans le même terrain ; je pourrais citer comme exemple les Moutiers et Dundry, où l’écart entre le bombement de certains individus est quelquefois très grand, sans que pour tout le reste il y ait la moindre différence. C’est, sans doute, un exemplaire aussi fortement bombé que Zieten a figuré sous le nom de Pecten tumidus , Hart. Cette valve offre aussi dans les côtes et les stries rayonnantes, dont elle est ornée, d’assez grandes variations qu’on pourrait même appeler des irrégularités. Sur les échantillons du bajocien des Moutiers et de Dundry et quelques autres, on voit entre les côtes principales sept côtes accessoires dont trois plus fortes alternent avec quatre très fines; mais cet arrangement subit de nombreuses modifications; souvent sur le même échantillon il existe plusieurs combinaisons. Les côtes intermédiaires se dédou- blent, ou, au contraire, leur nombre se réduit ; les quatre côtes fines deviennent presque imperceptibles ; souvent il n’existe des trois côtes secondaires que celle du milieu et de chaque côté trois ou quatre stries fines d’égale grosseur, etc. Dans plusieurs échantillons ces côtes forment de très légères ondu- lations et sont comme tremblées; les grosses montrent souvent une disposition à devenir noueuses. Sur les exemplaires bien conservés on remarque avec la loupe de très fines stries concentriques, serrées et régulières. Sous le rapport des côtes de la valve inférieure, ce sont les échantillons du kimmeridgien du Banné qui diffèrent le plus des autres ; ici les côtes principales deviennent plus grosses et un peu noueuses ; mais des indices de cette disposition se présentent déjà dans j des individus du toarcien et du bajocien ; ce qui le prouve outre mes échantillons, c’est la figure 2S pl. 105, de Goldfuss, du Sport- | dylus tûberculosus, que cet auteur place dans le bajocien; aussi, | sous le rapport de ces côtes plus grosses et noueuses, cette figure est presque identique avec les exemplaires du kimmeridgien du Banné. SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. 164 Ainsi qu’on a pu le pressentir par ce que je viens de dire, ces diverses modifications des côtes n’ont aucune relation avec l’âge géologique des terrains auxquels appartiennent les individus. Quant à la valve supérieure, c’est sans doute sa rareté qui a em- pêché qu’on en ait publié une figure jusqu’à présent. J’en possède des exemplaires incomplets du liasien de Silzbrunnen, du bajocien de Dundry, du terrain à chaiiles de Ligsdorf, et du kim- meridgien du Banné. Dans cette dernière localité, dont les fossiles n’ont jamais été publiés, ces valves sont abondantes. Elles sont planes, un peu concaves même, ornées de 60 à 80 stries rayonnantes rare- ment inégales, arrondies, augmentant de grosseur en se dirigeant des crochets vers le bord palléal sans bifurcation ; ces côtes ou stries sont ondulées dans certains individus et parfaitement droites dans d’autres. Les valves supérieures présentent beaucoup moins de variations que les inférieures ; ainsi en comparant celles du kimmeridgien du Banné à celles du liasien de Silzbrunnen, je trouve une identité complète, sauf cependant un nombre de côtes ou de stries un peu plus grand pour ces dernières. Repassons succinctement ce que les auteurs ont dit de celte forme. M. Goldfuss en fait trois espèces : Pecten velatus pour le lias ; Spondylus tuberculosus pour l’oolithe inférieure; Spondylus velatus pour le Jura blanc. M. Zieten figure, ainsi que je l’ai dit, une variété bombée sous le nom de Pecten tumidus , Hart., du lias. M. Quenstedt (1), sans se prononcer clairement sur la convenance des trois espèces de Goldfuss, dit cependant que celle du Jura blanc ressemble beaucoup à celledu lias dans le Wurtemberg. M. Aie. d’Or- bigny, dans le liasien du Prodrome, n’a point de forme comparable à celle dont nous nous occupons; il place le Pecten velatus , Goldf. , dans le toarcien, le Spondylus tuberculosus , Goldf. (sous le nom de Hinnites) dans le bajocien. Je ne puis apprécier les Hinnites nou- veaux que cet auteur attribue au bathonien et au callovien, puisque sans figures les quelques mots de description sont insuffisants. Dans l’oxfordien, M. Aie. d’Orbignv place Spondylus tenuistriatus, Mun. , et Spondylus velatus, Goldf., du Jura blanc, et dans le corallien et le kimmeridgien Spondylus inœquistriatus, Yollz, du kimmeridgien du Banné, les trois dernières espèces sous le nom de Hinnites. M Morris (2) cite le Pecten velatus , Goldf., 90, 2, sous le nom (1) Handbuch, p. 511. (2) Catalogue oj british fossils , 1854, MÉMOIRE DE M. KOECHLÏN-SCHLUMBEBGER. 165 de H imites velaius dans l’ooliihe inférieure, le fuller’s earth et la grande oolilhe. C’est, d’après la figure, l’espèce du lias de Goldf. et de M. Aie. d’Orbigny; c’esl, d’après le nom, l’espèce des mêmes auteurs du Jura blanc que M. Morris place ainsi dans le bajocieu et le bathonien. Voici maintenant comment M. Buvignier (1) range ce groupe ou cette forme dans les terrains de la Meuse : Dans le sous-groupe inférieur de l’oolithe inférieure (bajocien), Spondylus tuberculosus , Goldf. Dans le sous-groupe moyen de l’oolilhe inférieure (bajocien), Spondylus velatus , Goldf. Dans le Bradford (bathonien) , la même espèce. Dans le sous-groupe moyen de l’Oxford-clay (callovien et oxfordien), la même espèce. Dans le sous-groupe supérieur de l’Oxford-clay ( oxfordien ou chailles), la même espèce. Dans le sous-groupe inférieur de coral-rag (corallien), la même espèce. Dans le coral-rag de Saint-Mihiel (corallien), la même espèce. Dans le calcaire blanc de Creüe (corallien inférieur), la même espèce. Dans le sous-groupe supérieur de l’astartien (corallien supérieur), Spondylus inœquistriatus , Voltz. Dans les argiles à Gryphées virgules (kimmeridgien), Spondylus inœquistriatus y Voltz. M. Buvignier a donc osé faire passer la même espèce dans cinq des étages jurassiques, le bajocien, le bathonien, le callovien, l’oxfordien et le corallien ; un petit effort de plus, et il était d’accord avec moi. Il fixe une des limites des espèces entre le bajocien inférieur et le bajo- cien supérieur ; mais mes échantillons du liasien, du toarcien,du bajo- cien et du bathonien, sont intimement liés, et il est impossible d’en faire deux espèces. 11 en est de même pour l’autre limite entre le corallien et l’astartien, où mes échantillons du terrain à chailles, du corallien et du kimmeridgien ne peuvent pas être séparés. Je ne veux pas répéter ici ce que j’ai dit ailleurs pour expliquer les petites modifications que j subit cette espèce; je dirai seulement que pour aucune je n’ai eu une aussi forte conviction quant à son passage dans plusieurs étages. (1 ) Statistique géologique de la Meuse. 166 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856» J. Hemithiris spinosa , d’Orb. Dans les monts Jura et dans le département du Haut-Rhin, cette coquille caractérise l’assise qui est placée immédiatement au-dessus de la grande oolilheoule Bradford-cîay (balhonien) ; on ia rencontre plus rarement dans le bajocien. Dans les localités de l’Ouest, aux Moutiers, à Saint-Victor, à Dundry, elle est au contraire abondante dans le bajocien et paraît manquer totalement dans le balhonien ; aussi M. Aie. d’Orbigny ne l'attribue- t-il qu’au premier de ces deux étages. Le résultat de mes études, on a déjà du s’en apercevoir, est loin d’être favorable au- système qui voudrait, autant que possible, em- prisonner une même espèce dans un seul étage. Or, pour appuyer ces idées préconçues, et pour autoriser la création du prodigieux nombre d’espèces qu’elle exige, on s’est basé souvent sur des différences d’une importance secondaire et quelquefois seulement locale. J’ai donc intérêt à mettre en lumière les grandes variations que subit une seule et même espèce, et qu’il faut accorder à l’espèce une grande tolérance. L ' Hemithiris spinosa m’en fournira les moyens. J’ai donc mesuré ou compté les principaux caractères extérieurs de cette espèce sur 80 exemplaires, provenant de dix-neuf localités quelquefois très éloignées les unes des autres, et sur lequel nombre 30 exemplaires viennent du bajocien et 50 du bathonien. La longueur étant admise comme 100, les côtes comptées sur la valve supérieure de ces 80 exemplaires présentent le résultat suivant î Nombre Angle Longueur. Largeur. Epaisseur. des côles. apicial. 100 110,60 66,52 29,81 100°, 70 Les chiffres indiqués parM. de Buch (1) sont: 100 112 71 3A 90® Les mesures extrêmes sont : En plus. En moins. Largeur. .... 130,88 90,00 Epaisseur .... 92,30 A6,87 Côtes 90 13 Angle apicial . . 12A° 65° La longueur réelle moyenne des 80 exemplaires est de 16,17 Les extrêmes des longueurs sont : 2A,25 10 milliin. M. de Buch indique une longueur de 1/2 à 3/A de pouce = 17 mill. (4) Mém. Soc. géol ., 1re série, t. III, MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 167 Tous ces échantillons étaient bien conformés , sans aucune monstruosité, et cependant il y a des différences considérables, beaucoup plus grandes que celles qui servent quelquefois à faire des espèces. L 'Hemithiris senticosa, d’Orb. , est une espèce qui se rapproche beaucoup de la précédente ; elle est rare, et n’en trouvant pas dans ma collection, j’ai dû recourir à M. Pierre Mérian, qui a bien voulu mettre à ma disposition ce qu’en possède le riche Musée de Bâle. Un examen minutieux m’a amené à ne considérer cette espèce que comme une variété de H. spinosa. Je vais donner mes arguments. C’est Schlotheim, ce patriarche des paléontologues, qui distingua le premier le Terebratulites senticosus , et, sous ce rapport, M. Morris me semble faire erreur en attribuant cette espèce à M. de Buch. Schlotheim indique, comme lieu de provenance de ses échantillons, Grumbach près d’Amberg, sans dire à quel étage ce gîte appartient. Zieten, en figurant cette espèce, cite la localité de Sluifenberg, qu’il place dans l’ooiiihe inférieure, par le motif que la T. senticosa s’y trouve associée à Ostreacites cristagalli , Belemnites aalensis, Ostrea eduliformis. M. de Buch, en donnant la description de Terebratula senticosa (1), la cite aussi uniquement à Grumbach, qu’il place dans les couches jurassiques inférieures au-dessus du lias. M. Quensiedt(2) enfin, qui a écrit en dernier lieu, et que je crois mieux informé, ne signale cette espèce également qu’à Grumbach, qu’il donne comme appartenant au Jura blanc supérieur. Si cette dernière manière de voir est la vraie, comme cela est probable, Y Hemithiris de Grumbach se trouverait dans une couche plus. récente que celle de l’oxfordien du Prodrome, ou que celle du terrain à chailles du Musée de Bâle. M. Morris cite Iihynchonella spinosa et Rh. senticosa, les deux espèces uniquement du bajocien. Il y a donc désaccord complet entre les auteurs : les uns attribuant la dernière espèce à l’oolithe inférieure, les autres au Jura blanc supérieur, circonstance qui doit embarrasser ceux qui ne tiennent aux deux espèces qu’autant qu elles se rencon- trent dans deux étages différents. Mais, si l’on vient à examiner la figure de Zieten, représentant la Terebratula senticosa , on voit bien vite que cette figure ne répond nullement à la description de M. de Buch, quoique ce dernier la cite, ainsi que M. d’Orbignv. Voici, pour mettre cela en évidence, ies mesures comparées : (1) Mém. Soc . gêol ., 4r® série, t. IÏÎ. (2) Handbuch, 168 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. , Angle Longueur. Largeur. Epaisseur, apicial. Côtes. Figure de Zieten, 100 103,67 52,94 105 26 Mesures indiquées par M. de Bucli, 100 89 48 50 Mais cela n’est pas tout : d’après la description de M. de Buch, la T. senticosa de Grumbach aurait des plis nombreux , presque tous bifurques, de manière que souvent il n’y aurait que les trois ou quatre plis du milieu sans dichotomie. Or, la figure de Zieten ne montre rien de cela ; le nombre des plis ou côtes est au-dessous de la moyenne de celui de T. spinosa, et les côtes bifurquées sont comparativement peu nombreuses, surtout sur la valve inférieure. Il devient évident, d’après cela , que l’échantillon qui a servi à la figure de Zieten était tout bonnement une T. spinosa aplatie de l’oolithe inférieure, et ne pouvait représenter la variété T. senticosa du Jura blanc. Je reviens aux échantillons de Terebratula senticosa du Musée de Bâle, dont voici les mesures : Longueur . Largeur. Épaisseur. Côtes. Angle apicial. 100 \ 06,83 52,09 49,71 96°, 75 Mesures indiquées par M. de Buch, 100 89,00 48,00 50°, 00 Moyenne de T. spinosa y 100 110,60 66,52 29,81 100°, 70 Le plus petit échantillon avait de longueur 10 millim. Le plus giand 20,5 Mes chiffres, pour l’obtention desquels j’ai eu soin d’écarter les échantillons mal conservés, rapprochent cette espèce beaucoup plus de T. spinosa que de T. senticosa (d’après M. de Buch). La seule différence avec la première, commune à la figure de Zieten, est une moindre épaisseur, épaisseur qui cependant, comme toutes les autres mesures, reste entre les limites extrêmes trouvées pour la T. spinosa. Tous ces faits me paraissent militer pour la réunion des deux espèces. Voyons maintenant s’il n’v a pas des circonstances d’un autre ordre qui viendraient contrarier cette conclusion. La Terebratula spinosa a vécu dans le bajocien et le bathonien , celle senticosa , dans l'oxfordien du Prodrome, ou chailles. Il y a donc une apparence de lacune, pendant l’époque du callovien, qui pourrait faire supposer que la T. spinosa aurait cessé de vivre 169 MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. à la fin du bathonien, et qu’une nouvelle espèce serait apparue avec l’oxfordien. Je dois d’abord faire observer que celte forme est très rare dans les étages plus récents que le bathonien ; il n’est, dès lors, pas éton- nant qu’on ne l’ait pas citée plus souvent dans le callovien. Cependant ces citations existent; nous en trouvons plusieurs dans la Lethœa de M. Broun, mais qui ne sont pas toutes exactes, comme celle du canton de Bâle, où, d’après ce que m’a assuré tout récemment M. Pierre Mérian, jamais la T. spinosa ou une forme analogue ne s’est rencontrée dans le callovien; niais il y a M. Thirria qui signale T. spinosa dans les marnes oxfordiennes , étage immédiatement au-dessous du terrain à chailles, et qui répond à peu près à la partie supérieure du callovien de M. d’Orbigny. Il y a M. Thurmann qui signale cette espèce dans l’oolithe sous-oxfordienne elle-même. Si on trouvait ces citations trop anciennes pour y ajouter une entière foi, on ne récusera pas l’autorité de M. Marcou (1), qui signale aussi T. spinosa dans l’oolithe sous-oxfordienne , et dont le travail , soit à cause de l’époque récente où il a été publié, soit à cause des connaissances étendues et profondes de l’auteur dans la science pa- léontologique, mérite toute confiance. La forme de V Hemitfiiris spinosa a donc vécu sans interruption, mais seulement avec une grande réduction des individus, dans les étages les plus récents, depuis le bajocicn jusqu’à l’oxfordien ou ter- rain à chailles, et peut-être un peu plus loin, si l’appréciation de l’âge du terrain de Grumbach par M. Quenstedt est exacte. Gomme elle ne présente réellement, avec T. senticosa , aucune autre dif- férence qu’une épaisseur plus grande dans le rapport de 66,52 à 52,09; que d’ailleurs la T.jenticosa de Zieten, qui est de l’oo- lithe inférieure, n’a non plus qu’une épaisseur de 52,94, ce serait vouloir compliquer inutilement les opérations de la nature que de faire ici deux espèces. K. Nautilus subsinuatus , d’Orb., pl. 32; Sow. , pl. 194. Ce Nautile se distingue bien du iV. hexayonus , Sow., le seul parmi les espèces que le Prodrome indique pour le callovien, auquel on I pourrait le comparer; les cloisons en sont beaucoup plus sinueuses; l'épaisseur est beaucoup moindre et le dos plus arrondi. Ges carac- ( l) Recherches géologiques sur le Jura salinois ( Mém . Soc. géol. , 2e série, t„ III). 170 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. tères sont constants ; je les retrouve sur ies mêmes variétés dans le callovien d’Elrochey et de Dives, et surtout dans !a première de ces localités où ce Nautile est abondant. Mes échantillons, quant à la sinuosité des cloisons, se rapportent très bien avec la figure de Sowerby, pl. 194; moins bien avec celle de d’Orbigny. M. Quen- stedt (1), M. Broun (2) et M. de Buch (3) réunissent l’espèce de Sowerby à Nautilus agariticus, Schlotb., qui, d’après les auteurs allemands, serait la même que celle qui se rencontre dans le Jura blanc moyen du Wurtemberg, mais qui n’atteint pas de grandes dimensions. La figure qu’en donne M. Quensledt (b) est bien rap- prochée de celle de M. Aie. d’Orbigny de N. subsinuatus ; ies lobes ont les mêmes sinuosités et le siphon est placé de même; il est dès lors probable que c’est là encore une de ces espèces qui ne sont pas fidèles à un seul étage. L’échantillon type d’après lequel M. Schlot- heitn a créé son N. agariticus, provient d’une couche de fer argi- leux oolithique (kœrniger Ihoneisenstein, de Viilecomte en Lorraine), que M. Quensledt croit appartenir au Jura blanc § ou s, mais qui pourrait bien provenir d’une des nombreuses exploitations pratiquées dans les affleurements du callovien qui entourent, en forme d’arc de cercle, le bassin de Paris; et, dans ce cas, l’échantillon de Schlotheim serait identique avec les miens. Ces Nautiles n’existent généralement, les miens comme ceux du Wurtemberg, qu’à l’état de moules, et sont donc difficiles à déter- miner; mais l’espèce du callovien dont il est ici question diffère trop des espèces indiquées pour ce terrain par M. d’Orbigny, pour qu’on puisse l’assimiler à l’une d’elles; il faudrait donc, ou en faire une espèce nouvelle, ou la réunir à N. agariticus. Or, mes disposi- tions ne me portent pas vers l’augmentation du nombre des espèces, que je trouve déjà trop grand; je me range au dernier parti. L. Ammonites macrocephalus , Schloth. On rencontre aussi, avec celle espèce, À. tumidus , Rein., qui s’en distingue par des différences peu essentielles, consistant dans une plus grande épaisseur et un moindre nombre de côtes. Quant à l’épaisseur, le gîte de l’étang de Moèche offre une série complète de (1) Hanclbuch. (2) Index paleontologicus . (3) Der Jura in Deutschland. (4) Petrejactenkunde Deutschlands , pî. 2 MÉMOIRE DE M. KOECHLÏN-SCHLTJMBERGER. 171 passages entre VA. macrocephalus îe plus aplati et VA. tumidus , arrivé presqu’à la forme d’une boule; le nombre des cotes indique la même liaison entre les deux espèces. Aussi, MM. Quenstedt et Broun les réunissent-ils , et y ajoutent-ils A. Herveyi , Sow. M. Rœmer (1) les réunit également ; M. de Buch (2) incline à réunir A. Herveyi à A. tumidus. D’un autre côté, M. Morris, qui ne donne pas VA. tumidus , réunit A. macrocephalus à A. Herveyi , et Zieten, en parlant de cette dernière espèce, dit qu’elle a les plus grands rapports avec A. macrocephalus. D’après tout cela, il me paraît hors de doute que ces trois espèces doivent être réunies. M. Trigonia clavellata , Park. Il arrive avec cette coquille ce qui est arrivé avec beaucoup d’au- très : le grand nombre d’espèces créé par les uns, réduit par les autres , le défaut complet d’accord entre les auteurs sur les étages auxquels ces espèces appartiennent, la grande analogie de leurs formes, surtout en tenant compte de la latitude qu’il faut laisser à l’espèce, tous ces motifs obligent, pour sortir du désordre et arriver à une conclusion tant soit peu raisonnable, à considérer la T. clavellata comme propre à un assez grand nombre d’étages jurassiques, et à supprimer les espèces suivantes : Trigonia signala, A g. ; T. Bronniit Ag. ; T. perlata , Ag. ; T. tuberculata, A g. ; Trig. major , d’Orb. ; T. muricata , Rœm. Quant aux espèces T. conc entrica, Ag.; T. co- rallina, d’Orb.; ruppelensis , d’Orb., je suis dans le doute. Je dois faire observer ici que lesTrigonies clavellées, excepté dans certaines couches de l’oxfordien et du kimmeridgien, sont passablement rares; de manière que mes matériaux ne sont pas assez nombreux ni assez bien conservés pour me donner une conviction complète que cette forme passe du loarcien jusqu’au kimmeridgien. Analysons maintenant les opinions des auteurs au sujet de l’âge géologique auquel appartient T. clavellata , Park. Sowerby la place dans l’oolithe inférieure. Goldfuss dit que cette espèce est propre à la plupart des couches oolithiques d’Angleterre, de France et d’Allemagne — Sa figure 6 a, pl. 136, est du coral-rag de Rupet; celle b , de Monthoron? celle c , du lias supérieur de Gundershofen. Quoique provenant de terrains si éloignés, on ne trouve pas de différence entre ces trois figures. (1) Vers te in eru ngeti des Norddeutschen Oolithengebirges , (2) Der Jura in Deutsehland . 175 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. Agassiz la place dans l’oxfordien de Dives. Cet auteur, qui donne T. signata comme l’espèce propre au bajocien , dit qu’elle se dis- tingue de tous ses congénères par sa forme allongée. Je ne pense pas que ce caractère soit constant, et surtout qu’il ait une signification spécifique ; car je trouve, dans la figure restaurée d’Agassiz de T. signata (t. IX, f. 5), le rapport de la longueur à la largeur comme 1,62 à 1. Or, j’ai deux échantillons, parmi d’autres de l’oxfordien de Weymouth, où ce rapport est dans l’un de 1,70, dans l’autre de 1,66; j’ai aussi un exemplaire du kimmeridgien de Boulogne où ce rapport va jusqu’à 1,76. Zieten signale l’espèce dans les assises supé- rieures du bajocien ; on pourra voir si la figure de cet auteur est allongée, ou n’est pas plutôt exactement semblable à la forme normale des T. clavellata de Weymouth ou de Trouville , et on pourra comprendre ainsi comment certains auteurs n’ont pas craint de faire entrer en ligne de compte les différences les plus légères, les plus accidentelles, pour sauver leur système préconçu. D’après M. de Buch (1), cette espèce doit se rencontrer dans toutes les couches jurassiques, depuis celle à Nérinées jusqu’au lias; mais, dans le Jura allemand, elle ne serait propre qu’à l’Oxford-clay, comme dans la Nor- mandie. M. Morris , ce qui est assez étonnant, place T. clavellata , Park. , dans le kimmeridgien et le portlandien. Il indique Weymouth pour la localité du kimmeridgien, ce qui me paraît être une erreur; car les bancs de roche très solide qui, à Weymouth comme à Trou- ville, contiennent ces nombreuses T. clavellata , sont placés entre l’Oxford-clay (callovien de M. d’Orbigny) et le kimmeridge-clay ; ils répondent au calcareous-grit des Anglais, et, à peu de chose près, à l’oxfordien du Prodrome. M. Rœmer , en citant les figures de Sowerbv et de Zieten, dit que celte espèce est propre au Dogger (oolithe inférieure) dans le Wur- temberg, et au jurassique supérieur en Angleterre et en France. M. Aie. d’Orbigny , tout en citant les figures de Sowerby et de Zieten, qui représentent des espèces de l’oolithe inférieure, place T. clavellata , Park., dans l’oxfordien; il y réunit trois espèces de M. Agassiz. M. Quenstedt, fidèle à son système de ne pas se prononcer caté- goriquement sur la question des espèces, mais qui par là même montre qu’il est à peu près de mon opinion, fait de T. clavellata un groupe qui caractérise principalement le Jura brun, depuis l’étage 6 jusqu’à celui c, qui subsiste encore dans le Jura blanc le (1) Dcr Jura in Deutschland. MÉMOIRE DE M. KOECHLlN-SCHLUMBEKGER. 173 plus supérieur du Wurtemberg, et sc montre même dans le portlan- dien de l’Allemagne du nord. M. Marcou, en citant la T. concentrica , dit que cette espèce est très caractéristique du véritable (?) groupe porllandien, et qu’il l’a rencontrée dans ce groupe à Aile et à Courtedoux près Porrentruy. Malheureusement les échantillons que j’ai recueillis à Courtedoux ne ressemblent nullement au dessin que M. Agassiz a donné de T. con- centrica,, surtout quant au caractère principal, qui consiste dans des rangs de tubercules plus nombreux et des tubercules eux-mêmes placés plus régulièrement. Sous ce dernier rapport, mes échantillons de Courtedoux sont absolument identiques avec ceux de T. clavellata de Weymouth et de Trouviüe. M. Agassiz, pour caractériser T. con- centrica, dit encore que, dans les individus complets, ces séries de varices vont jusqu’à vingt. Or, dans mes échantillons de Courtedoux, je n’en ai pu compter que douze et treize, comme dans ceux de Wey- mouth et de Trouviile. Les échantillons d’Alle que je possède sont, pour le caractère qui nous occupe, plus rapprochés de la ligure et de la description de M. Agassiz de T. concentrica , sans cependant atteindre un nombre aussi grand de séries. Aile et Courtedoux appartiennent au même terrain, c’est-à-dire au virguiien, et la Trigonie qu’ils ren- ferment doit donc être la même espèce ; mais on voit, par la diffé- rence qui existe sur les exemplaires des deux localités, combien peu le caractère du nombre de séries de tubercules est constant. Celte circonstance me donne même des doutes sur une Trigonie que j’ai du corallien de Tonnerre, et qui, quant à la plus grande ré- gularité et au plus grand nombre des rangées de tubercules, s’approche beaucoup, s’il n’est identique, de T. concentrica , Ag. Je rappellerai encore, à ce sujet, un échantillon du bajocien de Dundry, qui a aussi ces rangées très serrées. Du reste, pourquoi donner une si j grande importance à ce caractère, quand on peut tout naturellement l’assimiler au nombre de côtes sur un fossile quelconque, et qu’on sait combien ce dernier est variable dans un grand nombre d’espèces? On se souviendra ici de l’opinion de M. Rœmer, qui, pour la T% 1 costata , admet une latitude de quinze à trente côles. Voici mes matériaux en fait de T. clavellata, auxquels, vu ieur insuffisance, je dois en partie suppléer par des citations : Du toarcien , T. tuberculata, Ag. Je ne la possède pas, mais elle est citée dans la localité de Gundershofen (Bas- Rhin), par Goldfuss, Agassiz et M. Engelhardt. Du bajocien de la Miotte, près Belfort ; de Dirlingsdorf (Haut-Rhin) ; de Dundry, près Bristol (Angleterre). SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. ïllx Du bathonien , T. signala , Ag. , du Goldenthal (canton de Soleure). Quenstedt signale T. clavellata dans le Jura brun t du Wurtem- berg. Du callovien, les Errues, près Roppe (Haut-Rhin) ; Môntsec (et non Moutsec, comme ce la est imprimé dans le Prodrome et dans les livres de M. Bronn), près Saint-Mihiel (Meuse). De Xoxfordien , Trouviile (Calvados) ; Vieux-Saint-Remy (Ardennes) ; Weymouih (Angleterre) ; Winckel (Haut-Rhin). Du corallien , Geissberg (1), près Mandach (canton d’Argovie). Ces échantillons me paraissent identiques avec ceux de Courtedoux et ont les rangées de tubercules aussi écartées. Du kimmeridgien , Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) ; capde la Hève (Seine-Inférieure) ; Courtedoux, Aile près Porrentruy (canton de Berne). Les échantillons du kimmeridgien du cap de la Hève, d’une part, et ceux de l’oxfordien de Trouviile et de Weymouth, d’autre part, ne présentent pas la moindre différence, et cependant ces échan- tillons sont très bien conservés, et permettent 3a plus minutieuse comparaison. Les Trigonies clavellées du kimmeridgien du cap de la Hève et de Boulogne, qui ne sont rien moins que rares, et que chacun peut fa- cilement se procurer, se rapportent bien aux figures de Sowerbv et de Goidfuss, de T. clavellata , et cela surtout quant à l’écartement des rangées et quant à la grosseur des tubercules ; mais elles s’écar- tent au contraire énormément, soit de la figure dans Goidfuss, soit de la description, dans Rœroer, de l'rigonia muricata , Goldf. La différence est telle, que la figure de Goldf., 137, 1, porte au moins vingt-deux rangées, et les rangées, là où la coquille a la plus grande largeur, ont dix-neuf tubercules, tandis que ces chiffres, pour des Tri- gonies de meme grandeur du cap de la Hève, sont quatorze rangées et huit tubercules. Ce sont là des différences beaucoup plus impor- tantes que celles qui ont souvent servi à faire des espèces. Nonob- stant cela, T. muricata est adoptée dans le Prodrome comme l’espèce ciavellée du kimmeridgien, et est censée identique avec l’espèce des localités françaises. Cette T. muricata , Goldf. , est citée par cet auteur uniquement à Torres-Vedras, en Portugal ; Rœmer y ajoute, en outre, le porlian- (1) Les fossiles de cette localité, dont l’âge n’est pas bien connu, présentent un mélange de ceux habituels aux marnes kimmeridgiennes et à l’astartien. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 175 dieu de Goslar (Allemagne). Mais quel est l’âge du terrain de la loca- lité de Torres-Yedras à laquelle la guerre de la Péninsule a donné une si triste célébrité? Je l’ignore, et cela devient d’autant plus obscur pour moi, qu’une autre, la Trigonie, la T. litterata , que M. Aie. d’Orbignv comprend aussi dans son kimmeridgien, est citée par Goldfuss à la fois dans l’oolithe inférieure et dans l’Oxford-clay de localité allemande, et enfin à Torres-Yedras. J’ajouterai que M. Agassiz, en créant la T. signata , la cite h la fois dans le bajocien et dans le bathonien. Cependant, dans le Pro- drome, elle ne figure que dans le premier de ces deux étages. N. Mytilus asper , d’Orb. ; Mytilus subpectinatus , d’Orb, Sowerby, qui a créé ces deux espèces, n’a sans doute disposé que d’un très petit nombre d’échantillons de formes extrêmes, pour avoir été porté à les séparer ; aussi ne les cite-t-il que dans deux localités, la première dans le cornbrash, la seconde dans ie Kimmeridge-clav. Quoique la figure de Mytilus asper, de Sowerby, p. 212, s’accorde assez mal avec mes échantillons , meme les anglais, je ne peux croire qu’il s’agisse d’une autre espèce que celle que je possède, et qui, n’étant pas rare dans le Bradford-clay, a dû nécessairement tom- ber sous la main de cet auteur. J’aime donc mieux mettre ce désac- cord sur le compte du dessinateur. Mais je dois faire observer que ce qui a dû d’autant plus porter les auteurs à conserver les deux espèces, c’est que la figure citée de Sowerby répond parfaitement, par sa forme, au genr c Modiola, tandis que ceile de Mytilus subpec- tinatus, pl. 282, a la forme du genre Mytilus. 11 n’y avait donc pas ! seulement deux espèces, mais deux genres; mais ces différences de genre, qu’on a voulu trouver ici, ne sont que des variations sans constance ; j’en ai la preuve par des échantillons de l’astartien (co- rallien supérieur) dont la forme se rapproche aussi des Modioles. M. tMorris fait un pas de plus en faisant descendre le Mytilus asper jusqu’au bajocien. M. Aie. d’Qrbigny a conservé les deux espèces avec des changements de noms, et a placé la première dans le bathonien, et la seconde à la I fois dans le callovien, l’oxfordien, le corallien et le kimmeridgien. D’après la comparaison des spécimens suivants, qui sont devant moi, je crois qu’on ne peut se dispenser de réunir les deux espèces : Du bajocien ? marnes et iumachelles inférieures à la grande oolithe, à la Miotte, près Belfort, 176 SÉANCE DU J 7 NOVEMBRE 1856. Du bcithonien de Luc, de Ranvillc (Calvados} ; de Sentheim (Haut- Rhiu) ; de Bradford (Angleterre). Du callovien , étang de Moèche, près Belfort (Haut-Rhin); Dives (Calvados). De Voxfordien , terrain à chailles, à Bendorf (Haut-Rhin). Du corallien , terrain astartien , à Raedersdorf, à Perouse (Haut- Rhin); à Tonnerre (Yonne). Ces échantillons ne présentent aucune différence essentielle ou spécifique. Les variétés des terrains plus récents semblent atteindre une plus grande taille et avoir des stries plus fines et plus nom- breuses ; mais ces caractères ne sont pas suivis. Ainsi , si mon plus grand échantillon du hathonien n’a que 35 mill. de longueur, contre 60 millim. qu’a celui du terrain à chailles, j’ai un échantillon du callovien de Dives, terrain qui est à cheval sur la limite des terrains anciens et récents dont il est question ici, qui a la même longueur de 60 millim. ; mais, d’un autre côté, mes plus grands individus des trois localités du terrain astartien n’ont que 25 millim., 35,5; 35, soit en moyenne 32 millim. de longueur. Quant aux stries, l’individu de l’astartien de Raedersdorf les a notablement plus forteê que celui du bathonien de Ranville. Ce caractère est variable ici comme dans toutes les espèces à côtes. J’ajoute que la forme de tous ces échantillons porte dans l’ensemble, et nonobstant toutes les variations, un cachet particulier qui la fait distinguer au premier abord de toute autre espèce. J’ai parlé des figures de Sowerby ; celle de Goldfuss, pl. 129, f. 2, représentant le Mytilus subpectinatus, d’Orb., est bien; seulement elle est insuffisante, comme cela arrive presque toujours quand on ne dessine qu’un seul individu, et ne fait pas comprendre les variétés qui se rapprochent par leur forme des Modioles. J’ai cité l’espèce du bajocien, mais je n’insiste pas, quoique j’aie pour garant M. Morris. — La couche dont il est question est sur la limite du bajocien et du bathonien, et dont, comme je l’ai montré ailleurs, M Aie. d’Orbiguy,dans son Prodrome, place les fossiles tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre de ces formations. Cette concession faite, je ne m’écarte plus beaucoup de l’opinion de ce savant paléontologue et géologue, puisqu’il fait déjà passer le Mytilus subpectinatus dans quatre étages, auxquels je n’en ajoute qu’un seul. Le Mytilus furcatus , Munsî. , Goldf. , 129, 6, de Nattheîm, et dont je possède plusieurs exemplaires, ne me semble pas différer essen- tiellement de M. asper . Certainement, si on compare les figures de Goldfuss, de M. subpectinatus , d’Orb., avec celle de M . furcatus , MÉMOIRE DE M. KOKCHLIN- SCHLUMBËRGER. 1 7/ Münst., on aura de la peine à les considérer comme représentant une même espèce. Cependant, quand on a devant soi un grand nombre d’échantillons, on comprend que ces figures n’ofiVent l’image que des formes extrêmes, et qu’il existe, en dehors des planches, des passages qui les réunissent. Le Mytilus furcatus , Münst., par sa forme et la disposition de ses côtes, ne peut se distinguer du M. cisper , et quant au nombre de ces dernières , j’ai des individus du bajocicn de la Miotte et du bathonien de Bradford, où ces côtes ne sont pas plus nombreuses. Il reste une seule différence : ce sont les petites pointes qui existent à un quart ou un demi-millimètre d’éloignement sur les côtes du M. furcatus , tandis que les côtes, dans le M. osper, ne sont que rugueuses ou tuberculeuses; un de mes individus de M. fur- catus, de Naltheim, il est vrai, n’a pas de pointes, et les côtes sont seulement tuberculeuses. Pour apprécier celte différence, je fais observer d’abord que des tubercules ont un grand air de parenté avec de petites pointes, dont elles sont ordinairement l’origine et qu’elles remplacent souvent. Je me demande ensuite si la présence ou l’absence de pointes, quand tous les autres caractères sont iden- tiques, peut à elle seule, et quand encore elle n’est pas constante, constituer une différence spécifique ; je ne le pense pas : évidemment les pointes sont un ornement de luxe, qui n’est le plus souvent pas essentiel à l’espèce. Ce principe a été reconnu et admis pour un grand nombre de mollusques qu’il serait oiseux de citer ici ; et je conclus par dire qu’ici encore il doit nous porter à réunir Mytilus furcatus à M. asper, O. Avicula inœquivalvis , Sow. En examinant les échantillons nombreux et bien conservés de cette espèce du callovien de l’étang de Moèche et de Liffol-le-Grand, je n’ai pas pu leur trouver de différence avec Avicula sinemuriensis , d’Orb., du sinémürien. Les stries intermédiaires des côtes, que M. Aie. d’Orbigny dit manquer à la première, y existent bien nette- ment, et cette conformité entre des individus provenant d’étages aussi éloignés m’a fait penser que les espèces des terrains intermé- I diaires pouvaient bien n’en être que des variétés. Les auteurs sont très peu d’accord sur la place à assigner, dans la i série des couches, à ces espèces, et encore à deux autres, c’est-à-dire j Avicula Munster i, Broun, et A. digitata , Deslongch., sans parler de plusieurs espèces créées tout récemment par M. Aie. d’Orbigny. Il Soc. géol. , 2e série, tome XIV. 12 178 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. est très peu récréatif de s’aventurer dans le dédale des opinions qui se sont ainsi produites; mais, comme la divergence des auteurs est un argument en faveur de ma thèse, il faut bien se résigner à cette tâche tant soit peu herculéenne. Avicula inœquivalvis, Sow. — L’auteur la place dans le kelloway- rock; Goldfuss, dans le lias et l’oolithe inférieure ; Zieten, dans le lias; Rœmer, dans le lias; Morris, dans le kelioway-rock, la grande oolithe et l’oolithe inférieure ; Phillips, dans l’oolithe inférieure et le lias moyen ; Bronn la fait passer, d’après des citations, du lias au callovien, en y réunissant A sinemuriensis , d’Orb. , et A. digitata , Deslongch. ; Quenstedt la fait passer du lias inférieur au Jura brun £ ; Buvignier la place dans le lias moyen ; Aie. d’Orbigny, dans le cal- lovien. Avicula Münsteri, Bronn. — Goldfuss la place dans l’oolithe infé- rieure ; Morris, dans le Bradford-clay ; Quenstedt la réunit à A. inœ- quivalvis, et la fait passer du lias inférieur au Jura brun 8; Buvignier ]a place dans i’Oxford-clay ; Marcou, dans le sinémurien; d’Orbigny, avec A. digitata , dans le bajocien. Avicula digitata , Deslongch. — L’auteur la place dans la grande oolithe; Morris, dans l’oolithe inférieure; d’Orbigny, avec A. Müns- teri, dans le bajocien. M. Aie. d’Orbigny a remanié ces faits observés, soit pour y mettre plus d’ordre et d’unité, soit pour les mieux raccorder avec l’opinion qui ne veut pas qu’une espèce passe dans plusieurs étages, et cela surtout quand ces étages sont éloignés. Il a donc conservé ces trois espèces et a attribué chacune à un terrain : Avicula sinemuriensis , d’Orb. , au terrain sinémurien , et pour laquelle il cite les figures d 'Avicula inœquivalvis , de Goldfuss, de Zieten et de Phillips, pî. IA, fig. A ; Avicula digitata, Deslong., au bajocien, à laquelle il réunit A. Münsteri , Bronn, et A. inœquivalvis, Sow. dans Phillips, p. 128; Avicula inœquivalvis , Sow., au callovien, pour laquelle il ne cite que la figure de Sowerbv. Les nouvelles espèces, A. Hersilia, d’Orb., dans le bajocien; A. Janthe, d’Orb., et A. Jason, d’Orb., pourraient bien n’être que des variétés de l’espèce dont je m’occupe ici. A ce classement, on peut objecter que M. d’Orbigny n’y lient pas compte des citations positives des auteurs : ainsi Goldfuss place son A. inœquivalvis à la fois dans le lias et l’oolithe- inférieure, et ce- pendant M. d’Orbigny suppr me ce dernier terrain. A. digitata, Deslongch., devrait figurer au bathonien et non au bajocien, puisque MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHHJMBERGER . 179. son auteur l’a rencontrée dans le calcaire de Caen (1), qui , d’après M. d’Orbigny lui- même, appartient au bathonien. Je signalerai encore une erreur ou un double emploi: c’est que M. Aie. d’Orbigny cite VA. inœquivalvis de Phillips aussi bien pour son A. sinemuriensis , du sinémurien, que pour IM. digitata , du bajocien ; or, il est évident que celte espèce ne peut être scindée en deux, car Phillips (2) dit deux fois, pag. 108 et pag. 161, que son espèce se trouve à la fois dans l’oolithe inférieure et le lias moyen. On le voit, ce remaniement n’a guère avancé la question. Le seul moyen de couper court à la difficulté me paraît être de réunir toutes ces espèces; il est, du reste, tout indiqué par les observations de quatre auteurs, qui placent Avicula Münsteri , Broun, chacun dans un autre étage, depuis le sinémurien jusqu’à l’oxfordien. L’examen des matériaux que je possède confirme entièrement cette manière de voir. J’ai celte Avicula inœquivalvis, Sow. , du : Sinémurien de Mirecourt (Vosges) ; de Zinsweiler (Bas-Rhin) ; de Sentheim (Haut-Rhin) ; du Galgenberg, de Eyachriss, près Balingen (Wurtemberg), dans le lias (3. Liasien du Silzbrunnen (Bas-Rhin) ; du pont du Creusot, près Semur (Côte-d’Or); du Galgenberg, près Balingen (Wurtemberg), dans le lias y; du Mont d’Or, à Lyon. Toarcien de Gundershoffen (Bas- Rhin). Bajocien de la Miolte, près Belfort; du Mont d’Or, près Lyon. Bathonien de Pianville (Calvados). Callovieri de l’étang de Moèche, près Belfort; de Liffol -le -Grand (Vosges) ; des marnes oxfordiennes à Belfort ; des argiles de Dives (Calvados). Oxfordien , du terrain à chailles de Winkel (Haut-Rhin); de Ma- mers (Sarlhe). il y a dans ces variétés de terrains et de localités si diverses, on devait s’y attendre, de légères différences : il n’y a cependant que celle que présentent les échantillons du bajocien de ia Miotte qui me paraît avoir une certaine importance. Sur cette variété, les côtes sur la valve droite ne sont généralement pas marquées au sommet : cette partie lisse s’étend plus ou moins vers le bord palléai jusqu’à l’at- teindre quelquefois; entre les exemplaires où la partie lisse n’a que 4 à 5 millim. ; à partir du sommet, et ceux où on aperçoit à peine des traces de côtes, il y a tous les passages possibles; mes échan- (1) Mém . Soc. linnéenne de Normandie , vol. VI, p. 137. (2) Geology oj the Yorkshire coast . 180 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1856. tillons de ccttc variété ne sont pas grands et ne dépassent pas 26 mil- lim. de longueur; la forme en est très rapprochée à' A. inœquivalvis du callovien. J’ai reconnu cette particularité d’être lisse au sommet et d’avoir les côtes peu marquées à des individus exceptionnels, mêlés avec d’autres qui se trouvaient dans les conditions normales, et pro- venant, les uns du liasien du pont du C.reusot, prèsSemur, les autres du bajocien de Lyon (Rhône), mais, il faut le dire, à un degré moindre qu’à ceux de la Miotte. Ces derniers doivent-ils être par ce motif séparés de A. inœquivalvis pour être rangés avec A. Hersilia , nouvelle espèce créée par M. Aie. d’Orbigny? L’irrégularité même qui existe dans le caractère des côtes affaiblies m’en fait douter. Cepen- dant, si à tout événement il en était ainsi, cela ne changerait rien à mon raisonnement, car il resterait pour le bajocien non-seulement les exemplaires de Lyon, mais l’opinion même de M. d’Orbigny et celles de Goldfuss et de Quenstedt, etc. Je 11e pense pas que l’existence des stries intermédiaires-des côtes sur la valve droite puisse être considérée comme un caractère spéci- fique, car ces stries sont très variables de force et de nombre. Sur treize échantillons du callovien de l’étang de Moèche et de Liffol que j’ai devant moi, dont le plus grand a AO millim. de longueur, et qui portent huit à douze stries intermédiaires, celle du milieu étant plus forte que les autres, il y en a trois dont les intervalles des côtes sont lisses au sommet. Parmi dix.-huit échantillons du callovien de Dives, il n’y en a que deux dont la valve bombée montre franchement les stries; dans sept autres, ce caractère est imparfaitement accusé et réduit souvent à la strie médiane, et enfin, dans neuf, ies intervalles sont lisses; il en est de même pour mes échantillons des marnes ox- fordiennes de Belfort. Les plus grands exemplaires de ces deux der- nières provenances ne dépassent pas 18 millimètres de longueur. On pourrait donc bien attribuer au jeune âge l’état imparfait et obscur de ces stries. P. Je crois devoir réunir les espèces ; Ostrea gregaria , Sow.; O. so- litaria , Sow.; O. pulligera , Goldf. ; O. palmetta , Sow.; O. nodosa , Münst.; O. rostellaris , Münst. Après avoir étudié avec soin les échantillons qui sont devant moi et dont l’état va suivre, j’ai acquis la conviction qu’ils constituaient tous une seule et même espèce. Je possède celte Ostrea : Du bajocien de la Miette, près Belfort; des Moutiers et de Curcy (Calvados) ; de Dundry, près Bristol (Angleterre). MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLL’MBJBRGER . 181 Du bathonien de Ran ville cl de Luc (Calvados); de Hamptoncliff, près Baili (Angleterre). Du callovien de l'étang de Moèche (Haut -Rhin) ; de Liffol-Ie-Grand (Vosges) ; d’Etrochey (Côte-d’Or) ; de Mamers (Sarthe). De Yoxfordien du terrain à chailles de Ligsdorf (Haut-Rhin); de Calabry, près Porrehlruy; du Fringelv, d’Oberbuchsiten, de la ferme de Bracheten (canton de Soleure); de Vieux-St-Remy (Ardennes) ; de Trouville (Calvados); d’Osmington, près Wevmouth (Angleterre). Du corallien de l’astartien à Ligsdorf (Haut Rhin); de Tonnerre (Yonne); de Sampigny (Meuse;; du Monetier (Salève). Du kimmeridgien de Morviilars (Haut-Rhin) ; d’Audincourt (Doubs) ; du Banné, près Porrentruy ; de Sainte-Croix (canton de Vaud) ; du cap de la Hève (Seine-Inférieure). Ce que j’avance ici pourra paraître hardi aux personnes qui com- parent entre eux des individus isolés, de formes extrêmes, de localités ou de terrains différents ; mais si l’on tient compte de la latitude qu’il convient d’accorder au genre Ostrea, qui en demande beaucoup plus que d’autres, parce que les individus dont il se compose, s’attachant à des corps étrangers ou à eux-mêmes, prennent par ce motif les formes les plus variées, on ne trouvera pas mon opinion si extraor- dinaire. Il est certain que, dans le nombre des échantillons d’un terrain donné , on trouve des individus qui ne présentent aucune différence avec d’autres de terrains plus ou moins éloignés; et aussi j’ai des individus isolés du bajocien qui sont parfaitement identiques avec d’autres* du corallien. J’ajoute que, si n’était la couleur différent de la roche, il me paraît tout à fait impossible de distinguer des O. gregaria, Sow., du callovien de Dives, d’O. solitaria, Sow. , du kimmeridgien du Banné. Cela met en évidence qu’il est impossible de scinder cette série non interrompue de formes variées, mais con- servant le même type, depuis le bajocien jusqu’au kimmeridgien. Analysons maintenant l’opinion des auteurs: M. Goidfuss place O. gregaria , Sow., et O. pulligera’G oldf., dans le prétendu coral-rag ; mais ce terrain, dans lequel est compris celui de la localité de Nattheim , équivaut plutôt à l’oxfordien du Prodrome . Les O. nodosa, Münst., et O. rostellaris , Münst., se rencontrent un peu plus bas; mais Goidfuss n’indique pas l’étage précis; elles ne paraissent pas être abondantes, car M. Quenstedt, dans son Hand - buch et ses autres ouvrages, n’en parle pas. M. Rœmer attribue O. pulligera au corallien et O. solitaria au portlandien ; il dit que certains individus de cette dernière espèce ressemblent beaucoup, les uns à O. crenata , Goldf., les autres à 182 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 18Ô6. 0. gregaria , Sow. M. Bronn va plus loi» que moi, puisqu’il réunit à O. gregaria, , Sow. , même O. eoluhrina, Goldf , ou carinata , Lamk. dans Zieten. M. Aie. d’Orbigny n’a pas la forme dont je m’occupe ici, ni aucune qui puisse être considérée comme son équivalent, ni dans le bajocien, ni dans le bathonien du Prodrome. Cet auteur attribue O. gregaria , Sow., à laquelle il réunit O. pal- melta , Sow., au cailovien, à l’oxfordien et au corallien. VO. solitaria, Sow., à laquelle il réunit O. pulligera , Goldf., il l’attribue au corallien et au kimmeridgien , et il admet donc ici une infraction à son système habituel. Sowerby place O, palmetta , Sow., dans POxford-clay, O. gre- garia et O. solitaria , dans lecoral-rag. 11 cite cette dernière espèce de Wevmouth ; mais dans cette localité je l’ai rencontrée plus bas, c’est-à-dire dans l’Oxford-clay d’abord, immédiatement au-dessous du célèbre gîte d 'Ostrea dilatata , et un peu plus haut dans le calca- reous-griL Sowerby, auteur des deux dernières espèces , ies ayant placées au même niveau, on se demande comment il est venu à l’idée des paléontologues du continent de faire de la première l’es- pèce de l’Oxford-clay ou du cailovien et de la seconde celie du kim- meridgien ? M. Morris lui, à l’inverse des auteurs du continent, fait de VO. gre- garia une espèce plus récente que O. solitaria; il place la première dans le calcareous grit et le coral-rag, la seconde dans l’inferior oolithe, le coral-rag et le Portland-stone. M. Phillips est encore d’un autre avis: il attribue $. gregaria , Sow., à ses couches 6, 7 et 12 qui répondent à coraline oolithe, à lower-calcareous-grit et à impure-limestone ou oolithe inférieure. Conybeare cite aussi O. gregaria , Sow., de l’oolilhe inférieure de Dundry. J’ajoute quelques observations, qui trouvent naturellement ici leur place. On rencontre en abondance dans le bathonien de Ranville, de Luc et de Balh, une petite Huître, qui évidemment n’est autre chose que V Ostrea gregaria , Sow., dans son jeune âge, et qui paraît avoir été confondue avec VO.costata , Sow., dont elle diffère cependant complètement, sauf la taille. La première espèce se distingue de la seconde par des côtes plus régulières et plus fortes et qui existent sur les deux valves, et par la crénelure, due à ses côtes, dont les bords sont ornés et qui font engrener une valve dans l’autre. Ce qui a pu donner lieu à cette erreur, ce sont des valves inférieures d’O. gre- garia mal conservées, dont le bord palléal était usé ou engagé dans la roche, et qui présentent dans cet état quelque ressemblance avec MÉMOIRE DE M. KOECHLiN-SCHLUMEERGER . 183 0. costata ; c’est encore l'inattention donnée à la valve supérieure, qui est cependant assez commune et souvent réunie à celle inférieure, enfin l’absence même ou au moins la grande rareté dans les trois localités d’O. costata , qu’on était tout naturellement disposé à y rencontrer, vu qu’elle caractérise ailleurs le bathonien.. J’ai écarté de ma synonymie O. colubrina , Goldf. , ou O. amor , d’Orb. , à cause de sa forme allongée et de sa section carrée ; il y a cependant quelques individus qui la relient à O. yregaria; mais, avec la variation si grande qui est propre à ce genre, la délimitation des espèces restera toujours un peu obscure et incertaine; aussi Goldfuss dit au sujet à’ O. gregaria: « La différence plus ou moins grande des deux diamètres (c’est- à-dire de la longueur et de la largeur), l’importance de la courbure, le nombre, le degré de tranchant des plis, leur disposition sur des faces latérales voûtées ou angulaires, sur un dos uni ou bombé, toutes j ces différences qu’on rencontre sur ces individus du même gîte et qu’on est obligé d’expliquer par la différence d’âge et par un accroissement plus ou moins prompt, sont souvent aussi grandes que celles entre les formes d’individus qu’on peut considérer comme des espèces différentes, parce qu’on ne les rencontre pas dans les mêmes formations. » Rhynchonetla continua , d’Orb. — ■ Cette Rhynchonelle , qu’on trouve également dans le callovien de Liffol-le-Grand, s’éloigne à .tel point par ses caractères de la forme normale de R. continua , qu’on serait parfaitement autorisé à en faire une espèce nouvelle, si on la considérait isolément et sans les variétés qui l’accompagnent et qui la relient à R. continua. Voici, à tout événement, les caractères principaux de cette variété : La forme est triangulaire , le crochet très pointu , les côtés qui s’étendent le long des arêtes cardinales offrent des surfaces planes, quelquefois même concaves, et qui forment des angles droits avec les valves. Les côtes sur la valve inférieure sont au nombre de 36. Le sinus est moins prononcé, et la plus grande épaisseur est beaucoup plus rapprochée du crochet que dans les R. continua. L’angle des arêtes cardinales est de 7 h degrés. Pour pouvoir comparer les éléments de cette variété avec ceux des R. continua , je réunis ici dans un tableau les différents carac- tères de 15 individus de R. continua , provenant de Ranville. SÉANCE DE 17 NOVEMBRE 1856. 1U 1 Numéros. || ÉCHANTILLONS. LONGt jû "3 '0) EUR CJ £ © '1 pleuvait dix à douze jours de suite ! Il est certain que, pendant la quatrième époque, les courants des- cendus par les valléesdu Dauphine avaient leur écoulement vers le sud. dans la pente, aussitôt la rivière commencera un nouveau creusement dans le sens vertical, et abandonnera son ancien lit élargi, qui devien- dra une terrasse. Il est évident que, tout étant égal d’ailleurs, plus un cours d’eau sera considérable, et plus les limites de son érosion dans le sens hori- zontal seront reculées. La diminution successive de largeur que pré- sentent les terrasses diluviennes semble donc indiquer une diminu- tion correspondante dans le volume des eaux. Aujourd’hui, lorsqu’un torrent est parvenu à donner une grande largeur à son lit dans la plaine, c’est une raison pour que les matières de transport amenées de plus haut s’y déposent à cause de la dispersion des eaux. On doit admettre qu’autrefois les choses se passaient de la même manière ; ce qui expliquerait la formation du lehm récent qui couvre les terrasses. Ce dépôt a été le terrain alluvien de la-quatrième époque quaternaire. (4) Voyez notre carte (PI. IIÏ). SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1856. m Cela est prouvé par les amas de sables et de cailloux quartzcux que l’on observe à diverses hauteurs, tant sur la droite que sur la gau- che du Rhône, depuis les environs de Valence jusqu’à la mer. Les parties les plus élevées de ces nappes caillouteuses sont peut-être contemporaines du diluvium sous-lehmien. Quant aux autres, qui s’abaissent successivement presque au niveau du Rhône actuel, nous les considérons comme synchroniques des érosions qui ont donné naissance aux terrasses diluviennes dans le Dauphiné et en général dans les Alpes; alors comme de nos jours, les matières entraînées des lieux élevés se déposaient dans les plaines. Il nous reste à ajouter que les animaux qui vivaient pendant la troisième époque paraissent s’être perpétués pendant la quatrième. S’il y a des différences entre la faune du lehm ancien et celle du lehm récent , elles n’ont pas encore été constatées. Cinquième époque. — Après l’entier creusement des vallées est survenue la dispersion des blocs erratiques superficiels, qui de tous les phénomènes quaternaires est celui qui a le plus attiré l’attention des géologues. Nous ne répéterons pas ici les arguments qui ont été mis en avant par MM» de Charpentier, Agassiz, Desor et d’autres savants, pour prouver que les blocs erratiques épars dans la Suisse et sur la pente de Jura ont été transportés sur le dos des glaciers; nous dirons seulement que la plupart de ces arguments sont par- faitement applicables au phénomène erratique superficiel entre le Rhône et les Alpes. On peut invoquer, par exemple, la grosseur énorme de certains blocs (1), la vivacité de leurs arêtes, leur réunion en groupe de roches de la même espèce et leur élévation jusqu’à mille mètres d’altitude, pour rejeter comme impossible leur transport par des courants. L’hypothèse des radeaux de glace est également inadmissible. Si de pareils radeaux avaient existé, plusieurs d’entre eux auraient certainement franchi les limites de la plaine dauphi- noise; on trouverait des blocs échoués dans la vallée du Rhône au- dessous de Valence, ou dans celle de la Saône bien au-dessus de (1) Parmi les blocs qui ont franchi les chaînes du Mont-du-Chat et de la Grande-Chartreuse, le plus gros est probablement celui que nous avons observé au nord-est de Belley, à 1 kilomètre environ de distance de la ville, tout près d’une grange nommée Châtelain. Son volume peut être évalué à vingt mètres cubes au moins. Il est forméd’un schiste phylladique, noirâtre, tel qu’on en voit souvent dans le terrain anthracifère. On y a fait quelques trous de mine pour 1 exploiter ; heureusement la pierre s’est trouvée de si mauvaise qualité, qu’on y a renoncé. Grâce à cette circonstance, cet intéressant monument de la période quaternaire est resté à peu près intact. MÉMOIRE DE M. GRAS. 2/|5 Lyon; ce qui n’est pas. D’un autre côté, des blocs charriés sur des glaçons se seraient arrêtés pour la plupart sur le contour de la nappe d’eau, à la surface de laquelle ils auraient flotté, en sorte qu’ils se seraient déposés ’a peu près à la même hauteur, ce qui est encore contraire à l’observation. Dans notre opinion, c’est à tort que quel- ques géologues, effrayés par J’idée de faire franchir aux glaciers les. dernières montagnes du Dauphiné, ont pensé que les blocs épars aux environs de Lyon n’avaient pas été transportés de la même ma- nière que ceux de la pente orientale du Jura. Ces deux contrées sont liées l’une à l’autre par une longue traînée de blocs superficiels, qui se ressemblent tous par leurs traits les plus caractéristiques. Là où les effets sont identiques, il faut bien admettre les mêmes causes. Les blocs erratiques du Dauphiné de la cinquième époque diffèrent beaucoup, sous le rapport du gisement, de ceux de la deuxième qui a été également glaciaire, ainsi que nous l’avons dit. Les pre- miers sont isolés, superficiels, complètement dégagés de sable et de cailloux roulés, et reposent sur toute espèce de roches; les autres sont constamment enfouis dans une masse de sable et de cailloux tellement considérable, que souvent ils n’en forment pas la centième partie. Les uns offrent tous les caractères des moraines dites épar- pillées, et les seconds, ceux des alluvions glaciaires et des moraines profondes. Une si grande différence clans le gisement en indique une correspondante dans les circonstances qui ont présidé à leur dépôt, et l’on est conduit à admettre que la contrée convertie en lac pen- dant la deuxième époque quaternaire était, au contraire, complète- ment émergée pendant la cinquième. Nous pensons même qu’alors les vallées étaient plus basses qu’aujourd’hui. En effet, les moraines profondes, contemporaines des blocs erratiques superficiels, parais- sent manquer dans la plaine dauphinoise; on n’en observe aucune trace dans les grandes vallées du Rhône et de l’Isère, dont le fond est occupé par un puissant dépôt d’atterrissement moderne. Si, comme cela est vraisemblable, la dernière époque glaciaire y a laissé quelques-uns de ses produits, ils doivent donc se trouver encore plus bas, enfouis sous les alluvions. En résumé, l’hypothèse qui explique le mieux les faits de la cin- quième époque, est une seconde extension des glaciers non moins considérable que la première. Ces glaciers gigantesques et leurs mo- raines se sont dilatés librement après avoir franchi les derniers contre- forts des Alpes. Il en est résulté d’abord l'éparpillement, et plus tard, par l’effet de la fusion, le dépôt de celte multitude de blocs isolés, dont toute la plaine, entre le Rhône et les montagnes de la Grande- Chartreuse, est en quelque sorte saupoudrée. Quant aux galets rayés, SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1856. U6 au sable et aux autres produits des moraines profondes, ils' ont été entraînés au loin par les grands courants qui sortaient de dessous les glaces, ou bien déposés au fond des vallées, où ils sont aujourd’hui recouverts par des alluvions plus récentes. Période actuelle. — Le passage de la dernière époque quaternaire à la période actuelle a coïncidé avec un grand changement climaté- rique qui a mis fin à la seconde extension des glaciers (1). Il est probable qu’il y a eu en même temps un léger exhaussement du niveau de la mer, qui, en provoquant un atterrissement au fond des vallées les plus basses, a donné naissance au terrain alluvien (2). En examinant ce terrain avec soin dans le département de Flsère, on y reconnaît les traces d’une terrasse ou deuxième étage, qui dépasse le fond de la vallée de 2 à 3 mètres. Cette faible différence de niveau n’est pas suf- fisante pour faire admettre un abaissement correspondant des eaux de la mer depuis le commencement de la période actuelle. Nous croyons qu’on peut l’expliquer par l’effet du boisement des Alpes, qui a dû suivre la dernière époque glaciaire, car la végétation , en diminuant la quantité des matières de transport charriées par les cours d’eau , a augmenté leur puissance érosive. Au reste, cette tendance des cours d’eau à s’encaisser dans le sein de leurs alluvions a cessé depuis longtemps, dans les Alpes, pour faire place à un régime tout contraire. Aujourd’hui il y a exhaussement presque sur tous les points. (1 )Nousplaçons à cette époque de transition le remplissagedes cavernes et des fentes à ossements, que tout annonce avoir été un des derniers phénomènes diluviens. C’est principalement dans ces cavités que l’on rencontre le singulier mélange d’animaux propres aux climats chauds ou tempérés avec d’autres qui n'habitent que les pays froids, et dont quelques-uns même sont confinés aujourd’hui dans le voisinage du pôle (le Renne , les Lago/nys, etc.). On peut supposer sans invraisem- blance que les premiers animaux ont été détruits, peut-être subite- ment, par la révolution qui a amené la dernière époque glaciaire, et que les seconds ont disparu non moins brusquement, ' par la révolution en sens contraire qui nous a rendu un climat tempéré. Des courants résultant probablement de la fusion des dernières glaces ont enfoui pêle-mêle leurs ossements restés épars à la surface du sol. En plaçant l’apparition de l'homme tout à fait au commencement de la période actuelle, on voit qu’il a été contemporain, non pas des générations enfouies dans les cavernes, mais de l’époque de leur enfouissement. (2) Le phénomène des forêts sous-marines, qui est remarquable par sa généralité, parait être le résultat de la dernière variation qua- ternaire du niveau de la mer, et vient à l’appui de notre opinion. Voyez, sur ce sujet, un mémoire récent de M. Durocher, Comptes rendus de C Acad. des sc. , t. LUI, p. 1071. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 247 Le second étage du terrain aiiuvien s’efface de plus en plus. Déjà même le limon de nos rivières, à l’époque des grandes inondations, atteint certains points où il n’était jamais parvenu. Nous résumerons en deux, mots la théorie du terrain quaternaire * dans le Dauphiné, en disant que la plupart des phénomènes ont eu pour cause première : 1° des variations excessives dans la tempéra- ture moyenne; 2° des changements également considérables dans le niveau de la mer. L’étude du terrain quaternaire dans la plupart des autres contrées a conduit au même résultat. Ces deux faits principaux ont été probablement liés l’un à l’autre, car il paraît qu’ils ont tou- jours coïncidé ; ils dépendent donc d’une cause encore plus géné- rale sur laquelle nous ne hasarderons aucune conjecture. La carte (Pi. III) a été dressée pour montrer les diverses direc- tions des courants diluviens dans la plaine dauphinoise, pendant la quatrième époque quaternaire, et les issues par lesquelles ils sont arrivés des Alpes. Il est vraisemblable que ces courants n’ont jamais été simultanés ; les eaux abandonnaient un de leurs lits pour se jeter dans un autre, comme le font encore aujourd’hui les rivières torren- tielles dans leurs divagations. Les lits diluviens indiqués, quoique nombreux, ne sont pas complets; nous en avons omis quelques-uns des moins importants, afin d’éviter la confusion. L’échelle des longueurs des coupes géologiques est la même que celle de la carte de Cassini. L’échelle des hauteurs est tantôt de 2 et tantôt de 6 millimètres pour 100 mètres. Afin de rendre sensibles l’épaisseur du lehm récent et celle de l’argile tertiaire à lignite, nous avons été obligé de les exagérer dans une proportion énorme. Séance du 15 décembre 1856. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice : Journal des savants, novembre 1856. De la part de M. G. -P. Deshayes, Description des animaux SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. ns sans vertèbres découverts dans le bassin de Paris, pour servir de supplément à In Description des coquilles fossiles des environs de Paris , comprenant une revue générale de toutes les espèces actuellement connues , in-4, lre et 2e livrais.*, texte, f. 1 à 8, pl. 1 à 10 -, Paris, chez J. -B. Baillière. De la part de M. J. Dorlhac, Sciences naturelles. — Notice géologique sur le cratère de Coupet et sur son gisement de gemmes et d'ossements fossiles (extr. des Annales de la Soc. acad. du Puy , t. XIX), in-8, 23 p., 1 ph- Le Puy; chez Marchessou. De la part de M. Albert Gaudry, Recherches scientifiques en Orient , entreprises par les ordres du gouvernement, pendant les années 1853 1854. — Partie agricole , in-8, 446 p., 8 pl., 1 carte-, Paris, 1857, lmp. impér. De la part de M. le prof. G. Giordano, Osservazioni sopra i minerali che si rinvengono ne ’ terreni a solfo di Sicilict (extr. du t. VIII des Atti del R. Istituto d’ incorra giamento) , in-4, 18 p. De la part de M. Henri Lecoq, Etudes sur la géographie bota - nique de l9 Europe , et en particulier sur la végétation du pla- teau central de la France , in-8, t. V ; Paris, 1856, chez J. -B. Baillière. De la part de M. A. Viquesnel : Voyage dam la Turquie d'Europe , description physique et géologique de la T lira ce, 7e livraison, texte, f. 49-57. De la part de M. L. Nodot, Description d'un nouveau genre d’Edenté fossile renfermant plusieurs espèces voisines du Glyptodon, suivie d'une nouvelle méthode de classification applicable à toute V histoire naturelle , et spécialement a ces animaux , in-8, 166 p., 1 pl., avec un atlas de 12 pl. lith. ; Dijon, 1856, chez Loireau-Feuchot. De la part de M. Searles W. Wood, A monograph of the crag mollusca , with descriptions of shells from the upper ter - tiaries of the British isles , in-4, vol. II, Bivalves , p. 217-342, pl. XXI-XXXI, from the P alœontogra plaçai Society ,* London, 1856. Comptes rendus hebdomadaires de l' Académie des sciences , 1856, 2e semestre, t. XLIII, nos 22 et 23. NOTE DE M. VIQUESNEL. 249 Annuaire de la Société météorologique de France , t. III, 1855, 2e partie, Bulletin des séances , f. 37-45. L'Institut, 1856, nos 11Q6 et 1197. Réforme agricole, par M. Nérée Boubée, 9e année, n°94, octobre 1856. Bulletin de la Société d'études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan , t. I, juillet 1856. Société /. d' agriculture , sciences et arts de l'arrond . de Valenciennes, 8e année, n° 5, novembre 1856. The Athenœum , 1856, nos 1519 et 1520. Revista minera , t. VII, n° 157, 1856. Revista de los progresos de las ciencias exactas , Jisicas y naturales , t. VI, n° 8, novembre 1856. M. Viquesnel fait hommage à la Société de la 7e livraison de son Voyage dans la Turquie d'Europe (1) ^ il annonce en même temps qu’elle renferme la fin de la première partie de l’ouvrage, à l’exception toutefois des Appendices et de la table des matières. Tout en reconnaissant que cette première partie, intitulée : Aperçus historiques , statistiques et politiques , traite de sujets étrangers aux études ordinaires de la Société , M. Viquesnel demande cependant la permission d’en donner une courte analyse : d’abord, parce qu’elle forme, pour ainsi dire, l’introduction aux autres parties essentielles de son voyage ; ensuite, parce qu’elle renferme des recherches sérieuses sur des questions de la plus haute importance, et qu’elle ajoute d’ailleurs aux connaissances actuelles des notions nouvelles et intéressantes à différents points de vue. Il résume cette pre- mière partie de la manière suivante : Avant de faire connaître le résultat de scs observations météoro- logiques, géographiques et géologiques dans la Turquie d’Europe, M. Viquesnel trace le tableau de la situation politique que présentait l’empire ottoman en 1855. (1) Les sept livraisons offertes à la Société par M. A. Viquesnel renferment, savoir : Texte, 57 feuilles grand in-i ; — Atlas : la carte générale de la Thrace; 20 cartes d’itinéraires, format demi-jésus; 3 planches de profils, de coupes géologiques et de fossiles, et une planche de courbes barométriques, même format (voyez séances du 6 décembre \ 854 et suivantes). 250 SÉANCE DU 3 5 DÉCEMBRE 1856. Les considérations préliminaires qui servent d’entrée en matière de la première partie sont : un coup d’œil sommaire sur l’origine, l’ethnographie et l’histoire des Osmanlis et des diverses races sou- mises à leur domination, puis des recherches sur l’étendue actuelle de leur empire. Par suite de l’état peu avancé où se trouvait la géo- graphie de ces contrées, les statisticiens étaient en désaccord com- plet sur les limites des provinces, sur leur superficie, sur le chiffre de la population considérée aux points de vue de sa répartition géo- graphique, ethnographique et religieuse. Ces différentes questions demandaient de nouvelles éludes pour être mises à la hauteur des connaissances actuelles. Quant au mouvement de la population, il était jusqu’à présent complètement inconnu ; grâce aux patientes investigations de notre savant compatriote, M. le docteur Verrollot, qui réside à Constantinople depuis seize années, on sait maintenant à quoi s’en tenir sur les rapports qui existent entre les naissances et les décès des divers éléments dont se compose la population de la capitale de l’empire, sur la nature des maladies qui occasionnent la mort, etc. L’auteur s’est empressé de publier les nombreux tableaux inédits qui lui ont été communiqués par M. le docteur Verrollot sui- des sujets aussi neufs que variés. Enfin, il doit à l’obligeance du savant orientaliste M. T.-X. Bianchi , la traduction du turc en français, d’après le texte officiel, de la division administrative de l’empire ottoman pour l’année 1855. Cette nomenclature contient de 3,000 à 5,000 noms de localités dent plus de la moitié ne sont pas portées sur les cartes, même les plus récentes. Elle a été rendue d’une utilité pratique par l’emploi de signes conventionnels qui in- diquent les localités inconnues aux géographes, et les signalent aux recherches des voyageurs auxquels reviendra l’honneur d’en déter- miner la position. Ce travail sera complété par un index alphabétique qui sera placé à la fin de la première partie de l’ouvrage, et servira jusqu’à un certain point de dictionnaire géographique. Ces questions préliminaires sont suivies d’un exposé du tanzimat ou organisation du gouvernement de la réforme, inauguré par la proclamation du khatthy chérif de Gulkhanè. Le tanzimat , d’après Y Annuaire de V empire ottoman pour l’année 1857, se divise en quatre parties distinctes : 1° le gouvernement ou les conseils de l’empire; 5° l’administration ou la division administrative et finan- cière; 3° les emplois ou offices judiciaires ; 4° les emplois de l’épée. Les commentaires ajoutés à l’énoncé pur et simple de la publication officielle donnent déjà une idée générale et sommaire de cette orga- nisation politique; les développements indispensables pour en saisir l’esprit et la portée se trouvent dans les chapitres suivants. NOTE DE M. VIQUESNEL» 251 On sait qu’une ligne profonde de démarcation a été tracée, dès l’époque de la conquête, entre les sujets musulmans et les sujets non musulmans ou ratas (troupeau). Les sultans renversèrent l’adminis- tration, les institutions, les coutumes, la hiérarchie en vigueur dans l’empire d’Orient ; mais ils n’imposèrent à leurs nouveaux sujets ni leurs formes administratives ni leur loi civile, qui était écrite dans leur Livre religieux. Ils leur accordèrent le droit de s’administrer eux-mêmes, de former des communautés distinctes, entièrement séparées de la nation conquérante, et conservant leurs lois civiles, leurs tribunaux et leurs écoles. Ils exclurent en même temps les raïas du service militaire et les astreignirent, à titre de compensa- tion, à payer le kharadj ou tribut. Toutes ces causes réunies, et bien d’autres encore qui sont exposées dans le cours de la première partie , contribuèrent à maintenir chez les peuples vaincus l’usage de leur langue et l’espoir de reconquérir un jour leur ancienne indépen- dance. De là l’intérêt qui s’attache, d’une part, à l’élude compara- tive des institutions particulières à chaque communauté et à la société musulmane, et, d’autre part, à la recherche des efforts tentés par le gouvernement du tanzimat pour opérer, la fusion entre deux éléments si disparates et prévenir les dangers créés par leur antago- nisme. Après avoir donné à ces questions le développement que mérite leur importance, l’auteur trace le tableau que présentait, pendant les années, antérieures à 1855, la situation financière de la Turquie, ainsi que celle de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Cette revue des ressources de tout genre que possède l’empire ottoman met en lumière les vices de l’ancienne administration, les résultats obtenus par l’introduction des nouvelles mesures, les nombreuses réformes qui restent à faire pour tirer la Turquie de sa torpeur, et l’élever au plus haut degré de prospérité, de richesse et de puissance. Cette revue conduit encore à examiner la situation politique dans laquelle se trouvaient placées, en 1855, les races non musulmanes, par suite des circonstances qui viennent d’être indiquées. Un résumé général dessine à grands traits une esquisse des ques- tions si diverses étudiées dans celte première partie de l’ouvrage. Il renferme, en outre, une comparaison entre les promesses contenues dans le khütthy chéri f de Gulkhanè (qui sert de point de départ aux investigations de l’auteur) et leur mise à exécution. Enfin, pendant que s’achevait l’impression des dernières feuilles des Aperçus historiques, statistiques et politiques, de graves événe- ments s’étaient accomplis en Europe : Sultan Abdul-Medjid avait octroyé 1 e khatthy humaïomi du 18 février 1856 ; le traité de paix 252 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. signé à Paris le 30 mars suivant avait mis fin à la guerre entre la Russie et les puissances alliées. Ces deux documents officiels, destinés à exercer sur les destinées de l’empire ottoman une influence consi- dérable, forment le sujet d’un dernier chapitre. M. Albert Gaudry, en offrant à la Société le premier volume de ses Recherches scientifiques en Orient , donne le résumé suivant des observations géologiques que renferme ce volume : J’ai l’honneur de présenter à la Société géologique le premier volume de mon ouvrage intitulé : Recherches scientifiques en Orient. Conformément aux ordres du gouvernement, mes observa- tions ont eu pour objet l’élude du sol à un double point de vue : au point de vue agricole et au point de vue géologique. Mon voyage a duré depuis le mois de mars 1853 jusqu’à la fin de janvier 18 5û. J’ai fait un court séjour en Grèce et en Égypte; je suis resté davantage en Syrie; enfin la majeure partie de mon temps a été employée à visiter file de Chypre. Le premier volume que je présente aujourd’hui ne traite que des questions agricoles; mais j’ai spécialement porté mon attention sur celles de ces questions qui se rattachent à la constitution géologique, et pour cette raison il pourra peut-être avoir quelque intérêt pour notre Société. On y trouvera des considérations générales sur la géologie de la Grèce, de l’Égypte, de la Syrie et surtout de Chypre, dans ses appli- cations à l’agriculture. J’ai donné quelques détails sur les limons des vallées de la Syrie et du Nil. J’ai présenté des renseignements sur la question des puits arté- siens, question vitale pour les pays brûlants de l’Orient. Les puits artésiens ont été connus dès les temps les plus anciens; j’ai vu auprès de Tyr ceux que Salomon fit construire pour reconnaître la générosité du roi Hiram, qui lui avait fourni des cèdres du Liban. J’ai insisté sur la fréquence des mûriers et des vignes dans les pe- tites collines calcaires dont est formée la plus grande partie des pays de l’Orient. Ces deux végétaux, dont la culture marche toujours de pair, constituent, avec l’olivier, les produits agricoles caractéristiques de l’Orient. En Grèce, en Chypre, en Syrie, on obtient des raisins délicieux sur les roches calcaires; en Palestine, j’en ai vu dont la dimension rappelle ceux qui furent apportés à Moïse de la terre de promission. Cependant, tout en déclarant que l’on ne peut accuser les sols NOTE DK M. GAUDRY. 253 calcaires d’être défavorables à la vigne et aux mûriers, je ne peux nier que les roches pluloniques ne donnent des produits encore plus parfaits. Ainsi les mûriers de Paplios, qui fournissent une soie plus nerveuse, plus forte qu’aucune soie connue, croissent sur des mon- tagnes composées de roches pluloniques (ophitones, ophiolithes, eu- photides). Ces fameux vignobles de Chypre dont les produits, au dire des Grecs d’Asie, furent le nectar des dieux, sont établis princi- palement sur le même système de roches. Sur les roches calcaires, les vignobles dits vignobles de commanderie (ceux dont la réputation est universelle) fournissent davantage, mais leur qualité est un peu inférieure. Santorin, île deformation volcanique, est le pays de la Grèce le plus favorable à la vigne; toutes les variétés y réussissent, depuis la passoline et la sultanine jusqu’aux raisins alcooliques. Je n’ai point remarqué que la constitution géologique des pays de l'Orient ait exercé sur la maladie des vignes une autre influence qu’une influence purement physique. Comme tous les cryptogames, Xerysiphe Tuckeri a besoin, pour se développer, d’une certaine somme de chaleur et d’humidité; c’est pourquoi là où les terrains sont plus argileux et par là même plus humides, la maladie a exercé de plus grands ravages; là où la terre est maigre comme sur les parties élevées des collines, la chaleur a été trop forte, l’humidité trop faible, pour que les cryptogames destructeurs de la vigne aient pu se développer avec persistance. Parmi les pays que j’ai parcourus, l’îie de Chypre est celui qui a été l’objet de mes principales éludes. J’en ai dressé deux cartes au 2^^. L’une de mes cartes est agricole, l’autre est géologique ; la première est publiée, la seconde sera prochainement livrée par l’Im- primerie impériale. Ces deux cartes, exécutées à une grande échelle, sont destinées à être comparées l’une avec l’autre, et à montrer les rapports delà nature géologique et des produits agricoles. Un travail de ce genre est presque une nouveauté ; car les Anglais, si avancés dans les sciences agricoles ou géologiques, font généralement des cartes où les notions agricoles et géologiques sont réunies dans le même tracé. J’ose recommander à l’attention des géologues agrono- rnisles un tableau où j’ai inscrit quarante-six localités choisies dans l’île de Chypre pendant le cours de mes expéditions. Ce tableau présente la comparaison des altitudes, des modes d’orientation, des compositions géologiques et de la nature des produits agricoles. 25/i SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. M. Ch. Sainte-Glaire Deville fait la communication suivante : Mémoire sur les émanations volcaniques , par M. Ch. Sainte» Claire Deville. Dans douze Lettres adressées à MM. Élie de Beaumont et Dumas, et dont l’Académie des sciences a bien voulu autoriser l’impression dans les Comptes rendus de ses séances, j’ai exposé les principaux résultats de trois voyages consacrés à visiter le Vésuve et les champs Phlégréens, les îles Éoliennes, l’Etna et une grande partie de la Sicile. Dans ces explorations, j’ai recueilli une fouie d’observations sur la forme générale des massifs volcaniques, sur les détails de leur structure, sur les circonstances physiques qui ont présidé à la sortie des laves anciennes ou récentes et qui se lisent encore dans leurs caractères actuels. Quelques-unes de ces remarques ont déjà trouvé place dans mes Lettres ; d’autres, beaucoup plus nombreuses, ne pourront être présentées que dans un travail ultérieur et plus com- plet. J’ai, au contraire, plus particulièrement insisté sur ce qui faisait le but spécial de mes recherches, à savoir : sur la nature et la répar- tition des émanations gazeuses et de leurs produits. Ce sont ces der- niers résultats, épars dans mes douze Lettres et exposés ià dans l’ordre où ils s’étaient présentés, ou, pour mieux dire, à mesure que je les constatais sur les lieux, que je me suis proposé de coordonner d’une manière rationnelle, en les rapprochant de ce que j’avais, à une autre époque, observé moi -même dans les volcans des Antilles et de l’Afrique occidentale et des études faites sur ce sujet par plusieurs savants, particulièrement par Humphry Davy, MM. Boussingault et Bunsen. Ce travail constitue, qu’on me permette cette expression, un corps de doctrine qui embrasse, pour la première fois si je ne me trompe, l’ensemble des émanations volcaniques. Si j’avais été assez heureux pour jeter quelque jour sur un sujet délicat et obscur encore, même après les recherches des Humboldt, des Gay-Lussac, des Davy et de tant d’illustres observateurs, je le devrais à cette circonstance inappréciable d’avoir pu assister à l’une des plus grandes éruptions du Vésuve, peut-être aussi à la persévérance avec laquelle je me suis voué, depuis dix-sept ans, à ces saisissantes études. Le Mémoire dont je présente ici l’analyse, et qui résume toutes mes recherches antérieures sur ce sujet, se compose de quatre parties. PREMIÈRE PARTIE. Dans la première partie, j’expose rapidement les observations géo- logiques et les expériences chimiques dont les principaux résultats MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 255 sont disséminés dans mes douze Lettres sur les phénomènes éruptifs de V Italie méridionale (1) et dans mon Mémoire sur la nature et la répartition des fumerolles dans V éruption du Vésuve du 1er mai 1855 (2). Celles de ces expériences qui avaient pour but la détermi- nation des éléments gazeux ont toutes été laites sur les lieux, avec des moyens sommaires, mais suffisamment exacts; elles ont toujours été jusqu’à présent et elles sont chaque jour confirmées par les recher- ches plus précises que nousavons entreprises, ML F. Leblanc et moi, sur des échantillonsque j’ai recueillis avec toutes les conditions désirables de pureté (3). Je passe ainsi successivement en revue ce que, dans le cours de mes trois voyages, j’ai eu l’occasion d’observer : 1° Au Vésuve, soit sur la lave de 1855, pendant et après l’éruption, soit au cratère supérieur ; 2° A l’Etna, sur le cratère supérieur ou sur la lave récemment sortie en 1852 ; 3° Dans l’archipel Éolien, à Stromboii, Vulcano, Lipari et Panaria ; A0 Dans les champs Phlégréens et dans i’îie d ischia ; 5° Dans un grand nombre de localités de la Sicile, où se dégagent principalement des gaz carbures (acide carbonique et hydrogène carboné). DEUXIÈME PARTIE. De cette seule exposition des faits il était impossible de ne point conclure que, non-seulement les émanations volcaniques ne sont pas identiques dans leur composition et dans leur température, mais que les groupes naturels qu’elles forment à ce point de vue ne se répar- tissent pas indifféremment sur un même massif volcanique, qu’ils s’y localisent, au contraire, d’une manière frappante. Je devais dès lors me demander si cette sorte de départ ne se faisait pas avec une cer- taine régularité, et c’est à la solution de cette question que j’ai con» sacré la deuxième partie de mon Mémoire. Partant de ce fait, qui résultait de l’ensemble de mes recherches, qu’un .volcan actif, et surtout un volcan en éruption, est doué de la (1) Comptes rendus des séances de Û Académie des sciences , t. XL, XLI et XL1II. Les deux premières lettres sont imprimées dans le Bulletin , t. XII. (2) Bull., t. XIII, séance du 19 mai 1 856. (3) Ces recherches seront, de notre part, l’objet de communications spéciales. 256 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. somme d’émanations la plus variée, j’ai dû chercher, en premier lieu, quelle avait été sur le Vésuve, à partir de mai 1855, la distribu- tion des fumerolles dans les trois tronçons qui formaient alors comme les organes de l’éruption, savoir : l’appareil normal ou central , ou le cratère proprement dit, elles deux parties qui constituent l’appa- reil adventif ou excentrique , c’est-'a-dire la fissure de l’éruption et la lave elle-même. Je démontre ainsi que, pour un volcan en érup- tion, d’une part, en un moment donné , la nature des fumerolles , en divers points, varie avec la distance de ces points au foyer éruptif , et, d’autre part, que la nature des émanations fournies par un même point varie avec le temps qui s’est écoulé depuis le début de l’éruption. Admettant tout naturellement que, plus ces coordonnées du temps et de l’espace sont petites, plus est grande l’intensité éruptive du point que l’on considère, j’arrive à établir par là une gradation et comme une sorte de hiérarchie entre les divers ordres d’émanations que j’avais reconnus dans ia première partie de mon travail. L’étude de ces phénomènes sur un volcan en éruption avait le triple avantage de faire connaître ces émanations dans leur plus haut degré d’intensité, dans leur plus grande variété, et aussi dans un moment où chacune d’elles, après s’être localisée le plus nettement avec ses caractères propres, était néanmoins susceptible de subir certaines transformations. Lorsque, poursuivant ma tâche, j’ai suc- cessivement abordé les autres évents volcaniques de l’Italie méridio- nale, depuis les volcans proprement dits qui, comme l’Etna, se trou- vaient dans une phase d’activité inférieure à celle que je venais de constater au Vésuve, jusqu’aux représentants les plus alfaiblisdes forces éruptives, je retrouvai (sauf les fumerolles sèches qui sont le propre des laves incandescentes) tous les ordres d’émanations que j’avais reconnus dans le volcan napolitain ; je dus même en signaler deux (hydrogène carboné et azote pur) qui ne s’y étaient point pré- sentés, et qui, en Sicile, caractérisent les évents qui, par leur gise- ment et leur température, sont relégués au plus bas de l’échelle. Plus je m’éloignais de ceux qui sont susceptibles de donner des laves, pins l’absence des conditions de variabilité particulières à cette phase amenait, dans le groupement des émanations, quelque chose de fixe et de constant. Je pus ainsi me convaincre, et l’on peut s’en assurer en lisant mes descriptions écrites sur les lieux, que partout où se présentent à la fois plusieurs variétés de fumerolles, les mêmes lois président à leur répartition, et que, si les émanations, chimi- quement du même ordre, n’ont pas la même température sur tous MÉMOIRE DE M. DEVILLE, 257 les massifs volcaniques, sur chaque massif en particulier, la tempé- rature la plus élevée, comme le gisement le plus central, (1), appar- tiendra aux fumerolles le plus haut placées dans l’échelle éruptive, la température la plus faible et en même temps la position la plus excentrique aux fumerolles de l’ordre inférieur. Ces conclusions sont-elles particulières aux évents que je viens de visiter, ou s’appliquent-elles à l’ensemble des phénomènes volca- niques? On concevra aisément que les recherches de ce genre faites antérieurement, celles même auxquelles je me suis livré dans mes précédents voyages, n’ayant pas été dirigées dans le but spécial de contrôler l’exactitude de ces déductions, plusieurs données pouvaient y manquer pour n’avoir point été recherchées; dans tous les cas, une discussion devenait nécessaire pour faire ressortir la concor- dance, si elle existait, entre ces observations et celles dont je viens de présenter le résumé. Et d’abord, celte même éruption du Vésuve qui m’a servi de point de départ, a été suivie avec soin par les membres d’une com- mission nommée à cet effet par l’Académie royale des sciences de Naples. Ces savants distingués ont publié les résultats de leurs tra- vaux (2), et, bien qu’ils ne se soient pas posé de la même façon que moi les problèmes à résoudre, bien que je revendique pour moi seul la responsabilité des faits et des opinions que j’ai présentés dans mes Lettres comme, m’appartenant, on peut se convaincre, par la lecture de leur intéressant mémoire, que non-seulement rien de ce qu’ils y annoncent ne s’oppose à mes conclusions, mais que, sur un grand nombre de points, leur travail vient à l’appui du mien (3). Si, remontant plus haut dans l’histoire du Vésuve, on se rapporte au mémoire de Humphry Davy sur les petites laves de 1819 et 1820 (A), on sera frappé d’y voir plus ou moins nettement exprimée, comme je l’ai décrite en 1855, la prédominance des fumerolles aqueuses dans les parties supérieures de la fissure, tandis que, sur la lave, desfumerolles chlorurées alcalines, anhydres au début de l’érup- tion, se transforment avec le temps dans le sens même qu’indiquent mes Lettres. 11 serait impossible de mentionner ici les diverses observations qui ont été faites, souvent d’une manière isolée, lors des éruptions du (1) Ou, plus exactement, le gisement le plus rapproché du point initial de l’éruption à laquelle elles doivent leur origine. (2) Eruzioni Vesuviane del 1850 e 1855. (3) Notamment aux pages 80, 101, 1 68, 170, 171, 181. (4) Traduit dans les Annales de chimie et de physique , t. XXXVIII . Soc. géol. , 2* série, tome XIV. 17 258 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. Vésuve, et dont la discussion vient à l’appui de mes conclusions; je me bornerai à citer les expériences de Al. Daubeney en 183/t (1), et le travail intéressant de AJ. Scacchi sur l’éruption de 1850 et sur la période d’activité modérée qui l’avait précédée(2). Bien que les substances gazeuses émises par l’Etna n’aient point été, avant mon voyage, l’objet d’expériences précises, on peut s’as- surer néanmoins que ies remarques faites par M. Élie de Beaumont sur les émanations de ce volcan, en septembre 183 U, au sommet du cône comme sur la lave de 1852, s’accordent très bien avec mes conclusions (3). (Jn point de comparaison extrêmement précieux s’offrait pour moi dans les belles recherches de M. Bunsen sur les volcans de l’Is- lande (h). Malheureusement, cet habile chimiste est arrivé surl’Hé- kla quelques mois trop tard pour pouvoir observer directement les fumerolles qui s’échappaient, au moment même de sa sortie, de la lave rejetée en septembre 18^5. Néanmoins il résulte de ses recher- ches que quelques-unes des émanations primitives de l’éruption de- vaient être fort riches en chlorures ou en acide chlorhydrique, puisque, malgré la grande solubilité de ces sels, les masses humides qui, plusieurs mois après, entouraient ie soufre fondu dans l’intérieur du cratère le plus élevé et le plus considérable, contenaient, pour 8 de sulfates, 19 de chlorures (5). Les enduits d’un autre cratère pré- sentaient 95 de sulfates et 5 environ de chlorures, et ceux là, d’après M. Bunsen, résultaient de sublimation ; enfin, les produits d’une fumerolle du courant de lave inférieur , caractérisée par l’absence complète d’acide sulfureux, ont donné jusqu’à 81 p. 100 de chlor- hydrate d’ammoniaque. On voit assez nettement, ce me semble, les résultats de trois ordres différents d’émanations, situés très sensiblement dans les positions que je leur ai reconnues au Vésuve. L’examen des produits volatils amène aux mêmes conclusions : car, si à celte période secondaire des phénomènes les gaz sulfurés et l’acide carbonique dominaient, les dernières traces d’acide chlorhy- drique se retrouvaient encore « dans les fumerolles nées quelques mois auparavant lors de la dernière éruption de l’Hékla, ainsi que (4) Transactions philosophiques, 4 835, p. 4 53. (2) Traduit par M. Damour dans les Annales des mines , 4e série, t.XVII, p. 323. (3) Annales des mines , 3e série, t. XXX VIII, (4) Annales de chimie et de physique , 3e sér., t. XXXVIII. (5) Annales de chimie et de physique, 3e gër., t. XXXVÏIÏ, p. 260, MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 259 dans les sources de vapeur qui jaillissaient du courant de lave qui s’est formé alors (1). » Ainsi, en Islande comme au Vésuve, l’acide chlorhydrique ou les chlorures avaient accompagné la période active de l’éruption, et ne se retrouvaient plus que dans les dernières traces de celte période primitive, ou, sous la forme de chlorhydrate d’ammoniaque, dans les portions inférieures de la lave qui se refroidissaient, tandis que les combinaisons du soufre se montraient encore, et que l’acide car- bonique, dernier représentant des matières gazeuses, était l’élément que le volcan rejetait alors le plus abondamment dans l’atmosphère. Sur un point seulement il semble y avoir entre nos observations une discordance marquée. Dans les gaz expulsés, sous une forte pression, par les célèbres solfatares de l’Islande, M. Bunsen a trouvé des proportions d’hydrogène qui ont atteint jusqu’à 25 p. 100, tandis que jusqu’à présent M. Leblanc et moi n’avons trouvé aucune trace appréciable de ce gaz dans les produits des fumerolles italiennes. Mais, en supposant que nos analyses ultérieures ne nous en fassent pas reconnaître davantage, il faudra bien remarquer que rien de ce que j’ai décrit dans l’Italie méridionale ne peut être considéré comme l’équivalent des gigantesques solfatares islandaises. Si l’hydrogène doit se trouver en Italie dans les mêmes conditions qu’en Islande, c’est aux Lagoni de la Toscane qu’il faudra le chercher : ceux ci sont, en effet, les équivalents des Geysers, où l’acide silicique joue le même rôle que l’acide borique aux Lagoni. Dans la troisième partie de ce mémoire, je me réserve d’ailleurs d’indiquer quel rôle me paraît jouer cet hydrogène dans l’économie des émanations volca- niques. Par contre, M. Bunsen, n’ayant jamais trouvé d’hydrogène car- boné en Islande, en conclut que ce gaz est absolument étranger aux émanations des volcans. Mais, en Sicile, je l'ai indiqué sur le flanc même de l’Etna, à Santa-Venerina (2). La vérité est que l’hydrogène carboné est extrêmement rare dans le voisinage des centres volcani- ques actifs, parce qu’il s’y transforme, à leur contact, en acide car- bonique, comme je crois l’avoir fait voir dans ma Deuxième lettre à M. Dumas sur les produits d'émanation de la Sicile. Son gisement (1 ) Jnnales de chimie et de phydque , 2e sér. , t. XXXVIÏï, p . 259. (2) M. Bunsen lui-même a reconnu, depuis lors, l’hydrogène car- boné dans les gaz recueillis aux. salses du Caucase par M. Abich, qui admet, si je ne me trompe, leurs rapports de gisement avec les chaînes volcaniques de la contrée. 260 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. habituel est l’extrémité des chaînes de montagnes récemment sou- levées. J’arrive aux volcans de l’Amérique. Là nous trouvons un travail classique. On sait que M. Boussingault a montré que les gaz qui, en 1831, se dégageaient, avec la vapeur d’eau, des cratères des quatre volcans les plus septentrionaux de l’équateur se composaient d’acide carbonique, accompagné de faibles quantités d’acide sulfhydrique et de vapeur de soufre, et qu’un cinquième, le Cumbal, présentait en quelques points des flammes avec acide sulfureux, en d’autres points l’acide sulfhydrique et l’acide carbonique. Jamais, d’ailleurs, l’eau condensée à ces fumerolles n’a donné trace d’acide chlorhydrique ni de chlorures. Or, on voit que, pour rendre compte des faits, il suffit d’admettre que ces évents volcaniques étaient alors à l’état de solfa- tares, et dans une intensité supérieure pour l’un d’eux, inférieure pour les quatre autres, à l’état ordinaire des solfatares d’Islande; in- férieure, pour tous les cinq, à l’état où j’ai trouvé récemment les sol- fatares de Vulcanoet de Pouzzoles. Une circonstance qui vient à l’ap- pui de cette conclusion, c’est que la température, à Cumbal, était plus élevée que dans les quatre autres bouches, et que (si l’on ex- cepte celle de Pasto) celte température allait même en croissant de- puis Tolima, la plus septentrionale; de sorte que les phénomènes physiques et chimiques semblaient indiquer alors une progression croissante dans l’intensité éruptive de la faille volcanique, à mesure qu’elle s’approchait davantage du nœud central de Quito. Les analyses, faij.es par M. Boussingault, des eaux du Rio-Vinagre, qui sortent des flancs de l’un d’eux, le Puracé, et qui sont chargées de chlorures et même, très probablement, d’acide chlorhydrique libre, prouvent d’ailleurs que ce dernier acide n’est point étranger à ces évents volcaniques (1), et, selon toute apparence, il doit s’v ma- nifester5 chaque fois que le comporte l’intensité éruptive à la sur- face. Il était naturel que je fisse porter la même discussion sur les ma- nifestations des bouches volcaniques que j’ai eu l’occasion d’observer lors de mon premier voyage, de 1840 à 1843. Je passe ainsi successivement en revue, sous ce rapport ; 1° La Guadeloupe, 2° La Dominique, (1) On doit tirer la même conclusion de la petite quantité de chlore et de phosphore que j’ai indiquée dans la roche du Puracé (Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. XLII, p. 1170). MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 261 3° La Martinique, U° Saba, Saint-Eustache et les Saintes, 5° La Trinidad, 6° Fogo, 7° Ténériffe (1), et je montre quelle phase des phénomènes éruptifs reflétait chacune de ces îles volcaniques au moment où je l’ai visitée. La discussion dont je viens d’indiquer les principaux éléments m’ayant amenéà penser que, selon toute probabilité, les conséquences que j’avais déduites de mes éludes sur les volcans italiens s’appli- quent, d’une manière générale, à toutes les émanations volcaniques, j’ai cherché à formuler, dans le tableau ci-joint, les relations qui me paraissent exister entre la nature et le gisement des divers produits de ces émanations. Dans ce tableau, chaque produit est rangé à la fois d’après l’élément électro-négatifet d’après l’élément électro-posi- tif de la combinaison primitive dont il émane. Il n’échappera d’ail- leurs à personne qu’il y a, dans celte disposition même, une donnée soumise en apparence à un certain arbitraire, mais en réalité à un choix raisonné : c’est, dans chaque groupe chimique, la combinaison que l’on suppose primitive, et dont les transformations postérieures réalisent les produits secondaires que l’on observe. C’est à cette discus- sion, qui embrasse à la fois la situation géologique des substances et leurs propriétés, leurs réactions obtenues dans le laboratoire, qu’est consacrée la troisième partie de mon Mémoire. Quant à pré- sent, une simple comparaison permet de se convaincre que les pro- duits primitifs ou secondaires cités, dans mes Lettres ou dans les Mémoires spéciaux que je viens de discuter, comme appartenant à une même fumerolle, se trouvent toujours, dans mon tableau, placés à des niveaux horizontaux peu différents, de manière à y former fa- cilement des groupes qui représentent ceux de la nature. (1) En tenant compte, pour ce dernier volcan, des observations faites par mes devanciers : Labillardière, MM. de Humboldt, Cordier et Léopold de Buch. 262 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856, MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 263 TROISIÈME PARTIE. Dans la troisième partie, qui n’est, pour ainsi dire, que le dévelop- pement et la justification du Tableau précédent, je recherche les réactions chimiques par lesquelles on peut se rendre compte des phénomènes dont je viens de définir la nature et la succession. Voici les principaux points que je traite dans cette partie de mon Mémoire : 1° Pour concevoir le passage des fumerolles sèches à toutes les autres variétés à' émanations chlorurées , il suffit de se rappeler l’ex- périence dans laquelle MM. Gay-Lussac et Thénard ont produit l’acide chlorhydrique par la réaction du chlorure de sodium et de l’eau sur une matière silicatée incandescente. Il est clair que l’on a ici les élé- ments de la réaction, l’eau étant amenée par l’air qui circule dans toutes les parties de l’appareil volcanique, si i’on n’admet pas qu’elle existe toute formée dans la lave incandescente. „ La même réaction explique un fait que j’ai signalé précédemment : savoir, que les feldspalhs des roches volcaniques présentent souvent, avec une structure vitreuse ou indéterminée, une proportion anor- male de soude. 2° L’acide chlorhydrique une fois obtenu, les chlorures alcalins terre.uxou métalliques, résultent naturellement de son action sur les roches qu’il traverse. Néanmoins il y a lieu de se demander si ces chlorures métalliques n’ont pas eux-mêmes une origine primitive et du même ordre que les chlorures secs. L’existence de la cotunnite ou chlorure de plomb pourrait le faire penser. 3° Le chlorhydrate et fiodhydrate d’ammoniaque s’expliquent par l’intéressante expérience de M. Melsens, quï a obtenu le premier de ces sels en mettant en contact avec un corps poreux échauffé un cou- rant d’acide sulfhydrique et de l’eau tenant en dissolution de l’air et de l’acide chlorhydrique. Ici encore on a dans la nature tous les élé- ments de la réaction, et ceci fait concevoir pourquoi le chlorhydrate d’ammoniaque ne se trouve jamais au-dessus d’un certain niveau. L’absorption de l'azote de l’air, dans celle circonstance, n’a lieu sans doute qu’à la faveur de la pression. 4° Les chloroplîosphates dont j’ai, le premier, constaté l’existence dans les laves et dans les produits des solfatares, résultent très vrai- semblablement d’une réaction analogue à celle qu’a si ingénieusement réalisée M. Daubrée. Toutes les réactions précédentes supposent que le chlore et les autres SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. 26/j corps haloïdes viennent au contact de l’air ou de l’eau, à l’état pri- mitif de chlorures, tluorurcs, etc., alcalins. C’est, en effet, la forme sous laquelle je les ai trouvés dans les fumerolles sèches , qui sont les fumerolles primitives par excellence, puisqu’ elles s’échappent de la lave elle-même au moment de sa sortie. Ces composés halogènes décomposent l’eau, absorbent son hydrogène, tandis que l’oxygène se porte sur le métal alcalin rendu libre. C’est par une réaction opposée que procèdent le soufre et le car- bone. Ceux-ci sont engagés primitivement dans des combinaisons hydrogénées, que l’on retrouve aussi dans la nature, et qui viennent se brûler à l’air en formant de l’eau et des combinaisons oxygénées, acides ou neutres. Les produits des émanations sulfurées sont, suivant la température et les conditions de la réaction : 1° L’acide sulfhydrique ; 2° L’eau et la vapeur de soufre ; 3° L’eau et l’acide sulfureux. On conçoit, d’ailleurs, que la vapeur de soufre peut provenir, soit d’une combustion incomplète de l’acide sulfhydrique, soit d’un mé- lange et d’une décomposition réciproques entre ce dernier gaz et l’acide sulfureux. Aussi la vapeur de soufre peut -elle coexister, dans une même fumerolle, avec i’acicle sulfhydrique ou avec l’acide sulfu- reux, tandis que les deux derniers sont incompatibles (1) ; U° L’eau et l’acide sulfurique ; 5° Enfin, tous les produits solides (sulfates alcalins, alumineux, (1) Le choix de l’acide sulfhydrique comme état de combinaison initial du soufre me semble résoudre les divers problèmes relatifs à ces fumerolles plus simplement que l’hypothèse adoptée par M. Bunsen (. Annales cle chimie et de physique, 3e série, t. XXXVIII, p. 272) qui fait arriver le soufre en vapeur sur les roches incandescentes. Il faut alors admettre que le fer se trouve dans ces roches à l'état de sesquioxyde, ce qui n’est pas le cas habituel. La présence du fer oxy- dulé dans les laves s’explique, d’ailleurs, très naturellement par les fumerolles chlorurées. - Quant à l’hydrogène, que cet habile chimiste a trouvé dans les gaz des solfatares islandaises, on peut admettre avec lui qu’il résulte de la décomposition de l’acide sulfhydrique en ses deux éléments, soufre et hydrogène. J’ajouterai même que la haute pression qu’y supportent ces gaz explique comment l’air n’y a pas d’accès, et pourquoi, par conséquent, il ne se forme pas d’acide sulfureux, malgré l’élévation de la température. Cette haute pression ne se trouve nulle part dans les solfatares de l’Italie méridionale; aussi M. Leblanc et moi n’y avons jamais trouvé d’hydrogène libre. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 265 terreux et métalliques) qui résultent de l’action de l’acide sulfurique sur les roches avec lesquelles il vient en contact. Les produits des émanations carburées sont : 1° Les hydrogènes carbonés gazeux ; 2° Les hydrogènes carbonés sous forme de naphle et de bitume, et tenant alors le plus souvent une petite portion d’oxygène ; 3° L’eau et l’acide carbonique ; U° Tous les carbonates formés postérieurement, en particulier, les carbonates de chaux et de soude. De ces réactions il résulte de l’azote que l’on retrouve en excès dans les émanations naturelles. Toutes mes observations viennent d’ailleurs à l’appui de ces expli- cations. On peut voir, entre autres, dans ma Deuxieme lettre à M. Dumas comment l’hydrogène carboné des salses de la Sicile se transforme en acide carbonique, à mesure que les gisements se rap- prochent du foyer incandescent qui gît au-dessous de l’Etna. Parmi les produits secondaires des deux derniers ordres d’émana- tions, il faut citer la silice et l’acide borique. On sait qu’une foule d’analyses et d’expériences (1) permettent, dans les deux cas, de se rendre très bien compte de l’isolement de la silice. Quant à l’acide borique, sa coexistence, à Vulcano comme en Toscane, avec des émanations sulfurées pourrait faire penser avec M. Dumas (quelle que soit, d’ailleurs, la source primitive d’où il émane) que le bore arrive près de la surface à l’état de sulfure. Enfin, l’arsenic, qu’on ne trouve jamais, dans les volcans, combiné qu’avec le soufre ou le sélénium, provient très probablement de l’al- tération, au contact de l’air, d’hydrogènes arsénié et sélénié qui peu- vent être mélangés, en plus ou moins grande proportion, avec l’hy- drogène sulfuré. En résumant les pages précédentes, on voit que tous les ordres d’émanations que j’ai définis et étudiés se séparent nettement en deux groupes, suivant que la substance motrice (pour me servir de l’expres- sion de M. Durocher) est l’hydrogène ou bien un corps haloïde, comme le chlore, le fluor. Et c’est le cas de faire ressortir le remar- quable antagonisme de ces deux grandes catégories d’émanations. Tandis que le chlore et ses congénères décomposent Veau en absorbant son hydrogène et en fixant son oxygène sur le métal alcalin qui les (1) Entre autres, pour l’acide carbonique, les expériences d’Ebel- men, celles de M. Damour, et, pour l’acide sulfhydrique, celles que j ai communiquées à l’Académie des sciences. [Comptes rendus , t. XXXV, p. 64.) 266 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. accompagne, le soufre et le carbone, entraînés au jour par l’hydro- gène, ont au contraire, en quelque sorte, pour mission de reconsti- tuer cette eau aux dépens de l’oxygène de l’air. C’est un exemple de plus de ce dualisme que présentent si fréquemment les phénomènes naturels, et qui tend à maintenir l’équilibre entre les forces qui s’y manifestent. Après avoir expliqué, par des réactions bien définies entre les élé- ments fournis par l’observation, les diverses transformations que su- bissent les fumerolles, il reste à voir comment se justifie leur répar- tition dans l’ensemble de l’appareil volcanique. Et d’abord, sur le cours même de la lave. Ici nulle communica- tion directe avec le foyer intérieur, et, comme j’ai observé ces fu- merolles sur la lave du Vésuve, plus de quinze mois après sa sortie, il faut nécessairement admettre que la matière incandescente apporte avec elle et entraîne jusqu’aux points les plus éloignés qu’elle attei- gne, les substances susceptibles de donner, pour les émanations ha- logènes comme pour les émanations sut fur ê es , tous les produits que j’ai cités précédemment et qui résultent soit de l’entraînement direct, soit de réactions entre les éléments primitifs des émanations et les matériaux des roches ou de l’atmosphère. Quant aux émanations carburées (hydrogène carboné ou acide car- bonique), je n’en ai jamais remarqué de traces sur aucun point de ia lave, et en aucun moment; et les expériences de Davy sur la lave de 1819, à sa sortie, concordent avec les miennes. A la vérité, l’un des gaz recueillis par M. Bunsen sur le courant sorti de i’Hékla en 18A5 contenait une faible proportion (0 , 0 J ) d’acide carbonique. Mais ce savant chimiste n’ayant point indiqué sur quelle portion de la coulée iï avait opéré, lise pourrait que cette pe- tite quantité d’acide carbonique mélangée à l’air normal provînt de la fissure d’éruption, comme l’acide carbonique qui sur l’Etna, en 1856, sortait de la lave de 1838, immédiatement au-dessus de la fissure. Quoi qu’il en soit, pour les deux premiers ordres d’émanations, on voit très bien comment leurs transformations localisent sur le cours de la lave des fumerolles dont les caractères varient, comme je l’ai établi dans la première partie de ce Mémoire, avec la distance au foyer de l’éruption et avec le temps qui s’est écoulé depuis son ori- gine. Car ces deux coordonnées du temps et de l’espace représentent, en définitive, les variations de la température, sous l’influence des- quelles se forment, au moyen des éléments primitifs des émanations et des éléments accessoires fournis par ies roches ou par l’atmo- sphère, les divers produits que j’ai énumérés pour chaque ordre. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 267 Ainsi se présentent successivement et à des températures de moins en moins élevées : les chlorures secs et les sulfates alcalins ; l’acide chlorhydrique ou les chlorures métalliques avec l’acide sulfureux ; ce dernier acide ou ie soufre en vapeur ou même l’hydrogène sulfuré avec le chlorhydrate d’ammoniaque. Ce ne sont évidemment que des modifications concomitantes, sous l’influence de causes physiques et chimiques variables, d'un même mélange entraîné avec la matière incandescente. La question la plus délicate que présente l’étude des fumerolles de la lave gît dans cet entraînement, dans celte sorte de condensation par la matière incandescente, des substances gazeuses qui s’en échappent plusieurs années encore après sa sortie. Les meilleurs observateurs sont restés convaincus que les choses se passent de la sorte, et, si l’on n’en voit pas encore d’explication bien satisfaisante, on peut au moins signaler, dans la nature et dans les laboratoires, certains faits qui semblent en connexion avec cette singulière propriété des rcches silicatées en fusion. Je ci- terai particulièrement les obsidiennes . Ces verres naturels ne sont dus, comme on sait, qu’au refroidissement rapide des laves, surtout de celles qui sont riches en silice. Or, la plupart des obsidiennes re- cèlent encore de l’eau, du chlorure de sodium, des matières bitu- mineuses ou ammoniacales, et, si elles viennent à être chauffées bien au-dessous de leur point de fusion, elles se boursouflent, deviennent extrêmement poreuses, passent, en un mot, à l’état de pierres pon- ces. Il semble donc que, dans la formation des obsidiennes, ie brus- que passage à l’état vitreux se fait avant l’entier dégagement des substances volatiles, dégagement que favorise sans doute le travail de la cristallisation, et qui en est même peut-être une conséquence (1). On trouve des difficultés plus grandes encore lorsque l’on passe des fumerolles de la lave à celles qui, sur le cône volcanique lui- même, s’échelonnent suivant une fissure diamétrale, communiquant avec le foyer intérieur, de telle sorte que leur nature même puisse changer, soit avec l’espace, soit avec le temps. Ainsi, à Vulcano, du cratère central sortent des fumerolles à chlorhydrate d’ammoniaque et à acide sulfureux ; puis, sur la pente du cône, des vapeurs sulfu- reuses avec dépôt de soufre; plus loin encore, l’acide sulfhydrique, mélangé d’un peu d’acide carbonique; enfin, à la limite de l’aire (1) La formation des zéolithes dans les dolérites et dans les basaltes pourrait être due, au contraire, à ce que les vapeurs, bien que moléculairement dégagées des matières de la roche, resteraient emprisonnées par une haute pression ou par toute autre cause. 268 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. d’activité, l’acide carbonique pur. Ou bien encore, sur le cône de l’Etna, la fissure de 1838, après avoir donné très probablement au début de l’éruption des gaz chlorurés, et certainement des gaz sul- furés (puisque de ces derniers on voit encore les traces), ne déga- gera plus, en 1856, que de l’acide carbonique. Ces variations dépendent d’un ordre de causes semblable à celui qui a produit, dans l’intérieur d’un même filon, le dépôt successif de matériaux divers. En embrassant les phénomènes dans toute leur généralité, on reconnaît un lien entre les émanations que nous voyons se succéder les unes aux autres dans nos volcans, pendant le cours d’une éruption, et celles qui, dans la série des âges du globe, ont prédominé à chaque époque. Ainsi, pour fixer les idées, lorsque, au début d’une éruption, les orifices delà îave rejettent des gaz chlorés et fluorés, en même temps qu’il se fixe dans la roche de la chaux phosphatée et du fer oxydulé, n’est-ce pas, dans l'époque actuelle, l’équivalent des phénomènes d’émanations qui, sous l’influence des mêmes agents d’entraînement, le chlore et le fluor, ont enrichi les roches les plus anciennement consolidées de tourmalines, de topazes, de chaux phosphatée, d’étain oxydé, en un mot, de cette pléiade de corps, intimement associés les uns aux autres, et dont on a si heureu- sement caractérisé le rôle en les appelant la pénombre du granité? Lorsqu’on passe des corps haloïdes aux autres corps simples élec- tro-négatifs qui jouent le principal rôle dans les émanations volca- niques, on trouve des circonstances analogues, et l’examen du Tableau delà page 262 prouve qu’en rangeant les émanations d’après l’élément électro-négatif (chlore, soufre, carbone) qui les caractérise, on les range sensiblement aussi, à la fois, d’après leur ordre d’apparition et d’après leur ordre d’intensité. L’intervention de ces corps simples présente ainsi dans les phéno mènes volcaniques, ou, plus exactement, dans une éruption actuelle, la même loi de succession que daus l’ensemble des phénomènes éruptifs du globe ; et des deux côtés, en se tenant, bien entendu, dans les termes les plus généraux (1), on pourrait reconnaître Y âge du fluor, Y âge du chlore , Y âge du soufre , Y âge du carbone. (1) Cette restriction ne devient même plus nécessaire si, comme je le fais dans le tableau, on tient compte de l’élément électro-positif, et si l’on dit en même temps : âge de potassium , âge de sodium , âge de calcium ‘ ou âge d'étain , âge de plomb , âge de Jcr ; ou âge de phosphore , âge d'arsenic , âge d’azote. C’est dans une sorte d’harmo- nie et d’équilibre, dont on entrevoit déjà très bien les lois, entre ces deux éléments (électro-positif, électro-négatif) de toutes les substances MÉMOIRE 1)E M. DEYILLE. 269 Il serait peut-être prématuré de chercher aujourd’hui à pénétrer bien avant dans la recherche des lois qui ont imprimé d’une manière si évidente un cachet, commun tout à la fois et varié, à l’ensemble de ces manifestations, perpétuellement actives, des forces intérieures du globe sur son enveloppe extérieure. Mais je croirais avoir rendu un vrai service aux sciences géologiques, si j’avais établi, par des observations et par des expériences faites sur la nature même en tra- vail, le principe de ces analogies générales et si j’avais, pour ma part, contribué à frayer la voie dans laquelle s’en trouvera un jour l’ex- plication. Au reste, ces lois de coordination ne se manifestent pas seulement aujourd’hui dans les phénomènes des volcans; elles se vérifient même dans les effets d’actions de ce genre qui sont passées à des époques antérieures à la nôtre, chaque fois qu’on en peut saisir encore un dernier représentant. Sans quitter l’Italie, on en voit une preuve dans le célèbre gîte alunifère de la Tolfa. Des émanations très variées qui se sont fait jour au moment de sa formation, et dont on y retrouve les traces incontestables, il ne reste plus que le dernier terme, l’acide carbo- nique, qui se dégage, au pied même de la colline, de la source ther- male de Civila-Vecchia. Non loin de là, en Toscane, sont les solfa- tares de Pereta etdeSelvena; M. Coquand, dans un mémoire très intéressant ( Bulletin de la Société géolog. , 2e série, t. VI, p. 91), a fait voir que ces manifestations actuelles doivent être considérées comme les dernières conséquences d’un fait éruptif plus ancien et plus considérable, qui a produit, dans le voisinage, les fdons de quartz antimonifère, et il rattache, avec toute vraisemblance, à des causes primitives analogues les suffioni ou lagoni d’où l’on extrait l’acide borique, et dont les émanations gazeuses contiennent, d’après M. Payen, de l’hydrogène sulfuré et de l’acide carbonique. Enfin, les régions d’eaux minérales, considérées dans leur en- semble, peuvent être, comme je l’ai prouvé pour celles de la France [Annuaire des Faux de la France , Introduction, p. liv), caracté- risées par la prédominance des chlorures, ou des sulfates, ou des minérales, qu’il faut chercher la méthode naturelle de leur classifica- tion et le secret de l’emploi qu’en a fait la nature. C’est aussi cet ordre de considérations qui m’a guidé dans la rédaction du Tableau de la répartition des corps simples dans les substances naturelles, que j’ai soumis à l’Académie des sciences dans sa séance du 22 janvier 1855, et que mes études ultérieures m’ont amené à modifier dans quelques-unes de ses parties. 270 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. carbonates ; et cette circonstance n’est autre chose que îe reflet actuel, et probablement variable à très longs termes, des émanations gazeuses qui ont accompagné le soulèvement des chaînes qui recè- lent ces sources, ou, plus exactement, les roches éruptives qui ont été les agents secondaires de ce soulèvement. Ainsi la question se simplifie peut-être en se généralisant. Les émanations gazeuses de tous les âges, et leurs produits immédiats, ont pour origine première la venue au jour, ou près du jour, d’une masse éruptive Hthoïde ; et leurs conditions physiques et chimiques ont, pour un même gisement, varié continuellement et dans un sens déterminé, à mesure que s’éloignait l’époque de leur première apparition. Voilà donc le lien qui rattache l’histoire des émanations gazeuses actuelles à celle des grands phénomènes éruptifs de notre globe, et, par suite , à celle des grands phénomènes mécaniques qui ont accidenté la surface. C’est ce point de vue stratigraphique de la question que j’aborde dans la quatrième et dernière partie de mon Mémoire. QUATRIÈME PARTIE. Les problèmes stratigraphiques qui se rattachent aux phénomènes de la volcanité sont nombreux, et l’on concevra aisément que mon intention ne pouvait être de les examiner tous dans ce travail. Res- tant dans les limites que m’imposait le cadre de mon Mémoire, j’ai recherché seulement : 1° comment se répartissent les orifices d' émanations sur un même massif volcanique ; 2° si les gisements qu’ils affectent sur un volcan pouvaient se rattacher aux grands acci- dents stratigraphiques de la contrée. Je ne traite même ces questions que relativement aux deux grands volcans italiens, sur lesquels ont porté mes dernières études, me réservant de les reprendre plus tard avec toute la généralité qu’elles comportent, mais aussi après les travaux de critique et de compa- raison qu’elles exigent. On sait que, sur un volcan, l’effet d’une éruption est de former de grandes crevasses, dont la direction prolongée passe toujours sen- siblement par le centre du cratère supérieur (1). M. Elie de Beau- mont a même montré que l’exhaussement qui doit résulter de cet ëtcüement surpasse, pour l’Etna, toutes les variations durables que peut éprouver la gibbosité centrale, par la suraddition graduelle (1) Léopold de Bu ch, Descri pilon des îles Canaries , traduction de M. Boulanger, p. 330. MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 271 des produits des éruptions (1). En outre, iVI. Cario Gemmello a con- clu, de ses nombreuses observations sur le même volcan, que les premiers cônes ou orifices qui se déterminent sur la crevasse d’une éruption sont aussi ceux qui se trouvent le plus haut vers la cime, qu’il s’en forme successivement d’autres plus bas, et qu’enfin la violence de l’éruption et la masse des laves qui s’écoulent sont d’au- tant plus considérables que l’orifice s’est de plus en plus abaissé. Les observations faites par M. Élie de Beaumont sur les trois ori- fices qui, sur une même fissure de l’Etna, ont donné successivement des laves en 1832, corroborent entièrement la remarque de M. Gem- melio (2). Cela n’est rigoureusement vrai que lorsqu’on compare entre eux les divers orifices d’une même éruption. Néanmoins, dans chaque volcan, on reconnaît, d’une manière générale, un rapport entre le volume des courants de lave et l’altitude de leur point de sortie. C’est ainsi que les deux plus grandes laves de l’Etna, celles de 1669 et de l’an 396 avant J.-C. , sont précisément celles dont les points de sortie sont le moins élevés. Le Vésuve a présenté des faits sem- blables lors de ses principales éruptions en 163 i , en 1760, en 1 794 ; et la dernière éruption de ce volcan, celle de 1855, a parfaitement confirmé les remarques faites sur l’Etna. Réciproquement, la plupart des éruptions qui, sur l’Etna ou sur le Vésuve, se sont déclarées à une petite distance du sommet, ont été de petites éruptions, se succédant ordinairement à de courts intervalles, ou d’une manière presque commune. Telles ont été, en particulier, les deux périodes d’éruplivité faible et continue qu’a présentées le Vésuve de 1813 à 1820 et de 1 842 à 1848. On peut donc distinguer, dans un volcan actif, deux sortes d’ap- pareils. L’un, Y appareil normal ou central, placé au sommet et dans l’axe du cône supérieur, fonctionne d’une manière plus ou moins variable, mais continue ; l’autre, que j’appellerai X appareil adventif ou excentrique , ne se manifeste que lors d’une éruption, et ses organes (c’est-à-dire la fissure et les orifices qui la jalonnent) ne se révèlent habituellement qu’à une certaine distance de l’axe du cône, et cessent de fonctionner lorsque cesse l’éruption. (1) Annales des mines, 3e série, t. IX, p. 626. (2) Si l’on évaluait, par le nombre des jours pendant lesquels la lave a coulé, en 1832, la violence relative de l’éruption pour les trois orifices ' ouverts successivement, on aurait les rapports suivants: 1 : 3 : 17 ; mais ces rapports sont beaucoup trop faibles, parce que le volume des laves, à leur sortie, était beacuoup plus considérable dans les orifices inférieurs, et surtout dans le dernier. 272 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. Le premier appareil donne, dans les moments de tranquillité, des vapeurs toujours aqueuses qui, suivant l’intensité actuelle du volcan, ou même du point particulier d’où elles s’échappent, entraînent, avec ou sans pression, des acides chlorhydrique et sulfureux, accompa- gnés ou non de chlorures métalliques ; ou l’acide sulfureux seul ; ou de la vapeur de soufre ; ou de l’acide sulfhvdrique ; ou de l’acide carbonique, jamais d’hydrogène carboné. C’est toujours cet appareil normal qui donne, par une explosion et par la formation d’un gouffre plus ou moins profond, le signal d’une éruption. Le plus ordinaire- ment l’explosion n’a pas lieu au centre même du cratère, mais sur un de ses bords, et du côté où se fera la fissure, laquelle se déter- mine quelques heures ou quelques jours après, rarement, comme dans la dernière éruption du Vésuve, quelques mois après. Le plan de la fissure éruptive entame quelquefois le cône sur deux génératrices opposées ; mais, le plus souvent, cette fissure ne se ma- nifeste que d’un seul côté. Une fois formée, elle laisse échapper avec la lave les fumerolles sèches ou chlorures alcalins anhydres, puis successivement les autres produits gazeux que j’ai énumérés dans la première partie de mon Mémoire. A mesure que s’abaisse sur la fis- sure, comme je viens de le dire, le siège de l’éruption, les orifices supérieurs de la fissure subissent des dégradations d’intensité qui se traduisent par les mêmes variations dans leurs produits gazeux ; puis ils s’éteignent peu à peu, et l’appareil central reprend progressive- ment l’intensité qu’il avait, en partie, perdue pendant l’éruption. Souvent, dans cette réintégration des forces éruptives au foyer normal, il arrive que la mesure habituelle de ces forces est dépas- sée, et que l’incandescence s’y manifeste : c’était le cas de l’Etna, en 1788, quand l’observa Spallanzani, peu de mois après une éruption. Quelquefois même l’intensité qu’acquiert le sommet par cette sorte de réaction est suffisante pour y établir une série presque continue de petites éruptions: c’est ce que l’on voit aujourd’hui au Vésuve. Ce dernier cas coïncide presque toujours avec la formation, au centre du cratère, d’une dépression plus ou moins profonde. Il n’est pas rare que ce gouffre, formé à la suite de la grande érup- tion, soit peu à peu comblé par les petites laves, et que celles-ci finissent par déborder le cratère lui-même, comme cela est arrivé au Vésuve en 1848, après six ans d’éruptivité faible et presque con- tinue. En résumant ce que je viens de dire, dans le plan de fissure d’une éruption on peut considérer deux lignes partant toutes deux du foyer intérieur, à quelque profondeur qu’on le suppose d’ailleurs MÉMOIRE DE H. DEYILLE. 27 S situé* L’une est l’axe même du cône volcanique autour duquel se coordonnent les émanations du sommet, ou l’appareil normal; l’autre aboutit au point de la fissure, d’où, en un moment donné, s’écoule la lave : ce sera, si l’on veut, l 'axe éruptif; et l’on peut dire, au moins d’une manière générale, que plus est grand l’angle de ces deux lignes, plus est grande aussi la violence de l’éruption. Les choses peuvent se concevoir de la manière suivante : Lorsque, par des circonstances particulières (dont il est aisé, d’ailleurs, d’ima- giner plusieurs causes probables), le noyau central de la montagne volcanique est formé de matière fluide incandescente, celle-ci, exer- çant une pression intérieure, tendra à s’écouler par le point le plus bas d’une fissure, préexistante ou non, et l’écoulement sera d’autant plus abondant que le point sera situé plus bas. Quant aux matières gazeuses, elles tendent toujours à s’échapper par les orifices du som- met, placés immédiatement au-dessus du foyer. Lorsque la matière fluide intérieure ne sera pas assez abondante pour déterminer une rupture nouvelle ou la réouverture d’une fente ancienne, elle pourra elie-même atteindre le fond du cratère supérieur, et elle y détermi- nera, soit un simple amas de lave incandescente, soit une succession de très petites éruptions. C’est en m’appuyant sur les déductions de tous les faits que j’avais observés jusqu’alors que, me trouvant, en mai 1856, au sommet du Vésuve, et voyant toutes les manifestations volcaniques se parquer de plus en plus vers le centre du cratère, où s’était formée une vaste dépression, je n’hésitai point à annoncer que, suivant toute probabi- lité, il s’établirait avant peu, au fond de cet abîme, une série de petites éruptions (1). Et j’eus la satisfaction, à mon retour de Sicile au mois d’août suivant, d’être moi-même témoin du fait que j’avai prévu (2), et qui se poursuit encore en ce moment (3). A ce point de vue, Stromboli n’est autre chose qu’une cheminée volcanique dans laquelle la lave incandescente atteint aisément le sommet, mais sans exercer jamais sur les parois latérales une pres- sion suffisante pour les fissurer. L’axe éruptif y coïncide toujours (1) Cinquième lettre à M. Elie de Beaumont ( Comptes rendus , t. XLIII, p. 24 3). (2) Sixième lettre à M. Élie de Beaumont ( Comptes rendus ? t. XLIII, p. 435) . (3) Ainsi que me l’annonce M. Guiscardi, par une lettre en date du 16 novembre 1856: les pierres incandescentes rejetées par le Vésuve s’aperçoivent même de Naples pendant la nuit. Soc. géol., 2e série, tome XIV. 4 8 27 h SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. sensiblement avec l’axe même du cône, et il doit en résulter, ce qui s’observe, en effet, une succession lion interrompue de très petites éruptions, dans lesquelles les matières gazeuses, et surtout la vapeur d’eau, -jouent un grand rôle. On peut dire qu 'actuellement le Vésuve est dans la phase strom- bolienne. Cette phase d’éruptivité fera à son tour place à une autre ; car c’est le propre des volcans actifs de pouvoir passer successivement par tous les ordres d’intensité, depuis les plus élevés jusqu’aux derniers. Bien plus, un même volcan présentera à la fois des émanations correspondant à divers ordres d’intensité éruptive, et cette circon- stance nous ramène à la considération qui domine tout ici, à celle des fissures d'éruption . En effet, si l’on observe, comme je l’ai fait au Vésuve et à l’Etna, que du cratère supérieur, c’est-à-dire du centre commun où viennent converger toutes les fissures, s’échap- pent, dans le meme moment, des fumerolles absolument différentes par leur température comme 'par leur composition chimique, on pourra s’assurer que ces émanations appartiennent à des fissures différentes, ayant servi à des éruptions dont on peut assigner les dates. D’un autre côté, en suivant la trace d’une même fissure, on pourra constater des variations dans les conditions physiques et chi- miques des fumerolles, à mesure qu’on s’éloignera du centre vers la circonférence. Ces tissures, qui, comme tout le démontre, jouent un rôle pré- pondérant dans les phénomènes volcaniques, sont-elles des accidents éphémères ? Chacune d’elles, après avoir donné issue dans une éruption aux émanations litboïdes ou gazeuses, est-elle destinée à s’oblitérer entièrement ? Des faits nombreux, signalés en partie dans mes douze Lettres sur les volcans italiens, prouvent que quelques-uns au moins de ces plans de fissuration ont entamé les massifs^voîcaniques d’une ma- nière assez profonde et assez persistante pour que leurs directions se retrouvent fréquemment, pour certains même avec une sorte de régularité, lors des principales explosions des forces éruptives. C’est ainsi qu’en 1855, comme dans toutes les grandes commo- tions du Vésuve, l’acide carbonique s’est dégagé uniquement sur deux lignes, divergeant toutes deux du cratère supérieur, et se diri- geant, l’une sur Résina, l’autre sur Torre del Greco, c’est-à-dire que les mofettes ont suivi les fissures des deux plus grandes érup- tions de ce volcan, celles de 1631 et de 179ù. On sait d’ailleurs qu’il n’y a qu’un seul indice à peu près certain d’une prochaine MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 275 éruption du Vésuve : c’est la disparition de l’eau dans les puits de Résina et de Torre del Greco. Maintenant, prolonge-t-on la fissure éruptive de 1853? Après avoir passé au sommet du cône, elle ira tomber de l’autre côté, pré- cisément sur les Bocche-Nuove de 1760, c’est-à-dire sur l’origine de la seule coulée qu’on poisse comparer, pour son importance, à celles de 1631 et de 1794. La fissure de la grande éruption de 1850, prolongée de l’autre côté du grand cratère, ira passer au sommet du cône des Camaldoli , le seul cône aclveniif qui, sur le domaine du Vésuve, soit compa- rable à ceux de l’Etna. La tissure de la grande lave de 1834 coïncide, à la fois, avec les deux profondes dépressions qui limitent, à l’est et à l’ouest, le mas- sif de la Somma (1). D’un autre côté, j’ai déjà fait voir (2) comment les émanations gazeuses actuelles des Champs Phlégréens se coordonnent d’une ma- nière frappante, quant à leurs gisements, avec celui du Vésuve, autour duquel ils forment comme une sorte d’auréole. Ainsi, tous les points de ce genre situés à l’ouest du volcan, depuis Ses Étuves de Néron, au pied du Monte-Nuevo (3), jusqu’à la source de Santa- lucia, en passant par la Solfatare et le lac d’Agnano, sont sensible- ment sur une ligne droite qui joint le Vésuve et le Vultur, et ren- contre encore sur sa route la dépression qu’occupe le lago del Dragone. Si l’on réunit ensuite le sommet du Vésuve et la cavité d’où est sortie, en 1538, la lave de l’Arso, ou aura une seconde ligne qui touchera à la fois, au sud-ouest, l’Epomeo, point culminant de l’île d’ischia, et au nord-est le lac d’Amsante qui est aussi un lieu d’émanations (4). Gette ligne épousera la fissure de la grande érup- tion de 1631, et à Résina elle passera au-dessus d’Hercuianum, l’une des villes détruites l’an 79 de notre ère. Une troisième direction réunira, du nord-ouest au sud-est, le cratère de soulèvement de Roc- caiponfma, le sommet du Vésuve et l’emplacement de Pompéi, la (1) Toutes ces coïncidences se voient très bien sur la petite carte du Vésuve qui accompagne le mémoire publié récemment par la com- mission napolitaine sur les éruptions de 1 850 et de 1 855, et dont les auteurs ont fait hommage à la Société géologique de France. (2) Dixième lettre à M. Elie de Beaumont. [Comptes rendus , t. XL1II, p. 750. ) (3) Et môme depuis le lac de Fusaro, dans lequel, d’après M. Bau- beny, le poisson fut subitement détruit par des émanations qui sui- virent la grande éruption du Vésuve, en 1834. (4) .Cette coïncidence avait déjà été signalée par M. Abich, 276 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. seconde des villes détruites en 79. Une quatrième ligne, enfin, menée du sommet du Vésuve à la cime du monte San-Angelo, point culminant de la chaîne de Salerne, rencontrera à Castellamare, à la fois, les sources minérales et les ruines de Stabies, la troisième des villes romaines détruites dans cette mémorable éruption. De toutes ces concordances , qui empruntent évidemment leur faison d’être aux grandes causes physiques, je conclus que le massif du Vésuve est étoilé suivant un certain nombre de fissures diamé- trales dont je viens de citer les plus saillantes, et dont les directions sont liées avec tous les accidents volcaniques passés et actuels du sol de la Campanie. L’Etna présente des faits du même genre et sur une plus grande échelle. Sans entrer dans de longs détails que ne comporte point cette analyse de mon Mémoire, il me suffira de faire remarquer ce fait (qu’on peut vérifier sur toutes les cartes de l’Etna, et particulière- ment sur celle où M. Giuseppe Gemmeilaro a représenté le cours de toutes les laves connues de ce volcan), à savoir, que ces éruptions s’y groupent autour de deux axes perpendiculaires l’un sur l’autre, et dont l’un coïncide avec celui de la grande dépression longitudi- nale qui forme le val del Boue. Les accidents du val del Bove lui- même, et en particulier ses nombreux filons, se coordonnent très bien avec ces deux axes et avec deux autres lignes qui font aussi entre elles un angle droit, et dont l’une coïncide, en l’expliquant, avec la crête un peu excentrique du Bosco délia C irrita (1). J’ajouterai qu’une cinquième direction réunit la grande éruption de 1069, la fissure de 1838, d’où se dégage encore aujourd’hui de l’acide carbonique, et que, prolongée au nord, elle passe au milieu des îles Éoliennes et à très peu près au sommet du Vésuve ; en d’autres termes, elle coïncide avec le système du Ténare, et est, par conséquent, perpendiculaire à l’axe volcanique de la Méditerranée ou au système des Alpes principales, qui ont été tous deux déjà signalés en Sicile et à l’Etna. Enfin, je rappellerai que j’ai déjà montré (2) comment toutes les traces d’émanations anciennes ou actuelles de la Sicile : amas de sel gemme et de gypse, dépôts de soufre, dégagements d’acide carbo- nique ou d’hydrogène carboné, se répartissent sur trois grands (4 ) Voyez la carte de M. Élie de Beaumont et celle de M. Sartorius de Waltershausen. (2) Deuxième lettre ci M. Dumas sur les produits d’émanation de la Sicile. ( Comptes rendus , t. XLIIl, p, 367.) MÉMOIRE DE M. DEVILLE. 277 alignements dont l’entre- croisement a donné à cette îîe sa forme triangulaire. En effet, qu’on jette les yeux sur la précieuse carte qu’a laissée Frédéric Hoffmann : les émanations d’hydrogène carboné pur se trouvent à Girgenti, au milieu des marnes crétacées, sur une ligne remarquable qui est un des lieux géométriques du gypse, du soufre, du sel gemme, et qui, prolongée des deux côtés par une coïncidence qui ne peut tenir du hasard, passe à l’est 20 degrés nord par Ter- rapilata et le sommet de l’Etna, à l’ouest 20 degrés sud par les Macalube de Girgenti et par le point à jamais célèbre de la Médi- terranée qui a vu s’élever et disparaître l’île Julia. L’azote pur se trouve près de Catane, sur une ligne qui, diri- gée de l’ouest-nord-ouest à l’est-sud-est, représente très bien le système des Pyrénées, et joint les diverses buttes basaltiques qui, comme celles de la Motta, de Valcorrente, de Paternô, limitent au sud le domaine de l’Etna, et forment l’un des bords de la grande plaine de Catane. En suivant exactement cette seconde direction, on tombe sur San-Biaggio, Paternô, c’est-à-dire sur des exhalaisons d’abord riches en azote, puis devenant presque exclusivement car- boniques. Une ligne exactement parallèle à cette dernière forme l’autre bord de la plaine de Catane, passe à Palagonia et au lac de Palici, puis, en divergeant des deux côtés, suit vers le sud-est, presque jusqu’à Syracuse, les buttes basaltiques du val di Noto, et au nord-ouest va couper le premier alignement entre Castrogiovanni et Caltascibeita, au nœud stratigraphique de la Sicile, et de là s’étend vers le massif nummulitique du Monte-Madonia, en épousant successivement tous les gîtes de soufre, de gypse et de sel gemme de cette région. Joint-on le lac de Palici à Paternô, on a une troisième direction tout aussi remarquable que les précédentes. Celle-ci, de Paternô, ira couper le centre du val del Bove, c’est-à-dire le centre de l’ancien Etna; puis après avoir traversé la chaîne la plus ancienne de la Sicile, parallèlement aux côtes orientales entre Catane et Messine, et parallèlement au système des Alpes occidentales, elle joindra les deux seuls îlots granitiques de cette chaîne septentrionale, et entre les deux, par une bonne fortune inespérée, elle rencontrera un petit amas de gypse (1) qui serait comme perdu entre le gneiss et le ter- rain subapennin, s’il ne trouvait sa raison d’être précisément dans l’inflexibilité de ces directions qui se jalonnent ainsi d’une manière toute géométrique. (1) À Gcssa ; le gypse a môme donné son nom à la localité. 278 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856* Enfin, l’une des parallèles à ce dernier alignement qui passe par la région centrale de la Sicile, et à l’ouest de laquelle on ne trouve plus aucun accident dans cette direction, va traverser les îles Éoliennes précisément de Vulcano à Strombolï, jalonnant ainsi la faille transversale dont j’ai parlé dans ma neuvième Lettre à M. Élie de Beaumont (1), faille qui réunit à la fois les deux seuls volcans actifs du groupe et toutes les émanations isolées, et sur laquelle, d’après la précieuse observation de RL Biot, les oscillations du pen- dule sont d’une remarquable régularité. Les faits nombreux que je viens de citer, et auxquels on pourrait ajouter une fouie d’autres, m’autorisent, je pense, à conclure que tous les accidents éruptifs de l’Etna, de la Sicile et des îles Éoliennes, se coordonnent suivant neuf directions, dont six sont perpendicu- laires deux à deux, et dont trois coïncident avec des systèmes de soulèvement que M. Élie de Beaumont, partant d’observations d’un autre ordre, a depuis longtemps signalés comme jouant un très grand rôle dans l’orographie de l’Europe et dans celle de l’Afrique septentrionale. Ainsi je suis conduit, par le développement naturel et synthétique de mon sujet, à reconnaître un lien (qu’on pouvait, d’ailleurs, soup- çonner à priori) entre la répartition des émanations volcaniques et les actions mécaniques puissantes, qui ont, à diverses époques, brisé la croûte du globe et qui ont partout laissé des traces ineffaçables. Le premier, ie plus grand pas qui ait été fait dans cette voie, est dû à cette double remarque de M. Léopold de Buch : 1° Les volcans, au lieu de se répartir d’une manière indéterminée sur la surface du globe, constituent le plus souvent des chaînes ou alignements , qui se coordonnent d’une manière frappante avec les grands accidents géographiques ; 2° Certains volcans particuliers forment le centre d’un grand nombre d’éruptions, qui ont lieu autour d’eux dans tous les sens d’une manière presque régulière. Ce sont les volcans centraux . On le voit, l’illustre géologue dont je rapporte ici les propres ex- pressions (2), non-seulement ne relie pas directement les volcans centraux aux chaînes volcaniques, qu’i! considère connue formant deux classes essentiellement différentes ; mais i! explique (B) comment les premiers se déterminent isolément parce que les matières qui (1) Comptes rendus, t. XLIII, p. 686. (2) Description des îles Canaries , p. 324 de la traduction fran- çaise par M. C. Boulanger. (3) Ibid., p. 325. MÉMOIRE DE fit. DEVILLE. 279 cherchent à se faire jour jusqu à la surface ne trouvent aucune faille par laquelle elles pmissent facilement se frayer un passage. D’où résultent ^indétermination dans la forme de la fracture et la possibi- lité des éruptions circonvoisines dans tous les sens . Je crois être le premier qui aie proposé de modifier la seconde de ces notions fondamentales en l’énonçant de la manière suivante : Un volcan central occupe toujours, sur un alignement volcanique, un point singulier, déterminé par la rencontre de deux ou de plusieurs alignements. J’ai exprimé cette pensée, dès 18A3 (1), à la suite du tremblement de terre de la Guadeloupe, où j’avais constaté des se- cousses ondulatoires, des mouvements d’oscillation et des mouvements de trépidation. Je l’ai poursuivie depuis et appliquée à la chaîne des Antilles, aux archipels des Canaries et du Cap-Vert (2), et j’ai même fait voir que, sur l’île de Ténériffe, chacune des directions qui vien- nent se couper au pic de Teyde est liée à l’apparition d’une nature particulière de roches volcaniques. •Cette idée me paraît avoir reçu, depuis lors, une éclatante confir- mation lorsque, guidé par un ordre de considérations tout différent, RL Élie de Beaumont a été amené à faire choix, pôur l’adaptation à la surface du globe de son réseau pentagonal, d’un triangle tri-rec- tangle, dans lequel l’Etna occupe un des sommets, de telle sorte que l’un des côtés aille passer à Ténériffe et que l’autre, tombant au N. 10° O., lie successivement le volcan sicilien aux îles Éoliennes, au Vésuve et au Mowna-Roa des îles Sandwich. Ainsi, répartition géographique des volcans, répartition des effets mécaniques des tremblements de terre, répartition des effets chi- miques des émanations, tout, dans la stratigraphie volcanique, semble concorder avec Ses déductions de la stratigraphie générale. Si je ne me trompe, il y a, dans les études dont je viens de résumer les principaux résultats, tout un avenir de travaux aussi variés dans leurs moyens qu’intéressants pour leur objet, et je serais heureux s’il m’était permis d’espérer que mes faibles efforts pussent contribuer, pour leur part, à féconder un jour cette partie de la science. (1) Observations sur le tremblement de terre éprouvé à la Guade- loupe le 8 février 1843, p. 31 et 42. (2) Voyage géologique aux Antilles et aux îles de Ténériffe et de Fogo , t. I, 1 r* partie, p. 99. 280 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. M. Deiesse fait la communication suivante : Sur la pierre ollaire, par M. Deiesse. On donne le nom de pierre ollaire à des roches très tendres qui se travaillent avec une grande facilité sur le tour et qui peuvent supporter l’action du feu. Ces roches sont répandues sur tous les points du globe. Dans l’Inde, en Égypte ainsi qu’en Italie, leur emploi pour la fabrication d’ustensiles de ménage remonte à un temps immémorial. Pline avait nommé la pierre ollaire Lapis comensis, du lac de Gôme à l’extrémité duquel on l’exploitait. Les Anglais l’appellent Pottstone% les Italiens Lavezzi , les Allemands Lavezstein , S chneidestein, Gilt- stein , Topfstein . L’Exposition universelle ayant réuni une nombreuse collection de pierres ollaires provenant de divers pays, j’ai pensé qu’il y aurait de l’intérêt à les étudier. Je remarquerai tout d’abord que la pierre ollaire ne forme pas une espèce minérale, comme quelques auteurs paraissent l’admettre; c’est une roche et elle a même une composition minéralogique très variable. Je rappelle scs propriétés physiques qui restent à peu près les mêmes, quelle que soit sa composition minéralogique. Sa couleur est verte, vert noirâtre, grise, plus rarement blanche. Elle est très douce au toucher et elle se laisse facilement rayer par l’ongle. Elle n’est pas sonore, et elle reçoit l’empreinte du marteau sous lequel elle s’écrase. Elle est réfractaire ou au moins très difficilement fusible. Elle se laisse tailler, couper et scier très aisément; enfin, comme son nom l’indique, on peut en fabriquer sur le lourdes ustensiles de ménage. J’ai déterminé, avec M. Brivet, la composnion de quelques pierres ollaires ? I. — Pierre ollaire verte foncée avec lamelles entre-croisées de chlorite vert noirâtre et quelques grains de fer oxydulé titané de Drontheim (Norwége). IL — Pierre ollaire verte grisâtre, avec lamelles de chlorite qui lui donnent une structure schistoïde, de Potton (Bas Canada). III. — Pierre ollaire verte grisâtre avec grandes lamelles de talc blanc verdâtre argenté, des paillettes microscopiques de chlo- rite verte foncée, du fer oxydulé, du carbonate à base de magnésie et de fer de Chiavenna (Suisse). IV. - — Pierre ollaire verte grisâtre, à structure fibro-laiîielleu&e, contenant da fer oxydulé et du carbonate à base de magnésie et de fer, de Kvikne (Norwége). NOTE DE M. DELESSE. 281 V. * — Pierre ollaire gris d’ardoise, un peu schistoïde, avec lamelles de chlorite vert foncé et talc grisâtre, de Kutnagherrv (Inde). 1. II. III. IV, Y. Silice 27,51 29,88 36,57 38,53 47,12 Alumine ) Sesquioxyde d,e fer. j 29,65 (1) 29,53 | 1,75 5,85 3,55 8,20 8,07 3,82 Magnésie , par diffé- rence 29,27 28,32 35,39 (2 31,45 32,49 Chaux 1,50 0,77 1,44 4,02 » Eau 12,05 1 1,50 4,97 4,25 8,50 Acide carbonique. . . » » 14,03 10,00 » Somme .... 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 On voit que Sa composition des pierres ollaires est très variable ; cependant toutes sont des hydrosilicates de magnésie. J’observerai d’abord qu’il est très bizarre de trouver de l’eau dans une roche qui supporte sans se fissurer la chaleur nécessaire à la cuisson des aliments, Wiegleb, qui s’est occupé de son analyse, ne la mentionne pas, et au premier abord il devait, en effet, sembler assez nature! d’admettre qu’il n’y en avait pas. Toutefois lorsqu’on chauffe la pierre ollaire dans un tube fermé, on reconnaît facilement qu’elle contient toujours de l’eau : l’essai d’un grand nombre de variétés m’a même montré qu’elles en renferment de 5 à 13 p. 100. Mais si la présence de l’eau dans la pierre ollaire est remarquable, celle des carbonates est plus extraordinaire encore. Quelquefois on y trouve du carbonate de chaux qui imprègne la roche et qui y forme même, comme à Drontheim, des veinules dans lesquelles il est accompagné par de la chlorite. Le plus généralement cependant le carbonate est en lamelles mi- croscopiques, intimement disséminées dans la pierre ollaire; c’est surtout un carbonate à base de magnésie et de fer. L’existence d’un carbonate dans la pierre ollaire est très bizarre, d’après les usages auxquels on l’emploie; mais elle n’a rien qui doive surprendre d’après la composition de cette roche ; caries carbonates, et notamment le carbonate de magnésie et la dolomie, sont fréquem- ment associés aux hydrosilicates de magnésie. M. G. Rose a même donné le nom de Listwanite à une roche très développée dans l’Oural, qui est formée de talc, de quartz et de dolomie (3). fl) Un peu d’oxyde de titane. (2) Un peu de protoxyde de manganèsu. (3) G. Rose, Rcise riach Vrai , I, 332; II, 32, 37, 98, 137, 157 282 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. Parmi les minéraux accessoires disséminés dans la pierre ollaire, je citerai encore le fer oxycîulé. J’ai trouvé, par exemple, avec le barreau aimanté, qu’il y en a environ 8 p. 100 dans celle de Chia- vehna : il est en grains très fins qui forment de petites veines. Le fer oxydulé peut aussi être litané, comme dans la pierre ollaire de Drontheim. La pyrite de fer est plus rare dans la pierre ollaire, et de plus elle est accidentelle. Cependant j’en ai observé de petits cubes dans celle de Chiavenna. Quand on traite la pierre ollaire par l’acide chlorhydrique, elle fait souvent effervescence ; mais quelquefois elle dégage aussi de l’hydrogène sulfuré. C’est ce qu’il est facile de constater pour les pierres ollaires de Chiavenna et surtout de Kvikne. Elles doivent donc contenir un sulfure autre que la pyrite de fer, et l’on y trouve en effet un peu de pyrite magnétique. Enfin Wiegleb a signalé du fluor dans la pierre ollaire, mais sa présence est accidentelle et tient vraisemblablement à un peu de mica. — Si nous recherchons maintenant quelle est la composition minéralogique de la pierre ollaire , nous trouverons qu’elle est assez variée, et il est facile de s’en rendre compte en jetant les yeux sur les analyses précédentes qui différent beaucoup entre elles. Je distinguerai trois variétés de pierre ollaire : I. chlorite ollaire , IL talc ou stéatite ollaire, III . pierre ollaire proprement dite. I. Chlorite ollaire. — La chlorit ollaire est presque entièrement formée de chlorite. Elle présente alors une couleur verte ou noirâtre. Quand on l’exa- mine dans la cassure fraîche ou sur une face polie, on y distingue alors une multitude de lamelles de ciiloriie, qui ont une couleur d’autant plus foncée qu’elles sont plus riches en fer. La longueur de ces lamelles est souvent de plusieurs millimètres, mais elles peuvent aussi être microscopiques. Tantôt elles sont dirigées dans tous les sens, et la chlorite ollaire est compacte; tantôt elles sont orientées suivant une direction, et alors la roche prend une structure schistoïde. Dans ce dernier cas, elle se laisse facilement débiter en dalles, comme celle des États-Unis et du Canada. La chlorite ollaire est un peu plus dure que le talc , mais par cela même elle peut se tourner en objets plus minces et plus délicats. En outre, elle prend assez bien le poli ; ce qui n’a pas lieu pour les autres pierres ollaires, desquelles cette propriété peut déjà ser- vir à la distinguer. NOTE DE M, DELESSE. 28S Sa perte au feu est supérieure à 6 et inférieure à 13 p. 100. Elle s’attaque toujours très fortement, et quelquefois même com- plètement, parles acides. J’ai constaté, en effet, que la chlorite oîlaire de Potion est entièrement décomposée et qu’elle laisse un résidu de silice de 30 p. 100. Celle de Drontheim donne dans les mêmes cir- constances un résidu de 37 p. 100. L’attaque sera d’autant plus com- plète que la pierre ollaire renfermera plus de chlorite ; car cette chlorite est habituellement riche en fer, et par cela même elle se dé- compose facilement par les acides. Les analyses I et ïï font connaître deux chlorites olîaires. Leur composition est comprise entre celle du ripidoîithe et de la chlorite (1). Elle se rapproche beaucoup de celle de la chlorite, et si leur teneur en silice est un peu plus faible, cela tient sans doute à un mélange et notamment à la présence du fer oxydulé. Je citerai parmi les localités dans lesquelles on observe les pierres olîaires cbloritiques ; Moniescheno , commune d’Ossola; les envi- rons de Pignerolles ; Carnpei, commune de Camândona, près Bielle; Balma-della-Vessa, commune d’Àla, près de Turin en Piémont ; Drontheim en Norwége ; Potion dans le Bas-Canada ; plusieurs points es États-Unis ; Gya et Dajpoor dans l’Inde. IL A. — Stéatite oîlaire. — La pierre ollaire peut aussi être formée par les deux variétés de talc, Se talc proprement dit et la stéatite. Quand elle est formée par la stéatite, ce qui est assez rare, elle présente tous les caractères de ce talc compacte. Sa couleur est blanc grisâtre ou vert clair. Elle est très douce au toucher et plus tendre que la chlorite ollaire. D’un autre côté, elle est plus fragile, en sorte qu’il est nécessaire de donner une épaisseur beaucoup plus grande aux ustensiles de ménage qui en sont fabriqués. Elle contient au plus 6 p. 100 d’eau qui se dégage seulement à une température extrême- ment élevée, comme je l’ai montré antérieurement. Elle ne s’attaque que très incomplètement par l’acide et elle ne contient pas d’alumine. Sa composition est généralement celle de la stéatite pure. Je citerai, comme exemples de stéatite ollaire, celle de Prales en Piémont qui est blanche, celle du Groenland qui est blanc verdâtre, ainsi que celle de Madras dans Plnde qui est connue sous le nom de balpum et qui a une couleur grise. II. B. « — Talc ollaire . — La pierre ollaire est souvent for- mée de talc proprement dit. (1) Ramrnelsberg , Handwoërterbueh der chemischen Theils der Minéralogie , p. 155. SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. 284 Le talc s’y présente avec les caractères qui lui sont habituels. Il est généralement lamelleux, quelquefois fibreux. Sa couleur est grise ou verdâtre, son éclat argenté. Scs lamelles sont plus tendres, plus pâles et habituellement de plus grandes dimensions que celles de la chlorite. Elles sont aussi plus réfractaires. En outre, elles ne se lais- sent pas complètement décomposer par l’acide. Pour la pierre ollaire deKvikne, par exemple, j’ai trouvé que le résidu de l’attaque dans l’eau régale était de 50 p. 100. Le talc ollaire se tourne en ustensiles auxquels on donne habituel- lement une épaisseur intermédiaire entre celle delà chlorite et de la stéatite ollaire. Tandis que la stéatite ollaire peut être uniquement formée de stéa- tite, le talc ollaire contient le plus généralement des minéraux acces- soires et spécialement des carbonates, du fer oxydulé et de la chlorite. Les carbonates qui lui sont associés se distinguent assez difficile- ment ; mais ils se montrent en lamelles brunes et microscopiques lorsque la roche a été calcinée. Ils sont surtout à base de magnésie et de fer, car ils ne se décom- posent qu’avec la plus grande lenteur parles acides forts, et j’ai même constaté que l’effervescence du talc ollaire de Chiavenna pulvé- risé pouvait se prolonger pendant quinze jours. D’un autre côté, ces carbonates résistent moins bien à l’action de la chaleur que le car- bonate de chaux. En etTet, à la température du rouge sombre à la- quelle le carbonate de chaux n’est pas encore décomposé, le talc ollaire de Chiavenna éprouve déjà une perte de 13 p. 100, qui con- siste essentiellement en acide carbonique. On peut s’étonner qu’une roche servant à la fabrication d’usten- siles qui vont sur le feu, éprouve une perte pareille à une tempéra- ture aussi basse. Il est vraisemblable que, dans ces ustensiles, la décomposition par la chaleur n’a lieu que sur une faible épaisseur et seulement dans la partie qui reçoit directement l'action de la flamme. D’après ce que je viens de dire sur la résistance aux acides des car- bonates mélangés au talc ollaire, on comprend, d’ailleurs, qu’ils ne sont pour ainsi dire pas attaqués par le vinaigre et par les acides faibles. Si l’on admet que le carbonate mélangé au talc ollaire renferme 44,21 d’acide carbonique, comme le mesitinspath, on trouve que le talc ollaire de Chiavenna contient 31,74 de carbonate et celui de Kvikne 22,62; par conséquent, le talc ollaire peut renfermer plus de 30 p. 100 de carbonates. Le fer oxydulé ayant été enlevé, aussi bien que possible, avec le NOTE DE AI. DELESSE. 285 barreau aimanté, la teneur en silice du résidu est à peu près celle des silicates qui composent la roche. Il est facile de constater qu’elle s’élève à 53, 57 pour le talc ollaire de Chiavenna et à A9, 99 pour celui de Kvikne. On voit doue que la teneur en silice du silicate est inférieure à celle du talc, mais elle s’en rapproche cependant pour la roche de Chiavenna. La différence doit d’ailleurs être attribuée à ce que la composition du carbonate n’est pas exactement connue et surtout à ce que le talc est mélangé de chlorite. Cette chlorite est en paillettes vert foncé, qui sont microscopiques et qui pénètrent les lamelles de talc. Elle paraît riche en oxyde de fer, et elle se rapporte au ripidolithe. Comme le talc ne contient pas ou presque pas d’alumine, la pro- portion de chlorite que renferme la roche est indiquée par la quan- tité d’alumine qui s’y trouve. Il est d’ailleurs facile de la calculer approximativement d’après la teneur en silice du talc, de la chlorite, et d’après celle du silicate qui reste quand on a retranché le carbonate. On trouve ainsi que, pour la pierre ollaire de Kvikne, la proportion de chlorite serait à peu près de 1/7. On peut remarquer que les pierres ollaires de Chiavenna et de Kvikne contiennent plus de magnésie que le talc pur; cette circon- stance tient à ce qu’elles renferment un carbonate qui est surtout à base de magnésie. La stéatite ollaire et le talc ollaire sont des matériaux réfractaires. Ils s’emploient non-seulement à la fabrication des ustensiles de mé- nage, mais aussi à différents usages dans les constructions. On s’en sert spécialement pour les fourneaux. C’est ce qui a lieu par exemple à Hospenthal au pied du Saint-Gothardt, à Freiheitsberg près de Zoptau, en Moravie. En Styrie, la stéatite s’emploie même pour la construction des fours à réverbère. III. Pierre ollaire. — On peut réserver spécialement le nom de pierre ollaire pour celle qui n’est plus formée presque entièrement par un minéral simple. Ainsi, par exemple, il arrive fréquemment qu’une pierre ollaire contient à la fois une grande proportion de chlorite et de talc : c’est notamment ce qui a lieu pour la pierre ollaire de Kutnagherry (Inde). On y distingue très bien non-seulement des lamelles de chlorite vert foncé, mais encore du talc grisâtre à éclat argenté. L’analyse de cette pierre ollaire de Kutnagherry est donnée sous le n° Y. 286 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. Les quantités d’eau et d’alumine qu’elle renferme, montrent bien que la chlorite y est abondante. Si on la considère comme formée seulement de chlorite et de talc, on trouve, d’après la teneur en silice habituelle à ces deux minéraux, qu’elle doit en contenir des proportions à peu près égales. Lorsqu’une pierre oilaire est à la fois chloritique et talqueuse, comme celle de Kutnagherry, on comprend d’ailleurs que toutes ses propriétés sont nécessairement celles qui résultent d’un mélange de chlorite et de talc. Il convient encore de considérer, comme pierre oilaire composée, la pierre de Baram des anciens Égyptiens. Elle servait à faire des vases et des assiettes, et d’après la collection que possède le musée Égyptien du Louvre, cette roche paraît être une serpentine chargée de chlorite. Lorsque la serpentine n’est pas associée à de la chlorite ou à du talc, elle a une fragilité qui ne permet guère de l’employer comme pierre oilaire. Mais il n’en est pas de même lorsqu’elle est accom- pagnée par ces minéraux : aussi de la serpentine s’observe-t-elle dans certaines pierres chaires contenant de la chlorite ou du talc. Gisement. — • Pveîativement au gisement de ia pierre oilaire, j’ob- serverai qu’elle se trouve en couches ou en amas dans les schistes cristallins et dans les roches métamorphiques. Elle constitue quel- quefois les skôlars de la Scandinavie ; elle présente alors des espèces de filons d’une épaisseur variable qui traversent des roches très différentes par leur nature et par leur âge (1). Résumé. — On sait que tous les hydrosilicàles de magnésie ont la plupart de leurs propriétés communes ; ils sont tendres, doux au toucher, plus ou moins réfractaires, et ils se laissent même travailler sur le tour; c’est ce qui a lieu notamment pour la chlorite, le talc, la serpentine, ia pyrosclérite, l’écume de mer. Or on comprend donc que toutes roches dans lesquelles entreront ces hydrosilicates de ma- gnésie, doivent nécessairement jouir de propriétés plus ou moins voisines de celles qui ont été assignées à la pierre oilaire. Mais quoi qu’il en soit, si l’on considère la pierre oilaire proprement dite, celle qui sert à la fabrication des ustensiles de ménage et peut supporter l’action du feu, on voit par ce qui précède qu’elle est le plus généralement formée de chlorite, de talc ou de mélanges en propor- tions variables de ces deux minéraux. (l) Durocher? Annales des mines , 4e série, t. XV, p. 416 : Gîtes métallifères de la Suède ? de la Norwége et de la Finlande. NOTE DE M. STUDER. 287 M. Collomb donne lecture, au nom de Fauteur, de la note suivante : Observations clans les Alpes centrales de la Suisse , par M. ■B. Studer. Une course aux environs de la Grirnsel et du Saint-Gothard, dans le courant de l’été passé, m’a enrichi de plusieurs faits nouveaux ou mieux observés qui, se rattachant à ceux que. la Société a bien voulu accueillir dans i e Bulletin du 17 décembre 1855, ne sont peut-être pas indignes de lui être présentés. En discutant, il y a à peu près deux ans, avec feu M. Sharpe ses idées sur la schistosité des Alpes centrales, nous tombâmes d’accord que, si l’on admettait avec lui une stratification primitive peu inclinée dans nos schistes métamorphiques, stratification qui depuis eût été effacée et remplacée par la schistosité verticale, l’on devait s’attendre a trouver une différence notable entre la roche des hautes crêtes et sommités et celle du fond des vallées transversales, dans une même coupe verticale. En effet, aux environs de Guttannen, j’avais été frappé du fait que les gisements de la pierre ollaire, de la byssolithe, d’adulaire , de cristal de roche , de sphène et de stilbite ; mais, ce à quoi on s’attendait peut-être moins, c’était d’v trouver, enveloppées par la chlorite, de grosses masses de spath calcaire translucide, dont les individus, engagés les uns dans les autres, ont des dimensions de plusieurs pouces. Ce spath se trouve dans un état de désagrégation, et, quoique le clivage ordinaire soit très apparent, ce n’esl pas selon lui qu’il a éclaté, mais parallèlement à la base du rhomboèdre, ou à la face O de Hauz. Il en résulte que de gros cristaux rhomboèdriques se divisent en plaques de quelques mil- limètres au plus d’épaisseur, entre lesquelles la chlorite terreuse s’est introduite; qu’assez souvent aussi l’on trouve des plaques isolées dont les grandes faces O sont chargées de petits cristaux de péricline ou destilbite. Les cristaux d’adulaire imitative, H, figure 98, Dufr., sont de même engagés dans le spath calcaire de manière que l’on ne sau- rait douter de leur origine postérieure. Le spath calcaire paraît donc être ici la substance la plus ancienne (1). Il importe de faire remarquer que le clivage par la base semble être une propriété particulière du spath calcaire associé aux roches feldspathiques. C’est ainsi que nous trouvons le spath calcaire nacré, ou schieferspath, en contact avec le porphyre à l’Ensola, sur la rive de l’île d’Elbe, avec le gneiss en Saxe, avec le granité à Glen-Filt, etc. Des hauteurs du Saint-Gotthard je redescendis à la zone schis- (1) M. Volger a le mérite d’avoir été le premier à appeler l’attention sur ces faits remarquables, pour l’explication desquels il a fait usage de toutes les ressources de la chimie et de la minéralogie modernes. Les échantillons de la collection de M. Wiser, à Zurich, sur lesquels il a opéré, paraissent cependant avoir été pris dans une autre localité de Sella ; il considère comme substance primitive l’ankerite, que je ne trouve pas dans les morceaux que j’ai rapportés, et croit que le spath calcaire clivé par la base est un produit secondaire. NOTE DE M. STÜDER. 291 teuse qui, avec une inclinaison méridionale très forte ou verticale, borde la protogine au nord. A l’issue de l’Unteralp, près d’Urseren- Andermalt, ce schiste est un schiste vert qui passe à une roche ser~ pentineuse très tenace. Entre Andermatt et Hospital on exploite, environ 500 mètres au-dessus de la vallée, de la pierre ollaire. De l’autre côté du passage de TOberlap, en Favetsch, la roche change de caractère. Le schiste vert est peu développé; on le voit aux environs de Selva; et, sur la rive droite du Rhin, de nombreux blocs de ser- pentine prouvent que cette compagne ordinaire du schiste vert n’y manque pas. Mais la roche qui domine est un micaschiste; c’est lui qui compose, en stratification verticale, la montagne de Gaveradi, au débouché du Val Cornera, connue dès le siècle passé par le gise- ment de Yanatase bleu-foncé, du rutile et du fer spéculaire , isolé ou en rosaces. Ces minéraux se trouvent dans la gorge étroite par laquelle le torrent de Val-Cornera débouche dans le Rhin. Très rare- ment on y rencontre aussi la brookite. En s’avançant vers l’est, on voit que la roche, quoique l’on reste toujours dans la direction de la schistosité, change encore. Dans la vallée de Medels, qui conduit au col du Lucmanier, un schiste gris ordinaire, dans lequel on serait tenté de chercher des Bélemnites, se montre très développé, et, au- dessus de Flatta, il est suivi d’une large zone de schiste vert, qui le sépare du gneiss des hauteurs méridionales. Sur la gauche du Rhin, en Favetsch, en avant du revers méri- dional delà haute chaîne de protogine de la Grimsal, du Galenstock et du Crispait, on retrouve la zone schisteuse qui, près de Yiesch eu Valais, renferme du spath fluor octaédrique vert, accompagné des^Y- bite, de heulandite , de caumonite , de chabasie et de sphène , qui de là, en remontantle Rhône à sa source, passe à la Surca, où elle reprend le faciès d’un schiste et d’un calcaire gris contenant des Bélemnites, et re- devient encore cristalline et feldspathiqueen traversant l’Oberalp, dont elle constitue la paroi septentrionale, pour entrer en Favetsch. Là, derrière Sedrun, chef-lieu de Favetsch, la roche, divisée en grandes dalles verticales, est composée d’amphibole, d’épidote compacte jaune, de quartz et de feldspath, ayant l’aspect d’une syénite. C’est une roche Irès tenace, mais aussi très fendillée, de manière qu’elle se désagrège facilement en gros fragments polyédriques. Elle ren- ferme de Vépidote cristallisée etdesdruses, qui rappellent celles de la Sella, composées de spath calcaire et d 'adulaire, recouverts de chlorite terreuse. Assez souvent on y trouve de très beaux cristaux de sphène vert et rouge-hrun sur les bords, de stilbite et, plus rare- ment, à’analase jaune maclée. Entre le passage du Trou-d’Uri et le Todi, la haute chaîne de proto- 292 séance de 15 décembre 3856. giîie peut être traversée en trois endroits. Le plus occidental de ces trois passages quitte la route de î’Oberalp près des chalets, et monte par une pente roide de pâturages jusqu’à la crête de protogine, par laquelle un col couvert de neige conduit au fond de la vallée de Pellenen. Cette vallée rejoint la vallée de la Reuss, un peu au-dessous d'Amsteg. En montant depuis LOberalp. je ne vis le sol à découvert qu’en un seul point : c’était de la dolomie caverneuse ou cargneule, probablement subordonnée aux gneiss et micaschistes de ces hau- teurs, qui perçait au jour, comme pour attester la nature primitive de ces roches. Sur la crête je fus frappé de voir tous les blocs de la protogine renfermer des fragments anguleux de micaschiste ; c’était à peu près sur la limite des deux roches; plus loin, lorsqu’en des- cendant par Selîenen, on se trouve pendant des heures entouré par les éboulements granitiques de cette vallée sauvage, ce granité bréchi- forme ne se rencontre plus. Le second et le plus fréquenté de nos trois passages jouit d’un sentier ; ce luxe manque aux deux autres. On entre derrière Sedrun dans la vallée latérale de Strim, en coupant les roches am- phiboliques déjà indiquées, et l’on retrouve la protogine, surabon- dante en feldspath blanc, presqu’à l’exclusion du mica, en montant au col, désigné par une croix qui donne le nom au passage. Ce granité continue sur le versant opposé, à peu près jusqu’à la descente dans la vallée d’Ezli qui se réunit à la grande vallée de Maderan. Enfin, le troisième passage quitte la vallée du Rhin à Disentis, traverse le glacier de Brunni et descend aux chalets de Ruppleten, au fond de la vallée de Maderan. La protogine ne se montre plus dans cette coupe. De Disentis jusqu’à Ruppleten, on ne voit que des schistes plus ou moins cristallins, inclinés au midi sous des angles de 50 à 60 degrés. Les plus cristallins de ces schistes se trouvent sur le versant méridional et sur la crête. Ce sont des gneiss très chargés de mica gris, imparfaitement développé, de peu d’éclat et ayant pres- que l’aspect de feuillets d’ardoise. Ce mica est entrelacé de parties feldspathiques blanches compactes, mais il enveloppe aussi des noyaux de feldspath à structure cristalline de 2 à 3 centimètres, que l’on appellerait des cristaux, si leur pourtour présentait des lignes droites. La vallée de Maderan est isoclinale. Elle est coupée dans la zone schisteuse qui constitue le versant septentrional des alpes Bernoises ou de la Grimsei, la continuation du Bristenstock qui renferme des nids d’anthracite, et des schistes de Guttannen comme à Guttannen ; je n’ai pu voir en Maderan aucune différence essentielle entre les schistes sur la crête du glacier de Brunni et ceux près d’Amsteg, quoique NOTE JDE M. STLDER . 29? la différence en hauteur ne puisse être au-dessous de 2000 mètres. Le versant gauche ou méridional de Maderan, coupé par de nom- breux ravins très escarpés, est renommé par sa richesse en minéraux rares. Ce sont d’abord les mêmes que ceux que l’on trouve à Guttan- nen : de Yépidote enveloppée par la byssolite, et les diverses variétés de ïasbeste connue sous le nom de cuir et liège fossiles. Le fer spéculaire, la rutile et l’anatase paraissent manquer, mais on trouve la brookite elle sphène. Ces deux substances, comme l’anatase en Favetsch, ne tiennent à la roche que légèrement par quelques points; on les croi- rait volontiers déposées par une vapeur passagère. Les minéraux les plus intéressants pour nous sont le spath calcaire, Yadulaire , Valbite, et le cristal déroché. De même qu’en Sella ou au Saint-Gollhard, le spath calcaire est évidemment la plus ancienne de ces substances; il se trouve à l’ordinaire en plaques peu épaisses, qui s’engrènent dans les cristaux d’adulaire et de quartz, et paraissent assez souvent comme corrodées par un acide. La grande face de ces tables est toujours la base O du rhomboèdre. L’albite apparaît en petits cristaux très nets qui recouvrent les grandes faces du spath calcaire comme la péricline en Sella ; mais généralement c’est encore la chlorite terreuse qui revêt le spath calcaire, l’adulaire et le cristal de roche, et remplit l’intérieur des druses tapissées par ces minéraux. L’analogie avec les druses de Sella est si parfaite qu’il ne serait guère possible de distinguer les échantillons des deux localités, qui se trouvent, l’une dans la zone la plus méridionale, l’autre dans la plus septentrionale de nos schistes métamorphiques. Le schiste encaissant ces druses en Maderan est cependant moins cristallin que celui du Sainl-Gotthard, moins aussi que celui de Favetsch : c’est un schiste gris foncé ou gris-verdâtre, argilo-micacé, se rapprochant des schistes gris du Valais et des Grisons, mais faisant passage aussi au schiste vert tal- queux qui souvent accompagne la serpentine, que d’ailleurs nous connaissons dans cette même zone au glacier de Friften. En récapitulant les faits exposés, le retour des mêmes minéraux dans quatre zones de schistes métamorphiques, séparées par les crêtes culminantes de protogine, l’état bréchiforme de la protogine à la jonction des deux roches, les fiions de feldspath qui la traversent, il est difficile de se défendre de la croyance que l’apparition de la protogine et celle de ces minéraux se trouvent dans une connexion plus que fortuite, et si, pour expliquer l’origine de la protogine, on ne veut pas rétrograder aux idées de Werner, on sera disposé, pour résoudre les problèmes chimiques que nous posent les minéraux du Sainl-Gotthard et de Maderan, à consulter plutôt les théories pluto- niennes qu’à chercher une solution dans l’action lente des eaux, 29 h SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. comme on a essayé de le faire, avec profusion de science et de saga- cité, dans ces dernières années. . Le secrétaire donne lecture d’un mémoire, adressé par M. Puggaard à M. Élie de Beaumont et relatif à la constitution géologique de la péninsule de Sorrente. Description géologique de la péninsule de Sorrento , par G. Puggaard, docteur en philosophie. INTRODUCTION. La péninsule de Sorrento, saillante entre les golfes de Naples et de Salerne, se distingue au loin par un groupe de montagnes isolées, qui par la hauteur de leurs sommets, par l’âpreté de leurs pentes et par la profondeur de leurs ravins aussi bien que par la fertilité dont sont douées les localités peu nombreuses et peu étendues, qui s’adon- nent à la culture, font les délices de tous les voyageurs qui aiment le sublime elle pittoresque. La direction générale de ces montagnes, ce qu’on peut appeler leur axe de plus grande hauteur, est de O. S. O. à E.N.E., direction peu commune dans les reliefs de l’Italie; mais des deux côtés de cet axe s’avancent de nombreuses ramifications, qui, plus en accord avec la chaîne principale des Apennins, affectent, en général, les directions N. -N. -O ou O. 'N. -O (1). La cime Sa plus élevée est le Monte San-Angelo , à A, 371 pieds de Paris au-dessus de la mer (2) ; de ce point central, l’axe de la chaîne s’étend avec de grandes courbures vers l’E.-N.-E. jusqu’à la vallée transversale, qui réunit, entre la Gava et Vistri, la plaine de la Cam- panie avec le golfe de Salerne, et isole ainsi complètement la chaîne (1) La direction des couches est le plus souvent N. 70° E. ou N. 60° E.; la première direction est indiquée' par M. Élie de Beau- mont comme celle de la chaîne du Monte San-Angelo, chaîne qu’il rapporte au système des Alpes principales, et qui, dans son opinion, se serait élevée immédiatement après l’époque des dépôts subapennins [Méni. pour servir à la dcscript. géol. de la France , t. IV, p. 253). Par un incident remarquable, le volcan du Monte Vultur est situé exactement au N. 70° E. de la cime du Monte San-Angelo, de même que celle du Vésuve est placée au N. 20° O. du même point. (2) Les hauteurs sont indiquées d’après M. Hoffmann ( Geognostische Beobachtungen in Italien, Berlin, 1 839). La carte, pi. I, est con- struite d’après celle de l’état-major napolitain et celles de Breislak et de Fenere. Bull, de la Soc. ^éql. de France. Des crîptinn géologique de la Péninsule de SORRENTO, par M.C.EU&GAARD . B ‘F1 a ç s1?, T. xiv, Pl îv.Page 894. I (rO LFO FI Æ4JPOII T di C/itunzo Li/A. flo/ufarJ- Mange , IMM A 11/ w tarif uolca/iujttes 1^— 1 MrccTics ccilcaii’es. I 1 TtJs volcaïh,ic . cit.} P. 94). (2) Les rares exemplaires que j’ai pu extraire ont été déterminés par mon ami, M. Moerch, de Copenhague, ce sont : Hélix setosa, Ziegler, Cyclostomn costulatum, Ziegler, Cyclos toma striolatum% Porro La première espèce se trouve dans le travertin de San-An- drea, les deux autres sont extraites d’un calcaire ponceux au-dessous de la brèche dolomisée de la Punta di Ronco, près d’Agerola. 318 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. sont stratifiées régulièrement en bancs épais, peu distincts ; d’autres sont disposées irrégulièrement à la surface et dans les crevasses des dolomies. Entre la Gava et Yietri, la brèche est très développée ; on la voit reposer sur le tuf rouge volcanique, le long de la grande chaussée. En quittant celle-ci pour suivre le ravin pittoresque qui, de Molini, monte vers le couvent de la Trinita, on est bientôt entouré de hautes murailles taillées dans la brèche. Inférieurement, la roche est assez dure pour pouvoir servir de pierre à meule ; supérieurement, elle passe à un tuf calcaire jaune. La brèche est très riche en sources, qui jaillissent partout au pied des escarpements. Plusieurs grottes, s’ouvrant sous les rochers de brèche, ont été employées pour y con- struire de petits moulins ou des chapelles ; le monastère ancien et célèbre des Bénédictins est, en partie, bâti dans une semblable grotte ou cave, d’où il a reçu le nom de Trinita délia Gava. Une autre grotte (m de la carte), dans laquelle on a établi un chaufour, a le toit décoré de stalactites ; ici la brèche repose sur une argile brune vol- canique qui, à son tour, recouvre la dolomie noire dont le fond du ravin est formé. De ce point, la brèche descend vers Molini, en con- servant une épaisseur à peu près égale de 100 à 150 pieds; les couches sont légèrement inclinées dans le même sens; les éléments de la brèche paraissent plus gros dans la partie supérieure du ravin. Vers la vallée de la Gava, la brèche se termine abruptement, et du côté oriental de cette vallée on ne trouve point de trace de ce dépôt; il paraît que ce côté de la vallée est déjeté par une faille qui a porté hors de vue les dépôts lacustres qui, sans doute, se continuaient à travers la vallée. La ville de Vietri est bâtie sur une continuation du dépôt de la Gava ; une falaise de 100 pieds de hauteur est ici composée presque entièrement de calcaire d’eau douce. A la base, la dolomie noire s’élève seulement à quelques pieds au-dessus de la mer ; elle est couverte de bancs de brèche calcaire, qui se transforment supérieu- rement en calcaire homogène. Ce calcaire est très variable dans ses caractères : tantôt il est compacte et dur, tantôt mou et tufacé; tantôt c’est un travertin rempli d’empreintes de feuilles ou traversé par des vides laissés par des branches d’arbres ; il contient une petite espèce de Lymnée et des Hélices. Supérieurement, il y a des cou- ches alternantes d’argile brune et de sable calcaire, qui contiennent des assises de calcaire dur, luisant, semi-cristallin, assez semblable à certaines dolomies ; latéralement, la stratification de ces couches s’efface, et il se fait un passage à un calcaire massif, dur, à cassure couchoïde, fendillé, et présentant des formes pointues, dolomitiques; MÉMOIRE DE M. PUGGÀARD. 319 bref, on reconnaît que le travertin de Vietri a subi des modifications ignées analogues à la dolomisation des calcaires crétacés. Un travertin semblable à celui de Yietri s’observe encore près de Cetaro et à la Chapelle de San-Àndrea, mais ayant peu d’épaisseur. Dans ce dernier lieu il y a, à côté du travertin, des rochers remar- quables de brèche. Au-dessus du sentier pratiqué sur la pente on voit de grands amas de blocs et de fragments anguleux de dolomie entas- sés vers la montagne; ils sont à peine réunis par quelque ciment, et s’écroulent quelquefois comme du gravier grossier. D’autres parties de la brèche sont assez solides pour qu’il y existe une grotte spa- cieuse, du toit de laquelle on voit intérieurement saillir de grands blocs suspendus dans des positions assez menaçantes; une chapelle ancienne et une fabrique de vin sont établies l’une à côté de l’autre dans celte caverne singulière. Il paraît que cet amas de fragments, dont la brèche est formée, provient de l’écroulement de la partie supérieure de la montagne ; les sommets qui surmontent la chapelle de San-Andrea ont une apparence entièrement hérissée et délabrée, et la montagne délia Foce est même percée à jour par un trou. De l’autre côté du sentier, la brèche est disposée en bancs plus régu- liers qui couvrent la pente fortement inclinée (< 15°) vers la mer ; un rocher singulier de brèche, isolé sans doute par l’écroulement des parties environnantes, repose sur une base plus petite que son sommet, semblable à certains blocs erratiques perchés sur les bords des vallées des Alpes. Les dépôts de brèche s’observent encore en beaucoup de points de la partie orientale de la péninsule : ainsi, dans la vallée de Tramonti, à Ravello, la Scala et Agerola, dans la vallée de Gragnano et dans celle de Yico. Quoique ces dépôts se trouvent ordinairement dans | les niveaux inférieurs, formant sur les bords des ravins des escarpe- ments verticaux de 50 à 60 pieds de hauteur, il y en a aussi qui i sont élevés jusqu’à 1200 pieds au-dessus du niveau de la mer, I comme ceux de la Scaia, d’Agerola et d’Anaro, et près de Santa-Ma- I ria-Castello il y a, sur le versant occidental du Monte San-Angelo, j un lambeau de brèche élevé probablement à 2500 pieds de hauteur, j Ce dernier dépôt est encore remarquable parce qu’il est suspendu au sommet de la gorge de Positano (point g de la carte), vers laquelle | il est coupé verticalement ; les matériaux de la brèche sont des cal- | caires et des dolomies fétides, de couleur blanche, noire et gris de fumée ; les bancs irréguliers de la brèche sont inclinés de < 15° vers l’O.-N.-O. , et reposent en stratification transgressive sur la séparation verticale, entre le calcaire stratifié et le calcaire massif dolomilique. 320 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1850. Le plateau d’Agerola repose sur un dépôt de brèche semblable à celui de la Gava. Vers le sud, ce dépôt se termine brusquement en formant un escarpement perpendiculaire, qui couronne une pente abrupte de calcaire crétacé entre Prajano et Conca, haute environ de 1000 pieds ; il est remarquable qu’il ne se trouve point de brèche sur toute cette pente au-dessous du niveau indiqué. Dans le ravin de Furore, on peut aisément observer la disposition du calcaire et des couches superposées. Trois petits moulins à papier, nommés Furore, Vetara et Pino, accessibles seulement par de longs détours et par des sentiers difficiles, sont situés dans le ravin l’un au-dessus de l’autre à des niveaux qui correspondent à ceux des divers ter- rains. Au moulin de Furore, le calcaire gris-foncé est stratifié régu- lièrement en assises inclinées de 3 à 15 degrés vers le N. -O.; quel- ques-unes des couches sont criblées de larges tubulures rondes. Plus haut, le moulin de Vetara est situé sur les limites supérieures du calcaire, entre lequel et la brèche il y a une couche très mince de macigno désagrégé. A côté du sentier qui de là monte vers San- Lazzaro, le calcaire devient fendillé et se divise en morceaux angu- leux qui, réunis à leur place par quelque infiltration calcaire, forment une sorte de brèche difficile à distinguer de la brèche plio- cène qui la recouvre. Au haut du sentier, près de la villa Avitavole, la stratification du calcaire disparaît, et l’on y trouve les concrétions et les tuyaux plutoniens décrits auparavant. Le troisième moulin, celui de Pino (point i de la carte), est placé en haut du ravin, sur le bord du plateau d’Agerola. Ici la brèche calcaire alterne avec de minces couches de tuf volcanique. Quelques-uns des bancs du tuf sont d’une couleur gris de fumée ; mais la plupart consistent en terre brun-rouge, comme les bancs épais qui couvrent la surface du plateau d’Agerola. Les couches tufacées au-dessous de la brèche contiennent des scories rouges, décomposées, des ryacolites, des pv- roxènes et une petite espèce à' Hélix. Les couches sont inclinées de <10 degrés vers le nord, et le plateau même d’Agerola est incliné dans le même sens jusqu’au pied de la Parata. L’épaisseur de la brèche augmente du sud vers le nord, de manière que le dépôt, assez mince à San-Lazzaro, atteint une épaisseur de plus de 100 pieds à Pino. D’après les détails précédents, on voit que la brèche d’Agerola est indubitablement un dépôt très moderne, superposé au macigno, postérieur à l’émersion d'une partie de la péninsule et aux pre- mières éruptions volcaniques de la Campanie, et contemporain des espèces encore existantes de mollusques terrestres, remarques qui s’appliquent également aux autres brèches et travertins de la pénin- MÉMOIRE DE M. PUGGAARD, 321 suie. Déjà le travertin de Vielri et la brèche de San-Andrea me faisaient soupçonner que ces dépôts avaient subi des modifications ignées; la brèche d’Agerola, si distinctement stratifiée en général, présente en certains lieux des transformations telles qu’on ne peut plus douter de ce fait. Ainsi, dans le ravin de Furore, tout à côté des couches régulières de brèche non modifiée, on voit des crevasses irrégulièrement dilatées et ramifiées parcourir de bas en haut les escarpements verticaux du dépôt, de même que nous en avons vu ci- dessus dans le calcaire près du télégraphe de Sorrento. La surface de ces fentes est inégale et déchiquetée, et à côté d’elles la roche est remplie de petites cavités irrégulières scoriacées et de rides vésicu- laires, et paraît comme calcinée à une certaine distance. La stratifi- cation disparaît; la roche se divise en massifs prismatiques; les fragments composant la brèche perdent leurs couleurs distinctives, blanchissent et se confondent enfin dans une vraie dolomie semi- cristalline. Vers les sommets des rochers, l’action modifiante devient plus forte, et c’est ici, sur le bord occidental du ravin, que j’ai trouvé la brèche complètement dolomisée, imitant les formes décou- pées et pointues des dolomies en général. A l’extrémité occidentale du plateau d’Agerola, au point appelé Punta di Ranco ( h de la carte), j’ai trouvé d’autres preuves des modi- fications récentes subies par la brèche. On y voit un rocher de brèche appuyé au N. -O. contre un escarpement de calcaire ancien, mais isolé des autres côtés, et saillant dans une position dominante sem- blable à celle qu’occupe le dépôt de brèche décrit ci-dessus, dont le rocher n’est en effet qu’un lambeau séparé par un profond ravin. Dans ce lieu, le calcaire crétacé est dolomitique, cristallin, de cou- leur gris de fumée ; il est homogène et dur, et stratifié en couches horizontales ou inclinées de < 3° N.-O. Une faille perpendiculaire, dirigée sensiblement au N. -N. -F., sépare cette roche de la brèche. Celle-ci est disposée en couches très irrégulières, dirigées pour la plupart au N.-N.-E. et inclinées de < 20°E.-S.-E. , quoique certaines couches au pied oriental du rocher soient inclinées à l’E.-N.-E. Les I couches sont alternativement dures et incohérentes, et sont traver- j sées verticalement par des plans endurcis, parallèles et dirigés au i N. -N. -O. Celte disposition singulière produit sur la face occidentale | un réseau d’assises saillantes entre-croisées et séparées par des cavités i irrégulières, ce qui a fait donner au rocher le nom de Rotto biscotto (biscuit cassé). La brèche est composée de morceaux de calcaire ou ! de dolomie foncés, semblables à la roche contre laquelle le dépôt est appuyé et sur laquelle il repose. Les fragments anguleux de toutes les grandeurs, depuis celle de la tête jusqu’à celle d’un grain de A’oc. géol. , V- série, tome XIV, 2\ 322 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. sable, sont entremêlés sans distinction et sont réunis sans ciment apparent. Ce défaut de ciment fait qu’il y a de nombreux interstices vides entre les fragments, qui paraissent quelquefois comme soudés ensemble sur les points de contact. Cette sorte d’aggiomération devient si complète dans quelques parties de la brèche, que la structure bré- cheuse disparaît, et que la roche devient alors une dolomie homogène et cristalline; d’autres parties du rocher sont moins cohérentes, les fragments s’écroulent et laissent entre les parties endurcies de grands vides. L’endurcissement de la roche s’observe tantôt sur les plans des couches qui sans cela seraient peu distinctes, tantôt sur des plans verticaux qui ressemblent à des filons, mais qui correspondent sans doute à d’anciennes fentes. Ces assises verticales sont formées de la même matière que les couches. Le toit d’une grotte, qui sert de hangar au vigneron propriétaire du rocher, est formé d’une assise peu épaisse de calcaire homogène semi-cristallin. La masse gris clair ou blanchâtre de la roche est tachetée de flammes allongées, d’une couleur plus foncée, et remplie de vides à surfaces scoriacées, égale- ment allongés dans le sens des plans de la couche. Ces plans sont très âpres, hérissés, scoriacés, et des fragments noirs de la brèche envi- ronnante sont enveloppés dans cette scorie calcaire. Bref, cette assise calcaire ne ressemble à rien autant qu’à une nappe de lave, sauf la cou- leur, et toute personne, qui aurait sous les yeux les échantillons que j’en ai recueillis, ne douterait pas de la fluidité ignée qu’a présentée ce calcaire à une époque peu reculée. Les couches incohérentes inter- calées dans la brèche consistent quelquefois en un sable dolomitique gris-brun ; d’autres couches olivâtres sont de vrais tufs volcaniques. C’est au pied horizontal du rocher, au-dessous de la brèche, que le tuf s’observe le mieux. Là il contient des ponces à ryacolites, de petits fragments de charbon de bois , et des espèces de Cyclostoma qui se trouvent aussi dans un calcaire tufacé blanc et terreux, réunis- sant des ponces jaunes et des fragments de calcaire noir. Au-dessous de ce tuf calcaire et liée à lui par des passages insensibles, il y a une matière spongieuse, boursouflée, blanche, très légère et remplie de grands vides vésiculaires ; probablement cette matière résulte de la fusion d’un calcaire d’eau douce contenant des ponces. V. Disposition des tufs volcaniques et des brèches. Puisque les tufs et les brèches sont disposés en général dans les vallées et dans les bassins renfermés entre les montagnes calcaires, il s’ensuit que le relief de la péninsule fut en grande partie formé avant le dépôt du terrain pliocène récent. Aussi les dislocations MÉMOIRE DE M. PUGGAARD. 323 signalées ci-dessus dans les terrains crétacé et éocène ne parais- sent point avoir affecté les dépôts plus modernes de la péninsule, qui sont fréquemment disposés horizontalement sur lek têtes des couches plus anciennes ; d’autre part, les observations sur la dolomisation des brèches prouvent que la péninsule a subi, postérieurement à la formation de ces dépôts, une catastrophe qui fut sans doute accom- pagnée de nouvelles dislocations, quoique les couches n’aient pas été en général redressées à cette occasion. La discordance du tuf volcanique et des terrains antérieurs s’ob- serve d’une manière distincte au voisinage de Massa. Au bord du ravin qui sépare les montagnes de Santa-Maria et de Schiazzano, les schistes du macigno, redressés et colorés en rouge et en vert, sont cou- verts en stratification transgressive par le tuf volcanique horizontal. Ce dernier consiste supérieurement en un banc de tuf violet, solide, et inférieurement en un banc de tuf rouge contenant des fragments de tuf violet, fait qui prouve que ce tuf s’est formé à plusieurs inter- valles, ce qu’on voit aussi dans le ravin de Sorrento. Au sommet de la montagne de Santa-Maria, le calcaire est creusé singulièrement comme par faction des vagues, et le tuf terreux rouge a pénétré dans ces cavités au-dessous des bancs calcaires. A Yico , on voit également, à côté de la chaussée, le tuf remplissant les érosions sur la surface du calcaire. La grotte près du télégraphe de Massa, décrite plus haut, présente un fait décisif pour l'âge de la catastrophe qui en a été l’origine ; au milieu des parties entrelacées du calcaire et du macigno, il y a à une certaine hauteur un trou rempli de couches horizontales de tuf volcanique ; en bas, on trouve de la terre brune, puis du tuf gris clair à grains fins ; ensuite, des galets de calcaire et de macigno mêlés avec du tuf ; enfin, du tuf jaune avec de petites ponces arrondies. Au fond de la gorge de la Ferriera, il se trouve un petit dépôt de tuf ponceux gris clair, contenant de sim- ples ponces jaunes très semblables au tuf, qui, dans le ravin de Vico, supporte tout le dépôt des autres tufs jaunes, violets et rouges; ainsi, l’ouverture de ces ravins au milieu des calcaires est antérieure aux tufs les plus anciens. Les brèches et les conglomérats sont disposés de la même manière que les tufs volcaniques. Dans les niveaux inférieurs, le long des côtes et des vallées, ces dépôts se trouvent, tantôt en amas irréguliers remplissant les cavités dans les calcaires, tantôt stratifiés en bancs horizontaux et alternants avec les tufs; sur la côte amalfitaine, il se forme encore de nos jours un conglomérat grossier qui pénètre dans toutes les crevasses des dolomies, et qui est quelquefois agglutiné et suspendu sous les voûtes des cavernes traversées par les vagues. SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. 324 A un niveau supérieur, 200 à 300 pieds environ au-dessus de la mer, on voit quelquefois des bandes étroites et horizontales de con- glomérat, qui sont suspendues à une certaine hauteur au-dessus des vallées, formant une espèce de corniche agglutinée aux parois cal- caires (ravins de la Rova et de Pacognano) ; la grotte dolomitique des Capucins, à Amalfi, est décorée prés de la voûte d'une pareille corniche, qui sert à supporter les images des douze apôtres. Quant aux brèches de San-Andrea, d’Agerola et de Santa-Maria- Castello, nous avons déjà vu qu’elles sont inclinées de 10 à 20 degrés; cette circonstance ne prouverait point, en elle-même, un redresse- ment; mais, quand les dépôts inclinés se trouvent élevés à de grandes hauteurs, placés sur des positions dominantes, et modifiés par des actions ignées, on doit naturellement penser que ces accidents ont été produits par une même catastrophe. A cet égard, la position de la brèche de Sanla-Maria est d’un grand intérêt; au sommet delà gorge de Positano, ce dépôt forme un escarpement de 50 pieds de hauteur, d’où saillissent les affleurements déchirés des couches, qui laissent entre elles de grands vides irréguliers servant d’abri aux troupeaux de la montagne. La gorge élevée qui, de ce point, descend vers Positano, suit, en grande partie, les limites, diri- gées N. -S., entre le calcaire non modifié et le calcaire dolomisé; du côté oriental, la brèche repo.se sur le calcaire gris-clair, à cassure conchoïde, stratifié en assises régulières (dir. N. 10° E. , inclin. < 10° N. -N. -O.); du côté occidental, le calcaire est, dans la partie supérieure, blanc, esquilleux, massif et prismatique, pendant que plus bas la roche devient brécheuse et se divise en bancs verticaux, parallèles au ravin. Ce recouvrement transgressif de la brèche sur le calcaire dolomisé, prouve que la doiomisation, dirigée N. -S., est dans ce lieu antérieure au terrain pliocène récent. Depuis la formation de la brèche, la partie supérieure de la gorge doit s’être écroulée en même temps que la brèche s’est soulevée et redressée. Les tufs volcaniques, étant en grande partie contemporains des brèches, ont dû souffrir de la même catastrophe qui atteignit celles-ci. Aussi, quoiqu’il paraisse que cet événement n’ait point en général donné lieu à des redressements de couches, et quoique la nature des tufs présente de grandes difficultés à la recherche des dis- locations qu’ils ont subies, j’ai réussi à trouver dans la vallée de Vico des preuves incontestables du dérangement de ces dépôts. Près de Vico, les bancs horizontaux des tufs ne présentent aucun indice de dérangement ; tout au plus les escarpements abruptes qui bordent le ravin, et les niveaux quelque peu différents où se trouve le tuf violet des deux côtés de la vallée, font-ils soupçonner quelque dislocation MÉMOIRE DE M. PUGGAARD. 325 postérieure au dépôt tufacé. Mais, quand on avance dans le ravin, le tuf ponceux gris qui en remplit le fond disparaît, et le ruisseau se trouve rétréci entre de hautes murailles calcaires, au sommet des- quelles est placé le village de Pacognano; puis tout à coup la gorge tourne à gauche et s’élargit pour former un bassin allongé, renfermé également entre des escarpements calcaires, dirigés ici au N. 80° O. ; le calcaire est stratifié en assises inclinées < 15° O., et divisé par des fentes verticales en massifs quadrangulaires qui saillissent à l’entrée du bassin. Ce bassin (point f de la carte) a été rempli par un dépôt de tuf brun, volcanique, dont la plus grande partie a été em- portée par la débâcle qui a dû accompagner l’ouverture de la gorge par où s’échappaient les eaux du bassin. Le tuf contient beaucoup de fragments calcaires, et passe ainsi à un vrai conglomérat ; quel- ques-unes des couches sont arénacées et paraissent composées de sable fin, ryacolitique, de même qu’il s’en trouve dans le dépôt de Vico ; entre ces couches arénacées il y a de minces trainées de char- bon. Ces couches tufacées, ailleurs horizontales, sont redressées sur deux points différents du ravin, où les couches arénacées, aussi bien que le conglomérat, sont courbées en haut de manière à devenir verticales ; les têtes supérieures des couches redressées se confondent dans un amas de tuf non stratifié, qui passe supérieurement à un conglomérat stratifié en bancs horizontaux. La direction des couches verticales est N. 10° E. , direction qui, selon M. Dufrénoy (1), pré- domine dans les soulèvements du tuf des champs Phlégréens. U est bien remarquable que la loi du parallélisme des soulèvements con- temporains ait pu s’exercer si distinctement dans le bassin étroit de Pacognano, qui est, comme je viens de le dire, enfoncé entre des escarpements calcaires préexistants et ayant une direction toute diffé- rente, Les observations précédentes prouvent que, depuis la formation des brèches et des tufs, il y a eu de grands changements dans la géographie physique de la péninsule. Dans la recherche de ces changements, il faut distinguer le redressement et les dislocations locaux des dépôts du changement de niveau général , qui paraît avoir eu lieu à peu près à la même époque dans toute la partie avoisinante de l’Ilalie. On a remarqué que les tufs volcaniques de la Campanie, qui s’introduisent bien loin dans les vallées des Apennins, ne mon- tent sur les flancs des montagnes qu’à une certaine hauteur, élevée à 1500 pieds environ au-dessus de la mer actuelle. Les couches coquil- lières de l’île d’ischia et le tuf ponceux à Serpules de la Somma, (<) Mémoires y t. IV, p, 253. 326 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. s’élèvent à la même hauteur (1). Ainsi la position élevée des brèches d’Agerola, de la Scalaetde la Trinita, du tuf violet de Santa-Agata et des tufs rouges disséminés sur touies les moniagnes de la péninsule, n’est point un fait isolé; au contraire, les dépôts pliocènes récents de la Sicile, élevés à des hauteurs de 2000 à 3000 pieds, font penser que toute Fltalie méridionale a participé à ce changement de niveau. Les marques du battement des vagues que j’ai observées en plusieurs points élevés de la péninsule prouvent le même fait ; ainsi le calcaire du sommet du petit Monte San-Angelo, près de Sorrento, et celui sur la route de Picriano à Santa- Maria-Castello, points situés à peu près à 1500 pieds de hauteur, sont lissés et creusés par V érosion des vagues (2) ; plus haut, ces traces de la mer disparaissent, et je n’en ai point vu sur les sommets les plus élevés de la péninsule. S’il était ainsi prouvé que la mer montait, à une époque peu reculée, jusqu’à 1500 pieds de hauteur sur les montagnes de la Campanie, les dépôts redressés au-dessus de ce niveau, comme la brèche de Santa- Maria, attesteraient un soulèvement local; car il n’est guère pro- bable que les brèches se formaient originairement dans des situations très élevées au-dessus de la mer. Quant aux dépôts des niveaux inférieurs, on ne peut pas non plus supposer qu’ils auraient été formés à de grandes profondeurs, pendant que se déposaient à fleur d’eau les couches présentement élevées sur les flancs des montagnes. Au contraire, la plupart de ces dépôts con- tiennent du calcaire d’eau douce et des coquilles terrestres, et ont l’apparence d’être formés dans des bassins lacustres dont les barrières ont été depuis brisées et enlevées. Même les tufs volcaniques, qui pa- raissent, comme ceux de Sorrento et de Vico, s’être déposés dans des baies sous-marines, semblent avoir été formés à une petite pro- fondeur; les couches de rvacolites et de sable volcanique que renfer- ment ces tufs, se forment encore tous les jours par l’action des va- gues sur la plage de Sorrento. Ainsi, je pense, avec M. Scacchi (3), que ces dépôts se formaient pendant le soulèvement lent et progressif qui a fini par établir le niveau actuel de la mer. La catastrophe qui a dérangé quelques-unes des brèches et des tufs, et qui a produit (1) Abich, Inc. cit. — Scacchi, cité par Murchison, Mém. sur les roches volcaniques de F Italie , p. 29. (2) 11 n’est pas sans intérêt de noter que, dans la dernière localité, les surfaces lissées sont déjetées par de petites failles évidemment postérieures à l’érosion du calcaire. (3) Murchison, loc . cit. Je regrette de n’avoir pu consulter l’ou- vrage de M. Scacchi sur les environs de Naples. MÉMOIRE DE M. PIJGGAÀRD. 327 une partie des dolomies, arriva, selon moi, après l’émersion de la plus grande partie de la péninsule actuelle. Sans doute la configuration du pays a été largement altérée à cette occasion; les montagnes pla- cées au sud du plateau d’Ageroîa ont dû s’écrouler ou s’affaisser, la vallée de la Cara a dû s’affaisser du côté oriental et s’élever du côté opposé; les ravins étroits s’ouvrirent dans les brèches et dans les tufs, les lacs s’écoulèrent ef les falaises abruptes de la côte se pré sentèrent à l’attaque des vagues. Depuis cet événement, quelques-uns des tufs et des conglomérats ont probablement été remaniés et dis- posés en nouvelles couches horizontales ; ainsi on peut trouver dans les niveaux inférieurs des dépôts quaternaires qui n’ont souffert aucun dérangement, comme le prouve le conglomérat horizontal recouvrant les tufs dérangés dans le bassin de Pacognano. VI. Formation dolomitique . J’aurais pu réunir ici tous les faits, relatifs à la dolomisation des calcaires et des brèches, dispersés dans ce mémoire, ainsi que la description des formes extérieures des dolomies et des passages qui s’observent à chaque pas entre ces roches et les calcaires ; j’ai pré- féré donner ces détails en connexion avec les divers terrains modi- fiés, en me réservant de présenter ici quelques remarques sur le même sujet. D’abord, il est évident qu’il y a dans la péninsule au moins deux formations distinctes de dolomies. Les brèches, que j’ai appelées cal- caires, méritent en beaucoup de cas plutôt le nom de brèches dolo - mitiques, puisque les fragments dont elles sont composées sont sou- vent des dolomies prononcées. La pâte même de quelques-unes de ces brèches est souvent aussi cristalline que les morceaux qu’elle réunit, et paraît quelquefois être formée de sable cristallin dolo- mitique dont Ses grains seraient cimentés par l’effet des sources calcaires, qui ont en d’autres lieux déposé les travertins. Or, ces brèches, formées ainsi en grande partie des fragments de la do- lomie ancienne et alternant avec les tufs volcaniques, sont à leur tour I changées en dolomies, transformation qui devait naturellement s’opé- I rer plus aisément dans les brèches composées de fragments de dolo- mie que dans les brèches simplement calcaires. Donc, il y a eu deux époques de dolomisation; l’une avant le dépôt des tufs volcaniques, l’autre après ou pendant la formation de ces mêmes dépôts. La date de la dernière catastrophe est suffisamment fixée par l’âge récent des couches qu’elle a affectées; ceux de la première dolomisation est plus incertaine, à cause de l’absence, dans lu péninsule, de couche* 3*28 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. miocènes et snbapennines ; ainsi ce n’est que par déduction qu’on peut deviner la date de cet événement géologique, sans doute beaucoup plus étendu et plus important pour la configuration de la péninsule que ne le fut la dolomisation postérieure (voyez la fin du mémoire). En parcourant la partie orientale de. la péninsule, on est souvent frappé de voir des massifs de dolomie bréchiforrne au milieu des do- lomies homogènes et éminemment cristallines. Ce phénomène est pro- duit de deux manières différentes : les unes sont des dolomies origi- nairement brocheuses, c’est-à-dire qu’elles devenaient brécheuses lors de leur formation même, par l’effet du fendillement de la roche transformée en dolomie ; les autres étaient originairement des brèches, et furent plus tard modifiées ou dolomisées. Dans les deux cas, la roche est plus ou moins altérée, et sa structure bréchiforrne est plus ou moins effacée, selon l’intensité de l’action plu Ionienne qui finit par confondre toutes les variétés dans une dolomie homogène. Sur la côte méridionale, entre Atrani et Minuri, j’ai vu de singu- liers mélanges de brèche non modifiée et de dolomie bréchiforrne, et des passages réitérés entre ces roches. A l’entrée orientale d’Atrani il y a une belle coupe de dolomie bréchiforrne. Dans une pâte gris- clair, semi-cristalline, on voit des fragments noirs suspendus, sans se toucher; ces fragments sont tantôt anguleux, tantôt fendus sur les bords ou pénétrés par la pâte qui les réunit ; quelques-uns sont entourés d’une auréole de cristaux blancs de dolomie, qui tapissent leurs surfaces et pénètrent dans les fentes des fragments. En sui- vant la chaussée vers Minuri, on voit d’abord la dolomie traversée par des fentes et des crevasses innombrables ; sur les côtés de celles-ci la roche devient plus cristalline et en même temps moins cohérente, à cause de l’écartement des cristaux entre eux ; les surfaces des cre- vasses présentent une apparence âpre et scoriacée, ou bien on y voit des mamelons arrondis, plus durs, saillir en dehors de la dolo- mie arénacée, en partie enlevée par l’action atmosphérique; les par- ties les plus solides de la roche sont bréchiformes, à morceaux angu- leux suspendus dans une pâte dolomilique. Plus loin, la chaussée est côtoyée par du calcaire noir à pétro-silex (incliné < 30° S.-S.-E.) ; puis tout à coup la roche est traversée par des fentes verticales rap- prochées; dans l’intervalle de ces fentes la stratification du calcaire s’observe d’abord indistinctement; le fendillement devient ensuite’do- minant, et la roche se transforme en dolomie brécheuse, formée probablement par l’introduction d’une pâte cristalline gris clair entre les fragments noirs du calcaire. La même dolomie brécheuse s’introduit aussi comme un banc irrégulier ou filon entre les couches MÉMOIRE 1)E M. PEGGAAUD. 329 calcaires qui, du côté opposé, aboutissent à ce point de transfor- mation. La dolomie brécheuse se transforme de son côté, soit en dolomie homogène, de couleur blanche ou gris-foncé, soit en brèche dolo- mitique, formée de fragments grossiers entassés sans ordre et en apparence sans ciment, à moins qu’ils ne soient soudés entre eux par l’effet de la chaleur. Dans une coupe plus près de JVIinuri, la surface de la dolomie est scoriacée et passe insensiblement à la brèche, laquelle, à son tour, renferme, vers le sommet de la pente, de petits rochers saillants de dolomie brécheuse semi-cristalline ; on dirait des mamelons de trachyte s’élevant au milieu des scories trachy- tiques de quelque ancienne éruption. Dans ce lieu, la brèche est légèrement entremêlée de terre rouge volcanique, ce qui fait voir sa connexion avec les brèches stratifiées. Entre Castellamare et Gapo d’Orlando, j’ai observé une éruption dolomitique analogue. Au milieu des bancs calcaires, inclinés assez régulièrement vers le nord et exploités dans de grandes carrières, s’élève un petit massif de dolomie, près duquel la stratification dis- paraît. Le long d’une fente verticale la roche est incohérente et aré- nacée, faisant passage sur les côtés à une dolomie saccharoïde plus solide. La partie supérieure du rocher, situé sur la même pente, est formée de scories dolomitiques de couleur ocracée, entassées à une grande hauteur; au sommet de ce rocher il y a une petite grotte, dont les parois sont formées d’un côté de dolomie solide cristalline, de l’autre côté d’une dolomie brécheuse. La dernière contient des fragments anguleux de calcaire gris compacte, et d’autres de dolo- mie gris-brun, semi-cristalline, dispersés dans une pâte de dolomie blanche, espèce de brèche qui passe insensiblement à la dolomie ho- mogène; les petits cristaux qui composent la roche sont séparés entre eux par des vides microscopiques. Cet endroit montre très bien la dilatation que doit éprouver la roche en passant de l’état amorphe à l’état cristallin. On doit attribuer l’élévation du petit rocher au- dessus du calcaire environnant uniquement à cette dilatation, puisque les couches, sur les côtés de la fente, ne sont d’ailleurs aucunement dérangées (1). La formation des brèches est liée d’nne manière intime à celle des dolomies. Les dolomies de la Péninsule ont été formées, selon moi, (1) L’augmentation de volume qu’éprouve la dolomie en devenant cristalline a été parfaitement bien démontrée par mon savant ami, M. le professeur C. Brunner, de Berne, dans son Aperçu géologique des environs du lac de Lugano. 330 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. par la métamorphose de calcaires en grande partie émergés. Par une telle formation en plein air, la dolomie devait prendre un aspect plus volcanique, plus éruptif que si la transformation eût eu lieu sous une grande pression d’eau. Les vapeurs et les gaz ardents, qui forçaient leur passage à travers les calcaires échauffés, devaient faire explosion à la surface en jetant au loin les scories dolomitiques et les calcaires fracturés dont furent composées les brèches. Eu général, je pense que les brèches ne se forment habituellement que par suite de causes agissant sur les montagnes émergées, desquelles sont détachés les matériaux de ces dépôts ; par les convulsions sous-marines, au con- traire, aussi bien que par l’action ordinaire des vagues, il doit en général se former des conglomérats ou des poudingues, les fragments étant promptement arrondis. Quant à certaines brèches non stra- tifiées que j’ai mentionnées en plusieurs localités, on voit clairement que le fendillement et la fracturation de la roche n’est que le pré- curseur de la dolomisation ; j’ai cité des exemples, où les fragments sont cimentés par l’introduction d’une pâte de dolomie cristalline; en d’autres cas la transformation ne s’accomplit pas, et la roche fracturée reste dans l’état de fragments incohérents ou d’une brèche disposée d’une manière éruptive au milieu du calcaire stratifié , comme témoignage d’un essai non achève de la nature. Ainsi, à l’entrée occidentale de Majuri, une grande caverne, ou- verte vers la mer et presque inondée par les vagues, a été formée par l’enlèvement d’une brèche calcaire, produite au milieu du cal- calcaire noir stratifié par la fracturation des couches. Inférieurement, les fragments sont disposés sans ordre, et des blocs de toutes les grandeurs sont réunis par une pâte grise et terreuse, résultat de la trituration des fragments entre eux. Supérieurement, les morceaux sont allongés et se disposent en séries, en passant ainsi peu à peu au calcaire stratifié solide, qui forme le toit de la grotte. Un filon rami- fié de travertin jaune s’étend du côte occidental de la grotte, en pénétrant au loin à travers les couches du calcaire noir. Selon la coutume des montagnards, empressés d’employer tous les coins de leur terre, on a profité de la caverne pour y construire une ancienne église, ruinée à présent par l’écroulement de la voûte et par les ra- vages de la mer. Un autre exemple d’une dolomisation incomplète s’observe au sommet du Monte San-Angelo et dans la gorge de Positano. Le som- met de la montagne est formé d’un calcaire brécheux, nullement cristallin, semblable à celui de la grotte de Majuri, et ensuite de fragments noirs, cimentés par une pâte compacte gris-clair, ressem- blant à de l’argile ou à de la boue solidifiée ; du côté nord-est les for- MÉMOIRE DE M, PUGGÀARD. 33] mes de la montagne sont éminemment dolomitiques, tandis que du côté sud-ouest la stratification se fait distinctement remarquer. Aussi, en descendant vers Santa-Maria-Castello on ne voit que des couches à peu près horizontales de calcaire plus ou moins modifié, et en s’enfonçant dans la gorge escarpée, qui descend vers Positano, on est accompagné du côté est de calcaires noirs stratifiés; du côté occidental le calcaire est d’abord massif puis il devient extrême- ment fendillé, et passe inférieurement à une roche brécheuse, semblable à celle qui constitue la cime du San-Angelo. Cette brèche est divisée, en bancs verticaux, parallèles à la direction (N.-S.) de la gorge; plus bas la roche devient plus cristalline ; elle blanchit et se transforme enfin, vis-à-vis des grottes de Monpertuso, en une dolomie blanche, qui s’étend aussi du côté oriental de la gorge. Dans ce cas, on voit que l’action dolomisante s’est étendue jusqu’au sommet de la montagne, quoique la véritable dolomie ne se trouve qu’à un niveau inférieur. Selon l’analyse de M. Abich (1), le cal- caire brécheux du sommet de Monte San-Angelo nest guère ma- gnésien; néanmoins il est très probable qu’il est disposé, comme la brèche de la gorge, en filon traversant le calcaire stratifié d’une ma- nière éruptive, étant sans doute le produit de la friction mutuelle des massifs de montagnes et des éruptions gazeuses qui accompagnaient la formation des dolomies. 1 En résumant les observations sur la dolomisation, communiquées dans ce mémoire, je rappellerai que cette modification des roches cal- caires s’étend toujours le long des fentes qui traversent les montagnes ; de bas en haut, et que l’effet ne se communiqué guère à de grandes j distances de ces fentes. Fréquemment une même couche, composée de calcaire compacte , se transforme tout à côté en une dolomie prononcée ; de même, dans les dolomies brécheuses, une pâte très j cristalline renferme souvent des fragments de calcaire compacte, qui ne paraissent aucunement modifiés. D’autre part, j’ai observé dans les brèches dolomisées au voisinage d’Amalfi des morceaux de cal- caire noir, qui devenaient poreux à la surface, tandis qu’ils étaient I encore compactes dans l’intérieur. D’une manière semblable la do- I lomie s’est quelquefois développée au sommet de certaines pentes, | sans que les couches inférieures soient affectées par cet accident l (Agerola) ; en d’autres localités la dolomisation s’est emparée despar- | lies inférieures d’un massif calcaire, sans que les parties supérieures | soient complètement transformées (gorge de Positano). La dolomisa- | lion ne paraît point avoir essentiellement agi sur le redressement des (1) Yoy. l’analyse de cette roche au n° 2 de la note page 333. 332 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. couches, puisque les calcaires se transforment souvent en dolomies, sans que la stratification en soit sensiblement dérangée; en d’autres cas, il est vrai qu’on observe des dérangements locaux, causés sans doute par le changement de volume, lors de la fusion et de la cristal- lisation de la roche, ou par la tension des vapeurs agissant sur les roches semi-fluides; ainsi la dolomie ressemble encore, à cet égard, aux roches ignées, dont les éruptions sont parfois accompagnées du redressement des couches traversées, tandis qu’elles ne causent ailleurs aucun dérangement. Quant à l’état de fusion où a été la dolomie, il paraît que la roche a été tout au plus dans un état visqueux ou pâteux, qui permettait aux couches modifiées de se fléchir, de s’entremêler et de pénétrer à de petites distances dans d’autres massifs. La seule localité où j’aie eu lieu de soupçonner un épanchement latéral de la dolomie est du côté gauche du ravin de la Ferriera, où j’ai observé à côté du sentier un épais banc incliné de dolomie, reposant dans une petite étendue sur un agglomérat de blocs dolomitiques anguleux. Sauf la couleur, on aurait pensé que c’était une lave prismatique recouvrant son lit de scories; toutefois ce recouvrement peut s’expliquer par une dilata- tion latérale de la dolomie. Les grottes qui se trouvent au-dessus de ce lieu, dans le même massif de dolomie, sont des vides arrondis, à surfaces lisses, semblables aux vides vésiculaires des laves. En effet, la plupart des grottes de la côte amalfitaine et de file de Capri ont l’apparence de grands vides vésiculaires; aussi je pense qu’elles ont servi de réservoirs aux gaz échauffés, développés durant la dolomi- salion, ce qui devait aisément donner aux parois de ces grottes une apparence de fusion, quand même la roche, à quelque distance, ne serait pas complètement transformée ou serait encore stratifiée. D’ailleurs il n'est point nécessaire de supposer que toutes les mon- tagnes dolomisées aient été incandescentes ; en beaucoup de cas la transformation a pu sans doute s’effectuer à une empérature moins élevée, produite par le passage des gaz suréchauffés. Car, selon toutes les observations, il n’y a pas de doute que des fluides élastiques n’aient été ies principales causes de la dolomisation des calcaires de la Péninsule, effet qui s’étendait le long des fentes pro- duites et élargies par la tension et par le passage des gaz ; selon la nature chimique, la température et la tension des gaz, et selon la durée de ces causes modifiantes, les effets produits en chaque point devaient être différents. Je n’ai pas besoin de m’étendre ici sur la controverse, assez an- cienne, relative à l’origine et à l’introduction mystérieuse de la ma- gnésie dans le calcaire dolomisé; je laisse à chacun le soin de tirer de MÉMOIRE DE M. PUGGAARD. 333 mes observations les conclusions à cet égard, il suffit de dire que dans les dolomies de la péninsule le carbonate de magnésie se trouve effecti- vement dans la proportion atomique nécessaire pour former avec le carbonate de chaux un sel double, tandis que les calcaires non modifiés ne contiennent qu’une très faible quantité de la première substance. Ce fait important, constaté par M. Abich (1), 11e permet pas d’expliquer la présence de la magnésie dans les dolomies d’Amalfi de la même ma- nière que dans celles de Lugano. Dans cette dernière localité, il paraît, d’après les observations de M. Brunner (2), que la dolomie a été le produit de la transformation de calcaires magnésiens, qui contenaient, lors de leur dépôt, une grande quantité de magnésie, et n’avaient besoin que d’une température élevée pour devenir des dolomies cris- tallines. Mais comment pourrait-on admettre une telle hypothèse pour les dolomies de notre péninsule? Comment la dolomie de Mi- nuri (n° h) serait-elle produite par la transformation du calcaire contigu (n° 3), sans que la magnésie dût lui être ajoutée d’une manière ou d’une autre? De même, on ne peut pas supposer que le calcaire à Hippurites, changé en dolomie près de Tramonti, ait été très magnésien lors de sa formation, pendant que le calcaire hippuritique de Vico (n° 1) ne l’eût pas été. Y II. Remarques conclusives. Parmi les dislocations observées dans la péninsule, celles suivant la direction N.-^.-O. sont les plus remarquables. J’ai décrit dans les environs de Sorrenlo plusieurs localités où le calcaire et le macigno (1) Voici les analyses de M. Abich relatives aux roches de la Pénin- N° 1. N° 2. ,N° 3. N° 4. N° 5. Carbonate de chaux . . . . 96,72 98,04 96,00 56,57 54,10 Carbonate de magnésie . . . 1,69 1,96 2,30 43,43 39,00 Oxyde de fer et alumine . . 0,32 0,00 0,00 0,00 0,94 Silice et bitume . 1,00 0,00 0,00 0,00 5,25 1 1. Calcaire à Hippurites de Vico. 2. Calcaire brécheux de la cime du Monte San-Angelo. | 3. Calcaire compacte stratifié, entre Minuri et Majuri, faisant pas- sage à I 4. Dolomie cristalline à gros grains. j 5. Dolomie noire de Minuri, au passage entre la dolomie et le calcaire stratifié. (2) Aperçu géologique des environs du lac de Lugano , Berne, <831. S3â SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. se trouvent disloqués par des failles dirigées N. 20 ’ O. ; évidemment ces faiiîes sont postérieures au terrain éocène ; d'autre part, il paraît que les mêmes dislocations sont antérieures au terrain pliocène, puisque le tuf volcanique n’en est point affecté. On est donc justifié de supposer qu’une partie des dislocations dirigées en N. 20° O. (ou à peu près), sont contemporaines à celles de la même direction si- gnalées dans la Toscane par M. Murchison (1). D’après ce géologue, les fentes qui émettent dans la Maremma de Volierra les vapeurs chaudes contenant l’acide borique auraient été formées entre les époques éocène et miocène, lors de l’éruption de la serpentine, éruption qui aurait aussi produit les premières terres émergées de l’Italie. Les éruptions serpenlineuses et les sources bouillantes de la Maremma sont placées sur une ligne de fractures et de soulèvements, dirigée N. 20° O., qui traverse l’axe des Alpes apuennes et le Monte Pisano, et aboutit au AS on te Argentaro. Ces montagnes, isolées de la chaîne des Apennins, appartiennent au groupe de soulèvements, dé- signé par M. Savi (2), sous le nom de chaîne métallifère , à cause des veines métalliques qui, dans ce groupe, traversent les roches sédimentaires, sensiblement altérées par le passage de ces éjections ignées. N’est-il pas probable que le groupe du Monte San-Angelo, également isolé, également altéré par des actions plutoniennes, et traversé par des fentes de la même direction, appartient à une zone de soulèvements parallèle et contemporaine à la chaîne métallifère? A l’appui de cette opinion, je ferai remarquer que les dépôts sub- apennins manquent également dans la péninsule Sorrentine et sur les montagnes delà chaîne métallifère; il est donc probable que pen- dant les époques miocène et pliocène la péninsule aura été une île émergée, comme le suppose M . Savi pourle groupe toscan. Une partie au moins de cette supposition est suffisamment prouvée par les ossements trouvés par M. Bertrand-Geslin (3) dans le tuf de Sor- reuto et par les coquilles terrestres et les morceaux de charbon que j’ai indiqués dans les tufs au-dessous des brèches. Remarquons de plus que la cime du San-Angelo et celle du Vésuve sont placées sur une ligne (A-V dans la carte) dirigé exactement au N. 20° O. Le prolongement de cette ligue passe par le sommet du Gran-Sasso, est (1) Murchison, Mém. sur les roches volcaniques de l’ltalie} etc., édition allemande, Stuttgart, 4 851. p. 39, 47, 49. (2) Savi. Memorie geologische, Pisa, 1838, p. 53. (3) Dufrénoy, loc. cit . , t. IV, p. 252. Ces ossements lui ont paru en tout semblables à ceux qui existent dans les terrains subapen- uins. MÉMOIRE DE M. FUGGÀARD. 335 peu éloigné des éruptions trachytiques des Monts Euganéens, et aboutit au terrain dolomitique de ia vallée de Passa. L’âge des dolo- mies de Passa et du Monte San-Angelo, et celui du trachvte des Monts Euganéens, est également incertain, à cause de l’absence sur ces points de dépôts tertiaires modernes ; toutefois il est certain que ces roches sont toutes tertiaires. Pour le trachyte des Monts Euga- néens, on pense qu’il est contemporain des filons trachytiques et métalliques de la Toscane et de l’île d’Elbe, c’est-à-dire qu’il est postérieur aux dépôts subapennins (1) ; quant à la dolomie du Gran- Sasso, je ne trouve point de détails sur son âge, mais il paraît qu’elle est contemporaine des dislocations observées par Pilla dans le voisi- nage (à Teramo), où des dépôts miocènes et pliocènes sont redressés fortement dans la direction N. -N. -O. (2). Ainsi, on trouve sur cette ligne de fracture, de même que sur celle de la chaîne métallifère, une succession de points de doiomisation, d’éruptions trachytiques et de phénomènes de volcans actifs, ce qui prouve que les fentes pratiquées dans la croûte terrestre à l’époque des éruptions de la serpentine ont livré passage depuis, à diverses époques, aux agents plutoniens, et restent ouvertes encore de nos jours (3). Quanta l’âge des dolomiesde la péninsule, j’ai déjà fait remarquer qu’il faut admettre deux époques de doiomisation, séparées par le dépôt d’une partie des brèches et des tufs volcaniques. Pour la pre- mière formation de dolomie, je pense qu’elle doit être contempo- raine des modifications subies par les calcaires des Alpes apuennes, attribuées par les géologues italiens aux éruptions de granité, de trachyte et de fer, dont les filons traversent en plusieurs localités les dépôts subapennins. Ces filons sont dirigés pour la plupart dans le sens du méridien (A), direction observée également dans les disloca- tions des dépôts miocènes et pliocènes du Pisan (5). Dans les cal- caires et les dolomies de la péninsule, j’ai signalé plusieurs disloca- tions et accidents qui suivent la même direction ; aussi les petites (1) Pilla, Saggio comparative >, p. 104, 119. (2) Pilla, Saggio comparative, p. 104, 109. (3) Les serpentines ne se trouvent que dans la zone toscane, qui se i distingue encore de la zone du San-Angelo par sa richesse minérale | et par la rareté relative des véritables dolomies cristallines, quoique les calcaires de cette zone soient d’ailleurs très modifiés et changés en marbres saccharoïdes. Il paraît que la magnésie a préféré, en Tos- cane, venir au jour sous la forme de silicate, tandis qu’elle se présente uniquement comme carbonate dans la zone du Monte San-Angelo. (4) Pilla, loc. cit . , p. 112. ^(5) Murchison, Mém. sur les Alpes , p. 139. 330 SÉANCE DU 15 iJÉLOi.îiE J 856, veines de fer, observées dans certains calcaires modifiés, contribuent- elles à appuyer mon opinion. La dernière dolomisation paraît en grande partie avoir suivi les fentes anciennes, puisque les dépôts mo- dernes de la péninsule ont été redressés à celle occasion suivant des directions différentes ; ainsi la brèche dolomisée d’Agerola est redres- sée dans la direction N.-N.-O., celle de Sanla-Maria-Casteîlo est inclinée O. -N. -O., et le tuf vertical de Pacognano est dirigé N. 10° E. Pour fixer l’époque des dernières éruptions gazeuses qui ont dolo- misé la brèche, il faut d’abord se rappeler que ce dépôt est contem- porain des tufs volcaniques des champs Phlégréens, regardés géné- ralement comme appartenant au terrain pliocène récent. En effet, dans la ville même de Naples, le tuf repose sur les marnes bleues subapennines ; les sables jaunes, qui ailleurs forment ordinairement l’étage supérieur du terrain pliocène, ne s’y trouvent point, ce qui paraît confirmer l’opinion de M. Spada, que le tuf des champs Phlé- gréens et les sables sont des dépôts synchroniques. On sait que les tufs volcaniques de l’île d’ischia sont couverts, jusqu’à la hauteur de 1550 pieds, de marnes coquillières très récentes; les coquilles marines appartiennent toutes à des espèces vivantes (1). La position élevée de ces dépôts modernes présente, comme je l’ai déjà fait obser- ver, la plus grande analogie avec celle de la brèche contenant des espèces encore existantes de coquilles terrestres. Le travertin, dont la brèche est accompagnée, rapproche ce dépôt des calcaires lacustres de l’Italie centrale. Ces formations de calcaire d’eau douce se trou- vent en général dans le voisinage des roches ignées et trahissent ainsi la connexion qui existe entre les sources calcaires et les éruptions ignées. Comme dernier effort d’une force plutonienne réprimée, les émanations d’acide carbonique continuent de traverser les fentes ouvertes lors du développement plus énergique de celle force ; c’est pourquoi les dépôts principaux de travertin, dont quelques-uns continuent de se former encore, sont disposés en séries, qui suivent à quelque distance la direction de certaines dislocations plus an- ciennes. De cette manière, la chaine métallifère est accompagnée par les travertins de Colle, Volterra, Massa Mari lima, Vignone, San- (1) Scacchi, Memorie mineralogische, Napoli, 1845, p. I. Les observations de Filippi, de Scacchi et d’autres géologues paraissent réfuter d’avance l’opinion de M. Spada sur l’âge du tuf volcanique d’ischia, regardé par ce géologue comme antérieur au terrain plio- cène, parce qu’il confond les marnes coquillières récentes avec les marnes subapennines [Bull, de la Soc . géol., 2e série t. XI, p. 72). MÉMOIRE DE M. PUGGAARÏ). 337 Filippo, Pitigliana et de Civita-Vccchia ; la zone du San-Angelo comprend aussi les sources calcaires chaudes d’Abano, près de Padoue, les travertins élevés d’Ascoli et des monts ftladuardi, ceux de Telese, de la Cava et de Pestum. Le dépôt d’Ascoli est très ana- logue à ceux de la péninsule Sorrentine, puisqu’il est formé de tra- vertin et de poudingues à cailloux calcaires, et contient des coquilles terrestres et lacustres, ainsi que des ossements d’Eléphanls, de Rhi- nocéros, etc. ; ce dépôt, épais de 1 00 mètres et élevé à la hauteur de 3678 pieds, se trouve disposé sur les sommets de plusieurs monta- gnes, qui sont séparées par de profondes vallées (1). Sans doute le dépôt d’Ascoli a souffert de la même caiastrophe qui dérangeait la brèche et le tuf de la péninsule ; de même le calcaire pliocène récent est visiblement redressé à Melazzo, en Sicile, et la panchinci, espèce de travertin marin du même âge, se trouve disloquée aux environs de Volterra (2). Les dépôts auxquels j’ai comparé la brèche appartiennent tous au terrain pliocène récent, ou, ce qui revient au même, au terrain allu- vial ancien des géologues italiens (terrain quaternaire de VI. d’Archiac). Si donc les dernières convulsions de la péninsule sont arrivées à la fin de l’époque tertiaire, on doit présumer qu’elles sont contempo- rainesde la révolution qui a donné, selon M. Savi, aux montagnes de la chaîne métallifère leur configuration actuelle. Les preuves de l’existence et de la date de celte catastrophe se trouvent spéciale- ment dans la brèche ossifère du Ronte-Pisano, qui contient des osse- ments de mammifères éteints, empâtés et brisés, entre des fragments anguleux, circonstance qu’on observe aussi dans la brèche de Ca- gliari. L’introduction de ces ossements entre les fragments n’a pu s’effectuer que pendant la catastrophe même qui causait la frac- turation des calcaires (3). M. Savi pense que cette catastrophe a consisté dans un affaissement des bords des montagnes de la chaîne métallifère, pendant que leurs sommets étaient en même temps soulevés. Pour la péninsule Sorrentine, j’adopte d’autant plus (1) Orsini et Spada, cités par d’Archiac, Histoire des progrès de la géologie , t. II, p. 799. (2) En rapprochant, d’après Pilla et M. Savi, la brèche de la péninsule delà panchinade la Toscane, je ferai remarquer encore que, dans I'îIq d’Elbe, le dernier dépôt repose horizontalement sur les filons de gra- nité et de fer, dirigés N. — S., étant ainsi, de même que notre brèche, postérieur à l’époque fixée par moi pour la première dolomisation (Collrg/w, cité par d’Archiac, t. II, p. 277, t. III, p. 386. Voyez antè, la disposition de la brèche de Santa-Maria. (3) Savi, loc. cil., p. 69. Soc. géol.f 2* série, tome XIV. n 3S8 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. volontiers cette opinion du savant professeur de Pise, que j’ai émis la même hypothèse relativement à la catastrophe qui a terminé dans le nord de l’Europe l’époque tertiaire. A mon avis, la fracturation des montagnes de l’Italie à la fin de l’époque tertiaire est le même phénomène que celui qui, dans !e Nord, a donné origine au terrain erratique, et je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas une catastrophe identique qui aurait brisé les roches dans le sud et dans le nord. Au contraire, j’ai trouvé dans l’île de Moën les preuves de convulsions violentes, arrivées à la limite des terrains pliocène récent et erratique (1) ; aussi les brèches ossifères sont- elles généralement regardées comme synchroniques du terrain erratique. De même que les montagnes de la Scandinavie sont couvertes de blocs anguleux détachés de leurs places par des mouvements sou- terrains, j’ai observé près deSorrento des blocs analogues de calcaire et de macigno, entassés les uns sur les autres ; seulement, en Italie, le moyen de transport des blocs du Nord a manqué, et ies débris ont été réunis en place par des incrustations calcaires, au lieu d’être emportés au loin par les glaces. (1) Notice sur l'ile de Moën ( Bull , 2e série, t. VIII, p. 532). MÉMOIRE DE M. PUGGÀÀRD. 339 Table des observations sur la stratification. Direction des couches. 0 0 0 Variable. Id. Id. Id. O.-E. Inclinaison des couches. N. 80°j O. 0 0 3° — 5° Id. Id. Id. 5 N. 5-10 N. ION. 15 N. 15 N. 15 S. 20 N. 30 N. 30 S. 30 S. 45 N. 45 S. 60 N. 60 S. 30 S. 90 — N. 75° O. N. 70° 0. LOCALITES ET TERRAINS. 60 N.-E. 5 N.-E. Torre di Chiunzo, au sommet du col; calcaire gris, dolomitique. Monte Grande ; calcaire couvert de macigno. Monte Vicalvano ; calcaire au sommet. Monte San-Angelo ; calcaire au sommet et au versant méridional, incliné au N.-E., N. et N. -O. Col de la Parata; calcaire gris, incliné au S. -O., O. -S. -O. et O. Trinita délia Cava ; calcaire dolomitique, incliné en N. O. ; à la descente vers la Cava, incliné au S. -O. Monte Scutolo et Arbore ; calcaire à Hippurites, incliné au N. -O., N. et N.-E. Monpertuso, ou versant méridional du San-Angelo ; cal caire corrodé. Agerola, bord méridional du plateau ; brèche pliocène Ticciano; calcaire gris clair. Cetaro ; calcaire. Santa-Agata ; macigno. Trasajella, sur la route de Sorrente à li Conti; maci- gno. plateau à l’est de la ville; macigno. Castellamare ; calcaire exploité dans les carrières. Schiazzano, plateau; macigno. Id. ; macigno sur la route entre Punta di Ricotta et Caprile. Descente de l’Ammarata vers Gragnano; calcaire cel luleux. Fond du ravin entre Schiazzano et Santa-Maria ; grès du macigno. Route de Monticchio à Santa-Agata ; macigno redressé par une crête calcaire, dirigé N. 80° E. Prajano; calcaire noir sur la route d’Agerola. Monte Grande; fendillement du calcaire. Termini; macigno incliné vers le calcaire de Monte Santa Costanza. La Rova, montée vers le Monte Commune ; macigno très contourné et désagrégé. Id., ravin escarpé, entre le Monte Vicalvano et le Monte di Camaldoli. Pacognano ; moins profond dans le calcaire, conte- nant le dépôt de tuf redressé. Sorrento ; large crevasse dans le calcaire du petit Monte San-Angelo. Doganaro, dans la vallée de Vico ; schistes marneux verts du macigno. Punta di Scutolo ; calcaire au uiveau de la mer. S/lO SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856. Dii ei lion des couches. Inclinaison des couches. LOCALITÉS ET TERRAINS. 2 O P 10° N. -E. Monte Sau-Angelo, montée de Santa-Maria; calcaire fétide, gris foncé. 15 S.-0. Punta diRicotta, montée vers Caprile; calcaire fétide. 20 S.-O. La Parata, descente vers le nord ; calcaire brécheux (éocène ?). 30 S.-0. Schiazzano ; macigno sur le bord du ravin de S. Maria. Monte Grande; plusieurs dislocations du côté nord vers Sorrento; crête calcaire au pied de la monta- gne, dans le macigno contourné et vertical. — — (Vésuve, fentes ouvertes pendant l’éruption de 1834.) N. 60 0. 10 N.-E. Monte Scutolo; calcaire gris sur la chaussée près de Meta. 15 N.-E. Pantano, sur la descente du San-Angelo, vers Massa Equana; calcaire celluleux. 20 N.-E. Monte Vicalvano ; calcaire au pied nord dans le ravin. 30 N.-E. Li Conti, sommet du col ; macigno. 60 N.-E. Casa Storita, sur la montagne de Camaldoli ; calcaire schisteux, noir (éocène?). 60 S.-O. Telegrafo, entre Sorrento et Massa; macigno à cal- caire blanc et pétrosilex, dans le ravin près de la grotte. N.-0. 10 N.-E. Monte Commune ; calcaire fétide, gris-brun. 20 N.-E. îd.; calcaire couvert de macigno cristallin, à cailloux de calcaire. 20 S.-O. Descente de TAmmarata vers Gragnano; calcaire gris, esquilleux. 30 S.-O. Lo Serajo près de Vico; calcaire gris. 30 S.-O. Prajano, montée vers Agerola; calcaire noir, esquil- leux. 30 N.-E. Erchia; dolomie semi-cristalline, à fossiles. 60 S.-O. Minuri ; calcaire noir. 80 S.-O. Termini, route de Schiazzano; macigno. N. 35 0. 15 S.-O. Monte Arnmarata, descente vers laFerriera; calcaire. 20 S.-O. Monte Liberatore; dolomie noire et blanche, au pied nord. N. 30 0. 30 S.-O. La Gava ; calcaire noir, alternant avec des marnes jaunes (éocène?), près de GolTre. 45 N.-E. Termini, église de Santa-Maria de Mitigliano; maci- gno reposant sur le calcaire. 60 N.-E. Fond du ravin entre Schiazzano et Santa-Maria ; assise de calcaire brécheux au milieu des schistes con- tournés, éocènes. 90 — Li Conti; macigno redressé contre le calcaire hori- zontal du Monte Grande. N. 20 0. 10 S.-O. Ravin de la Ferriera; calcaire fendillé (coitellino). 10 S.-O. Conca, route de Furore; calcaire gris. 15 S.-O. San-Andrea ; brèche pliocène. 20 N.-E. Agerola, Punta di Ronco; brèche dolomisée. 30 N.-E. Doganaro ; schistes yerts du macigno. MÉMOIRE DE M, PUGGÀÂRD. 3Zil Direction des couches- Inclinaison des couches. - - - - ■ ■ LOCALITÉS ET TERRAINS. N. 20° 0. 60° S. -0. Vico, fond du ravin au-dessus du pont ; calcaire gris foncé. Dislocations du calcaire et du macigno à Monte Vical- vano, Monte Grande, Santa-Agata et Santa-Maria près de Massa. N. -S. 10 0. Monte San-Felice ; dolomie et calcaire gris, schisteux. 10 0. Conca ; calcaire gris, dolomitique. 15 0. Monte Ammarata; calcaire à Hippurites au sommet, 15 0. Trasajella, près de Sorrento; macigno. 15 0. Antignano; calcaire des deux côté du ravin, dirigé N. -S. 1 5 E. Monte Grande, près du télégraphe ; macigno con- tourné. 20 0. Route delà Rova à Arbore; alternance de marnes jaunes et de calcaire gris ( éocène? ). 30 0. Monticchio; calcaire dolomitique, pénétré de veines de fer. 30 0. Punta di Campanella; calcaire gris clair. 45 0. Minuri; calcaire noir, stratifié, 45 0. Nerano; macigno. 45 E. Pontone, près de S. Agata; macigno et calcaire, redressés à former une crête. — — Sorrento, escarpement occidental du petit San-Angelo. — - — ■ Massa Equana, route de Pantano; enfoncement dans le calcaire, devenu blanc et calciné. Positano, gorge montant vers S. Maria ; fentes pa- rallèles dans la dolomie et filons de calcaire bré- cheux. — — Monte Scutolo; fendillement du calcaire. — — (Vésuve; fentes ouvertes dans l’éruption de 1760. ) N. 20 E. 5 N.-O. Sorrento ; calcaire près de l’église de San-Pietro. 15 N.-O. Santa Maria Castelio ; brèche dérangée au sommet de la gorge de Positano. 20 S.-E. Agerola, Punta di Ronco; brèche dolomisée, partie occidentale. 45 N -0. Majuri; calcaire noir à côté de la grotte. 45 N.-O. Sorrento; macigno appuyé contre le calcaire, près de Metrani. N. 40 E. 5 N.-O. Agerola, moulin de Yotara ; calcaire gris, esquilleux. N.-E. 10 N.-O. Prajano, route de Positano; calcaire gris, compacte. 15 N.-O. Agerola, moulin de Furore, au-dessous de la Votara ; calcaire gris et noir. 30 N.-O. Monte Commune; calcaire fétide, gris-brun, arénacé. 30 N.-O. Capo d’Orlando; calcaire schisteux à poissons. N. 50 E. 30 N.-O. Monte Santa-Costanza ; calcaire gris à Hippurites. N. 60 E. 10 — Deserto ; alternance de grès et de schiste du macigno, incliné S.-E. et N.-O. 15 N.-O. Ticciano; calcaire gris clair. 15 N.-O. Capo di Sorrento ; macigno recouvrant le calcaire. SA 2 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1856, | Direction | des couches. Inclinaison des couches. LOCALITÉS ET TERRAINS. 1 N. 60* E. 15° N.-O. Santa- Idora, près de laCava ; schistes noirs et jaunes alternants. 30 N.-O. Mooticchio, descente vers Punta diRicotta; alternance de grès et de schiste du macigno. 45 N.-O. Punta di Massa; macigno contourné. 45 N.-O. Santa-Maria Caslello; calcaireà lamontéedeS.Angelo. — — Telegrafo di Massa ; dislocation du calcaire et du ma- cigno, grotte. N. 70 E. 10 N.-O. Sorrento; calcaire près de Casola, sur le Petits. An- gelo. 10 N.-O. Santa-Maria Castello ; calcaire gris, couvert par la 10 N.-O. brèche. 15 N.-O. Monticchio, route de Punta di Ricotta ; macigno. Monte Falesio, descente vers Tramonti; calcaire semi- 15 N.-O. cristallin. 30 N.-O. Santa-Maria di Massa; macigno au bord du ravin. Sorrento ; macigno à Metrani, au pied du calcaire de 30 S.-E. Casola. 60 S.-E. Atrani, route de Minuri ; calcaire noir, à pétrosilex. 90 — Amalfi; dolomie moutonnée; stratification indistincte. 90 — Monticchio, route de Caprile ; macigno contourné. Pacognano ; tuf volcanique, redressé au fond du ravin. M. Durocher fait la communication suivante : Résumé d’un mémoire intitulé : Études sur là structure oro * graphique et la constitution géologique de la Norwéget de la Suède et de la Finlande , par M. J. Durocher. Dans le travail que j’ai l’honneur de présenter à la Société géolo- gique et qui forme la lr« partie du tome VI (2e série) des Mémoires de la Société, je commence par décrire la structure orographique de la Scandinavie : les hautes montagnes de cette contrée, semblables à celles du Spitzberg, ne constituent point une véritable chaîne : elles offrent un ensemble de plates-formes à surface un peu ondulée et de sommités tantôt isolées, tantôt réunies par groupes. Les plus hautes protubérances se trouvent dans la partie méridionale delà Norwége, entre le 59e et le 63# degré de latitude; on y voit des plateaux élevés de 1200 à 2000 mètres, et des pics aigus, dont la hauteur varie de 1500 à 2600 mètres. J’ai rectifié des idées inexactes qui avaient cours en géographie sur la liaison des divers massifs de montagnes de la Scandinavie, et j’ai exposé la disposition remarquable des plateaux MÉMOIRE DE M. DEROCHER. 343 qui offrent des pentes très faibles du côté oriental, tandis que, du côté de l’Atlantique, ils se terminent par des escarpements très élevés et découpés par de profondes crevasses, dont l’en ire-croisement a produit ces milliers dlles et de presqu’îles, à flancs abruptes, qui donnent un cachet spécial aux côtes de la Norwége. Par suite de sa disposition en hautes plates-formes et de la rigueur du climat, une partie assez considérable de cette contrée s’élève au-dessus de la limite de la végétation arborescente, et est inhabitable : on y voit aussi des champs de glace et de neige plus vastes que dans le reste du continent européen. J’ai expliqué, d’ailleurs, la multiplicité des lacs en Scandinavie par le grand nombre des phénomènes de dislo- cation qui ont découpé les montagnes et produit des milliers de col- lines laissant entre elles des dépressions, dont les bords se sont con- servés par suite de la dureté et de la faible altérabilité des roches granitiques de la Scandinavie. Après cette étude orographique, vient une description géologique détaillée des cinq groupes de formations qui constituent le sol de la Scandinavie, et qui sont, d’après l’ordre d’ancienneté : 1° les terrains primitifs, ou cristallino-schisteux ; 2° les terrains de transition infé- rieurs, ou schistes semi-cristallins; 3" les terrains paléozoïques (silu- rien et dévonien) ; 4° les terrains secondaires (jurassique et crétacé) ; 5° les terrains quaternaires (erratiques ou diluviens), et les terrains modernes, qui forment des dépôts superficiels. Pour chaque groupe, j’expose les caractères pétrographiques et stratigraphiques ; j’indique les principaux fossiles qui s’y trouvent, puis je décris les roches ignées qui y sont enclavées, les minéraux qu’elles renferment, et les phénomènes qui ont eu lieu au contact des deux sortes de roches, massives et stratifiées. Après ces descriptions, qu’il serait trop long d’analyser, j’ai dé- terminé les systèmes de dislocations qui ont redressé les terrains azoï- ques et paléozoïques (terrains primitifs et de transition) et qui ont produit les traits orographiques du nord de l’Europe. Cette déter- mination est basée sur l’examen des directions des principaux acci- dents du sol, sur l’étude stratigraphique des terrains et sur la com- paraison des alignements d’un grand nombre de gîtes métallifères, principalement de mines de fer. J’ai observé les traces de plusieurs des systèmes qu’a fondés M. Élie de Beaumont ; puis, en suivant les principes de cet éminent géologue, j’ai été conduit à créer un certain nombre de nouveaux systèmes qui n’ont pas seulement une impor- tance locale, mais dont j’ai pu reconnaître l’empreinte dans l’orogra- phie et la stratigraphie d’autres pays de l’Europe, particulièrement SÉANCE DE 5 JANVIER 1857. m dans les Pyrénées et dans la presqu’île de Bretagne. D’ailleurs, j’ai été conduit à confirmer et à généraliser les lois que M. Élie de Beau- mont a déduites de scs importants travaux sur les soulèvements des montagnes ; l’une de ces lois est relative à la récurrence des direc- tions de systèmes séparés les uns des autres par de longs intervalles de temps; une autre loi consiste dans la tendance des systèmes de divers âges à affecter des directions orthogonales. A ce mémoire est jointe une carte géologique de la Scandinavie, que j’ai tracée au moyen des meilleures cartes géographiques (celle de Forsell pour la Suède et de Munch pour la Norwége), et à l’aide des indications géologiques fournies par les cartes de MM. Hisinger, Keilhau, Murchison, de Verneuil et de Keyserling, conjointement avec mes propres observations. Dans l’exécution de cette carte, je me suis attaché à représenter aussi fidèlement que possible le relief du sol, qui, sur beaucoup de cartes, est figuré de manière à donner une fausse idée de la structure orographique de ces contrées. J'ai tracé les sandasar des Suédois, ou longues traînées de détritus, sables, graviers et blocs, qui se prolongent sur des étendues de plusieurs my- riamètres à la surface de l’Uplande, de la Westmanie et de la Néricie. J’ai aussi distingué les portions de la côte qui se trouvent, les unes en voie d’affaissement, les autres en voie d’exhaussement. De plus, outre l’indication des roches et des principaux systèmes de disloca- tions, j’ai tracé cinq polygones métallifères à l’intérieur desquels sont groupées presque toutes les mines et la plupart des usines, que j’ai représentées par des signes conventionnels. Cette carte offre aussi de nombreuses indications physiques et botaniques : elle fait connaître, en effet, les températures de l’air et du sol, ainsi que les déclinaisons magnétiques en un grand nombre de points; j’y ai marqué, en outre, le niveau inférieur des neiges permanentes, et les limites de végétation de diverses plantes, parti- culièrement des espèces végétales arborescentes; ces limites dépen- dent, soit de la latitude, soit de l’altitude au-dessus du niveau de la mer. Séance du 5 janvier 1857. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 345 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice : Journal des savants , décembre 1856. De la part de M. Forchhammer : Bentheographische Karte des Meeres zwischen Tenedos und dem Festlande , i n - 4 , Kiel, 1856. De la part de M. Ch. Martins : La géographie botanique et ses progrès (extr. de la Revue des Deux mondes , 1er octobre 1856), in-8, 36 p. De la part de M. Giovanni Omboni : Sullo stato geologieo delU Italia , in-18, 164 p., Milan, 1856. De la part de M. Joseph Prestwich : 1° On the thickness of the London clay ; on the relative po- sition of the fossiliferous beds of Sheppey, Highgate , Harwich , Newnham, Bognor , etc. ; and on the probable occurrence of the Bagshot sands in the isle of Sheppy (from the Quart . journ . of the geol . Soc. of Lond ., for nov. 1854), in-8, p. 401-45/1. 2e On the or i gin of the sa nd-and- gra vel-p ipes in the chalk of London tertiary district (from the Quart, journ., etc., for febr. 1855), in-8, p. 64-84. 3° On a fossiliferous drift tiear Salisbury (from the Quart . journ., etc., for may 1855), in-8, p. 101-112. 4° On the corrélation of the eoceue tertiairics of En gland, France, and Belgium (from the Quart, journ., etc., for aug. 1855), in-8, p. 206-246. 5° On the boring through the chalk at Kentish-Toivn , London (from the Quart, journ., etc., for febr. 1856), in-8, p. 6-1/j. De la part de M. Viquesnel : Voyage dans la Turquie d'Eu- rope; atlas, livraison 7e, 4 pl. De la part de Don Antonio Aguilar : Anuncio del éclipsé anular y central que tendra lugar el 15 marzo de 1858, in-8, 16 p. Comptes rendus hebdomadaires de l'Aca demie des sciences , 1856, 2e semestre, t. XLIII, nos 24 à 26. SÉANCE DU 5 JANVIER 1857. m Annales des mines, 5e série, !. VIII, 6e livr. de 1855; t. IX, lre h 3e livr. de 1856. Annuaire de la Société météorologique de France . Tables usuelles , f. 1-8. Bulletin de la Société de géographie , hQ série, t. XII, nos 70 et 71, octobre et novembre 1856. L'Institut, 1856, nos H98 à 1200. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, 9e année, n° 95, 5« année, novembre 1856. Bulletin de la Société de statistique , des sciences natur. et des arts industriels du département de P Isère , 2e série, t. III, livr. 3 et Æ. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 136. Bulletin de la Société de l'industrie minérale [de Saint- Etienne ); t. II, lre livr., juillet, août, septembre 1856, avec atlas in-f° de 10 pl. Annales de la Société d'émulation du département des Fosges , t. IX, 1er cahier, 1855. The Athenœum, 1856, n°* 1521 et 1522; 1857, n° 1523. N eues Jahrbuch fiir minéralogie , etc., von K. G. von Leonhard und H. G. Bronn, 1856, 5e cahier. Abhandlungen herausgegeben von der Seckenbergischen naturforschenden Gesellschaft , vol. II, lre livr,, 1856. Memorias de la real Academia de ciencias de Madrid , tomo 3°, Ciencias fi sic as ; tomo 1°, parte la ; tomo A°, Ciencias naturales , tomo 2°, parte 1\ Revista minera , t. VIII, dernière livraison de 1856. Revista de los progresos de las ciencias exactas , Jisicas y naturales , t. VI, n° 9, diciembre de 1856. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou , année 1856, n° 2. Natunrkundig Tijdschrift voor Nederlansch Indi'è , t. X ; nouv. série, t. VII, livr. 1 à 6; t. XI, derde sérié; t. I, livr. 1 à 3. NOTE DE M. OMBONI. U7 A l’occasion du mémoire de M. Sc. Gras, sur la période quaternaire dans la vallée du Rhône et sa division en cinq périodes distinctes (p. 207), lu dans la séance précédente, M. d’Archiac fait observer qu’il y a prés de dix ans il avait déjà classé dans cinq séries successives ou périodes tous les phénomènes de l’époque quaternaire, quatre au moins de ces périodes correspondent à celles qu’a établies M. Gras, pour quelques-uns de nos départements. Les rapports delà seconde et de la cinquième époque, de cet auteur, avec le premier et le cinquième phénomène erratique du tableau de M. d’Archiac (1) sont de la dernière évidence, et il est facile de reconnaître les périodes deux, trois et quatre de Y Histoire des progrès de la géologie dans les époques troisième et quatrième de M. Gras. Sa première époque reste seule sans analogue jusqu’à pré» sent. M. Albert Gaudry fait la communication suivante : J’ai l’honneur de communiquer à la Société, de la part de notre savant collègue de Milan, M. Omboni, un tableau qui devra être sub- stitué à ceux du Mémoire sur les terrains sédimentaires de la Lom- bardie. On sait que ce mémoire a été inséré en 1855 dans le Bulletin de la Société. L’auteur croit aujourd’hui devoir opérer quelques changements pour l’âge auquel il a rapporté les terrains compris entre le lias et le verrucano. Ces modifications sont indiquées à la fin du traité que M. Omboni vient de faire paraître : Sullo stato geolo- gico delV Italia. | (1) Histoire des progrès de la géologie , vol. Il, p. 424, 1848. — - Bulletin , 2e série, vol. Y, p. 202, séance dii 21 février 1848. SÉANCE DU 5 JANVIER 1857 US NOTE DE M. OMBONI. %k 9 TERRAINS PIÉMONT, SAVOIE ET LIGURIE. TOSCANE ET ROMAGNE. Actuel. Dunes, alluvions, pan china modcrna de lu Toscane, tufs calcaire*, tra- vertins, soJJionit etc. Erratique. Sables, argiles, blocs erratiques, brèches à ossements, tufs calcaires, poudingues, travertins anciens, panchina de Livourne, etc. 1 1 supéiieur 1 et B moyen. H 1 H \ M \ H 1 Sables jaunes, marnes bleues et grès! de l’Aste'sau, de la Ligurie, etc., à fossiles pliocéniques. Marnes, grès à fossiles mélangés du pliocène et du miocène, de Castel- Rocher, etc. Mollasses à fossiles du miocène, de Acqui, Novi, Mondovi, Ceva, Por- tofino, Cadihona, etc. Mollasses à fossiles mioce'uiques et calcaire conci étionné, à Numrau- lites,de la zone subapennine (Pa- reto). Panchina de Volterra, Sienne, etc., sables jaunes, argiles et marnes subapennines ( mattaione ) , ca- vernes ossifères, etc. Panchina ancienne, calcaires, gom- pholites, conglomérats ophioliti- ques, grès schisteux, combusti- bles fossiles, etc. inferieur. Marnes, grés et cal- caires à fucoïdes. Grès du macigno. Calcaire et grès à Nummulites. Schistes galestrini de la Spezia. Schistes méta- morphiques , 1 hyllades,etc., de la Ligurie (Lavagna, etc.) Calcaire alberese et groupe prin- cipal du macigno , calcaire num- mulilique, schistes galestrini su- périeurs, pietra colombina su- périeure, etc. Crétacé. Marnes, grès et calcaires de diffé- rents endroits de la Ligurie. Calcaire jaune clair et dolomie de Nizza, et calcaire et marbre por- toro de la Spezia. Pietra colombina inférieure, pie- tra paesina , schistes galestrini inférieurs, calcaire pietra forte. etc. Calcaire gris foucé, à silex, des monts Pisans. Jurassique. Schistes bigarrés ( varicolori ) et calcaire nummulitique de la Spezia. Calcaires de la Ligurie. a Terrain unthraxifère des Alpes, du Piémont et de la Savoie. Schistes bigarrés ( varicolori ) et calcaire marneux de la chaîne métallifère. Calcaire gris clair à silex. Calcaire rouge ammonitique. Calcaire gris, marbres saccharoïdes, céroïdes ,mischi,brocaielli, etc., du groupe calcare-salino. Triasique. Calcaires, dolomies, gypses et grès bigarré de la Ligur e. Calcaire gris-foncé, sans silex, des montagnes de Pise, bardigli de toute la chaîne métallifèie, cal- caires de l’Alpe de Corfino , etc Permien ? ET Houiller. Anage'nites, phyllades, etc., du groupe du verrucano de la Ligurie. Auagénites, quartzites, phyllades, etc., du groupe du verrucano de la chaîne métallifère. 350 SÉANCE DU 5 JANVIER 1857. M. Delesse donne lecture, au nom de Fauteur, de la note suivante : Notice sur la composition des eaux du Chelif en différents points du parcours de ce fleuve , par M# Ville. Le Chelif, qui est la rivière la plus importante de l’Algérie, prend sa source dans le Djebel-Sidi-Habet, auprès de Tiaret, coule d’abord du S. -S. -O. au N.-N.-E., en traversant le plateau quaternaire du Sersous, pénètre dans le Tell, au pied de Boghar, et s’avance, en marchant du sud au nord, jusqu’à 26 kilomètres à l’ouest de Mé- déah ; il tourne alors brusquement à angle droit vers l’O.-S.-O., passe àOrléansville, traverse une vallée fertile qui s’élargit progressivement jusqu’au confluent de la Mina et du Chelif, se relève vers le N. -O., à partir de son confluent, pénètre dans le Dahra dont il coupe à peu près normalement toutes les crêtes principales, et se jette enfin dans la mer à 13 kilomètres N.-E. de Mostaganem, après un parcours total de 400 kilomètres environ. La vallée du Chelif a une largeur très variable; au-dessus de Boghar, cette vallée est très peu encaissée ; les divers affluents qu’elle reçoit lui donnent la forme grossière d’une patte d’oie s’étalant dans des plaines immenses comprises entre Tiaret, à l’O. , et le versant nord du Djebel-Amour, au S. Ces vastes plaines sont généralement sans culture. Les cours d’eau qui les traversent sont ordinairement à sec, mais, dans la saison des pluies, il tombe sur ces hauts plateaux et dans le massif du Djebel-Amour des quantités d’eau considérables qui s’écoulent en grande partie dans le thalweg du Chelif. il en ré- sulte alors des crues très fortes, qui charrient énormément de ma- tières boueuses composées d’argile, de calcaire et de sables quartzeux en particules très fines. Si l’on établissait des barrages sur le haut Chelif et ses affluents, on pourrait retenir une partie plus ou moins considérable de ces eaux et de ces boues qui vont se perdre inutile- ment dans la mer, ou produisent des inondations désastreuses dans la vallée dû bas Chelif. Ces eaux et ces boues convenablement aména- gées dans le bassin du haut Chelif, seraient, au contraire, d’un grand secours pour l’agriculture, et permettraient de changer complète- ment l’aspect d’un pays inculte qui attriste le voyageur perdu dans ses immenses solitudes. C’est ce que l’administration a, du reste, parfaitement compris ; aussi l’on s’occupe dans les cercles de Boghar et de Laghouat de l’étude de divers projets de barrages, dont l’exé- cution amènera certainement une révolution toute pacifique dans les NOTE DE M. VILLE. 351 habitudes nomades des indigènes disséminés dans la haute vallée du Chelif. Au-dessous de Boghar, la vallée du Chelif est très encaissée et se compose d’une série de renflements et de rétrécissements successifs. Elle est d’une fertilité proverbiale ; aussi l’on y remarque de nom- breuses et importantes cultures, qui pourraient encore être augmen- tées par des barrages convenablement établis. Depuis longtemps un projet de barrage a été proposé auprès d’Orléansville par M. ie général du génie Tripier. Si ce projet était exécuté, il contribuerait puissam- ment au développement d’Orléansville qui manque d’eau pour ses cultures industrielles. Pendant la saison d’été, la basse vallée du Chelif, comprise entre Médéah et Mosiaganem, ne présente aucun abri pour les voyageurs dévorés par un soleil brûlant. On n’aperçoit aucun arbre dans les plaines que l’on traverse. Mais que des barrages échelonnés dans la vallée permettent de dériver les eaux du Chelif et de ses affluents et de 1rs faire circuler dans ses plaines à travers une multitude de canaux d’arrosage, et une transformation subite se fera dans la vallée. Des plantations verdoyantes et de nouveaux centres de population s’y élèveront comme par enchantement. Une des premières conditions de l’hygiène domestique c’est d’avoir de l’eau potable de bonne qualité ; les terres et les bestiaux sont, à cet égard, moins difficiles que l’homme. On peut dire, d’une manière générale, que toute eau courante dont le goût n’est pas trop forte- ment salé convient aux premiers ; mais l’homme est plus difficile pour sa boisson. Il lui faut une eau renfermant certaines substances salines dans des proportions qui varient entre des limites assez faibles. Aussi l’on tient compte pour le choix de l’emplacement des villages de la proximité d’une eau potable de bonne qualité. Avant de fixer, d’une manière invariable, remplacement d’un nouveau centre de population, il ne serait pas inutile, sans doute, que l’analyse chimique fût appliquée aux diverses sources dont on pourrait disposer pour l’économie domestique des habitants; il serait, eu effet, avantageux de placer le centre de population auprès de la source que l’analyse I indiquerait comme la meilleure. Depuis longtemps nous nous sommes occupé des relations qui j existent entre la qualité des eaux potables et la nature géologique | des terrains qu’elles traversent. Nous avons reconnu, à cet égard, j quelques lois générales que nous avons indiquées dans notre ouvrage j intitulé : Recherches sur les roches , les eaux et les gîtes minéraux des provinces d'Oran et d'Alger. Ces lois se trouvent confirmées parles nouvelles analyses que nous avons faites depuis 1852, date de la publication de cet ouvrage. Nous allons aujourd’hui faire connaître 352 SÉANCE DU 5 JANVIER 1857. la composition des eaux du Clielif en différents points de son par- cours, et l’on y trouvera la preuve de ce que nous venons d’annoncer. NOMS DES SUBSTANCES. Eau du Chelif recueillie le 26 octobre 1885 , au gué du K.sar-Bo- ghari avant une crue. Eau du Chelif recueillie le 29 octobre 1855, au gué du Ksar-Bo- ghaii après une crue. Eau du Chelif recueillie le 16 oct. 1848, au pont d’EL- Kantara, à 20 kilomètres 0. deMilianah. Eau du Chelif recueillie le 8 janvier 1853, auprès d’Orléansville. 1‘ 2. 3. 4. p. 1000 gr. p. 1000 gr. p. 1000 gr. p. 1000 gr. Chlorure de sodium. . . . Chlorure de magnésium. . Chlorure de calcium. . . . .Chlorure de potassium . . 2, 8990 » » » 5, 0716 0, 3135 » » 0, 2836 0, 140! 0, 0126 » 0, 5120 0, 0040 » traces. Total des chlorures. . 2. 8990 5, 3851 0, 4363 0, 5160 Sulfate de soude. . . . . . 0, 7560 1. 5700 1, 5560 * 0, 4240 0, 1006 0, 0963 > Sulfate de magnésie. . . . Sulfate de chaux 0, 7785 1, 0758 0, 1980 0, 2720 Total des sulfates. . . 5, 6620 1. 8543 0, 6209 0, 4700 Carbonate de chaux. . . . Carbonate d# magnésie. . 0, 1000 0, 0050 0, 0940 0, 0045 0, 2543 0, 0403 0, 1300 0, 0280 Total des carbonates. 0, 1030 0, 0985 0, 2946 0, 1780 Peroxyde de fer Silice gélatineuse libre. . Matière nrganirjue. . . . . 0, 0020 0, 0040 indéterminée. 0, 0020 0, 0020 indéterminée. 0, 0096 0. 0033 indéterminée. 0, 0140 0, 0040 indéterminée. Total des sels. . . . . 6. 6400 5, 3419 i, 3647 1, 1820 Auteurs Ville. Ville. de Marigny. Ville. L’eau n° 1T recueillie le 29 octobre 1855, auprès du Ksar-Bo- ghari, avant la saison des pluies, est très remarquable par la très grande proportion de matières salines qu’elle renferme. On y trouve 6sr,6/400 de sels divers par kilogramme d’eau. Cette énorme pro- portion la rend impropre à tous les besoins de l’économie domes- tique. Celte eau ne dissout pas le savon, cuit mal les légumes; elle est à la fois indigeste et purgative, en raison de la forte proportion de chlorures et de sulfates qu’elle contient. Elle a aussi un goût légère- ment salé, à cause des 2§r,809 de chlorure de sodium (sel de cuisine} qu’elle renferme. La composilion de cette eau s’explique par la na- ture géologique des terrains que traversent le Chelif et ses affluents, en amont du Ksar-Boghari. Ces terrains sont formés généralement de vastes plaines appartenant à la période quaternaire, et se couvrent, en été, d’efflorescences salines où dominent le sel marin et des sul- NOTICE DE M. VILLE. 353 fates divers. Pendant nos excursions dans le cercle de Laghouat, nous avons reconnu que les terrains quaternaires qui s’y trouvent très abondamment répandus sont fort riches en dépôt de plâtre tendre, presque farineux et facile à traverser par les eaux d’infiltra- tion. Ces terrains renferment aussi du sel marin à l’état de dissémina- tion dans leur masse. Ce sel, enlevé par les eaux d’infiltration qui se rendent ensuite dans les lits des rivières, contribue, en grande par- tie, h la salure de vastes lacs salés connus sous les noms de Zahrez- Rharbi et de Zahrez-Chergui. Ainsi, le sel et le plâtre abondent dans les terrains quaternaires, le premier à l’état de dissémination, le se- cond à l’état de dépôts plus ou moins considérables. Il n’est donc pas étonnant que des cours d’eau qui traversent ces terrains se chargent largement de sels solubles, alcalins et terreux, et que ces eaux soient, par suite, de mauvaise qualité pour les besoins de l’économie domes- tique. Nous ne voulons pas dire d’une manière absolue que toutes les eaux des terrains quaternaires devront être rejetées comme bois- son ; mais il faudra faire parmi elles un choix pour lequel l’analyse chimique sera d’un très grand secours. Le 29 octobre 1855, au matin, le Chelif roulait, au gué du Ksar- Boghari, une très faible quantité d’eau, dont on peut évaluer le débit tout au plus à un litre par seconde. Il est survenu dans la journée une crue d’un mètre environ de hauteur, qui a produit un volume d’eau dont on peut évaluer le débit à 100 mètres cubes environ par seconde. En tenant compte du poids des matières terreuses, suppo- sées sèches, qui se trouvaient en suspension dans un litre de cette eau, nous avons calculé que chaque mètre cube d’eau roulée par le Chelif tenait en suspension 20 kilogrammes de matières terreuses. Le Chelif roulait donc 2 tonnes de ces matières par seconde et 172,800 tonnes par vingt-quatre heures. En admettant qu’un mètre cube de ces matières pèse 2,^00 kil. , soit 2,^0, les 172,800 tonnes correspondront à 72,000 mètres cubes, et, si on les entassait sur un hectare de terrain, elles produiraient un dépôt de 7m,20 de hauteur. La crue dont nous parlons était une des plus faibles du Chelif. Les calculs qui précèdent donnent une idée de la grande quantité d’allu- vions argilo-sableuses que le Chelif peut entraîner dans ses débor- dements. On sait, en effet, que ces alluvions arrivent jusqu’à l’em- bouchure du Chelif dans la mer et se répandent au loin au delà de celle embouchure. L’eau du Chelif, après la crue du 29 octobre 1855, renferme en- core une très forte proportion de matières salines, 5sr,3M9 par kil. d’eau filtrée. Si l’on compare cette composition avec celle de l’eau avant la crue, on se rendra facilement compte des différences. Le Soe. géoL, série, tome XIV. 23 354 SÉANCE DU 5 JANVIER 1857. tableau qui précède montre que ces eaux renferment principalement des chlorures, des sulfates et des carbonates, avec de petites quan- tités de fer et de silice gélatineuse. La proportion des chlorures est plus forte après la crue qu’avant. La proportion des sulfates est, au contraire, plus petite, et la propor- tion des carbonates est à peu près la même. Tout cela s’explique par la nature des terrains quaternaires délayés par les eaux de pluie. Ces eaux coulant sur des efflorescences de sel marin et de plâtre ont dissous principalement le sel le plus soluble, c’est-à-dire le sel marin. La proportion des sulfates terreux est encore assez forte pour que l’eau du Chelif ne soit pas convenable pour les besoins domestiques, et, du reste, elle renferme assez de sel marin pour être légèrement salée au goût ; mais, nous le répétons, cette eau qui serait mauvaise pour l’homme, serait excellente pour les terres. On peut dire d’elle qu’elle renferme deux espèces d’amendements : 1° L’amendement terreux en suspension ; 2° L’amendement salin en dissolution. Elle présente donc un double avantage au point de vue agricole. En aval du Ksar-Boghari, entre ce Ksar et la mer, l’eau du Chelif présente des différences de composition qui sont en rapport avec la nature des terrains traversés par les affluents nombreux qui se jet- tent dans le Chelif. Si les résultats constatés par les analyses numéros 3 et 4 sont confirmés par de nouvelles analyses, on peut dire que l’eau du Chelif s’améliore à mesure qu’on marche vers l’ouest, entre Milianah et Mostaganem. L’eau du Chelif recueillie au pont d’El- Kantara, renferme par kil. lsr,3647 de matières salines, et, sans être d’une qualité excellente, peut cependant être employée dans les divers besoins de l’économie domestique. Or, entre Boghar et le pont d’El-Kantara, le Chelif a reçu des affluents considérables sor- tant du terrain tertiaire moyen et du terrain secondaire, et nous avons reconnu, à la suite de nombreuses analyses, que les eaux des terrains secondaires sont généralement plus pures et meilleures pour les besoins écomoniques que ies eaux des terrains plus modernes. On s’explique ainsi pourquoi l’eau recueillie au pont d’El-Kantara est plus pure que l’eau recueillie au Ksar-Boghari. L’eau recueillie à Orléansville, le 3 janvier 1853, ne renferme par kil. que l&r,182 de matières salines. Elle est encore plus pure que celle qui a été recueiliie au pont d’El-Kantara On peut expliquer ce fait parle mélange de l’eau apportée par les affluents nombreux que le Chelif a reçus entre le pont d’El-Kantara et Orléansville, et qui ont traversé le massif important des terrains secondaires s’étendant sur la rive gauche du Chelif. NOTE DE M. DALMAS. 355 Nous pensons que l’élude géologique du soi peut d’abord servir a prévoir, d’une manière générale, les propriétés des eaux courantes que l’on voudrait utiliser. L’analyse chimique devra être ensuite employée pour contrôler les prévisions de la géologie» Ce sont deux méthodes qui se prêtent un concours mutuel, et c’est pour indi- quer la voie à suivre que nous avons rédigé la notice qu’on vient de lire. M. de Roys fait, au nom de l’auteur, la communication sui- vante : Volcans de V Ardèche . — Origine de la chaleur et des prin- cipes minéralisateurs des eaux de Neyrac [Ardèche), par M. J.-B. Dalmas. Les eaux thermales et minérales de Neyrac sourdent d’une roche de granité porphyroïde, dans un petit vallon de la commune de dev- ras, près du confluent de la rivière du Vignon dans celle d’Ardèche. Leur bassin est situé à 300 mètres environ au-dessus du niveau des mers, et dominé à l’ouest par un vaste plateau des montagnes des Cévennes. dont l’altitude moyenne est de 1200 mètres. J’indiquerai les limites naturelles de ce grand plateau par quatre lignes droites, allant du sommet de ia montagne du Tanargue (près Loubaresse) à la ville de Pradelles, et de là au sommet du Mézenc, de ce point à l’église de Lachamp-Raphaëi, et de là enfin au mont Tanargue, point de départ. Dominé par des pics très élevés, notamment par le mont Tanargue (1528 mètres au-dessus de la mer), par le Gerbier-de-Jonc (1575 mè- tres) et par le Mézenc (1750 mètres), ce plateau s’incline par une pente douce vers l’ouest jusqu’au bassin du Puy. Sur ce versant, la Loire et | ses affluents, la Veyradère, le Gage, le Tauron et. la Yernazon y dé- : crivent des sillons sinueux et peu profonds ; mais à l’est sa pente i devient subitement très rapide et très profondément déchirée par | l’Ardèche et trois de ses affluents, le Yignon, 1a Fontaulière et la j rivière de Burzet. Ce plateau appartient tout entier au terrain cambrien. Le gneiss, qui en est la roche dominante, présente cette particularité, que le mica, une de ses parties constituantes, n’est ni jaune verdâtre, ni doux au toucher, comme dans le gneiss et les micaschistes qui se dé- veloppent au sud du département, à partir des communes de Joannas et de Rodes, jusque sous les dépôts houillers de Banne etd’Alais, et, au nord, depuis celles de Lyas et de Saint-Cierge-la-Serre, jusque sous les dépôts houillers de Rive-de-Gier et de Saint-Étienne. 356 SÉANCE DU 5 JANVIER 4857. ici le mica est rude au loucher, parfois jaune d’or ou blanc de nacre, et plus souvent brun de bronze, par suite du métamorphisme qu’il a subi au contact des roches ignées qui ont traversé ce plateau en tous sens et à toutes les époques géologiques. En suivant l’ordre d’apparition successive des roches ignées, la plus ancienne de celles qui ont attiré mon attention est le granité porphyroïde, à grains moyens de quartz et de feldspath, de couleur rosée, d’où sourdent les eaux thermales et minérales de Neyrac. Son émission a précédé le dépôt houiller de Jaujac et dePrades. Elle s’est opérée à l’état pâteux, par une large faille, à travers le gneiss qu’elle a relevé vers le nord au village de Neyrac et dans le lit de l’Ardèche, un peu en amont de la fabrique Tarendon. En second lieu, ont apparu, à l’état moins pâteux, des porphyres en massifs (entre le village de Pal et la source de la Fontaulière, à la naissance de la rivière de Pourseille et du ruisseau de Rieu-Grand, commune de Montpezat) et en filons (sur le versant nord de la mon- tagne de Milles, à quelques centaines de mètres au sud et h l’ouest du cratère de Jaujac). L’ensemble de leur pâte est feldspathique, de couleur rougeâtre ou brun-rougè, et parfois olivâtre. Parmi les cristaux de feldspath dont la couleur tranche avec celle de la pâte, on en remarque quel- ques-uns de quartz et de pvroxène; je n’ai pu reconnaître qu’ils aient traversé le dépôt houiller de Jaujac, et, par suite, je pense que leur émission lui est antérieure. En troisième lieu sont venus des rochers trachvtiques (la domite) et surtout des phonoîiles, tantôt compactes, et tantôt tabulaires, d’un gris-vert clair (voir leur description et celle des roches basal- tiques dans mon mémoire sur les volcans du Vivarais). Ces phono- lites forment les pics les plus élevés des communes de Sainte Eulalie, du Béage etdesEstables, notamment le Gerbier-de-Jone et le Mézenc. Leur émission postérieure aux dépôts du terrain houiller et à celui du terrain tertiaire d’eau douce du bassin du Puy paraît être con- temporaine des anciennes alluvions caractérisées dans l’Ardèche et la Haute-Loire par des ossements de Mastodonte, d’Ours ( spelœus ) et d’autres animaux de races perdues. Ils s’étendent du S.-E. au N. -O., depuis les carrières phonolitiques de Grézière, commune de Saint- Julien du Gua et de Laprades , commune de Lachamp-Raphaël (Ardèche), jusqu’à Chamalière et la ville de la Roche (Haute-Loire). Enfin des basaltes à l’état de complète fusion, avec des cendres, des scories et des coulées boueuses, ont terminé les éruptions ro- cheuses du plateau cévénique. Ils ont suivi les points de rupture du gneiss par lesquels les roches précédentes s’étaient fait jour. NOTE DE M. DAL31AS. 357 Les basaltes pyroxéniques sont les premiers de celte dernière classe de roches ignées. Leurs coulées occupent effectivement la partie inférieure partout où ils se trouvent en contact avec d’autres basaltes, comme aux volcans de Cherchemus, commune d’Issarlès, de Breysse, commune de Presailles, etc. , etc. Ils ne sont pas sortis comme les suivants par des cratères coniques, mais par des fentes souvent étroites et d’une grande étendue, dont la principale forme l’axe de la chaîne volcanique du Coiron. Ils forment partout des pla- teaux élevés ou bien des dykes et des filons; aucune de leur coulée ne se trouve sur le lit des rivières actuelles. Ils dominent dans la grande chaîne volcanique qui s’étend du S.-E. au N.-O., depuis la ville de Rochemaure (Ardèche) jusqu’à Chamalière (Haute- Loire), entre l’Ardèche et l’Erieu, la Loire et le Lignon son affluent. Les basaltes à gros noyaux de péridot qui leur ont succédé domi- nent dans la chaîne volcanique qui commence aux cratères du Suc de Bauzon, de Banne (près de la source de l’Ardèche) et de Loubaresse, et s’étend du S.-E. au N.-O., entre l’Ailier et la Loire, jusqu’aux en- virons de la ville d’Allègre (Haute-Loire). Ces deux chaînes parallèles constituent toute la région volcanique de l’Ardèche et de la Haute-Loire. Elles se relient en plusieurs endroits par des filons de basaltes pyroxéniques et notamment par un filon qu’on peut suivre presque sans interruption depuis l’Erieu jusqu’à la Loire et de la Loire jusqu’à l’Ailier, à travers les communes d’Arcens, du Béage , d’Issarlès (il traverse le lac de ce nom), de la Chapelle-Grailhouse, de Coucouron et de la Villate, et par un autre qui relie les volcans de Lachamp- Raphaël et des Sagnes avec ceux de la Veslide, du Suc de Bauzon et de Banne, déjà cités. Enfin des basaltes d’un bleu moins foncé n’ayant plus que de i petits grains de péridot sont venus témoigner du dernier effort de la puissance volcanique dans l’Ardèche. Ils sont sortis de cinq petits cra- , tères coniques sur le versant oriental du plateau précité. Leur âge î plus moderne est attesté, non-seulement par la parfaite conservation | des cratères et de toutes leurs déjections, mais encore par leur super- position aux coulées du basalte péridotique, au Pont-la-Beaume, sur I la rive droite de l’Ardèche, etc. Des cendres volcaniques et des frag- I ments de laves se trouvent mélangés au Mont-Charaix et à Creyseilles dans un dépôt de tripoli formé de carapaces d’infusoires, au-dessous des coulées boueuses et basaltiques du Coiron. Ce dépôt opéré à la fin de l’époque tertiaire pliocène renferme beaucoup de lignites et d’em- preintes de feuilles provenant d’arbres indigènes, dont les espèces vivent encore sur place. 358 BÉANCE DU 5 JANVIER 1857. De ces faits et de la découverte, près de Mirabel , du squelette entier d’un Mastodonte dans un dépôt alluvien contenant des frag- ments de basaltes, ii résulte que la période volcanique de l’Ardèche a duré depuis l’apparition des premiers quadrupèdes terrestres jus- qu'à celle de l’homme, dont on a trouvé en 1 8^4 plusieurs ossements fossiles dans une coulée boueuse du volcan de Denise, près du Puy. Dans l’intervalle des diverses éruptions de roches ignées, l’action volcanique s’est manifestée sans interruption par des émanations mé- talliques, gazeuses et sulfureuses, à la manière du soufre de l’époque actuelle, comme le témoignent les nombreux gîtes de galène, de plotnb et d’antimoine qu’on trouve dans le granité et le gneiss des communes de Jaujac, Mayres, Mazan., la Chapelle-Grailhouse, et ceux de pyrites de fer, sur tous les points du plateau, et les résidus de tant de matières déposées dans les fissures de granité porphycoïde de Neyrac et dans les travertins qui ont précédé et suivi l’éruption de son volcan, tels que : acides de titane, nickel et cobalt, arsenic uni à du fer, phosphate terreux et bitume, carbonates de chaux, de magnésie, de soude, de potasse, de fer, de manganèse; sulfates de soude, de chlorure alcalin, d’iodure alcalin; silicates d’alumine, de soude et de potasse, de zircone, etc,, etc. C’est du même foyer d’oxydation et par la même faille, à travers le gneiss, que sont sortis le granité porphyroïde de Neyrac, les ba- saltes de son cratère dit du Soulhol, et que sortent encore de nos jours la grande quantité de gaz acide carbonique de ses mofettes, et tant d’autres matières métalliques et terreuses contenues dans ses eaux. Cette grande faille, par où sont sortis les granités porphyroïdes qui ont exhaussé le gneiss de la chaîne du Tanargue et du plateau cé- vénique, n’est pas seulement, comme la plupart des gîtes de contact des matières métalliques, un simple dépôt de carbonates et d’oxydes de diverses espèces auquel les sources de Neyrac puisent incessam- ment leurs principes minéralisateurs et leur sédiment; c’est encore un évent ou cheminée volcanique mettant en communication perma- nente la partie intérieure et la partie extérieure de la terre. C’est par là que se sont perpétuées jusqu’à ce jour avec des variations de nature, d’intensité et de gisement, les émissions volcaniques et les émanations de tant de matières métalliques et gazeuzes dont l’exis- tence dans les eaux de Neyrac a été constatée par les analyses chi- miques de MM. Mazade et Ossian Henry. Dans mon ouvrage précité, j’ai fait ressortir ce fait général, que la fusion des roches éruptives devenait plus parfaite à mesure que l’oxy- dation descendait plus profondément de la surface vers le centre de NOTE DE M. DÀLMAS. 359 la terre, et que par suite elle s’opérait sous une plus forte pression. Partant de ce fait, je m’explique la différence des émissions par la différence des profondeurs du foyer et de la quantité d’eau décom- posée, et par les différents degrés de fusion des roches et des ma- tières émises. Ainsi, lors de l’apparition du granité porphyroïde de Neyrac, l’eau de la mer cambrienne couvrait encore cette localité et tout le plateau cévénique, du Tanargue au Mézenc. Une grande quantité d’eau pou- vait donc s’introduire alors à travers les couches oxydées du gneiss jusqu’aux couches non oxydées, et y produire sur une vaste échelle et sous une faible pression la fusion du granité porphyroïde et puis celle des porphyres. Alors l’état pâteux de ces roches d’éruption s’ex- plique par une fusion incomplète et par la coïncidence d’une grande masse d’eau dont une partie ne fut pas entièrement décomposée par les métaux et les alcalis des roches. Mais, après l'émersion du plateau précité et de la chaîne des montagnes du Tanargue, dont la ramifica- tion de Millet forme la barrière du bassin houiller de Prades, la mer cambrienne se trouva limitée par la chaîne du Tanargue, comme le prouvent les puissants dépôts de schistes micacés, parfois recouverts de schistes noirâtres et bitumineux qui viennent finir et s’adosser sur son flanc S.-S.-E. , dans la commune de Saint-Laurent-les-Bains, (aux pieds de l’Esper-Velouse) et dans celles de Sablières, Beaumont, Rocles, etc. L’identité parfaite des matières élémentaires du travertin déposé au-dessus et au-dessous deda coulée basaltique qui sépare le bassin de Neyrac d’avec le lit de la rivière d’Ardèche m’autorise à conclure que, depuis l’émission des roches granitiques et porphyriques jusqu’à celle du basalte, les actions concomitantes de l’eau et des acides de carbone, de chlore, etc., ont été les mêmes que depuis cette der- nière époque jusqu’à ce jour. Dans mon opinion, la différence des émissions et des émanations porterait principalement sur le degré de profondeur et d’oxydation, et sur la nature des éléments basiques ou électro-positifs, plutôt que sur la nature des éléments acides, lesquels ont été, avant comme après l’émission du basalte, les agents déter- minants des émissions de Neyrac : seulement le procédé par lequel les matières ont été émises n’a pas toujours été le même. Dans l’émission du granité porphyroïde à l’état pâteux, c’était à la fois la voie sèche prédominante et la voie humide plus faible; dans celle du basalte, des cendres volcaniques et des matières métalliques qu’on trouve déposées dans les fissures du granité et du gneiss, c’était exclusivement la voie sèche à la manière des laves et du soufre de l’époque actuelle ; dans celles des coulées boueuses, des volcans OÔ0 SÉANCE DU 5 JANVIER 4 857 . et des eaux thermales de Neyrac, c’est la voie humide à la manière des geysers. Ainsi une partie des matières de sédiment et des principes miné- ralisateurs des eaux de Neyrac provient du foyer même où l’oxyda- tion terrestre continue de nos jours, et l’autre partie, beaucoup plus considérable, est enlevée au granité porphyroïde et aux produits vol- caniques par l’eau qui s’infiltre des hauteurs du plateau cévénique à travers les fissures formées par soulèvement et par retrait, aux points de contact du granité porphyroïde avec le gneiss et avec les matières volcaniques qui remplissent l’intérieur du cratère de Neyrac. A ceux qui objecteront que l’eau de Neyrac a une température trop basse (27° centigrades) pour communiquer avec un foyer d’oxydation, je répondrai que le petit bassin d’où sourdent les eaux de Neyrac est en réalité l’orifice d’un puits rempli d’eau bourbeuse depuis son déversoir actuel jusqu’au foyer d’oxydation. Arrivée au niveau de ce déversoir, l’eau d’infiltration qui descend des hauteurs du plateau cévénique se trouve encore plus froide que celle qui est au-dessous du niveau de ce déversoir, dans l’intérieur de la faille ou des failles qui aboutissent au foyer d’oxydation. Elle tend donc à descendre vers le foyer par l’effet de sa pesanteur spécifiquement plus grande. À mesure que l’eau froide descend, elle déplace né- cessairement un égal volume d’eau plus chaude, et par suite plus légère, et lui enlève par mélange et par rayonnement une grande quantité de son calorique. Telles sont les causes naturelles du refroidissement et du mouve- ment ascensionnel des eaux thermales de Neyrac. Cela posé, il devient facile d’expliquer comment elles dissolvent et entraînent les principes minéralisateurs et le sédiment qu’elles déposent sans cesse. L’eau de pluie oxygénée et oxydante qui descend du plateau dis- sout par son eau toutes les matières solubles qu’elle peut atteindre dans le sol et dans les fissures des roches, substances organiques, ni- trates, silicates alcalins, sels divers ; par son acide carbonique , elle dissout les carbonates de soude, de potasse, et les convertit en bi- carbonates qu’elle entraîne; par son oxygène, elle brûle lentement la matière organique, suroxyde et par conséquent décompose les car- bonates de fer, de manganèse, sulfatise les pyrites, etc. Elle décompose même à la longue toutes les roches pyrogènes en silicates solubles qu’elle entraîne et en silicates insolubles, oxydes ou kaolins plus ou moins impurs. Dans la décomposition du feldspath, qui est un silicate alcalino-ter- reux très abondant, dans le granité et le gneiss et dans le mica, on trouve donc l’origine de la silice et de l’alumine. nomination du bureau tour 1857. 561 La faible quantité d’oxygène (à peine sensible) s’explique par son absorption par les matières oxydables que l’eau rencontre en descen- dant vers le foyer d’oxydation où elle finit par l’abandonner presque entièrement aux métaux. La grande quantité d’acide carbonique résulte naturellement de celui qu’elle abandonne dans l’acte de sa décomposition, et encore de celui qui provient de la matière organique du sol, mise longtemps en contact de l’oxygène, des nitrates et des sulfates. IJ en est de même de la grande quantité de bi carbonates; c’est le résultat forcé de la décomposition favorisée par une haute température dans l’intérieur du foyer. Comme géologue, j’ai dû me borner à étudier en grand et dans leur ensemble la nature du sol et les modifications que i’action du feu et de l’eau a opérées dans sa configuration et dans sa constitution physique : c’est à l’Académie de médecine qui a déjà reconnu, par les analyses des eaux de Neyrac, qu’elles étaient acidulés, alcalino- terreuses et ferrugineuses , très remarquables surtout par la présence de principes nouveaux qui n avaient point été encore signalés dans les eaux minérales , à nous fixer sur ces principes nouveaux auxquels il faut attribuer sans doute leur incontestable efficacité pour la gué- rison des maladies cutanées. M. de Roys, trésorier, présente l’état de la caisse au 31 décembre 1856. Il y avait en caisse au 31 décembre 1855. . 2,032 fr. 05 c. La recette, du 1er janvier au 31 décembre 1856, a été de 25,868 90 Total. . . 27,900 95 La dépense, du 1*r janvier au 31 décembre 1856 , a été de 25,022 60 Il restait en caisse au 31 décembre 1856 . . 2,878 fr. 35 c. La Société adopte successivement les nominations que le Conseil a faites pour 1857 dans les diverses Commissions. Ces Commissions sont composées de la manière suivante : 1° Commission de comptabilité , chargée de vérifier la gestion du Trésorier : MM. Graves, de Brimont, Viquesnel • 2° Commission des archives , chargée de vérifier la gestion de l’Archiviste ; MM. Hébert, Belgrand, de la Roquette. B62 SÉANCE SU 5 JANVIER 1857. 3° Commission du Bulletin : MM. d’Archiac, Delesse, Bayle. ll° Commission des Mémoires : MM. Ch. S. -G. Deville, de Verneuil, Deshayes. On procède à l’élection du Président pour l’année 1857. M. Damour, ayant obtenu 50 suffrages sur 91 votes, est élu Président pour l’année 1857. La Société nomme successivement : Vice-Présidents : MM. Viquesnel, Bayle, Albert Gaudry, Delesse. Vice-Secrétaire : M. Meugy. Membres du Conseil : MM. Deshayes, J. Barrande , Leval- lois, Sc. Gras, Hébert. Par suite de ces nominations, le Bureau et le Conseil sont composés, pour l’année 1857, de la manière suivante : Président . M. Damour. Vice-Présidents . M. Viquesnel, M. Bayle , Secrétaires . M. Paul Michelot, M. Ed. Collomb. T résorier. M. le marquis de Roys. |M. Albert Gaudry, M. Delesse. Vice- S ecré ta ires . M. Aug. Laugel, M. Meugy. Archiviste , . Clément-Mullet. Membres du Conseil . M. le vicomte d’Archiac, M. Michelin, M. Charles d’Orbigny, . M. Élie de Beaumont, M. Graves, M. le baron de Brimont. M. Deshayes , M. J. Barrande , M. Levallois , M. de Billy, M. Sc. Gras, M. Ed. Hébert. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 363 Commissions . Comptabilité : MM. Graves, de Brimont, Viquesnel. Archives : MM. Hébert, Belgrand , de la Roquette. Bulletin : MM. d’Archiac, Delesse , Bayle. Mémoires : MM. Ch. S. -G. Deville, de Verneuil, Deshayes. Séance du 19 janvier 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Meîleville : Description géologique de la montagne de Laon (extrait du Bulletin de V Académie de Laon , année 1855) ; in-8, p. 23, pl. I. Laon, chez Ed. Fleury. De la part de M. G. de Helmersen : Uber das langsame Emporsteigen der Ufer des Baltischen Meeres und die JVir - hung der Wellen und des Eises auf dieselben (aus den Mé- langes physiques et chimiques , t. II p. h 57-491. De la part de M. le professeur L. Rütimeyer : \° V ’om Meer bis nach den Alpen , in-8, p. 307, Bern, 185/i , chez J. -J. Dalp. 2° Uber Schweizerische Anthracotherien (aus den Verhandl- derNaturf. Ges . in Basel, Heft III, Sitz. Y, 19 décembre 1855), in-8, p. 19. Comptes rendus hebdom . des séances de U Académie des sciences , 1857, 1er sem., t. XLIY, nos 1 et 2. U Institut , 1857, nos 1201 et 1202. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée j n° 96, 9* année, décembre 1856. SGZi SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. The Athenœum , 1857, nos 152A et 1525. Revista minera , t. VIII, n° 159, 1857. Société lmp . et centrale cT agriculture. Bulletin des séances , 2e série, t. XII, n° I . 1 M. le Président annonce à la Société la perte qu’elle vient de faire dans la personne de M. de Bonnard. M. Dufrénoy sera prié de rédiger, pour le Bulletin , une notice sur son savant collègue à l’Institut et au Conseil général des mines. M. Gosselet fait la communication suivante : Note sur le terrain dévonien de V A rdenne et du Hainaut , par J. Gosselet. Les carrières de calcaire ancien d’OEtrœungt, bourg situé à 7 ki- lomètres d’Avesnes, sur la route de La Chapelle, ont été l’objet d’o- pinions différentes. Les auteurs de la carte géologique de la France rapportent au calcaire carbonifère tant les carrières de calcaire gris à gros Productus que la carrière de calcaire bleu à un quart de lieue au N.-E. du village d’OEtrœungt (1). C’est conformément à cette opinion que sont coloriées la grande carte de la France, la carte de M. Dumont et celle de IM. Meugy. Le compte rendu de la séance extraordinaire de la Société géologique, à Valenciennes (2), considère ce calcaire noir comme dévonien. M. Hébert, dans un mémoire ré- cent (3), reconnaît qu’il y a à OEtrœungt du calcaire dévonien et du calcaire carbonifère. Il cite comme appartenant au terrain dévonien le calcaire de la Capelette du Buffle, et comme terrain carbonifère celui du Parc. Il jugeait de ce dernier par quelques fossiles en mau- vais étal que je lui avais donnés. En même temps, il m’engageait à reprendre complètement celte question ; c^est ce que j’ai fait, et je viens soumettre à la Société le résultat de mon travail. Les carrières actuellement exploitées à OEtrœungt sont au nombre de sept : I. Les carrières du Parc : elles sont situées sur la rive droite de (1) Explication de la carte géologique de la France , t. I, p. 752. (2) Bull, Soc, géol. de Fr., 2e sér., t. X, p. 628. (3) Sur la constitution géologique et la classification des terrains paléozoïques de V Ardenne française et du Hainaut , par Ed. Hébert (Bull. Soc. géol. de Fr., 2* sér., t. XII, p. 1165). NOTE DE M. GOSSELET. 365 4° Schistes avec< l’Alpe; les bancs y sont inclinés S. 70° 0 = 18°. On y observe la coupe suivante de haut en bas. (hauteurs approximatives.) Phacops latifrons , Burm Capulus priscus , Goldf Spirijer spin os us, Goldf. ..... Terebratula concentrica , de Buch. f Cyathophyllum vermiculare , Goldf. Syringopora 2° Banc de Cremaille. Calcaire argileux, noir, crevassé 3° Les huit bancs cîe plomb. Calcaire argileux, noir bleuâtre séparés entre eux par des couches de schistes, qui ont quelquefois une épaisseur considérable Banc dur. Calcaire cristallin, noir bleuâtre Schistes Banc à auges. Calcaire cristallin, noir bleuâtre . . . Banc de Coœ. Calcaire compacte, noir Calcaire argileux et schistes calcarifères en lits minces alternants Gros banc de dessus. Calcaire cristallin. . ^Schistes 5° Les onze bancs de dessus . Chacun d'eux est séparé par un lit de schistes 4,00 ( Clymenia 6” Schistes avec) (Schlo,h-- sPv> 4o 4 ",00 0,50 8,00 0,50 0,50 0,50 0,30 3,00 0,50 0,20 0,10 \ Orthis 7° Banc de roche , quelquefois séparé en deux bancs. Calcaire noir bleuâtre 1,80 Productus Murchisonianus , de Kon. Spirijer apertura tus (Schloth., sp.), de Onytrouve{ Buch. Orthis umbraculum , de Buch. Terebratula concentrica , de Buch. 8° Schistes 0,1 5 SSpirifer aperturatus (Schloth., sp.), de Buch. Orthis. 9° Les trois tems bancs. Calcaire argileux, se délitant à l’air, séparés chacun par un lit de schistes . 1,70 4 0° Schistes #-0,20 Phacops latifrons , Burm. Clymenia. Spirifer aperturatus (Schloth., sp. ) , de Buch. Terebratula concentrica , de Buch. Orthis. Retepora. Cyathophyllum vermiculare , Goldf. Avec. 0,45 366 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. 0,05 0,30 0,30 Au-dessus des schistes supérieurs (couche l)des grandes carrières du Parc, il y a d’autres bancs de calcaire noir très dur formant des lits peu réguliers et exploités à quelques pas plus loin vers le village. Ce calcaire, en raison de sa dureté et de son irrégularité, ne peut servir que pour empierrer les chemins. Je n’y ai pas trouvé de fos- siles. A 500 mètres plus loin, dans la même direction, on trouve le calcaire gris. II. Du Parc on aperçoit une autre carrière sur la rive droite de l’Helpe: c’est celle de Clousy. Les bancs y sont inclinés au S. 10° E. de 20°. On y exploite le banc de roche. J’y ai trouvé : Spirifer aperturatus (Schloth., sp.), de Buch. Orthis umbraculum , de Buch. Terebratula concentrica, de Buch. Entre ce point et le Parc il doit y avoir une faille. III. On exploite dans une pâture, de l’autre côté du village, sur le chemin de Bas-Boulogne, une carrière dont les bancs sont inclinés du N. au S de 35°. Ces couches me paraissent être un prolongement de celles de Clousy. On y trouve les mêmes bancs que dans les car- rières du Parc, mais très-réduits, surtout les bancs supérieurs. Dans le banc de roche qui y est principalement exploité (couche 3 de la coupe), on trouve : Spirifer aperturatus (Schloth., sp.), de Buch. Orthis? umbraculum , de Buch. Dans les schistes supérieurs (couche 6) au banc de Crémaille (couche 5) j’ai trouvé : Phacops Unifions , Burm. Spirifer voisin de Yostiolatus. Productus Murchisonianus, de Kon. 41° 4 2° 4 3° 4 4* 4 5* Gros banc de dessous . Calcaire cristallin, noir / Productus Murchisonianus , de Kon. \ Spirifer aperturatus (Schloth., sp.) , de On y trouve < Buch. I Terebratula concentrica , de Buch. \ Orthis? umbraculum , de Buch. Schistes . Avant-dernier banc. Calcaire cristallin T1 ç f Orthis? umbraculum, de Buch. ren erme^ j,erei?raiuia concentrica , de Buch. Dernier banc. Calcaire cristallin „ ( Orthis? umbraculum , de Buch. ny rouve^y "erebratula concentrica, Phill. Schistes. Épaisseur inconnue. NOTE DE M. GOSSELET. Coupe de la carrière du chemin de Bas-Boulogne a OEtrœungt (Nord). 367 12 3 5 4 5 6 1. Gros banc de dessous. 2. Schistes. 3. Banc de roche. 4. Banc de plomb. 3. Bancs de Cremaille. 6. Schistes avec Phacops latifrons. 7. Parties éboulées. IY. La carrière du sieur Georges, située sur la rive gauche près de la rivière, ofiïe un calcaire noir dolomitique en bancs inclinés, S. 5° E. — 15°. Ces bancs sont supérieurs à ceux de Clousy et à ceux du Parc. Je n’y ai pas trouvé de fossiles. V, VI, VII. Les carrières précédentes, sauf peut-être la quatrième, sont creusées dans le calcaire dévonien. Dans les trois suivantes, on ex- trait le calcaire carbonifère gris dolomitique en masses, sans stratifi- cation apparente, et traversé par des filons de dolomie sableuse. Ces carrières sont situées à la partie sud du bourg, deux de chaque côté de la route impériale, et la troisième au hameau de la Pairée, sur le chemin vicinal du ISouvion, Dans cette dernière carrière j’ai trouvé : Productus sublœvis , de Kon. qui est caractéristique du calcaire carbonifère gris dans l’arrondisse- ment d’Avesnes. Ce calcaire gris, dont les escarpements forment comme des remparts dans l’intérieur du village, se prolonge encore une centaine de mètres au S. et à l’E. , où il disparaît sous les ter- rains crétacés. De cet examen des calcaires exploités à OEtrœungt, nous pouvons conclure qu’il y a dans cette localité un caicaire dévonien (1) très (\) Dans un premier examen, j’avais considéré le Productus que l’on trouve au Parc comme le Productus scahriculus , qui est carbo- nifère. M. de Koninck, qui a bien voulu examiner mes fossiles, a re- connu dans ce brachiopode le Productus Murchisonianus , qu’il a signalé comme dévonien ; il considère le calcaire d'OEtrœungt comme le même que celui que l’on trouve à Visé au-dessous du calcaire gris à Productus sublœvis . 368 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. épais, dont les bancs irréguliers de la Capelette du Buffle (1) ne sont que le prélude. Plus loin, à Rocquignies, se trouve le calcaire que M. d’Omalius a appelé calcaire de Givet , et M. Dumont, calcaire eifelien . Ayant l’intention de faire de l’étude complète de ce calcaire l’objet d’une communication ultérieure, j’exposerai ici simplement quelques faits sur sa constitution générale. Dans cette bande calcaire que tous les auteurs regardent comme dévonnieno, j’ai pu reconnaître trois niveaux fossilifères distincts, en rapport avec la stratification. L’un de ces niveaux se voit à Glageon, dans les carrières près du Calvaire ; il est caractérisé par la présence de très gros individus de: Terebratula rcticularis , Linn. Spirijer aperturatus (Goldf. , sp.), de Buch. Un autre niveau inférieur à celui-ci existe à Maçon (Belgique, frontière de France); on y trouve : Phacops latifrons, Burm. Pentamerus ncutolobatus, Scandb. Terebratula reticularis , Linn. Lucina proavia , Goldf. M. Barrande, qui a bien voulu examiner ces fossiles, m’a fait remar- quer la grande analogie des Phacops avec une espèce du même genre que l’on trouve dans le terrain silurien supérieur de Bohême. Quant aux Pentamerus acutolobatus , il se trouve aussi dans ce terrain; mais le fossile de Bohême se distingue du précédent, comme de celui que l’on a trouvé dans l’Eifel, par l’absence de stries parallèles à l’extré- mité des plis. Au-dessus du niveau à gros Spirifer aperturatus , on constate un autre horizon fossilifère dans les carrières de Baives. On y exploite un calcaire grisâtre saccharoïde, ne formant pas de couches dis- tinctes. J’y ai récolté les fossiles suivants : Bronteus. J Terebratula pugnus , Mart. (2). Terebratula reticularis , Linn j Terebratula cuboïdes , Sow. Ce dernier fossile se présente en très beaux échantillons. La car- (4) Les bancs de la Capelette du Buffle ont été signalés comme dévoniens, parM. Hébert, loc. cit., p. 14 79. (2) M. de Verneuil m’a montré des Terebratula acuminata d’Ir- lande, qu’il était absolument impossible de distinguer de Terebratula pugnus de Baives. Note de m. gosselet* 369 rière du bois de Surmont, près de Treion, n’est, je pense, qu’un pro- longement de celte couche. Au nord de la carrière de Baives, près de la chapelle de Notre- Dame des Monts, on voit le contact du calcaire et des schistes qui lui sont superposés. Dans les couches schisteuses de contact, on trouve de nombreux fossiles. Je citerai : Tercbralula aspern , Schloth. — concentrica , de Buch. — puguus , Mart., variété diffé- rente de celle de Baives. — scalprum , Bœmer. Spin fer Trigeri , de Vern. Petit Spirifer voisin de Yaperta * ra tus. Orthis eifelicnsiSy de Vern. Leptœna. Plusieurs espèces d'encrines. De nombreux polypiers. Des études ultérieures permettront de distinguer encore d’autres horizons : particulièrement celui du Strigocephalus Burtini , qui existe au pied de la citadelle de Charlemont, et qui doit probable- ment aussi se trouver dans l’arrondissement d’Avesnes. ïl y aurait aussi à rechercher le rapport de ces horizons avec ceux établis par M. Rœmer dans sa coupe de Couvin à Marienbourg. Ainsi, dans le calcaire eifelien de l’arrondissement d’Avesnes, on trouve quatre niveaux fossilifères distincts; ce sont de bas en haut ; 1° Niveau du Pentcimenis acutolobatus. 2° Niveau du gros Spirifer aperturatus. 3° Niveau du calcaire gris à Terebratula pugnus . 4° Niveau des schistes de Notre-Dame des Monts. Dans les environs de Givet, j’ai pu retrouver deux de ces niveaux; ce sont ; 1° celui des gros individus de Spirifer aperturatus et de Terebratula reticularis que l’on observe sur la colline au S. E. de Givet, N. D. sur la Houille ; 2° le niveau du calcaire gris à Terebra- tula pugnus y qui me paraît représenté par le calcaire bigarré de Heer. Dans ce dernier, la couleur de la roche est la même et la stratifi- | cation également non apparente ; en outre, on y trouve des Terebra - ! tula pugnus que l’on ne peut distinguer de celles de Baives. Ajou- j tons qu’à Baives et au bois de Surmont, comme à Heer, ce calcaire i est séparé du calcaire noir ou bleu foncé par un banc de schistes; | seulement à Heer ce banc de schistes paraît beaucoup plus épais. I Dans les environs de Givet, on trouve un cinquième niveau fossi- lifère à la partie inférieure du calcaire. En remontant la Houille jus- | qu’à Flohimont, on trouve sur la rive droite de ce cours d’eau la coupe suivante ; Soc. géol.y 2e série, tome XIV, 24 370 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. Coupe du chemin de Wimenne , à Flohimont [Ardennes). a. Carrière de calcaire. b. Alternance de schistes et de quarlzite. ck Schistes et bancs calcaires fossilifères» Inclinaison S. 20° E. — 65*. Un fait à remarquer dans celle coupe, c’est que les schistes pa- raissent superposés au calcaire; il faut voir là l’effet d’un renverse- ment qui atteint le terrain dévonien, depuis Givet jusqu’à Vireux. Ces renversements, si communs dans i’Ardenne, sont certainement une des grandes difficultés que présente l’étude géologique de ce pays. Dans les schistes et les bancs de calcaire argileux qui alternent avec eux, j’ai trouvé les fossiles suivants : Spirijer cultrijugatus , Rœmer. — spcciosus , Schloth. - — Rousseau . Terebratula coneentnea , de Buch. Pentamerus gale a tus, Dalman. Orthis eijeliensis , de Yern. Procluetus subaculeatus , Murch Chonetes dilatât a, de Koninck. En continuant à remonter ia Houille, on trouve une suite de bancs calcaires irréguliers, intercalés dans les schistes» A la Forgette, entre Flohimont et le magasin de Malavisé, derrière ia laminerie de cuivre, on trouve des schistes et desquarzites avec bancs calcaires intercalés, inclinés S. 28° F. = 72°. J’v ai recueilli les fossiles suivants : Spirijer cultrijugatus, Rœmer. Terebratula reticularis, Linn. - — primipilaris , de Buch. Orthis striatula (Schloth., sp. ), de Kon. Leptœna, Àvicuta. Allorisnm , de Kon. T en tac alites . Malgré la différence des fossiles de ces deux localités, distantes d’environ deux kilomètres en ligne droite, doit-on y voir deux ni- veaux différents? Je ne le pense pas; d’autant plus qu’à Aubrive, NOTE DE M. GOSSELET. 371 près de la route de Givet, dans les roches analogues aux précédentes, on trouve : Spirijer cultrijugatus ? Rœmer. — speciosus, de Buch. Terebratulci reticularis , Linn. Or t/iis striatuïa (Schlotb., sp.) , de Kon. Calccola scmdalina , Lk. Cet ensemble de roches et de fossiles doit-il être rapporté au cal- caire de Givet ou à l’étage quartzo-schisteux inférieur? Je penche pour la deuxième opinion. Au-dessus de ces calcaires argileux, on trouve des schistes et des quartzites rouges qui paraissent recouvrir les calcaires par suite du renversement dont j’ai parlé. Tranchée du chemin de hallage de la Meuse au sud du Ham . In cl. S. 15» E. = 85». Incl. S. 25° E. 80». 1. Calcaire argileux, alternant avec des schistes qui se délitent. 2. Quartzites et schistes verdâtres. 3. Grès quarlzeux, verdâtie, à gros grains, /<. Scliistes rouges et grès rouges. a. Ouverture d’une mine de cuivre abandonnée. Au sud de ces schistes et grès rouges, on trouve le grès noir arhien, exploité vis-à-vis d’Aubrive, sur la rive droite de la Meuse. M. Du- mont cite ces exploitations comme riches en fossiles ; je n’ai pas été assez heureux pour en découvrir; mais, dans les carrières qui sont sur le territoire de la même commune, près du chemin de Yireux, j’en ai trouvé quelques-uns assez mal conservés. Cependant on a pu y reconnaître : Ho ni alon o tus crassicauda. Tcrehratuln Oliviani, de Vern. Dans cette même carrière, on trouve une couche pétrie de cris- taux isolés de pyrite en dodécaèdres pentagonaux. D’après M. Dumont, cette bande de grès arhien forme une voûte, èt, au S. comme au N. , on trouve le terrain anlhracifôre remarquable par la couleur rouge de ses roches. Au point de jonction de ces deux étages, qui sont dans toutes les localités (rue j’ai visitées en concor- dance parfaite, on trouve des schistes noirâtres, fossilifères, alter- nant avec des bancs de quartzile de même couleur. 372 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. Dans la commune de Hierges, sur les bords de la Meuse, près du barrage, on a creusé des carrières dans les schistes. Les fossiles y sont nombreux mais mal conservés, et réduits presque tous à des empreintes. Ceux que l’on a pu déterminer sont : Tereb ra tu la Subvi Isoni . Leptœna seniiradiata , Sow. Avicula. Malheureusement, en ce point, un espace boisé cache la jonction de ces schistes avec les roches rouges anlhracifères, comme le montre la coupe suivante : Coupe de la rive droite de la Meuse près du barrage à Hierges [Ardennes). Espace boisé. 1. Schistes noirâtres, avec bancs de quarlzite intercalés. a. Lits fossilifères. 2. Grès giis noiiâlre. 3. Schisies rouges, avec grès intercalés. 4. Grès rouges micacés, avec schistes intercalés. 5. Grès verdâtres micacés. Je terminerai en indiquant que dans les grauwaekes de i’Eau- Noire, près du moulin de Pesch, rapportées par M. Dumont à l’étage hundsruckien, j’ai trouvé une faune analogue à celle des grès taunu- siens d’Anor. Leptœna Murchisoni , de Vern. et d’Arch. Ort/iis striatula , Schloth. sp. Encrine. Cette espèce existe à Nehou. La conclusion à tirer de ce coup d’œil rapide sur la partie supé- rieure du terrain rhénan est la même, comme on devait s’y attendre, que celle que M. Hébert a présentée pour la partie inférieure, c’est- à-dire : 4° Que le terrain rhénan correspond, pour sa faune, au terrain dévo- nien inférieur de Néhou. NOTE DE M. GOSSELET. 37S 2° Que l'étage hundsruckien doit être réuni à l’étage taunusien. 3° Que les trois étages gedinien, coblentzien et arhien de M. Dumonts marquent bien trois niveaux paléontologiques distincts. Qu’il me soit permis en terminant d’adresser des remercîments k M. Hébert, dont les conseils bienveillants m’ont dirigé dans tout le cours de ces travaux. M. d’Omalius d’Halloy a vu avec plaisir queM. Gosselet, en usant de toutes les ressources nouvelles de la paléontologie, a confirmé les observations très anciennes par lesquelles il avait lui-même rapproché, d’après les seules observations stratigra- phiques, les calcaires carbonifères et les schistes dévoniens. Il ajoute que les travaux du chemin de fer ont mis à jour, dans le voisinage de Ciney, des bancs où le calcaire passe au psammite ; de sorte qu’il est impossible d’établir, entre ces deux roches, une séparation tranchée. M. Barrande fait remarquer la coïncidence que présente la variation de certaines roches avec celle des faunes qu’elles con- tiennent, ce qui ferait supposer, sur le même point, la présence alternative de deux mers appartenant, l’une à la fin d’une époque et l’autre au commencement de l’époque suivante-, mais ce fait, qui a pu se produire là où il n’y a pas eu de mou- vements violents, n’infirme nullement la distinction des faunes considérées en grand. M. d’Omalius n’a jamais prétendu qu’il y eût une suite con- tinue dans les êtres vivants j mais il croit qu’il y avait des liai- sons entre les faunes successives , et c’est ce qu’il a toujours pensé en particulier des étages appelés dévonien et carboni- fère. M. de Yerneuil fait observer que la théorie de la translation des mers peut rendre compte, jusqu’à un certain point, de la succession de faunes distinctes dans une série de couches peu épaisses. M. d’Omalius ajoute que les dénudations et les mouvements du sol ont amené des intervalles quelquefois très grands entre deux dépôts superposés-, ce qui peut expliquer les changements brusques de faunes. A l’appui de cette observation, M. Hébert rappelle que, Esparaguerra 37/i SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. dans certaines parties de l’ouest de la France, il existe aussi une grande lacune entre le terrain carbonifère et le terrain dé- vonien inférieur. M. Barrande dit que de même le terrain dévonien repose souvent sur l’étage silurien inférieur, l’étage silurien supérieur manquant entièrement. M. le secrétaire donne lecture de la note suivante de M. A. Vézian : Observations sur le terrain numrnulitique de la province de Barcelone ; par M. Alexandre Vézian. Coupe du village de Carme à Jgualada et au delà de cette ville. Coupe dJ Esparaguerra à Manresa. I. Étage moQlseçrien. — U, Etage castellien. — III. Étage igualadien. — IV. Étage manresten. — Y. Grès et conglomérats supérieurs. — C. Terrain crétacé. — 1. Irras, et oolithe. Tout ce qui se rattache à la formation numrnulitique a le privi- lège de fixer l’attention des géologues. Malgré les nombreux travaux dont cette formation a été l’objet, les diverses questions que son étude a soulevées ne sont pas entièrement résolues. On ne connaît pas le nombre de divisions, étages on sous-étages, dont elle est susceptible ; on ignore les rapports synchroniques qui, d’une région à l’autre, lient les parties dont elle se compose; le dernier mot n’est pas dit NOTE DE M. VÉZtAN. 375 non plus sur ses véritables relations avec les autres formations qui la précèdent, l’accompagnent ou la suivent dans l’échelle géologique. C’est donc avec empressement que j’ai saisi l’occasion qui se pré- sentait à moi d’étudier le terrain nummulitique des environs de Bar- celone. Je viens consigner ici le résultat de mes premières recher- ches, en m'abstenant d’entrer dans des détails qui donneraient trop d’étendue à ce mémoire. On sait que le terrain nummulitique forme sur le versant méri- dional des Pyrénées une bande qui commence dans la Navarre, et se continue jusque dans la province de Gerona. Lorsque cette bande atteint la Catalogne, elle se divise en deux parties : l’une n’abandonne pas la région pyrénéenne; l’autre, sans jamais atteindre le bord de la mer, suit le bourrelet montagneux qui, de la province de Gerona, se dirige le long du littoral jusqu’à l’embouchure de l’Èbre et au delà. Dans la province de Barcelone, ce bourrelet se compose de deu$ chaînes de montagnes, se dirigeant dans un sens parallèle à la côte, et laissant entre elles une région basse, entièrement recouverte par le terrain tertiaire marin. La chaîne {a plus voisine de la mer suit toutes les sinuosités du littoral elle commence au cap Saint -Sébastien, et se présente jusque dans les environs de Barcelone sous la forme d’une arête entièrement granitique ou schisteuse : elle se termine ensuite par un groupe montagneux qui s’élève entre Barcelone et Tarragone, et qui est tria? sique, oolithique ou crétacé. (Vautre chaîne se distingue de la précédente, non-seulement par sa situation plus intérieure, mais aussi parce que le terrain nummu^ litique entre dans sa composition. Sa partie située dans la province de Barcelone offre • à l’E. le massif du Mont-Seny, entièrement granit tique ou schisteux : à l’O. , le groupe montagneux qui a le Montagut pour point culminant, et qui constitue une région presque entièrement triasique, oolithique et crétacée Le massif du Mont-Seny et le groupe du Vmntagut sont rattachés l’un à l’autre par une arête dont le Mont-Serrat est l’accident oro^ graphique le plus remarquable. Celte partie de la chaîne que noms décrivons offre vers le S. une pente abrupte, au bas de laquelle de nombreux détritus se sont accumulés pour donner lieu à l’ail uvion pleistocène et aux diverses couches de la série tertiaire. Du même côté, elle présente jusqu’à une hauteur variable avec le point où l’on se trouve les strates fortement inclinés des terrains anté-nummu- litiqaes qui existent dans les environs de Barcelone, et dont on peut voir la description sommaire dans notre travail sur le terrain post- pyrénéen de celte contrée. La crête de celte chaîne est ordinairement 376 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. constituée par le terrain nummulitique dont les couches, peu incli- nées et très régulières dans leur stratification, ne perdent qu’insen- siblement leur forte élévation, à mesure qu’elles s’éloignent des points culminants. Il en résulte que toute la chaîne présente dans son en- semble, du côté du N., une pente très douce. Etage inférieur et faciès côtier du terrain nummulitique . — • Mont-Serrat. Toute la partie du terrain nummulitique qui s’appuie sur le bour- relet précédemment décrit constitue le faciès côtier, et représente le substratum de la formation qui fait le sujet de ce mémoire. Par suite de ce double caractère, elle se compose de roches détritiques en rapport, par la nature de leurs éléments, avec les roches voisines ou sous-jacentes. Au pied du Mont-Seny, le terrain nummulitique offre des conglo- mérats avec galets granitiques et porphyriques, provenant du massif dont cette montagne est le point culminant, àiais, à mesure qu’on se rapproche du Mont-Serrat, le terrain granitique diminue d’impor- tance, et les conglomérats nummulitiques, mis en contact immédiat avec d’autres formations, se chargent d’une plus grande quantité de cailloux calcaires qui les font passer au poudingue calcaire et au macigno. J’ai dit que le Mont-Serrat était l’accident orographique le plus remarquable de la chaîne qui, limitant, le terrain nummulitique, se développe du Mont-Seny au Montagut. C’est lui aussi qui permet d’étudier avec facilité, soit le premier étage du terrain nummuli- tique dans toute son extension, soit son faciès côtier nettement ca- ractérisé. Nous allons par conséquent dire quelques mots de cette montagne célèbre. La roche dont se compose tout le Mont-Serrat est un poudingue remarquable par sa ténacité, et formé de cailloux ou de blocs roulés de tout volume, quelquefois céphalaires. Ce poudingue est presque exclusivement calcaire, surtout vers le sommet de la montagne. Les cailloux granitiques ou quartzeux ne se montrent que dans les assises inférieures, sur le point où elles viennent s’appuyer contre le petit massif schisteux compris entre la rive gauche de la Noya et le Mont- Serrat. Toutes les roches qui existent aux environs sont représentées dans le poudingue et rendent sa nuance variable : on y retrouve le gris et le calcaire du terrain triasique, ainsi que le calcaire des ter- rains oolithique et crétacé. Le poudingue passe à une argile et à un macigno qu’il est aisé NOTE DE M, VÉZ1AN. 377 d’observer à la base de la montagne, du côté du Llobrégat. L’argile et le macigno offrent une nuance rougeâtre, qui contraste avec la couleur grisâtre du poudingue ; ils se présentent ordinairement en couches distinctes alternant avec celui-ci : mais on voit aussi le même banc de macigno passer à l’argile ou au conglomérat, selon que ses parties constitutives diminuent ou croissent de volume. A mesure qu’on s’élève vers ie sommet de la montagne, on voit le macigno et l’argile disparaître. A la hauteur du monastère, ils for- ment des strates assez minces au milieu des bancs épais de pou- dingue. Ceux-ci se succèdent comme les marches d’un escalier, en dessinant des corniches qui ont été mises à profit pour le tracé des deux chemins qui conduisent ai» monastère : c’est sur une de ces corniches que celui-ci est construit. Vers le sommet de la montagne, les argiles forment des lits à peine suffisants pour indiquer le sens de la stratification, et ne se montrent qu’à des intervalles de quarante à cinquante mètres. Le Mont-Serrat forme comme une immense muraille, isolée de toutes parts, si n’est du côté du Bruch-de-Dal, où cette montagne se soude par sa base au massif schisteux qui s’élève sur le côté gauche de ia route de Barcelone à Igualada. Elle se dirige approximative- ment dans le sens du S.-S.-E. au N. -N. -O., depuis le Llobrégat, où elle présente une face coupée à pic jusqu’à Gasa-Masana, maison isolée où on laisse la route de Manresa, pour prendre le chemin du monastère. Par suite de la direction de la masse dont se compose le Mont-Serrat, c’est surtout du S. -O», c’est-à-dire de la plaine où est située Viilafranca de Panadès, que la crête en scie qui termine cette montagne se montre au voyageur dans toute son étendue et sous son aspect le plus bizarre. La formation de cette crête est d’ailleurs aisée à expliquer. Lorsqu’une roche s’est déposée sans que ses parties constituantes aient varié de nature, et sans que des instants d’arrêt se soient manifestés dans l’acte de son dépôt, de manière à produire des plans de stratification, il arrive un moment où cette roche éprouve un mouvement de retrait. Des fentes s’y produisent dans un sens perpendiculaire à ia stratification. Les eaux pluviales, secondées par les agents atmosphériques, en glissant à travers ces fentes, les élar- gissent et surtout les approfondissent de plus en plus. Si la roche est douée d’une grande ténacité, les blocs ainsi formés résistent longtemps à l’action érosive qui s’exerce sur eux. D’un autre côté, comme ils ont toujours au-dessous d’eux un point d’appui qui leur aurait manqué si la roche avait été stratifiée, ces blocs se détachent en ai- guilles et en masses de plus en plus allongées. Les couches de poudingue et de macigno que je viens de décrire 378 SÉANCE DU 'J 9 JANVIER 1857. appartiennent toutes au terrain nummulitique : elles se montrent de- puis la base du Mont-Serrat jusqu’à son sommet. MM. de Vcrneuil et Ed. Collomb n’exagèrent rien en donnant sur ce point aux dé- pôts nummuiitiques une puissance de 900 mètres [Bull. Soc. géol., 2e série, t. X, p. 81), puisque le Mont-Serrat a une altitude de 1232 mètres au-dessus du niveau de la mer, et puisque le lit du fleuve, lorsqu’il baigne le pied de cette montagne, est bien loin de se trouver à une hauteur de 332 mètres au-dessus du même niveau. Et pourtant les couches que l’on observe au Mont-Serrat ne peuvent être considérées que comme représentant une partie seulement du terrain nummulitique de la province de Barcelone. Toutes ces couches sont inclinées d’une quantité -qui dépasse rare- ment 15°, quoiqu’elles aient participé au soulèvement qui a déter- miné l’érection de la chaîne qui s’étend du Mont-Seny au MoiUagut. Cette chaîne, comme toutes celles qui accidentent la surface du globe, est le produit de plusieurs soulèvements successifs : mais elle porte l’empreinte générale du système des Alpes principales, postérieur au terrain nummulitique. Il n’est pas étonnant, par conséquent, que ce terrain ait subi l’influence de ce système de soulèvement, et que, de même qu’il se montre sur le haut sommet des Pyrénées, il con- stitue souvent la crête de la chaîne contre laquelle il s’appuie dans les environs de Barcelone. On peut même, en étudiant le Mont-Serrat au point de vue stra- tigraphique, citer des faits qui démontrent que le terrain nummu- litique a subi l’impulsion qui a occasionné l’apparition de la chaîne dont je viens de parler. En sortant d’Esparaguerra, par le chemin de Monistrol, on rencontre d’abord l’alluvion pliocène, formée de cailloux roulés, détachés en grand nombre du Mont-Serrat lui- même. Peu après, apparaît le terrain schisteux, représenté par des schistes décomposés d’un noir bleuâtre. Après avoir dépassé la Puda, établissement thermal qu’on aperçoit sur la rive gauche du Llobrégat, on rencontre le terrain triasique représenté par ses quatre étages. Celui-ci supporte quelques couches d’un calcaire très compacte, à cassure inégale, appartenant à la série oolilhique. Les couches de ce calcaire sont presque verticales. Ici, on se trouve sur l’axe d’un sys- tème de soulèvement. La forte inclinaison des couches, leur allure tourmentée, les infiltrations ferrugineuses qui les pénètrent, le voisi- nage de la source sulfureuse de la Puda et des schistes décomposés le disent assez. Les couches nummuiitiques qui viennent ensuite et s’appuient sur le calcaire oolithique participent au mouvement qui a redressé les couches de ce dernier. Ce n’est, il est vrai, que sur une étendue très restreinte, car l’on voit le terrain nummulitique re- NOTE DE M. VÊZÎAN . 379 prendre vile l’aiiure qui lui est habituelle et qu’il conserve aux yeux du géologue qui remonte le cours du IJobrégat jusqu’à Manresa. Ses couches, souvent horizontales, ne sont jamais inclinées de plus de 20°, et leur stratification conserve une régularité remarquable. Les roches qui constituent le IVlont- Serrât ne nous ont fourni aucun fossile. Celte rareté ou plutôt cette absence de corps organisés est générale dans toute la partie inférieure du terrain nummulitique de la province de Barcelone et d’autres contrées. Les éléments dont se composent ces roches, quoique détachés des couches immédiate- ment sous-jacentes, ont d’ailleurs des formes très arrondies, ce qui indique qu’ils ont été soumis à faction prolongée des vagues, action qui s’oppose presque toujours à Sa conservation des débris de corps organisés. Coupe du village de Carme à Igualada. Je vais maintenant transcrire la coupe suivante que j’ai prise du village de Carme à Igualada, et qui achèvera de donner une idée de la composition delà partie inférieure du terrain nummulitique, ainsi que de ses relations avec les terrains sur lesquels il repose. J’ai fait le relevé de cette coupe avec la plus minutieuse attention. Le village de Carme est situé à cinq kilomètres S.-E. d’ïgualada, sur la rive gauche du ruisseau de àlirallès, qui se jette dans la Noya, au village de Pobla. C’est à cinquante mètres S. de ce village que la coupe dont ii est ici question a son point de départ. A. — - Terrain secondaire. 1. Calcaire jurassique compacte, formant la masse centrale de la montagne au pied de laquelle le village de Carme est situé. 2. Calcaire néocomien marneux, grisâtre et quelquefois d’un jaune rougeâtre, alternant avec des lits très minces de marnes jau- nâtres. Cette assise se termine par quatre ou cinq couches de 1 décimètre, consistant en un calcaire compacte brun noirâtre. B. — Terrain nummulitique. 3. Argile rougeâtre, puis d’un blanc jaunâtre : 3 mètres. 4. Calcaire argileux grisâtre, mêlé à des lits minces de marnes de la même nuance : 10 mètres. i>. Quatre bancs de grès argileux rougeâtre, intercalés dans une masse argileuse de la même nuance : 15 mètres. Les couches appartenant à ces cinq assises offrent une incli- naison de 65 à 70 degrés. La dernière assise plonge sous la petite plaine d’alluvion qui supporte le village de Carme, et l’on ne peut observer le contact des couches dont je viens de par- ler avec celles dont je vais faire l’énumération, et qui se trou- $80 SÉANCE MJ 19 JANVIER 1857. vent de l’autre côté du ruisseau de Mirallès. Celles-ci, quoique dirigées dans le même sens, n’ont plus qu’une inclinaison de 20 degrés. 6. Argile rougeâtre, avec quelques parties blanchâtres et infiltra- tions de carbonate de chaux et de sulfate de chaux, l’une et l’autre en minces lits stratifiés, en nids et en veines : 25 mètres. 7. Argile sableuse et argilite; pas de gypse : 18 mètres. 8. Macigno d’un gris rougeâtre, fendillé et comme schistoïde dans un sens perpendiculaire à celui de la stratification : 5 mètres. 9. Argile semblable à celle du n° 6 : 30 mètres. 10. Argile semblable a celle du n° 7 : 60 mètres. 11. Macigno semblable à celui du n° 8 : 25 mètres. 12. Alternances de bancs puissants d’argile rougeâtre, avec de mince3 couches d’un macigno, passant d’une part au grès argileux, et de l’autre au calcaire argileux : 80 mètres. 13. Conglomérat calcaire, composé surtout de cailloux roulés appar- tenant, ainsi que ceux offerts par l’assise précédente, aux terrains oolithique et néocomien : 2 mètres. 14. Argile : 2 mètres. 15. Calcaire argileux, bigarré de gris, de jaune et de rouge, passant dans certains points au macigno en couches d’une puissance variable, fendillées dans tous les sens, alternant dans la partie supérieure avec quelques bancs argileux : 20 mètres. 16. Conglomérat calcaire semblable à celui du n° 13, et passant sur certains points au macigno : 3 mètres. 17. Calcaire blanchâtre semblable à celui du n° 15 : 5 mètres. 18. Conglomérat rougeâtre, ou blanchâtre, semblable à celui du n° 1 6 : 1 2 mètres. 19. Grès argilo-calcarifère, d’un gris rougeâtre : 6 mètres. Ici se montrent les premiers débris de corps organisés : ce sont des Nummulites. 20. Marne argileuse rougeâtre, blanchâtre ou grisâtre, alternant avec des lits de macigno de la même nuance : 8 mètres. 21. Assise semblable à la précédente, mais s’en distinguant par une nuance uniformément rougeâtre : 8 mètres. Toutes les assises que je viens d’énumérer forment une zone qui se reconnaît à distance par sa couleur uniformément rougeâtre. Ici cette nuance disparaît totalement pour ne se montrer de nouveau qu’avec le grès et les conglomérats qui terminent la série nummulitique tout entière. 22. Conglomérat semblable à celui du n° 13 : 9 mètres. 23. Macigno passant sur certains points au poudingue calcaire : 6 mètres. 24. Marnes bleues, alternant avec des couches assez puissantes de calcaire subcompacte ou marneux; les marnes deviennent, sur certains points, jaunâtres : 40 mètres. Cette assise se trouve au Col des lentilles , dont le nom NOTE DE M. TÉZIÀN. 381 indique assez la nature des débris de corps organisés qu’on y rencontre. 25. Calcaire semblable à celui de l’assise précédente, se délitant en fragments arrondis, très dur, pétri sur certains points de Nura- mulites : 60 mètres. 26. Assise presque exclusivement marneuse : marnes bleues mêlées à des lits minces de calcaire marneux : 20* mètres. 27. Calcaire marneux, schistoïde, alternant avec des bancs de marne d'un gris bleuâtre: 6 mètres. 28. Marne grisâtre, alternant avec des lits de macigno ou de cal- caire marneux; offrant du gypse jauni par l’hydrate de fer: 40 mètres. C’est sur ces marnes que la ville d’ïgualada est située; elles supportent une autre assise de calcaire dont je parlerai tout à l’heure, et ce calcaire est lui-même recouvert par le grès qui complète la série nummulitique. Dans celle coupe, l’étage inférieur du terrain nummulitique offre une composition plus variée qu’au Mont-Serrat. Quant à l’étendue qui, au village de Carme, doit être donnée à cet étage, il peut y avoir du doute: on peut le considérer comme limité, soit par la pre- mière apparition des Nummulites, soit par le point où la couleur rougeâtre disparaît , soit par celui où les conglomérats cessent de se montrer. J’adopte la deuxième limite, et je considère le pre- mier étage comme étant composé des assises comprises entre le n° 3 et le n° 21 inclusivement. Cet étage y est caractérisé, ainsi que dans toute la province de Barcelone, par la nature détritique des élé- ments constitutifs de ses roches, par la rareté des débris de corps organisés et par sa nuance presque toujours rougeâtre. Dans la même coupe, les couches les plus voisines des couches oolithiques et crétacées sous-jacentes participent à la forte inclinaison de ces dernières, tandis que les autres sont «à peine redressées. C’est un effet semblable à celui que j’ai observé au pied du Mont-Serrat. Mais tandis qu’au Mont-Serral les mêmes couches, par suite d’une stratification en fond de bateau, se montrent fortement inclinées sur un point, et horizontales sur un autre, la petite plaine d’alluvion qui supporte le village de Carme cache, sur une étendue de 100 mètres environ, les couches qui marquent le passage d’une stratification à l’autre. Il en résulte qu’au premier abord on pourrait croire à une discordance, et détacher, pour en former un groupe à part, les assises inscrites sous les n°* 3, h et 5. Mais cette discordance apparente prouve que le soulèvement qui l’a produite est postérieur au terrain nummulitique et qu’il s’est effectué sur un point où les terrains jurassique et crétacé étaient 3S2 SÉANCE DU 19 JANVIER J 857. recouverts en stratification concordante par Ses couches nummuli- tiques. Les assises 6 et suivantes, plus éloignées de Taxe du soulève- ment, ont subi son action à un moindre degré. Voici, du reste, une autre observation que j’ai eu l’occasion de faire au pied du Mont- Serrat, et qui démontre également que ce n’est qu’avec une certaine réserve et après un examen attentif qu’on peut reconnaître l’exis- tence de deux formations indépendantes dans un ensemble de cou- ches diversement stratifiées. Lorsqu’on sort du village de Collbatie pour gravir le Mont-Serrat, on marche sur des couches de calcaire jurassique, inclinées de 70°, et se dirigeant de l’E. U0° S. à l’O. /i0° N. On rencontre ensuite un éboulis d’une grande puissance, au-dessus duquel le poudingue du Mont-Serrat se place à découvert, avec une direction générale de l’E. à l’O., et une inclinaison de 25° du S. au N. Les débris accu- mulés au pied de la montagne recouvrent le point de contact entre le calcaire oolilhique et le poudingue, de sorte qu’il n’est plus possible de constater si la discordance de stratification qui existe entre eux est réelle. Mais, si l’on suit le lit du torrent qui, de ce point, va se jeter dans le Lîobrégal un peu au-dessus de la Puda, on voit les cou- ches de poudingue et de maciguo qui constituent la base du Mont- Serrat présenter sur la rive gauche de ce torrent, c’est-à-dire du côté de cette montagne, une inclinaison très faible. Au contraire, sur la rive droite, les mêmes couches se redressent d’une manière rapide pour participer à l’inclinaison très forte des couches du calcaire ooli- îhique presque verticales, ainsi que je l’ai déjà dit. Ici* il n’y a pas à hésiter sur la vraie relation des couches qu’on a devant soi ; mais le doute subsisterait si le point de contact était caché par des éboulis, comme à Colibatie, ou par une petite plaine d’aliuvion comme au village de Carme. Environs d’Igualadu : division du terrain nummulitîque en étages. Dans la province de Barcelone, des argiles, des grès, des conglo- mérats, toujours sans fossiles et ordinairement rougeâtres, ouvrent et ferment la série nummuiitique. La partie moyenne, très riche en débris de corps organisés et ordinairement dépourvue de roches à éléments détritiques d’un certain volume, se compose presque tou- jours de calcaires et de marnes le plus souvent grisâtres ou bleuâtres. Elle se partage en trois étages que caractérisent leur ordre de super- position, leur faune et la nature de leurs roches, et que je désignerai provisoirement sous les noms d’étages castellien , igualadien1 man - ré sien. NOTE DÉ M. VÉZIAN. 883 L'étage castellien (calcaire do col des Lentilles, de Gastelloli, de Castellvell) est représenté dans la coupe précédente par les assises 22 à 25. Les premières de ces assises ont quelques-uns des carac^ tères pétrographiques de la partie inférieure du terrain nummuli- tique, et peuvent être considérés comme constituant une transition. Cet étage est ordinairement formé par un calcaire compacte, sou- vent pétri de Nummuiites et alternant avec des marnes grisés. Il couvre une zone continue qui se dirige parallèlement à celle formant le substratum de tout le terrain nummulitique. Dans le rayon que j’ai parcouru, cette zone commence au col des Lentilles, à deux lieues S. -O. d’Igualada; elle passe àVilanova del Garni, à Castell-Oli, con- tourne le Mont-Serrat du côté du N., et se dirige vers San-Miguel del Fay, en passant par Castellvell. Au village de Casteli-Oii, situé sur la route de Barcelone à Igualada, et à deux lieues de celle dernière ville, l’étage dont je parle est représenté par un calcaire compacte, grenu ou esquiiieux, avec lamelles cristallines et à cassure inégale. Ce calcaire, bleuâtre sur certains points et grisâtre sur d’autres, est pétri de Nummuiites et de petits Pecten. Les talus des bords de la roule que l’on suit en sortant de Castell- Oli du côté de Barcelone le montrent en couches puissantes, empâ- tant des Cerithiurn giganteum qu’il est impossible de dégager de la -roche. A mesure qu’on se rapproche du Mont-Serrat, il se charge de plus en plus de cailloux calcaires, auxquels se mêlent quelques cailloux quartzeux. Il alterne en même temps avec des couches de plus en plus nombreuses de grès et de macigno jaunâtre : il perd toute trace de fossiles ; sa nuance devient moins foncée, sa structure plus schistoïde. Un peu avant d’atteindre le Bruch, il passe définiti- vement au poudingue du Mont-Serrat. On peut ainsi observer le passage insensible qui lie les deux premiers étages du terrain num- mulitique, et dont nous avons vu déjà un exemple au col des Lentilles. Etage igualadien. — La viile d’Igualada est entourée de tous côtés par le terrain nummulitique; elle est bâtie sur des couches marneuses représentées dans la coupe du col des Lentilles par les assises 26, 27 et 28 ; c’est de la réunion de ces trois assises que je compose mon étage igualadien. Les marnes qui constituent cet étage sont d’une nuance bleuâtre se changeant en gris dans les couches supérieures. Elles alternent avec des couches très minces d’un calcaire marneux ou de marnolithe, remarquable par sa tendance à se déliter en fragments arrondis. Je ne puis mieux faire, pour dépeindre l’aspect général de cet étage que de le comparer aux marnes supraliasiques : i’analogie est d’autant plus grande que le calcaire de l’étage sous-jacent ressemble au cal- SÉANCE BU 19 JÀNVïEît 1857. 38Zi caire à Gryphées, et que la roche de l’étage supérieur offre une nuance claire, de même que le lias blanc qui recouvre les marnes supralia- siques. Les marnes de l’étage igualadien m’ont fourni, à cause de leurs caractères très nets, un point de repère précieux que j’ai mis à profit dès mes premières explorations. Ce sont elles aussi qui m’ont procuré le plus grand nombre de fossiles. Étage manrèsien. - — Au-dessus des marnes dont il vient d’être question, les environs d’Igualada montrent un calcaire jaunâtre ou grisâtre, formant des couches de deux à trois mètres de puissance, séparées par des lits peu épais de marnes de la même nuance. Celte roche, d’une texture très compacte et quelquefois subcristalline, offre encore des Nummulites; mais les fossiles dominants appartien- nent à l’ordre des Echinoïdes. C’est de l’étage manrèsien que dépend le gypse exploité aux envi- rons d’Igualada, et surtout au village d’Odena, situé à quatre kilo- mètres de cette ville. Le gypse exploité est blanc, saccharoïde ou la- mellaire, en couches ou amas d’une grande puissance : les carrières de gypse s’aperçoivent d’une certaine distance et se montrent comme de grandes taches blanches sur le flanc des collines où elles sont ou- vertes. L’étage manrèsien forme à la surface du sol une zone qui, d’Igua- lada à Mauresa, se développe parallèlement à celles que les étages précédents constituent. Cette zone est interrompue sur un grand nombre de points par suite de l’influence des cours d’eau qui ont profondément raviné le sol et ont amené la formation de montagnes isolées, dont la crête est précisément constituée par les roches de l’étage manrèsien. Ces montagnes montrent sur leurs flancs les marnes de l’étage igualadien et à leur base le calcaire de l’étage casteilien. Les strates de l’étage Manrèsien plongent à l’O. sous une masse puissante de grès argileux ou psammite rougeâtre, sans fossiles, qui termine la série dont je viens d’indiquer les principaux termes. Ce grès s’observe à une lieue environ d’Igualada, sur la route qui de celte ville conduit à Cervera. Plus loin, il disparaît à son tour sous des couches lacustres qui ont été rapportées à l’époque miocène. Il ne faut pas conclure de ce fait que l’étage éocène ne soit pas repré- senté, soit dans le bassin méditerranéen, soit dans la province de Barcelone elle-même. Je ne reviendrai pas ici sur les détails que j’ai consignés à ce sujet dans mon travail sur le terrain postpyrénéen des environs de Barcelone. NOTÉ DE M. VÉZ1ÀPC 385 Coupe d ' Es p a rraguerra à Monresa. Stratigraphie des cinq étages nummuli tiques. Dans cetle coupe je prendrai pour point de départ les premières couches nummuliliques qui se présentent à l'observateur, c’est-à- dire celles qui, vis-à-vis de l’établissement thermal de la Puda, sont en contact immédiat âvec le terrain oolilhique. Ce sont les mêmes dont il a été question à la page 373. Elles se font remarquer d’abord par une grande ressemblance avec le grès triasique, dont elles ne constituent qu’un remaniement sur place. Elles Recomposent d’un conglomérat quarlzeux, alternant avec des bancs de grès et d’argile, quelquefois grisâtre, mais bien plus souvent rougeâtre. Mais, par le mélange de l’élément calcaire, le conglomérat passe bientôt au poudingue, d’a- bord polygénique, puis calcaire ; les grès se transforment en macigno et les argiles disparaissent. On est ici au pied du Mont-Serrat, et le poudingue ne joue pas sur ce point, comme au sommet de la mon- tagne, un rôle exclusif. Il alterne d’une manière assez régulière avec le macigno ; on observe en même temps des passages de Tune à l’autre roche dans le même banc. Le poudingue cl le macigno renferment un ciment calcaire, d’abord invisible, puis en proportion plus forte. C’est par l’augmentation de ce ciment que le poudingue et le macigno passent insensiblement à un calcaire d’abord marneux, [puis tout à fait compacte et dépouillé d’éléments étrangers. Les diverses transformations que je viens de relater ne s’effectuent que d’une manière insensible et à de longues distances : ce fait ré- sulte de ce que, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, ces couches nummulitiques ont une stratification très régulière, et n’ont éprouvé, aux environs de Barcelone, aucun plissement : elles n’ont été sou- mises qu’à des failles et à des dislocations qui leur ont fait perdre leur horizontalité, mais non leur direction rectiligne. Leur inclinai- son est très faible, et le géologue qui remonte le cours du Llobrégat marche longtemps sur chacune d’elles. Ce n’est qu’un peu avant Caslellvell, à huit kilomètres du point où nous avons vu le terrain nummulitique en contact avec les couches jurassiques, qu’on rencontre le calcaire de l’étage castellien, que nous avons observé lout à l’heure à Castell-Oli. Ce calcaire y est, comme sur ce dernier point, compacte, esquilleux, avec lamelles cristallines , grisâtre, à cassure inégale : il renferme également do nombreuses Nummulites. Il se présente en couches régulières, de 1 à 2 mètres de puissance, alternant avec des bancs marneux gri- Soc. géol. , 2e sér., tome XIV. . 25 386 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. sâires très minces. Plus loin, il devient marneux, schistoïde, d’un brun grisâtre. Puis apparaissent les marnes bleues qui constituent l’étage iguala- dien,et qui sont absolument semblables à ceilesqui s’observent entre Iguaiadaet Castell-Oli Ces marnes supportent, entre Castell-Gali et la ville de Manresa, des couches calcaires de 2 à 3 mètres de puissance, très régulièrement stratifiées et alternant avec des bancs gréseux ou marneux. On peut, pendant longtemps, suivre du regard les mêmes couches sur le bord de la rivière de Cardoner, que l’on rencontre dès que l’on a dépassé le village daCastell-Gali. Au-dessous de Manresa, ces couches sont divisées, par des fissures perpendiculaires à la stra- tification, en blocs rhomboédriques dont quelques-uns ont jusqu’à 3 ou U mètres de longueur. Les puissantes couches de calcaire qui supportent Manresa sont la continuation de celles qu’on observe dans les environs d’ïgualada, au-dessus des marnes bleues, et que j’ai réunies sous le nom d’étage inanrésien. Elles se joignent les unes et les autres, en passant au nord du Mont- Serrai. Le grès nummnlitique supérieur se montre en sortant de Manresa parle chemin de Gardona ; il constitue une chaîne de hautes collines qui se prolonge sans solution de continuité depuis Manresa jusqu’au nord d’igualada. Je ne puis entrer dans aucun détail au sujet de ce dernier étage nummulitique, parce que je n’ai point parcouru la zone qu’il re- couvre. Je me suis contenté d’observer son point de contact avec l’étage nummulitique sous-jacent, et de constater qu’il y a entre les deux concordance de stratification. Je me suis également assuré qu’il ne renferme pas de débris de corps organisés, et que ses roches conservent habituellement une nuance rougeâtre et ont la plupart des caractères pétrographiques de celles qui se placent à la base du ter- rain nummulitique. Les cinq étages nummulitiques de la province de Barcelone ne se recouvrent pas immédiatement les uns les autres, comme le font les diverses parties d’un même terrain dont la dernière couche peut seule s’observer sur une grande étendue, lorsque l’on parcourt la ré- gion où ce terrain existe. Sans pouvoir affirmer qu’il y ait, entre chacun des cinq étages nummulitiques, des discordances d’isolement nettement caractérisées, il est bon de faire remarquer qu’ils sont en quelque sorte placés en retrait les uns par rapport aux autres. Iis forment chacun une zone assez large dans toute l’étendue de laquelle ils se montrent h découvert, et c’est ainsi que sur une carte on peut reconnaître, entre les deux ligues (pii marquent le commencement NOTE DE M. VÉZIÀN. 387 des étages inférieur et supérieur, une distance de plusieurs kilomè- tres. Ces rapports stratigraphiques entre les divers étages nummuli- tiques ne reconnaissent pas pour cause l’action érosive des cours d’eau. L’étude attentive de la topographie de la contrée ne rend pas celte hypothèse admissible. On est conduit à supposer que les cou- ches déposées dans la mer nummulitique s’éloignaient successive- ment du premier littoral dans l’ordre de leur dépôt, par suite soit d’un comblement de cette mer elle-même, soit, ce qui est plus pro- bable, d’un exhaussement du sol. Cet exhaussement du soi, tout en rendant compte du mode de distribution géographique des cinq éta- ges que j’ai reconnus dans la formation nummulitique, rendrait très admissible la complète indépendance et l’autonomie de chacun d’eux. La formation nummulitique serait une agrégation de terrains, plutôt qu’un terrain unique. Considérations palé ontologiques. Toute la partie moyenne du terrain nummulitique est d’une grande richesse en débris de corps organisés. Je m’occupe de l’étude des fossiles que j’y ai recueillis ; voici la liste de ceux que j’ai actuellement déterminés : MOLLUSQUES. Nautilus Rollandi , Leym. Turritella imbricataria , var. c, Desh. — cari n fera , Desh. Natica Orbignyi , d’Arch. — Ion gis p ira, Leym. — brevispira , Leym. • — sigaretina , Desh. Solarium simplex , Leym. Terebellum carcassense ? Leym. Vola ta rarispina , Lam. Rostellaria spirata , AL Rouault — fissure lia, Lam. — Lejeunii , Al. Rouault. Cerithium giganteum , Lam. — cornu-copiœ , Lam. Pholadomya areuata, Agass. — Prevosti 7 Desh.? Venus lenticularis , d’Arch. — r ubien sis, Leym. Crassatella gibbosula , Lam. — securis, Leym. Crassatella ponclerosa , Lam. — sutcata , Sow. Venericardia trigona , Leym. Pirtna margcn itacea , Lam. Lithodomus lithophagus , Lam. Lima mûrie a ta , Goldf. — igua/adensis, nob. — Duvalii , Al. Rouault. Pecten tri gin ta -radius, Dixon. — sub tri parti tus , d’Arch. — var. a, d’Arch. — Michelotti, var, a, nob. — irnbricatus , var. a, nob. Spondylus asperulus , var. nr Münst. — podopsidens, Lam. — * bifrons , Münst. Ostrea la ti s si ma, Desh. — — var. a, nob. ZOOPHYTES. Retepora alveolaris , Blainv. Orbi tolites Partis ii , d’Arch, 388 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. Orbitolites papyracea , d’Arch. — setla, d’Arch. — radians , d’Arch. — alveolaris , nob. Eupatagus orna tus, Agass. Spatangùs obesus , Leym. Echinometra Thomsoni , d’Arch. et Haime. Opcrculina ammonea , Leym. — granulosa , Leym. N uni m ulites lœviga ta, La m . — perforata , d’Orb. — Lucas an a, Defr. - — biaritzensis , d’Arch. — striata , d’Orb. Turbinolia cycloli toutes , Bell. — conoidea , nob. Trochocyathus Fan den Heckei, M. Edwards et J. Haime. Cyathina vertcbrata , d’Arch. Trochosmilia elongata, Reuss. — bi loba ta, Mich. — Jeanjeanii , nob. — castelcnsis , nob. — corniculum , Mich. — hippuritiformis , nob. — sub-hippuriti forints , nob. — cernua , Goldf. Stylocœnia Ficarei, J. Haime. Stephanocœnia inter sept a , Lam. Ostrea octolamcllosa, Mich, — Teissieriana , Mich. Diniorphastrea glomcrata , Reus. Parités elcgans , Leym. Cyclolitcs B ors o ni s, Mich. Cyathoscris Haidingeri , Reuss. Pachyseris Mardi i son i, J. Haime J’ai encore recueilli dans le terrain nummulitique de la province de Barcelone des dents de Squale (marnes bleues de CastelLOli), des individus du genre Cancer (mêmes couches), des Serpules, d’autres mollusques, des baguettes de Cidaris et des polypiers. Dans cette liste, il est assez difficile de faire la part de ce qui re- vient à chacun des trois étages qui les ont fournis : quelques espèces se trouvent dans deux étages à la fois, et, de plus, pour la plupart des échantillons que j’ai recueillis, il ne m’a pas toujours été facile de reconnaître avec précision la couche d’où ils proviennent. Je dois avouer enfin que, dans le commencement de mon exploration, je ne m’attendais pas à voir dans le terrain nummulitique une formation aussi complexe. Toutefois, je puis donner les indications suivantes : Le second et le troisième étage sont caractérisés par l’ahondance desNummuliteset des polypiers: comme les Nummulites, ceux-ci sont nombreux en individus, mais ils le sont de plus en espèces. Parmi les Nummulites, c’est la Nummulites perforata qui est la plus commune, et c’est la variété B, columbrensxs , qui domine au col des Lentilles. La variété G, disent MM. de Verneuil et Ed. Collomb, a été trouvée dans les marnes grises, c’est-à-dire dans notre étage igualadien, et par conséquent à un niveau supérieur à celui de la variété précédente. C’est aussi à cet étage que semblent appartenir Y O per cul ina ammonea et Y O. granulosa, ainsi que les diverses espèces d’Orbitolites que j’ai citées; ces marnes montrent en outre de nombreux fragments de Retepora alveolaris. NOTE DE M. VÉZIAN. 389 i L’étage manrésien est au contraire caractérisé par le grand nombre d’Échinides qu’il renferme : c’est lui qui nous a fourni le Spatangus obesus , Y Eupatagus ornatus, Y Echinometra Thomsoni. Le Spatangus obesus se rencontre aussi dans l’étage igualadien. Le seul individu de Nautilus Rollandi que j’aie rencontré m’a été fourni par l’étage igualadien, au bord de la roule, en sortant de Castell-Oli : c’est sur ce point et dans ce terrain que j’ai recueilli Y O. latissima. , Desh., ou du moins un individu ne se distinguant de celte espèce type que par quelques différences dans la charnière ; YO. latissima est remarquable, soit dans l’espèce type, soit dans notre variété, par sa forme aplatie : je crois être le premier à signaler la présence de cette forme dans la zone asiatico-méditerranéenne, où elle était censée représentée par YO. gigantea , Brander (considérée par M. Deshayes comme une variété gibbeuse de son O. latissima) , ou par Y O. gigantea , Levm. Parmi les mollusques dont se compose la liste précédente, il n’en est que trois qui se retrouvent dans le terrain crétacé, et encore leur détermination est elle pour moi accompagnée de doute ; ce sont : Natica Orbignyi, Pholadomya Prevosti et Venus lenlicularis. Cette liste, quelque restreinte qu’elle soit, accuse au contraire entre les faunes malacologiques des terrains nummulitique et tertiaire des affi- nités bien plus intimes. La Turritella imbricataria , var. c, Desh., se retrouve dans les sables de Bracheux, et par conséquent dans le terrain nummulitique du Soissonnais. La Turritella carinifera existe également dans le terrain nummulitique de Biaritz, dans le terrain tertiaire inférieur de l’Oise et dans le calcaire grossier du bassin de Paris : il en est de même de la Natica sigaretina , de la Poste llaria fissure lia. Le terrain nummulitique me paraît même, dans l’état actuel de la science, lié avec le terrain miocène par des rapports plus intimes qu’avec le terrain crétacé. Notfe tableau offre trois espèces com- munes à l’étage miocène et à la formation nummulitique; ce sont : Voluta rarispina , Pholadomya arcuata , Lithodomus lithophagus. On sait que la première de ces trois espèces est reconnue comme caractéristique du terrain miocène, et surtout des faluns jaunes : comme les termes de comparaison ne m’ont pas manqué pour la dé- termination de cette espèce, c’est sans hésitation aucune que je si- gnale sa présence dans le terrain nummulitique des environs de Bar- celone. Lorsque j’aurai pu compléter la détermination des fossiles que le terrain nummulitique de la province de Barcelone m’a fournis, on verra que le nombre d’espèces de polypiers est relativement bien 390 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. plus considérable que ne l’indique le tableau que j’en donne provi- soirement : mais le caractère de cette partie de la faune locale que j’étudie n’en sera pas changé : il sera remarquable par l’abondance des espèces dont les individus vivent isolément, ou ne forment pas, par leur agrégation, de grandes masses : c’est le contraire que j’ai observé pour la faune zoophytologique du terrain miocène de la même contrée. Conclusions. D’après les faits que je viens d’exposer, le terrain nummulitique des environs de Barcelone se compose de cinq étages distincts par leur ordre de superposition, la nature de leurs roches constitutives et leurs caractères paléontologiques : il y a néanmoins entre tous con- cordance de stratification, et les passages insensibles qui les rattachent les uns aux autres démontrent qu’ils appartiennent à un même en- semble. Le terrain nummulitique a été étudié, au point de vue géognos- tique, dans les Hautes-Alpes par MM. Lory et Rozet, et dans le Valais par M. E. Renevier. Les observations de ces géologues et les travaux de M. Leymerie et d’autres observateurs sur les couches à Nummulites tendent à démontrer la possibilité et la convenance d’é- tablir dans le terrain nummulitique méditerranéen une division semblable à celle que j’ai adoptée pour les environs de Barcelone.^ I. — Etage Mont-Serrien. — Cet étage, très développé au Mont- Serrat (d’où le nom que je lui donne), offre des conglomérats, des grès et des argiles. C’est avec lui qu’apparaissent les premières Num- mulites ; elles sont peu nombreuses, de petite taille, et constituent presque les seuls débris de corps organisés marins qu’il renferme. Dans un grand nombre de contrées, il renferme des coquilles lacus- tres dont la plus remarquable est la Physa gigantea. Ces coquilles lacustres manquent dans le terrain* nummulitique de la province de Barcelone, où l’étage Mont-Serrien est représenté par des m.acigni et des conglomérats rougeâtres, et n’offrant d’autres fossiles que des Nummulites qui ne se montrent que dans le voisinage de l’étage sui- vant (N. striata?). L’étage Mont-Serrien est représenté dans les Cor- bières par le calcaire lacustre de Montolieu et par des marnes re- couvrant des grès et des poudingues ; dans les Hautes-Alpes, par des grès et des conglomérats sans fossiles, supportant quelquefois un banc de calcaire sableux roussâtre, avec Nummulites: dans le Valais, tantôt par une mince couche brunâtre avec quelques N. Ramondi , Defr. , var. D (à la Cordaz), tantôt par une puissante assise de calcaire sans fossiles, recouverte par un banc de calcaire jaunâtre (Dent du Midi). NOTE DE M. VÉZIAN. 391 II. Etage CasteUien. — Gel étage est généralement calcaire ; les Nummuiites y sont très nombreuses, ainsi que dans les deux étages suivants : il renferme en outre beaucoup de polypiers (surtout des genres Turbinolia et Trochosmilia ), des Pecten de petite taille et un grand nombre de Natica et d’autres gastéropodes. Les Cerithium y sont nombreux en individus, lorsqu’on ne considère qu’une seule localité, et en espèces si l’on réunit plusieurs régions : de là le nom de couches à C évites qu’on donne sois vent à cette partie du terrain nummulitique. L’étage Casteîlien est représenté dans les Corbières par les calcaires compactes de Lagrasse ; dans les Hautes-Alpes, par des calcaires marneux, des grès et des marnes avec Gérites, Nati- ces, etc. ; dans le Valais, par un calcaire schisteux noirâtre, éga- lement avec Gérites. III. Étage Igualadien. — Il est généraièment marneux ; mais souvent ces marnes alternent avec des assises calcaires. La faune offre beaucoup d’analogie avec celles des deux étages entre lesquels il se trouve intercalé. Les polypiers y sont plus nombreux, les Orbi- toliies et les Operculines (Operculina ammonea ) y abondent : on y trouve aussi quelques Oursins et notamment des Spatangues (Spa- tangus obesus). Cet étage est représenté dans Ses Corbières par les marnes noires de Gouiza et de Couslonge; dans les Hautes-Alpes, par diverses roches et notamment des marnes sableuses, noires, très schisteuses ; dans le Valais, cet étage est plus difficile à retrouver : peut-être s’y confond-il avec le précédent. IV. Etage Manrésien. — Il est presque toujours calcaire, et ses roches offrent une nuance plus claire que celles des groupes précé- dents. Il contient toujours des polypiers et des Nummuiites, mais ses principaux caractères paléontologiques semblent résulter de la pré- sence d’échinoïdes nombreux en individus et en espèces. Il est repré- senté dans la province de Barcelone par un calcaire compacte jau- nâtre, avec gypse exploité, et renfermant, entre autres fossiles, Eupatagus ornatus , Spatangus obesus , Echinometra Thornsoni; dans les Gorbières, par les calcaires compactes de couleur claire de Gonques et de Coustonge ; dans les Hautes-Alpes , par des cal- caires compactes, d’un gris foncé, avec Nummuiites et polypiers ; dans le Valais, par des couches de calcaire à Nummuiites précédé par des calcaires avec oursins ( Eupatagus e/ongatus , Scutellina et Echynoeyamus ) . V — La partie supérieure du terrain nummulitique se distingue par l’absence complète non-seulement de Nummuiites, mais même de débris de corps organisés appartenant au règne animal. Dans les environs de Barcelone, elle n’offre que des macigni et des 39*2 SÉANCE DU 19 JANVIER 1857. conglomérats rougeâtres sans foss.'les. Elle constitue un vaste en- semble, représenté dans les Corbières par des calcaires sableux ou marneux; dans les Hautes-Alpes, par des couches marneuses, schistoïdes, bleuâtres, sans fossiles, passant à une masse puissante de grès moucheté; dans le Valais, par des schistes sans fossiles; dans la Suisse, par le fhjsch; et en Italie, par le macigno à fucoï.des . Cet ensemble me paraît correspondre à l’argile plastique du bassin de Paris, et, dans aucun cas, ne pouvoir remonter plus haut que le calcaire grossier : comme l’argile plastique et le calcaire grossier renferment aussi des Nummulites, je vois dans ce fait une raison suffisante pour ne pas séparer du terrain nummulilique les couches dont je viens de parler en dernier lieu. Je ne donne pas à l’étage qui résulte de la réunion de ces couches de désignation en rapport avec la nomenclature que je propose provisoirement pour le terrain num- mulilique de la Méditerranée. Je ne le crois pas nécessaire, puisque je suis porté à admettre le parallélisme des couches à fucoïdes avec l’argile plastique, et, par conséquent, la convenance de les confondre dans un même ensemble qui a déjà reçu de M. d’Orbigny le nom de suessonien. Toutefois, comme l’espace me manque pour discuter les rapports du terrain nummulilique de la Méditerranée avec les for- mations qui, dans le bassin parisien, peuvent lui correspondre, je renvoie cet examen à une occasion plus favorable. Coupe de Barcelone au Mont -Serrât. 6 5 43 27 6 217 1. Granité. — 2- Terrain schisteux. — 3. Trias. — 4. Oolithe. — 5. Terrain nummulilique — 6. Terrain lacustre cocène. — 7. Terrains miocène et pliocène. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 393 Séance du 26 janvier 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUU. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. l’abbé Docq, professeur de géologie à l’Université, à Louvain (Belgique) ; présenté par MM. d’Omalius-d’Halloy et Damour. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le chevalier T. A. Catullo, Dei terreni di sedimento superiore delte Venezie e dei fossili Bryozoari , Antozoari e Spongiari ai quali danno ricetto, grand in-Zi , viii-88 p., XIX p!., Padoue, 1856; chez A. Sicca. De la part de M* Ch. Sainte-Glaire Deville, Sur les émana- tions volcaniques (Mémoire lu à l’Académie des sciences, les 17 novembre 1855 et 12 janvier 1856), in-Zi, 26 p. De la part de M. d’Omalius-d’Halloy, Cinquième note sur la classification des races humaines (extr. du t. XXIII, nos 12 et 13 des Bulletins de ly Académie royale de Belgique ), in-8, 23 p., 1856. Delà part de M. le docteur J. -B. Greppin, Complément aux notes géologiques publiées dans les Nouv. mèm. de la Soc . helvétiq . des sc. nat ., t. XIV (extr. des Nouv. mém. de la Soc. helvétiq. des sc. nat., t. XV), in -h, 16 p., 1 pl. de coupes. Zurich, 1856; chez Zütcher et Fusser. De la part de M. W. P. Blake : 1° Notice of remarkable strala containing the remains of lnjusoria and Polythalamia in the tertiary formation of Mon- terey , California (from the Proceed. of the Ac . of nat. sc. of Philadelphia, avril 1855), in-8, 3 p. 2° Observations on the extent of the gold région of California and Oregon (from the Amer. Journ. of science and arts , vol. XX, sec. ser., july 1855), in-8. 39 h SÉANCE DU 26 JANVIER 1857, 3° On the grooving and polishing of hard rocks and mine- rais by dry sand (from the American Journ. of sc. and artss sec. ser., vol. XX, sept. 1855), in-8, l\ p. ll° Description of the fossils and sliells colleçled in Cali- forniei, in-8, 3 h p. ^ Washington, 1855. 5° From the Proceedings of the Procidence meeting of the Amer, assoc. for the adcanc. of science. — Varions abstracts, in-8, 12 p. 6° On the rate of évaporation on the Tnlare lakes of Cali- fornia (from the Amer. Journ. of sc. and arts, may 1856), in-8, l\ p. De la part de M. W. H.Emory, Boundary between the United States and Mexico , 1 feuille, grand aigle. De la part de M. Fermin Ferrer, Geographical map of the Republic of Nicaragua, 1 feuille colombier, 1855. De la part de M. W. J. Hamilton, Address délie ered at the anniOersary meeting of the geofogical Society of London , on the 15th of febrtiary 1856, in-8, 99 p., Londres, 1856; chez Taylor et Francis. De la part de M. G. R. B. Horner, Medical topography of Brazil and Uruguay , in-8, 296 p., Philadelphia, 18/j5; chez Lindsay et Blakiston. De la part de M. Isaac Lea, Description of a new mollusk from thered sarulstone , near P oit saille , P a. (from the Proceed. of the Acad, of nat. sc. of Philadelphia, may 1855), in-8, 2p.,lpl. De la part de M. J. S. Newberry, Description of several new généra and species of fossil Fishes , from the carboniferous strata of Ohio (from the Proceed. of the Acad, of nat» sc. of Philadelphia , april .1856) ; in-8, 5 p. De la part de M. le docteur John B. Trask, Report on the geology of norihern and Southern California, in-8, 66 p. , Sacramento, 1 march 1856. Comptes rendus hebd. des séances de l1 Académie des sciences , 1857, 1er sem., t. XLIV, n° 3. L’ Institut, 1857, n° 1 203. Société!. (P A gîte. , sc. et arts, de V arrondissement de Va - OBSERVATION DE M. d’aUCHIAC. 395 lenciennes . Revue agricole , industrielle et littéraire , 8e année, n° 6, décembre 1856. Bulletin de la Société V audoise des sciences naturelles , t. IV, nos 36 et 37. Report of the twenty-fifth meeting of the British association for the advancement of science ; held at Glasgow in september 1855. The quart erly Journal of the geological Society of London , vol. XII, Nov. 1, 1856, n° 48. The Athenœum , 1857, n° 1526. Jahresbericht über die Fortschritte der reinen , pharmaceu- tischen und technischen Chemie, etc., für 1855, Zweites heft. Revista minera , 1857, t. VIII, n° 160. Reports of explorations and snrveys , to ascertain the most practicable and economical route for a railroad front the Mississippi River to the Pacific Océan , mode in 1853-1854, in-4, vol. I, 651 p., 3 cartes-, Washington, 1855. Reports of the Commissioner of patents for the year 1854*, — Agriculture; — in-8, 520 p., 8 pi . , Washington, 1855 $ chez Beverley Tucker. Smithsonian contributions to Knowledge, vol. VIII, in-4, City of Washington, 1856. Proceedings of the Boston Society of natur. hist., vol. V, feuille 12-21, may 1855 to april 1856. Memoirs of the American Academy of arts and sciences , new sériés, vol. V, in-4, Cambridge and Boston, 1855. Journal of the Academy of nat. sciences of Philadelphia , New sériés, vol. III, partie II, in-4, décembre 1855. P roceedings of the Acad . of nat . sc. of Philadelphia , vol. VII, feuille 23-35, vol. VIII, feuille 1-7. M. d’Archiac fait remarquer que, dans leur Mémoire sur les Apennins de VItalie centrale [Bull., 2e sér. vol. XII, p. 1211, séance du 2 juillet 1855, nov, 1856), MM. Spada et Orsini ont attribué à J. Haime la dénomination de plusieurs espèces de Nummulites, ce qui ferait croire qu’il les a décrites dans un tra- vail particulier. Mais J. Haime n’a écrit sur les fossiles de ce genre que les résultats de son examen microscopique du test et les considérations physiologiques qui s’y rattachent, insérés 396 SÉANCE DU 26 JANVIER 1857. dans la Monographie des Numnmlites , ainsi qu’on le trouve indiqué à la fin de l’avant-propos de ce travail. Il est resté presque entièrement étranger à la distinction, à la description et 5 la dénomination des espèces déjà préparées dans le t. III de Y Histoire des progrès de la Géologie ; aussi M. d’Archiac croit-il devoir rétablir comme il suit et conformément aux faits le passage précité, où d’autres erreurs se sont aussi glissées. Le calcaire à Nummulites de MM. Spada et Orsini renferme les Nummulites complanata , Lam., Carpenteri , d’Arch. et J. Haime, Tcluhatchejfi, d’Arch., intermedia , id.. Molli , id., Brongniarti , d’Arch. et J. Haim e, perforaia, d’Orb,, Lucasanat Defr., Meneghinii , d’Arch. et J. Haime, Ramondi, Defr., Guettardi , d’Arch. et J. Haime, biaritzensis, d’Arch., striata , d’Orb., discorbina , d’Arch., exponens , J. de G. Sow., granu - losa , d’Arch., Leymeriei , d’Arch. et J. Haime, spira, de Roissy, garansensis , Joly et Leym., Lamarcki , d’Arch. et J. Haime, irregulariSy Desh., dis tans , id., latispira , Meneg., cu/vispira , id., crassispira , id., nov. sp., Pillœ , id., nov. sp. Le secrétaire donne lecture de la lettre suivante qui lui a été adressée par M. B. Gastaldi : Turin, 19 janvier 1857. Dans la séance du 21 mai 1855, 51. Bayle a présenté une note (1) sur le système dentaire de V Anthracotherium magnum, Cuvier. Après avoir fait l’énumération des pièces sur lesquelles le genre a été établi, après avoir fait l’énumération de celles que 51. de Blainville a citées, décrites et figurées, il ajoute... « Tel était l’état de nos connaissances » sur le système dentaire de VA. magnum, lorsque la découverte de » nouveaux débris appartenant à ce pachyderme est venue... » Et plus loin : « Les pièces entièrement nouvelles à l’aide desquelles nous » avons rédigé ce travail, etc. ». Qu’il me soit permis de réclamer en faveur de la localité de Cadibona, qui a fourni les matériaux avec lesquels on a créé le genre, l’honneur d’avoir fourni aussi les pièces sur lesquelles on a pu déterminer la dentition complète, au moins quanta la mâchoire. En 18à6, j’ai remis à 51. J» Michelotti une note sur les mammifères trouvés dans le miocène du Piémont, note dans laquelle, en décrivant un nombre considérable de pièces venant de (1) Bulletin , 2e série, t. XII, p. 936. LETTRE I)E M. GASTALDI. 397 Cadibona, je complétais d’une manière définitive la dentition de la mâchoire de VA. magnum. Cette note a été publiée en 18A7 dans les Mémoires de V Académie de Harlem ( l ) et fait partie du mémoire intitulé : Description des fossiles des terrains miocènes de l'Italie septentrionale , par Jean Michelotti. Malheureusement l’Académie de Harlem n’a pas cru devoir faire imprimer les dessins des pièces que j’avais décrites ; par le défaut de figures, ma note ne pouvait avoir aucune importance; aussi je suis bien persuadé que M. Bayle en ignorait complètement l’existence lorsqu’il écrivit la notice ci-dessus citée. Pour remplacer cependant jusqu’à un certain point l’absence défigurés, j’avais minutieusement décrit toutes les dents. La notice de M. Bayle, rédigée sur un morceau d’une conservation probablement unique, est venue confirmer ce que j’avais écrit en réunissant les ob- servations faites sur 15 morceaux peut-être, appartenant à plusieurs individus d’âge différent ; parmi ces morceaux, le plus complet n’avait pas plus de 3 dents bien conservées. J’insistai beaucoup sur la rectification de l’erreur commise par Cuvier, lorsqu’il considéra comme une canine la dent figurée dans la planche LXXX, fig. 7, du troisième volume. En novembre 18A6, j’eus l’honneur de communiquer à M. de Blainville une partie des pièces que j’avaisdécritcs et le manu- scrit de ma note; je remarque avec plaisir que M.de Blainville a placé dans les notes de son O Géologie toutes les citations relatives aux pièces que jcîui avais communiquées, et que c’est aussi parmi ces notes qu’est placée sa rectification de l’erreur échappée à Cuvier. En 18A6, je ne connaissais pas encore les belles mandibules d’A. magnum trouvées en France. J’avais cependant reçu de Cadibona tous les matériaux néces- saires pour en compléter aussi la dentition ; maisune pièce dont la forme a été profondément altérée par les mouvements auxquels a été sujette la couche ligniteuse m’a trompé et m’a fait croire que VA. magnum n’avait inférieurement que quatre incisives implantées verticalement. Il esta remarquer qu’outre la petite barre (0m,016) existant entre la dernière incisive d’en haut et la canine, il y en a une autre plus pe- tite encore (0n,,ü08) entre la canine et la première prémolaire. Même barre existe entre la canine et la première prémolaire d’en bas ; il y en a une plus prononcée (0n,,015) et avec dépression de l’os entre la première et la seconde prémolaire. On a jusqu’ici pensé que le lignite de Cadibona appartenait au miocène proprement dit. Je dois faire ob- server que ce lignite ainsi que celui de Bagnasco, de Massimino, de Tag- gia, etc., est enclavé dans une série de couches marines que MM. les (I) Natuurkundigc Vcrhandelingen van de Hollandsche Maat - schappij . TeHaarlem, 1847. 898 SÉANCE DU 26 JANVIER 1857. frères Sismonda(l) ont réunies au terrain nummulilique; ces couches ont été l’objet d’un excellent mémoire de M. le marquis Laurent Pa- re to (2). Cette série de couches marines contient, il est vrai, une grande quantité deNunnnulites; maisd’un autre côtéondoitdirequela presque totalité des fossiles qu’on y trouve à Mornèse, Sassello, Giusvalla, Dego, Carcare, Belforte, Parelo, etc. appartient au miocène. M. Mi- chelotti y a déjà rencontré une centaine d’espèces analogues à celles de Superga. Parmi ces fossiles, ies polypiers ont été classés par M. J. Haime qui les considère comme miocènes, et les oursins ont été classés par M. Desor qui les trouve analogues à ceux de Bordeaux. Si l’on observe en outre : 1° que ces couches sont en stratification discordante aveccelledu terrain nummulilique de Nice, de la Provence, de la Savoie, etc.; 2° qu’elles sont au contraire en stratification con-^ cordante et continue avec les couches du miocène, on est amené à les considérer comme formant l’étage inférieur de ce terrain. Je traiterai cette question moins laconiquement dans une note que j’aurai l’hon- neur d’adresser à la Société. L’idée d’appeler ces couches l’étage in- férieur du miocène appartient du reste à M. Michelotti (3). Tl y a dix mois que la note de M. Bayle a paru, et ma réclamation, si on peut l’appeler ainsi, pourrait paraître un peu tardive. Mon intention était en effet de publier d’abord les figures des pièces que j’avais décrites en 18/r6. Ce travail que j’avais entrepris me donna l’idée de publier une iconographie des plus belles pièces trouvées dans le lignite de Cadibona ; je me suis arrêté à cette dernière idée ; ces différents projets ont été la cause de mon retard à présenter les observations que j’ai cru devoir faire à propos de la note de M. Bayle. M. d’Archiac lit une lettre de M. Clarke, datée de Saint- Léonard, près Sydney (Nouvelle-Galles du Sud), le 20 septembre dernier, et dont un extrait sera inséré dans le Bulletin , lorsque les nouveaux documents et les collections annoncés par l’auteur seront parvenus à Paris. M. Hébert lit la note suivante, au nom de M. Fouqué : (1) Bull., 2e série, t. XII, p. 509 et 807. — Note sur le terrain nummuli tique supérieur du Dego , dei Carcase, etc., par Eugène Sismonda ( Mémoires de V Académie des sciences de Turin , avril \ 855). (2) Bull., 2e série, t. XII, p. 370 (3) Bull y 2e série, t. IXr p. 13, et t. XII, p. 510. NOTE DE M. FOUQUÉ, 399 Note sur la géologie des environs de Mortain (Manche) -, par M. Fouqué. L’arrondissement de Mortain est traversé par trois bandes grani- tiques, dont l’une occupe son milieu et les deux autres ses limites septentrionale et méridionale. Elles sont toutes les trois sensiblement parallèles et dirigées de l'est à l’ouest. Celle qui est le plus au nord commence à l’est, aux environs de Vire, et se prolonge à l’ouest jusqu’à la mer. Celle qui est le plus au sud, beaucoup plus étendue que la précé- cédente, commence à l’est, dans le département de l’Orne, près d’Alençon, traverse le département de la Mayenne et s’étend jusqu’au bout de la Bretagne. Enfin celle qui est au milieu des deux autres, et qui est la plus étroite des trois, est recouverte en allant vers l’est, à partir de la commune de Juvigny, par une bande de grès, qui se prolonge dans le département de l’Orne, de telle sorte qu’à partir de Juvigny elle n’apparaît plus que par points isolés au milieu de celle bande de grès. Entre ces trois bandes de granité existent des schistes argileux. Le sol de la contrée est donc formé principalement de granité, de schistes et de grès. Ce sont les particularités que présentent ces roches et leur dis- position relative, que je me suis proposé d’étudier. Je commence par le granité. La bande centrale est en contact de chaque côté, dans la majeure SÉANCE DU 26 JANVIER 1857. fl 00 partie de son étendue, avec les schistes qui lui sont adossés ; cepen- dant en beaucoup de points, principalement lorsqu’elle apparaît scus forme de lambeaux isolés au milieu des grès, on voit ceux-ci reposer directement sur elle, sans l’intermédiaire d’aucune couche schisteuse. C’est, par exemple, ce qu’on voit à Mortain, aux deux points où le granité apparaît au nord de la ville. Le granité qui compose cette bande est à grains de moyenne gros- seur; il est de couleur jaune ou rouge. En certains points, à Sour- deval, par exemple, le mica y est remplacé par de l’amphibole, et l’on y trouve tous les passages entre le granité et la syénite. Partout ce granité présente des traces d’altération. Il est toutefois digne de remarque que la syénite paraît moins altérée que le gra- nité. Ces altérations sont de deux sortes : les unes sont dues à la pré- sence d’un filon ferrugineux dont la direction est parallèle à celle de la bande et qui apparaît principalement dans les points où elle est couverte par le grès; il y est même exploité comme minerai de fer, à l’usine de Bourberouge. Sous l’influence des émanations souterraines qui ont amené la production de ce filon, jointe à celle de l’humidité du sol, le granité s’est d’abord coloré, en jaune rougeâtre ; puis, en plusieurs points, l’altération ayant été plus forte, il s’est désagrégé, a perdu la majeure partie des bases alcalines que contenait son feld- spath et s’est transformé en une espèce de kaolin siliceux et ferrugi- neux, exploité dans le pays sous le nom de marne, pour l’amendement des terres argileuses voisines. Le granité qui a résisté à ce mode d’altération, qui s’est seulement coloré en jaune, en conservant sa solidité et sa dureté, subit au con- traire à sa surface, au contact de l’air et de l’humidité atmosphérique, le second mode d’altération. Il perd complètement son mica et son feldspath, de manière qu’à l’extérieur il ressemble à un bloc de grains de quartz agglutinés ensemble. Ce genre d’altération s’observe sur- tout sur les buttes de Sourdeval et de Brouains. Il doit s’opérer très lentement; cependant le granité avec lequel est bâtie l’église de Mor- tain en présente déjà des traces évidentes (cette église date du XIIIe siècle). La bande septentrionale est formée de granité à grains moyens, de couleur bleuâtre. C’est ce granité qui est exploité à Gattencot et à Montjoie sur une vaste échelle, et qu’on emploie dans les trottoirs de Paris. Cette bande est en contact avec les schistes argileux, jamais avec les grès. En beaucoup de points, principalement à Vengeons, entre elle et les schistes qui lui sont adossés, il s’est produit des éruptions souvent très considérables de quarlzites, qui renferment de petits cristaux de pyrite, affectant la forme de dodécaèdres pentagonaux. note de m. foiquê. m Ces quarizites apparaissent aussi très souvent au milieu du granité sous la forme de filons. On les retrouve également, sous la forme de filons ou de nodules, au milieu des couches schisteuses voisines du granité ; mais jamais ils ne sont en contact avec les grès, dont nous allons parler plus loin : il n’y a aucune espèce de passage entre eux. Il n’existe en outre aucune ressemblance dans leur aspect extérieur, de telle sorte que je puis hardiment affirmer que ces quartzites ne sont nullement des grès modifiés par suite d’actions métamorphi- ques. La bande méridionale de granité ne fait que toucher les limites de l’arrondissement. Elle est, comme les précédentes, formée de granité à grains de moyenne grosseur, présentant des colorations assez va- riées. Comme la bande septentrionale, elle est, dans les limites de l’arrondissement de Mortain, toujours en contact avec les schistes, jamais avec les grès. Au Teilleul, entre elle et les schistes, il s’est produit des éruptions de diorite. Cette diorite est très dense; cepen- dant on distingue parfaitement dans son intérieur les cristaux d’am- phibole qu’elle renferme. Elle se présente sous la forme de nodules arrondis, dont le volume est très variable. Le diamètre varie, par exemple, depuis 1 décimètre jusqu’à 1 mètre. La surface de ces boules est altérée et jaunie; l’intérieur est parfaitement exempt d’al- tération. Les schistes qui reposent sur ces granités sont des schistes argi- leux, gris ou noirâtres, souvent épais, d’autres fois se divisant en minces feuillets, à Saint-Clément par exemple. Il est très probable que des études plus approfondies du terrain et des fouilles bien diri- gées feront trouver parmi ces schistes des couches ardoisières. Ils contiennent souvent du mica, plus souvent encore une matière noire amorphe, que je serais tenté de prendre pour de l’amphibole altérée. Enfin, surtout au contact du granité, ils s’altèrent, deviennent siliceux, de couleur jaune rougeâtre; c’est par exemple ce qu’on ob- serve à Saint-Barthélemy et à Vengeons. On y a très rarement trouvé des fossiles ; cependant j’en possède un trouvé au Neufbourg: c’est le Colymene Iristani. Le grès est blanc siliceux, extrêmement dur. Ilne présente aucune trace de fossiles, mais souvent on y rencontre des espèces de cylin- dres de la grosseur du doigt, rugueux à leur surface, quelquefois très longs. Quand la roche semble n’avoir pas subi de déplacements, ces cylindres sont verticaux; dans le cas contraire, ils sont inclinés. Voyons maintenant quelle est la disposition relative de ces roches et leur ordre de superposition. Soe. géol.f 2e série, tome XIV, 26 Sud-ouest Ô02 gfiANCE LU 26 JANVIER 1857. Coupe dirigée du nord-est au sud-ouest . Quand on jette un coup d’œil général sur la contrée, on est frappé de la saillie que présentent les trois bandes granitiques et les grès qui recouvrent la bande moyenne. Les schistes n’occupent guère que le fond des vallées, si ce n’est entre la bande septentrionale et la bande moyenne où ils forment des collines assez élevées et entre autres les buttes de Vengeons et de Chaulieu. Quand les schistes et les grès sont dans le voisinage les uns des autres, ce sont presque toujours les grès qui occupent le niveau le plus élevé. Ainsi, au premier coup d’œil, on est porté à regarder les grès comme supérieurs aux schistes et par conséquent à établir l’ordre de super- position suivant : granité, schistes, grès. L’étude plus attentive des faits confirme cette opinion. Ainsi, le fond de la vallée entre Mortain et Romagny est occupé par des schistes qui s’élèvent de chaque côté à mi-côte, et au-dessus on voit les som- mets des deux collines occupés par les grès. Mortain. Romagny. Nord-est. NOTE DE M. FOUQtlË* h 03 plcment adossés aux grès et que, par conséquent, ils leur sont super- posés; mais l’observation suivante démontre qu’il n’en est pas ainsi: Le village de Neufbourg est traversé par la bande de grès dont nous avons parlé plus haut. Cette bande y est remarquable par son peu de largeur, car en certains points elle a certainement moins d’un kilomètre de large. H était donc présumable que, formant ainsi une espèce d’isthme étroit entre les deux dépôts schisteux voisins, elle devait y avoir peu d’épaisseur si ces dépôts étaient continus l’un avec l’autre. C’est en effet ce que l’observation a montré, car un puits creusé au milieu de ces grès a permis d’arriver promptement aux schistes sous-jacents. Il a suffi de creuser à une profondeur de quelques mètres. En outre on a pu constater que ces schistes n’étaient pas un simple lambeau insignifiant, formant un accident au milieu des grès, car en creusant à une profondeur de 20 mètres on n’a pas encore trouvé le granité. ’s O v A l’occasion de la note de M. Fouqué, M. Barrande fait ob- server que les fossiles trouvés à Domfront par M. Michel appartiennent au terrain silurien inférieur et à la base du ter- rain silurien supérieur. Séance du 2 février 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite trois présentations. SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1857. m DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Dufrénoy, Institut impérial de France, — ■ Académie des sciences, — Discours prononcé aux funérailles de M, de Bonnard , le jeudi 8 janvier \ 857 ; in-Zl, h p. De la part de M. P. Naranjo y Garza, Discurso sobre la ne- cesidad de una descripcion compléta de la \ Cordillera de Sierra Morena cou relacion a los très reinos de la historia na- tural , leido en la sesion publica de su recepcion como Acade - tnico numer ario, celebrada el dia 11 de enero de 1857 • in-/i, 10 p., Madrid, 1857-, chezD. Eusebio Aguado. De la part de M. le général Zarco del Vaile, Discurso en contestacion al del signor D . F. Naranjo y Garza, en el acto de su recepcion como Academico numerario , en la sesion pu- blica celebrada el dia 11 de enero de 1 857*, in-A, 12 p., Madrid, 1857-, chez D. Eusebio Aguado. De la part du docteur Lucas Olozabal, Suelo, Clima , cultivo agrario y fore st al de la prov incia de Vizcaya ; in- Z|, 118 p., 1 carte, Madrid, 1857 ; chez D. Eusebio Aguado. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 1857, 1er sem., t. XLIY, n° h. Tables des comptes rendus des séances de V Académie des sciences , 1er sem. de 1856, t. XLII. Bulletin de la Société de géographie , he série, t. XII, n° 72, décembre 1856. Annuaire de la Société météorologique de France , t. III, 1855, 2e part., Bulletin des séances, feuille A6-50. U Institut, 1857, n° I20Zi. Proceedings ofthe royal Society of London, vol. VIII, n° 22. The A thenœum, 1857, n° 1527. Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. le Ministre de l’Instruction publique, annonçant l’allocation sur les fonds de son département d’une somme de 1000 francs, destinée à la continuation de l’impression de V Histoire des progrès de la géologie. Des remercîments seront adressés à Son Excellence, au nom de la Société. LETTRES Ï)E MM. BARRANDE ET HAIDINGER. A05 M. J. Barrande communique à la Société la lettre suivante, qu’il a écrite üM. Haidinger, d’après l’invitation delà Société, pour obtenir un exemplaire de la carte géologique d’Autriche, et la réponse qu’il a reçue de M. le Directeur de l’Institut géo- logique de l’empire. Lettre de M . Barrande à M. Haidinger . Mon cher monsieur, Paris, 12 janvier 1857. Quelques feuilles de la grande carte géologique d’Autriche qui s’exécute sous votre haute direction ont été vues et admirées par les géologues français. Elles ont laissé dans leur esprit une impression si vive, que la Société géologique de France vient de me charger offi- ciellement d’être auprès de vous l’interprète de ses vœux, pour ob- tenir de votre bienveillance un exemplaire de ce magnifique travail. Nous serons heureux de l’avoir sous nos yeux pour nos études com- paratives, auxquelles les recherches de votre Institut géologique ou- vrent un champ si vaste et si instructif, sur tant de contrées jusqu’ici presque inconnues sous le rapport de notre science. En profitant ainsi des grands résultats de vos explorations, il nous sera doux d’ajouter un souvenir de reconnaissance aux sentiments de vive sympathie que nous éprouvons tous pour votre personne, et pour les jeunes savants qui exécutent de si beaux travaux, par suite de votre impulsion. A cette occasion, la Société géologique de France désire que je vous exprime ses vœux les plus sincères pour celui de vos géologues qui doit faire partie de l’expédition scientifique autrichienne, qui va faire le tour du globe. Nous espérons qu’il reviendra sain et sauf, et riche d’observations qui aideront à jeter la lumière sur le sol de notre vieille Europe, objet de nos communes études. Réponse de M . Haidinger a M. Barrande . Vienne, le 29 janvier 1857. Mon cher monsieur, Je vous dois bien des remercîments pour votre aimable lettre du 12 janvier, et pour la bonne opinion qu’on entretient à Paris et dans la Société géologique de France de nos cartes géologiques et des résultats de nos efforts et travaux d’exploration, en exprimant le vœu de la Société de posséder un exemplaire de nos cartes. Je suis heureux d’en pouvoir promettre l’envoi, quoique dans ce moment nous n’en ayons pas à notre disposition. Déjà depuis longtemps nous SÉANCE UC 2 FÉVRIER 1857. 406 avions projeté de faire un tel envoi à plusieurs Instituts et Sociétés, dont nous avions aussi été favorisés; mais cela nous avait été jus- qu’ici impossible, vu que nous devions dessiner même les tracés des lignes de contact à la main. Aujourd’hui, grâce à l’appui de M. le baron de Bach, notre protecteur, et aux bons offices de M. de Higely , colonel et directeur de l’Institut militaire géographique, successeur de M. de Skribanek, on a fait de nouveaux arrangements, suivant lesquels ces tracés seront exécutés d’après nos données par l’Institut sur des copies galvanopiastiques des planches gravées, et on nous en fournira les impressions, de sorte que nous les pourrons achever plus vite que jusqu’ici, où il fallait tant d’œuvre de main. Nous possédons 70 sections de nos cartes d’état-major, prêtes à être préparées à l’Institut ; quelques-unes y ont déjà été envoyées. Mais, quoique pour la suite nous nous trouvions par cet arrangement même dans la possibilité de faire ce que nous désirons déjà depuis long- temps, toutefois il faudra encore le temps nécessaire à l’exécution des nouvelles planches galvanopiastiques. Mais nous ne tarderons pas alors d’envoyer les impressions au fur et à mesure que nous les pourrons achever ; je vous prie, mon cher monsieur, de vouloir bien nous excuser auprès de la bienveillante Société géologique de ce délai iné- vitable, qui retardera encore quelque temps le premier envoi. Je vous remercie de tout mon cœur des bons souhaits de la Société pour notre géologue, lM. Hochstetter, qui doit faire le tour du globe. Nous le perdons bien à regret, mais il s’agit de résignation. Nous serions charmé s’il pouvait se charger de quelques commissions pour la Société. Son départ de Trieste est fixé au commencement du mois de mars. Nous suivons de toutes nos sympathies les travaux de votre bel ouvrage, qui prend des dimensions vraiment gigantesques. C’est facile de l’admirer, mais bien difficile de suivre, même de loin, les traces de ce beau modèle que vous nous donnez. M. Barrande propose que la Société géologique de France prenne des mesures pour échanger ses publications avec celles de la Société impériale de minéralogie et de géologie, à Saint- Pétersbourg. M. le Président s’occupera de satisfaire à cette proposition, qui reçoit l’approbation de la Société. M Viquesnel communique la lettre suivante qui lui a été adressée par M. Boué : LETTRE DE M» BOUÉ. 407 Vienne, le 1 4 décembre <856. Mon cher ami, J’attendais un mot de vous pour vous communiquer en même temps que ma réponse une découverte curieuse, qui pourra aussi à Paris exciter l'attention et provoquer des recherches. Vous savez que les dépôts de la partie supérieure de notre terrain néogène s’appellent ici communément roches du Leithagebirge , parce que celte petite chaîne entre les bassins de Vienne et de Raab en est composée, ou plu- tôt parce que son noyau de schistes cristallins en est encroûté de presque tous les côtés; c’était évidemment un îlot, un récif sur lequel ont vécu des polypiers, des varecs et une foule d’animaux marins. D’autre part, il vous est bien connu que ces roches se retrouvent à s’y méconnaître en France, savoir, non pas seulement dans la partie inférieure de la vallée du Rhône, mais encore sur les côtes de la por- tion pénultième du cours de la Loire. Bref, lesdits tufs coquilliers du Cotentin de France, près Dinan, de Doué, etc. (voy. dans les Ann. des sc. nat., 1829, t. XVI, p. 209, l’énumération de plusieurs de ces lo- calités, par M. Jules Desnoyers). Ce dernier spécifie bien leur identité avec notre dépôt du Leitha (voyez p, 197 des Ann. dito). Il avait alors sous les yeux ma collection d’Autriche, qui maintenant est àu Jardin des Plantes. Habitué à voir des zoophytes et en ayant même eu une petite collection, je n’ai pas hésité un moment à considérer une bonne partie de ces roches calcaires arénacées du Leitha, de l’Au- triche, de ia Hongrie et de la France comme des agrégats de restes de polypiers. Néanmoins, je puis maintenant ajouter qu’on ne les trouve surtout en place que sur d’anciens récifs ou autour d’îles des temps géologiques du terrain néogène ; au contraire, leurs nombreux frag- ments se rencontrent seuls sur presque toutes les côtes de ces mers d’alors, rivages qui sont en bonne partie secondaires et moins fréquem- ment composés de schistes cristallins et de granité, etc. Ici ces polypiers détruits y ont été amenés par les courants ou roulés sur les rivages par le flux et le reflux, comme cela se voit encore aujourd’hui ; dans le premier cas, une partie seulement des constructions calcaires est dé- truite et morcelée; le reste est tel qu’il était lorsque ces formes orga- niques étaient animées de la vie. Un exemple tout récent du premier genre m’est toujours resté dans la mémoire : c’est celui d’un lit de fragments identiques avec nos formes morcelées dans l’île phono- liihique de Lainlash, un peu au-dessus du niveau actuel des mers [Essai sur VE cosse, p. 337).' Si telle a été immuablement mon opinion, j’ai trouvé deux adver- saires, savoir: mon excellent ami M. Desnoyers et M. Haidinger, qui SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1857. 408 tons les deux ont cru que ce que j’appelais des restes de zoopliytes (d’après Linnéet Lamarck, notez-lebien) n’étaient que des concrétions calcaires du genre des pisolithes. M. Desnoyers m’a contredit de la manière la plus polie du monde, sans loucher notre désaccord, mais en indiquant Bade, le Leitliagebirge, Montpellier, Doué, Sainteny (Cotentin), comme les localités les plus caractéristiques pour ces dé- pôts pisolithiques de sources incrustantes rappelant des couches de formation oolithique [Ann. des sc. nat ., 1829, t. XVI, p. 423), Il n’y ajoute point du tout que j’avais positivement appelé ces roches dépôts et calcaires à polypiers, et cela dès 1822 (/. dephys., V. 95, p. 275). Plus tard, en 1831, je suis resté de mon avis ( J . de géo- logie, 1831, v. III, p. 27). J’ai toujours ajouté qu’on voit encore la couleur rose de ces matières organiques. J’ai regretté la trop grande réserve de M. Desnoyers; des controverses jaillit quelquefois la lumière. Quelqu’un nous sachant en désaccord aurait examiné le point litigieux avec plus de soin que nous, et M. Unger n’aurait pas eu à consigner une nouvelle découverte dans la science trente ans après nos observations ! En 1847, M. le professeur Reuss décrivit ces calcaires grumeleux et concrétionnés de M. Desnoyers comme composés surtout du Nul- lipora ramosissima , n. sp. Là-dessus, M. Haidinger de protester en forme le 2 juin 1848. Il revint à l’idée de M. Desnoyers et figura des coupes de ces corps en choux-fleurs. M. Reuss, là-dessus, paraît avoir vacillé et malgré Lamarck il s’est plié sous l’autorité mi- néralogique de M. Haidinger (voy. Berichte üb. cl. Mitlheil. cl. Fr. d. Naturwiss. in Wien , 1848, v. IV, p. 443). Or, malgré M. Hai- dinger, j’ai tout de suite protesté et ai reproduit mou opinion [dito% v. IV, p. 446). M. Czizek m’a secondé à demi. Pourquoi ai-je agi ainsi? parce que ces prétendus pisolithes m’étaient bien Gonnus dans leur état récent; je les avais trouvés souvent sur les bords de la mer, en Écosse. Le bonheur a voulu qu’un grand botaniste, M. Unger, allât en Norwége et en Suède ; il y a rencontré aussi ces mêmes corps marins et a cru y reconnaître les analogues de ces formes qui l’avaient embarrassé souvent dans les calcaires du Leitlia, en Styrie. A force de patience et grâce au microscope, il vient enfin de découvrir que ni M. Haidinger, ni M. Desnoyers n’avaient bien jugé le procès, mais bien moi. Linné et même Lamarck n’avaient pas eu les connaissances nécessaires, ou plutôt n’avaient pas su observer comme aujourd’hui ; ils avaientàcausèdccelaréuni aux zoophvtes des formes organiques vé- gétales marines; moi, j’avais dit amen ! ionien niant l’état inorganique. Ces corps à présent calcaires étaient des plantes ; or, comme leurs restes forment la masse principale des calcaires du Leitha ou de bâ- note de m. desnoyeks. 409 tisse à Vienne, si vous pouvez dire que Paris est bâti de Miliolites, Vienne est construit surtout avec des restes de plantes marines. M. Unger a fait couper et polir des tranches minces de ces fossiles et y a retrouvé sous un bon microscope les caractères incontestables de la structure végétale ; puis à côté il a placé les analogues recueillis dans les mers du Nord. Ces Nullipora ramosissùna ou en choux- fleurs sont des plantes. Combien de varecsqui sont en partie calcaires et bien connus ! Le baptême de l’espèce ou des espèces est remisa une occasion favorable. Y pourrait-on retrouver YAmylum? M. Viquesnei communique la réponse de M. Desnoyers à la lettre précédente : Réponse de M. J. Desnoyers a la lettre de M . Boue. M. Viquesnei ayant eu l’obligeance de me communiquer celte lettre de M. Boué avant de la lire à la Société géologique, j’ai pu revoir les passages de mon mémoire sur les terrains tertiaires récents que celui-ci veut bien rappeler, quoique ce travail date déjà de trente ans! J’ai pu prendre aussi connaissance de la discussion dont il parle, et qui eut lieu dans la séance du 2 juin 1848 de la Société d’histoire na- turelle de Vienne. Selon M. Boué, les conglomérats calcaires du Leithagebirge que j’avais comparés, d’après les échantillons qu’il avait bien voulu me communiquer en 1828, à certaines concrétions calcaires qui accom- pagnent quelquefois les dépôts des faluns et des tufs marins de la Touraine, de l’Anjou, de la Bretagne, du Cotentin et du crag d’An- gleterre, seraient uniquement et exclusivement de nature organique ; ils se rapporteraient surtout aux Nullipores, genre de polypiers créé par Lamarck. — Suivant M. Unger, ces Nullipores ne seraient point d’origine animale, mais des productions végétales calcifères, analogues à certaines algues et autres plantes marines. Enfin l’identité établie par MM. Boué et Unger entre ces Nullipores et les concrétions de Leitha ne serait point admise par M. Haidinger qui continue de voir dans une grande partie de ces concrétions, ainsi que je l’avais ex- primé moi-même, des dépôts calcaires inorganiques pisolilhiformes. La citation deM. Boué tendrait à faire supposer que j’ai méconnu l’importance et même l’existence des polypiers fossiles dans la pé- riode tertiaire récente à laquelle appartiennent les faluns , le Cray et le dépôt du Leithagebirge, et que je m’étais efforcé de séparer com- plètement de l'ensemble des terrains parisiens, alors que les subdivi- sions éocène , miocène et pliocène étaient encore inconnues. Loin de MO SÉANCE DD 2 FÉVRIER 1857. là, j'ai au contraire signalé tout particulièrement les polypiers fossiles comme jouant un très grand rôle dans ces terrains et même comme pouvant servir à les caractériser (1). Je demande à la Société la permission de rappeler deux passages de mon mémoire qui ne peuvent avoir échappé à M. Boué, et qui montrent toute l’importance que j’attachais aux polypiers si abondants dans plusieurs couches de ces terrains. P. A22. Quelques lignes avant le passsage rappelé par M. Boué, j’indiquais comme une des couches les plus fréquentes: « Des agrégats de polypiers faiblement agglutinés. Celte variété ne » diffère des précédentes que par la prédominance des polypiers sur » les coquilles, et surtout par cette circonstance qu’ils semblent sou- » vent être en vie dans la place où iis ont vécu, et qu’ils annoncent » des eaux plus tranquilles et un peu plus éloignées des bords (pres- » que tous les bassins). » Plus loin, p. d5ô. « Fossiles marins , polypiers. Les polypiers » d’abord, qui par leur développement et leur destruction sur les » mêmes lieux sont plus encore peut-être que les coquilles une excel- » lente source de caractères zoologiques, nous montrent ici une phy- » sionomië toute particulière ; une étude spéciale de cette classe do » fossiles, surtout dans ses rapports avec la géologie, m’a permis de » reconnaître parmi eux plusieurs espèces aussi distinctes que celles » indiquées jusqu’ici pour les mammifères et les végétaux. Celle-ci me » semble être une des mieux caractérisées. Je l’ai déjà signalée dans la » Description des terrains tertiaires du Cotentin (§ 23), et j’insistais » dès lors sur la constance, dans les bassins les plus éloignés, de certai- » lies espèces des genres Rétépore, Eschare, Piastre, Cellépore, Favo- » site, Millépore, Nullipore, etc. Deuxdes espècesles plus connues sont » les grosses Favosites globuleuses et un polypier voisin des Alcyons, » tantôt globuleux, tantôt rameux, à tissu réticulé et à tubulures si- » nueuses intérieures, qu’on prendrait pour un Pocillopore si l’ouver- » ture des tubes était lamelliforme. Il doit constituer un genre nou- » veau. On en trouve aussi de plusieurs autres genres » La plupart de ces espèces n’étant encore ni décrites ni figurées, » je ne puis que rappeler ici leur existence à Aldborough, en Sulïolk » (dans le crag corallien) ; dans les tufs bruns de Carentan; à Rennes; (1) Observations sur un ensemble (le dépôts marins plus récents que les terrains tertiaires du bassin de la Seine , et pouvant consti- tuer une formation géologique distincte , précédées d’un Aperçu de la non-simultanéité des bassins tertiaires (Ann. des sc. nat. , 4 829. t. XVI, p. 474 à 24 4, et p. 402 à 491). NOTE DK M. DESNOYERS. AU » aux Ciéons près JNantes ; sur les bords du Layon, près Doué; etc. » Dans le bassin du Rhône ces polypiers ne sont pas moins abon- « dantsquedansle bassin delà Loire. Ils y forment des amas épais depuis » le Plan-d’Aran (Bouches-du-Rhône) jusqu’au delà de Saint-Paul- » Trois-Châtcaux (Drôme), où M. Beudant les a indiqués le premier. » Ce géologue et M. Boué les ont retrouvés dans le Leithagebirge, en » Hongrie et en Transylvanie. M. Ménard en possédait de sembla- » blés recueillis en Calabre et en Sicile, etc. » On sait combien est irrégulière et subordonnée à une foule de » circonstances locales ia distribution des polypiers dans les mers ac- » tuelles. Les uns sont adhérents aux roches et forment eujjpmêmes » des récifs ; d’autres recouvrent les galets, les corps marins ou d’au- i) très corps étrangers; d’autres encore, arrachés de leur séjour pri- » mitif, sont roulés et dispersés au milieu des graviers coquilliers des » rivages, ou forment des fonds de sables madréporiques que la sonde » fait connaître; ou bien ils sont entraînés dans des sédiments plus » éloignés des bords. » Ces divers états se montrent dans les différents systèmes de notre » formation, et le seul bassin de la Loire les présente roulés et brisés » sur l’ancien rivage de la Touraine, formant à Doué un sable de mer » plus profonde; en place et adhérents encore aux coquilles, aux ga- » lets et aux roches sur les bords du Layon (Maine-et-Loire) et près » des Ciéons (Loire- Inférieure). Leurs débris forment quelquefois, » presque seuls, des couches solides, telles que beaucoup de voyageurs » en indiquent prèsdes récifs de coraux du Grand Océan, ou des masses » d’espèces différentes, s’incrustant les unes les autres, comme on » en voit souvent autour des roches qui sont rarement découvertes. » La Société voudra bien excuser, j’espère, la longueur de cette ci- tation ; mais elle était parfaitement applicable aux faits rappelés par M. Boué, et elle a été souvent confirmée depuis trente ans par les bons et nombreux travaux de plusieurs géologues et de zoologistes qui se sont occupés des polypiers fossiles, tels que MM. Milne-Edwards et Haime, Michelin, Michelotti, Taylor, Wood, Reuss, etc. Loin de ne reconnaître dans le conglomérat calcaire du Leithage- birge, comme paraît le faire M. Boué, qu’un seul type, les Nulli- pores, qu’il faudrait même, selon lui et selon M. Unger, ne plus con- sidérer comme d’origine animale, il est impossible, au contraire, de ne pas y admettre, ainsi que l’a fait M. Reuss dans son beau travail sur les polypiers fossiies des terrains tertiaires du bassin de Vienne, publié en 18A8 dans le L II des Natuno. Abhandiungen deM. Hai- dinger, une très grande variété d’espèces de polypiers anthozoaires et surtout bryozoaires. Mais avec les corps organiques se trouvent SÉANCE DU 2 JANVIER 1857. Al 2 aussi des sortes de concrétions amygdalaires et botryoïdes que je con- tinue, ainsi que M. Haidinger, à considérer comme inorganiques, quoiqu’elles soient souvent elles-mêmes recouvertes par des pellicules encroûtantes de Cellépores, de Ceîlariées et d’autres bryozoaires. Quant à la question de l’origine végétale des Nullipores , cette opinion est moins neuve et moins définitive que ne semble le croire M. Boué ; l’autorité de R1. Unger est assurément d’un très grand poids; mais un botaniste français non moins éminent, M. Decaisne, qui a dé- montré des premiers, en 18^2 (1), que les Corallines ballottées tant de fois d’un groupe et même d’un règne à un autre, et considérées généralement depuis Ellis comme d’origine animale, devaient cepen- dant être classées dans la famille des Algues, M. Decaisne, dis-je, a été beaucoup moins affirmatif pour les Nullipores. Voici en quels termes il en parle, p. 127 du mémoire sur les Corallines: « Plusieurs naturalistes ont classé avec raison quelques-uns de ces » derniers (les Nullipores) dans le règne inorganique, en les assimi- » lant à des concrétions calcaires, opinion qui se justifie d’ailleurs » soit par la bizarrerie de leurs formes, soit principalement par » l’absence totale de tissu organique au centre de ces masses cré- » tacées. » M. Decaisne, tout en reconnaissant qu’une partie des Nullipores paraissent bien être des algues calcarifères voisines des Corallines, ad- mettait aussi que des concrétions calcaires analogues en apparence pouvaient avoir aussi une origine inorganique, et je ne vois pas d’après la lettre de M Boué que les nouvelles observationsde M. Unger tendent à un résultat plus général. Je suis loin, par cette répons;*, de vouloir démentir en quoi que ce soit l’intérêt de la communication de M. Boué qui, depuis tant d’an- nées, a enrichi la géologie d’un si grand nombre d’observations et de vues ingénieuses ; je n’ai d’autre but que de montrer toute l’im- portance que j’avais attaché moi-même, il y a trente ans, aux poly- piers fossiles des terrains tertiaires récents, dont les dépôts du Leitha- gebirge, les plus nouveaux des terrains tertiaires du bassin devienne, sont un des meilleurs exemples, et dont les rapports avec l’étage des faluns de la Loire me paraissent avoir été de plus en plus confirmés par toutes les excellentes observations faites depuis lors par la géologie et la paléontologie de cette partie de l’Autriche, que n’avait pas ob- servée Constant Prévost lorsqu’il publia son mémoire capital sur le bassin tertiaire devienne. (1) Annales des sciences naturelles , 4 842, 2e série, t. XVIII, p. 96. OBSERVATIONS DE M. DAMOUR. M 3 A la suite des communications de MM. Boué et Desnoyers, M. Damour rappelle que dans un travail sur la composition des Millépores, inséré aux Annales de chimie et de physique , 3e sér., t. XXXII, il a appelé l’attention des géologues sur l’intérêt que présentent ces productions marines et sur le rôle qu’elles ont dû jouer dans certaines formations géologiques. Il a constaté que certaines espèces de Millépores renferment de 8 à 17 pour 100 de carbonate de magnésie, uni à une proportion consi- dérable de carbonate de chaux qui les pénètre intimement dans toutes leurs parties. Ces produits marins sont considérés par les botanistes comme appartenant au régne végétal , et l’exa- men chimique confirme cette opinion. Si l’on attaque, en effet, par un acide faible, tel que l’acide acétique, les Millépores re- cueillis dans la mer lorsqu’ils étaient en place et en état de crois- sance, on en dissout toute la partie calcaire et magnésienne, et il reste dans la liqueur acide une matière spongieuse qui montre un tissu identique avec celui des algues. Ce tissu organi- que, qui conserve exactement la forme que présentait l’échan- tillon avant d’avoir été traité par l’acide, résiste entièrement à l’action d’une lessive chaude de potasse caustique. Ce caractère montre bien que le tissu organique est dénaturé végétale, car on sait que les tissus du règne animal sont rapidement dissous par la potasse caustique. La masse pierreuse qui pénétre les Millépores dans toutes les parties de leur structure intérieure, et qui entre pour les ~ environ dans leur poids total, paraît à M. Damour être le pro- duit d’une sécrétion déterminée par l’organisation particulière à ces singuliers végétaux qui se développent souvent sur des plages fortement battues par les flots de la mer, et dont le tissu délicat serait nécessairement détruit s’il ne trouvait un moyen de résistance et d’appui dans la matière pierreuse dont il s’im- prégne constamment. Les sels calcaires et magnésiens, que l’eau de la mer tient en dissolution, se trouvent ainsi décomposés et amenés en grande partie à l’état de carbonates par les Millé- pores, qui peuvent s’accumuler en assez grande quantité sur certains bas-fonds pour former, avec le temps, des couches plus ou moins épaisses de calcaire magnésien. Le règne végétal concourt donc aussi bien que le régne animal à séparer des SÉANCE BU 16 FÉVRIER 1857. AU eaux de la mer les sels qu’elles tiennent en dissolution, en les faisant passer à l’état de carbonates et de phosphates solides. La proportion très notable de carbonate de magnésie que ren- ferment ces Millépores peut, à défaut d’autres caractères, et particulièrement dans le cas où ces productions seraient passées à l’état fossile, servir à les distinguer des Madrépores qui, d’après les intéressantes recherches de MM. Dana et Silliman ( Structure and classification of Zoophytes , Philadelphia, 18A6), sont presque entièrement composés de carbonate de chaux* et ne renferment que des traces de magnésie. M. Hébert annonce que M. Lyell et M. Gocchi lui ont fait part de la découverte qui viendrait d’être faite de nombreuses espèces de mammifères dans les couches de Purbeck. Séance du iô février 1857. PRÉSIDENCE DE M. D AMOUR. M. P. Michelot, Secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Le docteur F. G. Bornemann, à Leipzig (Saxe) } présenté par MM. Barrande et Ch. Sainte-Claire Deville. Le révérend D. Clarke, à Sydney (Australie) ; présenté par MM. Delesse et Albert Gaudry. Le frère Ogérien, directeur des écoles chrétiennes, à Lons- le-Saulnier (Jura) \ présenté par MM. Jules Monnerot et Jh. Delbos. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de Sa Justice , Journal des savants, janvier 1857. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. Ü15 Delà part de M. Ed, Hébert : 1° Les mers anciennes et leurs rivages dans le bassin de Paris t ou classification des terrains par les oscillations du sol; lre part. Terrain jurassique, in-8, 88 p., 1 pl., Paris, 1857 j chez L. Hachette, etc. 2° Recherches sur la faune des premiers sédiments tertiaires parisiens. — ■ » Mammifères pachydermes du genre Coryphodon. — Caractères de ce genre et des espèces qu’il renferme (extr. des Annales des scienc * nat ., he sér., t. YI), in-8 , bh p., 2 pl., Paris, 1857. De la part de M. le comte de Viüeneuve-Fîayose, Description minéralogique et géologique du Par et des autres parties de la Provence , avec application de la géologie à V agriculture , au gisement des sources et des cours d'eau , avec une carte géologique et hydrographique et une feuille de coupes de ter- rains, in-8, 532 p., Paris, 1856 -, chez Victor Dalmont. De la part de M. le comte Jaubert, Société bota?iique de France . — Session extraordinaire de 1856, tenue ci Clermont- Ferrand. • — Dommage rendu à la mémoire du baron Ramond (extr. du Bulletin de la Soc. bot. de France , t, III, p. A55 et 508), in-4, h p. De la part de M. Charles Yion, Tableau synoptique des mesures , poids , thermomètres et monnaies français et an- glais y et leurs conversions réciproques , 1 feuille colombier, Londres, 1857. Comptes rendus hebd. des séances de P Acad, des sciences, 1857, 1er sem., t. XLIV, nos 5 et 6. Annuaire de la Société météorologique de France , t. IV, 1856, 2e part., Bulletin des séances , feuille 1-2. L’Institut , 1857, n«s 1205 et 1206. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée , n° 97, 10e année, janvier 1857. Mémoires de P Académie impériale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse y Ue sér., t. YI, 1856. The Athenœum> 1857, nos 1528 et 1529. Würtembergische naturwissenschaftliche Jahreshefte , 10e année, 3® cahier -, — 12e année, 3° cahier ; — 13e année, 1er cahier. SÉANCE nu 16 FÉVRIER 1857. Zilô Revista minera , t. VIII, n° 161, 1857. Revista de l os progresos de las ciencias exactas ,fisicas y natnrales , t. VII, n° 1, janvier 1857. Bulletin de la Soc. impériale des naturalistes de Moscou , année 1856, nos 3, û el 5 ; — année 1856, n° 1 -, in-8u Nouveaux mémoires de la Soc. impériale des naturalistes de Moscou , t. X (formant le XVIe de la collection , in-Zi , 1855). The american Journal of science and arts , by Sillirnan, 2sér., vol. XXIII, januarv, 1857, n° 67. M. Hébert fait hommage à la Société de deux mémoires qu’il vient de publier sur les oscillations du sol pendant la période jurassique dans le bassin de Paris , et sur les pachydermes du genre Coryphodon , mémoires lus à la Société dans les séances des 3 novembre et 2 février dernier. M. de Verneuil annonce à la Société que Sir R. I. Murchison vient de lui écrire que la Société géologique de Londres a dé- cerné à M. J. Barrande la médaille de Wollaston pour la pré- sente année. Cette nouvelle est accueillie par les applaudissements de la Société. M. Gotteau communique l’extrait suivant d’une lettre à lui adressée par M. Desor : Noté sur le genre Galerites, par M. E. Desor. Le genre Galérite, tel qu’il fut institué par Lamarck, comprenait toutes les espèces à base plate, en forme de cône ou en demi-ellip- soïde, ayant la bouche au milieu de la base et l’anus près de son bord. Aujourd’hui qu’on en a éliminé les Discoïdées et les Bolec- typus , le genre Galérite est susceptible d’une définition plus précise, étant limité aux espèces à pourtour allongé, plus ou moins compri- mées en arrière, et à péristome allongé sans entailles. Sa distribution géologique est aussi plus restreinte, puisqu’il est limité aux terrains crétacés moyens et inférieurs. Il est vrai que bien avant Lamarck on avait décrit et figuré des Galérites sons d’autres noms. Breynius, entre autres, les désigna dès 1732 sous le nom d’ Echinoconus, et Klein, en 173ô, sous celui de Conulus , M. Aie. d’Orbigny, dans son zèle pour la restauration des anciens noms, s’est fondé sur cette circonstance pour écarter le NOTE DE M. DESOR. hM nom de Gaîérîle qu’il remplace par celui (États-Unis ... 1 ] , Aucune trace certaine. Angleterre /'Bohême 2' ) Suède 8 j Angleterre. . . . (^États-Unis. . . . I Suède. ..... (Angleterre. . . . , Aucune trace. . Aucune trace. / Bohême \ Scandinavie. . . A Angleterre . . } I Irlande. . . . ) \ États-Unis . . . . Angleterre . Aucune trace. (Angleterre ) Irlande j . Bohême . Aucune trace certaine. . Aucune trace. . Aucune trace. 18 27 \ 71 15 11 124 3? 4 Total. . . 161 Végétaux. Fucoïdes et formes incer- taines Angleterre. .... 4? En résumé, ce tableau montre que sur environ 161 espèces con- stituant aujourd’hui l’ensemble de toute la faune primordiale, la famille des Trilobiles en fournit à elle seule 124, c’est-à-dire plus des trois quarts. Les brachiopodes viennent ensuite suivant l’ordre d'importance numérique, et représentent environ J du chiffre total. Les ptéropodes se placent en troisième ligne par le chiffre de 7 espèces, c’est-à-dire ^ Les échinodermes et les bryozoaires ne dépassent pas 3 et l\ formes distinctes. On remarquera qu’à l’exception des Trilobiles qui se retrouvent avec la même prédominance relative dans tous les pays, et les bra- chiopodes qui ne manquent absolument dans aucune contrée, les Soc. géol., 2e série, tome XIV, 29 m SÉANCE DU 2 MARS 1857. autres classes ou familles ne sont pas représentées partout. Nous voyons au contraire que leurs rares représentants sont jetés çà et là d’une manière sporadique. Il y a même de grandes surfaces où Ton ne trouve que quelques Lingules, comme dans le Potsdam sand - stone , aux Etats-Unis Ainsi la faune primordiale doit paraître dou- blement incomplète, d’abord par son ensemble comparé à la série animale, et ensuite par l’isolement, dans diverses régions éloignées, des types organiques coexistants, de telle sorte qu’on ne les trouve tous réunis dans aucun bassin. Ces faits nous semblent bien indi- quer le commencement des créations animales, mais dans un ordre tout différent de celui qui avait été admis, en supposant que la vie avait été d’abord représentée par les types les plus imparfaits de la série uniformément répandus, sous les mêmes apparences spéci- fiques, sur toute la surface des mers primitives. Suivant M. d’Omalius, l’état si incomplet de la faune primordiale dépendrait en grande partie du défaut de recherches suffisamment prolongées. Nous admettrons volontiers que cette observation peut très bien s’appliquer aux vastes surfaces de l’Amérique septentrio- nale, et peut-être aussi à plusieurs des contrées européennes que j’ai nommées. On pourrait donc espérer voir découvrir dans ces pays de nouvelles formes, dont il nous est sans doute impossible de préjuger la nature ; mais, puisque toutes les formes découvertes jusqu’à ce jour sur les divers points du globe laissent une lacune si immense à combler, nous ne voyons pas grande probabilité pour que la série animale tout entière soit un jour représentée dans la faune primordiale. En ce qui touche la Bohême en particulier, nous n’hésitons pas à dire qu’il ne nous reste presque aucun espoir de faire une dé- couverte importante sur cet horizon. Voilà près de vingt ans que nous fouillons les roches de notre étage G, et déjà, depuis bien des années, nous n’y voyons apparaître aucune espèce nouvelle, tandis que nos autres étages nous en fournissent de temps en temps quel- ques-unes. L’activité et l’étendue de nos travaux peut bien repré- senter ce qu’on pourrait nommer des recherches expectantes, pro- longées au moins durant un demi-siècle. Qu’il nous soit permis de rappeler qu’à force de chercher dans nos schistes prolozoïques, nous avons fini par y découvrir des em- bryons de Trilobites qui n’ont pas un demi- millimètre de diamètre, et par compléter des séries de 20 métamorphoses pour une même espèce, sans qu’il nous ait échappé un seul degré appréciable de son développement. Nous ne connaissons encore aucune découverte semblable pour les crustacés des faunes secondaires ou tertiaires les tfOTE DE M. BARRANDE. 451 plus explorées. On pourrait donc dire que sous ce rapport du moins la faune primordiale est plus complète que les faunes qui ont été l’objet des plus longues études. Nous croyons donc être en droit de penser que s’il eût existé dans nos schistes protozoïques des êtres quelconques autres que les Tri- lobites et de nature à fournir des fossiles, il faudrait qu’ils eussent été extraordinairement rares pour que leurs traces nous eussent complètement échappé. Cette extrême rareté serait encore en har- monie avec les caractères que nous concevons pour la faune primor- diale. M. d’Omalius vient de nous citer avec complaisance la découverte récente de mammifères dans les terrains jurassiques et de reptiles dans les terrains carbonifères. Il lui paraîtrait donc très vraisem- blable qu’on pourra découvrir tôt ou tard jusque dans la faune pri- mordiale, soit des restes organiques de ces deux classes, soit au moins des traces de vertébrés ; mais il veut bien, il est vrai, nous accorder deux cents ans pour ces découvertes. En ce qui touche les mammifères, quel que soit le nombre inat- tendu des espèces qui ont été recueillies à Stonesfield dans le cours de cette dernière année, il ne faut pas oublier que c’est la seule localité qui présente les restes de cette même classe sur un horizon • si inférieur. Cependant les terrains jurassiques peuvent être consi- dérés comme du nombre de ceux qui ont été le plus fouillés, soit dans le sens vertical, soit dans le sens horizontal. Ne pourrait-on pas considérer la localité que nous venons de citer comme un des centres de création, où la classe des mammifères a d’abord apparu sous un certain nombre de formes qui auraient été comme des avant? coureurs ? Celle interprétation pourrait aussi s’appliquer à la présence de reptiles dans le terrain carbonifère, où ils sont encore si clair- semés sur la surface du globe, malgré les fouilles plus fréquentes dans cette formation que dans toute autre sur les deux continents. Nous étendrions à plus forte raison la même interprétation à l’unique reptile trouvé jusqu’ici dans le vieux grès rouge en Écosse, et nommé Teler peton Elginense, Man tell. Quant aux vertébrés en général, il est certain que la classe des | poissons offre déjà un assez grand développement, non-seulement dans le terrain carbonifère, mais dans l’époque antérieure, c’est-à- dire dans le terrain dévonien, où elle présente tant de formes si | singulières. On sait que sur ce dernier horizon les poissons abondent J plus ou moins dans plusieurs contrées, telles que l’Écosse, l’Angle- j terre, la Russie, l’Amérique, etc. Celte classe était donc très 1 répandue à cette époque, mais son développement était pour ainsi SÉANCE DU 2 MARS 1857. *52 dire subit et comparable à celui des Trilobiles dans la faune primor- diale. En effet, comme nous le disions tout à l’heure, on ne peut * citer au-dessous de celte dernière que la trace de quelques Trilo- biles avant-coureurs, comme celui du Longmynd. De même nous dirons que les poissons très rares, rencontrés au-dessous du terrain dévonien, jouent aussi le rôle d’avant-coureurs pour cette classe. Ces poissons ont été signalés dans les dépôts qui couronnent la divi- sion supérieure du système silurien en Angleterre et en Bohême. Leur existence n’est bien constatée jusqu’ici dans aucune autre région, car divers fossiles, considérés d’abord comme des fragments de poissons, ont été reconnus ensuite comme appartenant à des crustacés. Si l’on veut maintenant se faire une idée de la fréquence, ou pour mieux dire de la rareté de ces poissons siluriens, nous constaterons qu’en Bohême ils offrent deux espèces dans notre divi- sion supérieure. La plus ancienne appartient à notre étage calcaire moyen F, où elle est représentée par un seul fragment ; la seconde, qui se trouve dans notre étage calcaire supérieur G , a fourni en tout une dizaine de morceaux de nature osseuse. Ce chiffre seul, comparé aux myriades de Trilobiles et de mollusques recueillis dans la même division supérieure et dans les mêmes h ca'ités, démontre assez que l’existence des poissons n’était encore qu’à l’état spora- dique en Bohême. Cette vérité devient encore plus manifeste, si l’on remarque que notre étage calcaire inférieur E, formant la base de notre division supérieure, ne nous a jamais offert le moindre vestige de vertébrés, tandis que nous y avons recueilli environ 1200 espèces de zoophyles, crustacés ou mollusques, parmi lesquelles au moins *00 espèces de céphalopodes. Comment les poissons seuls auraient- ils pu échapper aux recherches qui ont mis au jour tant de formes si variées des autres classes, et dont un grand nombre n’est repré- senté que par un seul exemplaire ? Il faut donc admettre, ou que la classe des vertébrés n’avait pas encore fait son apparition en Bo- hême à cette époque, ou bien qu’elle se bornait à quelques individus qui n’ont pas encore été trouvés. Dans les deux cas, il est clair que l’horizon dont nous parlons, c’t sl-à-dire la base de la division silu- rienne supérieure, doit correspondre à la limite extrême de l’exis- tence des poissons ou des vertébrés. Cette opinion nous paraît largement confirmée par un fait jus- qu’ici sans exception : c’est qu’il n’a été découvert jusqu’à ce jour aucun vestige réel de poisson dans la division silurienne inférieure, ni sur l’ancien ni sur le nouveau continent. On avait cru, il est vrai, avoir recueilli des fossiles de cette classe en quelques localités et notamment en Irlande ; mais un examen plus attentif a démontré NOTE DE M. BAURANDE. Z|53 plus tard que les fragments en question étaient d’une nature zoolo- gique toute différente. La Société peut se rappeler que j’ai eu l’hon- neur de lui annoncer ce résultat d’observations faites en Angleterre durant mon séjour en 1851. Une note postérieure de M. Salter est venue les confirmer. Quant aux petits fossiles recueillis par le doc- teur Pander aux environs de Saint Pélersbourg, sur un horizon très bas dans la division silurienne inférieure, les observations faites à Paris comme à Londres par les autorités compétentes ont démontré que ces formes, quoique semblables à de très petites dents de pois- sons, lie pouvaient être que des épines ornant la surface de quelque crustacé. Il ne reste donc en somme aucun fait constatant l’existence d’un poisson quelconque dans la division silurienne inférieure. Cette observation doit être d’un grand poids dans la question, car il faut remarquer que cette division constitue réellement la grande masse du système silurien, soit dans son extension verticale, soit dans son étendue géographique ou horizontale. Sous ces deux rap- ports, la division supérieure ne représente qu’une faible fraction du tout. On conçoit que les recherches relatives à ces deux divisions sur les deux continents doivent en définitive produire dos résultats en rapport avec la richesse de chacune d’elles en restes organiques. Par conséquent, si la division supérieure, malgré son extrême infé- riorité relative dans les sens vertical et horizontal, nous fournit sur divers points du globe les vestiges de la classe des vertébrés, tandis que la division inférieure, malgré les chances plus favorables inhé- rentes à son extension incomparablement plus grande dans les deux sens, ne nous offre nulle part la moindre trace de cette classe, il faut bien en voir la raison dans la non -existence de celle-ci avant la faune troisième. Ainsi, la probabilité de découvrir des vertébrés dans la faune primordiale se trouve grandement amoindrie par leur absence dans la faune seconde. Par ces considérations présentées sans préparation, nous ne nous flattons pas de faire naître dans l’esprit de notre maître très respecté, M. d’Omaiius, des convictions qu’il croit devoir ajourner à deux cents ans. Cependant les faits qne nous venons de rapprocher nous semblent suffire pour faire bien concevoir que la faune primordiale a tout Pair de se montrer rebelle aux formules auxquelles certains savants voudraient assujettir les faunes de toutes les périodes géolo- giques, en les calquant sur la composition de la faune actuelle. M. d’Omalius d’Halloy est loin de nier l’existence de la faune primordiale; seulement cette faune, assez récemment décou- verte, n’était pas jusqu’ici bien établie, et la découverte que SÉANCE DE 2 MARS 1857. h bk vient de communiquer M. Barrande prouve qu’il y a encore beaucoup à apprendre sur ce sujet. M. d’Omalius croit que les quatre types du régne animal ont existé dés les premiers âges géologiques j déjà on a trouvé des vertébrés dans la faune troi- sième silurienne, et des reptiles dans le terrain dévonien 5 on en trouvera peut être aussi plus bas et jusque dans la faune primordiale. M. Barrande répond que la faune primordiale a fait des pro- grès en étendue géographique, mais non pas dans le sens zoo- logique-, on n’y a trouvé jusqu’ici que des Trilobites, un Orthis, et en Bohême seulement des ptéropodes ; il est donc peu pro- bable qu’on y rencontre des animaux d’un ordre plus élevé. M. d’Omaîius fait observer que les vertébrés ont été long- temps inconnus dans le terrain carbonifère, et que l’étude de la faune primordiale ne remonte encore qu’à quelques années ; il ajoute que Ses fossiles des terrains anciens sont plus difficiles à découvrir et à déterminer, à cause du métamorphisme des roches. M. Barrande répond que la faune primordiale a partout un caractère spécial, celui de ne présenter qu’un petit nombre d’espèces dans les genres qu’il vient de rappeler, et que les recherches sont récentes-, elles ont été faites avec beaucoup de soin par un grand nombre de géologues. M. Ed. Hébert fait remarquer que si l’Angleterre n’était pas connue, on ne saurait pas qu’il existe des mammifères dans le terrain jurassique : pourquoi n’en serait-il pas de même de certaines classes fossiles dans la faune primordiale ? M. Barrande réplique que ce raisonnement devrait s’appli- quer également à toutes les faunes des étages intermédiaires qui couvrent d’immenses surfaces, déjà explorées par de nom- breux observateurs, et où l’on n’a rien trouvé de semblable. M. Élie de Beaumont dit qu’il est très utile à l’avancement de la géologie que des savants spéciaux s’appliquent à l’étude de ses différentes branches, telles que la paléontologie zooiogique et botanique, la lithologie, etc. , mais que dans l’étude des questions générales il convient de mettre à la fois à profit tous les éléments fournis par les travaux spéciaux. Il fait observer qu’il y a eu une époque où le développement de la végétation a OBSERVATIONS SU II LA NOTE DE M. BARRANDE. fixé à la surface du globe beaucoup de carbone, qui auparavant était à l’état d’acide carbonique dans i’atmosphêre, et qu’aux époques antérieures les mammifères ne pouvaient vivre sur la terre ; à ces époques les poissons même offraient des formes particulières adaptées à la composition différente de l’air am- biant. Le monde s’est successivement approprié à sa destination actuelle, savoir de servir d’habitation à l’homme; depuis les pé- riodes silurienne ou même cambrienne, l'atmosphère, par la fixation de l’acide carbonique, est devenue de plus en plus res- pirable, d’abord par les végétaux, et ensuite par les animaux d’ordre de plus en plus élevé. M. Barrande voit avec plaisir ses idées confirmées par celles deM. Elie de Beaumont, qui est parti d’un point de vue tout à fait différent du sien. M. d’Omaîius ne voit dans les observations présentées par M. Elie de Beaumont qu’une hypothèse, opposée à celle qu’il a adoptée lui-même d’après des considérations théoriques, aux- quelles il n’atfache pas d’ailleurs une-extrême importance. M. Boubée ne croit pas jusqu’à nouvelle confirmation à la découverte de véritables vertébrés dans le terrain carbonifère ; il suppose une erreur, soit dans la détermination du terrain, soit dans l’observation même des fossiles. M. Barrande et M. Deshayes rappellent à M. Boubée les observations de M. Lyell sur les reptiles trouvés avec un mol- lusque terrestre dans le terrain carbonifère de la côte des États- Unis. M. Barrande fait observer à cette occasion que c’est un nouvel exemple de la plus grande ancienneté des fossiles de l’Amérique, relativement à ceux de l'ancien continent, M. Delesse dit que la découverte des vertébrés dans le terrain carbonifère n’est pas un fait isolé ; M. de Dechen a trouvé des reptiles dans les terrains houillers de Sarrebruck, et notamment dans les rognons de fer carbonaté. M. Deshayes ajoute qu’il a vu le Papa carbonifère de M. Lyell, et lui a trouvé tous les caractères de ce genre tel qu’il existe actuellement; ce fossile a été étudié au microscope, parM. Car- penler, concurremment avec les Pupa vivants, et la constitu- tion de la coquille est tout à fait la même. SÉANCE DU 16 MARS 1857. 456 Séance du 1 6 mars 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, M. le Président proclame membres de la Société : MM. Don Felipe Bauza, inspecteur des mines, Galle de Lancaster, n° 3, à Barcelone (Espagne) ; présenté par MM. Elie de Beau- mont et Mizzi. Don Emilio Huellin, ingénieur à Yera (Espagne) ; présenté par MM. Élie de Beaumont et Mizzi. Ragazzoni (Giuseppe), pharmacien et naturaliste 5 Brescia (royaume Lombardo-Vénitien) ; présenté par MM. le profes- seur Massalongo et V. Zienkowicz. Perce val de Loriol , à Genève (Suisse) -, présenté par MM. Delesse et F. -J. Pictet. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice : Journal des sa- vants, février 1857. De la part de M. l’abbé Paramelle : U art de découvrir les sources, in-8°, 376 p. Paris, 1856 ; chez Victor Dalmont. De la part de M. le professeur Giuseppe Ponzi : Nota suila eruzione solforosa avvennta nei giornt 28, 29, 30 ottobre, sotto il paese di Leprignano , nella contrada denominata il Lagopuzzo , in-4°, 7 p Comptes rendus hebdomadaires des séances de C Académie des sciences , 1857, 1er sem., t. XL1V, nos 9 et 10. Annales des mines , 5e série, t. X, 4e livraison de 1856. Bulletin de la Société de géographie , 4e série, t. XIII, n° 74, février 1857. Annuaire de la Société météorologique de France, t. IV, 1856, lr« partie. — Tableaux météorologiques , f. 1-3. DON’S FAITS A LA SOCIÉTÉ. 457 L'Institut , 1857, nos 1209 et 1210. Reforme agricole , par M. Nérée Boubée, n° 68. 10e an- née, février 1857. Bulletin delà Société industrielle de Mulhouse , n° 137. Société d'agriculture, sciences et arts de l' arrondissement de Valenciennes. Reçue agricole , industrielle et littéraire , 5e année, n° 7, janvier 1857. The Athenœum , 1857, nos 1532 et 1533. Zeitschrift der Deutschen geologischen Gesellschaft , 8e vol., 3e cah., mai à juillet 1856. Jahrhuch der Ii . K . geologischen Reichsanstalt , 7* année, janvier à mars 1856. N eues Jahrhuch der Minéralogie , etc., von K. C, von Leonhard und H. G. Broun, année 1856, 7* cah.*, année 1857, 1er cah. Revista minera , t. VIII, n° 163. Natuurkundig Tijdschrift voor Nederlandsch Jndië , t. XI, 3° série, livraisons h à 6. M. le Président lit une lettre qui lui est adressée par la famille de M. Dumont pour annoncer à la Société la mort presque subite de ce savant géologue. Cette lecture est accueillie par des marques unanimes de regrets. A la prière de M. le Président, M. d’Omalius d’Halloy se charge de rédiger une notice sur son illustre compatriote. M. Deshayes , en offrant de la part de M. Sandberger 5 planches représentant les fossiles tertiaires du bassin de Mayence, fait observer qu’il se trouve parmi ces fossiles un nombre considérable de coquilles terrestres et d’eau douce. Le Trésorier donne lecture du budget de. la Société pour l’exercice 1857, que le Conseil a voté dans la séance de ce jour. 458 SÉANCE DU 16 MARS 1857 Projet de Budget pour 1857. RECETTE. DÉSIGNATION K> O J RECETTES RECETTES RECETTES des ; g NATURE DES RECETTES. prévue au Imdfî ;et effectuées prévues chapitres de laiecette. m G delS56. en 1856. pour 1857. Jl. Produits ordinaires I J Droit d’entrée et de diplôme l de l’année courante. . 500 8,400 • » 500 7.160 » 500 8,400 B B des réceptions. . 3 Cotisations. . J arriérées 1,500 » 2,730 fi 2,500 B § 2. Produits exlraord. 4 ( anticipées 300 B 271 50 300 B des réceptions . . 1 & | Cotisations une fois payées. . . . . . ■ 700 » 1,550 • 1,000 N l 6 1 / Bulletin 700 » : 1,050 » 1,000 B §3. Produits ^ 7 i 1 Histoire des progrès de des publications. < 8 > Vente de . . ( la géologie. .... 1 ,000 » 725 p 1,000 B 0 ! 1 1 Mémoires 1,400 » 616 * 700 B ( y f l Cartes coloriées. . . . 1 0 D 9 „ 10 B / 10 11 Arrérages de capitaux | g '• P,acés ( Obligations. 730 409 * 1,461 409 B 1,461 409 • B j 12 751 V) 75 B 100 B | 1 13 Encaissements de bons sur le Trésor. . 5,000 » 7,000 p 1,000 B ! 14 Arrérages des bons sur le Trésor. . . . 250 B 325 » 50 B fi L. Recettes diverses. . < 15 Allocation du ministre de l'instruction j publique 1,000 » 1,000 « 1,000 B j 1 16 Remboursement des frais de mandats. . B u » » B } 17 Rceetle exlraord in. relative au Bulletin. 50 » 200 150 B ! , 18 Recettes imprévues i 20 » 30 40 20 B \ 19 i Recette extraordinaire pour le loyer. . 800 9 soo * 800 B . Totaux. . . . 23,510 ! ' • 25,868 90 20,400 • J5. Solde du compte de 1856 20 Reliquat en caisse au 31 décembre 1856. . . . 2,878 35 Total de la recette prévue pour 1857. . i 23,278 35 BUDGET DE 1857. 459 Projet de Budget pour 1857. DÉPENSE. DÉSIGNATION ! s 3 {dépenses DÉPENSES DÉPENSES de» ! * “ NATURE DES DÉPENSES. prévues au budget effectuée» prévue» chapitre* de la dépende . X «Q I " de ÎS56. en 1856. pour 1857. 1 son traitement i,SOO 1 1.S00 t 1,800 § 2 1 , ,1 travaux extraordinaires. , . . 300 * 300 i 300 • § 1. Personne!. 3 , ASent j gratification 200 200 ■ 200 B 4 1 1 * indemnité de logement . . . 200 200 » 200 B 1 5 ! Garçon de bureau. j sea ! • t gratification. . . . 800 v 800 • 800 B 1 , 6 100 » ■100 * 100 B $ 2. Frai* de logement. 1 7 I.oyer, contribution», assurance» . . . 1 ,550 • 1,585 95 1.550 B 1 8 Chauffage et' éclairage 550 » 656 75 650 B 1 Q 600 150 394 152 85 500 • S 3. Frai» de bureau. . ( 10 Port» de lettres 50 150 t ) ÎJ Impression» d'avis et circulaires. . . . 20 1 270 35 250 • \ 12 Change et retour de mandat» 100 1 8 40 50 B t 13 Mobilier ■:oo 9 28 05 100 B $ 4. Magasin 14 Bibliothèque 800 1 504 65 750 B ( 15 Collections 50 « 38 15 50 B 1 16 i i 17 1 ! Bulletin } impression et papier. . 1 ' ' i port 9 200 1,500 * 6,189 712 S5 75 7,500 1,000 • B I 1 18 I Histoire de» progrès de la géologie. . . 4,000 » 4,167 30 3,200 B § 5. Publication*. . . ' ! 49 ] | / achat d’exemplaires . . . 2.000 • 1 ,500 * 2.000 B i 1 20 j .... 1 dépense» sunplémenlai- 1 Mémoires. . é ^ 1 r 100 233 100 B 1 21 ^ \ menus frais.. . . .... 50 • 40 B 5 6. Emploi de capi- ' [ 22 Placement de capitaux (obligations). . 700 » 2,053 600 • 23 Avances remboursables 50 • 120 * 50 B taux j 24 Placements momentané» sur le Trésor. * • 3,000 » 1,000 • 25,200 B 25,022 60 22,900 B BALANCE. La recette étant évaluée à 23,278 fr. 35 c. La dépense à 22,900 » Il y aura excédant de recette de 378 fr. 35 c. Ce Budget est mis aux voix et adopté à l’unanimité. M. le vicomte d’Archiac met sous les yeux de la Société une Carte géologique des parties adjacentes des départements de V Aude et des Pyrénées- Orientale s } dressée à l’échelle de Cassini, et il en donne l’explication suivante : SÉANCE DU 16 MARS 1857. h 60 Etudes géologiques sur les départements de V Aude et des Pyrénées-Orientales , par M. d’Archiac. (Résumé.) INTRODUCTION. La surface d’environ 300 lieues carrées que comprend notre Carie est limitée à l’est par la côte de la Méditerranée, depuis l’embou- chure de l’Agly jusqu’à celle de l’Aude; au nord et à l’ouest par la vallée de cette dernière rivière jusqu’à Axai, et au sud par la chaîne de montagnes qui, près de Peyrestortes, commençant à s’élever de dessous la plaine quaternaire de Rivesaltes, se dirige à l’ouest en passant par Estagel, puis au sud de Saint Paul, de Caudiès et d’Axat, pour se prolonger vers Beliesta et au delà dans le département de l’Ariége. Cette surface est essentiellement montagneuse, et sa portion cen- trale est souvent désignée sous le nom de montagnes des Corbicres. On distingue quelquefois aussi par l’expression de Basses-Corbicres les collines qui environnent la petite ville de la Grasse, le Mont-Ala- ric, etc., et sous celle de Hautes-Corbières le massif de Monlhou- met, celui des environs de Tuchan, la chaîne dont le pic de Bugarach fait partie, etc.; mais ces dénominations vagues et arbitraires ne ré- pondant point aux exigences d’une description géologique , nous avons dû commencer par déterminer les caractères orographiques et les limites de chaque chaîne en particulier ou de chaque groupe montagneux. Un Résumé de celte partie de notre travail, accompagné de la classification des principales divisions de terrains, ayant été déjà publié (1), nous n’v reviendrons pas en ce moment, malgré quelques modifications et les additions assez importantes que nous y avons faites, telles, entre autres, que les altitudes relevées sur la minute des feuilles de la nouvelle carte de Fi ance, dressée par MM. les offi- ciers du corps d’État-major. Ces documents, que nous devons à l’obligeance extrême de M. le directeur général du Dépôt de la Guerre, donnent à notre carte et aux coupes qui l’accompagnent un degré d’exactitude que nous n’eussions pu obtenir avec des mesures prises par nous-même. Parmi les travaux qui ont contribué à faire connaître la géologie de ce pays, nous signalerons surtout ceux de MM. Dufrénoy, Tournai, Vène, A. Paillette, Leymerie et Tallavignes. D’autres observateurs ont aussi apporté le tribut de leurs recherches, depuis de Charpentier jusqu’à MM. Reboul, Boué, Marcel deSerres, Rozet, (1) VJnstitutf 29 août, 5 et 12 sept. 1855. MÉMOIRE DE M. d’aRCHIàC. 461 Bonis, Farines, Fauvclle, Companyo, Durocher, Rolland du Roquan, Ranlin, E. Dumoriieret Nogués. Celles que ce dernier a faites à notre prière, pendant l’automne de 1856, sur divers points de la chaîne de Font froide, à la montagne de Saint-Victor et aux environs de Tuchan, ont comblé plusieurs lacunes de notre travail. En outre, les ossiles des terrains de sédiment ont été étudiés par Picot-Lapcyrouse, et par MM. Ad. Brongniart, Marcel deSerres, Leymerie, de Boissy, Rolland du Roquan, Michelin, Noulet, Alcide d’Orbigny, Cotteau et par nous-même. Nous renvoyons à notre publication définitive l’examen et la discussion de tous ces documents (1), et, pour abréger, nous supprimons ici, après la citation des espèces fossiles, l’indica- tion des noms d’auteurs qui seront plus tard mentionnés avec tous les détails propres à guider le lecteur. La légende de notre carte présente les divisions suivantes indiquées par 18 teintes : TERRAINS. FORMATIONS. GROUPES. ÉTAGES. Moderne. Quaternaire, Teiliaire. . . S- coudait e. f Super 'ie ure. [ Moyenne. . Marnes Lieues matines et Calcaire lacusti e ? Mollasse mutine. ! Lac astre Inferieure. j Numomliliquc Y D’ Alct. ' Supetieure. . 1 et 2 Crétacée. < Inférieure. Jurassique Lias (gypses anormaux, dolomies , rauch- waekes'. Puudingues des pla- team. Grcs de Carcassonne. Calcaireset marnes la* custres du bassiu de Narbonne et de Sigean (gypses nor- maux). Supe'rieur. Moyen (marnes à Tur- ritelles). Inférieur (calcaires à Milliolites). Marnes bleues. 1er niveau de rudistes. \Couches à échinides. )2<- niveau de rudistes. Calcaires à Exogyra columba, Orbiloli - tes concava et grès. Calcaires à Caprotines. Marnes et calcaires ne'ocomiens. De transition . Cristallin. . . Houillère. Dévonienne. Granités. Roches igne'es (ophites, eurite granitoïde, por* phyres, diorites, umygdaloïdes). (I) Ce travail accompagné de la carte, de coupes, de vues et de planches de fossiles, paraîtra dans la seconde partie du t. VI desMéni. de la Soc. géologique. 462 SÉANCE DU 16 MARS 1857. A l’exception des dépôts modernes et quaternaires, tous les autres ont été plus ou moins disloqués. Dans les terrains tertiaire et secon- daire, les brisures n’ont, à peu d’exceptions près, donné lieu qu’à des vallées et à des montagnes monoclinales. On n’y trouve que deux eu trois exemples de montagnes ayant un axe anticlinal, et il n’y a point de vallées synclinales proprement dites. Dans quelques cas, les couches affectent une disposition en entonnoir ou s’abaissent vers un centre commun; plus rarement elles constituent un cirque de soulèvement , sur le pourtour duquel les strates inclinent en dehors. Les chaînes les plus étendues, dont le relief est si prononcé dans la partie sud de la Carte, ne sont encore que le résultat de dis- locations simples; elles sont toujours monoclinales, quoique leurs couches atteignent quelquefois la verticale. La surface du pays peut être ainsi comparée à un parquet dont chaque feuillet aurait été dérangé de sa position première en tournant sur un de ses côtés comme charnière, sans jamais dépasser un angle droit, de manière qu’il put en résulter un renversement complet. Il n’y a par conséquent nulle part intervertissement dans les rapports stratigraphiques, et les dépôts occupent encore tous la position géo- graphique relative qu’ils avaient lors de leur formation; seulement, pendant l'époque quaternaire, la dénudation des couches tertiaires, favorisée par les dislocations antérieures, a fait qu’aujourd’hui ces couches ne s’observent que par lambeaux discontinus, découpés sur leur pourtour, et ne nous représentent qu’imparfaitement leur extension première. La position géographique relative, irrégulière et capricieuse des dépôts tertiaires et secondaires, est un des caractères les plus frap- pants de la géologie de cette région. Ainsi on n’y observe point d’axe montagneux, de part et d’autre duquel les couches soient disposées suivant leur ancienneté relative, ni de centre autour duquel cet arrangement systématique se soit produit, et encore moins de bassin sur Les parois duquel les sédiments offrent des zones concentriques placées en rapport avec leur ancienneté. Sur le pourtour du massif de transition allongé de l’E. à l’O., qui occupe à peu près le milieu delà Carte, on voit reposer successivement au nord les poudingues ter- tiaires des plateaux, au nord-ouest le groupe nummulitique, à l’ouest celui d’Alet, au sud la formation crétacée supérieure, puis l’infé- rieure, à l’est le lias et les dépôts houiilers. Cette distribution particulière des roches de divers âges ne pou- vait devenir sensible que sur une carte géologique où les divisions fussent assez nombreuses. C’est pourquoi sur la carte de la France, où trois teintes représentent tonies les roches crétacées et tertiaires, MÉMOIRE DE M. d’aRCHIAC. A63 comme sur celle de M. Leyinerie, qui d’ailleurs apporta une amélio- ration très notable dans la classification et la répartition des terrains, ce caractère essentiel de la géologie géographique des Corbières- devait rester inaperçu. Nous allons esquisser les principaux traits des subdivisions que nous avons reconnues dans ce pays, et en suivant l’ordre du Tableau précédent. Les terrains moderne et quaternaire n’offrant rien de bien particulier dans leur puissance ni dans leur composition, et leur distribution n’influant pas sensiblement sur le relief du sol dont ils occupent en général les parties les plus basses, nous en trai- terons ailleurs et nous passerons de suite à l’examen du terrain tertiaire. FORMATION TERTIAIRE SUPÉRIEURE. Nous rapportons à la période des marnes sub-apennines les marnes bleues, coquillières, signalées par M. Marcel de Serres (1) sur la rive gauche de l’A-gly, en face du village d’Espira, et qui se trouvent à environ 30 mètres au dessus du niveau de la mer. Nous regardons comme en étant le prolongement, les couches argileuses et sableuses traversées, au-dessous des dépôts quaternaires de la plaine, dans les sondages artésiens de Rivesaltes, de Perpignan, de Bages, etc. Dans ceux qui ont été poussés le plus avant, jusqu’à 125 et 180 mètres, la limite inférieure de ce système de couches n’a pas été atteinte (2). Sur 87 forages qui ont été exécutés jusqu’en 1854, 58 ont réussi, donnant ensemble 35 millions de litres d’eau par jour, et 29 sont restés sans résultat. Ces chiffres sont ceux donnés par MM. Companyo et Falip, mais suivant une note manuscrite, fort bien faite, que# nous devons à M. Fauvelle, de Perpignan (3), le nombre des puits qui ont donné des résultats avantageux serait au- jourd’hui de 71. Ils se trouvent répartis dans les communes de Per- pignan, Bompas, Saint Estève, Rivesaltes, Saint-Laurent, Pia, Théza, Villeneuve-de-la-Raho, Bages, Terrate, Toulouges et Canohès. Leur réunion forme une zone de 3 à 4 lieues de long sur 1 à 2 de large, (l) Géognosie des terrains tertiaires , p. 86. in-8, 4 829. (21 Farines, Y Institut^ 25 oct. 1834, p. 350. (3) 10 juin 1857. — La quantité d’eau fournie par un puits peut varier de 25 à 1200 litres par minute ; la moyenne est d’environ 120 litres, ce qui donne pour les 71 puits 8500 litres par minute. Nous devons la connaissance de ces documents récents à l’obligeant inter- médiaire de M. Parés, qui avait bien voulu se charger de les demander à l’auteur. SÉANCE DU 16 MARS 185'f. 46 4 dirigée N., S., et placée à égale distance des montagnes et de la côte. Toutes les tentatives faites en dehors de cette zone ont été jusqu’à présent sans succès. La zone se divise elle-même en trois petits bassins, celui de Rages, celui de Perpignan et celui de Rive- salles. Les eaux du premier se distinguent de celles des autres par la présence du carbonate de soude. Les couches traversées sont par- tout sensiblement les mêmes; ce sont des marnes argileuses avec des lits de sable, de gravier, de calcaire quelquefois siliceux, subor- donnés, et des coquilles marines disséminées çà et là. L’inclinaison générale est de l’O. à PE., et la nappe aquifère est ordinairement dans un sable assez pur recouvert d’un lit d’argile verte. Nous n’avons pu représenter sur la Carte que les dépôts lacustres mentionnés par M. Tournai (1), comme recouvrant la mollasse ma- rine de l’île de Sainte* Lucie, et le poudingue à gros éléments qui semble occuper la même position au-dessus du banc d’Iîuîtres de la colline de Gruissan, les uns à 18 et l’autre à 23 mètres au-dessus du niveau delà mer. On peut supposer avec quelque probabilité le syn- chronisme de ces dépôts d’eau douce avec les sédiments marins des bassins de l’Agly, de la Têt et du Tech. FORMATION TERTIAIRE MOYENNE. La mollasse marine appartenant à cette formation est peu déve- loppée sur la rive droite de l’Aude, dans la dernière partie de son cours, et elle n’existe que sur des points isolés, souvent fort éloignés les uns des autres. Réunie aux dépôts lacustres sous-jacents sur la carte géologique de la France et dans noire premier travail, nous avons dû l’en séparer, et placer ceux-ci dans la formirtion inférieure, d’accord en cela avec l’opinion de MM. Raulin, de Rcuville, Delbos et Noulel. Le point le plus occidental où l’on ait signalé des couches marines de la formation tertiaire moyenne se trouve près du Luc, dans la vallée de l’Orbieu (2). Au nord, sur les bords de l’Aude, elles se montrent vis-à-vis de Saint-Marcel (3). Nous les avons étudiées par- ticulièrement dans la colline de l’Estagnol, située au nord-nord-est de Montredon, et s’élevant au-dessus du calcaire lacustre qui affleure près du cimetière de ce village. Celte colline est composée, sur une hauteur d’environ 60 mètres, de calcaires blanchâtres, poreux, à (1) Jour/i. de géul,t vol. I, 1830. (2) Noguès, Notice géol. sur le département de l' Aude , in-1 2; 1855, (3) Tournai, toc, cit. MÉMOIRE I)E M. d’aRCHIAC. 465 ciment spalhiquc ou cristallin , de calcaires blancs friables et de marnes blanches, quelquefois argileuses et sableuses. On y trouve les Ostrea crassissima et palliata , avec de nombreux moules de Telliiies, de Mytilus, de Venus , etc. La forme tabulaire, la teinte gris verdâtre et les pentes régulières des collines situées au nord de ce point, entre Mousson et l’Écluse de Deffense, comme de celles comprises entre Frcsquetet le Bretes, dénotent la même origine. Celte dernière colline , qui atteint 122 mètres d’altitude, reposo également sur les couches lacustres et gypseuses de Malvezv. Un affleurement du même âge, entouré par les dépôts modernes et quaternaires de la plaine de Narbonne, s’observe à une demi-lieue à l’est de cette ville, à la métairie de Creissel. Dans le vallon des Bugadelles, sur le chemin de Marmoulieres à Saint-Pierre de-Mer, un dépôt semblable est indiqué, et nous en avons observé également sur le côté méridional de la colline à laquelle Gruissan est adossé, ainsi que le long de la côte occidentale de l île de Saint-Martin, au sud de la métairie des Pujols, recouvrant transgressivement les couches crétacées. L’île de Sainte -Lucie en serait presque entière- ment formée, de même que la petite élévation sur laquelle se trouve la maison de campagne de Montfort, au nord de l’étang de Bages. Suivant M. Tournai, les couches à Ostrea crassissima formeraient le substratum de la ville même de Narbonne. Il est probable que la plupart des assises de marnes bleues avec des Huîtres et d’autres coquilles marines qu’a traversées le forage exécuté dans celle ville, et poussé jusqu’à 123m,A3 sans obtenir d’eau jaillissante, appartiennent à la formation qui nous occupe. On peut remarquer cependant que la base des affleurements, connus à la surface du sol dans les localités précédentes, atteint souvent de A5 à 50 mètres d’altitude, et qu’elle descendrait ici au moins à 113 mètres au-dessous du niveau de la mer, ce qui donnerait une différence de niveau de 160 mètres pour la même couche prise à d’assez faibles distances. Il serait donc possible que cette série appar- tînt aux marnes bleues supérieures, et qu’elle ait été déposée après le relèvement de la mollasse marine dont nous parlons ; ce seraient alors des sédiments contemporains de ceux des bassins de l’Aglv, etc. Mais d’un autre côté la présence de bancs d’Hnîlres militerait en faveur de la première hypothèse. Quoi qu’il en soit, les lambeaux delà formation moyenne, isolés au jourd’hui, et qui ont dû faire partie d’un dépôt plus ou moins con- tinu de sédiments marins, ne se trouvent que dans la région infé- rieure du bassin de l’Aude, reposant, vers le milieu de la vallée, d’une $oc. gcol., 2e série, tome XIV. 30 SÉANCE DU 16 MARS 3 857, A66 manière concordante sur les sédiments lacustres tertiaires, et le long de ses bords d’une manière discordante sur les roches secondaires. Dans le premier cas, nous les voyons atteindre jusqu’à 122 mètres d’altitude; dans le second, ils s’élèvent à peine à 10 ou 12 mètres au-dessus du niveau de la mer. Leur plus grande épaisseur serait de 70 à 75 mètres. FORMATION TERTIAIRE INFÉRIEURE. Groupe lacustre. Les dépôts que nous réunissons sous ce titre, et que nous ratta- chons à la formation tertiaire inférieure par des considérations à la fois straligraphiques et paléontologiques, sont très développés dans le bassin moyen ut inférieur de l’Aude, à partir des environs de Li- moux. Ils bordent la vallée depuis Carcassonne jusqu’à Narbonne, pour redescendre au sud jusqu'au delà de Sigean, et pénétrer en plusieurs points au milieu des massifs montagneux. Ils s’étendent ensuite vers le nord, bien au delà des limites de notre Carte, dans le département de l’Hérault, et à l’ouest vers Casteinaudary, longeant le pied de la Montagne-Noire, comme ils dessinent au sud les contours découpés des Corbières. Sur la carte géologique de la France, de meme que sur celle de M. Leymerie, ils ont été réunis à la mollasse marine précédente et coloriés comme représentant la formation tertiaire moyenne. Trois roches principales composent ce premier groupe : des pou- dingues , des grès calcarifères et sableux ou mollasse d'eau douce (grès de Carcassonne), des calcaires marneux blanchâtres ou jau- nâtres avec des gypses normaux subordonnés. Les deux premières roches passent fréquemment l’une à l’autre par la prédominance d’un de leurs éléments, mais en général les poudingues semblent occuper la partie supérieure. Quant aux marnes et aux calcaires marneux blanc-jaunâtre, on les voit particulièrement et presque exclusivement, depuis les environs de Narbonne jusqu’à Sigean, sur les flancs des roches secondaires de la Clape et de la chaîne de Font- froide. Dans plusieurs parties de l’intérieur des montâmes, les poudingues existent seuls, de sorte qu’il y a une certaine indépen- dance géographique dans la distribution de ces diverses roches. L’origine d’eau douce des marnes et des calcaires est mise hors de doute par la présence exclusive des coquilles fluviatiles et ter- restres, répandues à profusion sur certains points , comme par celle des plantes, des insectes et des poissons. L’origine des poudingues et des mollasses ou grès de Carcassonne serait plus douteuse, si dans MÉMOIRE DE M. D ARCHIAC. h 67 leur prolongement au nord et à l’ouest, au delà du cadre de notre Carte, la découverte de mammifères fossiles, toujours à l’exclusion des débris marins, ne justifiait l’opinion déjà exprimée par MM. Del- bos, de Rouville, Raulin, ainsi que par plusieurs paléontologistes, et à laquelle nous nous rattachons aujourd’hui. Poudingues des plateaux et de V intérieur des montagnes. — En suivant la limite nord du massif paléozoïque de Monihoumet, depuis les environs d’Albas jusqu’à ceux de Lairière, on voit un vaste dépôt de poudingues s’abaisser au N., et passer au delà de Saint-Martin, de Saint- Pierre et de Talairan. il s’appuie au S. contre les schistes de transition, et, sur le reste de son pourtour, l’étage nummulitique supérieur vient affleurer dessous. Son inclinaison générale est au N., mais le long de 1 Orbieu elle est. de 15 à 20 degrés vers i’O. Il atteint sa plus grande altitude à la Play rôles, au sud-ouest de Blanes où elle est de 537 mètres. A Durfort et à Saint-Martin, le long de la rivière, elle est de 22A et de 200 mètres seulement. La puissance de ces poudingues s’accroît en sens inverse de leur inclinaison, et elle n’atteint pas moins de 300 mètres à la montagne de la Playroles. Cel ensemble de roches élastiques, qui commence sur les pentes de la petite vallée de Saint-Pierre, se développant de plus en plus à mesure qu’on s’avance vers le S., offre, à toutes les hauteurs, d’énormes assises qui affleurent sur les flancs des collines. Les bancs de poudingues sont quelquefois séparés par des bancs de grès ou de marne sableuse, jaune, plus ou moins endurcie. Des couches rouge lie de vin, panachées de gris et de jaune, y sont aussi subordonnées. A la partie inférieure, le poudingue est à très gros nodules de quartz, de calcaires noirs, de schistes gris et noirs, etc., reliés par un ciment de grès à gros grains. D’autres couches très solides, tenaces, très dures , sont à nodules avellanaires , de calcaire compacte , grisou noirs, reliés par un ciment abondant de calcaire rosâtre, sub- cristaliin. Entre Talairan, Jonquières et Albas, des couches mar- neuses avec coquilles d’eau douce appartiennent encore à cet étage, dont elles occuperSient ainsi la limite orientale. Les contours supérieurs et sinueux du plateau élevé de la Camp, au sud de Mayronne-;, montrent partout, comme l’a dit Tallavignes (1), le dépôt de poudingues qui le couronne , s’élevant à 693 et 73A mètres le long de son bord méridional. Si suit au nord le som- met des montagnes qui entourent le Yillar à l’ouest, et atteint (4) Bull. Soc. gêol. de France , 2e sér., vol. IV, p, 1132, 1847. SÉANCE DU 16 MARS 1857. 46$ 510 mètres à la partie la plus orientale de la crête de la âlalpêre, au-dessus de Domnove où M. Raulin l’a signalé (1). A partir de cette crête flexueuse, il s’abaisse généralement à l’O. vers Clermont, Greitîeil (Agreiffeil de Cassini) et Molières, où son importance diminue. Outre ces roches élastiques qui bordent au sud le terrain de tran- sition, recouvrant le groupe nummulitique au nord, et se rattachant directement vers l’ouest à la mollasse d’eau douce de Limoux, il y a encore au milieu des Corbières, mais au delà du même massif de transition, un petit bassin entouré de montagnes, dans lequel on ne pénètre que par des gorges étroites , et dont le fond , ainsi que les premières pentes, est occupé par un dépôt puissant que nous regardons comme synchronique du précédent : c’est le bassin de Tuchan. Les poudingues et les grès ferrugineux qu’on y observe, et qui, vers le confluent du Yerdouble et du Mas-de-Ségure, ne sont qu’à 183 mètres d’altitude, se relèvent très sensiblement à l’est sur les pentes des montagnes crétacées. Le long de la roule de Vin- grau, ils atteignent plus de 200 mètres au-dessus du fond de la val- lée, et ils constituent toute la colline de Poziols, au pied de laquelle M. Farines a signalé un gisement de lignite (2). Ces assises puis- santes de débris accumulés se sont formées aux dépens des roches qui constituent les parois du bassin ; disloquées et partiellement dé- nudées ensuite, elles ont été redressées sur leur bord comme les roches secondaires. Elles ne peuvent donc être placées ni dans la période quaternaire ni avec les marnes bleues coquillières horizon- tales du bassin de l’Agly. Mollasse lacustre ou grès de Carcassonne. — Celte roche, géné- ralement à grain fin, grise, jaunâtre, blanchâtre ou verdâtre, com- posée de sable siliceux et de marne en proportions variables, est généralement peu dure, friable, d’un aspect uniforme et à cassure terreuse. Des lits irréguliers ou de petits amas de cailloux et de galets très arrondis y sont subordonnés çà et là. % La mollasse constitue toutes les collines des environs de Limoux où elle plonge généralement de 15 à 18 degrés au N. Elle atteint 3ùA mètres d’altitude sur la crête qui sépare le ruisseau de Laga- gnoux de celui de Corneilla, et se trouve à 162 mètres seulement (1) Sur l’dge des formations d'eau douce , etc. [Actes de C Acad % imper . de Bordeaux, p. 336, 1855?). (2) L'Institut , 19 avril 1834.-— D’Archiac, Hist. des progrès de la géologie, v ol. II? p. 716, 1849. MÉMOIRE DE M. d’aRCHJAC. 469 sur la rive droite de l’Aude, au Moulin, en amont de Limoux. Au sud de la chapelle de Brasse, on la voit recouvrir, avec une concor- dance parfaite, des grès à gros grains, puis à grains fins, qui se lient à des calcaires marneux, gris et jaunâtres, remplis de Nurnrnu- lites, et dont l’inclinaison est constamment la même. Cette concor- dance de la mollasse avec toute la série numinulitique qui lui suc- cède, et que nous retrouverons partout où les circonstances l’ont permise, était déjà un motif puissant pour rapporter au terrain ter- tiaire inférieur les dépôts qui nous occupent. De Limoux à Carcassonne, la mollasse règne constamment, mé- langée çà et là de lits de cailloux comme aux environs de Rouffiac, où l’on peut observer la superposition des lits de cailloux roulés, quaternaires, sur ceux qui dépendent du terrain tertiaire. Les travaux exécutés en 1856 pour l’établissement du chemin de fer le long du canal, à l’entrée même de Carcassonne, ont coupé les bancs les plus solides delà mollasse. Celle-ci forme entièrement aussi la colline de la vieille Cité, dont le pied est baigné par l’Aude, et que couronne sa double enceinte de tours et de murailles crénelées. La roche qui la constitue est un grès grisâtre, plus ou moins sableux, à grains plus ou moins gros, dont la stratification n’est pas toujours bien distincte vers le bas où la structure massive tend à prédominer, tandis que vers le haut les bancs sont moins épais. La roche tendre que l’on a exploitée à la scie est composée de petits grains de quartz reliés par un ciment marneux ou argileux gris. Un mélange de petits cailloux de quartz ou d’autres roches fait passer la pierre à une sorte de macigno à petits éléments. Le sommet de cette colline n’est qu’à 144 mètres d’altitude et à 50 mètres au-dessus du niveau de la rivière. A Conques, au nord-nord-est de Carcassonne, la mollasse d’eau douce repose sur le groupe numinulitique, et un Lophiodon ( L . oc- citanicum ) y a été découvert. A l’est, sur la route de Trèbes et au delà, la roche passe à des marnes argileuses, à des grès rougeâtres et à des poudingues toujours plus ou moins dérangés. Elle suit et borde le groupe numinulitique du versant nord du Mont-Alaric, par Barbaira etCapendu, participant aux accidents du premier étage avec lequel elle se lie intimement, comme Tallavignes l’avait déjà observé. Elle forme ensuite deux bandes de collines basses : l’une se dirigeant de Douzens au N.-E. , vers Roquecourbe, Castelnau et Tourouzelle; l’autre de Mous vers Monlbrun et Montrabech, séparée de la précédente par des dépressions qu’occupent les marnes nutn- mulitiques. A l’ouest de Lézignan.ces collines ont 174 et 1§4 mètres d’altitude. Le fond de la plaine à l’est de ce bourg est une marne SÉANCE DU 16 MARS 1857. 470 bi anche d’apparence lacustre. La mollasse s’observe encore autour d’Ôrnaisson et jusque près de Gasparet, représentée par un pou- dingue assez épais. Lorsqu’on remonte la vallée de l’Ausson vers Thézan, à partir de l’auberge du Pont, le long de la route de la Grasse, elle constitue une marne jaune, panachée de blanc, accom- pagnée de poudingue que recouvrent les dépôts quaternaires. Tout ce système, en passant au nord ou sur la rive gauche de l’Aude, continue à se montrer très développé; mais à l’est de la jonction de l’Oi bieu, il cesse sur la rive droite, et les calcaires marneux lacustres avec les marnes le remplacent. Calcaires marneux 9 blanchâtres et jaunâtres du bassin de Nar- bonne et de Sigean. — Les calcaires lacustres, inférieurs à la mollasse marine que nous avons décrite, commencent à se montrer, d’après M. Tournai, sur le chemin de Marcoùgnan, avant la maison de campagne de Brètes. Nous les avons observés le long du cimetière de Montredon, et ils sont très développés dans les buttes des fours à chaux au sud-ouest de Narbonne. Ainsi commence une nouvelle série de dépôts qui fait présumer que tout le pays compris entre la chaîne secondaire de Fontfroide à l’ouest, celle de la Clape à l’est ét les plateaux à une lieue au sud de Sigean, se trouvait, pendant le même temps, dans des conditions tout à fait différentes de celles de la partie moyenne du bassin de l’Aude que nous venons de parcourir. L’espace que nous désignons par l’expression de bassin de Narbonne et de Sigean devait être sous des eaux douces et dans un état de tranquillité relative, comme le prouve la nature des sédiments qui le remplissent. L’absence, si ce n’est à la base, de touffe roche clastique, et la présence au contraire de marnes et de calcaires marneux, tendres ou friables, avec des débris organiques, végétaux et animaux, lacustres et terrestres, la plupart bien conservés, y dénote une période de calme. Le tiers nord-ouest à peu près du massif triangulaire de la Clape est formé par des couches de ce groupe, dont la plus grande altitude ne dépasse pas 137 mètres à l’ouest d’Armissan. Autour de ce vil- lage, au sud, dans le ravin de la Ricardelle et sur d’autres points, on peut constater la position régulière des couches lacustres sur les calcaires crétacés. Dans la seconde de ces localités, le poudingue, qui forme la première assise tertiaire, recouvre les couches à Orbi- tolites, et le tout plonge de 40 degrés au N. -O.; de sorte qu’on a ici la preuve d’un soulèvement très prononcé des roches secondaires, postérieur au dépôt tertiaire, et il en est de même dans le voisinage immédiat d’Armissan. Des empreintes de poissons, de végétaux et d’insectes ont été depuis longtemps signalées dans les calcaires mar- MÉMOIRE DE M. d’aRCHIàC. A 7 1 lieux, grisâtres, en dalles, exploités sur ce dernier point, ainsi que des couches de lignite à la partie inférieure du dépôt. L’examen de ces mêmes couches au nord-ouest de Narbonne y fait reconnaître des marnes gypseusesetdes bancs de gypse cristallin subordonnés dans l’exploitation de Malvezy. Les calcaires à Hélix et à Paiudines des fours à chaux du Rech-de-ios-Tinos , inclinés au N. O. comme les calcaires noirs sous jacents , offrent la contre- partie de la disposition observée sur les pentes de la Clape. La com- position et la stratification des deux bottes qui portent les fours à chaux sont identiques, ainsi que ieur relation avec les calcaires secondaires dont elles ont partagé le dernier mouvement d’élévation. Si de ce point on suit la route de Sigean, on marche constamment sur des couches du même système, formant de chaque côté des col- lines déprimées, blanc jaunâtre, et ne dépassant pas 130 mètres au-dessus des étangs qui baignent leur pied à i’est. Ces collines se relèvent d’une part vers le littoral, et de l’autre vers la chaîne secon- daire de Fontfroide, du côté de laquelle les couches inclinent assez généralement de 10 degrés. Ce sont des calcaires jaunâtres, mar- neux, noduleux, tendres et terreux, ou bien des calcaires marneux, gris, à grain fin, bien stratifiés, se délitant parfois en dalles ou en plaquettes. Ces couches constituent aussi les petites îles de l’étang de Bages. Les gisements de gypse de Porte! et du Lac ont été décrits de- puis longtemps par MM. Tournai et Marcel de Serres. La masse gypseuse, plus ou moins marneuse, grise, de 12 à 15 mètres d’épais- seur, est parfaitement régulière, et subordonnée à des calcaires lacustres remplis de petites Paiudines et d’une Potarnide identique avec celle qui caractérise les marnes supérieures au gypse d’Aix. Dans les exploitations du Lac, un lit de dusodyle a été signalé, ainsi que de nombreuses empreintes de petits poissons (Lebias ou Cyprinus Cuvieri) qui rappellent aussi ceux des plâ trières d’Aix ; enfin des plantes semblables à celles d’Armissan y ont été reconnues. La petite ville de Sigean est bâtie sur un plateau incliné au N., et composé de calcaires marneux et de marnes blanches, jaunâtres ou grisâtres , régulièrement stratifiés , et coupés à pic au sud et à l’ouest. Ces couches, qui se prolongent au sud jusqu’au col des Ma- zels où elles recouvrent les marnes et les schistes noirs néocomiens, inclinent au N. , et présentent dans leur ensemble la plus parfaite analogie avec les marnes supérieures du calcaire grossier du bassin de la Seine. M. Noguès y a trouvé des Hélices voisines des H . Co- quandiana et Micheliana , le Planorbis rotundatüs et des Lymnées, mais toujours plus ou moins déformées et peu déterminables, SÉANCE DU i 6 MANS 1857. 472 Enfin le noyau secondaire qui forme la base de la presqu’île de Leucate supporte un massif tertiaire dont les couches horizontales occupent la presque totalité de sa surface quadrangulaire ; ce sont, de bas en haut, des marnes sableuses jaunes, des lits de cailloux et de poudingues, de nouvelles marnes sableuses, roses ou blanchâtres, et des calcaires marneux blancs, des calcaires en plaquettes, enfin un calcaire très celluleux, grisâtre, compacte, rempli de petites Paludines, de Planorbes, etc., qui forme le plateau supérieur dont l’altitude est de 53 mètres. Nous terminerons l’exposé des caractères et de la distribution de ce groupe lacustre, en rappelant : 1° que dans le prolongement occidental de la mollasse de Limoux et de Carcassonne, autour de Castelnau- dary, à Issel , Villeneuve-le-Comptal , Mas-Saintes-Puelles , etc., plusieurs espèces de Lopkiodon , de Palœotherium , de Paloplothe - nwm, etc., ont été signalées; 2° que dans la partie que nous avons observée. les relations stratigraphiques avec le groupe nummulilique sont des plus intimes ; 3° enfin que les couches lacustres du bassin de Narbonne et de Sigean, redressées comme les roches secondaires sur lesquelles elles reposent directement, nous ont offert des carac- tères pétrographiques, des gypses et certains fossiles semblables à ceux que l’on observe dans le bassin d’Aix et dans celui de la Seine ; aussi sommes-nous porté à placer le tout sur le même horizon et à le réunir à la formation tertiaire inférieure dont il représente ainsi les derniers sédiments et la dernière faune. Groupe nummulitique . Nous avons déjà traité assez longuement de l’historique du groupe nummulitique dans le bassin de l’Aude (1). Nous avons pu ensuite conclure, de la seule répartition stratigraphique et géographique des Nummulites, que « si, comme il était permis de le supposer, lapré- » sence de la N. planulota , qui est d’accord avec d’autres données » paléontologiques, marquait un niveau bien déterminé, il s’en sui- » vrait que tous les dépôts nummulitiques des Corbières et des » Pyrénées seraient postérieurs aux lignites du nord de la France, et » à plus forte raison à la faune marine des sables du Beauvoisis (2). » Depuis lors, nous avons exposé notre classification définitive du (1) Histoire des progrès de la géologie , vol. III, p. 33, 1850. (2) Descri pt. des animaux fossiles du groupe numm. de l'Inde , Monographie des Nummulites , p. 80, in-4, 1 853. MÉMOIRE DE M. d'aRCRIAC. 473 groupe dans ce même pays (1), el nous la reproduirons ici avec quelques développements pour qu’on puisse bien juger de l’ensemble des terrains représentés sur la Carte. Le groupe nummulitique est restreint, dans l’espace que celle-ci comprend, au bassin hydrographique de l’Aude proprement dit, puisque nous n’en connaissons encore aucune trace à l’est de la chaîne de Fontfroide, dans le bassin de Narbonne et de Sigean, non plus qu’au sud dans celui de l’Agly. Les massifs crétacés et de transition, sur ces deux côtés de notre quadrilatère, ont donc opposé une barrière aux dépôts de cette période, el prouvent que ces rides montagneuses avaient été déjà relevées suivant des directions que les mouvements ultérieurs ont également suivies. Par suite des dislocations nombreuses et des dénudations qu’ont éprouvées les dépôts nummulitiques, leur distribution générale ac- tuelle, ou mieux celle de leurs affleurements, est fort irrégulière, et il en est de même de celle de chaque étage en particulier. Ainsi, dans le bassin supérieur de l’Aude, le groupe est parfaitement déve- loppé autour de Couiza; mais dès qu’on s’avance un peu vers le nord, le relèvement du groupe d’Alet sous-jacent le fait disparaître des pentes de la vallée, et son étage inférieur contourne, par des plateaux élevés de 655 mètres, le massif de transition. Tout le groupe se dirige ensuite à l’est par Yendemies, Arse et la Caunette, en formant une bande étroite, limitée au nord par la mollasse de Limoux, et s’appliquant sans intermédiaire au sud contre les schistes anciens. Il constitue les pentes moyennes et inférieures de la montagne de la Camp, et disparaît sous le grand dépôt de poudingues du groupe précédent avant d’atteindre la vallée de l’Orbieu. Il affleure sur le pourtour de cette vaste nappe de roches élastiques, occupe toutes les pentes de la vallée du Rabe, les plateaux de Tournissan et de Saint-Laurent, se prolongeant au nord par les gorges de la Neille et Monlmigea, dans la plaine de Fabrezan , et jusqu’au pied de la grande brisure qui a fait affleurer les couches de transition et le groupe d’Alet à l’extrémité orientale du Mont-Alaric. Des pentes de la montagne de la Camp dont nous venons de par- ler, les roches nummulitiques se suivent au nord, en formant de même les talus qui circonscrivent le bassin supérieur de l’Alsou, ceux de la crête de la Malpère vers Arquettes à l’est, comme vers Monze au nord. Elles constituent aussi tout le revêtement extérieur du Mont-Alaric, limitées au nord el à l’ouest par les dépôts du groupe (1) L'Institut. , 5 sept 1855. SÉANCE Du 16 MARS 18Ô7. hlh lacustre, Celui d’AÎet qui les borde au contraire à l’est dans toute la région montagneuse de la Grasse ne se voit, dans ie massif du Mont- Alaric, qu’à ses extrémités et dans les brisures de sa partie moyenne. Les assises nummuiitiqucs le recouvrent encore dans la vallée de l’Orbieu et vers ie milieu delà hauteur du cirque de la Grasse. Au nord dé la route de Carcassonne à Lézignan, elles s’étendent au N.--E. , affleurant sous le groupe supérieur jusqu’à la rive gauche de l’Aude, autour de Ronbia. Nous avons établi dans ce groupe (1) trois étages , caracté- risés par la présence des Nummulites, mais composés de roches différentes. Le premier et le second se relient cependant par l’analogie de quelques-unes de leurs assises, et le troisième qui, par suite de circonstances particulières, atteint aujourd’hui les plusforles altitudes, occupe à lui seul des étendues considérables. Nous avons essayé de les distinguer tous trois sur notre Carte, par les modifications d’une même teinte. Nous les décrirons en marchant du sud-ouest au nord- est, L’ étage nummulitique supérieur comprend des calcaires jaunes ou gris, des marnes et des grès brunâtres ou jaunâtres, des psammites et accidentellement des poudingues. On l’observe plus particulière- ment sur la rive gauche de l’Aude, au-dessous de Montazels en face de Couiza, recouvrant les marnes bleues du second étage, et se pro- longeant vers Esperaza et Rouvenac. Sur la rive droite on le voit jusqu’à Palabrac, puis en montant le chemin de Rennes, etc. L’in- clinaison générale de tout le système au S., fait qu’il cesse de se mon- trer au nord de Couiza. Au sud de Limoux, non loin de la chapelle de Brasse, il succède à la Mollasse. Il est représenté par un grès gris à gros grain, un autre à grain fin, très dur, un calcaire marneux gris avec Nummulites Leymeriei et un calcaire grossier jaunâtre rempli de N. Ramondi , var. , Leymeriei et biaritzènsis. Lorsqu’on s’avance vers l’E. par la Caunette, il conserve sa position et manifeste des caractères peu pro- noncés sous l’épaisse nappe des poudingues supérieurs. Il s’en dégage plus nettement entre Saint-Pierre et la Borde-rouge, au sud de la Grasse, pour constituer ensuite le plateau de Tournissan à Saint- Laurent, où il est rempli de Nummulites Ramondi , var., d et a à'Operculinacanalifera, de Turritelles, etc. La partie la plus élevée de la butte de Jonquières, les coteaux su- périeurs des bords du Rabe jusqu’aux métairies de Montplaisir, de Mont- migeaetde Cabagnol sont formés, la première degrés psammites gris ou (1) L 'Institut, 5 sept. 1855, MÉMOIRE DE M. D ARCH1AC. 475 brunâtres, et les antres de calcaires jaunes ou grisâtres, terreux, pé- tris de N. Ramondi , var. e} et de N. Leymeriei. On observe cet étage sur le pourtour du Mont Alaric, entre le pied nord de -la mon- tagne et la route de Lézignan à Carcassonne, Il paraît être sans fos- siles, beaucoup plus puissant qu’à i’est, et composé d’alternances de psammites gris, rouges et panachés, de marnes rouges, grises ou jaunes, de grès, depoudingues et de calcaires gris bleuâtre, très durs. Ces diverses assises, alternativement meubles ou solides, forment une série de crêtes dentelées, discontinues, parallèles, ou de grandes écailles alignées qui longent la base de la montagne, plongent con- stamment vers elles ou au S., sous un angle variant d’abord de 15 à 35° et atteignant jusqu’à 75°, dans son voisinage immédiat, à la hau- teur de- Capendu et de Barbaira. Le plongeaient redevient normal dans tout le couronnement de l’escarpement marneux, senti elliptique qui circonscrit au nord, à l’ouest et au sud l’extrémité occidentale du Mont-Alaric, dont il est séparé parla vallée de la Bretonne. V étage nummulitique moyen , celui des marnes à Turritelles ou marnes bleues de Couiza, d’Albas, de la vallée du Rabe, de Ribaute, de Roubia, etc., est depuis longtemps connu des collecteurs de fos- siles, et le Mémoire de M. Levmerie joint à celui de Tallavigncs pour- rait nous dispenser d’en parler ici, sans la nécessité de préciser des rapports stratigraphiques souvent mal définis. C’est, d’ailleurs, un excellent horizon géologique pour ce pays et sur la position duquel il ne doit rester aucune incertitude. Autour de Couiza, celte position est nettement indiquée entre le premier et le troisième étage, surtout dans la coupe de la rive gauche de l’Aude, puis en montant le chemin de Rennes, et au moulin de Coustaussa. On y trouve particulièrement la Nummulites Leymeriei , les Operculina ammonea et qranulosa, les Trochocyathus bilobatus et sinuosus , la Cardita minuta , la C. vicinalis , la Turritella ata- ciana , etc. Les deux premiers étages plongent régulièrement au S. -S. -O. des deux côtés de la Sais comme sur les rives de l’Aude. A la sortie des gorges d’Alet, du côté de Limoux, près de la mé- tairie des Pairouchés, douze assises de calcaires et de marnes qui Succèdent aux grès du premier étage représentent celui dont nous parlons. La première de ces assises est une marne grise exploitée à la tuilerie, et la dernière, en face de la métairie, est un calcaire mar- neux avec Nummulites. Vers i’est, cette série suit, par la Caunette, la bande étroite du groupe qui disparaît au delà sousles poudingues. Les marnes et les calcaires marneux, d’une épaisseur de près de 100 mètres plongent à l’O. tout le long de la vallée du Rabe, de Coustouge, à Saint-Laurent. La Nummulites biaritzensis en carac- 476 SÉANCE DU 16 MARS 1857. térise la partie supérieure avec le Ïrochocyatfius sinuosust le 7Vo- chosmilia multisinuosa, les Nummulites Hamondi, var. d et Ley - meriei , la Panopœa elongata et la Venericardia minuta ( Cardita ), tandis que la Lucina corbarica se montre surtout dans les parties moyennes et inférieures. Dans l’étroite vallée que suit le chemin de Fontjoncouze les couches plongent au S., et à 1501) mètres de ce dernier village on les voit au contact du lias. Au nord de Saint-Laurent en face d’Espalays, leur inclinaison est de 45 à 50° à l’E., et elles s’appuient contre les calcaires du troi- sième étage. En continuant à se rapprocher de Fabrezan elles plon- gent à l’O.-S.-O. ; elles sont recoupées plusieurs fois par la route le long de la grande côte de la Borde-Rouge près de la Grasse, où elles renferment aussi de nombreux fossiles. Elles constituent le fond de la vallée de l’Orbieu à partir de Ribaute, forment partout les berges de la rivière et un grand escarpement au delà de Grafan, où elles plon- gent au S.-E. comme tout le groupe d’Àlet, sous lequel on croirait qu’elles s’enfoncent. Quelques bancs d’Huîtres assez réguliers (espèce voisine de Y O. crepidula , Defr.) s’y montrent à l’exclusion delà plupart des autres fossiles. Ces couches affleurent peu à l’est et au nord du Mont-Alaric, mais elles constituent un vaste escarpement semi-elliptique circonscrivant toute sa partie occidentale. Elles présentent leur tête à la montagne au-dessus de Pradelles, de Monze et au delà, bordant la rive gauche de la Bretonne qui coule au fond d’un immense fossé de circonvalla- tion. Ce sont des marnes bleues et des calcaires marneux alternant, puis des psammites et des marnes bleues alternant aussi, des calcaires gris bleu et des grès vers le haut accompagnés de poudingues. Ces strates variés plongent partout en dehors du cirque, suivant la gé- nératrice d’un cône très surbaissé dont le sommet se trouverait dans le plan de l’axe de la montagne, mais passant fort au-dessus de sa partie la plus élevée. Ils reposent sur les calcaires compactes blanchâ- tres du troisième étage, qui forment aussi un bombement ou plan incliné inférieur, sorte d’élément d’une portion de cône concentrique compris dans le précédent. Au sud de Pradelles une faille semble avoir élevé les deux premiers étages pour constituer le plateau allongé de Montlaur à Comelles, où l’inclinaison est toujours au S. Entre ce massif et le Mont-Alaric ils forment une ride parallèle sur laquelle se trouve la métairie de Roquenegade, où Tallavignes avait cru voir une discordance com- plète entre les marnes bleues et les calcaires blancs compactes des flancs de la montagne. Mais une coupe perpendiculaire à la direction des couches montre au contraire que celles du premier étage mémoire de m. d’archiac. 477 et les marnes sous-jacentes, qui forment l’escarpement tourné à l’ouest et au nord, ainsi que le fond du vallon, sont parfaitement con- cordantes entre elles comme avec les calcaires de la voûte du Mont- Alaric lui-même ou l’escarpement opposé du vallon. Il n’y a ici ni faille, ni discordance de stratification, mais une disposition identique avec celle que nous venons d’indiquer sur tout le reste du pourtour oc- cidental du Mont-Alaric. Enfin ce même étage constitue la partie moyenne et inférieure des pentes qui s’abaissent à l’est des crêtes de la Malpère et du plateau de la Camp, sur les territoires d’Arquetles, de Servies, du Villar et de Mayronnes. V étage nummulitique inférieur est essentiellement calcaire. Il supporte les marnes et les calcaires marneux précédents et recouvre le groupe d’Alet. Le massif rocheux, isolé de toutes parts, que cou- ronne le village de Rennes, est composé de bancs de calcaire gris avec grains de quartz, de 10 à 12 mètres d’épaisseur totale, remplis de Milliolites et reposant sur des marnes grises gypsifères et sur des marnes ronges. Ils appartiennent à ce troisième étage comme ceux qui, plus au sud, sont en face de Brenac, coupés par la route de Quillan à Beliesta. On peut les suivre encore au delà dans le départe- ment de l’Ariége s’appuyant contre les chaînes secondaires. Sur la rive droite de la Sais l'étage inférieur succède au groupe d’Alet, constituant les calcaires gris bleuâtre avec Miiliolites de Cous- taussa, qui plongent de 45° au N. Derrière le château de Couiza ils inclinent au S. -S. -O., et recouvrent des marnes rouges et jaunes. Eu continuant à s’avancer vers le nord, en face du Luc et en arrière de la Pujade, on voit se relever successivement une puissante assise gris jaunâtre et rougeâtre, des marnes sableuses, des calcaires marneux, enfin des calcaires en plaquettes, remplis de Millio— lites, base de tout le groupe nummulitique. Ces derniers repo- sent sur une grande assise de marne rouge, distincte de celle que nous venons d’indiquer au-dessus, et qui forme la partie supérieure du groupe d’Alet. Ces calcaires à Milliolites occupent sur la rive droite de l’Aude le sommet de la butte du Luc et du grand escarpement que longe la route de ce point jusqu’à Serres. Sur la rive gauche, ils forment les parties les plus élevées du plateau depuis la Pujade jusqu’au-dessus des métairies de Coussergue, de la Caune et de Brau, au nord-ouest d’Alet, où ils atteignent une altitude de 655 mètres, la plus considé- rable que présente le groupe nummulitique dans toute la région que nous décrivons. A la sortie des gorges d’Alet du côté de Limoux, sur la rive droite de l’Aude, non loin de la métairie des Pairouchés, les calcaires de h 78 SÉANCE DU 16 MARS 1857. transition plongent de 35° au N. recouverts, à stratification discor- danie, par le troisième étage numrnuütique incliné dans le même sens, mais sous un angle de 55°. Ce dernier est composé de calcaires compactes, de marnes grises schistoïdes, de calcaires gris noduleux, d’autres noirâtres, compactes, de calcaires iumachelles avec ostra- cées, et de divers calcaires remplis de Millioiites et d’Alvéoiines. Dès qu’on atteint ies assises du second étage, l’inclinaison diminue et elle se continue ensuite régulièrement jusqu’à la mollasse de Limoux. Le troisième se dirige vers l’E. en longeant le terrain de transition. On l’observe rarement dans les montagnes de la Grasse. Cependant on doit y rattacher ies calcaires jaunes à Millioiites qui portent le village de Ribaute, et les couches qui viennent affleurer dans le lit de l’Orbieu jusquesetv comprisiebancdecalcairemarneux, noirâtre, avec Huîtres, Cérites, Pleurotome, etc., connu sous le nom de marbre de Ribauté. Ce système de couches que l’on voit se redresser au sud, forme à peu près la moitié supérieure du cirque de la Grasse. C’est vers sa base que nous avons trouvé un lit de calcaire marneux rempli de ces petits corps operculiformes, cornés, que M. Viquesne! a ren- contrés dans une roche semblable, associés avec des Paludines près de Baloukkeuï, aussi à la base du groupe nummulitique de la Tur- quie. M. Deshayes lient de les décrire sous le nom de Viques- nelia lenticularis. Les Psatnmites gris jaunâtre, terreux avec Neritina, Schmideliana et Nummulites planulata, des bords de la rivière, au-dessous de Saint- Laurent, font sans doute partie de notre troisième étage, ainsi que les roches contre lesquelles s’appuient les marnes bleues d’Espalays*. Mais c’est dans la montagne d’Alaric que cette division du groupe prend le plus de développement et acquiert une véritable importance pour l’orographie du pays. Ses calcaires blanc grisâtre, compactes très durs et peu altérables par les agents atmosphériques constituent tout le revêtement extérieur de la voûte, là où elle existe dans son in- tégrité. Partout ils succèdent immédiatement aux marnes bleues dont les escarpements circonscrivent, comme on l’a vu, le pied de la mon- tagne dans sa partie occidentale, et qui laissent une dépression sur le reste de son pourtour. A sa partie orientale, au sud de Mous, au four à chaux d’Alaric, dans le ravin de la Combe Saint-Jean sur son versant nord, entre Capendu et Barbaira, sur ce vaste pian in- cliné que longe la route de Monze après la grande brisure oblique des Paillasses qui a fait affleurer le groupe d’Alet, de même que sur tout le versant méridional, vers P rade! les et Roquenegade, ces bancs épais et bien suivis sont caractérisés par la présence d’une grande quantité de Millioiites, par les N ummulites Lucasana , Ramondi , var. dy planu- MÉMOIRE DE M. d’aRCHIAC. 479 lata, YAlveolina sphœroidea , une Orbitoidea, n. sp. , la Neritina Schmideliana , YOstrea si voisine de YO. vesicularis e t partout fré- quente à ce niveau, Y Hemiaster Aloriciy ie Periaster Orbignianus , un Echinolampas pris pourT/F. ellipsoidalis , la Terebratula. mon - tolearensis , etc. Ainsi, les diverses coupes que l’on peut très facilement faire du Mont-Alaric prouvent que ce massif résume tous les éléments du groupe nummulitique du pays, et montre en même temps ses rap- ports avec le groupe tertiaire inférieur d’Alet. Il est en effet composé de calcaires nummulitiques du troisième étage formant une voûte demi-cylindrique, brisée en divers points, dont les retombées s’abais- sent au N. et au S. , ou de chaque côté de son axe, pour passer sous les argiles et les marnes bleues du second. A celles-ci succèdent, au sud et à l’ouest, les calcaires nummulitiques du premier; tandis qu’au nord celui-ci serait représenté par une série complexe de grès, de calcaires, de poudingues, de marnes rouges, grises ou jaunes. (Jette voûte comprend à l’intérieur les assises du groupe d’Alet qui viennent au jour par de vastes échancrures que le soulèvement a produites à ses extrémités est et ouest, et sur quelques points de Y extrados. De sorte qu’on peut distinguer à la fois la composition intérieure de la montagne, l’arrangement symétrique de ses'couches extérieures, et apprécier les effets des phénomènes dynamiques qui ont accidenté le tout. Quant à leurs altitudes, les trois étages présentent des différences notables en rapport avec les accidents qui les ont affectés, et avec leur composition minéralogique plus ou moins favorable à leur des- truction. Ainsi le premier étage n’atteint généralement qu’une faible hauteur, au sud de Couiza, et ne se relève qu’avec les marnes du second sur les pentes des montagnes de la Camp et de la Malpère. Les marnes occupent presque toujours les dépressions du sol. Leur base est à 225 mètres près de Couiza, à 173 au bas de Coustouge,a 143 à JVlonze, tandis qu’à Ribaute, sur les bords de l’Orbieu, leur partie su- périeure n’est qu’à 96 mètres. Le troisième étage s’élève, au con- traire, fréquemment. A l’extrémité occidentale du Mont-Alaric au nord de Pradelles, il atteint 503 mètres, puis 595 à l’extrémité opposée au-dessus de Camplong, 279 à la crête supérieure du cirque de la Grasse. Sur la rive gauche de l’Aude, nous l’avons si- - gnalé à 655 mètres au nord-ouest d’Alet, et à 526 sur son prolon- gement méridional en face du Luc. La crête de Cassaigue est à 4 74 mètres, et le village de Rennes à environ 450. 430 SÉANCE I)U 16 MARS 1857. Groupe d'Alet. Les dépôts qui forment la division la plus basse du terrain tertiaire n’avaient pas encore été bien caractérisés ni convenablement groupés, lorsque nous commençâmes à étudier le pays. Réunis à la formation crétacée sur la carte géologique de la France, on les trouve associés tantôt au groupe nummulitique, tantôt aux couches de la craie pro- prement dite. M. Leymerie comprit nos deux groupes sous la teinte jaune de sa carte, ce qui était beaucoup plus rationnel, mais il ne les distingua l’un de l’autre, ni dans le texte de son mémoire ni dans le tableau des terrains qui l’accompagne. Les limites générales de cet ensemble ainsi compris ont d’ailleurs été tracées avec exactitude par ce géologue. De son côté, Tallavignes, après une élude slratigraphique plus détaillée, avait associé à tort l’étage nummulitique inférieur aux marnes rouges, aux calcaires, aux fîoudingues et aux grès sous-ja- cents pour en faire son système alaricien, lequel n’était ainsi fondé ni stratigraphiquement, comme nous venons de le dire, ni paléontolo- giquement, ni pélrographiquement. De plus, n’ayant pas suivi assez loin cet ensemble de couches au sud du massif de transi- tion, il n’avait pu le limiter inférieurement d’une manière exacte, c’est-à-dire établir ses rapports avec les couches crétacées les plus récentes qui existent seulement de cecôté. Nous avons déterminé ce point essentiel en 1853 (1), et plus tard nous avons limité et caractérisé tous les éléments du groupe (2). La seule modification que nous ayons apportée depuis à ce classement, consistait à retrancher, de la partie supérieure, la première assise des marnes rouges et jaunes des bords de l’Aude au-dessous de Couiza, parce que cette assise surmonte les calcaires compactes en plaquettes avec Milliolites, les plus élevés des montagnes d’Alet, et que les roches grisâtres, calcarifères, situées au-dessus de la Pujade et de Gabriel, font partie du troisième étage nummulitique comme ces calcaires à Milliolites eux-mêmes. D’après cela, le groupe d’Alet se compose, dans ces montagnes des bords de l’Aude, des quatre assises sui- vantes, à partir des calcaires du sommet : 4 . Marnes rouges supérieures. 2. Calcaires gris blanchâtre, compactes. 3. Marnes rouges inférieures et poudingues. 4- Grès reposant ici sur le terrain de transition. (4) Bull. Soc. gcol. de France , 2e sér., vol. Xï, p. 4 88, pl. 4, fig. 4,4 854. (2) L 'Institut, 5 sept. 4 855. Mémoire î)E M. d’archîac. 581 Ces assises plongent régulièrement au S. -S.-O. sous le groupe pummulitique des environs de Couiza, pour se relever au delà dans di- verses directions. Cette composition du groupe, dans les escarpements qui bordent la rive gauche de l’Aude, en face de la petite ville d’Alet, est prise pour type à cause de sa netteté et de la facilité avec laquelle on peut l’observer, mais elle n’est pas toujours aussi complète ni aussi régulièrement symétrique. Ses caractères se modifient par la prédo- minance d’un de scs éléments constituants aux dépens des autres. Le plateau à l’ouest d’Alet atteignant 551 mètres d’altitude, et le fond delavalléeoù les grès recouvrent le terrain de transition étant à 180, si l’on estime à 50 mètres l’épaisseur du troisième étage nummuliti- quedu sommet, il reste 321 mètres pour la puissance totale des quatre assises précédentes. Celle de la base en forme à peu près le tiers ; les calcaires ne dépassent pas 25 à 30 mètres, et les deux assises de marnes rouges sont à peu près égales. Le groupe tertiaire inférieur se montre tel que nous venons de le caractériser ou à peu près, dans la partie du bassin de l’Aude com- prise entre Alet et Quillan, s’étendant d’une part à l’est jusqu’au delà d’Arques et de Veraza, entre la Rialsesseet la Valette, de l’autre sur les territoires de Rennes, de Crânes et de Commesourde. C’est à la grande assise inférieure des grès qui couronne les marnes bleues crétacées des environs des Bains de Rennes et de Sougraigne, qu’est dû l’aspect ruiniforme qui contribue à donner au paysage de cette petite région son caractère particulier. A l’ouest, on peut suivre ce groupe par Brenac et Nébias jusqu’à Puivert, Bellesta et au delà. Son redressement, suivant deux lignes parallèles entre Campagne, Couiza et Serres, de même qu’au nord de Quillan, résulte d’accidents locaux qui n’impliquent point une véritable discordance générale avec le groupe suivant. Yu d’un point élevé, tel que le roc isolé qui porte le village de Rennes, on reconnaît que les assises du groupe d’Alet affectent des formes orographiques qui lui sont propres et qui les distinguent avec une grande netteté des roches plus ancienne^ sur lesquelles elles re- posent. Dans l’espace compris entre Saint-Féréol, Granes, Bézu et Jandou se développent de larges ondulations semblables à d’immenses vagues venant du S.-O., dont les bords sont formés par une nappe très régulière de calcaire blanc, partout d’une égale épaisseur, et dont les courbes, légèrement concaves qui relient les divers plans des lames, sont formées par les marnes rouges. Ces nappes, autour de Rennes, sont à Al 9 et 635 mètres d’altitude ; elles atteignent 582 mè- tres à la pointe avancée qui domine Jandou dont la crête étroite et Soc, géol ., 2° série, tome XIV. 31 Æ82 SÉANCE BU 16 MARS 1857. horizontale se trouve à 263 mètres au-dessus de la Sais qui coule à sa base (1). Si l’on porte ses regards au nord, entre les vallées de la Rialsesse et de la Valette, les caractères du paysage sont absolument les mêmes. Les couches s’élèvent à 518 mètres comme au sud, et, à partir de la rive gauche de l’Aude, autour de Brenac, de Nébias et jusqu’aux environs de Bellesta les nappes calcaires blanches , horizontales, bordées de talus rouges très réguliers, simulent fort bien d’immenses lignes de fortification passagère. Les montagnes qui environnent la petite ville de la Grasse appar- tiennent en grande partieà ce groupe; mais les accidents variés qu’on y observe peuvent expliquer l’incertitude et le peu d’accord des des- criptions qu’on en a données. L’assise calcaire principale forme le tiers inférieur du cirque ou mieux de l’amphithéâtre semi-elliptique appelé les côtes de la Grasse . A la Borde-Rouge, un kilomètre au sud de la ville, ces calcaires ont été fortement redressés et s’appuient, au tournant de la route, sur les assises inférieures rouges, tandis qu’en face, sur la rive gauche de l’Orbieu, ils sont restés presque ho- rizontaux, constituant comme de gigantesques tumulus allongés, dé- signés sous le nom d ' Escairedeous. Le massif que ce groupe forme au nord-est, vers la métairie de Lavais, ne dépasse pas 300 mètres d’altitude, de même que celui que parcourt au nord-ouest la route de la Grasse à Pradelles jusqu’à la vallée-des Mattes. On a déjà vu que les brisures occasionnées dans les calcaires du troisième étage nummulitique par le soulèvement du Mont-AIaric, avait fait apparaître le groupe d’Alet en plusieurs points, et particu- lièrement à ses extrémités. Ces grandes déchirures, en amenant au jour les couches tertiaires les plus profondes, ont permis.de re- connaître que, dans cette partiedu bassin, comprise entre la Montagne- Noire et le massif ancien de Monthoumet, aucun sédiment secondaire ne s’était déposé , car la brisure orientale montre les couches rouges d’Alet recouvrant sans intermédiaire les schistes de transition qui s’élèvent encore à plus de 200 mètres au-dessus de la plaine de Mous. Dans cette portion dp la montagne, les calcaires ont pris un grand développement aux dépens des roches arénacées et argileuses. Nous avions pensé que le groupe d’Alet se prolongeait à l’est d’Al- bas pour joindre le grand escarpement si pittoresque de l’ermitage de Saint-Victor qui domine la rive gauche de la Berre, à l’ouest de (I ) Voyez la coupe des environs des Bains de Rennes, Bull. , 2e vol. XI, p. 186, pl, 1, fig. 1, 1854. ser. MÉMOIRE DE M. ü’aRCHIAC. Zi83 Glêon. Nous avions observé aussi les calcaires compactes, gris de fumée, traversés de veines spathiques, de la fontaine de Fonjoncouze, les calcaires compactes, noirâtres, à débris de coquilles d’eau douce de la gorge des moulins au nord-est de ce village, la grande assise de cal- caires rouges, panachés de bleu, schistoïdes et les calcaires compactes sans fossiles qui, se profilant au nord, viennent expirer dans la plaine de Thézan, mais nous avions conservé, sur les vrais rapports de ces grandes masses, une incertitude que les recherches ultérieures de M. Noguès ont en partie fait cesser, et nous sommes aujourd’hui porté à regarder le tout comme représentant le bord oriental du groupe qui nous occupe. Ges calcaires atteignent 386 mètres d’altitude au sud de l’ermitage de Saint-Victor, 3^8 au Pech de la Selve, entre ce point etDones, 370 à l’ouest de ce village, et les calcaires de Thézan, qui en sont le prolongement, disparaissent sous la plaine à 125 ou 130 mètres. Bien que les rapports straîigraphiques de cette dernière région soient encore entourés de quelque obscurité, on peut juger que la puissance du groupe y est aussi considérable que partout ailleurs, et que sa composition, quoique peu différente, prise dans son en- semble, n’offre plus cependant cette symétrie dans la position rela- tive de ses éléments constituants qui nous avait frappé à l’ouest * d’Alet, à Quillan et à Bellesta. Les assises calcaires sont plus multi- pliées, et les causes qui ont fait varier la nature des sédiments ont plus souvent changé. Du reste, on observe partout la même rareté de données paléontologiques précises, et l’on serait tenté d’y voir plutôt des dépôts d’origine d’eau douce, et quelquefois torrentielle, que des sédiments formés sous les eaux de la mer. Nous avons fait remarquer ailleurs (1) combien le groupe tertiaire le plus ancien ou sous- nummuli tique était constant, non-seulement dans le nord-ouest de l’Europe et aux pieds des Pyrénées, mais en- core dans toute la zone nummulilique orientale. Une partie de ces analogies se retrouve dans le département des Bouches-du-Rhône, et particulièrement dans le bassin d’Aix (2), où existent l’horizon du groupe lacustre et celui du groupe d’Alet (groupe des lignites). Quant au groupe nummulitique intermédiaire (3), il y serait repré- senté par le système des couches rouges. (1) Histoire des progrès de la géologie , vol. III, p. 220, 1850. — » Description des animaux fossiles du groupe nummulitique de l'Inde , p. 77. 1853. (2) Histoire des progrès de la géologie, vol. II, p. 724-729, 1 849. (3) Nous avons dit [Hist. des progrès de la géol . , vol. II, p. 747, 1849), qu’en plaçant les gypsesd’ Aixsur l’horizon de ceux du bassin de SÉANCE DU 16 MAltS 1857. m Le terrain tertiaire inférieur du bassin de l’Aude, tel que nous venons de le caractériser et de le diviser en trois parties principales, permet et oblige même de supprimer de la nomenclature générale, et comme n’étant plus justifiée, la dénomination de système épicré- tacé , proposée par M. Leymerie, ainsi que celles de systèmes ibêrien et alaricien , proposées par Tallavignes. En effet, ce ne sont que des doubles emplois, car ces divisions correspondent, aussi exactement qu’on pouvait s’v attendre à une telle distance, avec celles du terrain tertiaire inférieur du nord de la France, delà Belgique et de l’Angle” terre. Ainsi notre groupe lacustre avec ses Lophiodon , ses Paléothé- rium, ses coquilles, ses poissons et ses plantes exclusivement fluviatiles et terrestres, ses bancs de gypse et de marnes gvpseuses subordonnés, se trouve parallèle au groupe du calcaire lacustre moyen du bassin de la Seine tel que nous l’avons limité (1); les trois étages du groupe nummulitique représentent les sables et grès moyens , le calcaire grossière tles lits coquilliers du Soisscnnais, enfin, le groupe d’Alet correspond, dans le bassin de la Seine, à l’ensemble des assises marines, fluvio-marines et lacustres comprises entre l’horizon de la Neritina Schmideliana et de la Nummulites planulata , et le calcaire pisoli- thique ou la craie supérieure; en Angleterre, aux couches de Bognor, à la série de Woolwich et aux sables de Thanet ; en Belgique au système lanclenien, (Dumont), etc. la Seine, on était conduit à mettre l’étage des couches rouges, panachées, sableuses, argileuses ou détritiques avec les sables moyens et le calcaire grossier du nord, et à regarder le groupe des lignites qui est dessous, comme synchronique de celui des sables inférieurs. Cette présomption se trouve appuyée par les observations que nous a communiquées M. le marquis de Boys, qui considère les couches rouges de la Pro- vence, placées entre les lignites et les gypses, comme représentant le groupe nummulitique tel que nous le comprenons aujourd’hui. Ces couches rouges existent, dit-il, dans le département du Gard. Ce sont des assises puissantes de poudingues à la base, puis des argiles et des calcaires marneux. Dans l’ancien lac d’Alais, dans les tranchées du chemin de fer, à Ners et aux enviions près de Saint-Hippolyte-de- Caton, elles sont recouvertes par l’étage des gypses d’Aix. Il y a un petit lambeau de ces mêmes marnes, entre le Pic d’ Aiguilles près du confluent du Gardon et le pont de Vie Blanche , sur la route de Beau- caire et de Nîmes, où la superposition discordante des trois formations tertiaires peut être observée. ( 1 ) Bull. Soc. géol. de France, 1resér., vol. N,'p. 172, 1839» — Descri pt. géol, du départ, de l'Aisne , p. 73, 1843» — Hist, des progrès de la géologie , vol. II, p, 447, 1849, MÉMOIRE DE M. d’aRCIIIàC. 485 TERRAIN SECONDAIRE. FORMATION CRÉTACÉE. Les dépôts secondaires ne se montrent que dans les parties orien- tale et méridionale de notre Carte ; ils manquent complètement au centre, au nord et à l’ouest. Ils n’ont jamais existé au nord du massif de Monthoumet, ni à l’ouest de la chaîne de Fontfroide et des collines de Boutenac, puisque les affleurements du terrain de transition au Mont-Alaric et à Pellat, sont immédiatement recouverts par le groupe d’Alet, et que, sur les pentes de la Montagne-Noire, les couches ter- tiaires inférieures reposent sur les roches cristallines. En 1822, de Charpentier comprenait, sous le nom de terrain du calcaire alpin et du calcaire du Jura , toute la région des Corbières proprement dites, avec le massif de transition de Monthoumet, et, sous celui de terrain de transition , les chaînes secondaires de Saint- Antoine et de Lesquerde , avec la vallée qu’elles comprennent, depuis Eslagel jusqu’à Bellesla. C’est à Dufrénoy que l’on doit l’importante rectification d’avoir en 1830 placé tout ce dernier système de couches dans la forma- tion crétacée inférieure , ainsi que celui qui, des environs d’Estagel, s’étend au nord-est jusqu’à l’extrémité de la Glape. En 1841, ce savant y rapportait aussi toute la chaîne de Fontfroide, ainsi que ses appendices, et, sur la Carte géologique de la France, étendant la teinte verte dans les vallées de l’Orbieu et du Rabe, il regardait par conséquent comme du même âge certaines parties du groupe d’Alet et même des couches nummuliliques moyennes. Toutes les assises crétacées plus récentes situées au sud, entre le massif de transition et la chaîne de Saint-Antoine, étaient confondues sous la même teinte verte, tandis que la région des Corbières, au nord de ce même massif, comme les collines de Boutenac, au nord-est, c’est-à- dire les poudingues des plateaux, le groupe nummulitique, celui d’Alet et une portion de la craie supérieure, étaient coloriés en jaune, teinte consacrée à la craie blanche et à la craie supérieure. En 1846, 31. Leymerie apporta, dans le groupement et la distri- bution des roches tertiaires inférieures et crétacées, des modifications importantes qui n’ont pas été assez appréciées, ou que peut-être l’auteur n’a pas fait assez ressortir. Il réunit sous une même teinte, ainsi que nous l’avons dit, les groupes nummulitique et d’Alet, puis, sous une autre, toutes les couches crétacées, c’est-à-dire qu’il établit la coupe générale la plus rationnelle qu’on pût faire alors, et les limites de ces deux divisions furent tracées avec une remarquable exactitude. 486 SÉANCE DU 16 MARS 18Ô7. Nous avons fait connaître, en 1854, !a série des couches crétacées des environs des Bains-de-Rennes, et montré quelle était la répar- tition des diverses faunes, depuis les bancs à Exogyra columba , qui reposent sur le terrain de transition jusqu’aux marnes bleues supérieures que recouvre le grès tertiaire d’Alet, En 1855, nous avons désigné cette série, qui constitue les montagnes depuis les Bains jusqu’à Soulatge et au delà, ainsi que le flanc occidental de la chaîne de Fonîfroide et les collines de Boutenac, sous le nom de formation crétacée supérieure , tandis que nous comprenions sous celle de formation crétacée inférieure , tout le reste des couches de la même période, situées dans les parties orientale et méridionale de notre Carte. Nous continuerons à faire usage de ces dénominations, non-seule- ment parce qu’elles sont commodes, mais encore parce qu’elles sont l’expression la plus exacte des faits. Rien n’est plus tranché que les caractères slratigraphiques, pélrographiques et paléontologiques de ces deux divisions , et leurs différences sont telles que si l’on ne considérait que cette région, on pourrait les regarder comme les types de deux terrains séparés par un laps de temps énorme. Leur discordance constante est en effet beaucoup plus prononcée que celle qu’on pourrait observer entre les assises crétacées supérieures et le grès de Carcassonne. Nous allons les décrire successivement. Formation crétacée supérieure . On vient de voir que les couches rapportées à cette première division occupaient deux régions distinctes fort éloignées l’une de l’autre : celle du nord-est, comprenant le versant occidental de la chaîne de Fontfroide, les collines de Boutenac, de Gasparet, etc.; celle du sud, le massif des montagnes des Bains-de-Rennes, de Sougraigne et de Soulatge. Les différences qu’on remarque entre ces deux régions sont presque aussi prononcées que celles qui séparent les séries crétacées supérieure et inférieure, mais cette circonstance s’accorde avec la difficulté de retrouver aujourd’hui les points par lesquels pouvaient communiquer les eaux où leurs dépôts se sont formés. Nous commencerons par la région du sud comme étant la plus complète; nous y avons établi les quatre étages suivants : Marnes bleues supérieures. 2. Grès, marnes et premier niveau de rudistes. ^ ( Couches à échinides. f Second niveau de rudistes, etc. 4. Calcaires à Exogyra columba , Orbitolites concava , etc. , et grès. MÉMOIRE 1>E M. d’àRCHIÀC. 487 Considérés dans leur ensemble, ils constituent une zone allongée de l’E. à l’O., des environs de Montgaillard et de Roufiac jusqu’à la rive gauche de la Sais, en face du village de Cassaigne, sur une longueur de 5 lieues et une largeur de 2 au plus. Les couches plongent généralement au S. ou au S. -S. -O., sous un angle d’autaut plus grand qu’elles sont plus anciennes et plus voisines du terrain de transition contre lequel elles s’appuient. Elles disparaissent à i’ouest sous le groupe tertiaire d’Alet ; au sud et à l’est, elles viennent butter contre les couches redressées de la formation infé- rieure, courant aussi généralement Ë. , O. Sur la iimile nord de la zone, à la métairie de Lauzadel, à quel- ques centaines de mètres des schistes de transition, ces couches crétacées atteignent 641 mètres d’altitude, et 760 aux environs de Fourtou, tandis qu’au sud, non loin de leur contact avec la forma- tion inférieure, elles ne sont qu’à 309 mètres (Roufiac)' 416 (Son- ia tge) et 465 (Bugarach). Les marnes bleues, à la jonction de la Sais et du ruisseau de Sougraine, sont à 319 mètres. Premier étage. — Les marnes bleues supérieures que nous avons décrites (1) remontent à partir de ce dernier point dans la vallée de Sougraigne, et occupent tous ses talus inférieurs où elles ont été déran- gées par plusieurs failles. Elles forment aussi la partie supérieure de l’escarpement au nord-ouest du village, portent ce dernier, et se prolongent jusqu’aux Clamens, presque toujours recouvertes par les grès d’Alet. Si l'on remonte la Sais jusqu’à la Ferrière, on reconnaît que cet étage a participé au soulèvement en voûte qui s’est produit en cet endroit. 11 plonge fortement au N. vers la métairie de la Mille, et au delà du Moulin, sur le versant opposé, il incline en sens inverse. Nous renvoyons le lecteur au mémoire précité pour les caractères de la faune de cette première division de la craie. Deuxième étage . — De nouvelles observations nous ont fait ap- porter quelques changements dans la manière de composer cet étage ainsi que le suivant. Dans la coupe des bords de la Sais, au sud du village des Bains, viennent, sous les marnes bleues précédentes, des bancs minces de grès, de marnes et de psammites alternant, d’une épaisseur totale de 16 à 18 mètres, et plongeant au S. avec une inclinaison exceptionnelle de 45 degrés, puis une assise de cal- caires, de grès caicarifères et de marnes grises de 10 à 12 mètres, le tout sans fossiles ou à peu près. À l’est de ce point, dans le ravin de la Borde-Nove, à gauche du chemin de Sougraigne, ces (1) Bull, Soc. géoL de France, 2®sér. , vol. XI, p. 1 85, pl. 1 , I 854. SÉANCE DU 16 MARS 1857. âS8 deux petites séries de couches occupent la meme position par rapport aux marnes bleues, et reposent aussi, comme au-dessus des Bains, sur les couches à échinides de l’étage suivant. Au delà elles cessent de se montrer, et celles que nous allons placer au même niveau sont entièrement différentes. Ces dernières sont aussi riches en fossiles que les premières étaient pauvres, et le passage des unes et des autres dans le sens horizontal reste encore à déterminer. Si à partir des Bains-de-Uennes on se dirige à l’E. , en traversant le plateau accidenté que forment exclusivement les couches à échi- nides plongeant au S. -O., on atteint, à environ 3 kilomètres, une montagne qui se profile assez nettement comme un massif isolé de trois côtés, et incliné au S.-O. sous un angle de 25 degrés. Elle est connue dans le pays sous le nom de Montagne des Cornes , à cause de l’immense quantité d’Hippurites et de Radiolites dont ses couches supérieures sont presque entièrement composées, et qui lui ont valu une certaine célébrité. Visitée depuis Picot -Lapeyrouse jusqu’à ces derniers temps par tous les naturalistes qui ont parcouru les Corbières, nous ne sachions pas qu’aucun d’eux ait fait con- naître ses rapports slratigraphiques ; mais il y a plus, c’est que plusieurs paléontologistes ont raisonné théoriquement sur les fossiles qu'on y trouve, sans se préoccuper le moins du monde de la place que ses couches occupent dans la série crétacée du pays. Celle dé- terminationà la vérité ne pouvait pas être faite directement, du moins en partie, parce que la grande assise à rudistes, qui forme le plan supérieur incliné de la montagne, n’est pas recouverte, et que des failles semblent l’isoler de trois côtés. On peut reconnaître cependant au premier abord que la plus grande portion de sa masse est supérieure à l’étage des échinides qui constitue ie plateau à l’ouest, de même que les talus qui s’abaissent au S. vers la Borde-Nove. La première assise que l’on rencontre en gravissant la montagne du côté de l’ouest, par le sentier qui vient des Bains, est un calcaire marneux, gris jaunâtre, tendre, friable, caractérisé par de nombreux fossiles et surtout par des poly- piers bien conservés ( Trochosmilia patula , Placosmilia arcuata , Pachygyra labyrinthica} Cyclolites kemisphærica , Astrœa Delcro - siana ?, .4. formas i ssima , ramosa , octolamellosa , decaphylla , Meandrina radiai a, Pyrina atacica , baguettes de Cidaris, Nucula voisine de la N. Renanxiana , valves isolées et parfaitement conser- vées d 'Hippurites bioculata, De/phinula, nov. sp., etc.). En continuant à s’avancer obliquement sur le versant sud, on atteint un ravin assez profond, dirigé au S. E., et ouvert dans de3 marnes sableuses, grises, renfermant des bancs de grès subordonnés MÉMOIRE DE M. d’aRCHIAC. ÙSÛ et recouverts, à l’origine du ravin, au-dessous du sentier, par un calcaire gris de cendre, très dur, avec grains de quartz, et de petits cail- loux blanc-laiteux de cette substance. Sur celte roche vient un cal- caire brunâtre, taché de jaune, rempli de Bulimina, de Globigerina et d’autres petits rhizopodes, puis la série des calcaires à rudisles, grisâtres, plus ou moins durs, plus ou moins compactes ou grossiers, fragiles, d’une épaisseur totale de 15 à 18 mètres, constituant le plan incliné de la montagne, et présentant lenr tranche au N., au N.-E.-et au N. -O. Outre la plupart des polypiers précédents, on y trouve, mais moins bien conservés, les Cyclolites ellip - tica et rugosa , Rhipidogyra Martiniana , Synastrœa corbarica , Meandrina pyrenaica , ataciana , Actinocœnia compressa, les Bip - parités cornu -vaccinum, organisons , bioculata , dilatata, sulcata , la Sphœrulites angeiodes ( Radiolites , id. , rotularis et ventricosa , Lam.), Caprinula Boissyi, Pecten quadricostatus, Exogxyra conica, Natica Matheroniana, etc. De la disposition particulière que nous venons d’indiquer, il semble donc résulter que celte grande assise de rudisles occupe ici la partie supérieure du second étage, et qu’elle doit être regardée comme étant placée entre les marnes bleues et les couches à échi- nides. Sa position actuelle peut être attribuée à deux failles : l’une au sud-ouest vers le pied de la montagne, puisque les couches à échinides et toute la série au-dessus se retrouvent lorsqu’on des- cend à la Borde-Nove, et l’autre au sud-est, marquée par l’excava- tion profonde qui sépare la Montagne des Cornes de celle du Clouet. Il faut supposer, en outre, qu’à cause de leur nature même les marnes bleues qui devaient recouvrir l’assise des rudisles auront été complètement dénudées après le soulèvement, ou bien que cette der- nière, élevée par un mouvement local au-dessus du niveau des eaux, n’a jamais été recouverte en cet endroit par les marnes, comme cela a eu lieu sur son prolongement à l’est, dans la collinede Sougraigne. En effet, dans la coupe de celte dernière localité, on trouve, sous l’es- carpement supérieur des marnes bleues, un calcaire gris, noduleux, très dur, ayant tous les caractères de celui de la montagne des Cornes et renfermant les mêmes rudisles ; seulement il est ici réduit à 2 mètres d’épaisseur, et la couche sous-jacente de marne grise, remplie des polypiers, que nous avons signalée dans la même position, n’a que 1 mètre. Plus à l’est, à la métairiede Linas, on trouve encore, au-dessus du troisième étage, un rudiment de celui-ci, remarquable par la grande quantité de polypiers qu’il renferme et qui devaient constituer en cet endroit un véritable récif (Astrœa lamellosissima , striata , aga - SÉANCE DU 16 MARS 1857. 490 ricites et 5 ou 6 autres espèces, Dendrophyllia breuicaulis , Phyllo- cœnia , nov. sp., etc.). Un peu au delà on atteint i’assise des rudistes plongeant au S., mais toujours peu épaisse. Ainsi les deux premiers étages, si parfaitement distincts et carac- térisés par leurs roches, leurs fossiles et leur épaisseur dans la petite région des Bains-de Rennes, sur les bords de la Sais et du ruisseau de Sougraigne, n’ont en réalité qu’un très faible développe- ment horizontal, et l’abondance des polypiers, particulièrement des Astrées et des Méandrines, marque la base du second comme l’accu- mulation des rudistes sa partie supérieure. Troisième étage. — Le troisième étage, tel que nous le considérons aujourd’hui, est plus épais, plus complexe et s’étend beaucoup plus loin que les précédents. Nous y réunissons des couches assez diffé- rentes au premier abord, lorsqu’on les considère isolément, mais qui n’occupent pas dans l’ensemble une place assez constante et ne pré- sentent pas une association de fossiles assez bien caractérisés pour qu'elles constituent des horizons géologiques distincts. Il comprend les assises 8 à 13 de la coupe de la vallée de la Sais, les n • \k et 15 de celle que nous avons donnée en 185A, devant être supprimés. Nous établirons actuellement dans cette série deux sous-étages mo- tivés sur la constance des caractères pétrographiques, celle de cer- tains fossiles et surtout des échinides dans la parti;' supérieure, puis au contraire par la variété des roches et la répartition généralement moins constante des corps organisés dans l’inférieure. Sous-étage supérieur. — La roche dominante du premier sous- étage, qui dans la vallée des Bains succède régulièrement aux marnes grises et aux calcaires gris marneux, est grisâtre, jaunâtre ou bru- nâtre, peu solide, plus ou moins tendre, composée d’argile, de sable siliceux, de calcaire et de mica blanc. Elle passe suivant la prédomi- nance de l’un ou de l’autre de ces éléments, au grès, au psammite, au calcaire ou à la marne, tout en conservant néanmoins un certain aspect général qui la fait reconnaître de suite. La cassure est toujours terreuse; sa structure, souvent schistoïde, est quelquefois noduîeuse. Ces roches constituent d’abord le petit plateau auquel est adossé, à l’ouest ou sur la rive gauche de la Sais, une partie du village des Bains, et qui se prolonge au nord-ouest jusqu’au bord de la rivière en face de Cassaignes. Elles forment également tout le plateau ondulé à l’est des Bains, sur la rive opposée, entre le village et Montferran au nord-est, le pied de la Montagne-des-Cornes à l’est, et au sud-est les buttes qui en descendent vers ht Borde-Nove. Dans celles-ci abon- dent particulièrement les fossiles les plus caractéristiques de cet horizon ( Micraster Matheroni , brevis (id. var. gibbus ), cortestudina- MÉMOIRE DE M. d’aRCHIAC. 491 riunriy Echinocorys vulgaris , Holaster integer, Spondylus spinosus, Cyprina Boissyi , Pecten quadricostatus, Terebratula difformis, Natica , voisine de la N. bulimoides). La coupe que nous donnons des environs de Sougraigne, dans ses assises 4 à 12, représente, à ce qu’il semble, tout l’étage mais avec une variété de roches et de fossiles que nous ne retrouvons nulle part, et cette autre particularité que les échinides, si con- stants ailleurs, y manquent presque complètement. Les polypiers, les gastéropodes, les acéphales y sont répandus à profusion dans certains bancs. Les espèces suivantes sont les plus fréquentes dans l’assise ne U, qui succède immédiatement aux marnes à polypiers et aux cal- caires à rudistes précédents : Cyclolites hemisphœrica , Placos - milia rudis (P. Parkinsoni ), arcuata , Trochosmilia compta- nata, des Astrées, des Méandrines, des spongiaires, des Natices, mais très peu d’acéphales. Les fossiles de l’assise n° 8 sont plus variés, mais présentent un certain nombre d’espèces communes avec les marnes bleues supérieures. Au sud delà chaîne qui sépare Sougraigne de Bugarach, ce sous- étage occupe toute la vallée, à partir du versant méridional de la voûte de la Ferrière, depuis la Vialasse jusqu’au village de Bugarach, qui est bâti dessus ; mais il est caractérisé de nouveau par l’abondance des échinides, quelques Ammonites et le Spondylus spinosus . Il en est de même de ce point jusqu’à la métairie de Linas, où l’assise à poly- piers le surmonte comme à la 3îontagne-des-Cornes. Au-delà de la ligne de partage des eaux de l’Aude et de l’Agly, dans la plaine de Soulatge et à Kouffiac, les assises à échinides sont toujours très développées et plongent fortement au 5. Aux environs de Padern , à en juger d’après les fossiles que nous devons à M. Noguès, les mêmes couches doivent se poursuivre jusque près des pentes inférieures du Mont-ïauch. Sous - étage inférieur . — Les assises de ce second sous-étage sont plus variées que celles du précédent; elles comprennent les noi 9 à 13 de notre ancienne coupe, comme le montrent les fig. 3 et 1 prises de chaque côté de la Sais à la sortie des Bains. Ces assises constituent les bords et le lit de la rivière jusqu’au-delà de l’établissement des Bains-doux, et se prolongent au nord-ouest comme les précédentes. Lorsqu’on se dirige vers Montferran, elles sortent de dessous les couches à échinides en montant au village, où elles constituent des calcaires durs, schistoïdes, gris ou gris jaunâtre. Les grès jaunes qui portent les maisons, font partie du quatrième étage. Au delà, sur le chemin de Crousil, un calcaire brun jaunâtre, très dur, à surface noduleuse et un calcaire gris de cendre subcompacte, SÉANCE DU 16 MARS 1857. A 92 sont remplis de Bulimina et d nGuttulina. Si l’on continue h suivre vers l’est la limite des couches crétacées et du terrain de transition, on voit les métairies de la Bernousse, de Lausadel, des Peyramus et du Fort qui couronnent des promontoires avancés vers le N., et composés de calcaires gris plongeant régulièrement au S. Ces cal- caires sont séparés des schistes paléozoïques par des sables et des grès du quatrième étage. Autour des Clamens et des (Hausses, les cal- caires gris, noduleux, plongent presque circulairement vers le fond de la vallée, surmontés de calcaires bruns, noduleux* recouverts à leur tour par les couches à échinides, auxquels succèdent les marnes bleues supérieures de Sougraigne, et enfin les grès tertiaires d’Alet derrière ce village. Sur le chemin des Bains-de-Rennes à Bugarach, entre la Vialasse et la métairie de Laferrière, la Sais coule au fond d’une gorge étroite dont les parois coupées à pic présentent une voûte parfaitement ré- gulière, de 150 à 160 mètres de rayon, composée de couches con- centriques du troisième étage que le soulèvement a fait surgir au milieu des grès tertiaires et des marnes bleues. Vers le milieu de la voûte, le sentier de la rive droite est tracé sur un baneexelusivement formé d’ H ippurites organisons placées verticalement, les unes contre les autres, comme à la Montagne-des-Cornes, mais appartenant ici au second niveaude rudistes. Lcsoulèvementdirigé, E.-N.-E. , O. -S. -O., se rattache à la voûte du grand escarpement de Sougraigne dont il marque l’extrémité occidentale. Le phénomène s’est ici manifesté d’une manière plus régulière, mais sur une moindre échelle. En face de Sougraigne il est plus difficile à comprendre, et présente une certaine analogie avec ce que l’on voit sur le versant nord du Mont-Alaric, car les marnes bleues plongent vers les calcaires redressés presque verticalement. Comme le premier, ce second sous-étage se continue à l’est de Bugarach. Quatrième étage. Nous réunissons dans celte division toutes les assises qui, commençant un peu au-dessous des Bains-doux , dans la coupe de la vallée de la Sais, se développent jusqu’au contact du ter- rain de transition, où elles sont caractérisées par YExogyra columba , le Pecten quinque-costatus , X Exogyra flabellata, YOstrea carinata , une Caprine, des Alvéolines, etc. Nous y rapportons les grès et les sables ferrugineux qui s’observent constamment à la limite du ter- rain de transition, depuis .Ylontferran jusqu’à Fourtou, et nous re- gardons comme en faisant essentiellement partie la couche qui, au pass de Capela , sur le sentier de Linas, aux sources salées, couronne le grand escarpement calcaire du Roc de Balesou. La roche grisâtre est composée d 'Orbitolites concava et conica mélangées d’un peu de MÉMOIRE DE M. d’àRCÎIIAC. A93 sable marneux, l a présence de ces divers fossiles à la base de la for- mation crétacée supérieure de ce pays, nous permet d’y voir un re- présentant du quatrième étage du sud-ouest de la France. Région crétacée supérieure du nord-est. Cette division géogra- phique qui occupe une partie du petit bassin de l’Ausson, diffère de celle du sud par tous ses caractères. Les roches arénacées y régnent presque exclusivement ; les bancs calcaires ou marneux n’y sont que des accidents locaux, et les rapports stratigraphiques des uns et des autres, avec les dépôts tertiaires* avec les roches crétacées infé- rieures et même avec celles du lias nous laissent encore quelque in- certitude. Dans les collines du versant occidental de la chaîne de Fontfroide, nous y avons trouvé d’assez nombreux fossiles, tandis que dans celles de Boulenac, sur la rive gauche d* l’Ausson, les roches exclusivement arénacées ne nous en ont point offert. Cette région est limitée au nord et à l’est par des couches plus anciennes crétacées ou jurassiques, et à l’ouest par des dépôts tertiaires, sous lesquels nous avons dit que les strates qui la composent ne pou- vaient s’étendre qu’à une faible distance. Knire Saint-Martin et Saint-Pierre, à gauche de la route de Nar- bonne à la Grasse, on voit un système de couches d’environ 500 mè- tres d’épaisseur, composé de grès bruns ferrugineux, de poudingues rouges, de psammites gris et rouges, et de calcaires gris ou blanchâ- tres remplis de Sphérulites, d’Hippurites et de Radioliles. Ce sys- tème plonge d’abord de 80° et insensiblement de 30 à 35° à l’E., en s’appuyant contre les calcaires néocomiens. La répétition des calcaires à rudistes qui alternent jusqu’à neuf fois avec les grès ou psammites, dans le vallon même de Fontfroide, le long du ruisseau, en face de l’abbaye, est un exemple remarquable de la récurrence et de la per- sistance de certains types organiques sur le même point pendant un long espace de temps. Cette série constitue aussi la colline du vieux château de Saint-Martin où, sous les couches à rudistes, un psam- mite gris brun est pétri de fossiles ( Cerithium Lujani , Pecten Du - jardini , Cardium , Lima voisine de la L. Reichenbachi, Arcopagia, Modiole, Trigonie, Huîtres, etc). A l’ouest de la grande route, une série de buttes coniques qui s’étendent depuis La Grange et le Jardin de Saint-Julien versQuilha- net et Bizanet, et dont les couches plongent à l’O. , sont les témoins du grand développement du système arénacé qui vient se rattacher à la base de la colline de Saint-Martin et de celles du vallon de Font- froide. Boutenac est situé au milieu de coteaux exclusivement com- posés de psammites gris, brunâtres, rougeâtrês ou jaunâtres. Sous le village affleurent des marnes lie de vin, panachées de gris et de SÉANCE DU Î6 M4RS 4857. hoii jaune, et vers l’O. succèdent de nouveau les psammites gris ou très ferrugineux plongeant à l’E. -S.-E. Ceux-ci reposent, à moitié che- min de Villerouge, sur des calcaires gris bleuâtre, compactes, à Pen- tacrines, des calcaires magnésiens terreux et une dolomie grise nacrée, cristalline, également secondaire. Toutes les couches crétacées qui constituent cette région du nord- est nous paraissent représenter les étages 2 et 3 de la région du sud ou des montagnes des Bains-de-Rennes à Soulatge, car nous n’y trou- vons aucun fossile qui rappelle la faune des marnes bleues ni celle du quatrième étage, tandis que les rudistes sont ceux qui appartien- nent aux deux divisions intermédiaires. Les altitudes de ces grandes assises arénacées, toujours plus ou moins inclinées à l’E. ou au N. -O., sont d’ailleurs assez faibles. Ainsi la butte du château de Saint-Martin, qui en donne une coupe assez complète, n’atteint que 159 mètres. Son élévation au-dessus de la Vitarelle, surla roule qui passeau bas, est de 93 mètres. Le pointle plus élevé des collines de Boutenac, au-dessus des Olieux esta 19A mètres. Formation crétacée inférieure . Les couches qui appartiennent à la formation crétacée inférieure de ce pays occupent presqu’à elles seules les portions orientale et méridionale de notre carte, constituant d’abord plus des deux tiers du massif de la Clape, puis quelques parties delà chaîne deFontfroide, celles de Montpezat, de Perillous, le plan d’Opoulset de Fitou comme le rameau de Tautavel. Elles forment au sud la chaîne de Saint- Antoine-de-Galamus avec toutes ses ramifications, celle de Lesquerde et d’Âyguebonne avec ses prolongements à l’ouest autour de Quillan, d’Axat, de Beliesla, etc. Nous avons rangé ces couches dans deux étages représentés chacun par une teinte particulière. Nous avions d’abord rapporté le premier aux calcaires à Caprotines de la Provence, et le second à l’étage néocomien inférieur du même pays, mais si ces rapprochements nous laissent encore quelque incer- titude à cause des fossiles, sujet que nous aurons occasion de traiter avec toute l’attention qu’ii mérite, la séparation de ces deux étages, dans le pays que nous décrivons, et bien au delà , dans les départements de l’Ariége et de la Haute-Garonne, est on ne peut mieux justifiée. La constance des caractères pétrographiques propres à chacun d’eux est un des faits les plus frappants de la géologie de cette con- trée. Cette circonstance, jointe à leur discordance complète avec les assises crétacées supérieures, à leurs formes orographiques et à l’as- pect qu’elles impriment aux paysages de ces montagnes, enfin à leur MÉMOIRE de m. d'archiac. 495 développement progressif à mesure qu’on s’avance de l’E. à l’0., donne à leur étude un intérêt tout particulier. Nous désignerons l’un sous le nom de calcaires compactes ou calcaires à Caprotines (1), l’autre sous celui de marnes et calcaires néocomiens. Nous les décri- rons simultanément en nous dirigeant de l’E. à PO., et en commen- çant par le massif de la Clape. Massif de la Clape. — Excepté sur son versant occidental, à partir d’une ligne tirée de la Ricardelle à Fleury, le massif monta- gneux de la Clape est exclusivement formé par ces deux étages. Les parties les plus élevées appartiennent aux calcaires compactes ou à Caprotines, les pentes et le fond des vallées aux assises de l’étage inférieur. Les premiers constituent une sorte de revêtement, de 1 8 à 20 mètres d’épaisseur, fendillé, coupé carrément, ou terminant la partie supérieure des vallées par des murailles verticales, quelquefois surplombantes. Ils ne forment ainsi qu’une vaste assise homogène de calcaire gris, plus ou moins foncé, d’un aspect très uniforme, et plongeant généralement à l’O. -- N. -O. L’étage inférieur présente trois assises ordinairement assez dis- tinctes : l’une, qui succède immédiatement au précédent , comprend des calcaires très marneux, jaunes, peu solides, dont l’épaisseur ne dépasse pas 5 à 6 mètres (île de Saint-Martin, cimetière de Gruissan, col du Capitoul, Albigarou au sud, et Saint-Pierre-de-mer au nord, et ren- ferme particulièrement : Salenia prestensis , Echinospatagus Ley~ merianus , E. voisin du cor di for mis, Panopœa Prevostip Corbis cordiformisj Terebratula sella , var. lata , Pliculata placunœa ; l’autre, d’environ 50 mètres, est composée de calcaires gris, schistoïdes ou se délitant en plaquettes, assez durs, remplis d 'Orbitolina conoi- dea. Enfin l’assise inférieure, d’une puissance à peu près égale, est formée de marnes grises, schistoïdes, avec de nombreux lits subor- donnés de nodules endurcis, l’un calcaire marneux très tenace, gris, plus ou moins foncé. Ces trois assises sont parfaitement concordantes entre elles et avec les calcaires compactes ou à Caprotmes qui les sur- montent. Par suite de l’inclinaison générale à l’O., elles forment à elles seules les collines qui longent la côte au nord de Gruissan (El- depal, Quaintaine, Saint-Aubrès, etc ). Les fossiles les plus répandus dans l’assise inférieure sont : Orbitolina conoidea , Echinospatagus Collegni , de formes et de dimensions très variées , Diplopodia ( I) Nous conservons ce nom générique jusqu’à ce que les caractères des coquilles qu’il comprend, ayant été complètement étudiés, les vrais rapports de ces dernières aient pu être définitivement établis. SÉANCE DU 16 MARS 1857. /i96 Malbosii , Pholadomya elongata , Panopœa rostrata , P. Cor - teroni , Corbis cor di for mis , Cardium Cottaldinum , Pecten Ley - meriei , P. interstriatus, Trigonia carinata, Terebratula sella , T. biplicata, var. «cwta (7\ prœlonga ), T7. Moutoniana, P licatula placunœa , Nautilus Requinianus . Les céphalopodes sont rares dans ces couches, mais outre l’abondance des radiaires échinides, on remarquera que les acéphales et les gastéropodes y atteignent des dimensions tout à fait exceptionnelles, entre autres X Exogyra sinuata qui en est le fossile le plus caractéristique. Les deux étages néocomiens conservent une identité parfaite dans leurs caractères sur tous les points de la Clapc et des îles qui en dépendent ; mais, par suite de la différence des roches qui les com- posent et selon la région où on les observe, ils n’ont pas été partout affectés de la même manière par des dislocations ; ainsi la partie nord du massif a été beaucoup moins dérangée que la partie sud. Les relations des dépôts tertiaires des portions ouest et nord ouest montrent qu’ils ont été soulevés en même temps et par la même cause que les roches secondaires. Les failles principales, dirigées N.-N.-E., S. -S. -O., et d’autres moins étendues, sont postérieures à ces mêmes dépôts qui, nulle part en effet, n’ont pénétré dans les vallées qu’elles ont produites. Le bombement général du massif peut être contemporain de ces failles, et ces divers phénomènes sont ainsi postérieurs aux poudingues, aux marnes et aux calcaires dç la mollasse redressés partout, et plongeant sous les dépôts quaternaires de la plaine de Narbonne. La crête centrale de la Clape, dirigée N.-N.-E., S. -S. -O., et for- mée par les calcaires compactes, atteint sa plus grande altitude vers le milieu de l’ase, au Signal de la Pomarède (210 mètres) et à celui de Pech-Redon (215); elle s’abaisse ensuite au N.-E. et au S. -O. Ainsi le plateau de la Chapelle-des-Auzils est à 1A7 mètres seulement. Dans les collines de Gruissan et de l’île Saint-Martin, où l’inclinaison générale est inverse ou à l’E. , les mêmes calcaires passent sous la mer, tandis qu’au nord ce sont les assises les plus basses du second étage qui bordent la côte. Chaînes orientales. — Cette inclinaison sud-est des couches à partir des îles de Gruissan n’est pas un fait isolé, mais bien le com- mencement d’une disposition très générale qui, sur le prolongement de l’axe de la Clape, se continue au S.-O. jusqu’il l’extrémité mé- ridionale de la crête de Tautavel. C’est par suite du pendage de tout le système au S.-E. ou vers la mer et de son relèvement au N. -O., qu’on voit sortir dans cette dernière direction, de dessous MÊMOIKS ; I)£ SI. D*ÀIlCHUC. 4’9 7 les co ne Les crétacées, les calcaires, ies grès et les dolomies du lias, depuis les environs de Glcon et de Villesèque jusqu’à Donneuve et le château d’Aguilar près Tuchan. Ainsi les calcaires compactes ou à Caprotines constituent le plateau de Monlpezat qui, au-dessus de la métairie de Coumelouvière, atteint Al 7 mètres d’altitude, celui de Courtalneuf que traverse la route de Narbonne à Perpignan; ils couronnent au nord le cirque de Feuilla où ils s’élèvent à 529 mètres, et renferment deux assises de dolomies noires, cristallines et très fétides. Iis forment la crête transverse de Perillous, élevée de 708 mètres à son extrémité orientale, tout le nœud de montagnes du col de Ladal, d’où descendent, en s’abaissant au S. -O. et au S. , les deux crêtes dentelées qui comprennent la vallée de VingrauetdeTaulavel.celle de l’ouest ne dépassant guère 260 mètres, tandis que celle de l’est conserve encore A 95 mètres à son extrémité sud, au pied même de la tour de Tautavel. Le plan d’Opouls et de Filou, incliné vers la mer et la plaine de Uivesalles, a éprouvé, à partir de ces crêtes, de nombreuses brisures qui ont fait affleurer l’étage inférieur au-dessus du château de Mont- pezat, autour de Roquefort, dans la partie nord du cirque de Feuilla, autour de Treilhes, des métairies de Saint-Thoin et de Gipières, dans la plaine d’Opouls, autour du château de Castel-Vieil, etc. Il affecte ici des teintes rougeâtres particulières, tandis que la faille qui a relevé le rocher du château d’Opouls a fait affleurer sur son pour- tour les couches fossilifères de la Clape. Le noyau de la presqu’île de Leucate appartient aux calcaires compactes , souvent à l’état de dolomie noire, cristalline et fétide. Chaînes méridionales. — Dans les vallées du Verdouble, de la Mauri, de l’Agly et de la Boulsanne, comme dans le bassin de Quilian et clans tous les affleurements situés au nord de la chaîné de Saint- Antoine-de-Galamus, l’étage inférieur se compose de schistes et de calcaires impurs , brunâtres ou noirâtres , dont l’aspect rappelle celui de roches fort anciennes, puis de grès subordonnés, bruns ou noirâtres. Il forme les premières collines basses à partir de Pevres- lortes, au sud de Rivesaltes, et bientôt est recouvert, dans le chaînon de Notre-Dame-des-Pennes, par les calcaires gris foncé de l’étage supérieur qui s’abaissent vers Estagel. Près de cette ville, ceux-ci sont blancs, saccharoïdes, légèrement teintés de rose, avec des brèches de même couleur, et des calcaires gris bleuâtre, aussi cristallins. Les uns et les autres, employés comme marbre, plongent au S. -E. de 18 à 20 degrés. L’uniformitédescaraclèreset la grande épaisseur de ces deux éiages se maintiennent dans tous les accidents orographiques qu’on observe Sac. géol,. 2* série , tome XIV. 32 SÉANCE DU 16 MARS 1857. A&8 entre ce point et les montagnes de Quidam La vallée de la Maori (121 mètres), la ligne de partage qui la sépare de î’Agly (267 Eiîètres), la vallée de Saint-Paul, la belle plaine ondulée de Caudiès (328 mètres), si heureusement encadrée par les crêtes calcaires, dentelées de Saint-Antoine (900 à 1015 mètres) et d’Ayguebonne ( 530 à 703 mètres) accusent partout la présence de l’étage inférieur par la teinte noire du sol dépourvu de dépôts quaternaires, par les affleu- rements des schistes foncés et des calcaires subordonnés, comme par les formes toujours mollement arrondies des coteaux. Au sud de la chaîne de Lesquerde, les couches crétacées reposent sur le granité ou sur le terrain de transition. Au nord, les rides pa- rallèles de Saint-Antoine sont encore formées de calcaires à Capro- tines qui deviennent dolomitiques dans le massif imposant du pic de Bugarach (1231 mètres) comme sur d’autres points, et sont séparées par les pentes adoucies des roches noires de l’étage inférieur. La plus sep- tentrionale de ces rides domine le vallon des sources salées de Sou- graigne qui s’échappent de la base des marnes où se trouve subordonné du gypse blanc , rouge et gris verdâtre , accom- pagné d’argiles de teintes également variées, et probablement aussi de sel. M. Vène a donné en 1834 des détails intéressants sur cette localité, et l’on retrouve facilement les couches indiquées dans sa coupe , mais leurs rapports stratigraphiques diffèrent un peu de ceux que nous avons observés. Ce que nous avons dit ailleurs de l’orographie des environs de Quillan, suffit pour en faire comprendre actuellement la composition géologique. Fermé au sud-ouest et au nord par des montagnes de calcaires compactes, qui atteignent 1145, 1286 et 1294 mètres dans la première direction, et 680 seulement dans la seconde, tout l’intérieur du bassin et son côté oriental, même le roc de Bitrague, appartiennent exclusivement à l’étage néocomien, caractérisé toujours par YExogyra sinuata. Au sud des gorges de Pierre-Lis jusqu’à Axât, et même au delà, ce sont des alternances des deux étages dont les couches, coupées à angle droit par la vallée de l’Aude, constituent le sol si accidenté de ce pays. Dans toute cette longue suite de rides calcaires parallèles, allon- gées de l’E. à l’O. comme d’immenses murailles ea partie déman- telées, séparées par des dépressions à fond plus ou moins ondulé, depuis les environs d’Eslagel jusqu’à Beilesta, Foix et au delà, le pendage est généralement au S. ou vers la chaîne des Pyrénées, sous des angles variant de 50° à 90°. Dans l’étage inférieur, qui seul occupe les dépressions, on observe des plissements assez fréquents et des plongements en sens inverse. MÉMOIRE DE M. D ARCHIÀC. àm Résumé. — Les deux étages crétacés inférieurs, étudiés de l’ex- trémité septentrionale de la Clape aux montagnes de Quillan et de Bellesta, sur un développement d’environ 35 lieues, sont donc restés toujours parfaitement distincts l’un de l’autre, comme aussi des étages supérieurs. Mais leur puissance et leurs caractères minéralo- giques éprouvent des modifications notables lorsqu’on s’avance du N.-E: au S. -O., puis à l’O. D’une épaisseur totale d’à peine 200 mètres dans la Clape, ils en atteignent près de 2000 autour de Quillan, et cette épaisseur augmente dans le même rapport pour les deux étages. A peine inclinés et légèrement soulevés dans le premier massif, ils sont redressés jusqu’à la verticale dans le second, où des pics s’élèvent à 129A mètres d’altitude, là où l’étage inférieur affecte presque toujours l’aspect de roches fort anciennes. Dans la Clape l’inclinaison générale est au N. -O. ; à partir des îles de Gruissan elle passe au S.-Ë. jusqu’à Taulavel, puis, d'Estagel à Bellesta, elle est généralement au S. Il résulte de cette disposition que ces étages inférieurs ont été amenés dans leur position actuelle avant le dépôt des couches créta- cées supérieures des montagnes des Bains-de Bennes à Soulatge. Ceux-ci ont été soulevés avec le massif de transition, dans la même direction et avec une inclinaison également au S., mais infiniment moins prononcée que celle des précédents, aussi aucun dépôt crétacé récent ni tertiaire ne s’observe-t-il au sud de Sa chaîne de Saint- Antoine, et la vallée qui s’étend d’Estagel au pied du col de Saint - Louis, comme celles de la Boulsanne et de Quillan, a dû être émergé® pendant la seconde période crétacée et pendant toute l’époque ter- tiaire. Enfin la vallée de Caudiès n’a pas même reçu de dépôt qua- ternaire. FORMATION JURASSIQUE. Nous avons dit (1) que les seuls représentants certains que nous connaissions de la formation jurassique dans l’étendue de notre Carte, appartenaient à l’étage supérieur du lias et à quelques par- ties du second. Il est probable que les grandes assises de dolo- mie et de gypses qui régnent ordinairement au-dessous des cou- ches fossilifères appartiennent à ce dernier. Nous avons publié déjà des détails assez étendus sur ce que nous avions observé jusqu’en 1855, il ne nous reste donc qu’à ajouter ici les principaux faits que nous avons reconnus depuis. (1) Soc. philomatique, 1 5 juillet 1 855. — L 'Institut, 42 sept. 1855. — Histoire des progrès de la géologie, vol. Vï, p. 524 e suiv,, 4 856. 500 SÉANCE DU 46 MARS 1857. La présence d’un lit caractérisé par la Terebratula tetraedra dans ies calcaires noirs d’une carrière ouverte sur le bord de la route, avant le village de Montredon, à l’ouest de Narbonne, jointe aux fos- siles que nous avons indiqués au sud-ouest de ce point, et à ceux que M. Noguès nous a signalés depuis Lastouret jusqu’à Lambert, aux métairies de Treilles, de Saint-Hippolyle, etc., [sur la pente orientale de la chaîne de Fontfroide , nous a engagé à colorier, comme appartenant au lias , toutes les collines de calcaire secon- daire situées au nord de la route de Lézignan, et celles que tra- verse la route de la Grasse jusqu’à Aussiere, s’étendant au nord- ouest vers Saint-Amand, et au sud-est jusqu’à la bande de Las- touret dont nous venons de parler. Nous avons observé un lambeau de lias sur le chemin de Porte!, à 150 mètres de la roule de Narbonne, à la hauteur de la métairie de Fonloubi. Ce lambeau, de 150 mètres de large sur 250 environ de long, est complètement entouré par la mollasse et composé de marnes noires renfermant des bâties de calcaire gris, bleuâtre ou noi- râtre, très dur, subcompacte. Les nombreux fossiles qu’on y trouve sont les mêmes que ceux que nous avons indiqués aux environs de Tuchan (1). Les marnes noires et les grès ferrugineux de la vallée de la Murelle, au sud de Sigean, couches que surmontent les calcaires marneux avec fossiles néocomiens, autour de Rocheforl, et à la descente de Mont- pezat, ne nous ayant présenté aucune trace de fossiles du lias, soit dans le fond de la vallée même, soit sur ses flancs, sur le pourtour de la butte de Saint-Martin, non plus qu’à l’extrémité nord de la dépression où elles sont coupées par la route à Fontcouverte, près de la Nouvelle, nous avons cru devoir les colorier comme faisant partie de l’étage crétacé inférieur de ce pays. Dans la description sommaire que nous avons donnée du cirque de soulèvement de Feuilla (2), nous avons montré les assises du lias avec Bélemnites, Ammonites bifrons, Pecten œquivalvis , Terebra- tula -punct ata, Gryphœa Maccullochii(Sovi. in Gold.), surmontées de toute la série crétacée inférieure, et reposant sur de puissantes assises de calcaires gris rosâtre ou jaunâtre, marneux, en partie celluleux et cloisonnés, de calcaires ferrugineux rouges, très durs, en plaquettes, de calcaires jaunes et sur un grès grossier, friable, un peu feîdspa- (1) H ht. des progrès de la géologie , vol. VI, p. 533. (2) Comptés rendus de Ç Académie des sciences, vol. XLIII, p. 28 juillet 1856. 225, MÉMOIRE DE M. d'aRCHIAC. 501 thique, plongeant, comme tout ce qui est au-dessus, de AO8 au N., et recouvrant les schistes palæozoïques. Ces représentants du lias occupent ensuite le fond de la vallée et les pentes inférieures des montagnes qui environnent la métairie d’Orloux, en se rattachant au lias de la vallée de Sainl-Jean-de-Barrou, de Fraisse, de Durban, etc. D’après les notes que nous devons à M. Noguès,on peut les suivre encore au sud, d’une manière continue, jusqu’à Embrès, la Nouvelle, Donneuve et le château d’Aguilard à l’est de Tuchan. Suivant le même observateur, on doit y rapporter les calcaires magnésiens et les gypses de la base du Monl-Tauch du côté de Tuchan. Nous avons indiqué l’existence du lias à l’est et à l’ouest de Font- joncouze, mais ces affleurements paraissent, faire partie d’un massif plus considérable, qui s’étendrait au sud et au sud-ouest, dans la direction d’Albas. Ainsi, d’une part, nous avons été conduits à donner au lias une surface continue beaucoup plus considérable que sur les cartes qui ont précédé la nôtre, et de l’autre nous avons cru devoir supprimer l’indication de petits lambeaux disséminés à de grandes distances les uns des autres, et dont l’existence ne nous paraissait encore nullement démontrée (1). Des altitudes du lias sont en général très faibles, comme on pouvait le prévoir d’après l’explication que nous avons donnée de ses princi- paux affleurements. La plus prononcée, si toutefois ce point en fait réellement partie, serait le col de la Nouvelle qui est à AOA mètres ; au sud-ouest de Fontjoncouze la cote 315 paraît être sur le lias. Les collines de Montredon à Quilhanet ne dépassent pas 130 mètres. TERRAIN DE TRANSITION. FORMATION HOUILLÈRE. Un grès rouge qui des environs du Tuchan paraît s’étendre au nord et recouvrir le petit bassin houillcr de Ségur à Quintilian, nous est signalé par M. Noguès, comme appartenant à la formation houil- lère et non au trias, et encore moins à la craie. Ce bassin et celui de Durban, dans lequel ce grès s’étend aussi, ont été décrits en 1839 par M. A. Paillette, et les détails qu’a donnés ce géologue ont été (1) Depuis notre communication à la Société, M. E. Dumortier a bien voulu nous envoyer des fossiles qu’il avait recueillis en place, le printemps dernier, au col de Carbous, à troisquarts d'heure démarché au sud de Padern, et qui prouvent la présence sur ce point de couches du lias ideutiqnes à celles d’Aguilar, de Donneuve, etc. 502 SÉANCE DU 16 MARS 1857. reproduits ea 1841, avec de nouvelles Observations, par Dufrénoy. Nous n’avons rien à ajouter ici sur ce sujet, d’autant plus que M. Noguès se propose de l’étudier de nouveau et de donner une des- cription plus complète de ces dépôts (1). FORMATION DÉVONIENNE. Nous rapportons à ce troisième système palæozoïque tout le massif de transition de Monîhoumet, qui s’étend de PE. à l’O. , depuis les environs d’Embrès eide Durban jusqu’à Alet, et aux Bains-de-Rennes. Sa longueur est de 12 lieues, et sa largeur, assez constante, de 2 lieues et demie à 3. Il n’y a point d’axe régulier; les couches, généralement dirigées dans le sens de sa longueur, sont très tourmentées, et ses plus grandes altitudes sont sur sa limite méridionale, 564 mètres au nord- ouest de Montferran, 992 au nord de la Bernousse. Ces deux points touchent presqu’à la craie. Les cotes 874 et 879 dans la partie nord de la montagne du Tauch paraissent être sur le terrain de transition, mais la cote 942 au Pech-del-Fraisse, vers le milieu de sa longueur, serait sur la couche à Orbitolites de la craie inférieure? Dans la partie nord-ouest, au-dessus de Montjoy, le terrain ancien atteint encore 721 mètres, puis 661 à l’est de Vilardebelle, et 723 plus à l’ouest, entre Pechemigé et les Alloues. Les roches qui le composent sont des schistes noirâtres ou grisâ- tres, des calcaires schistoïdes, des bancs calcaires subordonnés, com- pactes, gris bleuâtre, et surtout des roches amygdaünes ou réticulées, composées de nodules calcaires brun rougeâtre, déprimés ou allon- gés, entourés d’un schiste argileux plus ou moins solide. Ces roches, en bancs poissants subordonnés aux schistes, rappellent parfaitement la structure et la texture des marbres amygdalins de la vallée de Campan comme des griottes de Cannes dans la Montagne-Noire, mais nous n’avons point observé de traces de Clyménies dans les nodules calcaires. Les fossiles que nous avons rencontrés sont des moules informes de coquilles céphalopodes assez grandes, mais indétermi- nables, dans les calcaires gris bleuâtre, schistoïdes, exploités sur le bord de la rivière, le long de la route de Villeneuve à Tuchan, un peu avant la ligne de partage {tes bassins de la Berre et du Ver- double. On a vu que le soulèvement du Mont-Alaric avait fait affleurer les roches palæozoïques à la partie orientale de celte montagne. TallavL (1) Une première note sur la formation houillère de Ségur et de Durban a été communiquée à la Société géologique, dans la séance du 45 jain 4857. MÉMOIRE DE M. d’aRCHIÀC. 508 gnes en avait signalé un second affleurement à Peliaî, un peu au sud de ce point. En décrivant ie cirque de Feuiüâ, nous avons montré les schistes satinés et les grès paléozoïques supportant les assises les plus basses du lias et s’appuyant sur l’îlot de roches dioritiquesdu fond de la vallée. Ce cirque n’offre point à i’œii une symétrie aussi parfaite que celui de Gauherl (Basses- Alpes) ; il ne présenie point le dévelop- pement grandiose du cirque de la Bérarde (Hautes-Alpes), mais il a beaucoup d’analogie avec celui de Sombernon (Côte-d’Or), seulement les terrains qui en constituent les parois sont plus nombreux, ses bords sont plus escarpés et son intérieur plus accidenté; ses teintes sont plus variées et plus prononcées, ses formes et son aspect général plus âpres et plus sauvages. GRANITES. Les roches granitiques qui bordent la partie méridionale de notre Carte supportent çà et là des lambeaux de calcaires crétacés, plus ou moins modifiés par leur contact. Leurs caractères, leurs relations et leur influence ont été observés et décrits par Dufrénov , par MM. Paillette, Rozet et Durocher. Ce dernier a tracé les limites de ces effets et donné des coupes détaillées exactes, et nos recherches au sud, de Saint-Paul et de Caudiès, n’ont rien ajouté à ce qu’avaient vu nos savants prédécesseurs. ROCHES IGNÉES. Nous dirons quelques mots des roches ignées ou pyrogènes et des circonstances de leur gisement. Ces roches, désignées collectivement sous le nom à'ophite, par Palassou, nom qui a été adopté sans plus d’examen par les personnes qui en ont parlé depuis, d’abord ne sont point à proprement parler des ophites ou des porphyres verts anti- quesdans le sens que M. Cordier et Alex. Brongniart ont attaché à cette expression, ensuite elles diffèrent trop souvent les unes des autres pour qu’on puisse les désigner à la fois sous un nom collectif commun et spécifique. De plus, leurs gisements variés et leur dis- tribution tendent à prouver, comme leur composition, qu’elles ne sont pas toutes contemporaines; enfin, rien ne démontre, comme on l’a dit, que leur apparition date de la dernière période tertiaire. Les 15 ou 16 gisements de roches ignées que nous connaissons dans la région étudiée, sont compris dans un triangle dont les sommets seraient Montredon au nord, N. O. de Faste à l’ouest et Fitou à l’est. Dans cet espace, aucune roche pyrogène ne s ‘est fait jour à travers le terrain tertiaire. Nulle part nous n’en avons vu en contact avec ses dépôts, non plus que dans les parties élevées du terrain SÉANCE DU 16 MVRS 1857. 504 secondaire. C’est sur les flancs des montagnes ou au fond des vallées qu’on les observe le plus ordinairement. Les gisements de Lambert, de la Quille, de Fraisenelie, de la Plâtrière et de Sainte-Eugénie, sur le versant oriental de la chaîne de Fontfroide, sont dans les couches crétacées inférieures ou dans celles du lias. Ceux de Fonijoncouze, de Yillesèque et de Durban dans le lias même; ceux de Roquefort, de Castellemaure, de Filou, dans les couches crétacées inférieures ; celui de Fouilla dans le terrain de transition, ou du moins il l’a sou- levé en même temps que les roches secondaires; enfin ceux de Ségur sont dans le terrain houiller. Les gisements du versant oriental de la chaîne de Fontfroide, qu’a décrits M. Tournai, sont accompagnés de gypses anormaux, c’est- à-dire de gypses et de marnes gvpseuses vertes, grises, rouges, etc., le tout non stratifié et n’affectant aucun ordre apparent , rela- tivement aux couches sédimentaires environnantes dans lesquelles les roches sont enclavées. îl en est de même des gisements de Yille- sèque, de Durban et de Filou. Dans les autres, le gypse ne se montre pas comme résultat d’un phénomène concomitant Cependant on ne peut guère douter que là où il existe, il ne soit le produit d’une cause en rapport avec la présence des roches ignées. Mais nous ne pensons pas qu’il en soit de même des grandes assises de dolomies statifiées régulièrement, crétacées ou basiques, les unes grises ou noires, cristallines, toujours fétides, subordonnées aux calcaires à Caprotines, ou bien constituant tout l’étage sur une épaisseur de 500 à 600 mètres (pic de Bugarach), les autres grises ou jaunâtres, terreuses ou compactes et plus ou moins celluleuses. Les caractères minéralogiques de ces roches pyrogènes sont très variés. À la Plâtrière, au sud-ouest de Narbonne, où le gypse accom- pagne. les produits ignés, on trouve une roche dioritique vert clair, à grain très fin, une autre gris verdâtre, une amygdaloïde de même teinte à globules nombreux, compactes, d’un vert foncé avec des grains de quartz hyalin, une amygdaloïde ferrugineuse, brun rou- geâtre. De nombreux cristaux de quartz bipyramidaux rougeâtres sont disséminés dans les argiles, et le tout a surgi au milieu des strates secondaires. A l’ouest de Fontjoncouze les calcaires compactes sont traversés par un filon d’une roche vert pistache uniforme, grenue, à cassure terreuse, composée d’une substance vert jaunâtre à cassure esquil- euse, à éclat gras, et d’une autre vert olive plus foncé à cassure céroïde. Un gisement semblable se voit au fond d’un vallon au sud-est du village. Dans les mamelons volcaniques de Villesèque, qui s’élèvent comme des cônes parasites au milieu d’un cratère, ce sont desamjg- MÉMOIRE DE H. d’aECHIAC. 605 daloïcles brunâtres ou roches sédimentaires profondément altérées, 6ortesde rauchwackes à cassure terreuse, enveloppant une multitude de globules sphériques de carbonate de chaux, blancs ou jaunes, fer- rifères, recouverts d’un enduit bleu turquoise. D’autres, à pâle d’un rouge brun, ou gris violacé, légèrement effervescentes, des ro- ches dioritiques verdâtres à cassure terreuse, des masses scoriacées, brun rouge, ou des calcaires marneux, profondément altérés, etc., s’observent encore autour de ces centres d’éruption. Au fond du cirque de Fouilla, c'est un diorile granitoïde, vert foncé, à grain fin, à cassure terreuse, dont la substance principale, qui paraît être l’amphibole, s’altère facilement ; le feldspath serait lui- même coloré par ce minéral, ce qui donne à la roche sa teinte uni- forme. La roche de Fitou gris blanchâtre, d’un aspect tout à fait granitoïde, est, pour M. Delesse qui a bien voulu l’étudier, une curite contenant beaucoup d’oligoclase quelquefois disposé en étoiles, à éclat un peu gras, d’une teinte grisâtre, se rubéfiant par l’altération, puis de l’orthose, du quartz blanc jaunâtre, du mica noir foncé et quelques grains de fer oxydulé. Enfin, au milieu et sur les bords du bassin houiller de Ségur se sont, suivant M. Paillette, un porphyre gris clair ou blanc sale, à base de feldspath compacte, avec de petits cristaux de quartz et d’amphi- bole, se désagrégeant facilement et produisant une argylophyre. Au château de Ségur la roche est compacte, blanche ou gris rougeâtre. Par leur action sur les couches sédimentaires qui accompagnent la houille, les porphyres ont aussi donné lieu à des amygdaloïdes. Quelles raisons aurait-on de peifserque des roches aussi différentes minéralogiquement-, dont les circonstances de gisement sont si variées, qui ont produit sur les couches qu’elles ont traversées des effets si compliqués dans certains cas, nuis dans d’autres, et cela à de très petites distances, qui ne se coordonnent à aucune ligne de fracture générale, que de telles roches, disons-nous, soient réellement con- temporaines et appartiennent à la dernière période tertiaire plutôt qu’à toute autre? Sans doute, nous avons la preuve que des roches ignées ont dérangé des dépôts très récents sur d’autres points du versant nord des Pyrénées, comme nous l’avons dit nous-même, mais leur synchronisme avec celles-ci ne nous semble pas mieux jus- tifié que le nom d’ophite sous lequel on les a toutes désignées. Sources minérales et thermales . Les sources thermales ferrugineuses de la vallée de l’Aude, depuis celles d’Alet et de Campagne jusqu’à celles de Ginols dans le bassin 506 SÉANCE DU 16 MARS 1857. de Quillan, comme celles des Bains de-Rennes, dans la petite vallée de la Sais, sont en rapport avec des dislocations ou des failles dans les roches secondaires ou tertiaires inférieures, et semblent en être une conséquence. La source du Pont-de 3a-Fou, près de Saint-Paul de Fenouillét, est dans le même cas. On a vu quelle était la position des sources salées de Sougraigne, et celle qui paraît avoir existé près de Salces, au nord de Perpignan, provenait sans doute d’un gise- ment analogue sous les calcaires à Caprotiaes des collines environ- nantes. Lignes de dislocation ou de soulèvement. On pourrait sans doute imaginer, dans la région que nous venons de décrire, un grand nombre de soulèvements distincts, caractérisés par des directions différentes, si l’on prenait pour tels toutes les pe- tites indexions locales qui affectent les diverses parties d’une chaîne, toutes les failles accidentelles qu’on observe à chaque pas. Pour nous, nous voyons deux directions principales nettement accusées, suivant lesquelles les phénomènes se sont produits à des époques diffé- rentes ou à diverses reprises et sur des lignes parallèles. Ces direc- tions sont N.-E., S. -O., dans la partie orientale de notre Carte, etE. 5 à 6° S , O. 5 à 6° N. dans toute la partie méridionale et cen- trale. On peut remarquer ensuite deux directions secondaires. Les massifs de la Clape et de Fontfroide formaient déjà des reliefs alignés suivant la première de ces directions, pendant les dépôts la- custres du bassin de INarbonne et de Sigean dont ils marquaient les bords ; mais plus tard ils ont été surélevés suivant le même axe, de manière à redresser aussi les couches d’eau douce sur leurs pentes. Ce fut lors de ce dernier mouvement que les assises, jusque-là conti- nues de la Clape, furent brisées et prirent la disposition que nous leur voyons aujourd’hui/ Le plongement général se prononça au N. -O., tandis qu’à partir des îles de Gruissan jusqu’à l’extrémité du rameau de Tauîavel le mouvement de charnière dut s’exécuter en sens inverse. Les phénomènes de même ordre qui se sont produits plus tard, c’est-à-dire l’émersion des dépôts tertiaires moyens et ceux qui ont concouru à la distribution d’antres plus récents, semblent s’être effectués suivant la même direction, quoique le grand axe moyen de la dépression, comprise entre les deux chaînes et qui em- brasse la plaine de Narbonne et l’étang de Sages, soit plutôt dirigé N. 20a E, à S. 20° O. Au sud-ouest, sur l’alignement de la Clape, nous trouvons le poudingue tertiaire du bassin de Tuchan relevé sur les pentes des calcaires compactes à Caprotines, absolument de MÉMOIRE DE M. DARCHIAC. 507 la même manière que les calcaires marneux lacustres, sur le versant nord-ouest de la Ciape. La direction du massif paléozoïque de Monthoumet est sensiblement E.,0. , et ses limites nord et sud sont parallèles à l’axe de figure. Un plan passant par ses points les plus élevés inclinerait très faiblement au IN. Le soulèvement de cette masse est sans doute le plus ancien de la région des Corbières, et les dépôts houillers ont pu se former en- suite vers l’est dans quelques-unes de ses dépressions. L’accident le plus important que nous observons ensuitedans l’ordre des temps est certainement celui qui a eu lieu après le dépôt et la consolidation des calcaires compactes ou à Caprotines. C’est celui qui a imprimé à toute la région inférieure des Pyrénées, depuis Eslagel jusqu’à Foix et au delà, ses formes orographiques les plus remar- quables et les mieux accusées. C’est alors que se sont produites ces rides ou crêtes dentelées, parallèles, courant généralement de l’E. quelques degrés S., à l’O. quelques degrés N. Dans l’étendue de notre Carte, elles s’élèvent d’autant plus qu’on s’avance davantage de l’E. à l’O. Après ce soulèvement se déposèrent , au sud et au nord-est du massif paléozoïque, les roches crétacées supérieures, dans deux petits bassins dont nous ne pouvons aujourd’hui retrouver ni même soupçonner les points de communication. Leurs différences pétro- graphiqueset paléontologiques nous prouvent en effet que, s’ils sont en partie contemporains, leurs sédiments se sont déposés dans des circonstances bien différentes. L’épaisseur des roches arénacées de l’un et la variété des faunes successives de l’autre prouvent néan- moins qu’ils nous représentent un laps de temps énorme. Les couches créiacées supérieures du sud ont été redressées pa- rallèlement à l’axe du massif paléozoïque contrelequel elles s’appuient directement, et sans doute par un mouvement de surélévation auquel ce dernier a été soumis. L’inclinaison des assises secondaires au S. ou au S. -O. est d’autant plus faible et leur niveau absolu d’au- tant moindre qu’elles s’approchent davantage des rides crétacées inférieures contre lesquelles elles semblent venir buter. Suivant toute probabilité, ce soulèvement, parallèle aux deux précédents, est de beaucoup postérieur à la fin de la période crétacée. En effet, les grès tertiaires d’Alet, qui surmontent d’une manière concordante les marnes bleues de la craie, en ont partagé toutes les dislocations, au sud du massif de transition, et nous avons vu qu’au nord de celui-ci le groupe nummuiitique qui reposait directement dessus avait été sensiblement redressé dans la même direction. Nous 50S SÉANCE DU 16 MARS 1857. avons vu aussi que îa mollasse de Limoux avait dû participer au même mouvement, par suite du plongement général de tout le système, au N., avec une inclinaison d’autant moindre qu’on s’éloignait davantage des schistes paléozoïques, disposition semblable à ccdle des couches crétacées supérieures du sud. Il en résulte donc que le soulèvement de ces dernières ne date que de la fin de la période tertiaire infé- rieure ou du dépôt des grès de Carcassonne. Ainsi, à trois époques fort éloignées les unes des autres, des soulèvements se sont produits dans cette région suivant une môme direction. Quoique l’axe du Mont-Alaric soit dirigé O. 15° à 18° N., les relations de la mollasse d’eau douce sur le pourtour de cette mon- tagne nous portent à regarder la formation de sa voûte comme con- temporaine de ce dernier soulèvement. Entre la vallée du Rabe et le versant occidental de la chaîne de Fontfroide, on remarque des rides alignées N. 25° O. à S. 25° E. , et plongeant à ro.-S.-0.,depuislamontagneouI’FrmitagedeSainl-Victor jusqu’à Tliézan. Elles se continuent au delà par les calcaires bleus et les dolomies qui affleurent au-dessous des psammitesde Boulenac. Dans cette dernière partie, le plongement est inverse ou à l’E.-N.-E.; c’est celui que montrent aussi les couches arénacées de la colline de Saint-Martin et celles qui longent la chaîne de Fontfroide, tandis qu’au nord-ouest de la route, dans les monticules de la Grange, de Saint-Julien, de Quilhanet et de Bizanet, une inclinaison à l’O. un peu N. indique une dislocation distincte de la précédente et postérieure au groupe d’Alet comme au groupe nummulitique. En effet, le relèvement des strates, qui depuis l’Ermitage jusqu’à Thé- zan appartiennent au premier, s’est fait sentir sur les bords du Rabe qui dépendent du second. La vallée de dislocation que parcourt cette rivière est exactement parallèle à la ligne tirée du Saint-Victor à la Bergerie à l’ouest de Boutenac. L’âge plus précis de ce mouve- ment ne peut encore être déterminé avec les données que nous possédons. Il est possible que celui qui a soulevé le Mont-Tauch et tracé la ligne de partage des eaux qui s’étend ensuite au N. -O., de même que celui à qui les poudingues des plateaux de la Camp et de la Malpère doivent leurs altitudes actuelles, n’eu soieut que des co- rollaires. Quant aux mouvements qui ont accidenté les montagnes des en- virons de la Grasse, ils se seraient produits dans une direction presque perpendiculaire à la précédente, ou E.-N.-E. , O. -S. -O. C’est au moins celle des principaux massifs du groupe d’Alet et des vallées qui les bordent. Nous retrouverons cette direction nettement SlftMOÏIlE DK M. d’aRCHÎàC. 509 accusée dans deux accidents remarquables au delà du massif de Monthoumet : les crêtes redressées des couches d’AIet entre Cam- pagne et Serres, et la voûte de la Ferrière à Sougraigne. La chronologie de ces divers phénomènes ne nous est donc pas révélée d’une manière suffisante par l’examen des couches qu’ils ont accidentées, et nous ne trouvons que les deux soulèvements paral- lèles de la partie orientale de notre carte, et les trois également parallèles du sud et du centre, dont les rapports stratigraphiques puissent nous éclairer. En résumé, nous trouvons sept séries de dislocations ou de soulèvement qui viennent se ranger dans quatre directions. Nous devons mentionner encore les dislocations plus locales pro- duites par l’apparition des roches ignées, et sur l’âge desquelles nous n’avons aucune donnée précise, puisque ces roches ont surgi à travers les dépôts de transition, à deux reprises, et, successivement, h ce qu’il semble, à travers les couches jurassiques et crétacées in- férieures, sans que nous apercevions bien positivement leur contact avec les roches crétacées supérieures et tertiaires. Les bassins hydrographiques compris dans l’étendue de notre Carte ne se coordonnent point en général aux accidents dont nous venons de parler, et les rivières principales coulent dans des fentes plus ou moins profondes, perpendiculaires à la direction des couches; telles sont l’Aude, d’Axat à Carcassonne, la Sais depuis sa source jusqu’à sa jonction avec la Riaisesse, l’Agly depuis son origine jusqu’à Estagel, la Berre, de Quinlillan à Portel, le Verdoubie, l’Orbieu dans la plus grande partie de son cours, etc. REMARQUES GÉNÉRALES. Nous terminerons cet exposé des principaux résultats de notre travail, en faisant observer qu’un caractère commun à la plupart des dépôts dont nous avons parlé est la présence de poudingues solides ou incohérents. Ainsi ces roches constituent presque à elles seules le terrain quaternaire de la vallée de l’Aude et de la plaine de Nar- bonne ; on en remarque à la partie supérieure de la mollasse et à divers niveaux dans l’épaisseur de ce groupe, ainsi qu’à la base des calcaires marneux, lacustres; elles prennent surtout une puissance énorme au nord du massif de Monthoumet, de Saint-Martin et de Saint-Pierre à Durfort, puis sur les plateaux élevés de la Camp et de la Malpère. Elles sont très développées dans le premier étage num- mulitique au nord du Mont-Alaric et sur d’autres points. Les poudingues sont un des éléments importants du groupe 5i0 SÉANCE DU 10 MARS 1857. d’Alet ; ils apparaissent dans la formation crétacée an-desistis dis second niveau de rudistes, et surtout au milieu des psajnmites et des grès de la région supérieure du nord-est, du Jardin-de-Saint- Julien à Quiihanet, etc. L’étage des calcaires compactes à Caprotines renferme souvent des brèches très puissantes. Si maintenant on compare à ces dépôts tertiaires et secondaires ceux du même âge dans le sud-ouest, dans le centre et le nord de la France, en Belgique, en Angleterre, etc., on ne verra nulle part un développement aussi constant de roches élastiques. Cette circon- stance que M. de Verneui! a aussi constatée sur presque tout le versant sud des Pyrénées, au-dessus des couches nummulitiques proprement dites (1), est parfaitement d accord avec ce que nous apprennent les caractères stratigïaphiques et la distribution irrégu- lière des roches sédimenlaires des Corbières, savoir, la fréquence, à toutes les époques, de dislocations et de perturbations qui ont affecté le relief du pays et interrompu la succession régulière des phéno- mènes sédimentaires, telle qu’elle avait lieu dans les régions que nous venons de rappeler. MM. Deshayes, Lartet, Hébert, Bayle, de Villeneuve et de Verneuil présentent quelques observations sur la communica- tion précédente. M. Hébert fait au nom de M. Piette la communication suivante : Note sur le gîte des C lapes (Moselle), par M. Édouard Pieito. Lorsqu’on va de Viiler-la-Ghèvre à Teliancourt, on trouve à gauche, dans le premier vallon que l’un traverse, un grand nombre de coquilles éparses à la surface dés champs labourés; c’est le gîte des Glapes, justement célèbre par la belle conservation de ses fos- siles et par la nouveauté de leurs formes. Il est situé presque en face de la carrière du Pas-Bayard, à 100 mètres environ d’un petit aqueduc sur lequel passe la route. Les fossiles des Glapes figurent dans presque toutes les collections ; mais nul paléontologiste n’indique le terrain auquel ils appartien- nent sans mettre ensuite un point de doute. Suivant les uns, c’est du great-oolitke ; suivant les autres, c’est de l’oolithe inférieure, et 0) Coup d’œil sur la constitution géologique de quelques provinces de l'Espagne , par MM. de Verneuil et Collomb (Bull. Soe. géol. de France, 2e sér., vol X, p. 80-82, 4 852). NOTICE DE M. P1ETTE. 611 personne ne sait à quoi s’en tenir. La faune ne peut pas jeter beau- coup de lumières sur ta question; elle tient à la fois de celle qui vécut à l’époque bajocienne et de celle qui peupla les mers batho- niennes. D’ailleurs , elle est presque tout entière indéterminée. Quand elle sera décrite, il n’est pas douteux que ce gîte ne devienne un des plus connus et des plus fréquentés par les collecteurs. Il m’a paru nécessaire de déterminer d’une manière rigoureuse l’horizon où se trouvent les assises qui contiennent tant de fossiles nouveaux ; c’est dans ce but que je viens d’explorer les terrains qui s’étendent entre Longwy et Longuyou. Yoici la coupe que j’ai prise ; Coupe du mont Saint- Martin à Longuyon , a Oolithe ferrugineuse et calcaire brun. b Calcaire jaune de Poolithe inferieure. C Calcaire à polypiers. d Marne à Ostrea acuminata. e Calcaire jaune à Ostrea acuminata. f Calcaire jaune et marue grise. g Calcaire |aune. 7i Marne durcie, oolithique et ferrugineuse, très coquillière, affleurant aux Chipe». t Calcaire jaune et lumachelle à Ostrea acuminata. / Maine grise ou blanche, reposant sur les calcaires jaune», dont le derniei banc est usé par les flots. L’oolithe ferrugineuse du mont Saint-Martin se rapporte, suivant les uns, à l’oolithe inférieure ; suivant les autres, au lias. Je n’ai pas assez étudié la question pour vouloir la trancher. Les assises qui la recouvrent appartiennent incontestablement à l’oolithe inférieure. Le calcaire à polypiers qui vient ensuite a été déposé à la même époque que les assises auxquelles il est superposé; cela est certain, quoiqu’au nord de Longwy son faciès rappelle celui de la grande oolithe. SÊaNCî! OU 16 MAHS 1857. 51 2 Les marnes à Ostrea acuminata qui couronnent les glacis de Longwy, et que l’on voit affleurer auprès d’un arbre séculaire, à droite de la route qui va à Vilier-la- Chèvre, sont évidemment la première assise du fuller’s earlh. Ces marnes sont peu épaisses ; elles contiennent parfois des bancs de Pholadomyes. Elles sont re- couvertes par des calcaires jaunes à Ostrea acuminata qui appar- tiennent à la même formation, et dont l’aspect rappelle à s’y mé- prendre la pierre de Don. Ces calcaires alternent avec des marnes grises ou noires, quelquefois un peu sableuses, rarement coquil- lières; c’est encore du véritable fuller’s eartli. A l’est de Viller-la- Chèvre, contre le village, on trouve une carrière où l’on observe la superposition suivante : a. — Terre végétale. b. — 2 mètres de calcaire jaune, cristallin, oolithique, contenant des Ostrea acuminata c. — t mètre de marne sableuse, grise. d . — 3 mètres de marne feuilletée. e. — 2 mètres de calcaire jaune, cristalliu, oolithique. L’eau des pluies, en tombant sur les calcaires de la couche b , les traverse, glisse sur la couche d’argile et s’y fraye une route souter- raine. Il arrive souvent que les calcaires de l’assise b , manquant de point d’appui, s’effondrent et forment des entonnoirs. On peut observer un de ces entonnoirs à 200 ou 300 mètres des Clajies, au fond de la vallée, entre la route et le bois. Les parois en sont formées inférieurement par la marne noire, supérieurement par les bancs de pierre jaune. Les assises des Clapes affleurent un peu au-dessus de ces bancs ; elles appartiennent évidemment au même système : ce sont des calcaires très friables, oolithiques et ferrugineux, ou plutôt des marnes oolithiques légèrement durcies. Leur épaisseur ne dé- passe pas 2 mètres ; elles disparaissent sous un puissant massif de calcaires jaunes analogues à ceux qu’elles recouvrent, mais contenant un nombre d 'Ostrea acuminata beaucoup plus considérable. Certains bancs sont presque uniquement formés par ce fossile et passent à la lumachelle. Les Ostrea acuminata y sont intactes; elles sont toutes NOTICE DE M. PÎETTE. 513 posées à plat, dans le sens de la stratification ; elles paraissent avoir vécu et avoir été enfouies dans des mers d’une grande tranquillité. A peine la roche qui les contient renferme- 1 elle quelques oolithes très fines. Ces assises forment la colline sur laquelle est bâti Tellan- court. Leur puissance dépasse 50 mètres, et l’on est véritablement étonné lorsqu’on pense au nombre prodigieux d 'Ostrea acuminata qui pullulaient dans les mers de cette époque. Des marnes plastiques, grises ou blanches, recouvrent ces calcaires en stratification légèrement discordante. Partout, au point de con- tact, le dernier banc des calcaires porte la trace de Faction des flots ; il est criblé de trous de Pholades, et de nombreuses Huîtres se sont attachées à sa surface. On peut observer ce contact dans plusieurs marnières situées à gauche de la route de Tellancourt à Longuyon, entre la borne kilométrale placée à 12 kilomètres de Longwv et celle qui est située à 13 kilomètres de la même ville. Le plateau qui couronne la hauteur au sud de Tellancourt est formé par ces marnes. On les quitte pour descendre dans la pro- fonde vallée où se trouve Longuyon. On voit alors reparaître les calcaires jaunes sur lesquels elles reposent ; mais ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces calcaires, qui ont été déposés dans la pleine mer, ne présentent plus les mêmes caractères que ceux de Tellancourt qui sont probablement des dépôts de rivage. Iis ne contiennent qu’un petit nombre d 'Ostrea acuminata , et l’on y voit quelques bancs siliceux. Ainsi, il semble résulter de la coupe de Longwv à Longuyon que les calcaires jaunes à la base desquels sont intercalées les assises des Cîapes appartiennent au fuller’s earlh. Ce n’est pourtant pas l’avis des géologues de la Moselle; ils disent: Nous avons des couches marneuses à Ostrea acuminata qui représentent le fuller’s earlh. Au-dessus s’élèvent des assises oolithiques de calcaires jaunes qui nous paraissent bien évidemment de la grande oolilhe ; elles sont recouvertes par des marnes blanches qui se rapportent au Bradford- clay. Si nos calcaires jaunes étaient du fulier’s earlh, il en résulte- rait que cette formation aurait dans nos régions un développement anormal; il faudrait faire correspondre nos marnes blanches à la grande oolithe des Anglais, et, tandis que la terre à foulon des An- glais serait représentée dans notre département par des bancs de pierre, leur great-oolith y correspondrait à des couches marneuses; ce serait prendre le contrepied de la vérité. Ce raisonnement ne me paraît pas très concluant. Il est vrai que l’Angleterre et la France formaient à l’époque oolithique les côtes d’une même mer ; mais tandis que les flots déposaient du sable sur Soc. géol ., 2e série, tome XIV. 33 5] h SÉANCE DU 16 MARS 1857. un rivage, sur un autre, ils déposaient du limon ; tandis qu’ils étaient saturés de calcaire dans certains parages, et qu’ils formaient en s’agitant des oolithes énormes, ailleurs ils restaient calmes et conservaient leur pureté. Rien n’est donc plus naturel que de trouver des assises de marne, de calcaire ou même de grès qui ont été for- mées à une même époque. Nul terrain n’est plus variable que celui de la grande oolithe, et, toutes les fois que la stratigraphie me dé- montrera d’une manière irréfutable qu’une couche marneuse cor- respond à une assise calcaire ou à un banc de grès, je n’hésiterai pas à les déclarer contemporains. Est-il donc si étonnant de trouver des calcaires et des marnes qui ont été déposés à la même époque sur des rivages voisins? Ne voyons-nous pas ce phénomène se produire tous les jours, sous nos yeux, dans toutes les mers de notre globe, et devons-nous être surpris si ce qui a lieu à l’époque actuelle avait déjà lieu aux époques antérieures ? J’ai suivi pas à pas, depuis Tellancourt jusque dans les Ardennes, l’affleurement des marnes que l’on appelle Bradford-clay dans la Moselle. Elles traversent le département de la Meuse sans changer de nature, mais, près des confins des Ardennes, elles passent aux calcaires blancs ; elles correspondent donc à la graude oolithe des Ardennes et de l’Aisne, grande oolithe qui, par sa faune comme par le caractère de ses roches, représente identiquement celle de Min- chinhampton. J’ai suivi également l’affleurement des calcaires jaunes à la base desquels se trouvent intercalées les assises coquillières des Clapes. Je les ai vus se prolonger avec leur énorme développement à travers le département de la Meuse, où ils forment la butte de Montmédy, jusque dans le département des Ardennes, où ils sont exploités à Haraucourt, à Rulson et à Connage. Dans la Meuse et surtout dans les Ardennes, ils sont plus oolithiques que dans la Moselle. Les Ostrea acuminata qu’ils renferment sont plus brisées; elles sont même presque toujours réduites en fragments méconnaissables dans la partie occidentale des Ardennes et dans le département de l’Aisne, mais partout j’ai vu ces calcaires reposer sur de minces assises marneuses à Ostrea acuminata ; partout je les ai vus recouverts par les marnes plastiques que l’on voudrait rapporter au Bradford-clay ou par les calcaires blancs, et toujours j’ai remarqué que la surface de leur dernier banc portait la trace de l’action des flots; toujours elle était recouverte d’Huîtres qui s’y étaient attachées après sa soli- dification, et criblée de trous de Pholades qui y avaient établi leur demeure. A leur base, j’ai retrouvé en divers endroits, aux environs de Montmédy, des espèces identiques avec celles des Clapes, pré- NOTICE DE M. PIE T TE . 515 sentant le même aspect, la même couleur jaune, la même fossilisation. Rien n’est donc mieux déterminé que l’horizon des calcaires jaunes dans lesquels sont intercalées les assises coquiilières des Clapes. Pour les géologues de la Moselle, c’est du great ooiiih; M. Buvignier en a fait de l’oolithe inférieure dans la Meuse ; dans ies Ardennes, il les a rapportés tantôt à l’oolithe inférieure, tantôt au fuller’s earth. Je pense qu’on peut les classer dans ce dernier terrain ; mais quel que soit le nom qu’on leur donne, il faut se garder de les confondre avec la grande oolithe de Bulson, de Rumigny, d’Ëparcy et de Miuchin- hampton ; ils leur sont inférieurs. Ce n’est pas que j’attache une grande importance aux subdivisions du terrain bathonien en fuller’s earth, Stonesfield siale, great-ooliih, Bradford-clay, forest-inarble et cornbrash. Ces subdivisions, s’il est vrai qu’elles soient bonnes pour toutes les contrées de l’Angleterre, ne se retrouvent pas ordinairement sur d’autres rivages. Il y a une subdivision plus naturelle et plus générale pour le terrain de grande oolithe. Ce terrain présente trois groupes d’assises qui ont entre eux une certaine parenté, mais qui sont très distincts l’un de l’autre. Au premier de ces groupes appartiennent les marnes à Ostrea acuminata , les assises coquiilières des Clapes et les calcaires jaunes à Ostrea acuminata. Qu’on l’appelle fuller’s earth, Stonesfield slate, terrain bathonien inférieur, premier sous-groupe de la grande oolithe, peu m’importe : je ne veux pas disputer sur Ses mots. Au second sous-groupe se rapportent les marnes du Bradford-clay de la Moselle et de la Meuse, les calcaires blancs de Bulson, de Ru- migny, du bois d’Éparcy, les calcaires à Rhynchonella decoro.ta et à Nerinea patella , la grande oolithe de Miiichinhampton. Qu’on lui donne le nom de Bradford-clay ou de forest-marble quand il est marneux, le nom de grande oolithe quand il est calcaire, peu m’im- porte. Pour moi, c’est le terrain bathonien ou le second sous-groupe de la grande oolithe. Le troisième sous-groupe ou terrain bathonien supérieur est formé par des assises peu épaisses de calcaire marneux, grisâtre, très oolithique, que l’on désigne ordinairement sous le nom de cornbrash ou de calcaire marneux. Ce sous- groupe manque quel- quefois, mais dans les pays où il est coquillier, il renferme une faune si nombreuse et si caractéristique que les géologues l’ont toujours distingué du précédent. Afin d’éviter toute dispute de mots et de prévenir toute confusion, je croisdevoir mettre en regard dans le tableau ci-contre les différentes subdivisions que présente le terrain bathonien dans les départements de l’Aisne, des Ardennes, de la Meuse et de la Moselle. On verra à 516 SÉANCE DU 6 AVRIL 1857. quel niveau se trouvent les Clapes, relativement à la grande oolithe des autres pays. Après cette lecture, M. Hébert fait observer que les phéno- mènes d’érosion par les eaux et de perforation par les îitlio- phages que présentent les assises à Ostrea acuminata , le long de l’Ardenne, ont été décrits par lui dans l’ouvrage intitulé : Les mers anciennes et leurs rivages dans le bassin de Pa- ris, etc., page 31, et qu’il a signalé aussi l’existence du fuiiers’ earth sous une épaisseur considérable à Montmédv (page 21 et Coupe de Sainie-Menehould à V Âr demie par Monlmédy ). Séance du 6 avril 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAM OU R. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, lo Président proclame Membres de la Société : MM. L’abbé Julien Bach, professeur d’histoire naturelle au collège' Saint- Augustin , à Metz (Moselle) ; présenté par MM. le colonel B. de Lamothe et le docteur Désoudin. Auguste Donckier, ingénieur des mines de la Société de Dolhaire, à Gué Limbourg (province de Liège) -, présenté par MM. Hébert et Damour. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des savants , mars 1857. Delà part deM. Pierre de Gessac, Statistique minéralogique et géologique du département de la Creuse , 1^ part., in- 8, Zi8 p., Guéret, 1852; chez Dugenest. TERRAIN BATHUNIEN. (Piige SIC Ois.) ' vfi: . H , * . . - DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 517 De la part de M. Ch. Laurent, Notice sur Je Sahara oriental au point de -vue de rétablissement de puits artésiens dans l' Oued-Souf, VOued-RIir et les Zibans. — Colonne expédi- tionnaire du sud, déc. 1855 (Extr. des Méin. de la Société des Ingénieurs civils, séance du 20 juin J 856), in-8, 72 p., Paris, 1857- chez Guiraudet et Jouaust. De la part de M. le général Albert de la Marmora, Notice biographique sur le général H . Provana de Colle gno, in* 8, 10 p., Turin, 1857- imprimerie royale. De la part de M. H. de Yilleneuve-Flayosc, Carte géolo- gique et hydrographique du Far, des Bouches-du-Rhône , de Vaucluse et des Basses-Alpes (ancienne Provence ), 1 feuille grand aigle De la part de M. le baron Ch. d’Hombres, Discours pro- noncé par M. le comte E. de Rets sur la tombe de M. le baron d’ Hombres-Firmas, le 7 mars 1857, in~8, 8 p., Alais -, chez veuve Yeiron. De la part deM. le professeur E. Sismoncla, Notizia storica dei lavori fatti dalla classe di scienze fisiche e matematiche neWanno 1855 (extr. des Mém. delL R. Acc. delle scienze , sér. II, t. XVI), in-Zi, ZfO p., Turin-, imprimerie royale. De la part de M. le professeur C. Schmidt, Ueber die devo - nischen Dolomit-Thone der Umgegen Dorpats, in-8, 18 p., Dorpat, 1856; chez H. Laakmann. Comptes rendus hebd. des séances de V Acad, des sciences , 1857, 1er sem-, t. XLIY, nos 11 à 13. Annuaire de la Société météorologique de France , t. III, 1855, lre part., Tableaux météor., f. 8, 21. Réforme agricole, par M. Nérée Boubée, n° 99, 10e année, mars 1857. V Institut, 1857, nos 1211 à 1213. Société imp. et centrale d' agriculture . — Bulletin des séances, 2e sér., t. XII, n° 2. Bulletin de la Société d'études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan, t. I, octobre 1856, in-8. Bulletin de la Société de V industrie minérale de Saint-Etienne, t. II, 2e livr., oct., nov. et déc. 1856, avec un atlas in-f°. 518 SÉANCE DU 6 AVRIL 1857. Soc. imp. d’agricult.^ e te., de Valenciennes , lre année, n° 8, fév. 4 8.57. The Âthenœum , 1857, n°s 153/i à 1536. B exista minera , 1857, t. VIII, nos 16A et 165. Revista de Jos progresos de las ciencias exactas , fisicas et natuvales , t. VIII, n° 2, febr. 1857. The American Journal of science and arts, by Sillimanf vol. XXIII, n° 68, inarch 1857. M. le Président annonce à la Société la perte aussi im- prévue que douloureuse, qu’elle a faite depuis sa dernière séance, dans la personne de M. Dufrénoy, l’un de ses fondateurs et ancien président. Le bureau de la Société, ainsi qu’un grand nombre de ses membres, ont assisté aux funérailles de M. Dufrénoy j M. le Président s’est rendu l’interprète de leurs regrets, dans un discours prononcé sur la tombe de l’illustre géologue. M. le marquis de Roys, trésorier, présente l’état de la caisse au 31 mars 1857 : 11 y avait en caisse au 31 décembre 1856. . 2,878 fr. 35 c. La recette, depuis le 1er janvier 1857, a été de 5,524 50 Total. . . 8,402 85 La dépense, depuis le 1er janvier 1857, a été de 4,610 95 Il restait en caisse au 31 mars 1857 3,791 fr. 90 c. M. Mar tins présente, de la part de M. Marcel de Serres, la note suivante, accompagnée d’un dessin qui représente en grandeur naturelle une plaque calcaire perforée par des Oursins ( E chinas lividus) : Note sur l’identité de /’Echinus lividus de l’Océan avec celui de la Méditerranée ,* par M. Marcel de Serres. MM. Gailliaud et Lory ont admis que Y Echinas lividus de La- marck (t. ÏÏI, p. 50, n° 28), qui habite l’Océan, avait des habitudes perforantes, et qu’il creusait des trous dans les rochers pour y pas- NOTE DE M. MARCEL DE SERRES. 519 ser sa vie (1). D’un autre côté, la plupart des observateurs et M. Lory lui-même ont supposé que le même oursin de la Méditer- ranée n’avait pas les mêmes mœurs. On a cité particulièrement cet échinoderme du golfe d’Ajaccio, qui vit auprès des côtes formées par des granités désagrégés comme les mêmes roches de Guérande (Bretagne), et qui n’y opère aucune sorte de perforation (2). Ces radiaires profitent seulement, comme lieu de retraite, des anfrac* tuosités naturelles des roches pour s’y mettre à l’abri. Aussi M. Lory a fait observer que si YEchinus lividus de l’Océan est réellement le même que celui de la Méditerranée, cet oursin aurait des mœurs bien différentes, suivant qu’il habiterait l’une ou l’autre mer. Ces mœurs diverses ont été constatées par des observateurs dont l’exactitude est bien connue. Ainsi, pour la Méditerranée, outre M. Lory, M. Deshayes n’a jamais vu sur les côtes de l’Algérie les oursins se creuser des trous dont, suivant lui, on ne concevrait pas l’utilité ; car, une fois abandonnés, ces échinodernes ne sauraient plus les retrouver. Il n’a pas paru non plus à M. Valenciennes que YEchinus lividus de Marseille et des côtes de la Provence ait des habitudes perfo- rantes; aussi a-t-il supposé que les oursins de la Bretagne, qui ont un pareil genre de vie, ne sont peut-être pas de la même espèce que ceux de la Méditerranée (3). Pour résoudre les doutes qui se sont élevés sur l’identité de ces oursins, nous avons fait un appel aux naturalistes qui habitent les côtes de l’Océan, appel auquel M. Caiiliaud, de Nantes, a répondu en nous adressant plusieurs individus de YEchinus lividus. Ceux-ci nous ont mis à même de nous assurer qu’ils avaient les mêmes caractères, et offraient les mêmes particularités dans leur organisa- tion. L’un et l’autre présentent deux variétés : la plus commune est aplatie ; ses épines, verdâtres dans le jeune âge, deviennent sensi- blement bleuâtres dans un âge plus avancé. Constamment striées, elles sont caractérisées à leur base par un bourrelet saillant. (1) M. Caiiliaud paraît être le premier qui ait signalé les habi- tudes perforantes de YEchinus lividus. Il a fait connaître le genre de vie de cet échinoderme dans le numéro du 3 juillet 4 854 des Comptes-rendus de V Académie des sciences de Paris, t. XXXIV, p. 35. (2) Bulletin de la Société géologique de France , t. XIII, 2e série, p. 43. (3) Revue zoologique de M , Guérin Meneville , n° 1 1 , 1 838, 2° sér., 6® année, 1855, p. 524. SÉANCE DU 6 AVRIL 1857. 5-20 La seconde variété, convexe, renflée, élevée, a une forme con- stamment orbicuîaire. Cette forme fait paraître les épines plus nombreuses et plus rapprochées, disposition très manifeste chez les individus qui les ont perdues en partie. Quant aux nuances de ces piquants, les mêmes chez les deux variétés, elies éprouvent les mêmes modifications. Les ambulacres sont semblables, ainsi que les nodosités saillantes qui indiquent, lorsque l’oursin est dépouillé de ses piquants, la place où ils étaient implantés. M. Cailliaud m’a en outre fait parvenir uii fragment d’un grès quartzeux très dur, d’un brun foncé, et qui contient une certaine quantité de fer, ainsi que l’annonce sa densité. Ce fragment scintille sous le choc du briquet, à la manière du quartz ; sa forme est celle d’un carré long, dont le grand côté a 0ni,017, et le petit seulement 0ïn,013. Il est néanmoins couvert de huit trous occupés par des oursins de tailles très diverses. Chacun d’eux a une grandeur pro- portionnée à celle de l’ Echinus lividus qui s’y trouve. Les cavités où sont logés les oursins sont revêtues à leur partie supérieure par les expansions calcaires et blanchâtres d’un madré- pore de la division des nullipores, nommé par M. Jean-Jean, conser- vateur de la Faculté des sciences de Montpellier, Madrepora incrus- tans , afin de rappeler par là son principal caractère. Ces expansions recouvrent souvent une partie de l’intérieur des trous pratiqués par les oursins ; aussi on se demande pourquoi ils ne les ont pas enlevées. Voici, d’après les échantillons que nous avons sous les yeux, comment on peut expliquer ces faits qui , au premier aperçu, semblent en opposition avec le creusement de ces cavités. Les madrépores contemporains des oursins existaient sur les roches de grès, lorsque ces radjaires ont commencé à les entamer. Ceux-ci ont uniquement agi dans le principe sur un seul point qui correspondait à l’armature de leur bouche, placée à la partie cen- trale et inférieure de leur corps. Ils ont enlevé, à l’aide de celte armature, les expansions madréporiques qui s’y trouvaient, et en ont fait de même circulairement autour du point central. En conti- nuant leur travail de la même manière, ils ont pu dégager le fond de leur trou, et n’ont laissé des traces de ces expansions que dans les parties supérieures qu’ils ne pouvaient pas atteindre, et qui d’ail- leurs ne les gênaient pas; aussi les voit-on parfois tapissées par une couche madréporique incrustante, d’une épaisseur plus ou moins considérable. La présence de ces madrépores est donc loin de prouver que les oursins n’ont pas creusé eux-mêmes les trous où ils sont logés; elle démontre au contraire que ces cavités n’ont pu être faites que par NOTE DE M, MARCEL DE SERRES. 52 i les animaux qui les occupent, d’autant qu'elles en ont les formes et les dimensions. En considérant la perfection avec laquelle ces trous ont été faits dans des pierres aussi dures que les grès de la Bretagne, on ne peut guère admettre qu’ils aient été creusés par des tentacules filiformes, d’une mollesse encore plus grande que la masse charnue des mol- lusques (1). Ces cavités, dont le pourtour est parfaitement lisse et uni, n’ont pu être forées que par une armature aussi forte que celle dont les oursins sont munis. Cette armature est bien construite pour en creuser de pareilles, d’abord par sa position centrale, ainsi que par le nombre des pièces solides et mobiles dont elle est composée. Ces pièces, susceptibles de mouvements variés et d’une grande extension, leur en donnent certainement les moyens. Sans doute, d’autres animaux creusent les roches les plus dures, mais ce n’est pas avec leurs parties molles qu’ils y parviennent. Ils les lisent à l’aide des aspérités plus ou moins saillantes de leurs valves, ou avec quelques parties solides de leur bouche, lorsqu’ils n’ont pas de coquille; aussi, comme ces aspérités disparaissent par l’effet du frottement, on n’en voit plus de traces chez les individus adultes qui sont parvenus à creuser des cavités assez grandes pour les loger, même lorsqu’ils ont atteint leur entier développement. Nous avons sous les yeux des individus du Pholas dactylus de différents âges qui se sont creusés des trous dans dés gneiss très mi- cacés, et chez lesquels les aspérités de leurs valves ont été d’autant plus usées que ces trous offrent de plus grandes dimensions. Ces faits, ainsi que les stries de ces cavités qui correspondent aux côtes saillantes de leurs coquilles prouvent que l’action mécanique entre pour beaucoup dans leur creusement. Cette action, aidée par l’humeur que sécrètent les mollusques, paraît être une des principales causes de ce phénomène.. L 'Echinus lividus de l’Océan est donc une espèce perforante ; mais en est-il de même de celle qui la représente dans la Méditer- ranée? Si cette habitude est le partage de V Echinus de cette mer intérieure, elle est loin d’être générale ; du moins jusqu’à présent nous n’avons pas eu occasion d’en observer un seul exemple ; mais si l’un et l’autre de ces oursins n’ont pas constamment le même genre de vie, il ne faut pas en conclure qu’ils appartiennent à des (1) Note sur l’action perforante d’une espèce d’échinoderme ; par M. Eug. Robert. Comptes -rendus des séances de V Jcàdémie des sciences de Paris , t. XXXIX, p. 640. 5 22 SÉANCE DU 6 AVRIL 1857. espèces différentes, puisqu’ils offrent tous deux les mêmes caractères spécifiques. On le doit, d’autant moins que M. Caiîiiaud a va dans les environs de Marseille, à l’île et phare de Planier , à l’ouest du signal du phare, plusieurs individus de YEchinm lividus logés chacun dans leurs trous. Sans doute, il n’en est pas de même de la plupart des oursins que l’on mange sur les côtes de la Méditerranée et particu- lièrement à Marseille. On sait que l’on y prend ces oursins au moyen de la drague traînante sur les roches et les sables, ce qui ne pourrait avoir lieu si ces radiaires étaient tous logés dans des trous. Toutefois quelques-uns d’entre eux se mettent à l’abri dans les fissures et les cavités naturelles des rochers calcaires, en un mot, partout où ils le peuvent. Aussi on en observe plusieurs dans les cavités qu’ils ont eux- mêmes creusées. En général, les oursins de la Méditerranée se logent dans les in- terstices et les intervalles des rochers; c’est là qu’on les prend habi- tuellement. Aucun pêcheur ne les a aperçus dans les trous des pierres qu’ils auraient eux-mêmes creusés. Seulement ils savent que ces échinodermes sortent principalement la nuit, et que c’est pendant leur durée tju’ils cherchent leur nourriture, qui consiste principale- ment en plantes marines. Nous tenons d’un excellent observateur, M. Seigneurie, maître ré- pétiteur au lycée de Marseille, que les oursins, très abondants sur les côtes des environs de Bastia (Corse), parce que le fond de la mer est formé par des rochers recouverts d’une florissante végétation marine, y sont disséminés dans leurs anfractuosités auxquelles ils adhèrent si fortement, qu’il est difficile de les en détacher. Les trous dans les- quels on en observe quelquefois ont été si peu creusés par eux, que leur capacité égale à peine les deux tiers ou les trois quarts du vo- lume de ces échinodermes. Les oursins de la Méditerranée peuvent, du reste, se passer de creuser des cavités pour s’y loger, habitant une mer sans flux ni reflux, généralement plus calme et peu tourmentée. Ils n’éprouvent donc pas, dans de pareilles circonstances, le besoin de se mettre à l’abri de la fureur des flots. Quant à la même espèce de l’Océan, vivant dans une mer plus agitée, il est tout naturel qu’elie cherche à se défendre contre les brisants des vagues ou à ces alternatives, non moins à craindre, de se voir plongée dans l’eau de la mer, ou mise à à sec sur le rivage. Il y a donc en quelque sorte nécessité pour les uns de se loger dans l’intérieur des roches, tandis que les mêmes besoins n’existent pas constamment pour les autres. NOTE DE M. MAE CE L DE SERRES. 5 ‘2 3 En admettant, ainsi que !a comparaison la plus exacte nous l’a dé- montré, que VEchinus lividus de l’Océan appartient à la même espèce que celui de la [Méditerranée, n’est-il pas d’autres faits qui prouvent que des espèces semblables, placées dans des circonstances différentes, ne conservent pas toujours les mêmes mœurs. Les pho- lades, genre essentiellement perforant, nous en présentent un exemple remarquable. Ces mollusques percent à la fois les pierres dures aussi bien que les roches calcaires et le bois, comme ces roches elles- mêmes. Mais ces habitudes ne sont pas toujours les mêmes chez les pholades. En effet, plusieurs vivent stationnaires dans les sables des bords des mers, et cela dans des sortes de conduits ou de canaux qu’ils y ont pratiqués. Ces faits n’avaient pas échappé à Lamark ; peut-être n’en avait-il pas saisi toute la portée, quoiqu’il en ait cité un autre exemple non moins remarquable (1). On sait que la Petricola ochroleuca, comme la plupart des espèces de ce genre, a des habitudes essentiellement térébrantes. Cependant, quand elle habite les étangs salés, elle se borne à s’enfoncer dans le sable sans creuser les pierres ou les ro- chers pour s’y loger et y passer sa vie. On pourrait 'sans doute citer bien d’autres faits analogues, mais ceux-ci suffisent pour prouver que les mœurs des espèces changent, lorsque les circonstances extérieures éprouvent de notables modifi- cations. Ainsi, quant aux Echinus lividus , les uns vivent dans une mer sujette à des marées, qui laissent à des intervalles périodiques le sol tout à fait à nu, quoiqu’il soit le plus constamment recouvert par les eaux, tandis que les autres habitent une mer intérieure, où cet ordre de phénomène est à peu près inconnu. On n’a pas, du reste, à se demander comment ces échinodermes entourés d’un grand nombre de piquants, peuvent forer les pierres les plus dures, car ils sont armés d’un appareil buccal extrêmement puissant. Si les oursins de la Méditerranée ne s’en servent pas tou- jours pour le même usage, c’est probablement parce qu’ils n’en éprouvent pas le besoin. Plusieurs naturalistes du Midi de la France ont supposé que la dureté des roches des bords de la Méditerranée empêchait les our- sins de les creuser, comme le font ceux des cotes de l’Océan. Mais, pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que les roches fussent plus dures auprès d’une mer que de l’autre. ïl n’en est pas cependant ainsi ; en effet, à l’exception des laves compactes et des dolomies qui ne sont pas disséminées d’une manière générale, il n’existe guère sur les (1) Système des animaux sans vertèbres , t. V, p. Ù63, Paris, 1818. SEANCE DU 6 AVRIL 4 857. 525 cotes du Midi de la France que des roches calcaires, dont la dureté est peu considérable. Aussi les mollusques, les annélides et les zoo- ph'ytes les percent-elles sans efforts comme sans difficulté. Il reste toutefois à savoir s’il en est de même des oursins qui vi- vent dans les mers intérieures autres que la Méditerranée. Ce sujet d’observation est assez curieux pour exciter le zèle des naturalistes voyageurs. Si leurs observations confirment ce que nous venons d’avancer, ce sera un exemple de plus à ajouter à ceux qui prouvent l’influence que les circonstances extérieures exercent sur les mœurs des animaux (1). I! résulte des faits précédents, 1° que YEchinuè lividus de l’Océan appartient à la même espèce que celui de la Méditerranée ; 2° Que l’un et l’autre de ces oursins ont des habitudes perforantes, mais que chez les premiers seulement elles sont générales et con- stantes, tandis que chez les seconds, elles sont purement accidentelles. Ces échinodermes ne se creusent des trous que lorsque, par suite de quelques circonstances particulières, ils en éprouvent le besoin. M. Marés fait la communication suivante : Note sur la constitution générale du Sahara dans le sud de la province d’Oran, par M. Paul Marés, d. m. & Nous venons de parcourir le désert du S. -O. de l’Algérie pendant trois mois d’hiver, et, dans cette course rapide qui nous a porté à près de 200 lieues de la côte, nous avons atteint les grandes dunes de sables placée's entre la ligne extrême de nos oasis du sud et le pays du Touat, enclavé au milieu du grand désert de Sahara. L’espace que nous avons franchi du N. au S. est environ de 700 kilomètres en partant d’Oran, et se divise en quatre zones bien tranchées parallèles à la côte ; ce sont : 1° Le Tell , région ondulée, montagneuse, de 150 à 160 kilomètres; 2° X^es hauts plateaux ou petit Sahara , pays plan, très élevé au- dessus du niveau de la mer, occupé en partie par de vastes dépres- sions nommées chott ; cette seconde zone a une largeur moyenne de 200 kilomètres ; (I) Un autre fait non moins remarquable que ceux que nous venons de signaler semblp le prouver. On assure que les abeilles transportées dans l’Amérique méridionale y ont bientôt discontinué à donner du miel, parce qu’elles ont trouvé dans toutes les saisons des fleurs en assez grand nombre, pour leur servir de nourriture. NOTE DE fil. MÀRÈS. 525 3° Une région montagneuse de 70 à 80 kilomètres, placée entre les plateaux du petit et du grand Sahara ; U" Enfin le grand désert de Sahara. Nous avons rapidement franchi la région montagneuse du Tell, en constatant l’élévation progressive des vallées et des plaines ; ainsi (1 ) : Le Tlélat est environ à 137 m. L’Oud-el-Hammam, à .* 165 m.(M.C.). La plaine des Ghris, au pied de Mascara, sur les bords de l’Oued-Froh’ 473 m.(M.C.). Le caravansérail de Dra-el-Rheumel, sur les bords de l’Oued-Rheumel, à 568 m. Le bureau arabe du nouveau Saïda, à. 868 et 845 m. (M. G.). Sur notre ligne de parcours, Saïda est la limite extrême du Tell. En sortant de ce poste, nous trouvons une montée qui nous conduit en une demi-heure sur les hauts plateaux. D’abord légèrement ondu- lées, ces plaines immenses prennent bientôt un aspect uniforme et régulier, dont le nivellement est si parfait en certains points que la mer seule peut en donner une idée exacte. Souvent, dans le lointain, on distingue nettement la silhouette d’un cavalier qui se dessine sur le ciel comme une petite voile à l’horizon, et l’on aperçoit, à d’énormes distances les troupeaux de chameaux des tribus nomades ou bien les antilopes, les gazelles, les autruches qui parcourent ces vastes solitudes; au milieu de ces plaines, à 120 kilomètres environ au sud de Saïda, on trouve le Chott el Cher gui, vaste dépression de 18 à 20 kilomètres de largeur en moyenne et long de 110 kilomètres environ. Ce chott reçoit les eaux de toute la partie des hauts plateaux dont il occupe le centre : en effet, à 20 ou 25 kilomètres au sud de Saïda nous arrivons au point de partage des eaux entre le Tell et le petit Sahara; ce point assez rapproché, sur notre ligne de parcours, de Ain Mou el hah , est à une altitude de 1170 mètres. Le poste de Ta fer noua à 8 ou 10 kilomètres plus au sud n’est plus qu’à 1135 mè- tres; le caravansérail d’el Mai à 1059 mètres; enfin le marabout de Sfissifa au milieu du chott el Chergui, à 10 ou 12 mètres au-dessus du fond, n’a plus qu’une altitude de 1003 mètres. (1) Nous renvoyons à la note que nous avons lue à la Société mé- téorologique en 1857 (Ann. de la Soc. Met. de Fr., t. V, 1857) pour tout ce qui a rapport à l’indication des hauteurs, à la manière dont nous les avons calculées, à la profondeur des puits, aux tempé- ratures des sources, etc. Les quelques indications d’altitude suivies de : (M. C.) indiquent les altitudes calculées par M. MacCarthy. 526 SÉANCE DU 6 ÀYU1L 1857. Après avoir traversé le choit el Chergui, nous retrouvons les hauts plateaux parfaitement plans, mais se relevant vers le sud ; en effet, Kheneg Azier, à mi-chemin entre le cliott et Géi'yville est à 11 OA mè- tres. A peu près vers ce point, le terrain commence à présenter quel- ques légères ondulations auxquelles succède bientôt une petite chaîne de montagnes de 150 mètres environ au-dessus de la plaine, chaîne très nette, régulière, courant de l’E.-N.-E. à l’O.-S.-O. et dont toutes les couches plongeant fortement vers le S.-S. -E. sont cou- pées perpendiculairement à leur axe par une gorge profonde, étroite, longue de 3 kilomètres, qui débouche sur une plaine, à l’entrée de laquelle est situé le fort de Géry ville à 1307 mètres d’altitude. Nous venons d’entrer dans la 3* région, région montagneuse qui établit une séparation bien nette entre les plateaux du grand et du petit Sahara. Cette nouvelle zone est formée de chaînes parfaitement parallèles, régulières, s’élevant en moyenne de 3 à 500 mètres au-dessus de plaines et de vallées en général assez resserrées et dont l’altitude dé- croît à partir de Géryville jusqu’au moment où l’on débouche tout à coup sur les plateaux immenses du grand désert à 80 kilomètres plus au sud. En ce point, les dernières montagnes, peu élevées, composées de grandes couches calcaires parfaitement régulières, et presque re- levées à pic, forment en quelque sorte une grande muraille qui, sur certains points, comme à Brizina , plongent perpendiculairement sur les plateaux du grand Sahara et le limitent avec une admirable net- teté. Nous avons vu que Géryville, à l’entrée d’une plaine, au bord du ruisseau el Biod} est à 1307 mètres d’altitude ; les montagnes du Ksel, qui le dominent à A kilomètres sud, établissent la ligne de par- tage des eaux entre le grand et le petit Sahara. En effet, si nous nous rendons de Géryville, à l’entrée du grand désert, en nous di- rigeant sur el Abiod Sidi Scheik , nous trouverons : Le marabout do Si-el~Hadj-bert-Harnmeur , dans une val- lée, à 1130 m, Plus loin, le bord du ruisseau des Arba , à 928 m. Enfin, El-Àbiod-Sidi-Scheik, au pied des dernières mon- tagnes, à 860 m. Si nous nous dirigeons sur Brizina, nous trouverons : Le Kheneg (ravin) Boa Djellal, à. . . 1263 mètres. Aïn-el-Kser 1158 — Kheneg-el-Temeur 1080 — Brizina 827 — NOTE DE M. MARÈS. Ô27 La zone est de nouveau un plateau immense dont la surface est résistante, dure, couverte de débris caillouteux et d’une végétation le plus souvent maigre et rabougrie: ce plateau est plus régulier en- core que celui du petit Sahara et plus étendu en surface. A plus de 200 kilomètres de la région montagneuse, le sol de cette plaine sans limites se couvre tout à coup de sable dont les dunes, nommées Aregs, s’élèvent de plus en plus à mesure qu’on pénètre da- vantage vers le sud, deviennent de véritables collines de 50, 60 et 100 mètres d’élévation, le plus souvent sans végétation, composées d’un sable jaunâtre dont les grains siliceux, arrondis, transparents, ne sont mélangées d’aucune matière étrangère; au premier abord, ce pays immense de dunes sablonneuses présente l’aspect d’un océan furieux, battu par des vents contraires et dont les grandes vagues se seraient tout à coup arrêtées dans leur tumultueux désordre; l’œil cherche en vain une direction, une symétrie, un arrangement quel- conque dans la distribution de ces crêtes dorées: il n’y en a point d’apparent, et ce n’est que l’étude topographique du terrain sur le- quel reposent ces dunes mobiles qui nous aidera bientôt à découvrir l’ordre qui préside à leur distribution générale à la surface du sol. A partir de la zone montagneuse, le niveau du terrain continue à s’abaisser insensiblement de la manière la plus régulière vers le sud ; ainsi, en nous dirigeant sur la daya de Habessci, limite extrême de notre course, soit par el Abiod Sidi Sclieik, soit par Brizina, nous trouvons, par ei Abiod: El-Àbiod-Sidi-Scheik. ..... Keroua Benoud Mengoub Bou-Aroua Metilfa * Daya d’Oum-el-Derabin .... Bord de la Daya de Habessa. . . par Brizina : Brizina ( bord de l’Oued-Seggueur ). 827 mètres. Gara d’El-Anz 7 . . 757 — El-Assas 745 — Redjem-Aliat 684 — Sched-el-Khaïl 620 — Camp du 1 6 janvier 550 — Bord de Daya de Habessa 403 — Lorsqu’au sortir de Saïda on entre sur les hauts plateaux du petit désert, on marche sur un sol couvert d’une terre rougeâtre, sablon- 861 mètres 765 — 726 — 691 — 657 — 569 — 507 — 403 — 523 SÉANCE Ï)'U 6 AVRIL 1857. lieuse, quand elie est desséchée par le soleil d’été, mais boueuse et assez plastique lorsqu’elle est mouillée par la pluie et les neiges d’hiver. Celte terre est souvent couverte de nombreux débris degrés, de quartz, de diverses variétés de silex et de quelques fragments de calcaire à cassure cristalline; à quelques centimètres au-dessous de cette couche terreuse, se trouve presque partout une couche solide, dure, blanche, assez friable, ayant complètement l’aspect d’un tra- vertin, fréquemment mêlé de petits nodules d’un calcaire très dur et siliceux. On voit constamment les trous de gerboises, animal très commun sur les hauts plateaux, entourés de débris blancs arrachés au sol : ces débris indiquent d’une manière certaine la présence de cette couche que nous venons de signaler et dont l’épaisseur assez régulière a presque partout une moyenne de 60 à 80 centimètres. En certains points, cette couche est remplacée par un conglomérat de fragments calcaires ou siliceux, unis par un ciment blanchâtre très dur et peu abondant : ce conglomérat occupe quelquefois de grandes surfaces dont l’épaisseur ordinairement assez peu considé- rable arrive quelquefois à plusieurs mètres de puissance. Ce terrain en se délitant laisse à la surface du sol de nombreux débris dont on ne sait souvent, déprimé abord, comment s’expliquer la présence en certains points. Les rares coupes peu profondes que nous offrent quelques érosions superficielles, présentent au-dessous de cette pre- mière couche solide une terre rougeâtre, argileuse, ayant une grande profondeur, puisque au caravansérail d’el Mai on y a creusé un puits de U2 mètres avant d’atteindre le rocher. Nous n’avons pas encore trouvé de fossiles dans cette couche terreuse ni dans la couche blanche supérieure. Nous avons vu que le Choit el Chergui occupe le milieu des hauts plateaux et s’étend parallèlement aux montagnes, c’est-à-dire de l’E.-N.-E. à l’O. -S.-O. C’est une vaste dépression sans profondeur, dont les parties déclives paraissent établies sur un plan assez hori- zontal et n’ont pas plus de 10 à 12 mètres au-dessous du niveau des plateaux du petit désert. Le fond, légèrement ondulé, présente des espaces étendus, occupés par de petites dunes de sable : les points les plus déclives, couverts d’une légère nappe d’eau, en hiver, présentent, dans les parties que nous avons visitées, un sol formé de sable blanc et plus souvent bleuâtre, argileux, contenant presque toujours des bancs de gypse dont les couches sont reconnaissables en place, sur beaucoup de points: les eaux d’hiver lavent le sommet de ces bancs, les délitent et tapissent de leurs cristaux brillants le fond du choit qui, lorsqu’il esta sec, présente, sous les rayons du soleil, un splen- dide miroitement. Les berges, taillées à pic sur quelques points, sont NOTE DE M. iHÀRÈS . 529 pour la plupart détruites, et présentent le plus souvent une pente douce formée par la terre argileuse rouge des hauts plateaux ou par le sable blanc, bleuâtre, argileux, qui forme le fond et nous offre encore sur les bords quelques témoins isolés que les eaux détruisent peu à peu. Plusieurs sources jaillissent dans le choit el Chergui ; nous en avons visité deux très belles et très abondantes, légèrement sau- mâtres au goût, celle de Kreïder et celle de Sfissifa. Cette dernière sort au sommet d’un petit promontoire de sable blanc, élevé de 8 à 10 mètres au-dessus de la surface du chott et se reliant aux hauts plateaux, dans l’ouest. Les eaux de ces sources se perdent à quelque distance dans des bas-fonds marécageux. En sortant du chott par le sud, on retrouve les hauts plateaux parfaitement plans pendant ZiO kilomètres encore, mais s’élevant peu à peu, comme nous l’avons déjà vu : puis, le terrain commence à présenter quelques ondulations dont la direction générale est de l’E.-N.-E. à l’O.-S.-O. ; quelques couches de grès à plongement lé- ger vers le sud, coupent le terrain de temps en temps et présentent fréquemment des affleurements assez étendus, presque plans, éro- dés, usés par les eaux pluviales. Ces ondulations de terrain, la pré- sence des couches de grès, nous annoncent que nous allons entrer dans la 3e région, la région montagneuse; en y arrivant par le chemin de Géryville, nous avons vu qu’on rencontre une première chaîne de 150 mètres environ, au-dessus de la plaine, bien nette, bien ré- gulière, coupée transversalement par une gorge étroite et profonde ; cette coupe, naturellement de 3 kilomètres environ de parcours, livre passage aux eaux de Y Oued el Biod et permet d’étudier la formation de cette chaîne. Les couches très régulières, dirigées de l’E.-N.-E, à l’O. -S.-O. , sont inclinées vers le S.-S.-E. sur un angle de 30 à 35°. Ces couches sont d’un grès assez fin, semblable à celui de Fontaine- bleau, quelquefois de couleur grise et parsemée de points verts, mais offrant le plus généralement cette teinte rougeâtre ferrugineuse qui est, pour ainsi dire, la couleur caractéristique de toutes ces contrées; 11 contient en certains points des nodules de marne verdâtre très fine, très douce au toucher. Les couches de grès sont très régulières, mais varient en épaisseur, depuis quelques centimètre? jusqu’à 1 et 2 mè- tres, rarement plus; ce grès ne fournit aucuns fossiles, du moins nous n’y en avons pas découvert, jusqu’ici, la moindre trace, mais au- dessus se trouvent des sables marneux, argileux (rappelant beaucoup ceux des bas-fonds du choit), dont les couches de couleurs diverses suivent l’inclinaison des couches de grès. Ces sables renferment du calcaire et du gypse: le calcaire se présente en assises très régulières, de 50 à 60 centimètres d’épaisseur, tantôt gris assez fin, sans fossiles, Soc. géol.t 2e série, tome XIV. - 34 530 SÉANCE DU 6 AVRIL 1857. parsemé de nombreuses dendrites, tantôt d’un grès marneux foncé, rempli de coquilles presque toujours déformées, que nous n’avons pu recueillir en bon état, et parmi lesquelles M. Deshayes, qui a bien voulu examiner nos échantillons, a cependant reconnu des Lutines, des Cardium et des Avicules: la superficie de ce calcaire ou les cou- ches immédiatement supérieures sont très compactes, 1res dures, entièrement formées par les valves plus ou moins intactes d’une petite Oslrea que nous n’avons pu encore déterminer. Ces plaques calcaires, inclinées en général sur un angle de 25°, présentent fréquemment des fentes qui divisent leur surface en quadrilatères assez réguliers, et- leur donnent l’aspect de grands pans de murailles ou de gigantesques mosaïques. Le gypse est au-dessus de ce calcaire dont le séparent quelques mètres de sable marneux: il se présente en bancs d’épaisseurs di- verses, le plus souvent mélangés de marne bleue ; l’Oued el Biod contourne le pied de ces montagnes pour entrer dans la gorge que nous avons signalée plus haut, el s’est ouvert un lit dans les sables marneux. Les berges actuelles de ce petit ruisseau présentent, sur différents points, des lambeaux d’un terrain sablonneux disposé en couches horizontales de colorations diverses, ayant beaucoup de res- semblance avec les sables marneux auxquels il est adossé; ce terrain moderne atteint une épaisseur de 3 ou U mètres et contient en grand nombre les coquilles suivantes: Ljmneus ovatus . Drap. — pereger, Drap. Paludina acuta. Succinea amphibia , Drap. Physa intorta P Melanopsis lœvigata, Lam, Nous avons retrouvé toutes ces espèces dans les limons actuels du ruisseau. Les montagnes de la troisième zone, dans laquelle nous venons d’entrer, présentent une structure presque identique avec celle du pre- mier chaînon au nord de Géry ville : même direction générale de l’E.-N.-E. à l’O.-S.-O, pour toutes les chaînes, avec plongeaient de 30 à 40° S.-S.-E. des assises de grès qui forment la masse des mon- tagnes, et sont recouvertes à la base par les sables marneux dont les couches qui participent à l’inclinaison générale S.-S.-E. contiennent des calcaires à iumachelles et de nombreux bancs de gypse. Toutefois, le grès qui formait d’abord la masse générale des mon- tagnes cède, vers le sud, une large place à un calcaire blan- Pupa clolium. Hélix striata. — cespitum. Cyclas palus tris. Ancyllus lacustris , Drap. NOTE DE RI. MAUÈS. 531 châtre, à grain fin et compacte, le plus souvent parsemé de dendrites rappelant beaucoup le calcaire à dendrites de Géryyilie ; cette roche offre des assises parfaitement nettes, ne dépassant pas l’épaisseur d’un mètre, présentant souvent des fentes régulières, disposées comme nous les avons déjà vues à Géryyilie; au bord du grand Sahara toutes les couches sont calcaires et, en certains points, comme nous l’avons déjà dit, les couches des collines tombent presque perpendiculaire- ment sur les plateaux du désert affectant parfois la régularité d’une immense muraille. Ce dernier calcaire ne nous a pas présenté de fos- siles dans les points où nous avons pu l’examiner, mais la rapidité de notre course en est la seule cause, car de nombreux cailloux à peine roulés qui provenaient de points très voisins présentaient en abon- dance les huîtres caractérisant une partie des couches calcaires de Géryville. La zone montagneuse présente sur presque tous ses points des traces nombreuses de la présence des eaux : c’est ainsi que sou» vent on rencontre au sommet des montagnes des roches arrondies, simulant de loin de véritables blocs erratiques. Ils tiennent encore aux couches de grès à l’extrémité desquelles ils ont été formés, pro- bablement parles eaux de pluie; la forme de ces blocs indique une action érosiye venant du N. au S. Du côté de Brjzina, près du Kheneg el Arouïa, les eaux, en ravinant le sol, ont enlevé les parties terreuses qui séparent entre elles les couches régulières et minces de grès et de calcaire, et ont donné au pays nui aspect de désolation et d’aridité des plus étranges ; en d’autres endroits, elles ont jeté entre deux chaînes principales une quantité d’aiiuvions rouges qui ont enterré de petits relèvements dont les cimes de grès affleurent encore la sur- face de la plaine. Enfin, certaines localités, comme les Arba par exemple, nous présentent de puissants dépôts de ces sables d’eau douce, à couches horizontales et diversement colorées, complètement identiques avec ceux dont nous avons trouvé les lambeaux sur les bords de l’Oued el Biod à Géryviiie, possédant les mêmes coquilles fluvia- tiles modernes ; mais là, la formation est bien conservée et présente une hauteur de 10 à 12 mètres de chaque côté de la vallée, au milieu de laquelle coule le petit ruisseau des Arba. Ce terrain, nous Pavons encore trouvé en beaucoup de points très éloignés les uns des autres; il est généralement d’une assez forte épaisseur et bien reconnaissable par son aspect, la composition de ses couches diversement colorées et par les coquilles fluviatiles récentes qu’il contient. Ainsi, nous l’avons encore trouvé dans le sud du Maroc, à £00 kilomètres environ au S.-Q. de Géryville dans les ravinements des plateaux ondulés d’Assi Laricha. Quant au grès, nous l’avons aussi toujours vu former la grande masse des montagnes depuis Géryville jusqu’au point que 532 SÉANCE DU 6 AVRIL 1857. nous venons d’indiquer, et qui est la limite extrême à laquelle nous avons pénétré dans le S. -O. Enfin, il existe en plusieurs points de la région montagneuse des collines de sel, dues à des éruptions boueuses dans le genre de celle du rocher de sel sur la roule de Médéah à Laghouat; ainsi, à Makta , à quelques lieues à l’E. de Géry ville, nous avons vu un soulèvement semblable, de 2 ou 3 collines de 100 à 150 mètres d’élévation au-dessus des vallées; ce soulèvement, dirigé de l’E. à l’O., est postérieur à celui des montagnes environnantes et les coupe à angle aigu. A quelques kilomètres de Si-el-Hadj-ben Hammeur, il existe une autre montagne de sel ; enfin nous avons vu des sources très salées à Tyout et au nord de Reroua, Du reste, toutes les eaux des trois zones sud contiennent du sel en proportions notables, presque toujours assez pour le rendre appréciable au goût. De même qu’on retrouve les mêmes terrains à de grandes dis- tances, de même nous retrouvons aussi une configuration physique du sol presque identiquement semblable. Au printemps dernier, nous étions entrés sur les hauts plateaux par Sebdou, à 180 kilomètres environ à l’ouest de Saïda : c’était le même aspect, un plan immense et régulier dont la grandeur nous impressionnait vivement. Nous avons trouvé le chott el Arbi à 120 kilomètres environ de Sebdou, présentant une formation exactement semblable à celle du choit el Chergui, ouvert dans des terrains identiques, à uuealtitude peut-être un peu supérieure: au sud de ce choit, se trouvaient les chaînes ré-' gulières de la région montagneuse. Enfin, à l’ouest du chott el Arbi, toujours sur une ligne parallèle aux montagnes et à la côte, nous avons visité cet hiver la dépression de Tigri, vaste chott ayant une forme plus arrondie que les précédents, creusé dans les terrains rouges et siliceux des hauts plateaux, présentant des berges tantôt coupées à pic, tantôt en pentes douces; de nombreux témoins, sou- vent bien conservés, s’élèvent sur le sol qui est couvert d’eau en hiver dans les parties les plus déclives et présente sur d’autres points de larges espaces couverts de dunes sablonneuses. Un des bas- fonds de Tigri, près de Mazar , nous a donné une altitude de 1137 mètres, et les hauts plateaux qui entourent ce chott varient entre 1250 et 1300 mètres. Dans la Ae zone il n’y a plus une seule couche rocheuse: le soi n’est qu’un immense dépôt terreux dans lequel on rencontre, à di- verses profondeurs, quelques couches, ou plutôt quelques traînées de cailloux roulés, présentant toutes les variétés des roches des mon- tagnes qui sont au nord. Nous avons vu que le point de partage des eaux entre le grand et le petit désert est sur le Ksel, près de Géry- ville, presque toutes les eaux de la région montagneuse descendent NOTE DE M. MAHÈS. 533 donc vers le désert : aussi de larges traces d’érosions parallèles, sou- vent rapprochées les unes des autres et partant des montagnes, sil- lonnent ces immenses plateaux du N. au S., rompant aussi la mono- tonie de ces lignes si planes et montrant de belles coupes de 15 à U 0 mètres de hauteur. Auprès de ces montagnes, ces érosions super- ficielles occupent souvent une très grande surface, mais elles se li- mitent peu à peu, gardant encore une largeur de plusieurs kilomètres; et, à mesure qu’on descend vers le sud, on Us voit se régulariser, leurs lits se rétrécissent, et dans l’Oued Rarbi nous avons pu distin- guer 2 ou 3 terrasses étagées de chaque côté, indiquant bien nette- ment des traces d’érosions successives et de largeur toujours moin- dre. Le lit actuel de l’Oued coule au milieu des deux dernières berges et des troncs d’arbres, des plantes, des gravois arrêtés entre les branches des tamarins qui croissent dans le lit de l’Oued, prouvent que le ruisseau presque toujours complètement à sec, peut devenir parfois un torrent assez fort mais bientôt réduit à l’impuissance par la largeur de son lit, sa faible pente et la diminution rapide de ses eaux qu’absorbe un terrain caillouteux et longuement desséché par les chaleurs de l’été. L’eau coule donc rarement, mais elle est à fleur de sol pendant l’hiver, surtout si cette saison est pluvieuse : l’on trouve alors des flaques pleines jusqu’au point où les sables envahissent com- plètement le terrain jusqu’aux Aregs. Dans le cours de l’Oued Rarbi, lorsqu’il n’y avait pas de ces flaques ou Reddirs , nous trouvions alors des puits creusés à 2m,50 au-dessous de la surface du sol qui nous fournissaient de l’eau en abondance. Les berges actuelles peu- vent s’élever jusqu’à 35 ou AO mètres environ, mais le plus souvent elles n’ont que de 10 à 20 mètres en moyenne; leur sommet, for- mant le sol des plateaux, est composé d’un terrain blanchâtre, assez dur, gypseux, ou bien de terre rouge un peu plus résistante que celle des parties inférieures ; le reste de la coupe est complètement formé de terre, soit mélangée de granulations ou plutôt de nodules de car- bonate et de sulfate de chaux, soit pure, rouge, toujours siliceuse, présentant assez fréquemment dans son épaisseur 2 ou 3 lits horizon- taux de cailloux roulés, étagés à des hauteurs diverses, et qui se ré- pandent sur le sol à mesure que les berges se détruisent ; ces cailloux prennent alors un poli aussi parfait que s’il était dû au vernis le plus brillant: ils présentent aussi à leur surface des stries d’une finesse et d’une perfection très remarquables, probablement dues au frot- tement presque continuel des particules sablonneuses que soulèvent les moindres courants d’air. Les berges tendent constamment à s’ébouler, sous l’action des eaux qui les sapent à la base pendant la saison des pluies, et elles laissent des coupures à pic d’un très bel SÉANCE' DU (5 AVRIL 1857, 53 h effet pittoresque par leur netteté et leur grandeur; les Arabes les dé- signent soüs le nom de Gara , au pluriel, Gour. Celte propriété que possède la terre du désert, de s’ébouler aussi régulièrement sous l’ac- tion dès eaux, a donné lieu à la formation de véritables monuments naturels, qui sont d’une grandeur et d’une beauté merveilleuses : nous citerons les plus remarquables près de Brizina, les gours de Si-el-Hadj- Eddin, magnifiques témoins restés debout au milieu d’une des grandes surfaces d’érosion que nous avons signalées près de la zone montagneuse. Ce sotit d’immenses quadrilatères irré- guliers, d’une hauteur de 35 à AO mètres, séparés les uns des autres par de grandes coupures parfaitement nettes ; leur en- semble peut avoir 6 à 7 kilomètres de longueur: leurs murailles taillées à pic , leur sommet parfaitement plaii et régulier, leur donnent de loin l’aspect d’immenses remparts bâtis par des géants. Au printemps dernier* nous les avions vus de loin, du haut des monta- tagnes près de Brizina, et un de nos compagnons, qui a parcouru toute l’Égyptxq nous disait que rien ne lui rappelait mieux, mais avec des proportions gigantesques, les grands monuments deThèbes, vus à distance. La plaine de dénudation qui les entoure est très vaste, de sorte que ces beaux témoins apparaissent dans toute leur majesté et for- ment une digne entrée aux solitudes mystérieuses du grand désert. Si nous suivons tiii de ces larges sillons d’érosion jusqu’aux sables du sud, nous verrons le terrain changer de nature au moment où nous arrivons dans les grandes dunes. Là, le sol qui supporte ces collines mobiles n’est plus terreux; rouge, et contenant souvent des graduations de carbonate et de sulfate de chaux, comme le terrain que nous avons parcouru jusqu’ici; depuis notre sortie des monta- gnes ; le sol réel nous présente maintenant un sable fin, aggloméré, solide, disposé en couches horizontales, tantôt blanc; rouge, mais le plus souvent jaune oit bleuâtre, ne montrant plus les moindres cou- ches de cailloux roulés dans ses coupes, mais contenant de grands bancs de sulfate de chaux et présentant une grande analogie, quoique plus purement siliceux , avec les sables qui forment le fond du choit el Chergui, avec ceux que nous avons trouvés au fond de la plupart des puits el plusieurs fois, à la base des berges de l’Oued Rarbi, dont nous suivions le cours desséché pour arriver dans ces contrées désolées. Les sillons d’érosion, à mesure qu’ils pénètrent dans le sud, de- viennent moins profonds, leurs berges s’abaissent; arrivée à ces ter- rains de sables clairs, l’eau diminuée de force et de volume, n’ayant qu’un courant insensible, s’est divisée en plusieurs branches, cher- NOTE DE M. MARÈS. 535 chant en quelque sorte un point d’arrêt et de repos. Celle disposition est tellement évidente que les Arabes nous montrant ces bifurcations nous disaient, dans leur langage figuré ; « Vois, la rivière est fati- guée. » Nous ne tardons pas en effet à trouver l’arrêt définitif des eaux ; en pénétrant plus avant au milieu des Àregs, on voit chaque branche de bifurcation arriver à des impasses barrées naturellement vers le sud par le terrain de sables bleus et jaunes que les eaux n’ont plus eu la force d’éroder plus loin. Elles se sont alors accumulées en ces points, formant des dayas ou lacs, dont la grandeur varie de quelques centaines de mètres à 2 et 3 kilomètres de diamètre, le plus souvent ovales, ayant leur plus grande longueur orientéeJN7. -S. , et aujourd’hui complètement à sec. Ces cours d’eau se ramifiant ainsi, ont laissé entre eux de nom- breux lambeaux de terrain, dont quelques-uns ont conservé leur première élévation, et constatent ainsi la force érosive des eaux : ces rares témoins intacts sont recouverts* au sommet, par une croûte dure, peu épaisse, de luff compacte, laissant à la surface du sol, dans les rares points où le sable permet de l’apercevoir, de nombreuses plaquettes détachées, éparses et recouvertes d’un poli brillant sur toutes les parties exposées à l’air. La partie qui repose à terre est d’un blanc mal qui contraste avec le reste. Ce sont les seules pierres qu’on puisse trouver dans ces contrées : les témoins ou gours les mieux conservés, dégagés du sable, portent presque tous un nom particulier, et les Arabes ont disposé au sommet des plaques de tuff, de façon à former des signaux qui permettent aux caravanes de reconnaître leur chemin et de se diriger avec sûreté dans ces ter- ribles solitudes. Les dunes qui entourent les gours de signaux sont souvent plus élevées qu’eux, mais véritables parasites ne tenant point au sol, elles changent de forme et de place par le souffle des vents ; c’est ce qui leur donne cet aspect tumultueux et désordonné qui frappe tout d’abord le voyageur: mais comme elles occupent principalement les points soustraits aux érosions, une partie de la pente des berges et plus rarement les fonds, elles présentent dans leur effeemble une disposition générale correspondant assez bien à la forme des terrains sous-jacents non érodés. Le lit des oueds, au milieu des Aregs, est couvert d’un sable ordi- nairement moins fin et moins parfaitement pur que celui des dunes qui les entourent ; il est parsemé de petits cailloux, ou plutôt de grains presque tous quartzeux, arrondis, derniers débris des frag- ments provenant des montagnes de la 3e zone. Enfin, les dayas présentent un intérêt tout particulier; elles sont 53G SÉANCE BU 6 AVRIL 1857. actuellement à sec, mais leurs berges sont bien tracées. On distingue nettement le rivage, la hauteur exacte qu’atteignait l’eau, et l’on peut voir ainsi que la plus grande profondeur était toujours vers l’extrémité sud, au point où les eaux avaient rencontré le dernier obstacle qui devait enfin limiter leur passage. Le sable qui couvre le fond des dayas est mélangé le plus souvent de cristaux de gypse; il a une couleur limoneuse bien tranchée avec celle des sables dorés des dunes environnantes. Si l’on creuse cette première couche, on trouve à 20 centimètres environ de profondeur une croûte de sel compacte, de 10 centimètres d’épaisseur, qui forme un vaste plancher solide, et dont la face inférieure se termine par des stalactites qui s’enfoncent dans une couche sous-jacente de sable très humide, contenant aussi de nombreux cristaux de gypse. Sur les bords de l’ancienne rive, souvent dans le fond même et au milieu du limon de ces lacs, sont répandues des quantités de co- quilles d’eau douce et d’eau saumâtre ; ce sont : Le Cardium edule, qui domine partout en nombre. Les Paludina acuta . Phys a intorta. Lymncus ovatus , Drap. Melania virgulata. Melanopsis cos ta ta. Toutes ces coquilles sont là, mortes, mais bien conservées, et, si je pouvais me servir de cette expression en parlant d’un lac, je dirais qu’on a sous les yeux le squelette intact des dayas : l’eau seule s’est retirée et la vie avec elle Le sable limoneux qui recouvre le fond salé des dayas donne une forte effervescence par l’action des acides. La croûte de tuff qui surmonte les gours, la croûte blanche des plateaux du grand désert et la terre rouge à nodules blancs qui est au-dessous, offrent les mêmes caractères, mais le sable blanc bleuâtre ou jaune qui forme le sol résistant au milieu duquel reposent les dayas, le sable parasite des dunes ne donnent aucune trace d’effervescence. Ces deux ter- rains ne nous ont présenté à l’analyse que de la silice mélangée d’une très petite quantité de fer, d’alumine, de chlorure de sodium et de sulfate de chaux. Le sable des dunes provient souvent d’une assez grande distance du point où on le trouve. Nous l’avons vu se former en quelque sorte sous nos yeux ; c’est surtout au pied des berges, dans le grand désert, que ce phénomène se montre avec une netteté complète : la terre rouge et siliceuse des gours, détachée peu à peu par les eaux pluviales, est entraînée par d’innombrables rigoles jusqu’aux oueds ; les grains siliceux lavés à plusieurs reprises ss dégagent de plus en NOTE DE M, MARÈS. 537 plus des parties terreuses, prennent cet aspect jaune rougeâtre et doré particulier aux grandes dunes, et les courants d’air, en em- portant ce sable nouveau, achèvent de purifier ses particules sili- ceuses par le frottement et les emportent au loin. Le vent du nord, qui règne presque continuellement dans ces contrées, tend à pousser ces sables vers le sud. Le moindre courant d’air suivant le lit des oueds soulève la poussière qui en couvre la surface, et l’on voit ce brouil- lard singulier se traîner lentement vers lo sud comme une vapeur poussée par un léger souffle de vent. Au printemps dernier, nous n’avions aperçu ce phénomène qu’à de grandes distances, et nous avions toujours cru voir des vapeurs intenses enlevées par la chaleur à des fonds encore humides. Dans le pays des Dayas, le moindre vent ne soulève plus des traînées de poussière, mais toute une atmosphère qui couvre le ciel d’une brume rougeâtre, et transporte au loin des flots de sable qui s’amoncèlent avec rapidité contre les moindres obstacles. En lisant cette note, nous n’avons eu d’autre pensée que de don- ner une description exacte de ce que nous avons vu, et, si c’est possible, de faire bien saisir l’aspect de ces pays si peu connus encore. Des difficultés matérielles nous empêchaient de pénétrer plus avant dans le pays des Dayas, déjà si difficile à atteindre. La rapidité de notre marche, que la prudence nous commandait de ne pas ralentir, ne nous a pas permis de rechercher avec succès des débris fossiles ou d’autres signes propres à nous éclairer complètement sur l’époque exacte de la formation de ces immenses plaines, de ces puis- santes couches terreuses, où le sulfate de chaux et surtout la silice sont répandus avec une telle abondance. Toutefois, l’origine de ces masses d’eau qui ont laissé des traces bien évidentes dans les mon- tagnes de la 3e zone, qui ont formé les gours, et dont les courants amoindris et fatigués sont venus mourir dans les dayas du sud, nous paraît pouvoir être expliquée suffisamment par d’abondantes pluies tombées à une époque peu reculée sur la zone montagneuse. Enfin, les quelques fossiles que nous avons pu recueillir à Géry- ville et l’aspect du terrain de la 3e zone nous portent à la classer dans le terrain crétacé inférieur; quant aux plateaux du grand désert, ils sont évidemment postérieurs à cette formation, puisque nous avons vu qu’une partie de leurs matériaux, sinon tous, proviennent des montagnes. # Nous désirons que ce rapide aperçu puisse fournir quelques indi- cations utiles sur la constitution physique d’un pays encore inconnu, et nous demandons qu’il nous soit permis en terminant de remercier ici M. le commandant de Colomb, dont la bienveillante amitié ët le 538 SÉANCE DU (3 AVIUL 1857. cordial accueil nous ont permis de pouvoir visiter ces pays si diffi- ciles à parcourir et complètement inexplorés jusqu’à ce jour. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ebray. Profil géologique du chemin de fer d’ Orléans. Partie comprise entre Iteuil et Châtellerault ; par M. Th. Ebray. 1° Considérations générales sur l’utilité des profils géologiques. Si l’étude de la géologie est indispensable dans certains arts, elle peut être considérée comme très utile dans la construction des grands travaux de chemin de fer; pénétré de cette idée, j’ai entrepris, dès l’année 1851, l’exécution du profil géologique des chemins de fer français (1). Pour ceux qui ont examiné attentivement les causes de détériora- tions constantes des tranchées, détériorations qui entraînent souvent à des dépenses considérables et infructueuses, il est évident que les questions géologiques n’ont pas été prises en considération, et cepen- dant rien n’est plus simple au moyen de l’étude, ou à son défaut, au moyen de sondages, de se rendre un compte exact du mode de su- perposition des couches. Les détériorations de tranchées sont dues principalement : 1° À la mauvaise inclinaison des talus ou au mauvais aménage- ment des eaux; 2° A l’existence d’une couche compressible qui dans les déblais fait tasser les talus, dans les remblais produit des accidents graves, tels que affaissements, exhaussement des terrains voisins, etc. ; 3° A l’inclinaison transversale des bancs qui font cheminer tout un terrain dans une certaine direction ; cette cause produit des acci- dents dangereux ; k° A l’infiltration des eaux qui à la longue prédispose les terrains aux éboulements. Il ne sera pas question dans ce travail d’examiner les remèdes à opposer à ces tendances mauvaises; on remédie facilement au mal (4) M. Bazaine, ingénieur en chef du chemin de fer du Bour- bonnais, attachant de l’importance à l’examen méthodique des terrains, m’a chargé, en 4 856, de l’étude du profil géologique. M. Bazaine est le premier ingénieur ayant introduit le profil géolo- gique dans les pièces à fournir à l’appui d’un projet de chemin de fer. NOTE DE SI. ÉBRÂY. 539 parfaitement connu, et pour le connaître il faut, avant tout, étudier la nature minéralogique des terrains traversés et limitrophes. Les profils géologiques des chemins de fer ont encore une autre utilité. On sait avec quelles difficultés le géologue a à lutter lorsqu’il veut dresser une carte exacte; des contrées entières sont souvent recouvertes par des détritus qui cachent la nature des terrains; aucun déblai, aucun puits ne vient sortir l’observateur d’embarras, et lorsque ces données existent, il est souvent impossible d’en tirer un parti entier ; car où mesurer l’incliilaison des couchés, où étudier les li- mites si intéressantes des étages? ce n’est pas assurément dans un puits ni d'ans une carrière de peu d’étendue. Il faut, pour arriver à un résultat, des données générales exemptes de supposition et d’induction. Rien n’est plus beau et plus instructif que de parcourir une ligne de chemin de fer montrant par des dé- blais souvent profonds la succession des couches et la majestueuse transformation des êtres qu’elles contiennent. Lorsque l’inclinaison des couches est régulière, la puissance d’un étage se calcule facilement, en effet : P Soit AB la pente des rails. — PQ la direction des couches. — a l’angle que fait la direction des couches avec l’horizon. — p l’angle que fait la ligne du chemin de fer avec le même horizon. ni et n les points d’affleurements des étages. — p la puissance de l’étage traversé. — L la distance entre les affleurements. L’angle que font les couches avec la ligne des rails sera : a -j- (3 ou a — (3 = y et la puissance de l’étage p ==: L sin. y. On remarque facilement que ce mode de calcul n’est applicable SÉANCE DU 6 AVRIL 1857. 540 que dans le cas de concordance géologique; lorsqu’il y a discordance, le calcul devient un peu moins simple. Soit : AB = / la distance horizontale qui sépare les deux affleure- ments M et N d’un étage. — - MN = L, — a , b , les altitudes des points M et N. — ( b — a) — d différence de niveau entre les points M et N. — NO, la ligne de séparation inférieure de l’étage, représentant l’inclinaison de l’étage inférieur. — NO', l’inclinaison de l’étage dont on veut mesurer la puissance. — • MO", la limite supérieure de l’étage ou l’inclinaison de l’étage supérieur. — oc, l’angle que fait la pente moyenne MN du terrain avec l’in- clinaison NO;. — (3, l’angle O'NO. La puissance de l'étage représentée par la ligne MR := P perpen diculaire à NO' s’exprimera de la manière suivante ; Le triangle M et R donne : P. sin. (90° — (3) = L sin. (a + (3). et par conséquent ; p l sin- (« + p) sin. (90° — (3) mais sin. (90° — {3) = cos. j3 et L — V l2 ■+■ a2 NOTE DE M. ÉBRAY. 5Zil donc : p= VW+P) x ® COS. (3 Lorsqu’il y a concordance, B devient nul et l’on obtient : P = L X sin. a = v/ («2 + P) x sin. «, 2. Examen de la partie du chemin de fer d'Orléans comprise entre îteuil et Châtellerault [Vienne). Je commence par cette section parce qu’elle est la plus intéres- sante du chemin de fer d’Orléans. On traverse le granité, les terrains jurassiques et plus loin, vers Châteîleraut, les terrains crétacés. Le granité qui se montre à Ligugé et sur le flanc droit du coteau du Clain paraît être la continuation du massif granitique du Limousin; il se trouve couvert d’une puissance variable de gneiss assez riche en mica. Le lias supérieur est venu se déposer sur ces roches dont la tem- pérature devait être déjà très basse, car le lias ne se trouve pas bien sensiblement modifié au contact; les mers du lias ont délaye les premières couches et il s’en est suivi un phénomène que l’on pour- rait appeler métarmorphisme aqueux, c’est-à-dire modification sur- venue dans l’étal minéralogique des dépôts par suite de l’action dis- solvante et destructive de l’eau sur les fonds des mers. C’est cette action dissolvante qui a donné aux couches inférieures de l’étage bajocien une couleur bleue comme aux Bachets, couleur résultant de la dissolution des couches bleues du lias. Cette même couleur se remarque dans les couches inférieures de l’étage callovien par suite du mélange de la terre à foulon ; c’est ainsi qu’à Niort le lias moyen contient, sur des épaisseurs assez fortes, des morceaux détachés de schistes qui proviennent de l’action des eaux sur les dépôts inférieurs. Dans certains endroits, le lias argileux bleu se trouve surmonté par des couches jaunâtres contenant Y- mmmonites insignis ; mais ces couches ne sont pas traversées par le chemin de fer, elles apparais- sent à Croutelle (Vienne), et avec beaucoup de puissance à Thouars (Deux-Sèvres). Le lias est peu épais à Ligugé et disparaît bientôt, comme l’indique le profil, sous les couches puissantes de l’ooliihe inférieure, qui tantôt dure et siliceuse, fournit des pierres très estimées, tantôt tendre et friable, ne donne que des mauvais moellons. Les fossiles de l’étage bajocien des environs de Poitiers sont peu SÉANCE DU 6 AVRIL J 857. 5 nombreux; ils consistent en Pleurotoinaires, en Nautiles et en Téré- bralules. Les principaux sont les suivants : Belenmites gigânteus , Schloth. Nauti Lus lineatus , Sow. Nautilus dansas, d’Orb. Ammonites Murchisonœ , Sow. Pleurotomaria proteus . Delong, Pleurotomaria Ebrayana, d'Orb. Pholaclomya obtus a , Sow. Trigonia costata , Park. Rkynchanclla quadripllcata , d’Orb. La grande oolithea une épaisseur très variable; la partie traversée par le chemin de fer est insignifiante ; mais cet étage augmente con- sidérablement de puissance vers Chauvigny, où il a près de 80 mètres d’épaisseur. Les grands escarpements situés an nord de Poitiers pa- raissent faire partie de l’étage bathonien : on y trouve Y Ammonites bullatus , et au-dessus, l’étage callovien avec beaucoup de fossiles caractéristiques. Ces fossiles sont les suivants : Ammonites anceps , Rein. lunula , Zieten. — macrocephalus, Sch. — Hcrveyi, Sow. — hectiçus, Hart. Nautilus granulosus, d'Orb. Avicula inœquif alvis , Sow. Pecten fibrosus , Sow. Ostrca Marshii , Sow. Je décrirai dans un autre travail deux espèces nouvelles d’Ammo- nites contenues dans ces dépôts : 4° Anirnon. polynomus (Ebr.), à ombilic très ouvert, carène sem- blable à celle de Y Amman, comensis , côtes ondulées et assez rappro- chées. — Localité. La Grimaudière (Vienne'). 2° Amman, oirensis (Ebr.), ombilic fermé, coquille discoïde, ca- rène tranchante. — Localité. Oiron, près Thouars (Deux-Sèvres). Ce dernier étage est recouvert, dans la vallée du Clain, par le diluvium ; ce n’est qu’à Dinain que l’on rencontre l’étage oxfordien avec ses bancs de calcaire lithographique. On voit par le profil, qu’à partir du granité de Ligugé, les bancs ont une inclinaison générale vers le nord, tandis que de l’autre côté l’inclinaison se fait en sens inverse. Les environs de Ligugé forment donc le point culminant des cou- ches géologiques, qui d’une part disparaissent sous les étages de plus lên plus récents du bassin anglo-parisien, d’autre part se perdent sous les couches jurassiques et crétacées du bassin pyrénéen. Je suivrai dans une autre note les allures de ces étages, j’exami- nerai leurs caractères minéralogiques et j’énumérerai les nombreux fossiles qui s’y rencontrent. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 543 Séance du 20 avril 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. P. de Cessac, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Grand-Bourg (Creuse) ; présenté par MM. Ch. d’Orbigny et Michelot. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Delesse, Bulletin des Annales des mines, 1855, 1er sem., et 1856, 1er sem., in-8. De la part de M. Lartet, Note sur un humérus fossile d'oi- seau, attribué à un très grand palmipède de la section des longipennes (extrait des Comptes rendus des séances de V Aca- démie des sciences , t. XLIY, séance du 6 avril 1857), in -h, 5 p. 1 pl. De la part de M. Ch. Lyell, Supplément to the fifth édition of a Manual of elementary geology , in-8, 35 p. Londres, 1857 ■ chez John Murray. De la part de M. J. Prestwich, On the corrélation of the eocene tertiaries of England , Finance and Belgium (from the Quarterly Joicrn. of the geol. Soc. of London for febr, 1857), in-8, p. 90-134. De la part de M. le docteur Albert Oppel , Die Juraforma - tiùn Englands, Frankreichs und des südwestlichen Deutsch- lands , in-8. Stuttgart, 1856 -, chez Ebner et Scheubert. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1857, 1er sem., t. XLIY, n°s 14 et 15. Bulletin de la Société de géographie , 4e série, t. XIII, n° 75, mars 1857. L Institut, 1857, nos 1214 et 1215. Société L d'agriculture , etc., de V arrondissement de Fa- SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. b Ml lenciennes. — Revue agricole , industrielle et littéraire , 8e an- née, n° 9, mars 1857. Annuaire de V Institut des provinces et des congrès scienti- fiques, 1857, in-12, 535 p. Paris, chez Derache j Caen, chez A. Hardel. The Athenœum , 1857, nos 1537 et 1538. Abhandliuigen der K . Bôhmischen Gesef/schaft der Wissen- schaften% 5e série, vol. IX, 1854-1856. Verhantdungen des naturhist . Vereines der Preussischen Rheinlandt und W èstphalens . Dreiz. Jahrg. — Zweit. und Dritt. heft., in-8. Revista de los progrès os de las ciencas exact . , fisic . y natur ., t. VII, n° 3. M. Piette fait la communication suivante : Description des Cerithium enfouis dans les dépôts bathoniens de V Aisne et des Ardennes , par M. Ed. Piette. Presque tous les genres de mollusques qui peuplent les mers à l’époque actuelle existaient déjà aux âges les plus reculés de la terre. Parfois ceux que nous retrouvons dans les sédiments anciens pa- raissent, par leur aspect et par leurs caractères, s’éloigner beaucoup des espèces que nous voyons maintenant dans les eaux ; mais si l’on suit leurs transformations à travers les âges, on s’aperçoit qu’ils appar- tiennent à un type unique qui s’est modifié successivement, et dont chaque forme correspond ordinairement à une époque particulière. C’est ainsi que les gastéropodes, qui ont vécu pendant les temps juras- siques, se distinguent très nettement de ceux de l’époque tertiaire, quoiqu’ils appartiennent ordinairement aux mêmes genres, et, parmi eux, ceux des mers basiques ont un cachet particulier qui les fait distinguer le plus souvent au premier coup d’œil de ceux des mers oolilhiques. Les Cerithium , qui occupent une si large place dans les créations récentes, n’en avaient pas une moins considérable dans la faune de la grande oolithe. Quand on étudie les sédiments qui se sont for- més à cette époque, on trouve certains dépôts où ils ont été amassés en telle quantité que les gîtes tertiaires n’en contiennent pas un plus grand nombre. Parmi ces amas, on remarque au premier rang celui du bois d’Éparcy. Presque tous les Cerithium que je Vais décrire pro- Bull . de la Soc . Géol . de- France Note de M. Ed.Piette sur des Cénihiiun. 2 c Sie 'J'XV ;?1 ,Y_1 o 3e 6M. ‘ 1 : f wüsrâel lmp .hemercier,. Paris . Note de M . Nd.Piette - sur les Cénlhmm - 2eS3f T.IlY-Pl.YLPase 54i. Bull. de la Soc.Géolde France. - % WrN \ïi~! 1 b' lïïetcc del lmp .Lemercler, Paris . .Bull.de la Soc. Géol. de France Note de Wf Id Piettô. sur les Cerithium.. 2 e S _ T.XIV-P1 .YILPage \d.Piette del . lmp Jjemercier dards Bull.de la Soc. Géol . de France . Note de M. Ed.Piette . 2 e Sie T.XÏOl.VllLPage 545 - sur les Centhium NOTE DE M. PIETTE . 545 viennent de ce gisement. Ils sont ordinairement de petite taille (1). Leurs ornements sont des stries ou des granulations; leur canal est court, droit ou rejeté en arrière; leur columelle est souvent torse. Souvent aussi, leur dernier tour est plus embrassant que celui des Cerithium ordinaires. Ces caractères, un peu différents de ceux ([es Cerithium qui ha- bitent nos mers, ont donné la pensée à MM. Morris et Lycett de créer un genre particulier pour ces coquilles. Ils en ont fait des Cetdtella . Comme j’ai vu souvent les diverses variétés d’une môme espèce appartenir les unes aux Cerithium, les autres aux Ceritella , je ne puis adopter ce genre. Je décrirai donc sous le nom de Cerithium toutes les coquilles qu’on pourrait rapporter aux Ceritella. En commençant celte note, j’espérais pouvoir y décrire tous les Cerithium que j’ai rencontrés dans la grande oolilhe des Ardennes et de l’Aisne ; mais je n’ai pas tardé à m’apercevoir que ma communi- cation prendrait des dimensions trop grandes pour être insérée dans le Bulletin , et j’ai résolu de faire paraître plusieurs notes successives sur les coquilles appartenant à ce genre. GENRE CERITHIUM. Cerithium inornatum (2), Piette, PI. V, fig. 22 et 23. Coquille lisse, ovale; suture linéaire; ouverture petite; canal très court. Hauteur : h millimètres. Localité ; Bois d’Éparcv. Calcaire blanc inférieur (3). Cerithium pentagonum , d’Arch. , PI. V, fig. II. Coquille turriculée, allongée, pentagonale, ornée de .‘tries trans- versales. Cinq côtes longitudinales s’étendent en se tordant un peu sur toute la longueur de la coquille et correspondent aux arêtes du pen- (1) Il ne faudrait pas en inférer qu’ils ne peuvent acquérir de plus grandes dimensions; ce ne sont peut-être que des jeunes. (2) Ce fossile et presque tous ceux dont on va lire la description ont été sommairement décrits par moi. Voy. Bull, de la Soc. géol. de France , 2e sér , t. XII, p. 1083. (3) L’oolithe miliaire du bois d’Éparcy étant intercalée entre les deux assises de calcaire blanc doit être classée dans les calcaires blancs. Je rattache donc à la faune des calcaires blancs tous les fos- siles que j’ai signalés en 1 855 dans l’oolithe miliaire du bois d’Éparcy. Soc. géol. } 2* sér., tome XIV. * 35 SÉANCE DU 20 AVRIL 4857. 5A6 lagone. Base du dernier tour striée. Ouverture petite, subquadran- gulaire. Canal droit et très court. La coquille que j’ai dessinée représente une variété beaucoup plus allongée que celle qui a été figurée par M. d’Archiac. On trouve cette espèce en grande abondance dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Cerithium insculpatum , Piette, Pl. V, fig. 1. Coquille turriculée, allongée; tours nombreux, ornés de stries transversales flexueuses qui viennent se terminer à une petite rampe qui porte une rangée de granulations le long de la suture; le dernier tour est un peu enveloppant. Ouverture étroite et allongée; columelle torse. Canal légèrement rejeté en arrière. Bord libre arqué. Hauteur ; 20 millimètres. Cette coquille n’est pas rare dans les calcaires marneux de Rumigny. Cerithium semiundans , Piette, Pl. Y, fig. 2. Coquille conique; tours lisses , pourvus d’une petite rampe à peine visible le long de la suture. Les premiers sont ornés de côtes longitu- dinales très peu accentuées et visibles seulement à la partie antérieure de chacun d’eux. Ouverture large, subquadrangulaire. Canal droit, presque nul. Hauteur ; 10 millimètres. Cette coquille gît dans les calcaires marneux de Rumigny. Très rare. Cerithium thiari forme , Piette, Pl. V, fig. 3, etPl. VIII, fig. 13 et 15. Spire formant un angle irrégulier. Une rangée de granulations placée entre deux fines stries transversales qui ne sont pas toujours visibles, et une carène transversale, forment les ornements de cette coquille. Souvent la carène est granuleuse. On voit, en outre, sur cer- tains individus des stries d’accroissement. Canal droit , ouverture subquadrangulaire. Celte coquille, dont la taille ne dépasse pas trois millimètres, est nombreuse dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Cerithium Barrandei , Piette, Pl. V, fig. Al. Coquille ovale. Tours ornés transversalement d’une rangée de no- dules, d’une ou deux rangées de petites granulations et de fines stries NOTE DE M. PIETTE . 5&7 transversales. Dessous du dernier tour orné de stries transversales. Ouverture étroite. Canal droit, allongé. Cette espèce, qui n’a pas plus de cinq millimètres de hauteur, gît dans les calcaires marneux de Rumigny et dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Je l’ai dédiée à M. Barrande. Très rare. Cerithium Chapuiseum , Pielte, Pl. V, fig. éO. Les ornements de cette coquille sont très compliqués. Au-dessous de la suture est une rangée de petites épines suivie par deux rangées d’épines plus petites, qui disparaissent dans les premiers tours. Vient ensuite une rangée d’épines semblable à la première, puis une autre plus petite. Les premiers tours n’ont que deux rangées épineuses. Canal droit. Hauteur : 15 millimètres. Calcaires marneux de Rumigny. Très rare. J’ai dédié cette coquille à M. Chapuis. Cerithium humile , Piette, PL Y, fig. 15. Coquille turriculée, allongée, étroite, lisse, voisine du Cerithium multivolutum ; elle en diffère par l’absence de tout ornement, par sa columelle simple et droite, son canal droit et son ouverture allongée. Hauteur : h millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Rare. Cerithium coni forme, Pielte, Pî. V, fig. 3A. Coquille conique, spire courte, tours ornés de côtes longitudinales irrégulières. Canal court et droit, ouverture petite. Ce fossile, dont la taille ne dépasse guère 1 millimètre, gît dans les calcaires blancs du bois'd’Éparcv. Il est rare. Cerithium multivolutum, Piette, Pl. Y, fig. 16, 17, 18 et 20. Coquille turriculée, allongée, composée d’un grand nombre de tours étroits, droits ou légèrement convexes, qui paraissent lisses au premier aspect et qui le sont effectivement sur un grand nombre d’individus. Mais, sur les spécimens les mieux conservés, on peut distinguer, quand on a de bons yeux, le long de la suture, une rangée de fines granulations et quelques stries transversales; on voit, en outre, sur la coquille, des stries longitudinales, flexueuses, assez ré- gulières. J’ai dessiné les principales variétés de cette coquille, et je SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. 558 me suis assuré en la sciant qu’elle n’appartient pas au genre Nérinée. Hauteur : 3 centimètres. Calcaires marneux de Rumigny et d’Éparcy. Nombreux. Cerithiüm Omalii , Piette, PI. Y, fig. 21. Coquille turriculée, allongée, lisse, composée d’un grand nombre de tours étroits, légèrement convexes. Le dernier est très gibbeux. Canal court. Quoique cette coquille rappelle les Nérinées par sa forme, ses caractères intérieurs sont ceux des Cerithiüm, Hauteur : 16 millimètres. Calcaire marneux de Rumigny. Cerithiüm Dewalquei, Piette, Pl. V, fig. 19. Coquille turriculée, allongée ; tours presque droits, couverts de stries longitudinales peu visibles; ouverture allongée; canal presque droit. Hauteur : 8 millimètres. Calcaire marneux de Rumigny. Rare. J’ai dédié cette coquille à M. Dewalque. Cerithiüm fibula , Piette, Pl. V, fig. 10. Coquille turriculée, allongée, ornée de stries longitudinales peu visibles; suture canaficulée ; ouverture allongée. Quoique cette co- quille soit très abondante dans les calcaires blancs de Bulson, je n’en ai pas recueilli un seul spécimen dont l’ouverture soit intacte. Hauteur ; 22 millimètres. Cerithiüm rumignyense , Piette, Pl. V, fig. 8. Coquille conique, lisse, trochiforme ; spire formant un angle con- vexe; tours à peine convexes ; ouverture large ; subquadrangulaire, canal presque droit, très court. Hauteur : 18 millimètres. On trouve cette coquille à Rumigny, dans les calcaires marneux et dans la grande oolithe de la Moselle. Cerithiüm Murchisoni, d’Arch. , sp., Pl. Y, fig. 9. Ce fossile, dont M. d’Archiac a fait un Pleurotomaire, a été rangé avec raison parmi les Cerithiüm, par Aie. d’Orbigny. J’en ai des- siné une variété qui semble au premier aspect fort différente du type NOTE DE M. PIETTE. 5 ll9 figuré par M. d’Archiac. Les tours sont concaves ; un bourrelet transversal porte, le long de la suture postérieure, une rangée de gra- nulations allongées et régulières; à côté se trouve une autre rangée de nodules larges, ronds, espacés, à peine visibles sur les individus les mieux conservés. Une ou deux stries granuleuses ou transver- sales accompagnent la suture antérieure; ouverture sublriangulaire; canal droit et court. Hauteur : 3 centimètres. On trouve cette coquille en grande abondance dans les calcaires blancs de Lacerlau et dans les calcaires à Rhynchonella decorata d e Rumignv et d’Eparcy. Cerithium costigerum , Piette, Pl. Y, fig. 36. Coquille renflée, composée de tours presque droits, ornés de côtes longitudinales qui se terminent en pointe près de la suture posté- rieure et de stries transversales très fines ; dessous du dernier tour strié ; canal long, presque droit ; ouverture petite. Cette coquille a 4 millimètres de hauteur dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy, et 14 millimètres dans les calcaires à Rhynchonella decorata de Rumigny. Cerithium granuligerum , Piette, Pl. Y, fig. 31, et Pl. VII, fig. 1. Coquille turriculée, allongée ; tours presque droits, ornés ordinai- rement de stries longitudinales, peu apparentes et irrégulières, entre lesquelles on voit des stries plus fines. La grosseur et le nombre des stries et des granules sont très variables ; columelle mince, aplatie, arquée, pourvue d’un encroûtement qui est assez fort pour simuler sur certains spécimens une sorte d’ombilic rudimentaire ; bord libre, arqué; canal court; dessous du dernier tour strié. Ce fossile, qui atteint la taille de 25 millimètres, est très commun dans les calcaires blancs de Bulson. Cerithium minuestriatum , Piette, Pl. V, fig. 30. Coquille turriculée, ornée postérieurement d’une rangée de gra- nulations près de la suture. Lorsqu’on a de bons yeux, on peut voir sur les tours des stries longitudinales extrêmement fines et rappro- chées les unes des autres. Il aurait fallu ne pas dessiner ces stries pour laisser au fossile l’aspect qu’il présente au premier coup d’œil. Il m’a été impossible de les faire assez minces et assez rapprochées ; cependant j’ai représenté le fossile fortement grossi. £50 SÉANCE 1)U 20 AVRIL 1857. On trouve ce Cerithium dans les calcaires blancs d’Éparcy; sa forme générale et le nombre des stries sont les différences qui séparent cette espèce du Cerithium insculpatum. Cerithium cœlatum, Piette, PL Y, fig. 28. Coquille turriculée, allongée; tours presque droits, ornés 'd'une- rangée de granulations près de la suture, et d’une rangée de côtes longitudinales parcourues par des stries tranverses. Hauteur, 11 millimètres. Cette espèce est abondante dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Cerithium rupticostatum , Piette, Pl. V, fig. 26. Coquille conique, terminée en pointe, ornée de côtes longitudi- nales parcourues par des stries transversales. Les côtes sont inter- rompues vers leur milieu. Une rangée de granules accompagne la suture. Ouverture subquadrangulaire ; canal très court. Hauteur, 5 millimètres. Cette coquille est abondante dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Cerithium bigranuliferum , Piette, Pl. Y, fig. 27. Coquille turriculée, allongée, transversalement striée. Tours ornés de deux rangées tranversales de granules, et d’une rangée de côtes longitudinales minces et serrées les unes contre les autres. Hauteur, 8 millimètres. Cette coquille gît dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy ; elle est rare. Cerithium Bouchardi , Piette, PL V, fig. 25. Coquille turriculée, allongée, transversalement striée, ornée de stries tranversales et de crénulations qui se prolongent sous forme de côtes. Hauteur, 15 millimètres. Elle gît dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Rare. Cerithium Haanni , Piette, PL V, fig. 24. Coquille turriculée, allongée, ornée de stries transversales granu- leuses et d’un petit bourrelet près de la suture. NOTE DE M. P1ETTE. 551 Cette coquille, dont la taille est de 12 millimètres, gît dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Rare. Cerithium opulentum , Piette, PI. VIII, fig, 6. Coquille turriculée, ornée de stries transversales granuleuses sur le dernier tour, et de côtes longitudinales traversées par des stries transversales sur tous les autres. Une rangée de granulations accom- pagne la suture. Cette espèce n’est peut-être qu’une variété du Cerithium semi-coskilatum. Sa taille est de 18 millimètres. On la trouve dans les calcaires marneux de Rumigny. Cerithium scaliforme , Piette, PI. V, fig. 33. Coquille conique; tours droits, ornés près de la suture d’une rangée de granulations qui forme un faible bourrelet sur certains individus. Un grand nombre de petites stries granuleuses, parmi lesquelles deux sont plus visibles que les autres, parcourent trans- versalement la coquille. Ouverture subquadrangulaire, assez large. Canal presque droit. Hauteur, 12 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Cerithium Desplanchei , Piette, PL VIII, fig. 7. Coquille trochoïde, allongée ; spire formant un angle convexe ; tours transversalement striés; côtes longitudinales, minces et espa- cées, se correspondant d’un tour à l’autre. Hauteur, 1 millimètre. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Cerithium incomptum , Piette, PL VII, fig. 8. . Coquille conique, lisse; tours légèrement convexes; canal court, presque droit. Hauteur, 2 millimètres. Calcaire blanc inférieur du bois d’Éparcy. Cerithium bicoronatum , Piette, PL VII, fig. 3, ti et 5. Cette élégante coquille, qui par ses caractères participe autant des Purpurina que des Cerithium , a la spire allongée; le canal court, droit ; l’ouverture plus large que longue , et les tours convexes. 552 SÉANCE DE 20 AVRIL 1857. Deux côtes transversales, se croisant avec d’étroites côtes longitudi- nales, forment à leur rencontre deux rangées de nodules. La figure h représente une variété dont les nodules sont seuls apparents. Hauteur, 2 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy, assez nombreux. Cerithium regale , Pielte, Pl. VII, fig. 2. Coquille turriculée ; une rangée de granulations et des côtes longitudinales forment les ornements de la spire. Hauteur, 2 millimètres. Calcaires blancs du bois d’Éparcy. Cerithium funiculigerum , Piette, Pl. VII, fig. 17. Coquille turriculée, allongée, ornée sur chaque tour d’une corde- lette granuleuse et de deux stries transversales ; stries longitudinales très fines, correspondant aux granulations ; suture profonde ; des- sous du dernier tour strié. Hauteur, 30 millimètres. Calcaire à Rhynchonella decorata d’Éparcy. Cerithium acinosumt Piette, Pl. V, fig. 29. Coquille turriculée, allongée; tours droits, crénelés postérieure- ment; suture canaliculée; dessous du dernier tour orné de trois stries, dont une seule est bien accentuée. Hauteur, 25 millimètres. Calcaires blancs inférieurs ; bois d’Éparcy. Cerithium bicoroniferum , Piette, Pl. VII, fig. 11. Coquille ventrue ; tours étagés, ornés d’une rangée de petites côtes longitudinales, au-dessous de laquelle est une rangée de granulations. Hauteur, 20 millimètres. Calcaire à Rhynchonella decorata d’Éparcy. Cerithium flammuligerum , Piette, Pl. V, fig. 32. Coquille turriculée, allongée, ornée d’un grand nombre de côtes longitudinales, minces et flexueuses ; suture enfoncée. Hauteur, 20 millimètres. Calcaire blanc d’Éparcy. NOTE DE M. P1ETTE. 553 Cerithium tuberculi g erum, Piette, Pl.YIII, fig. 12 et 13. Coquiile turriculée, allongée, transversalement striée. Une rangée de gros tubercules et une rangée de petites granulations forment les ornements de cette coquille; dessous du dernier tour strié; canal allongé, presque droit ; ouverture subquadrangulaire. Hauteur, 8 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Cerithium undans , Piette, PI. VII, fig. 12. Coquille turriculée, allongée; tours étagés, ornés de fines côtes obliques et onduleuses. Columelle arrondie; canal légèrement rejeté en arrière. Ouverture subovale. Hauteur : 5 centimètres. Calcaire blanc de Bulson. Cerithium extensum , Piette, Pl. VII, fig. 10. Coquille turriculée , allongée ; spire ornée de côtes longitudinales. Le dernier tour est très allongé. Canal très long, presque droit. Ou- verture subovale. Hauteur : 30 millimètres. Calcaire blanc de Bulson. Cerithium multiforme , Piette, Pl. V, fig. 37, 38 et 39, PI. VIII, fig. /*. Coquille turriculée, plus ou moins allongée, ornée de côtes longi- tudinales nombreuses assez grosses et de fines stries transversales. Canal court , presque droit. Ouverture petite. Cerithium Nystii , d’Arch., Pl. VIII, fig. 1. J’ai dessiné une variété de cette espèce. Elle est moins allongée que celle décrite par M. d’Archiac, et, vues d’un certain aspect, les stries qui se croisent sur son test semblent des rangées de granulations. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Cerithium ? elegantulum , Piette , PI. VII, fig. 6 et 7. Celte coquille, qui par ses caractères se rapproche autant des Pur - purina que des Cerithium , n’a que trois millimètres de hauteur. Une rangée de granulations, des côtes longitudinales rapprochées les unes SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. 554 des autres , et quelques stries transversales forment les ornements de sa spire. Dessous du dernier tour strié. L’ouverture du seul individu que je possède est brisée. Calcaire blanc d’Éparcy. Cerithium? pinguescens , Piette, PI. VII, fig. 19 et 20. Coquille ventrue, globuleuse, terminée en pointe. Tours ornés de côtes longitudinales, obliques, pourvus postérieurement d’une rampe à peine visible. Dernier tour très enveloppant. L’ouverture du seul spécimen que je possède n’est pas en assez bon état pour que l’on puisse dire si c’est un Cerithium ou un Tubifer. Hauteur : 3 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Rare. Cerithium multi striatum , Piette, PL Y, fig. 13 et 14. Cette coquille, dont je ne possède qu’un seul individu , a le canal assez long, presque droit, les tours convexes et couverts transversa- lement de stries régulières. Hauteur du fragment que je possède : 4 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcÿ. Cerithium ovale , Piette, Pl. Y, fig. 6 et 7. Coquille turriculée, ovale, ornée de côtes longitudinales. Tours peu nombreux. Canal droit, assez long, bord libre brisé. Calcaire blanc inférieur : bois d’Éparcy. Cerithium multicostatum , Piette, Pl. V, fig. 5. Coquille turriculée. Tours convexes. Le dernier est plus développé que les autres. Côtes longitudinales. Stries transversales. Bord libre, brisé dans tous les spécimens que je possède. Canal droit et court. Je ne rapporte cette coquille aux Cerithium qu’avec hésitation. Peut-être est-ce un Tubifer ou une Purpurina . Hauteur : 3 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Cerithium bulsonense , Piette, Pl. VII, fig. 9. Coquille lisse. Tours étagés, droits. Canal assez; long. Hauteur : 4 millimètres. Calcaire blanc de Bulson. Rare. NOTE DE M. PIETTE. 555 Cerithium ? unduluns , Pictte , Pl. VIÏ, fig. 15. Coquille turriculée, ayant 25 ou 30 millimètres de hauteur. Tours à peine convexes, ornés de côtes longitudinales flexueuses très rap- prochées les unes des autres et de stries transversales à peine visibles. On trouve cette coquille dans les calcaires à Nerinea patelin de Ru- migny(l). Elle n’est pas rare. L’ouverture n’étant pas complète, il serait difficile de dire si c’est un Cerithium ou une Turritelle. Cerithium quasinudum , Piette, Pl. VIII, fig. 17. Coquille conique, lisse, ornée sur les premiers tours de côtes lon- gitudinales qui se correspondent d’un tour à l’autre. Hauteur : 20 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Cerithium venustum , Piette, PI. VII, fig. 18. Coquille turriculée, allongée; suture canaliculée; tours presque droits , ornés de stries transversales qui se croisent avec des stries longitudinales de manière à former des rangées de granulations. Hauteur : 12 millimètres. On trouve celte coquille à Rumigny dans les calcaires k Nerinea patella en compagnie de la Rhynchonella Hopkinsii. + Cerithium maryaritiferum , Piette, Pl. VI, fig. 1,2 et 3, et Pl. VII, fig. 13. Syn. Nerinea margaritifera? d’Arch. Grande coquille dont la taille dépasse un décimètre. Spire formant un angle légèrement convexe. Une rangée de turbercules ovales orne les tours postérieurement. Antérieurement, ils sont parcourus par une ou deux cordelettes transversales. Stries d’accroissement nom- breuses. Dessous du dernier tour orné de côtes transversales dont le nombre varie de six à neuf. Ouverture subovale, échancrée et pres- (l) Les calcaires à Nerinea patella sont très développés dans un grand nombre de localités, ailleurs que dans les Ardennes et dans l’Aisne. Dans le Boulonnais, par exemple, ils sont très remarquables. Si l’on voulait les caractériser par un fossile plus abondant et plus généralement répandu que les* Nerinea patella , il faudrait appeler ces assises calcaires à Rhynchonella Hopkinsii, 556 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. que canaliculée postérieurement , se terminant antérieurement en un long canal presque droit. Bord libre arqué, plissé. Columelle arron- die, recouverte par un encroûtement. Cette magnifique coquille, voisine par ses ornements de 1* Eustoma tuberculosa , auquel j’avais cru devoir d’abord la rapporter, est un véritable Cerithium. On la trouve dans les calcaires blancs inférieurs et dans les calcaires à llhynçhonella decorata de Rumigny, d’Éparcy et d’Aubenton. Je crois devoir rapporter à cette espèce la Nerinea rnargaritifera de M. d’Archiac. Le fossile qu’il a fait figurer diffère du nôtre par la rondeur de ses tubercules et par la faiblesse des côtes du dernier tour; mais c’est probablement une faute du dessinateur. J’ai scié plusieurs coquilles pour voir si le fossile que je décris est une Nérinée comme l’a pensé M. d’Archiac. L’adulte ne m’a présenté aucun pli. Mais j’ai observé sur le jeune un pli à peine visible à la columelle et deux autres très rapprochés , mais plus difficiles encore avoir à l’œil nu. Lafig. 13, Pl.VII,et la fig. 2, PI. VI, représentent des fossiles où ces plis sont apparents ; mais j’ai dû les exagérer, en les dessinant, pour les rendre visibles. La coquille que je décris présente du reste tous les caractères des Cerithium , et elle est Cerithium au même titre que le Cerithium giganteum , et que beaucoup d’autres Cerithium dont la classification est incontestée. Cerithium portuliferum , Piette, PL V, fig. 35. Coquille turriculée , allongée , transversalement striée , ornée de côtes longitudinales très fines. Hauteur : 5 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. GENRE FIBULA. Le principal caractère de ce genre est d’avoir une columelle droite. Le bord libre est arqué, légèrement échancré à sa partie postérieure, près de la suture. L’ombilic n’est souvent que rudimentaire, à peine indiqué et affectant seulement la columelle externe. D’autres fois , il pénètre toute la spire. Un caractère très curieux que j’ai remarqué sur plusieurs espèces de ce genre, mais que je n’ai pu encore constater sur toutes , c’est que la columelle se termine parfois antérieurement par un canal rudimentaire ; que le mollusque forme ce canal et le rebouche tour à tour, pour le former ensuite de nouveau en gran- dissant. La fig. 6, PI. VI, représente un individu qui est pris sur le NOTE DE M. PIETTE. 557 fait : à la partie antérieure de l’ouverture, on remarque un canal; niais déjà, à l’époque où il a péri, l’animal ne s’en servait plus, car on voit une cloison qui en ferme complètement l’entrée. Ainsi, il arrive souvent que parmi plusieurs Fibula d’une même espèce , les unes semblent se rapprocher des Cerithium , les autres des Turritelles. Cela dépend du moment où elles ont péri. Fibula undulosa , Piette, PI. VI, fig. 6, 7 et 8. Cette coquille que j’ai décrite en 1855, sous le nom de Cerithium undulosum , se rapproche des Bulimus par plusieurs caractères ; ses tours sont droits, pourvus d’une faible rampe, comme cela arrive or- dinairement aux Fibula. Des côtes. longitudinales obliques brisées et onduleuses paraissent sur les premiers tours delà coquille; sur les derniers on ne voit guère que des stries d’accroissement; columelle externe, large, ombiliquée, encroûtée ; un canal rudimentaire se forme quelquefois ; ouverture large, bord libre onduleux. Calcaire blanc inférieur et calcaire à Bhynchonella decorata de Rumigny, d’Éparcy et de Bulson. Cette coquille atteint 6 centimètres de hauteur. Fibula nudiformis , Piette, PI. VI, fig. U et 5. Cette coquille que j’ai décrite en 1855, sous le nom de Cerithium nudi forme, a la spire lisse, un peu ventrue, le dernier tour plus dé- veloppé que les autres, la columelle ronde, rectiligne, le bord libre, arqué, l’ombilic nul sur les jeunes, rudimentaire sur les adultes. Hauteur : U centimètres. Cette coquille caractérise les assises où gisent les Nerinea patella et les Rhynchonella Hopkinsii. Rumigny, Éparcy, Poix, But, etc. Fibula Royssii , Piette, PI. VIII, fig. 2 et 3. Cette espèce, dont la taille atteint 8 centimètres, a été décrite par M. d’Archiac sous le nom de Turritella Royssii , et par MM. Morris et Lycett sous celui de Cerithium Royssii ; ses tours sont droits, convexes ou concaves selon les individus ; cependant la convexité des tours indique ordinairement l’âge adulte. Des stries transversales, dont M. d’Archiac a donné une bonne description, forment l’orne- mentation de la coquille; suture bordée dans le jeune âge et souvent même dans l’âge adulte par deux cordelettes saillantes ; base un peu convexe et nettement limitée par le bord anguleux du dernier tour ; 558 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. ouverture quadrangulaire ; ombilic profond ; columelle large, en- croûtée de calcaire ; bord libre sinueux postérieurement ; un canal rudimentaire se forme quelquefois. Ce fossile caractérise les assises les plus récentes des calcaires blancs inférieurs. Bucilly, Martigny, Éparcy. GENRE TUBIFER. Les Tubifer sont des coquilles dont le dernier tour est plus ou moins enveloppant et affecte souvent une ferme cylindrique. Leurs principaux caractères sont d’avoir le bord libre, droit et long, la co- lumelle rectiligne et le canal rectiligne. Ce canal suit la columelle externe dans toute sa longueur ; peu importe qu’il pénètre plus ou moins profondément dans son intérieur, ou que ce soit simplement une gouttière qui la suive dans toute sa longueur; pourvu qu’il trouve issue à l’extrémité de cette columelle et qu’il la limite à la base, les caractères de ce genre sont suffisamment accusés. J’ai cru ces ré- flexions nécessaires pour faire connaître en quoi consiste le canal des Tubifer et pour répondre à quelques objections qui m’avaient été posées contre ce genre qui embrasse un des groupes les plus naturels et les plus nombreux des mollusques jurassiques. Tubifer bicostatus , Pielte, PL VII, fig. IA et 21. Cette coquille que j’ai décrite en 18A5, sous le nom de Cerithium bicostatum , a 10 millimètres de hauteur. Elle a une columelle droite le long de laquelle est une gouttière assez longue, droite, et un bord libre, parallèle à la gouttière. Les tours sont pourvus postérieure- ment d’une très faible rampe. Ils sont ornés de deux rangées de côtes longitudinales minces et un peu obliques, superposées l’une à l’autre. Calcaire blanc de Bulson. Tubifer Pétri , Pielte (Arch. sp.), Pl.V, fig. 12, et Pl. VIII, fig. 10. Cette coquille, décrite par M. d’Archiac sous le nom de Cerithium Pétri , a la columelle droite, pleine, arrondie, le bord libre tombant et droit comme celui des Orthostoma , la gouttière droite et suivant la columelle. Elle présente tous les caractères des Tubifer. L’individu dessiné dans l’ouvrage de M. d’Archiac avait l’ouverture brisée. Calcaire blanc du bois d’Éparcy. Nombreux. NOTE DE M. PIETTE . 559 GENRE PURPURINA. Purpurina? bellula , Piette, PI. VIII, fig. 11. Coquille lurriculée, composée d’un petit nombre de tours très convexes, anguleux, couverts de fines stries transversales et de côtes longitudinales. Celte espèce que j’avais décrite le 18 juin 1855, sous le nom de Cerithium bellulum , est très voisine du Fusus Rœmeri , mais ses tours sont plus convexes, et la carène qu’ils présentent est située seulement au tiers de chaque tour à partir de la suture pos- térieure. Hauteur : 2 millimètres. Bois d’Éparcv. Nombreux. Purpurina Dumonti , Piette, Pl. VIII, fig. 16, et PI. V, fig. h. Coquille turriculée, allongée; tours carénés, ornés de côtes longi- tudinales assez minces et de stries transversales très fines. Celle jolie coquille, dont la taille ne dépasse pas 2 millimètres, gît dans les calcaires blancs du bois d’Éparcy. Elle est très rare. Je l’ai dédiée à M. Dumont. GENRE TURRITELLA. Les Turritelles, qui forment à mon avis un genre distinct des Chem- nitzia , sont abondantes dans les dépôts que la mer oolithique a formés sur les flancs du massif Ardennais. Turritella trochiformis , Piette, Pl. VIII, fig. 5. Coquille turriculée, allongée, lisse; tours presque droits; ouver- ture large, subquadrangulaire. Cette coquille est abondante dans les calcaires marneux de Rumigny, d’Hannapes et de la Fosse à l’eau. On la trouve aussi dans le gîte de Tellancourt (Moselle) (1). Il y «des individus beaucoup moins allongés que celui que j’ai dessiné. Hauteur : 16 millimètres. ' (1) Je place le gîte de Tellancourt dans la grande oolithe ; mais je donne ici au mot de grande oolithe son sens le plus étendu. Peut-être doit-on abaisser l’horizon do Tellancourt dans le fuller’s earth. 560 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. Turritella arduennensis , Pielle, PI. VIII, fig. 9. Coquille turriculée, allongée, lisse ; tours droits, mais étranglés près de la suture postérieure; ouverture subquadrangulaire, acu- minée en avant ; bord libre proéminent, échancré vers la base et près de la suture. Hauteur : 18 millimètres. Calcaire marneux de Rumigny. Assez rare. Turritella fluens , Pietle, PI. VIT, fig. 16. Coquille allongée ; tours droits, ornés de côtes longitudinales flexueuses, minces et espacées, et de stries transversales si fines qu’on les voit à peine. Hauteur : 30 millimètres. Cette coquille était contemporaine des Nerinea patella et des Rhynchonella Hopkinsii ; on la trouve à Rumigny. Rissoa? elegantula , Piette, Pl. VI, fig. 8. Coquille turriculée, allongée ; tours bicarénés, ornés de côtes minces et longitudinales qoi se croisent avec deux côtes ou carènes également minces ; dessous du dernier tour strié; ouverture oblique, arrondie. Hauteur : 3 millimètres. Calcaire blanc du bois d’Éparcv. En 1855 j’ai désigné cette coquille sous le nom de Chemnitzia elegans . Mais l’ouverture ne présente en aucune façon les caractères du genre Chemnitzia. Quoique plus voisine des Melania , elle ne me paraît pas en être une. Elle appartient à un type très fréquent dans la grande oolithe. C’est à ce type qu’appartient aussi le Ceri- thium strangulatum de M. d’Archiac. Je rapporte provisoirement ces coquilles au genre Rissoa. EXPLICATION DES PLANCHES. Planche V. -I . Cerithium insculpatum , Piette. 2. — semiundans, Piette. 3. — thiariforme , Piette. 4. Purpurina Dumonti , Piette. 5 . Ce ri th ium m ulticos ta tum , Piette. 6. Cerithium ovale % Piette. 7. Id. 8. — rumignyense, Piette. 9. — Murchisoni , d’Arch. sp. 10. — fihula , Piette. 11. — pcntagonum, d’Arch. 12. Tubifer Petriy d’Arch. sp* NOTE DE fit. PlETTE. 56i 13. Cerithium multistriatum , ! 28. Cerithium cœlatum, Piette Piette. 29. — acinosum , Piette. 14. ld. 30. — mi nue striatum , 15. — hum i le, Piette. Piette. 16. — multivolutum , Piette. ! 31. — granuligerum , Piette. 17. Id. 1 32. — fiammuligerum , 18. Id. i Piette. 19. — Dewalquei , Piette. 33. — seul /forme, Piette. 20. — multivolutum , Piette. ! 34. — conforme ? Piette. 2!. — Omalii , Piette. 35. — portuliferum, Piette. 22. — inornatum , Piette. 36. — costigerum , Piette. 23. | | 37. — multiforme, Piette. 24. — Haanni , Piette. 38. Id. 25. — Bouc hardi , Piette. 39. Id. 26. — rupticostatum , Piette. 40. — Chapuiscum , Piette. — Barrandei , Piette. 27. — bigranuliferhm , Piette. 41. VI. 1. Cerithium margaritiferum , 4. Fibula nudijormis , Piette. Piette. 5. Id. 2. Id. 6. — undulosa. Piette. 3. Id. 7. Id. 8. Id. Planche VII . 1. Ce ri th iu m gran u l ijeru m , 12. Piette. 13. 2. — regale , Piette. 1 4. 3. — bicoronatum , Piette. 15. 4. Id. 16. 5. Id. 17. 6. — elcgantulum, Piette. 7. Id. 18. 8. — incomptum , Piette. 19. 9. — Bulsonense, Piette. 20. 10. — extensum , Piette. 21. 11. — ■ bicoroniferum, Piette. Cerithium undans , Piette. — màrgaritijerum , Piette. Tubifcr bicostatus , Piette. Cerithium undulans , Piette. Turritella fluens, Piette. Cerithium funiculigerum , Piette. — venus tum , Piette. — pinguescens , Piette. ' ld. Tubijer bicostatus , Piette. Planche. VIII. •1 . Cerithium Nfstii , d’Arch. 2. Fibula Roy ssii, d’Arch. sp. 3. Id. 4. Cerithium multiforme, Piette. 5. Turritella trochijormis , Piette. 6. 7. 8. 9. 10. 6’oc. geo/. , 2" série, tome XIV. Cerithium opulentum , Piette. — Desplanchei , Piette. Rissou clegantula , Piette. Turritella arduennensis r Piette. Tubijer Petri} Piette. 36 562 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. 11. Purpiirina bclluln , Piette. 12. Cerithium tuberculiferum , Piette. 13. Ici 14. — tkiariforme, Piette. 13. Cerithium thiarijorme , Piette. 16. Pur pur in a Dumonti , Piette. 17. Cerithium f uniculigerum , Piette. M. Scipion Gras fait la communication suivante : iSWr la réalité de C association des plantes houillères aux coquilles liasiques dans les Alpes , et comment on peut V expliquer, par M. Scipion Gras. Les caractères exceptionnels du terrain anthracifère dans les Alpes, sous le rapport paléontologique, ont certainement une grande importance ; car ils sont intimement liés à une question du plus liant intérêt, celle des lois qui ont présidé à la naissance, à la propagation et à l’extinction des diverses races dont nous connaissons les restes fossiles. Aussi a-t-on accueilli avec faveur , les nouveaux documents sur ce sujet que renferme le tome XÏI du Bulletin de la Société géologique , ainsi que le mémoire réca- e pitulalif publié par M. Albert Gaudry sous le titre de : Résumé ,j des travaux qui ont été entrepris sur les terrains anthracifères des Alpes de la France et de la Savoie (1). Maintenant que toutes les pièces propres à éclairer la question ont été indiquées et sou- r< mises à l'appréciation des géologues, nous allons essayer d’en tirer quelques conséquences, et faire un nouvel effort pour arriver à une solution. En laissant de côté les observations de détail, les explications et les hypothèses, pour ne considérer que ce que nous savons de positif sur l’ensemble du terrain anthracifère, il reste les trois faits suivants : 1° on trouve dans le grès à anthracite de la Taren- \ taise et des contrées adjacentes des empreintes végétales iden- tiques avec celles du terrain boni lier ; 2° les couches calcaires j associées à ces grès renferment des coquilles d’espèces propres au lias; 3° il y a une alternance réelle et répétée entre les grès et les calcaires. Nous mettons cette dernière proposition sur la même ligne que les deux premières, quant à la certitude. En effet, l’al- ternance réelle de deux systèmes de couches, déduite d’une suite de superpositions rigoureusement constatées, est un fait qui tombe sous les sens, et qui est même susceptible de plus d’évidence que (1) Bulletin ) 2’ série, t. XII, p. 580, Voy. aussi les p. 636 et 642 KO TE DE JH-. GRAS. 563 l’identité complète de telle empreinte végétale on de telle co- quille avec, des espèces déjà connues. Lorsqu’un pareil fait a été donné comme certain par des observateurs aussi éminents que MM. Brochant et Elie de Beaumont, et qu’en outre il a été vérifié par tous les géologues qui depuis ont visité les lieux, nous pen- sons qu'il ne saurait être F objet d’aucun doute (1), De l’association alternative des grès et des calcaires, MM. Brochant et Elie de Beau- mont ont conclu que ces deux systèmes de roches appartenaient à la même époque géologique. C’est ici surtout que commencent les dissidences. On allègue que deux systèmes de couches peuvent, dans certains cas, alterner sans être contemporains. Cela est vrai ; on le conçoit au moins théoriquement; mais il faut pour cela des dislocations compliquées et certainement très rares. Les failles donnent lieu à des alternances apparentes et non pas réelles, à moins qu’elles ne soient accompagnées d’un glissement général du terrain soulevé sur la partie restée en place (2). Le simple ren- versement de deux terrains contigus, quel que soit l’arc de cercle qu’ils aient décrit, ne fait que changer leur position relative sans les mêler. Il n’y a réellement que des couches contournées à angle aigu et plusieurs fois repliées sur elles -mêmes qui puissent s’inter- caler les unes dans les autres, malgré leur différence d’âge. En accordant que de pareilles dislocations soient possibles , nous ferons remarquer qu’elles sont de nature à être constatées par l’observation. Des failles, des glissements de couches, des con- (f) Dans une notice communiquée récemment à la Société [Bul- letin^ t. XIII, p. 146), M. Studer ne paraît pas accorder une grande confiance aux observations stratigraphiques faites dans les Alpes ; il motive ses doutes sur ce fait que, dans diverses contrées de la Suisse, le terrain nummulitique semble servir de base à des couches juras- siques et crétacées, et que, depuis le lac de Genève jusqu’en Bavière, la mollasse plonge sous le terrain secondaire. Ces apparences de superposition anormale ne sont pas particulières à la Suisse ; on les rencontre à chaque pas dans les Alpes du Dauphiné et de la Savoie ; mais confondre de pareilles apparences avec des superpositions posi- tives, évidentes, et les donner pour telles, serait une erreur bien grande, et qui annoncerait beaucoup de légèreté. Nous pouvons assurera M. Studer que ni M. Brochant ni M. Êlie de Beaumont ne Font commise, et que nous-mème, quoique moins habile, nous avons su nous en préserver. (2) Nous devons faire observer que de pareils glissements sont en général impossibles ; ils ne peuvent avoir lieu que dans le cas très rare où il y a une coïncidence exacte entre la ligne de fracture du sol et la direction de la stratification. 56/i sîUNCte du 20 avril 4857. tournements multipliés clans la stratification, sont des phénomènes très apparents, surtout s’ils se sont produits sur une grande échelle et dans un pays dont la structure géologique est mise à découvert par des escarpements de plusieurs centaines de mètres de hauteur, ainsi que cela a lieu dans les Alpes. Or, parmi les géologues qui ont étudié le terrain antlnacifère, aucun n’a aperçu les accidents compliqués que l’on suppose si gratuitement. M. Brochant dit positivement que dans la Tarentaise la stratification est très régu- lière. Voici ses expressions : « La stratification est très régulière » et s’écarte peu de la verticale. Les rochts ne sont point contour- » nées en grand comme les calcaires secondaires. Certaines roches » schisteuses présentent, il est vrai, des contournements ou plutôt » des ondulations dans leurs feuillets, mais ces roches sont rares, » et les surfaces de leurs bancs, vues en grand, peuvent être con- sidérées comme planes (1). » Cette régularité de stratification n’est pas particulière à la Tarentaise ; nous l’avons observée éga- lement dans la Maurienne et dans l’arrondissement de Briançon, et, comme M. Brochant, nous avons été frappé de ce fait, que les plissements aigus, assez communs dans les couches jurassiques, crétacées et nummulitiques, manquaient dans le terrain anthra- cifère. De son côté, M. Sismonda a affirmé qu’on n’avait vu nulle part les plissements invoqués comme explication par quelques membres de la Société géologique, lors de sa réunion extraordi- naire à Chambéry (2). Cette assertion a aussi pour elle l’autorité de M. Elie de Beaumont, et on ne lui a jamais opposé un seul fait. Ainsi donc, s’il existe des contournements ou d’autres acci- dents de stratification qui aient produit l’alternance des calcaires et des grès à anthracite dans le Briançonnais et dans la Taren- taise, ils sont invisibles pour tout le monde. Une pareille suppo- sition n’est- elle pas plus invraisemblable que le fait même de l’exis- tence des plantes houillères et des coquilles du lias dans le sein du même terrain. Au reste, l’hypothèse extrême de dislocations compliquées, existantes sur une surface d’une immense étendue et cependant partout invisibles, ne serait pas même suffisante pour arriver à séparer géologiquement les grès à empreintes des calcaires; car parmi ces derniers, ceux qui constituent la partie supérieure du terrain à anthracite ont des caractères particuliers, constants, qui les distinguent nettement, soit du vrai lias, soit de l’étage oxfor- (1) Journal des mines , t. XXIII, p. 332. (2) Bulletin , t. I, 2e série, p. 671. NOTE DE M. GRAS. 565 dien. 11 n’y a à coup sur aucune ressemblance, d’une part, entre les puissantes assises de calcaire grenu et de brèche de couleur claire, pénétrées de quartz, de talc et même de feldspath, qui, dans une partie du Dauphiné, de la Savoie et du Piémont, accom- pagnent les plantes houillères, et, d'autre part, les marnes et les calcaires noirs schisteux, divisés en strates peu épais, qui, dans le comté de JNice, le Var, les Basses-Alpes, l’Isère, la Savoie et la Suisse, renferment des Gry pliées arquées et des fossiles oxfor- diens (1). Ce n’est pas seulement sur quelques points, mais dans leur ensemble, et depuis une extrémité des Alpes jusqu’à l’autre, que ces deux systèmes de couches offrent un si grand contraste. On dira peut-être que cette opposition de caractères est due à des altérations métamorphiques, mais cela est inadmissible; car, outre que le métamorphisme ne saurait décupler la puissance moyenne des couches, on serait conduit à cette conséquence sin- gulière que le calcaire jurassique dans les Alpes ne prend les caractères d’une roche de transition que lorsqu’il est associé aux plantes houillères, et qu’il les perd dès qu’il renferme des Gry- phées arquées ou des coquilles de l’Oxford-clay. Les premiers fossiles auraient eu la propriété d’attirer les altérations métamor- phiques et les seconds celle de les repousser. Sans doute, peu de géologues seront disposés à soutenir une pareille thèse. Les carac- tères du calcaire qui alterne avec les grès à empreintes étant spéciaux et paraissant dépendre de la présence de ces derniers, on doit en conclure qu’il y a entre eux une liaison géologique et non pas une simple juxta-position. Cette liaison géologique est d’ailleurs rendue évidente par une concordance souvent complète dans la stratification et par des passages minéralogiques. Nous (1) Dans notre travail sur le terrain anthracilère inséré dans le tome V des Annules des mines , 1854, nous avons peu insisté sur les caractères minéralogiques de ce terrain, notre but ayant été surtout de faire connaître sa constitution géologique. Pour avoir une idée complète de ses roches, il faut recourir à l’excellent mémoire de M. Brochant déjà cité. On y verra que les calcaires de la Tarentaise, soit que l’on considère leur nature en petit ou leur aspect physique en grand, diffèrent essentiellement des couches beaucoup moins puis- santes qui forment comme un premier revêtement à l'extérieur des Alpes centrales. Ces couches, dans lesquelles on a trouvé plus tard des Gryphées arquées et des fossiles oxfordiens, ont été distinguées, dès l’année 1806, par M. Brochant qui les considérait comme secon- daires, tandis qu’il rapportait au terrain de transition les calcaires associés aux grès à anthracite. SÉANCE DU 20 ÀYKIL 1857. 566 ajouterons que si le terrain anthracifère, épais de plusieurs milliers de mètres, n’était, ainsi que l’ont supposé quelques géologues, qu’un mélange intime et mécanique de grès houiller et de calcaire liasique, rien n’approcherait de la confusion d’un pareil amal- game. Or, tout au contraire, les couches anthracifères se divisent ïiaturellement en plusieurs grandes assises distinctes, superposées les unes aux autres, que l’on peut suivre d’une manière continue sur des longueurs de 15 à 20 lieues. Ges assises conservent leurs caractères généraux et leurs relations de position dans toute leur étendue. Nous avons reconnu en outre que, prises dans leur en- semble, elles offraient une disposition symétrique très remar- quable. Il est évident qu’une structure en grand aussi régulière, constatée par les travaux de M. Elie de Beaumont, par ceux de M. Sismonda et par les nôtres, exclut la supposition d’un mé- lange hétérogène de deux groupes de roches d’un âge très différent, que des bouleversements inouïs auraient confondus, entrelacés, au point d’en faire une espèce de toile géologique. Ün pareil terrain, s’il pouvait exister, serait l’image du chaos (1). Nous croyons pouvoir conclure de ce qui précède, sans crainte de nous tromper, que l’alternance des grès à empreintes houil- lères et des calcaires à fossiles basiques est naturelle dans les Alpes, et que par conséquent ces deux espèces de roches sont con- temporaines dans le sens géologique attaché à ce mot. Nous pen- sons aussi que le terrain antliracifère, d’après l’ensemble de ses caractères dont nous avons présenté ailleurs le tableau (2) et sur lesquels nous reviendrons encore dans cette notice, est plus ancien que le terrain jurassique et doit être rapporté à la période paléo- zoïque (3). îl se présente, alors une difficulté sérieuse que nous (1) La supposition qu’il existe dans les Alpes un grand terrain artificiel formé de couches, les unes houillères, les autres jurassiques, alternant un grand nombre de lois entre elles, étroitement liées les unes aux autres, et simulant partout un dépôt naturel, est si étrange, que nous avons de la peine à croire qu’elle ait jamais été sérieusement admise. îl nous paraît beaucoup plus probable que les géologues, qui ont contesté l’homogénéité d’âge du terrain anthracifère , n’ont pas eu une idée nette de ce qu’était ce terrain. » (2) Bulletin , 2e série, t. XII, p. 255. (3) Nos arguments à l’appui de cette opinion peuvent être résumés en quelques mots de la manière suivante : Si le terrain anthracifère est un dépôt liasique dans le sein duquel la flore houillère s’est prolongée exceptionnellement, il faut que, abstraction faite de- la flore, ce terrain soit semblable au lias; or, l’observation prouve le contraire; par sa composition minéralogique, NOTE DE M. GRAS. 567 allons exposer très franchement et essayer ensuite de résoudre. Les observations relatives aux corps fossiles, aux variations qu’ils ont subies dans leur organisation, et à l’ordre suivant lequel ces variations ont eu lieu, depuis les couches les plus anciennes du *globe jusqu’aux plus récentes , sont aujourd’hui extrêmement multipliées. Elles ne sont plus bornées comme autrefois à quel- ques localités ; elles embrassent l’Europe entière et une partie du nouveau monde. Beaucoup ont été faites sur les points les plus reculés de l’Asie, de l’Afrique et jusque dans l’Océanie. Or, dit- on, l’ensemble des faits recueillis ne permet pas de douter que la distribution des fossiles ne soit soumise à des lois très belles et très générales, desquelles il résulte que les coquilles contempo- raines des plantes carbonifères n'ont aucun rapport avec les es- pèces basiques ; ce sont des genres et même des familles d’ani- maux entièrement différents. Au-dessus des couches houillères, on trouve dans l’échelle des terrains le groupe permien, puis le groupe triasique, qui ni l’un ni l’autre ne renferment non plus des espèces du lias. Comment croire alors que, dans les Alpes, les coquilles propres à cette formation aient pu franchir d’un seul bond l’intervalle immense qui les sépare du terrain carbonifère, et, à plus forte raison, du dévonien et du silurien ! Si cela était vrai, ne verrait-on pas quelque part des passages intermédiaires, il est certain que dans la géologie, comme dans toutes les branches des sciences naturelles, rien n’est régi parle hasard; il y a des lois constantes et générales. Vouloir les renverser en leur opposant un fait unique, que le temps expliquera sans doute, est une pré- tention tout à fait inadmissible. Voilà bien ce qui a été souvent répété à l’occasion des Alpes ; on ne nous accusera pas d’avoir cherché à l’affaiblir. Nous répondons à l’objection en la retour- nant. Nous prenons pour point de départ ce fait dont on ne peut raisonnablement douter, qu’il y a dans les Alpes des coquilles basiques qui ont vécu en même temps que les plantes houillères. Nous admettons aussi comme certain que des lois constantes, son épaisseur, le nombre de ses étages, ses gîtes de combustible et ses relations stratigrapbiques, le groupe anthracifère diffère énormément de tout dépôt jurassique, et notamment de celui que l’on observe dans l’intérieur même des Alpes. De même, si le groupe anthracifère n’est autre chose qu’un terrain de transition renfermant des espèces basiques, le fait sera facile à constater; car dans ce cas, abstraction faite des coquilles, il y aura similitude entre l'ensemble des couches à anthracites et les formations paléozoïques : c’est ce qui est vrai , 568 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. générales, ont présidé à l’apparition et à l’extinction des anciens êtres organisés, et que le fait paléontologique des Alpes doit être en harmonie avec ces lois. Cela posé, puisque cette harmonie fait aujourd’hui défaut, nous en concluons que ce sont les lois elles-mêmes, telles qu’on les formule, qui ont été mal établies,* on a tiré de fausses conséquences de l’observation. L’erreur doit se trouver quelque part : on ne saurait la placer dans un fait rigoureusement constaté, vérifié à plusieurs reprises, et que tout le monde peut vérifier encore ; elle existe donc dans les théories. Telle est la thèse que nous allons développer en nous aidant des travaux de plusieurs paléontologistes. Nous citerons particulière- ment M. Barrande (1) qui admet comme nous, quoique dans des limites plus restreintes, que les idées actuelles sur la contempo- ranéité des coquilles de même espèce doivent être modifiées. Pour mettre de l’orclre dans la discussion, nous rappellerons d’abord succinctement quels sont les principaux faits paléontolo- giques constatés en ce qui concerne les coquilles, ou plus généra- ralement les animaux marins invertébrés. Si, après avoir choisi un point de la surface terrestre où les roches de sédiment soient bien développées, on en fait la coupe géologique, on observe ordinairement que les couches se parta- gent en plusieurs groupes (PI. IX) A, B, C .. superposés les uns aux autres, et caractérisés chacun par un certain ensemble de coquilles aaci , bbb , ccc. .. que nous nommerons faunes coquillières. Quel- quefois certaines espèces sont communes à deux faunes consécu- tives, mais c’est par exception, et ces espèces forment toujours une petite minorité. Si l’on se transporte sur un autre point pour faire la même étude, on remarque également une succession de plusieurs faunes coquillières, et de plus , en les comparant à celles de la première localité , on trouve presque toujours qu’il y en a de semblables. Cette similitude résulte, soit de la communauté de plusieurs espèces, soit plus généralement d’une ressemblance frappante de forme et d’organisation qui établit entre elles une liaison évidente. En multipliant ces observations dans des contrées souvent très éloignées les unes des autres, on est parvenu à une troisième loi extrêmement remarquable, sa- voir, qu’en général les diverses faunes se succèdent dans le même (l) Voyez Parallèle entre les dépôts de Bohême et de Scandi- navie, Prague, 1856, p. 33. M. Dumont, dont les géologues déplorent la perte récente, a soutenu encore plus largement la même doctrine ( Bulletin , lr série, t IV, p. 590). NOTE DE M. GUAS. 5(39 ordre. Il peut bien y avoir des lacunes, ou, en d’autres termes, la série des faunes peut être plus complète sur un point que sur un autre, mais cela n’empêche pas que si l’une d’elles, aaa , par exemple, a été reconnue quelque part inférieure à une autre, bbb , leur position relative restera la même partout ailleurs. Nous disons que c*la a lieu en général, car on a déjà observé quelques faits, en très petit nombre, il est vrai, qui font exception à cette loi ; nous les citerons plus tard. Quant aux causes qui ont produit les coquilles aujourd’hui fossiles et leur ont donné un ordre à peu près constant de superposition, elles sont loin d’être connues. La plupart des géologues pensent que le renouvellement des races coquillières a toujours coïncidé avec de grandes dislocations surve- nues à la surface du globe. Cette hypothèse, qui paraît d’abord plausible, est en défaut lorsque des couches caractérisées par des faunes différentes se succèdent en stratification parfaitement con- cordante, et en offrant une liaison aussi intime que si les coquilles n’avaient pas changé, ce qui arrive plus d’une lois. Dans certains cas, on voit même une faune persister et passer d’un groupe de couches à un autre, c|uoique dans l’intervalle il soit survenu des bouleversements très apparents. D’après ces faits et la grande va- riété de nature minéralogique des roches où l’on trouve enfouis les mêmes fossiles, quelques paléontologistes ont conjecturé que la succession des faunes coquillières avait été un phénomène indé- pendant des révolutions inorganiques. Si cette opinion est vraie, elle ne doit l’être que dans certaines limites, car la diversité des êtres actuellement existants étant étroitement liée aux conditions physiques des lieux qu’ils habitent, l’analogie nous conduit à admettre qu’il en a été de même autrefois. On voit combien cette question est entourée d’obscurités. En résumé, abstraction faite des causes que peut-être nous ne parviendrons jamais à pénétrer, il ne reste, comme expression immédiate de l’observation, que les trois faits suivants : 1° les coquilles fossiles se divisent en un certain nombre de faunes distinctes qui ont vécu successivement ; 2° les faunes coquillières des contrées même les plus éloignées sont liées entre elles par des ressemblances impossibles à mécon- naître; 3° les diverses faunes ont une position relative qui en général reste partout la même. De ce que les diverses faunes coquillières conservent un ordre constant dans leur superposition, doit-on en conclure que celles qui sont semblables ont été nécessairement contemporaines . Cette conséquence a été généralement tirée ; cependant elle n’est point 570 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. vigoureuse. D’autres suppositions peuvent être également faites, sans contredire la troisième loi que nous venons d’énoncer. Rien n’empêche d’admettre , par exemple , que les causes , quelles qu’elles soient, qui ont donné naissance à une certaine faune, aient commencé à agir beaucoup plus tôt sur un point du globe que sur un autre ; d’où il a pu résulter que cette faune ait tra- versé dans quelques lieux plusieurs époques géologiques diffé- rentes. Comme c’est dans cette hypothèse qu’il faut chercher, à notre avis, une solution satisfaisante du cas particulier qu’offrent les Alpes, nous allons l’exposer avec détails, en montrant en même temps pourquoi les géologues ne s’v sont pas arrêtés, même lorsqu’elle était une réalité. Pour plus de clarté, nous nous aide- rons d’une construction graphique. Soit X, fig. 1, pl. IX, un terrain azoïque, et A, B, C, D, E, F, G, H, I, une suite de groupes fossilifères superposés les uns aux autres à partir de X, et caractérisés chacun par un certain ensemble de coquilles; soit acta, bbb, ccc , etc., ces diverses faunes coquillières. Cette série, que nous désignerons par le n° 1, for- mera la coupe géologique de la contrée ; il est clair d’ailleurs que Pou pourra considérer chacun de ses membres comme appartenant à une*époque géologique distincte. Transportons-nous sur un autre point où, comme dans la loca- lité n° 1, le phénomène de la sédimentation et de la succession des fossiles se soit prolongé sans interruption depuis l’époque X jusqu’en I, mais admettons qu’ici les causes créatrices de la faune JJf aient fait sentir leur influence dès le commencement de l’époque £, et qu’elles aient persisté jusqu’en F inclusivement. Alors les groupes A, B, C, D,... considérés sous le rapport, zoolo- gique, offriront une série n° 2 qui ne différera de la première que par l’absence des fossiles e.eee. Si cette lacune paléontologique est remarquée par un observateur, il pourra l’expliquer de deux manières, soit en faisant la même supposition que nous, soit en admettant que pendant toute la durée de l’époque où les fossiles ece vivaient dans la localité n° 1 , il ne s’est pas déposé de couches dans la localité n° 2. La première manière de voir, si elle s’est présentée à l’esprit des géologues, a été constamment rejetée ; la seconde, qui maintient le parallélisme chronologique des faunes semblables, a été partout invariablement admise. Cette doctrine remonte à la naissance de la paléontologie, et a été alors adoptée, parce qu’on s’est hâté de tirer des conséquences générales d’un petit nombre de faits (cela arrive souvent). Depuis elle a été for- NOTE LE M. GRAS. 571 tifiée par le temps, et en apparence par l’observation, au point qu’elle est regardée aujourd’hui par beaucoup de géologues comme un principe fondamental de la science. Poursuivons notre exposé, et considérons maintenant une troi- sième localisé dans laquelle nous admettrons que les fossiles jfff ont commencé à faire leur apparition, non plus avec l’époque E, mais à partir de D inclusivement. Nous aurons alors une série U4 3 dans laquelle il y aura une double lacune zoologique. Ce cas sera comme le précédent susceptible d’être expliqué de deux manières ; seulement ici l’hypothèse de la contemporanéité ri- goureuse des coquilles de même espèce deviendra plus difficile à soutenir, car en l’admettant on est obligé de rapporter à une seule et même époque géologique, d’une part le groupe F de la série n° 1, çt de l’autre l’ensemble des groupes F, E, D de la série h° 3. Or, naturellement l’épaisseur de ce dernier système de couches l'emportera de beaucoup sur celle du premier ; il arrivera aussi en général que la nature minéralogique des roches sera très différente; peut-être même observera-t-on une liaison intime entre les dernières couches de C et les premières de D, ce qui contredira la supposition qu’il y a entre deux une lacune de deux étages ; mais ces faits paraissant d’une importance secondaire à côté de la similitude des coquilles , on y fera peu attention, ou bien on cherchera à les expliquer. On dira que le terrain de la série n° 3 est un dépôt pélagique, tandis que celui du n° 1 est lit- toral ; on alléguera que les caractères minéralogiques d’un même terrain sont très Variables (ce qui est vrai, mais seulement dans certaines limites). Quant à la liaison entre les groupes G et D, si elle existe, on la regardera comme accidentelle, ou bien on la mettra sur le compte de la profondeur des eaux, ou l’on donnera d’autres raisons ; on n’en manque jamais pour se débarrasser de faits gênants. Nous allons encore considérer une quatrième localité, et ici nous Supposerons que l’anticipation de naissance des coquilles fjff. .. a été extrême. Nous les ferons descendre jusque dans le premier groupe fossilifère À. Il en résultera une série n° Zi, où il y aura une lacune zoologique quintuple, en sorte que, si pour la classification des couches on ne tient compte que de la nature des coquilles, on sera conduit à rapporter la série entière A, B, C, D, E, F, au groupe F du n° 1. Cette fois les difficultés que soulèvera une pareille assimi- lation seront telles, qu’elles frapperont tous les observateurs. Quel- que satisfait que l’on soit de la distinction imaginée entre les 572 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. dépôts pélagiques et les dépôts littoraux , on trouvera extraordi- naire qu’un groupe unique ait atteint la puissance moyenne de cinq à six autres. Malgré le peu d’importance attachée aux carac- tères minéralogiques, on se rappellera que sous ce rapport chaque grande époque géologique a un cachet particulier, et l’on s’éton- nera de trouver, par exemple, dans des couches secondaires, l’ensemble des roches d’un terrain de transition. Une autre anomalie surtout excitera à un haut degré l’attention. Il est vraisemblable que parmi les groupes A, B, C,... beaucoup plus anciens que F, quelques uns renfermeront des restes de végétaux. Comme les lois qui régissent la botanique fossile sont sans liaison nécessaire avec celles des faunes coquillières , les végétaux auront conservé les caractères de leur époque , en sorte que l’on trouvera réunies dans le sein du même terrain des coquilles et des plantes, ordinairement séparées par un long intervalle géologique. Il semble que dans cette circonstance , on devra enfin s’accorder à reconnaître que le principe de la contemporanéité des coquilles semblables est en défaut. C’est tout le contraire qui arrivera. Ce cas extrême, isolé de ceux qui lui servent d’intermédiaires et qu’on n’aura jjas vus , paraîtra si monstrueux qu’on refusera d’y croire. Parmi les géologues, les uns contesteront l’autorité des vé- gétaux fossiles et passeront par-dessus toutes les difficultés, plutôt que d’admetlre un démenti aussi éclatant à des lois jugées infail- libles; d’autres feront encore mieux : ils décideront dans leur cabinet que les contradictions paléontologiques signalées sont im- possibles et ils rejetteront les faits, quelque nombreux et quelque bien prouvés qu’ils soient. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que notre quatrième localité n’est pas une fiction : tout le monde a reconnu les Alpes. La disposition des groupes X, A, B, C, D,... dans les Alpes, n’est pas, comme on le pense bien , semblable à celle qu’ils ont dans la figure 1. Si l’on fait abstraction des soulèvements qui ont souvent mis à découvert les roches les plus anciennes et des dislocations locales qui ont incliné les couches dans un sens et dans un autre, ces groupes offrent dans leur ensemble une structure très remar- quable, dont la figure 2 donne une idée exacte. Cette figure est une coupe générale des Alpes dirigée à peu près de l’ouest à l’est, et passant par Laffrey, la Grave et la montagne du Chardonnet. Lalet- treX désigne le terrain de protogine ; A , le terrain anthracifère infé- rieur; B,C, D, E, lesquatre étages du terrain anthracifère supérieur; F, le terrain jurassique, et G, H, I, la série des couches crétacées, NOTE DE M. GIUS. 57S tertiaires et quaternaires. Le terrain de pro toxine et le système anthracifère, étroitement liés l’un à l’autre (1), constituent un massif à part et indépendant. D’un autre côté, à l’ouest, on voit s’appuyer contre ce massif la série des autres terrains s’enfonçant successivement les uns sur les autres ; sur le versant opposé, celui qui regarde l’Italie, la série est plus simple et ne comprend que les deux derniers groupes. Une pareille disposition rend facile la comparaison du terrain jurassique F avec le système anthracifère A, B, G, D, E. Cette comparaison , faite en France , en Savoie et en Suisse , nous a conduit à des résultats qu’on nous permettra de résumer ici en quelques mots ; car ils sont très propres à justifier l’assimilation que nous avons faite de notre quatrième cas à celui des Alpes. Le groupe F est composé d’une série de couches qui paraissent intimement liées entre elles et dont l’épaisseur totale ne dépasse pas la puissance ordinaire du terrain jurassique. Elles renferment à leur partie inférieure une faune liasique, nombreuse et variée, dont fait partie la Gtyphèc arquée, et, à leur partie supérieure, une faune oxfordienne également abondante et riche en espèces. Le sys- tème anthracifère A, B, G, D, E, se divise nettement en deux grands terrains, dont l’inférieur A a une puissance comparable à celle de la formation silurienne, et dont le supérieur, non moins épais, est composé de quatre étages distincts. Ce dernier dépôt est com- pris tout entier dans un repli du premier terrain, et son étendue est relativement beaucoup moindre. On trouve à la base tle tout le système, et jusqu’à une certaine hauteur, plusieurs espèces liasiques appartenant surtout aux genres Ammonite et Bélenmite, mais les gîtes de ces fossiles sont rares. La faune oxfordienne y manque complètement. On n’a découvert , dans le groupe F, aucune trace de plantes carbonifères; elles abondent au contraire dans le système A, B, C,... depuis sa base jusqu’à sa partie la plus élevée. L’un offre les caractères minéralogiques habituels des formations secondaires; l’autre est composé en grande partie de roches de transition, notamment de grès liouiller, avec de nombreux gîtes de combus- tibles. Sous le rapport stratigraphique, si l’on suit le groupe A jusqu’à sa jonction avec F, on observe que le premier est constamment (t) Cette liaison est établie surtout par le métamorphisme qui a souvent donné aux deux terrains les mêmes caractères minéralogiques. SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. 574 inférieur au second et jamais intercalé dans son sein (1). En outre, sur tous les points où la ligne de contact est nettement visible, on reconnaît qu’il y a entre eux une discordance de stratification très large , comme aux environs de la Mure et dans le Valais , ce qui est une preuve de leur indépendance. On peut faire une contre- épreuve qui conduit à la même conclusion. En comparant le groupe A avec des terrains voisins des Alpes plus anciens que F, on trouve qu’il y a avec eux une ressemblance frappante. Ainsi le verrucano italien, avant que l’on y découvrît des coquilles carbo- nifères, a été généralement considéré comme l’équivalent du terrain à anthracite. Il n’y a aucune raison pour que cette opinion soit abandonnée. On le voit, tout tend à prouver que le système F et le système A, B, G, I), G, sont d’un âge essentiellement différent; cependant ils sont liés à leur partie inférieure par une faune coquillière sem- blable. Nous avons essayé de faire voir, à l’aide d’une construction gra- phique, que des coquilles d’une même espèce ont pu vivre à des époques géologiques très différentes , par suite de leur apparition anticipée sur certains points , sans que cependant l’ordre général des superpositions zoologiques fut troublé. Il est clair que des ex- tinctions tardives conduiraient à un résultat pareil; on le démon- trerait de la même manière. Les preuves directes que ces enchevê- trements ont lieu réellement sont peu nombreuses : on le comprend très bien, car, les naissances anticipées ou les extinctions tardives des faunes n’altérant pas leur ordre de succession , on peut tou- jours supposer qu’il y a correspondance chronologique. Pour mettre en évidence un défaut de parallélisme entre des coquilles d’une même espèce, il faut des inversions ou des alternances qui soient une dérogation à l’ordre suivant lequel les faunes sont habituelle- ment superposées. Ces cas sont rares ; cependant on en connaît qu’il serait difficile de nier. Nous citerons en première ligne l’intercalation de toute une (l) Il v a impossibilité de citer un seul point dans les Alpes offrant des plantes houillères superposées à des couches contenant des G/y- phées arquées ou des fossiles oxjor.diens . Les observations que M. Élie de Beaumont a publiées dans le Bulletin de la Société (2esérie, t. XII, p. 541), quelque savantes qu’elles soient, n’établissent pas un pareil fait. Les superpositions en sens inverses sont au contraire fréquentes. Nous ajouterons qu’à Morestel (Isère) et dans le département de l’Ain, à une distance médiocre du terrain à anthracite avec plantes carbo- nifères, le vrai terrain jurassique renferme la flore qui lui est propre. NOTE DE M. GE AS. 575 faune silurienne supérieure dans le silurien inférieur observée au centre de la Bohême (1). Les caractères de cette faune sont extrê- mement tranchés, puisque sur 63 espèces qu’elle renferme, 61 lui sont propres et manquent dans le terrain où elle est intercalée. Pour expliquer ce fait, M. Barrande admet qu’avant l’extinction de la faune silurienne inférieure en Bohême, il y avait déjà quel- que part une faune supérieure dont plusieurs représentants ayant été transportés accidentellement aux environs de Prague, et y ayant trouvé des conditions physiques favorables à leur existence, s’y seraient établis. Cette colonie aurait disparu ensuite avec les circonstances passagères qui lui avaient permis de vivre, et ne se serait renouvelée, pour devenir définitive, que beaucoup plus tard. Cette explication suppose évidemment cpie deux faunes constam- ment superposées l’une à l’autre dans le même ordre , lorsqu’elles sont réunies , peuvent cependant être contemporaines. C’est pré- cisément la thèse cpie nous soutenons. M. Barrande pose à ce sujet les questions suivantes: « 1° Jusqu’à quel point les ressemblances ou » identités paléontologiquespeuvent-elles démontrer que des fôrma- » tions géographiquement isolées les unes des autres sont contem- »poraines? 2° Jusqu’à quel point la dissemblance entre les faunes » de bassins isolés et éloignés correspond- elle à une différence dans » l’époque des dépôts dans lesquels elles ont été ensevelies?» Nous citons textuellement le savant paléontologiste à qui les Alpes ont fait une réponse qui a probablement dépassé ses prévisions. M. Leymerie (2) a signalé dans la partie inférieure du terrain épicrétacé ou nummulitique d’Àusseing ( Haute -Garonne) une couche mince ordinairement marneuse, offrant une faune spéciale à physionomie crétacée, composée de nombreux individus étran- gers au pays. Parmi ces individus , appartenant pour la plupart à la classe des Echinodermes, IM. Cotteau a reconnu au moins cinq espèces distinctes, dont deux sont nouvelles et dont trois ne se rencontrent que dans la craie. M. Leymerie paraît disposé à ex- pliquer la présence de ces fossiles étrangers par la théorie des colonies due à M. Barrande. En adoptant cette opinion, nous ferons observer qu’en Bohème, les colons sont plus récents dans Tordre général des superpositions que les indigènes au milieu desquels ils sont venus s’établir, et que c’cst tout le contraire dans laHaute- (1) Bulletin cle la Société géologique, 2e série, t. VIII, p. 1 50, et t. IX, p . 308. Voyez aussi Système silurien du centre de la Bohême , par M. Barrande, t. I, p. 73. (2) Bulletiriy 26 série, t. X, p. 518, et t. XIII, p. 355. 576 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. Garonne. On conçoit en effet eue l’un ou l’autre de ces deux cas a pu se présenter toutes les lois que deux faunes d’un rang différent ont été cependant contemporaines. JVÎ. Alcide d’Orbigny, dont les immenses travaux ont donné une si grande impulsion à l’étude de la paléontologie en France, a distingué dans la partie moyenne du terrain jurassique la faune calloviennne et la faune oxfordienne renfermant chacune un grand nombre d’espèces qui leur sont spéciales. , La première faune ca- ractérise une assise calcaire qui couronne le terrain jurassique dans les Alpes du Dauphiné et que l’on appelle quelquefois calcaire de la Porte-de- Fiancé. Les fossiles oxfordiens se trouvent dans un système de marne et de schiste argilo-calcaire que l’on observe sur beaucoup de points, notamment à Meylan et à Iliviers, près Gre- noble. Dans toute l’étendue du Dauphiné, le calcaire de la Porte- de-France recouvre le système marneux dont nous venons de parler, c’est-à-dire que la faune callovienne est superposée à l’ox- fordienne; hors des Alpes, c’est tout le contraire. Il faut bien encore admettre , dans ce cas, que des groupes de coquilles sem- blables ne se correspondent pas sous le rapport chronologique. Nous croyons que l’on aurait à citer beaucoup d’autres faits analogues aux précédents et présentant le même degré de certi- tude, si jusqu’à présent on ne s’était appliqué à les nier ou à les étouffer sous des explications arbitraires , au lieu de les accueillir et de les vérifier avec soin (1). Des observations d’un autre genre conduisent aux mêmes con- séquences. Il n’est pas de géologue qui n’ait remarqué quelquefois que deux groupes de couches, immédiatement en contact l’un avec l’autre et intimement liés sous le rapport stratigrapliique , étaient cependant séparés, en ce qui concerne les fossiles, par une lacune zoologique plus ou moins importante. Les partisans de la contem- poranéité sans exceptions des coquilles semblables sont obligés de supposer, dans ce cas , qu’entre le premier dépôt et le second il s’est écoulé une ou même plusieurs époques géologiques. S’il en était ainsi, n’est-il pas vraisemblable qu’on apercevrait dans la succession des couches quelques traces d’une pareille solution de continuité (2)? (1) Nous plaçons au nombre des explications arbitraires l’hypo- thèse si fréquente des failles et des renversements de couches, lors- qu’elle n’est pas justifiée par des considérations indépendantes des fossiles. C’est surtout dans les Alpes que l’on a abusé de ce moyen facile de concilier les théories paléontologiques avec ]a stratigraphie. (2) Nous citerons comme exemple le rocher de l’Echaillon autour NOf E DE M. GRAë. 577 Afin que l’on ne se méprenne pas sur la doctrine que nous sou- tenons , nous devons dire que le défaut de parallélisme des faunes semblables nous paraît avoir été en général compris entre des limites étroites. Un écart pareil à celui que nous offre le terrain anthracifère doit être très rare; peut-être même est-il unique. Mais en laissant de coté ces cas extrêmes , nous sommes disposé à croire que les différences d’age qui n’embrassent qu’une époque ou une demi-époque géologique sont fréquentes. Ainsi , il nous paraît vraisemblable qu’il y a des fossiles carbonifères contempo- rains des dévoniens, etqu’il en est de même de ceux-ci relativement aux siluriens. Les coquilles triasiques ont pu très bien prolonger leur existence pendant le dépôt du lias, et les coquilles néocomienues vivre non loin des portlandiennes. Nous sommes également con- vaincu qu’avant de faire leur apparition dans le inonde, les pre- miers fossiles tertiaires n’ont pas attendu que les dernières faunes crétacées fussent éteintes sur tous les points du globe'. On nous objectera peut-être que, si de pareils enchevêtrements avaient eu lieu, des observations indépendantes des fossiles les auraient déjà fait connaître. Nous répondrons que non. Voyez ce qui s’est passé pour les Alpes : malgré des différences énormes dans le nombre, l’épaisseur et les caractères minéralogiques des étages , malgré l’opposition de la stratigraphie, malgré surtout la présence d’une flore carbonifère des mieux caractérisées, la plupart des géologues duquel tourne l’Isère, en face de Voreppe, à 1 5' kilomètres nord- ouest de Grenoble. Ce rocher est composé à sa partie inférieure d’une puissante assise calcaire, en partie dolomitique, remarquable par sa blancheur ; elle est dure sur certains points, et ailleurs tendre et presque friable On y trouve un grand nombre de fossiles, la plupart coralliens : Pccten Nireus , d’Orb., Terebratula insignis, Schub., Terebratella Fleuriausa, à.'Ovb., Dlccras arietina, Lamk.,etc. Immé- diatement sur ce calcaire blanc repose, en stratification parfaitement concordante, une assise marneuse, gris bleuâtre, dont la faune est néocomienne [Ostrca Couloni ,à'Ovb., Rhynchonella lata, d’Orb., etc.). Ces bancs marneux, dont l’épaisseur surpasse certainement 50 mètres, sont recouverts par une nouvelle assise de calcaire blanc ou blond, sublamellaire, assez semblable à la variété dure du calcaire le plus inférieur ; on n’y a pas observé de fossiles. La liaison de cet ensemble de couches est mise à découvert par un escarpement à pic de plus de 200 mètres de hauteur qui fait voir qu’elles sont repliées en forme de voûte autour d’un axe dirigé à peu près du nord au sud. L’identité de leur allure et la concordance de leur stratification sont telles, qu’en s’en tenant à ces caractères il est impossible de ne pas les ranger dans un même terrain. Soc. géol., V série, tome XIV, 37 578 SÉANCE DU 20 AVRIL 1S57. ont cru et croiront encore pendant longtemps que le terrain an- thracifère appartient au lias. Peut-on supposer alors que l’on aurait écouté un observateur qui , en s’appuyant sur des preuves purement minéralogiques ou stratigraphiques, aurait rapporté, par exemple, à l’époque jurassique des couches remplies de coquilles crétacées? Non-seulement il n’aurait pas été écouté, mais il se serait perdu de réputation. Nous ajouterons que nous sommes loin de contester que, parmi les groupes de couches renfermant les mêmes coquilles, beaucoup ne soient rigoureusement contemporains. Nous croyons que celai est vrai, même en faisant abstraction des formations dont la conti- nuité est évidente et dont le parallélisme est par conséquent cer- tain. Ainsi, nous ne doutons pas que les diverses assises du terrain jurassique de l’Angleterre ne correspondent exactement à celles du même terrain dans le N. -O. de la France, et qu’il n’en soit de même de la plupart des étages crétacés. Nous admettons sans peine que la mollasse desbords de la Méditerranée a été déposée à la même époque géologique que celle du Dauphiné. Nous pensons que cette contemporanéité rigoureuse s’étend à tous les terrains qui, indépendamment d’une similitude zoologique soutenue jusque dans les détails, présentent la même succession d’étages et les mêmes rapports stratigraphiques avec des formations plus an- ciennes ou plus récentes. Il y a alors un ensemble de caractères qui exclut le doute ; mais de pareilles ressemblances ne subsistent ordinairement que sur des espaces restreints que l’on nomme des bassins géologiques. Lorsqu’on franchit les limites de ces bassins, qui le plus souvent ne sont que des points sur la surface terrestre, les indications zoologiques deviennent moins précises, le nombre des étages change, les couches se groupent autrement et n’ont plus le même faciès minéralogique. Au milieu de cet aflaiblissement de tous les signes distinctifs d’un terrain, on a cru qu’une ressem- blance générale des faunes coquillières, surtout quand il y avait entre elles quelques espèces communes, était un moyen sûr de comparaison. La grande exception présentée par les Alpes est venue prouver de la manière la plus complète que même une pa- reille ressemblance peut induire en erreur. La détermination du parallélisme de deux terrains situés dans des bassins géologiques différents est donc, à notre avis, plus difficile qu’on ne l’a cru jusqu’à ce jour. La comparaison des fossiles marins n’est pas suffi- santé ; il faut rechercher avec soin les restes des animaux qui ont vécu hors de la mer, ainsi que les empreintes et les débris des vé- gétaux. Il est essentiel de tenir compte des groupes naturels formés NOTE DE M. GRAS. 579 par les couches, de leur nombre, de leur épaisseur et surtout de leur liaison stratigraphique, soit entre eux, soit avec les terrains environnants. La physionomie minéralogique des dépôts vue en grand et la nature des gîtes métallifères ou autres qu’ils renfer- ment méritent également l’attention. C’est d’après une apprécia- tion raisonnée de l’ensemble de ces caractères, et non par la con- sidération exclusive de quelques coquilles, que la classification doit être établie. Un principe analogue sert de base au rapprochement des corps en zoologie, en botanique et en minéralogie. On ne voit pas pourquoi la géologie, quand elle compare les grandes masses minérales de la surface du globe sous le rapport de l’âge, suivrait une autre méthode. Afin de donner une idée nette de l'enchevêtrement chronolo- gique des faunes, telle que nous la concevons, nous avons essayé de la représenter graphiquement, fig. 3. Dans ce dessin, le temps est mesuré par les hauteurs verticales et l’espace par les longueurs horizontales. Les groupes de lettres cu\a, bbb , ccc,... indiquent, comme dans les autres figures, des faunes coquillières. Le premier compartiment à gauche offre une série d’époques géologiques d’inégale durée, caractérisées chacune, sur tous les points à la fois, par des coquilles semblables, conformément à l’opinion générale- ment adoptée. Le second compartiment montre au contraire l’en- chevêtrement des diverses faunes sans que leur ordre de super- position soit altéré : c’est notre hypothèse. Les espaces elliptiques remplis de fossiles différents de ceux qui les entourent sont les colonies admises par MM. Barrande et Leymerie. La colonne fff, qui commence à la naissance des corps organisés, est une image imparfaite (1) du cas particulier offert par les Alpes. On sera frappé sans doute de la simplicité du premier compartiment com- paré au second. Ne peut-on pas dire que c’est trop simple, et qu’il y a à parier qu’une pareille disposition est une pure concep- tion de notre esprit? Nous allons nous résumer en quelques mots : 1* De ce que les diverses faunes coquillières affectent en général (f) Nous disons imparfaite, car on ne sait pas ce que sont devenues les coquilles basiques du terrain anthracifère pendant l’intervalle qui s’est écoulé entre la fin de son dépôt et le commencement de la pé- riode jurassique. On ignore également les modifications probablement progressives éprouvées par les faunes paléozoïques à l’approche du point singulier des Alpes, où l’apparition des coquilles basiques a été si précoce. 580 SÉANCE DU 20 AVRIL \ 857. un ordre constant de superposition, on n’est pas en droit de con- clure que celles qni sont semblables correspondent partout à une même époque géologique; car, relativement à cette époque, quel- ques-unes ont pu naître beaucoup plus tôt, ou se prolonger beau- coup plus tard , sans que la continuité de leur existence ait été d’ailleurs interrompue. Dans l’ignorance absolue où nous sommes des causesqui ont fait naître et éteindre les diverses faunes, cette hypothèse est parfaitement admissible ; 2° Les enchevêtrements chronologiques des faunes ne sont pas seulement possibles ; plusieurs faits tendent à prouver qu’ils ont eu lieu réellement ; 3° Si l’on admet ces enchevêtrements, l’apparition de certaines espèces basiques dès l’époque où la végétation carbonifère cou- vrait encore le globe n’est plus une anomalie ; c’est un cas parti- culier, extrême si l’on veut, d’une loi paléontologique géné- rale (1). Zi° Des groupes de coquilles semblables pouvant, dans certains cas, se trouver dans des couches d’un âge très different, le paral- lélisme des terrains ne doit pas être établi d’après la seule com- paraison des faunes coquillières-, il faut avoir recours à toutes les ressources que nous offrent la paléontologie générale, la stratigra- phie et la minéralogie. Note additionnelle . Depuis la rédaction de cette notice, M. Elie de Beaumont a communiqué à l’Institut (2) un extrait de trois lettres qui lui ont (1) Cette loi pourrait être énoncée ainsi : Nées h des époques qui ont pu être très rapprochées , les diverses faunes coquillières ont persisté dans les lieux de leur naissance jusqu'au moment de leur diffusion , qui n’est arrivé pour chacune d’elles que successivement et au bout d’un temps plus ou moins long. N près l’époque de sa diffusion , une faune ne s’est pas éteinte en même temps sur tous les points où elle s était établie. Cette loi, beaucoup moins étroite que celle de la contemporanéité rigoureuse des coquilles semblables, explique aussi bien l’ordre constant dessuperpositions zoologiques, et, de plus, elle donne la clef de tous les cas exceptionnels ; c’est par conséquent la seule qui soit d’accord avec l’ensemble des faits observés. Dans cette manière de voir, une époque géologique, celle par exemple que l'on appelle crétacée, serait simplement l’époque où le groupe des coquilles auxquelles on a donné ce nom avait atteint sa plus grande extension géographique. (2) Comptes rendus , tome XLV, page 612. NOTE DE M. GRAS, 581 été adressées par M. Sismonda , relativement à un nouveau gise- ment de végétaux houillers en Savoie. D’après l’auteur, la date géologique de ees restes de plantes serait de beaucoup postérieure au terrain jurassique; il ne serait pas étonnant dès lors qu’on en rencontrât de pareilles dans ce dernier terrain. Nous croyons que M. Sismonda a tiré des faits qu’il a "exposés des ^conséquences extrêmement contestables. Parce qu’il existe à Thaninge des végé- taux houillers sons la formation nummulitique, il n’en résulte nullement qu’ils soient contemporains de cette formation. Le fait que le musée d’Annecy renferme des empreintes de fougères trou- vées, dit-on , dans le terrain nummulitique de Thorens, où M. Sismonda lui-même les a recherchées vainement, n’est pas plus concluant. Nous répéterons , en ce qui concerne la classification du terrain anthracifère, qu’il serait peu rationnel de la faire dépendre de tel gisement particulier et exceptionnel, soit de végétaux, soit de coquilles. De pareils gisements ne prouvent rien , si ce n’est qu’il ne faut pas se fier aux fossiles , lorsqu’ils sont en contradiction avec les observations géologiques et stratigraphiques propres à fixer l’âge d’un système de couches. Le terrain anthracifère n’est pas un point dans les Alpes ; il y occupe une immense étendue et peut être étudié sous toutes ses faces : il est parfaitement caractérisé par le nombre et la disposition de ses étages , par son épaisseur moyenne certainement supérieure à quatre ou cinq mille mètres, par la nature de ses roches identiques pour la plupart avec celles des terrains paléozoïques, parla multiplicité de ses gîtes d’anthra- cite , par un certain ensemble de restes organisés , enfin et plus sûrement encore, par ses relations stratigraphiques. Il faut avoir égard à l’ensemble de ces caractères pour arriver à une bonne classification; c’est évidemment la seule base sûre. Si on l’adopte, la question n’est plus douteuse à notre avis. M. de Yerneuil rappelle que M. A. Dumont a exposé une théorie analogue à celle de M. Scipion Gras, pour démontrer que les faunes auraient pu changer de lieu avec le temps, par suite de la variation des climats à la surface de la terre; en sorte qu’à une certaine époque la faune silurienne existait à l’équateur, la faune dévonienne à la zone tempérée, et la faune carbonifère au pôle -, mais l’ensemble des faits acquis jusqu’à ce jour ne confirme pas cette hypothèse. M. Scipion Gras répond que la théorie qu’il présente est 582 SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. différente de ceile de M. Dumont, et que, loin d’être contraire à l’observation, elle lui paraît être la seule qui soit d’accord ayec l'ensemble des faits. M. Ebray fait la communication suivante : Note sur V âge du calcaire à c ha il le S des départements du Cher , de la Nièvre et de rYon/ië, par M. Ebray. Le terrain ou calcaire à chailles se compose généralement d’une épaisseur plus ou moins forte de couches siliceuses, ayant tantôt l’apparence stratifiée, tantôt formant des agglomérations, tantôt enfin représentant un véritable diluvium. Quelques géologues ont donné le nom de calcaire à chailles à des dépôts d’une origine entièrement différente ; il en est résulté des ambiguïtés qu’il importe de faire disparaître. Je vais étudier les calcaires à chailles des départements du Cher et de la Nièvre, en consultant l’ouvrage de M. Cotteau (1), pour établir une comparaison entre les chailles de ces deux premiers départements et ceux de l’Yonne. Je suis entièrement de l’avis de M. Bertera, ingénieur des mines, lorsqu’il s’exprime ainsi, dans le texte explicatif de la carte géologique du département du Cher : <• L’âge des argiles à chailles est bien déterminé parleur superpo- sition directe aux terrains de l’étage oolithique inférieur, et par les fossiles qu’elles contiennent; pourtant on ne ies voit jamais stratifiées régulièrement, et passer sous les couches supérieures de l’étüge ooli- thique moyen (2). il paraît évident que, dans leur état actuel, ceS argiles doivent plutôt être considérées comme provenant de la des^- truction de certaines couches dont les éléments sont à peu prés restés sur place, que comme un terrain régulièrement stratifié. » M. Bertera pense avoir trouvé dans les chailles le Dysaster bicor - datus et la Terebratulà biplicata ; mais j’ai pu m’asSüIer que le Dysaster devait être rapporté au Dysaster ellipticus (3). Je vais déterminer d’uiie manière exacte quelle est la position dès couches qui ont fourni le terrain à chailles du Cher et de la Nièvre. Le Kclloway-rock est composé , dans la Nièvre et dans le Cher, (1) Etudes sur les échinides jossiles dit département de V Yonne » (2) M. Bertera classe le Kelloway-rock dans l 'étage oolithique infé- rieur, et en fait la partie supérieure de la grande oolithe. (3) Déterminé par M. Cotteau. NOTE DE 51. ÉBRAY. 583 d’une série d’assises calcaires alternant avec des argiles qui varient beaucoup d’épaisseur, d’une localité à l’autre , et qui sont séparées de l’étage bathonien par quelques bancs très durs et fortement sili- ceux , englobés dans un massif argileux souvent d’une grande puis- sance, comme cela se remarque facilement à la montagne de Mimont (Nièvre), au Coq, près Fougues (Nièvre), à Châteauneuf, etc. La masse argileuse callovienne la plus inférieure repose directement sur les bancs siliceux, et contient des fossiles qui se reproduisent dans l’étage bathonien ; au-dessus de cette masse argileuse, qui varie, sui- vant les localités , de 2 à 25 mètres , se rencontrent des bancs épais contenant des lignes de silex gris , assez régulièrement stratifiées; la hauteur de ces bancs varie aussi de 8 à 20 mètres; au-dessus se trouve un système de bancs minces, argileux, contenant une grande quan- tité de rognons de silex; la silice varie cependant de forme et d’as- pect : tantôt elle se trouve distribuée en plaquettes, tantôt en boules, tantôt en veines ; généralement la couleur est grise ; mais dans cer- taines localités elle passe au jaune; ces bancs contiennent surtout le Dysaster ellypticus, qui quelquefois est très abondant. Mais le Dysaster ellypticus n’est pas le seul fossile contenu dans ia partie supérieure du Kelloway-rock ; la Terebratula bicanalicu- lata{$d\.), Terebratula chanoiniana (d’Orb.), Rhynchonella qua- driplicata (d’Orb.), Astrœa dilatata (Desh.), sont très communes dans ces bancs. Comme, dans le terrain à chailles, tous ces fossiles se rencontrent empâtés dans des silex gris ou jaunes, ayant la même apparence que ceux que l’on rencontre dans les bancs supérieurs du Kelloway-rock , on est conduit à identifier ces deux terrains. Le terrain à chailles du département de l’Yonne diffère entière- ment de celui de la Nièvre ou du Cher. Consultons d’abord l’ouvrage si estimé de M. Cotteau : « Au-dessus de l’assise ferrugineuse de l’oxfordien , se rencontrent, comme le dit M. Cotteau, les calcaires oxfordiens, qui, dans le dé- partement de l’Yonne, se présentent en bancs épais; la silice s’y manifeste par des rognons calcaréo-siliceux; les fossiles se bornent à des Gervilies, des Pholadomyes et à Y Ammonites plicatilis. Ce cal- caire pourrait bien représenter dans l’est du département le calcaire à chailles, qui contient lui-même à sa partie inférieure les fossiles si caractéristiques de roxfordien. » Cette succession de bancs se modifié rapidement dans la Nièvre et dans le Cher ; la couche ferrugineuse n’a , au bord de la Loire, que 1 à 2 mètres de puissance; elle contient une grande quantité de fossiles, mais elle disparaît bientôt vers l’ouest, pour surgir encore, 68/j SÉANCE DU 20 AVRIL 1857. pour peu de temps et à l’état rudimentaire, aux environs de Poitiers; les couches calcaires varient aussi ; les spongiaires deviennent de plus en plus fréquents, et bientôt, comme à la Loge (Nièvre), à la Guerche (Cher), à la Grimaudière (Vienne), ils forment l’élément principal de la roche; l’assise ferrugineuse disparaissant , le calcaire à sport- glaires repose souvent directement sur le Kelloway-rock ; dans cer- taines localités , la profondeur des eaux et la nature des sédiments devenaient moins propres à la production des spongiaires, et alors reparaissaient les bancs plus réguliers, décrits par JV1. Colteau. La silice, cette production si générale dans la formation des étages, ne présente pas, dans l’ouest de la France, la même distribution que dans l’oxfordien de l’Yonne; elle se trouve plus uniformément ré- pandue dans la masse, et ce n’est qu’aux environs de Donzy (Nièvre), qu’elle commence à se masser en rognons et en veines à la partie supérieure de l’étage oxfordien. Par suite de la position topographique du sol à l’époque du di- luvium, ce fut le Kelloway-rock qui soutint le choc des eaux dans le Cher et dans la Nièvre , Poxfordien dans l’Yonne ; cette même action enleva à Yierzon une partie du cénomanien , en laissant comme témoins de l’étage les spongiaires siliceux de la tranchée de la Renau- dière; dans la Vienne, toute la craie blanche disparut en laissant sur le sol un véritable terrain à chailles , composé de Si phonies , de Co- scinopora , de Chenendopora à l’état siliceux; dans le Sancerrois, l’étage sénonien forme un autre terrain à chailles qui , quoique moins remanié que celui de la Touraine, porte les empreintes de l’action des grands courants; les terrains à chailles sont donc des plus variables comme provenance. Je pense que l’on peut considérer comme bien établi que celui de la Nièvre, à l’exception du terrain à chailles sé- nonien, provient de la décomposition par les eaux de la partie supé- rieure de l’étage callovien ; que celui de l’Yonne résulte , en cas de remaniement , de la destruction des parties supérieures de l’étage oxfordien. Il est vrai que M. Cotteau place le calcaire à chailles dans le coral- lien, et, par conséquent, y comprend aussi les bancs qui surmontent l’oolithe ferrugineuse ; mais, si cela était vrai, l’assise ferrugineuse disparaissant vers l’ouest, l’oxfordien se trouverait réduit à zéro ou à une couche à peu près nulle comme puissance, ce qui ne me paraît pas possible dans les départements qui nous occupent. D’ailleurs les fossiles du calcaire à chailles sont tous oxfordiens ; toute la faune des Céphalopodes s’y retrouve ; des Bivalves et d’autres fossiles ne laissent aucun doute sur la position de l’étage ; il y a dans l’Yonne, comme partout, des passages paléonlologiques, même dans DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 585 les oursins; mais cela n’est pas une raison pour mettre l’oxfordien dans le corallien, pas plus que l’on ne songe à mettre le callovien dans l’oxfordien ; il n'est pas nécessaire d’admettre que les bandes sphé- roïdales siliceuses proviennent du corallien; je trouve, au contraire, beaucoup de raisons de les rapprocher de ces spongiaires globuleux et siliceux si communs dans certaines parties de l’oxfordien. Mais ce n’est pas ici que je discuterai à fond le nom de l’étage du calcaire à chailles de l’Yonne; on est d’accord sur la position géolo- gique du terrain, et je n’ai pour but , dans cette notice, que de dé- montrer l’origine entièrement différente du calcaire à chailles des départements du Cher, de l’Yonne et de la Nièvre. Séance du h mai 1857, PRÉSIDENCE DE RI. DARIOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Th. Davidson, Note sur les genres Athjris (Spirigera'), Camarophoria, Orthisina et Strophalosia des ter- rains permiens d' Angleterre (extr. du 2e vol. du Bulletin de la Soc. Jinn. de Normandie ), in-8, 1 h p., 1 pl. Caen, 1857*, chez A. Hardel. De la part de M. J. Fournet : Résumé des observations re- cueillies en 1856 dans le bassin de la Saône par les soins de la commission hydrom étriqué de Lyon , in-8 De la part de M. Hébert, Faculté des sciences de Paris . — Cours de géologie. — Leçon d'ouverture (25 mars 1857), in-8, 16 p. Paris, 1857 ; chez Cosson. De la part de M. Henri Lecoq, Etudes sur la géographie botanique de l'Europe, et en particulier sur la végétation du plateau central de la France, t. VI, in-8, &80 p. Paris, 1857; chez J. -B. Baillière. De la part de M. Achille de Zigno, Memoria sulla flora ï 586 SÉANCE DU II MAI 1857. fossile deir oolite , in -Zi, 16 p. Venise, 1856; chez G. Anto- nelli. Institut I. de France. — Discours prononcés aux funé- railles de M. Dufrénoy , le 22 mars 1857, in-/i , 32 p. Paris, 1857; chez Firmin Didot fr., fils, etc. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences i 1857, 1er sem., t. XLÏV, nos 16 et 17. U Institut, 1857, n«s 1216 et 1217. Annales scientifiques , littéraires et industrielles de V Au- vergne, t. XXIX, 1856. Mémoires de la Société d’agriculture, commerce , sciences et ai'ts du département de la Marne. — — Année académique 1855-1856. Précis analytique des travaux de V Académie I. des sciences, belles-lettres de Rouen, etc., pendant l’année 1855-1856. The Athenœum , 1857, nos 1539 et 15Æ0. Revista minera, t- VIII, n° 166, 1857. Revis ta de los progrès os de las ciencias exactas , fisicas y naturales , t. VII, n° h, avril 1857. Le Président donne lecture d’une notice sur M. André Du- mont, rédigée par M. d’Omalius d’Halloy. M. de Verneuil fait connaître que M. Élie de Beaumont et lui, ayant offert à madame veuve Dumont leurs soins pour terminer au besoin la carte géologique de l’Europe, ont reçu la réponse que cette carte était prête à être gravée et serait publiée prochainement. M. Barrande fait la communication suivante : Notice sur l’ouvrage de M , le professeur Geinitz , intitulé : Les houilles du royaume de Saxe (Die Steinkohlen des Koenigreichs Sachsen, etc.). — 2e partie, par M. Barrande. Dans la séance du 7 mai 1855, d’après la demande du Conseil, j’ai eu l’honneur de rendre compte à la Société de deux ouvrages qui lui avaient été offerts par M. le professeur Geinitz, et qui sont rela- tifs aux bassins houillers du royaume de Saxe. Le principal de ces ouvrages, entrepris par ordre du gouvernement saxon, a pour but de faire connaître l’étendue et la richesse de toutes les formations NOTE DE H. BARRANDE. 587 carbonifères du royaume, ainsi que la nature des combustibles qu’elles peuvent fournir. Dans la première partie de ce grand travail, dont j’ai présenté l’a- nalyse à la Société, le professeur Geinitz a décrit et figuré tous les fossiles, soit de nature animale, soit de nature végétale, qu’il avait recueillis dans les terrains explorés. J’ai fait remarquer l'excellente méthode qu’il avait suivie dans la discussion critique et la description des espèces. Par cette méthode, il a pu apporter une grande simpli- fication dans la nomenclature de Ces fossiles végétaux. Ainsi, prés de 500 noms ont été concentrés dans environ 150. La seconde partie du grand travail de Al. Geinitz, qui est en ce moment sous les yeux de la Société, est consacrée : 1° A f indication de tous les horizons, c’est-à-dire de tous les ter- rains qui peuvent fournir du combustible, sous une forme et souS une dénomination quelconques ; 2° À la description stratigraphique et paléontologique spéciale et très détaillée de tous les bassins houillers du royaume de Saxe ; 3* A un tableau général de tous les fossiles, et à quelques obser- vations importantes, soit sur leur distribution verticale en Saxe en étages distincts, soit sur l’extension de ces étages dans les contrées étrangères. Je suivrai le même ordre que l’auteur, pour donner une idée de ses travaux. Première partie. — M. le professeur Geinitz, passant en revue tOUs les terrains qui peuvent fournir un combustible quelconque, porté son attention non-seulement sur la Saxe, mais encore sur tOütês les Contrées du globe qui ont été explorées. Il présente donc un tableau succinct des connaissances acquises sur tous les gîtes de combustibles en commençant par la surface actuelle. Voici la série qU’il parcourt ï \ . Tourbe en voie de formation. 2. Lignites de la mollasse. 3. Charbons du quadersandstein, c’est-à-dire d’un étage crétacé qui a été l’objet d’un ouvrage très connu du professeur Geinitz. 4. Charbons de la formation wealdieniie, du Jura, du lias et du calcaire alpin. 5. Charbons de la formation dite Le.tten ou du Keupcr . 6. Charbons du terrain permien, o’est-à-dire du Zechstein et du grès rouge. 7. Houille et anthracite du terrain houiller proprement dit, dont M. Geinitz distingue 12 variétés ou dénominations diverses. 8. Houille du Culm, c’est-à-dire de ce que les Allemands ont aussi appelé la plus jeune grauwacke, et qui parait être une for- 533 SÉANCE DU !\ MAI 1857. mation intermédiaire entre le terrain houiller proprement dit et le calcaire carbonifère, ou bien un simple représentant do ce dernier. 9. Houille ou matière combustible dans les terrains dévoniens et siluriens. 10. Graphite dans les roches cristallines anciennes. 41. Charbon dans les roches plutoniques. Nous ne pouvons pas suivre l’auteur dans tous les détails qu’il donne et dans les faits qu’il reproduit, en les rapprochant d’une manière intéressante. Nous ferons seulement remarquer que le charbon auquel il fait allusion dans les roches plutoniques se réduit à un amas de quelques mètres d’étendue horizontale et de 30 à U0 centimètres d’épaisseur, qui a été trouvé dans un porphyre riche en quartz, près de Rochlitz en Saxe. L’origine de ce charbon s’explique aisément, par quelques troncs d’arbres de la Flore permienne, qui ont été enveloppés dans le porphyre encore à l’état pâteux et carbonisés comme en vase clos. Deuxième partie. — Le professeur Geinilz décrit successivement les bassins houillers de la Saxe, savoir ceux de : 4. Hainich-Ebersdorf, ou formation du Culni saxon. 2. Zwickau avec toutes ses annexes. 3. Région anthracitique de l’Erzgebirge. 4. Plauen. Chacun de ces bassins est successivement considéré sous tous les rapports stratigraphiques, paléontologiques et industriels. En d’au- tres termes, chaque formation contenant de la houille est d’abord figurée sur une carte très détaillée, et accompagnée de nombreuses sections verticales avec des légendes indiquant la nature et l’épaisseur de toutes les couches dans chaque localité. En second lieu, tous les fossiles appartenant à chacun des bassins sont énumérés séparément, avec l’indication de leur étendue verticale et de leur fréquence re- lative. Enfin, la nature de la houille fournie par chaque couche est indiquée de manière à faire juger ses bonnes ou mauvaises qualités sous les rapports industriels. M. Geinitz apporte les plus grands soins à décrire toutes les dé- couvertes qui ont été faites dans les recherches de combustibles, et il s’applique à tracer les limites du terrain sur lequel de nouvelles recherches pourraient être tentées avec quelques chances de succès. En même temps, il avertit sérieusement les chercheurs de houille du danger qu’il y aurait à faire des travaux hors de certaines surfaces dont il indique les contours. NOTÉ I)Ë M. BARRANDE. 589 M. Gcinitz s’attache aussi à dissiper le préjugé qui paraît exister ■parmi certains de ses compatriotes, qui- admettent une richesse iné- puisable de houille dans certains bassins. Cette richesse, quelque grande qu’elle paraisse, ne peut suffire que pour un temps aux be- soins du pays. Lorsqu’elle sera épuisée, on aura recours aux lignites dont on s’occupe fort peu aujourd’hui, et qui pourront peut-être fournir encore du combustible pour quelques siècles. Mais, dans tous les cas, on peut prévoir qu’il viendra un jour, où l’anthracite, la houille et les lignites auront disparu et ne seront représentés, pour ainsi dire, que par quelques échantillons, dans les collections miné- ralogiques. Alors la tourbe sera recherchée à son tour comme com- bustible et elle présentera un avantage par rapport aux combustibles minéraux, en ce qu’elle pourra se reproduire indéfiniment, par l’effet d’une culture bien entendue. M. Geinitz en indiquant à ses compatriotes les richesses encore inexploitées des divers bassins houillers de son pays ne se borne pas b des paroles pour encourager les recherches. Afin de confirmer pratiquement les résultats de ses travaux scientifiques, il s’est associé, autant qu’il est en lui, b diverses entreprises pour la découverte et l’exploitation des houilles. Voilà donc un savant qui confesse coura- geusement la science. Nous ferons tous des \ceux pour que ses en- treprises soient couronnées par un succès si bien mérité sous tous les rapports. Voyons maintenant quels sont, sous le point de vue purement scien- tifique, les résultats généraux des recherches faites dans les bassins houillers du royaume de Saxe. Troisième partie. — Dans un grand tableau synoptique, compre- nant 10 pages in-folio, M. le professeur Gcinitz énumère tous les fossiles dont il a été question dans son ouvrage, en donnant pour chacun la synonymie la plus complète. Il indique dans des colonnes spéciales l’étage où se trouve chaque fossile, les diverses localités où il a été recueilli en Saxe, et enfin les localités des régions étrangères où son existence a été signalée On voit que ce tableau sera d’une grande utilité pour tous ceux qui feront des recherches du même | genre. Le nombre des espèces s’élève à 170, en Saxe, j Les classes animales ne sont représentées que par IA formes, | tandis que les végétaux en fournissent 156. Les 1 A formes animales I sont : 1 poisson et \ coprolite. 2 traces d’insectes divers. \ ver. 6 mollusques d’eau douce du genre Cardinia , 4 espèces d’infusoires. 590 SÉANCE DU h MAI 1857. Pour les fossiles végétaux, nous croyons devoir reproduire le ta- bleau résumé qui indique leur nature par familles et leur distribu- tion verticale, dans les 5 étages qui comprennent le Culm et le ter- rain houiller proprement dit, L’étage ou flore I est à la base et correspond au Culm. Les flores suiyantes, II, III, IV, Y, s’élèvent successivement, jusqu’à la limite supérieure du terrain houiller en Saxe, i. li.N lu. IV. V. Totauj: des espèces. Animaux 1 4 0 7 4 4 4 Conferves 4 4 2 3 Équisétacées. .... § 4 4 3 4 8 Astérophyllites .... 4 S 5 5 40 14 Fougères , , 6 25 16 20 49 69 Lycopodiacées .... 9 5 4 6 16 28 Nœggérathiées 4 4 2 4 6 10 Gycadées Carpolithes de familles 4 2 4 1 3 indéterminées , . , 4 2 3 Conifères 4 2 4 2 Sigillariées 4? 44 5 4 4 43 Stigmariées 1 2 *2 1 2 3 ' * r- * • » Totaux. . . 23 63 39 55 401 4 70 D’après la prédominance de diverses familles dans les 5 étages successifs indiqués dans ce tableau, M. le professeur Geiniiz adonné à ces étages les noms suivants, en commençant à partir du bas : I. — Étage des Sagenarici , genre de la famille des Lycopodiacées. II. — Étage des Sigillariées. III. — Étage des Calamites. IV. — Étage des Astérophyllites. V. — Étage des Fougères. Ainsi que nous venons de le dire, ces 5 étages comprennent la hauteur du Culm et du terrain houiller proprement dit. Mais dans un ouvrage précédent, publié en commun avec M. Gutbier, sur le terrain permien de Saxe, M. Geiniiz avait déjà décrit une autre flore, I qui succède immédiatement à la dernière de celles que nous venons d’énumérer, et qui, par conséquent, peut être comparée avec les précédentes, comme VL' flore de Saxe. Je ferai remarquer que, dans la première partie de son ouvrage, M. Geinitz avait réuni en une seule flore celles des Calamites et des Astérophyllites, qu’il croit maintenant devoir considérer comme in- NOTE DE M. BATIR ANDE . 591 dépendantes. J’ai fait connaître dans ma notice du 7 mai 1855 les espèces les plus caractéristiques de chacune de ce§ flores; il serait donc inutile de les répéter ici. En comparant les 6 flores successives du terrain carbonifère et du terrain permien de la Saxe, 51. Geinitz fait quelques observations très intéressantes : 1. — D’abord, la flore la plus ancienne, dans ce pays, c’est-à-dire celle du Culm, est presque complètement isolée de toutes les flores suivantes. En effet, sur 23 espèces qui la composent, une seule : Sphenopteris elegans , Brongn. , reparaît à un horizon plus élevé; non pas dans la flore immédiatement suivante qui est la seconde, mais dans la flore des Calamites, qui est la troisième. Ce fait pré- sente une remarquable analogie avec celui que nous avons plusieurs fois constaté, relativement à la faune primordiale, dont aucune espèce ne reparaît dans les faunes suivantes. 2. — La flore VP ou permienne présente aussi en Saxe une différence très marquée par rapport à l’ensemble des flores anté- rieures, c’est-à-dire carbonifères. Sur 156 espèces qui constituent ces dernières, 3 seulement s’élèvent jusque dans le terrain permien, savoir ; Lycopoditcs pinijormîs y Schloth. Cyat/ieites cirborescens , Schloth. } sp. — Ccmdollecinus , Brongn. Ainsi, les flores des deux grands terrains, ou systèmes consécu- tifs, sont très contrastantes dans leur ensemble, et cependant elles sont liées l’une à l’autre par quelques plantes. Il est même très probable que le chiffre des espèces communes, que nous voyons ré- duites à 3 dans la Saxe, deviendra plus considérable, lorsqu’une comparaison semblable aura été soigneusement faite dans d’autres pays, entre les mêmes terrains. 3. — En faisant abstraction des deux flores extrêmes, il reste h flores carbonifères intermédiaires, qui, sans offrir des contrastes comme ceux que nous venons de signaler, sont cependant assez dis- tinctes les unes des autres pour caractériser- suffisamment les étages admis par M. Geinitz. Ce savant fait observer avec raison, que ces étages pourraient être comparés aux étages du terrain tertiaire, sous le double rapport de leur indépendance réciproque et des liens éta- blis entre eux par le passage d’un certain nombre de formes spéci- fiques. Afin que chacun puisse apprécier quels sont les liens de cette 69*2 séance du h mai Î857. nature qui existent entre les flores carbonifères de la Saxe, nous re- produisons le tableau suivant que donne M. Geinitz. Entre les flores. Nombre des espèces communes. Rüppoi t sur 100, I et II. — 0 I III. — 1 I IV. — 0 l V. — 0 II III. — 33 — 32,35 II IV. — 28 — 23,73 II V. — 33 — 20,12 III IV. — 24 — 25,59 III V. — 33 — 23,57 IV V. — 35 — 22,43 On voit par ce tableau que le nombre des espèces communes entre deux étages quelconques varie entre 20 et 32 p. cent. U. — Quant à l’utilité pratique de la distinction de ces 5 flores successives ou étages, dans le terrain houilier de son pays, M. Gei- nilz fait observer qu'elle a été constatée par V expérience, et ce fait a donné lieu à des triomphes réitérés pour la paléontologie , dans la Saxe. Ce sont les paroles de l’auteur, que je traduis littéralement, parce qu’elles expriment bien ses convictions. Elles seront accueillies avec sympathie par tous ceux qui sont dévoués à la science, sans système exclusif. 5. — Au moyen des 170 espèces observées dans la Saxe, Al . Gei- nilz fait un essai, pour établir un parallèle avec tous les autres bas- sins,houillers des mêmes terrains, qui ont été explorés dans d’autres contrées. Il passe en revue, non-seulement l’Europe, mais encore l’Amérique, en établissant des rapports intéressants, que les limites de cette notice ne nous permettent pas de reproduire. Ces rapports sont incomplets sans doute, à cause de l’insuffisance des documents sur la plupart des bassins ; mais ils doivent cependant attirer l’atten- tion et servir de base aux travaux plus complets qui seront faits tôt ou tard sur la même matière. Il nous semble que pour les flores comme pour les faunes des temps paléozoïques, le nombre des es- pèces communes, dont l’existence est constatée à de grandes dis- tances géographiques, est relativement peu considérable. Nous espé- rons au contraire que l’existence simultanée et la succession de certains groupes ou des familles de plantes fourniront de bons ca- ractères pour l’établissement de certaines flores générales, corres- pondant plus ou moins dans leur étendue verticale aux faunes de NOTE DE M. BARRANRE. 595 même ordre, dont nous avons cherché à montrer l’extension pour le terrain que nous étudions. Dans cet essai comparatif, M. Geinitz arrive, en passant, au ter- rain anlhracifère des Alpes, qu’il considère, d’après sa flore seule, comme appartenant à la période carbonifère. Mais il déclare que les documents existants sur ce bassin sont trop incomplets pour lui permettre d’esquisser un parallèle entre sa flore et les 5 flores de la Saxe. Le passage par lequel M. Geinitz termine son ouvrage nous semble mériter d’être traduit littéralement. Le voici : (■ Nous avons appliqué à toute la Saxe la méthode tracée par » Beinert et Goeppert, dans l’étude des flores fossiles de la Silésie. » Espérons que d’autres travaux semblables viendront se joindre aux » nôtres, pour aider à étendre, non-seulement sur l’Europe entière, » mais encore sur les continents éloignés, avec toute l’exactitude n possible, les horizons établis dans nos contrées, ou du moins des » horizons analogues. Tel doit être Te but final de nos recherches » paléoniologiques et on ne peut l’atteindre que par l’étude appro- » fondie des formes spécifiques. » Ce passage peut être mis sous la forme suivante, qui rappelle le célèbre ordre du jour de Nelson. « La Silésie a donné le bon exemple; la Saxe l’a suivi. La science » espère que ies autres pays feront aussi leur devoir. » Nous ajouterons que M. Geinitz a parfaitement accompli ie devoir de la Saxe, dont il avait été officiellement chargé. Son ouvrage doit servir de modèle et de guide à quiconque aura la belle mission de remplir un semblable devoir pour son pays. Mais à cette occasion nous devons nous demander quel est celui j qui accomplira le devoir de la France? Notre pays, sans être le plus I riche en terrains houillers, possède cependant un assez grand nombre j de bassins, qui fourniraient de grandes richesses scientifiques,' s’ils ! étaient convenablement explorés. Ces bassins sont répartis sur une I surface très considérable, par rapport à celle du royaume de Saxe, Par conséquent, une étude approfondie et comparative de toutes les flores partielles de ces. bassins, embrassant 8 degrés de latitude, pourrait conduire à des résultats beaucoup plus importants par leur généralité. Celte étude nous montrerait quelle est l’étendue géogra- phique, quelle est l’étendue verticale des flores carbonifères, et jus— qu’à quel point elles peuvent être subdivisées en étages correspon- dants ou analogues à ceux qu’indique M. le professeur Geinitz. Elle pourrait aussi grandement contribuera résoudre I» question de h durée relative des faunes et des flores; question dont la solution Soc. grol.. 2 e série, tome XIV. 38 59/i SÉANCE DU à MAI 1857. comprend celle de l’énigme du terrain anthracifère des Alpes. Tels sont les résultats généraux que la science exige aujourd’hui et attend de nos recherches. Nous n’oublions pas que la botanique fossile a été en grande partie fondée par un savant français, et que quelques autres de nos compatriotes ont publié de fort bonnes monographies locales des plantes de diverses formations. Mais le grand travail d’ensemble, embrassant à la fois les flores de toute la période carbonifère et celles des périodes voisines, reste encore à faire. Par son étendue, par ses difficultés, et par la haute importance des grandes questions géolo- giques qu’il peut résoudre, ce travail serait bien digne d’exciter le dévouement à la fois scientifique et patriotique de quelque jeune intelligence, comme il s’en trouve tant dans les rangs de notre Société, ou dans ceux de la Société botanique, qui certainement partage nos vœux. Ce serait, sans aucun doute, une entreprise de longue haleine ; mais dût-elle exiger une existence entière, jamais carrière scientifique n’aurait été, ni mieux commencée, ni mieux employée. M. Hébert annonce â la Société qu’il a reçu ce matin un supplément à la nouvelle édition du Manuel de géologie de M. Lyell. Ce supplément contient l’annonce de la découverte d’un véritable mammifère dans le bassin houiller de Chatham, que M. Emmons rapporte au terrain permien, et que M. Lveîl suppose encore moins ancien. M. Barrande fait remarquer que ce fait isolé, fût-il bien constaté, ne prouverait rien contre l’opinion généralement ad- mise de la création successive des classes animales. M. Hébert dit que les découvertes successives de mammifères dans les couches de Stoneslield, de Purbeck, du trias, donnent lieu de penser qu’il reste encore beaucoup à apprendre sous ce rapport, et qu’il faut se garder d’admettre aucune théorie quant à présent. Les débris de mammifères qui se conservent bien dans les conglomérats, le gypse, etc., ont pu se détruire aisément dans d’autres conditions, M*. Barrande répond que; si les genres terrestres ont pu disparaître, les vertébrés marins, les reptiles ou les poissons auraient dû se conserver, et qu’on n’en trouve aucun débris dans les terrains les plus anciens. M. de Verneuil ajoute que le terrain houiller présentait, NOTE DE M. BUVIGNIER. 595 comme les îignites tertiaires, des conditions favorables à la conservation des mammifères , et que le fait annoncé par M. Hébert a besoin d’être confirmé. M. Lartet fait remarquer que, si ce fait est constaté, il en résulterait la conséquence que l’atmosphère n’a pas subi les variations généralement supposées. M. A. Buvignier fait la communication suivante : Observations sur le terrain jurassique de la partie orientale du bassin de Paris , par M. A. Buvignier. Dans line brochure [Les mers anciennes et leurs rivages , etc.) que M. Hébert vient de publier, il a cité plusieurs localités de la Meuse et des Ardennes, qu’il a vues et décrites d’une manière toute diffé- rente de la nôtre. Les différences sont si nombreuses, et quelquefois si essentielles, que l’on comprend difficilement comment deux observa- teurs, étudiant la même contrée, ont pu parvenir à des résultats aussi dissemblables et quelquefois aussi opposés. La différence de nos résultats pourrait peut-être s’expliquer par celles de nos méthodes d’observation. Sans vouloir prétendre que je ne me suis jamais trompé, etjsans vouloir me dispenser de reprendre l’un après l’autre tous les points sur lesquels je suis en désaccord avec M. Hébert, je crois pouvoir dire qu’il y a bien moins de chances d’erreur pour l’observateur qui a exploré un pays pendant plusieurs années, suivant pas à pas les affleurements des diverses formations, et profitant de tous les accidents du terrain, de toutes les excavations, pour établir, au moyen de coupes nombreuses et multipliées, la direction et l’inclinaison des couches, que pour celui qui parcourt le pays en zigzag et sans s’orienter relativement à la direction et à la pente des terrains, comme l’a fait M. Hébert, qui joint à son travail une coupe représentée en plan par la figure suivante : 596 SÉANCE DU II MAI 1857. On comprend que dans une coupe semblable dont certaines por- tions sont dirigées suivant le sens de la plus grande pente, tandis que d’autres font avec elle des angles plus ou moins considérables, les assises devraient présenter à chaque changement de direction un changement d’inclinaison , et que, pour peu qu’on oublie de tenir compte de ces modifications dans les pentes, on arrivera à des notions fausses et erronées sur la direction et la puissance des couches. Ainsi, de la cote 350 de la côte Saint-Germain à la cote 210 de la vallée de la Doua , on trouve au coral-rag (qui forme, entre le Bradon et la Doua , un massif oublié par "I. Hébert), on trouve, NOTE DE M. BUVIGNIER. 507 dis-je, une pente plus faible que la pente réelle du terrain; maïs, si à partir de la Doua, vers Monlfaucon , on prolonge ce! te pente sans la modifier, quoique la direction de la coupe se soit rapprochée de celle de l’inclinaison, on arrivera à trouver au coral-rag, au point où il s’enfonce sous les calcaires à A startes, une épaisseur bien inférieure à sa puissance réelle, ce qui conduira naturellement à l’idée d’une faille, dont en réalité il n’existe pas la moindre trace, comme M, Hé- bert l’aurait reconnu promptement, si le hasard, au lieu de lui faire rencontrer une partie delà vallée de la Meuse parallèle à la direction des couches, l’avait conduit dans l’un des points où elle coupe cette direction. Ainsi, plus au sud, sur les deux versants du contre-fort qui fait décrire à la Meuse une large sinuosité entre Vacherauville et Samo- gneux, on voit le coral-rag s’abaisser graduellement et régulièrement sous les argiles du calcaire hAstartes. Il en est de même au nord, sur le versant des coteaux qui s’étendent de Villers-devant-Dun à Ain- creviile. On constate facilement en ces points que c’est par l’effet d’une pente régulière que le coral-rag se trouve, sur la rive gauche de la Meuse, à un niveau inférieur à celui qu’il occupe sur la rive droite. Cette régularité est telle que, lorsque je faisais la carte géolo- gique du département, il m’est arrivé plusieurs fois, après avoir tracé la limite du coral-rag sur une partie du plateau delà rive droite* de tracer approximativement la même limite sur la partie correspondante de la rive gauche , sans que ce tracé , que j’ai toujours eu soin de vérifier, ait dû être modifié d’une manière sensible. Je reviens à la coupe de M. Hébert pour la comparer à la coupe rectiligne de la cote 350 de la côte Saint-Germain à Monlfaucon. Celle-ci rencontrerait la Doua à une hauteur d’environ 200 mètres, et h 500 à 600 mètres plus loin de la cote 350, que ne le fait la coupe de M. Hébert, c’est-à-dire presque au-dessous du point de celte dernière coupe, où l’Oxford-clay plonge sous le coral-rag. Or, celle-ci place en ce point la limite' supérieure de l’Oxford-clay à 230 mètres, tandis qu’en réalité, sur la coupe rectiligne, on trouve déjà, à la cote 200, h à 5 mètres de coral-rag ; de sorte que la limite inférieure de celte formation se trouverait abaissée de 3A mètres au-dessous de la Doua et, par suite du prolongement delà pente, de près du double au-dessous de la Meuse, ce qui donnerait au coral-rag , sur la rive droite, une épaisseur en rapport avec celle que M. Hébert lui suppose sur la rive gauche. Quand je dis suppose , ce n’est pas que je veuille contester celte puissance de 120 mètres, mais c’est qu’elle ne ressort nullement des données de la coupe, et que cette coupe, malgré l’inclinaison qui fait 698 SÉANCE DU II MAI 1857. attribuer au coral-rag une épaisseur bien inférieure à sa puissance réelle, n’aurait pas fait naître l’idée d’une faille , si elle ne contenait une autre inexactitude, bien excusable de la part de quelqu’un qui a parcouru rapidement la contrée, mais qui n’entraîne pas moins à des conséquences erronées. D’après la coupe , le coral-rag s’élèverait , entre la Doua et la Meuse, au-dessus de la cote 251. Or, cette cote est au point culmi- nant du plateau, et de plus le coral-rag y est recouvert par les argiles inférieures et par quelques-uns des bancs oolithiques de la base des calcaires kAstartes . Il résulte delà que, quelle que soit la hauteur à laquelle passe en ce point la surface inférieure du coral-rag , toute la puissance de cette formation se trouve comprise entre cette hauteur et la cote 251. Il n’y a donc pas lieu d’augmenter cette puissance de l’autre côté de la Meuse et il ne reste plus aucun motif de supposer l’existence d’une faille. Après avoir ainsi montré comment des observations trop rapides pour qu’on puisse tenir compte de toutes les considérations géologiques, peuvent induire en erreur l’homme le plus consciencieux, je reprends dans l’ordre où ils se présentent les principaux points du travail de M. Hébert sur lesquels nous sommes en discordance. Je lis page h : « L’observation montre que le niveau des eaux a monté le long des rivages des mers jurassiques pendant une partie de leur durée. C’est ainsi que le long des flancs de V Ardenne en marchant de VE. à VO. , on voit les assises successives du lias d'a- bord, puis celles de Voolithe inférieure se dépasser Vune l'autre , le lias moyen débordant par-dessus le calcaire à Gryphée arquée , le lias supérieur par-dessus le lias moyen , Voolithe inférieure par -dessus le lias supérieur, chaque assise atteignant un niveau AU-DESSOUS duquel la précédente s'était maintenue. » Les diverses assises débordent en effet chacune sur la précédente, mais sans s’élèvera un niveau inférieur à celle-ci. Au contraire, toutes les couches du lias s’abaissant de l’E. à l’O. (1), chaque assise, après avoir débordé celle sur laquelle elle repose, ne tarde pas à s’abaisser au-dessous de celle-ci. L’empiétement des assises les unes sur les autres n’est pas dû à l’exhaussement général du niveau des eaux sur les rivages de la mer jurassique, sans quoi il se serait opéré également sur toute la circonférence du bassin, et chaque assise aurait masqué entièrement les affleurements de la précédente. Cette disposition a été produite par un mouvement lent et graduel du fond de la mer qui _i_ : (t) Le calcaire sableux est à 464 mètres à Arlon, à 400 à Izel, à 321 à Givonne, à 306 à Rimogne. NOTE DE M. BUVIGNIER. 599 s’exhaussait vers l’E. et qui s’affaissait vers i’O., comme le prouvent l’abaissement des assises liasiques vers l’O. (1) et la superposition à niveau décroissant, si bien constatée dans la Meuse , ie Luxembourg et la partie orientale des Ardennes dès le commencement de la for- mation basique. Mais cette loi de superposition ne s’observe plus vers l’ O. à partir des environs de Sedan, par suite de l’abaissement des terrains dans celle direction. ïl n’est pas inutile de rappeler que, comme M. Boblaye l’a con- staté longtemps avant nous , cette loi de superposition à niveau dé- croissant pourrait ne pas paraître constante si on comparait entre eux de£ terrains de nature différente, les terrains meubles ayant presque toujours subi des érosions qui en ont considérablement abaissé le niveau primitif; mais elle se vérifie toujours si on compare entre eux des terrains de même consistance. Ainsi, si les calcaires oolilhiques se trouvent à 350 et 355 mètres à Vaux et à Saiiit-Valfrov, les calcaires sableux régnent à AOO mètres sur les bords de la Semoy ; ils s’élèvent à A6A mètres près d’Arlon , lorsque les premiers sont à 398 mètres à Longwy. Quant aux formations argileuses, on trouve que la vallée de la Semoy, dans les marnes infraliasiques, est plus élevée que celle de la C hiers , dans les marnes supraliasiques; que le niveau de celle-ci est supérieur à celle de la plaine oxfordienné de la Woèvre. M. Hébert dit au bas de la page 9 : « Lorsqu’il y a dans le bassin de Paris une faille parallèle aux bords , c’est le côté intérieur qui est affaissé et le côté extérieur qui est relevé , ce qui s’accorde avec un soulèvement général des bords. » On ne cite à l’appui de cette assertion que la prétendue faille de la Meuse dans les environs de Dun. Les seules failles que je connaisse dans la partie orientale du bassin de Paris sont les failles portlandiennes dans le voisinage de la vallée de la Marne. Elles affectent précisément la disposition inverse comme on le voit sur la coupe n° 7, de la Géologie de la Meuse. Sur les terrains du lias nous ne différons que par une opinion que M. Hébert n’émet pas d’une manière bien affirmative. Il parai1 porté à considérer comme identiques le minerai de fer exploité à Aviotlr, ThOnnebe-Thil et Thonnelle, celui du Mont-Saint-Martin, près Jsongwy, qui a, dit-il, tout à fait les mêmes caractères miné- ralogiques. Or, celui-ci est un minerai oolithique à grains réguliers et uniformes, disséminé dans une marne verdâtre ou rougeâtre, et recouvert par quelques mètres de marne verdâtre subfeuilletée qui (1) Le calcaire ferrugineux du lias a 329 mètres à Breux, a 296 à Carignan, a 253 à Rouvion, et il s’abaisse au-dessous de 200 mètres à l’O. de Mézières. 600 SÉANCE I)ü k MAI 1857. ic sépare des lorrains oolithiques. Ils reposent sur les marnes bi lumi- neuses d’Auhangc, qui ont environ 80 mètres d’épaisseur, et qui sont les mêmes que nous avons désignées sous le nom de marnes supérieures du lias, l e minerai d’Aviotb, au contraire, est en grains plus ou moins arrondis et en fragments anguleux de dimensions très inégales, et disséminés dans un ciment calcaire jaunâtre ou brunâtre. Il constitue quelques lits dans le massif que nous avons désigné sous le nom de calcaire ferrugineux du lias , massif qui est situé au- dessous de nos marnes supérieures et des marnes d'Aubange. A Au- bangc même, on le voit sortir de dessous les marnes, pour se relever au nord, jusqu’au sommet du coteau qui domine Tirpange. Ii n’y a donc aucune assimilation possible entre ce minerai et celui qui con- stitue les assises supérieures du iias de la Moselle et de la Meurthe. Celui-ci forme un vaste dépôt lenticulaire qui s’amincit et disparaît sans pénétrer dans le département de la Meuse. M. Hébert dit aussi que la succession des assises de l’ooîithe infé- rieure au contact du lias ne parait pas tout à fait conforme à mes descriptions. Ma description consiste à dire que l’ooliihe inférieure est composée de calcaires d’épaisseur, de texture et de couleurs va- riables, alternant avec quelques lits de marnes de diverses couleurs, le tout mélangé sans aucun ordre constant de superposition, le même banc changeant quelquefois de caractère dans un espace peu étendu. La différence dans l’ordre de superposition ne pourrait donc résulter que de cé que j’aurais placé à la partie inférieure le banc de poly- piers qui existe à i kil. et demi, et à 2 kil. au nord et au nord-ouest de Montmédy. Je sais bien qu’au moulin de Thonne-les-Prés, le banc de polypiers n’est pas en contact avec les marnes supérieures du lias, mais il y a pour cela une excellente raison : c’^st que le banc de polypiers, qui occupe une surface très peu étendue, ne se montre qu’à près d’un kilomètre au nord de ce moulin, et là, il paraît re- poser sur les marnes ; mais, comme je n’ai pas vu le contact, je n’affirmerais pas qu’il n’en est pas séparé par deux ou trois mètres de quelques roches qui seraient masquées par les éboulements des polypiers. M. Hébert paraît considérer les polypiers comme un élé- ment essentiel et constant de l’oolilhe inférieure; mais dans la yeuse et les Ardennes iis sont tout à fait accidentels, et je n’y en ai guère rencontré que ce banc de Thonneiles et un autre à Tarzy à l’autre extrémité des Ardennes. Ce fait, qui m’avait paru d’abord très extra- ordinaire, a cessé de m’étonner. Depuis que j’ai étudié le coral-rag de la Meuse, je suis resté convaincu que dans les temps géologiques, les polypiers ont dû être distribués dans les mers de la même ma- nière que les polypiers actuels; que dans les époques antérieures, NOTE PE M. BUVIGN1ER. 601 pas plus qu’aujourd’hui, ils n’ont pu couvrir le fond de la mer d’une couche. constante et uniforme; qu’autrefois comme aujourd’hui, ils ont formé des bancs d’étendue, de forme et de puissance variables, occupant des niveaux différents, tantôt contigus ou très rapprochés, tantôt séparés par des intervalles considérables ; qu 'autrefois comme aujourd’hui telle partie de mer a été encombrée de polypiers, tandis qu’on n’en voyait aucune trace dans une autre portion de la même mer ; aussi il n’y a nul besoin de recourir à des dénudations pour expliquer l’absence des polypiers à Don. On n’y trouve pas de po- lypiers, non plus que sur toute la ligne comprise entre Thonnelle et Tarzv, parce que les polypiers n’ont pas vécu dans celte portion de la mer oolilhique. Quant aux objections faites à nos divisions de l’étage jurassique inférieur, je n’y ferai que bien peu d’opposition. J’avais déjà re- connu depuis longtemps que les marnes de Montigny étaient beau- coup plus développées que nous ne l’avions dit dans ia Géologie des Ardennes, et, d’un autre côté, la plupart des assises de l’étage inférieur présentent de telles variations, non-seulement dans l’étendue du dé- partement des Ardennes, mais souvent sur un espace très restreint, que souvent on ne les reconnaîtrait pas à une faible distance, si on n’en avait suivi les affleurements en observant les changements suc- cessifs de caractères, à la suite desquels un banc de calcaire cristallin ou oolilhique finit par devenir entièrement argileux ou réciproque- ment. En présence de ces variations qui auraient fait passer alterna- tivement la même couche d’une formation dans l’autre, nous n’avons dû attacher qu’une importance secondaire à l’assimilation de nos terrains avec les terrains classiques de l’Angleterre, et notre première préoccupation a été de rechercher des assises conservant leurs ca- ractères avec assez de constance, pour qu’il nous fût possible d’éta- * blir nos divisions sur des repères certains et assurés. Nous avons été conduits par cette considération à prendre pour limite supérieure de l’ooiilhe inférieure le calcaire jaune de Don, que l’on peut suivre sans interruption, depuis le département de l’Aisne jusqu’à Mont- médy et Thonne-Ses-Prés, et bien au delà dans les environs de Metz et de Nancy. Celte limite peut n’être pas exactement la limite des formations anglaises. En cherchant à retrouver celle-ci par des con- sidérations paléontologiques, nous aurions pu rencontrer des incon- vénients plus graves que M. Hébert n’a pu éviter. Ainsi, à Don il place cette limite à quelques mètres plus bas que nous, au milieu d’un massif uniforme dans lequel on ne peut voir dans les carrières en exploitation aucun joint de stratification, tandis qu’à Montmédy, il place cette limite à 60 mètres au-dessus de ces mêmes calcaires, 602 SÉANCE DU k MAI 1857. parce que les assises qui les supportent, étant devenues plus mar- neuses, leur faune s’est modifiée avec la nature des dépôts qui les a formées. L’oolithe miliaire de Baalon, qu*on peut être porté à prendre dans la Meuse pour la grande ooiithe, en l’absence d’autres roches pré- sentant les caractères de cette dernière formation, est le prolonge- ment des assises que nous avons désigné dans les Ardennes sous le nom de Groupe des calcaires gris à oolithes blanches. Ce groupe qui constitue un horizon géognostique bien constant, depuis le dé- partement de l’Aisne jusque dans les environs d’Étain, recouvre dans les Ardennes les calcaires blancs oolithiques et crayeux qui cons- tituent la grande ooiithe des cantons de Rumigny, de Signy ; l’identité de ces calcaires avec la grande ooiithe de l’Angleterre, qui me semble déjà établie d’une manière incontestable par nos obser- vations et par celles de M. d’Archiac, dans le département de l’Aisne, se trouve encore confirmée par les intéressants travaux de M. Piette sur le même terrain. L’oolithe de Baalon, prolongement d’une for- mation supérieure à la grande ooiithe, n’est donc pas elle-même la grande ooiithe. Mais que devient alors la grande ooiithe dans la Meuse ? Nous avons indiqué comment, à l’E. de la vallée de la Bar, les calcaires blancs de la grande ooiithe changeaient peu à peu de couleur, pre- naient des teintes grises, jaunes ou bleues, devenaient moins purs, se chargeaient de sable ou d’argile, se subdivisaient en lits plus nom- breux, entre lesquels s’intercalaient de petites veines marneuses qui devenaient plus loin de petits lits de marnes, et enfin des couches épaisses d’argile, de sorte qu’avant d’arriver aux limites du départe- ment de la Meuse, la grande formation calcaire de l’Aisne et des Ardennes se trouve transformée en une formation marno-calcaire, ^ dans laquelle prédomine l’élément argileux. De cette différence dans les dépôts de la mer oolithique dans ces deux régions, il est résulté que cette mer nourrissait à la fois deux faunes distinctes : celle de l’ouest où prédominent les gastéropodes et les bivalves qui habitent sur les fonds solides, et celle de l’est composée principalement des espèces qui habitent la vase. Les calcaires à oolithes ferrugineuses de Mouzay et de Baalon (ooiithe dorée de Boblaye) se rattachent à l’oolithe miliaire et à l’é- tage inférieur, comme le prouve Y Avicula Bramburiensis. Ce n’est pas cette dernière espèce qui se trouve avec YOstrea Knorri dans les marnes de la Jardinette; c’est une autre Avicule moins bombée, plus arrondie, à côtes lisses et moins saillantes. Ces calcaires à oolithes ferrugineuses, blondes, n’ont rien de commun avec le minerai de NOTE DE M. BUY1GNIER. 603 Raillicourt, en grains noirs, irréguliers, dans une pâle argileuse, el caractérisé par une faune assez riche et toute particulière. Ce dernier minerai est séparé du cornbrash par 8 à 10 mètres de marnes oxfor- diennes et appartient lui-même incontestablement à la même for- mation. La coupe oxfordienne de la côte de Launois (p. ù5) n’indique pas toute l’épaisseur des alternances de calcaires argileux et de marnes qui supportent l’oolithe ferrugineuse supérieure. Cette épaisseur est de plus de 50 mètres dans toute cette région, comme on peut l’ob- server en un grand nombre de points, et notamment à Wagnon, à « Raillicourt, à la crête de Poix. Elle devient plus considérable vers le S.*, et elle dépasse 100 mètres dans le département de la Meuse. Quant à la couche à oolithes ferrugineuses qui couronne l’escarpe- ment marno-calcaire, elle s’étend sur un petit plateau légèrement incliné vers le S., et va s’enfoncer à 1500 mètres plus loin dans les calcaires coralliens. J’ai suivi les affleurements de cette couche sur une longueur de près de 200 kilomètres, depuis Montmeillant jusque vers l’extrémité du département de la Meuse; elle y occupe con- stamment la même position entre le coral-rag et les alternances marno-calcaires, à Perna mytiloides , à Ostrea gigantea (1). Il en est de même à Wagnon, et, si M. Hébert ne l’y a pas vue dans cette position, c’est que peut-être son affleurement y est masqué par des éboulements coralliens, ou qu’il ne l’y aura pas remarqué, parce que les grains ferrugineux, au lieu d’être disséminés dans un limon argilo-siliceux rougeâtre, y seraient empâtés dans un calcaire ou dans une marne blanche assez consistante. Cette dernière variété est assez constante à l’O. de Viel-Sainl-Remy, où on l’exploite sous le nom de castine , pour servir à l’amendement des terres argileuses. Dajns cette région on rencontre l’oolithe ferrugineuse au bout du ruisseau de Wagnon, vers la cote 118, à moins d’un kilomètre au S, et en aval du village ; par suite de l’inclinaison des couches elle se trouve à la cote 21A, à une distance de 3 kilom. au N. de ce point; elle doit se trouver à environ 166 mètres à la ferme des Rousseaux, tout près du chemin de Wagnon, à Yiel-Saint-Remy, ce qui la pla- cerait à U0 et quelques mètres au-dessous du ruisseau de Wagnon. (1) L 'Ostrea dilata tci, coquille triangulaire et à crochet toujours très saillant, ne se rencontre que dans les argiles inférieures de l’Oxford-clay. On ne rencontre dans les calcaires argileux que Y Os- trea dilatatay coquille arrondie, moins bombée, souvent plus grande, et dont le crochet est souvent très peu saillant (voy. Géol. de la Meuse , pl. V, fig. \ 0 et 4 1 , et fig. 1 2 et \ 3). (504 SÉANCE DU /î MAI 1857. Elle ne peut donc pas se trouver nu bord de ce ruisseau sur le chemin de Vie! Saint-Remy, qui sort du village, près de l’église; si en ce point le sol est ferrugineux et mélangé de quelques fossiles des mi- nières, ce n’est pas le minerai qu’on y observe en place, mais c’est probablement un dépôt produit par le lavage des minerais qui, de temps immémorial, s’opère avec tant d’activité sur ce ruisseau, que la prairie en a été exhaussée de pius d’un mètre en certains endroits. AL Hébert me répond qu’il ne conteste pas l’existence en certains points d’un dépôt d’ooiithe ferrugineuse à ciment blanc marneux, à la partie supérieure de l’Oxford-clay, mais que cela n’empêche pas l’existence de la couche de minerai de limon rouge, bien distincte de l’autre par sa position à 50 mètres plus bas et par sa faune ; que si certaines Ammonites sont communes aux deux couches, elles sont toujours plus grandes dans l’assise supérieure qui contient beaucoup de Pholadomves, de Panopées ou Pleuromyes, et qui ne se rencon- trent pas dans l’autre. Celte distinction de deux couches d’oolithes ferrugineuses n’est nullement fondée. Dans les recherches que j’ai faites pendant plu- sieurs années dans les minières et les castinières de Mazerny, Neu- vizy, Viel-Saint-Remy, etc., j’ai toujours vu les deux variétés à limon rouge et à ciments calcaires ou marneux, en contact l’un avec l’autre et se mêlant sans aucun ordre constant de superposition, et, bien loin que la variété calcaire soit à 50 mètres au-dessus de l’autre, elle se trouve peut-être plus souvent au-dessous d'elle que dessus. Quant aux fossiles, s’il est un certain nombre d’espèces qui ne sont pas com- munes aux deux dépôts, cette différence s’explique par la nature meme de ceux-ci. Ne voyons-nous pas fréquemment sur une même côte certaines espèces se cantonner sur un fond vaseux, tandis que d’autres espèces préfèrent un fond plus solide et y prospèrent davan- tage? La différence de taille des Ammonites tient aussi à d’autres causes. On ne recueille guère les fossiles des dépôts de minerai que * dans les résidus du lavage, et ils sont toujours plus ou moins en- dommagés par cette opération. Sur plusieurs milliers d’Ammoniles que j’ai vues ou recueillies autour des lavoirs, je n’en ai pas trouvé une seule qui ait conservé des traces de la dernière loge. D’un autre côté, tandis que dans les dépôts à ciment plus ou moins calcaires, le test des fossiles est remplacé par une cristallisation calcaire très solide, dans les parties limoneuses, il est remplacé par de la silice qui a formé d’abord deux couches très minces sur ies deux parois des co- quilles; ces couches se sont ensuite épaissies quelquefois par un dépôt rapide qui a substitué au test une matière compacte et solide, mais plus souvent par une cristallisation lente, qui tantôt a laissé les deux NOTE Dt M. BUV1GNIÉR. 6 05 parois disjointes, et tantôt les a réunies plus ou moins parfaitement par un tissu spongieux. Dans les fossiles un peu épais, il arrive sou- vent que l’on trouve entre les parois des cristaux de quartz hyalin libres ou adhérents à l’une d’elles. Presque toujours la silice a été trop peu abondante pour solidifier les fossiles d’une certaine dimen- sion, et j’ai rencontré très souvent dans les minières et à la surface des tas de minerai non lavé de grandes Ammonites et d’autres fos- siles qui paraissaient bien entiers et qui tombaient en poussière quand on voulait les ramasser. En résumé, le minerai de fer et la castine des environs de Viel- Saint-Remy appartiennent à un seul et même dépôt qui se trouve constamment au-dessus des alternances marno-calcaires de l’Oxford- clay et immédiatement au-dessous du coral-rag. Je n’ai jamais ren- contré de formation analogue, ni au milieu ni à la base des calcaires oxfordiens de la Meuse et des Ardennes, et je suis convaincu qu’il n’y en existe pas. C’est pour ce motif que M. Hébert n’a pu l’y re- trouvera la côte Saint-Germain (1) (page 48), pas plus qu’il ne l’y retrouverait ailleurs. S’il croit l’y avoir rencontrée quelquefois, c’est dans quelques localités où, s’exagérant l’importance de quelques fossiles, il classe comme oxfordiens certains dépôts essentiellement coralliens : je veux parler des calcaires à grain fin qui se trouvent à Orns, à Creüe, à Liouville, et en quelques autres points à la base du coral-rag. Mais, avant d’entrer dans le détail de ces dissidences locales, je ferai remarquer une différence essentielle dans la manière dont nous apprécions l’ensemble de la formation corallienne. M. Hébert prétend trouver au coral-rag, sur toute la ceinture du bassin parisien, une composition uniforme, un ordre constant de superposition; et moi, au contraire, après avoir étudié dans le plus grand détail le coral-rag dans les départements de la Meuse et des Ardennes, je n’y trouve de constant que son inconstance. Plus j’ai occasion d’observer cette formation, plus je reconnais qu’il est im- possible d’y établir des subdivisions constantes, soit d’après la nature des roches dont les diverses variétés n’existent pas constamment au même niveau géognostique, celles qui se trouvent ici à la base se montrant là à la partie moyenne ou à la partie supérieure, soit d’après (t) En parlant de la côte Saint-Germain, je rappellerai que long- temps avant la communication faite à la Société par M. Ch. Martins, dans la séance du 5 mars 1855, j’avais constaté ( Géol . de la Meuse , p. 259 et 285) que les sillons des rochers de la côte Saint-Germain et de Saint -Mihiel étaient dus à l'action des agents atmosphériques. SÉANCE DU li MAI 1857. 606 les fossiles qui se sont répartis plutôt en raison de la nature de la roche qu’en raison du niveau géognostique. La cause de cette variété est assez facile à comprendre. Les poly- piers de l’époque corallienne, pas plus que ceux d’aujourd’hui, n’ont recouvert le fond de la mer d’une couche continue et uniforme. L’étude détaillée du coral-rag de la Meuse m’a laissé la conviction que si on - pouvait promener la sonde dans l’épaisseur des calcaires coralliens comme dans les profondeurs de la mer, on reconnaîtrait que les polypiers coralliens sont disposés d’une manière analogue à celle des polypiers de la mer du Sud, formant ici des îlots isolés ou entourés d’#/o//s, là des bancs ou des récifs de forme irrégulière, tantôt à fleur d’eau, tantôt à des profondeurs variables ; que les uns se sont formés dès le commencement de la période corallienne, et les autres dans le cours de cette période, que très peu ou peut-être même qu’aucun d’entre eux n’a pu traverser en entier, chacun d’eux ayant été, à des époques diverses, enfoui sous les dépôts contem- porains. Indépendamment des variations que l’inégale répartition des poly- piers dans la mer corallienne a produites directement dans la com- position du coral-rag, elle y en a encore occasionné d’autres très considérables. Les polypiers ne peuvent se développer que dans une mer agitée, où l’eau constamment renouvelée leur apporte à chaque instant la nourriture dont ils ont besoin. Mais la forme et la disposition des bancs de polypiers pouvant faire varier la force et la vitesse des cou- rants qui circulaient autour d’eux ou dans leurs intervalles, et mo- difier ainsi les caractères des dépôts qu’ils produisaient, ceux-ci ont dû varier d’un point à un autre. Ici un courant rapide, entraînant tous les menus objets, n’abandonnait que des polypiers, de grosses coquilles plus ou moins roulées et réduites quelquefois à l’étal de galets et mélangés d’oolilhes de grosseurs différentes, comme les cal- caires à Dicérates de la tranchée de Yadonville, de Sampigny, etc. Là le courant moins rapide déposait des ooütbes plus fines, plus uni- formes et des coquilles plus entières, qui présentant une certaine surface à l’action des courants avaient été entraînées malgré leur poids ; tels sont les calcaires à Dicérates de la carrière Sainte-Marie, et les calcaires à Nerinea Mandelslohi qui recouvrent les roches de Saint-Mihiel. Ailleurs, le remous produit par des changements de vi- tesse ou de direction réunissait en un même point les matières les plus pesantes, tandis que les matières plus ténues se précipitaient plus loin et plus lentement. Quelquefois un courant venant frapper directement un banc de polypiers abandonnait au pied de ce banc NOTE DE M. BUVIGNIER. 607 toutes les matières charriées et les y accumulait contre sa paroi en un amas à surface plus ou moins inclinée, sur laquelle, sa vitesse se ralentissant, il ajoutait journellement de nouveaux dépôts également inclinés (1), et enfin, surmontant la crête du récif, il déposait à sa surface ou de l’autre côté les matières les plus ténues provenant du frottement des fragments de coquilles ou de polypiers, lesquelles for- maient ainsi une vase crayeuse analogue à celle qu’une cause sem- blable produit aujourd’hui sur les récifs de la mer du Sud, et autour d’eux lorsque la mer y est tranquille, ce qui a lieu surtout dans l’in- térieur des atolls. Ces derniers dépôts ont donné naissance aux cal- caires blancs à grain fin, qui se trouvent à la base du coral-rag, à Ornes, à Crcüe, à Liouville, et dans quelques autres localités, mais qui n’appartiennent pas exclusivement à ce niveau, et qui, loin de former un horizon géognostique continu, ne constituent que des dépôts interrompus de puissance très variable, adossés aux autres variétés de roches coralliennes et surtout aux bancs de polypiers. On comprend très bien que le développement des bancs de poly- piers opposant de nouveaux obstacles aux courants ont pu en mo- difier la vitesse et la direction, et changer ainsi la nature des dépôts qu'ils effectuaient ou déplacer à différentes époques les lieux où s’o- péraient certains dépôts, qui, par suite peuvent se trouver ici à la base, là au milieu ou à la partie supérieure du coral-rag. Les calcaires d’origine vaseuse ont dû contenir une faune toute diffé- rente de celles qui à la même époque habitaient les bancs de polypiers, les oolithes et les galets, et se rapprochant beaucoup par les carac- tères généraux de la faune oxfordienue. On y rencontre en effet des Pholadomyes, des Panopées, des Céromyes, des Anatines et d’autres coquilles lutricoles, parmi lesquelles on retrouve plusieurs espèces de l’Oxford-clay ; mais ce n’est pas une raison suffisante pour classer ces terrains dans cette dernière formation, malgré l’évidence de cette stratification; ou bien il faudrait en même temps y classer tout le coral-rag, car, comme je le disais il y a quelques mois à Joinville, la plus grande partie des espèces oxfordiennes se trouvent dans le coral-rag, et ce n’est pas uniquement par leur présence, mais bien (1) Cette disposition s’est surtout produite dans les calcaires à En- troques, qui paraissent généralement former des massifs compactes sans aucun joint de stratification, mais qui, sous l’influence des agents atmosphériques, manifestent souvent ces fissures obliques à la masse que nous avons signalées plusieurs fois dans certains bancs calcaires de la Meuse et des Ardennes. 608 SÉANCE DU fl MAI 1857. par leur extrême abondance, que les espèces les plus caractéristiques de rOxford-clay caractérisent cette formation. Ainsi, sans parler des espèces qu’on rencontre dans» les calcaires contestés, j’ai recueilli dans les assises dont le classement n’a donné et ne peut donner lieu à aucun doute : Dans les calcaires ooiithiques de la carrière Sainte-Marie à Saint* Mihiel, les Perna quadrata, Sow., Lima proboscidea, Sow. , Pecten inœquic o status , Phill. , P. Moreanus , Buy. , P. erinaceus , Buv., Spondylus velatus , Gold. , Avicula polyodon, Buv. Cette dernière espèce se retrouve encore dans le calcaire à polypiers des environs de Verdun, avec Cypricardia isocardina , Buv., Psam - mobia Mosensis, Buv., Pecten art i cul atus, Schl. , Melania striata , Sow., Pleurotomaria filigrana , E. Desl. , etc. J’ai recueilli égale- ment au même niveau, à la côte Saint-Germain, les Nerinea nodosa , Voltz, Belemnites hastatus , Bl. , à Apremont, le Pecten Collineus , Buv. (1). Au Chêne, le Pecten vagans, Sow., etc., dans les calcaires à Dicérates de Saint-Mihiel et de Sampigny, les Perna mytiloid.es , Sow., Purpura Morœana , Buv., P. Lapierrea , Buv., etc.; dans les calcaires blancs subcrayeux, qui constituent les assises supérieures du coral-rag de Verdun, les Neritci ovula , Buv., Ammonites biple&, Sow., Nautilus giganteus, Sow., etc. Cette liste, que je pourrais encore allonger beaucoup avant d’y ad- mettre les espèces des terrains en litige, suffit, je crois, pour prouver que les deux faunes corallienne et oxfordienne ne sont pas essen- tiellement distinctes, et que les deux formations auxquelles elles appartiennent ne sont pas nettement séparées sous le rapport paléon- tologique ; mais leurs dispositions géognostiques et leurs caractères minéralogiques présentent, dans nos contrées, des différences plus tranchées. L’oolithe ferrugineuse forme à la partie supérieure des terrains oxfordiens un horizon bien constant et bien caractérisé, quoique dans quelques localités elle soit moins riche en fer. Sur ceite oolithe on voit reposer les diverses variétés de calcaires coralliens; mais, en un seul point, sur quelques coteaux des environs des Éparges, elle est recouverte par environ 20 mètres d’une marne d’un bleu pâle, dans laquelle je n’ai rencontré ni alternances de calcaires, ni fossiles. (I) Je n’ai pas reproduit dans la Géologie de la Meuse la descrip- tion de cette espèce que j’avais crue identique avec le Pecten inter - textus , Roem.; je crois cependant aujourd hui qu’elle en doit être distincte. ftOTE DE M. BUYIGNIÈR. 609 Elle ne présente aucun des caractères des argiles oxfordiennes, avec lesquelles sa position ne permet pas de la confondre, puisque sur les coteaux voisins à Haudiomont, à Mont, on voit également dans la même position, entre l’oolithe ferrugineuse et les calcaires crayeux com- pactes qui environnent le plateau, le calcaire à polypiers et le cal- caire à débris de coquilles qui y est exploité comme pierre de taille. Cette marne bleuâtre présente donc un faciès particulier du coral- rag. Il en est de même du calcaire crayeux à grain fin, je serais tenté de dire du calcaire vaseux qu’on trouve en certains points à la base du coral-rag, et aussi à différents niveaux dans cette formation ; si, d’ailleurs, on persistait à le ranger dans l’Oxford-clav, on arriverait à ce résultat que le coral-rag serait presque entièrement supprimé en quelques points, et notamment à Creüe, où le calcaire vaseux forme sur le versant septentrional du vallon une épaisseur de. près de 100 mètres reposant sur l’oolithe ferrugineuse, tandis que sur le versent opposé, le calcaire à polypiers et le calcaire à Entroques reposent au même niveau sur la même oolilhe. Celte disposition n’est pas un fait particulier au col de Creüe. J’ai fait connaître ( Géol . de lahf., p. 301) que les cols qui coupent le plateau corallien compris entre la vallée de la Meuse et la plaine de la Woèvre, présentent tous cette particularité qu’ils se sont ouverts au point de juxtaposition de deux roches coralliennes différentes, de sorte que sur chacun des deux versants, on voit deux roches diffé- rentes reposant au même niveau sur les affleurements de l’oolilhe. Il ne me semble pas que, malgré l’absence de contact immédiat, il puisse y avoir de doute sur la contemporanéité de roches qui sont placées constamment dans des positions aussi complètement identi- ques. Dans tous les cas, je pourrais citer encore le plateau de Liou- ville compris entre les cols de Marbotte et de Boncourt, et sur lequel les calcaires à polypiers qui apparaissent sur le versant N., sont jux- taposés aux calcaires vaseux qui forment la partie méridionale du plateau. Le calcaire blanc présente sur le plateau de Liouviile ure épaisseur d’environ 50 mètres ; il s’abaisse vers l’O. avec la surface du plateau, et se prolonge au delà de la Meuse, jusqu’à la première tranchée de Vaclonville., où il s’élève encore à 30 mètres au-dessus de la rivière, sans qu’il y ait besoin de recourir à une faille pour expliquer la dif- férence de niveau qui existe entre ce dépôt et celui de nature analogue, qu’on remarque au four à chaux de Commercv. Celui-ci, quoique occupant le même niveau géognostique, en est séparé par les calcaires a Entroques de Lérouville, et il est loin d’ailleurs d’avoir le Soc. géol. f 2e série, tome XIV, 39 610 SÉANCE DU h MAI 1857. même développement. A Commcrcy comme à Vadonville et sur le pla- teau de Liouville, le calcaire vaseux repose sur l’oolithe ferrugineuse; seulement h Vadonville on n’aperçoit plus cette superposition, parce que l’oolithe s’abaissant vers l’O. sur les flancs du coteau de Liouville et de Boncourt s’est enfoncée sous des alluvions de la Meuse, à Pont-sur- Meuse, à 1 kilomètre à l’E. de Vadonville, où elle doit par conséquent ge trouver à environ 20 mètres au-dessous de la rivière. L’oolithe ferrugineuse affleure encore au S. de Lérouville, où elle est recou- verte par les calcaires à Ëntroques ; les fissures parallèles qu’on re- marque dans cette dernière roche à la gare de Lérouville ont bien pu faire croire à une faille si l’on n’a pas remarqué qu’elles étaient obliques à la stratification générale, surtout si l’on avait l’idée pré- conçue que les calcaires blancs dépendaient de l’Oxford -clay ; mais il n’en est rien, le calcaire blanc et le calcaire à Ëntroques ont été déposés tous deux dans leur position actuelle, au-dessus de l’ooîithe ferrugineuse, et il n’y a pas là plus de failles que dans la vallée de la Meuse à Don. La deuxième tranchée de Vadonville est ouverte à la pointe d’un coteau situé à 1 kilomètre N. -O. de la précédente. Elle est creusée dans les calcaires noduleux à Dicérates. Il ne me paraît pas certain que ces calcaires reposent en ce point sur ceux de la première tran- chée ; mais dans tous les cas, ils y atteignent un niveau géologique plus élevé et paraissent y former les assises supérieures du coral-rag. Mais ce n’est pas un fait constant, et en beaucoup d’autres points les assises coralliennes présentent des caractères tout différents. On n’y retrouve aucune trace des roches à Dicérates et à galets roulés, non, comme il est dit à la page 55, parce que ces roches auraient été enlevées par des dénudations, mais parce que toute l’étendue de la mer corallienne n’était pas soumise à l’action des courants violents qui les ont déposées. Ces calcaires à Dicérates sont séparés des calcaires marneux supé- rieurs du calcaire à Astartes, par une épaisseur de plus de 100 mètres. Il y a donc nécessairement une erreur dans la coupe de la page 59. Cette coupe me paraît être prise dans la tranchée située au N. de Cousances et à l’E. de la grande tranchée; mais alors cette tranchée ne serait pas ouverte dans les calcaires à Dicérates du coral-rag, mais bien dans les assises du calcaire à Astartes que j’ai appelées Calcaires blancs à grosses oolithes irrégulières. Elles contiennent, comme le calcaire à Dicérates, le Cardium Buvignieri, Desh., plusieurs Néri- nées et une Dicérale différentes des espèces coralliennes. La roche elle-même présente une grande analogie avec celle du coral-rag; mais en l’examinant attentivement, on reconnaît qu’elle est d’un NOTE DE M. BUVIGNIER. 611 blanc plus pur, et qu’au lieu de fragments de polypiers et de coquilles réduits en galets, elle contient des Nodules concrétionnés. Ces cal- caires, qui sont entamés sur plus de 6 mètres dans la première tran- chée de Cousances, passent plus haut à des calcaires à oolithes plus régulières, puis aux calcaires blancs fissiles, et puis enfin aux cal- caires marneux dans lesquels est ouverte la grande tranchée de Cousances. M. Hébert me répond qu’il n’a pas commis l’erreur que je lui attribue, qu’il est bien certain que c’est le calcaire à Dicérates avec tous les fossiles coralliens qu’il a retrouvé dans la tranchée’située entre les kilomètres 282 et 283. Cette indication si précise en elle-même, est un peu vague pour moi qui n’ai pas parcouru la ligne du chemin de fer depuis que les poteaux kilométriques ont été posés. Je crois cependant me rappeler que le poteau 288 est près du passage à ni- veau de Vadonville, et la tranchée dont je parle doit bien être à 8 ki- lomètres de ce passage. La coupe de M. Hébert s’appliquerait donc à une tranchée moins considérable, qui se trouverait au N. de Girouet ou de Grimaucourt, vers le point où le chemin de fer quitte le coral- rag, pour entrer sur les calcaires à Astartes ; mais dans ce cas. com- ment est-il possible de dire que le caractère oolilhique des roches disparaît à partir du calcaire à Dicérates, ou qu’il n’y est plus qu’ex- ceptionnel ? Les assises oolilhiques sont de beaucoup les plus nom- breuses dans le massif compris entre les argiles à Ostreci deltoidea , Sow., et les marnes à lumachelies, massif qui acquiert vers le centre du département une puissance de près de ÙO mètres. Les calcaires blancs à grosses oolithes irrégulières qui sont entamés sur plus de 6 mètres dans la première tranchée de Cousances, forment aussi une épaisseur de 12 à 15 mètres presque entièrement oolilhiques. Il faut donc que cette tranchée ait été complètement omise avec la partie des calcaires à Astartes qui lui est inférieure. Et, en effet, les des- criptions comme les fossiles paraissent concerner exclusivement les assises de calcaire marneux qui ont environ 30 mètres d’épaisseur, et il ne serait pas question du reste de la formation qui a près de 110 mètres de puissance, et dont plusieurs assises sont entamées çà et là par des déblais peu considérables, entre Gerouet et Cousances. M. Hébert dit (p. 73) : « Vers le nord du département de la Meuse » le calcaire portlandien diminue d’épaisseur, mais non pas comme le » dit M. Bnvignier, par la disparition des assises supérieures. » L’assise supérieure est en effet représentée d’une manière incon- » testable à 2 kilomètres de Clieppy, près Varennes, sur le chemin » de Montfaucon, par des couches de grès coquîlliers et de calcaire » à lumachelle. » 612 SÉANCE DU h MAI 1857. L’heure de la séance est trop avancée pour que je répète ici ce que j’ai dit dans la Géologie de la Meuse, ou que je reproduise tous les détails que j’ai exposés lors de la réunion extraordinaire de la Société, à Joinville, et qui, je crois, établissent d’une manière incon- testable que l’exhaussement du bord oriental du bassin parisien qui s’est manifesté pendant toute la période jurassique, et qui a produit dans cette contrée la superposition à niveau décroissant des assises basiques et jurassiques et le débordement des assises basiques les unes sur les autres, a cessé dès le commencement de la période cré- tacée, et qu’il a été remplacé par un mouvement également lent et graduel d’exhaussement vers le sud; que, par suite de ce mouvement, les assises crétacées, rejetées successivement vers le nord, ont dé- bordé les unes sur les autres de la même manière que les assises du lias sur le terrain de transition des Ardennes; que la mer crétacée, rejetée ainsi vers le nord, avait empiété peu à peu sur les assises jurassiques qui constituaient ses bords et les avaient masquées les unes après les autres sous les dépôts qu’elle effectuait; de sorteque,à mesure qu’on avance vers le nord, on voit les assises crétacées inférieures disparaître les unes sous les autres, tandis qu’en même temps les assises jurassiques supérieures disparaissent les unes après les autres sous les affleurements des diverses assises crétacées. J’ai indiqué les points où disparaissent les diverses formations rrétacées et les principales assises des trois sous-groupes porllan- diens. Je me bornerai donc à faire remarquer ici que les lumachelles et les calcaires blancs fossilifères à Trigonia gibbosa, Sow. , Gervillia linearis, Buv. , Cerithium trinodule , Buv. , G. gronicostatum (1), Buv., etc., qui les accompagnent, appartiennent à la partie supé- rieure du sous-groupe inférieur. Or, les lumachelles se trouvant dans les environs de Varcnnes à 2 ou 3 mètres au-dessous du Gault, il en résulte que le sous-groupe supérieur et le sous-groupe moyen tout entier, et même une partie des calcaires blancs fossilifères, ont disparu dans cette région. Le fait cité confirme donc mon opinion bien loin de la détruire. M. Yiquesnel appelle l’attention de la Société sur le lieu de la prochaine réunion extraordinaire. (1) Ces assises sont différentes de celles qui contiennent dans le sous-groupe supérieur les Cerithium siipra-costatrim , Buv., C. Vi- vauxium , Buv., C. Damnwrien.se, Buv. Remarquons en passant que les Gervillia linearis , Trigonia gibbosa , Nœera m ose nsi s et plusieurs autres espèces traversent toute la série portlandienne. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 613 M. de Verneuil émet l’idée de se réunir à Liège $ M. de Roys propose Lyon, et le Président rappelle Ja proposition faite par M. de Moré de choisir la ville de Mende dans la Lozère. M. Bayle propose à son tour Angoulême. La Société pour- rait être guidée dans ses excursions par M. Goquand, qui exécute en ce moment la carte géologique de la Charente, et 6erait heureux de diriger la Société dans ses courses. Ces diverses propositions seront examinées par le Conseil dans sa prochaine séance. Séance du 18 mai 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. M. P. Micheiot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice, Journal des sa- vants., avril 1857. De la part de M. G. Cotteau : 1° Catalogue des échinides fossiles des Pyrénées , par MM. Leymerie et Cotteau (extr. du Bulletin de la Société géo- logique de France , 2e série, t. XIII, p. 319), in-8, 37 p. 2° Compte rendu de la session tenue par la Société géolo- gique de France , le 7 septembre 1856, à Joinville ( Haute - Marne). — Comparaison des terrains observés par la Société avec ceux du département de P Yonne, in-8, 11 p. De la part de M. H. Crosse : Notice sur les Bulimes de la Nouvelle-Calédonie et description de deux espèces nouvelles (extr. de la Revue et Magasin de zoologie , n° 2, 1855), in-8, 7 p„ 1 pl. De la part de M. B. -F. Shumard, Description of new l’ossil Crinoidea from the Palœozoic Rocks of the Western and Southern portions of the United States (from the Traits, of the Acad, of sc. of S. -Louis, 1857), in-8, 12 p., 1 pl. 61 h SÉANCE DU 18 MAI 1857. De la pari de M. de Longuemar, Etudes sur la circulation naturelle des eaux superficielles et souterraines dans le dépar- | tentent de la Vienne (exlr. du Journal de la Vienne ), in-8, Al p., 1 carte. Poitiers, 185,6 5 chez À. Du pré. Comptes rendus hebd. des séances de V Acad . des sciences , 18.57, 1er serai., t. XLIY, nos 18 et 49. U Institut , 1857, nos 1218 et 1210. Réforme agricole, par M. Nérée Boubée, n° 100, 10* an- née, avril 1857. Mémoires de la Société d’émulation du Doubs , 2* série, YIP vol., 1856. Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéolo- giques de la mille de Draguignan, t. I, janvier 1857. Abhandlurigen der K . Akademie der Wissenschnften zu Berlin , 1855. — Monatskericht der K. Preuss . Akad . der Wissensch . zu Berlin , juin à décembre 1855, janvier à dé- cembre 1856. Transactions of the geological Society of London, 2d ser.} vol. YIIÏ, part, h . The Àthenœum , 1857, nos 1541 et 1542. Beyista minera , t. YIÏI, n° 167, 1857. T4 j j j \% ‘\ I y ' V-oX OzijedÿaA 3 1/ / I ■ \ i "/•=»"! — ci/ Oj\cd + 5i SS'ÇüHi V~ '''•oZinie'i Ahrn cd + .55 . . - . F7' V gSjT blJïPxtdtb Y - -A yiïouiüdfadj er Otdriï JOjcvrcL. f/'i\ tuÿga + jL LD) \ J Oued pjerch F-Fv dsu,cj/>/!-2rn(Pi 6. 'Ctne-.iein +7^V | Grandi ' es iXoïtid+SO7/1 £ir cr Rhjxxu - 4 L \ : _/2b dit G? a b Zen gasszn. -v. Strel Jyip boni „< ,IVja^+<3^' Sied pîaimipd^ ^,-qgf ijjfidô BoxcOuuL±!hirn(j>/ ~ - -TéLci^+d \ ■■' pl/ctK t riiv jOd*’1 - «=_ \ //L,_t--tî&«f-®£Sg — ,$Tpu^ourtI£ ^ F (/u praar «V hournen p \V - | -£~rdJ* ~ ^ •“- ^ i» ' J / A ElJll 'Guetéa-f +'.'• et ail -, -0'i-" lcu7i /Aveqel ï Baidcuj j.. \ 81 fjteutji ra Sp' lu YiZZa ae àdVJO ' Hërnm J.707 'P ■ - ‘O/,, ;,a' '■'• ••/,,„ 7.- d'/tDebilii ï-47'-7'' tdSZaourriSC^- 'rfhdô ■? iiELO ue d L Çoiœas+qt ', \ ITINERAIRE suivi par les colonnes de Batna en 1855 _ 56 _ et 1856 _ 57 dressé d’ apres les observations astronomiques et barométriques CE AH VCTT.T.CATOT CAP™ D ' ETAT-MAJOR accompagnant la colonne 185 6 _ 5 7. A 0uar6ia+io5 ooisznes à tbo à. -iS, Cotcrmic de 1856— 5 / . Colonne dey 1855 56 . A' Points cU o iseroadions asiromanviaues (I)J Observations barwiizctru/ues d&JuPJhLboccj. \(jVota.j Xacote c!&3i siéra- deiermi/iéc. par Æ:iPs Prcec el- JteniTiM a été jri'isc-pour poin t de/ dépœrb -par JP VniH-crrutt/. X Echelle . 70 do ço Gradé! ct^/Avrü/J^. fffyi.Âaÿyi*6nj tpoPuae Vo léaire FccriL NOTE DE M. LAURENT. 615 les diverses propositions qui lui ont été soumises pour la réunion extraordinaire de 1857, s’est décidé à proposer An- goulême, La Société vote à l’unanimité la réunion extraordinaire à Angoulème. La première séance aura lieu le 6 septembre prochain. M. Ch. Laurent fait la communication suivante : Puits artésiens du Sahara oriental , par M. Ch. Laurent; (Planches X, XI et XII). Dans un compte rendu de notre voyage au Sahara oriental fait à la Société des ingénieurs civils, et dont nous avons remis un exem- plaire à la Société géologique, nous avons décrit en détail les localités que nous avons parcourues pendant les mois de novembre, décembre 1855 et janvier 1856. Nous avons été guidé dans ce voyage par les écrits précédents de MM. Fournel , Dubocq et Berbrugger, qui, l’Oued souf excepté, nous ont devancé de plusieurs années dans cette excursion encore assez peu commode. Notre mission était d’examiner, comme praticien, le pays désigne par nos savants prédécesseurs comme propre à recevoir l’application des méthodes européennes pour faire arriver à la surface du sol du désert les eaux nécessaires : 1° Pour créer une route d’oasis ou tout au moins des lieux d’étapes entre Biskra et l’ouad R’ir, aujourd’hui si sincèrement soumis à notre domination. 2° D’attirer sur ce nouveau chemin le commerce si important du Sud pour nos possessions, au lieu de le laisser se diriger presque exclusivement vers la régence de Tunis. 3° De faire revivre des oasis mortes ou ruinées par suite de l’ex- tinction irréparable des puits indigènes et de l’impuissance de l’in- dustrie locale, soit pour les réparer, soit pour en construire d’autres. lx° De créer de nouvelles oasis là où rien n’existe faute d’eau seulement. Dèsl85ù, le générai Desvaux, commandant la subdivision de Balna, jugeant des merveilleuses transformations qui résulteraient pour le pays de la solution heureuse d’un problème dont les résultats seraient aussi importants, prit la résolution, avec l’appui du général Meissiat, commandant la province de Gonstantine, et du maréchal 616 SÉANCE DU 18 MAI 1857. Randon , gouverneur de l’Algérie , de donner un commencement d’exécution à ces projets étudiés déjà depuis longtemps. Nous venons donc soumettre à la Société géologique nos idées sur l’origine et la constitution du Sahara algérien, ainsi que les coupes des puits déjà pratiqués sur la ligne principale de Biskra à Temacin , lesquelles viennent dès à présent jeter quelque lumière sur ce sujet. Le Sahara proprement dit semble un golfe appartenant au vaste ensemble des déserts autrefois couverts par les mers et actuellement exondés comme lui. Ce golfe aurait eu son ouverture vers Gabès, qui était le seul point de communication avec la Méditerranée avant la formation du puissant cordon littoral qui l’en sépare aujourd’hui. Ce bassin , desséché depuis peu, géologiquement parlant, peut devoir sa disposition actuelle à plusieurs circonstances causées par les soulèvements successifs des monts Aourès, dont les contre-forts qui bordent le Sahara oriental, comme d’immenses falaises, pré- sentent des pendages en tout sens, tantôt vers le sud , tantôt vers le nord, montrant alors leurs tranches calcaires rompues et redressées au désert qui cache ainsi leur prolongement affaissé à une profondeur qui ne pourra être déterminée que lorsque des sondages auront tra- versé les terrains qui les recouvrent. On peut supposer que ce vaste golfe , après avoir été en partie comblé par les poudingues , cailloux roulés et sables formés des élé- ments arrachés violemment aux montagnes secondaires qui le limitent vers le nord , s’est rempli successivement par les matériaux provenant de la désagrégation des bassins tertiaires élevés, contenus dans des lacs inférieurs et immenses. Des oscillations du sol contemporaines de ces phénomènes d’érosions semblent avoir soulevé et exondé à plusieurs reprises ce fond de golfe. Le sol du désert est donc, comme on le voit, un terrain quater- naire ou post-pliocène. On retrouve sur toute la zone nord du Sahara oriental et dans les vallées qui le précèdent ces immenses poudingues plus ou moins agrégés, mais composés presque exclusivement de cailloux roulés appartenant pour la plupart aux calcaires néocomiens qui constituent presque toutes les hautes montagnes des Aourès. Ces poudingues ou cailloux roulés vont, en dégradant de grosseur jusqu’à passer à l’ctat de sables fins, former l’immense couche perméable qui contient lagrande nappe aquifère; ils paraissent être les premiers résul- tats des phénomènes d’érosion qui se continuent encore actuellement, mais sur une faible échelle, aux dépens des lambeaux encore existants des terrains tertiaires, lambeaux oubliés en quelque sorte dans les bassinsqui les contenaient, comme témoins de l’importance qu’avaient leurs dépôts. NOTE DE M. LAURENT. 617 Ce terrain quaternaire, par la disposition des couches qui le com- posent et par les fossiles qu’elles renferment, semble confirmer celte opinion, que le Sahara a été, par suite d’exhaussements et d’affaisse- menls successifs du sol, alternativement désert exondé ou fond de mer. Des terrasses littorales, dont la dernière et la plus importante , désignée sous le nom de Coudiat-el-Dohor, présentent des falaises successives et sensiblement parallèles au contour primitif du bassin vers le nord , marquent les différentes stations des eaux et la dimi- nution progressive de leur surface. Ces anciennes traces de falaises ou de rivages ne sont pas toujours parfaitement accusées; l’action des agents atmosphériques et surtout du vent sur . les parties sableuses les ont fait disparaître en partie. Le Cardium eduleesl répandu en certains points sur le sol, dans un sable identique avec celui du littoral actuel ; il semble indiquer aussi les contours de rivages récemment abandonnés par les eaux, et cela depuis le Sahara occidental , élevé de 5 à 600 mètres au-dessus de la surface des mers actuelles, jusqu’au Sahara oriental, affaissé vers le Choot Melr’ir à 86 mètres au-dessous de ce niveau. Le Cardium edule , dans le sondage de Ouem-el-Thiour, au pied du Coudiat-el-Dohor, s’est rencontré jusqu’à une profondeur de 7 mètres, tandis que le Planorbis cornu s’est trouvé dans les sables rouges quarlzeux , avec cailloux roulés, à la profondeur de98m,50. La partie haute du désert vers El Aghouat présente, dit-on, des terrains ayant la plus grande analogie avec ceux de la partie basse. Les dispositions principales de cet énorme dépôt sont celles qu’af- fectent les grands deltas ; tous les matériaux qui le composent se sont déposés dans un ordre de succession qui pourrait servir en quelque sorte à nombrer les différentes époques et l’énergie des courants qui les ont transportés. Bien que l’arrangement partiel des dépôts supérieurs surtout ait dû subir tous les caprices d’un fond irrégulier présentant des différences de niveau, des ondu- lations, des obstacles qui, en arrêtant les détritus sur certains points, les ont fait s’accumuler de manière à donner naissance b des plateaux qui ont déterminé des lignes de partage des eaux, les direc- tions générales semblent s’être peu modifiées et avoir plus ou moins persisté aux surélévations successives. Telles sont probablement les terres élevées servant de parcours pendant l’été aux Harazlia et aux Larba qui séparent les vallées principales de l’oued Djedi ; la pre- mière, descendant de ce plateau et se dirigeant vers le sud-est au- dessous d’Ouargla, et la seconde pariant des plateaux d’El Aghouat pour se diriger vers l’est et se rendre aux grands chools Melr’ir, 618 SÉANCE DU 18 MAI 1857. El Selam, Saïal, El Adjela, etc., qui occupent les parties basses du Sahara oriental, et forment l’immense et mystérieux marécage connu sous le nom de Melrir. Le Sahara, lorsqu’il était occupé par la mer, devait présenter déjà un fond irrégulièrement ondulé. Ces ondulations ont dû être ren- dues plus sensibles encore, par suite de la différence de dureté des premiers dépôts exisiants que les eaux en se retirant entraînèrent dans leur mouvement de retrait. Ce mouvement de retrait sur la surface ondulée du désert a dû être modifié sur les points où l’eau formait des estuaires, des détroits ou des baies. Sur ces différents points, les détritus transportés par des courants d’intensité variable ont dû se disposer, s’accumuler en raison de ces circonstances. Aujourd’hui on voit encore, par la marche actuelle des matériaux' transportés par les crues fortes, mais rares des rivières, de sem- blables effets se produire selon la forme des rives et la plus ou moins grande rapidité des courants. On a ainsi l’image affaiblie et sur une petite étendue de ce qui a dû se produire sous l’influence des grandes rivières torrentielles formées par la rupture des parois d’anciens lacs élevés. Les cours d’eaux actuels suivent plus ou moins le thalweg des larges vallées, ou plutôt des larges ondulations qui sillonnent presque imperceptiblement à la vue cette immense surface du désert, en apparence presque plane, là où les sables en mouvement ne rompent pas la monotonie du relief. Ces rivières, sèches pendant la plus grande partie de l’année, se changent en torrents pendant la saison des pluies, modifient souvent leur lit creusé dans un sol toujours facilement désagrégeable; elles charrient ou roulent limon, sables et cailloux, qu’elles déposent en opérant un triage, en raison delà densité des matières ainsi transportées, déposant d’abord ies cailloux, puis les sables, et enfin le limon qui, en vertu de sa légèreté, est trans- porté le plus au loin, et finit par recouvrir, avec le ralentissement ou l’extinction du cours d’eau, sables et cailloux d'un limon plus ou moins argileux. De là cette succession, ces alternances de sables et d’argiles que nous retrouvons, dans les forages, beaucoup plus con- stantes quant à leur nivellement et à leur étendue , lorsqu’on pénètre profondément dans le soi jusqu’à la rencontre de celles qui résultent des anciennes et puissantes érosions, que lorsque restant sur les bords du bassin on attaque les dépôts plus récents. Les sondages pratiqués dans les couches inférieures donnent des résultats différents en raison de l'altitude des points sur lesquels ils sont pratiqués. Une autre cause vient aussi modifier le débit d’un puits ; elle dépend du plus ou moins de perméabilité des sables K OTE DE M. LAURENT. 619 rencontrés, perméabilité qui \ai ie souvent à peu de dislance comme la force des courants qui les ont déposés. Par l’ensemble des puits dont nous donnons les coupes, on re- connaît que pour la partie qui nous occupe en ce moment, ce vaste dépôt s’est fait en grande partie de l’ouest et du nord, se dirigeant vers l’est et le sud. Le puits d’Ouin-el-Thiour, le plus rapproché de la zone nord, contient beaucoup plus de sables que de marnes ou d’argiles. Il est probable que ces dernières, plus légères, ont dû, sous l’influence des courants du nord, se transporter vers le sud-est, et arriver à se déposer dans l’Ouad-R’ir où nous les retrouvons plus abondantes et où elles se mélangent à des sables plus fins. - Si, comme nous le supposons, on peut admettre comme probable la marche que nous avons indiquée pour la formation de ce terrain détritique, on peut admettre aussi que, jetant les regards plus loin et sur des contrées non encore explorées, de semblables phénomènes ont dû se produire également sur toute la ceinture peu connue des déserts vers le sud, et, si les montagnes qu’on y signale se rejoignent avec celles du Maroc et celles-ci avec celles de l’Algérie, il paraîtrait évident que les eaux s’infiltrent sur tout le pourtour de cet énorme bassin en descendant vers les points les plus bas. Ce parcours aurait lieu, non pas peut-être en suivant une courbe régulière semblable à celle que nous avons tracée entre les différents points que noüs avons parcourus, mais plus probablement en suivant des ondulations successives, correspondantes à des séries de bassins qui, comme ceux que l’on observe à la surface, sont disposés en gradins ou étages occupant des hauteurs différentes et se déversant les uns dans les autres. Nous reproduisons les courbes hypothétiques que nous avions tracées avant l’exécution des sondages, comme résumé des premières idées que nous nous étions faites sur le parcours souterrain de la nappe aquifère qui alimente l’Ouad-R’ir, et de son prolongement dans trois directions qui viennent aboutir à la ligne montagn.euse*qui limite le bassin vers le nord. L’aspect du Sahara n’est pas, ainsi qu’on se le figure assez généra- lement, celui d’une plaine sableuse, immense solitude sans végétation aucune ; en dehors de certaines plantes particulières au désert, qui, à des époques données, le couvrent par pinces d’un manteau de ver- dure, il y a en plusieurs points, comme dans l’Ouad-R’ir, des intermit- tences assez nombreuses où des oasis de dattiers fortement peuplées, viennent rompre la monotonie désespérante en quelques lieux. Sur d’autres points malheureusement très étendus, comme près du 620 SÉANCE DU 18 MAI 1857. R’âbah des Oulcd- Djellal, le vent entraîne sur certaines surfaces les sables les plus légers, et ne laisse dans sa direct ion la plus constante que de longues traînées de ces cailloux roulés fortement gravés par les agents atmosphériques, quelle que soit leur consistance. Quelquefois, comme dans l’Ouad-Souf, des villes importantes se sont élevées au milieu même des dunes de sables, luttant avec énergie contre leur envahissement dès que leur mobilité est assez peu vive pour le permettre. Ces sables mouvants, en dunes énormes ou répandus sur la surface du désert, chauffés par l’ardeur du soleil et soulevés en nuages par les vents particuliers au pays, ceux du sud-ouest (simoun), changent trop fréquemment le relief du sol pour que Ton puisse songer même à l’établissement de quelques puits fixes, si ce n’est peut-être en quelques endroits très rares où existent des entonnoirs profonds où les sables agglutinés par des infiltrations gypseuses et sous la pression de leur masse ont formé de véritables grès. Ces grès assez tendres ont cependant assez de résistance pour former çà et là au milieu de ces entonnoirs des blocs isolés, de fortes dimensions, où se retrouve la stratification des différentes couches successives qui les ont formés. Ces sables vouent à une stérilité complète d’assez vastes étendues non encore comprises dans le grand désert proprement dit. Là est un obstacle contre lequel toute force humaine est impuissante lors- qu’il atteint cet immense développement, qui rend même les voyages dangereux. Néanmoins on peut espérer que de distance en distance, à El- Baja, à El-Mouia-Tadjer, à Abd-Aliah-Ben Gassen, à Onled-Guar- dani, à Sidi-Aoun, à Débita, à El-Oued, et enfin, à El-Ouibett, points favorisés d’un peu de calme, on pourra obtenir delà sonde les bien- faits d’une eau si difficile à se procurer. Des fontaines abondantes, sinon jaillissantes, suffisamment protégées contre l’envahissement des sables, pourront rapprocher pour les caravanes les lieux d’étapes si élpignés les uns des autres. En dehors de parties si mal partagées et que l’industrie humaine ne peut songer à modifier d’une manière efficace, il y a, et sur les points les plus rapprochés du Tell même, d’immenses surfaces fer- tiles et en partie incultes. La terre, quoique excellente, faute d’eau, ne produit rien et semble attendre ou solliciter notre possession. La nature y est plus que silencieuse ; elle est muette ; aucun bruit dans l’atmosphère si transparente que l’œil perçoit à des distances in- croyables ne vient troubler l’isolement effrayant qu’on éprouve. Heureusement, si nos convictions ne nous trompent point, dans quelques années une partie de ces affreux déserts aura changé NOTE DE M. LAURENT. 621 d'aspect et l’on sera tout étonné d’y rencontrer les plus belles produc- tions. Ainsi toute l’immense plaine qui sépare les monts Aourès du Choot Melr’ir, sillonnée par l’Oued-Biskra, l’Oued-Roumel, l’Oued- Djedi et une multitude de ravins presque toujours desséchés dans celte partie basse, pourra être facilement irriguée au moyen de puits artésiens. Cette plaine est composée d’un lehm argileux ayant souvent 5 à 6 mètres d’épaisseur, propre aux cultures les plus riches et les plus variées. Il est assez difficile de reconnaître aux affleurements l’allure des poudingues, sables et cailloux roulés que nous considérons comme les couches perméables servant de chemin aux eaux artésiennes. Nous voyons presque immédiatement les couches s’enfoncer sous les terrains supérieurs du désert. Néanmoins un sondage entrepris à Biskra, au début de notre domination sur cette ville, et une coupe fort intéressante sur les bords de l’Oued-Doucen jettent quelque jour sur cette question. Le sondage de Biskra a été poussé jusqu’à 81m,65, à travers onze ou douze bancs de poudingues séparés par des argiles ; vers la base du forage, à 70 mètres environ, ces poudingues sont désignés comme calcaires, mais M. Dubocq croit que ces calcaires ne sont que de gros blocs pouvant provenir des fréquents accidents résultant de pentes abruptes et de brusques dislocations. Si l’on vient du désert dans la direction de M’raier à Doucen, on observe, en se rapprochant de la lisière montagneuse, une succes- sion de collines mamelonneuses composées à leur base de marnes vertes avec cristaux de gypse et couronnées par d’énormes dépôts de cailloux roulés libres ou empâtés dans la masse. Deux de ces collines sont recouvertes à leur sommet de roches détachées d’un calcaire compacte avec quelques perforations tubulaires semblables à celles qu’eussent pu produire des gaz en s’échappant au travers d’une ma- tière encore molle. Ces calcaires, s’ils sont en place, ce dont on peut douter, seraient tertiaires malgré toute leur apparence secondaire. Près du R’âbahdes Oulcd-Djellal, l’oued Djedi coulesur les assises d’un calcaire coquillier ferrifère; bien que les fossiles soient indéter- minables, on ne peut douter qu’ils soient tertiaires. De ce point à Doucen , on chemine continuellement sur des pou- dingues plus ou moins agglutinés jusqu’à un bordj très important bâti sur l’emplacement d’un fort romain. Celte construction est établie sur une des éminences qui bordent l’oued Doucen. Près de là se trouventdes collines qui semblent coupées à pic, soit pour la construc- tion d’un ancien canal romain dont on distingue encore les restes, soit comme carrières pour le fort. Deux de ces collines nous ont 622 SÉANCE DU 18 MAI 1857, donné la coupe suivante que nous reproduisons. Les couches très nettes qui les composent sont fortement courbées, se succèdent dans l’ordre suivant et paraissent se superposer (fig. U, PI. XI) : m À. Terre végétale et cailloux roulés 4,00 B. Poudingue assez solide, surtout vers la base 4,00 C. Calcaire souvent assez compacte et sans beaucoup de cailloux roulés, couche irrégulière ayant dans sa plus grande épais- seur et en deux ou trois lits 4,00 B. Marries rouges. 4,00 E. Poudingue terreux. 3,00 F. Calcaire compacte souvent en petits lits . . ^ . 1,00 G. Petite couche de gypse cristallisé. 0,04 H. Marne jaunâtre très fendillée 0,60 I. Petite couche de marne verte avec gypse cristallisé. ... 0,10 J. Marne d’un jaune rougeâtre, assez dure 0,15 K. Marne rouge irisée, avec cristaux de gypse se continuant dans le sol 4,00 Ces dernières marnes paraissent donc supporter toute la série des terrains détritiques supérieurs et appartenir aux terrains tertiaires miocènes. Sur un grand nombre de points, en remontant la rivière, les couches calcaires sont à nu et disloquées dans tous les sens; elles ne présentent aucun pend âge régulier; il arrive même que sur une très petite étendue la même couche varie en sens complètement in- verse, et accuse des dislocations du sol depuis le dépôt des premiers poudingues. Ces calcaires souvent très durs nous ont paru se rapprocher com- plètement de ceux employés par les Romains dans la construction du fort de Boucen ; quelques pierres de plus fortes dimensions semblent appartenir aux calcaires secondaires ou peut-être au calcaire num- mulitique de Zaalcha. En résumé , la succession des terrains peut s’établir dans l’ordre suivant : Terrain crétacé dos monts Àourès. Calcaire nummulitique de Zaatcha. Marnes et gypses miocènes de Doucen. Poudingues, cailloux roulés, sables anciens. Terrain quaternaire ou détritique. Nous allons voir, par le détail suivant des travaux accomplis jus- qu’à ce jour sur la grande ligne de Temacin à Biskra , que la série des couches rencontrées n’offre aucune analogie avec les terrains miocènes de Doucen; elles appartiennent donc à une formation pos- NOTE DE Bî. LAURENT. 623 térieure, qui aurait pour base ks- alternances modifiées des poudingues et argiles traversées à Biskra et se montrant sur les collines soulevées des environs de Doucen. Sondage (V Ou/n cl Thiour (la mère du Faucon), Fontaine du commandant. 4. Sable rougeâtre un peu argileux, avec cailloux roulés, quartz et fragments de Cardium m m edule. 1,00 — 4,00 2. Sable blanc très dur, avec cailloux roulés et gypse 0,80 — 1,50 3. Sable blanc très dur, avec Cardium edule . . 5,40 — 6,60 Niveau de Veau à 6 mètres. 4. Sable bleuâtre et jaunâtre, avec coquilles ma- rines 0,40 — 7,00 5. Sable brun un peu argileux, avec gypse. . . 2,68 — 9,68 6. Sable rouge un peu argileux, avec gypse. . . 10,32 — 20,00 7. Sable gris, rouge et fluide 0,80 — 20,80 8. Sable rouge argileux, avec gypse 2,60 — 23,40 9. Sable rouge très dur, avec petits noyaux de calcaire 1,70 — 25,10 10. Sable rouge fluide 9,90 — 35,00 1re nappe ascendante a 4m<60, a 31 mètres. 11. Sable rouge, avec gypse argileux 3,00 — 38,00 1*2. Argile rouge très sableuse, avec gypse. . . . 1,00 — 39,00 13. Sable gris argileux, avec gypse 0,70 — 39,70 14. Sables gris fluides 3,70 — 43,40 2* nappe ascendante à 0m,90, à 43 “,40. 15. Argile jaune, verdâtre et sableuse, avec gypse. 2,00 — 45,40 16. Argile rouge sableuse, avec gypse 3,40 — 48,80 17. Sable rouge très dur, avec gypse et noyaux calcaires 1,80 — 50,60 18. Sable rouge fluide 3,80 — 54,40 1rc nappe jaillissante , 20 litres à Ici minute. 19. Sable gris et rouge très dur, avec gypse et noyaux calcaires 57,85 20. Argile jaune très sableuse, avec gypse . . . 5,20 — 64,80 21. Sable rouge très dur, avec noyaux calcaires , 2,60 — 67,40 SÉANCE DU 18 mai 1857. 624 2* nappe jaillissante , 9 litres à la minute. m m 22. Sable blanc et rouge 3,45 — 70,85 23 Sable rouge 6,15 — 77,00 24. Sable rouge très ferrugineux 0,60 — 77,60 25. Sable gris quartzeux 2,40 — - 80,00 3e nappe jaillissante , 1 50 litres a la minute . 26. Sable gris et rouge très argileux, se prolon- geant; c’est dans ces sables à 98m,50 que s’est rencontré le Planorbe corné 27,70 — 107,70 Le sondage d’Oum-el-Thiour, le cinquième exécuté, a été placé au pied du Coudiat-el-Dohor ou portes des Zibans, longues falaises rompues en ceriains points, qui prennent le nom de portes parce qu’elles servent de passage aux caravanes qui circulent entre les Zibans et l’oued R’ir. Jamais on n’a signalé de sources jaillissantes en ce point éloigné des puits. Il appartient à la branche hypothétique que nous avions tracée de M’raier à Biskra. Bien qu’à une altitude assez basse, ce sondage n’a pas donné une quantité d’eau comparable ii celle fournie par les puits de Sidi-Racbed et de Tamerna avec lesquels il eût pu lutter. La cause, ainsi que nous l’avions prévu, doit dépendre d’abord de ce que sur cette ligne les poudingues et les sables perméables de la nappe n’atteignent qu’une hauteur beaucoup plus faible que sur les autres points de la lisière du Sahara, et ensuite parce que l’oued Djedi, en coupant la ligne de M’raier à Doucen, entame quelquefois les poudingues et cailloux roulés. On peut aussi redouter le voisinage de sources naturelles surgissant sur quelques points de l’énorme dépression forjt peu connue, occupée par les choots. Ce puits a une immense importance au point de vue des commu- nications entre les Zibans et l’oued R’ir, ce passage privé d’eau étant très pénible aux caravanes; puis il commence réellement une série nouvelle de travaux. Jusqu’alors la sonde n’avait été occupée qu’à rendre la vie à des oasis mourantes; aujourd’hui il s’agit de la créer où il n’y a rien, de rendre habitables d’affreux déserts et à y fixer une population nomade, quelquefois inquiétante pour notre domination. Il est peu probable que les Arabes n’aient point tenté d’établir des puits sur cette ligne; mais, ainsi que nous l’avions supposé, les pre- mières nappes ascendantes ont dû apporter un obstacle invincible à leurs travaux, car, ainsi qu’on le voit par la coupe, outre le niveau des eaux superficielles établi à 6 mètres, deux nappes ascendantes ko'TE DE M. LAUKËNT. 625 se sont rencontrées avant la première nappe jaillissante, qui a du être négligée à cause de son peu d’abondance, ainsi que la seconde. Si un puits a réussi sur ce point, l’un des moins favorables, que ne doit-on espérer de ceux qui se pratiqueront dans les directions qui se trouvent à droite et à gauche de cette ligne de M’raier à Biskra? Sondage de Tamerna. Fontaine de la Paix. m m 4. Terre végétale argileuse, sable blanc .... 3,05 — 3,05 2. Sable rouge argileux 0,30 — 3,35 3. Sable plus rouge et plus argileux. ...... 0,30 — 3.75 4. Argile et sable rouge, gypse terreux 0,35 — 4,4 0 5. Argile rouge très dure 0,20 — 4,30 6. Argile rouge sableuse 4,75 — 6,05 7. Marne rouge, avec noyaux de gypse 0,67 — 6,72 8. Argile rouge très compacte, avec plaquettes de gypse 7,63 — 4 4,35 9. Argile jaune 3,97 — 4 8,32 4 0. Sable rouge fluide 4,04 — 4 9,33 44. Gypse terreux 4,56 - — 23,89 42. Argile rouge 2,89 — 26,73 43. Argile rouge sableuse, avec gypse 3,80 — 30.58 4 4. Sable rouge fluide 3,86 — 34,44 4 5. Grès très dur 0,58 — 35,02 46. Sable rouge plus ou moins dur 9,08 — 45,00 47. Argile jaune, avec cailloux roulés 2,35 — 47,35 48. Grès désagrégé. . . 2,79 — 50,44 49. Argile rouge ferrugineuse et cailloux roulés. . 0,69 — 50,85 20. Grès rougeâtre désagrégé 8,37 — 59,20 24 . Sables très fins contenant la nappe jaillissante 22. Sable blanc très fin 0,80 — 60,00 Source jaillissante donnant, à 0m,80 au-dessus du s1)l, 4500 litres par minute. Le sondage Tamerna a été entrepris le premier, par suite de l’extinction d’une des plus belles sources créées par l’industrie arabe. Cette extinction était une cause de ruine pour l’une des oasis les plus vastes et les plus riches de l’Ouad-R’ir. La désolation des habitants qui voyaient pour l’année même une ruine certaine nous a forcé, bien que la saison fût fort avancée, de faire les plus grands efforts pour leur venir en aide. En trente-neuf jours de travail, la belle source de Tamerna, baptisée par les marabouts de Fontaine de la Paix, couronna les efforts de la sonde européenne, et assura à celte industrie une grande popularité au désert. Les journaux du temps, en reproduisant le rapport de l’officier chargé d’assister au Soc, çëol. , 2° série, tome XIV. 49 6*26 SÉANCE DU 18 MAI 1857. fêtes qui eurent lieu à celte occasion, et !e rapport du général Desvaux au gouverneur généra!, ont assez fait connaître l’importance de ce premier résultat pour qu’il soit inutile d’en parler plus longue- ment. Les palmiers se relèvent, de nouvelles plantations sont faites; en un mot, la vie revient au milieu du dépérissement. Sondage de Sidi-Rached [ancien puits arabe), Ain-Kiema on fontaine de la Résurrection. Deux puits avaient été tentés par les Arabes pour remédier à ’ extinction plus ou moins rapide de celui qui depuis cinquante ans alimente l’oasis. Ces deux tentatives étaient restées infructueuses , les moyens usités dans le pays étant insuffisants pour surmonter les difficultés que présentait un sol imprégné d’eaux parasites qu’il fallait épuiser et une roche gypseuse un peu dure qu’il fallait tra- verser pour arriver à la nappe jaillissante. C’est dans l’un de ces deux puits que le sondage a été pratiqué. Une colonne guide a été descendue jusqu’à la profondeur de h 5 mè- tres, puis on a traversé : m m Profondeur du puits. . 45,00 — 00,00 Gypse rouge terreux et assez dur 2,00 — 47,00 Cailloux roulés très durs (poudingues). . 7,00 — 54,00 • • •\ < TT\ r . % Vrxtcx CvVvjTi n. \ iWVf 'Vv Source jaillissante au sol, et donnant au début A300 litres d’eau par minute, mais ayant augmenté quelques jours après l’achèvement du travail et donnant aujourd’hui A500 litres. En raison des bienfaits qui doivent résulter pour l’oasis de Sidi- Rached d’une masse d’eau aussi considérable, ramenant effective- ment la végétation là où elle était morte ou dépérissait, les marabouts ont baptisé ce puits du nom de fontaine de la Résurrection. C’est sur ce point qu’en 1 854 le général Desvaux, promoteur si actif de tout ce qui peut développer la prospérité dans la subdivision qu’il administre, prit la résolution d’appeler la sonde au secours des habitants du déseri. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici la partie de son rapport au gouverneur de l’Algérie, lors du jaillissement du sondage de Tarn orna : « La lecture des ouvrages de MM , Fournel, Berbrugger et surtout » l’excellent mémoire de iVl. Dubocq auraient depuis longtemps attiré » mon attention, lors même que par intérêt je n’aurais pas songé à » ce que la sonde pouvait produire dans le sud, » Mais c’est à Sidi-Rached, en 185ù, que ma résolution a été NOTE DE M. LAURENT. 627 » arrêtée. Le hasard m’avait conduit au sommet d’un mamelon de » sable qui domine l’oasis entière. Vous dire les impressions que » me causa la vue de cette oasis est impossible : à ma droite, les paî- » miers verdoyants, les jardins cultivés, la vie, en un mot ; à ma » gauche, la stérilité, la désolation, la mort. Je Os appeler le scheick » et les habitants, et l’on m’apprit que ces différences tenaient à ce » que les puits du nord étaient comblés par le sable, et que les eaux o parasites empêchaient de creuser de nouveaux puits. Encore quel- » ques jours, et cette population devait se séparer, abandonner ses » foyers, le cimetière où repose ses pères ! je compris a ce moment » les féconds résultats que pourraient donner à cette contrée les » travaux artésiens, et grâce à vous qui avez bien voulu accueillir » mes propositions, leur donner un appui, la vie sera rendue à plu- » sieurs oasis de l’Oued-îl’ir, et l’avenir renferme les espérances les » plus magnifiques. » L’année suivante, lors de notre passage, la situation était encore empirée, et l’on avait le regret, par suite de l’avancement de la saison, de ne pouvoir y porter remède tout de suite, cette partie du Sahara devenant inhabitable pour des Européens vers le 15 mai. L’oasis de Tamerna, plus considérable et peut-être plus malheu- reuse, réclamait les premiers efforts. Sondage de la mosquée de Tamelath, près Témacin , Aïn Baraka ou de la' Bénédiction. mm \ . Sable blanc, terre végétale. ......... 0,80 — 0,80 2. Argile noire, avec cristaux de gypse 0,50 — 1,30 3. Argile jaune, avec gypse 4,58 — 2,88 4. Argile jaune. 4,80 — 4,68 5. Sable jaunâtre 4 ,00 — 5,68 6. Argile jaune rougeâtre 4 4 ,00 — 4 6,68 7. Sable jaune rougeâtre 4 0,06 — 26,74 8. Argile jaune et rouge plastique 4 4,35 — 44,09 9. Sable rouge argileux 0,74 — 44,83 4 0. Sable blanc et bleu, avec rognons calcaires . 0,45 — 42,28 4 4 . Grès blanchâtre désagrégé et sablés blancs et jaunes quarlzeux, avec cailloux roulés . . . 4 5,04 — 57,32 4 2. Argile rouge ferrugineuse 10,58 — 67,90 13. Argile jaune. . 1,60 — 69,50 4 4. Sables rouges très durs, avec veines d’argile rouge très compacte 4,50 — 74,00 15. Sables gris rouges et quartzeitx. ....... 5,40 — 79,40 16. Sables rouges très durs, avec cailloux roulés calcaires . . . . 2,80 — * 82,20 628 SÉANCE DU 1 8 MAI 1857. Source jaillissante dans un fossé d’irrigation creusé à 1 mètre en contre- bas du sol, donnant 35 à AO litres d’eau par minute à une température de 21°. Dans notre notice sur le Sahara orientais nous avons fixé la ligne maximum du jaillissement des eaux sur la surface du sol à 56 mètres environ au-dessous du niveau de la mer. Nous disons cependant que cette ligne pourrait peut-être se surélever, la puissance ascension- nelle des eaux n’ayant jamais été observée. Le puits de la mosquée'de Tamelath, situé à 60 mètres environ au- dessus du niveau de la mer, nous donne le point maximum probable d’ascension. Entrepris sur ce point élevé , d’après les instances du marabout, ce puits a rencontré la nappe jaillissante à Zi2ra,28; elle s’est élevée seulement au sol, mais sans s’y déverser; il a fallu, pour créer une fontaine donnant 35 à AO litres d’eau , déblayer le terrain sur une hauteur de 1 mètre environ. Dans l’espérance de rencontrer une seconde nappe plus abondante, on a continué le forage jusqu’à 82ni,20 , mais inutilement. Ce fait semble démontrer que la nappe jaillissante, contrairement au dire des Arabes, au lieu de s’écouler du midi vers le nord, aurait plutôt une direction opposée , car malgré cette surélévation du sol, si les eaux couraient du midi au nord, la sonde, en les rencontrant en un point distant de 12 ou 15 kilomètres au midi de Tuggurt, aurait dû obtenir un résultat plus brillant en raison des frottements que la nappe doit subir dans le parcours qui sépare ces deux points, frottements suffisants, nous le croyons, pour équilibrer une hauteur verticale de quelques mètres. Il ne faudrait cependant pas tirer de ce fait une conclusion très arrêtée , car tous les jours , à un même niveau , des puits donnent des résultats différents, qui n’ont d’autres motifs que la disposition des éléments qui renferment la nappe au point môme attaqué par la sonde. Nous avons voulu seulement signaler ce fait parce qu’il semble appuyer notre opinion que les eaux qui alimentent les puits de l’Oued-R’ir viennent de la lisière nord-ouest du Sahara, beaucoup plus rapprochée que les limites sud. Le second sondage de Tamelath, pratiqué à 110 mètres seulement de distance du précédent, a donné un meilleur résultat. Le point est à 2 mètres au-dessous du niveau du puits de la mosquée. La sonde, après avoir traversé une succession de terrains entièrement différente de celle observée dans le premier sondage, a atteint la nappe à 57 mètres à la base d’un sable argileux. L’eau est arrivée lentement, mais en assez grande abondance pour dégager son passage et fournir un volume de 150 litres à la minute. NOTE DE M. LAURENT. 629 Sondage de roasis de Tamelath , Aïn-cl-Habhed ou Fontaine des Amis . m 1. Argile jaune très sableuse 0,60 — 2. Sable blanc et bleu 1 ,00 — 3. Sable gris.» 2,28 — 4. Argile jaune, avec gypse. . % 1,02 — 5. Sable jaune, gris et bleuâtre, avecgypse trèsdur. 7,11 — 6. Argile bigarrée jaune et rouge 13,20 — 7. Sable gris et rouge un peu argileux 2,00 — 8. Argile jaune très dure 5,50 — 9. Argile rouge veinée de noir, avecgypse. . . . 1,00 — 10. Sable rouge argileux très fin et très compacte. 5,00 — 11 Argile plastique blanch^re avec cristaux de gypse et quelques cailloux roulés calcaires . 1.0 1 — 12. Sable blanc très fin, aveccailloux rouléscalcaires. 0,39 — 13. Argile rouge sableuse, avec rognons calcaires blancs 0.60 • — 14. Argile rose sableuse, avec gypse 0,91 — 15. Sable argileux très fin, gris noir 1,30 — 16. Sable argileux et jaune très fin, avec cailloux rouléscalcaires 1,81 — 17. Sablegris et bleu, aveccailloux rouléscalcaires. 2,49 — 18. Sable argileux, avec cailloux roulés 9,90 — 19. Sable jaune, gris et bleu, aveccailloux roulés quartzeux et calcaires . a.. . . 1,60 — 0,60 1,60 3,88 4,90 12,01 25.21 27.21 32.71 33.71 ?8,71 39.72 40,11 40,71 41.50 42,80 44,61 47,10 57,00 58.50 Source jaillissante donnant au sol 150 litres par minute à une température de 21° à 22°. Ces différences notables dans la succession des terrains sur deux points aussi voisins nous étonne peu. Celte irrégularité se présente dans tous les bassins comblés par des matériaux soumis 5 un char- riage qui s’y disposent, comme nous l’avons dit , selon les influences diverses des courants ou des profondeurs. Il résulte de cet arrange- ment qu’à l’exception des grandes causes qui ont étendu des maté- riaux semblables sur d’immenses surfaces, les causes secondaires ont disséminé les leurs d’une manière inconstante, laissant, outre des matières ténues qui se réunissaient sur certains points, des canaux que nous ne pouvons mieux comparer qu’aux mailles quelquefois rompues d’un filet irrégulier. Ces différents canaux , se remplissant de sables plus ou moins grossiers, plus ou moins argileux, forment dans le sol les différents conduits dans lesquels circulent les eaux que nous allons y rechercher. 630 SÉANCE DU 18 MAI 1857. Sondage de Chegga, Fontaine de la Fertilité. m m 1 . Sable jauneun peu argileux, avec gypse terreux. 0,50 — 0,50 2. Gypse terreux et sable un peu argileux. ... 4,10 — - 4,60 3. Argile rouge très sableuse, avec gypse cristallisé. 1,70 — - 6,30 1 re nappe, ascendante ci 6 m ,40. 4. Sable gris, avec plaquettes de gypse 2, ! 5 — 8,45 5. Argile grise, très sableuseavec gypse en rognons. 6 70 — 15,15 6. Sable gris fluide 1,10 — 16,20 2e nappe ascendante a 15m,80. 7. Sable gris très dur, avec gypse. . ... . . . 1,55 — 17,75 8. Sable rouge argileux très dur, avec gypse. . . 1,40 — 19,15 3e nappe ascendante à 19m,50. 9. Sable gris fluide, avec bancs de sable gris très dur 2,15 — 21,30 4 0. Sable blanc quartzeux fluide. 2,30 — 23,60 1re nappe jaillissante a 24 mètres , 20 litres par minute. 11. Sable rouge et blanc, avec noyaux de calcaire. 2,60 — 26,20 42. Sable bleu et gris, avec gypse 0,60 — 26,80 2e nappe jaillissante à 28m ,30 , 30 litres par minute. 13. Sable gris quartzeux, avec quartz roulé et silex rubanné. 1,20 — 28,00 14. Sable jaunâtre un peu argileux, avec gypse. . 0,90 — 28,90 45. Argile sableuse, avec gypse 3,90 — 32,80 3e nappe jaillissante à 32m,80, 20 litres par minute . 4 6. Sable gris fluide 0,50 — 33,30 4 7. Argile rouge sableuse, avec gypse ...... 4,15 — 34,45 18. Argile rouge, avec bancs de sable gris très fluide. 5,55 — 40,00 .. . ■ - Niveau de la mer à 55 mètres environ. Le sondage de Chegga , .au milieu du désert affreux qui sépare les Zibans de l’Oued-IVir, a été entrepris dans une saison déjà très avancée et a été interrompu au premier résultat suffisant pour créer simplement un lieu d’étape. Plus tard, des travaux seront repris en meilleurs temps sur ce point important. Ce sondage semble appar- tenir à un tout autre ordre d’origine que les précédents; il n’a pas NOTE DE H. LAURENT, 681 atteint la profondeur voulue pour rencontrer les sables aquifères qui composent la grande nappe ; il est sur un point fort élevé et de plus sur celte direction que nous avons signalée comme la moins favorable, la zone perméable ayant ses affleurements fortement déprimés et même sur certains points , nous le craignons , légèrement entamés par le lit de l’Oued-- Djedi , mais heureusement dans une partie assez élevée de son cours. Un sondage pins profond jettera quelque lu- mière sur cette assertion peut-être douteuse, mais le sondage actuel doit ses résultats à des charriages pins récents, présentant ces amin- cissements qui en font de véritables coins, les sables plus lourds ne les prolongeant qu’à une distance inférieure à celle des argiles qui, plus légères, les enferment. Le sondage de Chegga démontre assez clairement cette règle, puisque plusieurs nappes successives se sont rencontrées sur ce point élevé, tandis que dans des points beaucoup plus bas, à Qum-el-Thiour par exemple, où elles eussent dû donner de bons résultats, elles ne se sont pas montrées. Ce sondage, com- plètement en dehors de nos prévisions énoncées par les coupes ci- jointes (Pl. XI), ne pouvait atteindre la grande nappe qu’à 80 mètres environ. Nous avons cru devoir ajouter ce nouveau puits à la série de ceux que nous avons présentés dans la séance du 1er juin , parce qu’il ajoutait à l’ensemble des résultats obtenus sur cette grande ligne qui joint en quelque sorte Biskra au grand désert, et coupait cette énorme distance sans eau entre le Coudiat-el-Dohor et cette ville. Si l’on jette les yeux sur la grande et belle carte de l’Algérie dressée en 1856 par ordre de M. le maréchal Vaillant , d’après les renseigne- ments et sous la direction de M. le général de division Daumas, on voit que toutes les eaux qui descendent des montagnes qui envi- ronnent les hauts plateaux où se trouve El-Agiiouat se réunissent vers une rivière unique, l’Oued-Djedi , rivière qui se dirige de l’ouest à l’est, forme le thalweg d’une large vallée principale qui vient abou- tir, après avoir reçu ses différents affluents, au choot Melr’ir. Vers le Sahara oriental, de nouveaux cours d’eau, tels que l’Oued-Biskra, l’Oued-Roumel, etc., descendant des monts Aourès vers le sud, viennent également porter le tribut de leurs eaux au même choot, lorsque toutefois ce tribut li’à pàis été entièrement absorbé par les couches perméables rencontrées sur les bords du bassin qu’occupe le Sahara, pour suivre celte voie souterraine que la sonde vient explorer. Une autre rivière, rOued-îteil, recueillant les eaux de cette partie haute du désert que l’on désigne comme terres de parcours pendant l’été des Harazlia et des Larba , forme une vallée secondaire presque parallèle à celle de l’Oued- Djedi et comme elle se rendant au Melr’ir. 632 SÉANCE DU 18 MAI 1857. De l’autre côté de ce plateau , de nombreuses ravines ou cours d’eau, et principalement l’Oued-Nza, se dirigent vers le grand désert, semblent indiquer une dépression dans laquelle se trouve Ouargla, et indiquer une direction aux recherches à faire de ce côté pour obtenir des eaux jaillissantes dans les sables qui absorbent tous ces cours d’eau à la surface. L’industrie arabe, sur certains points, a déjà démontré que ce problème est exécutable; la sonde, pouvant triompher des difficultés insurmontables aux instruments indigènes, agrandira nécessairement les limites où s'arrêtent aujourd’hui les efforts des R’tass (puisatiers et plongeurs arabes). Des études aussi superficielles que celles qui peuvent être faites dans un temps assez limité et sur des surfaces aussi immenses laissent sans doute un champ très vaste à des hypothèses que le temps et des études plus approfondies viendront sans doute modifier en certains points et détruire dans d’autres. En ce moment , on n’est encore guidé que par des cartes topographiques essentiellement variables entre elles, et sur lesquelles on a quelques difficultés à apprécier les dis- tances, la position des points indiqués, l’importance et la direction des cours d’eaux plus ou moins éphémères la plupart du temps. Les reliefs sont également peu indiqués. Sur la petite carte ci-jointe (Pl. X), nous avons cherché à réunir toutes les données les plus exactes : les observations barométriques de AI. Dubocq et celles plus récentes de M. Vuiliemot, capitaine d’état- major, qui a suivi la colonne de Batna en 1856-1857. Les observations astronomiques exécutées par cet officier modifient énormément la position géographique de Ouar- gla ; elles mettent celle ville presque sous le 38 degré de longitude vers l’est, tandis que sur presque toutes 1 s cartes elle se trouve entre le 1er et le 2e degré. Sur la demande de M. le général Desvaux, M. Jus, l’un de nos di- recteurs de travaux , chargé des forages du désert, est muni de baro- mètres. Des observations journalières sur les différents points qu’il aura à parcourir agrandiront le domaine des connaissances que l’on a déjà ; de proche en proche, avec le concours des hommes qui s’inté- ressent aux résultats si grands à obtenir dans ce pays, on pourra en peu d’années avoir des cartes plus fidèles et plus complètes. L’œuvre est grande, les moyens de la réaliser difficiles , l’étendue, les moyens de transport et l’atmosphère elle-même étant des obstacles plus sé- rieux et plus défavorables qu’on ne se l’imagine. Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet; les rapports officiels au gouvernement, publiés en tout ou en partie dans les jour- naux , apprennent mieux que nous ne saurions le faire l’importance des résultats déjà obtenus et ceux que l’on se propose d’obtenir. NOTE DE M. GUISCaRDI. 633 M. le capitaine de Bonnemain, joignant à l'entente parfaite des diffé- rents idiomes arabes une connaissance complète des mœurs et un courage personnel à toute épreuve, a été désigné par M. le gouver- neur général de l’Algérie pour entreprendre le voyage de R’dâmes. Son voyage est le premier jalon d’une route future entre nos posses- sions actuelles et le pays des Touaregs , route que la sonde sera pro- bablement appelée à rendre moins pénible dans l’avenir. M. Ch. Sainte-Claire Deville communique l’extrait suivant d’une lettre que M. Guiscardi lui a adressée de Naples : Note sur les émanations gazeuses des champs Phlégréens ; par M. Guiscardi. J'ai visité, le 12 mai dernier, la Solfatare et Agnano. A la Solfatare , vers sept heures trois quarts du matin, j’ai recueilli le gaz d’un des orifices entourés de soufre, situé sous le hangar où l’on fabrique l’alun. La température du gaz a varié entre 89 et 90 degrés. Deux analyses de ce gaz recueilli au même trou m’ont donné successivement : Acide sulfhydrique. . . . . 4,1 0,0 Acide carbonique. . . . 1,9 1,6 Oxygène . . 18,0 19,1 Azote. . . . . . . . . . 76,0 79,3 100,0 1 00,0 Sous le hangar, l’air, à une température de 20°, 5, n’indiquait que des traces d’hydrogène sulfuré et d’acide carbonique. Hors du hangar, l’air, à une température de 20 degrés, présen- tait la composition normale. A Agnano , j’ai commencé par l’analyse du gaz qui sort du lac : à l’ombre, la température de l’air était de 19 degrés. Voici trois analyses du gaz recueilli en deux endroits différents : 1er point , 2e point. Température, 22<>t0. Tomper., 25*, S. Acide carbonique 91,7 91,6 97,6 Oxygène et azote 8,3 8,4 2,4 100,0 100,0 100,0 La proportion de l’oxygène à l’azote, dans le résidu laissé par la potasse, était sensiblement de 20 à 80. Le premier point où le gaz a 634 SÉANCE DU 18 MAI 1857. été recueilli était plus éloigné de la grotte du Chien que le dernier point. En ce dernier, le gaz se dégageait avec plus de force, et la température était aussi plus élevée (1). La quantité d’acide carbo- nique semble donc en relation avec la température. Les gaz de la grotte du Chien et de la grotte d’ammoniaque ont donné sensiblement les mômes résultats que ceux de la troisième analyse. Stufe di Agnano. J’ai examiné les produits gazeux de nos orifices n° i, n° 2, n° 3 (2). Voici le résultat de mes analyses : Orifice 1 1 ° I . Tempér. Tempér. Tempér. Tempér. 6i°. 01° à 62'. 69° à 7(3°. 69' à 70°. Acide carbonique. . , . 3,1 5,3 0,0 1,7 Oxygène ; . 19,4 • \ 1 00,0 98,3* Azote . . 77,5 76,4 j ,u 100,0 100,0 1 00,0 100,0 Orifice n° 2. Tempér. 78° à 80°, et rapidement. Tempér. Tempér. 78* à 80*. par sauts, 90°. 85°, 5 à 86°, o. Acide carbonique. . . 12,6 14,7 11,5 Oxygène. . . . . . . 17,5 16,3 17,1 Azote . 69,9 69,0 71,4 100,0 Orifice ii° 100,0 3. Tempér. Tempér 55° à 56°. 67°, 5. 100,0 Acide carbonique . . . 1,6 1,3 Oxygène. . . 19,3 19,0 Azote . . . là èoi MOfe . 79,1 79,7 1 00,0 1 00,0 (1) Je rappellerai que j ’ai trouvé respectivement, er i juin 1856, une température de 29 degrés et de 31 degrés aux émanations de la grotte du Chien s t de la grotte d’ammoniaque. Cette dernière est la plus voisine des s lu je. Il faut donc ajouter à l’intéressante remarque de M. Guiscardi, que la température décroît aussi à mesure qu’on s’éloigne des émanations sulfhydro-carboniques des stufe , où elle n’est jamais moindre que 56 degrés et où elle atteint 90 degrés. (Note de Ch. S.-C. Deville.) (2) Voyez ma 10e lettre à M. Êlie de Beaumont , Comptes rendus, t. XLII1, p. 749. (Ch. S.-C.-D.) LETTRES DE M. BORNEMANN. 635 Je ne veux point terminer cette lettre sans vous faire part de l’observation suivante : Dans le Porto Miseno , au nord, non loin de l’endroit désigné sur la carte du Bureau topographique napolitain sous le .nom de Case Vecchie , et situé précisément sous les dernières lettres du mot Zam - pino, est une grotte dite Grotta det Solfo , et qui n’est pas indiquée sur la carte. Elle est entièrement creusée dans un tuf verdâtre, et sur ses deux parois se forment l’alotrichite, l’alunogène, l’alun, mais non le soufre (voy. Scacehi, Mem. geol. sulia Carnpania), J’ai visité cette grotte le 2 mars dernier. L’odeur d’hydrogène sulfuré est très sensible. A l’entrée de la grotte, sont des fragments détachés de tuf, baignés par la mer qui bouillonne à l’entour. Les pierres sont blanchies par le soufre qui s’y dépose. Dans l’intérieur, on voit le gaz se dégager de petits orifices situés sur le sol de la grotte. J’ai analysé seulement le gaz qui se~ dégage à l’entrée, sans aug- menter la température de l'eau de mer qui /’ entoure (1). Voici les résultats de trois analyses : » Acide sulfbydrique. . 88,8 85,7 86,8 Acide carbonique. . . 9,0 9,6) 13,2 Oxygène' et azote. , 2,2 m 100,0 100,0 100,0 M. Élie de Beaumont communique les extraits suivants de deux lettres qui lui ont été adressées de l’ile de Sardaigne par M. George Bornemann. Première lettre adressée à M. Elle de Beaumont. En me rappelant le grand et bienveillant intérêt avec lequel vous avez accueilli les nombreuses et intéressantes communications de mon ami l\1. Ch. S. -G. Deville, sur les émanations volcaniques de l’Italie inférieure, où j’avais le bonheur de voyager et d’observer avec ce savant chimiste et géologue, j’ose vous adresser quel- ques communications sur des phénomènes analogues que je viens d’observer dans la partie sud- ouest de i’île de Sardaigne. Ces (1) Cette observation de M. Guiseardi présente un intérêt particu- lier; car ce point serait le seul point volcanique, à ma connaissance, où l’acide sulfhvdrique se dégagerait avec une certaine abondance à une basse température. (Note de M. Ch. S.^C. Deville.) 636 SÉANCE DU 48 MAI 1857. observations pourraient avoir quelque intérêt sous le même rapport, et former une suite desdites observations dans le royaume des Deux- Siciles. Comme vous savez, j’ai pris la résolution de faire un voyage dans la Sardaigne et des études géologiques dans cette île, qui a été jus- qu’à nos jours la partie la moins connue de l’ Italie. Seulement l’excellent ouvrage de M. Albert délia Marmora sur la géologie de la Sardaigne, achevé depuis peu de jours, commence à présent à répandre quelque lumière sur les terrains et les gisements aussi variés que compliqués de ce pays. Sur les émanations gazeuses et aqueuses qui se trouvent dans l’île de Sardaigne et qui forment les derniers restes actifs des phénomènes volcaniques, il n’y a que peu de notices éparses dans différents ou- vrages, notices très incomplètes et insuffisantes sur les conditions chimiques et physiques de ces phénomènes. C’est à cause de cela que j’ai cru pouvoir remplir quelques lacunes dans celle statistique, en visitant les différents endroits de la Sardaigne où il existe des sources thermales et minérales avec ou sans émanations gazeuses, et en fai- sant des expériences sur la nature des gaz et des eaux. Les appareils dont je me sers pour mes expériences chimiques sont en général les mêmes que ceux dont nous nous sommes servis, M. Deville et moi, en Italie, pour faire les analyses des gaz sur les points mêmes de leur sortie. Seulement j’ai songé, en raison des mauvaises routes de la Sardaigne et des moyens insuffisants de trans- port, à les rendre encore plus portatifs. Je porte tout l’appareil dans le manteau derrière la selle de mon cheval, et je puis aller dans la plus forte carrière ou passer les chemins les plus pénibles, sans cou- rir le danger de briser une partie de mes appareils. Voici la liste complète de ces appareils : 1° Deux boîtes de fer-blanc fort, de 28 et 18 centimètres de hauteur et 8 centimètres de largeur, dont l’une forme le couvercle de l’autre. Ces boîtes remplacent les éprouvettes de verre. Dans la grande boîte, je garde tous les appareils, savoir : 2° Deux excellents thermomètres centigrades de Fastré. 3° Deux tubes gradués : l’un de 25 centimètres de longueur, et contenant un volume de 28 centimètres cubes servant pour les ana- lyses de gaz ; l’autre tube n’a que 15 centimètres de longueur et est plus étroit ; il ne contient que le volume de 5 à 6 centimètres cubes; il sert à l’analyse plus exacte de petits résidus de gaz pour l’analyse desquels le grand tube quelquefois ne fournit pas assez d’exactitude. (Lorsque, par exemple, un gaz contient une très grande quantité d’acide carbonique et très peu d’oxygène, on fait d’abord absorber LETTRES DE M. EORNEMANN. 637 l’acide carbonique dans le grand lube par le moyen de la potasse, et l’on amène ensuite le reste dans le petit lube.) Les deux tubes gra- dués sont garnis chacun à son bord d’un morceau de tube de caout- chouc,, pour être sûr qu’ils ne se cassent pas en tombant sur le fond des boîtes ou éprouvettes. Des petits tubes de verre pour introduire les réactifs dans les tubes gradués. 5° Un petit entonnoir de verre, pourvu à sa pointe d’un tube élastique et fermé par le moyen d’un robinet à pression. Sur l’extré- mité du lube de caoutchouc, on peut mettre un petit tube de verre à pointe fine, destiné à l’essai de combustion des gaz. L’entonnoir sert pour recueillir le gaz dans les sources, pour le conduire dans le grand tube, pour transporter des résidus de gaz du grand tube dans le petit, et enfin dans les essais de combustion. 6° Des tubes de caoutchouc. 7# Deux robinets à pression. 8° Des réactifs: potasse, acide pyrogallique, etc. 9° Des papiers réactifs. 10° Une petite pince. 11° Un fragment de bougie et des allumettes. Quoique la Sardaigne présente un grand nombre de volcans d’une époque assez récente, on ne connaît point d’endroits où il y ait des fumerolles ou des émanations volcaniques proprement dites. Toutes les émanations gazeuses que l’on y connaît sortent des eaux minérales et thermales dont la Sardaigne contient un assez grand nombre. Ces sources se trouvent presque toujours dans le voisinage immédiat, ou au moins à petite distance des terrains volcaniques. Les sources minérales et thermales connues en Sardaigne sont les suivantes : Sardara, Aquacolta di Yillacidro, Is-Zinnigas, S. An- tioco, Fordungianus, Sosbagnos, Benetutti, Codrungianus, S. Mar- tino, Castel -Doria, Dorgali. J’ai visité jusqu’à présent les trois premières et j’ai pris les échan- tillons des eaux qui seront envoyés à Paris pour servir à l’analyse exacte dans le laboratoire de M. Ch. Deville. J’espère pouvoir visiter ensuite aussi les sources minérales de la Sardaigne, pour y prendre les échantillons d’eau et pour faire mes essais. Je viens aux observations que j’ai faites sur les trois premières sources. 1° La source de ls-Zinnigas , sur laquelle je ne trouve aucune notice dans la bibliographie. géologique , est située à une heure au sud-ouest de Siliqua (prov. d’Iglesias), dans un beau jardin d’oran- gers, auquel elle fournit les eaux. Elle sort de la pente d’une mon- 688 SÉANCE DE 18 MAI 1857. tagne dont la masse est formée par le terrain de transition, non loin des tracbyles et des conglomérats volcaniques qui forment le sol et les environs de Siliqua. La température de l’eau de la source était, le 17 mars, à quatre heures après-midi, de 28°; la température de l’air était de 18°. Dans la source, on ne voit pas de dégagement de gaz. L’eau est potable et n’agit pas sensiblement sur les papiers réac- tifs. Au fond, il y a un peu d’un sédiment de couleur jaunâtre. 2° V Aquacotta di Villacid.ro , au sud-est de ce village, est située dans la plaine du Campidano, au pied d’une colline granitique et sur la limite d’une masse de trachyte (voir la carte géologique de A. de la Marmora). Cette source, qui donne, selon la remarque de Baldracco [Minière di Sardegna , 1854), 15 litres d’eau par minute, forme un petit bassin de quelques pieds de diamètre , entouré d’berbages et rempli vers les bords par des plantes du genre Oscillatoria. Un canal conduit l’eau de la source dans une cabane aù elle est employée à préparer le drap et à d’autres usages. La température observée dans le bassin , le 6 avril vers midi, m’a donné 50° centigrades , la température de l’air étant 16°, 8. Cette observation , réoéiée à plusieurs reprises, montre une grande diffé- rence avec la température de 32° Réaumur signalée par de la Mar- mora dans le premier volume de son voyage. Il y a , dans le bassin de îa source, un dégagement assez vif de bulles de gaz. j’en ai fait deux analyses. Voici les résultats très conformes l’un à l’antre : Moyenne. Acide carbonique, ï . . — 11. . Oxygène, I . — II . . . . . Azote, I — II. . 30,4 p. c. 1 31.9 » j 1,7 p. c.) 1,3 » ) 67.9 p. c. | 66,8 » j 31 ,1 p. c. 1 ,5 p. c. 67,4 p. c. Une analyse de l’air faite en même temps donna 21,2 p. c. d’oxy- gène. Pour voir avec plus d’exactitude si le gaz contenait quelque partie combustible, j’ai rapporté une bouteille remplie de gaz à Vilta- cidro, et j’ai fait l’expérience dans la nuit avec beaucoup de soin. Une chandelle allumée , introduite dans le gaz, s’est éteinte sur-le- champ. Une analyse qualitative, indiquée dans l’ouvrage de la Marmora, signale les substances suivantes :f Sulfates tlé chaux , de soude et de magnésie , chlorures de calcium et de sodium , et enfin de i’iode. J’ai fait quelques essais qualitatifs avec les papiers réactifs do LETTRES DE M. BORNEMANN. 639 l’acétate de plomb et de l’amidon , mais ni l’un ni l’autre , quoiqu’ils aient flotté pendant longtemps dans la source, n’ont montré aucune trace de coloration. J’en conclus que l’eau ne contient ni hydrogène sulfuré ni iode libre. . Un résultat qualitatif exact reste à attendre de l’analyse de l’échan- tillon que je vais envoyer à M. Deville. 3° Les thermes de Santa-Maria - is- Aquas , qui sont, selon quel- ques auteurs sardes , l’antique Âquœ Lcsitanœ de Ptolémée, sont situées une demi-heure au sud-ouest de Sardara , dans une petite vallée, à la limite entre le terrain de transition et le terrain basal- tique. On trouve aussi à la source même de grands blocs d’une lave poreuse. Les trois sources principales de Sardara se trouvent réunies dans la grande chambre de la lherme antique qui est assez bien conservée et consiste en quatre comparumenls. Ces sources, qui donnent , selon Baîdracco , environ 12 litres d’eau par minute, avaient , d’après la Marmora, la température de 48°Réau- mur. Baîdracco donne pour la teinpérature des trois sources, 52°, 54° et 58° c. Le 7 avril, à quatre heures du soir, j’ai trouvé dans le bassin c, qui était le plus chaud , la température de 61°, 6 , et dans le bassin a , de 57°, 5. La température de l’air était dams la chambre des thermes de 21° c. et hors de la maison , 17° c. Dans le bassin a , j’ai trouvé un dégagement assez considérable, mais intermittent, de bulles de gaz dont l’analyse m’a donné la corn* position suivante : Acide carbonique. ..... 84,9 Oxygène . 0,8 Azote. . . . 14,3 i 00,0 Dans l’analyse qualitative donnée par la Marmora dans son premier volume , oîi trouve aussi isignalé l’hydrogène sulfuré--, mais je n’en ai trouvé aucune trace , et le papier d’acétate 'déf plomb y . qui a flotté longtemps à la surface et qui a été plongé dans le fond du bassin, ne s’est nullement noirci ; le papier d’amidon ne s’est pas non plus co- loré; mais le papier de tournesol rouge est devenu bleu en montrant une forte réaction alcaline. ; . Les substances solides contenues dans; l’eau de Sardara sont , selon l’analyse qualitative citées par la Marmora : le carbona te de soude, les sulfates de soude et de magnésie, le chlorure de sodium. m SÊÀNCÈ DD 18 MAI 1857. Dans le fond du bassin , on voit une très petite quantité d’un sé- diment ferrugineux , sur une terre noirâtre qui donne une efferves- cence avec l’acide hydrochlorique. Hors des thermes, à une distance de ZiO mètres, il y a , près de l’église de Santa-Maria , deux autres petites sources thermales d’une température moindre et encore une autre à la différence d’un quart d’heure à l’est des premières. Seconde lettre adressée a M . E/ie de Beaumont. J’ai à présent à vous rapporter les observations que j’ai faites, le 18 mai, aux sources de Fordungianus , village situé sur la rive gauche du Tirsus, à cinq heures de distance (allant à cheval) de la ville d’Oristano. Tout près du village, on voit dans le fond de la vallée, et sur la rive gauche du fleuve, des ruines d’un pont romain, et c’est entre les différentes parties de ces débris que l’on voit naître un nombre de sources d’eau chaude, et principalement dans quatre petits bassins ou creux situés en petite distance de quelques mètres entre eux. Chemin au village de Fordungianus. La plus grande de ces sources (a de l’esquisse), qui fournit, selon Baldracco ( Sulla costituzione metallifera délia Sardegna , p. 320), environ 150 litres d’eau par minute, m’a donné, conformément aux observations du même auteur, une température (1) de 5a0,2 c. (1) La température de 55 degrés Réaumur, indiquée dans l’ouvrage oe M. La Marmora [Voyage en Sardaigne , vol. I), paraît être une bservation douteuse, ainsi que l’analyse chimique que l’on trouve ans le même livre. LiïÎTlÎES DE M. BOilNEMANN. i La température de l’air était , durant mes observations, à deux heures après- midi , de 2ô°, et celle de l’eau de la rivière était de 22°. Un petit cours d’eau artificiel et souterrain, tout près des thermes, donna la température de 18°, 5. Dans celle source thermale (a)', on ne voit point de développe- ment de gaz, mais c’est seulement parce qu’on ne la peut pas ob- server dans le point même de sa naissance qui est caché dans un petit canal. Une autre source (b), presque aussi forte que la première, montra à peu près la même température, c’est-à-dire celle de 5'4°,0 et de même les sources plus faibles c et d. Dans l’endroit />, on voit un dégagement assez vif de bulles de gaz, interrompu de temps en temps. L’analyse, faite à plusieurs reprises, démontra que ce gaz n’est que de l 'azote, avec des traces négligeables d’acide carbonique et d’oxygène. Outre ces sources réunies dan> les débris du pont romain, il y a sur le même côté de la rivière et à la distance d’environ 300 mètres vers l’ouest, un bassin antique carré (e), fait en grosses pierres, qui contient plusieurs autres sources produisant ensemble 30 à ZiO litres d’eau par minute. La température se trouva , conformément à l’observation de M. Baldracco , de 4ô°,0. Dans plusieurs points de ce bassin , on voit un dégagement intermittent , mais quelquefois très fort, de gaz, qui, selon mes analyses, est de X azote pur, sans la moindre trace d’un autre gaz. Une analyse de l’air atmosphérique, faite en même temps, donna : Oxygène. . 21,2 Azote. . . ..... . 78,8 100,0 L’eau de tous ces thermes n’exerça aucune action sur les papiers chimiques réactifs, savoir : le tournesol bleu et rouge, le papier d’acétate de plomb et d’amidon ; elle est au contraire très pure, et, quand eile a été refroidie , très potable et sans le moindre goût. Dans les petits canaux des sources, on trouve quelque petite végé- tation d’algues oscillaires , mais on ne voit , ni dans les bassins, ni dans les canaux , de sédiments produits par l’eau. Il n’y a qu’un peu de sable fin se mouvant sous l’action mécanique des gaz naissants. Les analyses chimiques contenues dans l’ouvrage de Baldracco (p. 321) donnent, pour les eaux des thermes aeU, les compositions suivantes : $jc. gro/., V série, tome XIV. 41 6A2 SÉANCE DU 18 MAI 1S57. Silice Sulfate de chaux. . . Chlorure de sodium. . Eau 0,0030 0,0064 0,0042 0,0050 0,0540 0,0440 99,9388 99,9446 100,0000 100,0000 Le terrain dans lequel se trouvent ces thermes est le terrain volca- nique et composé principalement de trachylesde différentes époques, de laves basaltiques, de brèches et tufs basaltiques. Pour les dégagements d’azote , on est naturellement conduit à penser que c’est un résidu d’air atmosphérique , dont l’oxygène aurait été employé pour une oxydation quelconque dans les roches éruptives et encore chaudes que l’on doit supposer à une faible pro- fondeur. M. Ch. S.-G. Deville lit l’extrait suivant d’une lettre qui lui a été adressée aussi par M. G. Bornemann : Avant de vous entretenir de mes voyages actuels dans l’îlede Sar- daigne, où je suis guidé par l’excellente carte géologique de M. délia Marmora, je vous dirai quelques mots d’un district minier situé sur le continent, près de Sestri Levante, à l’est de Gênes, tout près delà mer. C’est par cet endroit que l’on a commencé des mines de cuivre qui méritent beaucoup d’attention et donnent l’espérance de pouvoir devenir un champ très important pour l’exploitation de ce métal, comme l’est le célèbre Monte-Catini, en Toscane, avec lequel, selon les renseignements que j’ai , le terrain de Sestri Levante présente une très grande analogie. Le terrain de la côte de Gênes jusqu’à Sestri est formé par des schistes et calcaires caractérisés par des Fucoïdes, Chondrites et Némertites, qui appartiennent au terrain crétacé; de là, on entre dans une des grandes masses éruptives formées par la serpentine et le gabbro , qui ont traversé et métamorphosé en partie les formations sédimentaires. Dans ce massif de roches éruptives, il y a une espèce de fdons métallifères, dont l’un peut être poursuivi sur une très longue étendue et conserve sa direction assez régulièrement. Ce filon se montre, pour la plupart du temps , au milieu des serpentines et gabbros ; dans d’autres endroits , il paraît passer enlre les masses éruptives et le calcaire rouge métamorphosé , que J’on appelle dans Celte contrée d’un nom très inexact , Gabbro rosso. Le filon métalli- fère, qui est d’une puissance très-variable, mais souvent très impor- tante, se compose ordinairement de substances lalqueuses et chlori- LETTRES DE M. BORNE MANN. 643 tiques, quelquefois aussi de masses quartzeuses. Les pyrites de cuivre se trouvent très irrégulièrement disséminées par ce filon, formant des amas, des veines et des nids d’une étendue plus ou moins considé- rable. Dans les affleurements du filon , on trouve aussi quelque carbonate de cuivre et, vers sa limite, du cuivre natif en petites lames. Quant à la facilité de l’exploitation du minerai , le district offre de grands avantages; il se trouve sur le bord de la mer, dans un pays très peuplé et civilisé, où il y a partout de bonnes roules. Les montagnes sont élevées, solides et sèches. De Gênes, je me suis rendu dans la Sardaigne, celte île aussi riche de nature, mais encore beaucoup plus abandonnée que la Sicile que nous avons parcourue ensemble. Arrivé à Portotorres , le 6 mars , je me suis dirigé sur Cagliari pour voir d’abord les provinces méridio- nales et aller ensuite vers le nord. Du 17 mars jusqu’au 8 avril, j’ai visité la province d’Iglésias, pour voir les riches districts de mines de Monte-Poni, de Fiumini- Maggiore, de Gennamare et de Monte-Vecchio. Il y a partout une grande richesse de bon minerai (de plomb argentifère) , mais les hommes capables pour conduire les travaux d’exploitation manquent presque entièrement. C’est à cause de cela que, des nombreuses en- treprises de mines qui ont été commencées, deux seulement ont réussi. Une des choses les plus imposantes que l’on puisse voir sont les grands filons quartzeux et métallifères qui traversent le terrain silurien et qui montrent des relations incontestables avec l’éruption des granités. Le plus grand et le plus riche de ces filons est le filon colossal dit de Monte - Vecchio , qui commence près du village d’Ar- bus et traverse les concessions de Monte -Vecchio , de Casargui , ïngurtosu, Gennamare, et s’étend avec, scs ramifications jusqu’à la mer à Capo-Pecora. Partout sur ce filon, on rencontre de vastes travaux antiques, faits sur un système très imparfait, et accompagnés de grandes décharges , encore si riches en galène et en carbonate de plomb qu’elles peuvent servir elles-mêmes de mines. Une excursion très instructive pour les relations entre les roches éruptives et les terrains tertiaires est celle de Monte-Vecchio , vers le bord de la mer ; il y a, dans un endroit dit Fontanaccia , des filons basaltiques qui traversent les couches pliocènes sur la plage même. On voit très peu d’altération dans les calcaires et dans les marnes au contact de la roche ignée. Ils se sont seulement un peu colorés en rougeâtre jusqu’à la distance de quelques décimètres; on trouve des pétrifications , de grands P e et en parfaitement conservés au contact 6Ü4 SÉANCE DU 18 MAI 1857. même du filon basaltique , qui, à son tour, n’a pris à sa limite que quelques petites veines de chaux carbonatée. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante : De V endomorphisme du spilite d* Jspres-les-Corps (Isère), parM. J. Fournet, professeur à la Faculté des sciences de Lyon. Dans les Alpes dauphinoises, il est souvent question d’une roche à laquelle on donne le nom de spilite et quelquefois de variolite du Drac , à cause de ses taches circulaires. J’ai dû chercher à en pré- ciser la formation, et dans ce but j’ai visité en 18A9 le centre d’éruption spilitique d’Aspres-les-Corps. Cet endroit est établi au fond d’un évasement demi-circulaire, en partie composé de roches primordiales avec des grès anthracifères, et surtout de calcaires jurassiques fortement redressés et traversés sur divers points par de grandes et puissantes masses de la roche en question qui s’élève parfois fort haut dans les escarpements. Les calcaires n’ont pas toujours été sensiblement affectés par le contact de la roche éruptive. Cependant, sur la masse principale que j’ai examinée, ils ont perdu la teinte noire qui a tourné au gris; ils sont devenus plus sonnants, plus cornés, très fendillés, au point qu’il est fort difficile d’en obtenir des échantillons. On serait tenté de dire qu’ils ont acquis un caractère cristallin plus sensible; mais à cet égard la texture variable des calcaires intacts empêche d’être affirmatif. Le spilite et le calcaire ne sont pas toujours soudés ensemble, et, là où la soudure a lieu, le fendillement du calcaire est tel que l’on ne peut pas obtenir d’échantillons un peu grands offrant la réunion des deux parties. La couleur générale de la roche spilitique est le vert sale, assez clair. Cependant à l’extérieur la rubéfaction et la rouille s’attachant à ces masses leur donnent une apparence foncée presque basaltique. La roche est généralement peu dure. Elle présente souvent dans son intérieur des joints de séparation très irréguliers, polis, striés, et dont la surface affecte une onctuosité presque serpentineuse. 11 semble que ces effets soient les résultats d’une compression effectuée sur la matière douée d’une fluidité très imparfaite. Quelquefois les superficies de ces joints sont tapissées de petits cristaux de quartz hyalin prismatique, qui s’y sont probable* Aient accumulés en vertu d’une sorte de liquation. NOTE DE M. FO URNE T. (5â5 Laissons maintenant de côté ces caractères physiques généraux pour examiner les particularités de la composition mécanique. Cette étude a dû être faite en cheminant transversalement aux filons, et encore en suivant la ligne de leur contact avec la roche encaissante, et pour cela il faut escalader c'a et là quelques abruptes de l’amphi- théâtre calcaire. Yoici le résultat de mes observations : La zone de contact est très hétérogène; elle présente cette indé- cision qui est le symptôme ordinaire d’une action endomorphique. D’ailleurs, ces effets sont déterminés par la présence d’une multitude de fragments divers plus ou moins dénaturés. Je signalerai entre autres l’existence des parties suivantes dans ce détritus. a. Menus fragments, assez abondants, d’une sorte de jaspe noir, très dur, et qui paraissent être des débris de marnes cuites. Quelques esquilles de schiste argileux ont été converties en jaspes rouges, comme cela arrive au contact des filons serpentineux de la Toscane, à cette différence près qu’ici l’effet est pour ainsi dire microscopique. b. Débris de calcaire compacte, brun ciair. J’en ai trouvé des fragments assez volumineux empâtés dans la partie spilitique, et ils ne paraissaient pas sensiblement modifiés, bien qu’ils fussent ac- compagnés de jaspes noirs que je regarde comme étant les produits de la cuisson des marnes. Celte conservation de certaines parties de calcaire peut expliquer le spilite zootique de M. Brongniart. c. Le calcaire est parfois devenu plus cristallin et plus blanc. Ces parties sont contournées, attaquées sur les bords, en sorte que l’on peut admettre qu’elles sont également de menus fragments de la roche encaissante, mais dont le ramollissement aurait été poussé suffisamment loin. d. Globules de calcaire complètement blancs, spathiques, et lames minces de calcaire blanc spalhique, tapissant les fissures de retrait de la roche. Celles-ci paraissent être des produits de ségrégation du calcaire dissous dans la roche, et très probablement les globules ne sont que des fragments complètement fondus. Fragments de quartz blanc, compacte, les uns possédant leurs angles, et les autres étant émoussés, arrondis et entourés d’une écorce verte. L’action chimique devenant d’ailleurs plus intense, on a de petites lames noires, contournées, imparfaitement cristallines, des taches noires, et des nodules qui paraissent posséder une grande tendance à passer à l’état de terre verte chloriteuse. Enfin, celle chlorile forme elle-même des taches disséminées çà SÉANCE DU 18 31 Al 1857. 6Æ6 cl là. Ces diverses concentrations sphéroïdales ont valu à la roche le nom de variolite du Drac. Suivons actuellement une route perpendiculaire à celle des épontes dont les détails viennent d’être expliqués. En tendant vers le centre des filons, la couleur de la roche de- vient un peu plus sombre qu’elle ne l’est sur les bords. D’ailleurs, le même affaiblissement des teintes que l’on remarque près des pa- rois se manifeste également dans l’ensemble des grosses branches qui s’écartent dans le calcaire, et qui enveloppent des blocs, de façon querinlîuence de la roche encaissante ne saurait être méconnue. Au centre des masses, la pâte est plus rude et plus cristalline qu'au près des parois, où la cassure n’est que très finement cris- talline. Dans l’intérieur des gros filons spililiques, les globules calcaires sont rares et disséminés par groupes; les filaments calcaires des fis- sures de retrait tendent à disparaître ; les taches noires se dessinent au contraire plus nettement et elles affectent parfois des formes pris- matoïdes donnant à l’ensemble un aspect porphyrique. Cependant on rencontre encore accidentellement des nodules et des lames obiongues ou étirées de silex, de quartz jaspoïde, quel- quefois entièrement colorées en beau vert et environnées de la sub- stance verte. De cet ensemble de faits où l’intervention des matières hétérogènes ainsi que l’influence des parois sont si manifestes, je me crois auto- risé à conclure que ces spilites doivent rentrer dans la catégorie des masses endomorphiques. Mais il reste à déterminer la roche qui, en vertu de son action dissolvante sur les parois et sur les détritus, a pu se modifier d’une si étrange manière. A cet égard je ferai remarquer que les porphyres rouges du Chipai, près de La Croix-aux-Mines, dans les Vosges, sont parfois verdis et devenus spilitiques sur leur ligne de contact avec les calcaires de transition. Des filons de minette qui traversent les calcaires de Schir- mcck affectent également une certaine ressemblance avec les spilites. D’un autre côté les serpentines tendent aussi à acquérir la même physionomie; dans l’île d’Elbe, près de Rio-la-Marina, celle qui s’est mariée aux calcaires de Santa-Catarina affecte çà et là un ca- ractère du même genre. Étant donc placé ainsi entre des roches très diverses, les unes feldspathiques et les autres serpentineuses, je me trouve dans l’im- possibilité de décider, d’autant que non loin d’Aspres se trouvent les filons de protogine tertiaires qui ont culbuté les terrains jurassi- MÉMOIRE DE M. BAYLE, m ques et qu’en général les serpentines abondent dans les Alpes. 11 faut donc multiplier les recherches, jusqu’à ce que d’heureuses rencon- tres aient fait trouver des spilites imparfaits et montrant encore la souche dont ils dérivent par suite de l’imbibition endomorphique. Cependant il me sera permis d’ajouter, à litre provisoire, que ces mu- tations paraissent liées à la présence du calcaire. M. Bayle fait la communication suivante : Nouvelles observations sur quelques espèces de Rudistes , par M. E. Bayle ; (Pi. XIII, XIV, XV). La bienveillance avec laquelle la Société a toujours accueilli les diverses communications que j’ai eu l’honneur de lui faire sur les Rudistes m’encourage à l’entretenir de nouveau sur ce sujet. Dans mes précédentes notices (i), j’ai cherché à appeler l’attention des naturalistes sur plusieurs circonstances particulières que les Rudistes offrent dans leur structure, en faisant connaître la forme des muscles, la place qu’occupent leurs impressions dans la coquille, et en décrivant l’appareil cardinal si singulier des Hippurites. J’ai fait voir que Ycirête cardinale, qu’on observe dans les coquilles de ce dernier genre, se retrouve chez les Sphérulites, mais manque dans les Radiolites , et que son absence dans le précédent type en- traîne une modification constante de l’appareil cardinal. Je me suis cru autorisé à conclure de toutes ces observations que les genres Sphœrulites et Radiolites doivent être conservés avec autant de raison qu’on peut en avoir pour maintenir le genre Hippurites. Il ne sera pas inutile de faire remarquer qu’en rétablissant les deux genres Sphœrulites et Radiolites , considérés par MM. Des- hayes, Charles Des Moulins, Aie. d’Orbigny et d’autres natura- listes, comme devant être réunis en un seul, je suis conduit à assi- gner à ces genres des caractères différentiels que le génie de Lamarck avait entrevus (2), mais dont ce grand naturaliste n’avait pu con- stater la valeur par des observations directes. (1) Bull, de la Soc. gêol. de France , 2e série, t. XII, p. 772 (1855); t. XIII, p. 71, 102 et 139 (1856). (2) Lamarck, en prenant pour type de son genre Sphœrulites le Sphœrulites foiiaceus, avait considéré la présence de Y arête cardia nalc, qui est si développée dans cette espèce, comme l’un des carac- tères essentiels de ce genre, et, lorsqu’il créa son genre Radiolites pour y placer la coquille des Corbières dont Picot de Lapeirouse avait fait ses Ostracitcs angêiodes , il émit l’opinion que les Radiolites de- SÉANCE DU 18 MAI 185?. m L’objet de celte nouvelle communication est de faire connaître l’organisation d’une espèce prise dans chacun des trois genres lia- diolites , Sphœrulites et Hippurites , et de donner un nouvel exemple de la valeur des caractères sur lesquels ces trois divisions me paraissent devoir être fondées. Je décrirai donc successivement les liadiolites Bournoni , Sphœrulites Eœninghausi et Y Hippurites cornu-vaccinum , en commençant par l’espèce qui offre la structure intérieure la plus simple, c’est-à-dire par le Radiol it es Bournoni. Radiolites Bournoni , Des Moulins, sp. ; PI. XIII, fig. 1, 2, 3. Syn. (1 826).. Sphœrulites Bournonii , Des Moulins. Essai sur les Sphérulites , p. 124. (1 826). Sphœrulites calceoloides, Des Moulins. Loc. cil . , p. I 30, Pi. IX, fig. 1 . (1847). Radiolites Hœninghausi, d Orbigny. Paléont. jrqnç.y terr. crét . , t. IV, PI. 565, 566 ( Exclus , PI. 567). (1850). Sphœrulites calceoloides. Deshayes. Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, 1. VIII, p. 127, PI. I, fig. 1 à 6. (1850). Radiolites Bournonii , d’Orbignv. Prodr. de Paléont , t. II, p. 260, n° 994. (1850). Radiolites calceoloides, d’Orbignv Loc. rit., t. II, p. 260, n° 1002. (1852). Radiolites calceoloides , Bronn et Roemer. Lethœa geognost t. II, p. 254, PI. XXXI bis, fig. 1. Le Radiolites Bournoni peut acquérir jusqu’à ^0 centimètres de longueur, depuis le sommet d’une valve jusqu’à celui de l’autre, sur vaient être dépourvues d’arête cardinale. Ce caractère, si nettement indiqué, séparait essentiellement les Radiolites des Sphérulites. Or, il arrive que le Radiolites angeiodes , dont Lamarck ne connaissait pas l’intérieur, possède en réalité une arête cardinale. Lamarck eut donc rangé cette espèce parmi ses Sphérulites , s’il avait pu voir la cavité de l’une des deux valves. Mes observations m’ayant conduit à reconnaître que plusieurs espèces de Sphérulites décrites par les na- turalistes, auxquels la science est redevable de recherches spéciales sur l’histoire naturelle de ces animaux, depuis l’établissement des deux genres Sphœrulites et Radiolites par Lamarck, ne possèdent pas d’arête cardinale, j’ai du naturellement reprendre le genre Radio- lites, et lui assignant pour caractère fondamental celui de ne pas offrir l’arête cardinale, qui ne manque jamais chez les vraies Sphérulites , en sorte que ces deux genres se trouvent être définitivement reconsti- tués avec les caractères différentiels signalés, dès 1819, par Lamarck. BulLdela Soc. Géd de Trame Note deMBayle a' série. Tome KV. pl ffll.pag S b] Racliolites Bourrumi . DesMoul Sp. 1K XlVpUV.pagr 647 ïmiyédahib .H’n'n^TiT'ifp.g . râTrm Jm ftrmlrrti: Hmjm Bull de la Soc Géol de France . $’ Série T..XIV. Pl.XlV.Paje 6Ï7. r.WilljM lmp. Lemercier, Paris Note de M. Bayle ; OJiJKLiJ MÉMOiRË DE M. BAYLE. 6^9 15 à 20 du bord cardinal au bord opposé, et 10 à 12 centimètres entre les côtés qui correspondent aux impressions musculaires. Les jeunes individus ont la forme d’une pyramide triangulaire, dont une des trois faces, plus développée que les autres, est séparée de chacune d’elles par une arête où quelques-unes des lames externes du test produisent des expansions aliformes qui sont quelquefois assez grandes ; l’arête qui sépare les deux autres faces est plus ob- tuse, et présente fort rarement les ailes, dont les deux autres sont constamment ornées. La valve supérieure est alors plane, souvent même un peu concave; son contour est triangulaire, comme l’est celui de l’ouverture de la valve inférieure. Celte forme change avec l’âge, et plus ou moins rapidement, suivant les individus. Voici comment s’opère ce changement : l’aile qui sépare les deux petites faces de la pyramide s’efface peu à peu, et il naît de part et d’autre de celle aile des plis peu prononcés qui donnent à ce côté de la coquille une apparence ondulée. Ces plis déterminent quatre ou cinq côtes arrondies, longitudinales, séparées les unes des autres par des .sillons à peu près aussi larges qu’elles. Vers le bord de la valve inférieure, chez l’adulte, les côtes et les sillons s’atténuent davantage, et alors la surface externe de cette portion de la coquille devient régulièrement cylindrique. Quant à la grande face, elle con- serve toujours sa forme aplatie, mais les ailes latérales qui la séparent des deux autres faces, devenant de moinsen moins aiguës, il en résulte que la section de la coquille d’un individu adulte offre la forme d’une ellipse aplatie d’un côté. Les lames externes du lest sont lisses; elles s’imbriquent les unes sur les autres, sans cependant for- mer de cornets divergents, comparables à ceux que produisent ces lames chez plusieurs espèces de Radiolites et de Sphérulites. On remarque néanmoins que les lames externes sont beaucoup plus rapprochées les unes des autres sur le côté ondulé qu’elles ne le sont sur la face plane de la valve inférieure. C’est à cette circon- stance qu’est due en grande partie la différence de structure que présentent les côtés plans et ondulés de la coquille. La valve inférieure est quelquefois presque droite; le plus souvent I elle est recourbée; dans ce dernier cas, la charnière correspond ! toujours à la concavité de la courbure, ('cite valve se termine par | une ouverture, d’abord triangulaire chez les jeunes individus, mais j qui a constamment la forme d’une ellipse comprimée du côté plat I de la coquille dans l’adulte. Le contour de l’ouverture est dans un plan qui est toujours oblique à l’axe de la coquille.; le limbe est ordinairement lisse ou légèrement granuleux; on aperçoit cepen- dant quelques légers sillons dichotomes, très superficiellement mar- 650 SÉANCE DU 18 MAI 1857, qués sur sa surface, et qui sont loin d'être aussi profondément accusés que le sont ceux dont est orné le limbe des Radiolites cra- terïformis , R. Joucmneti et du Sphœrulites foliaceus. Le limbe se relève uniformément autour de l’ouverture, de manière à former un cône de même base, mais plus évasé que celui de la cavité intérieure ; sur le côté aplati de la coquille, le limbe est plus relevé que sur le côté elliptique, et sa largeur y est également plus grande. La valve supérieure est plane et triangulaire dans les jeunes indi- vidus ; elle s’arrondit chez les adultes, et prend une forme demi- ellipsoïdale. A partir d’une certaine époque de son développement, die s’accroît proportionnellement beaucoup plus en hauteur qu’en largeur. Le sommet de cette valve est excentrique et rejeté vers le côté aplati. La surface externe est toujours lamelleuse, parce que les lames du test se relèvent tout autour de l’ouverture, et présentent ainsi leur tranche à l’extérieur. Le limbe, beaucoup plus développé du côté plat que sur le reste de l’ouverture, se relève sur toute l’étendue de son contour et non du côté cardinal seulement, ainsi que M. Deshayes avait été conduit à le présumer (1), d’après l’exa- men d’un individu chez lequel une portion du limbe était incontesta- blement en partie détruite. Les lames externes de cette espèce sont remarquablement celluleuses et les cellules fort grandes. Quand les lames sont usées, la surface extérieure de la coquille est couverte d’une multitude de stries longitudinales produites par les parois des cellules. Décrivons maintenant l’appareil cardinal et le système d’attaches pour les muscles, et commençons par la valve supérieure. La surface intérieure de cette valve, uniformément revêtue par la dernière lame de dépôt vitreux que l’animal a sécrétée, est à peine concave. A une certaine distance de son bord cardinal s’élève le système des dents et des apophyses musculaires (PL XIII, fig. 2,3), suivant une direction parallèle à l’axe de la coquille, et qui par con- séquent est oblique au plan que forme le contour de l’ouverture de la valve. Une base commune réunit à la coquille tout ce système apophysaire, dont le développement est énorme chez cette espèce. La charnière sc compose de deux longues dents cardinales (F et G) inégales entre elles. L’une et l’autre ont une face externe presque plane, sur laquelle on remarque des sillons longitudinaux très régu- liers, séparés par des côtes arrondies ; les autres faces des dents sont entièrement lisses. Les dents, réunies l’une à l’autre par une partie (1) Deshayes, Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. VIII, p. 129 (1830). MÉMOIRE DE M. BAYLE. 651 de leur base, sont complètement indépendantes à leur extrémité. Les apophyses destinées à l'insertion des muscles adducteurs sont placées, de chaque côté, en avant des dents cardinales; elles ne pré- sentent pas la même forme, mais chez l’une et l’autre la surface d’attache du muscle est complètement externe, et dirigée dans le sens de l’axe de la coquille. L’une de ces apophyses offre une forme triangulaire. La face externe (d) (fig. 2), sur laquelle venaient s’insérer les fibres du muscle adducteur, est légèrement convexe d’arrière en avant. Elle rappelle assez bien la forme d’un triangle isocèle tronqué au som- met, et dont le plus petit côté est placé au droit de la dent cardinale voisine (F). Celte surface est couverte de sillons irréguliers qui la divisent en un certain nombre de lobes. Le lobe, placé à côté de la dent cardinale, est le plus distinct de tous, et l’on pourra remarquer que vers l’extrémité de la dent il se termine par une pointe arrondie qui dépasse, très sensiblement, le bord inférieur rectiligne de l’impression musculaire. Ce premier lobe de l’impression musculaire peut être observé dans toutes les espèces de Radiolites; quelquefois même il acquiert un tel développement, et le sillon qui le sépare du reste de l’impression musculaire est si prononcé, qu’on serait tenté de considérer ce lobe comme étant un dédoublement de la dent cardinale voisine; mais l’irrégularité des sillons creusés sur la face externe de ce lobe con- traste d’une manière si frappante avec la régularité des cannelures de la dent cardinale, qu’il est impossible d’hésiter un seul instant à le regarder comme étant un lobe détaché de l’apophyse musculaire. Le Radiolites ingens fournit un exemple de cette particularité curieuse. Un large sillon sépare l’une de l’autre les surfaces extérieures de ia dent cardinale (F) et de l’apophyse (d) ; néanmoins, cette apophyse est liée à la dent cardinale dans presque toute son étendue. L’apophyse destinée à recevoir le second muscle adducteur n’est plus triangulaire comme la première, mais quadrangulaire. La sur- face (e), sur laquelle s’inséraient les fibres du muscle, convexe d’avant en arrière, a la forme d’un rectangle dont les angles sont fortement émoussés. Des sillons nombreux, irréguliers, y sont creusés ; mais ils n’y produisent jamais un petit lobe semblable à celui qui se dé- tache constamment de la première apophyse. Un pédicule étroit rattache cette apophyse à la dent cardinale voi- sine (G), et produit ainsi, entre elles, une échancrure profonde (a, fig. 1). Dans toutes les espèces de Radiolites et de Sphéruliles , la même particularité se présente constamment : l’apophyse qui 652 SÉANCE l)L 18 MAI 1857. donne attache au second muscle adducteur (e) se relie toujours à la charnière (G) par un pédicule bien plus grêle que celui qui soucie l’autre apophyse (d) à la première dent cardinale (F). Il est donc impossible que ce canal n’ait pas été destiné à jouer un rôle important dans l’organisation du singulier mollusque qui habitait celte co- quille. Voici ce que je suis conduit à conjecturer à ce sujet. Chez tous les mollusques acéphalés lamellibranches dont la co- quille est pourvue de deux muscles adducteurs, la bouche est con- stamment placée auprès du muscle antérieur, et l’intestin, avant d’aller se terminer à l’anus, passe toujours entre la charnière et le muscle postérieur. Or, dans les Radiolites et les Sphérulites , la charnière étant formée de deux longues dents et les muscles s’in- sérant eux -mêmes sur deux apophyses très proéminentes dans l’in- térieur de la coquille, il en résulte de toute nécessité que pour pouvoir passer entre la charnière et le muscle postérieur, l’intestin devait trouver un canal profond ouvert entre la seconde dent cardi- nale et l’apophyse d’insertion du muscle postérieur, car sans cela il eût été obligé de contourner la surface interne de l’apophyse, et de venir alors se terminer à l’extrémité du muscle en un point où l’anus n’est jamais placé chez les mollusques. On conçoit aussi pour- quoi l’échancrure [a) ne devait exister qu’entre une seule des deux apophyses et la dent voisine. Je suis donc très porté à présumer que l’échancrure (a) n’avait d’autre but que celui de fournir un passage à l’extrémité anale du tube digestif. Il résulte de cette observation que je puis désormais employer, pour désigner les divers éléments dont se compose la charnière, ainsi que le système musculaire des Radiolites , une no- menclature beaucoup plus en rapport avec les caractères zoologiques que celle dont je m’étais servi jusqu’à présent dans mes précédentes communications. Je supposais, en effet, la valve inférieure de la coquille des Ru- distes comme étant placée dans une position telle que son axe fût vertical, et que la charnière fût opposée à l’observateur. Le contour de l’ouverture se divisait alors en quatre parties, savoir : le bord cardinal , le bord droit , le bord antérieur pincé en regard du côté cardinal, et eniin le bord gauche opposé lui-même au côté droit. Or le bord gauche ainsi défini est celui qui correspond à l’impres- sion du muscle adducteur antérieur, ou bien au côté buccal de l’animal; le bord droit, au contraire, correspond à l’empreinte du muscle postérieur, c’est-à-dire au côté anal du mollusque, et le bord antérieur, placé entre les côtés droit et gauche, occupe une position telle que la grande ouverture du manteau devait s’appuyer MÉMOIRE DE M. BAYLE. 65S contre lui ; il est donc en rapport avec l’appareil respiratoire du mollusque. Nous remplacerons donc désormais les mots bords droit, antérieur et gauche par ceux de côté anal ou postérieur , de côté branchial , et de côté buccal ou antérieur . Alors les quatre parties du contour des valves seront désignées par des expressions en har- monie avec les noms des organes du mollusque qui leur corres- pondent. Décrivons maintenant l’intérieur de la valve inférieure. Cette valve présente une cavité uniformément revêtue par une lame de dépôt vitreux, et dont la profondeur varie suivant les individus, mais qui dans les adultes ne dépasse guère le tiers de la longueur de la valve. Les lames de dépôt vitreux, que le manteau de l’animal a successi- vement sécrétées, sont très diversement espacées, et laissent entre elles des vicies fort irréguliers. ! a coupe (fig. 1) fait voir que pour produire ces lames, l’animal soulevait son corps par portions, car la plupart d’entre elles nes’étendent pas d’un bord à l’autre de la cavité. Les deux impressions musculaires sont superficielles, et leur forme est exactement la même que celle qu’elles présentent dans l’autre valve. Leur surface est également creusée par des sillons très irrégu- liers. Quand la coquille était fermée, les deux surfaces d’attache de l’un et de l’autre muscle étaient très rapprochées l’une de l’autre, circonstance qui devait contribuer à augmenter la puissance de ces muscles. En arrière des deux impressions musculaires sont les alvéoles [f, g) des deux dents cardinales (F, G); elles sont accolées à la paroi de la valve et ouvertes dans toute leur longueur; leur face profonde porte des sillons longitudinaux, réguliers, remplissant l’office de coulisses pour recevoir la surface cannelée des dents cardinales. Elles sont complètement séparées l’une de l’autre, et non réunies dans la partie centrale des valves, comme cela a lieu chez les Sphé- rulites. Il en résulte que la grande cavité antérieure (M) communique largement avec la cavité cardinale (S), sans qu’on aperçoive la moindre différence dans la nature de la couche du tissu vitreux qui recouvre uniformément toute la surface interne de la coquille. Celte observation est très importante ; elle prouve de la manière la plus évidente que la cavité cardinale (S) a logé une portion du corps de l’animal et non un ligament élastique interne, comme le pensait notre savant confrère M. Deshayes (1). Chez les mollusques acéphalés, dont la coquille est pourvue d’un liga- (1) Deshayes, Bull, de la Soc . géol. de France , 26 sér., t. VIÜ p. *29 (1850). SÉANCE DU IB MAI 1857. 65A mon!, les Grassatellfs, par exemple, on voit en effet ejue la fossette des- tinée à le loger est constamment remplie parcet appareil, depuisl’extré- mité des crochets jusqu’au bord de la ligne cardinale interne, quelle que soit la taille de l’individu observé ; en sorte qu’une Crassatelle adulte conserve dans toute son intégrité le ligament dont les valves de sa coquille ont été pourvues depuis l’époque où il a commencé à les réunir l’une à l’autre. S’il en avait été ainsi chez le Radiolites Bournoni , la fossette (S) occuperait toute la longueur de la coquille, depuis le sommet de chaque valve jusqu’au bord cardinal de son ouverture. Or le fond de cette fossette (S) s’élève dans la coquille, en même temps que celui de la cavité antérieure (M), et il est formé par le prolongement de la couche de dépôt vitreux dont cette der- nière est revêtue. Il résulte de cette observation que la cavité cardi- nale (S) communiquant avec la région antérieure de la coquille par la large ouverture que les dents cardinales laissent entre elles à leur extrémité a dû nécessairement loger une portion charnue du mol- lusque et non un ligament élastique. Il n’est désormais plus possible d’admettre l’existence d’un liga- ment chez les Budistes. Tout est disposé chez ces curieux mollusques pour que cet appareil manque à leur coquille. La charnière elle- même est construite sur un tout autre plan que celle des lamelli- branches ordinaires, précisément à cause de cette absence du ligament. Au lieu de s’ouvrir par un mouvement de bascule autour d’un point de sa circonférence, la valve supérieure se soulevait, au contraire, dans le sens de l’axe de la valve inférieure. Les dents cardinales servaient à diriger ce mouvement oscillatoire, les can- nelures si régulières qui sont creusées sur leur face postérieure et pé- nétraient dans les rainures des alvéoles rendaient impossible tout autre mouvement, quelque léger qu’on pût le supposer. Il suffisait à l’ani- mal de contracter les fibres d’un muscle circulaire placé sur le bord de son manteau pour que la valve supérieure se soulevât. Les muscles adducteurs, en se contractant à leur tour, déterminaient le rapprochement des valves. Le Radiolites Bournoni a été décrit pour la première fois, en 1826 par M. Charles Des Moulins (1). Sous le nom de Sphœrulites calceoloides , le même naturaliste a décrit et figuré (2) un jeune indi- vidu de ia même espèce. Je me suis assuré de ce fait en étudiant les types eux-mêmes de ces espèces pendant un voyage que j’ai fait en (1) Voyez Charles Des Moulins, Essai sur les Sphérulites, p. 124 (1826). (2) Des Moulins, loc. cit p. 130, pi. IX, fig. 1. MÉMOIRE DË M. RAÏLË. 655 1856 à Bordeaux, dans le but spécial d’aller étudier la précieuse collection que le savant auteur de Y Essai sur les Sphér alites a si généreusement donnée au Musée de la ville. Notre confrère M. Deshayes, à son tour, a publié dans le Bulle- tin (1) un mémoire très intéressant dans lequel il a le premier fait connaître les muscles et l’appareil cardinal de cette coquille, d’après un fort bel exemplaire que M. Sæmann avait découvert dans la craie de Saint-Mametz (Dordogne). La cavité des valves dans cet exemplaire était très bien conservée ; les dents seules s’étaient brisées lorsqu’on chercha à ouvrir la coquille, et une portion de leur extrémité était restée engagée dans l’alvéole correspondante. M. Deshayes décrivit de la manière suivante la cavité de la valve inférieure : « La valve inférieure est au moins trois fois plus grande que la » supérieure ; sa cavité, quoique profonde, est réellement peu con- » sidérable en proportion de la taille de la coquille ; elle est assez » régulièrement conique ; elle présente en arrière et de chaque » côté deux arêtes presque parallèles qui divisent la cavité en deux » portions inégales : l’une antérieure, très grande, occupée par » l’animal ; l’autre postérieure, plus petite, était destinée à recevoir » un ligament puissant; mais cette partie de la coquille n'est point » entière. Les deux arêtes dont nous venons de parler sont les débris » d'une large cloison , dont la reproduction ne s’est point opérée » dans l’individu que nous décrivons. Dans l’épaisseur de cette cloi- » son sont contenues deux grandes cavités dans lesquelles sont » réunies les dents cardinales de la valve opposée. Une grande partie » des parois de cette cavité a été dissoute, et les dents cardinales, » soudées sur les parois externes, n’ont pas été détachées; on en voit » encore en place les débris. » Les deux arêtes presque parallèles dont M. Deshayes signale l’existence de chaque côté ne sont autre chose que les deux bords de chacune des alvéoles dentaires. Ces deux bords n’étaient nulle- ment brisés dans l’exemplaire qui a servi de type à cette description, en sorte que ce ne sont pas les débris d'une large cloison allant d’un bord à l’autre de la coquille, et isolant ainsi la cavité antérieure occupée par l’animal d’une autre cavité postérieure plus petite, des- tinée à recevoir un ligament puissant. Une pareille cloison n’existe ni dans le Badiolites Bournoni , ni dans aucune autre espèce de Radiolite, tandis qu’au contraire une cloison transverse se trouve toujours chez les vraies Sphérulites ; Son absence dans les Radio- (1) Voyez Deshayes, Bull, de la Soc . géôl. de France ? 2e série, t. VIII, p. 127, pi. I, fig. 1 à 6 (1850). 65(5 séance nu 18 mai 1867. lites entraîne également celle de Y arête cardinale, caractéristique des Sphérulites. On voit donc que M. Deshayes était convaincu que dans cette espèce l’appareil cardinal devait être construit sur le même plan que celui de la Sphérulite, dont ce savant a su le premier reconsti- tuer la charnière. C’est en obéissant sans doute h cette préoccupation que JM. Deshayes a laissé échapper l’occasion, que lui offrait le bel exemplaire étudié par lui, de découvrir l’organisation des Radio - lites qui est si différente de celle des vraies Sphérulites. Le savant auteur de la Paléontologie française a figuré, de son côté, sous le nom de Sphœrulites Hœninghausii, dans les planches 565 et 566 de son grand ouvrage, un exemplaire qui appartient incontestable- ment au Radiolites Bournoni. J’ai vu ce Rudistedans la collection de d’Orbigny; c’est un individu qui a été recueilli sur le bord de la mer, au pied de la falaise crayeuse des environs de lloyan. La valve supérieure et une portion seulement de la valve inférieure sont conservées ; la moitié inférieure de cette dernière manque complè- tement; l’extrémité seule du biroslre en tient la place. D’Orbigny, pour donner une figure entière de cet échantillon, a fait restaurer la pointe de la coquille, en se guidant sur la disposition que présentent les lames au pourtour de l’ouverture. Or le Radiolites Bournoni , jeune, ayant la forme d’une pyramide triangulaire, il en résulte que les figures données dans les planches 565 et 566 de la Paléontologie française ne représentent pas plus le Sphœrulites Hœninghausi (type) qu’elles ne donnent une idée vraie de la forme du Radiolites Bournoni. Ce sont des figures entièrement théoriques. Le Radiolites Bournoni est assez commun dans la craie supé- rieure de Saint-Mametz (Dordogne) ; on l’y trouve associé avec les Radiolites ingens et Jouanneti , les Sphœrulites cylindraceus et Toucasi , et Y Hippurites radiosus. M. Des Moulins l’a rencontré dans la partie supérieure des falaises de Royan et de Talmont (Charente-Inférieure), et dans le ravin de la Vache-Pendue, vallée de la Couze (Dordogne). Il n’est pas inutile de faire remarquer que les individus de cette espèce que l’on trouve à Saint-Mametz sont constamment couchés sur leur face aplatie, et je suis porté à croire qu’ils occupaient une position semblable sur la vase, au fond de la mer crétacée. Le côté plat correspondant à la partie antérieure ou buccale du mollusque, on voit qu’alors ces animaux étaient exactement placés au fond de la mer, comme le sont un grand nombre d’autres mollusques, c’est-à-dire la tête en bas et la région anale en haut. Étudions maintenant le Sphœrulites Hœninghausi . MÉMOIRE DE M. BAYLE. 057 Sphœrulites Hœninghausi , Des Moulins. PI. XIV, fig. 1, 2, 3, lu Syn. (1819). Birostrites inœquiloba, Lamarck. Hist. nat. des anirn . sans vert., t. VI, p. 236. (1822). Jodamia bilinguis , Defrance , Dict. des sc. nat., t, XXIV, p. 230 ; Atlas, t. X, PI. 82, fig. 2. (1822). Jodamia cas tri , Defrance. L<)C. cil., t. XXIV, p. 230 ; Atlas, t. X, PI. 82, fig. 1 a, 1 />, 1 c. (1825). Birostrites Duchateli, de Blainville, Manuel de Ma - lacol., p. 518. (1825). Jodamia Duchateli , de Blainville. Loc. cit., PI. 58, fig. 1 , a, b, c. (1825). Birostrites inœquiloba , de Blainville. Loc. cit., p. 517. (1825). Jodamia bilinguis, de Blainville. Loc. cit., PI. 58, fig. 2. (1826). Birostrites Duchateli , de Blainville. Dict. des sc. nat., t. XXXII, p. 306. (11326). Sphœrulites Jodamia , Des Moulins, Essai sur les Sphéi;ul . , p. 100. (1826); Sphœrulites Hœninghausi , Des Moulins. Loc. cit., p. 118, PI. VI, fig. 2, PI. VII. (1826). Sphœrulites dilatata, Des Moulins. Loc. cit., p. 128, PI. VIII, fig. 1, 2, 3. (1826). Sphœrulites crateriformis , Des Moulins. Loc. cit., PI. VI, fig. 1 [Exclus, PI. I et II). (1837). Sphœrulites crateriformis, Bronn. J^ethœa geognost., p. 692, PI. 31, fig. 3. (1 840) . Hippurites Hœninghausi , Goldfuss. Petrejact. German., p. 304, PI. 164, fig. 3 a, b , c. (1 842). Racliolites acuta, d’Orbigny. Ann. des sc. nat. , t. XVII, p. 188. (1847). Radiolites Hœninghausi, d’Orbigny. Palcont. franc., terr. crêtac t. IV, p. 223, PI. 567. [Exclus , PI. 565, 566). (1847). Radiolites dilatata, d’Orbigny. Loc. cit., p. 225, PI. 568, fig. 1, 2, 3, 4. (1847). Radiolites acuta, d’Orbigny. Loc. cit., p. 228, PI. 571, fig. 4, 5, 6, 7, 8. (1850). Radiolites Hœninghausi, d’Orbigny . Prodr. de paléont. , t. II, p. 260, n° 995. (1850). Radiolites dilatata , d’Orbigny. Loc. cit., p. 260, n° 995. (1850). Radiolites acuta , d'Orbigny. Loc. cit., p. 260, n° 997. (1852). Radiolites Hœninghausi, Bronn et Rœmer. Lethœa geognost . , t. II, p. 257, PI. 31, fig. 3. Soc. gèol. , 2ft série, tome XIV. 42 SÉANCE Dû 'IB MAI 1857. 658 Syn. (1855), Radiolites Hœninghausi , Woodward, Quart. Joarn. of-the gcol. Sor . ftj London , t. Xï, p. 49, fig. 1 5. I 6. (1855). Radiolites acutus, Woodward. Zoc. c/t*., Pi, V, fig. 3, ! Celte espèce, malgré les variations nombreuses qu’elle présente* ; conserve des caractères assez constants. La valve inférieure, toujours plus grande que la supérieure, res- semble à un cône évasé, couvert extérieurement de larges lames I foliacées très irrégulières. Elle présente une large surface plane 1 : qui correspond au côté buccal et à une portion du côté cardinal ; sur celle surface, les laines externes se relèvent vers le bord de la valve, | mais sans se séparer les unes des autres, pour former des cornets j emboîtés. Elles sont, au contraire, très irrégulièrement ondulées sur les autres faces de la valve. Malgré ces ondulations irrégulières des >m lames, on peut voir deux sinus se dirigeant du sommet vers le bord de la coquille, dans lesquels la courbure des lames offre plus de ji régularité. Ces sinus se rencontrent dans un grand nombre d’espèces 1 de Sphérulites ; on les reconnaît très bien dans les Sphœrulites Toucasi, ponsianus, Moulinsi, radiosas , angeiodes, etc. , etc. Ils occupent une- position constante dans la coquille: l’un d’eux est il toujours placé sur Se côté branchial, en face de la charnière, el le il second, plus ou moins voisin du premier, suivant les espèces, est constamment sur le côté anal. Ces deux sinus, par leur position, rappellent de la manière la plus frappante les deux bandes externes qui existent chez quelques espèces de Radiolites , telles que, par exemple, les Radiolites ingens , fissicostatus, canaliculatus, roya - [ nus, angulosus, lumbricalis, cornu-pastoris , et qui sont remplacés { par les deux piliers internes chez les Radiolites cr ateri fourni s et i Jouanneti. La valve supérieure est elliptique comme l’inférieure, mais beau- j coup moins haute ; elle reste assez longtemps plane, et ne devient convexe que dans les vieux individus. Elle est aussi très irrégulière- j ment lamelleuse. Son sommet est excentrique; il est rejeté vers le i bord anléro -cardinal. Les lames de dépôt vitreux qui tapissaient l’intérieur des valves, ! et principalement celui de la valve inférieure, étaient très minces et très fragiles dans cette espèce ; aussi ces lames ont-eiles été très sou- Event détruites par un phénomène fort curieux de la fossilisation. Ces âmes, en elfet, ont disparu, lorsque les sédiments qui avaient rem- pli la cavité des valves, après la destruction complète des parties modes de l’animal, étaient déjà consolidés. îl en résulte que, dans ce cas, la coquille, réduite aux lames externes du lest, offre dans son MÉMOIRE DE M. BAYLE . 659 intérieur un moule laissant un espace vide entre sa surface externe et celle de la cavité qui le contient. L’existence de ce vide, unique- ment due à la disparition des lames intérieures de dépôt vitreux, avait suggéré à M, Des Moulins la pensée qu’une enveloppe cartila- gineuse de l’animal en avait tenu la place, opinion qui le conduisit h regarder les Rudistes comme étant des animaux intermédiaires entre les Tumciers et les Conchyfcres. Celte opinion ne peut plus être soutenue aujourd’hui. À Royan (Charente-Inférieure) , à Sourzac, ainsi que dans les autres localités du département de la Dordogne où cette espèce est très commune, on ne rencontre jamais un exemplaire dont les couches internes du test soient conservées ; mais une circonstance heureuse ayant permis à M. Marrot, inspecteur général des mines, de découvrir aux environs de Rihérac une valve supérieure trans- formée en silice, dont toute la charnière, ainsi que les apophyses musculaires, sont dans un étal de conservation à peu près parfaite, il me sera possible de faire connaître, en décrivant cette pièce re- marquable, toute l’organisation intérieure de cette espèce de Sphé - rulite. Décrivons^ la donc maintenant. Cette valve appartient incontestablement à un individu adulte do Sphœrulites Hœmnghaüsi. Elle est remarquablement convexe ; son sommet n’est pas central, mais rapproché du bord antéro-postérieur. Arrondie sur tout le pourtour de ses bords postérieur, branchial et cardinal, elle est notablement comprimée sur son bord antérieur. Les lames externes du lest sont en grande partie détruites ; le bord car- dinal présente une scissure profonde, remontant presque au sommet de la valve, et qui correspond au repli que font les deux lames com- posant l’arête cardinale (À). Lorsque les lames internes du lest ont été détruites par la fossilisation, tandis qu’au contraire les lames externes se sont conservées , la cavité présente alors une carène aiguë, peu saillante, occupant la place de l’arête cardinale. La saillie que fait l’arête cardinale dans l’intérieur de la valve est très grande. Les deux lames qui la composent, juxtaposées dans presque toute son étendue, se séparent en arrière des dents cardi- nales, et déterminent ainsi une petite cavité (V, fi g. 3) analogue à celle dont j’ai déjà signalé l’existence à l’extrémité de l’arête cardi- nale du Sphœrulites fotiaceus (1). Cependant, dans cette dernière espèce, la cavité (Y) est proportionnellement plus grande que celle (1) Bayle, Observations sur le Sphærulites foliaceus ( Bail, de la Soc. géol, de France. série, t, Xlif, p, 71, PL I), 660 SÉANCE LU 1S MAI 1857. du S. Hœninghausù La cavité (Y) paraît exister chez tons les Sphérulites ; j’en ai constaté la présence chez les S. radiosus , angeiodes , cylindmceus, Toucasi , Mcmlinsi, ponsianus, etc. Les dents cardinales, ainsi que les apophyses destinées aux attaches des muscles adducteurs, sont extrêmement développées dans cette espèce. Les dents cardinales sont très inégales : la première (F), située du côté antérieur, est la plus grande des deux ; elle est très longue d’avant en arrière et comprimée latéralement ; sa coupe transver- sale serait donc quadranguiaire ; elle offre en arrière un profil con- cave, tandis qu’il est convexe en avant. Cette circonstance est due à ce que la dent cardinale, soudée à la coquille à une certaine distance de l’ouverture, se recourbe à son extrémité libre vers le bord car- dinal, disposition que fait clairement comprendre l’examen de la figure 1. L’extrémité de cette dent est brisée; j’ignore si elle était beaucoup plus grande, et quelle devait être la forme de son extrémité, La seconde dent cardinale (G) est presque entière; elle est moins longue que la première, beaucoup moins forte, et également re- courbée d’avant en arrière; elle offre en outre cette particularité singulière d’être tordue sur elle-même de gauche à droite. Les dents cardinales du S. Hœninghausi diffèrent notablement de celles de ia plupart des Sphérulites par leur courbure d’avant en arrière, la torsion de l’une d’entre elles, ainsi que par leur inégalité. L’axe de ces dents est généralement droit chez les Sphérulites; on le voit très bien, par exemple, dans les S. cylindraceus , Sauvagesi et ponsianus. Quoi qu’il en soir, et malgré leur courbure, les dents ne pouvaient glisser dans leurs alvéoles que suivant le sens de leur axe, la torsion de la seconde dent (G) rendant impossible tout mouvement de bas- cule de la valve autour d’un point quelconque de sa circonférence, quelque faible qu’on pût supposer ce mouvement. Les attaches des muscles adducteurs sont portées par deux apo- physes très inégales. L’une d’elles (e), sur laquelle s’insère le muscle adducteur posté- rieur, est nettement séparée de la dent cardinale voisine (G) par une gorge qui règne dans toute sa longueur, et que je regarde comme destinée au passage de l’intestin, avant sa terminaison anale. Cette apophyse est fort longue, droite dans sa partie antérieure (e, fig. 1 et 3), tandis que son bord postérieur participe à la courbure de la charnière; il résulte de celte disposition que la surface sur laquelle s’insère le muscle est plus large que ne l’est la racine de l’apophyse. L’empreinte est ellipsoïdale et dans un plan perpendiculaire à l’axe MÉMOIRE DE M. BAYLE. de l’apophyse, ce qui prouve que la paroi de la valve inférieure qui porte l’empreinte du muscle postérieur est sensiblement horizontale et non parallèle à l’axe de cette valve, ainsi que cela a lieu dans le Radiolites Bournoni, et dans le plus grand nombre des espèces de Radiolites et de Sphérulites. L’autre apophyse (d), deux fois moins saillante que la première, présente en même temps une forme tout autre ; elle est séparée de la dent cardinale voisine (F) par une rainure étroite et peu pro- fonde. La surface pour l’insertion du muscle adducteur antérieur qui la termine est triangulaire, la base du triangle étant en regard de la dent (F), tandis que le sommet, fort peu émoussé, est du côté opposé. L’impression du muscle adducteur antérieur est donc plus étendue d’arrière en avant dans cette espèce que celle de l’adducteur postérieur. Une disposition contraire se présente chez quelques Sphérulites . Ainsi l’empreinte du muscle anal est beaucoup plus étendue d’ar- rière en avant que celle du muscle buccal dans le Sphœrulites cy- lindraceus, par exemple; mais dans toutes les Sphérulites, l’empreinte du muscle antérieur a constamment une forme plus ou moins trian- gulaire, tandis que l’autre est ellipsoïdale. Les deux apophyses musculaires de notre valve supérieure du S. Hœninghausi tendent à se réunir en avant par deux crêtes qui en prolongent la base, et circonscrivent nettement la cavité viscé- rale (M). Ces crêtes déterminent les deux rainures qui, dans les moules intérieurs de celte coquille, séparent le petit cône du birostre du bourrelet circulaire qui l’entoure. En arrière de la charnière et de chaque côté de l’arête cardinale se trouvent deux cavités (U) assez profondes et inégales entre elles, que je propose d’appeler cavités postéro-dentaires. Le fond de ces ca- vités est rempli de lames saillantes, très irrégulières dans leur forme, et qui sont formées par le dépôt vitreux. Ces lames adhèrent par leur base au fond des cavités (U), et sont libres dans tout le reste de leur longueur. Elles sont beaucoup plus nombreuses dans la cavité postéro-denlaire située du côté anal que dans l’autre. Ces lames existent toujours chez les S. Hœninghausi adultes, mais elles manquent complètement chez les jeunes individus; ce sont elles qui ont produit, sur le côté cardinal des moules, les quatre cônes criblés de cavités, auxquels M. Charles Des Moulins a donné le nom d 'ap- pareil accessoire des biroslres. Les cavités postéro-dentaires étant déterminées par Y arête cardi- nale et la forme particulière de la charnière existent chez toutes les espèces de Sphérulites , mais leur grandeur varie suivant la saillie 662 SÉANCE 1)U 18 MAI 1857. plus ou moins grande que fait l’arête cardinale. Elles ne sont pas toujours obstruées par des lames analogues à celles que présente le S. Hœninghausi , et l’on remarque que ces lames manquent complé- ; tentent dans les espèces chez lesquelles les cavités postcro-dentaires sont plus petites, dans le S. alatus, par exemple. Les cavités posléro-dentaires (U) des Sphérulites représentent la cavité cardinale unique (S) des Radio lit es ; mais il est difficile d’ad- mettre qu’elles aient pu loger quelques-uns des viscères de l’animal. Je suis porté à croire, au contraire, que la peau qui en tapissait les parois ne sécrétait une aussi grande quantité de lames de dépôt nacré que parce que cette peau n’enveloppait aucun organe jouant un rôle important dans l’animal de la SpAérul ite. La production de ces lames serait alors quelque chose d’analogue à celle de ces concrétions irrégulières que plusieurs mollusques sécrètent dans leur coquille, et avec lesquelles on fait les perles si recherchées par les bijoutiers. La cavité (M), destinée à loger une portion des viscères du mol- lusque, présente la forme d’un cône dont l’axe est recourbé sous les apophyses cardinales ; elle est assez grande. Entre les apophyses musculaires et le bord de l’ouverture, la surface de la valve présente une dépression assez profonde, dont Se moule est représenté par la moitié supérieure du bourrelet circulaire des birostres Le moule inférieur du Spliœrulites Hœninghausi se rencontre très fréquemment dans les champs du Périgord et des deux Cha- rnues. On peut même à Royan, à Sourzac (Dcrdogne), parvenir à en retirer de très complets de la cavité intérieure d’un grand nombre d’individus, parce que dans ces localités la coquille est dépouillée de ses lames de dépôt vitreux, et que le moule n’adhère en aucune façon aux valves. Ce moule a été figuré d’une manière remarquable par Goldfuss dans la planche 164 (fig. 3 a, 6, c) de son bel ouvrage, et par d’Or- bignv, planche 567 delà Paléontologie française ; M. Charles Des Moulins en a donné une excellente description (1). On peut très bien comprendre la signification de chacune des parties qui constituent ce moule (birostre des auteurs), d’après la description de la valve supérieure que nous venons de donner. En effet, il se compose de deux cônes très inégaux entre eux, réunis par une base commune. Le plus grand nombre des deux cônes corres- pond à ia cavité viscérale (M) de la valve inférieure, et le plus petit à la cavité analogue de l’autre valve. La base des cônes est entourée (t) Charles Des Moulins, Essai, sur les Sphérulites , p. 62 (1826). MÉMOIRE DE M . BAYLE. 665 par un bourrelet ellipsoïdal, anguleux en son contour, qui répond exactement au point où le bord de la cavité interne d’une des valves venait s’appliquer contre l’autre. Le bourrelet se sépare complètement des deux cônes du birostre dans une portion de sa circonférence, et laisse ainsi une cavité entre eux et lui. On reconnaît facilement dans cette cavité irrégulière les gaines produites par la destruction du test des apophyses muscu- laires et des deux dents cardinales. Une fente profonde divise la por- tion du bourrelet, ainsi détachée des deux cônes du birostre, en quatre proéminences coniques constituant Y appareil accessoire des birostres. Ces quatre cônes accessoires ont une base commune comme ceux du birostre; ceux qui accompagnent le grand cône du birostre sont constamment plus grands que les deux autres ; leur structure est lamello-caverneuse. Ces cônes ne sont autre chose que les moules des quatre cavités postéro-dentaires, et la fente qui les sépare a été produite par l’arête cardinale. Les impressions muscu- laires se voient très bien sur la surface extérieure du grand cône du bi- rostre; elles sont superficielles et très finement ramifiées. C’est au fond des deux gaines apophysaires que l’on aperçoit les autres empreintes musculaires. Les birostres fournissent des caractères précieux pour Sa détermination des diverses espèces de Sphérulites , car leur étude permet d’apprécier les caractères internes de ces coquilles qui sont constamment indépendantes des nombreuses variations de formes que plusieurs d’entre elles affectent II serait très facile de rétablir la cavité de la valve inférieure du S. Ilœninghausi, à l’aide de la connaissance que nous avons à présent de la structure de l’autre valve et du birostre; mais celle description serait inutile à faire, quant à présent. Le moule intérieur du Sphœrulites Ilænmgkausi était connu bien longtemps avant que la coquille de cette espèce fût décrite par les naturalistes. Il a servi de type au genre Birostrites de La- marck et à celui AeJodamia de Defrance. M:. Des boulins le premier donna, en 1826, une description avec une figure de i’espèce, en lui imposant le nom de S. Hœninghausi, qui a été adopté depuis Sors par tous les naturalistes (!) ; mais M.. Des Moulins décrivit en même temps, sous les noms de S, Jodamia et de S. dilatata, des individus (1) Je crois donc devoir conserver à cette Sphcrulite le nom spéci- fique d 'Hœninghausi , aujourd’hui accepté par tous les géologues, plutôt que de reprendre le nom le plus ancien qui lui a été attribué, au risque de paraître ne pas vouloir me conformer 5 des principes dé priorité, que la plupart des paléontologistes cherchent à faire prévaloir 66A SÉANCE DU 18 MAI 1857. appartenant à de véritables S. Hœninghausi , ainsi que j’ai pu le constater par l’examen direct des types qui ont servi à l’établisse- ment de ces deux prétendues espèces., Le même naturaliste a rap- porté au Radiolites crateriforrnis un biroslre (PL VI, fig. 1) qui est, sans aucun doute possible, celui du S. Hœninghausi. D’Orbigny a représenté, dans la planche 567 de la Paléontologie française , le birostre de cette espèce; mais les planches 565, 566, ainsi que nous l’avons dit plus haut, ont été dessinées d’après un mauvais exemplaire du Radiolites Bournoni. La planche 568, au contraire, contient d’excellentes figures du S. Hœninghausi ; seule- ment l’auteur les donne comme étant celles de son R. dilatata. Les moules intérieurs, dessinés dans la planche 571 (lig. A, 5, 6, 7 et 8) sous le nom de Radiolites acuta , appartiennent encore à de jeunes individus du S. Hœninghausi. Le Sphœrulite s Hœninghausi est.très commun dans la craie supé- rieure des falaises situées à l’embouchure de la Gironde, à Royan, à Saint-Georges de Didonne, à Meschers, à Talmont. On l’y trouve associé avec les Sphœrulites alatus , S. Sœmanni , Radiolites crateriforrnis , R. fissicostatus , R. acuticostatus et R. roganus. On le rencontre également à Ribérac, à Sourzac, à Neuvic et à Saint-Mametz dans le département de la Dordogne. A Saint-Mamelz, il se trouve dans une assise crayeuse incontestablement située au- dessous des calcaires jaunâtres friables, dans lesquels abondent les Radiolites Bournoni , R. ingens , R. Jouanneti , Sphœrulites cylin- draceus , S. Toucasi et Hippurites radiosus. M. Triger a retrouvé cette espèce dans la craie supérieure de la montagne Saint-Pierre près de Maestricht; les couches crayeuses de cette colline célèbre renferment en outre de nombreuses espèces fossiles, et entre autres les Ostrea frons , Ostrea larva , Conoclypeus dans la science, bien souvent sans aucun avantage pour ses progrès. Lamarck, en effet, avait dès 1 819 imposé le nom spécifique d 'inœqui- loba à une espèce de son genre Birostrites. Or, le B iras tri tes inœqai- loba n’est que le moule intérieur d’une espèce de Rudistes, dont la coquille était complètement inconnue à cette époque. C’est donc en réalité à M. Des Moulins qu’on doit la connaissance de cette coquille. Or, ce naturaliste, en la décrivant pour la première fois, avait le droit de lui imposer un nouveau nom spécifique, d’autant plus que celui d 'inœquiloba ne pouvait convenir qu’à un birostre et non à une coquille de Sphérulite . L’usage a consacré le nom donné par M. Des Moulins; je m’y suis conformé, et j’ose espérer que les géologues ne me désap- prouveront pas. MÉMOIRE DE M. BAYLE. 666 Leskei, Orbitolites media , qui sont également très communes dans la craie des falaises de Royan. Passons maintenant à la description de Y Hippur ites cornu-vacci- nurn. Hippurites cornu-vaccinum , Broun. PI. XV, fig. 1, 2, 3. Syn. (4 826). Sphœrulites bioculata , Des Moulins. Essai sur les Sphérul., p. 14 5, PL Y. (1826). Sphœrulites imbricata , Des Moulins. Loc. cil., p. 116. (1 832). Hippurites cornu-vaccinum, Bronn. Jahrb. jür Miner. t p. 171. (1837). Hippurites cornu-vaccinum, Bronn. Lcthœa geognosl., p. 635, PI. 31, fig. 2. (1837). Hippurites gigantea, d'Hombres-Firmas. Recueil de mém., t. IV, p. 181 et 198, PI. IV, fig. 1, 2. (1837). Hippurites Moulinsii. d’Hombres-Firmas. Loc, cit.t t. IV p. 200; pl. IV, fig. 6. (1840). Hippurites radiosus , Goldfuss. Petrefact. Germa n. , p. 300, Pl. 164, fig. 2 a, b. (1840). Hippurites cornu-vaccinum , Goldfuss. Loc. cil., p. 302, Pl. 165, fig. 1. (1840). Hippurites costulatus , Goldfuss. Loc. cit ., p. 302, Pl. 165, fig. 2 a (non 2 b , c , <7, e). (1840). Hippurites inœquicostatus , Goldfuss. I,oct cit., p. 303, Pl. 165, fig. 4. (1842). Hippurites gallo-provincialis , Matheron. Catalogue , p. 127, Pl. 9, fig. 1, 2, 3. (1842). Hippurites dentata, Matheron. Loc. cit. , p. 127, Pl. 9, fig. 6. (1842). Hippurites lata , Matheron. Loc. cit. , p. 128, Pl. 9, fig. 4 et 5. Î1 842). Hippurites radiosa, Matheron. Loc. cit., p. 125. 1842). Hippurites gigantea, Matheron. Loc. cit., p. 126. (1847). Hippurites cornu-vaccinum, d’Orbigny, Paléont. franc., terr. crétac., t. IV, p. 162, Pl. 526, 527. (1849). Hippurites cornu-vaccinum, Sæmann .Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. VI, p. 282. (1852). Hippurites cornu-vaccinum . Bronn et Rœmer, Lethœa geognost., t. II, p. 246, Pl. 31, fig. 2. (1855). Hippurites cornu-vaccinum, Woodward. Quarterly Journ. of the geol. Society oj London, p. 42, fig. 2, 3, p. 45, fig. 8, Pl. IV, fig. 2. (1855). Hippurites arborea , Lanza. Bull, de la Soc . géol. de France , 2e série, t. XIII, p. 127, Pl. VIII, fig. 9 (1855). 666 SÉANCE BU 18 MM 4857. Svn.(i855). Hfppurite.s in trie ata, Lanza. Loc.cit., p 133, PI. Y II f, fig- 8. VHippurites cornu- mccinum est une coquille de forme 1res va- riable ; très souvent cylindrique, elle offre des exemplaires coniques, et plus ou moins élargis. Quelquefois, elle croît infiniment plus vite en diamètre qu’en hauteur, et dans ce cas la coquille ressemble à un cône très ouvert; dans quelques individus, celte forme patelloïde change brusquement à partir d’une certaine époque du développe- ment, et, le diamètre n’augmentant presque plus, la coquille devient cylindrique ; elle présente alors la réunion des deux formes pat si - loïcle et cylindroïde . La valve supérieure, plane dans le plus grand nombre des cas, est cependant très convexe dans certains individus. La valve inférieure est ornée extérieurement de côtes longitudi- nales, assez régulières, qu’interrompent de distance en distance les lames transverses d’accroissement. La grosseur de ces côtes est ex- trêmement variable; quand elles sont très grosses, on a la variété dont M. Matheron a fait son H. dentata (PI. IX, fig. 6). Les indi- vidus à côtes très fines ont servi de types à Y H, lata de Matheron (Pl. IX, fig. A, 5) et à VH. gigantea de d’Hombres-Firmas (PL IV, fig. 1, 2). Souvent enfin, les côtes extérieures s’effacent, tandis qu’au contraire les lames d’accroissement deviennent proportionnellement beaucoup plus marquées Cette dernière variété a été très bien figurée par GolJfuss (PL 164, fig. 2, a, b) sous le nom ùrH. radiosus , par d’Hombres-Firmàs (PL IV, fig. 6) sous celui à! H. Moulinsii, et enfin elleaservide typeau Sphœrulit-es- biee&lata de M. Des Moulins (Pi V). Malgré ces différences extrêmes dans la grosseur des côtes, la valve inférieure présente toujours trois sillons longitudinaux très profon- dément creusés sur la surface, et qui déterminent entre eux deux bourrelets saillants. Ces sillons correspondent à l’arête cardinale (A) et aux deux piliers intérieurs (B) et (G). Ils sont beaucoup plus rap- prochés que dans aucune autre espèce d’ Hippurite ; la surface comprise entre le sillon (A) et le sillon (C) n’est environ que la septième partie de célle de la valve inférieure. Ce caractère suffirait, à lui seul, pour distinguer VH. cornu-vaccinum de toutes ces espèces c VHippurites qui sont connues jusqu’à présent. La surface extérieure de la valve supérieure (PL XV, fig. 2) est couverte d’une infinité de petits pores, dont le contour est- remar- quablement frangé. Ces pores communiquent avec des canaux pro- fonds, qui partent du sommet de la valve et vont s’ouvrir sur le pour- tour du limbe. Ces canaux sont très irréguliers, surtout au sommet de la coquille. Les deux oscules sont très petits, leur contour est 1 9 1 il il i Si St Jr il iii I m ft MÉMOIRE Î)Ë M. BAYLE, 667 circulaire, le premier {b) eri deux fois plus rapproché du bord de la valve que ne i’est le second (c). Ces deux oscules existent toujours dans VH. cornu-vaccinum , mais leur petite dimension fait qu’on pourrait être conduit à croire à leur absence, quand on examine une valve supérieure, dont la surface n’a pas été suffisamment bien dé- pouillée de la gangue qui en obstrue ordinairement les cavités. Étudions maintenant la structure intérieure de. relie coquille. Noos nous servirons, pour cet objet, d’une valve inférieure, que je suis parvenu, après beaucoup de temps et de patience, à dépouiller en- tièrement de la gangue calcaire, fort dure, qui en remplissait la cavité, et d’un autre exemplaire, scié normalement à l’axe, chez lequel les deux valves étaient parfaitement bien conservées; ces deux pièces remarquables ont été dessinées avec la plus scrupuleuse exactitude, clans la planche XV, qui accompagne ce mémoire. (PI. XV, fig. 1 et 3 jlj V arête cardinale (A) est fort remarquable par sa grandeur et la saillie qu’elle fait dans l’intérieur de la coquille; chez aucune autre espèce d’Hippurite cette crête ne s’avance aussi loin dans l’intérieur des valves; cette particularité suffirait à elle seule pour faire distin- guer Y H. cornu-vaccinum des autres espèces d’ Hippuritcs. Le premier pilier (B), fort rapproché de l’arête cardinale, est arrondi, et à peine saillant dans la coquille, tandis que le second (G). s’y étend au moins aussi loin que l’arête cardinale. Arrondi à son extrémité, ce pilier se rattache au bord cardinal par une base très grêle, cir- constance qui rend bien compte de la petitesse du second oscille (c, fig. 2) et de sa position dans la valve supérieure. La portion du contour de la cavité interne, comprise entre l’arête cardinale et le second pilier, nereprésente qu’un huitième environ de sa circon- férence totale. Ce rapport est sensiblement le même dans tous les individus de VH. cornu-vo.ccinum que j’ai pu examiner, mais il est bien différent dans les autres espèces, tout en restant constant pour chacune d’elles; il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur la fig, A (Sri. XV), qui représente la coupe transver- sale de VH. dilatatus; dans cette espèce, en effet, l’intervalle qui séparé la base de l’arête cardinale (A) de celle du second pilier (G) représente très exactement le tiers de la circonférence de la cavité intérieure; la coupe montre aussi que les piliers de VH. dilatatus diffèrent de ceux de VH. cornu-vaccinum , En face de l’arête cardinale et des piliers, sont les impressions musculaires; la surface qui les porte est très peu inclinée, en sorte que les impressions sont presque dans un plan perpendiculaire- à l’axe de la- valve. Elles sont très voisines l’une de l’autre, sans cependant se 668 SÉANCE DU 18 MAI 1857. confondre entre elles ; la première (D) est elliptique, légèrement concave; ses bords sont un peu relevés; quelques lignes Iransverses la divisent en un certain nombre de lobes, qui sont surtout très bien accusés sur le contour extérieur. Cette première empreinte était celle du muscle adducteur antérieur, c’est-à-dire de celui qui avoi- sine le côté buccal du Mollusque; la seconde (E), un peu plus ellipsoïdale que l’autre, servait d’attache au muscle adducteur pos- térieur. On voit donc que dans les Hippurites les deux impressions musculaires ne sont pas placées comme elles le sont chez les Ra- diol i tes et les Sphérulites. L’intérieur de la valve inférieure de VH. cornu-vaccinum montre en outre une charnière composée de trois fossettes destinées à loger les trois dents cardinales de la valve supérieure, qui se rencontrent également chez toutes les espèces d 'Hippurites. Ces trois fossettes sont séparées de la grande cavité antérieure (M) par une cloison (mm’) dont on peut définir la position de la manière suivante ; Elle naît de la partie antérieure (m) du premier pilier (B), s’avance d’abord dans l’intérieur de la cavité (M), en conservant la direction du pilier; lorsqu’elle est parvenue en face de l’extrémité du second, elle se contourne sur elle-même, se rapproche de l’extrémité de l’arête cardinale, et s’en éloigne aussitôt, pour venir se souder à la surface interne de la cavité (M) au point (m’) où les deux impressions musculaires sont voisines l’une de l’autre. Celle cloison représente évidemment la partie antérieure des deux fossettes dentaires des Sphérulites. Derrière la cloison sont les trois fossettes cardinales; la première (/) est très profonde, elle loge la première dent cardinale qui est la plus longue et la plus rectiligne des trois. Sa section est ellipsoïdale, et on voit (fig. 3) que la dent (F) y est très étroitement enchâssée. La seconde fossette (g) est encore ellipsoïdale, mais plus petite que la première ; enfin la troisième (h) est beaucoup plus grande que les deux autres; la dent cardinale (H) qu’elle reçoit, beaucoup moins longue que la première (E), est aplatie latéralement, et arrondie à son extrémité libre ; elle est en outre bien plus large- ment enchâssée dans son alvéole que les deux autres. Les trois fossettes cardinales sont situées dans une direction à peu près parallèle à celle de l’arête cardinale , c’est-à-dire perpen- diculairement au bord cardinal lui-même de l’ouverture. Il résulte nécessairement de cette position particulière de l’appareil cardinal, qu’une grande cavité (D) existe en arrière de la charnière; les parois de cette cavité, qui est quelquefois plus grande que la cavité (M), sont parallèles à l’axe de la valve, d’où il résulte qu’elle est propor- tionnellement plus profonde que l’autre (M). On ne peut s’empêcher MÉMOIRE DE M. BAYLE. 6tf9 d’y reconnaître l’équivalent decelledes deux cavités postêra-dentaires des Sphérulit es qui est située du côté antérieur de l’arête cardinale ; or, comme dans les Sphérulites on remarque que les cavités postéro- dentaires sont d’autant plus grandes que l’arête cardinale elle* même est plus saillante dans l’intérieur de la coquille, on concevra facile- ment pourquoi la cavité postéro-dentaire (U) a pris un pareil déve- loppement dans VH. cornu-vaccinum . La cavité (U) ne se rencontre pas chez toutes les Hippurites; elle manque complètement dans VH. dilatatus , et dans cette dernière espèce la charnière elle-même est dirigée dans un sens diamétrale- ment opposé à celui qu’elle affecte chez VH. cornu-vaccinum; la coupe représentée par la fig. U (Pl. XV) rend fort bien compte de cette disposition. J’ai déjà exposé les raisons qui m’ont conduit à croire que, ni la cavité cardinale (S) des Radiolites , ni les cavités postéro-dentaires (U, U) des Sphérulites n’ont été destinées à recevoir un ligament; il en était ainsi de la cavité (L) qu’une portion du corps de l’animal a dû occuper dans VH. cornu-vaccinum . Le limbe de la valve inférieure est couvert de granulations très variables dans leurs formes suivant les individus. Je n’ai pas encore, jusqu’à ce jour, pu obtenir une valve supé- rieure de cette espèce, qui montrât tout son appareil cardinal et ses apophyses musculaires en parfait étal de conservation ; mais on pourra aisément se rendre compte de la structure de cette valve, en étudiant comparativement, par exemple, la valve inférieure, que nous venons de décrire, avec celle de VH. radiosus , et en cherchant à dé- duire de cette comparaison, ce que devait être la valve supérieure de VH. cornu-vaccinum d’après celle de la seconde espèce, dont nous avons donné, en 1855, une description complète, accompagnée de plusieurs figures (1). L 'Hippurites cornu-vaccinum a été pour la première fois décrit et figuré par M. Charles Des Moulins sous le nom de Sphœrulites bioculata (p. 115, Pl. V) (2). Le même naturaliste décrivit de nou- veau cette coquille sous le nom de Sphœrulites imbricata (p. 116), et assigne à la valve inférieure les caractères suivants : « Valvâinferiore , basi subplicatâ } postice compressâ et trisulcatâ , » sulcis longitudinalibus. » (1) Bayle, Observations sur la structure des coquilles des Hippu- rites {Bull, de la Soc. géol. de France, ''2e série (1855), t. XII, p. 779, PL XVIII). (2) Charles Des Moulins, Essai sur les Sphérulites (1826). 670 SÉANCE DU 18 MAI 1857. Cette phrase m’aurait suffi pour reconnaître la valve inférieure u une Hippurite , et non celle d’une Sphérulite, car les trois sillons dont elle signale l’existence sont précisément ceux qui correspondent à l’arête cardinale et aux deux piliers. Mais j’ai pu faire davantage, et constater l’identité des Sphœrulites imbricata avec i’ Hippurite s cornu-vaccinum, en étudiant dans le musée de Bordeaux le type même de l’espèce de M. Des Moulins. Le nom spécifique de bioculata ayant été déjà donné, dès 1801, par Lamarck, à une autre Hippurite , ne devra donc pas être con- servé à l’espèce décrite et figurée par M. Des Moulins, mais qui n’est pas le véritable H. bioculata de Lamark. 11 semblerait jusl.e et natu- rel alors d’adopter pour désigner cette espèce le nom V imbricata que M. Des Moulins lui avait également imposé en 1826. Mais la des- cription donnée par ce géologue n’étant pas accompagnée d’une figure n’a permis à aucun naturaliste d’y reconnaître l’espèce dont il est question en ce moment: je crois être le premier paléontolo- giste qui ait vu un //. cornu-vaccinum dans le type du Sphœrulites imbricata. Si l’on reprenait alors le nom spécifique à' imbricata, pour le substituer à celui de cornu -vaccinum, sous lequel l’espèce ainsi nommée, dès 1832, par Bronn, mais figurée en 1837 seulement (1), est généralement connue de tous les géologues, on ne ferait, selon moi, qu’un changement beaucoup plus nuisible qu’utile et qui aug- menterait la confusion, dans une nomenclature déjà assez obscure, j’adopie donc, sans scrupule, le nom spécifique de cornu-vaccinum , bien qu’il n’ait été donné par Bronn qu’en 1832 à une espèce à' Hippurite déjà décrite dès 1826, sous les noms de Sphœrulites bioculata et S. imbricata. D’Hombres-Firmas (2) a décrit, en 1837, la même coquille sous les noms de Moutinsii et de gigantea. VH. cornu-vaccinum a été admirablement représenté par Goldfuss (3), sous le nom d’//, ra~ diosus, dans les figures 2, a, b, de la PI. 164 de son bel ouvrage. C’est encore à la même espèce qu’il faut rapporter les H. inœqui - costatus et H. costulatus du même auteur; mais la figure 2 la seule (PI. 165) de VH. costulatus représente un cornu-vaccinum ; les figures (2, c, d, e) ne peuvent convenir qu’à VH. sulcatus. (1) Bron'h , Léïliœa'gèÔ'gnàsticà, p. 633, PI. 31, fig. 2 (1837). (2) D' Hombres-Firmas, Recueil de mémoires , t. IV, p. 181, 198, 200, PI. IV, fig. 1, 2, 6 (1837). (3) Goldfuss, Petrefact. German p. 302, 303, PI. 164. 163 (1 840). _ MÉMOIRE DE M. BAYLE. 671 M. Matheroa (l),dans son catalogue, a donné la description et des figures des H. yallo-provincialis , dentala et lata; ces trois Hippu - rites sont toutes des cornu-vaccinum , ainsi que j’ai pu m’en assurer en étudiant les types eux-mêmes qui ont servi à établir ces espèces, types que notre savant confrère s’est empressé de nie communiquer pour mon travail. VH. lata en particulier correspond à une variété à côtes fines, que montre très souvent VH. cornu-vaccinum . L’exem- plaire que M. Mat héron a fait dessiner dans la planche IX de son ouvrage est écrasé d’avant en arrière, et privé de sa valve supérieure. La figure (5) le représente du côté cardinal, et montre très claire- ment les trois sillons longitudinaux, très rapprochés, si caractéris- tiques dans cette espèce. La figure (ô) fait voir le même individu du côté de l’ouverture de la valve supérieure; on y voit très bien le premier pilier, et le second, deux fois plus proéminent que l’autre; mais l’arête cardinale n’y est pas entière; elle est tronquée à une très petite distance du bord cardinal; j’ai enlevé à l’aide d’un burin, une partie de la gangue qui entourait cette cavité, et j’ai retrouvé cette arête, rejetée du côté du premier pilier; elle avait tous les caractères qu’elle offre ordinairement dans VH. cornu-vaccinum. D’Orbighy a consacré les deux planches 526 et 527 de la Paléon- tologie française pour représenter VH. cornu-vaccinum. La figure 2 de la planche 527 ne donne qu’une idée très imparfaite de la struc- ture intérieure de celte coquille. Il est facile, en effet, de reconnaître que le premier pilier est démesurément grand; on a confondu avec lui une portion du bord antérieur de la fossette de la troisième dent cardinale. L’arête cardinale est, au contraire, à peine indiquée; les deux empreintes musculaires confondues l’une avec l’autre se dis- tinguent très difficilement, et d’ailleurs l’auteur lui-même n’en avait pas soupçonné l’existence M. Woodwarcl a donné plusieurs figures de cette espèce, dans un intéressant mémoire (2); il en a fait connaître presque tous les carac- tères essentif Is< C’est encore à VH., cornu-vaccinum que l’on doit rapporter les H. arborea et intricata de M, Lanza ; ces deux dernières espèces ont été décrites et figurées dans le Bulletin (3). Je me suis assuré (1 ) Matheron, Catalogue mètli. et descript. des corps or gau . fossiles du dép. des Bouches-du-Rhône , etc., p. 127, PI. IX (1842). (2) Quarte ri. Journ. of the geol. Soc. oj London, t. XI, p. 42, fig. 2, 3, p. 45, fig. S ; PL IV, fig. % (1845).' (3) Lanza, Bull, de la ,$oc. gêol. de France ? 2* série, t. XIII. p. 127 et 133, PI. VIII, fig. Set 9 (fS55;/ 672 SÉANCE DU 18 MAI 1857. que ce sont de véritables H. cornu-vaccinum d’ après l’étude que j’ai pu faire d’une belle suite d’individus, provenant des calcaires blancs des Monts de Verpolie, près de Sibenico, en Dalmatie, qui ont été envoyés à l’École des Mines, par M. Lanza, et au nombre desquels il y avait plusieurs individus des II. arborea et intricata déterminés par M. Lanza lui- même. V Hippurites cornu-vaccinum se rencontre à Gourd-de-1’ Arche (Dordogne) dans l’assise de la craie inférieure qui est comprise entre les calcaires blancs à Radiolites lumbricalis et cornu-pastoris , et la craie micacée de Périgueux, dont les premières couches renferment une quantité prodigieuse à' Ostrea auricularis, Brongn. (1). La même assise renferme, en outre, les Sphœrulites Sauvagesi et radiosus. On voit donc que, dans le département de la Dordogne, les couches qui renferment VH. cornu-vaccinum, et les autres Rudistes avec les- quels cette espèce est associée forment un horizon plus élevé dans la série des dépôts crétacés du sud-ouest que celui des calcaires où abonde le Radiolites lumbricalis ; l’horizon de l’ H. cornu-vaccinum termine, pour moi, l’étage de la craie inférieure. V Hippurites cornu-vaccinum n’est pas très rare à Bugarach et aux Bains-de-Rennes (Corbières) dans les calcaires où abondent les Hippurites bioculatus, H. organisans,H. dilatatuse lie Sphœrulites angeiodes. On le rencontre fréquemment à Lavelanel, auprès de Foix (Ariège), avec le Sphœrulites Nouleti. A Galigues, près d’Uzès, dans le département du Gard on le trouve (4) L’ Ostrea auricularis a été parfaitement décrite et figurée par Al. Brongniart (p. 638, PL N, fig. 9, 3e édit. 835). Le savant auteur de la Paléontologie française a donné de son côté le nom d Ostrea Matheroniana à une espèce entièrement différente de celle- ci, et qui occupe dans la craie supérieure un niveau plus élevé; mais il est facile de reconnaître que d’Orbigny a confondu avec son Ostrea Matheroniana [Pal. jranç ., terr. crètac ., t. III, p. 737, PI. 485) la véritable Ostrea auricularis de Brongniart. On reconnaît en effet cette dernière espèce dans les figures 5 et 6 de la PI. 485, tandis que les figures 1 , 2, 3, 4 et 7 se rapportent à une autre espèce, pour laquelle on pourra réserver le nom d’ Ostrea Matheroniana . L’O. auricularis est aussi très distincte de Y O. Pyrenaica,que M. Leymerie a découverte à Gensac, à Saint-Marcet et à Mauléon, et dont il a donné une descrip- tion et des figures (p. 194, PL X, fig. 4, 5, 6) dans son intéressant mémoire intitulé : Sur un nouveau type pyrénéen parallèle à la craie proprement dite, travail qui est inséré dans le tome IV (2e sér.) des Mémoires de la Soc, géol, de France , p. 177 (1851). MÉMOIRE DE M. BAYLE. 67$ associé avec les Sphœrulites Sauvagesi , S. Requieni et le Radio - lites canaliculatus. Aux Martigues, sur les bords de l’élang de Berre, VH. cornu - vaccimm est très commun., Il y est associé aux mêmes espèces que dans les Corbières. Dans le département du Var, et notamment à la Cadière, à Candelon et au Beausseî, on rencontre cette espèce avec les Hippurites organisons , H. dilatatus, H. sulcatus, le Radiolites excavatus , ainsi que les Sphœrulites Moulinsi , S. angeiodes , S. squammosus, les Caprina Aguilloni et C. Coquandi. On trouve aussi VH. cornu-vaccinum dans les Alpes du Salzbourg, à Gozau, avec le Sphœrulites angeiodes et la Caprina Aguilloni. M. Lanza l’a découvert dans les calcaires blancs des Monts de Ver- polie, près de Sibenico, en Dalmatie. M. Albert Gaudry l’a également retrouvé dans les calcaires crétacés de Kaprena, auprès du mont Parnasse, en Grèce, qui renferment, en outre, le Sphœrulites Moulinsi. M. Ville, ingénieur en chef des mines de la province d’Alger, a découvert cette espèce dans les calcaires des environs de Boghar (Algérie). On la retrouve à Amasie, dans l’Asie Mineure, et aux environs d’Oviedo (Espagne). Cette Hippurite est la seule espèce de Rudiste que l’on ait re- trouvée dansdes localités aussi éloignées les unes des autres. L’horizon qui la renferme est le plus constant que l’on puisse signaler dans le terrain crétacé; je le considère comme formant l’assise la plus élevée de l’étage de la craie inférieure (1); l’étage de la craie supérieure commencerait immédiatement au-dessus de cette assise. L’exposé que nous venons de faire de la structure intérieure des Radiolites Bournoni , Sphœrulites Hœninghausi et de V Hippurites cornu-vaccinum , nous a montré chez ces trois espèces des caractères que l’on retrouve dans toutes autres appartenant aux mêmes genres. Nous pouvons donc désormais indiquer en peu de mots quels sont les caractères différentiels des trois genres Radiolites , Sphœrulites et Hippurites , tels que nous les comprenons aujourd’hui (2). (1) Cette assise pourrait être désignée par le nom de calcaire à Hippurites. (2) Ces trois genres ne renferment pas à eux seuls toutes les espèces de Rudistes; il faut encore leur adjoindre le genre Caprina , pour comprendre l’ensemble des espèces qui composent ce curieux groupe de mollusques lamellibranches. J’ai également étudié le genre Ca- prine. et mon travail pourra bientôt, je l’espère, être communiqué à la Société. Soc. géol 2* série, tome XÏV. 43 67 h SÉANCE DU 18 MAI 1857. Ces trois genres se composent de coquilles Bivalves, dépourvues de ligament ; chez toutes, la valve supérieure offre une charnière com posée de dents très saillantes, tandis que dans l’inférieure il n’y a que des fossettes pour recevoir les dents. Les empreintes des muscles adducteurs, au nombre de deux seulement, sont toujours super- ficielles dans la valve inférieure ; mais, dans la supérieure, elles sont situées sur de très longues apophyses, placées au-devant dé la char- nière; ces caractères se montrent dans les trois genres ; ils sont fon- damentaux pour le groupe des Rudistes; voici maintenant quels sont les caractères différentiels : Genre Radiolites. Absence complète barète cardinale. Charnière formée de deux dents cardinales soudées à la valve supérieure par un pédicule commun et très distantes l’une de l’autre à leur extrémité libre, cannelées sur leur face postérieure. Fossettes cardinales placées de chaque côté, sur les parois de la valve inférieure et largement ouvertes en avant ; leur face profonde est cannelée. La cavité antérieure pour l’animai, communiquant librement entre les deux fossettes avec celle qui correspond au bord cardinal. Deux muscles adducteurs, dont les impressions sont situées en avant aux deux extrémités de la charnière. Point de ligament. Lames externes du test à structure celluleuse, dans l’une et dans l’autre valve. Genre Sphœrulites . Toujours une arête cardinale. Charnière formée de deux dents cardinales, soudées à la valve su- périeure par un pédicule commun et beaucoup plus rapprochées l’une de l’autre à leur extrémité libre, que ne le sont celles des Ra- dio Ht es ; elles sont toujours cannelées sur leur face postérieure. Fossettes se réunissant l’une à l’autre, au milieu de la coquille et au droit de l’arête cardinale; d’où il résulte que, de chaque côté de cette crête en arrière des fossettes, se trouvent deux cavités complè- tement isolées de la grande loge antérieure destinée à l’animal ; ce sont ces cavités postéro-dentaires . Deux muscles adducteurs, dont les impressions sont placées comme chez les Radiolites, c’est-à-dire en avant, aux deux extrémités de la charnière. MÉMOIRE DE M. BAYLE. 675 Point de ligament. Lames externes du test à structure celluleuse, dans l’une et l’autre valve. Genre Hippurites . Une arête cardinale , et toujours deux piliers internes. Charnière composée de longues dents cardinales ; la première, placée sur le bord antérieur de la coquille, d’un côté de l’arête car- dinale, elles deux autres portées par un pédicule commun de l’autre côté de celte crête, c’est-à-dire vers le côté postérieur. Elles sont reçues dans trois fossettes, l’une située sur le côté buccal de la valve inférieure, entre ce côté et l’arête cardinale et les deux autres entre cette crête et le premier pilier. Deux muscles adducteurs, dont les impressions, très voisines l’une de l’autre, sont constamment situées sur le bord antérieur de la valve inférieure, en regard des deux piliers, et sont portées par une courte apophyse, en forme de fer à cheval, soudée à la valve supérieure en avant de la première dent cardinale qui semble même n’en être que le prolongement. Les deux valves très inégales ; la supérieure, le plus souvent plane. On y voit deux oscules qui correspondent aux extrémités des deux piliers, et sa surface externe est criblée de petits trous qui pénètrent dans des canaux profonds. Ces canaux partent du sommet de la valve et vont s’ouvrir en se bifurquant sur le pourtour du limbe, en dehors du bourrelet saillant produit par les lames de dépôt vi- treux qui revêtent la surface interne de la coquille. La valve inférieure, toujours plus ou moins conique, est dépour- vue des canaux qui sont creusés dans l’épaisseur de la supérieure; elle montre, dans la plupart des espèces, des sillons longitudinaux externes, plus ou moins profondément marqués, qui correspondent à l’arête cardinale et aux deux piliers. Les trois genres dont nous venons d’indiquer sommairement les caractères fondamentaux sont composés d’un certain nombre d’es- pèces; mais ce nombre est loin d’être aussi considérable que sem- bleraient l’indiquer les catalogues d’espèces fossiles publiés jusqu’à ce jour. Mes recherches m’ont conduit , en effet, à supprimer un grand nombre d’espèces qui n’étaient pas établies d’après des carac- tères suffisants pour en démontrer la valeur ; mais en même temps aussi j’ai dû en créer quelques-unes qui m’ont semblé être nou- velles. Je vais faire connaître la liste des espèces qui me paraissent devoir être adoptées par les naturalistes, et je saisirai celte occasion de faire SÉANCE DU 3 8 MAI 1857. 676 quelques remarques sur la synonymie de plusieurs d’entre elles, ainsi que sur la place qu’elles occupent dans les dépôts de l’époque crétacée (1). I. Genre Radiolites . Les espèces, jusqu’ici assez peu nombreuses, qui composent ce genre, peuvent être réparties dans plusieurs groupes naturels fondés sur des caractères dont on peut très facilement constater la pré- sence. Le tableau suivant résume les caractères de ces groupes : R. ingens. R. fissicostatus. R. canaliculalus. f lisses. . . ,1 R. royanus. R. angulosus. R. lumbricalis . R. acuticostatus. R. cornu-pasloris R. crateriformis. R. Jouanneli . R. Bournoni. R, excavalus. Espèces dont les valves sont pour vues de deux bandes longitudi- nales externes ,....’ sans bandes nés. . . . \.costulées. mais dont la valve infe'rieure porte deux piliers intérieurs. et saus piliers intérieurs. . . Premier groupe. — Espèces dont les valves sont pourvues de deux bandes longitudinales externes, à surface lisse. 1° Radiolites ingens , Des Moulins, sp. Syn (1 826). Sphœndites ingens, Des Moulins. Essai sur les Sphérul. , p. 422, PL X, fig. 3, 3 A. (1850). Radiolites ingens, d’Orbigny. Prodr. de paleont., t. II, p. 260, n° 1001. On trouve cette espèce dans la craie supérieure de Saint-Mamelz et dans le ravin de la Vache-Pendue, vallée de la Couze (Dordogne). (1) Il existe encore d’autres espèces de Rudisles publiées par les auteurs, et qui ne figurent pas dans cette liste; telles sont, par exemple, les espèces des terrains crétacésdel’Allemagne que MM.Gei- nitz et A. Rœmer ont décrites dans leurs ouvrages ( Charaktcrislik der Schichten und Petrejacten des Sachsischen Kreidegebirges , par M. Geinitz, et Die V ersteinerungen des Norddeutschen Kreidege- birges., par M. A. Rœmer). Ces espèces sont jusqu'à présent trop imparfaitement connues, pour que j’aie pu les considérer comme devant être définitivement conservées; quelques-unes d’entre elles ne sont même pas des Rudistes. Telles sont encore quelques autres espèces décrites par d’Hombres-Firmas,d’Orbigny, M. Woodward et M. F. Rœ- mer. Je n’ai donc pas dû admettre ces espèces dans la liste de celles qui ne me paraissent plus douteuses aujourd’hui. MÉMOIRE DE M. BAYLE. 677 Elle est constamment associée avec les Radiolites Joucmneti , R. Rouvnoni , Sphœrulites Toucasi , S, cylindraceus , Hippurites radiosus , /7. Lamarckii. 2*- Radiolites fissicostatus , d’Orbigny, sp. Syn. (1847). Biradiol ites fis si nos ta ta , d’Orbigny. Paléont. franc. , terr. crétac ., t. IV, p. 234, PI. 575, fig. 1, 2, 3, 4. (1 850). Biradiolites fissicostata, d’Orbigny. Prodr. de paléont. , t. II, p. 260, n° 1 004. Celte espèce se rencontre dans la craie supérieure de Talmont et de Royan (Charente-Inférieure), de La Vallette (Charente), delà rive droite de l’Isle, entre Neuvic et la Salandre (Dordogne). Les couches qui la renferment contiennent en outre les Radiolites cra- teriformis , R. royanus , R. acuticostatus , Sphœridites Hœnin- ghausi , &. Sœmanni , alatus. Cette espèce se trouve en outre aux Martigues et dans les environs du Beausset, département du Var; j’ignore quel horizon elle occupe dans ces contrées; mais je suis très porté à croire qu’on doit la rencontrer à un niveau stratigraphiquement plus élevé que celui où X Hippurites cornu-vaccinum abonde, dans ces localités. 3° Radiolites canaliculatus , d’Orbigny, sp. Syn. (1847). Biradiolites canalicidata, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac ., t. IV, p. 230, PI. 572. (1850). Biradiolites canaliculata, d’Orbigny. Prodr. de pa- léont. , t. II, p. 200, n° 210. (4 855). Biradiolites canaliculata, Woodward. Quarterl. Jour/i. of the geol. Soc. of London , t. XI, p. 51 , fig. 1 9. Cette espèce est assez rare ; on la trouve dans la craie inférieure, aux Martigues (Bouches-du-Rhône) et à Gatigues, près d’Uzès (Gard). Dans cette dernière localité, elle se rencontre dans une assise cal- ! caire, où abondent les Sphœrulites Sauvagesi , S. angeiodes , Hip- j pur ites organisons , H. cornu-vaccinum. Radiolites royanus , d’Orbigny, sp. ^ Syn, (1847). Radiolites royana , d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac ., t. IV, p. 228, PI. 571, fig. 1 , 2, 3. (1850). Radiolites royana , d’Orbigny. Prodr. de paléont ,, t. II, p. 260, n° 998. 678 SÉANCE DU 18 MAI 1857. Cette espèce se rencontre à Royan (Charente-Inférieure), à La Val- lotte (Charente), dans la craie supérieure, avec le Sphœrulites Bœninghausi , S. Sœmanni , S . alatus , Radiolites fissicostatus , et R. acuticostatus. 5° Radiolites angulosus , d’Orbigny. Syn. (1842). Radiolites angulosa , d’Orbigny. yf/z/z. z/ca ac. /z/z/., t. XVII, p. 183. (1847). Radiolites angulosa , d’Orbigny. Paléont. Jranc.} terr . crétac., t IV, p. 220, PI. 562, fig. 1,2,3, 4. (1847). Radiolites irregularis , d’Orbignv. Zoc. «7., t. IV, p. 221, PI. 562, fig. 5, 6, 7. ‘ (1847). Biradiolites quadrata , d’Orbigny. Zoc. cit. , p. 232, PI. 574, fig. 1 à 6. (1847), Biradiolites angulosa , d’Orbigny. Loc. cit. , p. 233, PI. 574, fig. 7 à 11. (1850). Radiolites angulosa , d’Orbigny. Prodr. de paléont. , t. II, p. 199, n° 200. (1 850). Radiolites irregularis , d’Orbigny. Zoc. c/7., p. 199, n° 203. (1850). Biradiolites quadrata , d’Orbigny. Zoc, c/7. , p. 200, n° 21 1 . (1850). Biradiolites angulosa , d’Orbigny. Zoc. c/7., p. 200, n° 212. (1857). Radiolites angulosus , Bayle. Journ. de conchyl ., t. V, p. 379, PI. XV. On trouve cette espèce dans la craie inférieure à Pons (Charente - Inférieure), où elle est associée avec les Sphœrulites ponsianus et 5. Beaumonti. On la rencontre encore à la Rochebeaucourt,à Chan- ceîade et aux Pyles (Dordogne), dans les calcaires blancs où abonde le Radiolites lumbricalis et où l’on trouve aussi le Radiolites cornu- pastoris . 6° Radiolites lumbricalis , d’Orbigny. Syn. (1842). Radiolites lumbricalis , d’Orbigny. v7/z/z. c/ca ac. /zerf., t. XVII, p. 183. (1 847). Radiolites lumbricalis , d’Orbigny. Paléont. franc. , terr. crctec., t. IV, p. 214, PI. 555, fig. 4, 5, 6, 7. (1850). Radiolites lumbricalis , d’Orbigny. Prodr. de paléont ., t. II, p. 1 99, n° 1 91 . Cette espèce se rencontre avec une profusion véritablement in- croyable dans les calcaires blancs que l’on exploite aux environs MÉMOIRE DE M. BAYLE. 679 d’Angoulême, pour les constructions de cette ville. La pierre que fournissent ces calcaires en est littéralement criblée. À Chancelade, aux Pyles, sur la route de Périgueux à Limoges, cette espèce est accompagnée des Radiolites angulosus , R. cornu-pastoris , et du Sphœrulites Reaumonti. 7° Radiolites acuticostatus , d’Orbignv. Syn. (1 842). Radiolites acuticostata , d’Orbigny. Ann. des sc. nat t. XVII, p. 185. (1842). Radiolites horrida, d’Orbigny. Loc. cit ., p. 185. (1847). Radiolites acuticostata , d'Orbigny. Paie ont. Jranç terr. crétac ., t. IV, p. 208, PI. 550. (1847). Radiolites acuticostata , d’Orb., Prodr. de paléont . , t. II, p. 499, n. 196. Cette espèce, toujours rare, se rencontre dans la craie supérieure de Royan, avec les Radiolites fissicostatus , R. royanus , i?. crate- riformis , Sphœrulites Hœninghausi , 5. Sœmanni , 5. alatus. On la trouve également dans la craie des environs de Barbezieux (Cha- rente), au-dessous de l’horizon de Y Hippurites radiosus. Elle a été également rencontrée aux Martigues et au Beaussel; mais j’ignore dans quel horizon. Second groupe . Espèces dont les valves sont pourvues de deux bandes longitudinales externes, mais costulées (1). (1) Les espèces qui composent le premier et le second groupe, et dont les valves sont pourvues à l’extérieur de deux bandés longitudi- nales, avaient été Considérées par d’Orbigny comme devant constituer un genre particulier, auquel il proposa de donner le nom de Bira- diolites. L’auteur de la Paléontologie française pensait que ces bandes indiquaient une organisation particulière , et q.u’alors leur présence devait nécessairement conduire à réunir un genre particulier daps les espèces qui en sont pourvues. Malgré cela, d’Orbigny laissa parmi les vraies Radiolites le Radiolites acuticostatus , dont il eut dû faire un Biradiolites , puisque les bandes existent dans cette espèce, et, bien plus, il fit d’une seule Radiolite quatre espèces différentes, dont deux, les Radiolites angulosa, R. irregularis, doivent être sans bandes, puisque ce sont des Radiolites pour lui, tandis que les deux autres ne portent les noms de Biradiolites quadrata et de B . angur- losa que parce que leurs valves présentent les deux bandes carac- téristiques de ce genre. Or, en réalité, ces quatre Rudistes ont des bandes, et doivent être réunis en une seule espèce. 11 suffit de jeter un coup d’œil sur les planches 562 et 574 de la Paléontologie française , pour demeurer convaincu de l’identité de ces quatre types, identité 680 SÉANCE DU 18 MAI 1857, 8° Radiolites cornu-pastoris , Des Moulins, sp. Syn. (1826). Hippurites cornu-pastoris , Des Moulins. Essai sur les Sphérul. , p. 141, pl. X, fig. 1,2. (1 847). Biradiolites cornu-pastoris , d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac ., t. IV, p. 231, Pl. 573. (1850). Biradiolites cornu-pastoris , d’Orbigny. Prodr. de paléont t. II, p. 200, n° 209. (1852). Biradiolites cornu-pastoris , Bronn et Rœmer, Lethœa geognost t. II, p. 259, Pl. 31 bis , fig. 6. (1855). Radiolites cornu-pastoris , Bayle, de la Soc. gèol. de France , 2e série, t. XIII, p. 139, Pl. IX. On trouve cette espèce dans les calcaires blancs à Radiolites lunr que j’ai constatée d’ailleurs par Pexamen direct des exemplaires eux- mêmes qui ont été dessinés dans ces planches. Le genre Biradiolites ne doit plus être conservé, car tous les carac- tères fondamentaux, déduits de l’organisation des coquilles qui le com- posent, sont les mêmes que ceux que nous présentent les Radiolites sans bandes, mais ayant des piliers intérieurs, et les espèces qui n’ont ni bandes ni piliers, telles que les R. Bournoni et excavatus , par exemple. Il ne sera pas inutile de rappeler ici que les bandes externes des Radiolites occupent constamment la même position sur la surface extérieure de la coquille. L’une d’elles occupe toujours le côté bran- chial, c’est-à-dire est placée en regard de la charnière, tandis que la seconde, au contraire, est située sur le côté anal, c’est-à-dire entre la première bande et la portion du contour de l’ouverture qui correspond à l’alvéole de la deuxième dent cardinale ; en sorte que dans l’intérieur de la coquille l’empreinte du muscle postérieur ou anal s’étale sur la paroi qui porte extérieurement la seconde bande. Les deux piliers internes du Radiolites crateriformis occupent dans la cavité de la valve inférieure de cette espèce une position complètement identique avec celle des bandes externes du Radiolites cornu-pastoris. Les deux bandes externes de cette dernière coquille sont rempla- cées, chez plusieurs espèces de Sphérulites, par deux sinus longitudi- naux qui occupent exactement la même position sur les côtés bran- chial et anal des valves. Ces sinus manquent chez quelques autres espèces. Si le genre Biradio/ite devait être conservé, il faudrait de toute nécessité créer un genre Bisp/iœrulites, pour y placer les Sphé- rulites qui ont les deux sinus; mais il faudrait en créer un troisième pour le Sphœrulites triangularis , espèce chez laquelle les sinus manquent, mais où une bande occupe, sur le côté anal de la coquille, la place du second sinus. Ces observations n’ont d’autre but que celui de faire mieux saisir toute l’importance des caractères sur lesquels les genres Radiolites et Sphœrulites me semblent devoir être définitive- ment fondés. MÉMOIRE DE M. BAYLE. 681 bricalis des Pyles, de Chancelade et de la Rochebeaucourt (Dor- dogne). D’Orbigny l’indique à Troyes (Aube), à Sainte-Cérotte (Sarthe). M. Triger l’a découverte à Château-du-Loir (Sarthe), dans la craie inférieure à Terebratula Bourgeoisie c’est-à-dire au-dessus de l’ho- rizon des Ammonites papalis et Deveriœ , et au-dessous de celui de YOstrea auricularis , avec lequel commence, dans le bassin de la Loire, dans le sud-ouest de la France et dans la Provence, l’étage de la craie supérieure. Troisième groupe. — Espèces sans bandes externes, mais dont la valve inférieure porte deux piliers internes. 9° Radiolites crateriformis , Des Moulins, sp. Syn.(1826). Sphœrulites crateriformis, Des Moulins. Essai sur les Sphcrul ., p. 94. PI. I et II. (1 836). Sphœrulites crateriformis , Deshayes in Lamarck. Hist. natur . des anim . sans vertèb., 2e édit., t.VII, p. 290. (1847). Radiolites crateriformis, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac ., t. IV, p. 222, PI. 563. (1850). Radiolites crateriformis , d’Orbigny. Prodr. de paléont. , t. II, p. 260, n. 993. (1852). Radiolites crateriformis , Bronn et Rœmer. Lcthœa geognost.y t. II, p. 258. Cette espèce se rencontre dans la craie supérieure de Royan avec les Sphœrulites Hœninghausi , S. alatus , S. Sœmnnni , les Radiolites fissicostatus , R. royanus , R. acuticostatus. 10° Radiolites Jouanneti , Des Moulins, sp. Syn.(1826). Sphœrulites Jouannetii , Des Moulins. Essai sur les Sphérul. , p. 99, PL III, fig. 1, 2. (1 836). Sphœrulites Jouanneti , Desbaves in Lamarck. Hist. nat. des anim. sans vertèb., 2e édit., t. VII, p. 291. (1847). Radiolites Jouanneti, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac ., t. IV, p. 223, PL 564, fig. 1, 2. (1850). Radiolites Jouanneti , d’Orbigny. Prodr. de paléont.. t. II, p. 260, n° 999. (1855). Radiolites Jouanneti , Bayle. Bull, de la Soc, géol. de France, 2* série, t. XIII, p. 102, PL VI. On trouve cette espèce dans la craie la plus supérieure du sud- ouest, à Lanquais, dans le ravin de la Vache-Pendue, à Saint-Ma- metz, à Neuvic (Dordogne), au Maine-Roi et à Lamérac (Charente) ; 682 SÉANCE DU I 8 MAI 1857. à Saint-Mametz et à Lan quais, elle est associée avec les Radiolites ingens , IL Bournoni , Sphœrulites Toucasi, S. cyiindraceus, Hip- purites radiosus ; au Maine-Roi et à Laméraç, avec Y Hippur ites ra- diosus. Quatrième groupe . — Espèces dont les valves sont sans bandes externes et sans piliers intérieurs. 11° Radiolites Bournoni , Des Moulins, sp. Syn. (Voyez plus haut p. 648). Cette espèce se trouve dans les assises les plus élevées de la craie du sud-ouest , à la partie supérieure des falaises de Royan et de Tal- mont (Charente-Inférieure), à Lanquais, à Saint-Mametz (Dordogne). Dans celte dernière localité, on rencontre avec elle les Sphœrulites cyiindraceus , S. Toucasi , Radiolites ingens , R. Jouanneti , Hip- purites radiosus. 12° Radiolites excavatus , D’Orbigny. Syn. (1842). Radiolites excavata , d’Orbigny. Ann. des sc. nul ., t. XVII, p. 185. (1847). Radiolites excavata , d’Orbigny. Paléont Jranç., terr, crétac ., t. IV, p. 215, PI. 556. (1850). Radiolites excavata, d’Orbigny. Proclr. de paléont. , t. II, p. 199, n° 197. On trouve cette espèce au Beausset et aux Martigues, dans les couches à Hippurites organisons et cornu-vaccinum. L’École des mines en possède plusieurs exemplaires provenant des environs du Beausset, et qui sont soudés par une portion de leur valve inférieure à des groupes d’ Hippurites organisons . II. Genre Sphœrulites. Les espèces de Sphérulites sont plus nombreuses que celles du genre Radiolites; leurs formes sont également beaucoup plus va- riées; les caractères qui permettent de les distinguer les unes des autres sont beaucoup plus difficiles à saisir que ceux qui servent à déterminer les Radiolites. On peut, pour en faciliter l’étude, réunir les Sphérulites en un certain nombre de groupes, pour la plupart assez artificiels, mais qui aident cependant à classer les espèces; les caractères de ces groupes d’espèces sont sommairement indiqués dans le tableau suivant ; MÉMOIRE DE AI. BAYLE. «83 Espèces à lames externes lisses. sans sinus. avec sinus. Espèces à lames externes ondulées. f avec un sillon externe correspou- < di.ut à l’arête cardinale Y. polyconilites. ( avec une bande externe Y. triangularis. ( Y. Toucasi. , , , , JY. Moulinsi. ! Sinus très développes < Sm sinualus. \S. Pailleltei Coquille ailée. ... Y. alatus , Coquille aplatie d’un ( Y. Hœningliausi • Sinus peu! [S.Martinii. ... . . Coquille a peu près J ? Uylindracens. circulaire J Y. Fleuriausi. \S. Seemanni . Sinus formant 2 bandes plissées. . Y. Sharpei. Y. angeiodes. Y. Sauvagesi. Sinus foi mant 2 bandes lisses. . fyJdjo™™*' Y. ponsianus . Y. Beaumonti \ , ,, . (Y. Nouleti , \ Sinus se confondant avec 1 ornementation. . . . . . j ^ squammosus. sinus différents du reste de la coquille. Premier groupe. — Espèces à lames externes lisses, sans sinus. 1° Sphœrulites polyconilites , d’Orbigny, Syn. (1842). Radiolites polyconilites , d’Orbignv. Ann. des sc. nat., t. XVII, p. 181. (1847). Radiolites polyconilites , d’Orbigny. Paléont. Jranç., terr. crétac t. IV, p. 203, PI. 547. Cette espèce se rencontre fréquemment à l’îie d’Aix, à Pile Ma- dame, à la pointe de Fourras (Charente-Inférieure), à Angoulême et à Saint-Trojan, près de Cognac. Elle y est constamment associée avec les Sphœrulites foliaceus , S. Fleuriausi , S. triangularis , Caprina ad ver sa, C. costata, C. striata et C. triangularis. Ces espèces forment le premier horizon de Rudistes que l’on ren- contre dans les dépôts crétacés du sud-ouest de la France. Les assises de la craie inférieure, qui renferment ces Rudistes, dans le sud-ouest, correspondent aux sables crétacés du département déjà Sarthe, que l’on désigne habituellement sous les noms de grès verts d u Mans ; mais elles sont incontestablement plusrécentes que la craie glauconieuse de Brongniart, qui est caractérisée parles Ammonites ro- thomagensis,A. varions , Turrîtites costatus , Scaphites œqualis,Ho- laster subglobosus,e te Dans la Sarthe, en effet, la craie glauconieuse, définie par les fossiles que nous venons de citer, et qu’on y ren- contre toujours, est incontestablement séparée de la craie tuffeau, à la base de laquelle abonde X Inoceramus mytüoides , par toute l’é- paisseur du grès vert du Mans, dont les marnes sableuses à Ostrea biauriculuta , O. plicata . forment le niveau supérieur. Or, dans le 684 SÉANCE DU 18 MAI 1857. sud-ouest, on n’a pas encore trouvé une seule assise renfermant Tune des espèces habituelles de la craie glauconieuse de Brongniart, tandis que le terrain crétacé y commence toujours par des couches sableuses et calcaires, terminées à leur partie supérieure par des bancs où abondent les Ostrea biauriculata , O. plicata, O. colomba ; les premiers dépôts crétacés du sud-ouest ne sont donc que les équivalents des grès verts du Mans, et la craie glauconieuse de Brongniart manque en- tièrement dans cette région de la France. 2° Sphœrulites triangularis , d’Orbigny, sp. Syn. (1 842). Radiolites triangularis , d’Orbigny. Ann. des sc. mit ., t. XVII, p. 181. (1847). Radiolites triangularis , d’Orbigny. Paléont. franc,, terr. crétac., t. IV, p. 202, PI. 546. (1850). Radiolites triangularis , d’Orbigny. Prodr. de paléont., t. II, ‘p. 174, n 566. On trouve cette espèce à l’île d’Aix, à Fîle Madame, à Fourras (Charente-Inférieure), à Angoulême; dans la craie inférieure, elle est toujours associée avec les Sphœrulites foliaceus, S. polyconi - lites, S. Fleuriausi , Caprina adoersa , C. striata , C. costata , C. triangularis. Second groupe. — Espèces à lames externes lisses, mais ayant des sinus. 3° Sphœrulites Toucasi , d’Orbigny, sp. Syn. (1847). Radiolites Toucasiana, d’Orbigny. Paléont, franc., terr. crétac ., t. IV, p. 216, PI. 557. (1850). Radiolites Toucasiana , d’Orbigny. Prodr . cle paléont., t. II, p. 200, n° 204. Cette espèce n’est pas rare dans la craie supérieure de Saint-Ma- metz (Dordogne). Elle y est associée avec les Sphœrulites cylindra- ceus , Radiolites ingens , R. Rournoni , II. Jouanneti , Hippurites radiosus. C’est l’horizon qui contient les dernières espèces de Ru- distes que l’on trouve dans les dépôts crétacés. Elle m’a été éga- lement envoyée par M. Toucas , des environs du Beausset , où elle est assez commune. J’ignore entièrement quelle est la posi- tion géologique de l’assise qui la renferme; mais je suis très porté à croire que dans les environs du Beausset, il pourrait bien y avoir plusieurs horizons de Iiudistes. S’il en était autrement, et si par conséquent le Radiolites Toucasi se rencontrait au Beausset, dans les mêmes couches que l 'Hippurites cornu-vaccinum, cette MÉMOIRE DE M. BAYLE. G85 espèce caractériserait alors deux étages de la craie ; les géologues qui étudieront avec détail la relation des diverses assises de la craie, dans la contrée, pourront seuls résoudre ce problème intéressant. Dans tous les cas, cependant, il est certain que les individus du S . Toucasi provenant du Beausset, et ceux que l’on trouve à Saint-Mametz, ne peuvent appartenir qu’à une seule et même espèce. k° Sphœrulites Moulinsi , Matheron, sp. Syn. (1842). Racliolites Desmouliniana , Matheron. Catalogue, p. 122, PI. VIII, fîg. 1, 2, 3, 4, 5. (1847). Racliolites Desmouliniana, d’Orbigny. Palèont. franc., lerr. crètcic., t. IV, p. 209, PI. 551, fig. 1 ( Exclus , fîg. 2, 3, 4, 5, 6, 7). On trouve celte espèce au Beausset, à la Cadière, aux Martigues, à Mazaugues, à Auriol, dans les quartiers de Roussargues et de Pin- chinier; les couches qui la renferment contiennent en outre les Hippurites cornu-vaccinum , H . organisans , H, dilatatus , Sphœru- lites angeiodes , Radiolites excavatus , Caprina Aguilloni, etc. M. Albert Gaudry a rapporté la même espèce de Kaprena, près du mont Parnasse (Grèce) ; elle se trouve dans des calcaires argileux rougeâtres où abonde Y Hippurites cornu-vaccinum. Le Sphœrulites Moulinsi a été, pour la première fois, décrit et figuré par M. Matheron (Catal., pl. 8, p. 122). D’Orbigny, à son tour, a employé toute la planche 551 de la paléontologie française pour représenter plusieurs Rudistes qui, d’après lui, devaient être des S. Moulinsi. Or, la figure 1 seule se rapporte à celte dernière espèce, et encore cette figure a-t-elle été dessinée d’une ma- nière fort inexacte. J’ai vu l’exemplaire qui a servi à la faire; c’est un grand individu du S. Moulinsi , provenant des Martigues, et dont la valve supérieure est complètement altérée; cependant l’auteur de la Paléontologie française n’en a pas moins fait dessiner cette valve, en lui donnant une forme aplatie et un sommet central, caractères qu’elle n’offre jamais dans cette espèce. La valve supérieure du S. Moulinsi , en effet, est toujours plus ou moins convexe, son sommet est rejeté en arrière vers le bord cardinal, et les lames externes y des- sinent des ondulations qui correspondent aux sinus de la valve infé- rieure. Tous ces caractères sont représentés de la manière la plus exacte dans la figure 2 de la planche 8 de M. Matheron. Il résulte de ces observations, que la planche 551 de h Paléontologie française donne l’idée la plus fausse du S. Moulinsi , et qu’elle ne devra plus 686 SÉANCE DU 18 MAI 1857. être consultée désormais par les géologues qui voudront connaître cette espèce de Sphérulite. 5° Sphœrulites sinuatus , d’Orbigny , sp. Syn. (1847). Radiolites sinuata , d’Orbigny. Paléont. franc. , terr. crètac ., t. IV, p. 227, PL 570, fig. 1, 2, 3, 4 (. Exclus , fig. 5). Cette espèce se rencontre aux Martigues et dans les environs du Beausset; mais j’ignore encore aujourd’hui si elle fait partie de l’horizon de Y H. cornu-vaccinum . Cette espèce curieuse, fort remarquable par l’épanouissement des lames externes, du côté cardinal, a été pour la première fois dé- crite par d’Orbigny; la planche 570 de la Paléontologie française en représente très exactement plusieurs individus ; il faut cependant en excepter la figure 5, qui appartient à une espèce chez laquelle le côté cardinal n’est jamais aplati, comme il est dans le S. sinuatus , et qui diffère encore de celte dernière espèce par plusieurs autres caractères. J’appelle cette Sphérulite S. Coquandi. 6° Sphœrulites Paillettei , d’Orbigny, sp. Syn. (1842). Radiolites Pailletteana, d’Orbigny. Ann. des sc. nat., t. XVII, p. 184. (1847). Radiolites Pailletteana , d’Orbigny. Paléont. franc. , terr. crétac., t. IV, p. 217, PL 558. (1850). Radiolites Pailletteana , d’Orbigny. Prodr. de paléont. t. II, p. 499, n 1 95 Cette espèce se rencontre d’après d’Orbigny, aux bains de Rennes, au-dessus de la source salée. Appartient-elle à l’horizon de YHip - purites hioculatus , ou bien à une autre assise du terrain crétacé, c’est ce que j’ignore. 7° Sphœrulites alatus , d’Orbigny, sp. Syn. (1842). Radiolites alata, d’Orbigny. Ann. des sc. nat., t.XVIIr p. 188. (1847). Radiolites alata , d’Orbigny. Paléont. franc. , terr. crétac t. IV, p. 226, PL 569. (1850). Radiolites alata , d Orbigny. Prodr. de paléont ., t. II, p. 260, n° 996. On trouve le S. alatus dans la craie supérieure de Royan et de MÉMOIRE DE M. BAYLE. - 687 Sourzac, associé aux Sphœrulites Hœninghausi , S. Sœmanni , Ra- diolites crateriformis , 7?. fissicostatus , 7?. royanus . 8° Sphœrulites Hœninghausi , Des Moulins. Syn. (Voy. plus haut p. 657). Le 5. Hœninghausi est très commun dans la craie supérieure de Royan, de Saint-Georges de Didonne, à l’embouchure de la Gironde. Les couches qui le renferment contiennent en outre les Sphœrulites alatus, S. Sœmanni , Radiolites crateriformis , /G fissicostatus, R. royanus. On le trouve dans un grand nombre de localités des départements de la Charente et de la Charente-Inférieure, dans celui de la Dor- dogne, notamment à Sourzac, à Neuvic, à Mussidan et à Ribérac; à Saint-Mametz, on le rencontre dans les calcaires blancs, qui forment le fond de la vallée, tandis que les plateaux environnants sont couronnés par des calcaires jaunâtres friables, où abondent les Radiolites Boumoni , Sphœrulites cylindraceus . L’horizon du S. Hœninghausi est donc inférieur à celui du S. cylindraceus. 9° Sphœrulites Martini , d’Orbignv , sp. Syn. (1842). Radiolites Martiniana , d’Orbigny. Ann. des sc. nat., t. XVII, p. 183. (1847). Radiolites Martiniana , d’Orbigny. Paléont. franc., terr . crétac., t. IV, p. 218, PL 559, fig. 1, 2. Cette espèce encore fort rare provient des Martigues. Il est pro- bable qu’elle se trouve dans la craie inférieure, au même niveau que VH. cornu-vaccinum ; je n’en suis pas sûr cependant. ♦ 10° Sphœrulites Coquandi , Bayle. Syn. (1847). Radiolites sinuata , d’Orhigny. Paléont. franc., terr . crétac., t. IV, p. 227, Pi. 570, fig. 5 [Exclus, fig. 1, 2, 3, 4). J M. Coquand a découvert cette espèce à La Vallelte, à Édon, à Plas- I sac (Charente), à la base de la craie supérieure un peu au-dessus des bancs où abonde VOstrea auricularis (type) de Brongniart. C’est le pre- mier niveau de Rudislesque l’on rencontre dans cet étage; l’horizon de VHippurites cornu-vaccinum , qui termine celui de la craie in- férieure, est par conséquent au-dessous du niveau du Sphœrulites Coquandi. 688 SÉANCE DU 18 MAI 1857. On trouve aussi cette espèce au Beausset. La figure 5 de ia planche 570 de la Paléontologie française en représente un individu vu par le sommet de la valve inférieure , et qui provient du Beausset. 11° Sphœrulites foliaceus , Lamarck. Syn. (4780). Favanne. Conchyl. , oit Hist . nat* des coquilles , pl. LXVII, fig. B. 4, 2, 3, 4. (1782). Acardo , Bruguière. Encyclop. méthod. Fers., t. I, Pl. 4 72, fig. 7, 8, 9. (4 805). La Sphérulite Delamétherie , Lamarck. Journ. de phys, , t. LXI, p. 396, Pl. 57. fig. 4 2. (4 84 9). Sphœrulites foliacca, Lamarck, Hist . nat. des anim. sans vertèh t. VI, p. 232. (4 825). Sphœrulites agaricijormis, Blainville. -ft/or/?. deMalacol p. 546. (1825). Sphœrulites foliacca , Blainville. Loc. cit ., Pl. 57, fig. 1 a , b , c. (1826). Sphœrulites agaricijormis , Blainville. Dict. des sc . «a/., t. XXXII, p. 305. (1826). Sphœrulites foliacca, Des Moulins. Essai sur les Sphérul. , p. 103. (1837). Sphœrulites agaricijormis, Bronn. Lcthœa geognost., p. 630, Pl. 31, fig. 6. (1840) Hippurites agaricijormis , Goldfuss. Petrefact. Germ p. 300, Pl. 164, fig. 1 a, b ( Exclus , fig. 1 c). (1847). Racliolites agaricijormis , d’Orbigny. Paléont, franc., terr. crétac ., t. IV, p. 200, Pl. 544, 545. (1850). Radiolites agariciformis, d'Orbigny. Prodr. clc paléont t. II, p. 4 73, n° 565. (4 852). Radiolites agariciformis, Bronn et Roemer. Lcthœa geognost., t. II, p. 258, Pl. 31 , fig. 6. % (1855). Sphœrulites foliaceus, Bayle. Bull, de la Soc. géol, de France, 2e série, t. XIII, p. 71, Pl. I. Cette espèce se rencontre fréquemment à Pile d’Aix , à l’île Madame, à la pointe de Fourras et à Pons (dans le fond de la vallée) (Charente-Inférieure), à Angoulême et à Saint-Trojan, près de Cognac ; elle est constamment associée avec les Sphœrulites Fieu - riausi , S. polyconilites , S. triangularis , Caprina adversa , C. triangularis , C. striata, C. costata. Ces espèces forment le plus ancien horizon de Pxudistes que l’on trouve dans la craie infé- rieure du sud-ouest. M. Lcymerie a tout récemment découvert le Sphœndites foliaceus, ainsi que la Caprina adversa, dans les calcaires à Dicérates des MÉMOIRE DE M. BAYLE. 689 eaux chaudes et de Sarre (Basses-Pyrénées). Cette découverte, fort intéressante, démontre que le calcaire à Dicérates de Dufrénoy est l’équivalent, dans la chaîne des Pyrénées, des couches les plus an- ciennes de la craie inférieure du sud-ouest, lesquelles sont caractérisées par les Spliœrulites foliaceus , Caprina adversa , etc. , c’est-à-dire, des sables crétacés du Maine, dont la superposition aux couches de la craie glauconieuseà Ammonites varions , Turrilites costatus , ne peut plus être désormais contestée par les géologues, et que, par consé- quent, ils sont séparés, non-seulement par les couches crayeuses à Ammonites varions, mais encore par les dépôts de l’époque du gault, des calcaires à Dicérates de la Provence et du Dauphiné, dans les- quels la Chôma ammonia remplace la Caprina adversa des calcaires a. Dicérates pyrénéens. Les calcaires à Chôma ammonia sont placés, comme on le sait, à la partie supérieure de l’étage Néocomien. 12° Sphœrulites cylindraceus, Des Moulins. Syn,(1 826). Sphœrulites cylindraceus, Des Moulins. Essai sur les Sphêrul, , p. 107, PI. IV, fig. 1, 2, 3. (1849). Sphœrulites cylindraceits , Sæmann. Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. VI, p. 280. (1850). Radiolites cylindracea , d’Orbigny. Prodr. de paléont., t. If, p. 260, n° 1 000 (1855). Radiolites cylindracea , Woodward. Quart. Journ. of'the geol. Soc. of London, t. XI, p. 45, fig. 9, PI. IV, fig. 1. (1855). Radiolites mamillaris , Woodward. Loc. cit ., p. 46, fig. 10, 11, et p. 48, fig. 13, 14. Celte espèce abonde dans la craie supérieure à Cendrieux , à Manquais et à Saint-Mametz (Dordogne) ; elle y accompagne les Sphœrulites Toucasi, Radiolites ingens , R. Bournoni , R. Jouanneti , ainsi que Y Hippurites radiosus. 13° Sphœrulites Fleuriausi , d’Orbigny, sp. t Syn. (1 842). Radiolites Fleuriausa , d’Orbigny. Ann. des sc nat t. XVII, p. 181. (1842). Radiolites lamellosa , d’Orbigny. Loc. cit., t. XVII, p. 181. (1 847). Radiolites Fleuriausa , d’Orbigny. Paléont. franc., terr. c ré tac., t. IV. p. 204, PI. 548. (1850). Radiolites Fleuriausa, d’Orbigny. Prodr. de paléont t. II, p. 174, n° 568. Cette espèce est assez commune à Plle-d’Aix, à la pointe de Soc. géol., 2e série, tome XIV. 44 690 SÉANCE DU 18 MAI 1857. Fourras (Charente-Inférieure), à Angoulême et au Mans, dans la craie inférieure. Les assises qui la renferment contiennent les Sphœruiites fôliaceus, S. triangularis, S. polyconilites , Caprina adversa , C. triangularis , C. striata, C. costota. l/i° Sphœruiites Sœmanni , Bayle (1). Cette espèce n’est pas rare à Royan (Charente-Inférieure) , à Sourzac (Dordogne). Elle appartient au même horizon que le 6’. Hœninghausi. Troisième groupe . — Espèces à lames externes ondulées, dont les valves sont pourvues de deux sinus, toujours distincts, formant deux bandes plissées dans la première espèce du groupe, mais deux bandes lisses dans toutes les autres. 15° Sphœruiites Sharpei , Bayle. Cette espèce a été découverte dans les calcaires marneux jaunâtres crétacés de la vallée d’Aicantara, près de Lisbonne (Portugal). Les couches qui la renferment contiennent en outre le Sphœruiites lu- sitaniens, et beaucoup d’autres fossiles que M. Sharpe a décrits et figurés dans un mémoire fort intéressant (2). Sphœruiites angeiodes, Picot de Lapeirouse, sp. Syn. (1781). Ostracite nngéiode , Picot de Lapeirouse, Descript. de plus. esp. d’Orthacér., p. 41 et 43, PI. XII, fig. 1, 2, 3, 4, 5, PI. XIII, fig. 1, 2, 3 A. (1782). Acardo , Bruguière, Encyclop. niéthod. Fers , PI. 172, fig. 1 à 6. (1801). Radiolites angeiodes , Lamarck, Syst. des anim. sans vertèb. , p. 130. (1811). Radiolites , Parkinson. Organ. remaius , p. 206, t. III, PL 16, fig. 1. (1819). Radiolites rotulari s , Lamarck. Hist. nat. des anim. sans vertèb,, t. VI, p. 233, n° 1. (1819). Radiolites ventricosa , Lamarck. Loc. cit., t. VI, p. 233, n° 3. (1) La description de cette espèce qui est nouvelle, et de plusieurs autres également mentionnées dans ce mémoire, sera donnée dans un ouvrage spécial sur les Rudistes , que je me propose de publier pro- chainement. (2) Sharpe, On the secondàry District of Portugal which lies on thc North of the Ta gus. Mémoire qui a paru dans le tome VI du Quart. Jour//, of the geof. Soc. of London, p. 135 (1849). Syn. (1824). (1825). (1826). (1826). (1826). (1826). (1841). (1842). (1842). (1842). (1842). (1847). (1847). (1850). (1850). (1855). MÉMOIRE DE M. BAYLE. 691 Raciiolitcs rotalaris , de Blainville. Dict. des sc. nat . , t. XXXII, p. 305. Radiolites turbina ta , de Blainville. Man . de Malacol ., p. 517, PI. 58, fig. 3, 3a, 3b. Sphœrulites rotalaris , Des Moulins. Essai sur les Sphérul. , p. 1 1 1 . Sphœrulites turbinata , Des Moulins. Loc. cit ., p. 112. Sphœrulites ventricosa , Des Moulins. Loc . aY., p. 112. Sphœrulites cristata , Des Moulins. Loc. cit., p. 115. Sphœrulites ventricosa , Rolland du Roquan. Dcscript. des Rudistes , etc-., p. 61 , PI. VIII . Radiolites elegans, Matheron. Catalogue, p. 120. Radiolites gallo- provincialis , Matheron. Loc. cit., p. 121, PL VII, fig. 3. Radiolites Lamarckii , Matheron. Loc. cit., p. 121, PI. VII, fig. 4, 5. Radiolites mamillaris, Matheron. Loc. cit., p. 122, PI. VII, fig. 6, 7. Radiolites angeiodes, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crêtac., t. IV, p. 206, PI. 549. Radiolites mamillaris , d’Orbigny. Loc. cit., t. IV, p. 218, PI. 560, fig. 1 , 2, 3, 5, 6 ( Exclus , fig. 4). Radiolites angeiodes, d’Orbigny. Prodr. de paléont., t. II, p. 1 99, n° 194. Radiolites mamillaris , d’Orbigny. Loc. cil., t. II, p. 199, n° 1 99. Radiolites turbinata, Lanza. Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. XIII, p. 132, PI. VIII, fig. 1, 2,3, 4. Celte espèce est très commune aux Baios-dô-ï\ennes (Corbières), au Beaussel (Var) et aux Martigues (Bouches-du-Rhône) dans l’assise la plus élevée de la craie inférieure ; elle est constamment associée avec les Hippurites cornu-vaccinum, IL organisons, H. dilatai us, H. sulcatus , B. bioculatus , Caprina Aguilloni. M. Lanza Ta découverte à Zara (Dajmatie) dans des calcaires blancs, où abonde Y Hippurites cornu-vaccinum. On la rencontre également à Gozau, avec Y Hippurites cornu- vaccinum et la 'Caprina Aguilloni. On la trouve encore à Gatigues près d’Ozès (Gard) associée avec le Sphœrulites Sauvagesi, Hippurites cornu-vaccinum , H. organi- sons et Radiolites canaliculatus. Le Sphœrulites angeiodes a été parfaitement représenté dans l’ouvrage de Picot de Lapeirouse. Il est peu d’espèces de Sphérulites qui aient reçu autant de noms spéci- fiques. J’ai comparé entre eux plusieurs milliers d’exemplaires de cette espèce, et je suis arrivé, en étudiant la charnière et la forme 692 SÉANCE DU 18 MAI 1857. des sinus extérieurs, à rester convaincu de l’identité spécifique des S. angeiodes , ventricosa, rotularis , elegans , gallo-provincialis , La - marcha et mamillaris. Le S. mamillaris en particulier n’est qu’une variété dont les lames sont ornées de côtes un peu plus larges que dans les S. angeiodes où ces côtes sont très aiguës, mais qui passe à ce dernier type par tous les intermédiaires imaginables. 17° Sphœrulites Sauvagesi , d’Hombres-Firmas, sp. Syn.-(1837). Hipparites Sauvagesii, d’Hombres-Firmas, Recueil de mém., t. IV, p. 176 et 193, PI. III, fig. 1 à 8. (1 847). Racliolites Vrtuctfg'e.y//, d’Orbigny. Paléont. franc., ten . crétac., t. IV, p. 211, PL 553, fig 5,' 6 ( Exclus , fig. 1, 2, 3, 4, 7, 8). (1847). Racliolites radiosa, d’Orbigny. Paléont ., loc.cit., t. IV, p. 212, PI. 554, fig. 4 {Exclus, fig. 1,2, 3, 5, 6, 7). (1847). Racliolites socialis, d’Orbigny. Loc. cit., t. IV, p. 213 PI. 555, fig. 1,2, 3. Cette espèce est extrêmement commune à Sautadet et à Gatigues auprès d’Üzès (Gard). On trouve avec elle les Hippurites cornu- vaccinum,H. organisons , Sphœrulites angeiodes et Radiolites canaliculatus. Elle se rencontre aussi aux environs d’Angoulême et à Chance- iade (Dordogne) dans des calcaires superposés aux assises à Radiolites lumbricalis , mais qui sont inférieurs aux bancs de craie où abonde YOstrea auricularis (type). Le Sphœrulites radiosus et X Hippu- rites cornu-vaccinum se montrent au même niveau. Le Sphœrulites Sauvagesi a été décrit et figuré d’une manière très reconnaissable par d’Hombres-Firmas, en 1857. D’Orbigny a fort bien représenté un individu adulte de cette espèce dans les figures 5 et 6 de la planche 553 de son grand ouvrage ; mais les autres figures de la même planche se rapportent à une tout autre espèce, le S. ponsianus. Sous le nom spécifique de socialis , d’Or- bigny a décrit (p. 213) et figuré (pi. 555, fig. 1, 2, 3) un groupe d’individus qui ne sont incontestablement que de jeunes S. Sauvagesi. Enfin la figure U de la planche 55A; est attribuée à tort à un S. radiosus; elle a été dessinée avec un exemplaire du S. Sauvagesi provenant des environs d’Alais, département du Gard. 18° Sphœrulites lusitanicus , Bayle. On trouve cette espèce fort remarquable dans le terrain crétacé MÉMOIRE DE M. BAYLE . 693 rie la vallée d’Alcantara, près de Lisbonne, en Portugal; elle s’y rencontre avec le Sphœrulites Sliarpei . 19° Sphœrulites radiosus , d’Orbigny, sp. Syn. (1 847). Radiolites radiosa, d’Orbigny. Paléont. franc., terr, crétac ., t. IV, p. 212, PI. 554, fig. 1 , 2, 3 (. Exclus , fig. 4, 5, 6, 7). Cette espèce se rencontre aux environs d'Angoulême et à Chance- Jade (Dordogne) dans les assises de la craie inférieure, situées au- dessus de l’horizon des Radiolites lumbricalis et R. cornu-pastoris. Elle a été décrite pour la première fois par d’Orbigny et figurée dans la pi. 555 de la Paléontologie française. J’ai constaté, en exa- minant dans la collection de d’Orbigny les types qui ont été des- sinés, que les fig. 1, 2, 3 seules représentent le S. radiosus. La figure A a été exécutée d’après un exemplaire du Sphœrulites Sau - vagesi (type) provenant des environs d’Alais (Gard), exemplaire écrasé d’avant en arrière, mais dont le dessinateur a su rétablir le contour, sans restaurer en même temps le moule intérieur, circon- stance qui rend compte d’une particularité singulière qu’offre la figure A, c’est-à-dire celle de représenter une coquille parfaitement bien conservée, mais dont la cavité intérieure* est occupée par un moule qui est écrasé d’avant en arrière, sans cesser toutefois de la remplir tout entière ; la nature ne présente jamais une combinaison aussi étrange. Les figures 5, 6 et 7 de la même planche, très exactement copiées sur des individus provenant de Pons, représentent une espèce nou- velle beaucoup plus voisine du S. ponsianus que du S. radiosus. J’appelle cette nouvelle espèce S. Beaumonti. 20° Sphœrulites ponsianus , d’Archiac. Syn. (1835). Sphœrulites ponsiana , d’Archiac. Mém. de la Soc. géol. de France , t. II, p. 182, PI. XI, fig. 6. (1847). Radiolites ponsiana, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac ., t. IV, p. 210, PL 552. (1847). Radiolites Desmouliniana , d'Orbigny. Loc. cit. , p. 209, PL 551, fig. 2, 3, 4 ( Exclus , fig. 1, 5, 6, 7) (1847). Radiolites Sauva gesii, d’Orbigny. Loc. cit., p. 211, PL 553, fig. 1, 2, 3, 4, 7, 8 {Exclus, fig. 5, 6). Cette espèce est très abondante dans la craie inférieure de Pons (Charente-Inférieure); elle y est associée avec le Radiolites angulosus SÉANCE DU 18 MAI 1857. 69/1 Le S. ponsianus décrit et figuré pour la première fois, en 1835, par M. d’Archiac , a été figuré de nouveau par d’Qrbignv; la planche 552 de la Paléontologie française représente très convena- ment cette espèce. Mais quelques-unes des variétés assez nombreuses qu’elle offre ont été confondues avec d’autres espèces par le savant auteur de la Paléontologie française. Ainsi les ligures 2, 3, A de la planche 551 représentent de véritables S. ponsianus ; elles ont été dessinées d’après des individus provenant de Pons; d’Orbigny les a attribuées à tort au S. Moulins f qui se distingue du S. ponsianus par les caractères les plus tranchés. 1! en est de même des figures i, 2, 3, A, 7, 8 de la planche 553. Ces figures, copiées sur des exemplaires provenant de Pons, représentent une variété du S. ponsianus , qui possède tous les caractères essentiels de cette espèce, mais qui diffère de la manière la plus complète du véritable S. Sauvagesi , tel qu’il a été compris et défini par d’Hombres- FirmaSi Cette observation est fort importante, attendu que les Sphœrulites Sauvagesi et Moulinsi ne se rencontrent pas à Pons ; on les trouve dans un horizon différent, toujours placé au-dessus de celui qui ren- ferme les Radiolites lumàricalis et Sphœrulites ponsianus. 21° Sphœrulites Beaumonti, Bayle. Syn. (1847). Radiolites radiosa, d’Orbigny. Paléont. franc. ^ tcrr. cré tac. , t. IV, p. 242, PI. 554, fig. 5, 6, 7 [Exclus, fig. 1,2, 3, 4). On trouve cette espèce dans la craie inférieure à Pons (Charente- Inférieure) associée avec les Sphœrulites ponsianus et Radiolites v angulosus . Les calcaires blancs de la Rochebeaucourt, des Pyles et de Chancelade (Dordogne), la renferment aussi, en même temps que les Radiolites lumbricalis , R. angulosus et R. çornu-pastoris. Quatrième groupe. — • Espèces à lames externes ondulées, mais dont les sinus se confondent avec les autres ornements du test. 22° Sphœrulites Nouieti, Bayle. Cette espèce, dont plusieurs individus ont été donnés à l’École des Mines, par M. Noulet, professeur à l’École de médecine de Tou- louse, se rencontre dans le calcaire à Hippuriles des environs de Lavelanet, département de i’Àriége. MÉMOIRE DE 31. BAYLE. (>Uh 230 Sphœrulites sqüamosus , d’Orbignv. Syn. (1842). Radio fîtes scjuamosâ , d’Orbigny. Ann. des se. nal,, t. VII, p. 1 85. (1847). Radiolites sqiuimosa , d’Orbigny. Paléont. franc. 9 terr. crétac. , t. IV, p. 219, PI. 561. (1847). Radiolites ma mil Ici fis , d'Orbigny. Lac. cit ., t. IV, p. 218, PI 560, fig. 4 { Exclus , fig. 1, 2, 3, 5, 6). Cette espèce se rencontre au Beausset et aux Martigues, dans l’horizon du Sphœrulites ûngeiodes. L’École des mines possède un groupe cjui présente ces deux espèces accolées l’une à l’autre. M. Casiano de Prado l’a trouvée dans la craie à Hippurites de la province de Léon (Espagne). III. Genre Hippurites. Les espèces de ce dernier genre ne sont pas très nombreuses; la saillie plus ou moins prononcée que font dans l’intérieur de la coquille l’arête cardinale et les deux piliers, l’espacement de ces trois crêtes, fournissent des caractères très précieux pour déterminer les espèces. lo Hippurites cornu-vaccinum , Broun. Voyez plus haut, page 665, ce que nous avons dit relativement à la synonymie de cette espèce, et à ia position qu’elle occupe dans la craie inférieure. 2° Hippurites Loftusi, Woodward. Syn. (1855). Hippurites Loftusi , Woodward. Quart. Journ. of « the geol. Soc . of London , t. XI, p. 58, PI. III, fig. 1, 2, 3, 4. Cette espèce, très voisine de V Hippurites cornu-vaccinum , a été découverte par M. W. K. Loftus, dans les calcaires à Hippurites des monts Bakhtiyaré sur la frontière Turco-Persique. 3® Hippurites vesiculosus , Woodward. Syn. (1855). Hippurites vesiculosus , Woodward. Quart. Journ. of the geol . Soc. of London, t. XI, p. 59, PL IV* fig. 6. La valve inférieure seule de celte espèce est connue; son arête cardinale saillante la rapproche de Y Hippurites cornu-vaccinum ; SÉANCE DU 18 MAI 1857. 6ÜÔ mais les deux piliers sont beaucoup plus écartés l’un de l’autre que dans cette dernière espèce. Elle provient du calcaire à Hippurites des monts Bakhtiyaré, où ML Loftus l’a découverte avec les Hippurites Loftusi et H. colli- ciatus. ù° Hippurites radiosus, Des Moulins, sp. Syn. (1826). Hippurites radiosa , Des Moulins. Essai sur les Sphér ., p. 141, PI. IX, fig. 2. (18 40). Hippurites agaricif orrais , Goldfuss. Petrefact. Gêna an, . p. 300, PI. 164, fig 1 c (non fig. 1 a , 1 b). (1840). Hippurites Lapeirousii , Goldfuss. Loc. cit ., p. 303, PI. 1 65, fig. 5/7, 5 b, 5 c, 5 e, 5/ ( Exclus , fig. 5 d). * (1842). Hippurites Espaillaci , d’Orbigny. Jtin. des sc. nat., t. XVII, p. 188. (1847). Hippurites radiosa, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac ., t. IV, p. 176, PI. 535, fig. 1, 2, 3. (1 847), Hippurites Espaillaci , d’Orbigny. Loc. cit., t. IV, p. 177, PI. 535, fig. 4, 5, 6. (1850). Hippurites radiosa , d’Orbigny. Prodr. de paléont., t. II, p. 260, n° 990. (1850). Hippurites Espaillaci , d’Orbigny. Loc. cit., t. II, p. 260, n° 991 . (1850). Radiolites Lapeirousii , d’Orbigny. Loc . cit ., t. II, p. 260. n° 1003. (1855) Hippurites radiosus , Woodward. Quart . Journ. of the geol. Soc. of London, t. XI, p. 43, fig. 4, 5. (1855). Hippurites radiosus , Bayle. Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. XII, p. 772, PI. 17, 18, 19. Cette espèce, découverte par M. Charles Des Moulins à Cendrieux (Dordogne), se rencontre également à Saint-Mametz, dans les couches les plus élevées de la craie supérieure du sud-'Ouest; elle y est associée avec les Sphœrulites cylindraceus , S. Toucasi , PmcHo- lites ingens, R. Bournoni et R. Jouanneti. Dans le département de la Charente, on la rencontre à Aubeterre, au Maine-Roi, près de Montmoreau, et aux environs de Lamérac, près de Barbézieux. Elle forme des bancs dans lesquels plusieurs in- dividus sont souvent soudés les uns aux autres par une portion de leur valve inférieure ; la roche où on les trouve est une craie mar- neuse blanche sans aucune consistance, de sorte que les Hippurites sont les seuls matériaux dont disposent les paysans pour construire leurs habitations; la plupart des maisons du village des Philippeaux, près de Lamérac, sont entièrement bâties avec des Hippurites qui MÉMOIRE DE M. BAYLE. 697 pourraient faire l’ornement de toutes les collections paléontoîogiques du monde. A Lamérac et au Maine-Roi, Y Hippurit es radiosus est associé avec le Radiolites Jouanneli et un grand nombre de belles espèces de bryozoaires et de polypiers. h' Hippurit es radiosus se rencontre aussi dans la craie supérieure de Maëstricht et de Fauquemont. Il y occupe un niveau un peu au- dessus de celui où se montre le Sphœrulites Hœninghausi , en sorte que ces d^ux espèces, si abondantes dans la craie du sud-ouest, se retrouvent, à Maëstricht, malgré leur extrême rareté, dans une posi- tion géologique absolument semblable à celle qu’elles occupent dans le sud-ouest. Les couches qui les renferment contiennent en outre les fossiles que l’on trouve le plus communément dans la craie supé- rieure des deux Charentes et de la Dordogne. 5° Hippurites Lamarckii , Bayle. Cette espèce, qui n’a jusqu’à ce jour été décrite par aucun natu- raliste, se rencontre dans la craie supérieure du vallon de Peyrou, près de Beaumont (Dordogne); elle appartient au même horizon que les Radiolites Bournohi , R. Jouanneti , Sphœrulites cylindraceus , S. Toucasi et Hippurites radiosus. Syri. (1781). (1819). (1821), (1821). (1825). (1826). (1826). (1830). (1837). (1840). 6° Hippurites sulcatus , Defrance. Orthocérntite , Picot de Lapeirouse. Descript. de plus, esp. æOrthocér ., p. 23, 25, 27, 29, 31, 33, PI. IV, fig. 6 ; PI. V, PI. VI, fig. 1 , 2, 3 ; PI. VII, fig. 3 ; PI. VIII, fig. 4,5; Pl.X, fig. 1, 2, 3. 4. Radiolites turhinata , Lamarck. Hist. nat. des anim. sans vertèb., t. VI, p. 233. Hippurites sulcata, Defrance. Dict. des sc. nat., t. XXI, p. 196. Hippurites striata , Defrance. Loc. cit., p. 196. Hippurites sulcatus , Blainville. Manuel de MalacoL , PI. 58 bis , fig. 8. Hippurites striata, Des Moulins, Essai sur les Sphérul. , p. 1 44. Hippurites sulcata, Des Moulins. Loc. cit., p. 145. Hippurites sulcata , Deshayes. Encycl. méthod. Fers , t. II, p. 281, n° 2. Hippurites hioculata , Bronn. Lethœa geognost ., p. 633, Pi. 31, fig. 1. Hippurites sulcatus , Goldfuss. Petrefact. Germon ., p. 302, PI. 165, fig. 3# (non fig. 3 a, c , d). SÉANCE DU 18 MAI 1857. (398 Svn.(1 840). Hippurites costidatus , Goldfuss. Lot. vit p. 302, PI. 4 65, fig. 2 c, d, e (Exclus, fig, 2 a, 2 b), (1841). Hippurites canaliculata, Rolland du Roquan. Dcscript. des Radis tes, p. 50, Pi. III, fig. 2, 3, 4 ; Pi. VIÏ, fig. 2. (1841). Hippurites striata , Rolland du Roquan. Loc , cit. , p. 52, PI. IV, fig. 3; PI. VII, fig. 6. (1841). Hippurites sulcata , Rolland du Roquan. Loc. cit., p. 53, PI. IV, fig. 2; PI. VII, fig. 4. (18 47). Hippurites sulcata, d’Orbigny. Paléont. jrançi, terr. crétac t. IV, p. 170, PI. 530, fig. 1,^2; PI. 531. (1847). Hippurites canaliculata , d’Orbigny. Loc . c/f., t, IV, p. 4 68, Pi. 530, fig. 3 à 8. (1850). Hippurites sulcata , d’Orbigny. Proclr. de paléont,, t. II, p. 198, n° 180. (1850). Hippurites canaliculata , d’Orbigny. Loc . c/f4, p. 4 98, n° 181. (1852). Hippurites canaliculatus , Bronn et Rœmer. Lethœa geognost t. II, p. 245, PL 31, fig. 4. Cette espèce n’est pas rare dans la craie inférieure de la Montagne- des-Cornes (Corbières), au Beausset, à la Cadière, aux Martigues. Elle fait partie de l’horizon de Y Hippurites cornu-vaccinum. 7° Hippurites colliciatus , Woodward. Syn. (1855). Hippurites colliciatus, Woodward. Quart. Journ. oj the geol. Soc. oj London, t. XI, p. 58, PI. IV, fig. 5. Cette espèce remarquable par la grosseur des côtes longitudinales externes dont est ornée sa valve' inférieure, seule connue jusqu’à présent, et par la faible saillie que l’arête cardinale fait dans la cavité, a été découverte par M. Loftus, dans les calcaires à Hippurites des monts Bakhtiyaré (frontière Turco-Persique). 8° Hippurites organisons , Montfort, sp. Syn. (1781). (4808). (1821). (1821). (1821). (4 826). Orthocératite , Picot de Lapeirouse. Descript. de plus, esp. dJ Orthocérat. , p. 33, 35, PI. X, fig. 5, 6; PI. XI. Batolitcs organisans , Denys de Montfort. Conchyl. systérn t. I, p. 334. Hippurites cornu-copiœ, Defrance. Dict. des sc. nat., t. XXI, p. 196. Hippurites resecla , Defrance. Loc. cit., t. XXI, p. 1 96. Hippurites fistulœ, Defrance. Loc. cit., t. XXI, p. 197. Hippurites resecta, Des Moulins, Essai sur les Spfiérul., p. 444. MÉMOIRE DR M. RÀÏ LE . 099 Syn (1826). Hippurites jîsliilœ, Des Moulins. Loc. cit., p. 146. (1 826). Hippurites organisons , Des Moulins. Loc . cil., p. 146. (1826). Hippurites cornu-copiœ , Des Moulins. Loc. cit., p. 144. (1837). Hippurites organisons, Bronn. Lethœa geognost., p. 635, PL 31, fie. 8. (1837). Hippurites fistula , d’Hombres - Firmas. Recueil de mém., t. IV. p. 179, PI. XI, fig. 3. (1840). Hippurites costulatus , Goldfuss. Petref. Germon., p. 302, PL 165, fig. 2 b [Exclus, fig. 2 o, c, d, e). (1840). Hippurites sülcatus, Goldfuss. I^oc.cit. ,p. 302, PI. 165, fig. 3 c, d ( Exclus , fig. 3 a, b ). (1841). Hippurites organisons, Rolland du Roquan, Descript. des Radis tes, p. 58, PI. VI, fig. 1 à 4; PI. VII, fig. 1 . (1842). Hippurites organisons, Mat héron. Cotai., p. 126. (1847). Hippurites organisons , d’Orbigny. Poléont. franc., terr. crétoc . , t. IY, p. 173, PI, 533. (1847). Hippurites Toucasiana , d’Orbigny. Loc. cit., p. 172, PL 532. (18 52). Hippurites organisons , Bronn et Rœmer. Lethœa geognost ., t. II, p. 247, PL 31, fig. 8. (1855). Hippurites Toucasianus , Woodward. Quart. Journ. ofthegeol. Soc. oj London, t. XI, p. 44, fig. 6, 7. L’ Hippurites organisons est extrêmement commune dans les cal- caires à Hippurites des Corbières, du Beausset, des Martigues; elle appartient au même horizon que Y Hippurites cornu -vaccinum. Elle se trouve aussi aux environs de Jonzac et d’Angoulême, dans les calcaires qui recouvrent les calcaires blancs à Radiolites lumbri- calis , mais au-dessous des couches caractérisées par YOstrea auricu- laris , Brongn. 9° Hippurites bioculatus , Lamarck. Syn. (1781). Orthocêratite , Picot de Lapeirouse. Descript. de plus. esp. d’Orthocér ., p. 19, 21, 23, 27, 29, PL II, fig. 2, 5 ; PL III, fig. 2 ; PI. IV, fig. 1 , 2, 3, 4, 5 ; PL YI, fig. 4 ; PL VII, fig. 1, 2, 4. (1801). Hippurites bioculata , Lamarck. Syst. des anim . sans vertèb ., p. 104. (1811). Hippurites, Parkinson. Organ. rem., t. III, p 118 PI. VIII, fig. 5. (1819). Hippurites rugosa, Lamarck. Hist. nat. des anim . sans vertèb ., t. VII, p. 598. (1819). Hippurites curva , Lamarck. Loc. cit., p. 598. (1821). Hippurites bioculata , Defrance. Dict. des sc. nat., t. XXI, p. 197, PI. 58 bis, fig. 2. (1825). Hippurites cornu- copiœ, de Blainville. Manuel de Malacôl., p. 517, PI. 58 bis, fig. 1, 1 a, 1 b, 1c. SÉANCE DU 18 MAI 1857. 700 Syn. (1 825). (1826). (1826). (1826). (1 830). (1841). (1847). Hippurites binculnta , de Blainville. Loc. cit., PI. 58 bis, fig. 2, 2 a. Hippurites curva, Des Moulins. Essai sur les Sphèrul. , p. 143. Hippurites rugosa, Des Moulins. Loc . cit., p. 143. Hippurites bioculala, Des Moulins. Loc. cit., p. 145. Hippurites bioculata , Deshayes. Encycl. méthod . , Fers, t. II, p. 282, n° 5. Hippurites bioculata , Rolland du Roquan. Descript. des Rudistes , p. 47, PI. II, fig. 1, 2, 3, 4; PI. III, fig. 1 ; PI. VII, fig. 3. Hippurites bioculaia, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac., t. 1Y, p. 166, PI. 529. Celte espèce est très commune dans la craie inférieure des Cor- bières, au même niveau que les Hippurites sulcatus , H, dilatatus , H. cornu-vaccinum, Sphœrulites angeiodes. Syn. (1781). (1808). (181 1). (1821). (1826). (1841). (1842). (1847). 10° Hippurites dilatatus , Defrance. Orthocératite, Picot de Lapeirouse. Descript. de plus . esp . cl'Orthocér., p. 21, PI. III. fig. 1 ; p. 29, PI. VII, fig. 5 • PI. VIII, fig. 1 , 3 ; p. 31 , PI. IX. Hippurites bioculatus, Montfort. Conch. systém . , p . 286. Hippurites , Parkinson. Organ. remains, t. III, p. 118, PI. VIII, fig. 1 . Hippurites dilatata , Defrance. Dict. des sc. nat., t. XXI, p. 197. Hippurites dilatata , Des Moulins. Essai sur les Sp/iér., p. 145. Hippurites turgida, Rolland du Roquan. Descript. des Ruclistes , p. 55, PI. IV, fig. 1 ; PI. V, PI. VII, fig. 5. Hippurites sublœvis , Matheron. Catal., p. 128, PI. 10, fig. 1 , 2. Hippurites Hequieniana, d’Orbigny. Paléont. franc., terr. crétac., t. IV, p. 175, PI. 534, fig. 1, 2, 3,* 6 {Exclus, fig. 4, 5). On trouve Y Hippurites dilatatus dans la craie inférieure des Cor- bières, associée aux Hippurites organisons. H. sulcatus , H. biocu - latus , H .cornu-vaccinum, Sphœrulites angeiodes. Elle n’est pas rare au Beausset, à la Cadière, aux Martigues, dans les couches à Hippu- rites cornu-vaccinum. L’ Hippurites dilatatus a été parfaitement représenté, en 1781, dans les planches 3, 7, 8 et 9 du bel ouvrage de Picot de Lapeirouse. M. Rolland du Roquan en a décrit et figuré un exemplaire adulte, sous le nom à' Hippurites turgida , en faisant remarquer toutefois MÉMOIRE DE M. BAYLE. 701 que Defrance avait appelé H. dilatata un jeune individu de cetle espèce. C’est encore la même Hippurite que M. Matheron décrivit et figura en 18^2 sous le nom d ’H. sublœvis. M. Matheron ayant eu d’extrême obligeance de m’envoyer en communication l'exemplaire qu’il avait fait dessiner (pl. 10, fig. 1 et 2) , j’ai pu m’assurer de l’identité de Y H. sublœvis avec Y H. dilatatus des Cor- bières; et, si la figure 2 ne montre qu’un seul oscule, c’est que le second était encore obstrué par la gangue. Sous le nom d’H. Requie- niana , d’Orbigny a décrit Y H. sublœvis de M. Matheron ; cetle espèce n’est pas dépourvue d’oscules, ainsi que semblerait l’indiquer la fig. 3 (pl. 53ft) de la Paléontologie française; aucune autre espèce d’Hippu- rite n’en possède, au contraire, d’aussi grands. J’ai vu l’exemplaire dont la valve supérieure a été représentée par la fig. 3 ; les 2 oscules y sont masqués, ainsi que la surface d’une partie de la valve, par la gangue, ce qui n’a pas empêché d’Orbigny de faire représenter sur toute la surface de celle valve les pores extérieurs qui n’étaient visibles qu’en un seul point, et de donner, pour caractère particulier à cette espèce, celui d’avoir une valve supérieure dépourvue d’os- cules (1), tandis que ces deux ouvertures, en rapport avec les deux piliers internes, sont très grandes dans cette Hippurite. REMARQUES GÉNÉRALES. Je viens de faire connaître les diverses espèces de Radiolites , de Sphérulites et d’ Hippurites, sur la détermination desquelles il ne peut rester aucun doute dans mon esprit; voyons maintenant com- ment elles sont réparties dans les diverses assises du terrain crétacé qui, seul jusqu’à ce jour, en a conservé les dépouilles. Les dépôts crétacés du sud-ouest de la France permettent de bien comprendre quelle est la distribution des Rudistes, parce que dans celte contrée les espèces sont très nombreuses et s’y rencontrent à des niveaux dont on peut parfaitement définir la position relative. Mais avant d’entreprendre cette étude, il faut tout d’abord que j’explique en peu de mots de quelle manière je comprends la com- position du terrain crétacé. Je divise le terrain crétacé en quatre grands étages, savoir : 1° L’étage néocomien. 2° L’étage du gault. 3° L’étage de la craie inférieure. h° L’étage de la craie supérieure. (1) D’Orhigny, Paléontologie française , terrains crétacés , t. IV, p. 175, PL 534, fig. 3. 702 SÉANCE DU 18 MAI 1857. Chacune de ces quatre grandes coupes de premier ordre peut à son tour être divisée en un certain nombre d’assises, caractérisées à la fois par leur position stratigraphique, et par les faunes particu- lières qu’elles présentent; ces assises secondaires sont souvent repré- sentées toutes à la fois dans une contrée , mais quelquefois^aussi quel- ques-unes d’entre elles peuvent manquer, et, dans ce cas, l’étage dont elles font ordinairement partie est incomplet. Chacune de ces assises, offrant une faune dont la plupart des espèces lui sont spéciales, pourra être désignée par le nom de l’une ou ceux de plusieurs des espèces qui y sont le plus généralement répandues. Cette méthode, après tout, n’est rien moins que nouvelle, et dans un grand nombre de cas elle offre l’avantage incontestable de désigner une assise par une expression entièrement indépendante des variations que les cir- constances locales ont pu produire dans le terrain. Ainsi, quand nous désignerons l’assise la plus ancienne de notre 3e étage par le nom de craie à Turrilites costatus , par exemple, nous entendrons nommer ainsi une assise dont la position géologique dans la série des dépôts crétacés sera comparable à celle que le calcaire à Gryphée arquée occupe parmi des assises qui composent le terrain jurassique. Cela posé, voyons quelles sont les assises dont sont composés notre troisième et notre quatrième étages dans les bassins de la Seine, de la Loire et dans le sud-ouest de la France. La craie inférieure, dans le bassin de la Seine, commence par la craie glauconieuse de Brongniart, que l’on peut si bien étudier au cap de la Hève, près du Havre, et à la montagne Sainte-Catherine, auprès de Rouen. On sait que sous le nom de craie chloritée, craie glauconieuse , Brongniart comprenait toutes les couches crétacées placées entre le gault et la craie marneuse à Inoceramus mytiloides; ces couches renferment un grand nombre de fossiles qui y sont dis- tribués avec une constance remarquable; la plus supérieure est principalement caractérisée par les Ammonites varions , A. Rotlio - magensis, Scaphites œqualis, Turrilites costatus, Ostrea conica, Holaster subglobosus ; le Pecten asper occupe un niveau plus infé- rieur dans le système; 'a Rouen, et dans tout le bassin de la Seine, cette première assise de la craie inférieure (1) est constamment re- couverte p.ar la craie marneuse de Brongniart, où abonde Ylnocera- [1) H ne sera pas inutile de faire remarquer ici que la craie glau - conieuse de Brongniart correspond, en Angleterre, à la fois au grès vert supérieur (upper green sand), et en partie au moins à la craie marneuse des Anglais ( chalh-marf)\ car c’est dans cette dernière que l’on rencontre les fossiles les plus caractéristiques des couches supé- MÉMOIRE DE M. BAYLE. 703 mus mytiloides , et cette dernière assise supporte, à son tour, la craie blanche. Les deux assises qui composent la craie inférieure dans le bassin de la Seine se montrent également dans celui de la Loire; mais entre elles vient s’intercaler une troisième assise, qui manque entièrement dans le bassin de la Seine. En effet, la craie glauco - nieuse de Brongniart, caractérisée par sa faune spéciale, est cons- tamment recouverte dans le département de la Sarthe, ainsi que dans toutes les localités du bassin (Je la Loire où on a pu l’observer, par une assise puissante de sable, de grès et de marne connue de la plupart des géologues sous le nom de gr'es vert du Mans. La partie supérieure de cette assise, incontestablement plus récente que la craie à Turrilites costatus [craie glauconieuse de Brongniart), est toujours formée par des marnes sableuses où l’on rencontre une accumulation prodigieuse à'Ostrea biauriculata, O. plicata , O. co - lumba (1). Celte assise des gr'es verts du Mans est recouverte par la craie de Touraine de Brongniart, c’est-à-dire par la craie micacée de M. d’Archiac (2e étage de son second groupe), dont les couches in- férieures renferment Y Inocerarnus mytiloides , fossile caractéristique de la craie marneuse du bassin de la Seine. Cette assise est très puis- sante; elle présente plusieurs niveaux, assez nettement caractérisés par les principaux fossiles qu’on y rencontre, mais ce sont des subdi- visions dont je n’ai pas 5 m’occuper ici. La craie de Touraine me paraît être l’équivalent de la craie marneuse du bassin de la Seine. La craie inférieure du sud-ouest de la France présente, dans sa composition, une ressemblance frappante avec celle du bassin de la Loire; mais cependant l’étage est incomplet, car l’assise la plus in- férieure avec laquelle il commence dans les bassins de la Seine et de la Loire, c’est-à-dire l’assise de la craie à Turrilites costatus, manque complètement dans cette région. Elle commence par une couche d’argiles lignitifères, assez déve- rieures de la craie glauconieuse , savoir : les Ammonites variâtes , A. Rothomagensis , Turrilites costatus , Scaphites œqualis , etc. La craie marneuse de Brongniart, caractérisée par Y Inocerarnus mytiloides , correspond, à son tour, à la craie inférieure [lower-chalk) de l’Angleterre ; le lower-chalk est en effet caractérisé par Ylnocc- ramus mytiloides et les autres fossiles que l’on rencontre dans la craie marneuse de Brongniart. (1) Ce niveau d’ostracées constitue le troisième étage du second groupe de M. d’Archiac, c’est-à-dire de son groupe de la. craie tuffeau (voy. d’Archiac, Hist. des progr, de la geo/., t. IV, p. 317). 70 â SÉANCE DU 18 MAI 1857. loppée à l’île d’Aix, et que M. Goquand (1), auquel on doit l’étude la plus complète qui ait été faite jusqu’à ce jour des dépôts crétacés du département de la Charente, a retrouvée, mais beaucoup plus développée, à Saint-Paulet, dans le département du Gard; à Saint- Paulet, la craie à Turrilites costatus se voit au-dessous des argiles lignitifères, tandis qu’à Angoulême ces dernières reposent directement sur le terrain jurassique. A ces argiles lignitifères succèdent des grès calcarifères, des calcaires argileux, et enfin des sables argileux dans lesquels abondent les Ostrea biawriculata , O. plicata, O. columba; ces diverses couches forment une assise entièrement comparable à celle des grès verts du Mans. Celte assise est recouverte d’abord par des calcaires marneux où abonde Ylnoceramus mytiloides , auxquels succèdent des calcaires composés de diverses couches, et où l’on rencontre une prodigieuse quantité de Radiolites lumbricalis ; ces derniers, à leur tour, sont recouverts par de nouvelles couches calcaires qui renferment une autre association d’espèces de Rudistes. Je considère celte assise comme représentant dans son ensemble la troisième assise de la craie inférieure du bassin de la Loire. L’étage de la craie supérieure , tel que je le conçois, peut être défini de la manière suivante ; Dans le bassin de la Seine, il comprend la craie blanche et le calcaire pisolithique. Il correspond également à la craie supérieure [upper-chalk) de l’Angleterre ; à la craie blanche et à la craie tuf- feau qui composent la colline de Saint-Pierre à Maëstricht. Dans le bassin de la Loire, cet étage commence avec la craie où se montre 1? Ostrea auricularis , c’est-à-dire avec le premier étage (craie jaune de Touraine) du groupe de la craie tuffeau de M. d’Ar- chiac. Mais, dans le bassin de la Loire, l’étage de la craie supérieure est loin d’être aussi complet que dans celui de la Seine; les couches •plus élevées qu’il présente sont incontestablement inférieures à celles de la craie blanche de Meudon, à Belemnites mucronatus. Dans le sud-ouest, l’étage de la craie supérieure est extrêmement développé ; il commence par des couches sableuses, passant bientôt à d’autres couches crayeuses grises, souvent micacées, à la base desquelles abonde l 'Ostrea auricularis , fossile si caractéristique de la craie jaune de Touraine de M. d’Archiac ; à ces couches qui atteignent une fort grande puissance dans le département de la Dor- dogne succèdent d’autres couches composées de calcaires blancs ( l ) Coquand, Notice sur la formation crétacée du département de la Charente {Bull, de la Soc. géol. de France, t. XIV, p. 55, 1856). MÉMOIRE DE M. BAYLE. 705 marneux, dans lesquels YOstrea vesicularis remplace YOstrea auri- cularis dont nous venons de signaler l’existence à un niveau plus in- férieur. Des calcaires blancs et très souvent jaunâtres couronnent cet étage à sa partie supérieure ; la craie supérieure correspond donc à l’étage des calcaires jaunes supérieurs et à celui de la craie grise marneuse ou glauconieuse et micacée , dont M. d’Archiac (1) fait (J) Le groupe de la craie tuffeau , dont M. d’Archiac fait une divi- sion de premier ordre dans sa classification des formations crétacées, a été subdivisé par le savant académicien en quatre étages dans le bassin de la Loire, et la zone crétacée du sud-ouest elle-même a été partagée en quatre étages. Voici quête sont ces étages : Groupe [ de la 1 1er 2e étage étage. craie tuffeau ( dans le bassin J 5e étage. de la Loire. 1 4« étage. ( 1er 2e étage. étage. Zone crétacée 1 du < 3e étage. sud-ouest, i V 4e étage. Craie jaune de Touraine ( tuffeau de Touraine). Craie micace'e, avec ou sans silex (tuffeau de l’Anjou, bille et pierre de Bouré, Touraiue). Psam miles , glaises, grès grossier, glauconieux , et marne* à ostracées. Grès vert. Calcaires jaunes supérieurs. Craie grise, marneuse, ou glauconieuse et micace'e. i 1° Calcaires blancs ou jaunâtres, à Rudistes. < 2° Calcaires marneux, gris blanc ou jaunâtres. (ô° Calcaires marneux, jaunâtres, avec Ammonites et ostracées. r 1° Calcaires à Ichthyosarcolites. ) 2° Sables et grès verts ou ferrugineux, j 5° Calcaires et grès ealcarifères. avec échinodermes. ^4* Argiles pyriteuses et lignites. M. d’Archiac, cherchant ensuite à comparer la zone crétacée du sud-ouest avec les dépôts correspondants dans le bassin de la Loire (voy. p. 458), regarde le 3e étage du sud-ouest, dont la base est for- mée par les bancs à ostracées, comme étant l’équivalent, beaucoup plus développé et plus varié, du 3e étage des bords de la Loire, celui des psammites, des glaises, et des grès grossiers, glauconieux. Il admet que le 2e étage du sud-ouest correspond à celui de la craie micacée (2e étage des bords de la Loire), et enfin que le premier est l’équivalent de la craie jaune de Touraine. Ces rapprochements ne me paraissent pas de nature à être acceptés par les géologues ; ils ne sont justifiés ni par la position stratigra- phique des étages ni par la composition des faunes dont ils recèlent les dépouilles. Quand on étudie en effet avec attention les coupes nombreuses don- nées par M. d’Archiac, et qu’on se rend un compte bien exact de la position que les fossiles, dont la détermination spécifique a été faite avec exactitude, occupent dans les diverses couches composant les étages des bords de la Loire et du sud-ouest, on ne tarde pas à se former une conviction que l’on peut formuler en peu de mots de la ma- nière suivante : Le 3e étage du bassin de la Loire", composé de glaises, de grès et de marnes sableuses où abondent les Ostrea biauriculata, columba et plicata , ne représente que la partie la plus inférieure du 3e étage Soc, géol ., 2e série, tome XIV. 45 706 SÉANpç pu 18 MAI 3 857. sop premier et son deuxième étages de la zone crétacée du sud- ouest. Je puis maintenant chercher à définir la position que les espèces de Rudistes occupent dans la craie. Ces animaux se rencontrent rarement isolés; ils vivaient en fa- milles nombreuses, formant dans la mer crétacée des bancs souvent très étendus. Chacun de ces bancs est quelquefois composé d’une seule espèce, mais il arrive aussi que plusieurs espèces différentes sont réunies dans le même banc. Dans les dépôts crétacés, les Rudistes se montrent à différents niveaux, et chacun de ces horizons renferme des espèces spéciales , en sorte que les diverses zones de Rudistes fournissent un élément précieux pour la classification des assises de la craie. La zone crétacée du sud-ouest renferme presque tous les horizons de RqçUstes connus jusqu’ici. On peut désigner les différents horizons de Rudistes par leurs numéros d’ordre respectifs, mais je préfère distinguer chacun d’eux du sud-ouest et non cet étage tout entier, c’est-à-dire qu’il correspond aux marnes sableuses caractérisées par les mêmes espèces d’Huîtres que sur les bords de la Loire. Les calcaires marneux, qui recouvrent ces marnes à os tracées, dans le sud-ouest, ne renferment pas seulement des Ammonites, mais Y In oce ramus mytiloides y est très commun. Ces calcaires sont donc placés, par rapport aux couches à ostracées, Exactement de la même manière que le sont, dans le bassin de la Loire, les premières couches de la craie micacée, où Y Inoceramus mytiloides n’est pas plus rare que dans la Charente. Le deuxième étage du sud-ouest est caractérisé par une faune spé- ciale, dont les espèces les plus communes se retrouvent toutes dans la craie jaune de Touraine (Ier étage), tandis qu’aucune d’elles ne se rencontre dans la craie micacée (2e étage du bassin de la Loire). VOstren auricularis joue à la partie inférieure de la craie jaune de Touraine le même rôle qu'à la base de la craie micacée du sud-ouest; d’où il résulte que la craie micacée du bassin de la Loire, placée entre les couches à Ostrea biauriculata (3e étage) d’une part et celles qui renferment Y Ostrea auricularis (1er étage) d’autre part, occupe dans ce bassin une position géologique entièrement analogue à celle où sont situés, dans le sud-ouest, les calcaires marneux, jaunâtres, avec Inoceramus mytiloides , et les calcaires blancs à Rudistes, qui sont compris eux-mêmes entre les marnes à Ostrea biauriculatn (base du 3* étage) et les coqches à Ostrea auricularis (base du 2e étage). Ainsi, pour me résumer, c’est le troisième étage du sud-ouest tout entier qui, selon moi, correspondrait à la fois au troisième et au second étpge du bassin de la Loire, tandis que le second étage du sud-ouest serait parallèle à la craie jaune de Touraine, c’est-à-dire au premier étage du bassin de la Loire. MÉMOIRE DE M. BAYLE. 707 par le nom de l’une des espèces qui s’y rencontrent ; cette méthode présente l’avantage, lorsqu'une nouvelle zone vient à être découverte, de ne pas obliger à changer le numéro d’ordre de tous les autres horizons. Les premiers Rudistes qui apparaissent dans le terrain crétacé se rencontrent dans les calcaires à Chama ammonia qui forment, en Provence et dans les Alpes, la partie supérieure de l’étage néocomien. Ces calcaires renferment, en effet, deux espèces dont d’Orbigny a fait ses Radiolites marticencis et Radiolites neocomiensis. L’existence de ees deux espèces me paraît encore fort probléma- tique. Elles opt été fondées par d’Orbigny sur de nombreux frag- ments empâtés dans un calcaire compacte très dur, fragments à l’aide desquels ont été dessinées les figures de la planche 5 A3 de la Paléontologie française. Or, on ne connaît pas encore l’appareil cardinal, ni le système musculaire de ces coquilles; en sorte que tien ne prouve jusqu’à présent que ce soient de vrais Rudistes. ; et, dans le cas où ces coquilles auraient appartenu à des Rudistes , on ne pourrait pas savoir si ce sont des Radiolites ou des Sphœrulites. C’est donc avec la plus grande réserve que j’admets l’existence de ces deux espèces et que, par suite, je considère les calcaires à Chama ammonia (1) de la Provence et des Alpes comme offrant le premier niveau de Rudistes. gault et les argiles à Pliçatules® placées à la base de cette der- nière assise n’ont jusqu’à présent fourni aucune espèce de Rudistes. (1) Ce fossile, désigné pour la première fois sous le nom de Diceras , est devenu successivement une Chama pour Goldfuss, une Caprotina pour d’Orbigny, une Rcquienia pour M. Matheron, et enfin une Rcquienia pour M. d’Orbigny lui-même. Il est résulté de tous ces changements de noms que les géologues ont tour à tour em- ployé les expressions de calcaire à Dicérates , calcaire à Chama am- monia ^ calcaire à Càprotines et de calcaire à Requiéhies, pour désigner une même assise de l’étage néocomien. Ce fossile, d’abord classé parmi les Dicérates ou les Cames , n’est pas un Rudiste ; c’est, au contraire, une véritable Came. J’adopte donc l’expression de calcaire à Chama ammonia , pour désigner l’assise néocomienne qui renferme cette es- pèce, de préférence à celle de calcaire à Dicérates , parce que le calcaire à Discérates des Pyrénées n’est pas l’équivalent du calcaire à Chama ammonia de la Provence ; il est plus récent que ce dernier, et de même âge que le grès vert d’Ângoulême ou que le grès vert du Mans, c’est-à-dire supérieur à la 'craie glauconieuse à Turrilitcs costatus. 708 SÉANCE DU 18 MAI 1857. La craie inférieure contient un grand nombre d’espèces de Ru- distes qui forment quatre horizons distincts dans cet étage. Le premier n’a présenté jusqu’à présent qu’une seule espèce dont les rares exemplaires ont été troifvés au cap de la Hève près du Havre, dans la craie à Turrilites costatus , Ammonites varions , et dans le grès vert supérieur de l’Angleterre, assise plus ancienne que toute la série des dépôts crétacés du sud-ouest. Cette espèce, à laquelle M. Woodward (1) a donné le nom de Radiolites Mantelli , est encore très mal connue; l’exemplaire décrit se compose d’un groupe de deux valves inférieures accolées l’une à l’autre, mais en partie brisées et complètement dépouillées des lames internes du test. Dans l’une des deux, M. Woodward signale l’existence d’un sillon étroit ( [narrow ligamental furrow) qui cor- respondait peut-être à une arête cardinale; s’il en était ainsi , l’espèce appartiendrait au genre Sphœrulites , ce qui me paraît être assez probable. Mais lesRudistes commencent à se montrer en grand nombre dans l’assise des grès verts dJ Ang oui ême ou des grès verts du Mans , c’est- à-dire dans la série des couches crétacées géologiquement placées au-dessus de la craie à Turrilites costatus (craie chloritée de bron •* gniart) et dont les bancs à ostracées ( Ostrea biauriculata , O.plicata) forment la couche supérieure. Les espèces qui composent ce deuxième horizon de Rudisles, que nous appellerons horizon du Sphœrulites foliaceus , sont les sui- vantes : Sphœrulites foliaceus , La ma rck . - — Fleuri ausi, d’Orbigny (sp.). — triangularis , d’Orbigny (sp.). — poiyconilites , d’Orbigny (sp.). Caprina a cher sa, d'Orbigny. — costata, d’Orbigny (sp. ). — striata, d'Orbigny (sp.). — triangularis , d’Orbigny (sp.). Toutes ces espèces se rencontrent dans la zone crétacée du sud- ouest; mais quelques-unes d’entre elles ont été trouvées aux envi- rons du Mans dans les couches sableuses situées au-dessous des marnes à Ostrea biauriculata : ce sont les Sphœrulites Fleuriausi , Caprina striata , C. costata (2). (1) Woodward, Quart. Journ. qui seront entreprises ultérieurement. » En 1851 , dans le chapitre 7 (vol. IV) de Y Histoire des progrès de la géologie , nous avons pu compléter nos premiers aperçus et nous pensions encore que cette sorte de triangulation de second ordre pourrait servir de canevas ou de base à des recherches plus détaillées, comparables elles-mêmes aux travaux topographiques qui s’exécutent souvent à l’aide d’une simple boussole. 51. Manès, dans sa Description physique , géologique et minéra - lurgique du département de la C har ente- Inférieure , publiée en 1853, en a jugé ainsi; mais 51. Coquand, dans une Notice sur la formation crétacée du département de la Charente-Inférieure (2) , dont nous n’avions pas eu connaissance lors de sa présentation à la Société , a cru faire beaucoup mieux que ses prédécesseurs, ou du moins autrement qu’eux. _51on but n’est point ici de critiquer ce tra- vail, mais de réclamer ce que je crois m’appartenir. Je ferai égale- ment abstraction de certains rapprochements théoriques entre ces couches crétacées et celles d’autres parties de la France, me bornant à considérer les faits stratigraphiques réels propres au pays dont nous parlons. 51. Coquand donne (p. 56-57) sa classification générale de la for- mation crétacée et (p. 58-59) celle plus particulière du département de la Charente. Il aurait pu , avec quelques lignes de plus, reproduire celle que j’avais donnée en 1851 pour toute la zone crétacée du sud- (t) Ann. des sc. géol, de Rivière, vol. II, p. 123, 1843, 2 planches de coupes. (2) Bulletin , %e sér., vol. XIV, p. 53, séance du 3 novembre h 856, OBSERVATIONS DE M. D ARCHUC 767 ouest, ce qui eût mis le lecteur à même d’apprécier les différences des deux classifications et de juger des progrès que la seconde a fait faire à cette partie de la géologie de l’Angoumois. On aurait vu de suite que les divisions de iVÏ. Goquand sont plus nombreuses que les miennes, ce qui devait être, puisque son but différait du mien et que je n’avais point consacré huit années à l’étude de ce département. J’avais admis ou indiqué suffisamment 15 ou 16 divisions d’inégale valeur, M. Goquand en établit 18, mais cela importe peu , car ceux qui viendront après lui pourront doubler ou tripler ce nombre avec tout autant de raison , suivant le point de vue auquel ils se placeront. Ce que M. Goquand a omis dans sa note, je vais essayer de le faire. Pour faciliter la comparaison de ma classification de 1851 avec celle de M. Goquand, je les mettrai en regard dans le tableau suivant : Classification de m. Coquand Classification de m. d’Archiac (1856). (1843-1851). 2» Et.. 1er s. -et. Argiles lignitifères. . . , 2e — Grès verdâtre calcnrifère el grès sableux ferrugi- neux 5e — Calcaires à Ichthyosarco- liles, • ... . 4» — Argile léguline . .....' 5e — Sables supérieurs à O. plicata 6» — Deuxième baucà Ichthyo- sarcolites . - 7« — Calcaire marneux avec Ostrea columba , var. major , Inoceramus , etc. ..... .... . 1 3e — Dr — Calcaire subcristallin en plaquettes. — Calcaire dur saccharoïde. 5« — Calcaire à Radioliles ' lumbricalis. ..... 4® — Dr — Calcaire marneux en pla- quettes 2e — Calcaire solide (chau. dron) 3e — Calcaire feuilleté, mar- 1 neux 1 i'r — 1er _ Sables et grès de Riche- mond 2^ — Ciaie solide, à O. auricu. lavis 4* Et., 4®s.-ét. Argiles pyriteuses et li- g ni tes. /5« — Calcaires et grès cale, avec ) échiiVodermes. i 2 — Sables et grès verts ou fer- \ rugi neux. 1er — Calcaires à ' Caprinelles (Ichlhyosarcolites). 5* — ô« — Calcaires marneux, jaunes, et argiles bleues avec os- tracées, calcaires à Am- monites Fleuriausianus , etc. 2» — Calcaires marneux gris, blancs ou jaunâtres. 4«r — Calcaire blanc, jaunâtre, à i udisles. .... Calcaire marneux, schist,, 'sans fossiles. , . . . . Chaudron. 2* — Craie tendre arec silc g f 2- V . , Craie tendre, à O. vesi- cü tarif . . Calcaire jaune, Spliœru- lites cylindraceus , etc. 1er. Calcaire marneux en pla- quettes. Sables de la vallée du Trèfle. Calcaires sableux, glauco- nieux, durs, en plaquettes. Calcaire marneux, blan- châtre, à silex, et calcaire marneux, tendre. Calcaires jaunes supérieurs. Assise supérieure. (1) Histoire des progrès de la géologie , vol. IV, p, 395 , 422, 437, pl. II, 1851. Les assises indiquées ici à la fin des trois pre- mières lignes ne sont mentionnées que dans le texte descriptif, mais ne pouvaient être méconnues avec la plus légère attention. 768 SÉANCE DU !«*■ JUIN 1857. Notre confrère (p. 59) divise la formation crétacée du département de la Charente en deux groupes qu’il désigne par les expressions de craie inférieure et de craie supérieure. La craie inférieure de M. Co- quand comprend exactement mes étages h et 3, et la craie supérieure mes étages 1 et 2, de sorte que cette première coupe générale delà formation est identique de part et d’autre. Passons aux 6 étages et aux 18 sous-étages, en procédant comme l’auteur, de bas en haut, inversement à la marche que nous avons adoptée. Craie inférieure , Coq. , étages 3 et 4, d’Arch. Le deuxième étage de M. Goquand, le premier suivant lui n’exis- tant pas dans le pays, est divisé en 7 sous-éiages. Le 1er sous-étage, argiles lignitifères > correspond exactement à la quatrième assise de mon Ae étage , argiles pyriteuses et lignites. (Loc. cit. , A37.) Le 2e sous-étage , grès verdâtres calcarifères et grès sableux ferrugineux, comprend mes assises 3 et 2, calcaires et grès calcari- fères avec échinodermes , sables et grès vert ou ferrugineux . Le 3e sous-étage correspond à l’assise n° 1, calcaire à Caprinelles . Les sous-étages A , 5 et 6 représentent l’assise n° 3 ou la base de mon troisième étage. C’est dans la zone crétacée du sud-ouest, comme dans le bassin de la Loire , un excellent horizon. On peut y établir, suivant les points , des divisions plus ou moins nombreuses, mais ses caractères généraux sont constants depuis les environs de Cahors jusqu’à Soubise, au sud de Rocheforl. M. Coquand a décou- vert un second banc d’Ichthyosarcolites ; c’est le fait le plus nouveau de sa notice. Le 7e sous-étage représente la seconde assise de mon troisième étage, les calcaires marneux gris, blancs ou jaunâtres, dans lesquels se trouvent aussi compris les sous-étages 1 et 2 du troisième étage de M. Coquand. Le 3* sous-étage de ce dernier, calcaire pierre de taille caracté- risée par les Radiolites lumbricalïs, correspond exactement à la première assise de mon troisième étage , calcaires blancs ou jau- nâtres à rudistes, dans laquelle nous avions aussi distingué (p. A26) les trois sous-étages du A* étage de M. Coquand, c’est-à-dire au- dessus des calcaires précédents , un calcaire marneux schistoïde sans fossiles , le chaudron et les calcaires marneux en plaquettes. Craie supérieure , Coq. , étages 2 et \ , d’Arch. Le 1er sous-étage du l*r étage de M. Coquand, le sable et grès OBSERVATIONS DE M. d’àRCHIAC. 769 i q i* m ut b ili il 4 au* li'dîJ '(M fit sableux de Richemond , est le dépôt que j’ai indiqué absolument dans la même position sur les bords du Trèfle, près de Marignac (p. 417), et que M. Manès a retrouvé ensuite à Richemond même (p. 155) et près de Saujon. Le 2e sous-étage correspond exactement aux calcaires sableux et glauconieux , durs, en plaquettes , de ma première assise inférieure que j’ai suivis et décrits depuis Gourdon (Lot) jusqu’à Saujon (Cha- rente-Inférieure). Le 3e sous-étage représente la seconde et la première assise de mon second étage. Le 2e étage de i\I. Coquand comprend toute la partie principale de mon premier, c’est-à-dire les calcaires jaunes supérieurs que l’on peut suivre du département du Lot à l’embouchure de la Gironde, caractérisés sur une grande partie de celte étendue par l’abondance de YOstrea vesicularis , var. , des Sphérulites, des Radiolites, des échinodermes, etc.; mais nous persistons à en distinguer au-dessous, malgré un certain nombre d’espèces communes, l’assise marneuse de Riberac à Talmont, que nous plaçons à la partie supérieure de la craie micacée. Enfin le troisième étage de M. Coquand est formé avec la partie supérieure de mon premier étage , dont j’ai également indiqué les caractères et la position, de Beaumont et Saint-Mametz à Mucidan, Montlieu , Montendre et Royan. En résumé, M. Coquand a proposé 18 divisions dans la formation crétacée du département de la Charente, et , ajoute-t-il, de la Cha- rente-Inférieure, au lieu de 15 ou 16 que nous avions indiquées. Il les a souvent , à la vérité, associées ou groupées d’une manière diffé- rente , mais on sait combien il y a d’arbitraire dans ce travail de chacun lorsqu’il s’agit de faits de cet ordre. Cependant nulle part les rapports straligraphiques essentiels établis par nous sur une surface I beaucoup plus étendue, et en beaucoup moins de temps, ne se sont trouvés en défaut et n’ont été démentis. Nous ne voyons donc pas que la classification que nous avons établie en 1843 et complétée en 1851 l soi t infirmée en aucune manière par les observations plus détaillées et plus circonscrites de M. Coquand. Nous trouvons même dans ces dernières la confirmation de ce que nous avons dit en nous plaçant à an autre point de vue , et nous aurions été bien aise de ne pas nous ;rou ver dans la nécessité toujours désagréable de le faire remarquer îous-même. Nous persisterons donc à regarder les horizons géologiques que îous avons tracés dans la zone crétacée du sud-ouest comme étant frais et indépendants des sous-divisions locales nécessitées par un Soc. géol., 2e série , tome XIV. 49 770 SÉANCE DU 1er JUIN 1857. travail différent du nôtre, mais pour lesquelles ils pourront toujours servir de base. Enfin , quant aux rapprochements et aux synchronismes que M. Coquand s’attribue avec un certain empressement et que de son côté M. Raulin, dans une lettre lue à la dernière .séance, revendique avec non moins de chaleur pour les géologues aquitains, ce sontd es conclusions d’un ordre tout différent, dont je n’ai point à m’occuper ici , mais qui gagneraient certainement beaucoup au jugement du lecteur, si elles étaient déduites d’observations stratigraphiques com- parées plus complètes , et si elles étaient exprimées en même temps avec plus de réserve. M. Bouvy fait la communication suivante : Depuis mon séjour aux îles Baléares datant de 1834, je m’occupe de leur étude géologique et physique. Ce séjour coïncide avec le voyage de M. de laMarmora que j’ai eu le plaisir d’accompagner dans quelques excursions. Le mémoire de ce savant m’a servi de guide. En 1852, j’ai publié dans une revue espagnole une description des roches composant l’île de Mayorque et de l’exploitation du charbon. Les progrès des sciences paléontologiques depuis une vingtaine d’années me firent voir que, sans une détermination exacte des fos- siles, je ne ferais qu’un travail incomplet et de peu de valeur. Je me suis donc contenté de rassembler des matériaux en attendant l’occa- sion de faire un voyage à Paris. Cependant, en 1853, j’ai eu le plaisir de recevoir la visite de Jules Haime, de regrettable mémoire. La classification que ce savant m’a donnée, et qu’il a publiée en 1855 dans le Bullètin , a été le premier travail exact qu’on ait publié sur la faune de Mayorque. En commençant l’exploitation du charbon, je considérais ce gise- ment comme appartenant au terrain crétacé, conformément à l’opi- nion de M. de la Marmora, malgré la présence des Nummulites dans des couches calcaires en contact avec le combustible, puis- qu’alors c’était l’opinion de ia plupart des géologues. Les coupes données par divers auteurs de gisements analogues, Enlrevernes (Savoie), Pyrénées, Corbières, etc., me confirmèrent dans cette opinion. Divers voyages faits dans le midi de la France, à Aix, en Provence, et sur différents points de l’Espagne connus pour posséder des gisements de lignite, me firent toujours voir une grande diffé- rence. Partout je vis le terrain tertiaire lacustre bien déterminé, NOTE DE M. BGUYY. ,7,71 tandis qu’à Mayorque on* voyait un dépôt d’eau douce enclavé ou immédiatement superposé au terrain crétacé. Plus tard, la lecture des divers articles, et mémoires publiés par la Société sur la véritable place des terrains à Nummulites me fit concevoir des doutes, et m’engagea à faire des observations stra- ligraphiques très exactes. Le voyage rapide de Haiine jeta quelque jour sur l’âge des divers terrains par la détermination des fossiles; triais comme ce savant ne s’occupa guère de stratigraphie, il est tombé dans une erreur en disant que le combustible de Mayorque est supérieur aux couches à Nummulites, tandis que le contraire a lieu, comme la Société peut le voir par la coupe ci-dessous. 1. Calcaire compacte. 2. Calcaire argileux. 5. Calcaire bitumineux, avec charbon, 4. Calcaire à grains conerétionnés. 5. Calcaire compacte, écailleux. 6. Conglomérat. 7. Calcaire ai gilo-sableux. 8. Calcaire bitumineux, avec charbon. ; 9. Calcaire à Nummulites, • 10. Conglomérat. 11. Calcaire à foramiuifères. 12. Conglomérat. 13. Calcaire argileux à Ammonites. 14. Calcaire à Nummulites. 13. Conglomérat. J’ai fait trois coupes perpendiculaires à la direction des couches séparées entre elles d’une lieue. Nous trouvons pour chacune d’elles la succession suivante : 1° Un calcaire compacte, à grains fins, jaunâtre, partagé par de nombreuses veines spathiques, fournissant un marbre commun très en usage pour les constructions diverses, telles que bains, chemi- nées, etc. Cette roche est caractérisée par de nombreux Ammonites , Be- lemnites , Aptychus , Spatangus , Terebratula , etc., parmi lesquels on observe, d’après Haime, les espèces suivantes : SÉANCE DU 1er JUIN 1857. 772 Ammonites plicatilis. — atbleta. — rccticostatus. — subfimbriatus . Belemnites hastcitus. Be l cm n i tes can ali cul a tus, — dilatât us. A p ty ch us imbricatus . Terebratula diphya. Cyclolites elliptica. 2° Un calcaire argileux, bleuâtre, passant par intervalles à un calschiste avec les mêmes fossiles que le précédent. 3* Un calcaire bitumineux avec dépôts irréguliers de charbon et d’argile plastique blanche, bleue et noire, assez réfractaire. On trouve dans la roche bitumineuse, ainsi que dans le charbon, les fossiles suivants : B uli mus, Hélix. Clausilia Beaumontiy déterminé par Haime. Planorbis obtusus , — Melania Laurea, — Lymnœa pyramidalis . Les amas de charbon ont une puissance variable de 3 mètres à un simple filet qui sert de guide aux mineurs pour en trouver d’autres. Dans les roches encaissantes on observe des impressions végétales nombreuses, paraissant appartenir à la famille des Algues. L’exploitation de ce charbon se poursuit d’une manière régulière depuis 1836. La composition médiate est la suivante : Matières volatiles 0,23 Carbone 0,65 Cendres 0,12 Son pouvoir calorifique est de 5500 calories. h* Une couche de calcaire à grains concrélionnés, de grandeur variable, depuis la grosseur d’un œuf à un grain de millet, fournis- sant un marbre 'a bel effet. 5° Un calcaire compacte écailleux, d’un brun sale, sans fossiles. 6° Un conglomérat de cailloux roulés calcaires ou un nagelflueou gompholite de Brongniart ; la grandeur des cailloux varie de la gros- seur de la tête à celle du gravier; fortement cimenté par une pâle calcaire. Cette roche fournit à la construction des colonnes qui prennent le poli et donnent une brèche d’un assez bon effet. 7° Un calcaire argileux, sableux, avec impressions végétales. 8“ Un calcaire bitumineux analogue à celui indiqué sous le n° 3, ! NOTE DE M. BOUVY. 773 avec des amas irréguliers de charbon et les mêmes fossiles précédem- ment indiqués. 9° Un calcaire pétri de Nummuîites, qui d’après Haime, sont les espèces suivantes : IV u m m u li tes Ram on d i , — inter media. — - planulata. 10° Ui> banc de conglomérat analogue en tout & celui indiqué sous le n* 6. 11° Un calcaire pétri de foraminifères non déterminés encore. 12° Un autre banc de nageiflue comme les antérieurs. 13® Un calcaire argileux, dans lequel j’ai (rouvé des Ammonites, Scaphites, Bélemnites non déterminés encore, entre autres en mai 1855, avec M. Paul iMarès qui doit en posséder des échantillons à Paris. 14° Immédiatement sur ce calcaire, on trouve en stratification- concordante une couche de calcaire à Nummuîites des espèces anté- rieurement citées ; on y trouve encore des polypiers du genre Eschara , ainsi que des Échinites (genre Cidaris ), des Pecten et d’autres bi- valves non déterminées. 15® Ce dépôt est recouvert par un conglomérat très puissant. Sans ce dépôt de calcaire argileux avec Ammonites et Bélemnites, désignés sous le n® 13, tout serait normal dans cette coupe et analogue à celles données par divers auteurs des Apennins, des Basses- Alpes, etc. Mais à Mayorque se présente un fait analogue à celui qui fut observé par M. Leymerie, dans l’Aude, ce qui motiva la dési- gnation de terrain épicrétacé. Il faut peut-être considérer ces fossiles comme une colonie cré- tacée. J’espère pendant mon séjour à Paris, en recevant une partie de ma collection, et avec l’aide d’hommes compétents, éclaircir ce doute. M. Barrande demande à M. Bouvy si la coupe qu’il a ob- servée est assez régulière pour ne laisser aucun doute sur la position de la couche à Ammonites, Scaphites, etc.; si ces fossiles ne paraissent pas remaniés, et enfin si la même coupe se reproduit plusieurs fois. M. Bouvy répond que la couche crétacée fossilifère semble bien être immédiatement superposée aux bancs à Nummuîites, et que la couche (2) est semblable à la couche (1 3) de la SÉANCE DU 1er JUIN 1857. Ilh coupe -, les fossiles n’ont pas été remaniés. Le seul moyen d’expliquer cette coupe, d’après les idées reçues en géologie, est de supposer l’existence d’une faille, supposition qui serait d’ailleurs en rapport avec le relief topographique du terrain. Le Secrétaire donne lecture de la notice suivante de M.Zien- kowicz ; Note su r quelques faits observés lors de V ouverture et de V élargissement de la galerie principale du souterrain de Blaizy , près de Dijon , par M. Zienkowicz. L’inclinaison de l’axe du chemin de fer, dans le souterrain, ayant une direction tout opposée à l’inclinaison des couches des terrains, a fait que l’ouverture de la galerie a présenté une coupe complété de deux étages inférieurs, de la formation liasique, et de presque toute la formation des marnes irisées. Cette circonstance a donné toutes facilités pour étudier les Cou- ches dans leur état primitif, les changements qu’elles ont subis par la proximité des failles, les infiltrations des eaux, le contact de l’air, les dérangements ou dislocations locales qu’ont éprouvés ces couches par la cristallisation et la formation des géodes, ou par suite de la réaction chimique qui s’est opérée avant l’ouverture de la ga- lerie et pendant l’exécution des travaux. Pour le moment, je 11e parlerai que d’un fait qui s’est présenté sur une assez grande échelle, et qui a occasionné des accidents très graves et créé des difficultés à l’exécution des travaux du souterrain pendant diverses périodes de ces travaux. Entre les puits 12 et 16 du souterrain, la galerie a été excavée dans l’étage infraiiasique. La puissance de cet étage varie de 8m,50 à 10m,50; par sa nature minéralogique, il présente deux assises bien distinctes : l’assise supérieure se compose de deux bancs minces de grès, de calcaire marneux (le même qu’on exploite à Pouilly pour la fabrication du ciment), et de petits lits de marnes noires; l’assise inférieure présente des bancs de grès alternant avec des bancs de marne, et une couche puissante de marne (4 à 5 mètres) renfermant une grande quantité de dépôts de grès, en forme de lentilles, d’épais1 seur et d’étendue variables, dont les grains varient depuis le sable le plus fin jusqu’au gros gravier. Ces dépôts de grès renferment des fossiles (vertèbres de sauriens, dents, etc.); ils renferment aussi des nodules ou plaquettes, des sulfures de zinc et de fer ; mais c’est sur- tout dans les bancs minces de marne et dans la grosse couche de NOTE DE M. ZIENKOWICZ. 775 marne, que les plaquettes de sulfure de fer sont très abondantes. J’insiste sur cette circonstance, car la présence de ces sulfures a été la cause principale des difficultés et des accidents qui se sont produits pendant l’exécution des travaux dans cette partie du souterrain (pour la disposition des couches, voir la coupe géologique ci-dessous). L’entrée en galerie n’a présenté aucune difficulté ; la nature du sol a été bonne, solide; le rocher s’attaquait bien au burin et au pic on pouvait donner à la galerie toute la régularité désirée; on aurait dit qu’elle eût été ouverte dans une couche de houille; la marne avait du reste la résistance, la couleur et le clivage de la houille; le boisage consistait en cadres solides, placés de 2 en 2 mètres, avec blindage du ciel en madriers. A mesure que la galerie avançait, la température s’élevait, et l’air commençait à manquer, à tel point que le ventilateur, assez puis- sant, ne suffisait pas pour entretenir la combustion des lampes qui s’éteignaient à chaque instant. La chaleur est devenue si accablante, surtout dans la galerie du puits 16 vers 15, que les mineurs et les maçons ne pouvaient plus travailler, même en chemise. Mais le mal ne s’arrêtait pas là ; la galerie en gagnant longueur (je parle toujours de la galerie du puits 16 vers 15), à mesure que l’air et l’humidité y pénétraient, se déformait, le rocher se décomposait et se disloquait; les bois de chêne et de sapin des cadres éprouvaient aussi une espèce de décomposition; ils n’avaient aucune force, leurs fibres ne pré- sentaient aucune adhérence, et iis s’écrasaient ou se rompaient ; les poteaux pénétraient quelquefois jusqu’à lm,20 dans le sol); le sol de la galerie se soulevait, le ciel s’abaissait, les parois verticales se rapprochaient, de manière que la galerie avait l’air d’être tordue ; ses parois étaient couvertes de petits cristaux de sulfate de chaux. On rencontrait fréquemment dans des encoignures des parois de 77G SÉANCE DU 1er JUIN 1857. la galerie des tas de marne en poussière ou en minces éclats, main- tenus ensemble comme s’ils étaient faufilés par des fils soyeux de sulfate de chaux. La pression du terrain est devenue si forte, qu’il a fallu doubler et tripler les cadres intermédiaires de boisage, blinder les parois verti- cales, et mettre une telle quantité de poteaux de consolidation, que non-seulement la circulation , mais l’opération de nivellement et d’alignement était devenue difficile; cette difficulté s’aggravait en- core par le peu de lumière que fournissaient les lampes. Après la jonction des galeries, la circulation de l’air s’est faite librement et très aelivement, les soulèvements du sol de la galerie et les abaissements du ciel se sont développés sur une plus grande échelle, surtout quand on a élargi la galerie, en portant sa largeur de A à 9 mètres pour l’établissement des cintres et le revêtement en maçonnerie. Celte opération d’élargissement de la galerie a consisté, non-seu- lement à enlever le rocher de chaque côté, en donnant aux parois à peu près la forme de la voûte, mais encore, comme le ciel de la ga- lerie s’était abaissé et le sol élevé, à reprendre le haut et le bas, ce qui a augmenté les difficultés, et mettait la vie des ouvriers en danger. Une partie de la galerie étant élargie, son ciel bien examiné présen- tait un banc de grès solide de 0,30 d’épaisseur, les cintres posés sur une longueur de 12 mètres, le boisage étant fait avec soin et pré- caution, de petits étais portant sur les cintres bien consolidés et moisés ayant été placés pour plus de sûreté, l’éboulement extraordi- naire a eu lieu, et il a été si soudain que deux ouvriers, en passant, ont été surpris. Ordinairement l’éboulement s’annonce par un cra- NOTE DE M. Z1ENKOWICZ. 777 quement du rocher et des bois; mais celui-ci a été subit, avec explosion et production d’une poussière épaisse qui a rempli la ga- lerie et n’a pas permis, pendant quelque temps, de s’approcher pour examiner le lieu du sinistre. Dans ces travaux, je me suis assez familiarisé avec les éboulements, surtout dans les terrains détritiques du puits 19 bis. Les éboule- ments présentent, en général, une espèce de cloche, ou le détache- ment d’un rocher par une fissure ou crevasse, ou le délit d’un banc, glissement ou bascule d’un bloc mal étayé, etc. ; ces sortes d’ébou- lements peuvent très souvent être prévus et évités avec des précau- tions et des boiseurs intelligents. Mais il n’v a rien eu de semblable dans l’éboulement dont je rends compte, et qui a eu lieu près du puits 16 ; ii a présenté un spectacle affreux : les étais ont été tordus ou écrasés dans le sens vertical ; les cintres bouleversés et déformés dans tous les sens par la pression des petits poteaux qui soutenaient le ciel ; plusieurs de ces poteaux pénétraient profondément dans le bois des cintres; les bancs de grès qui formaient le ciel ont été fracturés, et les bancs de marne qui alternaient avec ceux de grès ont été réduits en minces éclats ou en poussière, et non pas en gros fragments, comme cela a lieu dans l’éboulement ordinaire ; le vide laissé par l’éboulement présentait une voûte plate, et ses parois étaient tapissées de petits cristaux de sulfate de chaux. Le profil des bancs dérangés, mais retenus par la voûte en maçon- nerie aboutissant à l’éboulement, faisait voir que cet éboulement a été produit par le soulèvement de haut en bas (permettez-moi cette expression), agissant dans le sens de la plus faible résistance. La présence des sulfures dans ce terrain contribuait si puissam- ment à sa décomposition et à son augmentation de volume, que très fréquemment la voûte en maçonnerie a éprouvé une pres- sion telle que ses moellons de parement, quoique de grande dimen- sion et d’un calcaire très résistant, se sont trouvés écrasés; que même les pierres de taille formant les angles des galeries de péné- tration subissaient le même sort. Les cintres mis pour la construction de la voûte présentaient souvent tant de difficultés à être démontés, qu’on était forcé de les arracher par morceaux; on aurait dit qu’ils étaient pris dans un étau. Les cales en forme de coin, ayant 10 centi- mètres d’épaisseur au gros bout et que l’on emploie pour régula- riser la pose des cintres, et faciliter leur démontage, se sont trouvées réduites à quelques centimètres d’épaisseur par la pression exercée sur la voûte, et par le soulèvement du sol d’en bas. Dans le terrain infraliasique, le sol de la galerie voûtée a été soulevé ^de 1 mètre à ln\20, et dans un endroit on a établi sous cette voûte 778 SÉANCE DU 1er JUIN 1857. une écurie provisoire en y mettant quelques poteaux entre le sol et la voûte ; le soulèvement a eu lieu, et les poteaux ont pénétré dans la maçonnerie en repoussant les moellons (voir le croquis ci-dessous). Voilà les faits tels qu’ils se sont produits très fréquemment, et tels que je les ai constatés pendant une année entière. En examinant la forme que présentaient ces petits soulèvements, je suis porté à admettre que les dislocations, contournements en zigzags des couches houillères, sont dus à une cause semblable, et que certaines dislocations et petits soulèvements locaux sont aussi produits parla décomposition des sulfures : à l’appui de cette der- nière supposition, je citerai un fait qui s’est produit sur une assez grande échelle, et qu’un accident m’a permis de constater. Pour l’exécution du canal de la Marne au Rhin, à Liverdun, près Nancy, on a été obligé d’ouvrir une tranchée (tranchée des Vaux), longue et profonde, dans une vallée très resserrée par deux côtes élevées et par des chemins aux pieds de ces côtes, de telle sorte qu’on n’a pas pu donner aux talus de cette tranchée l’inclinaison nécessaire pour les préserver des éboulements ; il a donc fallu con- server les parois presque verticales et les revêtir de forts perrés à pierre sèche. Quelques mois après la construction de ces perrés, ils se sont écroulés sur une assez grande. étendue. M. Collignon, alors ingénieur en chef de la deuxième section du canal, m’a chargé d’examiner cet ébouîement et le terrain, et de rechercher la cause de l’écroulement des perrés. En me rendant sur le lieu de l’accident, j’ai remarqué que les talus mis à découvert par les perrés écroulés présentaient absolu- ment la forme d’un toit élevé recouvert de tuiles en écailles de poisson (voir le croquis). NOTE DE H. ZÎENKOWICZ. 779 II m’a été facile de reconnaître que les bancs caicaires, fortement inclinés et très fracturés en se glissant, poussaient au mur et le ren- versaient. Mais, pour m’assurer qu’il ne se produisait pas intérieure- ment quelques fissures ou crevasses longitudinales qui pouvaient menacer l’avenir d’un éboulement considérable, j’ai fait ouvrir quel- ques petites tranchées transversales perpendiculairement aux talus. Ces tranchées m’ont présenté la disposition de terrain dont la coupe exacte est reproduite par le croquis ci -dessous. Ceci a eu lieu dans les terrains faisant limites de l’étage supralia- sique et de l’étage de l’oolilhe ferrugineuse. Actuellement, les couches soulevées n’ont ensemble que 8 à 10 mè- tres de hauteur, mais il est évident que les couches supérieures ont été enlevées par des érosions. Pendant l’excavation de cette tranchée, on a rencontré des bancs de marne et de grès calcaires renfermant des sulfures de fer et des fossiles à l’état de sulfure. Voilà donc l’exemple d’un soulèvement local dans le grand soulè- vement, et je ne doute pas que l’examen plus attentif des détails de la structure des terrains ne fasse connaître un grand nombre de faits semblables. Chose étrange : dans ces soulèvements partiels, j’ai remarqué que les bancs calcaires ou grésiques privés de pyrite ne subissent presque aucune altération visible; les bancs pyrileux, au contraire, changent complètement sous le rapport de leur densité, de leur struc- ture, de leur couleur ; ils augmentent de volume, ce qui fait que les bancs soulevés ne laissent aucun vide en dessous. 780 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. Le changement de densité des terrains soulevés confirmera bien les résultats de l’observation du savant astronome de Toulouse, M. Petit, relativement à la densité des Pyrénées. Un plan indiquant la constitution géologique des talus, de la tran- chée dé Vaux aux abords du souterrain de Liverdun, dressé par moi, doit se trouver au ministère des travaux publics avec les documents de la deuxième section du canal de la Marne au Rhin. Le savant ingénieur, notre collègue, M. Levallois, qui a recueilli avec un zèle infatigable et une rare sagacité tous les matériaux néces- saires pour la statistique géologique du département de la Meurthe, a eu connaissance de ce fait et possède, je crois, la copie de cette coupe. En le nommant ici, je saisis celte occasion de lui témoigner ma reconnaissance pour les bienveillants conseils qu’il m’a donnés, con- seils qui m’ont si souvent guidé dans mes recherches. Séance du 15 juin 1857. PRÉSIDENCE DE M. DÀMOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Charles Léger, ingénieur civil, rue Pigalle, 48, à Paris-, présenté par MM. Charles d’Orbigny et Albert Gaudry. Gualberto Mendez, docteur en médecine, momentanément rue de Tournon, 21, à Paris ; à Montevideo (république de l’Uraguay) ; présenté par MM. Hugard et Charles d’Orbigny. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des sa- vants, mai 1857. De la part de M. P. -J. Deshayes, Description des animaux DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 781 sans 'vertèbres , découverts dans Je bassin de Paris , pour ser- vir de supplément à la description des coquilles fossiles des environs de Paris , 5e et 6e livrais., in-8 ; chez J. -B. Baillière. De la part de M. A. Leymerie : 1° Cours de minéralogie ( Histoire naturelle ), lre partie, in-8, 347 p., 1857. Paris, chez Victor Masson ; Toulouse, chez Louis Gimet. 2° Considérations géognostiques sur les échinotlermes des Pyrénées et des contrées annexes de cette chaîne de montagnes (extr. du Bull, de la Soc. gèol. de Fr ., 2e série, t. XIII, p. 355), 12 p. De la part de MM. Charles Lyell et Hugard, Manuel de géologie élémentaire , 5e édition; traduit par M. Hugard-, 2e et dernier volume-, in-8, 520 p., 1857-, chez Langlois et Leclercq. De la part de MM. Charles d’Orbigny et Charles Léger, Coupe figurative de la structure de P écorce terrestre et classi- fication des terrains , d'après la méthode de M. Cordiert avec indication et figures des principaux fossiles caractéristùpæs des divers étages , 1 f. gr. aigle. Paris, 1857; chez Victor Masson et Longuet. De la part de M. Cortambert, Rapport sur le voyage dans la Turquie d'Europe par M . Viquesnel, et Notice statistique sur l'Empire ottoman d'après cet ouvrage (extr. du Bull, de la Soc. de géogr., avril et mai 1857), in-8, 39 p. + De la part de M. le docteur Albert Oppel, Die Jura formation Englands , Frankreichs and des s iidwest lichen Deutschlands , in-8, p. 439-586. Stuttgart, 1857; chez Ebner et Seubert. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l' Académie des sciences , 1857, 1er sem., t. XLIV, nos 22 et 23. Bulletin de la Société de géographie , h* série, t. XIII, n° 76 et 77, avril et mai 1857. Annuaire de la Société météorologique de France , t. IV, 2« partie; Bulletin des séances , f. 3-8. L'Institut, 1857, nos 1222 et 1223. Mémoires de la Société d'agriculture , des sciences , arts et belles lettres du département de l'Aube , t. VIII, 2* série, nos /il et 42, lçr et 29 trimestres de 1857. 782 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, 1er volume, n° 1, 1857. Bull, de la Société industrielle de Mulhouse , nos 138 et 139. Transactions of t.he Cambridge philosophical Society , vol. IX, part. IV, 1856. The Athenœum , 1857, nos 1545 et 1546. Revista minera , t. VIII, n° 169. Revista de los progrès os de las ciencias exact as, fisicas y naturelles,. t. VII, n° 5. M. le Président annonce à la Société la perte douloureuse qu’elle vient de faire dans la personne de M. Graves, membre de son Conseil, élu deux fois son vice-président. M. A. Passy sera prié de rédiger une notice sur la vie et les travaux de M. Graves. M. Charles d’Orbigny, en offrant à la Société en son nom et en celui de M. Charles Léger, un tableau intitulé : Coupe figurative de la structure de V écorce terrestre et classification des terrains, d’après la méthode de M. Cordier , professeur de géologie au Muséum d’histoire naturelle de Paris , avec indication et figures des principaux fossiles caractéristiques des divers étages géologiques , par MM. Charles d’Orbigny et Charles Léger, présente les observations suivantes : Ce grand tableau colorié, qui a lm,25 de longueur, sur 75 centi- mètres de hauteur, se divise en trois parties distinctes. La première partie comprend la classification clés terrains qui constituent l’écorce terrestre, avec l’indication des 640 dépôts, cou- ches ou amas qui composent les divers étages, le tout rangé suivant l’ordre des superpositions, et par conséquent suivant l’ordre chrono- logique des formations. Cette classification est celle adoptée par M. Cordier, pour la ma- gnifique collection des terrains exposés dans la galerie du Muséum d’histoire naturelle de Paris; mais, à la suite de la dénomination de chaque terrain, étage ou sous-étage, on a eu le soin d’indiquer la synonymie des autres géologues, afin que le tableau puisse corres- pondre à toutes les classifications.  la suite des différentes périodes géologiques, et dans une colonne distincte, on a indiqué, ce qui n’avait pas été fait jusqu’ici, les roches NOTE DE MM. CH. DORBIGNY ET CH. LÉGER. 783 pyrogènes, soit d’épanchement, soit volcaniques, qui se rapportent à chaque période. La seconde partie du tableau représente la coupe figurative de Vécorce terrestre. Cette coupe, qui diffère notablement de toutes celles déjà publiées, a été dessinée en se conformant autant que possible aux idées théoriques de M. Cordier, particulièrement en ce qui concerne la structure des terrains pyrogènes et leur puissance relative, comparée à celie du sol neptunien. Ainsi, selon M. Cordier, l’écorce terrestre consolidée n’a proba- blement pas plus de vingt lieues d’épaisseur (lieues de 5,000 mètres). Les divers terrains qui la composent se divisent en trois classes, savoir : 1° Le sol primordial ; 2° Le sol secondaire ; 3° Le sol pyrogène d’épanchement et d’éruption. Le sol primordial comprend les terrains lhermogéniques strati- fiés, formés de haut en bas par le refroidissement superficiel et ori- ginaire de la masse terrestre incandescente. Ce sol, en y comprenant toutes les couches inférieures inaccessi- bles à nos investigations, est considéré comme formant les dix-neuf vingtièmes de l’écorce terrestre, c’est-à-dire, comme ayant environ 19 lieues d’épaisseur. Il n’est composé que de roches cristallines (gneiss, micacites, talcites, etc.), qui sont entièrement dépourvues de traces fossilifères. k Au-dessous du sol primordial se trouve d’abord la région souter- raine des agents volcaniques actuels, puis la masse incandescente et fluide contenant le principe des phénomènes magnétiques. Le sol secondaire comprend tous les terrains nepluniens ou sédi- mentaires, dont la puissance totale n’excède pas une lieue, ou environ 5,000 mètres. Ces terrains, contrairement au sol primordial, se sont formés successivement de bas en haut. Ils sont composés en général de matières de transport, telles que : galets, graviers, sables, grès, argiles, marnes et calcaires, formées par l’action érosive, aux dépens du sol primitif, par suite de la désagrégation et de la décomposition d’une partie des éléments constituants. Ces terrains neptuniens se divisent en un certain nombre d’étages ou grandes tranches chrono- logiques parfaitement caractérisées par les nombreux débris de corps organisés qu’ils renferment. Le sol pyrogène d‘ épanchement et d'éruption, s’est formé à toutes les époques géologiques, soit par épanchement ou injection de bas en haut de la matière fluide sortie du foyer central, puis solidifiée par refroidissement dans les fissures de l’école terrestre (granité, 78 h séance bû i5 juin 1857. syénite, porphyre, etc.), soit par éruptions volcaniques (basalte, tra- chyte, etc.). Ces terrains constituent le plus souvent des enclaves transversaux au milieu des assises stratifiées des diverses périodes. Enfin la troisième partie du tableau représente la figure des 192 principaux fossiles caractéristiques des divers étages. M. Hugard présente à la Société le 2e volume qui vient de paraître de sa traduction française du Manual of Elementary geology , etc.: Manuel de géologie élémentaire , ou change- ments anciens de la terre et de ses habitants, tels quils sont démontrés par les monuments géologiques , par sir Charles Lyell, membre de la Société royale de Londres, auteur des Principes de géologie , etc.; traduit par M. Hugard avec le consentement et le concours de l’auteur. — Paris, Langlois et Leclercq, 1857. — Cette nouvelle (1) traduction française a été faite sur la 5e édition anglaise considérablement aug- mentée; elle comprend 2 volumes in-8° de 500 pages environ chacun et illustrés de 750 gravures. Le 2e et dernier volume de cet ouvrage, que M. Hugard a l’honneur d’offrir aujourd’hui à la Société, continue la des- cription des terrains, laquelle avait été interrompue avec la fin du 1" volume; il traite d’abord du lias, et ensuite succes- sivement des groupes de plus en plus inférieurs jusqu’au cambrien. Les chapitres suivants sont consacrés à l’étude des roches ignées : \° volcaniques, 2° plutoniques. Après, vient l’examen des roches métamorphiques. Le volume se termine par l’histoire des veines minérales. Dans la traduction du chapitre XXVIII qui commence la description des roches volcaniques, M. Delesse a bien voulu nous prêter ses lumières et nous indiquer quelques modifica- tions ou corrections, surtout au tableau important page 2Z|5 (2e volume), Intitulé : Analyse des minéraux qui abondent le plus au sein des roches volcaniques et hypogènes . Nous avons aussi nous-même jugé utile, avec l’approbation (1) La édition de l’ouvrage anglais, sous un titre un peu diffé- rent, avait été déjà traduite, en 4 839, par M“e Meulien, sous les auspices d’Arago; le volume français contient environ 600 pagesin-4 3 ©t 300 figures. NOTÉ Dfc M. NÔGUÈS. ns de l’auteur, d’intercaler dans le cours de l’ouvrage diverses notes, principalement pour développer un peu plus le sens de certaines expressions anglaises ou explications, qui autrement auraient pu rester obscures dans le texte français, ou ne pas indiquer suffisamment par elles seules les rapports avec la nomenclature usitée sur cette partie du continent. Enfin, ce dernier volume annonce la prochaine publication de la traduction d’un Supplément ix la 5° édition, destiné prin- cipalement à faire connaître des découvertes récentes d’une importance capitale, celle en particulier de « nouveaux mam- mifères fossiles au sein du Purbeck, ou couches oolithiques supérieures du comté de Dorset en Angleterre. » Ce supplé- ment, traduit en français, paraîtra dans le plus bref délai. M. le marquis de Roys, trésorier, présente la situation de la caisse au 31 mai. Il y avait en caisse au 31 décembre 1856. . 2,878 fr. 35 c. La recette, depuis le 1er janvier 1857, a été de 7,730 50 Total. . . 10,608 85 La dépense, depuis le 1ef janvier 1857, a été de 8,335 60 Il reste en caisse au 31 mai 1857 2,273 fr. 25 c. M. d’Àrchiac donne lecture de la note suivante : Terrain houiller des Corbières , par M. A. -F. Nogués , professeur d’histoire naturelle à l’École de Sorèze. Le terrain crétacé constitue avec le terrain de transition la plupart des hautes montagnes des Corbières ; on observe bien à la vérité çà et là quelques lambeaux du lias, affectant des formes singulières au milieu du terrain de craie qui les recouvre. Les affleurements basi- ques occupent une étendue plus considérable que celle que leur ont accordée MM. Dufrénoy et Levmerie dans leurs cartes géologiques; ils forment, à notre avis, un tout sans presque aucune solution de continuité. Des assises qui sont incontestablement basiques ont été placées dans le groupe crétacé. On a donné dans l’Aude une trop Soc. géol. , 2* série, tome XIV. 50 786 séance dü 15 juin 1857. grande extension aux roches crétacées inférieures relativement aux roches jurassiques. Si en certains points les géologues ont donné une trop grande extension à nos roches crétacées, en d’autres points leur nature a été méconnue. C’est ainsi que le Tauch (montagne de Tuchanj a été toujours considéré comme faisant partie du groupe de transition; pourtant c’est à peine si le tiers de sa partie nord, en partant de sa hase, est formé par des roche3 de transition. Sa portion moyenne et supérieure, ainsi que toute celle du sud, sont formées par de3 roches incontestablement crétacées et liasiques. La présence des Orbitolites (Orbitolites concava, Lam.), au som- met du Tauch, ne me laisse aucun doute quant à la nature crétacée des points les plus élevés de cette montagne. Nous rapportons les gypses et les dolomies de sa partie moyenne aux assises inférieures du lias, ainsi que les couches des mêmes roches qui se trouvent en si grande abondance à Donneuve, à Nouvelle, à Embres, à Saint- Jean-de-Barrou, etc. Le groupe houillerdes Corbières affleure à Durban et à Tuchan; il est superposé aux schistes de transition. Il est formé par des cou- ches d’argile schisteuse, de houille et de grès diversement colorés. Des grès rouges en forment la partie supérieure ; ces grès, que nous considérons comme des grès houillers, reposent en stratification con- cordante sur les grès houillers grisâtres. RL Max Braun considère le grès rouge qui recouvre le terrain houiller de Ségure et de Durban comme du grès bigarré. M. Paillette, dans un mémoire publié par les Annales des mines, rapporte ce grès au groupe crétacé. Si les grès rouges de Durban et de Tuchan sont réellement les parties supérieures du terrain houiller, comme nous le démontre- rons, il en résulte une conséquence pratique très importante : c’est que le bassin houiller de Ségure se prolongerait en passant sous les strates basiques et crétacés du Tauch. Le terrain houiller de Ségure est limité au nord et au nord-ouest par des schistes de transition ; au sud-ouest il est recouvert par les grès rouges, bien apparents à l’extrémité du ravin de la tuilerie Delbourg. A l’ouest, ce terrain est relevé par une zone de porphyre ou d’ophite, à base de feldspath, qui s’étend du ravin de la tuilerie jusqu’au delà du château de Ségure. Le terrain houiller que l’on a circonscrit aux environs de Ségure forme dans celte localité un bassin à peu près eiiipiique, dont le grand axe, ayanl environ 1500 à 2000 mètres de longueur, est dirigé N. 25 degrés E. magnétique, S. 25 degrés O. magnétique, dana la direc- NOTE DE M. NOGUÈS. 787 tion de Quintillan, et qui est sensiblement parallèle au système de redressement des ophiies. Le petit axe n’a guère plus delüOü mètres de longueur. Du côté de Quintillan, la limite des affleurements du bassin houiller se trouve à la métairie Gélard. A une petite distance de ce point, dans le territoire de Cascastel, à l’ouest de ce village, tout près de la tuilerie Dupré, on trouve une petite plaque houillère avec grès et ophite, toute bouleversée, ayant environ 100 mètres dans sa plus grande longueur et 50 mètres dans sa plus grande largeur. Al’est deTuchan, près de la bergerie de Donneuve, an lieu appelé la Barrière (dans le pays), on observe aussi une très petite plaque de terrain houiller, borné d’un côté par les schistes de transition qui passent par-dessous, et de l’autre par une butte d’ophites dont le contact a altéré et modifié profondément les grès houillers. Toutes les roches en ce point sont complètement bouleversées; grès et ophites, tout est brouillé et confondu. A l’est s’appuient contre la plaque houillère les gypses basiques des environs de Donneuve. Tous ces affleurements de grès houiller et de la variété d’ophite qui les traverse, situés en divers points, sont un sûr indice que le bassin houiller que nous étudions n’est pas circonscrit dans les bornes qu’on lui assigne ordinairement aux environs de Ségure. Toutes ces plaques isolées sont reliées entre elles. On s’est, je crois, mépris sur l’étendue du bassin houiller, dont on n’a admis l’existence qu’aux points où les éruptions ophiliques ont amené au jour les grès houillers grisâtres, avec rognons de quartz, qui avoisinent les couches de houille; on n’a pas fait assez attention aux grès rouges qui sont la partie supérieure des grès houillers. Les grès rouges s’aperçoivent au sommet du monticule, au pied duquel s’observe le lambeau de terrain houiller que nous venons de signaler à la Barrière, à l’est de Tuchan. Ces grès rouges forment, aux environs de ce village, une zone courbe, en forme de fer à cheval ; ils franchissent le ruisseau de Palairac ou de Ségure, et vont se ter- miner sur ia rive gauche aux environs de Donneuve. La courbure du fer à cheval se trouve au nord, aux environs de. Ségure, et ies deux branches, l’une le long du Tauch, en passant par Notre Dame-de- < Faste, l’autre le long du ravin qui vient de la direction de Ségure ; des ramifications partent de ces divers points et vont s’étendre plus loin en passant sous des roches basiques ou crétacées. A Durban, les grès rouges présentent les mêmes caractères straligraphiques. L’ensemble de tout ce terrain houiller a été disloqué et bouleversé par l’éruption d’une roche pyrogène qui se rattache minéralogique- ment à une vaiiété d’ophile. Celte roche d’éjection est différente du 7S8 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. porphyre qu’on observe aussi dans ce terrain, et qui est d’une époque antérieure de soulèvement. M. Dufrénoy, dont la perte est si regrettable pour la science, a figuré et décrit la disposition qui affecte le terrain houiiler au milieu des buttes porphyriques ; sa coupe du ravin de la tuilerie Viala, et sa coûpe transversale prise à l’extrémité ouest du bassin de Ségure, donnent une idée bien nette des relations des ophiles avec la houille et les schistes. Mais ce grand observateur n’a pas aperçu la véritable relation des grès rouges avec la houille, par conséquent il a circon- scrit dans des limites trop étroites le bassin houiiler des Corbières, dont les affleurements apparaissent aux environs de Tuchan et de Durban. Les grès houillers des Corbières affectent des caractères physiques très variables : les assises voisines de la houille sont formées d’un grès grisâtre ou brunâtre ; au contraire, celles qui forment la limite supérieure du bassin houiiler ont une couleur lie de vin bien tranchée. Les grès grisâtres se rencontrent à divers états de compacité, de dureté et d’homogénéité. En certains points la roche est dure et très compacte, homogène dans toutes ses parties, à pâte quartzeuse, par- fois même feldspalhique. Quelquefois ce grès s’empâte de matières argileuses; alors il perd tout à la fois de son homogénéité, de sa com- pacité et de sa dureté. Il renferme de nombreuses empreintes végé- tales, principalement des fougères, des équisélacées et des sigilla- riées, etc. En d’autres points, même très voisins, le grès est décomposé, délité; il s’offre sous l’apparence d’une masse désagrégée, presque friable; en d’autres points, ses grains quartzeux deviennent assez volumineux ; alors il passe insensiblement à un poudingue légère- ment micacé. Le grès rouge lie de vin , qui forme la partie supérieure du grès houiiler, est formé d’une pâte très homogène et très compacte ; les éléments constituants de cette roche ne sont pas généralement bieu apparents à l’œil nu. En certains endroits ce grès est micacé; les lames de mica sont très petites; alors il a quelque analogie physique avec les micaschistes. Le poudingue qui recouvre la houille aux environs de Tuchan est constitué par des cailloux de quartz blancs et gris, de micaschiste et de porphyre. Parfois les galets ne sont reliés par aucun ciment et produisent des espèces d’alluvion de plusieurs mètres d’épaisseur. Les grès rouges limitent supérieurement le bassin houiiler des Corbières; ils sont superposés aux couches des schistes houillers et NOTE DE M. NOGUÈS. 789 des grès qui contiennent la houille; ils sont en stratification concor- dante avec les grès houillers grisâtres, et les suivent toujours dans leur inclinaison et leur direction. Ce grès est fortement tourmenté et souvent traversé par des éruptions d’ophites. L’ingénieur des mines, M. Noblemaire , m’a écrit pour m’assurer qu’il a vu ce même grès rouge, à San Juan de las Abadesas (Espagne), recouvrir directement les schistes houillers et la houille, et reposer à stratification concor- dante sur les argiles schisteuses qui avoisinent la houille, et puis s’enfoncer sous le terrain nummulitique des Pyrénées. Le grès houiller, couleur rouge lie de vin, de San -Juan de las Abadesas, est en tout point analogue au grès rouge des Corbières ; c’est véritablement du grès houiller; ses caractères stratigraphiques ne peuvent laisser aucun doute sur son âge. Le grès rouge lie de vin des Corbières présente les mêmes carac- tères physiques, minéralogiques et stratigraphiques que celui des Pyrénées; il est donc de la même formation?' Voici ce que l’on observe et qui paraît concluant. A Durban, dans le ravin où se trouve l’an- cienne recherche connue sous le nom de Trou du Renard, on voit bien la succession des couches depuis un affleurement de houille re- couvert d’une petite couche d’argile remplie de plantes fossiles. Au- dessus est le grès grisâtre alternant avec des couches brunes et grises d’argiles schisteuses; enfin, au dessus, et séparés par un lit de marne blanche, se trouvent les grès rouges dirigés comme les grès gris et les argiles schisteuses E. 30° N. et plongeant de 50° N. -O. sous les calcaires magnésiens et les gypses des environs de Durban ; en sorte que l’affleurement de houille du Trou du Renard laisse voir les couches suivantes en stratification très concordante : 1° Grès rouge lie de vin ; 2° Couche calcaréo-argileuse; 3° Argiles schisteuses et grès grisâtres alternants, plantes fossiles; U° Couche argileuse avec de nombreuses empreintes de végétations fossiles; 5° Affleurement de houille. A Ségure, Notre-Dame-cle-Faste , Tuchan, etc., les grès rouges affectent les mêmes caractères minéralogiques et stratigraphiques que ceux de Durban et des Pyrénées; sur eux reposent des calcaires magnésiens et des gypses analogues à ceux de Durban , Donneuve, que nous rapportons au lias. Tous ces caractères nous paraissent suffisants pour ranger dans les parties supérieures du groupe houiller les grès rouges des Cor- bières. Les grès et les argiles schisteuses de Ségure et de Durban ren 700 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. ferment des plantes fossiles que nous avons comparées à des espèces de Conneau déterminées par i\l. Brongniart. Nous y avons reconnu plusieurs espèces de fougères, de Sigillariées, de Calamites, etc., principalement des Sigillaria pachyderma , S. Brardii , Pecopteris polymorp/ia, Calamites ccmnœformis , des Stigrnaria , des feuilies de mouocotylédones, etc. Au contact des ophitcs, les grès houillers ont été profondément altérés ; la roche pyroxène elle-même, au voisinage des grès, a pris des modifications toutes particulières. Ces deux roches en présence se sont cédé mutuellement quelques-uns de leurs éléments consti- tutifs. I. es roches d’éjection du terrain houiîler des Corbières présentent de nombreuses variétés de structure et de composition ; on en trouve d’amygdaloïdes à noyau de calcaire cristallin, opaque ou transparent, ou bien à noyau de quartz calcédoine ou agatoïde. Ces opales sont vertes ou rosées, opaquds ou symétriquement arrondies en forme d’amande ; elles sont enchâssées dans une pâte siliceuse, dont les couleurs et la compacité sont très variables. -Les géologues qui ont étudié le bassin houiîler de Tuchan et de Durban ont admis que les roches d’épanchement de ces localités se sont soulevées après le dépôt de la houille. Le pendage rapide des couches du terrain en certains points et la rencontre de la roche d’éjection à travers le grès houiîler ont pu motiver cette manière de voir; mais un examen attentif fait bientôt apercevoir qu’il y a eu des soulèvements successifs. Les galets de porphyre que l’on trouve dans le poudingue qui recouvre la houille le démontrent suffisamment, ce poudingue ayant été formé aux dépens de la roche qui sert de base au terrain houiîler. Les galets de porphyre sont à base d’am- phibole, et différents minéralogiquement des ophites qui traversent le terrain houiîler. Il résulte de ces faits que l’une des époques de soulèvement du porphyre a été antéiieure au dépôt du terrain houiîler ou contem- porain de ce dépôt, et a fourni les galets de porphyre que l’on trouve dans le poudingue; l’autre époque de soulèvement a été pos- térieure au dépôt du terrain houiîler, et a produit dans celui-ci les dérangements que l’on y observe et les filons d’ophite qui traversent ses couches. Ainsi, le terrain houiîler des Corbières renferme deux roches py- rogènes, un porphyre, et une variété de l’ophite de Palassou plus récente que le porphyre. Il résulte de mes recherches, dont je viens d’exposer le résumé ; 1“ Que les grès rouges des environs de Tuchan, de Durban, et NOTE DE M. PH. LÀMBOTTE. 79i qui occupent une étendue assez considérable dans les hautes Cor- bières, sont des grès houillers ; 2° Que le bassin houiller de Tuchan et de Durban a été disloqué par deux roches d’épancheincnt à deux époques différentes. Le Secrétaire donne lecture de la notice suivante de M. Phi- lippe Lambolte : Recherches sur V origine des dépôts récents de manganèse hydraté de la province de Namur; par M. Philippe Lam- botte, horticulteur. Dans le courant de 1845 , j’avais eu l’occasion d’observer une re- marquable production contemporaine d’hydrate de manganèse; ce dépôt s’était opéré en un petit nombre d’années dans un réservoir et dans des tuyaux en plomb, où l’on élève les eaux dans l’exploitation agricole de M. Brabant, à Jambes, près de Namur. L’hydrate de manganèse, sous la forme d’une poudre brune impalpable, d’une grande pureté, s'était accumulé en telle quantité que des tuyaux d’environ 0tn,0A0 étaient entièrement obstrués sur une grande lon- gueur. Les eaux qui déposent cette matière sont prises dans un dépôt caillouteux, qui forme la base de l’alluvion de la Meuse en cet en- droit. A la suite de celte observation, des recherches sur le sol détri- tique et agricole des environs de Namur me permirent d’étudier tout particulièrement les dépôts de manganèse hydraté qui s’y rencontrent à chaque pas. Les phénomènes qui président à leur formation me paraissent offrir un si grand intérêt pour la géologie, que je n’hésite pas à vous exposer les observations suivantes, extraites d’un travail plus étendu, sur l’influence du manganèse dans la végétation, travail que des circonstance particulières m’empêchent de publier en ce mo- meni. Tous les végétaux, ou du moins la plus grande partie, contiennent du manganèse dans leur composition et parfois en asse.z grande quan- tité ; ils trouvent facilement ce corps, puisque toutes les roches meu- bles pù ils croissent en renferment, et que toutes les eaux répandues dans le sol en tiennent en dissolution. . Nous allons rechercher comment le manganèse abandonne les vé- gétaux soit pendant leur vie, soit après leur mort, c’est-à-dire à (juel état et sous quelles formes il rentre dans le règne minéral, après l’avoir quitté momentanément pour remplir le rôle que la nature lui a donné dans l’organisation des plantes. Les arbres sont sujets à laisser échapper au dehors, par des fissures 792 séance du 15 jum 1857. de leur écorce, des liquides ou des matières gommeuses qui, souvent incolores à leur sortie, prennent bientôt, au contact de l’air, des couleurs parfois très intenses et parmi lesquelles dominent le brun, le jaune et le rouge. Nous allons donner quelques observations sur ces excrétions et sur quelques phénomènes qui les accompagnent. On voit dans les forets des chênes dont l’écorce présente des fissures d’où s’écoule un liquide brun très abondant; ce liquide s’épaissit en partie sur le tronc, et y laisse des taches brunies au point de paraître noires. Le plus souvent ces fissures sont entourées d’un enduit d’un beau noir bleuâtre, étendu clans tous les sens, mais surtout dans celui où a coulé le liquide brun; cet enduit recouvre souvent les pe- tites mousses qui croissent sur le tronc des arbres; ces mousses ont alors la même apparence que les dendrites d’un oxyde métallique. Cet enduit a une poussière brune. Une grande portion du tronc de ces chênes est colorée en brun îi l’intérieur, mais toute la portion du ligneux qui se trouve brunie est en rapport avec la fissure corticale. Voici le résultat des essais au chalumeau sur les excrétions d’un grand nombre de chênes. 1° Le liquide brun donne une cendre rougeâtre; 2° Celte cendre, chauffée avec du carbonate sodique donne une masse. d’un vert-émeraude très intense ; 3° Chauffée avec du borax, elle donne un globule violet au feu d’oxydation ; v' U° L’enduit noir bleuâtre chauffé au rouge sur la feuille de platine ne brûle pas, mais devient rougeâtre; 5° Il donne un globule violet améthiste avec le verre de phosphore ainsi qu’avec le borax au feu d’oxydation ; 6° Une portion de cet enduit, si petite qu’elle échappe pour ainsi dire à la vue, suffit pour colorer une grande masse de soude ou de potasse en vert-émeraude. Cet enduit est donc un oxyde de manganèse; son analogie avec celui qui couvre les roches me fait croire qu’il a la même composi- tion ; vu au microscope, il offre aussi tous les caractères de l’acerdèse. Les écoulements par les fissures ne sont pas indispensables pour la production de l’acerdèse, car j’ai très fréquemment rencontré dans les forêts des troncs noircis par ces enduits sur une grande portion de leur surface, sans qu’ils offrissent la moindre trace de maladie. Les ormes, les trembles, les charmilles, les hêtres, etc. , présen- tent très souvent les mêmes enduits de manganèse hydraté produits naturellement, et les incisions faites dans leur tronc déterminent aussi ce phénomène, comme on peut le constater dans les forêts de nos en- NOTE 1>E Sï. t’tl. LAMBOTTE. 7f>3 virons, où les chasseurs font chaque année un grand nombre d’en- îailles aux arbres, afin d’y attacher leurs pièges. Ces entailles dans lesquelles ils font pénétrer de petites branches, occasionnent fré- quemment une altération profonde dans le tronc ; cette altération est analogue à celle qui alimente l’écoulement du chêne, de l’orme, etc., et, comme dans ce cas, les liquides qui découlent de ces incisions dé- posent du manganèse hydraté. Les arbres cités plus haut, ainsi que les bouleaux, les sorbiers, les genêts, les bourdaines, etc., etc., présentent à chaque pas, autour des fissures artificielles, ces phénomènes qui apparaissent aussi fré- quemment à l’endroit où une branche a été coupée ; dans ce dernier cas, l’écorce qui est venue couvrir la plaie est souvent chargée de l’enduit. Les matières gommeuses exsudées par les arbres sont quelquefois aussi riches en manganèse; elles sont en général peu eoloréeset même incolores à leur sortie, mais faction de l'air, dont elles absorbent l’oxvgène, les fait bientôt brunir, surtout dans les temps humides ; les enduits d’acerdèse sont plus rares aux environs de ces sécrétions, mais ils y existent cependant quelquefois, comme j’ai eu l’occasion de m’en assurer sur des cerisiers, des abricotiers et des pêchers. L’absence de ces enduits ne doit pas étonner, lors même que les gommes sont très riches en manganèse, si l’on fait attention que la consistance de ces matières doit retenir en suspension les molécules précipitées de manganèse hydraté et les empêcher de se déposer. En faisant de nombreux essais sur les gommes, j’ai toujours cru remarquer qu’il existe des rapports entre les quantités de manganèse qu’elles contiennent et le degré de coloration brune qu’elles sont susceptibles d’acquérir. La gomme la plus colorée que j’aie essayée au chalumeau est celle que j’avais recueillie sur le tronc d’un bouleau ; elle était noire et cassante comme de la poix et très soluble dans l’eau, qu’elle colorait en brun superbe; après en avoir filtré la dissolution et l’avoir re- cueillie par évaporation, la. moindre poussière de celle gomme suffit pour colorer un globule de borax en violet et une grande masse de soude en vert ; on croirait vraiment faire l’essai d’oxyde de manga- nèse. Cette gomme laisse un tiers de son poids de cendre. La gomme très brune, qui se rencontre dans le creux des vieux tilleuls est moins riche en manganèse, mais plus riche en fer; sa teinte diffère complètement de celle de la gomme de bouleau. Les gommes de cerisier, de prunier, d’abricotier, de pêcher, etc., donnent des cendres où l’on peut facilement constater la présence du manganèse. SÉANCE DU 15 JUIN 1857. r9ti La gomme arabique n’en donne que de faibles traces, à l’analyse, et l’on sait qu’une longue exposition à l’air est loin de lui faire ac- quérir une coloration aussi intense que celle de la gomme de bouleau et des arbres fruitiers de notre pays. Chaque année la plupart des végétaux se dépouillent de leurs feuilles aux approches de l’hiver; beaucoup perdent une partie de leurs branches ou périssent complètement ; leurs débris jonchent le sol, et s’y altèrent au contact de l’air et de l’humidité; la couleur brune remplace presque toutes les autres à cette époque. Les eaux pluviales lavent continuellement ces restes de la végéta- tion et entraînent les matières solubles qu’ils contiennent; elles les déposent ensuite peu à peu, à mesure que des circonstances favo- rables se présentent : on conçoit dès lors que le manganèse doit toujours se trouver en dissolution dans ces eaux. En effet, si on laisse, pendant un jour seulement, des feuilles de chêne, de hêtre, de bou- leau, etc., etc., dans de l’eau pure, on voit celle-ci se colorer en brun pâle; si on filtre alors cette eau, on peut aisément reconnaître, au moyen d’une goutte évaporée sur la feuille de platine et chauffée avec du carbonate de soude, qu’elle contient du manganèse en dis- solution et parfois en assez grande quantité. Ces infusions deviennent beaucoup plus foncées h l’air, et elles brunissent d’autant plus qu’on les a laissées plus longtemps sur les feuilles et que l’accès de l’oxy- gène a été plus facile. La plupart des plantes aquatiques donnent des infusions très man- ganésifères, et ont, après leur mort, des couleurs tellement foncées qu’elles semblent noires; les renoncules d’eau, par exemple, et les autres plantes rejetées sur les rives de nos cours d’eau, sont toujours noirâtres en mourant. Les bois et les écorces donnent également des infusions brunes ou susceptibles de brunir; elles sont aussi mangatiésifères. Par les altérations incessantes que subissent ces infusions, elles laissent déposer du manganèse hydraté ; pour démontrer ce fait, il suffit de laisser altérer des conferves dans un vase rempli d’eau; on peut s’assurer, lorsque la masse est devenue très brune, qu’il se dé- pose du manganèse hydraté, en assez grande quantité pour recouvrir d’un enduit noir très apparent des morceaux de grès blanc placés au fond du vase. Nous avons observé, dans notre pays, un grand nombre de dépôts de manganèse hydraté, dus à ces causes ; ils sont très abondants sur toutes les roches de la contrée, mais principalement sur les roches schisteuses, sur celles de psammite ou de grès du terrain houiller, du système des poudingnes de Burnot et du terrain ardoisier; ils NOTE DE M. PH. LÀMBOTTE. 795 paraissent moins abondants sur les calcaires, quoiqu’ils y soient en- core très répandus. Enfin, on les rencontre en très grande quantité dans tous les endroits couverts par des dépôts limoneux. Presque tous les ruisseaux du pays, mais principalement ceux qui parcourent les forêts, ont leur lit tout à fait noirci par le manganèse hydraté qui se dépose dans leurs eaux ; cette précipitation est surtout apparente quand les surfaces des cailloux et des pierres sur lesquels ils coulent ne sont pas polies. Cet enduit noir s’attache également sur les végétaux et les animaux : c’est ainsi que ies écrevisses et les coquilles en sont fréquemment noircies ; les plantes le sont dans leurs paities submergées, et l’enduit qui les couvre peut se détacher en paillettes d’un noir très brillant du côté de leur adhérence. La déposition de l’acerdèse ne se fait pas d’une manière uniforme sur tout le trajet des ruisseaux ; elle est plus abondante à mesure qu’on s’éloigne des sources qui les alimentent. J’ai reconnu, en effet, dans plusieurs ruisseaux des environs de Namur, l’enduit noir sur les plantes qui croissent dans leur iit, tandis que les plantes de même espèce, prises aux sources ou à peu de distance de celles-ci, en étaient entièrement dépourvues. On peut observer la même déposition d’acerdèse dans la Meuse et dans la Sambre. Le manganèse hydraté des fleurs des rivières et des ruisseaux a la même origine; il provient de la décomposition des végétaux qui vi- vent dans leurs eaux ou dans les lieux que les eaux pluviales ont traversés avant de s’y déverser. J’ai reconnu pourtant la présence du manganèse dans l’eau de plusieurs sources ; mais, comme la plu- part de celles-ci sont elles- mêmes entretenues par les eaux pluviales qui ont traversé le sol, il est rationnel de supposer que ce manganèse a été enlevé aux matières végétales que ces eaux ont rencontrées sur leur passage. Il existe, dans nos forêts, des localités couvertes d’eaux stagnantes qui ne disparaissent jamais complètement, même pendant les plus grandes sécheresses. Ces lieux humides (connus sous le nom de fraischeaux dans la province de Namur) sont ordinairement peuplés de saules, de trembles, de charmilles, d’aunes, de ronces, etc. Les végétaux herbacés, et entre autres les fougères, y prennent parfois un développement extraordinaire. Le sol y est tourbeux, et l’eau qui l’imprègne est presque toujours colorée en brun ; les pluies alimen- tent ces marécages où l’eau, ne trouvant pas à la surface d’issue pour s’écouler, s’infiltre lentement dans le sol, et est toujours soumise à une évaporation lente Nous citerons, comme exemple de ces marécages, le grand plateau 79(3 SÉANCE DO 15 JUIN 1857. ïitnc entre le village de Fooz e: celui deBois-cle-Yiliers (entre Samhre- et-Meuse), et connu dans la contrée sous le nom de Taille-aux Joncs. Le sol de ce plateau est argileux et contient une grande quantité de fragments de diverses roches appartenant au système des poudingues de Burnot, et consistant principalement en psammites, en grès et en poudingues; ces fragments sont, pour la plupart, anguleux, et n’ont pas été roulés. D’autres points du sol contiennent un grand nombre de petits cailloux de quartz blanc ; tous ces dépôts meubles recou- vrent les grès rouges, et ont quelquefois une puissance considérable. Une grande partie de ce plateau était chargée d’une belle forêt, qui fut défrichée il y a quelques années, et nous avons pu observer, pen- dant ce travail, la voie suivie par la nature dans la formation de di- verses productions de manganèse hydraté, que nous réduirons aux suivantes : 1° On trouvait, dans les eaux stagnantes de cette localité, les mêmes enduits que dans les ruisseaux; ils étaient appliqués sur les fragments de roche et sur les végétaux. 2° Les fragments de poudingues ou de grès, disséminés dans le sol, présentent des taches bleuâtres et d’un aspect métallique, ressem- blant à celles que laisse sur une roche dure le choc d’un marteau non trempé. Sur d’autres fragments, ces taches ont pris plus d’épais- seur et forment des mamelons . irréguliers, mélangés d’argiles et de sable ; ces espèces de croûtes deviennent parfois très volumineuses, et ont souvent soudé des cailloux aux fragments qu’elles recouvrent; elles sont généralement terreuses et brunâtres, lorsqu’elles ont acquis un grand accroissement; mais lorsqu’elles se sont formées dans une argile fine, elles ont plus de compacité, et leur surface est même luisante. Les mamelons dont il s’agit ne recouvrent pas entièrement les pierres, et l’on croirait, en les examinant, que c’est le bloc qu’ils recouvrent qui leur a donné naissance par une sorte d’exsudation de quelques points de sa surface. Le manganèse hydraté de ces pro- ductions contient de la iimonite, surtout quand elles ont pris un grand volume. On voit facilement que les taches, à l’aspect métallique dont j’ai parlé plus haut, ont servi de centres d’attraction aux parties qui sont venues s’y accumuler par la suite, puisqu’on trouve tous les inter- médiaires, depuis les plus petites jusqu’aux mamelons les plus volu- mineux. 5° Le manganèse hydraté ne s’est pas toujours rassemblé sur les fragments de roches; il forme aussi de petits noyaux irréguliers et impurs, d’une consistance très variable et que l’on trouve disséminés NOTE DE M. PH. LAMBOTTK. 797 dans le sol, dont toute la masse terreuse a été quelquefois solidifiée par le grand développement qu’ont pris ces noyaux. 4° Nous avons déjà dit que le plateau de la Taille-aux-Joncs ren- ferme dans beaucoup d’endroits une très grande quantité de cailloux quartzeux blancs, disséminés dans des sables ou dans des argiles sa- blonneuses. L’acerdèse a formé sur ces cailloux une multitude de taches semblables à celles que l’on voit sur les grès, ces premiers centres d’attraction s’étant accrus, en agrégeant peu à peu l’argile et le sable, ont transformé toute la masse en véritable poudingue. Ce mode de formation par l’accroissement des taches est évident, car, lorsqu’on examine un fragment de ce poudingue, on voit que la plu- part des cailloux sont encore enveloppés d’argile sablonneuse parfaite- ment blanche, et qu’ils ncsont liés les unsauxautres que dansquelques points ; on peut même retirer du milieu de ces poudingues des cail- loux sur lesquels l’acerdèsc n’a laissé aucun dépôt, et dont la surface a conservé toute sa blancheur. On remarque quelquefois dans le ci- ment de petits points brillants qui sont des cristaux d’acerdèse ta- pissant quelques lacunes. Les poudingues de la Taille-aux Joncs contiennent du fer hydraté cl sont disposés en grands amas dans le fond des fraischeaux et à une grande profondeur variable; ils atteignent souvent plus de deux à trois mètres d’épaisseur, et se terminent insensiblement à la limite des terrains humides. Ce n’est pas seulement dans la Taille aux-Joncs que j’ai observé ces dépôts; ils se sont produits partout où les circonstances étaient les mêmes que dans celle localité; et en suivant le travail du défriche- ment de nos forêts on eu voit à chaque pas, qui, s’ils ne sont pas tout à fait identiques, en diffèrent très peu. Ils étaient si répandus dans plusieurs bois de l’entre Sambre-et-Mcuse, que les propriétaires fai- saient des recherches pour trouver le minerai de fer dont ces dépôts semblaient annoncer le voisinage. Maintenant, on ne peut guère observer en place les poudingues ré- cents de la Taille-aux-Joncs, qui est mise en culture ; mais les nom- breux débris de ces roches, extraites des marais, jonchent le sol en bien des endroits, où l’on n’a pu les employer, soit à empierrer les chemins, soit à construire des canaux d’écoulement. Il n’y a rien qui puisse étonner dans le développement si considé- rable des formations de la Taille-aux-Joncs; ce plateau, comme nous l’avons dit, était couvert d’une très belle forêt et les eaux pluviales étaient retenues à la surface du sol par l’argile dont celui-ci est com- posé en grande partie ; elles n’arrivaient dans les lieux les plus bas qu’après avoir filtré à travers les parties superficielles et tourbeuses 798 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. presque toutes formées de débris organiques ; là, elles rencontraient encore une plus grande quantité de ces débris, et le long séjour qu’elles faisaient parmi eux, joint à l’évaporation lente qu’elles y su- bissaient, devait nécessairement amener la concentration des disso- lutions opérées pendant le trajet, et c’est à leur décomposition incessante qu’on doit attribuer les dépôts dont il s’agit. Les marais des forêts ne sont pas les seuls lieux où l’on puisse ob- server la formation de l’acerdèse; il se dépose également dans tous les étangs où la végétation est très développée. Dans ceux de Golzinne (route de Namur à Gembloux), situés à peu de distance du château de ce nom, les végétaux sont noircis par les enduits de ce corps qui s’attachent aux feuilles et aux tiges, en leur communiquant une teinte bistrée qui noircit ensuite. Ayant visité l’un de ces étangs, mis à sec depuis peu, nous avons vu tous les végétaux morts par suite de ce dessèchement complètement noircis dans les parties qui avaient vécu dans l’eau. Les bancs de roche et les digues sur lesquels les eaux coulent depuis longtemps ont des enduits qui n’ont pas une grande épaisseur, si on les compare à ceux qui adhèrent aux plantes an- nuelles. Les eaux déposent encore de l’acerdèse à de grandes distances des étangs d’où elles sont sorties. Les étangs de Golzinne -sont situés en partie sur les calcaires de transition, si bien connus en cet endroit, et en partie sur des schistes très calcareux qui les accompagnent ; le sol des plaines environnantes est formé par de grands dépôts argileux et arénacés appartenant au terrain tertiaire. Les sources qui alimentent les étangs se montrent au milieu des calcaires et des schistes, et à une très petite distance des étangs; elles sont entourées comme ceux-ci par de grands bois. Les phénomènes qui se passent à Golzinne se reproduisent égale- ment dans d’autres localités; nous les avons observés dans les étangs situés à Franc- Waret (route de Namur à Hannut), dans d’autres qui avoisinent les établissements métallurgiques de Gougnies, dans divers réservoirs des environs de Presles, Biesmes, Biesmerée, Manzi- nelle, etc. (entre Sambre-et- Meuse) ; dans les étangs qui baignent les murs de Namur, dans les fossés marécageux de la plaine de Jambes, près de Namur. Des puits creusés dans cette piaine donnent une eau assez chargée de manganèse pour colorer le linge que l’on veut laver avec elle. Eu parcourant la vallée de la Sambre, on trouve à chaque pas, soit des eaux stagnantes formant de petits marais, soit des eaux s’écoulant avec peine dans les fossés creusés par les cultivateurs; partout, on voit dans ces eaux une riche végétation et en même temps une dé- position considérable d’acerdèse; les marais de Saizinnes, de Fiorif- NOTE DE M. PH. LAMBOTÏE. 799 foui, de Bausse, de Mouslier, de Chateüneau, de Ciiarleroi sont dans ce cas. J’ai observé aussi dans la vallée de la Sambre la même formation de pondingues récents que ceux dont j’ai parlé plus haut, et notam- ment dans les prairies humides des environs de Soye: le sol y est composé d’un dépôt considérable de gravier charrié par la Sambre, et recouvert d’une faible couche de terre végétale. Ce dépôt de gra- vier est complètement transformé en poudingues, du moins à une profondeur d’un à deux mètres, comme j’ai pu le constater dans des fossés creusés sur une très grande longueur. Ces poudingues ne dif- fèrent de ceux de la Taille-aux-Joncs que parla nature des cailloux, parmi lesquels on distingue beaucoup de silex pyromaque. Le sol de ces localités, constamment marécageux, a dû être anciennement re- couvert de forêts. Jusqu’à présent nous ne nous sommes occupé que des phéno- mènes qui se passent dans les eaux répandues à la surface du sol ; il en est d’autres aussi que l’on peut observer dans les lieux les plus secs, sur les versants les plus rapides de nos montagnes et les plateaux élevés où l’eau ne séjourne jamais, pour peu que la végétation y ait pris quelque développement. Si l’on y observe, soit les portions de roches qui s’élèvent au-dessus du sol, soit les fragments disséminés à sa sur- face, on reconnaît qu’ils sont chargés des mêmes enduits, noir bleuâ- tre, déjà mentionnés. On pourrait croire que l’eau contenue dans le sol, et chargée d’un composé de manganèse en dissolution, laisse déposer ce corps à l’étal d’oxyde hydraté, en venant s’évaporer à la surface du terrain; mais l’examen des enduits eux-mêmes fait rejeter cette hypothèse. En etïèt, si on soulève une pierre recouverte d’acer- dèse, on voit que cet enduit, très abondant sur fa surface supérieure, diminue en se rapprochant de celle qui louchait le sol, sur laquelle il n’existe presque jamais. On pourrait croire, il est vrai, que l’eau du sol, s’élevant par l’effet de la capillarité, ne vient s’évaporer que dans les points les plus élevés, et que l’oxyde tenu en dissolution est également attiré vers ces points, où il se fixe quand l’eau l’aban- donne en s’évaporant; mais il n’en est pas ainsi, car c’est toujours dans les creux (pie présentent les pierres à leur surface supérieure, que le dépôt est le plus abondant, tandis qu’il est nul ou presque nul dans les parties en relief, où cependant les effets de la capillarité de- vraient le former en plus grande abondance. Cet enduit apparaît à peine sur les petits cailloux de quartz, bien polis, et si, par extraordinaire, il s’y montre en plus grande quantité, il affecte un aspect cristallin et dendritique, qu’il n’a pas jur les autres corps ; mais, quand ces cailloux ne sont pas bien polis, on 800 séance du 15 juin 1857. remarque l’enduit dans tous les petits creux dont ils sont par- semés. Ces dépôts des lieux secs se font plus lentement que les autres. Néanmoins on peut s’assurer, en visitant les carrières des bords de la Meuse, que les fragments de roche laissés dans les bois, aux envi- rons de ces exploitations, sont couverts de ces enduits, même dans les cassures faites lors de leur extraction, qui ne remonte pas à une époque reculée. Enfin j’ai observé que des bornes placées depuis dix à douze ans dans les bois des environs de Namur portent presque touies ces enduits, et que plusieurs en sont complètement noircies. Rien de plus facile à expliquer que ces phénomènes : en effet, les plantes rejettent par la surface de leurs feuilles des sucs contenant du manganèse; lorsque la pluie ou la rosée vient dissoudre ces sub- stances, elle tombe en gouttelettes sur le sol; à l’arrière-saison aussi, lorsque les feuilles se préparent à tomber, si l’on recueille les goutte- lettes de rosée suspendues à ces feuilles mourantes, on peut recon- naître au chalumeau qu’elles sont chargées de manganèse, et quel- quefois en assez forte proportion. Ajoutez à cela les feuilles elles-mêmes qui tombent et qui pourrissent sur le sol, et vous aurez la véritable cause de ces enduits, qui seraient bien plus considérables, si les eaux pluviales n’entraînaient la plus grande partie des matières qui les produisent à de grandes profondeurs dans le sol. Or, ces eaux pénè- trent dans les roches, et laissent en tous lieux sur leur passage l’oxyde de manganèse qu’elles ont enlevé au moment de leur chute sur les végétaux. Aussi, tous les géologues savent combien il est rare de rencontrer dans les roches une fissure qui ne soit enduite de manganèse hydraté ; presque tous les feuillets des roches schisteuses sont séparés par les enduits de ce corps, et ces enduits présentent parfois des couleurs irisées et des formes dendritiques de la plus grande beauté, surtout dans les roches à texture fine, comme les pierres lithographiques, les silex, etc. Il arrive souvent que les eaux, en s’infiltrant, rencontrent des obsta- cles qui les obligent à séjourner, ou au moinsà s’écouler pluslenlement, et alors l’hydrate de manganèse s’accumule dans ces points, comme je l’ai observé dans un plateau situé à peu de distance de la Taille- aux-Joncs, mais à un niveau moins élevé et dans un point plus rap- proché de la Meuse et du village de Fooz. Là, il n’existe pas de marais, et les eaux peuvent traverser immédiatement le gravier qui recouvre les grès rouges : arrivées à différentes profondeurs, elles rencontrent des couches plus argileuses, qui, en ralentissant leur cours, permet- tent à 4’acerdèse de se déposer en quantité plus grande sur les cail- loux, où elles séjournent plus longtemps; ces graviers deviennent NOTE DE M. ÉBRAY. 801 alors très noirs et se transforment peu à peu en poudingues, qui dif- fèrent notablement des autres, le ciment qui les unit n’offrant presque pas de fer hydraté dans sa composition. On peut voir ces roches , soit dans les carrières à pavés creusées dans les grès de Fooz, près de la route de Namur à Dînant, soit dans les tranchées ouvertes pour les chemins des environs; elles forment des couches d’une petite épaisseur, et se dessinent en lignes noires et ondulées dans les escarpements. Pour se rendre compte d’une manière précise des réactions qui amènent la précipitation de l’oxyde de manganèse dans les infusions végétales, il faudrait connaître les diverses combinaisons où ce corps s’y trouve ; mais, comme elles doivent varier à l’infini dans ces liqui- des, on ne peut faire que des conjectures à cet égard. Il est probable aussi que les phénomènes électriques jouent un rôle dans ces décom- positions; mais les observations que nous aurions pu faire nous auraient trop écarté de notre sujet ; nous avons voulu seulement indi- quer l’origine de ces dépôts, que nous croyons n’avoir pas été con- statée d’une manière précise. Des phénomènes analogues à ceux que nous avons fait connaître, et qui se produisent partout sous nos yeux, ont dû se passer aussi à des époques plus reculées, et du moment même où la végétation a paru sur la terre ; il est probable qu’une partie des dépôts d’acerdèse des roches anciennes doit son origine aux mêmes causes. Quoique nous n’ayons pas fait jusqu’à présent beaucoup d’observations relati- vement aux dépôts anciens , nous avons cependant constaté dans le cours de nos recherches quelques faits intéressants. C’est ainsi que nous avons reconnu que les empreintes végétales dessinées en noir dans les schistes et les psammites qui accompagnent les poudingues de Burnot ne doivent leur couleur qu’à un léger enduit de manga- nèse hydraté. Celles que l’on rencontre dans les schistes et les psam- iniles du terrain houiller sont également dessinées en acerdèse dans un grand nombre de cas, et nous ne doutons pas que ces enduits ne soient formés par le manganèse que contenait, pendant sa vie, le végétal qu’il nous rappelle et dont il est le dernier vestige. Le Secrétaire 'donne lecture de la note suivante de M. Èbray ; Coupe géologique du mont A pin , près Nevers ; par M. Ëbray* Les terrains des environs de Nevers ont été souvent Fobjet d’ap- préciations fort différentes; les ressemblances minéralogiques du lias, de Boolithe inférieure, de la terre à foulon, des parties supé- Soc . géol,, 2e série, tome XIV. 5j 802 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. Heures de la grande oolithe et du Kelloway-rock paraissent jeter quelques difficultés sur la solution positive de la question. Qu’il me soit permis, après avoir parcouru à plusieurs reprises les environs de Nevers, examiné avec soin la stratification des couches et recueilli beaucoup de fossiles, d’envoyer à la Société le résultat de mes recherches. Comme on le verra, les caractères minéralogiques pris comme point de départ, ont produit des erreurs graves ; des terrains situés à de grandes distances- géologiques ont été confondus; le lias a été pris pour la terre à foulon, l’étage bathonien pour l’étage bajocien. Sur une carte que j’ai dressée à l’appui de la présente notice, on aperçoit des escarpements puissants qui limitent les bords de la Loire; la direction des couches suit une ligne inclinée vers le nord-ouest; cette direction est visible sur une certaine étendue, mais bientôt les bancs se trouvent recouverts par une couche assez épaisse de terre végétale; plus loin, au delà de Marzy, les bancs de l’oolithe inférieure permettent d’observer cette même inclinaison qui se poursuit, sauf quelques accidents, jusqu’à Bony (Loiret), en laissant apercevoir la succession entière des terrains jurassiques et crétacés. Si l’on prolonge dans la pensée l’inclinaison supposée régulière des couches vers le nord-ouest, on arrive à conclure que les escarpe- ments bleus de Nevers représentent le lias; les calcaires souvent durs et ooliihiques qui se trouvent au-dessus de ces couches argileuses se- raient l’oolilhe inférieure; la terre à foulon, il est vrai, ne se trouve pas représentée dans l’échelle, mais les bancs épais des carrières de Nevers prendraient la place de la grande oolithe. L’ensemble de cette classification paraît concorder avec la situa- tion générale des couches et l’aspect minéralogique des terrains; mais, comme nous allons le voir, les considérations paléontologiques jointes à la présence d’une faille bien apparente viennent détruire tout ce ' système. Étudions la grande faille située à 3 kilomètres de Nevers, et par- tons du point culminant du mont A pin. Nous y voyons d’abord un lambeau de calcaire d’eau douce, puis, en descendant l’arête suivant laquelle la coupe a été faite, nous tombons sur l’étage oxfordien contenant celte immense quantité de spongiaires bien faciles à déterminer; l 'Ammonites plicatilis qui se trouve en abondance dans ces couches ne laisse pas de doutes sur la nature de l’étage. En poursuivant, on rencontre les bancs épais des carrières de Nevers surmontés par des débris de spongiaires que la culture des vignes transporte vers le bas, puis tout à coup des pierres éparses NOTE DE M. ÉBRÀY. 808 indiquant la présence de i’oolilhe inférieure, caractérisée par de nom- breux fossiles, tels que Ammonites Brongniarti , Murchisonœ , etc.; en avançant encore un peu, on trouve une nouvelle carrière mon- trant la superposition de la terre à foulon avec i’oolilhe inférieure. On voit donc dans la faille les parties inférieures de la terre à foulon en présence des bancs supérieurs du callovien ; l'inclinaison générale des couches vers le. nord-ouest se trouve rompue; on re- marque même dans la carrière indiquée plus haut, et située au do- maine le Sac, une inclinaison en sens contraire qui provient de l’af- faissement de l’ensemble des terrains. Les conclusions que l’on peut tirer de l’inclinaison générale des bancs se trouvent annulées, et l’on est obligé d étudier les couches dans un autre ordre d’idées. Au lieu de suivre les terrains de bas en haut, en prenant pour point de départ les bancs bleus, étudions les couches de haut en bas, en parlant du calcaire siliceux, et nous ar- riverons bientôt à des conclusions qui seront parfaitement concor- dantes, d’une part, avec l’existence de la faille et les caractères mi- néralogiques , d’autre part, avec les caractères paléontologiques. Comme je l’ai déjà dit, on trouve sur le sommet du mont Apin un lambeau de calcaire d’eau douce contenant des Lymnées et des Fla- norbes; en descendant la côte, on rencontre le calcaire grenu à spon- giaires; les fossiles, déjà énumérés, indiquent l’étage oxfordiet) qui pré- sente d’ailleurs le même caractère minéralogique à Germigny, à la Marche et à la Charité ; plus bas, on trouve des couches de calcaire argi- leux et tendre, contenant les Pholadomya crassa , inornata, carinata , Y Avicula inœquivalvis , le Dysaster ellipticus , Y Ammonites anceps , fossiles caractéristiques de l’étage callovien ; ces bancs sont séparés des assises épaisses de pierre de taille par un cordon d’argile empâ- tant des rognons plus ou moins siliceux, cordon qui dénote l’exis- tence d’une agitation momentanée dans les eaux ; les bancs épais contiennent surtout Y Ammonites Banksii à l’état adulte, le Dgsaster ellipticus , Y Ammonites anceps et beaucoup d’autres fossiles du Relloway-rock. Une autre couche d’argile, conlenant souvent des oolithes ferrugineuses, sépare les assises à Ammonites Banksii des bancs siliceux inférieurs; cette couche paraît faire le passage paléon- tologique entre l’étage bathonien et l’étage callovien; elle contient, en effet, des Ammonites qui ne se retrouvent plus dans les couches supérieures, mais qui abondent dans les couches bathoniennes ; ces Ammonites sont, comme on le sait, Y Ammonites macrocephalus , Herveyi, hecticus ; ils sont accompagnés de nombreux brachiopodes, parmi lesquels on peut citer ; Terebratula C liaimniana , d’Orb. , calloviensis, bicanaliculata. séance du 15 juin 1857. 80 h Nous arrivons aux bancs siliceux qui forment la limite des deux étages, et qui doivent être considérés comme faisant partie de l’étage balhonien ; ces bancs, très variables d’épaisseur suivant les localités, contiennent peu de fossiles; ils forment un ensemble de 3 ou h mètres d’épaisseur. Au-dessous de ces bancs se trouvent des couches assez puissantes, sans consistance, d’un calcaire grenu, souvent oolithique, devenant de plus en plus argileux, et se transformant insensiblement en terre à foulon ; ils passent du jaune au gris, et finissent par devenir entiè. rement bleus ; c’est alors la terre à foulon. Les bancs situés au-dessous du Kelloway-rock, même en faisant abstraction des fossiles, doivent être considérés comme faisant partie de la grande oolithe, car rien n’indique la disparition de la terre à foulon qui, dans tout le département, occupe une large surface par- faitement connue; l’existence d’une couche, entièrement semblable au calcaire de la Grenouille (oolithe inférieure), située au fond d’un puits, paraît donner à ce résultat beaucoup de consistance; mais toute espèce de doute disparaît devant l’immense quantité de fos- siles contenus dans ces couches, et qui tous sont spéciaux à la grande oolithe. Ces fossiles sont les suivants : Belemnïtes Fleuiicmsus , d’Orb. Ammonites dise us , Sow. Pleurotomar\a strobilus , Deslong. P/ioladomya gibbosa , d’Orb. Tej'cbratuln digona, Sow. Nanti lus bathoniensis , Ebr. Dysaster bicordatus , Agassiz. Nucleolitcs clunicularis , Blainv, Ce sont ces derniers bancs qui ont été pris souvent pour la conti- nuation des calcaires de la Grenouille, la terre à foulon devenant naturellement le prolongement des argiles du lias. Je pense donc avoir déterminé exactement la position des couches du mont Apin , heureux si je puis contribuer à effacer, dans l’esprit de quelques géologues, une erreur qui peut devenir funeste. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray ; Examen de P étage ni bien des environs de Sa ne erre ; par M. Ébray. I! existe dans le département de la Nièvre, dans celui du Cher et dans l’Yonne, entre les parties inférieures de l’étage cénomanien et de l’étage néocomien, une série de dépôts assez variables comme aspect NOIE DE M. ÉBRÀY. 805 minéralogique et sur lesquels les géologues ne sont pas d’accord : je veux parler des sables et grès ferrugineux de Saint-Sauveur et de Saint-Ainand, des argiles de Miennes et des sables verls de Cosne, ensemble qui atteint près de AO mètres d’épaisseur. En se bornant à l’étude d’une localité restreinte, on s’aperçoit bientôt que l’on tombe dans l’erreur; les sables ferrugineux, pour les uns, reposent tantôt directement sur le néocomien , tantôt ne sont qu’une variante des grès verts supérieurs; pour d’autres ils constituent une formation distincte, digue d’être séparée des autres étages et de recevoir une dénomination spéciale. Si l’on examine les points de départ de ses idées, on voit clairement que les différences d’opinion proviennent d’une étude stratigraphique trop restreinte, de l’absence de la recherche et de l’examen de fossi- les. Ayant eu l’occasion d’étudier ces terrains, depuis Vierzon jusqu'à Auxerre, et croyant être arrivé à des conclusions appuyées sur des faits bien constatés , je pense être utile à la science , en faisant con- naître le résultat de mes recherches. Je retrace d’abord les opinions des géologues distingués qui se sont occupés de cette question; je laisserai parler MM. de Longue- mare, Desvoidy, Bertera ; je mettrai en évidence les contradictions qui résultent de leurs écrits, et je verrai enfin si l’étude minutieuse des fossiles et des couches peut conduire à un résultat irréfutable. Opinion de M . de Longuemare. L’étude géologique des terrains de la rive gauche de l’Yonne, par M. de Longuemare, date de 18A3. Le chapitre X. traite de la for- mation néocomienne ; le chapitre XI traite des sables ferrugineux; le chapitre XIII, du gault. JM. de Longuemare place donc le gault au-dessus des sables fer- rugineux ; d’abord son chapitre XII commence en ces termes: «Au-dessus des dernières couches des sables ferrugineux, on trouve dans notre contrée une série d’assises plus ou moins calcaires comprises entre les marnes argileuses du gault et les argiles du ter- rain tertiaire.» Les fossiles rencontrés dans cet étage sont, d’après ce géologue, des empreintes végétales, des zoophyteset coprolithes; la composition du massif serait quartzeuse ; les matières accidentelles se compose- raient d’argiles et de fer hydroxydé. M. de Longuemare divise les sables ferrugineux en trois groupes: le groupe de Sully, le groupe de Moulins et le groupe de Taucy. Le 806 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. groupe inférieur fournit de gros blocs de grès ; le groupe moyen, des schistes ferrugineux; le groupe supérieur, des dalles de grès. Opinion de M. Desvoidy . Le mémoire de M. Desvoidy, sur les sables et grès ferrugineux de la haute Puisaye, date de 1851. M. Besvi idy énumère comme M. de Longuemare les nombreuses difficultés de la. question ; il émet l’idée que déjà en 1842 il était certain que les sables ferrugineux ne reposaient pas directement sur le néocomien, comme il le professait d’abord; en 18à4 toute espèce de doute cessa , car ii avait reconnu le gault à diverses -profondeurs sous ces sables. M. Robineau -Desvoidy croyait se convaincre par cette raison que ces sables appartenaient à un étage plus récent, et qu’ils méritaient d’autant plus notre attention, qu’ils ne renferment les vestiges d’au- cune création zoologique. Les sables seraient composés entièrement de quartz et de mica plus ou moins colorés par des oxydes de fer. M. Desvoidy pense que ces sables indiquent une époque spéciale , une formation qui na pas d'analogue, et propose de leur donner le nom spécial de sables salviens, en mémoire de la ville de Saint-Sau- veur ; il termine son mémoire en faisant ressortir les erreurs de M. de Longuemare. Opinion de M. Cotteau. M. Cotteau ( Annuaire de V Yonne , 1848, page 132) place les sables ferrugineux inférieurs au gault, elles fait reposer directement sur le néocomien. Opinion de M . Bertera . MM. Bertera et Élie de Beaumont classent la craie tuffeau, le gault et toutes les divisions qui dépendent de cet étage, dans les ter- rains crétacés inférieurs; ces géologues ont donc beaucoup de chance de ne pas se tromper. Cependant, M. Bertera classe les argiles bleues des environs de Cosne dans les argiles d’alluvion ou tertiaires, ou bien dans l’étage ncocomien (1). (I) Carte géologique du Cher. NOTE DE M. ÉBRAY. 807 Il ne faut pas oublier que la carte de H. Éiie de Beaumont, pré- sentant un travail immense, ne peut pas contenir des détails à l’élude desquels d’autres géologues ont passé plusieurs années. . Examen stratigraphique des couches. L’étage cénomanien blanc, à l’état de craie tuffeau , décrit une courbe plus ou moins régulière, partant de Vierzon, passant par Jarre, Sancerre, Neuvy, Saint-Fargeau, Joigny. Il n’existe pas de doutes sur la position exacte de cet étage, qui contient partout les fossiles les plus caractéristiques, tels que Ammo- nites varians , Mantelliy Terebratula alata , Epiaster crassissimus , Holaster carinatus , etc. Celte craie passe sous l’étage turonien, non loin de Saint-Amand- snr-Cher. Dans certains endroits, l’étage cénomanien repose sur des sables ferrugineux ; dans d’autres, sur des argiles ; dans d’autres, enfin , sur des sables très argileux , souvent remplis de grains verts. Pour ceux qui ont vu la craie tuffeau reposant sur les sables ferru- gineux, qui eux-mêmes sont supportés par les argiles du gault, il pa- rait évident que ces sables sans fossiles n’ont aucune relation avec les dépôts inférieurs et supérieurs ; M. Desvoidv fut donc tenté d’en faire un étage spécial. • Pour d’autres, au contraire, qui ont vu ces sables reposer sur le néocomien, la coïncidence de la nature ferrugineuse put donner des raisons de les rapprocher de cet étage ; ce fut problement cette voie qui conduisit M. de Longuemare à classer ces sables au-dessous du gault ; ce géologue a eu probablement l’occasion d’observer les argiles bleues supérieures, sans rechercher la position des argiles bleues inférieures aux sables ; nous verrons que ces derniers sont dans beau- coup de localités surmontés par des argiles vertes et bleues, ayant beaucoup d’analogie avec les argiles inférieures du gault. Pour sortir de ce dédale d’opinions, examinons d’abord sur une surface étendue la superposition exacte et la nature minéralogique des couches; étudions les fossiles que ces terrains contiennent en abondance, et nous verrons bientôt que les sables ferrugineux doivent être placés dans l’étage albien. Un sondage, qui fut pratiqué pour se rendre compte des terrains traversés par le chemin de fer, donna, dans la côte de Tracy (Nièvre), l’étage cénomanien d’abord, sur une épaisseur de 3 ou h mètres, puis des argiles sablonneuses vertes et bleues (3 mètres), au-dessous, le sable ferrugineux (5 mètres), au-dessous de ceux-ci, des argiles bleues contenant des paillettes de mica. soa SÉANCE DU 15 JUIN 1857. L’étage cénomanien est à l’état de marne blanche contenant les fossiles principaux déjà énumérés; les argiles supérieures, les argiles inférieures et les sables ferrugineux ne fournirent pas de fossiles; la sonde donne cependant la situation minéralogique des sables ferru- gineux; mais rien n’indique ici la place géologique de ces assises, qui se redressent sous une forte inclinaison dans un sens perpendi- culaire au cours de la Loire, vers l’Est, et affleurent à Boisgibaud, Maltaverne, etc. En examinant les fouilles qui se trouvent au bas de la montagne de Sancerre, on aperçoit des morceaux de grès situés au milieu et au- dessous des argiles micacées ; ces grès offrent une grande quantité de fossiles, dont je m’occuperai plus tard ; si l’on remonte vers San- cerre, on ne tarde pas à rencontrer les sablés ferrugineux, puis des argiles vertes, et en dernier lieu, la craie tuffeau (étage cénomanien); cet examen démontre donc encore que les sables ferrugineux se trouvent intercalés entre deux couches argileuses à peu près de même couleur; les couches inférieures se distinguent toujours par la pré- sence du mica; les couches supérieures, par la présence de grains verts. En allant vers Neuvv (Nièvre), 24 kilorn. de Sancerre, on rencon- tre, à proximité d’une ferme (les Cadoux), des escarpements qui montrent avec beaucoup de clarté la disposition de ces trois assises. On aperçoit, après avoir dépassé les argiles inférieures du gault, qui occupent une large surface depuis Cosne jusqu’à une petite localité (les Brocs), des escarpements ferrugineux qui se composent de couches alternatives de sables et d’argiles; ces couches, d’une puis- sance de 30 à 40 mètres, sont séparées de la craie tuffeau par une épaisseur assez forte d’argile verte, à la base de laquelle se trouve une petite couche de 0m,30 à 0m,40, composée de graviers et de sables ferrugineux, empâtant une grande quantité de fossiles, que je déterminerai plus loin. Je pourrais encore citer beaucoup de localités de Neuville à Auxerre, dans lesquelles celte superposition est évidente ; mais je pense que ces trois exemples suffisent pour démontrer que les sables ferrugineux se trouvent intercalés entre deux couches d’argile plus ou moins sablonneuse, presque de même couleur, cependant de com- position différente; l’examen des fossiles va nous montrera quel étage ces couches appartiennent. Examen des fossiles. Les grès inférieurs situés sous les argiles offrent les fossiles prin- cipaux suivants t NOTE DE M. Ê1ÎRAY. , 809 La plupart de ces fossiles ont été déterminés par M. Aie. d’Or- bigny : Turritella Vibrayana , d’Orb. Iiinginella Icicryma , d’Orb. Natica gaultina, d’Orb. Solarium monilif crum , Michelin. Ko s tell aria Parlinsoni , Sow. Panopœa acutisulcata, d’Orb. Arcopagia Rauliniana , d'Orb. La. ri gnon Clementina , d Orb, et plusieurs espèces nouvelles spéciales au gault. D’aulres espèces se reproduisent dans l’étage cénomanien, telles que Janira quinquecos - qui a bien quatre côtes entre les côtes saillantes; le Cardium Hillanum. On sait que la Janira quinquecostata a déjà été trouvée dans le gault par Ri. Renevier (Mémoire sur la Perte du Rhône, p. A8). Les argiles inférieures micacées sont peu fossilifères; elles contien- nent des parties ferrugineuses qui offrent les fossiles suivants: Ammonites mamillatus, Schl. J Rosie II aria costata , Michelin. Ammonites Milletianus , d’Orb. | fossiles spéciaux à l’étage albien. Les sables ferrugineux ne contiennent, dans leurs parties infé- rieures, que des végétaux indéterminables; les parties supérieures donnent l’A. tarde-furcalus (Levmerie)? La couche la plus supérieure des sables ferrugineux donne les fos- siles principaux suivants : Ammonites inflatns , Sow. Natica gaultina, d’Orb. A. Denarius , Sow. (t). Cardium Carolinum, d’Orb. Area fibrosa , d’Orb. et beaucoup d’autres espèces qui me paraissent nouvelles, et sur lesquelles je ferai un travail spécial. Je ferai remarquer cependant que les échantillons de Cardium que j’ai recueillis, tout en se rapprochant beaucoup du Cardium Caroli- num, présentent généralement un angle apicial de 107 degrés, angle du Cardium productum, offrent bien la forme spéciale du Cardium (I) L’ Ammonites Denarius des couches mélangées de la Nièvre diffère d’une manière presque insensible de X Ammonites Denarius , décrit dans la paléontologie française. Tenus Vibrayana, d'Orb. Thetis min or , Sow. Cardium Dupinianum , d'Orb. Astarte Dupiniana , d’Orb. Area fibrosa , d’Orb. Trigonia alœformis , Park. Gcrvillia difficiles , d’Orb. 810' SÉANCE DU 15 JUIN 1857. Carolinum , des plus tranchées, mais diffèrent de ce dernier fossile par le nombre de rangées de petites pointes qui sont du côté buccal au nombre de trois. C’est pour ces raisons queje considère cette détermination comme provisoire. La plupart de ces derniers fossiles font partie de la faune du gault. On voit par ce qui précède que l’ensemble des grès et argiles inférieures, dessables ferrugineux et peut-être aussi des cou- ches argileuses supérieures (1) doit être considéré comme albien (2), que l’on rencontre dans toute l’étendue de cet étage des fossiles qui se retrouvent dans l’étage cénomanien, et que le nombre des fossiles communs au gault et à la craie tuffeau inférieure diminue à mesure que l’on s’éloigne de la limite de ces étages. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray : Note sur la valeur géologique clés silex (que Von rencontre clans les formations jurassiques et crétacées du département de la Nièvre, par M. Ébray. La couleur des silex a souvent été prise comme signe distinctif des étages; l’expérience me prouve que la nature de ces corps, quoique présentant quelquefois un cachet particulier, doit être considérée comme un indice dont il faut user avec beaucoup de prudence. Je commencerai par examiner les bancs plus ou moins siliceux de l’infra-lias, qui se rencontre à Saint-Pierre, à Decise, etc. Ces bancs se présentent sous deux couleurs principales : ils sont tantôt rouges, tantôt bleus; rouges, ils indiquent l’approche des marnes irisées; bleus, le voisinage du calcaire à Gryphées; le lias moyen, le lias supérieur, l’étage bajocien et la grande oolithe con- tiennent des bancs plus ou moins siliceux ; mais la roche conserve l’apparence calcaire. Le système siliceux le plus important qui succède à l’infra-lias forme quatre ou cinq bancs qui séparent la grande oolithe de l’étage callovien; ces bancs peuvent s’étudier à Nevers, au château de Mi- mont, à la montée de Ghâteauneuf; le banc le plus supérieur repré- (1) J’ai trouvé dans les couches argileuses supérieures les mêmes fossiles que dans la couche supérieure des sables ferrugineux; mais ces fossiles me paraissent remaniés. (2) Les parties inférieures et moyennes des sables ferrugineux résultent alors d’un immense courant qui sillonna les mers du gault, et qui cessa peu avant le commencement de l’étage cénomanien. NOTE DE M. ÊBRAY. 811 sente un calcaire plus ou moins siliceux, pouvant être exploité comme marbre; les bancs inférieurs deviennent quelquefois très durs, et capables de donner de très bon pavé; ils sont gris et présentent sou- vent une grande analogie avec i’infra-lias; cependant les bancs batho- niens diffèrent par la présence de points blancs, provenant d’articles de zoophyles. Lorsque ces caractères différentiels n’existent pas, et lorsque le grain de la pierre est fin, il n’est pas possible de distinguer les deux roches. En remontant l’échelle géologique, la silice paraît s’être répartie moins uniformément dans les étages ; le Kelloway-rock présente, à sa partie moyenne, deux ou trois bancs contenant des lignes régu- lières de rognons de silex; ces silex contiennent peu de fossiles et ne se retrouvent pas souvent dans les terrains de transport, car cette partie de l’étage n’a pas été exposée à l’action des eaux. Ces silex ont la même couleur que les silex de la partie supérieure de l’oxfor- dien; mais ceux-ci offrent des formes moins arrondies et plus irré- gulières. La partie la plus siliceuse de l’étage callovien du département de la Nièvre est certainement la partie supérieure où quelques bancs sont transformés en entier à l’état siliceux, comme cela peut se re- marquer au bord de la Loire, près du domaine de ia Loge, commune de la Marche; la roche est pétrie de fossiles spéciaux à l’étage callo- vien ; les Phojadomyes, lesTérébratuIes et lesÉchinodermes abondent dans ces couches; les matériaux siliceux qui les composent se retrou- vent souvent à des distances considérables. Les silex qui nous occupent, lorsqu’ils sont exposés à l’air, varient avec le temps ; car, de gris, ils deviennent jaunes et se rapprochent des silex gris de la craie tuffeau. Ces derniers silex se distinguent ce- pendant de ceux du Kelloway-rock par une couleur plus claire, une moins grande dureté; mais ce signe n’est pas infaillible, car la partie inférieure du cénomanien contient aussi des silex jaunes et même rouges. Si nous passons à l’étage oxfordien, nous y verrons (chose assez singulière qui se remarque souvent à la fin des étages, et semble in- diquer un temps d’arrêt dans la formation des couches) la silice se masser et se séparer; des couches entières deviennent siliceuses par suite de spongiaires dont quelques genres sont entièrement globu- leux ; quelquefois cependant, comme à Donzy, la silice se trouve à l’état inorganique, en rognons irréguliers, en veines donnant à la roche un aspect marbré et une grande dureté; la couleur de ces silex paraît légèrement se modifier par un contact prolongé avec l’air. SÉANCE I)U 15 JUIN 1857. SJ 2 Le corallien est siliceux à la partie inférieure; mais la silice se trouve intimement liée au calcaire, et l’on ne rencontre pas dans la Nièvre des silex nombreux provenant de cet étage. Les rares silex que j’ai trouvés dans le corallien ont présenté une couleur jaunâtre, line texture caverneuse indiquant l’existence de polypiers; l’étage kimméridgien contient aussi fort peu de silex, quoique certains bancs soient très durs et donnent des lumachelles calcaires. L’étage port- landien est peu siliceux; la partie supérieure de cet étage contient quelques silex qui se rapprochent des silex rouges de l’étage cénoma- nien, et se distinguent de ceux-ci par une cassure plus régulière, jointe à une texture plus fine. Je n’ai pas observé beaucoup de silex dans le néocomien, qui se réduit dans le département, et surtout dans la partie occidentale, à une couche insignifiante. Il n’en est pas de même de l’étage cénomanien, qui contient à ses parties inférieure et moyenne beaucoup de rognons rendant quel- quefois la pierre difficile à travailler. Les silex rouges se rencontrent assez souvent dans le cénomanien qui afileure le long de la Loire (près Cosne); bientôt cette couleur, qui provient probablement de l’influence des sables ferrugineux sur lesquels l’étage cénomanien repose quelquefois, disparaît pour faire place à la couleur grise, qui caractérise les bancs moyens ; mais cette couleur s’altère au contact de l’air; elle s’affaiblit et devient presque blanche; les silex pyroma- ques occupent principalement la partie supérieure, qui pourrait, par un examen paléontologique superficiel, être assimilée à la craie blanche, car le Micraster coranguinum se confond facilement avec l’ Epi aster crassissimus, surtout, lorsqu’à l’état de moule, le fasciole a disparu; Y Ammonites Mantelli vient d’ailleurs de temps en temps confirmer l’existence de la craie tuffeau, et l’on peut considérer positivement le silex pyromaque comme propre à l’étage cénomanien (1). Ce silex se rencontre même à Tracv dans les parties inférieure et moyenne de cet étage, mais il y est assez rare. La craie blanche est remarquable dans la Nièvre par l’abondance et la diversité des silex que l’on y trouve ; ils sont noirs à Neuvy, gris à Sancerre, jaunes à la Roche, rouges aux environs de Tracy ; ces dif- férentes couleurs se marient, et forment des silex bigarrés souvent (4) M. Bertera a fait la même remarque dans le Cher. Il dit, page 4 25 du texte explicatif de la carte du Cher : on rencontre dans la craie tuffeau un grand nombre de rognons pyriteux; on y trouve aussi des silex noirs, mais seulement à la partie supérieure. NOTE DE M. ÊBRAY. S13 très extraordinaires; partout la silice a englobé les fossiles les plus caractéristiques delà craie blanche. Le calcaire siliceux présente une texture assez régulière, presque toujours sans rognons de silex. On le rencontre sous deux aspects différents à l’état de marnes, qui occupent tantôt la partie supérieure, comme à Boué (Cher), tantôt la partie inférieure (comme à Yille- chaud), et à l’état de calcaire siliceux, qui fournit des matériaux de construction. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray : Note sur le diluvium du département de la Nièvre; par M. Ebray. J’ai examiné, dans une note précédente, les résultats que l’on peut obtenir en étudiant la direction des grands courants diluviens; le calcul prouve, en effet, que la direction de ces courants est en rela- tion avec la nature des bouleversements qui les ont fait naître. J’ai étudié le transport des fossiles roulés du département de la Vienne, qui paraissent indiquer la marche des courants vers le nord; j’ai eu l’honneur de présenter les observations intéressantes que l’on peut faire sur les individus roulés du Dysaster ellipticus , qui se trouve transporté souvent à de grandes distances, et qui donne «à penser que les courants suivaient, dans la Nièvre, la direction N. -O. Je viens, w aujourd’hui, soumettre à la Société un travail sur la nature des diffé- rents diluviums que l’on rencontre dans ce département. Lorsque les courants diluviens, dont les effets attestent les propor- tions gigantesques, envahirent le département, tous les points élevés de cette contrée furent submergés; la forme des montagnes, l’examen des couches superficielles viennent, à chaque pas, démontrer au géo- logue la puissance de ces courants, dont la cause ne doit pas être recherchée dans un fait restreint, comme la foule des anciens glaciers, mais bien dans un fait plus grandiose (1), qui permet de mettre en regard, sans voir immédiatement l’erreur, le cube énorme d’un cou- rant qui envahit des surfaces considérables avec la puissance de la source, capable de fournir à ce débit effrayant en section et en vitesse. Je dis que l’on peut observer, sur les points les plus élevés du dé- partement, l’action de ces courants qui paraissent avoir suivi la di- rection N. -O.; mais, à chaque instant, la nature des sédiments varie, (l) L’envahissement des continents paries mers. SÉANCE DU 15 JUIN 1857. 814 en raison de la position des roches mères qui ont fourni les matériaux de transport, et en raison aussi de l'intensité d’action et de la durée de ces courants. Les diluviums de la Nièvre proviennent des roches granitiques, des étages jurassiques et des étages crétacés; ces différents diluviums se rencontrent souvent sans mélanges; quelquefois cependant on les trouve associés entre eux. Lorsque ies roches sont soumises à l’action des courants, les parties tendres se trouvent enlevées et dissoutes par les eaux ; elles sont portées à des distances considérables, et ne se déposent qu’au mo- ment où l’équilibre se rétablit; c’est alors que se forment les roches homogènes des étages géologiques ; les parties qui se trouvent dans le diluvium des terrains primitifs sont, en général, quartzeuses et micacées; le diluvium jurassique ou crétacé est composé de silex d’autant plus réduits qu’ils se trouvent éloignés du point d’enlè- vement. On remarque, dans le département du Cher, des graviers calcaires provenant de la destruction et de l’enlèvement de l’étage corallien; mais ces graviers sont peu puissants et très peu répandus dans la Nièvre. Le diluvium résultant de la destruction des terrains primitifs se rencontre généralement à peu de hauteur (!) au-dessus du sol des rivières; il semble que la vitesse des courants, au moment où les eaux dépassaient les hantes montagnes du département, était trop forte pour permettre à ces sédiments déjà réduits de se déposer. Ce n’est que plus loin qu’ils se déposèrent ; à mesure que le courant diminuait de volume et d’intensité, en s’engouffrant dans les dépressions mo- tivées par des failles et autres accidents géologiques, le quartz et ie mica se réunirent derrière les points sablants qui formèrent des re- mous; aujourd’hui la Loire coule lentement et charrie à son aise ce sable si fin et si mouvant provenant des montagnes primitives; le li- mon qui résulte de la décomposition des roches calcaires et argileuses se trouve plus rapidement transporté à la mer, et contribue à former les bancs de l’étage contemporain. En descendant des sommets vers les bas-fonds, on rencontre des diluviums de plus en plus fins; le diluvium des sommets se trouve peu transporté à cause du peu de durée de l’action de ces courants; il (l) 11 existe cependant des exceptions; on.trouveun dépôt de sables micacés entre Varenne et Uzv, à la cote 230 et un autre sur les sommets de la roche, à la cote 190,00, par contre un dépôt de cailloux cépha- laires à Tracy, cote 160,00, NOTE DE M. ÉiîRAY. 815 a quelquefois même l’aspect d’une roche en place, dans laquelle cer- tains éléments ont été enlevés. Cette émission de dépôts plus ou moins remaniés par les eaux forme une série dans laquelle les points extrêmes ne peuvent être précisés; on rencontre certaines couches d’argile, dont l’origine est difficile à indiquer; d’un autre côté certains dépôts, encore en place, ont souvent l’apparence de terrains de transport. Comme on le voit en suivant une carte des bords de la Loire, les principaux dépôts de diluvium primitif sont situés dans le bas-fond de Fourchambault et dans celui de Fougues. Ces sables ne se trouvent pas mélangés de débris de roches secondaires. Aux environs de Cosne, le diluvium provenant des terrains primi- tifs contient des silex calloviens et pyromaques (1). En remontant les collines qui bordent la Loire, on ne larde pas à rencontrer, dans le centre du département, les silex roulés du callo- vien qui forment quelquefois des épaisseurs assez fortes; tantôt ces graviers sont réduits en galets; tantôt, à faces anguleuses, ils repré- sentent un étage à peine attaqué par les eaux : en arrivant sur les pla- teaux, on rencontre des amas de silex, auxquels on a donné le nom de calcaire à chailles ; quelquefois ce calcaire est en place : dans ce cas, il apparaît sous forme de bancs siliceux séparés par des couches d’argile; quelquefois il est en place et altéré: dans ce cas l’argile se trouve enlevée, et les bancs, toujours visibles, se succèdent avec plus ou moins de régularité; l’ensemble du dépôt a souvent l’aspect bré- chiforme. Enfin ce terrain se trouve transporté à des distances plus ou moins grandes; les matières dont il se compose sont alors entiè- rement en désordre, et souvent elles reposent sur des étages plus ré- cents, tels que le corallien, l’oxfordien, quelquefois même le céno- manien. C’est dans celte dernière position que l’on peut observer cette grande étendue de diluvium caliovicn qui part de NéVers, passe par les hauteurs de Guerignv, les forêts de Saint-Aubin, de Raveau, les environs de Donzy où il acquiert près de 20 mètres d’épaisseur; en descendant vers le nord du département, les terrains de transport va- rient bientôt de nature : les silex pyromaques viennent indiquer l’en- lèvement de la période crétacée; on trouve dans les calcaires à chailles le Micraster coranguinum associé au Dyscistereliipticus ; mais bien- (1) Le fait s'explique très bien quand on songe à la disposition géo- graphique des couches qui ont fourni le diluvium callovien ; en effet, presque toutes ces couches sont situées au N. -O. de Fourchambault et de Pougues. 816 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. tôt ce dernier devient très rare. Les contrées dans lesquelles on peut observer le diluvium de la craie blanche sont situées au nord du département ; on en trouve des lambeaux à Tracy, à la Roche, à Cosne, à Neuvv, à Saint-Sauveur, etc.; il est à remarquer que l’on ne ren- contre les débris de la craie qu’à partir de Saint-Andelain, et que l’on a par conséquent des raisons pour supposer que ce point foi niait le premier dépôt régulier de la craie et que les éléments siliceux, qui se trouvent en abondance dans cette localité, doivent être considérés en place, quoique altérés par les courants qui venaient du sud-est. Je termine cette notice en disant quelques mots sur la configura- tion des bords de la Loire, et sur les relations qui existent entre la constitution géologique du sol et le régime de déformation des coteaux qui limitent ce fleuve. Le profil en travers de la vallée delà Loire va nous indiquer quel fut approximativement le mode de décroissance des courants diluviens. Puisque le diluvium situé au-dessus de la cote 2A0 ne se trouve pas transporté à de grandes distances et ne contient pas d’éléments de petite dimension, il y a donc lieu de supposer qu’à l’époque où les eaux couvraient les sommités, les courants, quoique animés d’une grande vitesse, ne furent pas de longue, durée; les eaux paraissent, à partir de ce moment, avoir décru assez uniformément cl lentement jusqu’à la cote moyenne 190 mètres, car les pentes sont assez régu- lières; à partir de cette hauteur, lesqjentessont plus fortes; la grande oolithe, le Kelloway-rock, le kimmeridgien supérieur se trouvent ar- rachés sous la pente 0m,30 $ la partie inférieure du corallien, sous la pente de 0,n,20; la partie argileuse du même étage, sous l’angle de 0ln,06; le cénomanien, 0m,15 ; le gault, 0"*, 1 0 ; ces inclinaisons varient dans des limites assez étendues] mais en général elles sont en rapport avec la dureté des terrains. A partir de la cote 190, les inclinaisons deviennent souvent plus fortes et semblent indiquer une décroissance encore moins rapide du courant; en effet, comme cela se remarque facilement sur la carte, les lignes de niveau se rapprochent d’autant plus que l’on descend vers la rivière; dans certaines parties, les pentes sont encore aug- mentées par les érosions actuelles du fleuve qui, rongeant le sol au niveau de l’étage, opèrent des éboulements souvent assez importants. En examinant la forme des collines et des bas-fonds qui bordent la Loire, on s’aperçoit bientôt de la liaison intime qui existe entre la configuration de ses bords, la direction de la rivière, la déformation actuelle des rives et la nature géologique du sol. La plaine assez étendue qui se trouve en amont de Revers résulte de la présence de la terre à foulon qui, d’un enlèvement facile, a donné lieu à cel ap* MÉMOIRE DE M. KOECÎILTN-SCftLtMRERGËR, 817 profondissement. Nevers forme une hauteur qui a été respectée ; composée de Kelloway-rock, elle formait un épi contre les courants destructeurs; à mesure que nous nous rapprochons de Marzy, situé sur les roches résistantes du calcaire à Entroqnes, la Loire, pour le moment vaincue, s’incline en formant le promontoire important qui se prolonge jusqu’à Fourchambault. La constitution géologique du sol rendra pour longtemps encore cette partie inattaquable. En descendant vers Soulangy, on aperçoit bientôt le grand golfe de Pougues, qui devait aussi, à l’époque du diluvium, être comblé par la terre à foulon ; cette partie de la rive est actuellement à peu près stationnaire, protégée en amont par le promontoire solide de Marzy, soutenue en aval par la butte callovienne de Soulangy; cette partie reçoit de temps en temps le limon fécondant des crues et tend par conséquent plutôt à s’élever qu'à s’abaisser. A partir de ce point, les rives de la Loire présentent jusqu’au delà de la Charité des côtes plus escarpées et uniformes; journellement soumis à l’action lente des eaux, ces coteaux se déforment insensi- blement; mais, comme ils sont composés de roches solides, l’industrie n’a pas pour le moment 5 se préoccuper de cette action ; cependant, si les effets du diluvium sont effrayants et gigantesques, les effets lents mais constants de l’influence de l’air et des rivières n’en sont pas moins dignes de remarque; infiniment petits, comparés à ces pre- miers, le temps les rend sensibles et souvent redoutab’cs. Le château de Mouron est situé dans un golfe motivé par l’enlève- ment facile de la partie argileuse du corallien. A partir de ce point, les talus reprennent leur forme abrupte jus- qu’aux Girarmcs où apparaît le gault : ici encore l’étage argilo sablon- lieux se trahit par un approfondissement qui se trouve protégé en amont par la partie solide du kimmeridgien et du portlandien, en aval par le promontoire crayeux de Tracy. De Tracy à la limite du département, la composition des collineâ est en moyenne assez uniforme ; la pente naturelle des coteaux devient assez régulière et moins abrupte. M. Hébert fait au nom de M* Kœchlin-Schlumberger h Communication suivante ; Nouvelles études s tu' les Ammonites margaritâtuêj Montfort , et Ammonites spinatus, Brug^ par M* J. Kœchlin-Schlum** berger. Depuis que j’ai écrit la note sur une nouvelle Variété de l 'Ammo* Soc, 2e série, tome XIV. 52 818 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. nites spinatus (1) et en suite de nouvelles fouilles faites dans le gise- ment de Sentheim,on est arrivé dans cette localitéà une exploitation régulière de la roche du lias moyen pour la convertir en chaux hy- draulique. Ces travaux ont mis cet étage à découvert et y ont fait rencontrer une grande quantité d’Àmmonites bien conservées dont un certain nombre jettent un grand jour sur la question que j’avais déjà traitée. L’examen de ces nouveaux matériaux m’amène à mo- difier mon opinion sur la variété de VA. spinatus à bouche circulaire et à considérer VA. spinatus, Brug. , et VA, margaritatus , Montf. , avec toutes leurs variétés, comme appartenant à une seule espèce. Cet énoncé peut donner lieu à deux sortes de remarques : d’abord il doit paraître hardi, puisqu’il est opposé à l’opinion de tous les pa- léontologues qui se sont occupés de ces espèces; on doit ensuite trouver étonnant qu’après avoir montré une certaine prétention d’avoir bien étudié la question je change mon opinion au bout de deux ans. Quant à la première remarque, je pourrai dire qu’à mesure que mes collections augmentent, qu’à mesure que le nombre des localités que j’ai visitées s’accroît, mon opinion, que dans beaucoup de genres de fossiles on a trop multiplié les espèces, acquiert plus de force; cette opinion devient une conviction chaque fois que je re- cueille dans le même gîte un grand nombre d’exemplaires de la même espèce et j’y vois presque toujours un certain nombre de va- riétés passant les unes aux autres. Je pourrai dire que cette réunion en une même espèce de formes aussi éloignées que le sont celles des A. spinatus et A. margaritatus dans leur type normal n’est pas si extraordinaire qu’elle le paraît au premier abord et qu’elle a déjà été admise pour d’autres espèces. Ainsi je pourrai citer VA. margaritatus lui-même dans la variété Engelhardti , d’Orb., pi. 66, A. marga- ritatus tuberculeux, d’Orb. , pl. 68 et A . amaltheus spinosus, Ouenst. ( Petrefactenkunde Deutschlands , pl. 5, fig. 46); A. Sowerbyi, Mill. (d’Orb., pl. 119) dont les échantillons sans tubercules sont beaucoup plus nombreux que ceux qui en sont munis, et cependant ce sont les dernières qu’on représente en figures et que l’on considère comme à l’état normal; A. Jason, Ziet. (d’Orb., pl. 159 et 160); A.anceps , Rein. (d’Orb., pl. 166 et 167), A. coronatus , Brug. .(d’Orb., pl. 168 et 169); A. oculatus, Phili. (d’Orb., pl, 200 et 201), mais il y a en outre des variétés complètement lisses; A. Clementinus , d’Orb., et mamillatus , Schloih. (d’Orb. , pl. 74 et 75) ; A. Mantelli , Sow. (d’Orb., pl. 103 et 104). (1) Bulletin Sac . géol., 2e sér., t. XII, p. 118. MÉMOIRE DR M. KOECHLïN- SCHLUMBKRGER. 819 Les paléontologues du Wurtemberg, MM. Quenstedt et Oppel, réu- nissent à VA. angulatus, Schloîîi. (Quenst., tab. 4, fig. 2; Ziet, pl. 3, fig. 1; d’Grb. , pl. 93), les A. Charmassei, d’Orb. (pl. 91 et 92), A. Laigneletti, d’Orb. (pl. 92), A. catenatus, Sow. (d’Orb., pl. 94), A. Moreanus , d’Orb. (pl. 93); M. Oppel réunit VA. hybrida, d’Orb., 85, à VA. polymorphus , Quenst. (pl. 4, fig. 9, 10, 11, 12, 13). 'M. Quenst. réunit VA. hecticus, Rein. (Quenst., tab. 8, .fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6 et d’Orb., pl. 152) à V A.lunula, Ziet. (d'Orb. , 157) ; M. d’Or- bigny réunit à VA. plicatilis, Sow. (d’Orb., 191 et 192), presque toutes les Ammonites du Jura blanc du Wurtemberg, telles quelesA. biplex , Sow. (Quenst., pl. 12, f. 6, 7, 11 et 12), A. triplicatus albus , Quenst. (fig. 1), A. polygyratus , Rein. (Quenst., fig. 3 et 4), A. colubrinus , Rein. (Quenst., fig. 10), A. convolutus, Quenst. (pl. 13, fig. 3), etc. Quant à la seconde remarque, je fais humblement mon meâculpâ ; je ne suis malheureusement pas de ceux qui n’ont rien à regretter ni rien à désavouer, et qui meurent avec la douce satisfaction d’avoir imposé des règles immuables et des barrières à la science. Les nouveaux matériaux, avec leur grande richesse, sont sans doute le principal motif qui a modifié mon opinion; mais il y en a bien quelques autres. Si donc, il y a deux ans, je n’ai pas suivi la velléité que j’avais déjà alors, pour la réunion des deux espèces, c’est qu’il est bien difficile à un jeune amateur (jeune de science, mais pas d’âge) de ne pas se laisser grandement influencer par Jes idées reçues, dose défendre contre des impressionsqui ne sontfondées sou- vent que sur des conventions et qu’il a sucées avec le lait scientifique. Si, il y a deux ans, plusieurs arguments, et que j’ai exprimés, m’entraînaient vers ma manière de voir actuelle, je n’avais pas alors le courage d’affronter l’opinion reçue et de réunir deux espèces pa- triarcales, comme le sont les Ammonites spinatus et margaritatiis. * J’ai aussi donné une trop grande importance à la valeur des lobes comme caractère spécifique, et, comme il fallait une conclusion, j’ai un peu fait comme les avocats, j’ai laissé dans l’ombre les arguments contraires ou qui pouvaient me gêner et amener le doute; j’ai au contraire mis en saillie les arguments favorables, jusqu’à en employer d’assez spécieux. Après tout, la science marche tous les jours, ses enseignements se corrigent, s’étendent, se complètent ; il faut la suivre dans son allure progressive; il faut aller en avant sans regretter les idées, les hypothèses, les erreurs dont on laisse la route jonchée derrière soi. Pour traiter la question qui m’occupe sous toutes ses faces, je suis obligé d’indiquer les relations de gisement de mes Ammonites, puis- 820 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. qu’on a voulu tirer, précisément de ces relations, dans d’autres loca- lités, un argument contre mon opinion. Le lias moyen, à Sentheim, se divise tout naturellement en deux étages principaux : 1° celui supérieur, constitué par des marnes et des schistes marno-argileux ; 2° celui inférieur, constitué par un cal- caire solide, compacte, quelquefois à texture finement cristalline, quelquefois à texture lâche et un peu terreuse. Le premier de ces étages peut sc subdiviser minéralogiquement en deux parties, dont celle supérieure est composée d’une marne d’un gris clair, celle in- férieure d’un schiste marno-argileux noir. Ces deux subdivisions renferment, en grand nombre, exactement les mêmes espèces et variétés d’ Ammonites; seulement, dans celle inférieure, les Ammo- nites sont composées de fer sulfuré et de chaux carbonatée blanche, tandis que dans celle supérieure le fer sulfuré est remplacé par du fer hydroxydé, remplacement dû sans doute à une action pseudomor- phique. D’après les noms adoptés aujourd’hui, ces Ammonites appartien- nent aux espèces spinatus, Brug., et margaritatus, .Monlf., avec leurs nombreuses variations. Avant de m’en occuper plus spécialement, je reproduis ici la liste des fossiles dont ces Ammonites sont accompa- gnées, et que j’ai rencontrés principalement dans la subdivision supérieure où les Ammonites, par la conservation du lest, montrent souvent des surfaces irisées. Belemnites niger, List., B. clavatus , Blaim, B. Fourneliams, d’Orb., B. acutus, Mill Ammonites natrix, Ziet., Gastéropodes de petite dimension, Dentalium , Area parvula, d’Orb. , Area Munsteri, Goldf., Leda acuminata, d’Orb, | Lucina, Cardiwm multkostatum , Phill. , Plicatula spinosa , Sow., Panopœa , Myoconcha , Pecten priscus, Scblotb. , Ostrea irregularis, Munst . , RhynchonellavariabF lis, d’Orb., B. rimosa , d’Orb., Terebratula numismalis , Lamk., Spiriferina Hartmanni , d’Orb., Pentacrinus . Au-dessous du schiste marno-argileux noir, vient l’étage inférieur du lias moyen, et que j’ai déjà caractérisé minéralogiquement. Dans l'ensemble, les fossiles qu’il renferme sont différents de ceux que je Viens d’indiquer pour la couche marneuse et celle du schiste marno- argileux noir. Dans la partie supérieure de cet étage, à environ un demi-mètre d’épaisseur, j’ai recueilli les espèces suivantes ; Belemnites Fournelianus , d’Orb., B. niger , List., Ammonites fimbriatus , Sow., A. Normanianus , d’Orb., A. voisine de l’espèce Jamesoni , Sow., P leurotomaria, Pholadomya decorata, Ziet ,,Lima gigemtea , Desh., Lima, espèce plus petite presque lisse, Pecten MÉMOIRE DE 31. KOECHL1N-SC0LUMBERGER. 8*21 Heklii , d’Orb., Pect.cn , petite espèce à côtes rayonnantes, Ostrca cymbium , d’Orb., Rhynchonella tetraedra, d’Orb. Sur le chantier de l’exploitation, parmi les fragments préparés pour être convertis en chaux hydraulique, j’ai rencontré quelques fossiles propres au lias moyen, et qui, étant renfermés dans une roche très rapprochée de celle dont je viens d’énumérer les fossiles, il devient évident qu’ils appartiennent au même étage du lias moyen et à des bancs inférieurs à ceux dont j’ai déjà parlé. Belemnites niger , List. , Nautilus , avec fines stries d’accroisse- ment, sans stries en long (1), Ammonites margaritatus , Montf.: 1° variété normale, pl. 67 de la Paléontologie française ; 2° variété épaisse, avec 22 grosses côtes sans le moindre tubercule, éloignée par ses caractères de toutes les figures de Zieten, de d’Orbigny, de Ouenstedt, de Broun, d’Oppel, etc. , A. Daoœi , Sow., très abon- dante, A. planicostai Sow. , à peu près d’Orb. , Pal. franc., pl. 65, Anomya? Terebratula amalthei , Quenst. , Ostrea cymbium , Sow. J’ai déjà dit que toutes les Ammonites, spit irisées, soit pyritisées de la division supérieure du lias moyen, appartenaient aux espèces spinatus c, t magaritatusffPji en réunissant ce que j’ai recueilli à Sen- iheim à quelques échantillons que M. Julier a bien voulu mettre à ma disposition, j’arrive au nombre de 859 exemplaires, la plus grande partie entiers.; t !;r,q , Pour faire mieux comprendre la lilialion de toutes ces Ammonites, j’en forme les M groupes suivants : Ne 1. Ammonites spinatus, Brug., forme normale, c’est-à-dire à tours bien décidément carrés, plus ou moins aplatis; le rapport entre la largeur et répaisseurs’y trouve compris entre les limites de 0,833 à 1,579 ; la pb 52, Paléonf fïûnç. , dc^M. Aie. d’Orbigny, représente un individu dont Ws rapport tient à peu près le milieu entre ces chiffres. Nombre des exemplaires . tb U i> d'iO'b il 209 N° 2. A. spinatus, Brug., variété aplatie, ayant ses côtes nette- ment et régulièrement formées et sans tubercules. L’épaisseur est beaucoup moindre que dans la variété précédente, les côtes angu- laires du dos s’arrondissent, la quille devient saillante; le rapport de (4) J’ai rencontré la même espèce ayant aussi son test conservé dans la couche correspondante du lias moyen à Wintzfelden (Haut- Rhin). (2) Il n’y a à excepter qu’un seul exemplaire d’J. natrix , Zitit. 822 SÉANCE DU 45 JUIN 1857. la largeur du tour, à son épaisseur, est compris entre les chiffres 1,28 et 1,60. (Voyez la fig. 5, Bulletin Soc. géol , 2e sér., t. XII, pl. 2, qui est du reste un extrême aplati.) Nombre des exemplaires ......... '272 N° 3. A. amalthens spinosus , Quenst. C’est une A. spinatus dont les côtes s’oblitèrent plus ou moins et qui prend de fortes pointes laté- rales, tout en conservant quelquefois la forme carrée du tour. (Voy. Quensledt, Petrefoctenkunde Deutschlands , pl. 5, fig. ô6 et der Jura , pl. 20, fig. 8; Bulletin Soc. géol., T- sér., t. XII, pl. 2, fig. 1, 2,3, U.) Nombre des exemplaires 61 N° U. A. margaritatus , Montf. , normal; le rapport de la largeur à l’épaisseur du tour est de 2,20 ; du reste ces échantillons sont bien caractérisés; ils ont le dos tranchant, les côtes souvent effacées sur la moitié extérieure des tours, et les stries longitudinales ou en spi- rale, au contraire, bien conservées; ils proviennent des deux couches de celle marneuse et de celle schisteuse. Nombre des exemplaires 8 N° 5. A. margaritatus tuberculeux , Montf., A. amaltheus gibbo - sus , Schloth. Cette variété est très rapprochée d’A. amaltheus spino- sus, Quenst., n° 3; elle s’en distingue en ce que les pointes sont placées sur le milieu de la largeur du tour, tandis que sur la dernière, les pointes ont leur place entre ce milieu et le dos. Mon plus grand exemplaire a 60 millim. de diamètre avec cloisons jusqu’à l’extrémité du tour; si on suppose que la dernière loge qui manque complète- ment avait 3 /A de tour, on arriverait à un diamètre de plus de 100 millim. pour l’Ammonite entière, ce qui esta peu près celui qu’atteignent les plus grands individus d’A. amaltheus spinosus que je connaisse. Nombre des exemplaires 410 'N° 6. Cette variété, par la forme variable, mais toujours un peu arrondie du dos, par ie faible accroissement des tours en largeur, par le rapport de la largeur à l’épaisseur des' tours, se rapproche de celle n° 2. Elle s’en éloigne par ses côtes oblitérées, formant des faisceaux de stries et disparaissant quelquefois presque complètement ; elle ressemble, sous ce dernier rapport, aux n0* 3 et 5, mais sans MÉMOIRE DE M. KOECïILIN-SCHLUMBEIlGERe 823 que les cotés présentent aucune différence entre elles, et sans aucun vestige de pointes. Cette variété n’est figurée nulle part. Nombre des exemplaires. Il Les six variétés qui précèdent sont des formes types, différant assez entre elles pour pouvoir être séparées en groupes; celles qui vont suivre sont des combinaisons et des passages entre ces six pre- mières. N° 7. Cette variété présente sur le même individu le passage du groupe n° 1 au groupe n° 3. J’ai déjà signalé cette réunion (voyez Bulletin de la Soc. géol.t 2e série, t. XIÏ, pl. 2, fig. U). Ici, il y a deux sous-variétés: dans la première, identique avec la figure citée, les tours intérieurs sont parfaitement conformes à VJl. spinatus, Brug. normal avec le rapport 1,20, mais au dernier tour le dos s’arrondit et il apparaît de fortes pointes latérales qui laissent 1 à 2 côtes lisses pour intervalle. Dans la seconde, les caractères des deux variétés existent simultanément ; le tour est carré comme chez VA. spinatus Brug., mais il y a de fortes pointes latérales laissant entre elles, comme chez VA. annal theus spinosus Quensl. une à deux côtes sans pointes et oblitérées. On pourrait à la rigueur distinguer une troisième variété : le dos y est passablement arrondi, les côtes sont nettement formées, sur chacune d’elles existe, à 0,40 de la quille (1), une pointe peu développée. Nombre des exemplaires 30 N°8. Passage du-n° 2 au n° 3 ; l’épaisseur du n° 2 est beaucoup aug- mentée jusqu’à arriver au chiffre 1,06, comme rapport entre la lar- geur et l’épaisseur; le dos est arrondi, la quille quelquefois saillante; les côtes sont maintenues égales et non oblitérées et il n’y a point de tubercules; quelques individus n’offrent d’autre différence avec le groupe n° 9 qu’une plus grande épaisseur. Nombre des exemplaires 17 N° 9. Passage du n° 2 au n° 4; généralement les tours intérieurs ne sont pas modifiés, le dernier tour prend un plus prompt accroisse- ment en largeur; les côtes deviennent plus fiexueuses et plus inclinées en avant et subissent quelquefois un commencement d’oblitération vers le dos. Il v a des individus qui approchent beaucoup du n° 4; (1) La largeur du tour pris comme unité. SÉANCE DU 15 JUIN 1857. m ceux qui sont le plus dans ce cas ont le dos 1res tranchant avec un rapport de la largeur à l’épaisseur du tour de 1,85. Nombre des exemplaires 65 N° 10. Passage du n° 2 au n° 5. Forme peu épaisse et à dos tranchant. Le jeune âge, jusqu’au diamètre de 35 millim.,est sem- blable au n° 2. Vers la moitié du dernier tour, où le rapport de la largeur à l’épaisseur est de 1,51, ce tour augmente plus prompte- ment sa largeur, et il s’élève sur son milieu de fortes pointes. Les côtes penchent plus en avant, celles intermédiaires qui ne portent pas de pointes s’oblitèrent, et ainsi l’espèce du n* 5 est très bien constituée ; certains individus ne diffèrent du groupe n° 9 que par les pointes. Nombre des exemplaires 22 -N- 11. Intermédiaire entre le no 3 et le Uo 5. Dans celle dernière variété les pointés sont plaCéés au milieu de la largeur du tour; dans la première les pointes sont plus rapprochées du dos. Dans la variété présente ces pointes occupent une position intermédiaire, de manière à relier complètement sous ce rapport le n0 3 et le n° 5. ‘ctirti-** j-q ■> 'Wu un ^ Nombre des exemplaires. . . . . . .... 54 Discutons maintenant les différentes variétés dont je viens de faire rénumération. Les échantillons du groupe nQ 1, que j’appelle A. spinatus nor- mal, présentent entre eux de grandes différences quant au rapport de la largeur et de l’épaisseur du tour, puisque ce rapport varie de 0,833 à 1,179, la largeur élant 1. Ces grandes variations ne doivent pas étonner; elles se présentent presque toujours quand on a devant soi un grand nombre d’échantillons de la même espèce. L’écart pour le cas présent serait encore augmenté si aux matériaux deSenlheim j’ajoutais ceux d’autres localités; ainsi, dans le mémoire déjà cité (l) j’ai donné la mesure d’une A. spinatus de Silzbrunnen avec 70 millimètres ,de diamètre où ce rapport descend jusqu’à 0,756. Voici encore quelques autres chiffres qui montreront que ces variations existent un peu partout. Échantillon de Curcy, (Calvados). . . Diamètre -H 8, rapport 1 ,1 60 Autre de la même localité » 122, » 0,925 (1) Bull, de la Soc. géol.t 2e sér., t. XII, p. 118. MÉMOIRE DE M. KOECHLIM-SCHLEMBERGER. 825 Exemplaire décrit dans la paléontologie de M. d'Orbigny Diamètre 135, rapport 1,120 Figure de Zieten, pl. 4 » 51, » 0,919 A. costatus , s pi na tus de M. Quen- stedt, pl. 5, fig. 10 » 43,5, » 0,880 A. costatus nudits du même auteur . . » 1,410 Il me serait facile de présenter 25 ou 30 exemplaires d 'A. spinatus qui se trouveraient également espacés, quant au rapport en question, entre les deux limites de 0,756 et 1,579, et formeraient ainsi, avec des différences graduées, une série de passages de la forme la plus épaisse à celle la plus mince ; il ne peut donc pas être question de séparer ces formes variées pour en former deux groupes distincts, par leur état de compression ou de dépression et de motiver leur dif- férence sur le sexe comme M. Quenstedt est disposé à l’admettre après M. Aie. d’Orbigny. J’ai déjà parlé des individus sur lesquels on trouve à la fois l’A. spinatus, Brug. , et l’A. amaltheus spinosus , Quenst. C’est un pareil échantillon fie Silzbrunnen qui, il y a deux ans, a déterminé mon opinion sur la réunion (les deux espèces et m’a fait écrire le mémoire déjà cité. La variété n0 1 passe par degrés et d’une manière peu sensible à celle no 2 ; il est impossible de Fixer exactement la limite entre ces deux groupes et il y a tel échantillon qui peut aussi bien être placé avec l’un comme avec l’autre. Dans le passage du n° 2 au n° 1x on arrive à des variétés extrêmes qui sont complètement identiques avec VA. margaritatus du jeune âge, toujours plus épais que les adultes; on voit un bon exemple de ce passage dans la fig. 12, pl. 2 du mémoire de JJ. Oppel ( Der Minière Lias Schivabens ), mais qui est donné par cet auteur pour une A. margaritatus. Les Ammonites que j’ai groupées sous le n° 8 et qui dérivent du n° 2 se présentent aussi avec un tubercule sur chaque côte, et sont alors identiques avec la figure 1&, pl. 20 donnée par JJ. Quenstedt dans son ouvrage (Der Jura) sous le ïiorn d’A. amaltheus depressus. Si dans cette variété l’épaisseur augmente et arrive au rapport 1,00 ; si, d’un autre côté, le dos n’est que faiblement arrondi, on arrive à une forme très rapprochée d’ A. spinatus normal. N° 6. Le test est conservé dans quelques-uns des échantillons de ce groupe; il est excessivement mince et orné de stries fines qui suivent les côtes dans leur direction ondulée et les recouvrent géné- ralement. Ces stries n’existent que très rarement sur les moules; elles sont plus serrées vers l’ombilic où, sur un échantillon de 39 mil* 826 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. Jimètres de diamètre, j’en compte 3 par millimètre. Elles s’effacent plus or. moins sur le côté des tours pour redevenir plus apparentes sur le dos où, prolongées fortement en avant, elles forment la quille chevronnée. Ces stries me paraissent caractéristiques pour VA. mar- garitatus et exister presque toujours quand le tes! est conservé. Je les ai reconnues bien nettement sur une A. spinatus de Curcy avec 122 millimètres de diamètre 0,925 de rapport de la largeur à l’épaisseur; je les retrouve également, indiquées sur les A. spinatus de Silzbrunnen et sur les A. amaltheus spinosus, Quenst. , de la même localité. Ce caractère n’est pas toujours reproduit dans les figures. M. Quensledt (1) et. d’Orbigny (2) l’ont bien indiqué; M. Oppél aussi le signale (3). Si j’insiste sur ce nouveau signe de parenté entre A. margari- tatus et A. spinatus , c’est que précisément l’échantillon sur lequel je comptais tout à l’heure les stries est un exemple merveilleusement apte à*montrèr le passage d’une espèce à l’autre; il a le dos presque carré , le recouvrement faible et l’accroissement lent des tours en largeur de VA. spinatus; il a au contraire les côtes flexueuses, oblitérées et les stries d’accroissement de VA. margaritatus. N°ll. L’^4. amaltheus spinosus, Quenst., quej’ai prouvé être une variété de VA. spinatus, Brug., ne peut pas être séparé de VA. marga- ritatus tuberculeux , Montf. La différence principale entre ces deux espèces consiste en ce que chez la première les pointes sont placées près du dos, tandis que chez la seconde elles le sont au milieu du tour. Mais ce caractère ne présente rien de stable ; au contraire, on verra, par le tableau qui suit, que, depuis la limite extrême du plus grand rapprochement des. pointes du dos à celle où elles sont placées dans le milieu du tour, il y a des échantillons pour toutes les positions intermédiaires. En mettant ia largeur du tour = 1000, les chiffres suivants expriment les fractions dont les pointes seront éloignées du dos chez lesA amaltheus spinosus , Quenst. Échantillon de Sentheim: c’est celui qui tient par la forme carrée de sa bouche de VA. spinatus , et par ses pointes et ses côtes oblitérées de VA. amaltheus spinosus 0,201 A. spinatus, variété c; Bulletin, t. XII, pl. 2, fig. 2. . . 0,268 A. amaltheus spinosus, Quenst., der Jura, pl. 20, fig. 8. . 0,272 — de Sentheim 0,315 — - Idem 0,343 (1) Petrefactenkunde Deutschlands, pl. 5, fig. 11, (2) Paléontologie française, pl. 67. (3) Der mittlcre Lias Scluvabens, p. A3. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. S27 À. amaltheus spin os ns , de Sentheim 0,350 — Idem 0,361 — Idem 0,370 — Idem 0,428 — qui m’a été donné par M. Quenstedt. 0,435 — Idem 0,440 « — de Sentheim . . . 0,450 — Idem 0,446 Après cet exposé descriptif, je dois répondre à des objections qui m’ont été faites lors de la publication de mon mémoire Sur une nou- velle variété de V A. spinatus , Brug. (1). Mes arguments serviront indirectement à établir ma nouvelle opinion. M. Quenstedt m’a fait l’honneur de m’écrire pour me dire qu’il n’était pas de mon avis, et après avoir établi : 1° Que la variété que j’entendais donner comme nouvelle avait déjà été figurée et décrite par lui sous le nom d\4 . amaltheus spi - nosus ; 2° Que cette variété devait être réunie à VA. spinatus , Brug., il a indiqué les motifs suivants pour appuyer cette dernière opinion : a. Que VA. spinatus , Brug. , a sa station dans une couche un peu plus élevée ou plus récente du lias que Y -À. margaritatus , Montf. b. Que des milliers d’exemplaires de VA. spinatus lui ont passé par les mains, sans qu’il en ait jamais trouvé un seul à côtes obli- térées. c. Que chez les A. spinatus les pointes ou tubercules, lorsqu’ils existent, se trouvent plus rapprochés du dos que chez VA. amaltheus spinosus. d. Que s’il n’a jamais observé les stries en spirale caractéristiques de VA. margaritatus, sur VA. amaltheus spinosus, cela s’explique par le motif qu’on ne trouve dans le Wurtemberg que ia loge termi- nale de cette dernière. e. Qu’il convient, ainsi que je l’avais établi, que les lobes des deux variétés que j’avais proposé de réunir étaient rapprochées, identiques même; mais que celte circonstance ne modifiait pas son opinion. Je vais examiner ces objections et chercher à les écarter; mais avant tout, je dois convenir que M. Quenstedt a parfaitement raison dans son observation relative à la priorité. Quoique possédant l’ou- vrage de cet auteur (die Petrefactenkunde Deutschlands), la figure de VA., amaltheus spinosus, Quenst. , qui s’v trouve pl. 5, f. U, et qui est véritablement identique avec ma variété c, m’a échappé, et (1) Bulletin de la Soc. géoI.y 2* sér., t. XII, p. 418. SÉANCE DU 15 JUIN 1857. 8*28 j'exprime ici mes sincères regrets pour le tort que j’ai pu faire ainsi involontairement au savant wurtembergeois. JM. Quenstedt veut réunir son A. amaltheus spinosus à VA. rnar- garitatus , mais je voulais la réunir à VA. spinatus. Les conclusions du présent travail tendant à établir que VA. spinatus et VA. mar - garitatus sont des variétés appartenant à la même espèce, nous fini- rons ainsi par avoir raison tous les deux. Objection a. Je ne conteste pas que dans le Wurtemberg VA. spi- natus se trouve placé dans le lias S, un peu plus haut que VA. margaritatus. Ce fait, quand même il serait aussi constant que le veut M. Oppel, dans son savant travail sur le parallélisme des terrains jurassiques, ne nuirait guère à mon hypothèse, mais cette constance fait défaut, et cela même pour le Wurtemberg. M. Oppel, dans l’ouvrage cité, partage le lias <5 en trois subdivi- sions, dont la plus supérieure serait d’après lui la station de VA. spinatus , et les deux inférieures celles de VA. margaritatus. M. Quen- stedt, au contraire, -dans son ouvrage Das Filmtzgebirge Wurtembergs , dont la date ne détruit pas le grand mérite, cite Y A. margaritatus et VA. spinatus dans le lias <5, et VA. spinatus seul et sans l’accom- pagnement de VA. margaritatus dans le lias y, qui est la division inférieure du liasien chez ÎM. Quenstedt. Si on prétendait expliquer cette contradiction entre les deux paléontologues, qui tous les deux connaissent si bien le Wurtemberg, par l’ancienneté relative de la publication du Elœtzgébirge (1843), d’autres localités offrent des faits encore plu& éloignés de la théorie de >1. Oppel. Ainsi à Silzbrunnen près iNiederbronn, dans cette célèbre roche que les géologues alle- mands nous font l’honneur de comprendre dans le Jura de l’Alle- magne, et qui^fourniles'échatUillonsmodèles de VA. Engelhardti^ d’Orb. ,on trouve, ainsi que M. Oppel le dit lui-même, cette dernière espèce réunie avec A. spinatus et A. amaltheus spinosus. Or, VA. Engelhardti est considéré avec raison, par les savants wurtember- geois, comme une variété de VA . margaritatus , la roche de Siltz- brunnen offre donc les A. spinatus et margaritatus ju\ même niveau, et, eu égard à mon hypothèse, elle les offre dans les formes les plus extrêmes d’une même espèce, A. Engelhardti avec le rapport de la largeur à l’épaisseur de 3,10 et A. spinatus épais avec un rapport de 0,75. Les six subdivisions établies par M. Oppel (1) dans le lias moyen ne sont d’après lui que paléontologiques. Cet auteur dit, que dans quelques localités on est réduit à ne faire que deux divisions du lias (t ) Die Jura formation. MÉMOIRE DE M. KÔÊCHLIN-SCHLÜMBERGER. 829 moyen, qu’en France généralement on réunit d’un côté ses trois subdivisions inférieures, qui correspondent alors aux marnes à Tere- bratula numismalis de M. Quensledt (lias y) et de l’autre, les trois subdivisions supérieures, qui constituent alors les argiles à A. amal - theus de RI. Quenstedt (lias <$). Mais à Mende (Lozère), et à Sen- theim (Haut-Rhin), où j’ai pu étudier avec quelque détail les dépôts basiques, les choses ne se sont pas passées ainsi; dans les deux loca- lités il existe deux grandes divisions, quant à la nature de la roche: celle supérieure est constituée par une marne sans consistance, celle inférieure par un calcaire très solide. La limite entre ces deux grands étages tomberait, non pas entre la troisième et la quatrième subdivision de M. Oppel, mais entre la deuxième et la troisième (en comptant du haut, puisque VA. margaritatus se trouver égatemmîUlans-; M. Quenstedt dans sa dernières publication (1), ditqu’iln’y a entre le lias y et le lias $ qu’une limite arbitraire. Le travail de M. Oppel confirme jusqu’à un certain point celte opinion, puisqu’il résulte de ses tableaux des fossiles du Wurtemberg que, sur 82 espèces signalées en tout pour le lias moyen, 56 se rencontrent également dans ses trois subdivisions supérieures (lias S) et dans ses trois subdivisions inférieures (lias y). Sur ces 36 espèces vagabondes, 6 existent, les unes depuis le lias «, les autres depuis le lias (3; 1 passe jusqu’au lias Ç, une autre même jusqu’au jura brun «. A ces 3 6 espèces, il y en a encore à ajouter 6 qui, sans monter dans le lias <5, commencent avec le lias soit « soit (3; de manière qu’en fin de compte, sur 82 espèces il n’y en a que ôO qui restent fidèles à l’un des étages y ou <5. J’ajouterai que MM. Quenstedt et Oppel, dans leurs publications les plus récentes (2) ne sont pas d’accord sur la station d’un certain nombre d’espèces du lias moyen dans lé Wurtemberg, j* .sugbn M. Quenstedt place : M. Oppel ,f U ■' î Ammonites Birchii, Sow., dans le lias y dans le lias P Trochus anglictis , Sow., » a y et J Troc/ms imbricatus , Sow. 9 â àfi 9 Ig.* r. i • 9 y et (f Turbo cnnalis , Mun., 9 y et j " ' ;J * V**'1 s Turbo ejelostbma, BenZ., B P, y et 5 9 0 Hclicina expansa , Sow., » y ■b m a - y et $ Scalaria liasicct, Quen., 9 y 9 s Nucula com plana ta ) Phill. . , * p> y et S 9 s Nucula palmœ , Sow. , 9 p. P y et 9 y, <5 Cucullea Munsteri) Goldf. , » , y» à 9 y» * (1) Der J ura , p. 4 63. (2) Per Jura, die Jurajoi motion, 830 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. M. Quenstedt place • M, Oppel Monotis inœquivalvis , Quenst. , dans le lias a dans le lias y Pecten vêla tus , Goldf., » y » s Plicalula spinosa , Sow., » y » y, o Gryphœa cymbium , Sow., » Terehratulà calcicosta , Quenst. » y » a (3 > y Terebralula oxynoti , Quenst., * P » P, y La proportion du nombre des espèces qui passent ainsi dans plu- sieurs étages serait très probablement de beaucoup augmentée : 1* Si une critique, purement zoologique et indépendante des idées systématiques, venait à scruter les noms, et à réduire à des variétés ce qui aujourd’hui est compté comme espèce. 2° Si la comparaison entre les deux auteurs n’était pas rendue difficile et incomplète, parce qu’ils emploient souvent des noms dif- férents pour la même espèce et que M. Quensledt ne donne pas un développement suffisant à la synonymie. 3* Si ce dernier auteur n’avait pas créé, dans sa dernière publi- cation (1) faite postérieurement à celle de M. Oppel, 97 espèces ou variétés nouvelles pour le lias, sur lesquelles il y a 20 Ammonites nouvelles. A ces faits d’incertitude et d’irrégularité il y en aurait un bien plus grave à ajouter, s’il n’était pas à espérer qu’un nouvel examen fasse disparaître la grande anomalie qu’il présente. Je veux parler du lias dans les environs de Niederbronn, qui, tout en étant de la famille allemande, est singulièrement revêche. Ici, d’après la des- cription géologique du Bas-Rhin par M. Daubrée, le lias est divisé en 5 étages, qui sont à commencer par le bas : a. Grès infràliàsique. b. Calcaire a Gryphœa arcuata. c. Couches a Gryphœa cymbium. d. Marnes à ovoïdes. e. Marnes supérieures . En écartant les étages qui ne nous intéressent pas pour le mo- ment, c’est-à-dire d’un côté a et b , qui répondent au sinémurjen ou lias « et p du Wurtemberg, de l’autre l’étage e, qui correspond au jura brun a du Wurtemberg, caractérisé par un grand nombre dU. primordialiSy Schloth., chez d’Orbigny (A. opalinus , Voitz) et de Trigonid navis, Lamk. , fossiles qu’à tort M. d’Orbigny sépare dans le Prodrome pour placer le dernier dans le liasien, tandis que les (1) Der Jura. MÉMOIRE DE M. KOECHLIN -SCHLOMRERGER. 881 2 appartiennent à son toarcien, après celte séparation donc, il reste les étages c et d, qui devront représenter le lias v, <5, z et q du Wur- temberg. L’étage c est celui que nous offre la roche de Silzbrunnen et pour laquelle j’ai déjà signalé la réunion au même niveau de l’A. spinatus , Brüg., et plusieurs variétés de VA, margaritatus, Montf. Les espèces, indiquées dans l’ouvrage cité pour cet étage, sont généralement exactes; j’en possède, pour les avoir recueillies moi- même, la plus grande partie. Sur 38 de ces espèces que j’ai pu comparer à celles citées par les auteurs du Wurtemberg il y a du lias a 1, du lias (3 1, du lias « à v 2, du lias a à <51, du lias v 11, du lias v et <5 8, du lias ^ 8, du lias t 2, du jura brun 4. Total, égal 38. La concordance des espèces, sans être rigoureuse comme le vou- drait M. Oppel, existe cependant ici à peu près autant qu’on peut raisonnablement l’espérer entre des localités déjà assez éloignées ; mais l’étage d , qu’une note de l’ouvrage cité page lé 4, indique comme l’équivalent des marnes à A. jurensis ou lias q de M. Quen- stedt,est loin d’offrir une correspondance aussi consolante. En com- parant les espèces et variétés de l’étage d, sur l’identité desquels il n’existe pas de doute, à celles des auteurs du Wurtemberg, on trouve chez ces derniers le classement suivant : Lias a 1, lias v 3, lias v et <5 4, lias v a s 1, lias <5 1, lias e 1, lias « et q 3, lias qA 4, jura brun 3. Total 31. Sans mettre trop d’importance dans le chiffre des espèces propres au lias ç, et qui pourrait être réduit si on ne comptait ici que des espèces et non aussi des variétés, l’anomalie à signaler consiste : 1° en ce que cet étage renferme des Ammonites qui généralement, soit dans le Wurtemberg, soit dans tous les gîtes français que j’ai eu occasion d’observer par moi-même, , sont caractéristiques de la divi- sion inférieure du lias moyen (lias v), comme A. Davœi , Henleyi , Loscornbi , fimbriatus , planicosta ; 2° en ce qu’il renferme également les espèces habituelles au lias supérieur (lias q), comme A. jurensis, radians , insignis,Germaini ; 3° et que les Ammonites, qui, ailleurs, ont leur station entre le lias v et celui q, c’est-à-dire dans le lias <5, comme A. spinatus et A. margaritatus , se rencontrent dans l’é- tage c inférieur à celui d et que la position de ces Ammonites est donc ici intervertie. M. Oppel signale avec une certaine satisfaction que M. Marcou, -dans le Jura salinois, assigne à VA. margaritatus une station infé- rieure à celle de VA. spinatus , mais il ne dit pas que cet auteur place les A. raricostatus, Ziet., et Turneri , Sow., dans le lias moyen (lias v), tandis que daus le Wurtemberg ces deux Ammonites sont ^ance du 15 juin 1S57. SS2 propres au lias inférieur (lias (3); M. d’Orbigny, dans le Prodrome , suit ce dernier classement. Voilà donc une nouvelle preuve que les limites entre lias (3 et lias v ne sont pas partout aussi nettement tracées que dans le Wurtemberg. Pour clore la liste des localités, où les choses se passent un peu autrement que dans le Wurtemberg, je dois ajouter celle de Sen- theim, où les A. spinatus et margaritatus , avec leurs variétés, gi- sent ensemble au même niveau. Pour constater ce fait matérielle- ment, j’extrairai des quantités que j’ai collectées celles qui, sans conteste et de l’avis de tout le monde, appartiennent à l’une ou à l’autre de ces deux espèces. Nous aurons ainsi, pour représenter VA. spinatus, le groupe n° t, composé d’un nombre d’échantillons de 209 Pour représenter Y A . margaritatus , nous aurons : Groupe n° 3, échantillons 61 4, id 8 — 5, id , . . . 110 — 14, id . 54 Total. ...... 233 Ï1 entre, dans la composition de chacun de ces groupes, aussi bien des échantillons à surface irisée que de ceux pvritisés ; je laisse de côté le groupe n* 2 et ses dérivés, puisque ce serait décider la ques- tion par la question. Il convient d’ajouter, pour détruire une échap- patoire, que sur les 8 échantillons du groupe n° h qui sont des A. margaritatus dans l’état normal, 3 appartiennent aux marnes supérieures, c’est-à-dire à Ammonites irisées, et 5 au schiste marno- argileux noir à Ammonites pyritisées. Je me suis laissé entraîner à une longue digression : mais, outre que je tenais à répondre à une objection capitale de M. Quenstedt, je voulais aussi appeler l’attention sur les inconvénients qui résultent des subdivisions trop multipliées et pour ainsi dire micrométriques. Je dois protester ici contre toute intention d’avoir voulu, dans cô que j’ai dit, jeter de la défaveur sur les travaux de MM. Quenstedt et Oppel, ni amoindrir en rien le mérite de savants qui, avec plu* sieurs autres travailleurs, ont su mettre à profit les riches matériaux de leur patrie pour porter la lumière dans la paléontologie du juras- sique. C’est à eux qu’on doit incontestablement les notions les plus exactes sur ces terrains. Objection b. — Les A. spinatus et amaltheus spinosus gisent en- semble et passent l’une à l’autre dans les localités de Silzbrunnen MÉMOIRE DE M. KOECHL1N-SCHL11MBERGER. 833 (Bas-Rhin) et de Sentbeim (Haut-Rhin). Ces gîtes ne sont pas éloi- gnés de Tubingen ; dans un jour de voyage, le savant professeur de cette université pourrait se convaincre de ce que j’avance. Mais nier un fait rien que parce qu’il n’existe pas dans le Wurtemberg, ou plutôt parce qu’on n’a pu encore mettre la main dessus, c’est aller trop loin dans les préventions patriotiques. Objection c. — Pour réfuter ici M. Ouenstedt , je n’aurai qu’à citer ses propres figures, pi. 5, de Petrefactenkunde Deutschlands. Ainsi, en adoptant comme unité la largeur du tour et mettant en rapport avec celte largeur l’éloignement des pointes ou tubercules de la quille , on trouve pour A. amaltheus spinosus , fig. ô6. . . . 0,28 — A. costatus spinatus, fig. 10 ... . 0,27 Cet écart, qui n’est que d’un centième, ne peut pas constituer une différence spécifique ; d’ailleurs, en examinant sous ce rapport mes échantillons, je trouve plusieurs A. amaltheus spinosus , et surtout ceux qui établissent le passage avec A. spinatus , avec le rapport de 0,20 et beaucoup d’A costatus , par contre ayant celui de 0,30. Si maintenant, et en général, VA. costatus spinatus, Quenst., ou plutôt VA. spinatus , Brug. , normal, a les pointes plus près du doâ que VA» amaltheus spinosus , Quenst., y a-t-il là quelque chose de bien étonnant? Quand on compare entre elles les A. Engdhordti$ d’Orb. , et A. amaltheus spinosus , Quenst. , réputés appartenir les deux à la même espèce» quand on voit une bouche d’une largeur triple à son épaisseur passer à une fotmîe circulaire s quand on voit les surfaces latérales des tours presque lisses prendre de grosses pointes; quand de toute la forme primitive il ne reste rien, absolu inent rien qu’une certaine analogie dans la disposition des lobes3 peut-on mettre de l’importance dans le plus ou moins grand éloi* gtiement des pointes du dos et donner à celte circonstance une valeur spécifique ? D’ailleurs j’ai fait voir que dans les passages entre VA* amaltheus spinosus et VA. amaltheus gibbosus du groupe n° 11, l’éloignement des pointes de la quille passe par tous les degrés depuis le rapport 0,20 jusqu’à celui de 0,50. Nous trouverons encore une nouvelle preuve du peu de constance du caractère dont il est question, dans une jeune Ammonite publiée par M. Oppel, pl. 2, fig. 11 de l’ouvrage der mittlere Lias Schwa- bens. Ici les pointes très longues prennent leur origine sur le bord du dos, faiblement bombé; elles sont pour ainsi dire au niveau delà quille. M. Oppel classe cet échantillon dans l’espèce margaritatus , Soc. géol.} 2e série, tome XIV. 53 SÉANCE DU 1 5 JUIN 1857. m mais, si l’objection que je discute ici avait quelque valeur, il faudrait nécessairement le classer dans l’espèce spinatus. Objection d. J’ai repassé avec une grande attention, et m’aidant de la loupe, tous mes échantillons de Sentheim : voici ceux sur les- quels j’ai pu reconnaître des stries en spirales. Groupe n° 2, 1 échantillon sur 272 4, 8 id 8 — 5, 6 id 410 — 8, 1 id 17 — 9, 1 ici 65 — 10, 1 id 22 — 41 , 3 id 54 La proportion des individus qui sur le nombre total de chaque groupe montrent des stries, ne peut pas être prise ici dans un sens rigoureux. Ces stries, ainsi que M. Quenstedt l’a indiqué le premier, je crois, sont un élément de la surface embrassante des tours, et elles ne peu- vent donc se voir que là où une partie du tour recouvrant a été en- levée. Il faut ajouter à cela que les stries ne peuvent être visibles que quand le test, sur lequel elles restent attachées, a été conservé. Il résulte de cela que pour tirer une conclusion exacte des chiffres in- diqués, il faudrait commencer par écarter du total de chaque groupe les échantillons qui ne remplissent pas les deux conditions que je viens d’indiquer. Comme cependant les échantillons sont en grand nombre, que tous les groupes sont dans les mêmes conditions de conservation et d’intégrité, la proportion indiquée, considérée comme moyenne, me paraît également avoir sa signification. A l’exception des individus du groupe n° ù, les stries sont marquées avec peu de netteté; sur ceux des autres elles paraissent comme incomplètes et avortées. Un grand nombre d’échantilions des groupes qui, sans conteste, appartiennent à VA. margaritatus , comme ceux des nos 3, 5, 9, 11, dont le test est si bien conservé qu’il offre les détails les plus délicats des stries d’accroissement, et sont du reste dans les conditions indiquées, ne montrent pas de traces de stries. Cela est d’autant plus étonnant que les huit exemplaires du n° ù, quoique tous fragmentaires, montrent les stries d’une manière fort nette. Si ces faits font naître des doutes sur la constance de ce caractère, il y en a d’autres à ajouter qui ne viendront pas les démentir. 1° M. Aie. d’Orbigny, dans sa description de VA. margaritatus ne parle pas de ces stries; sa figure non plus n’en montre aucun indice; MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. S35 cela donne lieu à supposer qu’elles n’existent pas sur toutes les va- riétés, ou dans toutes les localités. 2° Je possède un bel échantillon de PA. margaritatus de Pont- de-Landes (Calvados) dont les mesures et les lobes ont été indiqués et publiés par moi (1). Sur un des côtés, le test n’existe pas ; sur l’autre il est changé en spath, mais il y est d’une belle conservation qui ne laisse échapper aucun des détails dont il est orné; les lobes existent jusqu’à l’extrémité du dernier tour : l’échantillon est donc dans les conditions voulues pour laisser apparaître les stries en spirale ; mais on n’en aperçoit pas le moindre vestige. Le côté du tour est orné de 25 très légères côtes longitudinales arrondies et à peine sail- lantes, s’écartant un peu en approchant de l’ombilic. Sous ce rapport l'échantillon est d’une identité parfaite avec la figure d 'A. Engel - hardti chez d’Orbigny, mais elle en diffère par sa plus grande épais- seur (rapport 2, 35) et par des côtes rayonnantes encore assez bien marquées. Les légères côtes longitudinales, d’ailleurs beaucoup plus larges et beaucoup moins aiguës que les stries en spirales de M. Ouen- stedt, s’étendent jusqu’au bord de l’ombilic et occupent des parties du tour qui n’ont jamais été recouvertes ; elles n’ont donc absolument rien de commun avec les stries. 3° La localité de Silzbrunnen m’a fourni des A. amaltheus spi - nosus Quenst. très bien conservées; le test y est dans son intégrité; sur deux individus qui sont dans les conditions voulues, l’un seule- ment présente les stries, l’autre n’en offre pas la moindre trace. 4° J’ai déjà parlé de M. Aie. d’Orbigny; parmi les autres auteurs qui ont publié des figures de VA. margaritatus, je ne connais que M. Quenstedt qui ait fait ressortir l’existence de ces stries; on n’en voit point chez Sowerbv, Broun, Zieten, Oppel. Cette absence, dans les figures, d’un caractère assez évident pour qu’aucun dessinateur n’aurait pu ne pas le voir et ne pas le reproduire quand il existe fran- chement, me paraît encore un argument en faveur de son incon- stance. En résumant mes observations sur les stries en spirale, je dirai ; a. Que ce caractère n’est pas constant, qu’il est propre à cer- taines variétés où il est bien développé, que dans d’autres il est peu net et atrophié, enfin que dans d’autres encore il manque complète- ment. b. Que la présence ou l’absence de ce caractère n’est probable- ment pas déterminée seulement par la forme des variétés, mais aussi (1) Bulletin de la Société géologique, 2e sér., t. XII, p. 118. 830 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. par les conditions particulières de vitalité dans lesquelles ces dernières se sont trouvées. c. Que par ces motifs les stries ne peuvent pas servir d’une manière absolue à séparer VA. margaritatus des autres espèces. Objection e. — L’élude des lobes d’un grand nombre d’Ammonites m’a fait revenir sur l’importance et la constance que j’attribuai à ce caractère, opinion qu’avaient naturellement fait surgir en moi les descriptions minutieuses et très détaillées des lobes que, dès mon début, j’ai trouvés dans les principaux ouvrages de paléontologie. Aujourd’hui, tout en reconnaissant la grande utilité des lobes pour la détermination des espèces, je crois cependant que, pour se servir de ce caractère, il faut rester dans les généralités, qu’il faut considérer principalement le lobe dorsal qui est symétrique, et ses rapports avec les lobes latéraux et axillaires; que quelquefois aussi le lobe ventral, quand on réussit à le voir, peut avoir son importance, ainsi que M. Quenstedt a été le premier à le montrer; mais qu’admettre la constance des lobes latéraux, et s’attacher à leur description minu- tieuse, ne peut conduire qu’à des résultats inexacts et arbitraires. A l’appui de ce que je viens d’avancer, j’ai montré ailleurs (1) les grandes variations auxquelles sont sujets les lobes latéraux de la même espèce; j’ai montré dans un travail plus récent, non encore publié, combien peu on devait se fier au caractère de la terminaison paire du lobe latéral supérieur. Dans le mémoire imprimé que je viens de citer, j’ai fait remarquer la grande analogie qui existait entre les lobes des Ammonites margaritatus et spinatus de la paléontologie française, ainsi que la grande différence qu’offraient les lobes de IM. margaritatus du même ouvrage, presque identiques avec ceux publiés par M. de Buch, avec les lobes de la même espèce, forme normale, dessinés par moi. Je puis maintenant appeler l’attention sur la res- semblance de la figure 12 représentant les lobes d’une A. spinatus avec les figures 7 et 8 représentant les lobes des deux A. margari- tatus. S’il reste entre ces trois figures quelque différence, à part celle qu’amène l’àge, elle est beaucoup moins grande, cela est évident, que la différence qui existe entre les lobes fig. 10 d’un côté, et les lobes fig. 7 et 8 de l’autre, qui appartiennent, non-seulement à la même espèce, mais à la même variété, c’est-à-dire à VA. amaltheus nudus Quenst. Il me semble donc que, pour peu qu’on attache quel- que importance aux lobes, on doit attribuer les fig. 12, 7 et 8 à la même espèce. J’ajoute encore que la fig. 17. représentant les lobes (1) Bulletin Soc. §éol.7 2® sér., t. XII, pl. 3, MÉMOIRE DE U. KOECHLlN-SCHLllMBERGElt . 837 del’A, amaltheus spinosus. Quenst. , est très rapprochée de la figure 12. M. Quenstedt, tout en convenant que les lobes de IM. spinatus et de l’A. amaltheus spinosus, figurés sur la planche déjà citée, sont très ressemblants et presque identiques (. sehr aehnlichund fast gleich ), ne veut cependant pas que cette circonstance décide la question. Cela me paraît une inconséquence ; car si, dans l’opinion de M. Quen- stedt, les lobes avaient aussi peu de valeur comme caractère, on ne comprendrait pas pourquoi il se serait donné tant de peine pour les faire figurer, souvent avec beaucoup d’exactitude et de soins, dans ses publications, après les avoir peints lui-même sur les échantillons. Pour résumer l’exposé que je viens de faire et pour conclure, je dirai : % 1° A Sentheim et à Mende, le lias moyen est divisé minéralogi- quement en deux grands étages; celui supérieur, qui est marneux, renferme au même niveau les A. spinatus et margaritatus avec leurs variétés, qui sont surtout nombreuses dans la première de ces loca- lités. A Silzbrunnen, cette division n’existe pas; la couche qui ren- ferme les mêmes variétés d’ Ammonites au même niveau, avec d’au- tres fossiles, constitue le lias moyen dans son ensemble (lias y et $). Ces faits montrent qu’on ne peut pas s’appuyer sur l’argument : que les A. margaritatus et spinatus se rencontrent dans des subdivisions distinctes, pour empêcher leur réunion en une seule espèce. 2° A Sentheim et à Silzbrunnen, ces deux espèces, par de nom- breuses combinaisons, passent tellement l’une à l’autre qu’il est de toute impossibilité de les séparer. Si on voulait, par exemple, isoler le groupe n° 2, on ne saurait en faire une espèce à part, puisqu’il est lié intimement soit à PA. spinatus , soit à l’A. margaritatus. 3° Le plus ou le moins grand éloignement, auquel les pointes ou tubercules de certaines variétés sont placés de la quille, ne peut servir de caractère spécifique; car ce caractère n’est pas constant, et oscille entre les deux extrêmes de 0,20 et 0,50. 4® Les stries en spirale sont loin de constituer un caractère im- muable propre à l’A. margaritatus. Je ne répéterai pas ici tous les arguments que j’ai fait valoir en faveur de cette opinion; je rappel- lerai seulement la circonstance que sur cinq auteurs, dont je connais les figures d’A. margaritatus , un seul a fait représenter ces stries. 5° La comparaison des lobes de l’A. spinatus avec ceux de l’A. margaritatus est entièrement favorable à la réunion des deux espèces. On doit mettre une certaine importance dans cette circonstance, si on fait attention que ce caractère est le seul constant à travers les variations très grandes de forme que subit l’A. margaritatus des auteurs. 838 SÉANCE DU 15 JUIN 1857. 6° Cette différence de forme entre les variétés extrêmes de PA. margaritatus , comme celle entre VA. amaltheus spinosus , d’un côté, et A. amaltheus gigas (A. Engelhardti , d’Orb.), de l’autre, est telle qu’une fois qu’on a admis que la même espèce peut se modifier aussi considérablement, il n’y a plus qu’un très petit pas à faire pour y réunir PA. spinatus, beaucoup moins éloignée du reste d’A. amal- theus spinosus que cette dernière ne l’est de VA, amaltheus gigas. La comparaison des deux dernières variétés nous montre : pour la première, une bouche circulaire, avec un rapport de la largeur à l’épaisseur de 1,00, un recouvrement de 0,30, un diamètre de l’om- bilic de 0,À7, des côtes et des fortes pointes sur les côtés, enfin une quille chevronnée; pour la seconde, une forme discoïdale, avec un rapport de 3,10, un recouvrement de 0,58, un diamètre de l’om- bilic de 0,20, point de côtes en travers ni pointes, mais de très lé- gères côtes longitudinales régnant de la quille à l’ombilic, enfin point de quille chevronnée. D’aussi énormes différences font paraître In- signifiantes et mesquines celles que M. Quenstedt a signalées entre VA. spinatus et PA amaltheus spinosus. La série graduée de chiffres qui exprime le rapport de la largeur à l’épaisseur des tours chez PA. spinatus , et dont les limites sont 0,756 et 1,579, peut être continuée avec des échantillons apparte- nant à PA. margaritatus des auteurs, sans lacune ni soubresaut, jusqu’au rapport de PA. Engelhardti , qui est de 3,10. En face des détails de comparaison dans lesquels je viens d’entrer, l’argument tiré de la différence de forme pour séparer les A. spinatus et A. margaritatus s’évanouit, et les motifs qui militent directement pour la réunion en reçoivent d’autant plus d’importance ; tels sont les nombreux passages d’une espèce à l’autre, l’analogie des lobes, l’identité de la quille chevronnée et la station au même niveau. 7“ La succession, dans les couches géologiques, des différentes variétés de l’Ammonite dont il est ici question, ne se présente pas partout dans un ordre identique et subit quelques modifications, suivant les localités. Mais, en général, on peut admettre que l’espèce a commencé à paraître sous la forme de PA. margaritatus normal dans la division inférieure du lias moyen (lias v). Dans le cours des âges géologiques, l’espèce a pu se modifier; elle a passé par les va- riétés à pointes et est arrivée à PA. spinatus , qui caractérise souvent la division supérieure du lias moyen (lias (5) et quelquefois ses assises les plus récentes. Mais, dans beaucoup de localités, la forme origi- naire et normale de PA. margaritatus , accompagnée d’un plus ou moins grand nombre de variétés, a continué de vivre simultanément avec PA. spinatus. Il est à supposer que les milieux et les circon- MÉMOIRE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 830 stances, plus ou moins favorables au développement de ces Ammonites, ont eu leur influence sur la multiplication des variétés, soit quant à leur nombre, soit quant à leur sorte particulière (1). (I) Depuis que la rédaction du travail qui précède est terminée, j’ai eu connaissance d’un mémoire de M. Pfaff, sur le lias de la Fran- conie, dans lequel il est fait allusion à la difficulté de séparer comme espèces les A. spinatus et margaritatus . Ce mémoire se trouve dans Neues Jahrbuch, année 1857, p. 1. Dans les localités étudiées par cet observateur, les Ammonites font complètement défaut dans le lias y (partie inférieure du lias moyen); elles se trouvent au contraire en abondance dans le lias S (partie supérieure du lias moyen). Ici on rencontre Y A. margaritatus normal et avec elle des formes qui ne peuvent se ranger ni avec celle-ci ni avec Y Amm. spinatus , et qui tiennent le milieu entre ces deux espèces; M. Pfaff les compare à A. costatus nudus , Quenst.,dont elles ont le rapport entre la largeur et l’épaisseur des tours (1 ,42) ; mais la bouche n’est pas carrée comme chez cette dernière variété. ' ■ . U ■ ' RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , Du 6 au 14 septembre 1857. Séance du dimanche 6 septembre 1857. Les membres de la Société géologique de France présents à Àngoulême se sont réunis à l’hôtel de France, à midi. Ces membres sont : MM. Arnaud, Beltrémieux, Bertrand Geslin, Boreau, CoqUAND, Delanoüe, Désoudin, MM. Gaudry (Albert), Marès (Paul), Michelin, Moreau (do Saintes), Nanclas (de), Tilly (de), Triger. Un nombre considérable de notabilités de la ville d’Àngou- lême, étrangers à la Société, ont accompagné les membres dans leurs excursions ou ont assisté aux réunions publiques. Parmi elles, on a surtout remarqué : MM. Abbadie père, architecte; Allusse, directeur de la succursale de la Banque de France; Allnet, pharmacien; Barbaud de Chémant, rentier; Basque, chef de division à la pré- fecture ; Béran, juge de paix ; Blànchet, professeur licencié ; MM. Brasiez , architecte du départe- ment ; Bourrisseau, propriétaire, à Saint- Amand-de-Boixe ; Buzard, secrétaire de l’Académie; Castaigne, bibliothécaire; Chancel (de), président du Conseil général de la Charente; Chapelle, avocat ; RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÀNGOULÊME , 8A2 MM. Chapelle, docteur; Condamy, pharmacien, à Cognac; Coüsseaü, évêque d’Angoulême, et plusieurs ecclésiastiques ; Dulignon fils, pharmacien ; François, agent voyer de la ville d’Angoulême ; Gigou, docteur; Jure, conseiller à la Cour impériale de Bordeaux; Jolly, avocat; Lambert, ingénieur en chef des ponts et chaussées ; Lefraise, journaliste ; Levallois, docteur ; Liédot, payeur du département; Malagou, négociant; Marchand, littérateur; Marussen, chef de division à la préfecture ; MM. Masfrand, inspecteur de l’instruc- tion primaire ; Massonneau, pharmacien ; Raballet, chef d’institution ; Riberolle (de), propriétaire à Ri- vière ; Ricard, docteur; Rivaut, agronome , Rochebrune (de) père ; Rochebrune (de) fils ; Rogé, pharmacien; Supérieur (le) du petit séminaire de Richemont; Sazerac (de), adjoint au maire ; Sazerac (de), propriétaire ; Sazerac (Adhémar de), proprié- taire ; Sicaud, pharmacien ; Vallier, propriétaire; Vigneron, docteur. M. Michelin ouvre la séance. On procède à la formation du Bureau qui doit rester en exercice pendant la session extraor- dinaire. M. Coquand est nommé Président 5 M. A. Gaudry est nommé Secrétaire. M. Coquand vient occuper le fauteuil ; il remercie la Société de l’honneur qu’elle lui confère, en le nommant Président de la session extraordinaire à Angoulème. Avant de commencer la série des études que la Société doit entreprendre sur la Charente, il se fait un devoir de payer un tribut de regret et de reconnaissance à la mémoire de M. Alcide d’Orbigny, dont les grands travaux paléontologiques ont eu originairement pour théâtre les départements des deux Charentes. II déplore, au nom de la Société géologique de France, que ce savant ait été si prématurément enlevé aux sciences dont il a reculé les limites. La Société s’associe pleinement aux sentiments de M. le Président, et elle émet le vœu que l’expression en soit consi- gnée au procès-verbal. DU Ô AU là SEPTEMBRE 1857. 8/|3 La Société, sur les indications de MM. Coquand, de Roche- brune et Arnaud, fixe l’itinéraire de ses courses : 1er jour, dimanche. Étude du plateau d’Angoulême. 2e jour, lundi. Courses dans les tranchées du chemin de fer et sur les collines des alentours d’Angouîême. 3e jour, mardi. Excursion à Cognac; on passera par Jarnac, et l’on suivra la rive droite de la Charente. àe jour, mercredi. Exploration des environs de Cognac et de la région dite Pays-Bas. 5e jour, jeudi. Retour de Cognac à Angoulême par la rive gauche de la Charente; on touchera à Sainte-Même et à Châ- teau neuf. 6e jour, vendredi. Course à Montmoreau et à Chalais. 7e jour, samedi. Course à Barbezieux et à Lamérac. La Société décide qu’elle tiendra une séance publique lundi soir, à sept heures et demie. La séance est levée à une heure. Séance du lundi 7 septembre 1857. PRÉSIDENCE DE M. COQUAND. La séance est ouverte à sept heures et demie du soir, au milieu d’un concours considérable, dans la grande salle de l’hotel de ville, que M. le Maire a eu l’obligeance de mettre à la disposition de la Société. Le procès-verbal, dont M. Albert Gaudry donne lecture, est mis aux voix et adopté. Monseigneur Cousseau, évêque d’Angoulême, présent à la séance, est prié d’occuper un fauteuil d’honneur à la droite du Président. M. le Président, au nom de la Société géologique de France, remercie monseigneur l’évêque d'Angoulême de l’honneur qu’il fait à la Société en daignant assister à ses séances. Pour les hommes de science, dit M. Coquand, auxquels est dévolue la tâche difficile de sonder les mystères de l’histoire de notre vieille 8 hh RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANG0ULÈ31E , terre, c’est un encouragement flatteur que de voir les membres éminents du clergé français s’associer à leurs travaux. Monseigneur Gousseau répond que ses goûts l’ont toujours porté vers l’étude de la nature, et qu’il est heureux de ren- contrer une occasion d’entendre discuter des questions délicates de science par les membres d’une Société aussi justement cé- , lèbre que la Société géologique de France. ( M. François, agent voyer de la ville, fait hommage aux t membres de la Société d’une série de fossiles crétacés recueillis ( par lui dans la Charente. M. le Président le remercie de cet | acte de libéralité. M. de Rochebrune dépose sur le bureau deux échantillons , très beaux du Sphœralites foliaceus provenant des environs ; d’Angoulème. Des remerciements sont adressés par M. le Pré- ( sident à M. de Rochebrune. M. Avril, graveur, a envoyé à M. le Président une lettre par laquelle il le prie de présenter aux géologues réunis à Angou- lême un spécimen de carte géologique, coloriée suivant un pro- cédé nouveau très économique. M. le Président exprime le t désir que la confection des cartes coloriées puisse s’opérer doré- s navant à des prix modiques, de manière qu’elles puissent se L répandre davantage, car elles sont la base de toute étude appro- fondie de la géologie descriptive. ^ M. Delanoüe lit une notice biographique sur le chimiste ( Chabanneau, originaire de la Dordogne. ( M. Goquand est prié de rendre compte des courses entre- prises par la Société dans les journés du 6 et du 7 septembre. I Avant d’en faire l’exposé, M. Goquand met sous les yeux de ses collègues une minute achevée de la carte géologique de la n Charente, à laquelle il a consacré huit années consécutives. Le relief et l’échelle sont empruntés aux cartes topogra- c phiques de l’Etat-major. Ce travail restera exposé dans la I salle des séances pendant toute la durée de la session, afin que les géologues et le public puissent suivre avec plus de facilité q les questions qui seraient l'objet de quelques discussions. J M. Goquand appelle l’attention sur les points qui ont été déjà explorés, et il fait remarquer que le terrain crétacé forme à partir d’Angoulêmemême une bande non interrompue, qui d’un DU 6 AU 1 h SEPTEMBRE 1857. 845 côté se dirige vers le département de la Dordogne, et de l’autre vers le littoral de l’Océan, où l’on peut en étudier des coupes très intéressantes dans les environs de Rochefort et de Fouras, ainsique dans les îles d’Aix et d’Oleron. Cette formation, qui remplit un des premiers rôles dans la constitution du sol des deux Charentes, est séparée de la craie du bassin de la Seine et de la Loire par des formations plus anciennes que la mer cré- tacée n’a point recouvertes, de sorte qu’il est facile de s’assurer que la craie des deux Charentes est une dépendance du bassin pyrénéen. C’est sous Angoulême que commencent les Pyrénées géologiques. Un simple coup d’œil jeté sur la Carte géologique de la France suffit pour établir l’évidence de ce fait. M. Coquand se borne pour le moment à ces aperçus généraux, se réservant de fournir, dans les discussions ultérieures, des développements plus étendus, et pour les détails renvoyant le lecteur aux deux mémoires qu’il a publiés dans le présent volume. La Société a consacré une partie de la journée du dimanche à la reconnaissance du plateau sur lequel est assise la ville d’Angoulême. Elle s’est rendue d’abord à l’abreuvoir public, sur les bords de la Charente, où elle a constaté, depuis le ni- veau de la rivière jusqu’aux bancs qui supportent Angoulême ; 1° Un système d’argiles bleues (argiles tégulines)) caractérisé par une grande abondance d 'Ostrea biauriculata et plicata . Ces argiles correspondent aux marnes à ostracées de M. d’Ar- chiac, et dessinent sans contredit un des horizons les plus faciles ü reconnaître, soit dans le bassin de la Loire, soit dans celui de la Charente. 2° Un banc de grès calcarifère, sableux, jaune, pétri égale- ment d’ Ostrea biauriculata , plicata et columba. Ce banc de sable, dont la puissance dépasse rarement lm,50, ne peut être confondu avec le système de grès verts plus développés que l’on rencontre à la base de l’étage. 3° Un banc à Ichthyosarcoîites, épais de 1 à 2 métrés, et contenant en outre les Ostrea columba et biauriculata , le Pecten Fleuriausi , le Nautilus triangularis , le Pterodonta inflata. Ce banc à Ichthyosarcoîites, qui est le second dans la série, est séparé du premier par les deux sous-étages pré- cédents. 8A6 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME, k° Un système de calcaire marneux, passant quelquefois â une argile bleuâtre, caractérisée par une grande abondance de fossiles, et entre autres parla Terebrattila pectitajY Ammonites papalis , VA. F leuriausi , VA. navicularis , VOstrea columba , var. major , VO. carinata , le Catopygus columbarius9 etc., et par des dents de poissons. M. Goquand fait observer que ces différents bancs constituent la partie supérieure de son étage carentonien, dont les ateliers du chemin de fer montreront plus tard la partie inférieure. La présence et la persistance des Ostrea columba , biauriculata et pficata le caractérisent d’une manière spéciale. On n’y ren- contre aucune des espèces de la craie glauconieuse de Rouen. 5° Au-dessus de l’étage carentonien se développe un étage distinct dans lequel abonde le Radiolites lumbricalis , et que quelques modifications pétrographiques permettent de subdi- viser en trois sous- étages. En effet, en remontant vers Angou- lême, la Société a remarqué que les calcaires marneux à Tère- bratula pectitci sont surmontés par une série de couches d’un calcaire subcristallin, dur, à grains miroitants, disposé en pe- tites plaquettes, et passant à sa partie supérieure à un calcaire plus dur, et dont les bancs fort épais forment corniche en des- sous des remparts de la ville. 6° On observe enfin sur le plateau et dans Angoulême même plusieurs bancs d’un calcaire jaune, très dur, à grains saccha- roïdes, et rempli de Radiolites lumbricalis. Ce calcaire, exploité comme pierre â pavés, forme le plancher des fameuses carrières qui fournissent les pierres de taille dites d’Angoulême, si esti- mées, et que la Société a eu l’occasion d’étudier le lendemain lundi. La matinée du lundi a été réservée pour l’examen des tran- chées du chemin de fer qui conduisent de la gare d’Angoulême aux ateliers. L’entréo de la voie a été accordée avec une rare obligeance par les chefs de l’administration. Cette visite offrait un intérêt tout spécial, puisqu’elle permettait de passer d’abord en revue des coupes d’une grande netteté, et en second lieu de saisir les rapports géologiques qui unissent entre eux les divers termes de la formation crétacée représentés dans les environs d’Angoulême. DU 6 AU 14 SEPTEMBRE 1857. 847 Au lieu de procéder par la série ascendante, comme dans la première excursion, on a suivi la méthode inverse, qui d’ailleurs était imposée autant par le but proposé que par la succession des couches que l’on avait à traverser. A quelque distance de la gare, après avoir recoupé le banc supérieur à Ichthyosarco- lites et les argiles tégulines déjà connues, ot dans lesquels on a fait une récolte abondante d’Huîtres, la Société a successi- vement observé : 1° Un système très puissant de calcaires solides ou marneux, qui a déjà été décrit par M. Goquand, et dans lequel sont ré- pandus à profusion des rudistes dont les espèces les plus abon- dantes sont les Sphœrulites foliaceus et polyconilites , les Caprïna triangularis , adversa , quadripartita , costata , striata , etc., etc.*, on a recueilli en outre la Terebratula Me- nardi , XOstrea columba% var. ni inor t les Pecten Fleuriausi et phaseolusy la Chaîna navis, le Nautilus triangularis , la Neri- nea Bauga , X Orbitolites mamillaris,X Alveolina cretacea , etc. Sa puissance dépasse 40 mètres. On a admiré avec quelle pro- fusion se sont agglomérés les rudistes et surtout les Caprina adversa dans cette partie delà Charente. 2° Au-dessous des derniers bancs à rudistes apparaît, prés de la Rochine, un système de bancs, d’épaisseur variable, for- més d’un grés verdâtre, à grains quartzeux, solide, et remar- quable par les traces de végétaux et les noyaux de résine fossile qu’il renferme. Ces grès s’enfoncent à la Rochine sous les aliu- vions de la Charente, ce qui empêche d’en juger la puissance totale. Le puits creusé dans l’usine des briques réfractaires est entièrement creusé dans le grès. Ces deux sous-étages constituent la partie inférieure de l’étage carentonien de M. Coquand. A cause de dénudations profondes survenues au confluent de la Charente et de la Touvre, le chemin de fer est obligé de traverser en remblais de vastes prairies dans lesquelles le rocher ne se montre pas à découvert. Cependant, à l’entrée du pont jeté sur la Touvre, on rencontre un banc calcaire très solide, puissant, de lm,50, pétri de bivalves et surtout d’As- tartes. Cette lumachelle appartient à l’étage portlandien, et elle repose sur un système arénacé de consistance friable, à 8/l8 RÉUNION ÈXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , grains fins, et consistant en une alternance de calcaires sableux, de sables marneux et de grès argileux. On y a recueilli XOstrea r virgula et la Pholadomya cicuticostata . Il représente la par- tie supérieure de l’étage kimméridien -, en effet, à quelque distance de ce point et en se dirigeant sur Yars, on tombe en plein dans les bancs à Ostrea virgula. Après cette vérification, la Société est revenue à Angou- léme, d’où elle s’est immédiatement remise en route pour compléter les études de la craie inférieure par l’examen des bancs supérieurs au plateau d’Angouléme qui, au champ de Mars, contiennent le Badiolites lurnbricalis. Elle a suivi d’abord la route de Périgueux, en se portant sur les divers points qui pouvaient lui offrir de l’intérêt. Elle s’est assurée que les cal- caires jaunes, exploités dans plusieurs carrières comme pierres à paver, commencent la série des assises puissantes d’où sortent ces fameuses pierres de taille, dont l’exportation constitue pour la contrée une branche d’industrie très importante. On a été frappé de la prodigieuse abondance des Badiolites lurnbricalis qui se touchent toutes pour ainsi dire, et dont la valve supé- rieure, respectée par les sédiments calcaires, donne naissance à ces nombreuses tubulures qui déparent la pierre, en l’em- pêchant de recevoir des ornementations délicates, mais qui deviennent pour les géologues un des caractères les plus sûrs pour la position de l’étage. Les bancs à Radiolites lurnbricalis sont surmontés par quelques couches d’un calcaire plus tendre que le fendillement a réduit en petites écailles, mais dont on n’a pu juger la phy- sionomie que dans les fossés de la route, et par conséquent d’une manière incomplète. Là finit l’étage angoumien de M. Goquand, et qui correspond à une nouvelle apparition de rudistes. En continuant 5 remonter le plateau et avant d’arriver â Toutifaut, les terres se font remarquer par leur aridité et par les roches qui surgissent de toutes parts. Ces roches sont for- mées par un calcaire blanchâtre, à grains serrés ou compacte, qu’on voit rempli de Sphœrulites Saiwagesi et radio s us. Seu- lement ces fossiles font corps si intimement avec la couche qu’il devient impossible, malgré leur extrême abondance, d’en obte- DU 6 AU l/j SEPÎEMfcttÈ 1857. 849 nir des exemplaires détachés. Ces calcaires solides, dépourvus d’argile et produisant un sol maigre et très pierreux, offrent très peu de variations dans leur texture. Leur puissance oscille entre 35 et 40 mètres. Ils constituent l’étage provencien de M. Coquand. Leur nom est justifié par le développement con- sidérable qu’ils acquiérent dans le midi de la France, notam- ment dans la basse Provence (Saintc-Beaume, Martigues, etc.). L’étage provencien clôt la série des étages de la craie désignée sous le nom de craie inférieure. M. Coquand fait remarquer sur place qu’il n’a pas été possible d’observer dans les étages pro- vencien et angoumien une seule espèce fossile de la craie glau- conieuse de Rouen. Avant d’arriver à la ferme de Toutifaut, on s’est trouvé en face d’un calcaire jaunâtre, à bancs peu distincts, et contenant en abondance YOstrea auricularis et des bryozoaires, le Sphæ - raUtes Coquandi (Bayle), ét une foule d’autres fossiles qui seront mentionnés plus tard. Ce système doit être surtout étudié dans les environs de Gognac et de La Vallette, où il est admirable- ment développé. Il forme le premier terme de la craie supé- rieure, mais il ne correspond point à la craie blanche de Meu- don, comme ont semblé l’admettre les géologues qui n’ont jamais parcouru la Charente. La route de Périgueux se prête mal â l’étude complète de cet étage, à cause de dénudations profondes, de son recouvrement par les argiles et les sables tertiaires, et aussi parce que le coteau, peu accidenté, laisse apercevoir difficilement la succession des couches. C’est à cet étage que M. Coquand donne le nom àé étage coniacien . En continuant la course jusqu’aux environs d’Epagnac, on a l’avantage de constater, au-dessus des bancs à Ostrea auricti - lavis l'existence d’un nouvel étage [sanlonien de M. Coquand), caractérisé par une faune nouvelle et très riche. Les fossiles les plus communs y sont le Turbo Roche bruni, Coquand, FOs- trea probosculea , d’Archiac, X Ammonites polyopsis , la Janirct Truellei , la Rhynchonella 'Vespèrtilio, le Micraster b revis, etc. M. Arnaud y a découvert un rudisle nouveau, le Radwlites Arnaudi, Coquand. Au-dessus d’Epagnac, on ne rencontre plus que des sables tertiaires-, aussi la Société s’est dirigée sur la vallée de l’An- •W. géol., 2" série , tome XIV, 54 850 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , guienne, ce qui lui a permis d’étudier, dans les escarpements verticaux qui forment les deux berges de la vallée, la puissance, la composition et la succession des divers bancs, dont les co- teaux qu’elle avait parcourus n’avaient offert que les têtes d’affleurement. Après avoir abandonné les. derniers vestiges de l’étage santonien, on a recoupé dans toufe son épaisseur l’étage coniacien à Ostrea ouricularis , et immédiatement au-dessous on a trouvé les calcaires à Sphœrulites Sauvage si et radiosns. On a donné quelques instants à la visite d’une carrière de pierres de taille ouverte dans l’étage provencien , au lieu dit le Berceau , en face d’Urtebise, et dont le grain est plus blanc et plus friable que celui des pierres provenant de l’étage angou- mien à Radiolites lumbricçiUs. En revanche, elle a l’avantage de n’offrir aucune tubulure. De nombreux exemplaires d’/ùy;- purites çornu-vaccinuin , de Sphœralues passés à l’état spa- thique, s’apercevaient dans les blocs détachés, ainsi que dans les fronts d’abattage de la carrière. On a franchi un petit vallon qui débouche dans l’Anguienne, que l’on a atteinte par un sentier très roide, et l’on s’est trouvé en face du système à Radiolites lumbricalis qu’on n’a plus quitté jusqu’à Angoulème. Gomme le chemin que l’on suivait était le chemin d’exploita- tion des produits des nombreuses carrières ouvertes dans cet étage, on a eu tout le loisir de faire connaissance, sur une longueur de 6 kilomètres, avec les profondes excavations pro- venant de l’extraction des pierres, et surtout avec les myriades de Radiolites lumbricalis qui, à la manière de la Gryphée arquée, indiquent la constance du niveau qu’elles caractérisent. On a jeté en passant un coup d’œil sur les tourbières de l’Anguienne, dont les produits sont consommés dans les pape- teries des environs. On a pu s’assurer en outre que les escar- pements opposés de la vallée, ainsi que les plateaux qui s’étendent vers Puymoyen, reproduisaient identiquement les mêmes accidents que ceux que l’on avait déjà observés. li ne restait plus , pour compléter les renseignements que la formation crétacée pouvait. offrir dans les environs d’Angou- lême, qu’à passer en revue la succession des strates de grès verts, dont l’usine de Rochine présente seulement les affleure- ments, et à trouver le point où, sans solution de continuité, DU 6 AU l/l SEPTEMBRE 1857. 851 les premiers sédiments de la craie reposeraient directement sur la formation jurassique. Pour compléter cette dernière partie du programme, la Société a passé sous Angoulême, en traver- sant le faubourg Saint-Michel, et elle s’est dirigée vers le pont de Basseau, à l’ouest de la ville. Elle a recoupé successivement, au-dessous des couches à Badiolites lunibricalis > lecalcaireà Tere- bratula pectiïa, les grès jaunes à Ostrea binw icnlata et cohunbi 7, lcsargiles tégulines, et enfin les bancs à Caprina adversa / en- suite, après avoir laissé sur la droite le chemin de la Poudrière impériale, elle a suivi la route de Basseau qui, à quelque dis- tance de la Charente, s’abaisse rapidement vers la rivière par une rampe taillée au milieu meme des grès verts inférieurs. Ces grès sont solides ou tendres, caîcarifères ou argileux-, ils contiennent des Orbitoli tes, Y Ostrea pîicata et YO. coluinba .(variété min or ). Cet ensemble de matériaux remaniés, puissant de 30 à 35 mètres, est supporté en face môme du pont par un banc d’argile bleuâtre, pyritifère, de 0m,75 à 1 mètre d’épais- seur. On y a signalé quelques rognons de résine fossile. Cette argile, qui affleure dans beaucoup d’autres localités, et surtout à Sainte-Même, est ia môme que celle qui,, à l’île d’Aix, renferme les dignités signalés pour la première fois par M. Fleuriau de BelleYue. C’est par elle que la formation crétacée a débuté dans les deux Charentes. On la voit, au pont de Basseau, re- poser sur les calcaires jurassiques supérieurs, dont la surface des bancs, en contact avec les argiles, est percée d’une multi- tude de petites cavités arrondies, produites par des animaux perforants, et, la preuve que 1a formation jurassique était déjà soulevée à l’époque de l’envahissement de la mer crétacée, c’est que plusieurs bancs distincts portent des traces de ces perfo- rations. Ce point intéressant une fois examiné, on a traversé la Cha- rente, et l’on s’est acheminé vers Fléac. On a d’abord traversé des calcaires porilandiens, puis, dans les alentours du village, les argiles bleuâtres, les grès verts inférieurs que la route im- périale coupe en haut de 1a montée de Sainte-Barbe, et enfin les calcaires à Caprina adversa et Sphœrulites foliaceus. Enfin, en descendant, on a pu s’assurer de nouveau, en face de la Poudrière, que le terrain crétacé reposait sur le calcaire port- 852 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOLLÊME, landicn. La route jusqu’au pont d’Angoulême, traversant une vallée plate recouverte par les alluvions anciennes et modernes, n’a offert aucun incident nouveau. On a remarqué toutefois que les calcaires à Caprines se trouvaient placés à un niveau bien plus bas que celui qu’ils occupent au-dessus de Sainte- Barbe, car ils viennent buter contre l’escarpement portlandien que ces derniers couronnent. Cette différence d’altitude est expliquée par la présence d’une faille qui a redressé la craie .dans les alentours de Fléac, et qui a forcé la Charente de se couder à angle droit et de couler dans la direction du N. au S., en abandonnant la direction de l’E. à l’O. qu’elle suivait d’abord. Tels sont les faits nombreux et intéressants que la Société a eu l’occasion de constater dans les journées du dimanche et du lundi, et que M. Coquand, après les avoir rappelés suivant l’ordre dans lequel ils ont été observés, résume de la manière suivante : La craie inférieure présente dans les environs d’Angoulême quatre étages distincts qui sont : * 1° Les argiles lignitifôres (étage gardonien) *, 2° Les grès, les calcaires et les argiles à Ostvea columba , biauriculata et pli en ta , Sphœmlites foliaceus et Caprina adversa (étage carentonien) ; 3° Calcaires à Radiolites lumbricalis et Sphœmlites pou - sianus (étage angoumicn); !in Calcaires 5 Sphœmlites Sauva gesi et radiosus ( étage provencien). La craie supérieure se compose de deux étages : 1° Calcaires à Ostrca attricularis et Sphœmlites Coquandi (étage coniacien) 2° Calcaires tendres 5 Micmsterbrevis et Radiolites Amattdi (étage santonien). M. Coquand pense qu’il est convenable d’ajourner toute discussion sur la convenance et la légitimité de ces divisions nouvelles qu’il propose, jusqu’au moment où les excursions qui doivent être dirigées sur les arrondissements de Cognac et de Barbezieux auront permis de recueillir des documents plus nombreux, et de profiter avec plus de fruit des richesses paléon- DL 6 AL llx SEPTEMBRE 1857. 853 tologiques que renferme la collection que M. de Rochebrunc a mise à la disposition de la Société. Toutefois, il croit devoir insister d’une manière spéciale sur ce point capital : que les divers étages qu’il a admis se distinguent aussi nettement par leur superposition que par leur faune, et que la Société a déjà pu se convaincre par elle-même qu’aucune espèce de coquilles ne passe d’un étage dans un autre. Or, dans le sud-ouest, l’abondance des fossiles, et surtout des Ostrea et des rudisles, fournit des moyens nombreux de contrôle et de vérification. Après cet exposé, Monseigneur Gousseau demande si les terrains dont se compose le sol d’Angoulême reposent directe- ment sur le granité. Il fait cette question dans le but de savoir si, en forant un puits artésien, on ne rencontrerait pas promp- tement le granité. M. Goquand répond que les terrains d’Angoulême ne repo- sent point sur le granité, mais bien sur les terrains jurassiques, comme la Société a déjà pu le remarquer au Pont-Touvre et aux environs de Fléac. En forant un puits artésien, on ne rencontrerait le granité qu’aprés avoir traversé des couches très puissantes de la formation jurassique. Monseigneur Gousseau demande si dans quelque localité proche d’Angoulème on voit le terrain crétacé reposer directe- ment sur le granité. M. Delanoüe répond qu’à Milhac, commune de Nontron (Dordogne), la craie se trouve tout près du granité. M. Delanoüe exprime le désir que la Société géologique puisse ajouter aux courses qu’elle se propose de faire dans les terrains jurassiques supérieurs et crétacés quelques excursions dans les terrains plus anciens, par la raison que ce sont ceux- là qui, pour les arts et l’industrie, ont l’importance la plus grande. M. le Président répond qu’il sera très heureux de montrer ces points intéressants-, car pour lui les gisements de manga- nèse et d’allonhane des environs de Confolens, qui ont les plus grands rapports avec ceux de Nontron et de Thiviers, sont ter- tiaires et non pas jurassiques ; il en est de même des jaspes qui les contiennent. M. le Président donne lecture d’une lettre par laquelle M. de 854 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÀNGOULÊME , Salignac, membre du conseil général et directeur delà Société viticole, prie la Société de vouloir bien accepter une invitation à dîner chez lui pour le mardi suivant. Une demande semblable est adressée pour le dimanche suivant par M. Edgard de Nan- clas. La Société accepte avec reconnaissance ces deux invita- tions cjui s’harmonisent très bien avec l’itinéraire projeté. La séance est levée à dix heures et demie. Séance du vendredi 11 septembre 1857. PRÉSIDENCE DE M. COQUAND. La séance est ouverte à sept heures et demie du soir, dans la salle de réception de l’hôlel de ville. M. A. Gaudry, secrétaire, donne lecture du procès-verbal, dont la rédaction est mise aux voix et adoptée. Sont présentés pour faire partie de la Société géologique : MM. Arnaud, substitut du procureur impérial à Cognac, par MM. Coquand et Gaudry ; Boreau, procureur impérial à Cognac, par MM. Coquand et Michelin ; Edgard de Tilly, propriétaire à Malberchie, par MM. de Nanclas et Coquand. M. Coquand rend compte dans les termes suivants des études auxquelles la Société s’est livrée pendant son excursion à Cognac : a Malgré quelques contrariétés occasionnées par la pluie, le programme tracé d’avance a pu être rempli. La journée du mardi a été employée à faire le trajet d’Angoulême à Cognac par la rive droite de la Charente. Une fois arrivée au-dessus de Sainte-Barbe, la Société a rencontré les calcaires portlan- diens masqués dans toute leur étendue par d’admirables vigno- bles. En face d’Hiersac, elle a eu le regret que la pluie persis- tante et le mauvais état des chemins ne lui aient pas permis DU 6 AU lh SEPTEMBRE 1857. 855 d’examiner les carrières de gypse ouvertes sous lesMolidards, et par lesquelles se terminent du côté de l’est les dépôts argileux du même âge qui se continuent jusque près de Saint-Jean- d’Angély, en passant par Triac, par Jarnac, par le Pays Bas de Cognac et par Nantillé- mais, comme la journée du mercredi doit être employée à cette vérification, on s’est consolé de n’avoir pu étudier un point de plus. L’intérêt de la course s’est donc concentré dans les environs de Jarnac. Jarnac est bâti à la base d’un coteau de forme elliptique, assis au-dessus d’une vaste plaine dite Pays Bas, laquelle, d’abord très large entre Saint-Jean-d’Angély et Sigogne, se rétrécit beaucoup entre Jarnac et Mérignac, et vient mourir â quelque distance des Molidards, étranglée entre des coteaux jurassiques ou crétacés. En face de Jarnac même, dans la direc- tion de l’ouest, on voit s’allonger les coteaux portlandiens de Chassors qui, par suite d’un redressement des couches, se ter- minent en promontoire au-dessus du Pays Bas. Ges gibbosités, auxquelles il faut ajouter le mamelon de Chez-Ville, dans la commune de Bassac, offrent un puissant intérêt au point de vue géologique, parce qu’elles permettent d’abord de fixer la position des argiles, et ensuite parce que, le sol de la plaine étant presque exclusivement composé d’argile, on recherche avec activité pour la bâtisse les moellons que les premières contiennent avec abondance. Une ancienne carrière ouverte prés de Souillac, sur les bords mêmes des prairies de la Cha- rente, montre un calcaire jaunâtre, un peu argileux, par con- séquent sensible à l’action de la gelée, et contenant plusieurs fossiles d’une bonne conservation, entre autres, un très large P cet en ( Pccte/i jarnace/isù Coquand), VOstrea Brüutrutaha P, le Cardium dissimile , avec une très grande Mactre ( Maclra insulcirum , d’Orb.). En regagnant Jarnac par le sentier qui longe les murs du parc, on voit dans les fouilles pratiquées sur la gauche de l’observateur un calcaire oolilhique, solide, ana- logue à celui de la côte de Sainte-Barbe ; enfin, au centre même du plateau, ce dernier est surmonté par un calcaire solide, sonore, à cassure lithographique, formé de couches fort minces, nettes et régulières, et offrant dans le front d’abattage la struc- ture rubannée en grand. L’ensemble de ce système, dans 856 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÉME , lequel on reconnaît l’étage portlandien, s'abaisse rapidement vers Jarnac, et, vers les dernières maisons qui sont bâties sur la route de Sigogne, on voit les couches plonger sous un angle de 30 degrés sous la plaine, et supporter en concordance de stratification des argiles verdâtres ou brunes, lesquelles, par places, renferment des gisements de gypse exploitable. Ces argiles reprennent bientôt une position presque horizontale. Cependant une portion de ces argiles ont obéi au mouvement qui a bombé le coteau de Jarnac, car elles se montrent, entre Souillac et Jarnac, à une assez grande hauteur, dans la roule impériale, au-dessus du calcaire lithographique. Elles ren- ferment à l’état subordonné quelques couches minces, et sou- vent interrompues, d’un calcaire travertineux et d’un calcaire gris, d’origine lacus'.re, répandant par la percussion cette odeur particulière bien connue des géologues. C’est dans une position identique que les argiles gypsifères se montrent dans les environs de la Gibauderie, de Chassors, de Chez-Ville et de Bassac. Il est donc de la dernière évidence qu’elles sont supé- rieures aux derniers bancs de l’étage portlandien, auxquelles elles semblent pour ainsi dire subordonnées. Il n’est pas moins évident qu’elles ont été soulevées en meme temps que la for- mation jurassique et antérieurement à la formation crétacée, car celle-ci aux Molidards repose transgressivement sur les ar- giles qui nous occupent, â Nersac, sur le calcaire portlandien ; à Touvres, sur le kimméridien, et â Grassac, sur le calcaire corallien. Les argiles au contraire, il faut le répéter, sont con- stamment concordantes avec le calcaire portlandien et ne sont supportées que par lui seul ; elles constituent par conséquent un étage jurassique nouveau et caractérisé, comme on le verra plus lard, aussi bien par son origine que par la nature des ma- tériaux et par sa faune distincte-, elles correspondent, en un mot, aux couches de Purbeck. Après avoir donné plusieurs heures à l’examen de ce point intéressant, la Société s’est transportée sur la rive opposée de la Charente, afin de saisir les points de recouvrement des ar- giles de Purbeck par la formation crétacée. La côte dite de Monta gnant, qui met en communication la route impériale avec la route de Jarnac à Segonzac, a permis I)D 6 AU 1 k SEPTEMBRE 1857. 85/ de constater, à partir de la Charente jusqu’au sommet du co- teau, la succession des couches suivantes : Étage m dePurbeck. 1° Argiles grises et rouges, panachées de vert. 8,00 Étage gardonien. 2° Argile bleue lignitifère 1,10 3° Calcaire jaune, à grains miroitants, avec Ca- prines et polypiers 2,60 4° Argile sableuse verte 3,00 5° Grès verdâtre phytifère 0,60 I 6° Calcaire grumeleux à Caprines 2,00 1 7° Calcaire bréchiforme, spathique 1,00 ] 8° Grès vert sableux en plaquettes 6,00 Étage J 9° Sable vert friable 6,00 carentonien \10° Argile verdâtre, avec Capiiaa cos ta ta . . . 1,20 (11° Grès solide, fin, dur, à points verts, avec O. dre a colamba , Spluerulites polyconi- litcs , Sp/tœriili tes joli accus, Caprin a ad- versa, Alvéolines et Miliolites 6,00 12° Calcaire jaune, dur, avec Caprina adversa , très abondante, Spharulitcs jolia - \ rrus, etc., etc Plus haut, dans la série, on a rencontré les argiles tégulines, puis les calcaires à Radiolitcs hunbricalis , enfin les calcaires durs ci SphœnditesSaiivagesi et radiosns (étage provencien) . Près du hameau du Petit-Mur, la vigueur des vignobles nous a an- noncé la présence de la craie supérieure, c’est-à-dire l’horizon des Ostrea auriculans , et plus haut des llhynchone.lla vesper- tilio. On rencontrait donc en face de Jarnac, avec quelques modifications minéralogiques insignifiantes, la meme succession d’étages et les memes faunes que dans les alentours d’An- goulême. Du Petit-Mur, la Société s’est rendue à Cognac par la route impériale qui est presque constamment tracée sur les calcaires à Ostrea auriciilaris. Elle a mis à profil une heure de jour qui restait encore, pour visiter le magnifique établissement de la Société viticole, vaste entrepôt de ces fameuses caux-de-vie dites de Cognac, dont la supériorité incontestable a ouvert une branche importante d’industrie qui enrichit en même temps l’agriculteur qui livre ses produits au commerce, et le c m- merçant qui les exporte à l’étranger. 858 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , La géologie n’a rien perdu dans celte visite • car, clans le faubourg de Saint Martin où est situé l’entrepôt, on marchait sur les bancs à Ostrea auricularis , et l’on pouvait voir dans l’intérieur de l’établissement même des tranchées de 12 à 15 métrés, pratiquées en entier dans des calcaires pétris de ces Huîtres. On a pu s’assurer, sur des milliers d’exemplaires, qu’on avait bien là la véritable Ostrea auricularis de Bron- gniart, dont si peu de paléontologistes ont su apprécier les caractères et la véritable position. A sept heures, la Société trouvait réunie dans les salons de M. de Salignac l’élite de la population de Cognac, et elle rece- vait, tant de la part de madame de Salignac que de celle du maître de la maison, une hospitalité brillante, dont elle conser- vera longtemps le souvenir. La matinée du mercredi a été consacrée à saisir les relations des divers étages qui se développent dans les environs de Co- gnac. Les travaux que la municipalité a fait exécuter tout récemment dans le parc attenant à la ville ont permis de voir très nettement le contact entre la craie inférieure et la craie supérieure. En effet, en suivant les escarpements qui dominent la Charente quand on en remonte le cours, on voit que les cal- caires à Ostrea auricularis , sur lesquels sont bâtis la ville et les faubourgs, reposent sur un système arénacé, puissant de 5 à 6 mètres, et composé de grés verdâtres, calcarifères, à grains quartzeux, de sables verdâtres, et d’argiles glaiseuses, brunes ou jaunâtres, à stratification ondulée et irrégulière. Ces matériaux meubles ou remaniés indiquent un littoral, car ils s’amincissent et semblent être enfoncés en forme de coin sous les calcaires supérieurs à Ostrea auricularis. Le diagramme ci- dessous indique très bien cette disposition. DU 6 AU \h SEPTEMBRE 1857. 859 Charente. Mur du parc. 1. Calcaire à Sphœnilites Sauvagesi et Hippurites organisans. 2. Calcaire dur en couches régulières, . . . 5. Saldes et argiles. ..... 4. Grès vert à Ostrea auricularis 5. Calcaire à Ostrea auricularis, Î Etage provencien, (Craie inférieure.) ! Étage coniacien. (Craie supérieure.) Au-dessous des sables et des argiles 3 et Zi , on observe des calcaires durs, jaunâtres 1, à bancs très épais, pétris Ôl Hippurites- organisons , de SphœruUtes Sauvagesi et ra- dios us, faisant corps avec la roche, et agglomérés en fa- milles à la manière des Huîtres. Ces calcaires sont la partie supérieure de l’étage provencien, dont les chaumes de Crage, près d’Angoulême, offrent de si belles coupes, et qui, ainsi qu’à Cognac, sont surmontés par le calcaire à Ostrea auricularis , mais sans les couches interposées de sables et de grès. On voit de la manière la plus claire qu’a près le dépôt de la craie inférieure un mouvement survenu dans la mer cré- tacée institua un nouvel ordre de faits, et amena comme base de la craie supérieure un dépôt puissant de sables et de grès dans le parc de Cognac. Le faubourg Saint-Jacques et les en- virons de Richemont présentent des exemples qui dispensent de tout commentaire. On remarque déjà, dans le dépôt d’ori- gine mécanique, quelques Ostrea auricularis qui deviennent si abondantes dans les calcaires supérieurs, et qui y sont asso- ciées à la Terebratula Arnaudi , Coquand, à la Rhjtichonella Baugasi et à une foule de bryozoaires. Ainsi se trouve résolue, et stratigraphiquement et paléontologiquement, une des ques- tions les plus importantes au point de vue de la séparation des divers étages de la formation crétacée dans le sud-ouest et de leur distribution dans deux groupes distincts. 860 RÉUNION EXTRAORDINAIRE' A ANGOliLÊME , On s’est rendu de là à Sailex, village situé dans les coteaux de la grande Champagne; on a suivi la route de Barbezieux. On a remarqué à la sortie du faubourg Saint-Martin que le caractère pétrographique subissait une modification notable. Jusqu’ici nous n’avions rencontré dans la craie que des calcaires durs donnant naissance à des sols pierreux et raboteux-, ici, au con- traire, le calcaire devient tendre, blanchâtre, marneux, faisant quelquefois pâte avec l’eau, rempli de silex noirs ou blanchâtres, purs à leur centre, mais se fondant insensiblement dans la roche encaissante vers leur périphérie. Les moellons que ce calcaire fournit sont de mauvaise qualité. La base de ce sys- tème, qui constitue l’étage santonien de M. Coquand, est remarquable par le grand nombre de fossiles qu’il contient, ainsi que par sa faune qui est entièrement distincte de celle qui lui est inférieure. Elle est surtout caractérisée parles Rhyncho - nella vespertilio , Borèaui , Coquand, la Terebratuln conici- censis , Coq., Y Ostrea proboscidea , la Janïra Truellei , le Racliolites Arnaudi , Coq., et beaucoup de bryozoaires. On a observé au-dessous de Sailex les premiers bancs à Ostrea ve- ste ida ris, pyrenaïca , Matheroni , cornu-arietis , Mytilus Du - jrenoyi , Sphœridiles Hœmnghausi , etc., etc. La pluie qui n’a cessé de nous escorter a empêché malheureusement d’exa- miner, avec l’attention qu’il méritait, ce nouvel étage (campa- nien de M. Coquand), et qui correspond à la craie blanche de Meudon. La Société s’est rendue dans l’après-midi dans la plaine du Pays Bas, afin d’y examiner les argiles de Purbeck, ainsi que les gisements de gypse quelles renferment. Elle a suivi d’abord la route de Saint-Jean-d’Angély. Au-dessus du faubourg Saint- Jacques, elle a traversé successivement les calcaires à Ostrea auricularis avec leur base sableuse (coniacien), le calcaire à Spliœrulites radiosus et Hippurites organisa/is (provencien), les calcaires à Radiolites lumbricalis (angoumien), enfin les calcaires marneux â Terebratuln pectita , les sables et les argiles à Ostrea columba et biauriculata (partie supérieure et moyenne du carentonien). Elle a pris ensuite la route de Cherves, où elle a constaté la série des couches suivantes au-dessous des argiles à Ostrea p/ica ta (argiles tégulines) : DU 6 AU 1 k SEPTEMBRE 1857. 861 1° Le calcaire à Caprina a fl versa ; 2° les grès verdâtres inférieurs à Ostvea columba, variété minor ; 3° des calcaires sableux à Orbitolites (base du carentonien) \ 4° les argiles lignitifères (gardonien). Lâ finit la formation crétacée, ainsi que cela a été constaté au pont de Basseau et à la côte de Monlagnant. On a rencontré au-dessous des argiles lignitifères les couches du système de Purbeck, dont les environs de Jarnac nous avaient offert la base. La coupe suivante prise dans les car- rières de Montgaud, au dessous de Cherves, indique très bien les caractères généraux de cette formation qui impriment au Pays Bas une physionomie particulière qui rappelle celle des plaines alluviales de la Camargue ou des marais Pontins. Cette physionomie, qui s’unit à une fertilité remarquable des terres, est due à la prédominance des argiles, lesquelles donnent naissance à un sol profond, analogue au limon charrié par les rivières et accumulé à leur embouchure. On reconnaît dans la principale carrière, en procédant do haut en bas : m 4° Argile compacte, bariolée de rouge 0,650 2° Argile feuilletée, brune 0,487 3° Calcaire en petites plaques solides 0,487 4" Argile jaune, très feuilletée, singulièrement stratifiée. . 3,898 5° Argile grise et noire, feuilletée, contenant des cristaux de gypse 1,949 6° Gypse gris, avec rognons d’albâtre blanc et rosé, et veiné d’argile noire. . 4 ,1 37 7° Gypse dit carré , bordé de deux couches de gypse fibreux dit lard 0,323 8° Gypse dit couillard, souillé d’argile 0,325 9° Argiles feuilletées, noirâtres 0,325 4 0° Gypse dit couche plane , compacte, avec veines d’argiles noirâtres, très onctueuses 1,462 4 i° Gypse impur, non exploité, alternant avec des argiles. 41,045 Les excavations n’ayant pas été poussées au-dessous du gypse exploitable, il est impossible d’étre renseigné sur la puissance totale de l’étage de Purbeck, que M. Coquand, en se basant sur des mesures prises ailleurs, suppose être de 45 à 862 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , 50 mètres. Cet étage est incontestablement d’origine lacustre, car la couche calcaire n° 3 est une vraie lumachelie de Cyclades écrasées par la pression, au milieu desquelles on a recueilli des Paludines, des Physes, des Mélanies, des Cyclades et des Gy*- rênes. Cependant il est difficile de se procurer des exemplaires déterminables. Sur d’autres points, cette couche est oolithique, mais les oolithes qui la composent ne sont point rondes -, elles ressemblent à des pisolites d’origine travertine. C’est à tort que certains observateurs les ont considérées comme des cara- paces de Cypris, Le reste d’une journée déjà si bien employée a été donné à l’examen du fameux gisement de Caprines et de Sphéruiites de Saint-Trojan. On a suivi, pour s’y rendre, la route qui longe la rive droite de la Charente, et l’on a fait une station à Ba- gnolet qui s’imposait à notre admiration autant par la beauté du site que par plusieurs particularités géologiques remar- quables. Les argiles tégulines qui dessinent un horizon si con- stant dans foute la Charente sont effacées à Bagnolet: elles y sont remplacées par des grès verts solides et des sables meubles contenant avec abondance les Ostrea biauricidata et colnmba. On remarque au-dessus le second banc à Ichthyosarcolites, et le contact des bancs calcaires avec des sables meubles donne naissance à un phénomène bien connu dans la forêt de Fontai- nebleau. Les eaux qui pénétrent au milieu de ceux-ci arrivent char- gées de carbonate de chaux qui, en cristallisant, agglutine une quantité plus ou moins considérable de grains sableux, et forme des masses généralement botryoïdes, dont les formes capri- cieuses varient à l’infini. On y a cherché vainement des groupes de rhomboèdres inverses. Les calcaires à Ichthyosarcolites sont s.urmontés par des calcaires marneux à Terebralula pec/ita, à Ostrea carinata et columba , et à Ammonites naoicii/aris, dont on voit de b lies coupes dans le parc de M. Hennessy. Au-des- sous des grès, près de Solençon, ainsi qu’on devait s’y attendre, apparaissent les bancs inférieurs à Ichthyosarcolites que l’on a suivis jusqu’à Saint-Trojan. La Société a été émerveillée à la- vue de ces bancs énormes de Çaprina adversa et de Sphœr alites joliacens, fixées encore à la place où elles ont vécu, et rappelant 863 DU 6 AU 1 h SEPTEMBRE ^857. par le nombre et la puissance ces accumulations de coraux qu’on observe dans l’étage corallien du terrain jurassique. Gel horizon s’étend jusqu’aux coteaux qui dominent le Pays Bas, et au-dessous desquels se développent les grés verts infé- rieurs, l’étage gardonien et les argiles de Purbeck. Le re- tour s’est effectué par le pont de la Trache, d’où l’on a remonté toute la série crétacée jusqu’au niveau des Osirea auricularis. La Charente, depuis Jarnac jusqu’à Bagnolet, a creusé son lit, soit dans les argiles de Purbeck, soit dans les argiles tégu- lines et les sables supérieurs. Gomme les couches plongent toutes vers le sud-ouest, il résulte de la disposition des étages que la rive droite se lie aux coteaux qui la dominent par un plan légèrement incliné, tandis que la rive gauche, étant oc- cupée par des calcaires durs et solides (provencien et angou- mien), est dominée par des escarpements qui en défendent souvent l’accès. Cette circonstance, mal appréciée par M. d’Ar- chiac, avait fait admettre par ce savant .géologue l’existence d’une faille qui ne se montre réellement pas, car les étages s’y succèdent normalement sans dénivellation. On a trouvé sur place, dans les carrières de la Trache, des Radiolites lumbri- calis. De la Trache à Cognac, ia Société n’avait à traverser que des terrains déjà connus. Le retour de Cognac à Angoulême s’est opéré par la rive gauche de la Charente qui devait présenter à la Société des aperçus nouveaux et intéressants. On avait déjà examiné les coteaux qui s’élèvent en face de Jarnac ; on s’est donc rendu directement à Sainte-Même. Sainte-Môme occupe un rang important dans le départe- ment; il renferme les plus belles carrières de la Gharente, celles qui fournissent les meilleures pierres d’appareil, et qui sont recherchées tant à cause de l’homogénéité et la finesse de leur grain que de leur blancheur. Le même coteau, les mêmes escarpements présentent en outre, et en pleine exploitation, les deux étages provencien et angoumien. L’extraction a lieu à ciel ouvert et par cavages. Après avoir visité ces longues gale- ries souterraines qu’interrompent de distance en distance des effondrements que l’on ne traverse pas sans danger, la Société s’est rendue au bas du village, afin de remonter la série des 864 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , couches et de constater leur ordre de superposition. Près des tuileries, elle a étudié les argiles qui les alimentent, et elle s’est assuré qu’elles appartiennent ù l’étage de Purbeck. Elles sont grises et fouettées de rouge comme celles de Montagnant, dont d’ailleurs elles ne sont que la continuation. Elles n’affleurent que sur une bande étroite, parce qu’elles sont recouvertes en grande partie par les alluvions anciennes de la Charente. Au-dessus de l’étage de Purbeck, la formation crétacée est représentée de la manière suivante : Éta se gardonien. Étage carentonien. Étage angoumien, 1° Argiles bleuâtres, pyritifères, dans lesquelles ou avait depuis longtemps signalé des végétaux passés à l’état de lignites, et rappelant exacte- ment par leur position les lignites de l’île d’Aix. 2° Sables jaunes et verdâtres, à grains quartzeux, dont il est difficile de bien lire les accidents, à cause de leur recouvrement par la végétation ou par les maisons. 3° Calcaire dur, jaune, affleurant dans la rue princi- pale, au-dessous des premières habitations du village, renfermant la Caprina adversa et le Sphœr uli tes joli accus . 4° Argiles tégulines se montrant dans l’intérieur de Sainte-Même, au-dessus de l’église surtout, et renfermant les Ostrca plicata et biauricu - lata ; elles sont surmontées par dessables jaunes. 5° Calcaire jaune, dur, servant de base à la pierre de taille, et fournissant de bons moellons. 6° Pierre de taille, dite la masse , première qua- lité, puissance 10”. 7° Pierre de taille dure 3n\ 8° Pierre de taille grise, à grains moins fins. 3,n. Les fossiles disparaissent généralement, ou du moins ils deviennent très rares dans les calcaires, dont le grain permet de les utiliser comme pierres de taille. Cependant on remarque dans les n°' 6, 7 et 8 quelques exemplaires du Radiolites lumbri - calis, du Sphœrulites ponsianus et de la Chôma Archiaci. Etage provencien. 9° Calcaire jaune, friable et en plaquettes. 10° Pierre de taille, dite cressant , bonne qualité. 4,ri. \ \° Pierre de taille, dite palet , non exploitée. . 4m. On a observé dans cet étage les Sphœrulites Sauvages i et radios us. 4 2° Terre végétale. DU 6 AU i h SEPTEMBRE 1857. 865 En remontant au-dessus du coteau, dans la direction de la Champagne, on ne tarde pas à rencontrer les calcaires à Ostrea auricularis , c’est-à-dire la base de la craie blanche. Les détails qui précèdent montrent que le coteau de Sainte- Même reproduit la même disposition d’étages et la même dis- tribution de fossiles que les environs d’Angoulême, et que les seules différences à noter ne portent que sur la variation du grain et sur quelques accidents pétrologiques. La route que nous suivions nous mettait plusieurs fois en contact avec les argiles tégulines qu’on devinait aux sources qu’elles produisent, avec les calcaires à Ichthyosarcolites ou avec les calcaires à Ostrea columba. En face d’Angeac-Cha- rente, on a laissé la route de Ghateauncuf, pour prendre à angle droit le chemin d’exploitation des carrières d’Angeac et de Chez- Délaissé. On a d’abord traversé un bois planté sur un calcaire dur, rempli de Radiolites lumbricaüs , et ensuite on a atteint les carrières d’Angeac qui correspondent aux carrières hautes de Sainte-Même qui, comme nous l’avons vu, n’appartiennent plus au même étage que celles qui sont placées à un niveau plus bas. De là, on s’est rendu aux carrières de Chez-Delaisse, dont la couleur de la pierre est jaune, et le grain assez gros- sier, friable, surtout aux affleurements -, mais cette particula- rité, si elle enlève quelque valeur aux produits, sert à merveille les intérêts de la science -, car les déblais contiennent une quantité très considérable de fossiles parfaitement conservés, dans lesquels prédominent les Sphœridites radiosus , Sau- nages/, l’ Iîippurites cornu-vaccinum, des Nérinées, des poly- piers, etc. On a eu aussi la bonne fortune de recueillir quelques valves supérieures de Sphérulites armées de leurs apophyses et de leurs dents. Après une station prolongée sur ce point remarquable qu'on a saccagé, on est descendu sur Chateauneuf par la Combe à Paquet, où l’on a rencontré les calcaires à Radiolites lambris enlis qui sont très durs dans cette localité, et ne donnent que des pierres de taille de médiocre qualité ^ mais en revanche ils fournissent de très bons pavés échantillonnés. Au-dessous de l’étage angoumien, on a successivement recoupé les calcaires marneux à Terebratula pectita et Ostrea columba. Le banc Soc. géol. , 2e sér., tome XIV. 55 866 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , supérieur à Ichthyosarcolites, les sables jaunes, les argiles tégulines, dont les exploitations pour les tuileries qui sont au- dessus du champ de foire ont permis d’examiner d’excellentes coupes -, enfin les calcaires à Caprina aclversa, formant les talus qui descendent jusqu’aux prairies de la Charente, sous les- quelles existent les grès verts inférieurs. Les environs de Cha- teauneuf constituent sans contredit une des stations les plus . intéressantes pour le géologue qui veut s’initier à la connais- sance de la craie du sud-ouest; aussi ont-ils attiré l’attention de la Société géologique d’une manière spéciale. La route que nous avons parcourue de Chateauneuf à Ner- sac nous a mis en face, à la sortie de la ville, de nouvelles exploitations d’argiles tégulines qui là, comme partout ailleurs, sont encaissées entre deux bancs à Ichthyosarcolites. On a longé ensuite quelques falaises escarpées occupées par les grès verts inférieurs, et aboutissant à de vastes plateaux qui jusque vers Saint-Estéphe sont littéralement formés de bancs de Caprinn adversa et de Sphœrulites foliaceus. C’est le gisement de Saint- Trojan transporté sur la rive gauche de la Charente. Nersac est au fond d’un petit golfe creusé par le ruisseau de la Boëme. On a atteint de là le plateau de Saint-Michel par une rampe qui permet de passer en revue l’étage porllandien, les argiles ligni- tiféres, ainsi que les grès verts. On a ouvert en haut de la côte plusieurs exploitations de pierres de taille dans le banc même des Caprina adversa et Sphœrulites folia ce us, mais les rudistes y sont rares; on y a recueilli la Terebratula Menardi. Ces bancs s’étendent sous forme frangée et sans interruption jus- qu’à la ligne du chemin de fer. A Saint-Michel, ils sont sur- montés par les argiles tégulines à Ostrea biauriculata. La journée du jeudi a été donnée au repos, au classement des échantillons collectés, ainsi qu’à une étude plus détaillée des points rapprochés de la ville, et qu’on avait parcourus avec trop de rapidité dans les premières excursions. La matinée du vendredi, la Société a visité la collection de M.de Roehebrune,qui renferme une belle suite de fossiles de la Charente, et spécialement de ceux des environs d’Àngouîême. M. Triger y a reconnu tous les horizons du Mans parfaitement représentés, celui de Rouen excepté. La collection qu’on avait DU 6 AU là SEPTEMBRE 1857. 867 sous les yeux présentait un intérêt d’autant plus sérieux que M. de Rochebrone, dans son arrangement, n’a obéi à aucune idée systématique, mais qu’il a classé tous ses fossiles par loca- lités et par couches. Aussi la Société a pu s’assurer, tant dans son cabinet que sur les terrains, que non-seulement les espèces ne chèvauchaient pas d’un étage dans un autre, mais encore que pas une d’elles ne se référait à la faune de Sainte-Cathe- rine, tandis qu’elles étaient les mêmes que celles des environs du Mans et de la Touraine. » M. le Président, après cet exposé, fait remarquer que la So- ciété ayant encore à visiter le canton de La Vaîlette et l’arron- dissement de Barbezieux, c’est-à-dire les étages de la craie blanche à Ostrea vesicularis et à Bippurites racliosiis (étages campanien et dordonien de M. Coquand), il serait prudent de n’engager la discussion sur les points sujets à controversé qu’au retour de ces excursions. Toutefois, la craie inférieure étant parfaitement connue dans tout son développement, il y a lieu à s’occuper immédiatement de la place qu’elle occupe dans la formation crétacée. M. Coquand rappelle à ce sujet les travaux récents qu’il a publiés et les observations faites par lui dans le midi de la France, ainsi que dans la chaîne du Jura, et desquelles il résulte d’une manière claire et incontestable que dans lesdépar- tements du Gard, du Yar, des Basses-Alpes, des Bouches-du- Rhône et du Doubs existait le système à Ammonites rothoma- gensïsy varions , Manteili , Turrilites costatus , Scaphites œqualis, Pecteu cispév (faune qui se trouve si bien représentée dans la montagne de Sainte-Catherine), que ce système ne se rencontrait pas danslesdeuxCharentes, et que la craie inférieure n’a commencé dans ces contrées que lorsque l’étage rothomagien avait été déposé dans d’autres régions. De plus, M. Coquand pense avoir démontré que, dans les localités citées et étudiées par lui, cet étage repose directement sur le gault, et surtout sans l’intermédiaire des couches à Ostrea co/urnba, contraire- ment à ce que MM. d’Archiac et Raulin ont prétendu. Or, il en est de môme en Angleterre -, car, dans le Surrey, M. d’Ar- chiac constate ( Hist . des prog. de la géol. , t. ÏY, p. 29) que les bancs calcaires avec Ammonites rothomagensis et Manteili 868 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , différent autant des assises qui les recouvrent que du gault sur lequel ils reposent, et que caractérisent les Ammonites spl en r/ens et aurilus. Si l’on parcourt le même ouvrage, on trouve à la page 255 que, dans l’arrondissement de Rhétel, la partie inférieure de la craie tuffeau repose sur les sables argi- leux du gault. Or, parmi les espèces citées dans la craie tuffeau, 21 ont leur gisement le plus ordinaire (lisez exclusif) au-des- sus des sables: ce sont les Ammonites Mantelli , ) alcatus , Cas- sis avellana, Pecten aspcr , etc., etc. C’est pareillement au- dessus du gault que l’on trouve vers Gacé (Orne) V Holaster suborbicularis , le Pecten asper , Y Ammonites varions , le T ///•- rilites costatus ( loc . cit. , p. 2A7). On pourrait multiplier les citations qui toutes démontrent que la faune rothomagienne est directement superposée au gault, tant dans le nord que dans le midi de la France, en An- gleterre comme en Afrique. Si MM. Raulin et d’Archiac ont cru reconnaître à Sainte-Maure, au Port-la-Pile et dans les environs de Cbâlellerault, l’équivalent des couches rhotoma- giennes de la Motte d’Humbligny dans le Sancerrois, cette assimilation repose non-seulement sur des déterminations de fossiles fautives, mais encore sur des interversions d’étages, comme il sera dit plus tard. M. Coquand ajoute : 1° que les argiles iignitifères de l’île d’Aix, de Sainte-Même, du pont de Basseau, par lesquelles dé- bute la craie inférieure, sont l’équivalent de l’étage gardonieii qui, dans les environs de Saint-Paulet, dans le Gard, sont su- périeures à l’étage rotbomagien, et qu’elles supportent les bancs à Ostrea columba et plicata; 2° Que les grès calcaires, sables et argiles qui succèdent à l’étage gardonien, et qui sont caractérisés dans toute leur épaisseur par la présence des Ostrea biauriculata , columba et plicata , constituent un étage distinct et par leur position et parleur faune j que les rudistes ( Caprina culversa , Sphœru - lites johaceus, £ le., etc.) qu’ils renferment, diffèrent complète- ment des rudistes que l’on observe dans les étages supérieurs. C’est cet étage, qui est si remarquable dans la Charente, que M. Coquand a nommé carentonien -, 3° Que les assises à Radiolites lumbricalis et Sphœndites DU 6 AU l!l SEPTEMBRE 1857. 869 ponsianus , à leur tour, n’ont aucune espèce de fossiles communs avec ceux de l’étage carentonien, et que dés lors le nom d’étage angoumien est justifié -, II0 Enfin que les bancs à Sphœrulites Sauvage si et radiosus constituent un nouvel étage distinct, l’étage provencien, qui termine ainsi la craie inférieure, la craie supérieure débutant, comme on le sait, par un système de grès et d’argiles sableuses. M. Alb. Gaudry présente quelques observations au sujet des couches à Scaphites de Sainte-Catherine, près de Rouen. Sui- vant lui, il serait difficile de nier qu’il existe à Sainte-Cathe- rine, à une certaine hauteur au-dessus de l’assise glauconieuse, en position anormale, une petite couche glauconieuse presque semblable, formée par un remaniement. M. Triger crut devoir insister fortement sur ce fait que la craie à Scaphites de Normandie n’est pas un simple accident, mais qu’elle forme un important horizon géologique. En effet, contrairement à tout ce qui a été publié antérieurement aux travaux de M. Coquand, c’est bien un dépôt inférieur aux sables cénomaniens supérieurs de la Sarthe et aux marnes à ostracées décrites par M. d’Archiac, tandis qu’il forme un hia- tus bien prononcé dans la série crétacée des environs d’Angou- lème. Or, cette opinion émise par M. Coquand, il la partage sans réserve. L’horizon de la craie glauconieuse de Normandie se représente au cap la Hève, à Rouen, é la butte de l’Aigrefin près d’Aix (Orne), à Nogent-le-Rotrou, au Mans, dans le Jura et jusque dans les Alpes, entre les salines de Bex et Sion, toujours à la même place, présentant les mêmes caractères, renfermant les mêmes fossiles. M. Coquand ajoute qu’il ne connaît la craie de Rouen que par la faune qui en a été publiée, et que par les fossiles qu’il a en sa possession. Or, ces mêmes fossiles, il les retrouve con- stamment dans des couches placées au-dessus du gault et recou- vertes par les marnes avec ostracées, et, de plus, le parallélisme que l’on peut établir entre la craie de la Sarthe, de la Loire et celle de laCharentedémontre d’une manière péremptoire que dans ce dernier département la faune de Rouen doit manquer et manque complètement en effet. Au surplus, si, comme on le prétend, la craie de Rouen forme un étage supérieur aux marnes 5 870 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , ostracées, comment concevoir que dans les deux Charentes, où la craie inférieure, à partir du gardonien, et la craie supérieure sont plus complètes et mieux représentées que partout ailleurs, on ne puisse parvenir à recueillir un seul fossile de Rouen, tandis que dans le Midi, où le parallélisme se soutient très bien avec tous les étages de la Charente (l’étage rothomagien excepté), on trouve ce dernier placé entre le gault et les marnes à ostracées. Pour soutenir l’opinion contraire, on s’efforcerait en vain d’arguer de la présence de quelques fossiles propres à la craie de Sainte-Catherine, et places en dehors de leur véri- table gisement, tels que les Ammonites va ricins, Mantelli et rothomcçgeiisis. La Société s’est assurée par elle -même, et la collection de M. de Rochebrune l’a démontré surabondamment, que ces déterminations sont inexactes, et que les Ammonites citées sont les A. polyopsis, Bourgeoise et ncwicalaris , qui appartiennent à un tout autre niveau. M. Coquand s’explique difficilement que Sa couche à Scaphites de Sainte-Catherine ne contienne que des fossiles remaniés, et que justement ces fos- siles, portés dans un étage beaucoup plus élevé, soient tous, sans exception, les représentants d’une faune inférieure à V Os- trea cohunba, réunis en colonie à la base de la craie blanche, sans qu’on remarque, mélangée avec eux, une seule espèce propre à l’étage qui aurait donné asile à cette légion étran- gère. Outre qu’il ne serait peut-être pas facile de se rendre compte d’un remaniement de ce genre, quand couches rema- niées et couches non remaniées sont concordantes, et par con- séquent sans que les premières aient formé falaises, il serait plus difficile d’expliquer comment il se fait que les corps rema- niés, tels que des Nautiles de grosse dimension, des Ammonites ayant conservé leur test nacré, des Limes, dont les arêtes si fines et si fragiles sont restées intactes, ne se trouvent pas associés à des cailloux ou à des fragments calcaires arrachés à la même couche que celle qui a fourni les coquilles, et surtout comment la gangue, qui a rempli l’intérieur des bivalves à l’époque de leur enfouissement, est précisément identique avec la roche qui les contient aujourd’hui. Or, dans l’hypothèse d'un remaniement, celte identité serait presque miraculeuse. Au surplus, quand môme on démontrerait que les fossiles de Sainte-Catherine DU 6 AU 1 h SEPTEMBRE 1857. 871 sont, par exception, en dehors de leur station primitive, il suffirait à M. Coquand, pour justifier son opinion, d’avoir dé- montré que partout ailleurs ces fossiles ont leur gisement nor- mal au-dessous des couches à Ostrea columba , et que, partant, ils doivent manquer dans la Charente, puisque dans cette con- trée la série débute par les bancs à Ostrea columba. J’ajourne à une séance prochaine, ajoute M. Coquand, c’est- à-dire après l’examen complet de la formation crétacée, les explications que j’ai à présenter sur la concordance qu’on peut établir entre la craie du bassin de la Loire et celle des deux Charentes, et j’espère prouver que, si l’on a refusé au sud-ouest le privilège de posséder Ja craie blanche de Meudon et de Maëstricht, cette négation du droit provient uniquement de fausses interprétations avancées par M- d’Archiac et acceptées sans contrôle par d’autres géologues. La séance est levée à dix heures et demie du soir. Séance du samedi 12 septembre 1857. PRÉSIDENCE DE M. COQUAND. La séance est ouverte à huit heures du soir, dans la salle de réception de l’hôtel de ville. M. A. Gaudry donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. M. Coquand met sous les yeux de la Société une série de planches de fossiles inédits qui doivent être publiés dans le volume explicatif de la carte géologique de la Charente. Il annonce en même temps qu’il a dressé un catalogue général de tous les fossiles qui ont été signalés dans les deux Charentes, ainsi que dans la Dordogne, et qui sont répartis dans les huit étages admis par lui dans la série crétacée de cette partie de la Fi ’ance. Il rend compte ensuite de la course que la Société géologique a faite dans la journée : « On s’est d’abord rendu à Chalais, à la limite méridionale du département, dans le but d’éludier, tant dans les environs 872 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , de Chalais que dans ceux d’Aubeterre, les deux otages les plus élevés de la craie supérieure, c’est-à-dire les bancs à Ostrea vésical ans (craie micacée de M. d’Archiac), et ceux à Radiolites Joaanneti et Hippnrites radiosus (calcaires jaunes supérieurs du même auteur). La pluie et l’absence de tous moyens de transport n’ont pas permis de réaliser cette partie du programme ; on s’est borné à constater que Chalais est bâti sur le calcaire à Ostrea vesicularis qui y est exploité comme pierre de taille, et l’on est revenu à Montmoreau, où, en se dirigeant vers un autre point, on a obtenu le même résultat. Ce point était indiqué forcément, car les bancs à Hippurites radiosus constituant l’étage dordonien, ne sont représentés dans la Charente que dans trois localités, le Maine-Roi, Aubeterre et Lamérac (arrondisse- ment de Barbezieux) . On s’est donc dirigé vers le Maine-Roi. Les escarpements de la vallée de la Tude ont montré au-dessus de l’étage santonien ( Micraster brevis) des bancs d’un calcaire crayeux, contenant en grande abondance les Ostrea vesicu- laris, O. pjrenaica , O. Mat lier oni, O. laciniata , O . la rca, Y Orbitolites media, Y Hemiaster pmnella , des exemplaires du Sphœridites Hœninghausi , bancs dans lesquels M. Coquand a.vait déjà recueilli Y Ananchytes ooata,\v Conoclypeus Leskei , le Baculites Faujasi et la Crania îgnabergensis , etc., etc. Cette craie blanche, qui se développe du côté d’Aubeterre, est couronnée, en face de Maine-Roi, par un coteau que recouvrent vers 1E. les sables tertiaires. Ce coteau montre un nouveau système de couches, dans lequel disparaissent tous les fossiles précités, pour faire place à une accumulation vraiment extraor- dinaire Hippurites radiosus , de Radiolites Jouanneti , Bour- noniy de Sphœridites cylindraceus , Toucasi , et d’ Ostrea Lameracia/ia (Coquand), de polypiers et de bryozoaires. Ce système acquiert quelquefois assez de consistance pour fournir des pierres de taille qui, au Maine-Blanc, sont de qualité mé- diocre. C’est cette localité et puis celle de Lamérac qui ont fourni à M. Bayle et à M. Coquand les magnifiques exem- plaires qui ornent les collections de l’École des mines et de la Faculté des sciences de Besançon. Cet étage supérieur est beaucoup mieux développé dans le département de la Dor- dogne, par la raison qu’il a été respecté davantage par les Dli 6 AU 1 !\ SEPTEMBRE 1857. 873 agents destructeurs. Après avoir fait une ample moisson de Rudistes, la Société a constaté fc recouvrement immédiat de l’étage dordonien par les sables tertiaires, puis elle est rentrée à Angoulême. Après l’exposé qui précède, M. Triger prend la parole, et il s’empresse de reconnaître comme très exactes les observations laites par M. Goquand dans l’ensemble de la formation crétacée de la Charente. Suivant M. Triger, cette formation a été inter- prétée d’une manière aussi intelligente que précise. A l’excep- tion des élages campanien et dordonien qui manquent dans la vallée de la Loire et de la Sarthe, toutes les autres divisions inférieures, admises par M. le Président, se retrouvent dans la Touraine terme pour terme. En revanche, les environs du Mans possèdent, au-dessous des marnes à Ostracées, l’étage rhotomagien qui manque dans la Charente. M. Triger esquisse ensuite à grands traits les caractères de la craie de la Sarthe. M. Coquand prend de nouveau la parole, et embrassant dans un résumé général ses propres observations et celles faites par ses collègues, il s’attache il justifier la classification nouvelle qu’il propose de la craie inférieure et de la craie supérieure, ainsi que les noms nouveaux qu’il impose à ses étages. Défi- nissant l’étage en géologie, la réunion de toutes les couches qui renferment les mêmes espèces fossiles, indépendamment de leur composition minéralogique, et reconnaissant que la distri- bution de ces fossiles correspond constamment à un ordre inva- riable de superposition, il a dû repousser les expressions vagues de craie glauconicuse, de craie cldoritée, de grés verts, de craie blanche, de craie jaune, de craie micacée, etc., etc., et les remplacer par des dénominations univoques. M. d’Orbigny avait entrepris une réforme de ce genre, et divisé la craie infé- rieure et la craie supérieure en trois étages qu’il avait nommés cénomanien , turonien et sènonieri ; mais ces noms ne pouvaient être conservés, par la raison que les étages de M. d’Orbigny contenant plusieurs faunes distinctes, n’étaient en réalité que des groupes. M. Coquand, dans le choix de mots nouveaux, s’est laissé guider par des questions de convenance géographique, c’est-à- 874 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , (lire qu’il a emprunté à la contrée qui offrait le type le plus parfait et le mieux connu de l’étage à créer, le nom même que l’étage devait porter. Ce n’est donc point un simple désir d’inno- vation qui a dirigé l’esprit de sa classification, mais bien le besoin d’une méthode rigoureuse. Aussi les expressions qu’il a choisies de rhotomagien, de gardonien, de carentonien, d’angoumien, de provencien, de coniacien, de santonien, de campa nien et de dordonien, doivent être prises dans la même acception que les expressions de kimméridien , de portîandien, de wealdien, d’oxfordien, de permien, de silurien, etc., etc. Or, puisqu’on n’a jamais protesté contre la signification qu’on attribue à ces derniers étages, on n’est point en droit de se récrier contre les élages nommés par M. Coquand, car ils sont établis d’après les mêmes principes et représentent des formules équivalentes. A mesure que les observations se multiplient, les méthodes scien- tifiques doivent se perfectionner, et si dans les premiers temps de la géologie expérimentale le mot de terrain secondaire suf- fisait pour désigner l’ensemble des terrains placés au-dessus du terrain houiller, des subdivisions nombreuses ont dû dé- membrer successivement ces grandes unités. Aujourd’hui on s’accommode assez bien de voir le lias inférieur détrôné par l’étage sinémurieft , le lias moyen par l’étage lia sien , et le lias supérieur par l’étage toarcien. Il suffit pour cela que chacune des divisions proposées corresponde à une faune distincte, et les noms univoques valent mieux en science que les péri- phrases. M. d’Archiac, à son tour, divise la bande crétacée des deux Charentes en quatre étages qui sont : 1er étage. Calcaire jaune supérieur. 2* — Craiegrise, marneuse ou glauconieuse et micacée. 3e — Calcaire blanc ou jaune, calcaires marneux avec Ostracées et Ammonites. 4° -— Calcaires à Caprinelles, sables et grès verts ferrugineux, argiles pyriteuses et lignites. Si ces subdivisions ont un mérite, ce n’est pas à coup sûr celui du laconisme; mais ces étages, suivant M. Coquand, ne sont autre chose que des groupes purement artificiels, et de plus ils ne reposent sur aucune base philosophique, car non-seule- BU 6 AU 1 h SEPTEMBRE 1857. 875 ment rts comprennent plusie urs faunes distinctes, mais encore, suivant les localités ou des ressemblances minéralogiques, l’auteur les assujettit aux proportions d’un lit de Proeuste, les taille, les émonde et tes fait sans raison empiéter les uns sur les autres. Aussi cet enchevêtrement, qui rend la lecture des tra- vaux de M. d’Archiac si difficile, donne lieu à des récurrences de fossiles que la nature désavoue. En effet, placer, ainsi que le fait ce géologue, YOstrea vésicularis , Y O. larva , Y O. auri- cularisy Y O. santonensis , le Sphœndifes Hœninghclusi y le Trochus Mar rot i et une foule d’autres fossiles (Hist. des prog . de la géoL, t. IV, p* AGZi) dans son étage supérieur du cal- caire jaune, et répéter la même liste de fossiles dans son second étage de la craie micacée, c’est confondre des ordres de faits parfaitement distincts, et dire, par exemple, que les grés de Fontainebleau sont la même chose que les fahluns de la Tou- raine. Cette méprise provient sans doute de ce qu’on a remarqué que les calcaires jaunes et la craie micacée fournissent égale- ment des pierres de taille, comme on peut le voir à Aubeterre, à Chalais et au Maine-Roi, sans se préoccuper si les carrières occupent le même niveau géologique. Le troisième étage de M. d’Archiac comprend des calcaires marneux avec ostracées. Or la plus commune de ces ostracées est YOstrea columba . Cette espèce y forme un horizon remar- quable, mais elle est spéciale aussi à son quatrième étage, où elle se montre tout aussi abondante. Voilà donc des couches en série, caractérisées par les mêmes fossiles formant un seul tout, scindées en deux étages séparés. On ne ferait rien de plus irrationnel, si l’on attribuait les bancs à Ostrea arcuàta du Jura et de la Bourgogne moitié au lias inférieur et moitié aux marnes irisées. On serait en droit d’exercer une critique tout aussi fondée sur les autres étages qui, d’après l’auteur des Progrès de la géologie , comprennent la faune de Sainte-Ca- therine, tandis qu’il est bien démontré aujourd’hui que cette faune ne peut exister et n’existe pas dans les deux Charentes. Aussi M. Coquand, en subdivisant la craie du sud-ouest en huit étages-, n’a pu prendre pour base de ses étages les divi- sions admises par M. d’Archiac. Ces erreurs, qui sont certainement excusables quand un 876 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÀNGOULÊME i seul observateur embrasse une formation aussi considérable que la craie dans son ensemble et dans ses détails, sont reproduites pour la craie de la Touraine, et deviennent plus graves encore dans la comparaison que M. d’Archiac établit entre les étages crétacés du sud ouest et ceux du bassin de la Loire (ibid. , p. Û58). Il n’y a qu’à lire attentivement les travaux de ce sa* vant, pour voir qu’il s’est attaché davantage à la composition minéralogique qu’à la distribution des fossiles, d’où des mé- prises tellement nombreuses que la liste des espèces qu’il cite, au lieu de servir de fil conducteur, entraînerait, si elle était suivie sans correction , dans des erreurs sans nombre et inévitables. Avant de se rendre à Angoulême, M. Goquand a consacré le mois d’août à l’étude de la craie dans les environs de Tours, de Sainte-Maure et de Ghâtellerault, et il ne lui a pas été diffi- cile de saisir dans ces contrées la même relation d’étages carac- térisés par les mêmes fossiles que dans la Charente. En effet, dans les environs de Yernou, de Marmoutiers, de Sainte-Rade- gonde et dans la vallée de la Brenne, on observe, en procédant de bas en haut : 1° une craie blanche, tendre, creusée partout pour les habitations, à Ostrea col/unba, Terebratula pectita , et correspondant à la partie inférieure de l’étage carentonien -, 2° une craie jaune, dure (fournissant de la pierre de taille) , avec Hippurites cornu- vaccinum , -correspondant aux étages angou- mien et provencien 5 3° des calcaires durs, bleuâtres, picotés de glauconie, avec Terebratula Arnaudi et Ostrea auricularis (Tours), étage coniacien \ à0 des calcaires tendres avec silex intercalés, caractérisés par la Terebratula vespertilio , le Mi- craster b revis, la Terebratula conia cencis, Coquand, et sur- montés par des calcaires tendres avec Ostrea Turonensis , Offrons, O. santonensis (étage santonien). Ges derniers calcaires, bien loin de terminer la série crétacée, supportent encore dans la Charente les bancs à Ostrea vesicu- laris (craie de Meudon), dont le château de Vendôme repré- sente probablement les bancs les plus inférieurs, et les calcaires jaunes à Hippurites radiosus qui ne sont pas les calcaires jaunes de la Touraine. Ainsi, dans la Touraine, la craie est moins complète que dans la Charente, puisque les deux étages cam- DU 6 AU ik SEPTEMBRE 1857. 877 panien à Ostvea vesicutaris, Ananchytes ouata, et dordonien à Hippurites radiosus y manquent positivement. Ainsi M. d’Ar- chiac, en parallélisant la craie jaune de Touraine et la craie jaune de la Charente, courbe sous le même niveau la partie supérieure de la craie inférieure et la partie inférieure de la craie supérieure, c’est-à-dire assimile Maastricht avec Angou- lême, Meudon avec Uchaux, deux systèmes qui sont séparés l’un de l’autre par l’épaisseur de quatre étages, le coniacien, le santonien, le campanien et le dordonien. On conçoit alors com- ment cet auteur a été conduit à faire bon marché de la signi- fication des fossiles -, car, pour être conséquent avec les pré- misses des principes erronés qu’il a suivis, il a été forcé de proclamer, contrairement à ce qui existe réellement, que les lois de la distribution des faunes n’étaient pas en harmonie avec les lois de la superposition. Or cette anomalie ne se vérifie en aucune façon, et si dans le tableau de concordance des étages on replace chacun d’eux en regard de celui qui lui correspond véritablement dans la nature, on trouve au contraire que les mêmes espèces de fossiles caractérisent exactement les mêmes couches, soit dans la Sarthe, soit dans le Midi, soit dans le bas- sin de la Loire, soit dans celui de la Charente. M. Coquand, qui a étudié Sainte-Maure, prétend que cette localité intéressante a été interprétée par M. d’Archiac d’une manière tout aussi peu exacte. On remarquera dans le ter- rain crétacé des environs de cette ville deux étages, dont le plus inférieur, composé d’une craie blanche, tendre, passant au tuf- feau, renferme YOstrca columba (variét è major), la Terebrcitula pectita et Y Ammonites navicularis (étage carentonien, partie supérieure) , et dont le second est formé d’un calcaire dur, jaune, avec Hippurites cornu- vaccinum , qui est l’équivalent de la craie de Sainte-Radegonde et de Vernou (angoumien et pro- Vencien), M. d’Archiac fait des couches à Ostrea columba l’équivalent de la craie micacée do la Charente (craie de Meu- don), et des calcaires durs qui appartiennent à la craie inférieure l’équivalent du dordonien (craie de Maëstricht). On comprend de cette manière pourquoi M. d’Archiac a refusé au sud-ouest le bénéfice de représenter la craie blanche. En effet, voici le raisonnement de ce savant : le calcaire jaune 878 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÉME , de Touraine ei le calcaire jaune de la Charente sont placés au même niveau. Le calcaire jaune de Touraine est surmonté à Vendôme par les premières assises de Moud on. Or le calcaire jaune de la Charente n’est pas recouvert par d’autres couches crétacées. Donc la craie blanche manque dans cette dernière contrée-, mais en replaçant les choses dans leur véritable situa- tion, nous répondrons à M. d’Archiac : votre calcaire jaune de Touraine n’est point l’équivalent du calcaire jaune de la Cha- rente, mais il représente les calcaires jaunes de la craie infé- rieure, et il supporte dans le bassin de la Loire : 1° les calcaires à Oslrea aurieularis ; 2° les calcaires à Micraster h revis et Spondylus Irunc citas { qui ne sont pas encore la craie de Meu- don) ; 3° au château de Vendôme, la base de la craie blanche, mais non encore Meudon. Dans la Charente, les calcaires blancs qui correspondent à la craie jaune de Touraine, et qui sont la partie la plus élevée de la craie inférieure, supportent, comme dans la vallée de la Loire : 1° l’étage à Ostrea aurieularis (coniacien) } 2° les cal- caires à Micraster brevis et à Spondylus trùncatus (santonien), et de plus que dans la vallée de la Loire : 3° les bancs à Ostrea vesicularis , Ananchytes ouata et Ostrea- larva (campanien) j h° enfin les calcaires jaunes supérieurs à Hippurites radio sus (dordonien). Donc la Charente contient les horizons de Meudon et de Maëstricht qui n’existent pas dans le bassin de la Loire. On n’est plus étonné alors de voir l’auteur dont nous criti- quons les travaux, et qui parallélise la craie inférieure d’une Contrée avec la craie supérieure de l’autre, avancer que les faunes se mélangent, et que X Ostrea columba , qu’on place dans .la prétendue craie micacée de Sainte-Maure, doit se trouver pareillement dans la véritable craie micacée de la Charente, quoiqu’on ne l’y ait pas rencontrée. Voilà pourquoi aussi la craie micacée de la Charente contient Y Ostrea vesicularis , tandis que celle de Sainte-Maure ne renferme que Y Ostrea columba; voilà pourquoi Sainte-Maure ne renferme que des fossiles de la craie inférieure, tandis que la craie micacée du sud-ouest ne contient que des fossiles de la craie blanche 5 voilà enfin pour- quoi aussi les horizons de Maëstricht et de Meudon existent dans le sud-ouest et manquent dans la Touraine. Or, en dres- DU 6 AU 1 h SEPTEMBRE 1857. 879 sant des catalogues de fossiles d’après des données pareilles, on parvient facilement à démontrer que la paléontologie est sans valeur pour la détermination des étages. M- Goquand n’est point renseigné suffisamment sur la manière dont les fossiles sont distribués dans les terrains crétacés d’Aix- la-Chapelle et de Maëstricht} mais la confiance que lui inspire la paléontologie le laisse dans la conviction que les sables de la première localité doivent être l’équivalent des grès de Cognac, et former par conséquent ia base de la craie supérieure, et non point être une dépendance des grés verts. Quant à Maëstricht, les fossiles qu’il en possède, et qui se retrouvent à Aubeierre, lui font penser qu’avec un peu d’attention on finira par y dé- couvrir le même ordre de distribution que dans la Charente. Meudon ne renferme évidemment qu’une partie de la craie blanche , et ne remonte pas au-dessus du niveau de XAnan- ehytes ovata du sud-ouest. Au-dessus de cet horizon, on re-^ trouve à Aubeterre les bancs à O. pyrenaica , Leym., O* larva , Conoclypeus Leskei , Sphœrulites Hœninghausi , Orbitolites me- dia, He/niaster pru/iella, qui se répètent à Maëstricht, et enfin, au-dessus de ces derniers systèmes, les couches à Hippurites radio sus, Radiolites Jouanneti , etc., qui doivent se rapporter aux couches de Maëstricht à Hippurites Lapeirousii. Les rapports de ressemblance et les synchronismes que M. Coquand a établis entre les formations crétacées de la Pro- vence, de la Touraine et du sud-ouest, du moins pour les étages qui sont représentés dans ces diverses contrées, existent pareil- lement pour la craie du département de l’Aude, dont M. d’Ar- chiac a donné une description en 1854 ( Bulletin , t. XI, p. 185). En effet, ce géologue a résolu, pour ainsi dire sans appel, l’ordre de succession des couches-, /('car elle a été vérifiée des » deux côtés de la rivière de la Sais, puis dans les montagnes » et les vallées adjacentes, sur un assez grand nombre de points, yy pour ne nous laisser aucune incertitude (p. 186). )> Ainsi, l’avantage qu’offre ce travail est, sans contredit, celui de s’ap- puyer sur les lois de la superposition, et par conséquent de relé- guer au second plan les conséquences à tirer de la distribution des fossiles. ’■ M. d’Archiac reconnaît dans les . coupes détaillées qu’il a 880 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME, données de la vallée de la Sais, au-dessous de grès et d’argiles non fossilifères : 4 e Des marnes bleues, avec Pecten quadricostatus , Spondylus spi - noms , Exogyra Matheroniana et Ostrca vcsicularis? . 2° Des grès, des calcaires et des marnes. 3° Des calcaires jaunâtres et bruns, avec Jnanchytes ovata , Mi- craster brevis, Pcctcn quadricostatus , Ostrca frons, terebratula difformis , Cerithium renncnse , d’Arch. ( Phasianella supra - cretacca , d'Orb.). 4® Des calcaires solides, jaunes. 5° Des poudingues calcaires, à noyaux de quartz. Sans se préoccuper ici des caractères pélrograpbiques , M. Coquand reconnaît déjà dans le système supérieur les re- présentants au moins de ses étages santonien et coniacien, sinon une partie de l’étage campanien, c’est-à-dire une grande partie de la craie supérieure telle qu’il l’a définie dans le sud- ouest. Mais continuons ; 6° Calcaire à Rudistes, à Hippuritcs organisons , biocu/atus , etc. 7° Grès, calcaires et marnes alternant. 8" Calcaire avec Exogyra columba , jlabellata , Ostrea carinata et Cap rin cl la tri an gu l a ris , 9° Grès quartzeux jaunâtre. 10° Calcaire gris, avec Alvéolines. 11° Calcaire en plaquettes. Ce deuxième système nous montre, dans les nos 6 et 7, nos étages provencien et angoumien de la craie inférieure de la Charente $ dans les nos 8, 9, 10 et 11, l’étage carentonien avec les mêmes fossiles, la même Caprine lia , les mêmes Alvéo- îines et dans la même position. Or, comme cette coupe se rap- porte aussi bien au terrain crétacé de la Touraine, il résulte pourM. Coquand la démonstration rigoureuse que dans l’An- gleterre comme en Belgique, que dans les bassins de la Loire, de la Seine, comme dans celui de la Gharente, que dans les Pyrénées comme en Provence et dans le Jura, l’ordre de suc- cession des divers étages de la craie est invariablement le même -, que cet ordre est aussi nettement indiqué par la super- position que par la différence de faunes, et que des faunes DU 6 AU 1 h SEPTEMBRE 1857. 881 semblables correspondent dans ces divers bassins à des étages synchroniques. C’est ce que reconnaît très bien M. d’Archiac lui-même, en parallélisant les assises de l’Aude avec celles du sud-ouest. « La présence de la Caprinella triangularis (p. 204) si carac- » téristique, citée pour la première fois dans les Corbiéres, » ajoute l’auteur, rend l’analogie frappante (par rapport à la » Dordogne et aux deux Charentes), et ce qui ajoute encore à » l’identité des rapports, c’est l’existence d’une couche à AI- » véolines précisément à la base de la formation sur l’un et )) l’autre point. » Cette déclaration de principes, à laquelle M. Coquand s’as- socie sans restriction, ne serait-elle vraie pour l’auteur dont on a cité les paroles que pour un seul fossile et pour un seul étage de la craie? Si le fait est applicable aux autres terrains de la série, pourquoi alors M. d’Archiac concède-t-il à YAnan- chytes ouata , au Conoclypeus Leskei , à l’ Hemiaster prunella , à Y Hemipneustes radia tus , à Y Orbitolites media , aux Ostrea frons , la rua, vesicularis au Sphærulites Hœninghpusi , à VHip- purites radio sus , et 5 une foule d’autres fossiles communs à Maëstricht et à la Charente, le privilège singulier de repré- senter la craie supérieure sur les bords de la Meuse et la craie inférieure sur ceux de la Charente? M. Coquand espère que les arguments sur lesquels il s’est appuyé pour combattre l’opi- nion de M. d’Archiac feront cesser cette contradiction appa- rente, et démontreront que la paléontologie est en accord parfait avec la géologie. Ces observations, qu’on aurait pu renforcer par de nouvelles preuves, suffiront pour justifier le classement nouveau que M. Coquand a adopté, et qui peut se résumer par les deux propositions suivantes : 1° La faune de la craie glauconieuse de Rouen et des grés verts inférieurs du Mans n’est point représentée dans les deux Charentes -, 2° La craie supérieure qui commence aux couches à Ostrea auricularis est plus complète que dans le bassin de Paris, et remonte aussi haut qu’5 Maëstricht (l’étage pisolithique ré- servé). Soc. géol “2e série, tome XIV 56 882 RÉUNION EXTRÀODMNAïUE A ANGOULÊME Le tableau suivant indique dans leur ordre de succession les étages reconnus parM. Coquand dans la portion des formations crétacées placée au-dessus du gault : Craie inférieure. Étage rothomagien. — Ammonites rothomugensis , varians , Man- telli, Seaphites œqualis , Turrilites costatus , Pecten asper. — ~ Rouen, Sancerrois, Provence, le Mans, Gard, Jura, Surrev. — • 2e horizon de rudistes. 2e Étage gardonien. — Espèces lacustres très abondantes à Saint- Paulet. — Gard, Provence, île d’Aix, Angoulême. 3e Étage carentonien. — Sphœrulites foliaceus, Caprina aciversa , Ostrea columba, plicata , b i a a rie ulata , J an ira Fleuriausi , Am- monites Flèüfiaiisi , navicülàHs , Terebratula péctita. - — La Touraine, la Sarthe, Sainte-Maure, les deux Charentes, la Dordogne, la Provence, le Gard. — 3e horizon de rudistes. 4e Étage angoumien. — Racliolites lumbricalis , Sphœrulites ponsia- nus. — La Sarthe, la Touraine, Sainte-Maure, les deux Cha- rentes, la Provence. — 4e horizon de rudistes. h® Étage provencien. — Sphœrulites Sauvages i , Moulinsi , Hippu- rites cornu-vaccinum. — La Touraine, les deux Charentes, la Provence. — - 5e horizon de rudistes. Craie supérieure. \tr Étage coniacien. — - Ostrea auricularis , Terebratula Arnaudi t Sphœrulites Coquandi. — Touraine, les deux Charentes, Péri- gord. — 6e horizon de rudistes. 2e Étage santonien. — Mi cr aster brevis , Spondylus trancatus , Rhjrn- chônella véspertilio , Kadiolites Arncaidi. — Touraine, les deux Charentes. — 7e horizon de rudistes. 3e Étage campanien. — Ostrea vesicularis , Icirva , Ananchytes ovata , Baculites Faujasi , Hemiaster prunelle , Conoclypeus Leskei , Sphœrulites Uœninghausi , a/atus, Radiolites royanus , fis si- costatus . — Meudon, Maastricht, les deux Charentes, la Pro- vence, les Alpes du Dauphiné, Gensac (Haute-Garonne). — * 8e horizon de rudistes. 4e Étage dordonien. — Ostrea lameraciqna , Wppurites radio sus , Radiolites Jouanneli , Bournoni , Sphœrulites Toucasi , cylin- draceus. — Les deux Charentes, la Dordogne, Maëstricht. — 9e horizon de rudistes. Il est à remarquer que les nombreuses espèces de rudistes qui caractérisent ces divers étages ne se trouvent jamais con- fondues. Ce sera l’honneur de la paléontologie sainement inter- prétée de faire justice de toutes les erreurs commises jusqu’ici DU 6 AU 1 h SEPTEMBRE 1857. 883 par les géologues stratigràphes qui n’ont pas tenu assez compte de la distribution des fossiles. Séance du dimanche 13 septembre 1857. PRÉSIDENCE DE M. COQUAND. En l’absence de M. Gaudry, secrétaire, M. Paul Marés est prié par M. le Président d’en remplir les fonctions. M. Coquand rend compte de la course faite dans ia journée. La Société avait accepté de l’un de ses collègues, M. de Nanclas, l’invitation qu’il lui avait adressée de passer le di° manche au château de Malberchie, qui est placé presque sur 1a limite de la craie inférieure et de la craie supérieure. Cette station, si heureusement choisie, offrait la faculté d’étudier et de contrôler, avec toute la convenance désirable, les relations des divers étages que l’on avait déjà étudiées dans les arron- dissements de Cognac et de Barbezieux. Arrivée à la station de Charmant, la Société a reconnu dans les tranchées du chemin de fer une craie marneuse, blanche, avec Ostrea vesicularis et Radiolites fis sico status, puis elle s’est rendue à La Yallette en voiture. De là elle a gagné à pied le château de Malberchie, en battant les coteaux de la R a fu- me qui sont le prolongement de celui qui supporte le château ruiné de La Yallette. Elle a traversé d’abord les calcaires avec silex , caractérisés par l’ Ostrea proboscidea , le Spondylus truncatus , le Micraster brevis (étage santonien). Au point d’intersection de la route de la Rochebeaucourt et de celle de Malberchie, elle s’est trouvée en face de bancs également crayeux, avec Ostrea vesicularis , santonensis, fro/is, Matlie - roni. La première est tellement abondante que les terres qui proviennent de la destruction des bancs qui la renferment en sont littéralement couvertes. Les bancs supérieurs ont fourni le Radiolites Hœninghàusi , Y Hemiaster pnmella et YOstrea vesicularis. Le coteau de la Raffinie appartient à la craie blanche de Meudon,et il constitue la partie la plus élevée 88 fi RÊUNIOft EXTRAORDINAIRE A ANGOÜLÈME , de îa formation crétacée représentée dans cette localité} mais on sait qu’elle est plus complète dans les environs d’Aubeterre et de Montrnoreau. De la Raffinie, la Société s’est rendue à Malberchie, en suivant une dépression de terrain qui l’a remise en présence de l’étage santonien , et remarquable par la grande quantité de Spon- dylesà test siliceux qu’elle renferme (S. truncatus , s auto tien sis). Dans les environs du château, on a fait ample moisson de Rhynchonella vespertilio , de Terebratula coniacensis , d 'Ostrea proboscidea, d’échinodermes, puis elle a fait honneur à un déjeuner confortable qui s’est terminé par la visite des collec- tions de M. de Nanclas. La Société s’est ensuite dirigée vers les coteaux qui s’éten- dent au midi du château, et elle a bientôt quitté l’étage santo- nien pour entrer dans l’étage coniacien , que des milliers Ostrea auricularis , détachées de leur gangue, ont facilement fait reconnaître. Il serait peut-être impossible de citer une se- conde localité où une seule espèce de fossiles ait pris autant de développement que Y Ostrea auricularis dans le canton de La Vallette. La base du coniacien est formée d’un calcaire à grains tendres qui permet de l’utiliser comme pierre de taille. Plusieurs carrières ont été ouvertes à ce niveau, entre Ron- cenac et La Yallette. L 'Ostrea auricularis y est associée à une foule de bryozoaires et à Y Area sagittata. Une particularité â signaler consiste en un banc de jaspe jaune, feuilleté, qu’on trouve subordonné â cet étage dans le voisinage de Vinaigre. De grandes plaques sont dressées en pierres druidiques à quelque distance des affleurements. Après avoir atteint au fond de quelques ravins les bancs supérieurs de l’étage provencien, on a tiré en écharpe vers le N.-E., et l’on a gravi la butte élite de Chaumont, que sa blancheur désigne de loin, en remontant la série de îa craie supérieure jusqu’au niveau des Ostrea vesi - cularis , c’est-à-dire en recoupant le même système géologique que l’on avait reconnu depuis La Vallette jusqu’au coteau de la Raffinie. Un dîner splendide attendait la Société à son retour au château. M. et madame de Nanclas en ont fait les honneurs avec autant d’amabilité que de distinction, çt aussi, lorsqu l’heure du départ fixé par les exigences réglementaires du DU 6 AU l/l SEPTEMBRE 1857. 885 chemin de fer a sonné, chacun a trouvé trop courte une jour- née si bien remplie. A la suite de cet exposé qui ne soulève aucune discussion, M. Delanoüe fait une communication fort intéressante sur la formation des minerais de fer, de manganèse et de plomb, qu’on remarque dans le voisinage de la zone granitique du départe- ment de la Dordogne. Il recherche les causes probables aux- quelles ces diverses substances doivent leur origine. Suivant M. Delanoüe, des sources thermo-minérales se se- raient fait jour à travers les eaux de la mer jurassique, et auraient apporté de l’intérieur du globe des principes particu- liers qui se seraient incorporés aux matériaux ordinaires dont se composent les divers étages de la formation oolithique. M. Goquand expose que, dès la première année qu’il s’est occupé de la carte géologique de la Charente, il s’est appliqué à rechercher la part que pouvait revendiquer la nature du sol dans la production des diverses qualités d’eaux-de-vie qui font la richesse et la réputation du département. Le commerce en reconnaît généralement quatre qualités qui sont cotées à des prix différents, et que l’on désigne sous les noms d’eaux-de- vie de grande Champagne , de petite Champagne , de bon bois et de bois. La première provient presque exclusivement des coteaux méridionaux de l’arrondissement de Cognac qui sont composés d’un calcaire crayeux, tendre, et qui correspondent à la craie blanche deMeudon, dont ils renferment les principaux fossiles, XOstrea * vesicularis entre autres. La petite champagne commence au pied de ces coteaux, et forme la vaste plaine qui, des environs de Châteauneuf, s’étend par Segonzac jusqu’aux plaines de Cognac, et dont le sol est aussi constitué par un cal- caire crayeux, mais un peu plus consistant que celui de la grande Champagne. Cette plaine est occupée presque exclusi- vement par l’étage santonien. Le bon bois est spécial aux cal- caires durs et solides, dont le sous-sol, ordinairement très pierreux, est connu sous le nom de terrain de groie (gravois). Les étages coniacien, provencien et angoumien sont les types par excellence de ces sortes de terrain. La formation jurassique, surtout les étages portlandien et kîmméridien, composés de calcaires marneux et de calcaires solides, reproduit fréquemment 886 RÉUNION extraordinaire a angoulême , les accidents dü sol de groie, et donne naissance à des produits identiques. Enfin, le terrain tertiaire avec ses argiles et ses sables, et dont le sol avant Se défrichement était couvert de bois, donne des vins plus forts, propres à la table, mais qui fournissent des eaux-de-vie moins estimées, et qui n’acquièrent jamais en vieillissant la saveur ni le moelleux des eaux-de-vie de la fine Champagne- La réputation justement méritée dont jouissent les produits des environs de Cognac ne tient point à des idées de vogue ou de caprice, comme on l’entend souvent répéter : elle est liée essentiellement et matériellement à la constitution géologique du sol, c’est-à-dire à l’extension qu’ont prise les étages campanien et santonien, ainsi qu’à la rareté des terrains tertiaires. Les cantons de La Vallette et de Blanzac, l’arrondissement tout entier de Barbezieux, sont aussi envahis par la formation crétacée supérieure, la même qu’on observe dans la Champagne de Cognac $ mais ici le recouvrement par les terrains tertiaires, d’une grande partie de la surface des coteaux les mieux exposés, en altérant la qualité des terres, a aussi altéré la qualité des produits qui exigent avant tout des sols calcaires. Ce fait a conduit à supposer à tort que les calcaires blancs étaient im- propres dans ces contrées à fournir des esprits aussi fins que dans la Champagne, et ce jugement, formulé d’après la moyenne des produits mélangés, a trompé les agriculteurs, mais non les acheteurs, sur la valeur réelle de certaines eaux-de-vie qui, vendues directement ou bien entreposées dans les caves de la grande Champagne, ont pu, grâce à ce baptême, entrer en concurrence avec les provenances des cantons privilégiés de l’arrondissement de Cognac. M. Coquand, fort d’une expé- rience de huit années, ne craint pas d’affirmer que c’est à la géologie que revient l’honneur d’avoir éclairé les propriétaires sur leurs véritables intérêts par l’application d’un principe ré- parateur, et il se, félicite beaucoup d’avoir été pour ainsi dire l’instrument qui a opéré cette révolution agricole. Aussi la question de la qualité des eaux-de-vie, que fournit en si grande abondance le département de la Charente, se résout par une formule géologique, et l’examen du sol ou de la carte géolo- DU 6 AU 1 h SEPTEMBRE 1857. 887 gique suffit pour en déduire la qualité des produits. Là où la composition du sol est adultérée par la présence du terrain tertiaire, ajoute M. Coquand, faites des vendanges géologiques, et vous assurerez à vos vins distillés la valeur commerciale que la géologie peut établir d’avance. M. Coquand termine cette communication par un aperçu comparatif entre les terrains de la Champagne, de la Marne et ceux de la Champagne charen- taise q il fait remarquer que les uns et les autres, appartenant à la même formation géologique, présentent une composition identique, et offrent, pour la culture de la vigne, des circon- stances favorables particulières qui assurent une supériorité incontestable aux vins ou eaux-de-vie qui en proviennent. Il est à noter de plus que, dans ces dernières années de disette, la Charente a expédié sur Reims la plus grande partie de ses vins blancs, lesquels, moyennant des lettres de naturalisation, ont été livrés à la vente comme des vins de champagne mousseux. La séance est levée à dix heures. Séance du lundi 14 septembre 1857, PRÉSIDENCE DE M. COQUAND. La séance est ouverte à sept heures et demie du soir, dans la grande salle de l’hôtel de ville, où se pressait un auditoire plus nombreux encore qu’à l’ordinaire. La procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. M. Coquand rend compte de l’excursion que la Société a di- rigée dans la journée au gouffre de Touvre et dans ses environs, La Société avait à examiner la nature des terrains du sein desquels s’échappe en bouillonnant la source magnifique de la Touvre, cette rivière qui, comme celles de la Loire et de Vaucluse, est susceptible de porter bateau à son origine. Elle a d’abord reconnu que les calcaires à Caprina adversa et les grès verts qui les supportent reposent, près du village de Touvre, sur l’étage kimméridien à Ostrea virgula . Les cou- 888 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , ches à Ostrea se relèvent fortement au-dessus du gouffre, et paraissent n’exister à ce niveau que par suite d’une faille diri- gée du nord au sud-, car, près de la Laiche, on trouve, à un niveau bien plus bas que sur le coteau voisin où elle se montre également, l’oolithe corallienne caractérisée par de nombreux polypiers, des Nérinées et le Dicerns arletina , et qui est sépa- rée du kimméridien à Gryphœa virgnla par toute l’épaisseur d’un sous-étage corallien, représenté par des calcaires litho- graphiques qui manquent à la Laiche, et qu’on rencontre au- dessus du kimméridien, vers la limite de la forêt de la Bra- conne et ailleurs, ce qui indique clairement que les calcaires à Diceras butent contre les calcaires à Ostrea inrgula ; mais, dans des contrées aussi peu accidentées et aussi bien cultivées que dans la Charente, le voisinage des failles n’est guère indi- qué que par les dénivellations des étages. On sait que le Bandiat et la Tardouère, qui coulent à un niveau supérieur de ZiO mètres par rapport au gouffre de Touvre, s’engouffrent dans des cavités qu’elles rencontrent au milieu des étages inférieurs et moyens de la formation juras- sique, ce qui les empêche d’arriver jusqu’à la Charente. Dès lors, la réapparition de leurs eaux sous forme artésienne, après que dans leur parcours souterrain elles sont ramenées au jour par la faille, n’a rien de surprenant. La température des eaux de la Touvre, qui est à peu prés égale à la température moyenne de la contrée, repousse toute hypothèse qui tendrait à la faire considérer comme provenant d’un point éloigné de la surface de la terre. Leur fraîcheur et leur limpidité constante rendent cette rivière célèbre à cause de la quantité et de l’excellence des truites et des écrevisses qu’elle fournit à la consommation. La Société a visité à son retour la fonderie impériale de Ruelle, et elle a assisté au coulage d’un canon. M. Coquand regrette que la Société avant de se séparer ne puisse consacrer quelques jours de plus à l’exploration des diverses formations qui se développent au-dessous de la craie qui a été l’objet presque exclusif de ses investigations pendant la session extraordinaire. Sur la demande de ses collègues, il trace sur le tableau l’ordre de succession des divers étages DU 6 AU Itl SEPTEMBRE 1857. 889 qu’il a reconnus dans la Charente, et il en résume les carac- tères dans la communication suivante : 1° Terrain granitique. — Ce terrain, qui est une dépen- dance du plateau central, forme la lisière orientale du départe- ment. La masse générale consiste en un système puissant de schistes cristallins (gneiss, micaschistes, amphibolischistes, argiloschistes) , à couches très redressées, et traversées par un grand nombre de filons de quartz concordants. Ce système est traversé sur plusieurs points par des granités porphyroïdes qui s’y présentent sous forme d’amas plus ou moins étendus. Les environs de Confolens (Saint-Michel), d’Étagnat, de Brigueuil, du Pas-de-la-Mule, sont les points principaux où ces couches d’origine plutonique sont le plus développées. On observe aussi, soit au milieu des schistes cristallins, soit au milieu du granité lui -même, des dykes de porphyre brun, quartzifère, appartenant à l’espèce orthophyre. Quelques filons de galène qui ont été l’objet de plusieurs recherches entre Confolens et Saint-Germain, et un filon d’an- timoine sulfuré près d’Étagnat, voilà les principales richesses minéralogiques que présente cette formation ancienne. 2° Terrain du grès bigarré. — C’est avec doute que M.Co- quand rapporte à ce terrain un lambeau très circonscrit de grés, d’argiles et de poudingues, à ciment rougeâtre, et à fragments de quartz, de granité et de micaschistes, que l’on observe sur l’emplacement même de Chassenon, et dans lequel subsistent encore bon nombre de constructions romaines. Comme ce dépôt, dont les couches sont redressées et reposent sur les micaschistes, n’est pas recouvert, et que d’un autre côté on ne le retrouve nulle part au-dessous du terrain juras- sique, il paraît naturel de lui assigner d'office cette position, en attendant que des observations ultérieures, recueillies sur des points plus favorables, fournissent des renseignements plus précis. 3° Terrain jurassique. — Cette formation, qui occupe une très grande surface du département, se compose: A, du grés infraliasique et du lias; B, du jurassique inférieur-, C, du jurassique moyen j D, du jurassique supérieur. A. Lias. — La formation jurassique débute par des masses 800 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÀNGOULÊME , très puissantes de grès feldspathiques, solides ou sableux, dont on peut voir de très belles coupes dans les environs deCherves, de Chatelard, de Genouillac, de Cherchonnies, d’Epénède, d’Écuras, etc., etc. A Cherves, on remarque quelques bancs subordonnés de jaspes jaunes et bruns, contenant plusieurs fossiles du grès d’Hettange. Aux arkoses succède le lias inférieur. Cet étage consiste en un calcaire doîoinitique, jaunâtre, tendre, connu sous le nom de pierre morte , Il renferme de nombreuses géodes tapissées de chaux carbonatée et de baryte sulfatée cristallisée. Cette dolomie représente le calcaire à Gryphites dont il occupe la place, mais elle ne contient aucun fossile. Au-dessus se déve- loppe un système calcaire grisâtre, à couches puissantes, rem- pli de silex, et caractérisé par des Bélemnites, le Pecieri œqui- valvis, la Plicatula spinosa , l 'Ammonites margaritatus : c’est le lias moyen. 11 est surmonté par les marnes supérieures du lias avec Ammonites bifrons , radians , opalinus , Nucula Ha m me ri, etc. B. Jurassique inférieur. — L’oolithe inférieure a peu d’épais- seur dans la Charente, et il est impossible, à cause de son peu de développement, d’y établir autant de divisions que dans le Jura ou la Normandie. Ainsi, du côté de Montbron, on ne tra- verse guère, jusqu’à l’étage du cornbrash, qu’un ensemble de bancs calcaires, ferrugineux, à grains miroitants, caverneux et d’origine travertineuse. On n’y observe aucun fossile ; mais dans la portion septentrionale du département, et surtout dans les environs de Saint-Gervais et de Nantenil, on constate au- dessus des marnes supérieures du lias une alternance de cal- caires et de marnes exploitées pour la fabrication de la chaux hydraulique, et renfermant le Belemnites tripartitus , Y Ammo- nites opalinus , Y Ostrea Phœdra ou Buchmani ; viennent en- suite des calcaires compactes, brunâtres, avec Ammonites pofymorphus , Humph rie sia nus, Sowerbyi , Murchisonœ , Tere- bratula perovalis , représentant l’oolithe ferrugineuse. Les memes calcaires, mais devenant plus marneux, sont exploités comme pierre à chaux hydraulique au Pont du Cluseau, entre Confolens et Saint-Giaude. L’oolithe ferrugineuse supporte des calcaires blanchâtres, DU 6 AU 14 SEPTEMBRE 1857. 891 compactes, avec rognons siliceux, et caractérisés par l’ Ammo- nites Parkinsoni et la Terebratala globata , auxquels succèdent d’autres calcaires de même couleur, conservant les rognons de silex, mais dépourvus de fossiles. Le jurassique inférieur est couronné par des bancs formés d’ooîithes grossières, mal agglutinées, et dans lesquelles on recueille les Terebratala digona et coarcta ta , et une foule de polypiers sacciiaroïdes, parmi lesquels prédominent des Lithodendrons qui, par leur taille et leur abondance, rappellent le faciès de l’étage coral- lien. Deux points classiques pour ce cornbrash sont Sainte- Catherine, entre Montbron et Martfaon, et les alentours du village de la Tache, prés de Saint-Claude. C. Jurassique moyen. — Cet étage est très bien développé dans la Charente, et il est susceptible de plusieurs subdivisions. La partie inférieure est représentée par les étages kellovien et oxfordien, et la partie supérieure par l’étage corallien. Le kellovien, dans le sud-est du département, consiste en un calcaire oolithique, à ooîithes fines, régulières, bien for- mées et noyées dans un ciment spathique. Il fournit d’excel- lentes pierres d’appareil, et il est exploité entre Saint-Sauveur, Marthon et Saint-Germain -, oo le connaît sous le nom de pierre de Sainte-Catherine , du lieu où existent les carrières princi- pales. On y a recueilli le Belenmites Iatesulcatus , les Ammo- nites anceps , Jason et lunula; mais ces fossiles sont peu abon- dants. A mesure qu’on se rapproche des environs de Ruffec, le calcaire prend sa structure oolithique j il devient compacte ou un peu marneux, et il présente alors une quantité prodi- gieuse de céphalopodes de grande taille (Ammonites bullatus, tumidus ou macrocepha/us, coron a tus, Jason , anceps, lunula , Backeriœ, Belenmites Iatesulcatus). L’oxfordien proprement dit, dans le sud-est de l’arrondisse- ment d’Angoulême, et surtout dans les environs de Montbron, est aussi oolithique, et ne se sépare du kellovien que par le changement de faune. 11 devient compacte vers Vilhonneur et Rancogne, calearéo-marneux près du pont d’Ayris, et marno- argiieux dans le canton de Yillefagnan, où Ses fossiles, de na- ture calcaire partout ailleurs, sont passés à l’état pyriteux. Les fossiles les plus abondants sont les Ammonites hecticus, ocu°° 892 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÀNGOULÊME , latas , biplex , la Belemnites hastatus , la Terebratula Thitr - manni , etc. L’élage corallien comporte quatre subdivisions. Le premier sous-étage correspond au corallien inférieur; il est formé de bancs calcaires jaunes, très puissants, avec Belemnites hastatus , Cidaj'is Blumenbachi , Hemicidaris crenularis , et une grande quantité de polypiers. C’est l’équivalent du terrain à chailles de Besançon. On peut l’observer aux chaumes de Ronsenac, dans la forêt du Bois-Blanc, entre la Rochefoucault et le Pont- de-la-Bécasse, à Nanclars, à Villefagnan, etc. Le second sous-étage est aussi un calcaire très solide (Gras- sac), tantôt tendre, à grains fins, et exploité comme pierre de taille (Libourne) ; chez les Fourauds, commune d’Agris ; aux Chenets, près l’Armand-de-Boumieure, et renfermant les Te - rebratula insignis et inconstans , et une Crania qu’on retrouve également à Bourges. Le troisième sous-étage est l’oolithe corallienne, dont la forêt du Bois-Blanc offre le type le plus parfait. On y trouve des oolithes de toute taille, depuis la grosseur d’un grain de millet jusqu’à celle d’une noix. Les polypiers foisonnent à ce niveau, et y sont associés à des Nérinées et à la Diceras arietina . Enfin le quatrième sous-étage, qui rappelle les calcaires lithographiques des environs de Besançon et du Bugey, acquiert une épaisseur considérable, et consiste en une alternance de marnes bleuâtres, de calcaires marneux et de calcaires à cassure lithographique. Une grande portion de la forêt de la Braconne, de Jauldes, de Saint-Amand-de-Boire, de Tusson, est occupée par ce système. Les plateaux sont pierreux et couverts de forêts, tandis que les pentes des coteaux, à cause de la présence des marnes subordonnées , sont occupées par d’excellents vignobles. On observe à la partie supérieure de ce sous-étage quelques bancs d’un calcaire oolithique qui ont fourni les ma- tériaux avec lesquels a été construite la célèbre église de Saint-Amand-de-Boire. V Ammonites Achilles, quelques Téré- bratules et un Lithodendron, voilà à peu prés les seuls fossiles qui ont été remarqués dans la partie supérieure de l’étage corallien. DU 6 AU 14 SEPTEMBRE 1857. 893 D. Jurassique supérieur. — Il se compose de trois grands étages qui sont le kimméridien, le portlandien et le pur- beckien. L’étage kimméridien débute par des calcaires marneux avec Astarte minima que surmontent des bancs à Apiocrinus Menant ; viennent ensuite d’autres bancs avec Pteroceras Pond , Pholadomya Protêt , auxquels succèdent, mais en pre- nant un développement considérable, les marnes à Exogym anrgula et Ceromya excentrica. Les coteaux qui ont le kim- méridien pour sol sont d’une fertilité remarquable; ils sont généralement recouverts par des vignobles qui font la richesse des cantons de Vars, d’Aigre, de Rouillac. On sait en effet que les sols argileux, semés de débris calcaires, conviennent très bien à la vigne. Or, aucun étage, à cause des alternances de calcaires et d’argiles ne se prête mieux que le kimméri- dien à la production de ce genre de terrain. L’étage portlandien se compose de calcaires marneux jaunes, de calcaires oolithiques et de calcaires lithographiques. Le Pecien jarnacensis , la Mactra insu/arum, le Cardium dissimile, des Nérinées, des Anatines, sont les fossiles les plus abondants qu’on observe dans cet étage. On ne mentionne ici que pour mémoire l’étage purbeckien, dont les caractères, ainsi que la position, ont déjà été signalés. 5° Terrains crétacés. — Après le soulèvement de la for- mation jurassique, le sol de la Charente resta émergé pendant une longue période qui permit à la mer crétacée de déposer le terrain néocomien tout entier, le gault, ainsi que l’étage rotho- magien. Un nouveau mouvement survenu dans cette même mer en amena les eaux pour la première fois dans la partie du sud-ouest qui nous occupe, et ces eaux formèrent sans inter- ruption cette série nombreuse de bancs, dont l’ordre de succes- sion, ainsi que ies êtres nombreux qu’elle renferme, ont été l’objet de l’attention soutenue de la Société. Si les divers terrains que nous venons de mentionner con- stituent la charpente fondamentale du département de la Cha- rente, on se tromperait beaucoup si l’on pensait que toutes les zones qu’ils dessinent souterrainement se montrent en entier à la surface. Les couches superficielles ne sont pas, tant s’en 894 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , faut, ia reproduction du cadastre du tréfonds. Sans parler ici de la terre végétale, il est à remarquer que des terrains ter- tiaires non recouverts forment un manteau déchiré au-dessus des couches anciennes qui ne deviennent visibles qu’à travers les déchirures de ce manteau. 6° Terrains tertiaires. Les terrains tertiaires n’appar- tiennent qu’à un seul et unique étage, dont la rareté, pour ne pas dire l’absence de fossiles, et le manque de calcaires, n’ont pas permis jusqu’ici aux géologues qui s’en sont occupés, de fixer l’âge, et par conséquent la place dans la série. M. Raulin les regarde comme éocénes ; M. Manès, d’accord avec les au- teurs de la Carte géologique de la France , les fait miocènes. M. Coquand les fait pliocènes, c’est-à-dire synchroniques des sables des Landes et des argiles à minerai de fer de la Bresse et de la Haute-Saône. Il se fonde sur leur indépendance, leur non-recouvrement, et surtout sur la découverte qui a été faite, entre Ghalais et Parcou, de défenses et de molaires du Masto- don arvernense dans une sablière exploitée pour le service du chemin de fer. Quoi qu’il en soit, les matériaux qui composent ce terrain sont : A. Des grés solides, souvent poudingiformes et même arko- siques,qui forment au milieu des sables incohérents des lentilles plus ou moins puissantes, dont les grains sont agglutinés par un ciment siliceux : ce sont les parties exploitées pour en re- tirer des moellons et des pavés connus sous le nom de grisou . B. Des sables micacés plus ou moins argileux, et fournissant quelquefois des sables réfractaires. G. Des argiles grises, bleuâtres, jaunes, rouges, blanches ou bariolées, donnant naissance à des landes ou à des terres froides que les bruyères et les châtaigniers recouvrent. Quel- quefois ces argiles sont cimentées par de l’hydrate de fer, et, quand elles présentent assez de solidité, elles fournissent des matériaux qu’on utilise dans la construction à la manière des moellons et des pierres de taille (environs de Pont-à-Fy). D. Des silex pyromaques (pierres cornues), engagées au milieu des argiles sous forme de noyaux irréguliers et noduleux. Ges silex ne sont pas roulés, mais ils ont été déposés sur place DU Ô AU 1 k SEPTEMBRE 1857. 895 à la manière des meulières. Il ne faut point les confondre avec des silex roulés, arrachés à des formations plus anciennes qu’on leur trouve associées. Ces dernières renferment ordinairement des fossiles jurassiques ou crétacés, tandis que les premiers en sont totalement dépourvus. E. De minerais de fer pisolithique, en grains concentriques, libres ou agglutinés, ou bien disposés en rognons et en géodes de volume variable, dont l’intérieur renferme une pellicule d’hématite brune, mamelonnée à la surface et fibreuse dans la cassure. Ces minerais, de très bonne qualité, alimentent les hauts- fourneaux de la fonderie impériale de Ruelle, ainsi que quel- ques fourneaux situés dans le voisinage des gisements les plus importants. Nous ne citerons que pour mémoire deux gisements d’ar- giles charbonneuses, pyriteusqs : l’un près de Lafaye, entre Barbezieux et Montmoreau \ le second dans les landes de Soyaux, près d’Angoulôme. Dans le canton de Chabannais, à Maison-Rouge, les terrains tertiaires renferment une argile blanchâtre réfractaire qui est emportée à Limoges et employée â la confection des gazettes. Quelques faïenceries et un grand nombre de tuileries s’ali- mentent avec les argiles appartenant à cette formation. Disons en passant que le chaulage donne aujourd’hui beaucoup de valeur à des terres qui, composées presque exclusivement de sables et d’argiles, étaient de véritables landes il y a quelques années. L’arrondissement de Confolens surtout a vu sa prospé- rité agricole s’accroître dans des proportions considérables , grâce à l’emploi de cet amendement minéral. C’est ici le lieu de parler de la position des minerais de man- ganèse avec allophane, que l’on observe sur quelques points du département, et qui ont été signalés depuis longtemps dans les environs de Nontron et de Thiviers, où ils ont été exploités. Les divers géologues qui ont écrit sur ces gisements se sont accordés jusqu’ici pour les rapporter à la formation jurassique. M. Coquand est d’un sentiment tout opposé. En effet, suivant ce professeur, ces minerais sont dans la Charente complète- ment indépendants de la formation jurassique $ seulement 806 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , comme les couches secondaires sont peu inclinées, et que même, en ne les considérant que surde faibles étendues, on peut les considérer comme étant horizontales, il résulte de cette disposition que les sédiments postérieurs qui les ont recouverts semblent, malgré leur transgressivité, concordants avec eux. Cependant, en examinant les choses de plus prés, il est facile de s’assurer de leur indépendance réciproque, et de voir que les uns et les autres ne se sont pas suivis normalement dans l’ordre de succession, et que de plus les bancs manganésiféres ne peuvent être séparés des terrains tertiaires avec lesquels ils se confondent. La composition de ces bancs est simple; elle consiste géné- ralement en des silex pyromaques, verdâtres, jaunâtres, bruns ou noirs, disposés en strates irréguliers, et fendus en divers sens par de nombreuses gerçures. Ils alternent ou bien ils sont mélangés avec des argiles onctueuses, brunâtres, des sables micacés et feldspathiques, le tout formant un manteau plus ou moins épais, non recouvert, et qui s’étend indifféremment sur les divers étages de la formation jurassique. C’est ainsi qu’à Epénède les silex avec argiles, renfermant du manganèse peroxydé, pisolithique, et des minerais de fer en grains, re- posent sur le lias inférieur ; on les observe dans les mêmes rap- ports à Saint-Martin, près d’Ambernac ; Coupe entre Saint-Martin et M.ontermenoux ( Conjolens ). un peu plus loin, presque en face, ils recouvrent le lias moyen à Pecten œquivalvis ; DU 6 AU l/l SEPTEMBRE 1857, 897 Coupe du pont du Cluseùu. Discordance du tertiaire par rapport au jurassique. J. Jurassique inferieur. A„ Argile verdâtre, avec nids d’allophanc. B. Couche de silex cassés et brisés. C. Silex bréchiformc, manganésifèrc, en bancs. D. Arkose décomposée. au pont du Gluscau), ils surmontent les calcaires de Poo- iithe ferrugineuse -, puis, prés de Yillars, en face de Cliantresac, ils s’étendent de nouveau sur le lias inférieur, et enfin- à quelque distance de là, sur le granité. Mais, quel que soit le niveau des étages jurassiques qui sont ainsi envahis, il est de la dernière évidence que ces derniers étaient soulevés, corrodés et ravinés à l’époque où s’effectuait le dépôt manganésifére , car celui-ci ne recouvre pas seulement les plateaux de manière à laisser supposer, comme on pourrait y être conduit d’après une simple inspection superficielle, qu’il continue le terrain jurassique -, mais il pénètre dans toutes les crevasses préexis- tantes qui sont fort irrégulières et qu’il a remplies avant de former des bancs plus réglés au-dessus d’elles. On a, en un mot, la reproduction de ces poches comblées qu’on rencontre si fréquemment dans la Franche-Comté et ailleurs, au contact des terrains tertiaires et des terrains secondaires. L’allophane forme au milieu de ces dépôts quelques nids insignifiants. Dés lors, il est raisonnable de conclure que les gisements de man- ganèse pisolithique qu’on observe au milieu des grès, des jaspes, Soc . géol.j 2* série , tome XIV, 57 898 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , des argiles et des sables dans la Charente, ne différent en au- cune manière des gisements manganésifères analogues que présente la Haute-Saône. Vouloir les introduire dans la forma- tion jurassique, ce serait violer, je ne dis pas les lois de l’ana- logie, mais les lois les plus incontestables et les plus élémen- taires de la géologie. F. Allumions anciennes. — Pour terminer la nomenclature des terrains qui sont représentés dans le département de la Charente, il ne reste plus qu’à signaler le terrain d’alluvions anciennes. On l’observe généralement dans le fond des vallées, où il est recouvert par les aîluvions anciennes, et il remonte à une certaine hauteur sur les flancs de ces mêmes vallées. Il va sans dire que les dépôts les mieux caractérisés appartiennent à la vallée de la Charente-, leur plus grande extension correspond à la plaine ondulée qui s’étend entre les coteaux de Jarnac, de ' Saint-Amand-de-Graves, de Sainte-Même et de Gondevil. Les matériaux constituants sont des cailloux roulés de granité, de quartz, de silex, des graviers et des sables, ainsi que des galets calcaires, le tout incohérent et sans stratification distincte. M. Coquand avait déjà découvert en !8/i9 une molaire d'Elephas primigenius dans les aîluvions de Bassac-, depuis, l’exploitation entreprise des cailloux du diluvium pour l’entre- tien des routes, dans les environs de Pisany-sous-Angoulême, a amené la découverte de nombreuses molaires, de défenses et de divers ossements du même animal qui sont conservés dans la collection de M. de Rochebrune. La grotte de Montgaudier, près de Montbron, a fourni des débris appartenant à YUrsus spœleus , à Y Hyena spœlea , aux genres bos , cervus et sus. A la suite de cette communication, M. Delanoüe demande la parole, et il dit que, ne connaissant pas les localités citées par M. Coquand dans la Charente, il ne peut avoir une opinion sur la position des minerais manganésifères, mais que pour la Dor- dogne, et notamment pour les gisements de Nontron et de Thiviers, il pense qu’ils appartiennent à la formation jurassique, et que M. Aie. d’Orbigny y a reconnu des espèces propres à l’étage inférieur. , M. Coquand pourrait mentionner à son tour des fossiles DU 6 AU lh SETTEMBUE 1857. 899 propres au lias, recueillies au-dessous des silex manganésifères, mais là n’est pas la question. Il demande à M. Delanoüe si, dans les deux localités de Nontron et de Thiviers, il a vu les dépôts de manganèse recouverts par des couches jurassiques. M. Delanoüe répond négativement, et il explique ce non-recou- vrement par l’intervention de sources thermo-minérales qui se seraient fait jour à la limite du terrain granitique et du terrain jurassique, et qui auraient amené dans ce dernier les minerais et les jaspes qu’on y remarque. Ce phénomène ayant continué à se produire, même après le dépôt des terrains secondaires, il n’y aurait rien d’étonnant que les manganèses de la Dordogne fussent de l’époque jurassique et ceux de la Charente contem- porains de la période tertiaire, les uns et les autres occupant les deux extrémités d’une chaîne continue. M. Coquand ne saurait admettre cette explication théorique ; pour lui les manganèses de la Charente sont exclusivement tertiaires , et cette opinion est partagée sans réserve par M. Harlé, ingénieur en chef des mines à Périgueux, qui lui a écrit que les minerais de la Dordogne ont été mal à propos intro- duits dans la série jurassique, et, ajoute M. Harlé, « il m’a été impossible de voir le terrain manganésifére recouvert par les couches jurassiques aux endroits indiqués par M. Dufrénoy, à Nontron et à Thiviers. La série des couches jurassiques peut s’y suivre parfaitement sans laisser de place pour les terrains manganésifères } il en est de même des argiles avec minerais de fer indiquées comme jurassiques à Excideuil. » M. Delanoüe a la parole. Le savant chimiste, répondant à quelques questions qui lui ont été faites en dehors de la Société, sur les applications de la géologie, rappelle en quelques mots les progrès de cette belle science, et s’attache à en prouver toute l’utilité par un seul exemple tiré de son application à l’agriculture : La Carte géologique de la France, que nous avons sous les yeux, n’indique que la nature du sous-sol, mais la terre arable qui les recouvre en tire ses éléments } personne n’ignore qu’une même somme de travail, de soins et d’intelligence, appliquée à des terrains différents, est loin de produire partout le même 900 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , résultat, et de récompenser également les cultivateurs. A quoi doit-on attribuer ce phénomène? à la différence de composition qui existe entre les diverses terres, et par conséquent entre les divers sous-sols. — * On est ainsi amené à la grande question des amendements. — Le phosphore se trouve dans toutes les semences-, le froment est celle qui en contient le plus. Il faut donc qu’il y ait des phospates dans toutes les terres destinées à l’agriculture. M. Delanoüe a analysé un grand nombre de terres végétales pour rechercher les phosphates qu’elles contiennent -, les terres de la Gampine (Sologne belge) donnent un dix-milliéme de phosphore les terre de la Brême, deux dix-millièmes. — Ces quantités, si minimes qu’elles paraissent, sont pourtant très considérables si l’on remarque combien un seul champ contient de terre végétale-, de sorte que, si une terre est presque entiè- rement privée de phosphates, il faudra d’abord y en jeter une énorme quantité pour la mettre en état de produire et com- penser ensuite chaque année les pertes du phospore que lui fait subir la végétation. Si le sous-sol fournit une quantité de phosphore un peu moindre que la déperdition annuelle, les engrais phosphorés produiront d’excellents effets-, enfin, si le sous-sol est riche en phosphores, les pertes de chaque année étant largement compensées, les engrais phosphatés n’auront plus d’effet. Les phosphates du commerce étant à un prix très élevé, on s’est beaucoup préoccupé depuis quelques temps d’y suppléer par des engrais naturels peu coûteux 5 puisque les plantes enlèvent le phosphore aux terres qui les produisent, on a pensé naturellement à mettre à profit les parties inutiles des végé- taux récoltés; ainsi les résidus des fabriques de sucre de bette- raves, qui d’abord se jetaient, n’ont pas tardé à être utilisés, et sont rapidement arrivés à un haut prix. — La Bretagne, où dominent les terrains de transition , en emploie énormément. — L’analogie et le raisonnement ont conduit les cultivateurs ü employer le noir animal, les cendres, et ces engrais ont donné de superbes résultats sur les terres pauvres en phos- phates, tandis que leur action a été à peine sensible sur les DU 6 AU là SEPTEMBRE 1857. 901 terres très phosphatées. Mais les résidus des sucreries, le noir animal, etc., ne peuvent suffire à de grandes exploitations agri- coles q on a employé le guano qui contient en moyenne 25 p. 100 de phosphate, et les excréments et les urines d’animaux, qui sont très riches en phosphore. Mais la géologie vient de signaler depuis quelques années des sources bien plus riches et bien plus abondantes que toutes celles dont nous venons de parler: on a découvert un gisement de marnes phosphatées dont les couches, souvent épaisses de plusieurs centimètres, s’étendent sur d’énormes surfaces et contiennent jusqu’à 70 p. 100 de phosphates. On en a trouvé en Belgique, dans les Ardennes, et l’on a déjà pu remarquer que ces gisements existent presque partout à la base du gault et dans plusieurs autres terrains. M. Delanoüe, n’ayant encore fait qu’une ébauche de ce tra- vail, se contente de donner ces indications générales, et ter- mine en appelant l’attention de M. Coquand sur les gisements de phosphates qui pourraient exister dans les terrains crétacés de la Charente. Toutes les questions portées à l’ordre du jour étant épui- sées, M. Coquand clôt la Session extraordinaire par l’allocution suivante : Messieurs et chers collègues, Le plus grand honneur auquel puisse aspirer un géologue est sans contredit celui qu’il reçoit de ses collègues, de les diriger dans leurs travaux et dans leurs courses -, mais cet honneur je le dois moins à mon mérite qu’à de vieilles amitiés scienti- fiques dont la date n’a fait que resserrer les liens -, je la dois aussi à la mission spéciale, qui, pendant neuf années, m’a identifié avec un département dont vous avez admiré les ri- chesses en tout genre, et en me décernant la présidence, vous avez aussi songé à rendre hommage à l’esprit éclairé d’une con- trée qui a voulu la carte géologique qui vous est mise sous les yeux. Notre session aura été fertile en applications utiles. En soumettant à votre contrôle le résultat de mes recherches, je 002 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ANGOULÊME , choisissais l’aréopage le plus compétent pour juger des choses de géologie, et si la Société géologique de France, qui renferme dans son sein les célébrités du monde entier, ne s’est pas attri- bué le droit de prononcer en dernier ressort sur les questions qui relèvent de sa juridiction, cependant l’opinion publique, quand elle connaît son sentiment sur des questions importantes et non encore définies, reçoit ses décisions avec la plus grande faveur, et elle comprend d’instinct que ces décisions sont la base de la jurisprudence géologique. Le soin scrupuleux avec lequel vous avez interprété les faits qui s’offraient à votre investigation, et l’autorité que des tra- vaux de première valeur donnaient au plus grand nombre d’entre vous, ont rendu mon mandat facile autant qu’il était honorable. Seulement, et que cette confession me soit permise, les qualités éminentes que je rencontrais en vous, en exposant à un plus grand jour mon insuffisance, auraient dû me rensei- gner sur mon véritable rôle, qui était de vous suivre, et non de vous diriger. Mais, en consentant à rester à la tête de la co- lonne, et en conservant le poste qu’il vous a plu de m’assigner, je n’avais plus de motifs légitimes d’abstention, puisque je n’avais pas à oublier que je n’étais qu’un simple guide, dont des circonstances exceptionnelles, mais tout heureuses pour moi, me chargeaient de remplir l’emploi. Avant de descendre du fauteuil de la présidence, daignez recevoir tous *mes remercîments pour l’indulgence que j’ai trouvée dans chacun de vous, et qui seul pouvait rendre ma tâche facile. Permettez-moi aussi de remercier en votre nom et au mien cette population d’élite, qui s’est associée d’une manière si sympathique à nos discussions et à nos travaux. En se pressant ainsi à nos séances, elle a obéi à ses inspirations naturelles, et elle a voulu aussi faire un acte de déférence envers la science que vous représentez avec tant d’autorité. Que MM. de Salignac, de Nanclas, de Rochebrune, reçoivent ici l’expression de nos sentiments de gratitude pour la manière délicate et distinguée avec laquelle ils ont accueilli la Société dans ses pérégrinations. Permettez aussi à votre Président de vous dire, en terminant, DU 6 AU l/l SEPTEMBRE 1857. 903 que si jusqu’à ce jour, la Charente n’a eu pour son représen- tant scientifique officiel que le modeste professeur chargé de sa carte géologique, je suis heureux de constater que la réunion extraordinaire à Angoulême, en lui fournissant des interprètes plus autorisés, a valu à ses terrains une illustration qui leur eût certainement échappé sans cette bonne fortune. La séance a été levée à dix heures et demie. ' TABLE GENERALE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. H. Coquand. — Mémoire sur le terrain permien et le représentant du grès vosgien dans le département de Saône-et-Loire et dans les montagnes de la Serre (Jura) (PI. 1) Ch. Lory. — Note sur les terrains crétacés de la vallée de Dieu-le-Fit (Drôme) . H. Coqoand. — Notice sur la formation crétacée du département de la Charente Scarabelli. — Sur un sondage artésien exécuté à Conselice (province de Ferrare) J.- J. Bianconi. — Note sur l’origine métamorphique des argiles écail- leuses du terrain serpentineux des environs de "^Bologne (Italie) P. de Berville. — Note sur une nouvelle espèce de crustacé fossile trouvée dans le calcaire grossier inférieur de FOise (PI. II). . J. Koechlijv-Schlumberger. — Etudes géologiques dans le département du Haut-Rhin. — II. Environs de Belfort Sc. Gras. — Sur la période quaternaire dans la vallée du Rhône et sa division en cinq époques distinctes (PI. III) Ch. Sainte-Claire Dkville. — • Mémoire sur les émanatious volca- niques dans le royaume de Naples. Delesse. — Sur la pierre ollaire . B. Studkr. — Observations dans les Alpes centrales de la Suisse. . C. Puggaard. — Description géologique de la péninsule de Sorrento (PI. IV) J. Omboni. — Nouveau tableau des terrains sédimentaires de la Lom- bardie Ville. — Notice sur la composition des eaux du Chélif en différents points du parcours de ce fleuve Dalmas. — Volcans de l’Ardèche. — Origine de la chaleur et des prin- cipes minéralisateurs des eaux de Neyrac (Ardèche). . . . La Société. — Nomination du Bureau pour 1857 J. Gosselet. — Note sur le terrain dévonien de l’Ardenne et du Hai- naut ..... A, Vézian. — Observations sur le terrain nummulitique de la province de Barcelone B. Gastaldi. — Lettre sur le système dentaire de Y Anthracotherium magnum • . . Fouqtjé. — Note sur la géologie des environs de Mortain (Manche). Soc. géol., 2° série, tome XIV. 58 13 47 55 102 105 108 117 207 254 280 287 294 347 350 355 301 364 374 393 399 90(5 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. A. Boüé, — Lettre sur les.conglomérats calcaires à Nullipora du Lei~ lhagebirge. . J. Desnoyers. — Réponse à la lettre ci-dessus de M. A. Boué. , B. Desor. — Note sur le genre Galeritcs Comte de Rottermund. — Sur une collection de roches et de fossiles du Canada donnée par lui au Muséum d’histoire naturelle de Paris ,T. Barrande. — Note relative aux Céphalopodes fossiles du Canada. J. Barrande. — Extension de la faune primordiale de la Bohême. La Société. — Présentation du Budget des recettes et des dépenses pour 4 857 Vicomte d’Arciiiac. — Études géologiques sur les départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales Éd. Piette. — Note sur le gîte des Clapes (Moselle) Marcel de Serres. — Note sur l’identité de YEchinus lividus de l’Océan avec celui de la Méditerranée . P. Mares. — Note sur la constitution générale du Sahara dans le sud de la province d’Oran T'h. Ébray. — Profil géologique du chemin de fer d’Orléans, près de Poitiers Éd. Piette. — Description des Ceritlùam, etc., enfouis dans les dépôts bathoniens de l’Aisne et des Ardennes (PL V, VJ, VII, VIII). Sc. Gras. — Sur la réalité de l’association des plantes houillères aux coquilles basiques dans les Alpes, et comment on peut l’expli- quer (PL IX) Th. Ebray. — Note sur l’âge du calc’aire à chailles des départements du Cher, de la Nièvre et de l’Yonne. . J. Barrande. — Notice sur l’ouvrage de M. le professeur Geinitz, in- titulé : Les houilles du royaume de Saxe (Die Sleinkohlen des Kœnigreiclis Sachscn ) Â. Buvignier. — Observations sur le terrain jurassique de la partie orientale du bassin de Paris Ch. Laurent. — Puits artésiens du Sahara oriental (PI. X, XI, XII). Guiscardi. — Note sur les émanations gazeuses des champs Phlégréens. G. Bornemann. — ■ Deux lettres .à M. Élie de Beaumont sur la Sardaigne. J. Fournkt. — De l’endomorphisme du spilite d’Aspres-lès-Corps (Isère) E. Bayle. — Nouvelles observations sur quelques espèces de Rudistes (PL XIII, XIV, XV) ■G. Dewalqüe. — Observations sur l’âge des grès basiques du Luxem- bourg V. Raulin. — Lettre sur le terrain crétacé du département de la Charente E. Hébert. — Rapports de la craie glauconieuse à Ammonites varions et rotlwmagcnsts, etc de Rouen et des grès verts du Maine. Teiger. — Sur le terrain crétacé inférieur dans la Charente. . . . Coquard. — Lettre sur la craie blanche de la Charente Coquard. — Note sur la position des Oslrea eolumba et biauricu/ata dans le groupe de la craie inférieure. 407 409 416 419 428 438 458 460 510 518 524 538 544 562 582 58G 595 615 633 635 644 047 719 727 731 741 743 745 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 907 D'Archiac. — Observations sur la note précédente de M. Coquand. . 766 Bouvy. — Note sur les lignites des îles Baléares 770 Zienkowicz. — Note sur le souterrain de Blaizy, près de Dijon. . . 774 Ch. d’Qbbigjny et Ch. LiSgkk. — Coupe figurative de la structure de l’écorce terrestre, d’après la méthode de M. Cordier, . . . 782 A. -F. Noguès. — Terrain liouiller des Côrbières 785 Ph. Lambottiï. — Recherches sur l’origine des dépôts récents de man- ganèse hydraté de la province de Namur 791 Th. Ebray. — Coupe géologique du mont Apin, près Nevers. . . . 801 Tu. Ebray. - — Examen de l’étage albien des environs de Sancerre. . 804 Th. Ebray. ■ — Note sur la valeur géologique des silex des formations jurassiques et crétacées du département de la Nièvre. . . . 810 Th. Ébray. — Note sur le diluvium du département de la Nièvre . . 813 Koechlin-Sciilumberger. — Nouvelles études sur les Ammonites mar- garilatus, Montfort, et A. spinalus^ Brug. . * 817 Béunion extraordinaire à Angoulcme. ........... 8/i 1 *lî( CE LA ï A BLE GÉNÉRALE DES A BTîCLKS- BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS POUR LE QUATORZIÈME VOLUME. (DEUXIÈME SÉRIE.) Année 1S56 à 1857. A Ain. Sur la période quaternaire et sa division en cinq époques distinctes, p. 207. Aisne. Cerithium et divers gastéro- podes des dépôts bathoniens, p. 544. Algérie. Sur la constitution générale du Sahara dans le sud de la province d’Oran, p. 524. — Puits artésiens du Sahara oriental, p. 6i5. — Composi- tion des eaux du Chélif, p. 35o. Alpes occidentales. Réalité de l’associa- tion des plantes houillères aux co- quilles basiques, et comment on peut l’expliquer, p. 562. Aquitaine. Position des Ostrea columba et biauriculata dans le groupe de la craie inférieure, p. 745. — Sur la craie de la Sainlonge et du Périgord, p. 766. — Age de ses couches supé- rieures, p. 727, 743. Archiac (d’J. Nummulitesdes Apennins Barrande. Lettre sur la carte géologi- que d’Autriche, p. 4<>5. — Sur les cé- phalopodes fossiles du Canada, p. 428. ~ Extension de la faune primordiale de Bohême, p.439. — Sur les houilles de Saxe de M. Geinitz, p. 586. Ob- servations, p. 373, 4o3, 454, 594, 773. Soc. géol 2e série, tome XI de l’Italie centrale, p. 395.— Études géologiques sur les départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales , p.46o. — Sur la craie de la Sainlonge et du Périgord, p. 766. — Observa- tions, p. 347, 614. Ardèche. Origine de la chaleur et des principes minéralisateurs des eaux de Neyrac, p. 555. Ardennes. Terrain dévonien des envi- rons de Givet , p. 364. — Sur une partie du terrain jurassique, p. 565. - — Cerithium et divers gastéropodes des dépôts bathoniens, p. 544. Aude. Études géologiques sur les Cor- bières, p. 460. — Terrain houiller des Corbières, p. 785. — Terrain cré- tacé. p. S79. Autriche. Sur la carte géologique , p. 4o5. — Nullipores du bassin de Vienne, p. 4°7* Bayle. Nouvelles observations sur quel- ques espèces de Rudistes, p. 647. — Observation, p. 6i5. Belgique. Age des grès basiques du Luxembourg, p. 719. — Origine des dépôts récents de manganèse hydraté de la province de Namur, p. 791, Berville (de). Nouveau crustacé du L 58* 910 1 AELE DES MATIERES calcaire grossier de Noyon (Oise), p. 108. Bianconi. Origine métamorphique ces argiles écailleuses du terrain serpen- lineux de Bologne, p. io5. Bibliographie , p. 5, 99, 206, 247, 345, 363, 393, 4°4, 44, 437, 456, 5i6, 543, 58 5, 61 3, 740, 780. Bohême. Sa faune primordiale, p. 4^9. Bornemann. Sur des sources thermales de Sardaigne, p. 635. — Sur quelques mines de Gênes et de la Sardaigne, p. 642. c Bresse. Sur la période quaternaire et sa division en cinq époques distinctes, p. 207. Boubée. Observation, p. 455. Boué. Nallipores, végétaux fossiles, in- crustés, du bassin de Vienne, p. 407. Bouvy. Position des lignites des îles Baléares au-dessous des couches à Numinulites, p. 770. Budget pour 1857, p. 458. Buvignier. Sur le terrain jurassique de la partie orientale du bassin de Paris, dans la Meuse et les Ardennes, p.595. Canada. Sur une collection de roches anciennes, p. 4 «9* — Sur les cépha- lopodes fossiles, p. 428. Céphalopodes divers du terrain juras- sique du Haut-Rhin, p. 44. — Nou- velles études sur les Ammonites mar- garitatus et spinalus , p. 817; — du Canada, p, 4a8. Charente. Sur la formation crétacée, p. 55. — Réunion extraordinaire de la Société à Angoulême, p. 84 1 . — Terrain granitique, p. 889; terrain triasique, p. 889 ; terrain jurassique, p. 854, 86 1, 887, S89; terrain cré- tacé, p. 845, 857, 862, 881 ; terrain tertiaire, p. 894 ; alluvions, p. 898. Cher. Age du calcaire à chaiües, p. 582. — Etage albien des environs de San- cerre, p. 804. Comptes du trésorier , p. 12, 56 1, 5x8, 785. Conclu [ères. Sur diverses espèces du | terrain jurassique du Haut- Rhin, | p. 4/1. | Coquand. Sur l’existence du terrain J permien et du représentant du grès j vosgien dans Saône-et-Loire et la Serre (Jura), p. i3. — Sur la forma- tion crétacée de la Charente, avec une coupe du terrain crétacé à Ii- gniles de Saint- Paulet (Gard), p. 55. — Sur la craie supérieure de l'Aqui- taine, p. 743. — Position des Oslrea columba et biauriculata dans le groupe de la craie inférieure, dans le basait» de Paris et l’Aquitaine, p. 745. — Etude des terrains du département de la Charente, Réunion extraordinaire à Angoulcme, p. 84i. — Terrain crétacé des Gorbières, p. 879 ; les manganèses de la Charente sont ter- tiaires, ainsi que ceux de la Dordogne, p. 898. — Observation, p. Cor d ier. Sur une collection de roches du Canada, p. 421. Côte-d'Or. Sur des éboulements du sou- t. rrain de Blaizy, p. 774. Coiteau. Sur le genre Galerit^s , p. 4x8. Cousseau (Mgr.). OhservaLion, p.844* Crustacés fossiles du calcaire grossier de Noyon, p. 108. D Dalmas. Origine de la chaleur et des principes minéralisateuis des eaux de Neyrac (Ardèche), p. 355. Damour. Composition chimique des Millépores, p. 4*3. — Observation, p. 427. Delanoue. Sur l'importance des phos- phates en agriculture, p. 899. — Ob- servations, p. 853, 885, 898. Delessk. Sur la pierre ollaire, p. 280. r- Observation, p. 455. Deshayes. Observations, p. io5, 455. Desküyers. Sur les Nullipores des ter- rains tertiaires, p. 409. Desor. Sur le genre Galeriles, p. 4*6. Deville (Ch. Sainte - Claire ). Mé- moire sur les émanations volcaniques, p. 254. Db\va.lque. Sur l’âge éles grès basiques du Luxembourg, p. 719. Dolomies éruptives de la péninsule de Sorrenlo, p. 327. ET DES AUTEURS. 9M Dordogne. Les manganèses de Thiviers appartiennent au terrain tertiaire, p. 898. Drôme. -Terrains crétacés et calcaire E Ebray. Coupe du chemin de fer près de Poitiers (Vienne), p. 538. — Age du calcaire à cbailles du Cher, de la Nièvre et de l’Yonne,, p. 582. — Coupe du mont Apin, près Nevers, p. 801, — Sur l’étage albien des en- virons de Sancerre, p. 804. — Sur les silex jurassiques et crétacés de la Nièvre, p. 810. — Diluvium de la Nièvre, p. 8i5. Echinides . Identité de Y Echinas livi- dus de l’Océan avec celui de la Mé- diterranée, p. 5 18. — Sur le genre , Galerites, p. 41d. Elections, p. 36 1; — de la session d’eau douce de Dieu-le-Fit, p. 47- Durocher. Résumé des études sur l’oro- graphie et la géologie de la Scandi- navie, p. 342. extraordinaire, p. 842. Eue de Beaumont. Observations, p. 47» 54, 454, 739. Espagne. Sur le terrain nummuiitique de la province de Barcelone, p. 374. — Position des lignites des îles Ba- , léares, p. 770. Etals romains. Origine métamorphique des argiles écailleuses du terrain ser- pentineux de Bologne, p. to5. — Sondage artésien de Conselice, près , de Ferrare, p. 102. Etais sardes . Sur quelques mines de Gênes, p. 642. — • Antliracotlierium de Cadibona, p. 396. F Fouqüé. Sur la géologie des env rons de Mortain (Manche), p. 399. Foubnet. Endomorphisme du spilite d’Aspres-les-Corps (Isère), p. 644 • G Gard. Coupe du terrain crétacé à li- ! gniles de Saint-Paulet, p. 61. Gastat.ui. Sur Y Anlhracolherium de Cadibona, p. 3 96. Gastéropodes. Ccrithium et autres gen- res des dépôts balhoniens de l’Aisne et des Ardennes, p. 544 ■ Gaudhy. Analyse de recherches scien- tifiques en Orient et surtout en Chypre, p. 252. — Observation, p. 869, Gosselet. Sur le terrain dévonien de l’Ardcnne et du Hainauf, p. 064. Granité de Mortain (Manche), p. 399. Gras (Sc.). Sur la période quaternaire dans la vallée du Rhône et sa division en cinq époques distinctes, p. 207, — Sur la réalité de l’associatLon des plantes houillères aux coquilles ba- siques dans les Alpes, et comment on peut l’expliquer, p. 562. — Observa- tion, p. 58 1. Guiscardi. Sur les émanations gazeuses des Champs Phlégréens, p. 633. H IIaidingkr. Lettre sur la carte géolo- gique d’Autriche, p. 4o5. Hébert. Mammifère du terrain per- mien, p. 594. — Rapports de la craie glauconieuse à Ammonites varions et des grès verts du Maine, p. jSi. — Observations, p. 373, 4*4» 454» Hügard. Sur le Manuel de géologie élémentaire de M. Lyell, p. 784. I Isère. Endomorphisme du spilite d’As- pres-les-Gorps, p. 644. — Sur la pé- riode quaternaire et sa division en cinq époques disiineles, p. 207. Italie septentrionale . Tableau de ses terrains sédimentaires, p. 34j* 912 TABLE DES MATIERES Jura. Sur l’existence du terrain per- mien et du représentant du grès Koechlin-Schlumberger. Études géolo- giques dans le Haut-Rhin, terrain jurassique, p. 117, — et sur divers Lambotte. Origine des dépôts récents de manganèse hydraté de la province de Namur, p. 791. Lartet. Observation, p. 595. Laurent. Puits artésiens du Sahara Mammifères du terrain permien, p. 5p4. — Anthracothcrium de Cadibona, p.396. Manche. Sur la géologie des environs de Mortain, p. 399. Manganèse. Origine de ses dépôts ré- cents dans la province de Namur, p. 791. — Ceux de la Dordogne sont tertiaires, p. 898. Marcel de Serres. Identité de V Echi- nas lividus de l’Océan avec celui de la Méditerranée, p. 5 18. * vosgten dans la forêt de la Serre, p. i3. acéphales et céphalopodes, p. 1 44» — Nouvelles études sur les Ammoniles margaritatus et spinatus, p. 817. oriental, p. 6i5. Lory. Sur les terrains crétacés de la vallée de Dieu-le-Fit (Drôme), p. 47* — Observation, p. 54, Marès. Sur la constitution générale du Sahara dans le S. de la province d’Oran,ep. 524- Membres nouveaux , p. 99, 2o5, 393, 4 r4 , 437, 456, 5 1 6, 545, 740, 7S0, 854. Meuse. Sur une partie de son terrain jurassique, p. 5p5. Michelin. Observation, p. 4*9- Moselle. Sur le gîte oolithique inférieur des Clapes, p. 5io. N Naples ( royaume de). Description de la presqu’île de S’orrento, p. 294. — Émanations volcaniques dans ses di- verses parties, p. 254. — Id. dans les Champs Phlégréens, p. 633. Nièvre. Age du calcaire à chailles, p. 582. — Coupe du mont Apin , p, 801. — - Sur les silex jurassiques et crétacés, p. 810. — Diluvium, p. 8 1 3 . Noguès. Sur le terrain houiller des Corbières, p. 785. Nord. Terrain dévonien des environs d’Avesnes, p. 364- Nummulites. Indication des espèces de l’Italie centrale, p. 395. O Oise. Crustacé du calcaire grossier de Noyon, p. 108. Omalius d’Halloy (d’). Observations, p. 373, 453, Omboni. Tableau des terrains sédimen- taires de l’Italie septentrionale, p. 547. Ophites des Corbières, p. 5o‘3. Orbigny (Ch. d’). Sur une coupe figu- rative de la structure de l’écorce ter- restre, p. 782, ET- DES AUTEURS, 913 P Paris ( bassin de). Position rit» Oslrea columba et biauriculata dans le groupe de ia craie inférieure, p. ÿ45. Phosphates. Leur importance dans l’agriculture, p. 899. Pierre otlaire. Composition et caractères principaux, p. 280. Piktte. Sur le gite oolithique inférieur des Clapes (Moselle), p. 5io. — Ce- rithium et divers gastéropodes des dépôts bathohiens de l’Aisne et des Ardennes, p. 544- Planches du Bulletin, I, p. i3; II, p. 108; 111, p. 207; 1A;, p. 294; V, vi, vu vin, p. 544; ix, p. 562; X, XI, XII, p. 6 1 5 ; XIII, XIV’ XV, p. 647* — Figures sur bois' Cartes, p. 399, 596, 64o. — Coupes» p. 48, 62, 65, 67, 71, 72, 76, 77, 79, 81, 87, go, i3i, 143, 367, 070, 371, 372. 374 j 392, 402, 4°5, 5 1 1 , 5i 2, 775, 7 76> 7 78> 779> 859> 896' 897- Figures, p. 53g. 54o. Pcgcaaiîd. Description de la presqu'île de Soriento (royaume de Naples), P- 294. Puits artésiens, près de Ferrare, p. 102 ; — du Sahara oriental, p. Ci 5. Pyrénées -Orientales. Éludes géologiques sur les Gorbières, p. 460. II Raulin. Sur l’âge des couches supé- rieures de la craie de l’Aquitaine, P/ 7*7- Rhin ( Haut -). Etudes géologiques sur le terrain jurassique des environs de Béfort, p. 117, — et sur divers acé- phales et gastéropodes, pr. 144. Rhône (Bouches du-). Position des Os- S irca columba et biauriculata dans le groupe de la craie inférieure, p, 751, Rottermund (dk). Sur une collection de roches du Canada, p. 4 1 9» Rudistes . Nouvelles observations sur quelques espèces prises comme types des genres, p. 647. Saône (Haute-). Sur l’existence du ter- rain permien et le représentant du grès vosgien, p. i3, Sardaigne. Sur quelques mines, p. 642. — Sources thermales, p. 635. Sarthe , Terrain crétacé, p. 98, 741.—- llapport de la craie glauconieuse à Ammonites variatis et des grès verts du Maine, p. 731 . Scandinavie. Résumé des études sur son orographie et sa géologie, p. 34?. Sc a 11 a belli . Sondage artésien de Con- selice, près Ferrare, p. 102. T Terrains d’alluvion de la Nièvre, p. Si3; — • de la Charente, p. 898. — Sur la période quaternaire dans la vallée du Rhône et sa division en cinq époques distinctes, p. 207; — près de Fer- rare, p. 102. Terrain anthrarifére dans les Alpes oc- Serpentine. Origine métamorphique des argiles écailleuses de Bologne, p. io5. Soulèvements des Cprbières, p. 5t 6. Sources thermales en Sardaigne, p. 635. — Origine de la chaleur et des prin- cipes minéraiisateurs des eaux de Neyrac (Ardèche), p. 355. Spilite. Endomorphisme de celui d’As- pres-lès-Corps (Isère), p <344- Stcdeü. Observations dans les Alpes centrales de la Suisse, p. 287. Suisse. Observations dans les Alpes centrale?, p. 2S7. cidei laies; — réalité de l’association des plantes houillères" aux coquilles basiques, et comment on peut l'expli- quer, p. 562. Terrain carbonifère. Terrain houiller des Corbière?, p. ?85 ; — de la Saxe, p. 586. ou TABLE DES MATIERES ET DES AUTEURS. Terrain crétacé. Position des Ostrea columba et biauriculata dansle groupe de î ri craie inférieure, dans le bassin de Paris et l’Aquitaine, |>. 745, 869. — Rapport de la craie glauconieuse à Ammonites varions et des grès verts du Maine, p. 98, 731, 741. — Étage albien des environs de Sancerre , p. 804. — Silex crétacés de la Nièvre, p. 810. — Age des couches supé- rieures de celui de l’Aquitaine, p. 727, 743. — Formation crétacée de la Charente, p. 55, 845, 857, 862, 881. — Formation crétacée des Corbières, p. 4S5, 879. — Terrain à ligniles de Saint-Paulet (Gard), p. 61. — Ter- rain crétacé de Dieu-le-Fit (Drôme), j p. 47* — De la presqu’île de Sorrento (Naples), p. 296. Terrain dévonien de l’Ardenne et du lïainaut, p. 364 » — des Corbières, p. 50 2. Terrain jurassique de la partie orientale du bassin de Paris, dans la Meuse et les Ardennes, p. 595. — Age des grès basiques du Luxembourg, p. 719. — Giie oolithique inférieur des Ctapes (Mo:elle), p. 5 10. — Ceritliium et divt rs gastéropodes des dépôts ba- thoniens de l’Aisne et des Ardennes, p. 544- — Études géologiques sur ce- lui des environs de Béfort (Haut- Rhin), p. 117. — Age du calcaire à chailles du Cher, de la Nièvre et de l’Yonne, p. 582. — Coupe du mont Apin, près Nevers, p. 8c 1. — Silex jurassiques de la Nièvre, p. 810; — des Corbières, p. 499* Terrain nummulitique des Corbières, p. 472* — Macigno de la presqu’île de Sorrento, p. 5o2; — delà province de Barcelone, p* 374. — Position des lignites aux îles Baléares, p. 770. Terrain permien. Sur son existence et le représentant du grès vosgien dans Saône-et-Loire et la Serre (Jura), p. i3. Terrain silurien. Faune primordiale de la Bohême, p. 4^9. Terrains tertiaires de la Charente, p. 894; — de Dieu-le-Fit (Drôme), p. 48; — des Corbières, p. 4^5. — Des sondages artésiens du Sahara oriental, p. 6i5. — Leurs Nullipores, p. 409. Tkigeb, Coupe du terrain crétacé de la Sarlhe, p. 98. — Sur sa partie in- férieure , p. 74 1 • — Observations, p. 869, S73. Turquie. Analyse de sa statistique, p. 249 ; — de recherches scientifiques en Orient, p. a52. Y Veuxkcil (de). Observations, p. 54, 373, 456, 58i, 5p4, 6i3. Vèzian. Sur le terrain nummulitique delà province de Barcelone, p. 374. Vienne. Coupe du chemin de fer près de Poitiers, p. 538. Ville, Sur la composition des eaux du Chélif (Algérie), 'p. 35o. 4 iQUKSNEL. Analyse de la statistique de la Turquie, p. 249- — Sur une col- lection de roches du Canada, p. 4*9* — Observation, p. 4 1 9 - Volcans. Tufs volcaniques de la pres- qu’île de Sorrento, p. 3io. — Sur leurs émanations dans le royaume de Naples principalement, p. a54 ; — dans les Champs Phlégrcens, p. 633. p. 58a. Y Yonne. Age du calcaire à chaillçs, p. 58 Z Ziknkowicz. Sur des éboulemenls du souterrain de Bîaizy (Côte-d’Or) , P* 774. ^ Zoophytcs. Composition chimique des Millépores , p. 4*5. — Nullipores des terrains tertiaires, p. 409.— Nul- lipores du bassin deVienne rapportés aux végétaux, p= 407. FIN DE LA TABLE. LISTE DES PLANCHES. 915 Liste des planches, i, p. i3. Coquand. Carte et coupes de la Serre (Jura). II, p. 108. Du Berville. Pscudocarcinus Chauvinii , de Noyon. III, p. 207. Gras (Sc.(. Carte et coupes des terrains quaternaires de la vallée du Rhône dans le département de l’Isère. IV, p. 294. Pucgaard. Carte et coupes delà presqu'île de Sorrento (royaume de Naples). V, VI, VII, VIII, p. 544- Pifttf.. Cerilhium, etc., des dépôts balhoniens de P A.isne et des Ardennes. IX, p. 56?. Gras (Sc.). Explication de l’association des plantes houillères aux coquilles basiques dans les Alpes. X, XI, XII, p. 6 15. Laurent. Cartes et coupes des puits artésiens du Sahara oriental. XIII, p. 64j. Baylt. lîadiolites Bournoni . XIV, p. 647. Bayle. Sphærulites Heeninghausi. XV, p, 647. Bayle, Ilippurites cornu-yaccinum, II. dilalntus. ERRATA. P.igi's. Lignes. 564, 12, au lie u de : La Chapelle, lisez: La Capelle. 566, 6, 9, 54, ou lieu de: Orthis? umbraculum, lisez : Orlhis uin- braculum. 728, 23, au lieu de: dans une note, lisez: dans ma note. 5 1 . au lieu de : lewiensis , lisez : Lewesiensis. 73o, î, au lieu de: avec celui, lisez: après celui. 7 56, 3 1 , au lieu de: Grande-Saulde, lisez: Grande-Sauldre. 802, 16, au lieu de: Marzy, lisez: Varzy. 8o5, dernière, au lieu de : Sully.. .. Taucy, lisez: Saally... Toucj. 887, 5, en remontant , au lieu de : Loire, lisez : Loiret. rc . yt KH Fr g m mm. H