Natural History Muséum Library 000233050 SOCIETE GÉOLOGIQUE mm xiaüST y (fi a (D Si (D(Q 3(^19 IB DE FRANCE. Séance du 2 novembre 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. Le Président proclame membres de la Société : MM. Arnaud, substitut du procureur impérial à Cognac (Cha- rente) ; présenté par MM. Coquand et Gaudry. De Tilly, propriétaire àMalberchie, près la Yallette (Cha- rente) -, présenté par MM. Coquand et de Nanclas. Boreau, procureur impérial à Cognac (Charente) -, présenté par MM. Coquand et Michelin. Ces trois membres ont été présentés dans la séance du 11 septembre 1857 de la Réunion extraordinaire à Angoulême. Le Président annonce ensuite cinq présentations. dons faits a la société. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des savants , juillet, août, septembre 1857. De la part de M. le directeur du Dépôt de la guerre, 20e li- vraison de la Carte de France au 9 f. gr. monde. De la part de M. G. Cotteau, Sur quelques oursins du dé- partement de la Sarthe (extr. du Bulletin de la Société géolo- gique de France, 2e série, t. XIII, p. 646), in-8, 6 p. De la part de M. G. -P. Deshayes, Description des animaux sans vertèbres du bassin de Paris , 7e et 8e livraisons, p. 241- 312, pl. 31-40 5 9e et 10e livraisons, p. 313-392, pl. 11 bis et 41-49, in-4. De la part de M. J. Fournet : 1° Détails au sujet de la formation des oolithes calcaires 6 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. (présenté à l’Académie de Lyon dans la séance du 20 décembre 1853), in-8, 93 p. 2° Des oscillations périodiques de la température et de leur influence sur la prono sticati on (extr. des Annales de la Société impériale d' agriculture, etc., de Lyon, 1857), in-8, 8 p. De la part de M. de Grünewaldt, Notizen über die Verstei - nerungführenden Gebirs-formationen des Ural (aus dem Mé- moires des savants étrangers , t. "VIII, Académie des sciences de Saint-Pétersbourg), in-A, A6 p. Saint-Pétersbourg, 1857, De la part de M. le comte Albert de la Marmora : 1° Voyage en Sardaigne, 3e partie. Description géologique, 2 yol. in-8, 1 atlas in-folio oblong. Turin, 1857. 2° Catalogue raisonné et systématique des échantillons dont se composent les trois collections géologiques des roches de Vile de Sardaigne, etc. (extr. du t. II du Voyage en Sar- daigne), in-8, 55 p. Turin, 1857. De la part de Mgr Landriot, évêque de la Rochelle, Discours sur V enseignement des lettres et des sciences , etc., prononcé à la distribution des prix du Lycée de la Rochelle le 10 août 1857, in-8, 2A p. La Rochelle, chez J. Deslandes. De la part de M. H. Lecoq, Etudes sur la géographie botanique de P Europe, etc., t. VII. Paris, 1857; chez J. -B. Baillière. De la part de M. Ch. Lory, Mémoire sur les terrains cré- tacés du Jura (extr. des Mémoires de la Société d' émulation du Doubs), in-8, 56 p*> 1 pl., 6 mai 1857. Besançon, chez Dodivers et comp. De la part de M. Jules Marcou : 1® Ecole polytechnique fédérale. Cours de paléontologie . Leçon d'ouverture. Zurich, 30 avril 1856, in-8, 16 p>; Zurich, 1856, chez Zurcher et Furrer. 2° Lettres (à M. le docteur A. OppeV) sur les roches du Jura et leur distribution géographique dans les deux hémi- sphères, lre livraison comprenant les monts Jura et l’Angle- terre, in-8, 1 hh p., 1 pl. Paris, 1857, chez Fr. Klincksieck. De la part de M. de Sénarmont, Institut impérial de France . — Académie des sciences . — Funérailles de M . Dufrènoy , DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 7 22 mars 1857. — Discours de M . de Senarmont , etc., in -4, 32 p. De la part de MM. de Yerneuil et Collomb, Extrait d'un mémoire géologique sur l'Espagne (extr. des Comptes rendus des séances de V Académie des sciences , t. XLIV» séance du 29 juin 1857), in-4, 8 p. De la part de M. G. Dewalque, Description du lias de la province de Luxembourg , in-8, 64 p., 1 tableau. Liège, 1857, chez H. Dessain. De la part de M. E.~L. Guiet, Première lettre géologique adressée à V Académie des sciences et aux principales Sociétés savantes de Paris et des départements , in-8, 8 p. Mamers, 1857, chez Jules Fleury. De la part de M. Alexis Perrey, Bibliographie séismique (extr. des Mémoires de V Académie de Dijon) , in-8, 183 p. De la part de M. F.-O. Ward, Discours prononcé à la séance d' ouverture du Congrès international de bienfaisance . Bruxelles, 15 septembre 1856, in-8, 31p. De la part de M. R. Ludwig, Geologische Specialkarte des Grossherzogthums Hessen. — Section Büdingen , in-8, 47 p., 1 carte coloriée. Darmstadt, 1S57, chez G. Jonghaus. De la part de M. le docteur Fr. Rolle, Die tertiàren and diluvialen Ablagerungen in der Gegend zwischen Gràtz , Kôhflach , Schwanberg und Ehrenhausen in Steiermark (aus dem Jahrbuche der k . k . geologischen Reichsanstalt ), in-4, 68 p. De la part de M. le docteur Ph. Wirtgen,!^7ora der preussi- schen Rheinprovinz , in-18, 563 p., 2 pl. Bonn, 1857. De la part de M. Franco Mistrali, Dei combustibili fossili in Italia ed. in ispecie di quelli deW Apennino Parrnense Sag- gio geo/ogico, in-8, 13 p. Parma, 1857, chez A. Stocchi. De la part de MM. A. et G. -B. Villa, U Iteriori osserva zioni geognostiche sulla Brianza , in-8, 8 p. Milan, 1857, chez D. Salvi et comp. Comptes rendus hebd. des séances de P Acad, dès sciences , 1857, 1er sem., t. XLIV, n°s 24 à 26; 2e sein., t. XLV, nos 1 à 17. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. 8 Annuaire de la Société météorologique de France , t. IV, 1856, Bulletin des séances, f. 9-13 et 14-20. Bulletin de la Société de géographie , 4e Série, t. XIII, nos 78 et 79, juin et juillet 1857. Annales des mines , 5e série, t. X, 5* et 6e livraisons de 1856. L'Institut, 1857, nos 1224 à 1243. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée , 10e année , n°s ^01 à 104, mai à août 1857. Société impériale et centrale d'agriculture. — Bulletin des séances, 2e série, t. XIII, n°* 4 (1856) et 7 (1857). — Séance publique annuelle tenue le dimanche 19 avril 1857.— Revue des sociétés savantes, t. II, lre livraison, janvier 1857. Journal d' agriculture de la Côte-d'Or , rédigé par M. La- drey, 19e année, 3e série, t. I, 1856. Mémoires de l'Académie impériale des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, 2e série, t. V, année 1856. Mémoires de la Société dunkerquoise pour l' encouragement des lettres , des sciences et des arts, 1856-1857. Annales de la Société impériale d' agriculture, etc., du dé- partement de la Loire, t. I, 2e livraison, avril, mai, juin 1857. Annales de V Académie de Maçon , t. II et III. Société d' 'agriculture , etc., du département de la Marne. — Séance du 1er mai 1857. — Rapport de M. Sellier. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 140. Mémoires de V Académie de Stanislas (Nancy). Mémoires de la Société de l'industrie minérale de Saint- Étienne, t. II, 3e livraison, janvier, février, mars 1857, avec atlas. Société imp. d' agriculture, etc., de Valenciennes, VIIIe an- née, n08 11 et 12 5 IXe année, nos 1 à 3. Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers , publiés par l'Académie royale des sciences, etc., de Belgique, t. XXVII, 1855-1856 5 t. XXVIII, 1856. Annuaire de l' Académie royale des sciences, etc., de Bel- gique, 1856. Bulletins de V Académie royale des sciences, etc., de Bel- gique, t. XXII, 2e partie, 1855 5 t. XXIII, lre partie, 1856. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 9 Mémoires de la Société royale des sciences de Liège, t. XII. The quart erly journal of the geolo gical Society of London } nos 4 9 et 51. février et août 1857. The Athenœum , 1857, nos 1547 à 1566. Denkschriften der K . Ahademie der Wissenschaften . — Ma th.-na tu rwiss . Classe, vol. XIII, 1857, in- A. Wien. Sitzungsberichte der K, Akademie der Wissenschaften . — Math.-naturwiss. Classe , 1857, feb., mars, april, in-8. Ars-Berâttelse om Botaniska Arbeten och Upptâckter fôrâ r 1851, etc., af Joh. Em. Wikstrom, in-8, 315 p. Stockholm, 1855. Kongl. Vetenskaps-Akademiens Handlingar, for àr 1853 et 1854, in-8. Ofversigt af KongL V ?tenskaps-Akademiens Fôrhanlingar , 1855, in-8. Stockholm, 1856. N eues Jahrbuch fur Minéralogie , etc., von Leonhard und Bronn, 1857, 3e cahier. JVurttembergische Naturw . Ja lires hef te, 1852, 3e cahier, lre et 2e parties; 1855, 3e cahier ; 1857, 2e cahier. Verhandlungen dès naturhistorischen Le reine s der preus- sisch . Bheinlande und Westphalens , 13e année, 1856 ; 4e ca- hier; 14e année, 1857, 1er cahier. Sechster Bericht der Oberhessischen Gesellschaft Jür Natur . und Heilkunde. Giessen, juin 1857. Jahresbericht der naturforschenden Gesellschaft Graubun - dens, 1854-1855, 1855-1856. Sechster Bericht des geognostisch-montanistischen Vereines fur Steiermark. Gratz, 1857. Corrispondenza scientifica in Borna per V avanzamento delle scienze , 5e année, n° 8, 24 juillet 1857, in-4. Bevista minera, 1857, t. VIII, nos 170 et 178. Bevista de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales , t. VII, n° 6, juin 1857. Bulletin de la classe physico-mathématique de V Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, t. XIV et XV. Mémoires présentés à V Académie impériale de Saint-Pé tersbourg par divers savants et lus dans ses assemblées t. VII. 10 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. Compte rendu annuel adressé a S . Et M. de B rock par le Directeur de T Observatoire physique central , par M. A. -T. Kupf- fer, année 1855. The American Journal of science and arts, by Silliman , vol. XXIV, nos 70 et 71, juillet et septembre 1857. The Journal of the New-York State agricultural Society , vol. VIH, n° A. Albany, août 1857. Journal of the Franklin Institute of the state of Pennsyl- vania for the promotion of the mechanic arts , avril, mai, juin 1857. Natuurkundig Tijdschrift voor Nederlandsch Iridié , t. XII, 3* série, livraisons 1 à 6 ; t. XIII, 3e série, livraisons 5 à A. Le Président rappelle la perte douloureusè que la Société a faite, le 30 juin dernier, dans la personne de M. Alcide d’Or- bigny, l’un de ses anciens présidents. M. Albert Gaudry rédigera, pour la Société, une notice sur la vie et les travaux du célèbre auteur de la Paléontologie française . M. le Trésorier présente l’état suivant de la caisse au 31 octobre dernier : Il y avait en caisse au 31 décembre 1856. . 2,878 fr. 35 c. La recette, depuis le 1er janvier 1857, a été de . » . 15,551 20 Total. . . 18,429 55 La dépense, depuis le 1,r janvier 1 857 , a été de 16,273 » Il restait en caisse au 31 octobre dernier. . . 2,156 fr. 55 c. M. Lory fait la communication suivante : Esquisse d'une carte géologique du Dauphiné , par M. Ch. Lory (PI. I). En présentant un essai de carte géologique des trois départe » ments du Daupliiné (Isère, Drôme et Hautes-Alpes), à l’échelle de 25Wôô » F suis loin de considérer ce travail comme achevé, ni même comme établi sur des bases définitives. Les terrains des RulL ./<■/« Soc.S/ol. deFroncc KSirie. T. XV. PL T. Paye. 10 . Légende pour les'Fi^l et2. C. Qûcaû'Cs compactes dit firianpormais; Q. Qiuirtxctcs: P. Poudinpucs Mqaj-rcs'^Kp 2 J G. Grcseî anthracite L. Lias, schistes ccrvpZo - calcaxres à Jiélenuiztcs. fl. Porphyre vert/ éta Chardonnet. (Piy.Lj MEMOIRE DE M CH. XORT- intitulé ESQUISSE D’UNE CARTE -doiOGIQUE r> il ©ATUPHINÈ. F, FiUm de l'Ary entière (Fig. 2 J Coupe du Yillard. (L’Arène à N è vache : Echelle : des hauteurs ôôpoo ; des dist/. liant . 88S00 . NOTE DE M. LORY. 11 Alpes et des régions subalpines, depuis les plus anciens jusqu’aux plus récents,. présentent des difficultés trop grandes pour que, d’ici à longtemps peut-être, il soit possible d’en fixer la classification avec quelque certitude. Au point de vue scientifique, et surtout au point de vue de l’utilité pratique, il m’a semblé qu’il fallait se contenter d’adopter des divisions provisoires, faciles à caractériser, indépendantes, autant que possible, de toute opinion arrêtée sur les questions, encore si controversées, auxquelles donne lieu la géologie des Alpes. C’est d’après ce principe que j’ai cru devoir adopter les divisions représentées par les 26 teintes de cette carte ; elles sont loin d’avoir toutes la même valeur dans la classification générale des terrains ; quelques-unes même, probablement;, sont synchroniques entre elles, et ne sont que des modifications ou des faciès divers des mêmes étages ; mais elles m’ont paru avoir une importance réelle au point de vue de leur distribution topographique, de leur rôle dans la configuration du relief du sol, de leurs caractères mi- néralogiques, ou des gisements particuliers de matières exploita- bles. C’est donc essentiellement une classification pratique des terrains du Dauphiné, avec un certain nombre de divisions locales provisoires, établies pour des formations dont les relations strati- graphiques et les caractères paléontologiques sont encore incer- tains; mais les délimitations indiquées sur cette carte pourront, je l’espère, être conservées, quelle que soit la solution future des doutes auxquels ils donnent lieu. Yoici le tableau des divisions adoptées : 1° Terrains cristallisés et terrains métamorphiques anciens, une seule teinte ; 2° Terrain houiller proprement dit (environs de Vienne) ; 3° Terrains secondaires des Alpes centrales, d’âge plus ou moins incertain; 6 teintes correspondant aux divisions suivantes: Grès à anthracite de l’Isère (houiller?); — - grès d’Allevard (trias?); — lias, schistes argilo-calcaires à Bélemnites ; — lias métamorphique, schistes plus ou moins cristallins des frontières du Piémont ; — grès à anthracite des Hautes- Alpes (intercalé dans le lias?); — calcaires compactes du Briançonnais (lias supérieur?); U° Roches éruptives traversant les terrains précédents, 3 divi- sions : euphotides , variolites de la Durance, serpentines , générale- ment associées ensemble ; — spilites ou varioli/e$ du Drac ; — porphyres verts du Chardonnet, traversant les grès à anthracite du Briançonnais ; 12 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. 5° Terrains jurassiques supérieurs au lias ; 3 teintes : groupe oolithique inférieur; — étage oxfordien; — étage corallien; 6° Terrains crétacés ; 5 teintes : étage néocomien inférieur; — étage néocomien supérieur ; — marnes aptiennes ; — gault ; craie ; 7° Terrains tertiaires ; 5 teintes : terrain nummulitique des Hautes-Alpes; — sables bigarrés et argiles plastiques d’eau douce; — mollasse d’eau douce; — * mollasse marine, poudingues à cail- loux impressionnés , avec alternances de marnes d’eau douce et de couches de lignite; — terrain tertiaire supérieur, terrain de transport ancien des plateaux du Bas-Dauphiné ; 8° Dépôts quaternaires, alluvions anciennes et dépôts diluviens et erratiques ; une seule teinte ; 9° Terrains modernes, dépôts de la période actuelle. Je vais indiquer sommairement les caractères généraux de ces divisions dans la région que comprend cette carte et les subdivi- sions que l’on peut encore y reconnaître, mais qui ne pourraient être représentées que d’une manière souvent incertaine et sur des cartes locales à une très grande échelle. Terrains cristallisés • Je réunis provisoirement sous cette dénomination et sous une teinte commune, dont le tracé correspond d’ailleurs exactement à la teinte y de la Carte géologique de la France , une grande variété de roches, très différentes certainement d’âge et d’origine aussi bien que de structure. Considérées dans leur ensemble, elles for- ment en quelque sorte le noyau des Alpes occidentales, et ont servi de base à tous les terrains stratifiés où l’on trouve des fossiles; elles n’apparaissent même, comme l’a si bien établi M. Elie de Beaumont, que par suite des soulèvements, à travers de larges boutonnières, ouvertes par la dislocation des couches du lias (1). Les principales espèces de roches qui forment cet ensemble sont : 1° Des granités de diverses structures, et particulièrement les variétés désignées sous le nom d eprotogine ; 2° Des gneiss et des schistes cristallins , micacés, amphiboliques, talqueux, chloriteux, etc. ; 3’ Des roches pétro-siliceuses compactes, alternant avec le gneiss J des roches schisteuses, communément désignées sous le nom de (4) Ann, des sc. nat.t 4,esér., t. XV, p. 353. NOTE DE M. LORY. 13 schistes talqueux, mais qui n’ont des roches vraiment talqueuses que les caractères extérieurs (1); U° Des calcaires cristallins, saccharoides, en couches plus ou moins épaisses, alternant avec les schistes micacés (Allemont, Yal- senestre, Molines-en-Champsaur); ces calcaires saccharoides sont inséparables des terrains de cristallisation et complètement dis- tincts des calcaires du lias. Ces roches forment trois massifs principaux : 1° l’axe occiden- tal, ou chaîne de Belledonne, prolongement direct du mont Blanc, comprenant les hautes montagnes du canton d’Allevard, les Sept- Laux, Belledonne, Taillefer, etc., et se terminant à Entraigues; 2° le massif des Grandes-Rousses , se rattachant au midi aux mon- tagnes de Valsenestre et du Valjouffrey, se continuant plus loin par le Bas-Yalgodemar et Molines jusqu’au pic de Chaillol-le- Yieil; 3° le massif elliptique des grandes montagnes de l’Oisans, ou massif du Pelvoux , se soudant au S. -O. avec le précédent. La première chaîne montre un grand développement de roches schisteuses cristallines. Le versant occidental est surtout formé par des schistes d’aspect talqueux, comme ceux qui sont traversés par les filons de fer spathique d’Allevard,deTheys, deYaulnaveys,etc. Les gneiss à éléments cristallisés distincts dominent dans le centre de la chaîne ; au milieu d’eux se montrent quelques affleurements de granité, par exemple au pic du Grand-Charnier, au S. des Sept- Laux, etc. Au Rivier d’Allemont, à Belledonne, aux Chalanches et jusqu’à la gorge de la Romanche, dominent des gneiss amphi- boiiques, passant à de vraies diorites schisteuses. Les gneiss ordi- naires et les schistes micacés et talqueux reprennent le dessus au delà de la Romanche, dans le massif de Taillefer ; et, à l’extrémité sud de la chaîne, près d’Entraigues, on observe des roches schis- teuses, à peine cristallines, qui paraissent associées intimement à des roches bréchiformes ou grauwackes grossières, et sont, selon toute apparence, des terrains de transition modifiés. Le massif des Grandes-Rousses est formé de gneiss dans toutes ses parties accessibles. Le gneiss ordinaire forme aussi les roches qui encaissent la plaine de l’Oisans, en amont du Bourg, la Ro- manche, en dessus du Pont-Saint-Guillerme, et le Yénéon, en dessous de Venosc. Un filon de protogine perce à travers le gneiss, près de la mine de la Gardette (2) ; un beau granité particulier, à (4) J’en ai donné des analyses dans le Bull, de la Soc. cle statist. de l’Isère, 2* sér.t t. I, 4 851 . (2) Gueymard, Stat. miner, de l'Isère , 4 844, p. 4 56. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. U mica noir, rempli de petits cristaux de spliène, affleure dans le vallon de Lauvitel. 13e là au Yaljouffrey, et du Yaljouffrey à Chaillol-le-Yieil, en franchissant le Yalgodemar et le vallon de Molines, la chaîne continue d’être formée de gneiss et de schistes micacés, en alternance avec lesquels on trouve les belles couches de marbre statuaire du Yalsenestre et de Molines, rattachées l’une à l’autre par des affleurements intermédiaires. La gorge de l’Oisans, entre la plaine du Bourg et Mizoën, pré- sente une coupe continue très nette à travers des couchesde gneiss à peu près verticales, dirigées presque exactement du nord au sud. Deux bandes de grès à anthracite se montrent intercalées dans ces roches, à l’O. et à l’E. du village du Freney, et se prolongent au N. et au S. dans les montagnes d’Huez et du Mont-de-Lans. L’exa- men de ces bandes de grès a été l’objet de plusieurs travaux im- portants (1), et la Société géologique les a visitées en 18â0, lors de sa réunion à Grenoble. Parmi les opinions émises au sujet de ces intercalations de grès dans les terrains cristallisés, j’ai toujours adopté l’idée de reploiements complets du terrain, dont les cou- ches se seraient, pour ainsi dire, refermées sur elles-mêmes comme les feuillets d’un livre. Ces reploiements ont dû affecter, du reste, les terrains cristallisés aussi bien que le grès lui-même. Dans une course que j’ai eu l’avantage de faire récemment avec notre con- frère M. Triger, nous avons fait ensemble quelques observations qui confirment cette supposition. En approchant de la première bande de grès, on traverse des gneiss ordinaires à feuillets con- tournés autour de noyaux quartzeux (2) ; puis on trouve la série suivante : 1* gneiss feldspathique très quartzeux; 2° gneiss passant au micaschiste, à feuillets satinés ; 3° schistes micacés blanchâtres ou verdâtres, à feuillets droits et non ondulés ; 4° schistes quartzeux, sorte de grauwacke métamorphique ; 5° schistes verts, satinés, non micacés, nullement cristallins, avec des veinules transversales de quartz d’un éclat gras; 6° schistes tendres, plus foncés, bientôt noirâtres, très fragiles; 7° grès anthracifère d’un gris foncé, très micacé, immédiatement distinct des précédents, mais concordant avec eux. Ce grès se montre sur une épaisseur d’environ 80 mètres, jusqu’à une petite galerie ouverte sur le bord même de la route, (î) Voir les analyses de ces travaux, faites par M. Alb. Gaudry, Bull. , 2e série, t. XII, p. 597, 603, etc., et p. 572. (2) Voir les excellentes coupes données par M. Gras, Ann. clés mines , t. XVI. Elles mettent parfaitement en évidence l’intercalation des grès dans les schistes cristallins et la superposition discordante du lias sur les uns et les autres. ROTE DE M. LORY. 15 et où l’on trouve des empreintes végétales et un peu d’anthracite. Au delà de cette galerie, les couches de grès se reproduisent en sens inverse sur la même épaisseur ; puis les 6 espèces de roches schisteuses mentionnées ci-dessus se retrouvent successivement, jusqu’à l’entrée du tunnel de l’Infernet, creusé dans le gneiss quartzo-feldspathique n° 1, qui passe à une sorte d’eurite. A l’autre extrémité du tunnel, on rentre dans les gneiss ordinaires. Il est clair que cette identité dans les détails de la coupe de part et d’autre du centre de la bande anthracifère est une preuve très satisfaisante de l’hypothèse du reploiement du terrain sur lui-même. Les couches peu ou point cristallines qui encaissent des deux côtés le grès à anthracite sont évidemment un terrain de sédiment ancien, dis- tinct de la masse des terrains cristallisés, auxquels il est associé stratigraphiquement. M. Triger a été frappé de l’extrême analogie que présente la série de ces couches avec celles du terrain de tran- sition modifié qui sert de base au terrain houiller de la Basse- Loire et de la Mayenne. Entre la galerie de l’Infernet et le Freney, on traverse une grande épaisseur de gneiss ; puis on retrouve, au delà du Freney, la même série de roches métamorphiques, préludant à la deuxième bande de grès, et, au delà de celle-ci, la répétition en sens inverse de la même série, jusqu’au gneiss, dans lequel est ouverte la galerie du Chambon. Nous croyons pouvoir conclure de là : 1° que les gneiss de l’Oi- sans passent à des roches schisteuses, peu ou point cristallines, évidemment métamorphiques, qui nous paraissent représenter une partie de la série paléozoïque ou des terrains de transition; 2° que les grès à anthracite du Mont-de-Lans et du Freney, intercalés en apparence dans ce terrain, en sont réellement distincts, et que l’intercalation apparente résulte de reploiements des terrains sur eux-mêmes; 3° que cette intercalation apparente prouve d'ailleurs la concordance du grès à anthracite avec les terrains anciens, tan- dis que les calcaires argileux du lias, qui s’étendent indifférem- ment sur les uns elles autres, appartiennent à un terrain distinct. Le massif du Pelvoux, formant un vaste cirque autour du ha- meau de la Bérarde, présente le plus beau développement de pro- togines massives que l’on puisse étudier dans les Alpes. Ces monta- gnes sont universellement connues par la description qu’en a donnée M. Elie de Beaumont (1), et il n’a été ajouté depuis au- (1) Faits pour servir à Vhistoire des montagnes de /’ Oisans , 1829. Mcm. de la Soc. d'hist. nat. de Paris, t. V. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. 16 ciin fait essentiel à leur histoire. Les protogines semblent être sor- ties des profondeurs de l’écorce terrestre à un état de mollesse pâteuse qui leur a permis de déborder, pour ainsi dire, à travers les ruptures du gneiss, et de se montrer en contact immédiat avec les calcaires schisteux du lias, sur la plus grande partie du con- tour orientai de ce massif, depuis la Grave jusqu’à Champoléon ; sur cette ligne de contact, les roches granitiques sont même le plus souvent renversées sur les calcaires jurassiques. En dehors de ces grands massifs de roches cristallines, il y a des affleurements restreints, aux environs de la Mure, à Aspres- lès-Corps, au col de Fréjus, près Briançon, à Donnilouze, Quey- ras, Remollon, dans les Hautes-Alpes. D’autre part, les roches granitiques du plateau central s’étendent un peu sur la rive gauche du Rhône, aux environs de Saint-V allier et de Vienne; et, sur le prolongement de la direction de ces dernières se trouve encore le monticule de gneiss de Chamagnieu, près la Verpilière. Terrain houiller. Le terrain houiller, prolongement de celui de Rive-de-Gier, accompagne les roches de gneiss aux environs de Vienne, et affleure par petits lambeaux à Ternav et à Communay, à Vienne même et à Chonas, au S. de cette ville. Il y a même un petit lambeau de grès houiller sur le monticule de Chamagnieu; et l’on peut espérer que des sondages feront retrouver ce terrain à une certaine pro- fondeur sous les alluvions qui masquent la continuité entre Com- munay et Chamagnieu. Jusqu’ici, toutefois, les sondages tentés dans ce but n’ont pas donné de résultats satisfaisants (1). Grès à anthracite de l'Isère. Les grès à anthracite qui renferment les belles exploitations du canton de la Mure, ceux de l’Oisans, dont nous avons parlé plus haut, ont été décrits et étudiés avec la plus grande attention par MM. Gueymard, Gras, Fournet, Studer (2) et plusieurs autres géologues. En 18à0, ils ont été l’objet principal des observations (1) Voir Fournet, De V extension des terrains houillersy Lyon, 4 854. (2) Gueymard, Statist. de l’Isère, 4 844. — Gras, Ann. des mines, t. XVI, 4 839, 5* sér., t. V, 4 854, — Fournet, Recherches sur la partie des Alpes comprise entre le Valais et t'Oisans, — Studer, Géologie der Schwciz . NOTE DE M. LORY. 17 cie la Société géologique, lors de sa réunion à Grenoble. Récem- ment, une description précise et détaillée des gîtes d’anthracite du bassin de la Mure a été donnée par M. Roger, avec une carte géologique et des coupes des diverses exploitations (1); et quoique le savant ingénieur ait laissé de côté la question du classement géologique de ces grès, son mémoire renferme des données extrê- mement précieuses pour cet objet. Ce qui ressort incontestable- ment pour moi de toutes ces études et des observations que j’ai faites dans ces localités, c’est que les grès à anthracite de la Mure et de l’Oisans ont tous les caractères d’un vrai terrain houiller; qu’ils sont indépendants des terrains de cristallisation sur lesquels ils reposent et du lias qui recouvre indifféremment les uns et les autres. Aux environs de la Mure, au Peycliagnard, à Laffrey, c’est le lias moyen qui repose en stratification discordante sur les grès à anthracite ; mais au Mont-de-Lans, où l’indépendance des deux terrains ne semble pas moins certaine, on peut présumer que c’est le lias inférieur lui-même. Les grès à anthracite du Valbonnais, d’Entraigues, du Valjouf- frey, d’Aspres-lès-Corps, sont de petits lambeaux très bouleversés, constamment intercalés aussi entre les terrains cristallisés et le lias, sans liaison géologique avec l’un ni avec l’autre. Comme ceux de l’Oisans, ils m’ont paru sur plusieurs points, à Entraigues surtout, pineés dans des replis des couches cristallines et bouleversés avec elles antérieurement au dépôt du lias, qui repose indifféremment sur les tranches des unes et des autres. Les grès de Laval, Sainte-Agnès, etc., sur le revers occidental de la chaîne de Belledonne, présentent les mêmes caractères que ceux de la Mure ; dans les exploitations, encore peu développées, dont ils sont le siège, on croit retrouver les quatre couches des mines de La Motte et du Peycliagnard. Ces grès reposent sur les schistes talqueux et sont recouverts par le lias, sans alternances avec ceux-là ni avec ce dernier. D’autres lambeaux de grès sem- blables sont disséminés sur les sommités de la chaîne cristalline, à Belledonne même, tout près du pic, au Clot-Chevalier, au-dessus des Chalanches, etc., sans être accompagnés du moindre indice de lias. En résumé, les grès à anthracite de tout le département de l’Isère, en y joignant même ceux d’Aspres-lès-Corps, présentent tous les caractères et toutes les allures d’un terrain distinct des terrains (1) Ann. des mines , 5e sér., t. VII. Soc . géo/., 2e série , tome XV. O 18 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. cristallisés anciens sur lesquels ils reposent et du lias qui les recou- vre. Tout en les distinguant provisoirement du terrain houiller incontestable mentionné ci-dessus, je suis bien porté à croire qu’ils devront un jour y être réunis. Grès d' Al levant. Des grès d’un aspect particulier s’observent à Allevard, au lieu dit le Bout-du-Monde , où ils sont exploités comme réfractaires pour faire la chemise des hauts-fourneaux. Ces grès, les uns à gros grains, les autres à grains fins ou même schisteux, présentent des couleurs variées qui leur donnent une grande analogie d’aspect avec les grès du trias. Ils sont intercalés entre les schistes talqueux et les calcaires du lias, et paraissent indépendants des uns et des autres. Ces grès se retrouvent avec un développement bien plus grand au S. d’Allevard, sur les sommets de la chaîne qui sépare Theys de la Ferrière; ils y sont en discordance complète avec les schistes cristallins. Au col de Merdaret, ils sont associés à des car gueules > ou calcaires magnésiens celluleux. En descendant vers la Ferrière, le long de la gorge de Vaugelaz, on rencontre encore, associées à ces grès, des argiles schisteuses noires, non effervescentes, avec de petites veines de mauvaise houille; je n’ai pu y rencontrer la moindre empreinte végétale. Cet ensemble de couches n’a aucune analogie avec les grès à anthracite; il s’enfonce à l’E. sous des marnes noires, contenant une grande masse de gypse, intercalée dans leur partie supérieure. Ces marnes forment le flanc droit de la gorge de Vaugelaz; elles appartiennent probablement au lias, que l’on retrouve, avec du gypse, au-dessus de la Ferrière, de même que dans la gorge d’Allevard. A l’est d’Allevard, cette formation de grès dont nous parlons est encore plus développée. Elle constitue une sorte de coin, serré dans un repli des terrains cristallins, entre les Anvers et le lac du Collet. En suivant l’arête culminante entre le vallon du Collet et la courbe de Veyton, depuis le chalet des Mollies jusqu’au sud du lac, on peut étudier la coupe très compliquée de ce terrain, dont les grès de la gorge d’Allevard ne donnent qu’une idée fort incom- plète. Il se compose de grès de structures très diverses : les uns purement quartzeux, à grains fins ou moyens ; d’autres à fragments volumineux de gneiss et de schistes talqueux, fortement tassés et unis par un ciment siliceux (, grauwaches de MM. Gueymard et NOTE DE SI. LO» Y. 19 Sc. Gras (1); d’autres à grains fins, schisteux, jaunâtres ou viola- cés. Ces grès alternent avec des argiles feuilletées, onctueuses, res- semblant parfois à des schistes talqueux, et avec des argiles schis- teuses, noires, tendres, non effervescentes; enfin, près du lac du Collet, et d’autre part en descendant sur les Anvers, des couches de cargneule sont manifestement intercalées dans ce terrain. 11 est impossible de se refuser à reconnaître, dans cet ensemble, des ca- ractères particuliers, et nous ne saurions considérer cette forma- tion comme l’équivalent des grès à anthracite. Sur \a Carte géolo- gique de la France , ce terrain est indiqué comme jurassique, et nous serions bien plus porté à admettre cette classification. Toutefois on ne saurait méconnaître la différence qui existe entre cet en- semble de couches et le lias des mêmes localités, l’indépendance qui paraît exister entre ces deux terrains dans leur distribution topographique et les allures de leurs couches, qui ne sont pas con- cordantes, la superposition indifférente du lias, dans le canton d’Allevard, sur ces grès ou sur les terrains cristallisés. On ne sau- rait manquer d’être frappé de la grande analogie d’aspect qui existe entre les roches de ce terrain problématique et celles du terrain de trias, dans l’E. et le S. de la France; et, avec M. Four- net, on peut bien être tenté de le rapporter à ce terme de la série géologique. Quoi qu’il en soit, il résulte évidemment de cet exa- men rapide, que les grès d’AUevard doivent être provisoirement distingués des grès à anthracite et aussi du lias ; et, en raison de leurs caractères spéciaux, nous leur avons consacré sur notre carte une teinte particulière. Les grès grossiers, dits grauwaekes, que l’on rencontre en blocs épars, et, sur quelques points, en place, dans les gorges de Saint- Hugon et de Yeyton, nous paraissent, comme ceux de la crête du Collet, appartenir à ce terrain; il en serait probablement de même de ceux qu’on trouve au nord de Pinsot, sur la pente du Crêt de Montmayen. Les bois et la grande quantité de débris qui couvrent ces montagnes empêchent de voir sur d’autres points la coupe très nette que nous avons suivie sur la crête du Collet; mais je crois qu’elle subsiste de la même manière depuis Pinsot jusqu’à Saint- Hugon. Dans tout cet intervalle, le terrain des grès d’Allevard formerait une sorte de coin, intercalé dans les schistes cristallins, comme le grès à anthracite de i’Oisans, dont nous avons parlé plus haut. (1) Ann. des mines , t. XVI, 1839.— Statist. du dép. de F Isère 1844, p. 222, etc. 20 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. Lias alpin. Tout le monde connaît l’immense développement que présente dans les Alpes l’ensemble des couches dans lesquelles on trouve des Bélemnites et des Ammonites caractéristiques du lias. Dans l’état actuel de nos connaissances, il serait difficile de faire dans ce vaste système de couches des divisions un peu précises, car les caractères minéralogiques sont les mêmes dans toute son épaisseur, et les fossiles reconnaissables sont trop rares pour servir à y déter- miner nettement des horizons géognostiques. Les fossiles du lias n’ont encore été signalés d’une manière posi- tive que sur un point, au mont Rachat, au-dessus du Mont-de- Lans, par M. Sc. Gras (1); on y trouve les Ammonites bisulcatus , Brug.; A . stellaris, Sow.; A. Kriilion, Hehl; A . rotiformis, d’Orb.; A. Scipiomanus , id. ; et le Belemnites paxillosus, Yoltz. Ces fossiles appartiennent aux schistes argilo-calcaires ardoisiers, qui repré- sentent le lias dans l’Oisans, et le point où on les trouve est peu éloigné du contact des terrains cristallisés, sur lesquels le lias pa- raît reposer régulièrement. On peut donc admettre qu’une partie des schistes ardoisiers de l’Oisans appartient au lias inférieur. Sur d’autres points du même canton, à la Gardette, à la Paute, au col d’Ornon,on trouve beau- coup de Bélemnites qui paraissent, en général, se rapporter au Belemnites paxillosas , Yoltz, et d’autres au B. elongatus , Mill. , et quelques Ammonites très mal conservées, qui semblent se rappro- cher des types les plus fréquents dans le lias moyen. Des Ammo- nites déformées, devenues elliptiques, se rencontrent dans les cal- caires de la gorge d’Allevard ; je n’en connais point d’exemplaires bien déterminables. Toutefois elles paraissent se rapprocher beau- coup, soit de types du lias inférieur, tels que X A. Kridion , Hehl, soit d’espèces du lias moyen, par exemple Y A. Valdani , d’Orb. Des Bélemnites de formes grêles et allongées se rencontrent fré- quemment à Uriage, Viziile, Champ, etc. Ainsi, l’ensemble des schistes argilo-calcaires des Alpes centrales, que M. Gras rapporte à son terrain anthracifère inférieur , me paraît, d’après ses fossiles, correspondre au lias inférieur et au lias moyen, et même les Bé- lemnites, qu’on y trouve le plus fréquemment, sembleraient indi- quer le lias supérieur. La distinction des divers étages du lias est plus nette dans les (1) Voir Mém. sur le terrain anthracifère. — Ann. des Mines, 4 854, p. 52; et Bull, de la Soc. géul ., 2°sér., t. XII, p. 267. NOTE DE M. LORY. 21 cantons de la Mare et de Corps, et M. Gras y a indiqué la sépa- ration entre ce qu’il appelle le terrain anthracifère inférieur et le terrain jurassique normal. Celui-ci aurait pour base l’assise bien caractérisée des calcaires gris sublamellaires qu’on exploite à Laf- frey et au Peyehagnard, et qui se retrouvent sur divers points, dans la direction de Corps. Ces calcaires renferment des fossiles bien conservés, tous du lias moyen : Spiriferina Hartmanni, d’Orb., Terebratula numismalis , Lam., Rhynchonella variabilis, Schh, Gryphœa cymbium , Lam., Lima punctata , Besh., Belemnitcs paxillosus , Voltz, Ammonites margaritatus, d’Orb. (?). Le calcaire de Laffrey constitue donc un horizon géognostique très net qui représente bien évidemment le lias moyen. A Laffrey, ce calcaire s’étend indifféremment, à de petites dis- tances, sur des formations très diverses, sur les terrains cristallisés, sur les grès à anthracite, et même sur des schistes argilo-calcaires et des dolomies qui appartiennent probablement au lias inférieur. Il semble s’être formé là, sur un haut-fond composé de terrains bouleversés et dénudés avant son dépôt; au Peyehagnard, à Nan- tison, à Simane, près la Mure, il repose de même directement sur les tranches des couches redressées des grès à anthracite. Mais, quand on essaye de suivre ce calcaire à l’E. de la vallée de la Mure et jusqu’à Corps, on trouve qu’il n’y a plus de séparation tranchée entre lui et les couches sous-jacentes, qui passent insensiblement à l’état de schistes très fissiles exploités comme ardoises au Yalbonnais. A la Salle, on voit le calcaire de Laffrey, avec Spiriferina Hart- manni, etc., et au-dessous de lui, en allant vers Saint-Michel, une grande épaisseur de couches alternativement schisteuses ou com- pactes, ou j’ai trouvé Y Ammonites fimbriatus , Sow. Ces couches vont former les hauteurs de la Sallette et reposent, du côté du Valbonnais, sur les schistes ardoisiers qui seraient le lias inférieur. A Aspres-lès-Corps, dans des calcaires noirs, fissiles, voisins des grès à anthracite, on a trouvé Y Ammonites Kridion , Hehl. De ces faits on peut conclure que dans les cantons de la Mure, du Yalbonnais, de Corps, le lias moyen est représenté positivement par les calcaires de Laffrey, et le lias inférieur l’ est probablement par les schistes argilo-calcaires, souvent ardoisiers, que M. Gras rapporte à son terrain anthracifère. Quant au lias supérieur, son existence est très facile à établir : au-dessus de la zone des cal- caires de Laffrey, qui plongent constamment à 10. ou au S. -O., vient une grande épaisseur de calcaires marneux fissiles, noirs, qui inclinent vers la gorge du Drac. On y trouve, sur divers points, des fossiles bien reconnaissables du lias supérieur : Ammonites 22 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. heterophyllus , Sow. (Saint-Àrey) ; hijrons , Brug. (Saint-Arey, les Côtes de Corps); Belcmnites tri parti tus, Schl. (Prunières, Pont de Cognet), etc. Le cours du Drac, dans le département de l’Isère, et même en amont, jusqu’au-dessus de Saint-Bonnet, jusqu’au Pont-du-Fossé, est presque toujours dans ces couches schisteuses du lias supérieur. Il n’y a d’exception que pour les gorges d’As- pres-lès-Corps, où il traverse des terrains très bouleversés, au mi- lieu desquels affleurent les terrains cristallisés et de gros filons de spilite, et, en amont du pont de Cognet, entre ce pont et le con- fluent de la Bonne, où il y a aussi des bouleversements locaux, des spilites, des gypses et des calcaires altérés, qui me paraissent être du lias moyen ou même du lias inférieur. Sur la rive gauche du Drac, des calcaires noirs schisteux, avec Bélemnites, se montrent encore partout sur une grande épaisseur, et on passe insensiblement de ces calcaires aux schistes à Posido- nies, qui contiennent des Ammonites caractéristiques de la base de l’étage oxfordien. Entre le lias bien caractérisé et cet horizon in- férieur de l’étage oxfordien, il n’y a pas d’ensemble de couches bien tranché, que l’on puisse considérer comme représentant spécialement le groupe oolithique inférieur; il semble y avoir eu continuité dans les caractères des dépôts, depuis la dernière partie de la période basique jusqu’à la période oxfordienne. Le lias supérieur, représenté par des calcaires argileux, noirs, schisteux, à Bélemnites, s’étend sur une grande partie de l’arron- dissement de Gap; il renferme de nombreux amas de gypse. On passe insensiblement de ce terrain aux schistes à Posidonies de la base de l’étage oxfordien. Dans la Drôme, des calcaires argileux noirs, tout semblables, avec gypses, affleurent dans deux vastes cirques, au milieu des couches oxfordiennes, redressées d’une part entre le Buis et Propiac, d’autre part à Condorcet et à Montolieu, à l’est de Nyons. Pour compléter cette revue du terrain de lias dans les Alpes du Dauphiné, il nous reste à le suivre dans les parties orientales des Hautes-Alpes, dans le Briançonnais et le Queyras; ici se présen- tent des questions qui comptent parmi les plus difficiles et les plus controversées de la géologie, et il est essentiel que j’expose en quelques mots la manière dont j’ai essayé, non pas de résou- dre, mais de tourner ces difficultés, dans le tracé de ma carte géologique. Lias , grès à anthracite et calcaires du Briançonnais. Les schistes argilo-calcaires compris entre la Grave et le coi du NOTE DE M. LOftY. 23 Laütaret ressemblent complètement à ceux du Mont-de-Lans et de tout l’Oisans, et on peut admettre qu’ils correspondent aussi, eux, au lias inférieur, et peut-être au lias moyen. M. Gras adonné une excellente description de la série de ces couches, qu’il rapporte à son terrain anthracifère inférieur (1) : elles reposent au S. -O. sur les gneiss de la Combe de Malaval et de Riftord, et leur en- semble paraît s’enfoncer au N. -E. sous les crêtes des Trois-Evê- chés et de l’aiguille de Goléon, formées d’une puissante assise de grès avec indices d’anthracite. Nous avons admis plus haut que les grès à anthracite de la Mure et de l’Oisans étaient constamment inférieurs au lias et indé- pendants de lui et qu’ils avaient toutes les allures d’un vrai terrain houiller. Mais je me garderai bien d’étendre cette conclusion aux grès que nous commençons à rencontrer ici ; ils me paraissent bien manifestement superposés au lias du col du Laütaret. M. Gras fait de ces grès la base de son premier étage anthracifère supérieur, et nous admettons parfaitement avec lui leur superposition concor- dante aux schistes argilo- calcaires. En continuant à suivre la coupe décrite avec détail dans le mé- moire de M. Gras, on voit ces grès s’enfoncer au N.-E. sous une grande masse de calcaire compacte, peu ou point schisteux, qu’il désigne sous le nom de calcaire de la Mendette , et qui complète le premier étage de son terrain anthracifère supérieur. Ce calcaire ne ressemble en rien aux schistes ardoisiersdu Laütaret; malheureu- sement on n’y a trouvé jusqu’ici aucun fossile. Des chalets de la Mendette au col du Galibier et à la montagne de Terre-Noire, de là au col de la Ponsonnière et à celui du Chardonnet, M. Gras indique deux nouvelles alternances de grès et de calcaires compactes, dont il forme les deuxième et troisième étages de son terrain anthracifère supérieur, et enfin il admet que les grès de la montagne du Chardonnet sont supérieurs encore à tout cet ensemble, et il en forme son quatrième et dernier étage. En continuant à marcher à l’E. du col du Chardonnet à Oulx, en Piémont, on retrouverait, d’après ses coupes, la même série d’éta- ges que nous venons de suivre avec lui, en remontant entre le col du Chardonnet et la Grave. J’ai examiné avec la plus grande attention les superpositions indiquées par M. Gras, soit dans cette coupe générale, soit dans les autres parties de son mémoire; j’avoue que j’en ai retiré la (1) Métn. sur le terrain anthracifère des Alpes. — mi nés y 1854. Ann. des là SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. conviction profonde que ces alternatives multipliées de grès et de calcaires compactes dans le Briançonnais ne constituent point de véritables alternances. J’ai vu très nettement, sur une foule de points, les grès recouverts régulièrement par les calcaires com - pactes ; c’est ce qui a lieu par exemple, sans la moindre obscurité, à Queyrelin, au-dessus de Névache, à Notre-Bame-des-Neiges, à l’Argentière, etc. Je n’ai jamais vu, dans ces mêmes pays, les grès reposer sur les calcaires compactes. Sur les points où M. Gras fait passer les limites de ses divers étages du terrain anlhracifère supé- rieur, j’ai vu les grès à anthracite et les calcaires compactes les uns à coté des autres, mais je n’ai jamais pu voir ceux-ci s’enfon- cer positivement sous les grès. La stratigraphie de ces montagnes est extrêmement compliquée, et leurs couches ne me semblent pas avoir la régularité d’allures indiquée dans les coupes de M. Gras. Je crois qu’il faut y regarder à plusieurs fois avant d’admettre des superpositions, et des alternances qui ne sont pas très claires. Je n’en veux pour preuve que la discordance qui existe entre les ob- servations de M. Gras et celles plus anciennes de M. Elie de Beau- mont (1), au sujet du point capital de cette coupe, la montagne du Chardonnet : suivant M. Gras, les grès de cette montagne sont supérieurs à tous les calcaires environnants; suivant M. Elie de Beaumont, au contraire (et je suis complètement de cet avis), ces grès sont inférieurs aux calcaires compactes que M. Gras appelle calcaires de Queyrelin, et alors les grès du Chardonnet seraient identiquement les mêmes que ceux que l’on traverse de Queyrelin à Névache, tandis que, pour M. Gras, ces deux masses de grès constituent deux étages distincts. Je suis trop convaincu des difficultés que présente la géologie de ces montagnes, pour me flatter d’en donner des coupes qui soient à l’abri de toute objection. Cependant je crois devoir donner ici une coupe correspondant à celle de M. Gras, entre le Villard d’Arène et Névache, uniquement pour montrer comment il me semble qu’on peut se rendre compte de la structure de ces mon- tagnes, sans admettre une série d’étages aussi nombreux que ceux que distingue notre savant confrère (voir ph J, fig. 1, et comparer avec la coupe de M. Gras, Bull . , t. XII, planche 9, figure 1). Bans cette coupe (2), on voit que nous admettons comme posL (1) Ann. des sc. nat., t. XV, 1828, p. 373. (2) Cette coupe se compose de deux parties qui ne sont pas le pro- longement l’une de l’autre, mais faites suivant deux plans parallèles NOTE t)E M. LORY. 25 tive la superposition des grès à anthracite G sur les schistes argilo- calcaires à BélemnitesL, qui régnent de la Grave au Lautaret; et nous admettons, au contraire, que les calcaires compactes C sont constamment superposés aux grès à anthracite, et que les alter- nances apparentes entre ces deux ordres de couches résultent de failles ou de renversements. Cette superposition peut être vérifiée d’une manière très satis- faisante à l’autre extrémité du Briançonnais, à l’Argentière, dans la vallée de la Durance ( figure 2 ; cette coupe correspond à la figure h du mémoire de M. Gras, loc. cit.). Sur le bord de la Du- rance, on observe un calcaire schisteux noirL, complètement ana- logue aux couches du Lautaret, et bien différent des calcaires com- pactes C, dont nous parlerons tout à l’heure. Ce calcaire schisteux affleure des deux côtés de la Durance, et encaisse profondément cette rivière dans les gorges situées en face de la Bessée et de Quey- rières. Ce calcaire plonge à l’O., avec une inclinaison de 10° envi- ron, sous une assise puissante de grès à anthracite, où on exploite du combustible friable, et où l’on trouve beaucoup d’empreintes végétales, surtout des tiges de Calamites , de Lepidodendron , etc. Dans une galerie d’écoulement, ouverte récemment en dessous de la mine de l’Argentière, on a traversé, sur 170 mètres de lon- gueur, la partie supérieure de cet étage de grès, et on a rencontré trois couches d’anthracite friable ; on y a trouvé une très belle tige de Lepidodendron , d’un décimètre de diamètre, avec beaucoup d’autres empreintes. La superposition de ces grès aux calcaires schisteux des bords de la Durance me semble incontestable ; on peut la constater très nettement, près de l’ancienne fonderie de l’Argentière. Là se trouve une petite galerie à peu près horizontale (T, fig. 2), dont l’entrée est dans le calcaire schisteux. Au bout de quelques mètres, elle atteint une couche de mauvaise anthracite, reposant immédiatement sur ce calcaire en stratification parallèle, et im- peu distants ; sur la figure, la première est supposée projetée sur le plan de la seconde par des lignes parallèles à la direction moyenne des couches redressées ou des failles; ainsi le calcaire du Galibier a pour prolongement direct celui qui est placé au-dessous de lui dans la figure, entre le Lauzet et les granges de l'Alpe ; de même le cal- caire de Terre-Noire a pour prolongement celui que la figure montre sur la même verticale, entre l’Alpe et le vallon de la Ponsonnière, etc. Les localités du Villard d’Arène, du Lautaret, du Lauzet, de l’Alpe et de Névache ne sont pas exactement sur les directions des deux parties de la coupe ; elles sont projetées ici de la môme manière. 26 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. médiatement au-dessus vient le grès à anthracite très bien carac- térisé, nullement calcaire, qui forme la base de tous ceux dont nous venons de parler. La coupe se voit du reste au jour à peu près aussi nettement que dans la galerie même. En montant de là à la mine de l’Argentière, on traverse la série des grès à anthracite G, dont les couches présentent une in- clinaison croissante vers l’ouest. A ces grès charbonneux succèdent des grès bigarrés, grossiers (P), bréchiformes, généralement rou- geâtres ou verdâtres, ressemblant au verrucano des géologues ita- liens, puis une grande assise de quartzites blancs (Q), dans lesquels est encaissé le riche filon de galène argentifère de l’Argentière (F). Ces quartzites ont un aspect bien distinct des grès à anthracite; cependant ils sont parfaitement concordants avec eux, et parais- sent n’être que l’assise supérieure du même étage. Enfin, à la hauteur de la mine, ces quartzites s’enfoncent régulièrement sous une grande masse de calcaires compactes C, dont les couches sont exactement parallèles à celles des quartzites. Ces calcaires, bien différents de ceux des bords de la Durance, constituent de grands escarpements dont on peut suivre aisément le prolongement le long de la vallée de la Durance ; un peu plus à l’ouest, ils s’en- foncent à leur tour sous les grès du terrain nummulitique. La netteté de cette coupe ne laisse rien à désirer. M. Gras l’a donnée dans son mémoire, mais il suppose que les calcaires com- pactes de l’escarpement supérieur passent sous les quartzites et les grès, et ils viendraient alors rejoindre les calcaires des bords de la Durance, avec lesquels M. Gras les réunit en un même étage. Je crois que le savant ingénieur a été induit en erreur par un petit accident stratigraphique tout à fait local, que l’on remarque un peu au nord de la mine, mais qui ne me paraît pas de nature à faire mettre en doute la superposition très régulière et parfaite- ment concordante des calcaires compactes aux quartzites. Cette superposition d’ailleurs peut se vérifier sur une foule d’autres points des environs de Briançon. On la vérifie, par exemple, en revenant de l’Argentière à Briançon. De la Bassée à Queyrières, on marche sur les calcaires schisteux inférieurs qui continuent jusque dans le village même de Queyrières. La route passe à la limite de ces calcaires et des grès à anthracite sous lesquels ils s’enfoncent. De Queyrières à Saint-Martin, on marche sur les grès à anthracite, où il y a de nombreuses exploitations. Le quartzite se montre couronnant le talus des grès, et il vient, en s’abaissant vers le N., former la roche à laquelle est appuyé le pont de Prelles. De là à Briançon, NOTE DE M. LORY . 27 en suivant les affleurements des quartzites sur les deux flancs de la vallée, on peut vérifier leur intercalation constante entre les grès à anthracite et les calcaires compactes qui forment les hautes sommités de part et d’autre. D’après ces faits et tous ceux que j’ai pu observer dans le Briançonnais, il m’a semblé que la série des terrains de ce pays pouvait être réduite aux termes suivants : 1° Etage calcaire inférieur, schistes argilo- calcaires à Bélcm~ nites de la Grave et du Lautaret ; calcaires schisteux des bords de la Durance entre Queyrières et l’Argentière. Les premiers appar- tiennent certainement au lias ; les derniers, à ma connaissance, n’ont pas encore offert de fossiles. Entre le Lautaret et Queyrières, il n’y a pas d’affleurements bien nets de cet étage ; néanmoins, je crois qu’on ne peut guère douter de l’identité du terrain dans ces deux localités. 2° Etage des grès à anthracite du Briançonnais , contenant des couches nombreuses d’anthracite friable et des empreintes végé- tales (presque uniquement de tiges), habituellement caractéris- tiques du terrain houiller. 3° Grès grossiers, poudingues de teintes variées, quartzites blancs, souvent nuancés de vert pale ou de rose. Ces roches sont parfaitement concordantes avec les grès à anthracite, et paraissent n’être que la partie supérieure plus ou moins développée du même étage. Zl° Etage des calcaires compactes de Briançon , grisâtres, mas- sifs, nullement schisteux, souvent fortement magnésiens, comme ils le sont à Briançon même. Aucun fossile déterminable n’a été signalé encore dans ces calcaires ; mais ils sont, selon toute pro- babilité , le prolongement de ceux du coi des Encombres en Savoie, et ceux-ci contiennent, comme on le sait, des espèces du lias moyen et du lias supérieur. La brèche rouge exploitée à Guillestre renferme beaucoup d’Ammonites déformées, non dé- terminables ; cependant je crois y avoir reconnu les d. bijrons et A. Holandrei du lias supérieur, et une Bélemnite grosse et courte qui peut être le B. abbreviatus , IVlill. Cette brèche de Guillestre parait constituer les couches jurassiques les plus élevées de toute cette partie des Hautes-Alpes, et l’ensemble des calcaires com- pactes du Briançonnais pourrait être regardé comme appartenant au lias supérieur. Je dois rappeler toutefois que M. Élie de Beau- mont a regardé ce calcaire de Guillestre comme correspondant au calcaire de la Porte de France de Grenoble (Ann. des sc. nat.t lfe série, t. XV, p. 373). Jusqu’à ce qu’on y ait trouvé des fos- 28 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. siles déterminables, la place de ces couches dans la série jurassique me paraît devoir rester bien incertaine. Les divers étages de grès à anthracite distingués par M. Gras me semblent être des répétitions d’un seul et même groupe de couches, par suite de déploiements et de failles, et, de même, ses divers étages de calcaires compactes qu’il appelle calcaires de la Mendette, du Galibier, de Terre-Noire, etc., me paraissent n’être que des lambeaux d’une même grande masse disloquée. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, et sans prétendre résoudre des difficultés que les travaux des plus éminents géologues n’ont fait que mettre en plus grande évidence, j’ai cru que daus le tracé d’une carte de ces pays il fallait exclure toute idée de classifica- tion systématique. J’ai adopté trois teintes : une pour les schistes argilo -calcaires injérieurs , une pour les grès à anthracite , une pour les calcaires compactes qui me paraissent leur être constam- ment supérieurs. Cela constitue pour le Briançonnais un essai de carte pétrographiquc plutôt que géologique , et dont les données pourront être conservées, quelle que soit un jour la classification définitive des terrains de ce pays. Lias métamorphique . A l’E. de la vallée de la Durance, les grès à anthracite n’affleu- rent que sur un petit nombre de points : les quartzites qui en sont l’assise supérieure se montrent encore deux fois dans le trajet de Guillestre au fort Queyras, toujours recouverts par la grande masse des calcaires compactes; mais, un peu plus à LE., il n’y a plus de grès, et les calcaires compactes reposent directement sur un immense système de schistes métamorphiques, onctueux, d’aspect talqueux, qui forment tout le haut Queyras, le haut de la vallée de Cervières, les environs de Cézanne, d’Oulx, etc. Avec M. Elie de Beaumont, et aussi avec M. Gras, je regarde ces schistes devenus cristallins comme les équivalents des ardoises de la Grave, comme du lias inférieur modifié dans sa structure. Du reste, aucun fossile n’a encore été trouvé dans ce terrain qui s’étend très loin en Piémont, et repose directement à l’E. sur les roches granitiques. Roches éruptives diverses. 1° Roches amphib clique s* — Indépendamment des gneiss am * phiboliques et des diorites schisteuses qui paraissent faire partie intégrante du système des roches schisteuses cristallines, il existe NOTE DE il. LORY. 29 sur beaucoup de points des diorites granitoïdes et des amphibo- lites lamellaires qui sont en véritables filons, traversant les terrains cristallisés anciens. Ainsi, dans la mine des Chalanches, à Aile- mont, on a rencontré deux filons de diabase ou amphibolite à grandes lames (1) ; mais jusqu’ici, quoique l’on trouve beaucoup de blocs erratiques de diorites dans toutes les parties des massifs cristallins, on ne connaît généralement pas les gisements précis de ces roches ; ^par suite il m’a été impossible de les indiquer sur la carte géologique, 2° Euphotides et serpentines. — Il existe au S.-E. de Grenoble deux gisements remarquables de ces roches (2). Le premier est au lac Robert, sur la montagne de Chanrousse, au-dessus d’Üriage : c’est une grande masse de roches éruptives enfermées de toutes parts dans le gneiss, présentant une association de serpentine com- pacte, d 'euphotide à diallage bronzé, de roches massives moins bien définies, sortes d ’aphanites, passant enfin à de vraies diorites , sur la limite N. -O. de la masse. Le tout forme un gros dyke, de contour elliptique, affleurant sur plus de 1 kilomètre carré, au milieu du gneiss. 11 faut noter toutefois qu’il se trouve en contact sur son bord S. -O. avec un petit lambeau de calcaire magnésien du lias, reposant sur les tranches du gneiss et formant précisément le sommet de Chanrousse (2253 mètres.. Un autre gisement plus important encore se trouve sur la montagne du Serre, entre les lacs de Laffrev et la Yaldens. C’est encore une association de diverses roches éruptives formant une grande masse placée entre les terrains cristallisés et le lias. A l’E., du côté de la Valdens. elle touche au gneiss (Gn, fig. 3), et est composée de diorite à grands éléments D ; un peu plus haut, en montant aux pâturages du Serre, elle passe insensiblement à l'état d ' euphoti de ; son amphibole se change en diallage, et son feldspath devient plus pauvre en silice et de moins en moins lamelleux. Sur le plateau du Serre, cette euphotide (E) passe à l’état de ser- pentine compacte (S) ; celle-ci affleure sur une grande étendue, et est en contact immédiat avec le lias (L). La diorite , l’ euphotide , la serpentine sont ici évidemment trois parties d’une même masse d’origine ignée, dont la structure et la composition chimique varient dans les différentes parties, et sont probablement influen- (4) Gueymard, Stat. miner, de l'Isère, 1844, p. 389. — Lory, Bull, de la Soc. géol ., 2e sér., t. VII, p. 340. (2) Lorv, Bull, de la Soc. de statist. de l’Isère , 2e sér., t. II, p. 333. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. 80 cées par le contact avec deux terrains différents, entre lesquels la masse plutonique s’est frayé un passage. Entre le Mont-Genèvre et la vallée de Cervières, il existe de grandes masses dé euphotides, passant à la structure globulaire qui donne la variolite de la Durance , et aussi à de vraies serpentines . Ici ces roches ignées se trouvent en contact avec le lias métamor- phique et les calcaires compactes du Briançonnais. De nombreux gisements analogues à' eup/iolides et surtout de serpentines se montrent au milieu du lias métamorphique du Queyras, et des parties adjacentes du Piémont et du département des Basses- Alpes. Nous les avons indiquées sur notre carte, d’après la Carte géologique de la France et celle des environs de Briançon par M. Sc. Gras [Ann. des mines , t. Y, 185/i). 3° Porphyres verts du Chardonnet (Hautes-Alpes). — Ces roches sont intercalées en filons-couches très nombreux et puissants dans les grès à anthracite de la montagne du Chardonnet, où ils sont en relation avec l’anthracite transformée en graphite. 11 serait difficile de rien ajouter ou changer à l’excellente description que M. Elie de Beaumont a donnée de ce gisement dans un mémoire que tout le monde connaît [Ann. des sc. nàt . , t. XY). Des roches semblables sont intercalées dans les grès à anthracite de Prelles et du Puy-Saint-Àndré, au S. -O. de Briançon. Spilites ou variolites du Drac. — Ces roches sont intercalées dans le lias, et souvent en relation avec les masses de gypse et les dolomies de ce terrain. Leurs gisements sont assez nombreux, et presque tous sont indiqués sur la carte géologique de France par la lettre p. Quant aux détails, je ne puis mieux faire que de ren- voyer aux ouvrages de MM. Gueymard (1), Sc. Gras (2), Ro- zet (3), et de plusieurs autres géologues qui ont parlé accidentelle- ment de ces roches si remarquables. Groupe oolithique inférieur. Nous avons vu plus haut que cette partie des terrains jurassiques ne se distinguait point nettement dans les Alpes du Dauphiné ; il peut exister, entre le lias supérieur et l’oxfordien inférieur, des couches qui la représentent, mais sans être caractérisées par une structure particulière ni par des fossiles spéciaux, dans l’état actuel (1) Statist. minér. de i Isère , 1844. (2) Bull., lre sér., t. XI, XII, XIII. (3) Bull., 2e sér., t. I, p. 657, etc. NOTE DE M. LORY. SI de nos connaissances. D’après l’état rudimentaire du groupe ooli- thique inférieur dans le département de l’Ardèche (1), on peut très bien supposer la suppression complète de ce groupe sur l’autre rive du Rhône. Nous n’avons pu tracer sur la carte qu’une déli- mitation généralement assez incertaine entre le lias et l’étage oxfordien, sans pouvoir distinguer d’étage intermédiaire. Au contraire, en dehors des Alpes, dans le nord du département de l’Isère, l’étage oolithique inférieur est très bien caractérisé, et repose immédiatement sur le minerai supra-liasique de la Yerpi- lière. Il forme avec l’étage oxfordien qui lui est superposé le plateau de Crémieu et de Morestel, que l’on pourrait appeler le seuil méridional du Jura (2). Étages oxfordien et corallien. Je ne donnerai ici aucun détail sur ces étages généralement bien connus aujourd’hui. L’étage oxfordien présente partout les mêmes subdivisions et les mêmes caractères qu’aux environs de Grenoble; vers sa base, l’horizon des schistes à Posidonies , et à sa partie supérieure la grande masse des calcaires dits de la Porte de France. L’étage corallien n’existe que sur un petit nombre de points, entre Chambéry et l’Echaillon, près Voreppe, et il manque dans tout le reste des Alpes dauphinoises (3). Dans le N. du département de l’Isère, l’étage oxfordien con- stitue le plateau de Morestel. Quelques parties de ce pays encore peu étudié renferment, selon toute apparence, des lambeaux de calcaire corallien, et même, entre Morestel et Passins, on trouve des marnes à Ostrea virgula qui indiquent sur ce point l’existence de couches jurassiques plus récentes encore. (1) Thiollière, Bull., 2e sér., t. Y, p. 31. — Fournet, Suite des études , etc, [Ann. de la Soc. d’agric. de Lyon , 1849). — Réunion extraordinaire à Valence, Bull. , 2csér., t. XL — Lory, Ibid., t XII p. 510. (?) Lory, Bull., 2e sér., t. IX, p. 48, Soc. de statist. de l’Isère, 2e sér., 1. 1. (3) Voir pour les détails, Albin Gras, Catal. des Joss. de l’Isère , et mon Essai sur les montagnes de la Chartreuse , l’un et l’autre au Bull, de la Soc. de statist. de l'Isère , 2e sér., t. II, et Bull, de la Soc. géol., 2e sér., t. IX, p. 51 et 226; t. X, p. 20 ; t. XI, p. 775. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 4857. 52 Terrain néocomien. Nulle part, le terrain néocomien ne présente un plus beau développement que dans la région qui nous occupe ; nulle part aussi il n offre plus d’intérêt sous le rapport de ses variations de composition et de structure. Dans les environs de Grenoble, on peut distinguer, dans les deux étages de ce terrain, la série d’assises suivante : I. Étage néocomien inférieur . — 1° Marnes et calcaires mar- neux, grisâtres, avec Belemnites latus , Bl., Ammonites semisul - eatus, d’Orb., A. Tcthys, id., A. neocomiensis, id., etc. 2° Calcaires néocomiens inférieurs, dits du Fontanil , grenus, sub-oolithiques, bleuâtres ou jaunâtres. Les fossiles dominants sont des mollusques lamellibranches et des oursins ; les plus fréquents sont : Ostrea Couloni , d’Orb., Janira citava , id., Pholaclomya elongata, Goldf. , Panopœa neocomiensis, d’Orb. , Terebratula Carleroniana , id. , T. hippopus , Rœm., Dysaster ovulum, Ag,, Pygurus rostratus , id., P. Mo nt molli ni , id. , Nucleolites Olfersii , id., N. neocomiensis , id. Holectypus macropygus , id. , etc. Les gastéropodes sont peu abondants ; on peut citer le Pterocera Moreausiana , d’Orb., Na- tica buli moitiés, id., etc. Enfin les céphalopodes sont assez rares : Nanti lus pseudo-elegans, d’Orb. , Ammonites Carter oui, id., A. cryp - laceras , id. 3° Calcaires roux siliceux, dans lesquels continuent de se montrer quelques-uns des fossiles précédents, spécialement Janira atava , Ostrea Couloni , et qui sont particulièrement carac- térisés par LO. macroptera , Sow. U° Couche cldoritée, calcaire marneux d’un gris clair, rempli de grains verts, et contenant une faune spéciale où les céphalopodes dominent presque exclusive- ment : Belemnites pistilliformis , BL, B. dilata tus, id., B. polygo - nalis , id., Ammonites Leopoldinus , d’Orb., A. cryptoceras, id., A. Astierianus , id., A. incerlus , id., A. ligatus , id., A. difficilis , id., A . castellanensis , id., A. Grasianus , id. , A. radiatus , Brug., etc., particulièrement développés à Saint-Pierre de Che- renne, près Saint-Marcellin. 5° Calcaires marneux ou un peu siliceux, bleuâtres, compactes, avec Crioceras Duvalii , Lév., Am- monites cryptoceras , d’Orb., A. injundibulum, id., Nautilus neoco- miensis, id., etc. 6° Marnes grises ou bleuâtres à Toxaster compta «• natusy Ag., Dysaster ovalum , id., D. anasteroides , Leym. Le Toxaster complanatus est exclusivement propre à cette assise su- périeure de l’étage néocomien inférieur. Dans cette série d’assises, les nos 2, 3 et 6 représentent très NOTE DE M. LORY. 3S bien, par leurs caractères minéralogiques et par leur faune, les subdivisions principales de l’étage néocomien inférieur dans le jura. Les nos 1, A et 5, avec leur faune composée presque entiè- rement de céphalopodes, correspondent à un autre type du terrain néocomien, celui des Basses-Alpes. Les environs de Grenoble se trouvent placés à la limite de contact de ces deux faciès si divers du terrain néocomien, et ils montrent pour ainsi dire Fenchevê- trement de leurs diverses assises. En s’éloignant de Grenoble vers la basse Savoie et le Jura, les assises 1, A et 5 tendent à s’effacer, tandis que les assises 2, 3 et 6 persistent. Au contraire, en allant vers le midi, de Grenoble à la Croix -Haute, et de là dans les ré- gions limitrophes de la Drôme et des Hautes-Alpes, ces assises 2, 3 et 6 cessent d’être distinctes, tandis que les assises 1, A et 5 se développent énormément et présentent une faune de plus en plus riche. L’assise 1 devient celle des marnes néocomiennes infé- rieures, à petites Ammonites pyriteuses, si riches à Saint-Julien- en-Beauchêne, Châteauneuf-de-Chabre, Châtillon-en-Diois, etc.; les assises A et 5 confondues sont représentées par une énorme épaisseur de calcaires d’un gris bleu, compactes, à pâte fine, ri- ches en Crioceras, Ancyloceras , Ammonites , Terebratnla diphyoides , d’Orb., etc. Toute cette faune de céphalopodes si variés me paraît appartenir à un niveau inférieur à celui du Toxaster complanatus . Ce dernier fossile manque généralement dans les parties de la Drôme et des Hautes-Alpes, où se développent les calcaires à Crioceras. II. Étage néocomien supérieur. — Bans les environs de Gre- noble, cet étage se compose de deux ordres de couches : les cal- caires à Caprotines et les marnes à Orbitolines. En général, on y peut distinguer deux masses de calcaires à Caprotines, séparées par une assise très constante de marnes à Orbitolines ; puis, au-dessus des dernières couches de calcaires à Caprotines, on trouve sur quelques points seulement (aux Ravix, près Villard-de-Lans ; au Rimet, commune de Rencurel , au Fat, commune de Saint- Pierre-de-Cherenne) une nouvelle assise de marnes à Orbitolines, dont les fossiles sont très variés, la plupart spéciaux ; on y trouve même deux ou trois espèces qui passent dans les marnes de l’étage suivant ou marnes aptiennes. Dans son Catalogue des fossiles de l’Isère , notre regretté confrère Albin Gras a cru pouvoir regarder ces marnes du Rimet comme l’équivalent de l’étage aptien ; mais en réalité elles renferment beaucoup de fossiles du terrain néocomien, se lient intimement avec lui, et diffèrent compléte- Soc , géol. , V série, tome XV. 3 n SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. ment des marnes aptiennes que nous allons rencontrer dans des régions plus méridionales. Dans diverses notes que j’ai publiées dans le Bulletin depuis 1851, j’ai indiqué les variations de caractères et l’affaiblissement rapide de puissance que l’étage néocomien supérieur subit au S. de Grenoble, dans le massif du Dévoluy et dans les parties orien- tales de la Drôme. Dans ce dernier département, notre carte montre qu’il est très développé dans les montagnes du Vercors, aulN. du bassin de la Drôme, et qu’il s’efface complètement ou devient tout à fait rudimentaire dès que l’on entre dans le bassin de cette rivière, et ensuite dans les parties E. et S. du département. Il reparaît subitement, avec ses caractères ordinaires de calcaire à Caprotines, sur les bords du Rhône, au Robinet de Donzère (Viviers, Châteauneuf-du -Rhône, etc.). Delà, il se rattache au terrain néocomien de la basse Provence, où il a un développe- ment aussi grand que dans les montagnes de la Chartreuse et du Vercors. Si l’on embrasse d’un coup d’œil général ces variations du terrain néocomien, depuis le Jura jusqu’à la Provence, on voit que les assises calcaires, dont la faune est spécialement composée de mol- lusques et de zoophytes fixes, habitants des eaux peu profondes, se sont développées surtout dans les parties nord et ouest du golfe compris entre les Alpes et le plateau central de la France, et limité au N. par la ligne de Gray à Soleure , tandis que les assises du type vaseux , dont la faune est presque exclusivement composée de mollusques libres, de céphalopodes, se sont développées sur- tout dans les parties E. et S. du même golfe, à travers les dépar- tements de la Drôme, des Hautes et Basses-Alpes et du Var, depuis Grenoble jusqu’à Grasse. En admettant des différences de profon- deur entre les diverses parties du golfe et des courants en rapport avec sa configuration, il serait aisé de donner une théorie assez satisfaisante de ces variations du terrain néocomien. Marnes aptiennes . Cet étage manque dans le département de l’Isère, mais il est très développé dans les parties méridionales de la Drôme et les parties occidentales des Hautes-Alpes. Il semble se développer surtout là où l’étage néocomien supérieur tend à s’effacer ou dis- paraît complètement. Il se compose de marnes noires ou d’un bleu foncé, très friables, alternant parfois avec des couches de calcaires marneux noirs, et NOTE DE M. LORY. 35 surtout associées à des grès verdâtres, qui dominent en général dans la partie supérieure. Les fossiles caractéristiques de ce ter- rain sont partout le Belemnites semicarialicula tus , Bl., et plus rarement les Ammonites Dujrenoyi , d’Orb., A, Marti ni i, id., A . flssicostatus , Phill., etc.. Sur beaucoup de points on y trouve des boules géodiques de baryte sulfatée, très caractéristiques de ces marnes. Les poissons fossiles signalés à Beaufort, près Crest, appartiennent à cet étage {Bull., 2e sér., t. XII, p. 178, ett. XIV, p. 51.) G àult. La répartition de cet étage est précisément inverse de celle du précédent ; il paraît exister constamment dans les montagnes cré- tacées du département de l’Isère, dans celles du Yercors et du Royans (Drôme) ; mais il manque dans toutes les autres régions crétacées, où, au contraire, les marnes aptiennes existent. Du reste, même dans les environs du Yillard-de-Lans et de Rencurel où est son plus grand développement, et aussi dans les montagnes de la Chartreuse, etc., cet étage est toujours très peu épais et n’affleure en général que sur des étendues trop petites, pour que j’aie pu l’indiquer sur une carte à l’échelle de 2T0W0 î ce n’est que sur quelques points particuliers qu’il couvre des surfaces assez grandes pour se prêter à cette indication. J’ai donné les caractères de cet étage dans mon Essai sur les montagnes de la Chartreuse , et dans le Bull., 2e série, t. IX, p. 58. J’ai indiqué qu’il se divisait en deux petites assises: l’inférieure, formée d’un calcaire roux, sableux, lumachellique, sans fossiles déterminables en général ; la supérieure, à l’état de grès grossier, contenant des moules de fossiles, souvent roulés, qui sont les espèces caractéristiques du gault proprement dit dans toutes les localités classiques. J’ajouterai seulement un mot : c’est que les moules de fossiles dans cette couche sont toujours essentiellement formés de phosphate de chaux ; et j’ai reconnu qu’il en était de même pour les moules de fossiles du gault d’Escragnolles (Var), de la Perte du Rhône, etc. Quand on traite un de ces moules de fossiles par l’acide hydrochlorique étendu , il n’y a que peu d’effervescence, et cependant la plus grande partie se dissout ; il ne reste qu’un faible résidu de sable plus ou moins argileux, d’oxyde de fer, de grains verts ferrugineux ; et la dissolution acide contient beaucoup de phosphate de chaux (1). (1) Bull, de la Soc. statist. de C Isère, 1857. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. Ainsi, dans un moule de Terebratula Dutempleana , d’Orb. , de Rencurel (Isère), j’ai trouvé : (Ph05,3Ca0), 66 p. 100 ; carbo- nate de chaux 13 , le reste consistant en oxyde de fer et sable un peu argileux. Très souvent ces moules sont brisés, et tellement usés par le transport que, dans la couche, qui en est pétrie, ils ressemblent à de simples graviers ; mais leur nature chimique particulière les fait reconnaître. On trouve souvent ces fossiles du gault roulés et empâtés à l’état de graviers, dans les couches inférieures de la craie; ainsi des graviers de ce genre, empâtés dans la craie inférieure de Sas- senage (Isère), m’ont donné 62 p. 100 de phosphate de chaux. A Clansayes (Drôme), près Saint-Paul-trois-Châteaux, ou trouve abondamment les fossiles du gault à l’état de moules très durs qui sont encore de même nature. Un moule d’Ammonite de cette localité m’a donné 59 pour 100 de phosphate de chaux ; un moule d 'Area carinata , Sow., 66 pour 100. Je ferai observer que ces fossiles du gault, à Clansayes, se trouvent dans des sables in- cohérents, où ils sont évidemment roulés et remaniés ; je crois que ces sables doivent être regardés comme faisant partie de la craie chloritée, et que le gault n’existe réellement pas en place dans cette localité, de même que dans tout le midi du département de la Drôme la craie chloritée reposerait directement sur les marnes aptiennes que l’on voit à l’O. de Clansayes, au quartier dit de la Lcuze . Groupe de la Craie. Je désigne collectivement sous ce nom, et je comprends sous une même teinte, sur lacarte géologique, tout l’ensemble des cou- ches crétacées supérieures à l’horizon du gault. La série de ces assises n’est pas la même dans les diverses parties du Dauphiné; elle répond d’une manière plus ou moins incomplète à la série de la craie chloritée, de la craie marneuse et de la craie blanche dans le bassin parisien. Mais il serait difficile d’établir dans cet ensem- ble des divisions précises et générales; elles ne se distingueraient d’ailleurs ni par leur distribution topographique ni par leur rôle orographique et ce ne serait que sur des plans à une très grande échelle qu’il serait possible de les représenter. Je me bornerai à indiquer en peu de mots la série des assises du terrain de craie dans un certain nombre de stations qui peuvent servir de types. NOTE DE M. LORY. B7 I. Massif de la Chartreuse . — - Dans cette région, c’est la partie inférieure du terrain de craie qui est le moins développée. La série des couches supérieures au gault se réduit à deux assises : 1° calcaires marneux ou sableux, tantôt crayeux, tantôt durs, sou- vent à grains verts, en général blanchâtres ou gris, contenant des concrétions pyriteuses à leur base, et quelques silex dans leur partie supérieure : I/ioceramus cuneiformis , d’Orb., 1. problema- ticus , id., Hamites (voisin de Y H. arma/us, Sow ); — 2° calcaires blancs, avec silex, tantôt crayeux, tantôt durs, Belcmnitella mu - cronata , d’Orb., Ananchytcs ovata , Lain., Micr aster corda tus ^ Ag., Janira quadricostata , d’Orb., Inoceramus Cuvieri , Sow., Baculites , indét. La puissance de chacune de ces assises est variable, même à de faibles distances; l’ensemble a au plus 150 mètres; l’inférieure est en général plus épaisse que la supérieure (1). En approchant de Grenoble, le terrain de craie devient plus puissant et présente un plus grand développement de ses assises inférieures ; les couches supérieures se changent en une grande masse de calcaires durs, remplis de silex, sans fossiles. A Fon- taine, près Grenoble, on peut évaluer l’épaisseur des calcaires blancs compactes à silex à 100 mètres au moins, et à plus encore les assises qui viennent au-dessous, jusqu’au gault. Celles-ci sont formées de calcaires sableux, chlorités, et de grès à ciment cal- caire, très durs, exploités comme dalles ( lauzes ) ou comme pavés, et de couches de calcaires gris, mêlés d’argile et de sable fin, fournissant aussi de grandes dalles et de la chaux hydraulique. Dans ces dernières, on trouve quelques Inocérames (Z. cuneiformis , d’Orb.), des Hamites (/Z. armatus, Sow. ?), quelques Ammonites mal conservées ; elles reposent sur le gault et en renferment, vers leur base, des nodules remaniés. IL Villard-de-Lans. — Dans cette localité, les parties inférieures du terrain de craie sont bien plus développées. A partir du gault, on a la série suivante (2) : 1° Grès vert de la Fauge, craie chloritée inférieure, à grandes Turrilites; Turrilites Bergeri , Brongn., T. Puzozianus , d’Orb., Hamites armatus , Sow ., H. elegans , d’Orb., Baculites haculoides , d’Orb., Ammonites Mantelli, Sow. , A. injlatus , id., A. May or i a- (1) Voir pour plus de détails, 2esér., t. VIII, p. 624 ; t. IX, p. 60 et p. 226, et mon Essai sur les montagnes de la Chartreuse. —»• Bull, de la Soc. de statist. de l'Isère , 1852. (2) Voir Bull.% 2e sér. ,t. IX, p. 66. 38 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. nus, d’Orb., etc., Holaster suborbicularis , Ag., Micr aster dis- tinctus , id., Discoidea cylindricà^ià. , Diadema variolare, id., etc.; 2° Sables et grès peu cohérents, à la base desquels on trouve, à la Fauge: Ammonites varians , Sow., Turrilitcs costatus , Lam., Belemnites , indét., Avellana cassis , d’Orb., etc.; : " 3° Lauzes sableuses à grains verts, ou marno-siliceuses, avec lnoceramus cuneiformis , d’Orb. ; A0 Calcaires blancs à silex, sans fossiles; 5° Calcaires blancs, siliceux, avec grandes Huîtres ( Ostrea vési- cal aris^ Lam.?); 6° Calcaire blanc, rempli d ’ Orbitoides media , d’Orb., et conte- nant V Ostrea vesicularis f Lam. Bans le Vercors, la coupe est la même, mais moins complète; on y observe un grand développement de sables presque incohé- rents, correspondant au n° 2 et à une partie du n° 3. III. Massif du Dévoluy (1). — A Lus-la-Croix-Haute et aux en- virons deVeynes, on trouve, immédiatement au-dessus des marnes aptiennes, une grande épaisseur de couches dures comprenant des grès, des calcaires sableux ou marno-siliceux, souvent clilorités, généralement de teintes claires, puis des calcaires blanchâtres remplis de silex, le tout très pauvre en fossiles. A Lus, comme au Villard-de-Lans , les dernières couches à silex renferment de grandes Huîtres. AVeynes, ces couches supérieures sont sableuses et remplies d 'Ostrea vesicularis , Lam. Dans les grandes montagnes du Dévoluy (Obiou, Aurouse, etc.), le terrain de craie se réduit à une énorme épaisseur de calcaires d’un gris foncé, très siliceux, remplis de bandes de silex, sans fos- siles. Au sommet de F Aurouse, cette série se termine par une assise de calcaire plus tendre, légèrement chlorité, dont certaines couches sont remplies de petits bryozoaires, et qui contient beau- coup d 'Ostrea vesicularis , Lam. IV. Dieulefit et autres points du midi de la Drôme. — Dans une note publiée l’an dernier (2), j’ai signalé les particularités intéressantes du terrain de craie dans ces régions méridionales du Dauphiné. Je l’ai de nouveau étudié cette année, et je peux en donner la coupe avec certitude. 11 repose constamment sur les marnes aptiennes; entre Yesc et Dieulefit, à partir de ces marnes, on trouve la série suivante : 1° Craie inférieure, marneuse, grise, assez tendre, avec nom- (1) Voir Bull., 2e sér., t. X, p. 20, et t. XIV, p. 53. (2) Bull., 2e sér., t. XiV, p. 47. NOTE I)E M. LOIIY. 39 breux fossiles: Turrilites costatus, Lam., Ammonites varions -, Sow. , A. rothomagcnsis, Lam., A. Mantelli, Sow., Hcimites , indét., Ino- ceramus (plusieurs espèces), Ho l as ter s a bgl obo sus , Àg., //. suborbi - cularis , id. , ce dernier de très grande taille, atteignant un déci- mètre de diamètre; 2° Grès verts, peu cohérents, devenant rougeâtres par alté- ration ; 3° Calcaires siliceux, marneux ou sableux, durs, analogues aux lauzes de Grenoble; quelques Inocérames; ù° Calcaires crayeux, blanchâtres, plus ou moins sableux, avec rognons de silex blonds ou noirs ; exploités comme pierre de taille à Montjoux, sur la montagne de Dieu-Grâce, etc. Cette assise contient des fossiles très remarquables, abondants surtout dans les couches inférieures : Ananchytes gibba , Lam., Mictaster brevis, Agi, Galeritcs vulgafis, Lam., Terebratula carne a , Sow. , Rhyncho- ïiella Cuvieri, d’Orb. ?, Spondylus spinosus, Desh., Inoceramus , indét. ; 5° Sables peu cohérents, grès verdâtres ou jaunâtres sans fos- siles; traces d’empreintes végétales (fucoïdes?) : Ostreci columba , Defr. ? 6° Grès à ciment calcaire, d’un vert d’herbe, devenant jaunâtre par altération ; il ressemble complètement à la roche d’Uchaux (Vaucluse), et contient les mêmes fossiles. Les plus abondants sont: Acteonella lœvis, d’Orb., Area Matheroniana , id., Arcopagia nu - mismalis, id., Trigonia scabra, Lam , j attira quadricostata, d’Orb., Pal.fr ., Ostrea columba, y ar. jeune, à crochet strié, Trochosmilià compressa, Edw. et Haime, Ananchytes gibba , Lam., et un fossile spécial à cette localité, le Ceratites Robini, Thioll. sp. Le terrain tertiaire lacustre (miocène inférieur), dont nous par- lerons tout à l’heure, repose immédiatement sur cette dernière assise, qui est la plus élevée de la série crétacée dans ces pays. Dans la note que j’ai rappelée ci-dessus, j’ai donné quelques détails sur le terrain de craie des environs de Nyons, de Clan- sayes et autres points du midi de la Drôme, où l’on trouve à peu près la même série, mais moins complète qu’à Dieülefit. 11 est clair, d’après cela, que dans tout le pays situé au S. de la rivière de la Di ôme il n’y a rien qui représente la craie blanche à Belemni- tella mucronata. Le grès vert de Dieülefit et d’Uchaux, caractérisé par une faune nombreuse et bien connue, est jusqu’ici l’assise la plus élevée que nous connaissions dans ces contrées; il est incon- testablement supérieur au niveau de V Ananchytes gibba, du Mi- eraster brevis , du Galerites vulgaris , etc., bien que ces fossiles àO SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. soient, à Dieulefit et a Ciansayes (comme à Louviers et autres points du bassin parisien), dans des calcaires blancs crayeux, que l’on serait tenté de rapporter à la craie blanche. TERRAINS TERTIAIRES. Terrain nummuli tique des Hautes-Alpes . Le tracé de ce terrain sur notre carte concorde presque exacte- ment avec celui de la teinte c2 sur la Carte géologique de la France ; seulement nous l’indiquons en outre dans le Dévoluy, ou nous l’avons reconnu en 1852 [Bull , 2e série, t. X, p. 20). Je n’ajouterai rien ici aux détails que j’ai donnés précédemment sur ce terrain [Ibid., t. XII, p. 17), dont les fossiles ont été décrits dans l’ex- cellent travail de,MM. Hébert et Renevier [Bull., 2e série, t. XI, p. 587; Bull, de la Soc. de statist. de l’Isère , 2esér., t. III, 1854-55). Sables bigarrés et argiles plastiques. Formation lacustre, indépendante de la mollasse ; premier ter- rain d’eau douce deM. Sc. Gras [Stat. miner, de la Drôme , 1835). — Ce terrain, dont il n’est pas possible de fixer encore l’âge d’une manière précise, s’est formé dans un grand nombre de petits bas- sins isolés, et repose toujours directement sur les calcaires com- pactes de la craie ou de l’étage néocomien supérieur. Il est surtout développé dans le département de la Drôme, où ses caractères et son indépendance d’avec les formations plus récentes ont été par- faitement établies par M. Sc.Gras. J’ai donné récemment une des- cription d’une des coupes les plus intéressantes de ce terrain, dans ma note sur la vallée de Dieulefit [Bull., 2e série, t. XIV, p. 48). Une des régions où ce terrain est le plus développé, c’est sur les confins O. et S. du massif du Dévoluy, à Lus et aux environs de Veynes. Il pénètre même dans le Dévoluy jusqu’à la Cluse, mais on ne peut pas observer sa position par rapport aux couches à Nummulites de ce pays. Les grès qui surmontent immédiatement les calcaires à Nummulites à Saint-Didier et à Saint-Etienne al- ternent dans le haut avec des argiles verdâtres ou violacées, se liant insensiblement à de véritables mollasses et à un nageljlue très bien caractérisé, dans la direction de Montmaur. Ces mollasses et ce nagelflue s’étendent également, à la Cluse, à Montmaur, etc. , sur les argiles et sables bigarrés, les conglomérats siliceux et les calcaires d’eau douce qui représentent ici la formation lacustre de Lus et qui reposent directement sur la craie. Il semblerait pos* NOTE DE M. LOKY . h i sible, d’après cela, que la formation d’eau douce qui nous occupe fût contemporaine des assises supérieures du terrain nummuli- tique, et les grès du terrain de mollasse se seraient étendus trans- gressivement sur l’une et l’autre. Mollasse lacustre. Cette deuxième formation d’eau douce a été distinguée avec raison de la précédente, par M. Sc. Gras, dans la Statistique miné- ralogique de la Drôme (1835). Elle appartient en effet essentielle- ment au bassin où s’est déposé le terrain de la mollasse, et ne se montre point, comme la précédente, dans les replis les plus re- culés du massif crétacé. Elle est recouverte immédiatement par la mollasse marine concordante avec elle ; enfin sur quelques points, entre Crest et Chabeuil (Drôme), on peut voir, au-dessous de cette formation lacustre, des assises de mollasse marine, ce qui ne laisse plus de doute sur sa liaison intime avec cette der- nière (. Bull . , 2e série, t. XIV, p. h 9, note). Mollasse marine et poudi /igues du Bas-Dauphiné . Les caractères de la mollasse sont trop connus pour que j’aie besoin de les rappeler ici en détail. Les assises inférieures sont en général grossières et très coquillières ; il suffit de citer les localités bien connues des environs de Saint-Paul-trois-Châteaux , de Nyons, de Crest, de Saint-Jean-en-Royans, etc. Dans le midi du département de la Drôme, elles sont accompagnées d’assises égale- ment coquillières, presque purement calcaires, comme la pierre blanche des carrières de Saint-Paul-trois-Châteaux. Les assises moyennes et supérieures de la formation consistent principalement en couches sableuses, qui deviennent en général de plus en plus tendres et presque friables ; en même temps, elles sont en général de moins en moins coquillières. Ces parties supé- rieures de la mollasse sont très développées dans les collines situées au nord de Romans ; c’est à elles qu’appartiennent divers gisements d’ossements fossiles, et particulièrement des ossements de cétacés et de Dinothérium. Au nombre de ces gisements est celui des ossements trouvés à la fin du siècle dernier, près du châ- teau de Langon, commune de Montrigaud, et célèbres sous la dénomination fabuleuse d’ossements du géant Teutobochus. Sur quelques points, ces couches sableuses de la mollasse supé- rieure renferment de petites coquilles marines bien conservées, SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. h 2 généralement identiques avec celles des faluns de Touraine ; par exemple dans le ravin des Ponçons , entre Hauterive et Bathernay. Dans toute cette partie du bas Dauphiné, les couches de la mol- lasse marine ont une légère inclinaison, constante vers le nord; et elles [viennent s’enfoncer, au bord de la vallée de la Galaure, sous les nappes de poudingues et les argiles à lignites sur lesquelles nous reviendrons tout à l’heure. La mollasse marine est antérieure au dernier et principal sou- lèvement des Alpes occidentales, comme l’ont si bien établi les belles observations de M. Elie de Beaumont ; elle a recouvert sur une certaine étendue les terrains crétacés soulevés aujourd’hui dans les chaînes les plus extérieures de l’Isère et de la Drôme. Dans mes Coupes des montagnes de la Chartreuse (j Bull., 2e série, t. IX, p. 226), j’ai indiqué la distribution de ces lambeaux de mollasse soulevés et disloqués dans les chaînes situées au N. et à l’O. de Grenoble. J’ai décrit surtout le dépôt de nagelflue, avec fossiles marins, qui remplit la vallée de Proveysieux ; les couches en sont fortement disloquées et redressées presque verticalement ; et on en retrouve le prolongement au milieu des accidents orographiques les plus compliqués, au nord dans la courbe des Molières et à Corbel en Savoie, au sud b Sassenage et à Saint-Nizier. Ces poudingues de la vallée de Proveysieux sont très importants à considérer, car ils vont nous servir de point de départ pour arriver au classement des poudingues du bas Dauphiné. Posons d’abord en principe les caractères qu’on y remarque constamment, soit à Proveysieux, soit dans les autres localités que je viens de citer : 1° Les poudingues de Proveysieux sont d’origine marine ; on y trouve à divers niveaux et jusque dans les couches supérieures, grossières, des fossiles marins, bien conservés, des dents de squales et le Pecten scabriusculus , Math., d’Orb., Procl. Iis alternent avec des bancs sableux, très nets, de véritable mollasse renfermant ces mêmes fossiles et des coquilles turriculées mal conservées ( Turri- tella terebralis , Lam. ?). 2° Ils sont en couches très fortement redressées, presque jusqu’à la verticale, et sensiblement concordantes avec celles de la craie sur laquelle ils reposent; lors même que la structure de ces pou- dingues est telle que la stratification y devient obscure, des bancs sableux intercalés permettent d’en déterminer rigoureusement le sens et de constater la valeur du redressement ; 3° Ils sont formés de cailloux roulés, tous parfaitement arrondis, atteignant au plus le volume de la tête ; dans chaque couche il y NOTE DE M. LOÏIY. A3 a en général peu d’inégalité entre les dimensions des cailloux ; on observe des alternatives répétées de couches à gros galets, d’autres à cailloux moyens ou petits, d’autres enfin seulement graveleuses ou sableuses ; U° Ces cailloux appartiennent à toutes les roches des Alpes, et beaucoup d’entre eux à des roches étrangères aux Alpes, venant probablement du plateau central, telles que jaspes rouges et verts, porphyres quartzifêres, etc. ; 5° Ces cailloux sont pressés les uns contre les autres, et réunis par un ciment calcaréo-sableux, quelquefois un peu argileux, qui ressemble complètement à la mollasse sableuse; ce ciment est évi- demment contemporain du dépôt lui-même ; il forme à lui seul des couches sableuses plus ou moins continues, alternant avec les nappes de cailloux ; 6° Presque tous les cailloux calcaires, toujours très nombreux, et même quelques cailloux d’autres roches, sont impressionnés, c’est-à-dire criblés d’empreintes en creux correspondant à des cailloux voisins, de nature plus résistante. Ce caractère remar- quable a été observé partout dans les poudingues de l’étage de la mollasse, en France, en Suisse et en Savoie, depuis l’Alsace jus- qu’à la Méditerranée. Notre savant confrère, M. Daubrée, a pro- posé récemment une explication de la formation de ces empreintes ; je doute cependant qu’elle puisse rendre entièrement compte des faits. Quoi qu’il en soit, les cailloux impressionnés constituent, pour les poudingues du terrain de mollasse, un caractère empirique très constant et auquel je crois pouvoir attribuer une très haute valeur. Or, tous les caractères que nous venons d’énumérer, sauf la présence de coquilles marines, qui n’y ont pas encore été rencon- trées positivement, et l’inclinaison des couches qui est générale- ment insensible, à cause de l’éloignement des Alpes ; tous les caractères des cailloux, de leurs impressions mutuelles et de leur ciment sableux, se retrouvent invariablement dans les poudingues associés aux marnes à lignites dans toute la partie basse du 'dépar- tement de l’Isère. Il m’a été impossible de reconnaître aucune délimitation géologique entre la mollasse proprement dite et cette formation de poudingues dans lesquels sont intercalées les marnes à lignites. Ce résultat, je ne l’ignore pas, est en opposition avec les con- clusions de M. Elie de Beaumont qui rapporte les poudingues et les lignites au terrain de la Bresse , ou terrain tertiaire supérieur, a SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. et admet qu’ils sont de formation entièrement lacustre et posté- rieurs au soulèvement des Alpes occidentales. J’ai du adopter moi- même cette idée dans le principe, et je la partageais encore à l’époque où j’ai publié mon Essai sur les montagnes de la Char- treuse (1852). Mais toutes les observations que j’ai faites depuis m’ont conduit à l’abandonner. Quelques détails sont ici nécessaires et je demande que l’on me permette cette digression. En quittant le vallon de Proveysieux, où nous venons de si- gnaler des poudingues qui sont incontestablement dans le terrain de mollasse, nous trouvons, à Voreppe, la mollasse exploitée dans de vastes carrières, au-dessus desquelles les poudingues, peu dis- tinctement stratifiés, forment un toit d’une grande épaisseur. Les couches de mollasse sont inclinées de 10 degrés environ à l’E., et la surface inférieure de la masse des poudingues les coupe en biseau, comme on le voit très nettement à l’entrée même des carrières souterraines. Ce fait est décrit et signalé par M. ELie de Beaumont comme un exemple d’indépendance entre la mollasse et les poudingues [dnn. des sc. nat ., lre sér., t. XVIII). Mais je ne puis y voir autre chose qu’un de ces défauts locaux de parallélisme, de ces hisellements , qui sont très fréquents entre les assises le plus généralement concordantes, même dans des terrains déposés bien plus tranquillement que n’ont dû l’être la mollasse et les poudingues. Dans sa réunion extraordinaire à \alence, en 1854, la Société géologique a étudié un exemple de ce fait, au sein même de l’étage oxfordien, près de Privas ( Bull ., 2~ série, t. XI, p. 756). M. Fournet en a donné une explication que je crois parfaitement applicable au cas des carrières à Voreppe. En quittant les grandes carrières et marchant horizontalement vers l’église de Voreppe, puis remontant la rive gauche de la Roize, on rencontre d’autres petites exploitations de mollasse, et on arrive à des carrières situées au bord même de la Roize. Ici la coupe est exactement l’inverse de la précédente : la base du ter- rain est formée par un poudingue à gros cailloux, recouvert par les couches exploitées, qui sont d’ailleurs inclinées comme celles des carrières souterraines. Sur la rive opposée de la Roize, on voit se dessiner, sur un escarpement d’une trentaine de mètres de haut, une assise de poudingues de dix mètres d’épaisseur, comprise entre deux assises parfaitement parallèles de mollasse bleuâtre purement sableuse. Il y a donc liaison intime entre la mollasse et ces poudigues, et ce n’est qu’après plusieurs alternances de ces deux sortes de dépôts NOTE DE M. LORY. 45 en couches concordantes, que l’ensemble de leurs assises s’enfonce sous la masse puissante des poudingues du vallon de la Roize, qui ont plus de 200 mètres d’épaisseur. Dans la partie supérieure de ces poudingues se trouvent des alternances multipliées de couches argileuses et de grès fins, bien stratifiés, parfaitement concordants; le lignite de Pommier forme trois petites couches subordonnées à une de ces assises d’argiles bleuâtres. Mais cette petite formation d’eau douce, extrêmement circonscrite, n’est qu’un accident insignifiant dans la grande masse des poudingues et ne peut rien faire préjuger sur leur origine. On n’a trouvé aucun fossile dans les poudingues de Voreppe ; notons cependant qu’on y rencontre fréquemment des cailloux, même de petits blocs de calcaire néocomien à peine usés, qui sont percés par des coquilles lithopliages, ce qui porterait à admettre une origine marine et non lacustre. Dans les marnes à lignite, on a trouvé des Cérithes, dont une espèce, déterminée par M. Des- hayes, paraît être le Cerithium trïcinctum, Brocchi. Dans le lignite lui-même, il y beaucoup de petites coquilles d’eau douce, écrasées et indéterminables. Enfin, on a trouvé dans le lignite de Pommier un fragment de dent de Mastodonte, à dents étroites, qui a été décrit par M.Charvet (Bull,, 2e sér. ,Réun. eætr. à Grenoble , 18à0). La masse des poudingues de Pommier, superposée à la mol- lasse, se prolonge vers le nord en s’élevant, comme la mollasse elle-même, et atteint l’altitude de 1008 mètres, en face de Saint- Julien-de-Raz. De là, ils s’abaissent légèrement dans la direction de Saint-Laurent-du-Pont, et viennent affleurer sur la rive gauche du Guiers-Mort, entre Saint-Laurent et la porte de Four voirie. En sortant de Saint-Laurent, et suivant cette rive du Guiers, on voit des couches de mollasse sableuse, inclinées de 15 degrés en- viron vers l’E.-S.-E., alterner avec de petites nappes de poudin- gues inclinées absolument de même. Un peu plus loin, les couches de mollasse reparaissent avec une inclinaison bien plus forte et en sens contraire, redressées vers la grande faille qui fait surgir le premier escarpement des montagnes de la Chartreuse. Dans le lit du Guiers, on aperçoit, sur la rive opposée, ces couches de mol- lasse, presque verticales, relevées sous un angle de 70 degrés en- viron. A quelques pas de là, et même perpendiculairement au- dessus de l’affleurement de mollasse ainsi redressée, on voit des nappes de cailloux roulés, sensiblement horizontales, qui passent évidemment sur les tranches de la mollasse et sont en discordance complète avec elle. M. Élie de Beaumont a décrit cette localité avec le pins grand SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. 46 soin (l),et les faits se montrent encore exactement conformes à sa description. Mais je ne saurais considérer avec lui les cailloux roulés, qui sont ici en discordance avec la mollasse, comme les équivalents des poudingues de Pommier, qui sont au-dessus de la mollasse, sur la rive gauche. Les nappes de cailloux roulés que l’on volt ici sur la rive droite duGuiers, et qui supportent le petit plateau de Provenches et du Désert, ne sont, à mes yeux, qu’une terrasse d’ancienne alluvion, dont les matériaux, à peine roulés, viennent tous des gorges de la Chartreuse. Ces cailloux ne sont ni arrondis, ni impressionnés. Ils ne sont pas réunis par un ciment sableux, mais simplement par du calcaire concrétionné, déposé par les eaux qui ont filtré et filtrent encore à travers le ter- rain. D’un côté à l’autre du Guiers, il n’y a pas la moindre ana- logie entre ces nappes d’alluvion qui ne sont peut-être qu’un ancien lit de déjection du Guiers, et les poudingues à cailloux impressionnés, intimement liés avec la mollasse, et alternant avec elle. A l’O. de Saint-Laurent, dans le vallon de Saint-Aupre, M.Elie de Beaumont indique une superposition discordante des poudin- gues sur la mollasse, redressée sous un angle de 70 degrés (2); j’ai visité avec soin la localité indiquée, mais il m’a semblé, au con- traire, apercevoir une liaison intime et une concordance complète entre ces deux sortes de dépôts. Dans les ravins qui entament pro- fondément la même colline, entre Merlas et Saint-Geoire, il y a des alternances fréquentes et multipliées de mollasse sableuse, très nettement stratifiée, et de petites assises de poudingues. Il en est de même dans le ravin de la Morge, au-dessus de Voiron. Sur le prolongement de la direction des couches de mollasse, redressées à Saint-Aupre, on retrouve, à Saint-Quentin-sur-l’Isère, les poudingues associés à des couches sableuses ; ils forment un monticule supportant une tour ruinée. Dans ce momicule, comme le fait observer M. Elie de Beaumont (3), leurs couches sont ho- rizontales, mais on peut continuer à les suivre un peu plus au S., le long de la chaîne calcaire ; et, à moins de deux kilomètres, on les trouve en contact avec le calcaire néocomien supérieur, et redressés comme lui sous un angle d’environ 60 degrés. Une pe- tite aiguille, formée de poudingues très solides, ainsi relevés, se (4) Ann. des sciences naturelles, 4re sér., t. XVIII, p. 337, 1829, et t. XIX, p. 8. (2) Ann. des sc. nat.t 4r* sér., t. XIX, p. 17. (3) 7 hid., t. XIX, p. 4 5. NOTE DE M. LORY. kl cil ’esse au flanc de la montagne calcaire , et la stratification des poudingues y est rendue plus distincte encore par des alternances de petits lits très réguliers de mollasse sableuse. Ainsi, à Saint-Quentin comme à Proveysieux, les poudingues ont été redressés par le soulèvement des Alpes; ils font donc là aussi partie du terrain de mollasse. Au Pont-de-Beauvoisin, la vallée du Guiers est creusée dans la mollasse, qui s’élève encore à plus de 50 mètres au-dessus de ce niveau, au Sablon, sur la route des Abrets. Mais au Pont-de- Beauvoisin même (1) la mollasse renferme de petites assises cail- louteuses, des couches de véritables poudingues, tandis que, plus haut, les poudingues dominent, mais avec des alternances de mol- lasse sableuse; de telle sorte que je ne puis reconnaître aucune limite nette entre la mollasse marine, coquillière, du Sablon, et ces poudingues prétendus lacustres. Aux Abrets, les poudingues commencent à renfermer des assises alternantes d’argiles bleues. Ces argiles se développent davantage un peu plus à l’O. et contiennent les lignites des environs de laTour- du-Pin. M. Fournet a publié récemment une note sur le gisement de ces lignites (2). Le principal objet de cette note est de mon- trer la continuité de l’assise argileuse et des véritables couches de lignite qu’elle renferme; mais notre savant confrère semble établir une différence de caractères entre les poudingues supérieurs aux lignites et ceux qui en forment la base. Dans toutes les coupes et exploitations que j’ai vues aux environs de la Tour-du-Pin, j’ai trouvé que les poudingues qui surmontent l’assise des lignites sont exactement semblables à ceux qui sont dessous ; qu’il y a enche- vêtrement intime, par petites assises alternantes, des argiles et des poudingues; et sur toute leur épaisseur, en dessus comme en des- sous, ceux-ci sont toujours caractérisés par leurs cailloux impres- sionnés et leur ciment calcaréo-sableux. Ainsi, les argiles à lignites de la Tour-du-Pin ne sont qu’une petite formation d’eau douce, d’épaisseur insignifiante, intercalée dans le grand étage des poudin- gues, et je ne crois pas qu’on puisse en inférer l’origine lacustre de ceux-ci. Il en est de même des lignites, en tout semblables à ceux de la Tour-du-Pin, que l’on rencontre sur plusieurs points, entre Vienne et Saint-Marcellin, comme à Anjou, Viri vil le, Fay-d’Aihon, Mont- (1) Ann . des sc. nat lre sér., t. XVIII, p. 334. (2) Bull.) 2e série, t. XI, p. 763, et De l’extension des terrains houi fiers , Lyon, 1854. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. /<8 mirail,et surtout à Hauterives, dans la vallée de laGalaure. Cette dernière station est très propre à montrer la liaison intime qui existe entre ces trois formations : mollasse marine coquillière, poudingues à cailloux impressionnés , et argiles bleues avec coquilles d’eau douce et couches de lignites (1). En face d’Hauterives, sur la rive gauche de laGalaure, on voit la mollasse sableuse, tendre, dans laquelle on rencontre quelques petites coquilles marines, comme celles qui s’y trouvent en abon- dance, à une lieue au S., dans les ravins des Ponçons. En remon- tant le cours du ruisseau qui vient du hameau de Combesse, on voit qu’il a creusé son lit dans des alternances de cette mollasse avec de petites couches argileuses, contenant des Hélices, des Lym- nées et autres coquilles d’eau douce, et des traces de lignite. Ces argiles à coquilles d’eau douce sont bien manifestement subordon- nées à la mollasse marine; le tout incline légèrement au nord, et vient, par conséquent, passer sous les couches de l’autre côté de la Galaure. Le bourg d’Hauterives est adossé à une colline formée de pou- dingues à cailloux impressionnés , alternant avec des mollasses sa- bleuses ; au sommet de cette colline, près du vieux château, le tout est surmonté par une couche remplie d’Huîtres [Ostrea longirostris , Lam.), Cet ensemble plonge au nord sous un vallon occupé par les marnes bleues à lignites, et il n’y a qu’une faible épaisseur décou- ches sableuses ou caillouteuses entre la couche à Huîtres et l’argile avec coquilles d’eau douce. L’argile bleue d’Hauterives renferme un grand nombre de co- quilles d’eau douce ou terrestres bien conservées, qui ont été dé- crites par M. Michaud. Cet habile conchyliologiste les regarde presque toutes comme nouvelles; mais M. Deshayes pense qu’elles sont généralement identiques avec les faluns de la Touraine. Le lignite forme, dans l’argile bleue, deux couches bien réglées, dont l’une est épaisse de lm,50. lia la structure ligneuse de la plupart de ceux delà Tour-du-Pin. L’assise d’argile, puissante d’environ 20 mètres, s’enfonce sous une masse de poudingues à cailloux im- pressionnés, que l’on peut suivre sur la route d’Hauterives à Beau- repaire. De l’autre côté de la colline que franchit cette route, on retrouve les mêmes poudingues en descendant sur Lent-Lestang, et ils renferment encore, près de Moras, des lits d’argile et des (4) Thiollière, Soc . d’agricult ., etc., de Lyon , 4 855; Sc. Gras, Bull. 7 2e série, t. XIV, p. 221. NOTE DE M. LOR Y* AO traces de lignite qui sont peut-être le prolongement affaibli de l’assise d’Hauterives. Le terrain des poudingues à cailloux impressionnés renferme aussi très souvent de petites assises de marnes très calcaires et de calcaires blanchâtres, qui ont tout à fait l’aspect de petits dépôts lacustres. Par exemple, en suivant la route de Saint-Marcellin à Roybon, on trouve d’abord la mollasse sableuse, bientôt après de petites alternances de poudingues, puis, jusqu’au-dessus de Muri- nais et de Varacieux, une série d’alternances très multipliées de mollasses, de poudingues et de marnes blanches, avec petites cou- ches de calcaire lacustre. Enfin, près de Roybon, à Plan-Michard , M. Fénéon (1) a trouvé une couche de calcaire lacustre, accompa- gné de marnes blanches, que l’on exploite pour l’amendement des terres, et qui est encore intercalée dans la partie supérieure des poudingues. De petites couches de lignite existent aussi dans cette partie de la région des poudingues, à llessinset à Dionay, au Serre- Nerpol et à l’Osier, au- dessus de Vinay, etc. Mais ces alternances de petites assises d’eau douce avec les nappes de poudingues à cailloux impressionnés ne me semblent pas, quelque fréquentes qu’elles soient, impliquer l’origine lacustre de ces derniers , car ces alternances se rencontrent dans la mollasse marine la mieux caractérisée. Au-dessous de Saint-Marcellin même, sur le bord de l’Isère, on a exploité, comme pierre de taille, un calcaire lacustre dont les couches plongent d’environ 10 degrés vers le N. -O., et qui est intercalé, en stratification concordante, dans la mollasse sableuse. Ainsi, dans toute la partie du bas Dauphiné comprise entre le Rhône et l’Isère, il paraît exister une liaison intime entre ces trois sortes de dépôts, la mollasse marine, les poudingues à cailloux impressionnés , les argiles et marnes à coquilles d’eau douce, avec couches de lignite subordonnées. Les poudingues seraient, à mes yeux, une formation marine, qui ferait suite, sans discontinuité, à la mollasse coquillière. Ils alternent dans le bas avec celle-ci, de même que des couches sableuses alternent avec eux jusque dans leur partie supérieure. Ils ont été, sur plusieurs points, redressés, comme la mollasse ordinaire, par les derniers soulèvements des chaînes crétacées de l’Isère. Les argiles avec coquilles d’eau douce, les lignites en amas subordonnés à ces argiles, sont de petits dé- pôts d’eau douce intercalés à différents niveaux dans cette grande formation marine. Il n’en est pas moins vrai que, dans l’ensem- (1) Élie de Beaumont, Ann. des sc . nat ,, 4re sér, , t. XIX, p. 34. Soc. géol.y 2e série, tome XY. 4 50 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. hle, ces argiles et les poudingues dans lesquels elles sont interca- lées forment un groupe de couches supérieur à la mollasse propre- ment dite, et qui n’a recouvert celle-ci que sur une partie de son étendue. Mais une délimitation tranchée me semble bien difficile à établir, et nous sommes conduits à réunir sous une même teinte, avec la mollasse , les poudingues à cailloux impressionnés et les argiles à lignites, qui, sur la Carte géologique de la France, sont sé- parés de la mollasse et désignés par le signe p. L’ensemble de ces dépôts occupe une étendue considérable dans le N. -O. du Dauphiné, entre le Rhône et les premières chaînes calcaires des Alpes; il constitue un pays de collines et de pla- teaux, découpés par un grand nombre de vallées et de ravins, et il est bien manifeste que les érosions que le terrain a subies depuis son immersion ont singulièrement modifié la configuration primi- tive de cette région. Les collines de poudingues les plus élevées sont celles qui composent le pays dit les Terres-Froides, au nord de Voiron. Le point culminant est au signal de Baracuchet, au N. -O. de Saint-Aupre (966 mètres). Cette hauteur est bien supé- rieure à celle de la première chaîne crétacée, qui forme une voûte surbaissée, haute seulement de 703 mètres, entre Saint-Aupre et Saint-Laurent-du-Pont ; de sorte que l’on peut aisément prolonger par la pensée les poudingues par- dessus cette voûte, pour les rat- tacher à ceux de Saint-Laurent et de Pommier. A partir de cette lisière du massif de la Chartreuse, si l’on déter- mine les cotes successives les plus élevées des plateaux tertiaires, on voit qu’elles sont groupées avec une régularité remarquable sur une ligne perpendiculaire à la direction des chaînes de la Chartreuse, menée par le signal de Baracuchet, et aboutissant au bord des plaines lyonnaises, entre Chaponnay et Saint-Sympho- rien-d’Ozon, En raccordant ces sommités, on a une ligne à peu près régulière, dont la pente moyenne est de 0ni,95 pour 100 mè- tres, ou un peu moins de Sur deux parallèles à cette même direction se trouvent deux autres groupes de cotes exceptionnelles ; l’une de ces parallèles joindrait le sommet de Morsonna, près Tullius (787 m.), avec la cote 610 du télégraphe de Jardin, près Vienne ; l’autre, le point culminant du plateau de Chambaran (735 m.), à la cote 626, à 10 kilomètres N. -O. de Beaurepaire. La pente de cette dernière est exactement celle de la ligne ci-des- sus, 0,0095; celle de l’autre est 0,00937 sur 30 kilomètres, puis se réduit à 0,005^ sur les 18 restants, en approchant du Rhône. On peut conclure de là qu’après leur émersion les terrains ter. tiâires que nous venons d'étudier constituèrent un vaste plateau, NOTE DE M. LORY* 51 s’appuyant d’un côté sur la première chaîne crétacée des Alpes, et s’étendant jusqu’au pied des montagnes qui bordent aujourd’hui la rive droite du Rhône, avec une pente régulière d’environ 1 pour 100 vers l’O.-N.-O. Les parties qui ont le mieux conservé, sur des étendues un peu notables, la configuration primitive du sol, sont comprises entre la vallée du Rhône et le 3e degré de lon- gitude E., passant un peu à LE. de Bourgoin et de Saint-Marcel- lin. Là se trouvent des plateaux assez vastes, plateaux de Chain- baran, s’étendant sur les cantons de Roybon et du Grand-Serre, plateaux de Bonnevaux, se prolongeant en pente douce jusqu’au S. de Tienne, et plusieurs autres moins importants. Les eaux de ces pays coulent uniformément vers l’O., et donnent lieu à plu- sieurs petites rivières qui se jettent dans le Rhône entre Lyon et le confluent de l’Isère. Ce caractère hydrographique définit assez bien les limites d’une région où les poudingues tertiaires sont re- couverts par un terrain de transport ancien, formant le sol des plateaux et de toutes les hauteurs, et évidemment antérieur au creusement des vallées; ce terrain de transport nous semble bien distinct des poudingues sur lesquels il repose, et peut être consi- déré comme le dernier terme de la série tertiaire dans le Dau- phiné. Terrain de transport ancien (les plateaux du bas Dauphiné . Ce terrain se compose de sables fins, siliceux, et d’argiles, dé- pourvus de carbonate de chaux, et contenant des cailloux roulés, parfaitement arrondis, de quartz blanc, compacte eu grenu, qui ont jusqu’à 0m,15 de diamètre. Ces cailloux roulés sont surtout abondants dans les sables de la partie inférieure du dépôt. Avec ces cailloux de quartz, on ne trouve qu’un petit nombre de cail- loux granitiques ou d’autres roches siliceuses très résistantes; les cailloux calcaires y sont très rares, tout à fait exceptionnels. Les sables et les argiles sont en général un peu ferrugineux ; çà et là, les argiles sont assez pures pour être exploitées comme terres ré- fractaires. Souvent on rencontre dans ces glaises de petits tuber- cules de minerai de fer pauvre ; lavés par les eaux pluviales, ils sont rassemblés en grand nombre dans les petites dépressions du terrain . Ces dépôts, d’un aspect si caractérisé, couvrent les vastes pla- teaux de Chambaran, où ils s’élèvent à 735 mètres, et descendent avec une pente d’abord rapide, puis de plus en plus faible, vers l’O.-N.-O; Leur puissance totale me paraît atteindre au plus 30 à 52 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. 50 mètres. On les retrouve au nord de la Côte-Saint- André, puis sur les plateaux de Bonnevaux, etc., jusqu’auprès de Vienne. Le sol glaiseux formé par ce terrain retient les eaux, et détermine l’existence d’un grand nombre d’étangs sur ces plateaux. Au delà de Vienne, on retrouve encore les mêmes glaises et leurs galets de quartz sur toutes les hauteurs et jusque sur les collines de gneiss de Ternay. ici le niveau supérieur de ce terrain est singu- lièrement diminué, puisqu’il n’est plus qu’à 370 mètres environ, sur le bord des plaines lyonnaises, depuis Communay jusqu’à Chandieu. M. Élie de Beaumont [Ann, des sc. ncit.% lre série, t. XIX) a rattaché ces glaises à cailloux quartzeux des plateaux du bas Dau- phiné aux dépôts semblables qui forment le sol du nord de la Bresse, de la plaine entre Châlon et Dijon, des plaines des envi- rons de Dole, et enfin aux argiles contenant le minerai de fer pisiforme de la Haute-Saône aux environs de Gray. Il considère ces dépôts comme formés dans un même grand lac qui ne parait pas s’être étendu vers le midi au delà des environs de Saint- Donat (Drôme), où viendrait passer le prolongement du bord fortement relevé du plateau de Chambaran. Nous adoptons entièrement à ce sujet les vues de l’illustre auteur de la Carte géologique de la France ; seulement nous ne croyons pas pouvoir réunir à cette for- mation lacustre les poudingues à cailloux impressionnés , dont nous nous sommes occupé plus haut. Dans notre opinion, le ter- rain tertiaire supérieur se réduirait à ce dépôt, encore très im- portant, de glaise avec cailloux quartzeux et grains de minerai de fer, formé, après le retrait de la mer qui avait déposé les pou- dingues et le soulèvement des Alpes occidentales, dans un lac qui se trouvait limité au S.-E. par une plage de mollasse et de poudingues soulevés. Une ligne passant par Tain, Saint-Marcellin, le Grand-Lemps et Bourgoin me paraît circonscrire complètement de ce côté le bassin où se serait formé ce dépôt. Du côté du nord, tout porte à croire qu’il communiquait librement avec le bassin bressan. La grande élévation et la pente assez rapide que présente le terrain tertiaire supérieur sur le bord S.-E. du plateau de Chambaran indiquent un relèvement de ce dépôt par le dernier soulèvement des Alpes. Celte révolution, comme l’a établi M. Elie de Beaumont, a eu pour conséquence l’établissement de la pente actuelle du bassin du Bhône à partir de Saint-Vallier, l’écoule- ment des eaux du grand lac bressan et le creusement des vallées dans les terrains tertiaires du bas Dauphiné par les courants dilu- viens. La principale de ces vallées, s’étendant de Voiron à Saint- NOTE DE M. LORY. Kambert, a une direction qui est à peu près celle des Alpes orientales, et l’on peut penser qu’elle doit son origine à une dis- location du sol tertiaire dans cette direction que les eaux dilu- viennes ont suivie, et où elles ont rapidement creusé un sillon d’environ 10 kilomètres de largeur. Neus arrivons ici à la période dite diluvienne ou quaternaire, dont il importe de distinguer les dépôts d'avec ceux des dernières périodes tertiaires. Terrain quaternaire ou diluvien. Je comprends sous cette dénomination, et provisoirement sous une teinte unique sur la carte, l’ensemble des terrains de trans- port formés sous un régime bien différent de celui de la période actuelle, mais cependant en rapport intime avec la configuration générale du sol telle qu’elle est aujourd’hui, et postérieurs aux derniers soulèvements qui ont façonné les chaînes des Alpes. Le premier fait géologique de cette période paraît avoir été, comme nous venons de le rappeler, d’après M. Elie de Beaumont, le déversement des eaux du grand lac bressan vers le midi, le creusement de la vallée du Rhône au-dessous de Saint-Vallier et celui de deux grands sillons d’érosion dans le fond de l’ancien lac : l’un de ces sillons est le bassin des plaines lyonnaises entre le plateau de la Bresse et le plateau viennois ; l’autre est la vallée de la Côte-Saint- André , entre le plateau viennois et celui de Chambaran. En même temps, de grandes érosions ont eu lieu dans les Alpes, et les débris des montagnes ont été roulés et trans- portés par des cours d’eau d’une énergie extraordinaire qui les ont déposés dans les grandes vallées alpines et dans le bassin du Rhône. L’échancrure des plaines lyonnaises a reçu les matériaux roulés venant du Jura, de la Suisse et d’une partie de la Savoie; la vallée de la Côte- Saint-André a été le débouché général des débris provenant du bassin hydrographique actuel de l’Isère et de ses affluents. Enfin, de grandes masses de débris des Hautes- Alpes ont été transportées vers le midi, suivant le cours actuel de la Durance. Je vais indiquer rapidement les caractères de ces terrains de transport ou alluvions anciennes , soit dans les vallées alpines, soit'en dehors des Alpes, dans le bas Dauphiné. Alluvions anciennes dans la vallée de l'Isère. — Elles consti- tuent en avant de Grenoble plusieurs terrasses qui sont à plus de 150 mètres au-dessus des alluvions actuelles, à Saint-Nazaire, à la Buissière, et surtout à Barraux et à Chapareillan. Au delà de la frontière, elles se rattachent manifestement à des terrasses sem- 54 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. blables, bien plus nombreuses encore dans la direction d’Albert- ville et dans celle de Chambéry. Le caractère général de ces alluvions, c’est d’être formées, dans leurs parties inférieures, de matériaux fins et nettement stratifiés, de couches de petits gra- viers, de sables, et même d’assises très régulières d’argile bleue, exploitée pour faire des tuiles. On trouve même dans ces argiles des coquilles terrestres et fluviatiles très fragiles, des Hélices, des Cyclades qui paraissent identiques avec les espèces vivantes clu pays même, et M. Sc. Gras a signalé, dans l’argile de la terrasse de Barraux, un gîte de lignite formant trois petites couches, cha- cune de 10 à 30 centimètres de puissance (1). Ces parties infé- rieures des alluvions anciennes de la vallée de l’Isère indiquent un dépôt tranquille, peut-être dans un lac. Les parties supérieures sont plus caillouteuses, et deviennent même de plus en plus gros- sières. Cependant elles sont toujours assez distinctement stratifiées et formées de cailloux roulés, bien arrondis, sans mélange de débris anguleux ni de gros blocs. Les cailloux ressemblent exacte- ment à ceux qui ont été longtemps roulés dans les îivières tor- rentielles; ils ne sont jamais polis et striés, jamais non plus impressionnés , comme le sont les cailloux des poudingues ter- tiaires ; ils forment quelquefois des poudingues assez solides ; mais le ciment de ces poudingues n’est que du calcaire concré- tionné, évidemment déposé par les eaux qui ont filtré et filtrent encore à travers les nappeg.de cailloux. Ce n’est que dans les par- ties superficielles, sur le haut ou sur les pentes dénudées des ter- rasses, qu’on trouve mélangés à ces dépôts des blocs plus ou moins volumineux, souvent à peine émoussés, des cailloux polis et striés, des matières transportées, de caractères tout autres ; mais comme ces derniers dépôts se montrent seuls, à des hauteurs bien plus grandes, sur les flancs des montagnes, il est naturel de penser que leur mélange avec les cailloux roulés des nappes d’alluvions anciennes, dans les parties superficielles de celles-ci, est le résultat d’un remaniement, et que le transport de ces débris erratiques est un fait distinct, postérieur à la formation des terrasses d’alluvions anciennes. Nous avons dit plus haut que l’on pouvait rattacher la terrasse de Barraux et de Chapareillan à une succession de terrasses ana- logues dans la direction de Chambéry, et l’on arrive ainsi aux terrasses qui s’étendent des deux côtés de la vallée entre Cham- béry et le lac du Bourget. Tous les caractères que nous avons (1) Bull, de la Soc . de statist. de /’ Isère, 2e sér, , t. I, p. 198. NOTE DE M. LOUY. 55 décrits plus haut se retrouvent dans celles-ci ; les dépôts tranquilles de sables fins et d’argiles dans les parties inférieures y sont encore plus développés qu’à Barraux ; et, à la place des petits amas de lignite de cette dernière localité, se trouvent les lignites, en amas beaucoup plus épais et plus suivis, exploités à Sonnaz et à la Motte - Servolex. Ces lignites, que je viens d’étudier sur les lieux, res- semblent minéralogiquement à ceux de la Tour-du-Pin , mais je les en crois bien distincts au point de vue géologique. Les végétaux et les mollusques terrestres ou fiuviatiles qu’ils renferment pa- raissent appartenir à des espèces qui vivent encore dans le pays; quant aux élytres d’insectes qu’on y trouve, elles appartiennent à des genres qui sont dans le même cas; et les caractères qu’elles peuvent fournir ne paraissent guère assez décisifs pour autoriser la création d’espèces nouvelles. Les nappes caillouteuses de ce terrain sont formées de cailloux roulés des Alpes, parmi lesquels dominent surtout les roches granitiques; ils ne sont jamais im- pressionnés, et s’ils forment çà et là des poudi ligues assez solides, le ciment qui les unit n’est jamais que du calcaire concrétionné, déposé par les infiltrations aqueuses ; ils ne ressemblent en rien aux poudingues tertiaires de la Tour-de-Pin. Aussi, tandis que ceux-ci se lient intimement avec la mollasse, comme on l’a vu plus haut, les couches du terrain à lignite de Chambéry n’ont subi aucun dérangement et sont en discordance complète avec la mollasse marine et la mollasse lacustre, redressées jusqu’à la ver- ticale dans la colline de Préserve, près Aix. Je rattache donc ce terrain aux aliuvions anciennes, quaternaires, et je suis heureux de pouvoir appuyer mon opinion de celle de M. Louis Pillet, dans son excellente Description géologique des environs d’Aix, où l’on trouvera sur ces dépôts beaucoup de détails dans lesquels je ne puis entrer ici, Aliuvions anciennes du bassin du Drac. — Le cours actuel du Drac est creusé profondément dans les schistes du lias , entre des terrasses d’anciennes aliuvions qui sont souvent à plusieurs cen- taines de mètres au-dessus de la rivière. En remontant de Grenoble à Saint-Bonnet, on voit que ces terrasses, parfaitement indi- quées sur la Carte géologique de la France , sont étagées à des ni- veaux absolus de plus en plus élevés, mais viennent insensiblement se raccorder avec le niveau des aliuvions actuelles vers les sources du Drac, à Champoléon et à Orcières. Il semble manifeste que la rivière consistait jadis en une série de bassins étagés, se déversant les uns dans les autres par des gorges étroites et dans lesquels se sont entassés sur d’énormes épaisseurs, par nappes successives, les 56 SÉANCE BL 2 NOVEMBRE 1857. débris plus ou moins grossiers, roules par les affluents. Ces dépôts ont été décrits par M. Elie de Beaumont [A ni, des Sc. nat., lre série, t. XIX, p. 68); ils ont un caractère torrentiel beaucoup plus marqué que ceux de la vallée de l’Isère ; cependant ils sont encore bien distinctement stratifiés, et présentent même des lits, sensiblement horizontaux, de matières fines, de sables ou d’argiles, alternant avec les nappes de cailloux roulés. Les cailloux ont les dimensions et les formes irrégulièrement arrondies que l’on re- marque dans les rivières torrentielles de l’époque présente ; les blocs un peu volumineux et à angles presque vifs sont tout- à-fait exceptionnels dans les parties profondes du dépôt. Au contraire, dans la partie supérieure des terrasses et dans toutes les parties superficielles remaniées, il y a un mélange intime des cailloux roulés avec de grands blocs anguleux, avec des cailloux polis et striés ; toute trace de stratification disparaît dans les amas de débris de ce dernier genre qui couronnent les terrasses de Corps, de la Mure, etc. ; et on est naturellement conduit à penser que leur mode de transport a été tout autre que celui nés galets arrondis des nappes inférieures. Les alluvions anciennes du bassin du Drac s’enebevètrent avec celles de la vallée de l’Isère dans une grande terrasse qui borde au S.-E. la plaine de Grenoble, à Champagnier, Echirolles, Eybens, etc. Cette terrasse montre des nappes horizontales de cailloux roulés et de graviers, sans mélange de gros blocs, ni de débris anguleux, ni de cailloux polis et striés, jusqu’à deux cents mètres au moins au-dessus de la plaine; on y trouve même, in- tercalée dans la partie inférieure du dépôt, une assise puissante et très régulière d’argile fine, exploitée à Eybens pour la fabrication de tuiles et de poteries. Les parties supérieures de cette même terrasse jusqu’au niveau du hameau de Remage (350 mètres au- dessus de Grenoble) présentent un mélange de galets avec des débris anguleux et de gros blocs , puis ce dernier genre de dépôts exclusivement; tout indice de stratification disparait, du moment où l’on rencontre les gros blocs, les débris anguleux et les cailloux striés; enfin le haut de la montagne à laquelle est adossé ce dépôt est couvert, jusqu’à son sommet (ait. 893 m.), d’une énorme quantité de grands blocs erratiques épars. La vallée de la Durance offre une succession de terrasses d’an- ciennes alluvions, qui sont dans le même cas que celles du bassin du Drac : telles sont la terrasse de Grand- Yillard. au bord de la plaine de Briançon , les terrasses de Montdauphin et d’Embrun , que l’on peut relier l’une à l’autre par des lambeaux intermé- NOTE DE M. LORY. 57 diaires, et qui sont formées de cailloux roulés fortement cimentés par des infiltrations calcaires, et les terrasses semblables entre les- quelles la Durance s’encaisse un peu en dessus de Sisteron, etc. Caractères generaux des allumions anciennes . — Les détails que nous venons de donner suffisent, je crois, pour établir nettement les caractères des allumions anciennes dans les vallées alpines du Dau- phiné et la distinction qu’il convient de faire entre elles et les dépôts erratiques. Les alluvions anciennes ont tous les caractères de dépôts formés par de grandes masses d’eaux, tantôt rapides, tantôt à peu près tranquilles, c’est-à-dire présentant dans leur ré- gime des variations dont celles des rivières alpines de l’époque actuelle nous offrent encore une image affaiblie. Elles se sont formées dans les bassins que suivent encore les rivières actuelles, mais à des niveaux bien supérieurs. Le caractère torrentiel de ces dépôts est d’autant plus prononcé qu’on le suit plus avant dans les montagnes ; il l’est plus pour les terrasses du Drac ou de la Durance que pour celles de l’Isère, en amont de Grenoble; la constitution plus ou moins grossière de ces terrasses est en rapport intime avec la constitution des alluvions actuelles des mêmes rivières, dans les mêmes contrées. Cela indique, si je ne me trompe, que les alluvions anciennes se sont formées durant une période qui avait beaucoup de ressemblance avec la période actuelle, mais pendant laquelle les cours d’eau des Alpes avaient un plus grand volume et étaient beaucoup moins encaissés qu’ils ne le sont au- jourd’hui. On peut aussi supposer, ce me semble, qu’ils consis- taient alors en une sériedebassins étagés, se déversant les uns dans les autres par des gorges étroites, et dans chacun desquels se sont entassées des alluvions, formées de matières fines ou grossières, plus ou moins nettement stratifiées, suivant le caractère des af- fluents qui débouchaient dans ces bassins : les rivières actuelles se sont creusé profondément, au milieu de ces anciennes allu- vions, des lits bien plus étroits et d’une pente à peu près uniforme. Dépôts erratiques. — Ces dépôts, bien distincts des précédents et dus évidemment à des phénomènes postérieurs, sont de deux sortes : les blocs erratiques épars et les amas de débris erratiques , à cailloux polis et striés, généralement empâtés dans une sorte de boue ou limon de caractère spécial, et reposant souvent sur des roches qu’ils ont polies et striées par leur glissement. Les blocs erratiques épars venant des hautes chaînes des Alpes ont été transportés sur les chaînes inférieures et sur les plateaux subalpins, et sont venus en grande abondance jusque dans les en- virons de Lyon. Leur distribution dans le Dauphiné mériterait 58 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. d’être examinée en détail, mais je me bornerai ici à quelques in- dications rapides. Dans le groupe des montagnes de la Chartreuse, par suite des déchirures nombreuses qui donnent accès dans les parties centrales de ce massif, on trouve des blocs alpins, de roches granitiques surtout, dans toutes les parties dont l’altitude ne dépasse pas 1200 mètres. Il en est de même des deux côtés de la vallée de l’Isère, de Grenoble à Yoreppe. A i’O. de Grenoble, ces blocs couvrent en grand nombre le plateau de Saint-Nizier (1171 m.), d’où quelques-uns d’entre eux ont été entraînés dans la vallée de bans et dans les gorges de la Bourne. Je n’en ai jamais rencontré dans les vallées d’Autrans et de Méaudre, ni dans celles du Vercors, où ils n’auraient pu arriver qu’en remontant des gorges de la Bourne. Au S. de Grenoble, ils sont très répandus dans les bassins de la Gresse et de l’Ebron et des deux côtés de la gorge du Drac, aux environs de la Mure, de Mens et de Corps, toujours jusqua une altitude maxima d’environ 1200 mètres. Ils sont sur- tout abondants sur les terrasses d’alluvions anciennes qui bordent les deux rives du Drac et sur lesquelles sont bâtis Corps-,, la Mure, Saint-Jean d’Hérans, etc., à un niveau moyen d’environ 900 mètres. La même abondance de blocs erratiques se remarque sur les flancs de la vallée du Drac au-dessus de Corps et jusque sur le plateau de Bayard, point culminant de la route de Grenoble à Gap, et point de partage des eaux entre le Drac et la Durance (1250 mètres environ). M. Rozet a décrit, avec des détails précis et très intéressants, ces dépôts erratiques des environs de Gap (1), d’où les blocs, venant, soit du massif de Chaillol, soit des parties élevées du bassin de la Durance, ont été transportés vers le midi, suivant les cours actuels de la Durance et du Ruech de Veynes, qui confluent à Sisteron. Dans le bassin de la Durance, aux environs d’Embrun, de Guillestre et de Briançon, la distribution des blocs erratiques présente des faits analogues. Je n’ai jamais aperçu de blocs erra- tiques venant des Alpes centrales dans les montagnes du Dévoluy, ni dans toutes celles du département de la Drôme. Les blocs erratiques des Alpes dauphinoises n’ont pu sortir de la région des montagnes que par un petit nombre d’issues : 1° en contournant au nord le massif de la Chartreuse, par Chambéry, d’où ils sont venus s’étaler sur le nord du département de l’Isère, jusqu’à Lyon ; cette voie, principal débouché des blocs de la Mau- (1) Bull., 2e sér,, t. IX. NOTE DE M. LOIIY. 59 Tienne et de la Tarentaise, a été aussi celui d’une partie des blocs du pays d’Allevard; 2° en passant par la coupure de l’Isère, de Grenoble à Yoreppe, d’où ils se sont dispersés sur tout le Bas- Dauphiné ; 3° enfin par la vallée de la Durance, qui les a conduits en Provence. Dans toute la partie basse du département de l’Isère, des deux côtés de la ligne de Yoreppe à Lyon, les blocs alpins sont répandus en abondance sur les collines tertiaires des Terres- Fi oides, jusqu’à des hauteurs de plus de 900 mètres sur la lisière du massif de la Chartreuse (collines de Merlas), sur les plateaux tertiaires du Viennois, sur le plateau jurassique de Crémieu et cle Morestel, et on les suit ainsi de proche en proche jusque sur les hauteurs qui couronnent la ville de Lyon. Les amas de débris erratiques sont formés d’un mélange confus de débris de toute grosseur, empâtés dans un limon qui résulte évidemment de la trituration des roches, et qui est en général assez argileux et assez fortement tassé pour rendre la masse à peu près imperméable. Bien distinct sous ce rapport des alluvions anciennes qui sont presque toujours très perméables, le terrain de transport erratique forme un sol agricole particulier, désigné, dans les en- virons de Chambéry, sous le nom de nuircq , sous celui de diot, dans les environs de Genève (1). Les nombreux étangs des Terres- Froides et des plateaux au nord de Morestel doivent en général leur existence à ce fond argileux de terrain erratique. Les caractères géologiques de ce terrain sont bien connus ; on y trouve pêle-mêle, sans triage et sans trace de stratification, des débris de toutes dimensions, les uns anguleux, à peine émoussés, les autres usés par le frottement, émoussés et polis sans être arron- dis, enfin les cailloux polis et striés, éminemment caractéristiques de ce genre de dépôts. Pour peu qu’on y fasse attention, il est im- possible de confondre ces amas, résultant de boues épaisses et à peine plastiques, avec les nappes d’alluvions anciennes, formées de matières qui ont été roulées et déposées librement, au sein de masses d’eaux abondantes. Les amas erratiques reposent sur tous les terrains, jusque sur les alluvions anciennes inclusivement, et appartiennent par conséquent à la dernière époque géologique qui a précédé la période actuelle. Quand ils reposent sur des roches dures, celles-ci sont constam- ment polies et couvertes de stries, dont le sens indique celui du glissement de la masse erratique. L’existence de ces surfaces polies (1) G. Mortillet. Prodrome d'une géologie de la Savoie , p. 5. 60 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857, et striées par le transport des débris erratiques est un fait telle- ment général dans les A lpes dauphinoises qu’il faudrait citer presque toutes les localités des montagnes de l’Isère et des Hautes-Alpes, si l’on voulait dresser le catalogue de celles où l’on trouve des sur- faces de ce genre. Je me contenterai de faire observer que ce poli se montre avec la plus grande perfection sur les roches les plus dures, les granités de l’Oisans, les quartzites blancs du Briançon - nais (descente du col du Chardonnet à Névache, etc.); qu’il est surtout remarquable sur les calcaires compactes des terrains juras- siques ou du terrain néocomien ; enfin qu’il affecte des roches de tout âge, jusqu’aux alluvions anciennes, quand elles sont cimentées et forment des poudingues, ainsi que l’a indiqué M. Rozet pour les poudingues quaternaires sur lesquels est bâtie la ville d’Em- brun (1). La limite supérieure du niveau des surfaces polies et striées est essentiellement variable et d’autant plus élevée qu’on se rapproche plus des grands massifs alpins. Dans les vallons qui débouchent des hautes montagnes de l’Oisans et du Briançonnais et dont le haut est occupé encore par des glaciers, on peut suivre de proche en proche la continuité des surfaces polies anciennement avec celles que les glaciers usent encore aujourd’hui : les vallons du Yénéon et de la Romanche, ceux de Vallouise, de Névache, de Cervières, et une foule d’autres vallons tributaires du Drac ou de la Durance, pourraient être cités comme des exemples classiques du grand dé- veloppement des surfaces polies et striées , offrant tous les carac- tères de lits d’anciens glaciers. Les surfaces polies et striées peuvent être suivies vers les débouchés des Alpes, soit dans le bassin de la Durance, par Embrun et Gap, soit en dessous de Grenoble sur les deux rives de l’Isère, jusqu’à Saint-Gervais, soit enfin jusqu’au- près de Lyon, sur les collines calcaires de la Verpilière et de Cré- mieu. Tout le plateau jurassique qui forme la pointe nord du dé- partement de l’Isère n’est qu’une vaste surface polie et striée, encore en grande partie recouverte par les amas de débris erra- tiques (2). Les niveaux auxquels se rencontrent ces derniers sont nécessai- rement inférieurs à ceux qui atteignent les blocs erratiques épars. Dans le Bas-Dauphiné, on trouve des amas étendus de ces débris au point le plus élevé de la route de Grenoble à Lyon, sur le pla- teau d’Eclose à 550 mètres environ ; cette altitude est bien supé- (1) Bull. , 2e sér., t. IX, p. 429. (2) Bull. , 2e sér., t. IX, p. 49. NOTE DE M. LOS Y. 6i rieure à celle des points les plus élevés du plateau calcaire de Cré~ mieu (hUU mètres). Le transport des débris erratiques a eu lieu par-dessus tous les terrains, jusques et y comprisles alluvions anciennes. Quand celles-ci formaient déjà des poudingues solides, comme à Embrun, elles ont été simplement rabotées et polies par le passage de la masse erra- tique ; mais le plus souvent ces nappes diluviennes étaient meubles ou à peine cimentées; et alors, quel que soit le mode de transport que l’on admette pour les débris erratiques, soit un fleuve de boue épaisse, soit un glacier, on doit, ce me semble, supposer que ces dé- pôts meubles quaternaires ont été labourés profondément, et leurs cailloux roulés ont du se mélanger avec les débris anguleux de la nouvelle provenance. On peut inférer de là que sur les points où les amas erratiques, à cailloux polis et striés, reposent sur des ter- rasses d’alluvions anciennes, celles-ci ont du être remaniées dans toute leur partie supérieure et leurs cailloux roulés mélangés avec les débris erratiques ; et alors il semble y avoir liaison, passage graduel apparent, entre ces deux genres de dépôts, bien distincts cependant d’époque et d’origine. C’est, je crois, de cette manière que l’on peut s’expliquer ce qui s’observe dans les parties supé- rieures des terrasses d’alluvions anciennes dont nous avons parlé précédemment. Malgré l’importance des dépôts erratiques considérés dans leur ensemble, ils sont en général trop éparpillés pour qu’on puisse les indiquer nettement sur une carte géologique générale, à l’échelle que nous avons adoptée pour celle-ci : aussi nous ne les avons in- diqués que sur quelques points où ils ont beaucoup d’étendue et de puissance, et nous nous proposons de mettre leur distribution en évidence dans des cartes locales plus détaillées. Alluvions anciennes dans le Bas-Dauphiné, — JNous n’avons con- sidéré plus haut les alluvions anciennes que dans les vallées du massif des Alpes ; mais en dehors des montagnes ces dépôts de la période quaternaire sont extrêmement développés dans le Bas-Dau- phiné, surtout dans la partie nord du département de l’Isère. Ils s’y trouvent associés d’une part avec les dépôts erratiques et avec des alluvions plus récentes, de différents âges, où sont remaniés les matériaux de tous les terrains meubles, et d’autre part avec des terrains tertiaires composés, comme nous l’avons vu, de pou- dingues, de sables, de marnes et de cailloux roulés. Ces terrains tertiaires, antérieurs au creusement des vallées, forment le corps des collines et plateaux du Bas-Dauphiné; les alluvions anciennes ont rempli de grandes vallées, creusées dans ces terrains ; les dépôts 62 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE \ 857. erratiques ont été dispersés sur la surface des uns et des autres. Biais l’analogie d’aspect qui existe, au premier abord, entre ees trois ordres de formations, leur état meuble ou faiblement ci- menté, les remaniements fréquents qui en ont mélangé les divers matériaux, ont donné lieu à des confusions fréquentes. Le mémoire de M. Sc. Gras, communiqué à la Société géologique, le 1er dé- cembre dernier, ne me paraît pas avoir fait disparaître ces incer- titudes ; si je m’en rapporte aux détails et aux coupes donnés par le savant ingénieur, je suis porté à croire que, dans la première et la plus importante des cinq divisions adoptées par lui, celle qu’il ap- pelle diluvium inférieur ou à cailloux rayés , il a mêlé et confondu ensemble et les poudingues tertiaires et les cailloux roulés des allu- vions anciennes , et enfin les amas erratiques qui seuls contiennent des cailloux polis et striés. Malgré les détails précieux que renferme ce travail, je ne saurais adopter aucune des divisions ni des con- clusions formulées par l’auteur. Quelques détails suffiront pour montrer, je l’espère, que les alluvions anciennes du Bas-Dauphiné peuvent être envisagées d’une manière beaucoup plus simple et que je crois plus conforme à la réalité. La plus grande masse d’alluvions quaternaires du Bas-Dauphiné est celle qui a rempli le grand sillon d’érosion que nous avons défini précédemment, la vallée de la côte Saint-André , s’étendant de Voiron à Saint-Rambert Le tracé du chemin de fer de Saint- Rainbert à Grenoble remonte cette vallée sur toute sa longueur, puis descend dans la vallée actuelle de l’Isère, à Moirans, en cou- pant les dépôts quaternaires sur une épaisseur d’environ 250 mètres: de nombreuses tranchées, depuis Beaucroissant jusqu’à Moirans, permettent de suivre avec la plus grande netteté les différentes parties de ces dépôts. De Moirans à Voiron, le tracé suit le vallon de la Morge, entre des escarpements formés de nappes de cailloux roulés et de graviers, sans aucun mélange de gros blocs , ni de débris anguleux, ni de cailloux polis et striés; dans ces graviers on a trouvé une dent molaire d 1 Elephas primigenius. Parvenu ainsi de 200 à 280 mètres, près de Voiron, le chemin continue à s’éle- ver en tranchées dans le même dépôt, auquel se mêlent, dans les parties superficielles, quelques gros blocs et des débris anguleux ; il vient traverser en tunnel la butte de Criel, où il est facile de reconnaître la structure caractéristique d’un amas erratique, rempli d’aiileurs de cailloux striés. Au-delà de ce point, le tracé circule sur un plateau, souvent dans des tranchées, qui présentent encore les mêmes caractères que les précédentes, et il traverse, à Réau- mont, deux petits mamelons de poudingues tertiaires, à cailloux NOTE DE H. LORY. 63 impressionnés , associés, dans l’un d’eux, à de vraie mollasse; ces petits affleurements tertiaires se distinguent nettement des allu- vions anciennes qui les entourent. Puis, en approchant du viaduc de la Fuie, le chemin, continuant toujours à s’élever, entre dans un diluvium qui montre un mélange de plus en plus abondant de blocs volumineux, de débris anguleux et de cailloux striés: tel est l’état de plus en plus marqué de la partie supérieure du terrain quaternaire au niveau du viaduc de la Fuie, à la station de Rives et dans toutes les tranchées suivantes jusqu’à Beaucroissant , au point culminant du tracé. Toutes les parties profondes de cette coupe appartiennent aux alluvions anciennes ; les graviers et cailloux roulés qui les com- posent ont tous éminemment le caractère des débris charriés dans de grands cours d’eau torrentiels ; ils ne sont jamais ni impres- sionnés, comme ceux des poudingues tertiaires, ni striés , comme ceux des amas erratiques. Toutes les parties supérieures ou super- ficielles, offrant un mélange de cailloux roulés avec des débris anguleux, de gros blocs et de cailloux striés, sont le résultat du remaniement superficiel des alluvions anciennes, labourées par les phénomènes erratiques et mélangées avec les produits de cette autre phase de la période quaternaire. Des amas erratiques purs surmontent le tout : la butte de Criel et la plus grande partie de la route de Yoiron à Saint-Etienne de Crossey en montrent des exemples; mais, comme on l’a vu plus haut, ce genre de dépôt se retrouve indifféremment sur tous les terrains et à des niveaux bien plus élevés que celui des alluvions anciennes de Beaucroissant. A l’O. de Rives, à partir de la ligne qui joint Beaucroissant et Apprieu, commence la plaine en pente régulière , qui s’étend jusqu’à la vallée du Rhône. Sa partie la plus élevée, entre Beau- croissant et le Grand-Lemps, s’appelle plaine de Bièvre ; son niveau moyen est environ Ù50 mètres. Il est facile de raccorder par la pensée cette plaine d’alluvions anciennes avec les terrasses d’Eybens et de Champagnier, près Grenoble , où confinent, comme nous l’avons vu plus haut, les alluvions anciennes de la vallée de l’Isère et celles du bassin du Drac ; on peut ainsi regarder la vallée de la côte Saint-André comme le premier et principal débouché par lequel les débris roulés de tout le bassin géographique de l’Isère ont été transportés dans la vallée du Rhône. Les parties supérieures de cette vallée, la plaine de Bièvre et la plaine de la côte Saint-André, qui lui fait suite, présentent un sol de sable et d’argile rougeâtre, mêlé de gravi ? set de galets siliceux, entièrement dépourvu de calcaire. Ce sol, très perméable et très SÉANCE DI) 2 NOVEMBRE 1857. 64 aride, où les eaux pluviales s’infiltrent rapidement à une grande profondeur, est évidemment le résultat du remaniement super- ficiel des dépôts quaternaires, de leur altération par les infiltrations pluviales qui en ont dissous toutes les parties calcaires. C’est un fait d’une importance capitale au point de vue agricole; mais je ne crois pas qu’il y ait lieu de voir dans cette nappe superficielle le produit d’une époque géologique distincte, comme semble l’admettre M. Sc.Gras, qui la désigne sous le nom de lehm récent. Plus loin, les eaux absorbées par ces plaines ressortent en sources volumineuses, près de Beaurepaire, et arrosent d’une manière permanente un bassin creusé par elles, dans l’épaisseur de l’allu- vion ancienne ; ce bassin s’appelle la Validité, Le sol de cette plaine a été complètement, remanié et formé à nouveau par les cours d’eau qui la sillonnent encore : aussi l’avons-nous rapporté sur la carte aux alluvions modernes. La vallée actuelle de l’Isère, au-dessous de Moirans, ne paraît pas avoir été creusée dès le commencement de la période quater- naire; elle l’a été, je pense, par un courant dérivé, secondaire, durant le temps où le courant principal entassait ses alluvions dans la vallée de la côte Saint-André, jusqu’à l’altitude de Ù50 mètres et sur une épaisseur d’au moins 250 (différence de niveau entre Moirans et la plaine de la Bièvre). Je suppose qu’il existait alors entre Tullins et Saint-Quentin un barrage élevé, formé par la mollasse, et par-dessus lequel se déversait une partie du courant principal ; il sera arrivé un moment où le canal d’érosion, creusé par cette dérivation, est devenu capable de recevoir le courant principal et moins élevé que le lit, constamment exhaussé, de celui-ci ; le barrage a été emporté, et les eaux ont abandonné pour toujours la vallée de la côte Saint-André, pour entasser dès lors leurs alluvions dans celle de Saint-Marcellin. La vallée de l’Isère, dans cette partie, présente plusieurs ter- rasses étagées, dont la plus élevée porte la ville de Saint-Mar- cellin (287 mètres) ; elles sont parfaitement décrites dans le mé- moire de M. Sc. Gras (/>«//., 2eséi\, t. XIV, p. 223). Ces terrasses indiquent un approfondissement successif de la vallée pendant la période quaternaire, approfondissement qui continue encore aujourd’hui, dans les gorges où l’Isère est encaissée, à partir de Saint-Gervais. La terrasse d’alluvions anciennes de Saint-Mar- cellin est à 130 mètres environ au-dessus du niveau de l’Isère, au pont de Beauvoir. Les alluvions anciennes de cette vallée, plus récentes que celles de la plaine de Bièvre, me paraissent cependant encore antérieures NOTE DE M. LORŸ. 65 aux phénomènes erratiques; mais dans leurs parties supérieures elles sont remaniées et mêlées de gros blocs, comme celles des tranchées du chemin de fer, prèsde Rives ; et, comme souvent elles n’ont qu’une faible épaisseur au-dessus du fond de mollasse qui les supporte, ce remaniement peut souvent les avoir affectées sur toute leur hauteur. Mais sur divers points, par exemple à Saint- Gervais, on trouve des amas erratiques purs, à cailloux striés, reposant sur des roches polies et striées et à des niveaux supé- rieurs de quelques mètres seulement aux alluvions actuelles, sur des points où, évidemment, ces amas eussent été balayés et les stries effacées par les courants qui ont formé les alluvions anciennes. Tout concourt, on le voit, pour établir que les phénomènes erra- tiques n’appartiennent qu’à la dernière partie de la période quaternaire (1). Alluvions anciennes dans la vallée du Rhône. — Les terrains quaternaires, dans la vallée du Rhône, présentent des formations très diverses et de différents âges, qui conduisent d’ailleurs aux mêmes conclusions générales que celles dont nous venons de nous occuper. A Lyon même, de très belles coupes de ce terrain ont été étudiées et décrites par MM. Elie de Beaumont, Fournet, Leymerie, Collomb, et en dernier lieu par M. Sc. Gras, dans son récent mémoire. Cependant, comme il existe beaucoup de désac- cord dans les classifications adoptées par ces divers géologues, je crois devoir indiquer en peu de mots celle que je crois pouvoir suivre. Je rapporterais au début de la période quaternaire, à l’époque du creusement des vallées, le conglomérat local de cailloux lyonnais signalé par MM. Fournet et Leymerie. Aux grandes alluvions anciennes des vallées alpines, au diluvium alpin à Elephas (1) La coupe fîg. 4 (dans laquelle l’échelle des hauteurs est décuple de celle des distances horizontales) peut servir à montrer les disposi- tions relatives des terrains du Bas-Dauphiné : la mollasse M et les poudingues à cailloux impressionnés P, avec les marnes et les lignites qui y sont intercalés; le terrain tertiaire supérieur T, terrain de trans- port ancien des plateaux, antérieur au creusement des vallées et au dernier soulèvement des Alpes orientales; les alluvions quaternaires A', du bassin de la Côte-Saint-André, premier débouché des cailloux roulés des Alpes dauphinoises; les alluvions quaternaires A" de la vallée de l’Isère, postérieures aux précédentes, mais antérieures aux phénomènes erratiques ; enfin les alluvions anciennes remaniées A'r, qui forment le sol superficiel des plaines de la Côte-Saint-André, etc. Comparez cette coupe avec les fig. 2 et 7 du mémoire de M. Sc. Gras, Bull.y 2* sér. , t. XIV, pl. 3. Soc . gcol ., 2e série, tome XV. o 06 SÉANCE Dli 2 NOVEMBRE 1857. primigmius , que nous avons décrit, par exemple, entre Moirans et Voirc-n, j’assimilerais les nappes de cailloux roulés, dont on voit de très belles coupes, soit sur le bord de la Saône, aux Etroits , où il recouvre le précédent, soit sur le bord du Rhône, en montant du faubourg Saint-Clair au fort Montessuy, ou en suivant la route de Genève. On sait que ce dépôt, qui a plus de 100 mètres d’épais- seur, renferme des ossements d’éléphants et , ce qui est bien remarquable aussi, des débris de coquilles marines, qui y ont été découverts par M. Jourdan. De quelque manière qu’on puisse expliquer la présence de ces derniers, l’âge du terrain en question ne me semble pas douteux; je crois qu’on ne peut le confondre ni avec les poudingues tertiaires à cailloux impressionnés, ni avec le terrain tertiaire supérieur, terrain de transport ancien des pla- teaux du Bas-Dauphiné et du nord de la Bresse; ni enfin avec les amas erratiques à cailloux striés et débris anguleux. De même que les alluvions anciennes de la plaine de Bièvre, ii est remanié à sa partie supérieure et mélangé alors avec les blocs erratiques et les cailloux striés ou les débris anguleux de roches alpines, sur les plateaux de la Croix-Rousse, de Caluire, etc. ; mais ce remanie- ment, comme nous l’avons vu, est le fait d’une époque posté- rieure. Au-dessus du diluvium alpin à Elephas primigenius , de ces grandes falaises de cailloux roulés que nous venons de considérer, la vallée du Rhône présente un autre dépôt d’alluvion ancienne, bien dif- férent, qui peut être complètement assimilé au lehm de la vallée du Rhin; c’est la terré 'a pisé des plateaux des environs de Lyon. Ce dépôt se remarque sur toutes les hauteurs qui dominent la ville, et il paraît se prolonger au nord sur toute la surface de la grande vallée de la Bresse. C’est un limon fin, argilo-sableux, jaunâtre, tantôt assez riche en calcaire et même cimenté irrégulièrement par du carbonate de chaux, d’autres fois pauvre en calcaire, comme c’est le cas ordinaire sur les plateaux bressans. On y trouve beau- coup de petites coquilles terrestres ou fluviatiles, des concrétions calcaires blanchâtres, etc., comme dans le le km de la vallée du Rhin , quelquefois aussi des ossements de mammifères. Il repose tantôt directement sur des roches anciennes, tantôt sur les ter- rasses d’alluvions anciennes. Les blocs erratiques y sont souvent enfouis ou mêlés avec lui : cependant ils paraissent être d’une époque plus récente, et je crois que ce mélange est encore le résultat d’un remaniement, à la fin de la période quaternaire, ou même pendant la période actuelle. Au-dessous de Lyon, la terrasse qui s’étend entre Saint-Fons et NOTE DE M. LO K Y. 67 Sérézjn et qui supporte le village de Solaize présente la même coupe que les falaises du faubourg Saint-Clair. A sa base on aper- çoit la mollasse marine, exploitée dans les carrières de Saint-Fons et se montrant encore au delà de Feyzin. Au-dessus, vient une grande épaisseur de nappes de cailloux roulés, qui sont en discor- dance manifeste avec la mollasse, comme l’a établi depuis long- temps M. Elie de Beaumont [Ann. des sc. nat. , t. XIX, p. 26) ; mais ce terrain ne me semble avoir aucun des caractères des pou- dinges tertiaires de Voreppe, de la Tour-du Pin, etc. ; et je crois qu’il faut l’assimiler complètement aux ailuvions anciennes des vallées alpines. Enfin le plateau de Solaize (245 mètres) est recou- vert d’une nappe très épaisse de le km fin, jaunâtre, sur lequel sont dispersés quelques bocs erratiques. Plus bas, nous retrouvons plusieurs terrasses analogues entre Vienne et Saint-Vallier ; en face de cette dernière ville, le lehm se rencontre, sur le haut des falaises granitiques, à 350 mètres en- viron et il renferme des ossements de mammifères. Plus bas encore, en face de Valence, ce même lehm revêt le flanc occidental de la montagne de Crussol, où Société géologique a pu l’étudier, dans sa réunion à Valence, en 1854 [Bull., 2e sér., t. XI, p. 727). Ces détails me semblent de nature à établir que le lehm de la vallée du Rhône est bien une formation quaternaire distincte, postérieure aux grandes ailuvions anciennes ou diluvium alpin , mais antérieure aux dépôts erratiques, et indépendante des uns et des autres. Au-dessous de Valence, la rive gauche du Rhône offre encore des exemples nombreux de terrasses d’alluvions anciennes très élevées au-dessus du cours actuel du fleuve. Telles sont les ter- rasses deFontlauzier [Bull. , 2e sér. , t. XI, p. 732), celles d’Etoile, de Monlélimar, etc.; et à des niveaux plus bas, des plaines d’alluvions de différents âges, jusqu’à celles de l’époque actuelle. Ces dépôts successifs étant le résultat du remaniement des dépôts quaternaires plus anciens, il est assez difficile, je crois, d’établir d’une manière précise une délimitation entre ceux qui appartiennent à la période actuelle et ceux des périodes précédentes. La même incertitude existe pour les divers gradins d’alluvions anciennes remaniées qui forment les plaines lyonnaises entre Lyon et Bourgoin, L’époque des phénomènes erratiques établit assurément une limite tranchée, au point de vue théorique, entre la période des ailuvions anciennes et la période actuelle ; c’est un état de choses tout particulier, entre deux autres qui se ressemblent beaucoup. Mais en pratique il n’est pas toujours facile de tracer une limite 68 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. nette entre les dépôts de ces différents âges. Nous avons vu les parties supérieures des terrasses d’alluvions anciennes remaniées avec les cailloux striés et les blocs erratiques, et nous pensons que cela s’est fait dès l’époque de l’arrivée de ceux-ci. D’autre part, quelque hypothèse que l’on fasse sur le transport des matériaux erratiques, qu’on encombre les vallées alpines de boues ou de glaciers, on est forcé d’admettre une époque de transition entre cet état de choses supposé et le régime actuel. Le creusement des vallées actuelles au sein des alluvions anciennes, le remaniement des éléments de celles-ci et des dépôts erratiques avec de nou- veaux matériaux, tels ont dû être les phénomènes de cette époque intermédiaire. Les cours d’eau ont dû avoir alors un régime sen- siblement différent du régime actuel; il a pu se former des dépôts d’alluvions qui ne sont plus en voie de s’accroître aujour- d’hui, et sur lesquels les rivières actuelles ne peuvent plus s’étendre dans leurs plus grands débordements. Beaucoup de grandes plaines du bassin du Rhône, intermédiaires de niveau entre les alluvions actuelles et les terrasses d’alluvions anciennes, pourraient être con- sidérées, ce me semble, comme les produits de ce régime de tran- sition entre l’époque erratique et la période actuelle. Telles seraient, par exemple, les plaines lyonnaises , entre Lyon et Bourgoin, éle- vées d’environ 20 mètres au-dessus des alluvions actuelles du Rhône, au bord desquelles elles forment des berges très pronon- cées ; des terrasses d’alluvions anciennes, découpées par des cours d’eau qui n’existent plus, dominent encore ces plaines d’environ 50 mètres. Mais ces plaines elles -mêmes et aussi celles de Valence, de Montélimar et autres, présentent toujours plusieurs gradins étagés, et l’on ne peut guère établir que d’une manière un peu ar- bitraire une limite entre les alluvions modernes et les alluvions ou remaniements qui datent de la fin de la période quaternaire. Sur notre carte, nous avons étendu la teinte des alluvions modernes à plusieurs de ces plaines étagées, peu élevées au-dessus des alluvions encore submersibles. Dans les vallées alpines, on rencontre un grand nombre de lits de déjections , formés par des torrents qui ne déposent presque plus rien aujourd’hui, ou sont même réduits à l’état de simples ruisseaux, habituellement limpides. MM. Surell et Sc. Gras ont décrit ces lits de déjections de torrents éteints (1), sur lesquels sont bâtis la plupart des villages de la vallée de l’Isère, en amont et (1 j Surell, Études sur les torrents des Hautes- Alpes, Paris, 1841. — -Sc. Gras, Bull, de la Soc . de statist. de l'Isère , 1re sér., t. IV. LETTRE DE M. DE ROU VILLE. 69 en aval de Grenoble, et ceux de la vallée de la Durance, aux en» virons d’Embrun. Mais, lors même que les torrents qui les ont formés ont cessé de les accroître, de temps immémorial, l’inspec- tion des lieux montre qu’ils ont coulé dans des conditions toutes semblables à celles des torrents actuels, et que la configuration des vallées était déjà exactement ce qu’elle est aujourd’hui. Ce sont donc des dépôts appartenant à la période actuelle, dans le sens où l’ou prend ordinairement cette expression en géologie. Je ne dirai rien de plus sur ces depots, ni sur les autres forma- tions de la période actuelle, qui donneraient lieu à beaucoup d’observations intéressantes, mais dont le détail m’entraînerait fort loin du but que je me suis proposé dans cette notice et dans l’essai de carte géologique auquel elle a rapport. Le secrétaire lit l’extrait suivant d’une lettre adressée à M. d’Archiac par M. Paul de Rouville : Une course dans les environs de Saint-Affrique (Aveyron) où j’ai profité du concours éclairé et des résultats acquis de M. Rey- nès, ex-pharmacien aide-major, comme aussi des observations de M. Parran, ingénieur des mines ( Note sur les formations secon- daires des environs de Saint- Afjriquc ( Aveyron ), Ann. des Mines , 1857), m’a donné l’occasion de constater dans le terrain de trias deux horizons bien nettement dessinés qui se prolongent d’une manière uniforme jusque dans le cœur du département de l’Hé- rault, aux environs de Clermont-l’Hérault et de Lodève. Les schistes à impressions végétales decette dernière localité ont attiré depuis longtemps l’attention des géologues (MM. Dufrénoy, Brongniart, Marcel de Serres, Coquand) ; cependant il ne me semble pas qu’on ait réussi encore à reconnaître et à caractériser d’une manière nette l’ensemble du terrain dont iis font par- tie. M. Dufrénoy y a signalé tout ensemble les marnes iri- sées et les grès bigarrés , mais sans les délimiter d’une ma- nière suffisante [Expi. de la carte géologique de la France , t. II, p. ikh). M. Marcel de Serres décrit les marnes irisées , admet la présence du muschelkalk, et rapporte, non sans quelque doute, l’étage inférieur au grès bigarré ( Compt . rend, de C Institut, t. XXX VII, p. 50ù) ; enfin M. Coquand, dans une course rapide qui n’avait d’autre but que d’étudier les couches permiennes, ne parle que du grès bigarré , sans tenir compte de l'étage du keuper, dont il est amené par de fausses indications locales à assimiler les 70 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. grès supérieurs avec les grès houillers [Bull, de la Soc. géol. . 2e sér. , t. XII, p. 147). La même indétermination se re- trouve à l’occasion du trias de Saint-Affrique. M. Dufrénoy n’y décrit guère que les marnes irisées, ne signalant les grès bigarrés qu’aux environs de Belmont (. Exp . de la carte géol. , t. Il, p. 146). M . Parran [lac. cit.) élève des doutes sur l’horizon de ces der- niers, et inclinerait à les rapprocher des couches permiennes des environs de Rhodez, de JNeffiez et de Lodève. De tous ces documents incomplets ou sans affirmation bien positive résulte sur les horizons de notre trias une sorte de vague que je voudrais essayer de faire disparaître. Il me paraît incontestable, d’après mes observations et celles de M. Reynès, que nous possédons à Saint-Affrique les marnes irisées et les grès bigarrés : les premières, caractérisées par des couches de grès, de dolomies, de marnes bigarrées et des gisements de gypse exploitable ; les secondes, par un système très puissant de couches schisteuses d’une couleur rouge uniforme rappelant les grès rouges dits monochromes que M. Fournet cite dans la région du canal du centre [Mém. de l' Acad. inip. de Lyon , t. YI, p. 30) ; ces couches schisteuses contiennent des impressions de Calamites rencontrées par AL Reynès à leur affleurement près de Mon- tagnol, et n’offrent aucune intercalation de grès quartzeux à gros élément ni de gypse, Ces deux membres du trias se distin- guent l’un de l’autre par les caractères généraux de leur compo- sition et par leur indépendance au point de vue du développement géographique, indépendance caractérisée aux points de contact par une différence d’inclinaison du grès bigarré qui équivaut à une discordance de stratification (Saint-Affrique, route de Va- bres) très bien rendue dans une des coupes de M. Parran. Les marnes irisées disparaissent un moment sous le lias au- dessus de Laval (Aveyron) et reparaissent bientôt après pour se prolonger dans le département de l’Hérault par le col de ISfotre- Dame au-dessus de Ceilhes , et continuent sans s’interrompre jusqu’à Lodève; elles reposent sur les calcaires et sur les schistes de transition de la Siffrerie et d’Avesne et sur les granités du Mendie et de Vernazohres, jusqu’auprès de Lu nas; là elles laissent apparaître au jour et affleurer au-dessous d’elles avec leur caractère monochrome les grès bigarrés, qui se prolongent par Dio, Val- quières, jusque sur les bords de la rivière de Lodève où M. Du- frénoy les signale ( loc . cit p. 144). Dans tout ce parcours, les marnes irisées constituent le sous-sol de la formation jurassique et forment au-dessous de ses abruptes LETTRE DE M. DE ROU VILLE. 71 des talus plus ou moins épais dont les couleurs nuancées ut les pentes' douces contrastent aussi bien avec la roche liasique blanchâtre qu’avec les schistes à couleur rouge qui occupent tout l’espace compris entre Lodève et Clermont-l’Hérault. On retrouve près de cette dernière localité un îlot de calcaire juras- sique et avec lui les marnes irisées qu’on peut appeler ses fidèles compagnes. Les schistes rouges échappent pour ainsi dire aux roches jurassiques et au keuper pour se développer librement dans le bassin d’Octon, de Salase, etc... ils y affectent des formes orographiques très accentuées par leurs arêtes vives, leurs plateaux plus ou moins étendus, à pentes rapides, qui rappellent de vrais bastions. Le nom de rùff qu’ils portent dans la contrée les dis- tingue dans le langage du pays du cistre ou marnes irisées avec la même netteté que leur relief même. L’observation vulgaire a en outre confirmé le résultat de l’observation scientifique touchant l’absence du gypse dans le niff. Les marnes irisées, au contraire, en présentent dans toute leur étendue (Saint-Affrique, Roubinae, Saint-Martin-des-Coinbes, Clermont-l’Hérault). La présence des couches permiennes à la tuilière de Lodève, leur superposition immédiate sur les phyllades et sur les gneiss, leur recouvrement par les schistes monochromes qui se distinguent d’elles par le brusque contraste de leur coloration, ne permettent pas de douter de l’horizon de ces derniers et de leur parallélisme avec le Bittner - sàndstein. M. Parran ( loc . cit ., p. 96) signale des débris fort rares de sauriens et de poissons et des coprolites dans des couches de ses grès et schistes rouges, sans indiquer de localité ; ces fossiles qui rappellent ceux du lit de la Lène près Neffiez pourraient bien révéler dans l’Aveyron un nouvel affleurement du permien sans compromettre en rien l’autonomie du grès bigarré. Si les marnes irisées se distinguent nettement de l’étage tria- sique inférieur, leur limite supérieure ne se présente pas avec la même clarté : nous pouvons aujourd’hui encore répéter ce qu’Alexandre Brongniart disait en 1829 : « Le lias proprement dit s’étend jusqu’aux marnes bigarrées ou keuper et n’en est pas nettement séparé. » {Tableau des terrains, p. 23A). De puissantes assises de grès exploitées pour pierres de taille sur une foule de points (Saint-Affrique, Fonbine, route de Lodève à Soubès) cou- ronnent d’une manière à peu près constante depuis Saint-Affrique jusqu’à Lodève les talus de marnes irisées et forment au-dessus d’elles une sorte de corniche qui produit souvent des effets pitto- resques (Balairac, Gram mont près Lodève). Ces grès supportent à leur tour un système de couches atteignant jusqu’à 25 ou 30 mètres 72 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. d’épaisseur, composé de calcaires tuffacés ou scoriacés (Joncels, Fozières, Limas) à texture grésique, se délitant en plaquettes so- nores et alternant avec des marnes plus faiblement irisées que les marnes inférieures; on y remarque une exploitation de gypse à Joncels. Ce système des couches contraste par les ondulations de son relief avec les abrupts massifs de calcaire jurassique qui les surmontent. Il n’est en quelque sorte que le développement de certaines assises calcaréo-marneuses jaunâtres qui se retrouvent partout avec des épaisseurs diverses entre le calcaire jurassique et les grès du keuper et qui contiennent du gypse de Saint- Affrique. Ces couches, que je pourrais rapprocher de celles signa- lées dans la Corrèze ( Hist . des prog. de la géol . , t. VI, p. 509) avec une épaisseur d’environ 20 mètres, à quel terrain faut-il les rapporter? Le calcaire jurassique correspond par tous ses ca- ractères à votre quatrième étage de lias; sa puissance qui n’at- teint pas moins de 100 à 150 mètres, son faciès pétrographique, son caractère presque complètement azoïque, rappellent les cal- caires analogues de Figeac, inférieurs à l’horizon des Gryphées arquées [Hist. des progr. de la géol., t. VI, p. 509) et mieux encore le calcaire constaté par M. Kœcldin sur les bords du Lot [Bull, delà Soc. géol., 2e série, t. XI, p. 610), lequel, à cause de l’absence bien constatée delà Grjp/iœa arcuaia, je me permettrai, avec M. Fournet [Acad. imp. de Lyon, t. VI, p. 93), de distraire de votre troisième étage pour le ranger dans le white-lias , l’in- fra-lias de MM. Leymerie et Dumas ; il occupe de vastes surfaces aux limites de l’Aveyron et de l’Hérault. L’esquisse géologique de l’ar- rondissement de Saint-Affrique que nous préparons avec M. Rey- nès rendra cette extension plus sensible. La lecture du 6e volume de Y Hist. des progr. de la géol. m’eût porté à faire avec M. Parran [loc. 67/., p. 99) dugrès etdusystème de couchesqui le recouvre l’ho- rizon du grès infra-liasique ; mais la présence dans ce mèmegrèsde très belles tiges de Calamites (métairie Coustaing, près Lodève), la présence aussi de traces de pas qui rappelleraient assez bien à pre- mière vue ceux du Labyrinthodon (Fozières), objets recueillis par les soins de MM. Hugounenq, Melet et Calvet (de Lodève) et que je me réserve de décrire avec leur autorisation, ne me permettent pas de les séparer du keuper. J’ajoute que la présence du gypse me paraît confirmer cette manière de voir. M. Emilien Dumas, contrairement à l’opinion émise par M. Dufrénoy, a reconnu que toutes les couches de gypse exploitées dans le Gard appartiennent au trias j j’ai eu l'occasion de vérifier moi-même ce résultat pour un grand nombre d’entre elles; à part les régions pyrénéenne et LETTRE DE M. DE ROU VILLE . 73 alpine dont les altérations ne sauraient compromettre la régula- rité des couches plus normales disposées partout ailleurs en dehors de ces influences modificatrices, une seule localité présenterait le gypse dans le quatrième étage du lias : c’est celle de Neffiez, si- gnalée par M. Fournet ; et encore M. Fournet s’exprime-t-il à propos de cette couche dans les termes suivants : « Injra-licis : » système remarquable à cause de la présence du gypse dans les » argiles schisteuses de sa partie supérieure ; cependant cette ex- » ception ne nous a pas paru de nature à motiver un autre arran- » gement, bien qu’il puisse être contesté, et dans ce cas tout se » réduirait à changer le titre d’infra-lias en celui de keuper sp- » périeur. » [Acad, de Lyon , t. Yl, p. 70.) Je crois être autorisé à dire que M. Graffincline présentement à n’y voir que le keuper ; n’est-il pas naturel de reculer devant une exception à introduire dans les résultats généraux de notre géologie méridionale, et de se laisser entraîner à maintenir cet horizon de gypse dans les marnes irisées, malgré ce que peut avoir de logique et de rationnel un développement accidentellement plus considérable d’une sub- stance dont nous trouvons les traces dans les marnes du lias moyen et supérieur ( maris tone et upper lias) ? J’expose les difficultés avec la même liberté que je le fais pour les résultats moins contestables; je les recommande à l’attention des géologues ; je dirai encore, en passant, que M. Emilien Dumas me paraît avoir eu raison d’identifier avec le keuper le représentant du trias du Gard. Je ne me rappelle pas y avoir rencontré nulle part les schistes monochromes de Saint-Affrique et de Lodève. J’ajouterai à cette communication quelques mots sur les terrains permien et de transition de Lodève et de ses environs. Comme ledit M. Coquand ( loc . c/7., p. 1 Zr2) et comme le porte la Carte géologique de la France , dont nos recherches de détails ne font que faire ressortir l’admirable ensemble, Lodève est bâtie sur un îlot de terrain de transition composé de schistes luisants plus ou moins compactes et de calcaires (la Liourède); on y trouve aussi du gneiss (Croix-de-FignoIs, Grammont); en montant à la tuilière on remarque, dans l’épaisseur des schistes, des couches affectant la forme depouclingues qui diffèrent entièrement des conglomé- rats que M . Coquand signale plus haut à la base du terrain permien, et que j’ai retrouvés avec un développement bien autrement con- sidérable sous le village de Loumout, immédiatement et sans traces de couches dolomitiques au-dessous des ardoises à ïValchia qu’on y exploitait autrefois; les couches bréchiformes du terrain de transition se retrouvent dans le lit de l’Ergue qui traverse SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 4 857 . 74 Lodève ; elles m’y semblent avoir été confondues par M. Coquaud avec les poudingues permiens; cette fausse assimilation lui aurait fait supposer une faille (2?^//. Soc. géol. , 2eséi\, t. II, p. 128, pl. IV, fi g. 5) dont je conteste l’existence; pour moi, le terrain permien serait tout entier à un même niveau sur la Liourède d’où il s’en- foncerait pas une inclinaison insensible sous les grès bigarrés du mas Arnaud. Vers le nord de Fozières, à Loumont, les schistes de transition et les ardoises permiennes sont recouverts par les grès du keuper dont les traces de Calamites et les empreintes charbonneuses ont bien pu faire supposer l’existence de la houille au* personnes qui ont induit M. Coquand en erreur ; cette supposition était d’autant plus naturelle qu’on a fait à plusieurs reprises des recherches de charbon dans les couches de ce grès. Ces travaux, demeurés sans résultat, ne sont pas les premiers dont le Keuper et d’autres terrains tout aussi étrangers au système carbonifère aient été les objets. (Voy. Explic. de la carte de géol. , t. Il, p. 58, 129, 314,342, 575 et Ballet . de la Soc. de géol., session de mai 1846.) Les schistes permiens ne m’ont pas paru limités à la montagne de la Tuilière; je crois pouvoir les signaler encore sur une surface, très restreinte il est vrai, mais pourtant , à mon sens, assez bien caractérisée , au-dessous de Saint-Martin d’Orb, au confluent de l’Orb et de la rivière de Lunas, et au-dessus des gra- nités et des schistes de Taillevent. Quelques têtes de couches af- fleureraient dans le Gravaison et seraient bientôt recouvertes par les schistes rouges ou grès bigarrés (ruff) de Caunas, qui supportent les grès et et les marnes de Cougouilles, surmontés eux-mêmes par l’abrupt jurassique. Les marnes irisées présentent, à Caunas comme à Saint-Aft’rique, une couche inférieure de grès, seule- ment ici plus compacte et moins caillouteux qu’à Saint-Affrique ; celte couche n’est pas constante ; elle est remplacée à Ceilhes et près d’Avesne par un conglomérat calcaire imprégné de baryte et de cuivre sous l’influence de phénomènes ignés, dont je trou- verai une autre fois l’occasion de parler. L’assise inférieure de grès se représente sur quelques points du bassin d’Oeton, dans le voisi- nage des marnes irisées (la Valette) ; enfin, ces mêmes têtes de couches permiennes butent sur les bords du Gravaison et de l’Orb contre un conglomérat calcaire rouge très puissant , que traverse le chemin de fer de Béziers à Graissessac et qui forment le revêtement méridional de la montagne houillère du Bousquet d’Orb, de Saint-Martin, deFrangouille et de Senegra; ce conglo- mérat est d’autant plus grossier qu’il se rapproche des schistes et LETTRE DE M. DE ïtOU VILLE, 75 cîes q u a mites de transition, et se prolonge jusqu’à F Aire-Raymond, M. Graff a pressenti , il y a plusieurs années, qu’il pourrait bien être le représentant du grès rouge inférieur au zechstein, dont les ardoises à ÏValchici occupent l’horizon; les superpositions que je viens de signaler confirmeraient ce pressentiment; ce même grès rouge se trouverait encore à Neffîez , sous une autre forme, avec une épaisseur de 22 mètres [Acad. imp. de Lyon, t. VI, p. IO/i). Je me résume, et je conclus que de Saint Afïïique à Clermont- l’Hérault il est possible de reconnaître la série de terrains sui- vante: Quatrième étage du lias [white lias , calcaire à apparence de mus cheik alk de M. Fournet) [Acad, de Lyon , t. VI, p. 38), Saint- Afïïique, Ceilhes, Lodève. Keupcr (marnes à gypses, dolomies et grès. Saint-Afïrique, Saint-Martin des Combes, la Valette, Lodève, Clermont-l’Hé- rault), Grès bigarré (schistes rouges monochromes. Saint-Affrique, Dio, Lodève, Octon). Zechstein (schistes à Walchia. Lodève, lit de l’Orb sous Saint- Martin, Taillevent). Grès rouge (conglomérat calcaire rouge, mas de la Tour, Aire- Raymond). Terrain houiller (Bousquet d’Orb, Senegra. ..) Schistes et calcaires de transition avec porphyres et granités (Avesnes, Ceilhec). Je n’ai pas parlé du groupe oolithique inférieur si remar- quable à Roquefort et si bien décrit par M. Parran, ni de Yup- per lias , ni du marlstone si développés depuis l’Aveyron jusque dans l’Hérault (Tournemère, Saint-Hist, le Clapier, Notre-Dame d’Autignanet) ; ces horizons se présentent avec une netteté qui exclut toute contestation ; il n’en est pas de même du bine lias dont les caractères paléontologiques le plus souvent équivoques dans notre région compromettent singulièrement dans le Midi l’importance du rôle qu’il joue dans le Nord sous le nom de lias proprement dit, ou de calcaire à Gryphées. A toutes ces différentes formations, je dois ajouter celle du basalte qui abonde dans nos contrées méridionales ; moins important qu’on ne l’a souvent dit au point de vue de son action modifiante sur les terrains qu’il tra- verse, le basalte me paraît, dans la région que je décris, avoir re- couvert principalement les grès bigarrés (bassin d’Octon) et le lias blanc (plateau de Lunas), et s’être moins généralement élevé au niveau du plateau oolithique. 76 SÉANCE DU 2 NOVEMBUE 1857. La carte géologique du département de l’Hérault, dont le Conseil général vient de nous charger, M. Emilien Dumas et moi, nous permettra de développer davantage cette succession si intéressante de terrains où viendront encore s’intercaler les étages carbonifère , dévonien et silurien de Neffiez. M. Albert Gaudry fait, au nom de M. de Saussure, la communication suivante : Description d'un volcan éteint , du Mexique , resté inconnu jusqu'à ce jour ; par M. H. de Saussure. La surface du Mexique offre le spectacle d’un immense pays tout criblé d’orifices par lesquels une incroyable quantité de ma- tières ignées s’est déversée sur son sol, au point de l’ensevelir entièrement sur une étendue de plusieurs centaines de lieues. C’est dans sa partie centrale que les forces volcaniques ont agi avec le plus d’intensité. Là, faisant irruption par plusieurs centaines, — peut-être même par des milliers de bouches, — elles ont peu à peu vomi du sein de la terre une si grande abondance de matières de toute espèce, que les montagnes primitives du pays ont été littéralement enter- rées jusqu’à une hauteur de 7 à 8000 pieds. C’est ainsi que paraît s’être formée cette remarquable partie du Mexique qu’on nomme le plateau et dont la surface plane s’étend par-dessus les montagnes de soulèvement. Je reviendrai dans une autre note sur ce phéno- mène remarquable, que je ne fais ici qu’aborder en passant, pour donner une idée de la nature du pays. De la surface de ce plateau, dont les plaines immenses sont en divers endroits percées par les cimes calcaires des montagnes ensevelies, s’élèvent les innombra- bles cônes de volcans de toutes grandeurs, déversoirs de cette pro- digieuse masse de matières ignées. Un grand nombre de ces cônes ont atteint une altitude extraor- dinaire. Ceux-là ont été connus de tout temps, car ils ne pouvaient manquer de frapper les regards des premiers voyageurs; d’autres, moins gigantesques, n’ont pas même attiré l’attention, parce que, écrasés par les colosses qui les entourent, ils paraissent plus insi- gnifiants qu’ils ne le sont en réalité. Plusieurs de ces volcans de second ordre sont plus grands que le Vésuve, plus élevés que l’Etna. Dans le nombre des volcans gigantesques du Mexique, il en est NOTE DE M . DE SAUSSURE. 77 cinq qui, atteignant ou dépassant l’élévation du ÎVIont-Blanc, ont leurs cimes couvertes de neiges éternelles : ce sont i’Orizara, le Popocatepetl, l’Itztacihuatl, la Malinclie et le Nevado de Tolma. D’autres, non moins étendus et presque aussi élevés, méritent en- core de figurer au moins au nombre des volcans de premier ordre. Ce sont : le Coffre de Pérote et le volcan de San Andrès. Ce der- nier est inconnu. Il est bien étonnant qu’une montagne aussi colossale ait jusqu’à ce jour échappé à tous les voyageurs et que les merveilleuses cu- riosités dont elle offre le spectacle soient restées ignorées des sa- vants et des gens du monde. Plusieurs voyageurs, entre autres Humboldt et Burkhart, ont passé à“côté de cette montagne sans l’a- percevoir et sans se douter de son existence. La province de Michoacan, au sein de laquelle s’élève le volcan dont il va être question, quoique située sur le versant occidental de la Cordillère, est cependant aussi volcanique que le plateau, mais elle l’est d’une manière bien différente. Ici, plus de ces plaines à perte de vue, bornées à l’horizon par des collines insignifiantes, mais au contraire une succession de petites montagnesconiques ou arrondies, résultats de cônes ou de pâtés volcaniques plus ou moins méconnaissables, et souvent des lignes de rochers porphyritiques ou tracliytiques, violemment déchirés et soulevés. Le grand volcan de San Andrès est un immense pâté du genre des précédents, mais dont la nature est entièrement spéciale. Cette montagne est située à peu près à 8 ou 10 lieues à l’est de la ville de Morelia, capitale de la province, entre le village de Tajimaroa et le bourg de Zinapecuaro. Les environs de la montagne, à plu- sieurs lieues de distance, offrent un sol éminemment trachytique, coupé par une multitude de dykes d’obsidienne qui paraissent courir selon diverses directions et dont l’épaisseur est souvent con- sidérable. De nombreuses fissures traversent ce sol trachytique ; par ces fissures il s’est déversé de notables quantités de basalte qui se sont étendues sur le pays en vastes nappes de plusieurs lieues de longueur, et dont quelques-unes sont d’un âge très récent. Enfin, une puissante couche d’argile rouge et jaune, résultant de la dé- composition des trachytes et des basaltes, recouvre le sol sur presque toute la surface, et m’a semblé alterner avec des conglo- mérats d’argile contenant de nombreux cailloux tracliytiques, de l’obsidienne et du basalte décomposés. Les dykes d’obsidienne sont ce qu’il y a de plus remarquable dans le terrain de cette contrée. Nulle part je n’en ai vu d’aussi puissants ni d’aussi nom- 78 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. breux, et ce phénomène n’est pas très commun au Mexique ; c’est peut-être de tous les phénomènes volcaniques celui qui l’est le moins. Le pâté de la montagne lui-même est composé d’une roche dif- férente : c’est un trachyte-perlstein, de couleur bleuâtre, ressem- blant presque à de la porcelaine et offrant des reflets irisés qui m’avaient d’abord fait penser, bien à tort, qu’il entrait dans sa composition une forte proportion de feldspath labrador. Cette roche est très homogène, opaque, souvent veinée de blanc et de bleuâtre ; mais, à sa surface où elle est scoriacée, elle prend une apparence perlée qui lui a donné son nom. Le trachyte de cette nature, quoique étant intiment lié au trachyte cristallin qui se rencontre sur toute la surface du pays et qui forme la masse prin- cipale des plus grands volcans, paraît cependant être une formation particulière et non un simple accident de composition locale. En effet le trachyte perlstein est rare au Mexique ; je ne connais que deux volcans qui en soient composés : c’est le Pizarro et le San Andrès, — et dans ces deux volcans il existe presque d’une ma- nière exclusive. Je n’ai jamais remarqué de transition graduelle du perlstein au trachyte cristallin. Ces deux roches paraissent être dues à des causes différentes et caractérisent probablement deux périodes d’éruptions distinctes et successives. Je crois qu’on doit considérer le perlstein comme une espèce de transition entre le trachyte cristallin et le trachyte vitreux ou l’obsidienne. C’est un trachyte compacte qui, par la fusion de ses éléments, ressemble jusqu’à un certain point à un émail grossier et opaque, tandis qu’un degré de fusion de plus aurait peut-être fait disparaître les éléments qui constituent l’opacité et aurait conduit à l’obsidienne. Le perlstein du Mexique n’est autre que le trachyte cristallin en- tièrement homogène, réduit à l’état d’une pâte laiteuse sans cris- taux. Il est probablement intermédiaire pour l’âge comme pour la structure entre les trachytes cristallins et les obsidiennes. Le volcan de San Andrès est recouvert d’une épaisse couche de terre franche que tapisse une puissante végétation de forêts de chênes et de conifères qui dérobe malheureusement la nature du sol et la rend difficile à suivre. J’ai cependant pu acquérir la conviction que la montagne a la même composition trachytique dans toute son étendue par des failles diverses qui sont remplies par des dykes d’obsidienne noirâtre dont l’épaisseur varie beaucoup. Ce phéno- mène a naturellement la même origine que les nombreux dykes d’obsidienne des plaines environnantes dont les dimensions sont NOTE DE M. DE SAUSSURE. 79 souvent considérables sur la route de Zinapegnaro à Maravatillo. En particulier on rencontre, non loin de Jaripeo, un de cesdykes dont l’épaisseur n’a pas moins de 39 à ZiO mètres. Quant à la structure de la montagne, elle ne rappelle en rien celle de tous les autres volcans du Mexique. La forme conique do- mine chez ces derniers. Elle est même souvent parfaite. Au som- met, ou sur l’un des versants, se trouve le cratère très nettement dessiné et souvent de dimensions colossales. Mais ici l’on ne voit rien de semblable. Le San-Andrès est un grand pâté ou plutôt une réunion de pâtés s’imbriquant les uns sur les autres, de manière à former un vaste ensemble de bosselures, un véritable pays qui s’exhausse par étages jusqu’à une altitude que j’estime à â500 mè- tres. Aussi, est-on frappé, en faisant l’ascension de cette immense montagne, de la grande variété de ses diverses parties. Tandis que sur les flancs des autres volcans on monte continuellement et régu- lièrement depuis le pied jusqu’au sommet, ici, après avoir franchi des pentes roides, on redescend pour remonter encore. On traverse de grandes plaines, de la surface desquelles s’élèvent des collines isolées qui ne ressemblent ni à des cônes volcaniques, ni à des cu- lots d’anciennes coulées. Il est bien difficile de se rendre compte de cette structure d’une manière nette, parce que l’épaisseur et la grandeur de la végétation ne laissent nulle part entrevoir les formes de la montagne, et la vue très bornée dont on jouit ne permet pas de se former la moindre idée de son ensemble. Depuis la plaine on n’aperçoit que ses premiers mamelons, parce qu’elle s’élève par une série d’étages si espacés, que les premières éminences masquent celles qui les dominent. Bref, le San-Andrès a si peu l’apparence d’un volcan, qu’on serait tenté de le prendre pour une simple montagne de soulèvement, sans la lave trachytique qui le compose en entier et qui sert de preuve péremptoire qu’il y a eu en ce lieu un déversement particulier de matières ignées. Du reste , au Mexique, les soulèvements sont toujours nettement caractérisés par d’immenses ruptures qui ont mis à nu de grandes parois de rochers à pic, et ici rien de semblable n’a eu lieu : on ne voit que formes arrondies, pentes douces, toujours chargées d’une puissante couche de terre végétale, comme sur tous les volcans les mieux carac- térisés. Seulement, la roche constituante n’a pas l’air de s’être déversée d’un point central et n’est pas disposée en couches. Par ces raisons, je considère la montagne de San-Andrès, non comme un volcan unique, mais comme l'agglomération d’un grand nombre de volcans. Je suppose que le trachyte a du faire irruption un grand nombre de fois pour avoir engendré cette ac- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. 80 cumulation de montagnes mamelonnées. Il est probable que toutes ces'bouches appartenaient à une même faille qui s’étend du S. -O. au N.-.E., autant que j’ai pu en juger à travers le rideau de la forêt. Je suppose encore qu’après sa formation la montagne a subi un ou plusieurs bouleversements qui ont détruit les cratères et les formes primitives, pour y substituer cette série de grands monticules, de plaines, de véritables chaînes de montagnes sur la montagne elle-même qui lui ont enlevé son caractère normal. Les nombreuses failles remplies d’injections d’obsidienne sont une preuve péremptoire des dislocations qu’a subies la montagne après le déversement du perlstein ; et, du reste, après le cataclysme des obsidiennes, est encore venue cette série de déchirements divers qui caractérisent l’époque basaltique et ces gigantesques dislocations sur lesquelles je reviendrai plus tard et qui ont creusé, à une époque récente, des vallées de plus de 1000 mètres de pro- fondeur dans toute l’étendue du pays. Ces phénomènes de dislo- cation ont dû avoir une action très puissante sur une partie de ces contrées qui se trouvent criblées d’injections d’obsidienne et de basalte, et qui, par conséquent, ont dû être fissurées et disloquées à toutes les périodes. Ces grands phénomènes qu’on lit partout au Mexique ne sont cependant pas de nature à devoir faire croire à de nombreux soulèvements. Ces derniers appartiennent , en général, plutôt à une époque ancienne. Les phénomènes récents consistent dans une simple fissuration sans soulèvement, et d’ailleurs les soulève- ments sont toujours bien plus étendus : ils portent sur un axe d’une longueur considérable et non sur un seul point local. Et, alors même qu’il n’en serait pas ainsi, l’effet local aurait produit un pic à tranche vive au lieu de cette série de mamelons et de dômes à pentes douces. Tout porte donc bien à croire que le San-Andrès est un volcan défiguré et non pas une montagne de sou- lèvement, quoiqu’on n’y remarque aucun cratère bien distinct. Le volcan de San-Andrès deviendra sans doute célèbre par les curiosités naturelles qu’il renferme, et en particulier par les sources chaudes qui jaillissent de son sein et qui rappellent le phénomène si célèbre du Geiser. Sur une des pentes les plus élevées de la montagne , on quitte subitement les bois pour entrer dans un cirque de rochers blancs dont la surface se délite comme du plâtre. L’absence de végétation jusqu’aux bords de cet amphithéâtre témoigne de la malignité des vapeurs qui s’en échappent et qui déposent le long des rochers des auréoles sulfureuses , nuancées de jaune et de NOTE DE M. DE SAUSSURE. 81 rouge. Au fond de cet entonnoir est un bassin d’eau bouillante d’une largeur de près de 200 pieds, de la surface de laquelle s’élève une vapeur épaisse fortement sulfureuse. Ce bassin est alimenté par sept ou huit sources souterraines, qui se trahissent à la surface du liquide par un bouillonnement particulier, suite du fort état d’ébullition dans lequel l’une des sources jaillit. Ce bassin n’a aucun écoulement : la forte évaporation de l’eau à une si haute température et à une altitude aussi considérable suffit pour en maintenir le niveau. Cette eau est chargée de vapeurs sulfureuses assez abondantes et elle dépose une assez notable quantité de soufre pour que son exploitation puisse être continuée pendant six mois de l’année. L’hydrogène sulfuré se décom- pose probablement au contact de l’eau chargée d’air atmosphé- rique et dépose ainsi des incrustations de soufre natif qui se mêlent à la boue argileuse du fond de l’étang. Les habitants retirent périodiquement la vase du fond pour en extraire, par la fusion, le soufre qui s’y est déposé et qui sert à la fabrication de la poudre grossière dont les mines du Méchoé- can font une grande consommation. L’eau de la lagune n’est pas transparente, mais grise et opaque ; elle tient en suspension une forte proportion de boue argi- leuse de couleur grise que je considère comme le résultat de la décomposition chimique du perlstein que l’eau amène peut-être de la profondeur de la terre. Cette espèce de limon se voit sur les bords de l’étang, à une certaine élévation au-dessus du niveau des eaux, ce qui fait supposer que celles-ci ont du être plus élevées à une époque antérieure. Il paraît, du reste, que les sources ont une intensité variable, car les naturels du pays m’ont affirmé que le niveau de cet étang s’élève et s’abaisse à des époques indéter- minées. J’eus l’occasion de remarquer en ce lieu un phénomène inté- ressant que je n’ai jamais observé sur les autres volcans. On a construit, dans le voisinage de la lagune bouillante, quelques huttes pour les ouvriers qui exploitent le soufre, et l’on s’est servi pour cela de la terre argileuse du sol façonnée en briques séchées au soleil. Cette terre, qui provient de la décomposition du tra- chyte, est mêlée de cendres volcaniques, de feldspath ryacolithe et probablement aussi d’albite, et contient beaucoup d’alumine, de potasse, de soude, de sel marin et d’autres éléments encore qui, par suite de la décomposition des silicates, se dégagent facilement. Les vapeurs sulfureuses dont l’atmosphère est chargée, réagissent sur ces substances et les transforment en sulfates divers, particu- Suc. sèol .. 2e série, tome XV. 6 82 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. lièrement en alun qui ne tarde pas à tapisser les murailles des maisons en efflorescences cristallines. Peu à peu les briques sont ainsi transpercées de part en part et les maisons s’écroulent pé- riodiquement au bout d’un certain temps. Non loin de l’amphithéâtre que je viens de décrire, on trouve une vallée qui a peut-être une altitude plus considérable et dans laquelle on ne pénètre que péniblement à travers des forêts d’une grande épaisseur. Cette partie de la montagne est la plus remar- quable de toutes : c’est là que le géologue comme le simple curieux rencontrent un des plus étonnants phénomènes de la nature. Sur un des flancs de la vallée, au milieu de la forêt, on trouve un grand espace, entièrement dépourvu de végétation, où des blocs de rochers , tous également blancs, sont entassés pêle-mêle. Au sommet de cette clairière est un puits d’une largeur de 3 mètres, dont l’orifice est en partie obstrué par des blocs de pierre et par lequel une puissante colonne de vapeur est lancée à plus de 20 mè- tres de hauteur avec un sifflement horrible. En même temps, il s’échappe des bords du puits un ruisseau d’eau bouillante qui se perd aussitôt dans les pierres et s’enfonce sous terre pour aller peut-être alimenter une autre source de la montagne. Ces eaux sont limpides ; elles ne charrient aucune boue à la manière de celles du premier étang, mais elles ont un goût amer, parce qu’elles sont chargées de sels divers. La colonne de vapeur est elle-même chargée de gaz sulfureux dont les dépôts jaunâtres se voient sur les pierres des environs. Sur une étendue de plusieurs centaines de pieds, la terre végétale a été délayée et entraînée par les eaux, et tout l’espace environnant forme et émet de petits jets de vapeur qui s’échappent en sifflant entre les pierres. Mais le phénomène qui a le plus vivement attiré mon attention a été la quantité considérable de silice que ces eaux charrient et déposent. Tous les blocs de pierre qui couvrent le sol, tous les cailloux sont d’un blanc parfait et tous sont composés de silice hydratée, espèce d’opale opaque et pulvérulente qui est évidem- ment un dépôt des eaux. Vers le bas de cette plage, on voit des rochers entiers de même composition, et l’on peut suivre la manière dont ils se forment. Leur surface, continuellement baignée par les vapeurs dans lesquelles ils sont immergés, est encore tendre et ressemble à une espèce de pâte qu’il est facile de détacher avec les doigts, sans l’aide d’aucun outil, et de pétrir comme une boule d’argile à modeler. Au-dessous de cette couche est une zone plus pierreuse qui ressemble à du plâtre, puis enfin NOTE DE M. DE SAUSSURE. 88 oa trouve la roche compacte, ayant une cassure subconchoïde, mate, assez semblable à celle de la porcelaine. Je ne sais si le dépôt de cette espèce de silex provient uniquement de l’évapo- ration des eaux , ou si le simple abaissement de température amène la précipitation de la silice. Il est probable qu’à ces deux causes correspond une manière différente de formation de la roche ; enfin, il est probable aussi qu’une certaine quantité de silice pulvérulente est entraînée par la force de la vapeur et re- tombe à l'état de poussière qui s’agglutine sur la pâte siliceuse dont tout le sol est couvert, et c’est peut-être ainsi que se forme une variété particulière de cette roche d’une nature crayeuse et pulvérulente. Ce phénomène du dépôt de la silice mériterait d’être étudié avec le plus grand soin, car il joue un rôle immense dans la géo- logie du Mexique. Les sources siliceuses m’ont paru avoir jailli presque partout où se rencontrent les trachytes, et les dépôts de silice hydratée se voient dans tous les trachytes cristallins, soit en amas, remplissant les cavités de la roche, soit en strates, dont l’é- paisseur et l’étendue dépassent tout ce qu’on connaît jusqu’à ce jour. Il est probable que la silice contient certains sels, et cette roche mériterait peut-être un nom particulier. Je la considère comme une opale laiteuse compacte, et je l’ai souvent vue passer par degrés à l’opale enfumée ou hyaline. On voit par ce qui précède que le volcan de San-Andrès recèle, — si je puis m’exprimer ainsi, — une seconde édition du célèbre Geiser, lequel n’est plus maintenant un phénomène unique. Ici la quantité d’eau est moins considérable, et le jet n’est pas inter- mittent, mais, à part cela, le phénomène est exactement le même. Je crois cependant que l’eau ne jaillit pas par une véritable source, mais qu’elle est seulement entraînée à l’état de gouttelettes par la seule force du jet de vapeur, et qu’en arrivant près de la surface de la terre, elle se rassemble et s’écoule par le ruisseau. C’est pro- bablement pour cette raison qu’elle n’arrive pas chargée de boue comme la source de la lagune. Comme je ne découvris le volcan de San-Andrès qu’après avoir subi la perte de mes instruments, il me fut impossible de mesurer la température exacte de cette eau. Le seul thermomètre qui me restât n’allait que jusqu’à 60° R., et à peine l’eus-je plongé dans cette eau dont je croyais la température moins élevée, que le mercure monta jusqu’au sommet et le fit voler en éclats. Je re- grette d’autant plus la perte de mes thermomètres que non loin de Guanajuato on voit une source dont la température dépasse SÉANCE DU Z NOVEMBRE 1857. 8 A notablement celle de 100°, et qui rend les recherches de ce genre infiniment intéressantes, en portant sur des faits que je crois entièrement nouveaux. L’espèce de Geiser que je viens de décrire n’est pas unique sur la montagne. Non loin de là (1) on trouve encore une autre source chaude qui jaillit dans un bassin naturel que l’on croirait presque taillé de main d’homme parce que ses bords se sont élevés à une certaine hauteur comme de petites murailles par suite des incrus- tations siliceuses que l’eau y dépose. Cette source est, du reste, la moins remarquable; elle m’a paru moins chaude que la précé- : dente, et la silice qu’elle dépose est impure. Enfin, toujours dans le même rayon d’une demi-lieue, on trouve un puits qui est comme une espèce d’effondrement de 12 à 15 mètres de longueur sur A ou 5 de profondeur. Le fond de ce trou est rempli d’une eau boueuse qui paraît jaillir par deux sources, et qui est en pleine ébullition. On voit son niveau s’élever et s’abaisser, se boursoufler en gouttes d’un pied de hauteur et jeter de tous côtés de fortes éclaboussures à la manière de l’eau d’une marmite bien fermée i qu’on ouvre subitement. La vue de ce gouffre, dont le fond est agité par une ébullition d’une violence extraordinaire et dont les parois de terre qui le surplombent menacent de s’ébranler sous les pas des curieux, est un des spectacles les plus effrayants qu’il soit possible de voir. Ici les vapeurs sulfureuses jouent un rôle très minime. Elles ne suffisent même pas à refouler la végé- tation des sapins environnants, mais les eaux m’ont fait l’effet de miner le terrain et d’agrandir graduellement l’étendue du puits. Il est impossible de dire si la profondeur de ce dernier est bien considérable. Les Indiens qui m’accompagnèrent me soutin- rent qu’il est sans fond , mais c’est là l’opinion générale des hommes illettrés sur tous les lacs dont on n’a pas mesuré la pro- fondeur, opinion dont il faut se défier grandement. Toujours est-il que je ne m’explique pas comment le niveau du liquide se main- tienne à une hauteur plus ou moins constante, car il semble que la source devrait remplir le puits et le faire déborder; mais il n'en est rien : on ne voit aucune trace de débordement et les abords sont tapissés de mousse. Il faut donc que ce puits ait un écoulement souterrain ou bien que l’ébullition ne soit entretenue que par un (1) A environ un quart de lieue. Je n’ai pu me rendre compte ni de la direction ni de la distance, parce qu’on marche toujours au milieu des forêts les plus épaisses et les plus impraticables. NOTE DE M. DE SAUSSURE. 85 jet de vapeur à une haute température qui se condense dans le liquide. Tels sont les phénomènes remarquables que présente l’ancien volcan de San-Andrès; mais rien n’empêche qu’ils ne soient pas uniques sur cette vaste montagne dont les monts et les vallées sont couverts de forêts impénétrables que les Indiens mêmes de ce pays sont loin d’avoir toutes explorées. A une lieué au N. -O. de la fabrique de soufre, on descend sur un plateau où se voit un petit lac d’un kilomètre d’étendue, qui doit évidemment son existence à des sources souterraines, car ses eaux, quoique froides, ont le même goût amer que celles des sources chaudes, et les naturels prétendent que le milieu de cette lagune jouit d’une température élevée. Une autre lagune du même genre se voit à gauche du sentier qui descend à Jaripeo, et dans toutes les parties de la montagne on traverse de grandes clairières unies qui sont probablement le fond d’anciennes lagunes, dont le sol est peut-être trop imprégné de sels divers pour permettre aux forêts d’y végéter. Il faut, dit-on, trois heures pour se rendre de la fabrique au point culminant de la montagne qui porte le nom de Cerro grande, et qui est dépourvue de végétation arborescente; c’est du moins ce que l’on m’a dit, car ce point ne se voit que lorsqu’on l’atteint et je n’y suis point parvenu. On prétend même qu’il est en partie couvert de neiges éternelles; mais les renseignements qu’on peut obtenir des naturels sont si vagues et souvent si mensongers que je ne sais ce qu’on en peut croire. Tourmenté par des fièvres opiniâtres et me trouvant d’ailleurs au milieu de la saison des pluies, il m’était impossible de faire cette ascension. M. Schleiden, mineur allemand d’un grand mé- rite, qui a visité ce point, m’a assuré qu’on n’y voyait aucun cra- tère, et je n’en suis pas étonné, car sur tous les grands volcans ira- chy tiques du Mexique, le cratère est logé bien plus bas que le sommet de la montagne. Il serait intéressant de constater si le Cerro grande est composé de trachyte cristallin ou de perlstein. Ce fait n’est pas sans importance, car il pourrait conduire à faire con- naître le mode d’origine du San-Andrès. Les rochers contre les- quels s’adosse la fabrique de soufre sont du trachyte cristallin ; on en trouve un grand nombre de blocs sur l’élévation qui s’étend entre ce point et les sources de vapeur. La rive gauche de la plage de notre Geiser (1) paraît tout entière (1) J’ai recours à ce mot, parce qu’il n’en existe aucun autre pour désigner ce phénomène géologique. 86 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. composée de cette roche. On dirait quelle s’est épanchée en grande abondance par-dessus le perlstein après l’avoir percé. Il faut donc examiner si le trachyte cristallin est une roche anté- rieure, contemporaine ou postérieure au perlstein, ou si cette ma- nière d’être du trachyte ne tient qu’à des phénomènes locaux et accidentels. Il ne serait pas impossible qu’ici le perlstein n’eût qu’imparfaitement recouvert le trachyte cristallin que je crois être plus ancien. Dans cette même partie de la montagne on rencontre beaucoup de cailloux roulés d’obsidienne et de basalte. Ce dernier appartient à l’espèce la plus récente, à celle qui constitue le malpaïs du Jo- rullo. Ces substances ont évidemment été injectées en dykes et fdons à travers les failles de la montagne qui paraissent la traverser de part en part, et s’être remplies jusqu’à son sommet. C’est sans doute à un phénomène du même genre qu’est due l’opinion erro- née de Menge (1) qui prétend avoir vu déposer au Geiser d’Islande du basalte et de l’obsidienne. Comme les eaux qui déposent la silice hydratée sont un phénomène intimement lié à l’éruption des trachytes, il n’y a rien que de très naturel à ce que le sol du voisinage du Geiser ait une composition trachytique, qu’il soit de même traversé par des dykes d’obsidienne et de basalte. Menge prétend qu’une source dépose de la lave (obsidienne?), une autre du basalte et une troisième du trapp(2), parce que sans doute les sources s’échappent à travers ces substances. Dans l’une d’elles il trouva un morceau de basalte décomposé qui peut fort bien avoir été détaché du canal et rejeté au dehors. Il n y a rien là qui puisse motiver la supposition d’un dépôt de basalte fait par les eaux du Geiser. Lorsqu’un voyageur pourra se fixer pendant un temps un peu considérable sur la montagne de San - Àndrès, afin de l’explorer dans tous les sens, je suppose qu’il la trouvera composée en partie ou couverte d’une grande épaisseur de shistes siliceux. Le rôle qu’ont joué les sources minérales au Mexique dans la formation des ro- ches sédimentairest est tout à fait extraordinaire ; et, presque par- tout où se rencontrent les puissants effets de cette cause, il subsiste en générai encore une source de petit volume qu’on doit considé- rer comme le reste infime d’un phénomène ancien infiniment plus étendu. Cette raison me fait préjuger par analogie et, je crois, avec un assez haut degré de certitude, qu’une grande partie du San- (t ) Edi nb. philosophical Journal , t. II. (2) Ce mot trapp signifie tout ce que l’on veut. NOTE DE M. ÉBRAY. 87 Àndrès est tapissée ou composée de puissants dépôts siliceux dont l’origine est due à l’ancienne existence de nombreuses et puissantes sources du genre de celles qui subsistent encore ou qu’une période récente a vu tarir. Le Secrétaire dorme lecture de la note suivante de M. Ébray : Note sur les Nautiles à cloisons sinueuses , par M. Ebray. Les étages jurassiques contiennent plusieurs Nautiles dont les espèces se rapprochent beaucoup par leurs cloisons de forme très sinueuse. Différents géologues se sont occupés de ces Nautiles et sont arri- vés à des conclusions contradictoires. Les céphalopodes étant d’une application fréquente, il importe de s’entendre, autant que les observations actuelles le permettent, sur la distribution de ces fossiles au sein des couches terrestres. Les espèces dont je vais m’occuper sont : 1° Nautilus subsinuatus , Sow. 2° Nautilus subbiangulatus , d’Orb. 3° Nautilus hexagonus , Sow. 4° Espèce non décrite dans la Paléontologie française et qui forme peut-être une espèce nouvelle. 1° Nautilus subsinuatus , Sow. — Ce Nautile a un ombilic étroit, des tours arrondis. Si l’on mène une tangente aux selles des cloi- sons, cette ligne ne passera pas par l’ombilic et se rapprochera de la région buccale. Cette espèce se rencontre dans le bajocien. M. Rœchlin-Schlumberger admet que le Nautilus subsinuatus (1) ne peut se confondre avec le Nautilus hexagonus ; mais ce géologue le rapproche du Nautilus agariticus. M. Kœchlin est en outre bien près de conclure que le Nautilus subsinuatus se reproduit dans le bathonien et le callovien. .Te n’ai pas vu les échantillons qui ont servi de types à la des- cription du Nautilus agariticus ; mais si les caractères de ce Nautile se rapprochent de ceux du Nautile à cloisons sinueuses que j’ai rencontré dans beaucoup de localités calloviennes, le Nautilus aga- riticus ne pourra se confondre avec le Nautilus subsinuatus. (1) Bulletin de la Société géologique , 2e série, t. XIV. 88 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1857. On verra plus loin que l’espèce du callovien, non décrite dans la Paléontologie , se distingue assez facilement des autres Nau- tiles. 2° Nautilus subbiangulatus, d'Orb. — Ce Nautile, comme le pré- cédent, a des cloisons très sinueuses ; la tangente aux selles passe en dessus de l’ombilic dans la région buccale; les tours sont qua- drangulaires et le dos est bicaréné. M. d’Orbigny met cette espèce dans le bathonien où il l’a rencontrée à Nantua, Cabanet, Avoise et Fontenay. Je l’ai aussi rencontrée avec M. d’Orbigny à la Crèche, à la Motte Saint-Iléray,avec X Ammonites macrocephalus,V A. Heracyi , VA. bullatus , VA. disais , le Collyrites ancilis , VA. arbustigerus et beaucoup d’autres fossiles de la grande oolithe. M. Hébert (1) pense que le Nautilus subbiangulatus est spécial au callovien. En effet, le Nautilus subbiangulatus se rapproche beaucoup de l’espèce non décrite dans la Paléontologie française , et ce n’est pas sans un examen attentif que l’on parvient à discerner les espèces ; mais on verra que ces deux Nautiles diffèrent par la forme des cloisons. 3° Nautilus hexagonus. — Par ses cloisons moins sinueuses ce Nautile se distingue facilement de ses congénères. J’arrive au Nautile qui paraît avoir fait naître les doutes dont je viens de parler. Ce Nautile se rencontre dans les Deux-Sèvres, dans la Vienne, dans le Cher, et dans la Nièvre, au sein des par- ties les plus inférieures de l’oxfordien (2) et dans les bancs les plus supérieurs du callovien ; il se rapproche par presque tous ces caractères du Nautilus subbiangulatus ; le dos est bicaréné, les tours quadrangulaires ; mais, quand on compare avec attention la forme des cloisons des deux Nautiles, on voit que chez le Nauti- lus subbiangulatus la tangente aux sinuosités des cloisons passe en dehors de l’ombilic du côté buccal, tandis que cette même ligne passe à peu près par le centre de l’ombilic chez l’espèce du callo- vien, qui ne se trouve pas dans la Paléontologie française. Il ressort de ces observations, qui, pour les Nautilus subsinuatus , subbiangulatus , et hexagonus , sont d’accord avec celles du savant auteur de la Paléontologie française : (1) Bulletin de la Société géologique, 2e série, t. XII. (2) Je n’ai pas pu vérifier si les individus trouvés dans les bancs les plus inférieurs de l’oxfordien sont simplement remaniés ou s’ils ré- sultent d’une véritable persistance vitale. NOTE DE M. ÉBRAY. 89 1® Que le Nautilus subsinucitus est spécial au bajocien ; qu’il diffère du Nanti lus subbiangulatus et du Nautile à cloisons sinueuses du callovien par son dos rond et ses cloisons échancrées sur le dos ; 2° Que le Nautilus subbiangulatns est spécial au bathonien, et diffère du Nautile du callovien par la direction de la tangente aux selles ; 3° Que le Nautilus à cloisons sinueuses du callovien n’est ni le Nautilus subsinuatus , ni le Nautilus subbiangulatns , mais bien une espèce spéciale, jusqu’à présent caractéristique du callovien et qui se distingue du subsinuatus par ses tours quadrangulaires et du subbiangulatus par la direction de la tangente aux selles. Cependant, quand on voit les formes des Nautiles à cloisons très sinueuses naître dans le bajocien, acquérir le maximum de déve- loppement dans les parties inférieures du callovien, diminuer dans l’oxfordien et disparaître pour toujours dans le corallien, on se demande si cette continuité dans la forme des cloisons, cette dis- parition subite et définitive ne sont pas les preuves de la continuité d’une espèce primitive, qui par suite des circonstances encore obscures ne se trouve pas à chaque étage modifiée; on se demande si les espèces, cependant distinctes entre elles par des caractères plus ou moins constants, ne sont point de simples variétés. Mais cette question d’un haut intérêt théorique disparaît dans l’applica- tion ; la géologie ne demande à la paléontologie que de lui indi- quer les espèces ou les variétés spéciales à un étage ou à une série d’étages. Séance du 16 novembre 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Ramon Cuellar, à Yaguara, province de Neiva (Nouvelle- Grenade), actuellement à Paris, /|8, rue Monsieur-le-Prince, présenté par MM. Charles d’Orhigny et Hugard -, 90 SÉANCE DU 1(5 NOVEMBRE 1857. Jannettaz, licencié és sciences, 12, quai de Béthune, à Paris, présenté par MM. Charles d’Orbigny et Hugard , Le Hir, docteur en médecine, à Morlaix (Finistère), présenté par MM. Michelot et Damour j Aristides Rojas, docteur en médecine, membre de l’Académie des sciences naturelles de Philadelphie, à Caracas (république de Venezuela), actuellement à Paris, rue Saint-André-des- Arts, 66, présenté par MM. Charles d’Orbigny et Bayle ; Le vicomte de Secqueville, rue de Provence, 73, à Paris, présenté par MM. Charles d’Orbigny et Albert Gaudry. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice, Journal des sa- vants, octobre 1857. De la part de M. Edouard Collomb, Mémoire sur les gla- ciers actuels. — Résumé des observations faites sur les glaciers dans ces derniers temps (extr. des Annales des mines , 5e série, t. XI, p. 177), in-8, 47 p., 1 pl. De la part de M. A. Erdmann : 1° O/n de Jakttagelser ofver Vattenhôj dens och min darne s fôrândringar, etc. (6 mars 1856), in-4, 57 p., 1 carte, 1 pl. Stockholm, 1857 ; chez P. -A. Norstedt et Sôner. 2° Nàgra ord till belysning af den geologiska Kartan ofver f y ris- ans Dalbàcken , in-8, 48 p. Stockholm, 1857 j chez P. -A. Norstedt et Soner. De la part de sir Roderick J. Murchison, On the discovery , by M. Robert Slimon , of Jossils in the uppermost silurian rocks near Lesmahago in Scotland , etc. (from the Quart. Journ . of the geol. Soc . oj London for Febr. 1856), in-8, 37 p. De la part de M. le professeur L. Rütimeyer : 1° Ueber Encheiziphius , ein neues Cetaceen- Genus, in-8, 13 p. 3 juin 1857. 2° Ueber lebende und fossile Schweine (aus den Verh. der LETTRE DE M. CASiANO DE PRADO. 9! natarj . Ges. in Bcisel , 1857, Hcft IV, p. 517 ff.), in-8, 38 p., 1 pl. De la part de M. L.-A. Guilbert, Thèse pour le doctorat en médecine (23 juillet 1857). — Etudes sur les eaux potables, et en partie sur les eaux du Noyonnais , in-4, 62 p. Paris, 1857- chez Rignoux. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1857, 2e sem., t. XLV, nos 18 et 19. Bulletin de la Société de géographie , l\ç série, t. XIV, nos 80 à 82, août à octobre 1857. L’Institut, nos 12 l\h et 1245, 1857. Béforme agricole , n° 105, 10e année, septembre 1857. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 1/il. Bulletin de la Société de V industrie minérale de Saint- Étienne , t. Il, IVe livraison, avril, mai, juin 1857, avec Atlas in-folio. Proceedings of the royal Society , t. VIII, nos 23 et 24, nov. 1856 à févr. 1857. The Athenœum , 1857, nos 1567 et 1568. Neues Jcihrbuch fur Minéralogie , etc., par MM. de Leon- hard et H. -G. Bronn, 1857, 4e cahier. Zeitschrift der deutschen geologischen Gesellschafl, IXe vol., 2e cahier, février, mars, avril 1857. Abhandlungen aus dem Gebiete der Natiuwissenchaften he- rausgegeben mon dem naturw. Verein in Haniburg , yol. III, 1856, in-4. Memorias de la R. Academia de ciencias de Madrid , t. IV, 3e série, Cienc . natur ,, t. II, 2e série. Revista minera , t. VIII, n° 179, 1857. M. d’Archiac donne lecture de la lettre suivante, adressée à M. de Verneuil par M. Gasiano de Prado : Madrid, 28 octobre 1857. Une des découvertes que j’ai faites cette année est celle des Bilo- bites dans le terrain dévonien de la province de Léon, dans deux localités, l une tout près de la grande route de Léon à Oviedo, une lieue au sud du port de Pajaxes, dans une couche de grès très dur subordonnée à d’autres couches des grès ferrifères et de calcaire 92 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. rouge avec quelques-uns des remarquables Trilobites que je vous ai envoyés dernièrement ; l’autre à Corniero, près de la rive droite de l’Esla, deux lieues au N. de Sabero. A présent je dois vous dire que dans ma dernière excursion à la Sierra-Morena, j’ai trouvé des Graptolites dans beaucoup de lo- calités. Une seule m’a offert un fossile caractéristique du silurien supérieur, la Ccirdiola interrupta , mais je crois que toutes appar- tiennent au même terrain , dont je ne peux séparer à présent le grès à Bilobites, en le plaçant si l’on veut à sa partie inférieure, tant est intime son union avec le schiste à Graptolites, comme on le voit aux mines d’Almaden et d’Almadenejos et dans quelques autres lieux. Les Graptolites ne sont jamais avec les Bilobites, mais avec ces derniers ne se trouve non plus aucun animal fossile. Les grès qui caractérisent l’étage à Calymene-Tristani , et ont un aspect différent, sont assez grossiers et contiennent quelquefois beaucoup de fossiles de la faune seconde. Vous savez que, en Espagne du moins, le terrain silurien infé- rieur est assez pauvre en calcaire. Du côté de l’Alamillo et du Castillo de Asnaron il y a un calcaire très abondant, d’une couleur gris blanchâtre , tout pétri quelquefois de petits coralliaires avec quelques rares brachiopodesdont je n’ai trouvé que des fragments peu déterminables. Ce sont peut-être la Stropliomena antiquata et un autre, la Rhynchonella Bouchardii. Tout autour de ces calcaires, il y a assez de Graptolites, toujours dans un schiste plus ou moins ampéliteux où l’on a fait des fouilles pour chercher de la houille. Vous voyez que, si nous avançons lentement, du moins nous avançons toujours. Une autre découverte que je viens de faire est celle du terrain silurien inférieur avec les mêmes fossiles qu’à la Sierra-Morena dans la partie occidentale des Asturies. M. Anciola, natif du port de Luarca, ingénieur des mines , m’avait dit il y deux ans qu’il avait vu un Trilobite ramassé près de cette côte. Je désirais y aller, mais j’avais beaucoup à faire et il me fallut attendre. Enfin, j’ai trouvé au milieu de schistes bleus comme ceux d’Angers , Calymene-Tristani , Asaphus glabratus, Dalmanites Phi/lipsi, Bclle- rophon bi loba tus, Bédouin Deshayesiana, R. Duvaliana , Area Na- ranjoana , Echinosphœrites Murchisoni? et quelques autres frag- ments. Je suis très content de cette découverte, parce qu’un jalon mis là à Luarca ou au cap de Bustos conjointement avec celui que j’ai déterminé à Brazuelo de Prado-Rey près de d’Astorga, où j’ai trouvé des Graptolites il y a deux ans, facilitera mes recher- ches dans ces terrains anciens qui occupent un si grand espace dans MÉMOIRE DE M. DÀL’ÈRÉE. 93 les provinces de Zatnora, Léon, Oviedo et dans le royaume de Galice, où il y a tant à faire encore. M. Daubrée fait la communication suivante : Observations sur le métamorphisme et recherches expérimen - mentales sur quelques-uns des agents qui ont pu le produire; par M. Daubrée, doyen de la Faculté des sciences de Strasbourg. L’un des problèmes qui ont le plus préoccupé les géologues est la formation première des roches cristallisées, surtout de celles qui, participant à la fois de la nature des terrains stratifiés et de la nature des roches massives, portent l’empreinte d’une double origine. Ces terrains présentent d’autant plus d’intérêt que dans beau- coup de régions du globe ils recèlent des minéraux extrêmement variés, et que leur formation se lie d’une manière intime à l’ori- gine des dépôts où l’on exploite les métaux et les pierres gemmes. Les modifications plus ou moins profondes que beaucoup de roches ont subies postérieurement à leur dépôt ont été produites sous l’influence de la chaleur; on les a même quelquefois attri- buées exclusivement à cet agent. Cependant un simple flux de chaleur, quelles qu’aient été son intensité et sa durée, n’a pu produire, sans auxiliaire, la plupart des phénomènes que nous observons dans les terrains métamor- phiques. Ainsi, par l’influence de la chaleur seule, il est impossible d’expliquer l’extrême irrégularité avec laquelle se sont propagées les modifications à partir des centres d’action. Très souvent, en effet, les transformations sont restreintes à une zone très étroite, qui n’atteint pas quelques décimètres. Il serait facile d’en signaler de nombreux exemples au contact des roches éruptives de toute espèce, depuis les laves actuelles, les basaltes et les tracliytes jusqu’aux granités. Ce fait résulte de la faible conductibilité calorifique des matériaux pierreux. D’ailleurs la transmission de la chaleur a pu être souvent arrêtée, quand le terrain encaissant était imbibé d’eau , qui l’empêchait de s’échauffer au contact de la masse fondue. Mais les roches éruptives ne se présentent pas toujours avec ce caractère inoffensif à l’égard des terrains où elles ont été in- tercalées. Les actions métamorphiques se sont parfois développées 9/i SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. avec intensité suivant certaines zones, tandis que près de la même roche, dans la même contrée, des terrains en apparence dans desconditions identiques avec les premiers sont restés inaltérés. Dans certaines circonstances, ces actions ont même pu s’étendre sur des distances considérables, à travers des épaisseurs de plusieurs milliers de mètres, sans qu’on puisse toujours pénétrer jusqu’aux roches qui ont causé des changements si considérables. Quand tant d’exemples nous montrent la faible influence de l’action calorifique proprement dite des roches éruptives, comment comprendrait-on que cette même action eût agi ailleurs avec autant d’énergie que d’uniformité sur des massifs énormes? Si, laissant de côté les relations d’ensemble, nous passons aux faits de détail, nous trouvons encore, dans le mode d’agence- ment des minéraux des roches métamorphiques, une foule d’as- sociations ou de gisements qui empêchent d’admettre pour ces minéraux une origine par voie sèche. Pour en citer un exemple, je rappellerai le fait si fréquent de la cristallisation des silicates alumineux, comme la chiastolite et la staurotide, au milieu des phyllades fossilifères, et celle du grenat ou du pyroxène dans les calcaires également d’origine sédimentaire. La chaleur puis la cristallisation, qui est la conséquence du refroidissement, peuvent opérer des départs ou liquations entre des substances qui étaient primitivement dissoutes l’une dans l’autre ; c’est ainsi que le carbone se sépare de la fonte, en cristaux , à l’état de graphite. Mais l’expérience directe ne nous montre rien d’analogue au développement de cristaux isolés de grenat, de py- roxène, de feldspath, de disthène, dans une gangue calcaire, qui n’a pas même été ramollie, et qui, selon toutes les apparences, n’a été que très faiblement chauffée. Des actions lentes et conti- nuées pendant très longtemps, comme la nature en emploie si souvent pour élaborer les produits minéraux, sont capables de bien des résultats que l’homme est impuissant à imiter ; mais on n’cst nullement en droit de chercher exclusivement dans la durée du temps, ainsi qu’on l’a fait, une explication que rien ne justi- fierait d’ailleurs. Ainsi, lors même que les roches métamorphisées ne renferme- raient pas de corps simples étrangers à leur composition normale primitive, on ne peut comprendre la formation des minéraux qui y ont pris naissance, sans l’intervention d’un véhicule autre que la chaleur. A plus forte raison cette conclusion est-elle nécessaire quand, comme au Brésil, le changement d’état des roches a visi- MÉMOIRE DE M. DAUBRÉE. 95 blement coïncidé avec l’introduction de corps particuliers qui se sont en partie fixés dans les roches transformées. L'étude de beaucoup de gîtes métallifères et de diverses contrées où les roches sédimentaires se montrent évidemment transformées, m’a conduit à attribuer plusieurs de ces phénomènes à des réac- tions de certaines vapeurs entre elles ou sur des roches préexis- tantes, et à reproduire ainsi plusieurs espèces minérales caracté- ristiques de ces dépôts (1). Mais, dans bien des cas, il est évident que cette explication n’est pas applicable. Si les vapeurs et les gaz ont pu introduire, dé- placer ou précipiter divers composés dans les roches, l’eau liquide, non moins mobile, peut être soupçonnée d’avoir provoqué des changements dans les masses où elle a eu accès. Dans son travail classique sur les émanations métalliques et mé- tallifères, M. Elie de Beaumont a signalé depuis longtemps l’ana- logie des filons métallifères avec les produits d’incrustations de sources thermales. On sait comment les expériences de M. de Sé- narmont sur la production artificielle des minéraux des filons ont confirmé la justesse de ces considérations théoriques. Diverses observations géologiques conduisent à faire croire que l’eau a agi aussi dans le métamorphisme, et récemment M. le professeur Bischoff a présenté, dans son important ouvrage de géo^ logie chimique, des arguments nombreux et fondés en faveur de cette conclusion. Cependant une grave objection restait en présence de tous les raisonnements. Les silicates anhydres, dont la présence dans les roches transformées auxquelles je fais allusion constitue un ca- ractère essentiel, semblaient nécessiter l’intervention de la voie sèche. Ces silicates, en effet, forment la base des roches éruptives : certains d’entre eux sont accidentellement imités dans les scories (1) Mémoire sur le gisement , la constitution et l'origine des amas de minerai d'étain ( Annales des mines , 3e série, t. XX, p. 65, \ 841 ). Recherches sur la production artificielle de quelques espèces miné- rales cristallines, particulièrement de l'oxyde d'étain, de l’oxyde de titane et du quartz ( Annales des mines , 4 e série, t. XYI, p. 1 29). Expériences sur la production artificielle de l'apatite , de la topaze et de quelques autres minéraux fluorifères ( Annales des mines , 4e série, t. XIX, p. 669). Recherches sur la production artificielle des minéraux de la famille des aluminates et des silicates par la réaction des vapeurs sur les roches ( Comptes rendus de l’Académie des sciences , t. XXXIX, p. \ 35), 96 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. et les autres produits fondus ou sublimés des ateliers métallur- giques. Enfin, personne n’ignore les résultats obtenus depuis long- temps par MM. Berthier et Mitscherlich, et plus tard par M. Ebel- men, sur la formation des silicates, à de hautes températures, par voie de fusion. Ainsi, tandis que la voie sèche formait par des procédés variés des silicates anhydres cristallisés, dont quelques- uns sont identiques avec ceux des roches métamorphiques, la voie humide était jusqu’à présent restée impuissante dans la production de semblables imitations. Des expériences synthétiques dirigées d’après l’induction géolo- gique pouvaient seules trancher la question. Tel est le but des expériences où j’ai tenté de mettre en jeu les affinités capables de produire de pareilles combinaisons. Recherches expérimentales et synthétiques. Avant d’exposer les résultats de mes expériences, je crois devoir faire connaître des observations qui leur servent en quelque sorte d’introduction : ce sont des imitations de minéraux que j’ai recon- nus lors de l’exécution des travaux de recherche et de captage des sources thermales de Plombières. Les sources de Plombières renferment, entre autres sels, de petites quantités de silicates de potasse et de soude et de sulfates des mêmes bases; elles jaillissent du granité à une température d’environ 70 degrés centigrades. Un robinet en bronze, d’origine romaine, découvert parM. l’in- génieur Jutier, sous des maçonneries où il était enfoncé depuis bien des siècles, était encroûté de nombreux cristaux de cuivre sul - juré cristallisé, absolument identique par son aspect, par ses formes, par toutes ses propriétés avec le cuivre sulfuré de Cornouailles. Ces cristaux, vraisemblablement dus à la réduction des sulfates de l’eau minérale par des madères organiques en présence du cuivre, sont par conséquent dimorphes avec le sulfure de même composi- tion que l’on obtient par voie de fusion dans nos laboratoires ou dans les scories du traitement du cuivre. Nous avons dû entailler de puissants massifs de maçonnerie romaine, construits avec un soin admirable, qui enveloppent les canaux par lesquels l’eau thermale était conduite du point d’émer- gence à la piscine, dite du Bain-Romain. Dans certaines cavités du béton qui avait été imbibé, j’ai rencontré de Yhyalite mamelonnée, d’une transparence parfaite et impossible à distinguer de l’hyalite des basaltes. MÉMOIRE DE M. DÀUBRÊE. 97 Les cavités où se trouvent l’hyalite contiennent souvent en outre des mamelons et des stalactites, dont la surface est hérissée de cristaux d’un blanc parfait; quelques-uns de ces enduits cristal- lins s’étendent jusque sur les briques voisines. Ces cristaux sont terminés par des pointements en forme de pyramide aiguë à base carrée ; ils rayent le spath fluor. Dans un tube fermé ils dégagent de l’eau; ils sont facilement fusibles. L’a- cide chlorhydrique les attaque avec formation de gelée. L’analyse démontre qu’ils sont formés d’un silicate hydraté de potasse et de chaux dans les proportions qui constituent Y apnphyllite0 dont ils ont en outre la forme cristalline. Les sources de Plombières sortent d’un granité porphyroïde où l’on n’a jamais trouvé aucune zéolithe ; mais elles contiennent de la potasse et de la chaux, bases des silicates qu’elles paraissent enlever au granité décomposé en le lessivant. La chaux du béton a pu aussi favoriser la formation de l’apophyllite. Déjà M. Woehler (1) était parvenu à dissoudre ce minéral dans l’eau, et il l’avait fait cristalliser par refroidissement, mais il opé- rait à la température de 180 à 190 degrés, et sous une pression de 10 à 12 atmosphères. On pouvait donc croire ces conditions néces- saires à la production de cette espèce minérale. En résumé, des minéraux que la nature nous présente dans les filons et au milieu des roches éruptives peuvent prendre naissance à une température qui ne dépasse pas 70 degrés. Si donc des silicates hydratés se produisent dans l’eau à des températures très inférieures à leur degré de dissolution, je devais espérer obtenir des silicates anhydres, en élevant convenablement la température. La difficulté principale contre laquelle, je dois l’avouer, j’ai lutté pendant bien longtemps, consistait à trouver des fermetures qui résistassent assez longtemps à l’énorme tension qu’acquiert la vapeur d’eau, quand la température s’élève jusqu’au point où je voulais arriver, c’est-à-dire vers le rouge sombre. Il serait hors de propos d’expliquer ici quels procédés j’ai tentés pour répartir la pression sur plusieurs tubes intérieurs les uns aux autres ou pour employer des fermetures autoclaves. Je me borne à indiquer suc- cinctement le procédé qui m’a enfin réussi. L’eau, avec les substances qui doivent réagir, est placée dans un tube en verre de bonne qualité, que l’on scelle ensuite après en avoir raréfié l’air autant que possible. On introduit ce tube en (1) Jcihrcsbcricht , 1847 et 1 848, p. 1262. Soc. gcol 2e série, tome XV. 7 98 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. verre dans un tube en fer à parois très épaisses (1), qui est clos à la forge à Tune de ses extrémités. L’autre extrémité est fermée au moyen d’un long bouchon à vis, muni d’une tête carrée qu’on peut serrer fortement ou tourner avec une clef. Il importe que la vis soit exécutée avec beaucoup de précision. Entre la tête de la vis et le rebord du tube est placée une rondelle en cuivre bien pur ; elle doit être assez étroite pour pouvoir être écrasée, lors de la fermeture, par la pression du rebord. Pour contre-balancer la tension que la vapeur développe dans l’intérieur du tube de verre et qui le ferait éclater, je verse de l’eau extérieurement à ce tube, entre ses parois et celles du tube de fer qui lui sert d’enveloppe. De cette manière, l’effort prin- cipal est reporté sur ce dernier tube qui présente beaucoup plus de résistance. Ces appareils, comme ceux dont M. de Sénarmont a fait usage, étaient couchés sur le dôme d’un four à cornues d’usine à gaz, en contact avec une maçonnerie qui est au rouge sombre, et enfouis sous une couche épaisse de poussière de charbon. Un thermomètre à mercure y atteint rapidement sa limite ; des fragments anguleux de zinc s'y ramollissent; la température à laquelle ces tubes restent exposés, pendant plusieurs semaines au moins, est donc d’environ Ô00 degrés. On les retire graduellement afin de les refroidir avec beaucoup de lenteur. Quelque précaution que l’on prenne, toutes les fermetures ne résistent pas à la tension de la vapeur d’eau qui est énorme à ces températures élevées. C’est à peine si un appareil sur trois con- serve son liquide pendant tout le temps de l’expérience. Aussi, en comptant même pour rien les dangers d’explosion, les difficultés matérielles dont je parle et le temps nécessaire à chaque expé- rience sont des obstacles qui m’ont empêché de multiplier les résultats comme je l’aurais désiré. Cependant, les faits que j’ai re- connus suffisent déjà pour montrer la fécondité de celte voie d’expérimentation. Pour procéder du simple au composé, j’ai d’abord voulu recon- naître comment l’eau, dont l’action incontestable sur le verre a été étudiée par M. Pelouze, entre 0 et 100 degrés (2), se comporte à l’égard de ses enveloppes lorsqu’elle est suréchauffée. (1) Pour un diamètre intérieur de 20 millimètres, on a adopté une épaisseur de parois de 8 millimètres. (2) Comptes rendus de l’Académie des sciences , 1856, t. XLIU, p. 417. MÉMOIRE DE M. DAUBRÉE. GÔ Après une attaque d’une semaine seulement, rien dans l’aspect du résidu ne rappelle le verre. Il est entièrement transformé en une masse blanche, tout à fait opaque, poreuse et happant à la langue, qui a absolument l’aspect du kaolin. Tantôt le tube a conservé sa forme générale, tout en se modifiant; tantôt il s’est désagrégé et réduit en une poussière blanche. Dans l’un et l’autre cas, la transformation est tout autre que la dévitrification étudiée par Réaumur, et, plus tard, par M. Dumas et par M. Pelouze (1). Des combinaisons nouvelles se sont formées : d’une part, l’eau s’est fortement chargée de silicate alcalin; de l’autre, la substance opaque, et au premier aspeet d’apparence amorphe, est presque entièrement composée d’élé- ments cristallins. Ce que l’on distingue facilement, même sans le secours de la loupe, c’est une multitude de cristaux incolores, d’une limpidité parfaite, qui offrent la forme ordinaire bipyramidée du quartz, avec sa physionomie habituelle, et qui, en effet, ne sont autres que de la silice cristallisée. Certains cristaux ainsi formés at- teignent deux millimètres au bout d’un mois. Ils sont souvent isolés dans la pâte opaque; quelquefois aussi ils se sont implantés sur les parois du tube primitif, ou bien encore ils forment à l’in- térieur de véritables géodes qu’il serait de toute impossibilité de distinguer, à la dimension près, de celles que les roches schis- teuses cristallines présentent si fréquemment. La substance blanche et opaque qui forme la plus grande partie du résidu de la transformation du verre n’est pas amorphe. Elle forme des prismes très déliés ou aciculaires, que l’on ne peut mieux comparer qu’à la poussière de l’amphibole fibreuse passant à l’asbeste. Un lavage par décantation peut séparer assez nette- ment cette seconde substance des cristaux de quartz et de menus fragments incomplètement désagrégés. Soumise au chalumeau, la substance fond assez facilement en une perle incolore. Elle est complètement attaquable par l’acide chlorhydrique bouillant; elle a la composition de la wollasto - nite . Enfin les grains incomplètement désagrégés et peu abondants, séparés par le lavage, sont un silicate double de chaux et de soude hydraté, qui est attaquable aussi par l’acide chlorhydrique. (1) Comptes rendus de l'Académie des sciences , 1855, t. LX p. 1321 et 1327. 100 SÉANCE DU 36 NOVEMBRE 1857. Quant aa silicate alcalin qui reste en dissolution, dans l’expé- rience dont nous exposons les résultats , Silice ........ * 37 Soude . . 63 Potasse et chaux .... traces 100 les quantités d’oxygène de la silice et de l’alcali y sont égales, ce qui conduit à la formule Si O3. 3NaO. On voit que ce composé est beaucoup plus basique que le silicate (Si03)3.Na0, qui, d’après les recherches de M. Pelouze , se dissout à froid. La différence résulte peut-être de ce que le silicate alcalin d’abord enlevé au verre se décompose par une action de la chaleur com- parable à celle que M. Erémy a constatée (1); le quartz cristallisé paraît, en effet, résulter d’une décomposition de ce genre, qui se fait peut-être à une température assez voisine de celle de la disso- lution. On ne peut voir sans étonnement qu’un changement aussi com- plet dans l’état physique et chimique du verre soit obtenu par une très faible quantité d’eau, par un poids qui est, au plus, égal à la moitié de celui du verre transformé. A la température d’environ Ù00 degrés, l’action de l’eau sur le verre devient donc des plus énergiques. Elle dissout les éléments qui avaient été combinés dans le verre à une température beau- coup plus élevée, il est vrai, mais en dehors de son intervention. L’eau jouit, en outre, si l’on peut s’exprimer ainsi, d’une in- fluence de cristallisation des plus remarquables sur le quartz et sur les silicates. Les deux tubes n’étant pas complètement remplis d’eau, le tube en verre ne peut plonger dans le liquide que par sa partie infé- rieure, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cependant, il est toujours attaqué avec uniformité dans toute son étendue. Ce ré- sultat prouve que dans les conditions où nous avons opéré, la va- peur d’eau, par suite de la température et de la densité qu’elle acquiert, agit chimiquement comme l’eau liquide. On entre alors dans une période où la voie humide vient presque se confondre avec la voie sèche. Peut-être pourrait-on objecter, d’après une assertion récente, que certains cristaux pouvaient préexister dans le verre où ils res- teraient latents, comme les cristaux d’étain que le moiré métal- (1) Comptes rendus de C Académie, 1856, t, XLIII, p. 1146. MÉMOIRE DE M. DAUBRÉE. 101 lique met en évidence après le traitement par un acide. C’est aussi en se servant d’un acide que M. Leydolt (1) a voulu prouver que le verre possède, en général, une structure cristalline, et, en quel- que sorte, porpliyroïde : après avoir attaqué le verre par l’acide fluorliydrique, on observe sur la surface corrodée des formes cris- tallines. Je crois pouvoir conclure de mes observations que, dans la plupart des cas au moins, les aiguilles cristallines qui apparaissent après le traitement de l’acide fluorliydrique n’appartiennent pas à la substance vitreuse elle-même, mais au fluosilicate de potasse qui, si l’action est lente, se dépose à la surface du verre. Les cris- taux ainsi formés protègent le verre contre une érosion ultérieure; aussi, quand on lave la substance corrodée, elle paraît couverte de cristallisations; mais ces cristallisations y ont été décalquées comme les dessins que l’on réserve par des enduits de cire, dans la gravure sur verre. Quand le verre, au lieu d’être traité par l’acide fluorhydrique, est attaqué par un séjour prolongé de plusieurs mois dans l’eau bouillante, comme j’ai eu occasion de le constater sur des tubes indicateurs de chaudières à vapeur, il se produit des érosions très variées, mais sans indice de cristallisation. Cependant, dans ce dernier mode d’opérer, l’action étant très lente, les cristaux de- vraient apparaître bien plus nettement encore que dans le pre- mier cas, si l’opinion dont je parle était fondée. Un autre fait prouve clairement la validité de mon observation. Sur un verre incolore qui était doublé d’une feuille mince de verre rouge de cuivre, et dans lequel on avait corrodé les verres des deux couleurs, on pouvait reconnaître, sur le bord des entailles, que les mêmes aiguilles passaient sans aucune altération du verre rouge sur le verre blanc. Elles résultaient donc simplement d’une empreinte extérieure, comme nous l’avons annoncé. 11 n’était pas sans intérêt de reconnaître si les verres volcaniques, connus sous le nom & obsidiennes, se comportent d’une manière comparable aux verres artificiels. Or, des morceaux d’obsidiennes, chauffés dans l’eau comme nous l’avons dit, perdent aussi tout à fait leur aspect vitreux. La substance se change en une matière grisâtre, ayant encore les mêmes caractères chimiques, mais qu’à l’œil nu on reconnaît être cristalline comme un trachyte à grains fins. Sa poussière, examinée au microscope, montre absolument les caractères du feldspath (1) Comptes rendus de l' Académie, t. XXXIV, p. 565. 102 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. cristallise, et ressemble surtout au rliyacolite ou feldspath vitreux. On sait que l’obsidienne ne paraît différer chimiquement du feldspath que par un léger excès dans la proportion de la silice. L’excès de silice qui peut s’v trouver est enlevé par le silicate alcalin auquel la décomposition du verre donne naissance, et, à la suite de ce départ, le feldspath se sépare en petits cristaux. La tendance que le feldspath manifeste ainsi à se produire par la voie humide est à prendre en considération dans diverses circon- stances géologiques. Avec les fragments d’obsidienne sur lesquels j’ai opéré se trou- vaient des morceaux de feldspath vitreux détachés du trachyte du Drachenfels, et de l’oligoclase de Suède. Ces deux derniers minéraux n’ont subi aucune altération appréciable. On ne peut toutefois affirmer que si l’eau n’avait pas immédiatement trouvé d’alcali à enlever à l’enveloppe vitreuse , elle n’en aurait pas pris au feldspath. Nous voyons ici une sorte de confirmation de l’expérience précédente sur la stabilité des silicates , qui ont originairement cristallisé dans des conditions peut-être assez voisines de celles où ils se trouvaient de nouveau placés. Il en est à peu près de même des feuilles très minces de mica potassique de Sibérie ; elles ont à peine perdu de leur transparence. Des cristaux de pyroxène n’ont pas non plus changé d’aspect, si ce n’est que, comme les morceaux de feldspath et d’obsidienne, ils ont été si complètement enveloppés de cristaux de quartz, qu’il faut les briser pour en examiner la nature. Pour examiner comment se comportent, à l’état suréchauffé, les dissolutions naturelles de silicate alcalin, que l’on trouve dans presque toutes les eaux, autant du moins que la présence du verre le permettait, je me suis servi de l’eau provenant des sources thermales de Plombières, qui est comparativement riche en sili- cate de potasse. Cependant, ne pouvant opérer que sur 20 à 30 centimètres cubes d’eau, je l’ai préalablement concentrée par une évaporation assez rapide pour ne pas décomposer son silicate, de manière à la réduire au vingtième de son volume primitif. Après une expérience qui avait été arrêtée au bout de deux jours seulement, les parois du tube étaient déjà recouvertes d’en- duits de silice sous la forme de quartz cristallin et aussi de calcé- doine. Comme le verre n’était encore altéré qu’à sa surface, ce dépôt devait provenir, au moins presque en totalité, de la décom- position du silicate alcalin contenu dans l’eau de Plombières. Ainsi, sans l’application d’aucun réactif chimique, sous la seule MÉMOIRE DE M. DAUBRÉE. 103 influence de la chaleur, Peau tenant en dissolution .des silicates alcalins, telles que les sources de Plombières, dépose du quartz cristallisé ou cristallin. Une nouvelle preuve de la facilité avec laquelle les minéraux du groupe des feldspath peuvent se produire en présence de l’eau est fournie dans l’expérience suivante, que j’ai faite dans le but d’expliquer des feldspatliisations assez fréquentes, même dans les roches fossilifères. Du kaolin parfaitement purifié par le lavage de tout débris feldspath iq ue ayant été traité dans un tube par l’eau de Plom- bières, cette masse terreuse s’est transformée en une substance solide, confusément cristallisée en petits prismes, et qui raye le verre. Après avoir purifié cette substance par un lavage à l’eau bouillante, on voit qu’elle est devenue fusible en émail blanc ; l’acide chlorhydrique ne l’attaque plus. C’est un silicate double d’alumine et d’alcali qui a tous les caractères du feldspath ; il est mélangé de quartz cristallisé. La facilité avec laquelle le silicate d’alumine absorbe la chaux à froid dans un mortier hydraulique est comparable à la réaction dont nous venons de rendre compte. Au milieu de la substance blanchâtre provenant de la transfor- mation d’un tube de verre qui avait reçu de l’eau de Plombières concentrée, j’ai obtenu d’innombrables cristaux très petits, mais de forme parfaitement nette, doués de beaucoup d’éclat, bien transparents et de diverses nuances de vert; beaucoup d’entre eux ont la teinte vert-olive, qui est habituelle au péridot. Leur forme est celle d’un prisme oblique symétrique, dont les bases sont rem- placées par deux biseaux ; deux des arêtes latérales opposées sont ordinairement tronquées, comme dans le pyroxène que Haiiy a nommé ho mon orne ; ce sont d’ailleurs les mêmes angles. Ces cris- taux rayent sensiblement le verre. Traités par l’acide chlorhydrique concentré et bouillant, ils restent inaltérables, à part la perte d’une trace de fer. Ils fondent au chalumeau en un émail noir. Leur composition est celle d’un pyroxène à bases de chaux et de fer qui, par sa transparence, appartient à la variété diopside. Ces cristaux sont, les uns isolés, les autres groupés de manière à former de petits globules hérissés de pointements, et plus rare- ment des incrustations minces. Les uns et les autres rappellent immédiatement, par l’ensemble de leur aspect, les cristaux de diopside des gisements les plus connus. Les végétaux fossiles ayant subi des modifications sous l’in- SÉANCE DU 46 NOVEMBRE 1857. 104 fluence des mêmes agents que les matières pierreuses, il convenait de voir ce que devient du bois dans l’eau suréchauffée. Des fragments de bois de sapin se sont transformés en une masse noire, douée d’un vif éclat, d’une compacité parfaite, qui, en un mot, a l'aspect d’une anthracite pure; elle est assez dure pour qu’une pointe d’acier la raye difficilement. Cette sorte d’an- thracite, bien qu’infusible, est entièrement granulée sous forme de globules réguliers de diverses dimensions, d’où il résulte claire- ment que la substance a été fondue en se transformant; cette an- thracite ne donne que des traces de matières volatiles; la matière ligneuse est donc arrivée à son dernier degré de décomposition. Elle ne se consume qu’avec une excessive lenteur, même sous le dard du chalumeau. Elle diffère des charbons formés à haute température, en ce qu’elle ne conduit pas l’électricité, non plus que le diamant. Les filons d’argent de Kongsberg, en Norwége, qui sont en- caissés dans le gneiss, renferment, disséminée au milieu de l’ar- gent natif, de l’anthracite qui ne diffère en rien de celle que nous avons obtenue. On ne saurait douter que, si l’expérience avait été arrêtée à une température moins élevée, on n’eût obtenu un produit intermé- diaire entre le bois et l’anthracite, c’est-à-dire ayant la composi- tion de la houille, comme M. Cagniard de Latour paraît d’ailleurs en avoir obtenu dans des conditions semblables. Je terminerai en signalant deux particularités du verre modifié, que je ne saurais désigner autrement que par l’épithète de méta- morphique. Sans que le tube se soit déformé, son épaisseur a, en général, augmenté très notablement, au moins du sixième environ de l’épaisseur primitive. Ce gonflement, conséquence de la cristalli- sation qui s’est opérée, se fait surtout sentir dans l’accroissement du diamètre extérieur du tube. En même temps, ce verre a pris une structure éminemment schisteuse. Les feuillets, dans lesquels il se clive facilement, sont si minces qu’on peut quelquefois en distinguer plus de dix dans un millimètre d’épaisseur. Quand le verre est incomplètement attaqué, le centre, quoique vitreux encore, montre aussi des zones très fines, comme les agates onyx. Le tout rappelle la structure de certaines roches schisteuses et cristallines. D’après les résultats que nous venons d’exposer , l’eau sur- échauffee vers Ù00 degrés devient capable de former et de faire cristalliser non-seulement le quartz, mais encore des silicates MÉMOIRE DE M. DAUBRÉE. 105 anhydres, tels que le feldspath, le pyroxène diopside, la wollas- tonite. Des combinaisons semblables avaient déjà été produites, il est vrai, par la voie sèche, mais à des températures incompara- blement plus élevées que celle où la présence de l’eau permet de les obtenir. Dans ce dernier cas, le point de cristallisation est de beaucoup au-dessous du point de fusion. En résumé, vers le rouge naissant les affinités de la voie humide prennent, en ce qui con- cerne la production des silicates, le même caractère que celles de la voie sèche. Déductions géologiques. La température croit si rapidement à mesure que l’on descend vers l’intérieur du globe, que l’eau qui s’infiltre dans certaines fissures de l’écorce terrestre, atteint nécessairement des régions où, sous la pression quelle supporte, elle doit s’échauffer beaucoup au delà de la température à laquelle elle entre en ébullition sous la simple pression atmosphérique. Les volcans nous le démontrent d’ailleurs par leurs énormes exhalations aqueuses. On ne peut donc douter que la chaleur et la pression n’agissent simultanément et que, suivant une expression de M. Elie de Beaumont, elles ne soient les deux coordonnées de la condition de ces sortes d’étuves naturelles (1) qu’il est très important d’étudier pour la géologie. C’est ce qui a été réalisé dans les expériences dont je viens de rendre compte; aussi, quand les produits obtenus sont identiques avec ceux de la nature, ils amènent à certaines inductions très probables sur l’origine des minéraux et des roches qui ont été ainsi imités, comme je vais chercher à le faire voir par quelques observations. Comme conséquence de la formation des combinaisons rencon- trées dans les sources thermales de Plombières, je ferai remarquer d’abord combien on a souvent exagéré la température nécessaire pour produire certains minéraux, surtout depuis qu’il est démontré que la chaleur interne a une part capitale dans les principaux phénomènes mécaniques et chimiques qui ont accidenté l’écorce terrestre. Des produits caractéristiques des filons métallifères et des roches volcaniques peuvent, en effet, se former à une tempé- rature qui n’excède pas 70 degrés. Cette dernière conclusion à l’égard de l’apophyllite peut être (1) Note sur les émanations volcaniques et métallifères ( Bulletin de la Société géologique de France , 2e sér., t. IV, p. 1276). 406 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. étendue aux autres zéolithes avec lesquelles elle présente de si grandes analogies de composition et de gisement. Or, on sait que les minéraux de cette famille font partie constituante de certaines roches, notamment des basaltes et des plionolitbes. Tantôt les zéolithes sont disséminées dans tout le tissu de la roche ; tantôt elles se sont concentrées dans les boursouflures, avec d’autres résidus de la décomposition des silicates primitifs, tels que le quartz, la chaux carbonatée ou l’aragonite, le fer carbonate, la dolomie et la terre verte. Dans l’un et l’autre cas, ces silicates hydratés peuvent avoir pris naissance par une sorte de réaction sur une pâte préexistante, de nature doléritique ou tracliytique, comme il arrive dans l’intérieur des maçonneries de Plombières, sous l’in- fluence des silicates solubles qui y pénètrent graduellement. 11 est, en tout cas, très possible que les zéolithes qui font partie essentielle des roches éruptives, et qui se trouvent aussi dans les dépôts mé- tallifères, se soient formés quand le refroidissement était déjà très avancé. Des faits géologiques peuvent confirmer cette idée. Ainsi, de nombreux fragments de calcaire tertiaire d’eau douce qui sont empâtés dans le tuf basaltique du Puy de la Piquette en Auvergne se sont aussi imprégnés de zéolithes (1). La mésotype et la stilbite sont venues tapisser les cavités laissées par les larves desfriganes, sans que la roche calcaire ait subi d’altération sensible. Si le cuivre et l’argent natif renfermés abondamment dans les roches amygdaloïdes du lac Supérieur sont déposés dans ces roches, en contact l’un avec l’autre, sans former d’alliage, c’est que ces deux métaux se précipitaient à une température inférieure, et peut-être de beaucoup, à celle à laquelle ils sont susceptibles de fondre ou de s’allier. L’eau n’intervient pas seulement dans la formation des silicates où elle reste en partie combinée, et où elle laisse ainsi une preuve manifeste de sa coopération. La série d’expériences dont nous venons de signaler les résultats apprend qu’à des températures plus élevées, loin d’être inactive, elle se comporte dans la cristal- lisation du quartz et des silicates anhydres, comme si les matières y étaient facilement solubles. Le feldspath, le principal élément des laves des volcans, a été déjà rencontré cristallisé dans des fourneaux à cuivre du Mansfeld, (1) Dufrénoy, Sur la relation des terrains tertiaires et volcaniques de l’Auvergne {Annales des mines , 2esér.. t. VII, p. 345). — Douillet et Lecoq, Vues et coupes du Puy-de-Dôme , p. 23. MÉMOIRE DE M. DÀUBRÉE. 107 où M. Haussmann l’a découvert clés 1810, ainsi que dans quelques autres ateliers métallurgiques. Ce fait a eu pour les considérations géologiques une portée incontestable ; mais il est très probable, d’après la position des cristaux vers la partie supérieure des four- neaux, qu’ils sont un produit de réaction de vapeurs entre elles et sur les parois, en tout comparables à celles qui m’ont occupé dans d’autres circonstances. Je rappellerai aussi qu’en faisant réagir le chlorure de silicium sur une combinaison d’alumine et d’alcali, j’ai obtenu de petits cristaux ayant les caractères physiques et chi- miques du feldspath (1). Mais les chimistes les plus habiles ne sont pas encore parvenus à produire directement ce silicate double à l’état cristallin, par une fusion sèche , quelles que soient les pré- cautions observées dans le refroidissement (2). Tandis que le feldspath n’a pu être produit dans des réactions de voie sèche que d’une manière tout accidentelle ou par des arti- fices particuliers, la même combinaison a une tendance très mar- quée à se former dans l’eau suréchauffée à 400 degrés, quand ses éléments se trouvent en présence. On a depuis longtemps soupçonné que l’eau intervient dans la cristallisation des laves elles-mêmes, où elle est abondamment incorporée, et dont, malgré la très haute température, elle n’achève de se dégager qu’au moment de la solidification. Quel que soit l’état moléculaire de l’eau dans les laves, l’influence qu’elle exerce sur la formation des silicates qui s’en séparent n’est plus difficile à comprendre d’après les résultats qui viennent d’être exposés. Elle me paraît y agir comme dans les tubes, où elle est aussi suréchauffée, lorsqu’elle transforme l’obsidienne en feldspath cristallisé ou qu’elle dépose le pyroxène en cristaux parfaits. C’est ainsi que dans les laves, comme dans nos expériences, elle opère le départ et la cristallisation des silicates à une température bien inférieure à leur point de fusion. C’est encore par cette influence aqueuse que ces mêmes silicates peuvent cristalliser dans une succession qui est souvent opposée à leur ordre relatif de fusibilité. On sait, par exemple, que l’amphigène, silicate d’alumine et de potasse qui est infusible, s’est développé dans les laves de l’Italie en cristaux souvent très volumineux. Cette inversion dans l’ordre des fusibilités est surtout remar- quable dans le granité qui, par la présence du quartz et du mica, (1) Comptes rendus de V Académie des sciences , t. XXXIX, p. \ 35. (2) Mitscherlich, Poggendorff Annalcn, t. XXXIII, p. 340. 108 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. comme par le mode de cristallisation de ces substances, diffère d’ailleurs de tous les produits de la fusion sèche que nous con- naissons. Aussi, depuis que l’action de la chaleur dans la formation de cette roche a été démontrée, son mode de cristallisation a été l’objet de nombreux systèmes, notamment de la part de Breislack, Fuchs, MM. Schafliaiitl, Delafosse, de Boucheporn, Fournet, Burocher. Depuis les observations importantes de M. Scheerer sur ce sujet, M. Elie de Beaumont a montré en outre qu’une quantité d’eau très minime a pu contribuer, avec les chlorures, à suspendre la cristallisation de ces pâtes jusqu’à un refroidissement très avancé. Les déductions des expériences qui précèdent sur l’action de l’eau, lors de la cristallisation des silicates, s’appli- quent plus directement encore à la cristallisation du granité qu’à celle des laves. Un phénomène des plus fréquents dans les roches métamor- phiques est le développement ultérieur du feldspath dans leur masse, sans qu’elles aient été ramollies. Pour faire voir comment ce fait, inexplicable par la voie sèche, se déduit simplement de nos expériences, et pour préciser les circonstances ou cette trans- formation a eu lieu, nous prendrons des exemples dans la chaîne des Vosges , qui, pour ce phénomène, représente un type fré- quemment reproduit ailleurs. Dans les régions septentrionale et méridionale de cette chaîne, le granité syénitique forme des proéminences qui coupent les ter- rains de transition. Les roches de ces derniers terrains ontsouvent subi, à proximité du granité, des modifications si variées que leur nomenclature précise devient un sujet d’embarras pour le géo- logue. Elles consistent généralement en pâtes pétro-silieeuses, grises, verdâtres ou rosées, facilement fusibles au chalumeau. Des cristaux de feldspath orthose et de feldspath du sixième système y sont fréquemment disséminés; ils sont parfois accompagnés de quartz, d’amphibole, d’épidote, de pyrite et de quelques autres minéraux. Dans ce dernier cas, la roche ressemble, à s’y méprendre, à certains porphyres ou eurites porphyroïdes qui sont d’origine éruptive et qui se trouvent surtout vers la lisière des masses grani- tiques. On reconnaît cependant par des passages graduels que, dans le cas dont il s’agit ici, ces eurites et ces roches porphyroïdes ne sont qu’une dégénérescence de roches stratifiées et fossilifères. On pourrait douter de la certitude de cette dernière conclusion, si la modification dont nous parlons ne se reproduisait dans des localités nombreuses, et avec une identité surprenante dans toute la nombreuse série de variétés de roche qui ont été affectées. Nous MÉMOIRE DE M. DAUBRÉE. 109 citerons comme exemple : autour du massif du Champ-du-Feu, les environs de Schirmeck, Framont, Rothau, Grendel'bruch, Saint-Nabor, Barr, Andlau, Senones; près du massif des Ballons: les vallées de Massevaux, de Saint-Amarin, la naissance de la vallée de la Moselle, la vallée de Giromagny, celles de la Haute- Saône comprises entre Plancher-Haut, Fresse, Ternuay et Cham- pagny. Les roches modifiées de ces diverses localités ont été nommées par les observateurs qui les ont décrites (1) pétro-silex, eurites, porphyres verts, porphyres bruns ou ampliiholites ; car quelquefois elles se chargent de beaucoup d’amphibole. Enfin, pour compléter l’énumération des principales modifications des terrains anciens des Vosges, nous ajouterons que sur d’autres points les phyllades deviennent micacées et maclifères. Aux environs de Tliann, les roches feldspathisées sont très nettement stratifiées; elles renferment en outre de nombreux dé- bris de végétaux qui, parfois même, forment des lits d’anthracite; d’après M. Schimper, ces végétaux caractériseraient le terrain carbonifère inférieur plutôt que le terrain devonien. Or, la pâte de ces mêmes couches est en grande partie parsemée de cristaux de feldspath qui appartiennent ordinairement au sixième système. La forme de ces cristaux, leur développement, toutes les particu- larités de leur manière d’être démontrent surabondamment que la plupart d’entre eux ne préexistaient pas parmi les matériaux arénacés qui ont formé ces pâtes, mais qu’ils s’y sont développés plus tard , comme M. Delesse l’a très bien montré (2) ; de là le nom de gramvache métamorphique qui leur a été donné. Dans la Forêt-Noire, on trouve dans plusieurs régions des faits tout semblables à ceux que nous venons de mentionner pour les Vosges. Dans la chaîne badoise, les couches du terrain carbonifère inférieur, quelquefois riches en plantes, comme aux environs de Schœnau et Lenlzkirch, contiennent aussi des cristaux de feldspath oligoclase, de même que les couches de Tliann ; on reconnaît d’ailleurs aussi que ces cristaux n’y ont pas été amenés à l’état détritique et qu’ils résultent d’une épigénie. (1) Élie de Beaumont, Explication de la carte géologique de la France , t. I, p. 187. Thirria, Statistique minéralogique de la Haute-Saône (où quel- ques-unes des roches sont qualifiées de porphyres de transition). (2) Delesse, Sur la grauwacke métamorphique des Vosges (Bul- letin de la Société géologique de France , 2e sér., t. X, p. 562). Kœchlin-Schlumberger, Sur la grauwacke métamorphique de Thaim (même recueil, t. XI, p. 89). SÉANCE DU 46 NOVEMBRE 1857. 110 Pour rendre compte des transitions insensibles de certaines roches stratifiées aux roches feldspathiques éruptives qui les ont traversées, 1Y3. Fournet les a ingénieusement comparées à ce qui arrive, lorsque le fondant introduit dans un creuset pour la ma- tière duquel ce fondant a de l’affinité, dénature le creuset, tout en se dénaturant lui-même (1), Mais ces considérations à? endo- morphisme, sans doute admissibles dans quelques cas, ne peuvent s’appliquer partout, notamment aux grauwaekes feldspathiques de Thann dans les couches desquelles le phénomène s’étend si uniformément. Tous ces cas de feldspathisation s’expliquent d’une manière très simple d’après les expériences où le feldspath est produit par voie humide, et particulièrement celle où nous reproduisons le phénomène sur l’argile, en présence d’une dissolution de silicate alcalin, comme il en existe dans la plupart des sources thermales. De telles eaux pénétrant dans des couches argileuses, à l’état sur- échauffé, comme la pression le permettait avant qu’elles fussent disloquées, ont pu faire naître des cristaux de feldspath, de quartz et d’autres silicates. Selon leur nature première, selon la tempé- rature de l’eau dont elles s’imbibaient, les roches ont subi des transformations différentes. Observons d’ailleurs que les argiles renferment souvent des quantités assez notables de potasse, de chaux, de magnésie et d’autres bases, pour que le feldspath et d’autres minéraux, aussi bien que les mâcles et la chiastolithe aient pu s’y développer, sous la réaction de l’eau, sans introduction d’éléments étrangers. A de hautes températures, il suffit même de si peu d’eau pour produire la cristallisation de ces silicates, ainsi que nous l’avons vu, que l’eau des argiles ou même celle qui est mécaniquement mélangée aux roches, et que l’on qualifie vulgairement d 'eau de carrière , paraît déjà être en quantité suffisante pour pouvoir déterminer, à l’aide de la chaleur, des réactions assez énergiques. 11 est une circonstance qui vient à l’appui de la supposition que des eaux renfermant des silicates de potasse ont souvent pu pé- nétrer dans les terrains qui avoisinent le granité. Près des terrains feldspathisés, comme nous venons de le dire, le granité est sou- vent tout à fait décomposé, au point que l’on exploite cette roche comme sable pour les constructions, comme à Barembach, Andlau et dans beaucoup d’autres lieux des Vosges. L’eau qui avait dissous une partie des alcalis du feldspath était susceptible (1) Bulletin de la Société géologique de France , t. IY, p. 242. MÉMOIRE DE M. DÀUBRÉE. 111 en s’introduisant dans les argiles d’y régénérer ce même minéral, et ces deux phénomènes, probablement complémentaires, sont parfois visibles à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. Nous avons reconnu que le feldspath soumis à ùOO degrés à l’action de l’eau alcaline ne subit aucune altération, et il n’y a pas à s’en étonner, puisqu’il se trouve alors dans les conditions même où il prend naissance. Mais, à des températures moins éle- vées, l’eau pure ou tenant certaines substances en dissolution peut attaquer le même composé de manière à le transformer en kaolin ou peut-être en zéolites. Ainsi, quand les galets feldspathiques se réduisent par le frottement, dans le sein des eaux, en limon im- perméable, il subit même à la température ordinaire une décom- position lente, comme je l’ai constaté dans une autre série d’expé- riences (1). L’examen direct des phénomènes naturels nous conduit à la même conclusion que, selon les circonstances, l’eau agit sur le feldspath d’une manière inverse ; elle peut le produire ou le dé- composer. Des nappes entières de porphyre rouge quartzifère subordonnées au terrain du grès ronge ont subi une décomposi- tion profonde ; les cristaux de feldspath et la pâte elle-même ont été kaolinisées à une température qui, selon toute probabilité, était inférieure à celle où ces mêmes cristaux avaient pris nais- sance. 11 est beaucoup d’autres contrées où des minéraux de la famille des feldspaths ont pris naissance dans des roches, comme épi- génies. Je me bornerai à signaler ici les schistes verts du Taunus, nommés schistes à sérient!, dont les veinules renferment parfois de l’albite aussi nettement cristallisée que celle qui occupe un gi- sement semblable dans l’Oisans et que renferment toutes les collections de minéralogie. Comme l’albite de l Oisans, elle est accompagnée de quartz, d’épidote, et, pour surcroît de ressem- blance, d’axinite (2). Au lieu de se développer dans les roches argileuses, le feldspath s’est souvent aussi formé dans des calcaires. Les Alpes présentent de nombreux exemples de ce fait qui ont déjà été observés par Saussure (3), et que l’infatigable explorateur de cette chaîne de (1) Comptes rendus de V Académie des sciences, t. XLV, p. 997. (2) Cette dernière substance a été rencontrée récemment à Kœ- nigstein par M. Scharf. (3) Foyages dans les Alpes, in-4, t. Il, p. 390 et chap. xxxvm. 112 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. montagnes, M. Studer, a décrits avec détail (1). Cette transfor- mation des couches calcaires en roches feldspathiques a aussi donné lieu à d’intéressantes observations de M. Volger (2), et IVJ. Bischof s’est appuyé sur ces faits pour montrer que le feld- spath ne peut avoir été formé par voie sèche (3). Un exemple des plus remarquables se trouve dans le massif du mont Blanc, particulièrement au coi du Bonhomme, où les calcaires magné- siens, déjà signalés par Brochant dans son beau travail sur les terrains de la Tarentaise, et désignés plus tard par Alexandre Brongniart sous le nom de ccilc.iphyre fcldspathiquc , sont effecti- vement parsemés de cristaux d’albite. Le calcaire en se modifiant ainsi n’a pas d’ailleurs toujours échangé sa compacité primitive contre l’état cristallin. Les développements du feldspath, sous des formes très variées dans les roches métamorphiques des Alpes et dans beaucoup d’autres contrées, s’expliquent par les réactions que nous avons déjà exposées plus liant. Nos expériences sur les productions des silicates par voie hu- mide serviront à expliquer bien d’autres particularités des roches métamorphiques. Sans sortir des Alpes où le phénomène s’est développé d’une manière si grandiose, comment n’admettrait-on pas cette origine pour les roches dont a été séparé le pyroxène diopside en Piémont et dans le Tyrol, après avoir reconnu les conditions de son gise- ment et avoir vu les cristaux de même nature formés par voie hu- mide? ou pour les roches d’Achmatowsk dans l’Oural, qui, comme celui des Alpes, est accompagné de grenat ou de clilorite cristallisée? On doit étendre la même conclusion aux pyroxènes disséminés dans divers calcaires métamorphiques, tels que ceux des îles Hébrides ou des Pyrénées. Il serait difficile de ne pas y comprendre égalementles blocs de calcaire de la Somma, dont les géodes sont régulièrement incrustées de cristaux de diopside, de mica et d’autres minéraux, qui tous ont évidemment pris naissance sous l’influence de l’eau et d’une tem- pérature élevée. Au point de vue qui nous occupe, il n’est peut-être pas de localité connue qui soit plus digne d’intérêt que les environs de Rothau, dans les Vosges, notamment le lieu nommé Petit-Donon. Le granité (1) Gcologie der Schwciz, t. I, p. 380. (2) Jahrbuch fur Minéralogie, 4 854, p. 257. (3) Lehrbuch der Géologie, t. Il, p. 2344, MÉMOIRE DE M. bAL'BItÉE. HZ syéni tique a pénétré des couches dévoniennes, et, jusqu’à quelques centaines de mètres du contact, elles sont entièrement modifiées. Sur certains points, la roche ne consiste plus qu’en un mélange de pyroxène lamellaire, d’épidote et de grenat compacte, avec des mouches de galène. Au milieu de la roche entièrement formée de silicates de cette nature, j’ai reconnu les empreintes parfaitement conservées de nombreux polypiers; ce sont surtout des Calamopora spongites (Goldfuss) et des /lustres. Il y a plus : les cavités mêmes laissées par la disparition partielle du calcaire de ces polypiers sont hérissées de cristaux du même minéral qui forme la pâte : le plus abondant est l’amphibole noire en cristaux allongés, d’une netteté parfaite, pénétrant parfois dans les cristaux de quartz, fait très fréquent dans les Alpes, au milieu de roches ayant perdu toutes traces de fossiles. Du grenat vert d’herbe fait partie des mêmes géodes, et rappelle tout à fait celui de Monzoni en Tyrol, ou de Drammen en Norwége. Enfin, parmi ces divers minéraux, j’ai reconnu aussi l’axinite en cristaux volumineux, dont la pré» sence n’avait encore été signalée dans aucune roche fossilifère. Comme les polypiers que M. Elie de Beaumont a autrefois si- gnalés au milieu de la dolomie de Gérolstein, les débris organiques si bien conservés à Rothau méritent d’être considérés comme des monuments classiques du métamorphisme. Us nous apprennent, en effet, qu'une roche incontestablement d’origine sédimentairg est aujourd’hui formée de silicates anhydres et cristallisés, comme le pyroxène, l’amphibole, le grenat, l’épidote et l’axinite, et, de plus, que cette roche s’est ainsi profondément transformée, sans se ramollir notablement, puisque îeS délicatesses de la surface deà polypiers y sont bien conservées. Ces circonstances, dont l'action de beau suréchaufîée et se pro- pageant suivant certaines directions rend si bien compte, se repro- duisent fréquemment. Ainsi les amas de fer oîigiste de ÊYamonfc, situés à 10 kilomètres de là, dans une position géologique toute semblable, renfermeut des gangues de même nature que celles du Petit-Donon de Rothau ; ces gîtes ont été vraisemblablement produits par des actions tout à fait analogues à celles que nous venons de chercher à éclaircir, il eu est de même des amas de contact du Banat, des environs de Christiania, de Turjinks dans l’Oural, de ceux de la Toscane, avec leurs boules d’amphibole radiée et d’yénile enclavés dans le calcaire, et, eu général, de beaucoup d’amas métallifères qui ont pris naissance à proximité de roclies éruptives, et qui ont pour gangues des minéraux silicates. Une transformation aussi complète que celle des roches de Ro- Soc. géol,, 2e série, tome XV. 8 11 h SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. thau, subie par une roche stratifiée sans qu’il y ait eu ramollisse- ment, explique aussi la conservation de ces nombreux fragments parfaitement anguleux que renferment très souvent les roches granitiques, et dont on peut voir des exemples nombreux dans les dalles des trottoirs de beaucoup de grandes villes. Dans les Vosges, ces fragments sont surtout abondants vers la périphérie des massifs granitiques. Dans le granité porphyroïde, les fragments consistent en granité à grain fin et très chargé de mica. Ceux que renferme la syénite tiennent de la nature de la masse enveloppante ; ce sont des blocs de syénite à grains fms ou de diorite micacée, où l’amphibole est ordinairement en longues aiguilles, comme dans les géodes des polypiers de Rothau. Tantôt ces blocs ont quelques centimètres de côté, tantôt ils atteignent la dimension de plusieurs mètres cubes. 11 n’est pas rare qu’ils soient assez rapprochés pour que leur ensemble constitue une brèche dans laquelle la syénite enveloppante forme de nombreuses ramifications (1). Bien des silicates autres que ceux que nous avons déjà imités, et peut-être la totalité de ceux que présente le règne minéral, peuvent être reproduits également par voie humide. Lesanalogies chimiques aussi bien que les associations de gisement le prouvent bien clai- rement. Mais je préfère ne pas devancer par des déductions géolo - giques plus étendues les résultats de l’expérience qui peut-être ne se feront pas attendre. Remarquons encore qu’à cette température, vers laquelle nous venons de voir la voie humide imiter avec tant de facilité les sili- cates produits par voie sèche, tout en en créant d’autres qui lui sont propres, la vapeur d’eau agit, comme nous l’avons également reconnu, à la manière de l’eau liquide. Il n’y a donc pas lieu de chercher, dans les phénomènes géologiques produits dans de telles conditions de chaleur, une démarcation tranchée entre l’action de l’eau liquide et celle de l’eau à l’état de vapeur. La schistosité qu’acquièrent les tubes de verre est un effet évident du mode de fabrication qui a imprimé à la masse une structure par couches superposées. C’est une soi le d’hétérogénéité qui peut être décelée à l’aide de l’action subtile de la lumière polarisée, mais qui pour l’œil nu est primitivement cachée dans une apparente homo- généité. Elle n’apparait que quand l’eau, par une action inégale, a dessiné les zones de nature différente, et mieux encore après que la substance, déjà modifiée en partie, a subi un retrait. Ces feuillets (1) Description géologique du B as -Rhin, p. 28 et 33, MÉMOIRE DE M. DAUBRÉE. 115 sont, en effet, beaucoup plus prononcés dans certains tubes que dans d’autres. Il est très possible qu’un effet du même genre se manifeste par métamorphisme sur des roches qui étaient peut-être d’abord homogènes, mais qui, par suite des forces mécaniques auxquelles les masses ont été exposées dans les phénomènes de dislocation, ont du présenter, comme le verre, des différences de densité et d’élasticité, en sens divers (1). Toujours est-il que la disposition feuilletée ou quelquefois simplement rubanée du verre métamor- phique rappelle tout à fait la structure caractéristique des terrains schisteux cristallisés, qui jusqu’à présent n’a pas été imitée autre- ment par l’expérience. Je terminerai par quelques observations générales qui montrent, comme les exemples de détail que je viens de signaler, une res- semblance évidente entre les circonstances où se sont produits les phénomènes naturels et celles où nous nous sommes placés dans nos recherches. L’influence de la pression sur les actions chimiques qui ont transformé les roches est, en effet, tout aussi claire dans la nature que dans l’expérience directe. Les laves les plus chaudes et les plus chargées de vapeurs aqueuses, non plus que les basaltes et les trachytes, ne modifient pas les roches sur des épaisseurs notables, tant qu’elles agissent sous la simple pression atmosphérique. Mais les nombreux blocs de calcaire venus des foyers volcaniques dans les tufs de la Somma nous montrent, dans leurs géodes tapissées de minéraux si variés et si bien cristallisés, ce que peuvent produire les mêmes agents, lorsqu’ils sont encore renfermés dans la profondeur. Un fait tout à fait comparable nous est offert dans le petit massif basaltique du Kaiserstuhl, dans le grand-duché de Bade. Contrairement à ce que l’on a observé généralement, un lambeau de calcaire arraché par le basalte aux terrains qu’il a traversés est modifié de la manière la plus profonde. Ce calcaire, devenu tout à fait lamellaire, renferme en effet des cristaux octaédriques de fer oxydulé titanifère, de la pyrite de fer, du mica magnésien semblable à celui de la Somma, de la perowskite et du pyrochlore cristallisé, qui rappellent le gisement de l’Umen. J’y ai, en outre, constaté la présence de cristaux de quartz, enchevêtrés au milieu (1) Parmi les divers savants qui ont étudié ce sujet, je rappellerai MM. Sedgwick, Élie de Beaumont, de la Bêche, Sharpe, Hopkins, Strickland, Sorby, Tyndal, et récemment M. Laugel. SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1857. \ 16 des premiers minéraux, et qui ont été formés évidemment dans les mêmes conditions. Enfin, le calcaire traité par un acide très faible laisse d’innombrables aiguilles que j’ai reconnues pour de l’apatite. Des échantillons de calcaire que j’ai rapportés de la Somma, avec du fer oxydulé et de l’apatite, ressemblent, à s’y méprendre, à certaines variétés du calcaire du Kaiserstulil. La présence du mica magnésien, abondant dans les deux localités, établit une analogie de plus entre les agents qui y ont développé cette série de minéraux remarquables. J’ajouterai, d’ailleurs, que ce n’est pas toujours près du contact même du basalte que l’accu- mulation des minéraux faite sous son influence s’est opérée de préférence: aussi ne peut-on admettre que le calcaire ait précipité ces minéraux par une action de voie sèche. Le privilège qui a été accordé au calcaire du Kaiserstuhl, excep- tionnellement parmi les roches en contact avec les basaltes, me paraît résulter clairement de son gisement. Ce calcaire est en effet situé au centre même d’un cirque de soulèvement des mieux ca- ractérisés. Avant que la dernière dislocation subie par le massif basaltique fit affleurer ce calcaire au jour, il était soumis à une certaine profondeur, et par conséquent sous pression, aux eaux chaudes dont le basalte était lui-même imbibé et qui y ont aussi déposé des minéraux dans d’innombrables boursouflures. De même que le calcaire du Kaiserstuhl, le calcaire si riche en minéraux variés de la Somma et celui du Latium ont été élaborés dans des points ou se sont formés des cratères de soulèvement, quand la pression même sous laquelle se faisait la modification de ces roches a brisé leur couvercle , d’abord hermétiquement fermé. La causé des réactions chimiques a été annulée quand une issue lui a été ouverte. Ainsi, au milieu même des foyers ignés les plus incontestables, dont les soulèvements ont amené au jour les produits antérieurs, on rencontre des phénomènes inexpliquables parla chaleur seule ; des phénomènes qui démontrent l’influence de la pression comme agent de transformation et qu’il faut, selon toute vraisemblance, rapporter à l’eau sui échauffée. Dans les terrains stratifiés de tous les âges, le phénomène du métamorphisme se lie toujours a des dislocations. D’une part, en effet, les terrains stratifiés les plus anciens de la Russie et de la Suède méridionale, comme ceux cle l’Amérique du Nord, qui ont conservé leur horizontalité première, ne sont pas sensiblement transformés. D’autre part, des terrains récents, mais fortement accidentés dans leur stratification, tels que les couches MÉMOIRE DK M. DAIJ3RÉE , 117 jurassiques et crétacées des Alpes, des montagnes Apucnnes et de la Toscane, ont été au contraire complètement modifiés, lors même qu’on n’y rencontre que peu de masses éruptives. Les pliyl- lades ne sont que le premier terme de transformations plus pro- fondes; aussi ne se trouvent-elles jamais en dehors de zones autrefois plus ou moins disloquées. Les sources thermales sont toujours en relation avec des acci- dents de structure du même genre, et d’immenses contrées sans dislocation, comme la Russie, en sont complètement dépourvues. Il est donc difficile de ne pas apercevoir une liaison entre les deux espèces de phénomènes; il est difficile surtout de s’y refuser, quand l’expérience nous montre les eaux minéralisées comme un des agents les plus énergiques du métamorphisme que nous par- venons à reproduire artificiellement. Les sources que nous voyons jaillir sous la simple pression atmo- sphérique ne dépassent pas la température de 100 degrés ; mais on ne doit pas en conclure que dans la profondeur des roches, et plus près des masses où elles s’échauffent, l’eau ne puisse pas atteindre, aussi bien que dans nos tubes, une température beaucoup plus élevée. Dès lors, il est impossible que des eaux suréchauffées et douées d’une force expansive considérable ne se frayent pas une voie, vers la surface du sol, à travers toutes les roches voisines. Elles choisissent de préférence celles qui sont le plus perméables ; mais elles peuvent cependant agir aussi, comme nous le voyons pour le verre, sur les masses tout à fait imperméables. En présence des résultats des expé- riences dont nous venons de parler, on ne peut douter que dans leur trajet plus ou moins prolongé à travers d’innombrables canaux capillaires, ces eaux ne soient un agent extrêmement puissant pour transformer des roches variées et y engendrer des silicates an- hydres ou hydratés, aussi bien que d’autres minéraux que la voie humide produit dans les mêmes conditions de température. Quant aux profondeurs auxquelles peuvent se produire les phé- nomènes de métamorphisme et une très grande chaleur dans les sources thermales, je ferai observer que sur les trois quarts de la surface du globe, les sources ne peuvent apparaître sans surmonter la pression des mers, qui ne doit pas être évaluée, en moyenne, à moins de deux cents atmosphères. Or, quand même les roches auraient été transformées à de grandes profondeurs, des brise- ments violents, comme ceux qui ont fait surgir la chaîne des Alpes, peuvent les avoir fait apparaître ultérieurement à la surface même du sol. Pour le remplissage de la plupart des fiions métalliques, les 118 SÉANCE DU 1 6 NOVEMBRE 1857. eaux ont apporté dans de longues fissures où elles circulaient li- brement les matériaux dont elles étaient chargées. Ce phénomène est donc à vrai dire un cas particulier de métamorphisme; et en effet, dans bien des contrées, telles que les régions stannifères du Cornouailles, de la Saxe et de la Bohême, ou mieux encore, dans la grande zone des terrains du Brésil, qui renferment l’or, le platine et les pierres gemmes, on voit clairement la liaison intime des deux phénomènes. M. Delanoüe demande à M. Daubrée s’il a répété les mêmes expériences à une basse température avec des substances iden- tiques, pour chercher à reproduire les effets obtenus, par exemple, dans les eaux thermales de Plombières, et pour s’assurer si le feldspath anhydre, qui se forme à une haute température, ne se décomposerait pas à une température moins élevée. Ne pourrait-on pas aussi supposer que l’alcali existe tout formé dans l’argile, au lieu d’être fourni par les eaux de suintement qui n’agiraient qu’à la surface? M. Daubrée répond que les argiles contiennent, comme on le sait, quelques centièmes d’alcali, mais que rien ne prouve que cet alcali serve à la composition des feldspaths, plutôt que l’eau alcaline fournie par des eaux d’infiltration. M. Ch. S.-C. Deville pense que les expériences de M. Daubrée expliquent bien le métamorphisme proprement dit, tel que celui des roches des Vosges, mais que dans les roches éruptives proprement dites, dans les laves, les choses se passent d’une manière différente -, qu’au moment où l’eau en sort, les miné- raux se forment sans pression et par une véritable cristallisa- tion, où l’eau joue sans doute un rôle, mais que, si le refroidis- sement est rapide, il ne se forme que de l’obsidienne. L’eau est évidemment dans ces roches à un état moléculaire encore entièrement inconnu. M. Daubrée pense que l’obsidienne, en présence de l’eau suréchauffée, donne lieu à la formation du feldspath -, il en a reproduit de cette manière dans une de ses expériences. M. Damour demande à M. Daubrée s’il applique sa théorie à tous les feldspaths, par exemple, à ceux du granité. M. Daubrée répond qu’il est porté à la croire vraie pour les NOTE DE M. VI K LE T d’âOUST. i 10 feldspaths du granité, d’autant qu’on n’a pu jusqu’ici repro- duire les éléments du granité parla voie sèche. M. Virlefc dit que la communication de M. Daubrée lui paraît surtout intéressante , en ce qu’elle vient aujourd’hui apporter le résultat d’expériences chimiques à l’appui des nombreux faits incontestables du métamorphisme des roches, et fait à ce sujet la communication suivante ; Nouvelles observations sur le métamorphisme normal ; par M. Virlet d’Aoust. L’intervention de l’eau dans les phénomènes du métamor- phisme en général, admise depuis bien longtemps par moi (1), et pour celui de la granitification en particulier, par MM. Angelot et Scheerer (2), me paraît d’autant plus probable, que certains faits que j’ai eu occasion d’observer depuis au Mexique sont venus confirmer cette opinion en même temps qu’ils m’ont démontré, à moi aussi, que la chaleur seule n’a pas toujours suffi pour déter- miner la cristallisation dans les roches. Les principaux reliefs du Mexique et de l’Amérique centrale sont dus à un système de fractures O, , 35° à 36° N., auquel j’ai cru devoir imposer, pour cette raison le nom de système ci Anahuac(fi>). C’est à partir de cette époque de dislocation, bien postérieure à la formation crayeuse qu’elle a relevée, que je fais seulement re- monter les principaux faits de métamorphisme normal qui s’ob- servent depuis l’isthme de Panama jusque dans les Etats de Ta- inaulipas, de Nuevo-Léon, de Chihuahua et de Sonora, vers les Montagnes Rocheuses, c’est-à-dire sur une étendue qui ne mesure pas moins de vingt degrés de latitude; et c’est après ce soulève- ment qu’a eu lieu la transformation en porphyres, en trachytes porphyro'ides et aussi quelquefois en granités, des masses argi- leuses de l’époque crayeuse, et peut-être même en partie d’une époque plus récente encore. Les fractures si nettes, si multipliées, de ce système remar- (l) Voy. p. 300 de la Géologie et de la minéralogie de la Grèce , t. II, 2e partie, in-4, Paris, 1833, De l’expédition scientifique de Morée. (2.) Bull. Soc. géol., 2e sér , t. IV, p. 468, 496 et 498 (1847). (3) Le royaume des Astèques ou des Mexicains portait ancienne- jnent le nom d 'Anahuac, et les Espagnols ont conservé au grand pla- teau central mexicain le nom de Mesa d’Anàhuac . 120 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. quablc, se présentant parfois comme une série de boutonnières sporadiquement distribuées sur toute cette immense surface, ont nécessairement du ramener des flux de chaleur très considérables jusque dans les masses superficielles. Là serait, selon moi, la principale cause, mais non la cause unique, de la transformation de ces roches; car, partout où l’action de la chaleur paraît avoir agi seule, on observe que ces masses argileuses, quoique présen- tant tous les caractères de matières longtemps soumises à une forte ignition, n’ont, outre la décoloration, subi qu’une espèce de désa- grégation, et qu’elles sont restées à l’état de chaux ou de masses calcinées et meubles. Dans les endroits où l’action du métamorphisme cristallin a seulement commencé à se manifester, j’ai eu plus d’une fois occa- sion de constater ce fait remarquable : que c’est toujours par le haut qu’elle a commencé. Ainsi, pendant que les assises supé- rieures formant les sommets des collines sont déjà transformées en masses porphyroïdes plus ou moins consistantes, la base a con- servé son état meuble, et l’on voit les parties agrégées perdre suc- cessivement de leur cohérence jusqu’aux parties encore meubles, mais déjà remplies de cristaux de feldspath dont le nombre et le volume va également en diminuant, à mesure qu’on s’éloigne du sommet. Sur les points où le métamorphisme est plus avancé, on observe cependant encore que les assises supérieures sont géné- ralement plus dures et annoncent une transformation plus com- plète qu’à la base. Ces masses endurcies de la surface extérieure, auxquelles on donne communément, dans les Etats de Gua- naxuato et de San-Louis-Potosi, le nom de bufas , forment sou- vent des crêtes ou des abruptes qui représentent parfois, sous les aspects les plus pittoresques, des espèces de ruines ou de vieilles forteresses. J’ai naturellement été porté à conclure de ces faits que la chaleur seule n’avait pas suffi pour déterminer d’abord la feldspathisation, qui est l’un des premiers changements molécu- laires qui s’est manifesté dans ce métamorphisme naissant (1), (I) Les phénomènes ne se manifestent pas toujours dans cet ordre; car, contrairement à ce que j’ai observé au Mexique, il arrive que, dans la transformation des roches, l’agrégation des masses précède le développement de la feldspathisation, et c'est notamment ce que j’ai observé fort anciennement, puisque cela remonte à 1 829, dans la transformation en porphyres molaires des trass de 1 île de Milo, dans l’archipel grec. Là on peut voir, littéralement parlant, ces trass, com- posés de débris d’origine volcanique, passer, sous l’influence de la chaleur et des gaz acides* et peut-être de vapeurs d’eau qui s’y dégagent 121 NOTE DE AI. VIRLLT d’aOÜST. mais qu’il avait fallu encore le concours d’agents extérieurs que je crois être, pour le cas dont il s’agit, l’eau fournie par les météores aqueux. On conçoit que des niasses devenues tout à fait anhydres et passées à l’état spongiaire par suite d’une longue calcination, du moins à la surface, car il serait possible qu’à l’intérieur la pression eut été assez forte pour retenir même l’eau de mélange, devaient, à l’instar de la chaux vive, absorber l’eau avec une grande avidité, et retenir assez fortement celle qui était amenée par les pluies, pour permettre aux éléments feldspath iques de se cristalliser en- suite sous son influence combinée avec celle d’une température plus ou moins élevée. Cette manière d’envisager les phénomènes du métamorphisme, par des actions combinées de l’intérieur et de l’extérieur, me pa- raîtrait d’ailleurs devoir expliquer assez bien la cristallinité plus complète et plus avancée qu’on observe généralement, notamment dans les Alpes, vers la partie centrale des chaînes de montagnes, c’est-à-diie le long des lignes principales de fractures, également le réceptacle d’un plus grand nombre de filons métallifères, q>ui, en même temps qu’ils sont eux-mêmes la conséquence de ces dislo- cations et des effluves centrales auxquelles elles ont donné lieu, du sol, d'abord à l'état de porcellanites ou de pétro-silex, puis à celui de porphyres. Ces phénomènes curieux, auxquels on peut pour ainsi dire assister encore aujourd’hui, m’ont amené, par une complète ana- logie, à ranger dans la même catégorie de phénomènes l’origine des porphyres molaires de la Hongrie, si bien décrits par Beudant. Des faits analogues s’observent à Imbros, l’une des îles de la Thrace, où des arkoses ont également été transformées en porphyres trachy- tiques. J'y ai constaté également que ces arkoses, amenées par l’effet d’une ignition intense à l'état pulvérulent, passaient d’abord à l'état de jaspe, puis après à celui de porphyre. 11 est à remarquer que là aussi, comme au Mexique, la jaspisation et la cristallisation ont com- mencé à se manifester par la partie supérieure, et qu’elles y sont sans doute dues à l’intervention de l’eau extérieure, ou bien, comme je l’ai supposé d’abord, à l’action des vapeurs aqueuses qui pouvaient très bien accompagner les effluves caloriques (voy. p. 301 et 302 du grand ouvrage précédemment cité). Il en est de même des jaspes zonés, verts et bruns, en couches si nombreuses et si développées de la Morée, qui ne sont évidemment qu’une des premières transformations des argiles schisteuses de la formation crayeuse, lesquelles, par un développement plus avancé de métamorphisme, ont donné naissance sur quelques points, dans la plaine d’Épidaure par exemple, à des porphyres variés* 122 SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1857. ont certainement joué aussi leur rôle dans ces phénomènes com- pliqués (1). On peut admettre que les granités, les gneiss, quand ils ren- ferment comme éléments constitutifs quelques hydrosilicates, ne contiennent jamais plus de 1 ou 2 pour 100 d 'eau de cristallisa ~ tion, et, comme l’eau de couche s’élève presque toujours au delà de cette quantité, et que d’ailleurs celle-ci a pu être augmentée par des infiltrations à travers des masses aussi poreuses que le sont les roches en général, et en particulier surtout celles d’origine argilo-sédimentaires dont il est principalement question ici, je pense que cette eau a été souvent suffisante pour aider au déve- loppement progressif de la cristallisation des argiles, et amener leur transformation, soit en roches pétro-siliceuses, tracliy tiques ou porphyriques, soit en roches gneissiques ou granitiques. (i l Mémoire sur les filons en général et le rôle qu’ils paraissent avoir joué dans l’opération du métamorphisme (Bull . Soc., géol ., 2e sér. , t. ï, p. 825). — Je crois intéressant de signaler ici un des faits les plus remarquables que j’aie eu occasion d’observer depuis la rédaction de ce Mémoire, constatant également le rôle que les filons ont joué dans les phénomènes du métamorphisme, soit normal, soit accidentel. Ce fait est celui que présente le riche filon de fer oxydulé de Perda-Tromi (pierre de tonnerre), dont il a déjà été parlé dans la Géologie de l’ile de Sardaigne du général Albert de la Marmora. Le dyke de fer en question, situé dans la partie méridionale de l'île, sur le territoire de Domus de Maria, a tellement réagi sur les roches encaissantes qu’en s’endosmosant en quelque sorte avec elles, il les a transformées en masses de grenat, à tel point que, lors d'une première visite, à la vérité très rapide, que j’y fis en 1856, j'avais, sur la foi d’ingénieurs qui m'avaient précédé, considéré ces masses comme formant la gangue du filon ; mais, dans une visite pos- térieure, faite en compagnie de M. Félix Giordano, ingénieur des mines du district, et de M. Léon Gouin, chargé en ce moment de la direction des travaux entrepris sur ce gisement, nous avons parfaite- ment reconnu et constaté que la roche grenatifère était due à une transformation de schistes alumineux. Ce n’était là pour moi, à vrai dire, qu’une répétition de ce que j’avais plus d’une fois observé au contact des filons de fer et notamment dans l'île de Syra (voy. p. 65 de la Géologie de la Grèce), et pour M. Gouin, qui avait eii occasion de visiter beaucoup de gisements analogues, une confirmation de faits également observés ailleurs. Dans cette partie de la Sardaigne, la grenatification des schistes est un indice à peu près certain de la pré- sence du fer oxydulé ; en sorte que si, comme je suis porté à le penser, on peut s’en rapporter à ces indices et à l’intensité du phénomène qui les a produits, on doit s’attendre à rencontrer à Perda-Tronu, indé- pendamment des beaux pointe'ments qui existent déjà à sa surface, HOTE DE M. VIRLET d’àOUST. 123 L’action de l’eau de couche, ajoutée à une température plus on moins élevée et aune très forte pression, peut certainement bien avoir déterminé la formation des substances minérales qui avaient le plus de tendance à cristalliser, et, comme celles-ci sont pour la plupart des silicates anhydres, comme les feldspaths, ou des silicates contenant fort peu d’eau de cristallisation, comme les micas, les grenats, les tourmalines, les amphiboles, etc., toute l’eau découché ou de simple mélange que ces substances ne se sont pas appropriée en cristallisant a pu ensuite réagir sur la silice seule, substance beaucoup plus réfractaire (1), et l’amener à un simple état plas- tique, insuffisant, dans le plus grand nombre de cas, pour lui permettre de cristalliser, ainsi que ses formes amorphes et enve- loppantes habituelles le démontrent, et comme me l’a surtout dé- montré encore un des horizons fort remarquables des porphyres une des plus importantes masses de fer oxydulé qui soient encore connues. L’action de cette masse ferreuse ne s’est pas bornée à la grenatifi- cation des schistes vers ces points de contact, mais encore elle a trans- formé certains d’entre eux en porphyres euritiques, et sur quelques points en porphyres granitoïdes , en même temps qu’elle a très probablement déterminé la silicification , avec des circonstances très bizarres, d’un étage assez puissant et sur une étendue considérable de schistes de la même formation. Cette silicification s’est faite par zones minces et séparées, en laissant parfois des vides entre elles, mais disposées de telle manière qu’elles présentent une série de plis en zigzags, perpendiculaires aux plans de stratification des couches. Ces apparences de plissements nous les avaient fait regarder, à pre- mière vue, comme le résultat de phénomènes de refoulements, et désigner sous le nom très caractéristique alors de schistes plissés. En réfléchissant cependant ensuite à l’espèce de régularité, on pourrait presque dire mathématique, que présentent, considérés dans leur en- semble, tous ces zigzags, et cela sur une étendue de plusieurs kilo- mètres de profondeur, en suivant le plan des couches, j’ai commencé à douter que ce fût réellement là le résultat de refoulements horizon- taux ; mais, ce qui a surtout contribué à me faire rejeter cette idée première, c’est que les schistes non silicifiés, avec lesquels ils alternent et dans lesquels ils sont enclavés, ne présentent eux-mêmes aucune apparence de refoulement. Ce phénomène vraiment curieux de mé- tamorphisme a donc une tout autre origine, et il est probable qu’il tient à un mode particulier de silicification desschistesqui pourrait peut- être avoir quelque chose de comparable au phénomène qui a produit le clivage des schistes tégulaires. (1 ) On sait cependant que l’eau, à la température de \ 00 degrés et sous l’influence de la pression, jouit de la propriété de dissoudre la silice. \'Vi SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. tl u Mexique, lequel se distingue par une tendance particulière à prendre sur un grand nombre de points une structure globulifonne analogue à celle des diorites orbiculaires de la Corse. Dans ce por- phyre on voit que la silice, ramenée à l’état de masse gélatineuse, a cherché, par suite de la pression sans doute, à pénétrer dans toutes les cavités de la roche, où on la voit suinter dans toutes les fissures à la manière des résines qui s’échappent de l’intérieur des arbres, et par suite on rencontre souvent le sol jonché de fragments nom- breux d’agates provenant de la désagrégation de ce curieux ter- rain. Si les granités avaient eu, comme beaucoup de géologues le pensent encore, une origine plutonique et s’étaient formés par un refroidissement lent, c’est l’inverse de ce qui s’observe que l’arran- gement de leurs éléments devrait nous montrer, c’est-à-dire que la silice, au lieu d’ètre enveloppante, aurait donné lieu à des cris- taux de quartz qui, formés bien avant ceux des autres silicates (1), seraient devenus des centres autour desquels se seraient groupés, comme autant de satellites, ces derniers, lesquels se trouvent le plus souvent enchevêtrés au contraire dans la silice amorphe. Indépendamment des expériences de M. Becquerel, qui ont dé- montré depuis longtemps que, par les seules actions électro- chimiques, les molécules de certaines substances minérales pou- vaient se déplacer à la température ordinaire pour former ensuite d’autres combinaisons, un grand nombre de faits de cristallisation tendent à démontrer qu’elles se sont parfois opérées à d’assez basses températures, et les faits observés à Plombières par M. Daubrée viennent appuyer cette opinion, puisqu il a constaté que des cristallisations de silicates s’y sont produites sous l’influence d’eaux thermales, dont la température ne s’élève qu’à 70 degrés centigrades, et rien ne dit qu’elles n’auraient pas pu également se produire à des températures bien inférieures. Sans parler ici des hydrosilicates opalins, et notamment des cé- lèbres opales de Zimapan, connues sous le nom d 'opales île feu du Mexique, qu’on rencontre parfois encore à l’état de mollesse et que (l) L’immense différence de fusibilité (12 à 1500 degrés -pour le moins) qui existe entre le quartz et les autres substances minérales qui constituent avec lui les masses granitiques, ne permet pas d’ad- mettre l’hypothèse de M. Fournet d’une surfusion. D’ailleurs, l’état de surfusion du quartz ne l’aurait sans doute pas empêché de cristal- liser, ainsi que cela a lieu, par exemple, pour le soufre fondu qu’on a tenu en surfusion. KOTË DE M. YIRLET d’aOUsT. 125 mes propres observations me portent à considérer comme pouvant continuer à se former, de même que les silex, sous les influences des circonstances actuelles, je crois que plus d’une des substances qui constituent les filons et leurs gangues peuvent également continuer à se former. Ainsi, j’ai eu plus d’une fois occasion d’ob- server dans les filons métalliques, tant en Europe qu’en Amérique, de ces espèces de noyaux ou parties molles que certains mineurs désignent sous le nom de poches pourries , où la matière, soit de spath calcaire, soit de quartz, etc., n’a pas encore acquis toute sa consistance. Lorsque le pic rencontre une de ces masses, il y pé- nètre comme dans du beurre et ordinairement il s’en échappe une certaine quantité d’eau. On ne pourrait pas mieux les comparer pour la friabilité qu’à cette espèce de glaces factices qu’on nous sert sous le nom de granités ; clics s’écrasent en effet par la pres- sion, comme des quartz étonnés, ou comme le feraient les parties encore molles des stalactites et des stalagmites. Les mineurs re- gardent généralement ces parties incohérentes, que les Allemands appellent Guhr , suc minéral ou lapidifique, comme un indice de la rencontre prochaine du métal? 11 est très probable que cet état de mollesse est, comme pour les dépôts stalaclitiques, la conséquence d’une concrétion assez ré- cente pour que les éléments cristallins n’aient pas encore pu acquérir la ténacité qu’ils montrent dans les cavités drusiques où l’eau paraît bien avoir été également le véhicule cristallisant. Dans tous les cas, ils paraissent, là aussi, s’être formés à des températures très peu élevées, comme le démontrent, par exemple, les petites quantités de liquide incolore et d’air qu’on rencontre assez fré- quemment dans les cavités tubulées des cristaux de quartz des riches filons argentifères du cite minier deGuanajuato (Mexique). Ce liquide, que l’on considérait comme des gouttes d’eau, ce qui avait fait donner aux échantillons le nom d’ aéro-hydre^ a été reconnu par M. Brewsler, composé de deux liquides oléagineux, 20 ou 25 lois plus dilatables que l’eau, en sorte qu’en chauffant même assez faiblement le cristal, ils se vaporisent à travers les pores du quartz et disparaissent complètement. Ces faits bien connus de tous les mineurs se trouvent encore corroborés aujourd’hui par les intéressantes observations de M. Kuhlmann sur la formation des roches jjar voie humide , etc., et la cristallisation du sulfate de baryte par l'intervention des eaux de carrières (1) qu’il a eu occasion d’observer, lui aussi, dans (1) Comptes rendus de C Académie des sciences , t. XLV, p. 787. 126 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. les filons de Yireux, près Namur, où il était guidé par M. Sé- pulchre, ingénieur directeur des travaux, et par celles non moins curieuses de M. Lewy, sur les émeraudes de Muso, dans la Nouvelle-Grenade, et les phénomènes d’inconsistance qu’elles offrent au moment de leur extraction (1). Tous ces faits me portent à conclure que beaucoup de substances minérales, même anhydres, comme les feldspaths, le sulfate de baryte, les émeraudes, les spaths calcaires, certains quartz, etc., peuvent, sous l’influence des températures peu élevées des sols actuels et dans de certaines conditions, continuer à se former de nos jours, opinion que partage M. Lewy, du moins en ce qui concerne les émeraudes. La nature n’a-t-elle pas au surplus, pour opérer, un élément qui manque à l’homme, celui du temps et des siècles; or, cette action séculaire qui échappe à nos expériences et à nos appréciations est peut-être le plus puissant des agents qu’elle emploie ? Les roches métamorphiques, et parmi elles certains granités ayant conservé leur structure stratifiée originelle, ne démontrent- elles pas, dans tous les cas, que la température n’a même pas été jusqu’à amener le ramollissement complet des masses transformées? Les granités de la Normandie et de la Bretagne, dout l’origine argilo-sédimentaire me paraît si évidente et que j’ai fait le premier connaître (2), ne démontrent-ils pas également que l’action du métamorphisme qui les a transformés n’a pas dépassé le ramollis- sement, puisque, parmi les milliers de fragments de roches pré- existantes, les uns roulés, les autres anguleux, qu’ils renferment et que l'on foule tous les jours aux pieds en parcourant les trottoirs de Paris, ces derniers ont parfaitement conservé leurs angles, alors qu’ils ont souvent participé aux modifications métamorphiques? De tout ce qui précède, je crois donc pouvoir conclure, et le temps me paraît arrivé de pouvoir le faire sans trop blesser aujourd’hui, je crois, les vieilles opinions reçues et sans passer même, ainsi qu’on l’a prétendu souvent, pour être trop révolu- tionnaire, que la génération des granités n’est ni neptunienne , ainsi que le pensaient les partisans de l’école de Werner, ni plato- nique, comme l’admettent les v.ulcanistes ou disciples de l’école huttonienne, mais bien métamorphique , c’est-à-dire qu’elle est complexe, en ce sens qu’elle dérive de dépôts d’origine sédimentaire (1) Comptes rendus de V Académie des sciences , t. XLV. p. 877. (2) Lettre à M . Êlic de Beaumont [Bull . Soc, géol., 2esér., t. III, p. 94). NOTE DE M. Y I RLE T d’àOI’ST. 127 neptunienne, postérieurement modifiés, dans de certains cas du moins, par des actions platoniques, en roches cristallines. Le phénomène de la granitification métamorphique une fois admis, celui de la gneissification par les mêmes phénomènes le sera d’autant plus facilement que déjà depuis longtemps, pour les géologues de l’école de .M. Elie de Beaumont, leur origine métamorphique ne fait plus question. Or, des passages horizon- taux s’observant fréquemment entre ces deux roches démontrent assez, selon moi, qu’elles proviennent alors d’une même roche sédimentaire, et qu’elles ne diffèrent dans leur texture que par suite du plus ou du moins d’intensité ou de durée des actions înétamorphisantes auxquelles ses différentes parties ont été sou- mises. Du granité au porphyre, dont l’origine métamorphique est souvent bien plus évidente encore, il n’y a pas bien loin, d’autant plus qu’on observe aussi des passages horizontaux de l’une à l’autre roche, preuve incontestable d’une origine commune, et, en effet, M. Durocher, qui appelle déjà les porphyres quartzifères des granités porphyroïcles, partant de l’hypothèse que les pétro-silex ont une origine ignée , les considère comme l’état intermédiaire entre ceux-ci et les granités, qui ne sont pour lui que les premiers parvenus à un état complet de cristallisation, ce qui est parfaite- ment vrai, avec cette seule différence que les pétro-silex, au lieu d’être des roches ignées, sont tout bonnement, je l'ai déjà dit ailleurs, le résultat d’une transformation en silicate compacte, d’une espèce de jaspisation de roches sédimentaires. Quant aux amphibolites, depuis qu’en 1829 j’ai eu l’occasion d’observer, dans l’île de Syra, le passage horizontal si clair, si évident, des schistes verts homogènes d’apparence chloriteuse, et par gradations insensibles, aux amphibolites les plus cristallines, à mesure qu’on approche de ce que j’y ai appelé la région métal- lifère (1), la question n’a plus fait pour moi l’ombre d’un doute. D’un autre côté, depuis que j’ai pu étudier également, dans les Alpes liguriennes, soit aux environs de Gênes, soit en parcourant cette magnifique route de la Corniche, véritable coupe géologique de plus de vingt lieues de longueur, depuis Savone jusqu’à JNice, les rapports intimes qui existent entre les diorites, les euphotides et les serpentines, ces sœurs naturelles des amphibolites , je n’ai pas non plus conservé de doute sur leur origine métamorphique commune, opinion qui est aussi celle de M. Ange Sismonda,qui a (1) Page 65 de la Géologie de la Grèce déjà citée. 128 SÉANCE t)U 16 NOVEMBRE 1857. fait une longue étude de ses montagnes. Ce géologue regarde en effet la syénite, la diorite et la serpentine comme ayant une seule et meme origine , et ne différant que par la structure (1). A ces faits, que je ne fais que signaler ici, je crois encore in- téressant d’ajouter ce que MM. W. E. Logan et T. Sterry-Hunt disent à la page 57 de leur Esquisse géologique du Canada , relati- vement aux serpentines de la partie orientale de cette région du globe. — « L’origine sédimentaire de ces serpentines est bien évi- > dente, et il paraît très probable qu’elles ont pris naissance par 7> suite d’une réaction entre la silice et le carbonate de magnésie, T> en présence de l’eau, et aidée par une température plus ou moins > élevée. Bischoff a fait voir que la silice, même dans sa moclifi- ï cation insoluble, décompose ainsi les carbonates de chaux, de i magnésie et de fer, même à une température de 1 00 degrés centi- » grades. Une telle réaction, avec des magnésites très siliceuses, î fournirait un silicate hydraté de magnésie qui ne serait autre » chose que la serpentine, et avec les dolomies il résulterait > des amphiboles ou desdiallages. Des magnésites moins siliceuses * donneraient des talcs et des stéatites, tandis que les dolomies, $ mélangées de trop peu de silice pour former des amphiboles, » produiraient les mélanges si communs de serpentine avec cal** > Caire. » Puis ces savants citent des schistes onctueux à éclat nacré, qui devraient leurs caractères lithologiques à la formation d’un hydro** silicate d'alumine, identique avec la phonolithe de Guillemin, etc* La transformation des dépôts argileux en liydrosilicates magné-* siens, qui paraissent avoir joui, au moment de cette transforma* lion, d’une plasticité voisine de la fluidité, expliquerait, d’une part, les nombreuses injections auxquelles les serpentines ont donné lieu, et de l’autre les mille et un accidents qu’on observe dans les roches dites ophiolithiques. De cette manière s’expli** queraient cet enchevêtrement, cette structure réticulée, parfois si embrouillée des serpentines, des euphotides, des diallages, en ce sens que les parties les plus fluides auraient enveloppé et relié, comme autant de noyaux , les parties les plus dures ou qui n’avaient pas encore subi une modification aussi avancée. On au- rait alors la clef de toutes les circonstances vraiment bizarres que les roches serpentineuses présentent, et dont on n’avait pas encore, que je sache du moins, trouvé d’explication bien plausible. Je ne crois pas devoir enfin me dispenser, en terminant, de dire (1) Bull. Soc. géol.y 2e sér., t. III, p. 240. NOTE DE M. VIRLET D ÀOUST. 4 29 encore ici quelques mots relativement aux expressions fort im- propres de soulèvement (les granités, de soulèvement des porphyres, de soulèvement des diorites , etc., et d’autres roches encore réputées ignées, qu’emploient journellement beaucoup de géologues, car elles se rattachent indirectement à la question qui m’occupe en ce moment. Les granités, les syénites, les diorites, les porphyres, les serpentines, etc., qu’on leur suppose une origine plutonique ou sédi me n taire, n’ont jamais rien soulevé ; seulement ces roches ont été purement et simplement soulevées comme toutes celles avec lesquelles elles se lient et se stratifient, et leurs injections, comme leur apparition, n’est pas la cause , mais bien plutôt la conséquence des soulèvements. Je pense donc qu’il conviendrait, dans l’intérêt de la science pure, que les géologues renonçassent à l’avenir à des expressions qui me paraissent, dans tous les cas, essentiellement vicieuses , puisqu’elles semblent entraîner avec elles la conséquence erronée de roches douées de forces soule- vantes qu’elles n’ont jamais eues et qu’elles ne peuvent avoir, du moins dans le sens qu’on y applique. Les ruptures de l’écorce du globe, qui ont déterminé les soulèvements de sa surface, me pa- raissent avoir été bien plutôt le résultat de forces purement mé- caniques, de mouvements ondulatoires, de pressions, que de forces dues aux phénomènes plutoniques proprement dits. M. Virlet fait ensuite la communication suivante : Observations sur un terrain cV origine météorique ou de trans- port aérien qui existe au Mexique , et sur le phénomène des trombes de poussière auquel il doit principalement son origine. — Notes sur le reboisement des montagnes , par M. Virlet d’Aoust. Parmi les différentes formations qui constituent la surface du globe, on ne comptait jusqu’ici, en dehors des terrains plutoniques , que des formations marines ou exclusivement formées par la mer, des formations lacustres ou d’eau douce , formées par les lacs, des formations fluvio-marines ou d’ embouchures, formées à la fois par les fleuves et la mer, des terrains de transport ou dèalluvion, for- més soit par les fleuves et les rivières, soit par les pluies et les orages, etc. Eh bien ! il existe au Mexique, et probablement aussi sur beaucoup d’autres points de la surface du globe, une classe de terrains qui ne peut être rangée dans aucune des catégories déjà établies. Soc, géol.t 2e série, tomeXV. 9 130 SÉANCE Dü 16 N O Y EM B UE 1857. Le terrain, dont je veux entretenir aujourd’hui la Société, a longtemps été pour moi une énigme que je crois cependant avoir enfin résolue; il consiste en une masse argileuse et quelquefois argilo-marneuse généralement jaunâtre, qui non-seulement enve- loppe complètement quelques montagnes isolées et plus particu- lièrement certains volcans secondaires parfois, cependant d’une origine assez récente, e’est-à-dire contemporaine de notre épo- que (1), mais encore constitue les flancs et la base des chaînes les plus élevées du pays, telles que celles du Popocatépctl et du Citlaltépetl ou d 1 2 Orizaba. Ce terrain s’élève, sur les flancs de ces géants des montagnes mexicaines, jusqu’à la limite de la végétation arborescente, qui s’élève elle-même, dans cette région, jusqu’à la hauteur de 3800 mètres au-dessus du niveau de la mer; il y atteint souvent en outre, surtout vers les bases, 60, 80 et jusqu’à 100 mètres, et peut-être plus, de puissance. Ce dépôt, d’une composition assez homogène, renferme cepen- dant tous les blocs et fragments détachés et roulés des montagnes qu’il recouvre, en sorte que, sur certains points, il semble ne constituer que le ciment d’un conglomérat formé des débris des roches sous-jacentes (2) ; et, comme il est en partie de formation très moderne, puisqu’il continue à se former encore aujourd’hui, il présente généralement peu de consistance; c’est, en un mot, un terrain assez meuble ; aussi, quand les pluies torrentielles de cette région tropicale viennent à le raviner, elles y forment en très peu de temps des barrancas , sortes de coupures extrêmement profondes, où les grands arbres de la surface, à mesure qu’ils sont entraînés par les éboulements, vont s’engloutir avec les terres qui les accompagnent, et que le torrent reporte bientôt ensuite sous forme d’ allumons fluviales vers la plaine. En parcourant une de ces barrancas qui s’était récemment formée, près de l’usine de S an-Rafael, située au pied de Y ïztac- cihaatl (la Dame-Blanche), nous avons constaté, M. Jules Guii- lemiu et moi. au milieu de la masse argileuse, en général sans apparence de stratification, plusieurs zones ou strates bien (1) Malgré cette espèce d’enveloppe, dont on pourrait presque dire que la puissance correspond à l'antiquité du volcan, on reconnaît néanmoins toujours facilement, à distance, leur nature basaltique, par suite de la vigoureuse végétation généralement composée de coni- fères qui les recouvrent et les caractérisent. (2) La formation particulière de ce terrain pourra peut-être expli- quer celle du ciment de la plupart des brèches, de certains poudingues et conglomérats, etc. NOTE DE M. VIRLET d’àOUST. 131 distinctes et intercalées d’une espèce de conglomérat fin d’un gris blanchâtre et verdâtre présentant à l’œil l’aspect d’un grès, mais que nous reconnûmes bientôt être des espèces de cinérites; et, comme d’un autre côté j’ai constaté que l’Iztaccihuatl, qu’on dé- signe bien à tort dans le pays sous le nom du Volcan , ne présente ni cratère, ni trace de volcan, mais est entièrement composé de porphyres, il en résulte que ces couches de cinérites correspondent à autant d’éruptions anciennes soit du Popocatépetl d’ailleurs assez voisin et le seul cône éruptif de la chaîne proprement dite, soit de quelques-uns des volcans secondaires de la base qui se présentent avec leurs bouches ignivomes encore béantes, à quelque distance de là (t). M. Guillemin, qui a dirigé pendant quelque temps les belles forges à fer de Saint-Raphaël, appartenant aujourd’hui à MM. de Rothschild, a su profiter d’une manière très heureuse du peu de cohésion de ce terrain argileux, pour ouvrir rapidement et à très peu de frais des routes charretières qui lui ont permis d’aller exploiter les sommets les plus élevés où jusque-là les gens (1) Ces cônes volcaniques, entièrement recouverts aujourd’hui par le terrain qui nous occupe, sont ceux de Checo/iquiaqua , de la Ton- nai, d’ Elatlacacho, de Tesoncacahuapa. Plus à l’est, du côté de Mexico, on rencontre encore la Cochumaa qui, s’élançant du milieu du lac de Chalco, présente trois cônes réunis; puis El Cerro de la Caldera (montagne de la Chaudière), et enfin le volcan d ' Ayotla, très connu de tous les voyageurs qui, en se rendant à Mexico, ne manquent jamais, lorsqu’ils sont à son pied, d’admirer la conservation parfaite de son cône d’éruption et de son beau cratère. Vers l’ouest, on trouve encore à Ameca-Meca, la petite colline de Sacro-Monte, composée d’un demi-cratère, dont l’autre moitié se trouve aujourd’hui noyée sous les alluvions pluviales de la plaine. Cette colline, quoique parais- sant être le résultat d’éruptions qui semblent à peine dater d’hier, est cependant déjà enveloppée d’une calotte argileuse parfaitement iden- tique avec celle qui recouvre, à quelques kilomètres de là, les flancs de la chaîne. C’est cette calotte, que je ne pouvais m’expliquer, qui a fait naître mes doutes sur son mode de formation, et a commencé à me mettre sur la voie de sa véritable origine. Enfin, plus à l’ouest encore et tout à fait à la base du Popocatépetl même, on rencontre le beau cône d’éruption de Cullacan, et celui d ' Ozumba avec ses hor - nitos (petits fourneaux), charmants petits cratères d’éruption en mi- niature, de 12, 15 à 18 mètres seulement de hauteur, qui, comme des satellites, entourent sa base, de même que toutes les bouches igni- vomes qui viennent d’être énumérées sont en quelque sorte les senti- nelles avancées du majestueux et resplendissant Popocatépetl (mon- tagne qui fume), de ce beau dominateur des montagnes d’Anahuac. 4 32 SE A Ni. K DU IG NOVEMBRE 1857. du pays ne pouvaient, guère atteindre, les belles forêts principale ment composées G’ Oyamcles et d’ O cote: s (pi nus rcligiosa et p. varia* bilis ) qui flanquent les montagnes et contre-forts environnants. J’avais d’abord assez naturellement pensé que ce terrain était, comme celui delà plaine, formé par les alluvions pluviales résul- tant de la désagrégation séculaire des roches qui constituent les montagnes qu’il recouvre; mais bientôt je me suis aperçu que ce mode de formation ne pouvait rendre compte de l’espèce de calotte qui enveloppe entièrement les sommets isolés de la plaine. Ayant constaté en outre que les deux chaînes citées sont exclusivement composées d’éléments volcaniques et porphyriques, lesquels n’ont certainement pu donner naissance au dépôt argilo-marneux jau- nâtre dont il s’agit, puisque d’un côté les cinérites meubles qui for- ment la base du cône d’éruption du Popocatépetl sont d’un gris cendré tirant généraleinentsur le noirâtre, excepté quand lapumite domine, et que de l’autre l’Iztaceihuatl, leTelapon et le reste de la chaîne sont entièrement composés de roches porphyriques qui don- nent lieu par leur décomposition à une espèce d’argile également d’un gris cendré ou bleuâtre qui ne peuvent pas plus que les cinérites avoir été transformés en argile jaune; d’ailleurs au contact ou à la jonction des deux terrains, il est facile de reconnaître dans le mélange qui s’y forme ce qui appartient à l’un ou à l’autre dépôt. Les circonstances géologiques sont absolument les mêmes dans la chaîne de l’Orizaba.Le Citlaltépetl (montagne qui brillecomme une étoile), son unique cône d’éruption, également placé à son extré- mité sud, est aussi composé de débris volcaniques, tandis que le reste de la chaîne, jusques et y compris le Nauhcampatépetl (mon- tagne carrée) ou Cojjre de Perote , est à base de porphyre et n’est pas plus volcanique que l'Iztaccihuatl. Quant à supposer que ce terrain aurait pu être soulevé en même temps que les chaînes elles-mêmes, cela n’est pas plus admissible, puisqu’on y trouve parfois des débris de poteries ou de bois car- bonisés qui annoncent une origine, en partie du moins, postérieure à l’existence de l’homme. Enfin, en examinant la configuration de cette partie du Mexique, on reconnaît qu’aucune des montagnes qui les entourent, si on en excepte le Ncvado de Toluca , autre volcan présentant encore à peu près la même série de faits géolo- giques, n’atteint la hauteur de la limite de la végétation arbores- cente qui est en même temps celle du terrain qui nous occupe, en sorte qu’il n’est pas plus admissible qu’il puisse jamais avoir été formé aux dépens de leurs débris. D’où pouvaient donc provenir les éléments qui le composent? NOTE DE M. YIRLET d’âOUST. 133 Telle est la question que je m’étais posée bien des fois, lorsqu’en réfléchissant à un des phénomènes météoriques les plus curieux, que je crois particulier au grand plateau mexicain ou Mesa cC Ânahuac (1), du moins je n*ai eu occasion de l’observer que là, j’ai cru en trouver l’explication toute naturelle. Ce phénomène qui m’avait vivement frappé, lors démon arrivée au Mexique (2), est celui des trombes de poussière, désignées sous le nom d ererno- (1) En disant que je regarde le phénomène des petites trombes de poussière comme particulier au plateau mexicain, c’est parce que je le considère ici comme un phénomène habituel, et pour ainsi dire jour- nalier et permanent ; car j'ai eu plusieurs fois occasion d'observer ail- leurs des trombes analogues, et j’en ai signalé, il y a déjà quelque trente ans, dans le journal de Saint-Étienne, une remarquable qui s’était formée dans les rues habituellement fort poudreuses de cette ville. Un de mes amis, M. Delorme, ingénieur des mines, m’a dit avoir vu souvent, quand il habitait la Suisse, ce phénomène se produire dans les hautes régions des montagnes avec un sifflement assez pro- noncé, et il assure même que le tourbillonnement de l’air peut par- fois s’y distinguer à l’œil. (2) Rien n’est plus capable d’impressionner, en effet, l’homme un peu observateur que le spectacle dont j’ai été témoin, lorsqu’après avoir traversé la Sierra-Nevada (l’iztaccihuatl), je me trouvai, en quittant la région froide, humide et sombre des nuages, plongé tout à coup dans une atmosphère chaude, et que je vis s’étaler devant moi, toute rayonnante de lumière, l’immense plaine de Mexico avec ses lacs, ses villes, ses villages, ses églises, ses couvents, ses montagnes, que je dominais d’une grande hauteur, et que je voyais, comme pour compléter ce tableau admirable, s’élever, de distance en distance, de ces remolinos de po/vo, semblables à des minarets mobiles, dispa- raissant et se renouvelant sans cesse. Ce phénomène se produit aussi quelquefois dans les régions monta- gneuses; seulement, comme là il rencontre rarement des corps légers à soulever, il ne s’y manifeste que par un bruit qui ressemble un peu au rugissement du lion. On concevra donc que dans une région où les pumas ou lions d’Amérique [Fc lis discol.cn ) et les léopards [Leopardus pardalis), désignés sous le nom de tigres , abondent, ce bruit rauque, arrivant à l’improviste, n’a rien de bien rassurant. Aussi mon premier mouvement, lorsque je l’entendis pour la première fois paraissant s’approcher rapidement, fut- il de me mettre en garde contre l’ennemi supposé. J’étais donc là. mon fusil armé, l’œil fixé vers le côté où le frémissement des branches du fourré me faisait penser qu’il arri- vait grand train, lorsque le bruit et l’agitation cessèrent inopinément, en même temps que je vis tourbillonner au-dessus de ma tête quan- tité de feuilles mortes et de ramilles légères qui, en s’abattant autour de moi, me donnèrent l’explication d’un bruit que j’avais pris tout d’abord pour le rugissement de quelque bête fauve. SÉANCE DU 46 NOVEMBRE 1857. m linos de polvo ou tourbillons de poussière que l’on voit très fré- quemment se former à la fois sur un grand nombre de points des plaines. Ces trombes enlèvent la poussière qui les recouvrent (1), laquelle tourbillonne et s’élève en spirale avec une grande rapidité, sous forme de colonnes minces jusqu’à des hauteurs très considé- rables que je n’estime pas moins de 5 à 600 mètres en moyenne; bientôt ces trombes se résolvent d’un côté, pendant qu’il en sur- git d’autres sur d’autres points ; mais la poussière ainsi enlevée au sol reste en partie en suspension dans l’atmosphère et quelquefois en assez grande abondance pour que celle-ci en soit un peu obs- curcie et prenne une légère teinte jaunâtre. A ces faits, si l’on ajoute que dans les régions très montagneuses, surtout quand les montagnes présentent des crêtes chargées de gla- ciers et de neiges perpétuelles, comme celles de la partie du Mexi- que qui nous occupe ; que dans ces régions élevées, dis-je, il existe comme sur le rivage de la mer des courants d’air intermittents, lesquels se chargent de transporter dans un sens ou dans un autre, et jusque vers les régions les plus hautes, la poussière enlevée à la plaine, on concevra facilement que partout où cette poussière ren- contrera une végétation, mais surtout une végétation arborescente, elle devra être arrêtée et fixée au sol, tandis que celle qui se dé- (1) Cette poussière, généralement d’un blanc jaunâtre, mais quel- quefois à teintes plus foncées, est le résultat des alluvions pluviales provenant de la désagrégation des roches constituant les montagnes environnantes Ces détritus donnent lieu à un terrain qui prend rapi- dement une assez grande dureté, et qu’on désigne dans le pays sous le nom de têpétatê . ïl continue à se former tous les jours, et se compose en général d’un mélange de zones blanchâtres, marneuses, provenant particulièrement de la désagrégation des calcaires, et de zones d’un jaune brunâtre ou brunes, beaucoup plus argileuses, provenant surtout de la décomposition des porphyres. On pourrait donc jusqu’à un cer- tain point dire à l’avance, à l'inspection seule de ce terrain de tépé- taté, quelle est la composition des terrains circonvoisins. Ces zones s’enchevêtrent parfois entre elles d une façon fort bizarre, et pré- sentent un assemblage qui ressemble plus à des masses endosmosées qu’à un terrain formé par des alternances successives. Cela s’explique par la manière dont ces dépôts, qui sont la conséquence des phéno- mènes atmosphériques, ont été formés. Dans ces plaines, la plupart sans issues, où les eaux n’ont pas de direction constante, les débris entraînés par les pluies diluviennes sont transportés tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, ou bien sont ramenés en sens inverse, sui- vant le caprice des orages et la direction que prennent ces météores aqueux. NOTE DE M. VIHLET d’âOUST. 135 pose sur les pentes dénudées, où rien ne peut la retenir, est bien- tôt rendue aux vallées, où elle est de nouveau entraînée par les eaux pluviales. On concevra donc facilement aussi, d’après ces faits et considérations, qu’un transport aérien semblable et souvent ré- pété doit arriver à constituer encore assez rapidement un sol ou accroître beaucoup celui qui existait déjà, quand la végétation vient lui prêter son concours. Si au Mexique le phénomène des trombes contribue à rendre la formation des terrains aériens plus rapides, ailleurs l’action de certains vents régnants ne doit pas moins concourir à la formation de dépôts analogues, et il est très probable que beaucoup de ces dépôts considérés jusqu’ici comme le résultat des seules alluvions pluviales, étudiés et examinés de nouveau avec soin, seront rangés parmi les formations aériennes, ou tout au moins devront être considérés, ainsi que les terrains fluvio-marins, comme ayant une origine mixte, c’est-à-dire qu’ils seraient dus au concours simul- tané d’alluvions pluviales et aériennes. Ne sont-ce pas les vents qui transportent les sables roulés par la mer et qui forment ces dunes d’origine aérienne, dont la marche parfois assez rapide est une menace continuelle pourlespopulations de certains rivages (1)? N’est-ce pas le siroco , ce vent chaud et fatigant des déserts de l’Afrique qui, apportant avec lui dessables excessivement fins, oc- casionne aux voyageurs des ophthalmies souvent fort dangereuses? Ne sont-ce pas les vents qui occasionnent ces tourmentes terribles des déserts de l’Asie et qui menacent sans cesse d’engloutir les ca- ravanes entières sous des montagnes de sables soulevées et trans- portées par eux? Ne sont-ce pas les vents encore qui transportent parfois à plusieurs centaines de lieues ces masses de cendres lancées dans l’espace par les éruptions volcaniques? Ainsi, on le voit, les courants aériens et les vents, dont on n avait pas tenu compte jus- qu’ici, ont joué un grand rôle dans les phénomènes géologiques et (1) Sur toutes les plages de la côte occidentale de l’île de Sardaigne existent des sables mouvants, que les vents d’ouest et du nord-ouest qui y soufflent très fréquemment et avec une grande violence tendent continuellement à élever. J’y ai reconnu, non loin du cap Pecaro, province d’Iglesias, que sur un des rameaux de la chaîne de Monte- Vecchio, voisin de la mine de plomb argentifère de Genna-Mare, ces sables atteignent environ 400 mètres de hauteur! Après s’être suc- cessivement élevés sur les flancs du chaînon, ils finissent par atteindre les sommets, puis se déversent ensuite sur le versant opposé, en sorte que la montagne disparaît successivement sousdes masses considérables de sables qui constituent ici un véritable terrain de transport aérien. 136 6ÉANCË DU 16 NOVEMBRE 1857. ont contribué peut-être autant que les pluies, que les lacs, que les rivières, à la formation des terrains épigéiques. Comme je l’ai dit, le terrain météorique ou aérien du Mexique, est généralement très meuble et très spongieux ; mélangé comme il l’est à la surface avec les aiguilles caduques qui se détachent journellement des conifères, il constitue un terrain absorbant par excellence ; c’est une vraie masse hydroscopique qui a l’avantage d’absorber et de retenir les eaux pluviales, d’empêcher les inonda- tions ou au moins de les atténuer beaucoup, en même temps qu’elle contribue à rendre permanents les cours d’eau qui la traversent. La nature, en tendant à régénérer sans cesse le sol de nos mon- tagnes, agit en sens inverse de l’action dévastatrice de l’homme, qui, aussi bien dans les pays civilisés que dans les contrées bar- bares, tend sans cesse, lui, à le détruire (1); elle nous indique par là l’un des meilleurs moyens, sinon d’empêcher complètement, du moins de diminuer beaucoup le mal occasionné par les inon- dations, celui de régénérer le sol de nos montagnes pour arriver à leur reboisement ; après quoi elle se chargera elle-même d’en- tretenir et d’améliorer notre travail. Mais ce moyen d’arrêter ou de diminuer le mal, dont tout le monde reconnaît aujourd’hui plus ou moins l’importance et l’opportunité, présente de grandes difficultés d’exécution et ne sera pas toujours facile à atteindre. Les connaissances géologiques, au point de vue de l’application pratique, pourront seules éclairer d’abord la marche de l’opéra- tion, car il ne sera pas indifférent de commencer par tel groupe de montagnes plutôt que par tel autre. En effet, les terrains qui composent la surface du globe, sous le rapport de leur plus ou de (1) Dans les pays civilisés, c’est par les défrichements que l’homme procède à la destruction des forêts; dans les pays encore peu civilisés, comme la Grèce, le Turquie d'Europe, l’Asie Mineure, l’Algérie, les États barbaresques, l’Amérique, etc., dont je puis plus particulière- ment parler en connaissance de cause, c’est par l’incendie qu’il arrive au même résultat. Les bergers, dans le seul but de procurer des pa- cages à leurs troupeaux, finissent, en les incendiant, par détruire des forêts entières ! Aux incendies, qu’on aperçoit quelquefois briller tout autour de soi, succèdent les pluies, et, en très peu d’années, il no reste plus à la place des magnifiques forêts séculaires qui couvraient les montagnes, et y entretenaient un sol fertile et hydroscopique, que des rochers nus et stériles, incapables de retenir les eaux qui se préci- pitent alors dans les vallées en torrents impétueux, en même temps que disparaissent les sources et cours d’eaux vivificateurs de l’agri- culture. NOTE DE M. VIRLET D AOUST. 137 leur moins de perméabilité, qu’il est très important de pouvoir apprécier et de prendre en très grande considération , peuvent, sous ce rapport, se diviser suivant les principes reconnus et si bien mis en pratique par M. Belgrand, en trois groupes principaux, savoir : 1° celui des terrains imperméables; 2° celui des terrains semi-perméables; et 3° celui des terrains perméables ou absorbants. Cette division une fois adoptée et bien établie, il est évident que l’opération du reboisement devra commencer par les terrains de la première classe, dont la spécification n’a ici qu’une valeur relative, parce que n’ayant pas la propriété de pouvoir retenir les eaux pluviales, ce sont ceux dont les dénudations contribuent le plus à augmenter l’intensité des inondations. Cette classe comprend tous les terrains massifs, tels que les granités, les trapps, les porphyres et les roches feldspathiques ; les schistes argileux et cristallins; les argiles, etc. Les terrains de la seconde classe, absorbant au contraire une partie des eaux pluviales, peuvent par conséquent, lorsque le reboisement ne pourra se faire que partiellement, attendre sans trop d’incon- vénient que l’opération soit terminée sur les terrains de la pre- mière classe. Ils comprennent quelques grès peu fendillés, et les formations calcaires ou marneuses alternant avec des argiles, mais avec des argiles très peu puissantes, etc. Quant aux terrains absorbants de la troisième classe , envisagés au point de vue seul des inondations, on pourrait très bien se dispenser de procéder à leur reboisement, parce qu’ils absorbent quelquefois tellement rapidement les eaux du ciel, que c’est à peine si, dans les plus fortes pluies, ils en laissent arriver quelque peu dans les vallées. Je pense cependant que, sous le point de vue agricole et économique, leur reboisement ne sera pas moins utile, en ce sens qu’une végétation arborescente a toujours une grande valeur, et qu’uu sol liydroscopique, en maintenant une humidité convenable, contribue à l’alimentation et à la permanence des sources et petits cours d’eau si importants pour l’irrigation des vallées. Cette classe de terrains comprend les gros sables et les graviers, tous les terrains fendillés, comme la plupart des cal- caires, des grès, etc. Après les reconnaissances du géologue arrivent les travaux de l’ingénieur, sur lesquels il serait au moins déplacé de m’étendre ici : or, c’est là surtout que se présentent les vraies difficultés du problème! Décréter le reboisement des montagnes sera chose 138 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. toujours facile, - mais comment y arriver? comment ramener d’abord une suffisante quantité de terre pour y procéder? Il est évident que, pour qui a étudié un peu la question dans les mon- tagnes mêmes, la chose sera, dans beaucoup de points, économi- quement et matériellement impossible, et qu’on sera obligé d’at- tendre pour ces points le concours lent, très lent, mais bien réel de la nature, qui se chargera successivement en procédant de proche en proche des endroits où l’industrie humaine ne pourra pas atteindre. Néanmoins, à l’exception de ces points les plus élevés des chaînes de montagnes, il est rare que la plupart des sommets ou massifs qui les constituent ne soient pas dominés par des dépressions en forme de vallées, où la végétation a persisté forte et vigoureuse. Celte circonstance tient à ce que ces combes , ainsi qu’on les appelle dans quelques contrées, correspondent à des étages argileux, et que ceux-ci, donnant lieu à des sols pro- fonds qui retiennent l’humidité, constituent des horizons de pa- cages, de prairies, de champs cultivés, qui permettent aux popu- lations rurales de s’y maintenir. Dans ces circonstances , il sera toujqprs plus ou moins facile d’emprunter, à peu de frais, à ces espèces de vallées privilégiées, la terre nécessaire à la reconstitution d’un sol qui permettra en- suite le reboisement, et, si l’on adoptait le moyen que j’indiquais déjà sommairement en 18àù (1) , l’opération se réduirait à un nouveau genre de colmatage, à l’aide de rigoles et d’une série de petits bassins de limonage. Au reboisement des montagnes, comme moyen de diminuer les inondations, il conviendrait d’ajouter la réglementation à laquelle je crois qu’il serait de la plus haute importance de soumettre les terres montueuses, afin d’empêcher l’essartage et le labourage de celles dont la déclivité est trop forte et atteint par exemple une inclinaison de quinze degrés, qui m’a paru être à peu près la limite qu’il conviendrait de ne pas dépasser (2). Au delà de cette limite, il y a toujours préjudice pour le propriétaire de labourer le sol, en même temps qu’il en résulte un grave inconvénient sous le rapport de la retenue des terres qui sont trop facilement en- traînées par les pluies. J’ai eu plus d’une fois occasion de con- stater, dans la Bourgogne et dans le Morvan, que l’essartage et le (1) Yoy. Bull. Soc. géol . , 2e sér., t. I, p. 782. (2) Une série d’expériences et une plus longue pratique pourront seules, au reste, fixer définitivement la limite d’inclinaison au delà de laquelle il y a inconvénient à défricher. NOTE DE M. ÉBRAY. 139 labourage des collines granitiques à pentes trop inclinées, après quelques années d’une culture misérable qui fournissait à peine, en seigle ou en avoine, de quoi payer les frais du cultivateur, non-seulement les rendaient tout à fait improductives et incultes, mais encore qu’ils contribuaient d’une manière très fâcheuse, par la masse d’arène granitique que ces collines fournissaient alors, au comblement et à l’ensablement des vallées qui ont toujours été en croissant d’année en année depuis le commencement de ce siècle, époque où ont commencé les principaux défrichements de la contrée. Ce qu’il conviendrait le mieux de faire dans les terrains inclinés, généralement de peu de valeur, autant pour remédier au mal que pour en empêcher la dépréciation par un appauvrissement successif du sol végétal, ce serait d’éviter par-dessus tout le remue- ment des terres qui en favorise l’enlèvement par les eaux plu- viales, de procéder à leur reboisement et de veiller à la conser- vation, qui devrait être forcée, des bois encore existants, et enfin de créer, dans les circonstances convenables, des prairies naturelles. M. Rauiin dit qu’en voyant en 18Æ5 les parties de la surface des hauts plateaux et des montagnes de File de Crète exclusi- vement formées par des calcaires assez purs, compactes ou légèrement grenus, recouvertes par des terres végétales brun rougeâtre, très Fines, de nature argileuse et sableuse, il n’avait pu se rendre compte de leur présence en ces lieux qu’en sup- posant qu’elles étaient le résultat de l’accumulation de matières pulvérulentes transportées par les vents, et empruntées à d’autres points de l'île souvent à une altitude inférieure. Il voit avec le plus grand plaisir le fait si intéressant énoncé par M. Virîet venir confirmer de la manière la plus complète l’hy- pothèse qu’il avait faite, et qu’il regardait seulement comme très probable. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante : Description de la faille du château Mal-Vêtu , par M. Th. Ébray. Le département de la Nièvre se fait remarquer par l’abondance des failles qui s’y manifestent et qui jettent souvent de grandes difficultés dans l’analyse des étages géologiques. Il importe déjà l/iO SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. sous ce rapport de se rendre un compte exact de ces accidents ; on sait d’ailleurs que dans ces derniers temps on s’est basé sur les failles pour établir des théories sur la formation de notre globe. Dans une note précédente sur la description géologique du Mont-Apin, près INevers, j’ai examiné l’action d’une faille qui se produit au domaine le Sac; j’examinerai dans ces quelques lignes un accident semblable qui se manifeste très clairement au château Mal-Vêtu, près la Charité. Je me bornerai à décrire et à préciser le phénomène en lui « même: ce n’est que plus tard que j’examinerai la direction des grandes lignes de rupture. Le château Mal-Vêtu est situé à 5 kilomètres de la Charité et à 2 kilomètres des bords de la Loire ; un chemin vicinal reliant la Charité à Guérigny passe dans cette localité aux environs de la borne kilométrale n" 6 en déblai dans l’étage corallien; à 200 mè- tres de la borne, en se dirigeant vers Guérigny, le terrain change subitement et l’on se trouve sur cette partie de l’étage callovien que l’on rencontre aux environs de Nevers et à Guérigny, et qui se trouve caractérisée paléontologiquement par Y A. Bcmhsii , miné- ralogiquement par un calcaire argileux, tendre, en bancs épais de 0"\50 à 3 mètres, contenant souvent des silex gris qui sont d’une grande dureté. L’étage oxfordien, si puissant et si bien caractérisé sur les bords de la Loire, paraît avoir disparu en entier; cette apparence de disparition indique l’existence d’une faille dont l’importance se détermine facilement, comme nous allons le voir. L’étage oxfordien se compose, aux environs de la Charité, de trois systèmes d’assises parfaitement distinctes. Les assises infé- rieures, si remarquables par l’abondance des fossiles, et dans les- quelles abondent Y Ammonites biplex^ Y A. perarmcitus , Y A. cor datas , se composent d’une série de couches généralement minces et ooli- thiques ; les oolithes sont presquetoujours ferrugineuses ; l’épaisseur de ces assises est faible et ne dépasse pas 5 ou 6 mètres. Au-dessus de ces premiers dépôts, affleurent le long de la Loire, des bancs d’un aspect minéralogique entièrement différent; généralement épais, la gelée les attaque et les détruit facilement ; ils sont grenus et contiennent une masse considérable de spongiaires, qui dans d’autres localités se mélangent aux couches inférieures. Mais ici, la séparation est complète et prouve qu’une crise violente a mis fin, dans cette localité, à un dépôt côtier qui fut bientôt rem- placé par des sédiments provenant d’une mer profonde. Au-dessus de cette partie, d’une épaisseur de 6 à 7 mètres, se NOTE DE M. ÉBRÀY. m trouve une série puissante de bancs argileux, d’une épaisseur uni- forme de O'", 20 à 0“,25; ces bancs, qui passent insensiblement au calcaire oolithique de l’étage corallien, contiennent encore des fossiles oxfordiens et ont une puissance de 00 à 50 mètres. L’ensemble de l’oxfordien peut donc être évalué à 70 mètres en- viron. Le corallien commence par des bancs oolithiques, épais, gelifs, peu fossilifères et généralement tendres; la partie inférieure de ces bancs présente cependant des parties dures. Au dessus de ces bancs, dans lesquels sont taillées d’importantes carrières et qui acquièrent près de 20 mètres d’épaisseur, se re- marquent des parties argileuses qui ont beaucoup d’analogie avec les parties supérieures de l’oxfordien ; au-dessus de ces bancs ar- gileux vient ensuite la portion crayeuse du corallien, qui se trouve surmontée par des assises lithographiques quelquefois assez puis- santes ; ces sous-étages peuvent encore être divisés en groupes d’une importance secondaire ; mais il serait trop long de s’en oc- cuper ici. Je renvoie, pour la composition du callovien, à mes notes sur le Mont-Apin, sur le Dysaster cllipticus et sur le diluvium de la Nièvre. Nous pouvons donc maintenant déterminer avec précision de quelle quantité l’écorce terrestre s’est affaissée. D’après la dureté de la roche et son aspect oolithique et en même temps siliceux, l’origine de l’étage oxfordien se trouve à 10 mètres au-dessous du corallien à l’endroit de la faille ; d’un autre côté on voit le calcaire à chailles reposer sur les dernières assises de la partie moyenne du callovien en contact avec le corallien de la faille. Comme le calcaire à chailles a une épaisseur approximative de 5 mètres, l’importance totale de la faille se compose: Étage oxfordien 70 mètres. 2° Étage corallien \0 - — 3° Calcaire à chailles 5 — 85 mètres. La coupe ci-jointe est faite suivant une ligne qui relie la Marche à Chaulgnes, passant par la faille au kilomètre-borne. m SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. 1. Corallien. I 4. C llovien. 2. Oxfordieu. 5. Argile callovienne. 3. Calcaire à cliailles. I 6. Bathonien. M. Raulin rappelle que depuis une douzaine d’années M. Bel- grand et lui ont signalé ou reconnu à diverses reprises, dans le pays compris entre l’extrémité septentrionale du Morvan et la vallée de la Loire, dans les départements de l’Yonne, de la Nièvre, du Loiret et du Cher, plus d’une demi-douzaine de failles courant presque toutes du N.-N.-E. au S.-S.-O., et ayant occasionné des différences de niveau de 30 à 100 mètres. M. Ebray ayant négligé de donner la direction de celle qu’il vient de signaler, il n’est pas possible de savoir si elle vient former un nouvel élément du système déjà connu, ou bien si elle appartient à un nouveau système différemment orienté. Le Secrétaire donne lecture delà notice suivante de M. Ebrav: Sur le Dysaster ellipticus , par M. Ebray. Le Dysaster ellipticus occupe, comme on le sait, l’étage callo- vien; mais il ne s’y trouve pas partout avec la même abondance. Je l’ai rencontré dans tous les bassins et dans beaucoup de dé- partements : principalement dans la Sarthe, les Deux-Sèvres, la Vienne, le Cher, la Nièvre, l’Yonne et le Doubs; les localités qui paraissent en fournir le plus sont situées sur une ligne passant par Nérondes (Cher), Germigny (Nièvre), la Malle, Fougues, où cer- taines couches en sont pétries. Pour se rendre un compte exact de la situation géologique de ce fossile, il convient d’étudier en détail les différentes assises de l’étage callovien du Nivernais. NOTE DE M. ÊBRAY. m L’étage bathonien se compose, dans le département, de la terre à foulon dont les assises paraissent en entier dans les carrières de la Grenouille, près du Guétin, et d’une couche argileuse bleue, entièrement semblable comme aspect minéralogique à celle du lias supérieur. Cette couche contient des fossiles appartenant aux étages batho- nien et callovien ; on y trouve l’ Ammonites- màcro’eephalus , Hcrveyi , hecticus et peut-être aussi le Dysaster ellipticus , mais seulement dans lescoucheslespios supérieures, qui peuvent être considérées comme le fond des mers dans lesquelles le Dysaster a pris naissance. Au-dessus de ces couches argileuses se rencontrent des couches tendres, souvent ferrugineuses, qui contiennent le Dysaster à son maximum de développement numérique; ces couches tendres se I trouvent surmontées par les assises puissantes qui fournissent les ! pierres de construction à la ville de Nevers ; elles sont caractérisées par Y A. Banksii à l’état adulte. L’étage callovien se termine par une série de petites couches siliceuses à Phoiadomyes et à Ammonites. Yoici la coupe des terrains : OXFORDIEN. Mort du Dysaster ellipticus et de 1 ’ Amm. anceps. CALLOVIEN. Naissance du Banksii , mort du bullatus. Naissance du Dysaster , nais- sance de Y anceps. BATHONIEN. Naissance du bullatus. BAJOCIEN. Affleurement des étages entre Nevers et Tours. Si maintenant nous partons de l’affleurement des couches à \hli SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1857. Dysaster en nous dirigeant vers Tours, nous rencontrons les étages suivants: Oxfordien commençant à la Marche (Nièvre) et finissant à 1 kilomètre en aval de la Charité. Corallien commençant à 1 kilomètre de la Charité et finissant à \ ki- lomètre en aval de Pouilly. Kimmérigdien commençajit à 1 kilomètre en aval de Pouilly et finis- sant aux Loges. Portlandien commençant aux Loges et finissant à Boisgibault (Nièvre). Néocomien caché par les sables. Gault à Saint-Satur (Cher). Cénomanien commençant à Tracy et finissant entre Yierzon à Tours. Turonien finissant momentanément à 2 kilomètres au delà de Tours, où apparaissent les premières assises de l’étage sénonien. Nature des détritus qui recouvrent les terrains. Ces terrains se trouvent couverts de détritus roulés qui portent l’empreinte d’un charriage plus ou moins long ; généralement durs et siliceux, ils résultent de l’enlèvement des particules tendres des roches ; la nature minéralogique de ces silex indique quelquefois le point de départ; mais le plus souvent la couleur et la dureté ne sont point des signes infaillibles ; les silex du Kello ay-roek sont tantôt gris, tantôt jaunes, ayant quelquefois de l’analogie avec ceux de l’étage corallien, ressemblant aussi aux silex de l’oolithe infé- rieure. Les inductions qu’il serait possible de tirer de ces matériaux ne peuvent donc être admises, et l’on est obligé d’avoir recours à d’au- tres indices. Je pense, comme je crois l’avoir démontré déjà, que la pré- sence de fossiles dans les détritus peuvent être d’un grand secours, et j’espère encore aujourd’hui, en étudiant les voyages du Dysaster, en donner une nouvelle preuve. Distribution géographique du fossile charrié. En quittant les points d’affleurement du fossile, points dont j’ai déterminé plus haut la position géographique, en se dirigeant de Pougues vers la Charité par exemple, on rencontre à la superficie des terrains coralliens une grande quantité de silex jaunes au mi- lieu desquels se trouve en abondance le Dysaster ellipticus. Ce fos- sile est tellement commun dans ces localités, qu’il est possible d’en recueillir quelquefois 6 ou 8 dans l’espace d’un mètre superficiel; NOTE DE M. ÊlillAY. i&5 il est généralement assez bien conservé, mais on reconnaît facile- ment l’action énergique de l’eau. Ainsi le test se trouve enlevé; chez les plus maltraités, les am- bulacres sont défigurés; rarement la bouche et l’anus sont rem- placés par de simples dépressions. En se dirigeant plus loin, vers le nord-ouest, on continue à rencontrer ce fossile, mais en moins grande abondance et seule- ment dans certaines places favorables aux dépôts des détritus char- riés; le Dysaster se reconnaît encore facilement; les ambulacres sont remplacés par des traînées lisses; chez la plus grande partie la bouche et l’anus ont disparu; quelquefois, mais bien rarement, la conservation est plus complète et peut s’expliquer par la rupture d’un silex contenant le fossile. Le degré d’usure se remarque sur les individus qui se trouvent entre Pouilly et Cosne dans les détritus qui couronnent les étages ldmméridgien, néocomien et cénomanien, et qui se trouvent sou- vent à 60 mètres et plus au-dessus du niveau de la Loire. Plus loin, le Dysaster devient peu à peu beaucoup moins com- mun : on le rencontre conservant la forme générale; il est difficile à reconnaître et son existence pourrait même être considérée comme hypothétique, si de loin en loin on ne rencontrait pas des individus mieux conservés. Les dernières localités dans lesquelles j’ai trouvé le Dysaster el - lipticus sont Tours et Amboise, éloignées environ de 200 kilomè- tres du point d’affleurement. Echantillons envoyés ci la Société . Les individus que j’ai l’honneur d’envoyer à la Société géolo* gique sont les suivants: 1. Trouvé à 4 kilomètres du point d’affleurement, aux environs de la Marche, à 50 mètres au-dessus du niveau de la Loire, sur l’étage oxfordien. 5. Trouvé à 15 kilomètres du point d’affleurement, entre Mesves et la Charité, à 20 mètres au-dessus du niveau de la Loire, sur l’étage corallien. 9. Trouvé à 40 kilomètres du point d’affleurement aux environs de de Cosne, à 15 mètres au-dessus du niveau de la Loire, sur les calcaires d’eau douce. 12. Trouvé par l’aiguilleur d’Amboise sur les hauteurs d’Amboise. 13. Trouvé à Tours sur les hauteurs. Soc. géol.y 2° série, tome XV. 10 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857, 3A6 Séance du 7 décembre 1857. PRÉSIDENCE DE M. DAMOUR. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Molàr de Florian (Albert), professeur de mathématiques au collège Chaptal, rue Fontaine-Saint-Georges, 1, à Paris, pré- senté par MM. Clément-Muîlet et le marquis de Roys; Gouin (Léon), ingénieur civil des Mines, à Cagliari, lie de Sardaigne (États Sardes), présenté par MM. Yirlet d’Àoust et Rivot. Le Président annonce ensuite deux présentations. dons faits a la société. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, Notices sur les gîtes de houille et les terrains des environs de Forges et de la Chapelle- sous-Drin , et sur les gîtes de manganèse et les terrains des environs de Ram anèche (Saône-et-Loire) , par M. Drouot, in -A, 368 p., et atlas in-f°. Paris, imprimerie impériale, 1857. De la part de M. le ministre de la justice, Journal des sa- vants., novembre 1857. De la part de M. Eugène Dumortier, Note sur quelques fos- siles peu connus ou mal figurés du lias moyen (extr. des Ann, de la Soc. ï. d'agricult ., d’hist . nat ., etc., de Lyon), in-8, 23 p., 8 pl. De la part de M. Gruner : 1° Essai d'une classification des principaux filons du pla- teau central de la France , etc., lre part. (extr. des Ann. de la Soc. I. d’agricult. , d'hist. nat. et des arts utiles de Lyon , 1856), in-8, 103 p., 2 pl. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. U7 2° Description des anciennes mines de plomb du Forez , 2e part. (extr. des mêmes Annales , 1857), in-8, 82 p., 2 pi. De la part de M. Hugard, Supplément du Manuel de géologie élémentaire , par sir Charles Lyel! -, traduit par M. Hugard $ in-8, 00 p. Paris, 1857, chez Langlois et Leclercq. De la part de MM. F. -J. PIclet et A lois Humbert : Matériaux pour la paléontologie suisse . 1° Monographie des Chéloniens de la mollasse suisse, in-â, 71 p,, 22 pl. 2° Description d'une Emyde nouvelle (Emys Etal loni) du terrain jurassique supérieur des environs de Saint-Claude , in-Zi, 10 p. , 3 pl. Genève, 1857, chez J. Kessmann. De la part de M. W. C. Redfîeld, Cape merde and Hatteras hurrieane of aug. -sept. 1853, with a hur ricane cart , and notices of varions storms in the Atlantic and Pacific Océans north of the Equator , in-8, 32 p., 1 pi. New-Haven, 185Æ, chez B.-L. Hamien. De la part de M. Virlet d’Aoust, Sur des œufs d'insectes ser- vant ci V alimentation de l'homme , et donnant lieu a la forma • tion d'oolithes dans des calcaires lacustres au Mexique (extr. des Comptes rendus des séances de l' Acad, des sciences , t. XLY, séance du 23 nov. 1857), in-Zi, h p. De la part de M. A. Etallon, Esquisse cl'une description géologique du Mont-Jura , et en particulier des environs de Saint-Claude (extr. des Annales delà Soc. L d'agric., d’hist. nat ., etc., de Lyon), in-8, 108 p., 1 carte, 1 pl. de coupes. Paris, 1857, chez J. -B. Baillière et fils. De la part de M. A. Thomé de Gamond, Etude pour V avant- projet d'un tunnel sous-marin entre l' Angleterre et la France , in -l\, 183 p., 1 carte, 8 pl. Paris, 1857, chez Victor Dalmont. De la part de madame veuve J. Thurmann, Essai d’orogra- phie jurassique , œuvre posthume de Jules Thurmann, in -Zi, 168 p., Zi pl. De la part de M. Fischer de Waldheim, Ommatolampes et T rachelaccinthus , généra piscium fossüium nova , etc,, in-Zi, 8 p., 2 pl. Moscou, 1851, chez Alexandre Semen. De la part de M. W.-R. Weitenweber : 1/|B SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. 1° Denkschnjt liber August Joseph Corda’ s, in-4, 38 p. Prague, 1852. 2° Systematis ches Verzeichniss der bôhmischen T ri lob i- t en , etc., in-8, 19 p. Prague, 1857. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1857, 2e sem., I. XL Y, nos 20 à 22. Société /. et centrale d’ Agriculture, Bulletin des séances , 2e série, t. XII, n° 5, 1857. L’ Institut, nos !2/|6 à 1248. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée n° 106, 10e année, octobre 1857. L’Ingénieur , nouv. -série, nos 7 et 8, juillet et août 1857, in-4. Annales de la Société d’ Emulation du département des Vosges , t. IX, 2e cahier, 1856. The Athenœum , 1857, nos 1569 à 1571. Lotos - Zeitschrift fïir Naturwissenschaften , 7* année, septembre 1857, in-8. Prague. Revista minera , t. VIII, nos 180 et 181, 1857. Revista de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales, t. VII, nos 7 et 8, octobre et novembre 1857. The american journal of science and arts , by Silliman, vol. XXIV, nov. 1857, n° 72. M. Sc. Gras fait la communication suivante : Comparaison chronologique des terrains quaternaires de ! Alsace avec ceux de la vallée du Rhône dans le Dauphiné , par M. Scipion Gras (PI. II). Les dépôts désignés par le nom de diluviens ou plus généralement et d’une manière plus convenable, par celui de quaternaires (1), (4) En publiant la suite de ses Observations sur un ensemble de dépôts marins plus récents que les terrains tertiaires du bassin de la Seine ( Annales des sciences naturelles , 4 829, t. XVI, p. 402), M. Desnoyers a dit qu’il aurait nommé quaternaires les dépôts décrits dans son mémoire, s’il n’en avait été détourné par diverses considé- rations. La nouvelle expression, retirée par son auteur en même temps qu’elle était énoncée, n’en a pas moins passé dans la science. Quelques années après, M. Reboul ( Géologie de la période quaternaire ; Le- BidU de la Sec. eécl. de France XI Férié. Z JS' PL II, Page HS. Mémoire le M’. Sc. GRAS sur la. Chronologie comparée des Terrains quaternaires de l'Alsace . 1 Coupe transversale (Le la vallée du Rhône au N. de G-ivors Eg.l Coupe Signes Conventionnels *??**?» NOTE DE M. GRAS. U9 ont déjà été l’objet de nombreuses observations. Dans beaucoup de localités, ils ont été décrits avec un très grand soin, soit sous le rapport de leurs corps organisés fossiles, soit au point de vue de leur gisement et des phénomènes auxquels on pouvait les attribuer. Mais il manque à l’ensemble de ces dépôts un lien commun, ce- lui de leur ordre chronologique. La remarque en a été souvent faite. Ce lien est cependant essentiel : on peut même dire qu’il constitue à lui seul presque toute la science ; car le but principal et le plus élevé de la géologie est d’écrire l’histoire ancienne du globe, et il n’y a pas d’histoire là où les événements ne peuvent être rangés par ordre de date. Nous pensons que pour fonder la chronologie de la période qua- ternaire, il faudrait lui appliquer la méthode qui a été employée si heureusement pour les périodes plus anciennes et qui consiste à prendre un terme de comparaison. Ainsi, après que la série des ter- rains tertiaires dans le bassin de Paris et celle des terrains primaires et secondaires en Angleterre ont été bien connues, les géologues les ont considérées comme des types auxquels ils ont rapporté les groupes de couches observés dans les autres pays. Parmi les rap- prochements qui ont été faits, il en est plusieurs qui, étant fondés sur un grand nombre de caractères communs, ne paraissent pas susceptibles d’être contestés; ils constituent la partie positive de la science. Pour faire servir la même méthode à la classification des dépôts quaternaires, il conviendrait de choisir comme terme de comparaison une localité où ces dépôts présenteraient des carac- tères très nets, une extension considérable, un ordre de succession pouvant être constaté cl’une manière rigoureuse, enfin une série plus complète que partout ailleurs. La grande plaine comprise entre le Rhône et le pied des Alpes du Dauphiné nous paraît réu- nir toutes ces conditions. Elle renferme des terrains de transport de nature variée et d’une puissance énorme ; nulle part ailleurs il ne s’est produit des érosions sur une échelle aussi gigantesque. La situation géographique des lieux explique pourquoi il en a été ainsi. On sait que les phénomènes diluviens se sont surtout développés dans le voisinage des grandes chaînes. Or, la plaine du Dauphiné est en communication directe par les vallées du Rhône et de l’Isère vrault, 1 833) s’en est servi pour désigner les formations modernes ou contemporaines de l’homme. Plus tard, la signification de ce mot a encore changé, et aujourd’hui l’on s'accorde à appeler quaternaires l’ensemble des dépôts compris entre l’horizon des marnes bleues sub- apennines et le commencement de la période actuelle. 150 BÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. avec le massif du Mont-Blanc, le plus élevé de l’Europe. Elle est assez rapprochée de ce groupe de montagnes pour offrir tous les i dépôts diluviens qui en sont originaires; elle en est assez éloignée pour que ces dépôts en se superposant aient pu rester bien distincts : pour cette raison, elle présente leur succession très clairement et d’une manière complète. Pour rapporter les dépôts quaternaires éloignés de la plaine du Dauphiné à ceux de cette contrée, on ne pourra pas suivre le pro- cédé généralement adopté quand il s’agit de terrains plus anciens, ?; procédé qui consiste à peu près exclusivement, comme on le sait, i à comparer les fossiles. En effet, les restes organisés de la période quaternaire étudiés avec ardeur depuis quelques années ont bien fourni des lumières précieuses sur les variations du niveau de la j mer et les changements de climat qui ont eu lieu pendant cette période, mais ils n’ont point servi à la partager en plusieurs épo- * ques distinctes se succédant dans un ordre déterminé. Cela tient à ce que les coquilles, soit terrestres, soit marines, qui vivaient alors, * ne sont nullement caractéristiques, puisqu’en général elles ne dif- fèrent pas des espèces actuelles. Quant aux ossements de mammi- i fères, si plusieurs appartiennent à des races perdues, iis sont néan- t moins d’un faible secours pour la chronologie quaternaire, prin- cipalement à cause de l’incertitude où l’on est le plus souvent sur leur véritable date géologique. Comme ces ossements sont presque j toujours roulés au milieu de matières meubles, ils peuvent pro- venir d’animaux qui ont vécu très longtemps avant le dépôt du terrain où on les a découverts, ou bien être beaucoup plus récents et y avoir été enfouis par un remaniement toujours difficile à dis- tinguer. Ce n’est que dans quelques cas que leur identité d’âge avec la lormation qui les renferme peut être regardée comme non douteuse. A défaut de fossiles, il reste, pour établir la contemporanéité des terrains quaternaires, leur continuité géologique, leur liaison, leur parallélisme de superposition, leur similitude de gisement, enfin l’identité probable, soit des agents qui leur ont donné naissance, soit des Circonstances physiques sous l’empire desquelles ils se sont for- més. Nous croyons que des rapprochements fondés sur ces diverses considérations, en tenant compte dans certains cas de la nature des restes organisés, présenteront une certitude suffisante, supérieure à celle du parallélisme de beaucoup de couches tertiaires ou secon- daires; car souvent, pour fixer l’âge cle celles-ci, on se contente de la similitude ou quelquefois même de l’analogie de quelques co- quilles. NOTE DE M. G Pi AS « 151 Nous venons cle dire qu’il conviendrait de choisir la plaine du Rhône comme terme de comparaison pour déterminer l’âge relatif des terrains de transport quaternaires. Nous avons indiqué en même temps d’une manière générale les caractères sur lesquels on pourrait s’appuyer pour cette détermination. Il nous reste à faire un essai de cette méthode. Le meilleur moyen de la justifier est en effet de la mettre àj’ épreuve. Nous commencerons par l’appliquer aux dépôts diluviens qui s’étendent sur le versant oriental des montagnes du Forez et du Beaujolais. Ces montagnes séparant la Loire du Rhône et de la Saône touchent du côté de l’est à là plaine dauphinoise ; leur étude est par conséquent nécessaire pour compléter celle que nous avons faite de cette dernière contrée. Nous nous transporterons ensuite sur les bords du Rhin où, comme on le sait, les terrains de transport sont très développés et présen- tent un grand intérêt. Avant d’entrer en matière, il nous paraît indispensable de rap- peler quelle a été, d’après nos observations, la série des phéno- mènes quaternaires dans la vallée du Rhône, puisque cette série doit être notre échelle de comparaison. Yoici en peu de mots les résultats auxquels nous Sommes parvenu (1). (1) Voyez, pour plus de détails sur les terrains quaternaires de la vallée du Rhône, notre premier mémoire {Bull, cle la Soc. géol.f 2e série, t. XIV, p 207). Noiis avons fondé l’ordre chronologique de ces terrains sur dés faits nombreux de superposition et d’indépendance géologique, tous con- cordants entre eux. Cependant M. Lory, dans un mémoire récent {Bull,, 2e série, t . XV, p= 10), a présenté une succession presque entièrement opposée à la nôtre. En cherchant à nous rendre compte d’une aussi grande différence, il nous a paru qu’elle résultait de ce que le travail du savant professeur de géologie renfermait plusieurs erreurs maté- rielles. Nous nous bornerons à en citer une des plus saillantes. L’inté- rieur du diluvium alpin qui constitue les buttes de Saint-Clair à Lyon, sur la route de Genève, a été mis à découvert depuis quelques années par de larges et profondes coupures entreprises pour se procurer du remblai. Ce diluvium, que M. Lory assimile à son alluvion ancienne sans cailloux rayés , en est au contraire rempli sur toute sa hauteur. Ces cailloux s’y trouvent confondus pêle-mêle avec les débris marins qui ont été signalés pour la première fois par M. Jourdan. Ce mé- lange existe également sur l’autre versant du plateau qui regarde la Saône. En outre, sur cette formation puissante remplie de cailloux rayés reposent évidemment les alluvions de la Bresse, rangées par M. Lory dans la période tertiaire. Ce seul fait, qui est incontestable, suffit pour renverser toute l'économie du système chronologique ima- giné par l’auteur. On pourra, au reste, se convaincre de son peu de 152 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. 1° La période quaternaire a été ouverte, dans le Dauphiné, par des dislocations qui ont donné aux Alpes de ce pays leur relief actuel au-dessus des plaines environnantes. En même temps, il s’est produit des érosions considérables qui ont creusé pour la première fois la partie profonde des vallées de l’Isère et du Rhône. 2° Après un laps de temps d'une durée inconnue, les vallées creusées précédemment ayant été submergées ont été comblées par des atterrissements. La plaine dauphinois^, devenue le lit de déjection de deux grandes rivières, a été entièrement ensevelie jusqu’à une hauteur de plusieurs centaines de mètres sous uu amas de sables, de cailloux de diverse nature et de gros blocs venus des Alpes. Ce puissant dépôt, que nous avons nommé diluvium inférieur , se présente sous la forme d’un immense cône caillouteux, dont le sommet est au pied des montagnes. Il est caractérisé par la présence fréquente de galets finement rayés comme ceux des glaciers, ce qui indique que ceux-ci ont contribué à sa formation, et qu’ils ont eu par conséquent, à cette époque, une extension extraordinaire. 3° Il est survenu un second terrain de transport qui s’est super- posé au précédent sans se confondre avec lui, parce qu’il en diffère notablement par ses caractères minéralogiques (1). Il est composé de deux assises étroitement liées entre elles, dont la plus élevée est un limon argilo- sableux, pur de tout gravier, et l’autre, un mélange confus de sable, d’argile et de cailloux quartzeux en proportions variables. Comme ce terrain de transport constitue la superficie de presque toute la Bresse , nous l’appellerons diluvium bressan (2). Il est caractérisé par une teinte ocreuse fondement, en lisant avec quelque attention non-seulement notre travail actuel et celui que nous avons déjà publié sur les terrains quaternaires du pied des Alpes, mais encore tout ce qui a été écrit sur le même sujet, et notamment les excellents mémoires de M. Élie de Beaumont. Nous différons d’opinion avec cet éminent géologue sur une question purement théorique, savoir s’il faut rapporter à la période tertiaire ou à la quaternaire une partie des terrains de transport des bords du Rhône; mais, quant à l’ordre de succession des dépôts, il n’y a pas de dissidence, et cet accord n’est pas une des moindres causes de la confiance que nous avons dans l’exactitude de nos résultats. (1) Cette différence de caractères est très remarquable; on par- viendra peut-être à en connaître la cause par une étude approfondie des phénomènes quaternaires dans l’intérieur des Alpes. (2) Dans notre premier travail, nous avons donné le nom de lehni ancien à l’assise supérieure de ce terrain et celui de diluvium sous - lehmien à l’inférieure. Pour plus de simplicité, nous croyons devoir remplacer ces deux expressions par celle de diluvium bressan appli- NOTE DE M. GRAS. 153 presque générale et par la nature de ses cailloux roulés qui sont à peu près tous quartzeux et de forme bien arrondie, malgré leur grande dureté. l\° Le remplissage de la plaine dauphinoise par les deux terrains de transport, dont nous venons de parler, a été suivi d’une époque d’afïouillement due sans doute à la retraite successive des eaux. Il en est résulté que les vallées qui avaient été comblées par des matières meubles ont été creusées une seconde fois. Cette érosion, ayant été interrompue par intervalles, a donné lieu aux terrasses ou plus généralement aux anciens lits du Rhône et de l’Isère. On remarque à la surface de ces anciens lits une couche de sable et de cailloux, qne nous avons nommée leh/n (1), parce que, sous le rapport de l’âge, elle correspond exactement au dépôt qui porte ce nom sur les bords du Rhin. 5° Après les érosions qui ont donné aux vallées de l’Isère et du Rhône leur forme actuelle, est arrivée la dispersion des blocs alpins superficiels ; ceux-ci, tantôt isolés, tantôt groupés de manière à rappeler des moraines, reposent indifféremment sur tous les autres dépôts diluviens et se trouvent à des hauteurs très diverses. Leur gisement, examiné dans tous ses détails, exclut l’hypothèse d’un transport par des courants; il faut avoir recours aux glaciers qui, pour la seconde fois, auraient eu dans les Alpes une extension extraordinaire. Le retrait de ces glaciers a été le commencement de la période actuelle. Nous allons maintenant considérer les divers dépôts quater- naires des deux contrées indiquées plus haut et essayer de trouver leurs rapports d’âge avec les cinq époques que nous venons d’énumérer. 1° Montagnes du Forez et du Beaujolais. Les montagnes, qui, aux environs de Lyon, séparent la Loire du Rhône et de la Saône, font partie des contrées appelées autre- fois le Forez et le Beaujolais. Elles occupent un espace de trois à quée à la formation entière. Cette dernière dénomination a l’avantage d’avoir déjà été employée. (1) Le mot lehm ayant pour nous un sens purement géologique, nous l’emploierons pour désigner tous les dépôts de transport contem- porains de la formation limoneuse des bords du Rhin, quels que soient d’ailleurs leurs caractères minéralogiques. Ainsi, de la même manière que l’on dit la craie noire des Alpes, nous parlerons du lehm caillou - teux de 13 vallée du Rhône. 154 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. quatre niyriamètres de largeur et courent à peu près dans la direc- tion du nord au sud. Leur ligne de faite est ordinairement com- prise entre 800 et 900 mètres d’altitude; quelques sommités seu- lement atteignent environ 1000 mètres. Les principales roches qui entrent dans leur composition sont le granité, le gneiss, le mica- schiste et le porphyre tantôt granitoïde, tantôt quartzifère. À ces roches cristallisées sont associés des lambeaux en général peu étendus du terrain carbonifère, un grès quartzeux rougeâtre, qui paraît contemporain du grès vosgien, des arkoses considérés comme triasiques, enfin du calcaire et des marnes de l’époque du Jura. Le quartz hyalin ou semi-hyalin est abondamment répandu dans le sein des roches cristallisées et des arkoses; il s’y trouve en filons ou en amas coniques. Les débris de ce quartz composent la plus grande partie des dépôts quaternaires dont nous aurons à parler. Deux bassins principaux, ceux de l’Azergue et du Gier, ont été creusés sur le versant oriental de ces montagnes. L’Azergue prend sa source au pied des bois d’ Ajonc, à 3 kilomètres ouest de Chene- lette, non loin d’une sommité dont l’altitude est de 973 mètres; à partir delà, elle coule vers le sud-sud-est jusqu’à Lozanne, où, rencontrant la Brévenne, elle en prend la direction N.-E. et va se jeter dans la Saône à Anse. Le bassin de cette rivière a du nord au sud une longueur d’environ 56 kilomètres, sur une largeur moyenne d’au moins 1 myriamètre. La vallée du Gier, en y com- prenant son prolongement géologique jusqu’au delà de Saint- Etienne, n’est pas moins considérable que la précédente. Elle pa- raît avoir été originairement une fracture du sol N.-40°-E., que les eaux ont ensuite agrandie et façonnée telle qu’elle est aujour- d’hui. Par ses affluents, elle est en communication au nord avec des sommités dont quelques-unes ont de 800 à 900 mètres de hauteur, et au sud avec le mont Pilas qui atteint jusqu'à 1433 mètres. Les deux bassins dont nous venons de donner une idée sommaire présentent dans leur intérieur, particulièrement à la surface des plateaux peu élevés qui bordent leurs cours d’eau, des traînées évidentes de blocs et de cailloux diluviens arrachés aux montagnes environnantes; ils ont déjà été mentionnés par divers auteurs, notamment par MM. Fournet (1) et Drian (2). Nous commencerons (1 ) Sur le diluvium de la France ( Annales des scienees géolo- giques, t. I, p. 981). Yoy. aussi une note de M. Borne sur les carac- tères minéralogiques de la formation diluvienne des environs de l’Arbresle [Annales de la Société d’agriculture de Lyon, t. III, 1840, p. 355). (2) Minéralogie et pétralogie des environs de Lyon , p. 113. NOTE DE M. GRAS, 155 par décrire ceux de ces dépôts caillouteux qui appartiennent au bassin du Gier, parce que, étant les plus rapprochés des terrains quaternaires du Dauphiné, ils offrent avec eux des relations faciles à saisir. Entre Saint-Chamond etGivors, le Gier a creusé son lit dans le sein d’un plateau composé entièrement de gneiss et de micaschiste avec quelques lambeaux de grès houiller. Sa surface légèrement ondulée va en se relevant de l’est à l’ouest; son altitude moyenne peut être évaluée à 320 mètres. Il est limité à l’ouest par une série de sommités au delà desquelles commence le bassin de la Loire; à l’est, il s’étend jusqu’au Rhône. En explorant ce plateau dans sa partie moyenne, savoir, entre la grande route de Lyon à Saint- Etienne et une ligne passant par les villages de Saint-Martiu-de- Cornas et de Chassagny, on observe qu’il est recouvert d’une couche peu épaisse d’un sable argileux jaunâtre enveloppant des cailloux de petites dimensions, en général mal arrondis et quel- quefois complètement anguleux, qui sont formés de quartz blanc presque translucide, de grès quartzeux et de quartzite rougeâtre; on y trouve aussi des fragments de granité, de gneiss, de mica- schiste et de grès houiller. Le quartz, qui est à beaucoup près la roche dominante, est tout à fait identique avec celui que l’on observe en filons ou en amas dans le sein du micaschiste et du gneiss du Forez. Le grès quartzeux et le quartzite rouge ne diffèrent en rien de ceux que l’on rencontre à la base du terrain secondaire de la même contrée ; il est certain par conséquent que tous ces débris viennent des montagnes environnantes. La terre argilo-sableuse, ou ils sont disséminés, paraît elle-même n’être que le résultat d’une trituration et d’une décomposition partielle des roches les plus tendres du pays, notamment du micaschiste. Cette couche sablo-caillouteuse présente çà et là à sa surface des blocs volumineux qui ont jusqu’à 0ni,50 ou 0m,60 de longueur sur 0m,3Q à 0m,â0 dans les autres sens; ils sont formés pour la plupart de quartz blanc cristallin, comme les petits fragments roulés que renferme le sable ; d’autres sont granitiques. Ces blocs, tous originaires du Forez, sont anguleux ou grossièrement arron- dis ; ils rappellent complètement par leur gisement et leur aspect général les blocs erratiques superficiels venus des Alpes. Le terrain de transport que nous venons de faire connaître a une épaisseur en général inférieure à 1 mètre et paraît suivre les on- dulations du sol dont il a comblé en partie les inégalités. Il occupe tout l’espace compris entre le Gier et une petite rivière appelée le Garon située plus au nord; il s’étend également au sud sur le ter- 156 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. ritoire de la commune des Echallas. En le suivant du côté de l’est, parallèlement au Gier, jusqu’à la distance de 1200 à 1500 mètres du Rhône, on ne remarque aucun changement dans la nature des roches qui le composent. Plus loin, il s’y mêle quelques cailloux de quartz d’un jaune sale a l’extérieur, à cassure grenue ou esquil- leuse, identiques avec les quartzites des Alpes. Ces cailloux se distin- guent facilement de ceux qui viennent du Forez, autant par leurs caractères minéralogiques que par leur forme bien arrondie. Plus on s’avance et plus ces quartzites d’origine alpine deviennent abondants. Quand on est arrivé à l’extrémité orientale du plateau, on s’aperçoit qu’ils sont en grande majorité. Si l’on franchit la plaine basse du Rhône pour gagner les hauteurs du département de l’Isère situées en face sur la rive gauche, on se trouve sur un plateau formé, comme celui de la rive droite, de gneiss et de mica- schiste, s’élevant à la même hauteur et recouvert de la même nappe caillouteuse, sauf que l’épaisseur de celle-ci est devenue plus considérable et que la proportion des cailloux originaires du Forez y est encore moindre. En continuant à s’avancer vers l’est, on voit ces derniers disparaître complètement; il reste un terrain de transport entièrement composé de quartzites et de quelques autres roches dures des Alpes enveloppés dans une glaise jaunâtre dépourvue de carbonate de chaux ; c’est la formation quaternaire du Dauphiné que nous avons nommée diluvium bressan. Vers le nord, elle s’étend d’une manière continue jusqu’aux environs de Saint-Symphorien-d’Ozon, où elle se superpose évidemment au diluvium à cailloux calcaires en partie rayés qui supporte le village de Solaise; vers le sud, elle se prolonge également sans solution de continuité jusqu’au delà de Yienne et va se rattacher au dépôt de même nature qui couronne les plateaux de Roybon et de Chamberan. Il résulte de ces observations que le diluvium bressan du Dauphiné et la nappe caillouteuse qui couvre le plateau du Forez dans le voisinage du Gier sont exactement du même âge. Outre que leur gisement est tout à fait semblable et qu’ils se cor- respondent parfaitement sous le rapport de l’altitude, ils se mêlent intimement sur leur ligne de contact, comme les alluvions de deux rivières quand elles se réunissent (1). Ce mélange ayant eu lieu des deux côtés du Rhône, on doit en conclure aussi qu’à cette époque la fracture, d’ailleurs peu large, au fond de laquelle coule (4) Nous avons essayé de figurer graphiquement ce mélange dans notre coupe n° 4 (PI. 1) qui est d’ailleurs une représentation fidèle de la disposition des lieux. NOTE DE M. GRAS. 157 ce fleuve, avait été entièrement remplie par le diluvium inférieur, ce qui n’a rien d’étonnant, car il est certain que ce diluvium a comblé plusieurs vallées préexistantes dans la plaine dauphinoise et s’est même élevé bien au-dessus du sol nivelé. Nous avons dit qu’il existait entre le Gieret le Garon des blocs volumineux originaires des montagnes voisines qui, par leur as* pect et leur indépendance du sol sous-jacent, paraissaient errati- ques. On les observe également sur le plateau de la rive gauche du Rhône où ils sont épars à la surface du sol, confondus avec d’autres blocs venus des Alpes. Les uns et les autres sont tellement semblables par le gisement qu’on ne peut les distinguer qu’à leurs caractères minéralogiques, ce qui doit faire croire qu’ils ont été déposés à la même époque. Cette identité d’àge est démontrée d’une manière encore plus rigoureuse par la présence de ces mêmes blocs dans la plaine basse du Rhône, sur des terrasses plus récentes | que le diluvium bressan. Ce fait important peut être constaté un peu en aval du pont suspendu de Givors. La rive gauche du Rhône I présente en cet endroit trois plans situés à des niveaux différents, savoir: un plan inférieur submersible occupé par le terrain allu- vien, une première terrasse haute de lx à 5 mètres offrant à sa base ; un affleurement du diluvium inférieur dauphinois et au-dessus une couche de gravier quartzeux correspondant au lehm, enfin une seconde terrasse qui s’élève à 6 mètres au-dessus de la précédente et qui est également formée par le diluvium inférieur recouvert d’une couche de lehm caillouteux (1). C’est à la surface de ces ter- rasses et sur le lehm que l’on observe plusieurs blocs erratiques de quartz blanc presque hyalin, venus certainement des montagnes situées à l’ouest. Leur arrivée est donc postérieure au second creu- sement de la vallée; or, c’est là précisément le trait caractéristique du gisement des blocs alpins et ce qui fixe leur âge. Indépendamment de la couche sablo-caillouteuse et des blocs erratiques du Forez que nous venons de décrire, on observe dans la vallée du Gier un autre diluvium qui paraît d’un âge différent; il se montre au fond même de la vallée, sur les bords de la rivière d’où il s’élève à une hauteur que les plus grandes crues ne peuvent atteindre. 11 diffère du diluvium du plateau non -seulement par son gisement, mais encore par ses cailloux beaucoup plus volu- mineux et en général bien arrondis ; il offre aussi moins de conti- nuité. On en voit un lambeau très étendu à Burel, aux environs lSi ! I (1) Voyez la coupe n° 2. 158 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. de la station du chemin de fer de Saint-Etienne à Givors. Une section verticale, haute de plusieurs mètres, faite sur les bords de la voie ferrée, a mis à découvert un affleurement de gros cailloux, roulés de quartz et de granité et, au-dessus, une épaisseur consi- dérable d’une argile en masse compacte, pure de gravier. Celle- ci remonte assez haut sur les flancs de la vallée et rappelle par sa nature et son gisement le lehm des terrasses. Ce terrain de trans- port paraît avoir rempli autrefois entièrement la fente où coule le Gier et avoir ensuite été dénudé ; il offre par conséquent beaucoup d’analogie avec le diluvium inférieur dauphinois, et nous croyons qu’il en est contemporain. Ce rapprochement est confirmé par l’observation de bancs caillouteux qui se montrent dans une po- sition semblable sur les bords du Garon, près de son débouché dans la plaine basse du Rhône. Ces bancs de cailloux que l’on voit à droite et à gauehe de la rivière, bien au-dessus des alluvions ac- tuelles, renferment des roches propres au pays, et d’autres, les unes quartzeuses, les autres calcaires, qui viennent des Alpes, ce qui indique une liaison géologique entre ce dépôt et le diluvium in- férieur. Pendant que celui-ci comblait la vallée du Rhône, l’autre s’accumulait dans le petit vallon où coule le Garon ; près de leur confluent, il y a eu nécessairement mélange entre eux. Le bassin de l’Azergue renferme, surdivers points, des dépôts di- luviens analogues aux précédents. Un des plus remarquables par son étendue et sa continuité est celui qui a couvert tout le plateau compris entre Chatillon, Lozane etl’Arbresle. Si, en partant de ce dernier bourg, on se dirige vers le village de Nuelles, situé à 1500 mètres de distance au N.-N.-E., on ne tarde pas à remarquer à la surface du sol de nombreux débris caillouteux, très différents par leurs caractères minéralogiques du terrain sous-jacent qui est un schiste phylladique de transition. Ces débris paraissent appar- tenir à deux dépôts distincts : l’un est composé d’une couche ar- gilo-sableuse rougeâtre ou quelquefois noire, ayant quelques déci- mètres d’épaisseur et enveloppant à sa partie inférieure des cailloux en général quartzeux; l’autre, d’une date plus récente, est formé de blocs également quartzeux épars à la surface du sol, tantôt isolé- ment, tantôt par groupes plus ou moins nombreux. Les matériaux de ce dernier diluvium sont en partie arrondis et comme usés par le frottement; leur volume varie depuis quelques décimètres cubes jusqu’à un quart ou même un tiers de mètre cube. En examinant de près la couche argilo-sableuse inférieure, on reconnaît que les cailloux qui y sont disséminés sont anguleux ou grossièrement arrondis, et qu’ils consistent principalement en quartz calcédoine NOTE DE M. GRAS. 119 blancs, rosâtres ou jaunâtres, quelquefois criblés de cavités que tapissent de petits cristaux de quartz limpide. Il s’y mêle des ar- koses et des grès quartzeux, le plus souvent colorés en rouge par de l’oxyde de fer, et aussi du gneiss, des schistes verdâtres d’appa- rence homogène et des calcaires oolithiques. Ces dernières roches sont rares comparativement aux autres. Les blocs superficiels pré- sentent de leur côté une grande variété de quartz plus ou moins cristallins, quelquefois rubanés, puis des granités roses, des gneiss et plus rarement des diorites. Ces matières de transport couvrent un espace considérable au nord de l’Arbresle, car on les observe presque partout sur le territoire des communes de Nuelles, de Saint-Germain et de Chatillon ; elles se montrent au nord-ouest dans le vallon de la Turdine jusqu’au delà de Bully, et au sud- ouest sur les hauteurs qui dominent la route de Sain-Bel ; on les rencontre également aux environs de Chessy et particulièrement dans le petit vallon d’Alix qui se réunit à Chatillon avec celui de l’Azergue. Aux environs de Lozane où se trouve le confluent de l’Azergue et de la Brevenne, le diluvium sablo-caillouteux nous a paru acquérir un développement considérable. On peut l’étudier commodément le long de la route départementale de Lozane à Lyon. Les coupures du sol faites à droite et à gauche pour la con- struction de la chaussée montrent que ce diluvium atteint ici une épaisseur de plusieurs mètres et qu’il est composé, comme à l’ordi- naire, de quartz et de grès quartzeux, souvent mal arrondis, dis- séminés dans un gravier sablonneux rougeâtre. On le suit sur une longueur de plusieurs kilomètres, jusque près de Dommartin. Plus loin, les cailloux disparaissent et il ne reste qu’une couche argilo- sableuse, souvent mêlée de détritus du sol sous-jacent, qui occupe tout le plateau compris entre la Brevenne et le Mont-d’Or lyon- nais. Elle s’étend à l'est jusqu’aux environs de Limonest où son altitude est de A00 mètres et son épaisseur considérable. Les blocs superficiels manquent sur ce plateau, mais ils sont fréquents près de Lozane, principalement sur le flanc de la colline qui fait face au débouché de la Brevenne, comme si cette colline avait été un obstacle à leur expansion. Des deux dépôts diluviens que nous venons de décrire, celui qui a un caractère torrentiel nous paraît semblable, sous tous les rap- ports, à la couche sablo-caillouteuse qui couvre le plateau du Forez, dans le voisinage du Gier; par conséquent, nous le consi- dérons comme étant du même âge et nous le rapportons au dilu- vium bressan. Quant aux blocs superficiels, iis ne présentent pas ip.oins d’analogie avec ceux qui sont répandus dans la vallée du 160 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. Rhône, aux environs de Givors, et qui viennent en partie des Alpes, en partie des montagnes situées à l’ouest; ils appartiennent probablement comme eux à la cinquième époque quaternaire. On observe sur quelques points de la vallée de l’Azergue des amas de sable et de cailloux, dont le gisement rappelle celui de Burel décrit plus haut et qui, pour celte raison, nous paraissent représenter le diluvium inférieur dauphinois. Ces cailloux, qui ont pour trait caractéristique de descendre jusqu’au niveau des allu- vions actuelles et même de passer dessous, se voient dans la partie inférieure du cours de l’Azergue, principalement entre Chazay et Anse. Ils forment, sur la rive gauche de cette rivière, la base d’une terrasse haute de 50 à 60 mètres, qui supporte le château de Beau- lieu, ainsi que les villages de Morancé et de Lucenay. Le pied de cette terrasse paraît correspondre exactement au diluvium inférieur qui, de l’autre côté de la Saône, est recouvert par les cailloux quartzeux et les sables superficiels de la Bresse. Depuis son dépôt, ce terrain de transport a été profondément entamé par des cou- rantsqui sont descendus des montagnes du Beaujolais et qui, réunis à d’autres, ont créé la plaine d’Anse et abaissé le lit de la Saône à son niveau actuel. Ces érosions ont eu lieu, ainsi que nous l’avons dit, pendant la quatrième époque. En résumé, il résulte de nos observations qu’il existe, sur le ver- sant oriental des montagnes du Forez et du Beaujolais, les équi- valents de tous les dépôts diluviens du Dauphiné originaires des Alpes. Seulement à côté de ceux-ci, les premiers paraissent pres- que microscopiques. Leur différence est aussi grande que celle des deux chaînes comparées sous le rapport du nombre, de l’étendue et de l’altitude des cimes. 2° Vallée du Rhin . Pour découvrir plus sûrement et avec plus de facilité les rela- tions chronologiques qui existent entre les terrains quaternaires des bordsdu Rhône, aux environs de Lyon, et ceux de la vallée du Rhin, il est évident qu’il convient de choisir dans celle-ci, dont l’étendue est très considérable, la région qui, par sa situation, offre le plus d’analogie avec la partie du cours du Rhône qui doit nous servir de terme de comparaison. Cette région est celle où se trouve la ville de Bâle. En effet la vallée du Rhône à Lyon a pour conti- nuation au nord la vallée de la Saône ; celle-ci n’est en réalité que le prolongement de la vallée du Doubs qui communique elle-même par un col très bas avec la faille large et profonde qui sépare la NOTE DE M. CfiÀ^. 161 chaîne des Vosgesdes montagnes deia Forêt-Noire. C’est dans cette longue vallée géologique que le Rhin débouche à Baie, comme le Rhône près de Lyon, après avoir franchi, l’un l’extrémité nord et l’autre l’extrémité sud du Jura. Ces deux fleuves sont d’ailleurs extrêmement semblables ; leurs sources sont voisines, et leurs cours dans l’intérieur des Alpes sont liés par de nombreuses "analogies. Il est donc probable que sur les deux points que nous venons d’in- diquer les dépôts quaternaires offriront une correspondance par- faite. C’est en effet ce que confirme l’observation. Afin de procéder plus rigoureusement, nous décrirons d’abord les dépôts diluviens du Rhin (1) isolément, et nous établirons leur ordre de succession en faisant complètement abstraction des résul- tats que nous avons obtenus ailleurs, en restant par conséquent en dehors de toute idée préconçue. Cela fait, nous comparerons un à un les termes de la série observée avec ceux que présente la vallée du Rhône, et nous verrons jusqu’à quel point ils se ressemblent. La vallée du Rhin, aux environs de Baie, se divise en deux ré- gions distinctes, sous le rapport de la configuration extérieure et de la constitution géologique. L’une, appelée le Sundgau (pays du sud), est un plateau de 400 mètres d’altitude moyenne, à surface autrefois unie et aujourd’hui profondément découpée par de nom- breuses vallées d’érosion. Ses limites sont: au sud-est, le Jura de Soleure, et, au nord-ouest, l’extrémité méridionale de la chaîne des Vosges. On remarque que de chaque côté le sol se relève très sen- siblement vers le pied de ces montagnes. Cette double pente ascen- dante indiquée par la direction des cours d’eau, est assez forte pour frapper les yeux. Le canal du Rhône au Rhin est aujourd’hui à peu près la ligne de thalweg de toute la contrée et la partage en deux parties inégales dont la plus étendue est du côté du Jura. Des accidents de terrain peu importants la séparent au sud- ouest de la vallée du Doubs et au nord-est de la seconde région rhé- nane dont nous allons parler. Celle-ci, qui constitue la vallée du Rhin proprement dite, est une plaine parfaitement unie, réguliè- rement inclinée du sud vers le nord, suivant une pente qui est d’environ 0m, 0014 par mètre, entre Mulhouse et Colmar. Sa lar- geur moyenne entre ces deux villes est de 33 kilomètres. A l’ouest, (1) Les terrains quaternaires de l'Alsace ont déjà été l'objet de nombreux travaux dont nous avons profité et que nous citerons. Nous devons aussi beaucoup à M. Kœchlin-Schlumberger qui connaît par- faitement la géologie des environs de Mulhouse, et qui a bien voulu nous conduire lui-même sur les points qui offraient . le plus d’intérêt Soc. géol 2e série, tome XV. \\ 162 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. au pied des Vosges, sa surface a été légèrement entamée par les ri- vières de la Thur et de i’ïil ; à l’est ou du côté de la Forêt-Noire, elle a été creusée beaucoup plus profondément par le Rhin dont les eaux, si on ne les contenait, occuperaient en entier une plaine basse de plusieurs kilomètres de largeur, appelée Rieth. Entre cette plaine basse et le plan supérieur de la vallée séparés par une diffé- rence de niveau de 18 à 20 mètres, on observe près de Bâle une terrassée intermédiaire, large de 700 à 800 mètres et ne s’élevant qu’à 12 mètres au-dessus du Rhin. On y a bâti, parallèlement au cours de ce fleuve, un grand nombre de villages dont les deux premiers en amont sont Saint- Louis et Rosenau. La différence de niveau, de 6 à 7 mètres, qui existe entre cette terrasse intermédiaire et le plan supérieur, ne se maintient pas sur un long espace; elle dis- paraît à une certaine distance de Rosenau, et il ne reste alors sur la gauche du Rieth qu’une seule berge escarpée, qui diminue elle- même peu à peu de hauteur, et finit par s’effacer complètement à Neubrisacli ; en sorte qu’au delà le raccordement entre la partie la plus élevée de la vallée et la plaine basse a lieu par une pente mé- nagée. Nous allons maintenant passer à l’examen géologique des deux régions dont nous venons d’esquisser les principaux traits topo- graphiques. Le sol du Sundgau est formé d’un puissant terrain de transport reposant sur des couches tertiaires dont on n’aperçoit guère que des affleurements, principalement sur la gauche delà route qui conduit de Mulhouse à Altkirch Celles de ces couches qui parais- sent les plus anciennes consistent en un calcaire compacte, d’aspect lacustre, qui alterne par bancs de 3 à Zr décimètres d’épaisseur avec des marnes schistoïdes, d’autant plus abondantes que l'on s’enfonce davantage. Cette formation renferme quelquefois du gypse et des indices de lignite et souvent des coquilles d'eau douce, entre autres la Melania Escheri , Mérian ; on y a découvert à Brunstatt des dents de Paleotheoriiun medium (1). Elle nous a rappelé complè- tement le terrain à gypse et à lignite de Manosque et d’Apt, en Provence ; les fossiles confirment ce rapprochement. Un autre ter- rain tertiaire dont la superposition sur le précédent n’a pu encore être constatée et qui, néanmoins, doit être considéré comme plus récent, est formé ci une marne argileuse bleue, compacte, sans stratification distincte, quelquefois intimement liée à des macignos sableux. On y a trouvé à Olwiller, près de Hartmannswiller, des (1) Kœchlin-Schlumberger, Observations inédites. NOTE DE M. GRAS. 163 Huîtres et d’autres corps marins qui paraissent de l’époque mio- cène. Cette marne bleue et les macignos qui lui sont associés res- semblent beaucoup à la mollasse sableuse et quelquefois argileuse du Dauphiné; ils en sont probablement l’équivalent. Le terrain de transport, qui repose sur ces deux formations tertiaires, n’offre pas partout les mêmes caractères minéralogiques. Pour le décrire avec plus de méthode, nous diviserons leSundgau en trois zones: la première sud-est, comprise entre les montagnes du Jura de Soleure et le canal du Rhône au Rhin ; la seconde, presque centrale, s’étendant le long du canal sur une largeur de quelques kilomètres; la troisième, nord-ouest, située entre la pré- cédente et le pied des montagnes des Yosges. La première zone est à elle seule deux fois plus étendue que les deux autres réunies. Les matières de transport qui la couvrent se divisent en deux assises d’épaisseur très inégale. La plus basse, dont la puissance moyenne peut être évaluée à 50 mètres, est com- posée de cailloux de grosseur variable, mais tous bien arrondis, disséminés confusément dans un sable argileux, d’une teinte for- tement oereuse, sans aucun indice de stratification. Ces cailloux sont, en grande majorité, des quartzites, les uns blancs ou légère- ment jaunâtres, à cassure grenue ou esquilleuse, identiques avec ceux du Dauphiné ; les autres gris clair, gris foncé, bruns ou jaunes ; beaucoup sont fortement altérés au point d’être friables (1). Ces quartzites sont mêlés de jaspes rouges, vert-olive ou tirant sur le noir, de granités et de protogines souvent en état de décomposition, enfin de quelques porphyres rouges à grands cristaux de feldspath, comme ceux des montagnes de la Forêt-Noire. Les calcaires man- quent tout à fait ou sont au moins excessivement rares. La seconde assise n’a au pied du Jura qu’une épaisseur ordinairement infé- rieure à 2 mètres, qui augmente ensuite à mesure que l’on s’éloigne du pied de la chaîne. C’est une argile sableuse pure de gravier, de même nature d’ailleurs que celle qui enveloppe les cailloux, sauf qu’elle est en général d’une couleur plus claire. II y a toujours une liaison intime entre ces deux assises: la plus basse commence par se décolorer dans sa partie supérieure tout en renfermant beau- coup de galets; puis ceux-ci deviennent rares et disparaissent complètement; il ne reste alors à la surface du sol qu’une marne argileuse gris cendré d’aspect homogène. Les matières que ren- (!) Nous pensons avec M. Daubrée que ces cailloux altérés son probablement d’anciens calcaires siliceux dont le carbonate ( a disparu depuis qu’ils se sont déposés. J6/l SÉANCE nu 7 DÉCEMBRE 1857. ferme ce terrain ne sont pas originaires des Vosges, puisqu’on n’y trouve aucune des roches caractéristiques de cette chaîne, ni du Jura pour la même raison; elles ne peuvent venir que des Alpes centrales ou des montagnes qui en sont très voisines, et une seule ouverturea pu leur livrer passage, celle par laquelle sort aujourd’hui le Rhin. Cette conclusion est confirmée par la présence d’un grand nombre de cailloux qui sont certainement alpins, et par cette cir- constance remarquable que la surface du dépôt va en se relevant de tout côté, vers un point situé un peu à l’est de Bettlach et dont l’altitude est de 55û mètres (1). En outre, ce point culminant du cône formé par les matières de transport est précisément sur la ligne qu’a dû suivre autrefois le courant diluvien qui les a char- riées (2). La seconde zone du terrain de transport diffère de la précédente par l’absence à peu près complète des cailloux roulés et le grand développement de l’assise supérieure, formée exclusivement de marne et de sable fin. Cette assise, qui ne dépasse pas 2 mètres (1) Voyez la carte de l’état-major, feuille n° 115. (2) C’est ce que prouve un examen attentif des lieux. Le Rhin ne débouche pas des montagnes à Bâle même, mais un peu plus haut, au village de Kaiser-Augst. En cet endroit, la direction de la gorge est du nord-est au sud-ouest. Par conséquent, le puissant courant dilu- vien qui en sortait autrefois devait se porter, en vertu de la vitesse acquise, contre les montagnes du Jura et en suivre le contour. Le pied escarpé de ces montagnes était d’ailleurs très propre à l’y fixer. Il n’est donc pas étonnant que les matières charriées par ce courant aient passé sur le point où est aujourd’hui le village de Bettlach, et que de là elles aient pu être entraînées jusqu’aux environs de Por- rentruy. L’observation révèle une autre particularité ; c’est qu’après le dépôt de ces matières de transport une branche du Rhin les a tra- versées et s’y est creusé un lit. En effet, il n’y a aucune proportion entre la largeur et la profondeur de la vallée de 1’ 111 au-dessus d’Altkirchet la faible étendue du bassin de réception de ce cours d’eau dans le Jura. Il est plus évident encore que la large excavation où se trouve Leymen, Benken et d’autres villages, et qui, à partir d’Oltin- gen, fait communiquer la vallée de 1111 avec celle du Rhin, n’a pas été creusée par le ruisseau insignifiant nommé la Busich. On doit en conclure qu’à l’époque où le terrain de transport de Sundgau obstruait encore l’entrée de la vallée du Rhin à Kaiser-Augst, une branche de ce fleuve, coulant à 150 mètres au-dessus de son niveau actuel, suivait le pied du Jura jusqu’à Oltingen, et descendait ensuite par la vallée de 1111. Ce courant se divisait même en plusieurs autres ; de là ces vallons de 50, 60 et même 100 mètres de profondeur qui dé- coupent la surface du pays. NOTE DE M, GRAS. 165 d’épaisseur au pied du Jura, atteint ici près de Dornacli, de Lut- terbach et sur quelques autres points voisins du canal de naviga- tion, une puissance de 10, 12 et même 15 mètres. Elle consiste en une marne fine, limoneuse, de couleur grise en général, assez co- hérente pour qu’elle puisse être taillée à pic. Dans certaines loca- lités, on y a creusé des caves. L’analyse prouve qu’elle est un mé- lange intime d’argile ^.e sable fin et de carbonate de chaux en pro- portions variables. Les molécules calcaires se sont quelquefois réunies et forment dans son sein des concrétions arrondies, creuses à l’intérieur. Sa masse est en général parfaitement homogène; ce n’est que par exception qu’on y trouve çà et là quelques quartzites isolés. H y a donc une espèce d’indépendance de gisement entre la formation caillouteuse, située à la base du terrain de transport, et la marne limoneuse qui la recouvre. Néanmoins, comme il y a toujours entre elles une liaison intime lorsqu’elles sont réunies, nous ne croyons pas qu’on puisse les séparer géologiquement. 11 arrive bien souvent de nos jours qu’un cours d’eau torrentiel aban- donne ici des cailloux, là du limon pur ; ces dépôts sont bien dis- tincts, quelquefois même situés à une grande distance l’un de l’au- tre, et cependant ils sont rigoureusement contemporains. L’assise limoneuse, dont nous venons d’indiquer le grand développement dans le voisinage du canal du Rhône au Rhin, a été généralement appelée le Jim . Cette expression est parfaitement juste, si elle est prise dans un sens purement minéralogique ; elle est au contraire impropre, si avec nous on lui donne une acception géognostique, car on l’a appliquée à une autre formation limoneuse d’un âge différent, qui couvre presque toute la plaine du Rhin, entre Mul- house et Strasbourg. Afin d’éviter une confusion fâcheuse, nous ne donnerons le nom de lehm qu’à ce dernier dépôt. La troisième zone du terrain de transport, ou la plus voisine des Vosges, rappelle tout à fait par son aspect et sa constitution géné- rale celle qui s’appuie contre le Jura. On voit reparaître l’assise argilo- caillouteuse colorée en jaune par l’oxyde de fer. Au-dessus, il y a une épaisseur plus ou moins grande de limon sans gravier. La surface non dénudée de ces matières se relève fortement vers le pied des montagnes. Ainsi, son altitude qui ne surpasse pas 300 mètres à Burlmaupt, atteint à79 mètres au signal de Roderen, situé à 7 kilomètres vers le nord-ouest. En un mot, ce côté du Sundgau paraît en tout semblable au côté opp sé, sauf cependant cette différence essentielle qu’ici les cailloux, au lieu d’être d’ori- gine alpine, viennent des Vosges. La puissance du terrain de trans- port est aussi moindre. En examinant de près les cailloux qui en- 166 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE J 857. trent dans sa composition , on reconnaît que les uns sont descendus par la vallée de la Thur, les autres par celle de la Doller. En se rapprochant de la première valiée, on trouve enfouis dans le sol un grand nombre de cailloux granitiques provenant probablement des environs de Rotlienbach, des mélaphyres à pâte brune et à grands cristaux de feldspath, des porphyres bruns rougeâtres et quelques autres roches que l’on trouve en fdace dans le bassin de la Thur. Si l’on se place en face du débouché de la Doller, à Soppe-le-Haut, on rencontre principalement des quartzites vos- giens avec cristaux de quartz hyalin, beaucoup de mélaphyres, des porphyres bruns quartzifères, des grauwackes et des schistes argileux métamorphisés des environs de Massevaux , enfinquelques grès rougeâtres, lie limon sableux qui recouvre ces cailloux est lui- même d’origine vosgienne, car il est privé de carbonate de chaux, tandis que celui qui vient des Alpes en contient toujours. Des trois zones du terrain de transport que nous venons de dis- tinguer, la plus importante à beaucoup près par son épaisseur et son étendue est celle du sud-est. Nous allons y revenir afin de compléter sa description par quelques nouveaux détails. La puis- sance de ce terrain observée au Dokenberg, colline située à 5 ki- lomètres sud-ouest d’Altkirch, a été évaluée par M. Daubrée (1) à 50 mètres. Cette puissance augmente de plus en plus lorsqu’on remonte la vallée de l’Ill, et, aux environs deBettlach, elle sur- passe certainement 150 mètres. Cette accumulation considérable de débris caillouteux est en rapport avec l’origine que nous leur avons assignée. Des alluvions quaternaires venues des Alpes et charriées par le Rhin devaient l’emporter de beaucoup sur celles des cours d’eau des Vosges. Le trait le plus caractérisque de l’assise inférieure de ces alluvions est, d’une part, l’absence complète ou la rareté extrême des cailloux calcaires qui manquent même au pied du Jura, et, d’autre part, sa coloration habituelle par de l’oxyde de fer. Cette substance y forme quelquefois des concrétions irrégulières, assez nombreuses et assez pures pour servir de minerai, comme à Courtavon près de Porrentruy où elles ont été exploi- tées. On en voit beaucoup aussi dans les bois du Dokenberg. On peut vérifier facilement tout ce cjue nous avons dit de la composi- tion de ce terrain, en examinant les dénudations que présente quelquefois le flanc escarpé des vallées, ou mieux encore les exca- vations profondes de plusieurs mètres qui ont été pratiquées dans le pays pour l’exploitation du gravier. Nous en citerons trois par- lai) Bulletin de la Société géologique, t. V, p. 4 66, 2e série. NOTE DE M. GRAS. 1 57 tieulièrement: une à 1400 mètres de Werentzhausen, sur la route de Bâle, en face de la borne n° 21 ; une autre à l’est d’Altkirch, d’où l’on a tiré en partie le balast nécessaire pour le chemin de fer; enfin, une troisième, à 400 mètres au sud d’Altkirch, sur la droite de la route qui conduit à Hirtzbach (1). Dans cette dernière carrière, ouverte pour l’extraction de la terre à briques, on voit parfaitement le contact de la marne bleue tertiaire et des cailloux roulés qui y sont superposés. La ligne de séparation est très nette et sinueuse ; il est évident qu’entre les deux dépôts il y a eu une époque de dénudation. M. Daubrée (2) a donné une coupe des environs de Buhdsbach où l’on voit également la formation cail- louteuse reposer sur la mollasse sans lui être liée. Dans cette loca- lité, les cailloux roulés forment des amas lenticulaires dans le limon ocreux. Cette disposition ne nous a pas paru être la plus fréquente ; presque toujours leur dissémination est confuse et à peu près uni- forme. En résumé, en faisant abstraction des couches tertiaires presque jamais apparentes dans le Sundgau, le sol de cette contrée est formé d’un puissant terrain argilo-caillouteux, dont la partie sud- est est descendue des Alpes par la vallée du Rhin, et la partie nord-ouest des Vosges par les vallées de la Tliur et de la Doller. Cette double origine est indiquée à la fois par la différence de na- ture minéralogique des cailloux roulés et par les pentes opposées du sol de transport qui, de chaque côté, se relève vers la région montagneuse d’où il est sorti ; sa disposition est exactement semblable à celle des alluvions que les torrents de l’époque ac- tuelle déposent au débouché de leurs gorges, et que l’on nomme lits de déjection. Ce terrain se divise naturellement en deux as- sises, l’une exclusivementargilo-sableuse, l’autre renfermant beau- coup de cailloux. La liaison intime qui existe entre elles, lors- qu’elles sont réunies, doit les faire considérer comme appartenant à la même époque géologique, quoique dans certains lieux elles soient isolées l’une de l’autre. L’assise caillouteuse du côté des Al- pes est caractérisée par la prédominance des quartzites et par une teinte ocreuse à peu près générale. La coloration par l’oxyde de fer existe également du côté opposé. C’est ici le lieu de faire remarquer que la Thur et la Doller ne sont pas les seules rivières qui descendent de la chaîne des Vosges. IL en est plusieurs autres, telles que la Bruche, le Zorn et la Mo- (4) Voyez la coupe n° 4. (2) Loc. cit ., p. 4 66- 168 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. der dans le Bas-Rhin, qui leur sont entièrement comparables. Il est donc naturel de considérer les alluvions anciennes de ces di- verses rivières comme ayant été toutes déposées à la même époque et étant par conséquent du même âge que le terrain de transport du Sundgau. Nous verrons plus tard que ce rapprochement est pleinement confirmé par les observations stratigraphiques. Il est temps de considérer notre seconde région, savoir la partie plane de la vallée du Rhin. C’est, comme nous l’avons dit, un vaste plan incliné qui est limité au sud par les collines du Sundgau et qui de là s’étend au loin du côté du nord. On peut facilement étudier sa constitution géologique entre Bâle et Mulhouse à l’aide des excavations assez nombreuses qui ont été pratiquées pour l’ex- traction du gravier, ou bien en examinant les berges quelquefois dénudées des terrasses qui bordent le Rhin. Cette étude fait décou- vrir l’existence de deux nouveaux terrains de transport, l’un ar- gilo-sableux et superficiel , l’autre essentiellement caillouteux et très puissant. Nous commencerons notre description par ce der- nier, qui est le plus ancien. Ce terrain est caractérisé par son gisement: d’un côté, il s’en- fonce sous les alluvions modernes ; de l’autre, il s’élève, à très peu près, jusqu'au niveau delà plaine supérieure. Son épaisseur appa- rente est par conséquent d’environ 20 mètres; en réalité, il est beaucoup plus puissant, car les puits les plus profonds, pratiqués même au niveau des alluvions récentes, n’ont pu le traverser en- tièrement. Il a été appelé gravier ancien clu Rhin , par M. üau- brée (1), parce qu’il est formé de cailloux en grande partie sem- blables à ceux que ce fleuve charrie de nos jours. Ces cailloux, pris dans leur ensemble, appartiennent aux espèces suivantes: quartzites blancs ou légèrement j aunâtres à l’extérieur, à cassure grenue ou esquilleuse comme ceux des Alpes; calcaires compactes d’un bleu presque noir, également propres aux formations alpines ; jaspes rouges, jaunes, quelquefois noirs et schistoïdes, avec veines de quartz blanc ; porphyres rouges, à grands cristaux de feldspath ; granités souvent colorés comme ceux des Vosges et de la Forêt- Noire ; enfin, protogines des Alpes. Parmi ces cailloux, les plus abondants appartiennent aux roches quartzeuses de diverses cou- leurs et aux calcaires bleu foncé ; ils forment à eux seuls plus des trois quarts de la niasse. Après, viennent les porphyres rouges, les granités et les protogines. Indépendamment de ces diverses roches, on en trouve plusieurs autres qui ne sont en quelque sorte qu’ac- (1) Dcsci ijjtinn géologique du Bas-Rhin, p. 235. NOTE DE M. GRAS. 469 cidentelles : ce sont des diorites, des amphibolites, des euphotides, des porphyres verts alpins, des épidotes compactes, des basaltes venant du terrain volcanique du Kaisersthul, enfin des calcaires gris clair, quelquefois pétris de fossiles et originaires du Jura (1). Ces cailloux, de nature si variée, sont disséminés dans un sable gris clair, toujours fortement effervescent avec les acides; sans former de couches suivies, ils alternent sur certains points avec des lits irréguliers de sable presque pur, ainsi que cela s’observe dans la plupart des dépôts caillouteux ; ils passent quelquefois à un pou- dingue solide, résultant de l’agglutination des galets par un ci- ment calcaire d’une date probablement postérieure au dépôt. M. Daubrée (2) cite un poudingue de cette nature à Billingen, sur la rive droite du Rhin ; il est assez cohérent pour former une cor- niche de 10 mètres de hauteur et 3m,50 de saillie que le fleuve bat en brèche. Un peu plus haut, à Rheinwiller, le même terrain re- pose visiblement sur la mollasse dont la surface paraît avoir été inégalement labourée. Il nous reste à ajouter que le gravier rhénan se relève vers les Alpes, suivant une pente bien supérieure à celle du fond de la vallée. Ainsi, à Neubrisach, il est au niveau des al- luvions récentes, et à Binningen, prèsde Baie, il atteint 60à 70 mè- tres au-dessus du fleuve. Le gravier ancien du Rhin occupe une grande étendue dans la vallée où il n’est recouvert que par une couche mince de marne sablonneuse. On peut le suivre notamment jusqu’au pied des buttes, en général escarpées, qui limitent au sud la plaine entre Mulhouse et Bâle, et là on reconnaît avec évidence que sur plusieurs points il est recouvert par la formation ferrugineuse à quartzites alpins du Sundgau. Cette superposition importante est très nette près de l’extrémité S.-E. du village de Bartenheim, en face de l’église (3). En cet endroit, à gauche d’un petit chemin (1) Ces divers cailloux, ainsi que le fait observer M. Daubrée ( loc . cit ., p. 236), sont pour la plupart d’origine alpine ; quelques-uns seulement proviennent des montagnes environnantes. Il est vraisem- blable que l’on verrait ces derniers augmenter en nombre et finir par devenir dominants, si l’on pouvait les suivre souterrainement jusque vers l’entrée des vallées des Vosges ou de la Forêt-Noire ; en d’autres termes, nous croyons qu’il existe dans les profondeurs de ces vallées un diluvium local, parallèle au gravier ancien du Rhin et se mêlant peu à peu avec lui. (2) Observations sur les allimons anciennes et modernes d’une partie du bassin duRhin [Bull, delà Soc. geol. , 2e sér., t. VII 9 p. 436). (3) Voyez notre coupe n° 3. 170 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. qui conduit sur le plateau, on aperçoit un escarpement de 6 à 7 mètres de haut, formé à sa base d’un poudingue assez solide pour servir de toit à une grotte de quelques mètres carrés de superficie. Ce poudingue, composé principalement de calcaires et de quartzites alpins avec des jaspes de diverses couleurs et quelques granités, n’est autre chose qu’un affleurement du gravier du Rhin, qui de là s’étend au nord jusque sur les bords du fleuve, où il disparaît sous les alluvions récentes, il suffirait de creuser dans cette direction un sillon de 50 à 60 centimètres de profondeur pour mettre eu évidence cette continuité qui n’est pas douteuse. Sur le poudingue ayant de 3“,00 à 3m,50 de hauteur, repose un mélange incohérent d’argile ocreuse,de sable siliceux et de quart- zites et, au-dessus, une couche de sable argileux. La puissance de cette formation essentiellement siliceuse n’est d’abord que de 3 à U mètres, mais elle augmente rapidement à mesure que l’on marche vers le sud. C’est évidemment l’extrémité septentrionale du diluvium déjà décrit qui occupe tout le sud-est du Sundgau. L’affleurement du poudingue se prolonge vers le N. -O., derrière le village de Bartenheim, jusqu’à une distance de 600 à 700 mètres, et sur toute cette longueur on voit encore très clairement qu’il sert de base à la formation à quartzites réduite souvent à son assise supérieure. On observe le même fait par intervalles vers le sud- est, entre Bartenheim et Bourgfelden, et plus loin à Biningen près de Bâle. Il est donc certain que le gravier rhénan est plus ancien que le diluvium à quartzites du Sundgau. Il existe d’ail- leurs entre ces deux terrains des différences constantes de compo- sition minéralogique qui ne permettent pas de les confondre. Le premier renferme toujours une forte proportion de sable et de cailloux calcaires, tandis qu’il n’y en a pas dans le second. L’un, contenant peu d’oxyde de fer, est habituellement d’une teinte claire, l’autre est constamment ocreux. L’altération des cailloux est assez rare dans le gravier rhénan, tandis qu’elle est très fré- quente dans celui du Sundgau. La remarque en a été faite depuis longtemps par M. Yoltz (1) Enfin, suivant M. Daubrée (2), l’un de ces dépôts donne au lavage des lamelles d’or et des grains de fer titané, et l’autre n’en renferme pas. Le second terrain de transport de la plaine du Rhin consiste en une couche argilo-sableuse tout à fait superficielle, dont l’épaisseur (1 ) Topographie minéralogique de /’ Alsace, p. 38. (2) Bull, de la Soc. géol ., 2e sér., t. V, p. 167. NOTE DE M. GKAS. 171 est en générai au-dessous de 1 mètre entre Bâle et Mulhouse (1). Elle recouvre indifféremment les deux terrasses que nous avons indiquées au-dessous de Bâle ; d’où l’on doit conclure qu’elle a alterné avec les érosions successives auxquelles sont dues ces ter- rasses. On remarque qu’elle est souvent ocreuse à sa partie infé- rieure, où se trouvent des cailloux quartzeux d’origine alpine, pour la plupart de petites dimensions; vers le haut, elle se décolore et passe à une marne sablonneuse, pure de gravier, de couleur légèrement jaunâtre, qui depuis longtemps est appelée lehm . Nous lui conserverons ce nom déjà consacré par l’usage. Par son aspect et sa composition minéralogique, ce lehm rappelle complètement l’assise supérieure, également argilo-sableuse, du terrain de trans- port (lu Sundgau. Cependant il y a entre ces deux dépôts une différence d’âge qui est manifeste. L’un est postérieur à la grande dénudation du gravier rhénan qui a donné à la plaine sa forme actuelle; l’autre est antérieur à cette dénudation et contemporain de la formation à quartzites qui constitue les plateaux situés au sud. Leur séparation a été nettement indiquée sur la carte géolo- gique de la France (2). M. Voltz les a également distingués dans une excellente carte géognostique du Haut-Rhin, qui a été jointe à une statistique générale de ce département (3). Enfin M. Mérian, dans son Coïip ‘d’œil sur les formations géologiques des environs de Bâle (à), ouvrage déjà ancien et cependant toujours estimé, ne les a pas non plus confondus (5). La plaine comprise entre 1111 et la plaine basse ou Rieth, où coule le Rhin, est entièrement couverte par la couche marno-sableuse dont nous venons de parler. Elle y présente une grande uniformité, sauf que la proportion du gravier (1) L’épaisseur de ce dépôt et de celui qui lui correspond dans la vallée du Rhône n’aurait pas été sensible dans nos coupes, si nous ne l’avions beaucoup exagérée. (2) Sur cette carte, le terrain superficiel du Sundgau est désigné par la lettre P et-le lehm de la plaine du Rhin par la lettre a. (3) Statistique générale du département du Haut-Rhin, par Achille PenoL Mulhouse, 1831. (4) Uebersicht der Beschaffenheit der Gebirgsbildunge/i in den umgebungeh von Basel. Basel, 18 21. (5) Cette distinction ne doit pas être faite seulement aux environs de Bâle et de Mulhouse. Nous croyons qu’il existe ailleurs, dans la vallée du Rhin et hors de cette vallée, des dépôts argileux correspon- dant à celui du Sundgau, et que l’on a confondus avec le lehm de la plaine, à cause de l’identité des caractères minéralogiques; c’est ce qui explique les variations énormes d’épaisseur et d’altitude que l’on a attribuées à cette dernière formation. 172 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. qu’elle renferme est variable. Cette proportion est souvent assez considérable pour rendre le sol impropre à la culture; de là l’ existence de la vaste forêt qui, sous le nom de Hart-BFald^ occupe une étendue de 75 à 80 kilomètres carrés sur la rive gauche du fleuve. Si l’on franchit l’Ill pour se rapprocher des Vosges, on observe, quand on est arrivé dans les bois de Nonnenbruch, que le lelim change de nature, en conservant le même aspect et en diminuant seulement d’épaisseur. C’est toujours une couche argilo-sableuse superficielle, caillouteuse à sa partie inférieure, mais les cailloux proviennent évidemment des montagnes voisines; il en est de même du sable argileux qui ne renferme pas de carbonate de chaux. Ce lehm vosgien constitue le sol de la forêt de Nonnenbruch et de là s’étend sur toute la surface de la vaste plaine nommée Ociisenfeld, située entre Lutterbacli, Cernay, Thann et Aspach. Par son gisement, il correspond exactement au lehm alpin auquel il succède; il en est évidemment contemporain. Il résulte de là que le terrain le plus superficiel de la plaine du Rhin est, comme celui du Sundgau, originaire des Alpes du côté de l’est et des Vosges à l’ouest, la partie alpine étant, comme on devait s’y attendre, la plus puissante et la plus étendue. L’épaisseur du lehm alpin, très peu considérable entre Baie et Mulhouse, paraît augmenter successivement à mesure que l’on s’avance vers le nord ; aux environs de Strasbourg, elle atteint plusieurs mètres. M. Daubrée (1) a remarqué qu’au pied des montagnes, sur une largeur de 2 à 3 kilomètres, cette formation passait ordinairement à un dépôt de transport composé de matières originaires du pays. Ainsi, le long de la chaîne des Vosges, le lehm est formé de débris de granité, de quartz, de grès vosgien, de schiste argileux de transition ou de calcaire jurassique, suivant la constitution minéralogique des chaînes adjacentes. Ce fait con- firme pleinement le parallélisme que nous avons établi plus haut entre le lehm vosgien et le lehm alpin des bords de 1’ 111. Nous rappellerons que c’est dans ce dépôt, et principalement à sa base, que l’on a trouvé la plupart des ossements fossiles des terrains quaternaires de l’Alsace. Ces ossements ont été rapportés aux espèces suivantes : Elephas primigenius , Rhinocéros tichorhimis , Equus caballus jossilis, Cenus euryceros , Bas priscus, Bos primige- nius, Hyœna spclœa , etc. La plupart des localités où on les a (1) Description géologique du Bas-Rhin , p. 221 . NOTE DE M. GRAS. 173 découverts ont été indiquées par M. Voltz (1). Le lehm renferme aussi des coquilles terrestres, quelquefois en grande abondance. M. Daubrée en a compté plus de cent individus dans un seul décimètre cube pris à Schiltigheim. Ces coquilles sont pour la plupart identiques avec celles qui vivent de nos jours, mais presque toutes appartiennent à des espèces que l'on trouve dans les régions froides et humides des Alpes jusqu’à la limite des neiges perpé- tuelles. Celles qui habitent aujourd’hui les parties chaudes de la vallée manquent complètement (2). Nous avons dit plus haut que lesalluvions anciennes de la Thur et de la Doller qui constituent la partie N. -O. du Sundgau éta- blissaient une liaison d’àge entre le terrain de transport de cette contrée et les dépôts diluviens d’autres rivières descendant égale- ment des Yosges, comme la Bruche, la Zorn et la Aioder. S’il en est ainsi, comme le diluvium du Sundgau a été formé après le gravier rhénan et avant le lehm, il faut qu’il en soit de même des divers diluvium vosgiens : c’est précisément ce qu’indique l’observation. La superposition du lehm sur le sable et les cailloux originaires des Yosges et de ceux-ci sur le gravier ancien du Rhin a été constatée sur plusieurs points en Alsace (3). Les puits que l’on creuse journellement à Schiltigheim, près de Strasbourg, tra- versent d’abord une couche de lehm alpin de plusieurs mètres ; puis du gravier vosgien, dont l’épaisseur varie de 0m,50 à 1UÎ,60 ; plus bas, on rencontre le gravier rhénan, dont la puissance est inconnue. On remarque une séparation nette entre ces trois dépôts. Des entailles faites le long de la Zorn, entre Krautvviller et Hoch- felden, et de l’Ill, près de Geispolsheim, ont également mis en évidence la superposition du lehm sur les alluvions anciennes des Vosges. On peut, sans sortir du département du Haut-Rhin, observer sur les bords de Fl 11, à Sausheim, une coupe semblable à celle des puits de Schiltigheim ; elle nous a été indiquée par M. Kœcblin- Schlumberger. Cette coupe (A) montre à sa base le gravier ancien (1) Topographie minéralogique de V Alsace, p. 64. (2) Nous renvoyons pour plus de détails sur les caractères paléon- tologiques du lehm aux travaux de MM. Braun, Walchner et Lyell, en partie analysés par M. Daubrée [Description géologique du Bas-Rhin p. 21 9), par M. Collomb [Bull, de la Soc. géol., 2e sér., t. VI, p. 433 j et par M. d’Àrchiac [Histoire des progrès de la géologie, t. II, p. 178) (3) Daubrée [Description géologique du Bas-Rhin, p. 235etsuiv V E. Collomb [Bull, de la Soc. géol. t 2e sér., t. VIII, p. 74 etsuiv.j. ' (4) Voyez la figure 0. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. m du Rhin d’une puissance indéterminée, passant d’un côté sous !es alluvions récentes de i’ III et de l’autre sous une couche de 0m,30 à OVtO de gravier vosgien, qui est elle-même recouverte par Qm,80 à lu\00 de lehm d’origine alpine formant la surface du sol. La couche de cailloux vosgiens, composée à peu près exclusivement de mélaphyres, de granités syénitiques et de jaspe rouge, est évi- demment l’extrémité amincie du terrain de même nature qui constitue le côté N. -O. du Sundgau, et que l’on rencontre notam- ment sur les bords de la Thur et dans toute la plaine de l’Ochsen- feld. lia dans cette plaine une épaisseur assez considérable pour qu’un puits de 7 mètres, creusé à l’asile agricole de Cernay, ne l’ait pas traversé entièrement. Quoique réduit à une couche mince sur les bords de FUI, il est néanmoins nettement séparé, soit du lehm alpin, soit du gravier rhénan, entre lesquels il est intercalé; il s’en distingue par des cailloux d’une nature toute différente et d’une forme bien moins arrondie (1). Nous devons ajouter qu’aux environs de Baie et sur la rive droite du Rhin les alluvions anciennes originaires de la Forêt- JNoire ou du Jura présentent les mêmes relations géologiques que celles venues des Vosges. Ainsi, à Oos, près de Baden-Baden, on observe au débouché d’une vallée latérale un dépôt de cailloux provenant des montagnes voisines, superposé à du gravier alpin ; le tout est recouvert par une masse de 10 à 12 mètres de lehm (2). Non loin de Bâle, la Byrse présente des terrasses entièrement formées de débris jurassiques. Leur superposition sur le gravier des Alpes est évidente partout où la ligne de contact est visible. Il en est de même des cailloux descendus de la Forêt-Noire, qui composent les alluvions anciennes de la Wiese, de l’autre côté du Rhin (3). On doit conclure de là que tous les cours d’eau un peu consi- dérables qui débouchent aujourd’hui dans la plaine de l’Alsace, les uns du côté de l’est, les autres du côté de l’ouest, ont donné lieu à des dépôts diluviens distincts du lehm alpin et du gravier (1) Cette coupe prouve en même temps l’indépendance géologique du lehm alpin qui, après avoir recouvert le gravier rhénan, s’étend transgressivement sur le diluvium des Vosges; elle détruit par consé- quent d’avance la supposition que l’on pourrait faire qu’entre Bâle et Mulhouse cette couche mince de lehm n’est pas distincte du gravier du Rhin. (2) E. Collomb, loc. cit p. 75. (3) Daubrée, Bull, de la Soc. géol ., 2e sér., t. VII, p. 439. HOTE DE M. GRAS. 175 rhénan et intercalés entre deux. Si à ce fait on joint celui de l’analogie complète qu’offrent entre eux tous ces dépôts, y compris ceux du Sundgau, par leur relèvement sensible vers les montagnes dont ils sont originaires, et par leur élargissement en forme de delta (1) à l’issue des vallées par lesquelles ils sont sortis, il ne restera aucun doute sur la simultanéité de leur formation. Indépendamment des terrains de transport du Sundgau et de la plaine du Rhin décrits ci-dessus, il existe en Alsace des dépôts quaternaires d’un caractère différent, qui sont très remarquables et que l’on ne peut bien observer qu’en pénétrant plus ou moins dans l’intérieur des vallées des Vosges. Ils ont depuis longtemps été signalés par divers observateurs et particulièrement par M. E. Collomb (2), qui les a attribués à d’anciens glaciers dont il n’existe plus aujourd’hui aucune trace dans le pays. Nous avons visité ceux de ces dépôts que l’on rencontre dans la vallée de la Thur, principalement à Wesserling, où ils sont bien développés. Les établissements industriels, qui composent en grande partie ce village, sont bâtis sur un énorme amas de débris dont la configu- ration à l’extérieur est celle d’une digue transversale, légèrement convexe vers l’aval et bombée à son milieu. On y distingue assez bien trois zones concentriques. En l’examinant à l’intérieur, à l’aide de quelques coupures, on y observe un entassement confus, sans indices de stratification, de sable, de cailloux, de gros blocs les uns anguleux, les autres arrondis, usés ou striés. La forme de cet amas caillouteux et sa structure intérieure démontrent son origine glaciaire. C’est une moraine bien caractérisée; nous ne croyons pas qu’il puisse y avoir le moindre doute à cet égard. Les roches qui la composent consistent principalement en granité des Vosges à feldspath blanc et rougeâtre, en grauwacke et en schiste argileux. Ces matières ayant fermé autrefois complètement la vallée dont la largeur est ici de 700 à 800 mètres, il en est résulté en amont un lac dont les contours sont encore parfaitement visibles. Ses eaux se sont ensuite frayé un passage au travers de ce barrage par une érosion qui paraît avoir été graduelle. Entre Wesserling et le village de Saint -Amarin, la vallée présente une surface unie parsemée d’un assez grand nombre de blocs erratiques (1) Daubrée, Inc. cit . , p. 440. (2) Preuves de l’existence d'anciens glaciers dans les vallées des Vosges , 1 847, et diverses notes dans les tomes II, III et IV du Bull . de la Soc. géol%, 2° sér. Voy. aussi les travaux de MM Daubrée, Renoir, Leblanc et plusieurs mémoires de M. Hogard. 176 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. superficiels que nous croyons contemporains de la moraine. On peut expliquer leur dispersion en admettant que l’ancien glacier n’a fait jusqu’à Saint-Amarin et au delà qu’une excursion tempo- raire, pendant laquelle il a charrié çà et là quelques blocs, tandis que sa limite inférieure ayant coïncidé pendant longtemps avec l’emplacement actuel de Wesserling, il a pu y former un dépôt considérable. Nous n’entrerons pas dans plus de détails sur ces amas de débris glaciaires et nous ne parlerons pas des rochers polis et striés que l’on rencontre souvent dans leur voisinage, parce qu’ils ont déjà été décrits avec beaucoup de soin et d’étendue; nous nous occuperons seulement de leur âge relativement aux autres dépôts quaternaires de la vallée du Rhin. Cet âge est indiqué avec préci- sion parle gisement des blocs erratiques superficiels répandus entre Wesserling et Saint-Amarin. Le sol de la vallée entre ces deux villages est formé d’une couche d’argile sableuse de quelques décimètres d’épaisseur que l’on peut suivre d’une manière continue depuis Wesserling jusqu’à Tliann; là, elle s’élargit beaucoup et s’étend sur toute la surface de la plaine de l’Ochsenfeld. Elle n’est autre chose que le lelim vosgien, dont nous avons montré plus haut le parallélisme avec le lehm alpin et qui se confond avec lui dans les bois de Nonnenbrucli. Ce lehm est certainement antérieur aux blocs erratiques superficiels qui le recouvrent et qui n’ont avec lui aucune liaison; d’un autre côté, il est, comme on l’a vu, le plus récent des terrains de la vallée. Il en résulte nécessaire- ment que les blocs erratiques sont postérieurs à tous les autres dépôts quaternaires. Cette conclusion est encore confirmée par cette circonstance que, lors de leur transport, la vallée avait exac- tement la forme qu’elle a aujourd’hui, sauf les barrages produits par l'amoncellement des débris glaciaires et les érosions que ceux-ci ont éprouvées. La plupart des dépôts erratiques répandus dans les vallées des Vosges ayant le même gisement et paraissant contemporains, la détermination que nous venons de faire de l’âge des blocs des environs de Saint-Amarin leur est applicable. Pour compléter la série des faits que présente la période qua- ternaire dans l’Alsace, il nous reste à faire remarquer que, tout à fait au commencement de cette période, il y a eu certainement une époque d’érosion dans la contrée. La grande vallée qui sépare les Vosges des montagnes de la Forêt-Noire est, comme on le sait, très ancienne, car depuis son origine il s’y est déposé successive- ment un grand nombre de formations à partir du trias inclusive- ment. Les terrains tertiaires, et particulièrement ceux qui consti- tuent l’étage moyen et le supérieur, paraissent l’avoir comblée NOTE DE M. CHAS. 177 jusqu’à un niveau assez élevé. On les observe en effet en couches le plus souvent horizontales, couvrant le pied des montagnes et atteignant une hauteur moyenne de 150 mètres au-dessus du Rhin. Vers le milieu de la vallée, ces terrains manquent complètement, même à une grande profondeur. Un puits de 30 mètres, creusé dans la plaine à Mulhouse, à une très petite distance des collines tertiaires, n’a pu traverser entièrement le gravier ancien du Rhin. Il en a été de même d’un autre puits de à8 mètres, entrepris à Strasbourg en 1831. On doit en conclure qu’avant le dépôt du gravier rhénan, la vallée avait été creusée dans le sein des roches tertiaires jusqu'à une grande profondeur. Cela est confirmé par les traces manifestes d’érosion que présente la mollasse partout où l’on peut voir son contact avec des formations plus récentes. Le relief des montagnes voisines a éprouvé aussi des changements considérables, qui ont probablement précédé immédiatement la dénudation dont nous venons de parler. Si l’on examine sur une carte géologique la partie du Jura, comprise entre le Sundgau. et Soleure, on y remarque un assez grand nombre de petits bassins tertiaires allongés dans le sens de la direction de la chaîne, c’est- à-dire dirigés à peu près vers le nord-62°-est. Ce sont des vallées longitudinales dont le fond a été rempli par des couches tertiaires de l’étage moyen et de l’étage supérieur ; quelquefois la série de ces dépôts est complète, comme dans le val de Delémont, où ils ont été étudiés avec soin par M. le docteur Grépin (1). Leur res- semblance avec les terrains du même âge dans la plaine doit faire admettre qu’ils ont été déposés dans le sein d’une même nappe d’eau; que, par conséquent, les vallées longitudinales du Jura étaient alors à un niveau beaucoup plus bas qu’aujourd’hui et qu’elles communiquaient par leurs cluses ou vallons transversaux, d’une part avec l’Alsace et de l’autre avec la grande vallée suisse. Les soulèvements qui ont mis fin à cet ordre de choses ont suivi à peu près la direction de ces petits bassins méditerranéens qui ont été peu déformés dans le sens horizontal, mais portés à des hau- teurs très inégales. Ainsi, dans le val de Delémont on observe, au- dessus de la mollasse marine, des cailloux et des poudingues d’eau douce tertiaires et d’origine vosgienne , qui atteignent jusqu’à 800 mètres d’altitude. Les terrains tertiaires de l’Alsace, le long de la chaîne des Vosges, présentent aussi des traces de dislocations que nous rapportons à la même époque. (1) Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles , 4 854, Zurich. Soc. géol., 2e série, tome XV. 12 178 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. Si nous faisons maintenant une récapitulation générale des phé- nomènes et des dépôts quaternaires dans la vallée du Rhin, et si nous les rangeons par ordre chronologique, nous avons la série suivante : 1° Des dislocations qui ont affecté surtout le Jura de Soleure et des érosions qui ont approfondi la vallée, en la creusant dans le sein des roches tertiaires ; 2° Le remplissage des profondeurs de la vallée par un puissant terrain de transport composé de cailloux, la plupart originaires des Alpes, les autres descendus des montagnes environnantes; 3° L’arrivée de plusieurs diluviums distincts entre eux, débou- chant par les diverses vallées qui font communiquer l’Alsace avec l’intérieur des Vosges, de la Forêt-Noire, du Jura et des Alpes, le plus important de ces diluviums étant celui du Sundgau, d’origine alpine ; U Des dénudations successives interrompues par intervalles, d’où sont résultées les terrasses, et finalement la configuration actuelle de la vallée du Rhin ; des dépôts limoneux ou lelim ayant alterné avec ces dénudations ; 5° Enfin, dans les vallées des Vosges, des moraines, des blocs erratiques et des stries que l’on ne peut attribuer qu’à d’anciens glaciers. Si nous comparons cette série à celle que nous avons fait con- naître pour la vallée du Rhône dans le Dauphiné, la correspon- dance de leurs termes se montre d’elle-même. Les dislocations et les érosions qui ont ouvert la période qua- ternaire dans l’Alsace ont eu lieu dans le Dauphiné à la même époque et par les mêmes causes. Le gravier ancien du Rhin rappelle complètement le diluvium inférieur des vallées du Rhône et de l’Isère. Le diluvium du Sundgau et ses équivalents représentent le diluvium de la Bresse et ceux des plateaux du Forez et du Beau- jolais. Le lehm rhénan doit être assimilé au lehm dauphinois, car leur gisement est exactement le même. Enfin les blocs erratiques des Vosges paraissent contemporains des blocs alpins répandus avec tant de profusion dans la plaine dauphinoise. Après ce coup d’œil sommaire, nous allons reprendre notre com- paraison, époque par époque, afin de faire ressortir avec quelques détails les ressemblances générales et, ce qui n’est pas moins ins- tructif, les différences locales que présentent les dépôts corres- NOTE DE M. GRAS. 179 pondants. Nous y joindrons quelques considérations théoriques. Première époque. Les érosions qui ont eu lieu tout à fait au commencement de la période quaternaire, d’un côté dans la vallée du Rhône, de l’autre dans celle du Rhin, par l’effet de courants descendus principalement des Alpes, présentent entre elles trop d’analogie pour ne pas être considérées comme ayant été simul - tanées et dues à une même cause générale. Cette cause nous paraît être un exhaussement notable de tout le pays au-dessus des mers, où s’étaient déposées les dernières couches tertiaires. La pente moyenne du sol ayant été ainsi considérablement augmentée, les anciennes vallées ont du s’approfondir et de nouvelles ont été creu- sées. L’exhaussement général du sol qui, certainement, s’est fait sentir bien au delà des vallées du Rhône et du Rhin, a été accom- pagné de dislocations dans divers lieux. Nous avons déjà parlé des soulèvements du Jura de Soleure. Nous allons dire quelques mots de ceux qui se sont manifestés dans le voisinage de la plaine dau phinoise. On les observe dans le groupe des montagnes de la Grande-Chartreuse et du Yillard-de-Lans , dont la direction moyenne paraît être le nord-22°-est. Ces montagnes renferment, comme celles du Jura, des vallées longitudinales remplies décou- ches tertiaires récentes, semblables à celles de la plaine, ce qui in- dique qu’elles étaient autrefois au même niveau. Nous citerons les vallées de Pommier, de Proveysieu et de Lans. La première se prolonge en se déformant par Monteau et Rencurei jusque dans le Vercors; les deux autres, aujourd’hui séparées par une coupure profonde et par de grandes différences d’altitude, ne faisaient avant la période quaternaire qu’un tout continu. On observe aux envi- rons de Monteau, à Pommier et ailleurs, immédiateinentau-dessus de la mollasse marine et en liaison intime avec elle, des poudin- gues d’eau douce, quelquefois lignitifères, probablement contem- porains des poudingues d’origine vosgienne du val de Delémont. Ces dépôts caillouteux ont été très disloqués et portés à des hau- teurs très inégales. C’est à la suite de ces mouvements du sol qu’a été ouverte la vallée transversale dans laquelle l’Isère coule au- jourd’hui de Grenoble à Voreppe. Deuxième époque. Pendant la deuxième époque, les courants qui descendaient des Alpes, au lieu de creuser le sol dans les vallées du Rhin et du Rhône, comme précédemment, y ont accumulé une quantité énorme de gravier. La puissance de ce dépôt atteint 600 mètres environ, sur certains points de la plaine dauphinoise • sa limite supérieure, dans la vallée du Rhin, est restée jusqu’à présent inconnue. La cause qui a déterminé la formation de ce 180 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. terrain parait avoir été exactement l’inverse de celle cjui avait donné lieu aux érosions. Les côtes, au lieu de s’élever, se sont abaissées, ce qui a produit la submersion du sol au pied des Al- pes (1). Cette submersion a été très probablement progressive ; c’est au moins ce qu’indiquent les observations suivantes. Le gra- vier ancien du Rb in ne se montre pas seulement près de Râle, an débouché de ce fleuve dans la plaine. On peut le suivre, à partir de là, dans toute l’étendue de l’Alsace et même au delà, sans qu’il offre d’autre changement qu’une diminution graduelle dans le vo- lume des cailloux originaires des Alpes. Ainsi, à Mannheim, leur grosseur n’excède pas en général celle d’une noisette. On remarque la même chose pour le Rhône. Si, en partant du Dauphiné, on descend le cours de ce fleuve jusqu’aux environs d’Avignon, on observe soit au-dessous des alluvions récentes, soit à une hauteur bien supérieure à celle des plus fortes crues, un gravier de couleur claire, composé principalement de calcaires et de quartzites des Alpes, mêlés d’une certaine proportion de cailloux venant des montagnes qui bordent la vallée (grès rougeâtres et arkoses du Forez, granités et gneiss de l’Ardèche très différents de ceux des Alpes, etc.). Cet ancien terrain de transport a la plus grande ana- logie avec le diluvium inférieur dauphinois, et se lie avec lui sans solution de continuité. Lorsqu’il s’élève au-dessus des alluvions modernes, il est recouvert ordinairement par des quartzites alpins d’une date plus récente, et correspondant soit au diluvium bressan, soit au lehm ; cette superposition se voit jusque dans la plaine de la Crau. La formation de ce gravier, qui paraît renfermer d’au - tant plus de roches des Alpes, qu’on remonte plus haut le cours du Rhône, et qui, à Lyon, finit par se confondre avec le diluvium (1) La grande altitude des collines de cailloux roulés, situées au pied des montagnes de la Grande-Chartreuse, semble indiquer que le maximum de hauteur atteint par les eaux a été considérable dans le Dauphiné et probablement aussi dans l’Alsace. En admettant que le plus grand froid ait commencé avec le maximum de hauteur de l’inondation, on comprend pourquoi l’on n’observe pas de restes gla- ciaires de cette époque dans le Forez ni dans les Vosges. Ces montagnes étaient alors submergées, sauf leurs sommités les plus élevées. Il est vraisemblable que la hauteur de la submersion a été inégale en France, et à plus forte raison en Europe, parce que sans doute les oscillations du sol dans le sens de la verticale ont été compliquées de mouvements de bascule, en sorte qu’il y a eu variation à la fois dans le niveau absolu et dans le niveau relatif des divers points de la sur- face terrestre. NOTE DE M. GRAS. 181 inférieur dauphinois , s’explique facilement en admettant un envahissement successif de la mer; car, à mesure que celle-ci s’avançait dans l’intérieur des terres, le delta qui se produisait à l’embouchure du fleuve suivait la même progression. Les choses se sont passées de la même manière dans la vallée du Rhin. Il existe entre le diluvium inférieur du Dauphiné et celui de l’Alsace une différence remarquable que nous ne devons pas ou- blier. Le premier renferme des cailloux rayés et cl’énormes blocs erratiques, quelquefois anguleux, qui prouvent qu’à cette époque les glaciers des Alpes avaient une extension telle, qu’ils débou- chaient dans la plaine du Rhône. L’absence de ces restes glaciaires dans celle du Rhin s’explique d’une manière plausible par un plus grand éloignement de leur point de départ. En effet, si du Mont Blanc comme centre, et avec une ouverture de compas égale à l’intervalle qui sépare cette sommité de Lyon, on décrit un arc de cercle, Bâle se trouve en dehors de cet arc au moins de 16 kilo- mètres. En outre, un obstacle non interrompu, savoir la chaîne du Jura, se trouve interposé entre Bâle et le sommet du Mont- Blanc, tandis que les montagnes de la Savoie et de l’Isère, qui sé- parent Lyon des Alpes centrales, présentent de nombreuses solu- tions de continuité, au travers desquelles les glaciers ont pu facile- ment passer. Sous tous les autres rapports, lesdeux diluviums que nous com- parons offrent une similitude parfaite. Leur gisement est exacte- ment le même; l’un et l’autre viennent des Alpes, sauf le mélange d’un petit nombre de cailloux fournis par les montagnes des en- virons; leur maximum d’épaisseur est au débouché de la vallée alpine par laquelle ils sont arrivés ; enfin, ils ont vers ce débouché un relèvement très sensible, bien supérieur à celui du sol de la vallée. Troisième époque. — Le trait caractéristique de cette époque est la formation d’un grand nombre de diluvium particuliers, dis- tincts entre eux et du précédent. Chaque bassin un peu considé- rable, en communication avec la plaine du Dauphiné ou avec l’Alsace, paraît avoir eu le sien. Ce fait s’explique facilement, en admettant que la grande inondation de l’époque précédente avait diminué assez de hauteur pour mettre à découvert les chaînes en- vironnantes, et ne laisser sous les eaux que les vallées proprement dites du Rhône et du Rhin. Cet état de choses ayant subsisté pen- dant longtemps, les cours d’eau qui se rendaient dans ces vallées ont dû former, soit à leur embouchure, soit dans l’intérieur de leur bassin, des atterrissements, dont l’accroissement a été d’ail- 182 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. leurs favorisé par des circonstances physiques particulières. Il pa- raît, en effet, que la basse température de la seconde époque a per- sisté au moins en partie pendant la troisième (1). Les sommités se couvraient encore de grandes masses de neige dont la fusion périodique donnait lieu à l’entraînement d’une quantité considé- rable de cailloux. Les deltas produits par ces anciennes crues sont plus multipliés et beaucoup plus nets dans l’Alsace que dans le Dauphiné. Cela paraît tenir à deux causes. D’abord, si l’on fait abstraction du Rhin, du Rhône et de l’Isère, qui sont des cours d’eau alpins, l’Alsace est arrosée par des rivières plus nombreuses et plus considérables que la plaine dauphinoise, attendu que les Yosges et la Forêt-Noire sont deux massifs montagneux plus im- portants que les chaînes du Forez, du Bugey et du Vercors. Une autre raison, qui nous paraît être la principale, c’est que les allu- vions composant le delta alpin dans la plaine du Dauphiné ont atteint un développement vraiment prodigieux ; vers le nord, elles ont couvert toute la Bresse, et se sont prolongées jusqu’aux envi- rons de Besançon, à 20 myriamètres au moins de leur point cen- tral ; vers le sud, leur extension n’a pas été moindre, ainsi que le prouvent les nappes de cailloux quartzeux, situés à une grande hauteur, que l’on observe à droite et à gauche du Rhône, presque jusqu’à la mer (2). Ces alluvions immenses ont en quelque sorte écrasé les petits atterrissements dus aux affluents de la vallée ; elles les ont couverts ou s’y sont mêlées au point de les faire presque disparaître. Le diluvium alpin du Sundgau, qui forme le pendant de celui de la Bresse, est beaucoup moins vaste, en sorte qu’à côté (1) M. Daubrée, dans sa Description géologique du Bas-Rhin que nous avons si souvent citée, mentionne (p. 239) divers dépôts erra- tiq ues vosgiens, probablement d’origine glaciaire. Parmi ces dépôts, celui d’Epfig mérite une attention particulière, parce qu’il paraît être antérieur au lehm. Si de nouvelles observations confirmaient à la fois son gisement et son origine, il en résulterait que pendant la troisième époque le froid aurait été assez intense dans les Yosges pour avoir donné naissance sur quelques points à des glaciers. (2) Telle est la nappe de quartzites des environs de Montpellier, décrite ptr M. Paul de Rouville sous le nom de diluvium alpin. Le même géologue a montré que ces quartzites étaient parallèles au ter- rain de transport ferrugineux superficiel des plateaux calcaires de l’Aveyron, du Lot, de Lot-et-Garonne, etc., et que, soit pour cette raison, soit pour d’autres, ce dernier terrain était quaternaire [Bull, de la Suc. géol , 2esér., t. X. p. 397). Cette manière de voir est entièrement conforme à la nôtre. NOTE DE M. GRAS. 183 de lui les atterrissements vosgïens et autres, ses contemporains, sont restés distincts et très apparents. M. Elie de Beaumont (1), tout en identifiant, à cause de leur ressemblance parfaite, les terrains de transport du Sundgau et de la Bresse, a fait remarquer qu’on ne pouvait pas les lier l un à l’autre d’une manière continue. Il existe en effet entre eux une lacune de 8 myriamètres environ, sur la ligne de Besançon à Montbéliard, lacune d’autant plus étonnante que le diluvium du Sundgau a dépassé un peu le col d’ailleurs très bas qui conduit dans le bassin de la Saône, en sorte qu’en apparence rien ne devait l’empêcher d’y pénétrer. Nous croyons qu’on peut expliquer ce fait d’une manière satisfaisante en admettant que la nappe d’eau qui couvrait les vallées du Rhône et du Rhin était continue et, déplus, non stagnante. Les eaux qui descendaient alors en abondance des Alpes formaient deux grands courants, dirigés, l’un vers le nord et se rendant à l’Océan, l’autre vers le sud et se perdant dans la Méditerranée; mais la ligne de partage de ces deux courants, au lieu de coïncider avec celle qui sépare aujourd’hui les bassins du Rhône et du Rhin, se trouvait dans le Dauphiné : c’était l’arête centrale de l’immense cône de déjection qui occupait alors la partie N. -O. de cette contrée et dont on observe encore aujourd’hui des restes si grandioses. Le courant dirigé vers la Méditerranée était rapide à cause de la grande pente du sol ; aussi a-t-il déposé surtout des cailloux. Le courant qui allait au nord, et qui par consé- quent remontait la vallée de la Saône, était au contraire très lent et pour cette raison il n’a guère charrié que des argiles sableuses. Il est arrivé que ce courant clarifié par un parcours d’environ 20 myriamètres n’a plus rien déposé depuis Besançon jusqu'aux environs de Montbéliard; là il s’est réuni aux eaux bourbeuses qui sortaient de la gorge du Rhin, et les a entraînées avec lui vers l’Océan. L’amincissement progressif des alluvions de la Bresse du côté du Sundgau et leur interruption sur une longueur de 8 à 9 myriamètres nous paraissent s’accorder complètement avec cette manière de voir. C’est aussi en grande partie l’opinion de M.Elie de Beaumont, qui admet que les eaux de la vallée de la Saône s’écoulaient dans celle du Rhin. Un caractère assez important, commun aux diluvium du Sundgau et de la Bresse et à la plupart de ceux qui en sont con- temporains, est leur coloration presque constante par de l’oxyde (1) Annales des sciences naturelles , 4r,sér., t. XIX, p. 41. m SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. de fer (1). Souvent même cette substance s’y trouve en assez grande quantité pour s’être réunie sous forme de concrétions ou de minerai de fer en grains. Ce fait semble indiquer que pendant la troisième époque les transports mécaniques de sables et de cailloux ont été compliqués de phénomènes éruptifs. Des sources ferrugineuses abondantes ont dû se faire jour dans le voisinage des Alpes, et probablement sur beaucoup d’autres points. Quatrième époque. — Les formations de transport auxquelles nous donnons exclusivement le nom de lehm sont d’origine variée, comme les divers diluvium de la troisième époque ; elles sont d ailleurs parfaitement caractérisées par leur gisement. Leur dépôt a toujours eu lieu après un affouillement plus ou moins considérable des deux terrains quaternaires précédemment décrits. Cet affouillement ne peut avoir été occasionné que par un exhaussement graduel du sol analogue à celui que nous avons admis au commencement de la période quaternaire ; il en est résulté un second creusement des vallées du Rhône et du Rhin. La retraite des eaux et par suite l’érosion qui en était la consé- quence n’ont pas été continues; elles ont été interrompues par des intervalles plus ou moins longs, pendant lesquels le niveau du pays relativement à la mer était constant. La formation des terrasses a eu lieu lorsque le sol s’exhaussait, et celle du lehm pendant les intervalles d’équilibre. Ce dernier dépôt a été le terrain alluvien de la quatrième époque; sa théorie nous paraît être exactement la même que celle des accumulations de sable et de gravier que les rivières torrentielles forment de nos jours sur tous les points de leur cours où elles peuvent divaguer. Le lehm du Dauphiné et de la Provence est peu épais et presque toujours caillouteux, parce que, la pente du sol étant très forte, les courants diluviens ont charrié jusqu’à la mer la plus grande partie de leurs matières de transport, surtout les plus ténues. En Alsace, où les eaux paraissent avoir été presque stagnantes, ce dépôt a un autre caractère ; il consiste presque ex- clusivement en une couche argilo-sableuse dont la puissance et l’étendue ont frappé depuis longtemps les observateurs. Le lehm du Rhône diffère aussi de celui de l’Alsace par une couleur ocreuse souvent plus prononcée que celle que nous avons signalée (1) On remarque cette coloration dans la plupart des terrains de transport nommés diluvium des plateaux , qui, à raison de leur gise- ment, nous paraissent devoir être rapportés à la troisième époque. NOTE DE M. GRAS. 185 dans les dépôts de la troisième époque et due probablement à la même cause. Les ossements fossiles des grands mammifères du Dauphiné et des environs de Lyon paraissent appartenir, soit au lehm, soit au diluvium bressan (1). Ceux de la vallée du Rhin ont été rencontrés principalement dans le lehm. Il serait à désirer, lorsqu’on fera de nouvelles découvertes, que les circonstances de gisement de ces fossiles soient décrites avec un grand soin, afin de diminuer autant que possible l’incertitude où l’on est presque toujours sur la véri- table date de leur enfouissement. Il nous reste à ajouter que c’est au commencement de la qua- trième époque que l’on doit placer la séparation hydrographique des bassins du Rhône et du Rhin. Cinquième époque. — A la fin de l’époque précédente, l’Alsace et le Dauphiné jouissaient d’un climat tempéré, peut-être même chaud, lorsqu’une révolution extraordinaire est venue ramener la basse température de la deuxième époque. Si, comme l’analogie porte à le croire, cette nouvelle invasion du froid a été accom- pagnée d’une variation dans le niveau relatif de la mer et des terres, cette variation a été un exhaussement des côtes, aujourd’hui masqué par un abaissement à peu près de même valeur, survenu au commencement de la période actuelle. Quoi qu’il en soit, il est certain que, postérieurement au dépôt de tous les terrains quater- naires précédemment décrits , après le second creusement des vallées et alors que le pays avait exactement sa configuration actuelle, des milliers de blocs erratiques partis des Alpes se sont répandus sur presque toute l’étendue de la plaine du Rhône (2). (1) Il est possible qu’il y en ait également dans le diluvium infé- rieur ; les alluvions anciennes de la Suisse, que nous rapportons à ce diluvium, en renferment. Cela prouverait que ces mammifères ont fait leur apparition dès la première époque quaternaire qui a pu avoir une longue durée. (2) On a objecté ( Archives des sciences physiques , etc., de Genève , t. XXXVI, p. 271) que si la dispersion des blocs erratiques superfi- ciels avait eu lieu à l’époque que nous lui assignons, les terrasses com- posées de matières meubles auraient été effacées par la marche des glaciers. Nous ferons d’abord observer que cette objection, si elle était solide, porterait uniquement contre la théorie glaciaire, car le fait de l’existence des blocs erratiques à la surface des terrasses les plus basses , où ils semblent souvent avoir été posés délicatement sur le lehm, est frop fréquent et trop évident dans les vallées du Rhône et de l’Isère, pour qu’on puisse le révoquer en doute ; mais nous croyons 186 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. Ces blocs manquent sur les bords du Rhin dans l’Alsace ; ils n’y sont point parvenus par la raison qui a été donnée plus haut pour expliquer l’absence des débris glaciaires de la deuxième époque ; mais on en trouve d’analogues dans les vallées des Vosges. Nous avons cité particulièrement ceux des environs de Saint-Amarin qui par leur gisement correspondent rigoureusement à ceux du Dauphiné. Nous terminerons notre comparaison en faisant remarquer de nouveau la parfaite concordance qui existe entre les phénomènes quaternaires de l’Alsace et ceux de la plaine dauphinoise et en rappelant que le Rhône et le Rhin, qui ont joué autrefois exacte- ment le même rôle pendant la durée de ces phénomènes, pré- sentent encore aujourd’hui des traits frappants de similitude. Nés à peu près au même lieu, ils ne sortent des montagnes que pour entrer dans le même bassin géologique, après s’être purifiés l’un et l’autre dans le sein d’un grand lac. Leur gravier a le même aspect et presque la même composition ; la couleur de leurs eaux est sem- blable. Leur allure seulement est différente : à l’issue des Alpes, l’un fort et impétueux va droit à la mer par le chemin le plus court; l’autre, d’un cours plus doux et plus tranquille, ne se perd dans l’Océan qu’après de longs détours; mais il est à remarquer que cette opposition de caractères est ancienne et date de la période que même la théorie glaciaire n’est pas menacée par cet argument. D’après les expériences de M. Forbes, la progression d’un glacier se ralentit ou s'accélère, suivant que sa masse s'élargit ou se resserre, absolument comme la vitesse moyenne d'une rivière, quand sa section augmente ou diminue. 11 est également prouvé que, par suite du frotte- ment, le mouvement près des bords est moindre qu’au centre ; d’où l’on doit conclure qu’il en est de même au fond, où le frottement est encore plus considérable. Enfin, on sait que, tout étant égal d’ailleurs, la vitesse de translation est d’autant moindre que la pente ‘est plus faible. Ne peut-on pas conclure de l’ensemble de ces faits que, lorsque les glaciers de la dernière époque quaternaire étaient parvenus dans la plaine du Dauphiné, où ils se dilataient brusquement , sur une éten- due de près de 40 myriamètres carrés, ils cessaient de progresser sur les bords et dans les profondeurs, à cause de l’énormité de la résis- tance. De leur réunion, il résultait un glacier-lac, qui sans doute n’était pas complètement en repos, mais dont les mouvements n’étaient bien sensibles qu’à la surface et dans les parties centrales ; en un mot, il était soumis à d’autres lois que celles des glaciers-courants qui se jetaient dans son sein. L’analogie si complète qui existe, quant aux mouvements, entre un glacier et une masse demi-fluide autorise cette supposition. NOTE DE M. YIRLET d’aOUST. 187 quaternaire elle-même ; elle a été en quelque sorte personnifiée, d’un côté, par les cailloux du Dauphiné, de l’autre, par le lehm limoneux de l’Alsace. M. Virlet fait la communication suivante : De la formation des oolithes et des masses nodulaires en général ; par M. Virlet d’Àoust. La structure granulaire et globuliforme que présentent un grand nombre de couches calcaires de toutes les époques géologiques, et plus particulièrement de la grande formation qui lui doit son nom caractéristique cl ’oolit/iicjue, a de tout temps appelé l’attention des naturalistes et cks observateurs émerveillés à la vue de ces myriades de petits sphéroïdes calcaires ou ferrugineux disséminés dans les couches, et quelquefois amoncelés en si grande abondance, que, semblables alors à certains grès, elles paraissent les constituer en entier. Quoique le métamorphisme ait probablement fait disparaître la plus grande partie des oolithes des terrains anciens (1), cependant les couches qui restent formées de ces petits sphéroïdes, générale- ment de grosseur uniforme dans une même assise, recouvrent en- (1) Les travaux géologiques de MM. Oliviéri, Murchison, de Ver- neuil et Helmersen nous ont fait connaître que les terrains anthraci- fères de Moscou, de Toula, de Kalouga et de Tver sont peu accidentés, et que les roches qui les composent ne paraissent avoir subi, depuis leur dépôt, aucune modification sensible. Ainsi, on y trouve des grès avec assises de sables encore meubles, des argiles avec débris de Lé- pidodendron, de Stigmaria , et d’autres plantes houillères qui ont con- servé leur plasticité originelle. La houille y est plus ordinairement à l’état de lignite, laissant parfois apercevoir les débris encore très dis- tincts des végétaux dont elle est composée. Les calcaires à Productus, à Orthocératites, à Spirifer , etc., sont souvent tufacés, quelquefois plus ou moins compactes, mais présentent rarement une structure grenue. Enfin, ils sont parfois oolithiques comme les calcaires juras- siques, ce qui prouve que les causes qui ont donné naissance aux petits globules existaient déjà à cette époque reculée, et que si la structure oolithique, à quelques exceptions près, comme par exemple dans les calcaires bleus des environs d’Avesnes, et les oolithes ferrugineuses du bassin de la Meuse, exploitées en Belgique sous le nom de minerai o/igistc violet , ne s’observe que très rarement dans les roches de cette époque, comme dans celles d’une époque plus ancienne encore, c’est que le métamorphisme auquel elles ont été généralement soumises l’a fait complètement disparaître. 188 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. core des régions très étendues des surfaces émergées. Ces immenses amas de petits globules nous font voir comment la nature, procé- dant par des infiniment petits, est arrivée, à l’aide du temps, à constituer l’un des traits les plus caractéristiques de la structure de la croûte du globe. Il n’est donc pas étonnant que depuis Strabon et Pline, qui, déjà, s’étaient préoccupés de cette formation, comparable à celle de ces dépôts puissants de tripoli entièrement composés d’infusoires fossiles dont les belles observations microscopiques de M. Ehren- berg nous révélaient naguère l’existence ; il n’est donc pas étonnant, dis-je, qu’un phénomène à la fois aussi petit ou aussi grand, selon qu’on l’envisage dans ses détails ou dans son ensemble, ait préoc- cupé tous les géologues et ait suggéré une multitude d’hypothèses pour expliquer une formation aussi étonnante que merveilleuse. Il serait beaucoup trop long et peut-être un peu fastidieux d’entreprendre ici l’analyse de chacune de ces hypothèses; aussi me bornerai-je à les grouper et à les indiquer collectivement sui- vant un certain ordre d’idées. 1° On peut réunir d’abord en un seul groupe les naturalistes qui autrefois regardaient les globules oolitliiques, ainsi que les fossiles, comme des jeux de la nature, et ceux qui croyaient, avec Lach- mund, Beclier, Rarsten, que c’était tout simplement une conglo- mération de grains de sable arrondis mécaniquement. 2° Viennent ensuite se grouper les personnes qui, comme Boet de Boot, Kundman, Klein, Gessner, Wormius, Wooclward, Walle- rius, Rauwolf, etc., croyaient que ces grains n’étaient que des espèces de stalagmites en grains arrondis ou de petites œtites glo- buleuses et ferrugineuses. On peut encore ranger dans le même groupe, comme se ratta- chant au même genre d’idées, l’opinion des naturalistes qui, s’appuyant sur les observations faites sur la formation des confetti ou dragées de Tivoli et d’autres lieux, considèrent les oolithes en général comme des concrétions formées au milieu des courants et arrondies par suite du frottement et du ballottage qu’elles auraient éprouvés, etc. Daubenton, de Saussure, Spallanzani, Gillet de Gaumont, Breislak, de Buch, Al. Brongniart. etc., sont les auteurs qui ont le plus contribué à accréditer ces idées. Les Pisa lapidea , les Pi sa Bethleemitica de Rauwolf, les calculs des bains de Saint-Philippe en Toscane, les Bcllaria lapidea qu-i se forment au milieu des cascades ou des sources minérales sont des concrétions analogues aux pralines, dragées ou confetti de Carlsbad, de Tivoli, et ont contribué comme elles à étayer cette NOTE DE M. VIRLET d’àOUST. 189 manière de voir qu’on a eu seulement le tort de vouloir trop généraliser. 3° A ces hypothèses succédèrent celles qu’on pourrait appeler animales, c’est-à-dire qui admettaient avec Bajer, Blumenbacli , Buttner,Scheuchzer, Fischer, Bruchman, Rappoldt, etc., que les oolithes sont des œufs de poissons, d’une espèce de raie, de thon, etc. ; ou bien qui admettaient avec les auteurs des Curiosités delà Nature de Bâle, que c’étaient des œufs de crustacés. Ceux-ci s’appuyaient principalement sur la structure concentrique et le point noir qu’offrent dans leur centre certains oolithes, pour en conclure, par analogie, que ce devait être le fœtus de l’œuf de i’écrevisse de mer. Il y a enfin des personnes qui croient avec Blumenbach que ce sont des œufs de crinoïdes, et d’autres que ce sont des œufs de mollusques, etc. De ces dernières hypothèses sont naturellement venus les noms génériques de pierre ovaire , de pierre oolithique ou d’œufs. Cepen- dant le nom N oolithe ou N ovaire était réservé en particulier pour indiquer les oolithes de grosseur moyenne, tandis qu’on désignait sous les noms N orobites ou de pisolithes , celles qui avaient la gros- seur de la graine d’orobe ou de pois ; les cenchrites désignaient les oolithes miliaires, c’est-à dire celles qui avaient la grosseur des grains de millet; les rnéconites étaient celles qui se composaient de très petits grains de la grosseur des grains de pavot; enfin, il y avait les amites ou a rn mi les, nom qu’on leur avait donné à cause de la ressemblance qu’on avait cru reconnaître entre leur structure et celle des ammonites. Celles ci pouvaient avoir toutes les dimensions depuis la microscopique jusqu’à deux pieds et plus. bC Après les hypothèses animales, viennent naturellement celles qu’on pourrait également appeler végétales, c’est-à-dire qui suppo- saient, avec Scheuchzer, Mercator, d’Argenville, etc., que les oo- lithes ne sont que des graines de plantes pétrifiées et agglutinées, des pois, des lentilles, etc., ce qui les faisait désigner sous le nom de pierres fromentaires ou frumentaires , qui comprenaient les pisolithes et orobites, les porpites , les phacites et phacolithes, les pierres lenticulaires , certaines nummulilhes que l’on considérait comme des grains de froment ou des espèces de lentilles pétrifiées. Dans cette catégorie viennent naturellement se ranger les per- sonnes qui aujourd’hui encore supposent que ce sont des espèces de gyrogonites ou graines de Chara , qu’on trouve en effet souvent à l’état fossile. 5° A cette classification il faut encore ajouter les opinions de 190 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. Wormius, de Woodward, de Wallerius et d’autres, qui regardaient les oolithes comme des condensations d’émanations gazeuses, ou comme la coagulation des parties pierreuses contenues dans les eaux et tombant comme des gouttes glacées les unes sur les autres, et compléter la liste des auteurs anciens déjà cités par ceux d’Agricola, d’Aldrovandi, de Francesci (Ernest), de Calceolari, de Schmidt, de Milius, de Lang, etc., comme s’étant également oc- cupés de la matière à différents points de vue. De toutes ces opinions basées sur des observations partielles plus ou moins bien faites, il résulte qu’on doit bien se garder en toutes choses d’être trop exclusif, car la nature s’est rarement bornée à un seul moyen pour produire des résultats analogues, et qu’il vaut quelquefois mieux se faire une opinion mixte, comme E. Bertrand, par exemple, qui, dans son Dictionnaire orycto- gnostique universel , cherche déjà à concilier les opinions reçues de son temps, à savoir qu’il pouvait y avoir des oolithes formées par de simples concrétions, et d'autres qui étaient le résultat de véri- tables ovaires ou de véritables frorneutaires , Il est bien certain que la structure globulaire, si fréquente dans les roches, est due à plusieurs causes : Premièrement. Structure globulaire. — La structure des pyrorné- rides et desdiorites orbiculaires de la Corse, des diorites suborbi- culaires des Vosges, des porphyres amygdalaires du Mexique que je citais dans la précédente séance, et de tant d’autres roches , est bien certainement due à un remaniement moléculaire intérieur, si l’on peut s’exprimer ainsi, à une cristallisation due aux actions métamorphiques, à une tendance qu’ont en général beaucoup de substances à prendre cette forme. M. Delesse, dans ses intéressantes Recherches sur les roches globuleuses (1), a traité cette question in extenso. 11 y attribue généralement la forme globulaire ou orbi- culaire à un excès de silice contenu dans les roches (2). (1) Mém. de la Soc. géol., 2e série, t. IV, p. 301, et les Bull. Soc. géol. de la 2e série. (2) Le hasard m’a fait parfaitement reproduire artificiellement la structure globulaire avec des silicates factices. Voici comment : me trouvant en 1 844 dans une petite verrerie à bouteilles de la commune de Saint-Berain (Saône-et-Loire) que j’habitais, au moment où il venait d’y arriver un petit accident qui nécessitait la démolition du four, et me rappelant avec quelle facilité j avais plus d’une fois obtenu dans les forges des cristallisations avec les silicates ou scories qui s’écoulent des hauts fourneaux à l’aide d’un refroidissement lent (en une ou deux heures seulement), lequel produit toujours une dévitri- HOTE DE M. VIRLET d’àOUST. 191 La structure oolithique que j’ai observée dans les amas pris- matiques et basaitiformes de fer à la fois hydroxyde et magné- tique gisant au milieu des masses serpentineuses de l’île de Skyros (1) est certainement due à un phénomène moléculaire analogue, et il en est encore de même du beau minerai de fer oligiste et magnétique en grains de Galvan, au Mexique, qu’on a pu voir figurer à l’Exposition universelle de Paris, et dont je mets ici des échantillons sous les yeux de la société. Le beau filon qui le fournit, exploité par M. J. Guillemin pour les forges de Saint- Raphaël, présente tous les caractères des filons plutoniques. J’y ai remarqué que la structure pisolithique de l’intérieur de la masse ne se manifestait pas au contact des salbandes. Les minerais en couches si curieux de la Voulte (Ardèche) et de Sargans, canton de Saint-Gall (Suisse), présentent des phénomènes intéressants de déplacements moléculaires (2) ; l’un et l’autre appartenaient originairement à la structure oolithique que le fication et une masse grenue qu’on pourrait aisément confondre avec de certaines roches cristallines anciennes, en même temps que les cristaux qui ressemblent à du feldspath se développent dans des ca- vités, j’eus aussitôt l’idée de profiter de cette circonstance pour recon- naître les effets d’un refroidissement beaucoup plus lent sur le verre d’une teinte verdâtre assez claire qui servait à la fabrication. J’obtins facilement du propriétaire de l’usine de laisser un pot, encore rempli au tiers, dans le four, dont je fis exactement reboucheries ouvertures. Au bout de cinq jours, il fut retiré à peu près complètement refroidi, et la matière contenue consolidée. Je fus agréablement surpris de voir que le verre, également passé de l’état hyalin à l’état compacte, pré- sentait une surface plissée d’un griscendré; lamasse intérieure avaitune structure fibreuse, cristalline, rayonnante et globulaire, ressemblant quelque peu à du pyroxèneou à de la trémolithe, et chaque sphéroïde avait de 7 à 8 centimètres de diamètre. Ce qui me frappa surtout dans cette expérience, c’est que le silicate du verre, ordinairement si adhérent aux pots quand il est à l’état hyalin, s’en était détaché comme par une espèce de répulsion pour le silicate du pot, et avait laissé sa surface parfaite- ment nettoyée. Comme je quittais alors la Bourgogne, je ne pus don- ner suite à cette curieuse expérience, et mes échantillons furent même égarés; mais heureusement que M. Fournet, qui était venu chez moi dans ces entrefaites, put en emporter des échantillons qui figurent probablement dans sa collection, et je suppose même qu’il en aura fait l’analyse, car ce fait avait paru également l’intéresser beau- coup. Je serais donc heureux qu’il le rattachât à l’une de ses intéres- santes publications. (t ) Géologie et minéralogie de la Grèce , p. 238. (2) BitlL, 4re sér., t. Yï , p. 31 3, et 2e sér., t. II, p. 200, 192 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. métamorphisme a fait disparaître en même temps qu’il a donné lieu dans ces couches métalliques à des départs et à des mouve- ments moléculaires qui ont imprimé à la masse une apparence plu tonique. A la Voulte, les petites oolithes ont été remplacées par des oolithes gigantesques, par des nodules souvent considé- rables d’un fer oligiste compacte qu’on exploite aujourd’hui sous le nom de minerai agatisé (1). Enfin, comme preuve de la tendance que certaines substances ont à prendre la structure globuli forme, je ne crois pas sans intérêt de citer ici un fait que j’ai eu plusieurs fois occasion d’observer dans des masses appartenant, il est vrai, au règne organique, dans des tablettes de chocolat, qui avaient acquis intérieurement une structure granulaire bien prononcée, ce qui prouve évidemment qu il y avait eu, par suite sans doute d’un commencement d’altération ou de fermentation, un déplacement moléculaire dans la masse. Au reste, M. Delanoüe a communiqué à la Société, en 18/r7 (2), un fait analogue dans un dépôt de protoxychlorure d’antimoine qui, après un certain temps, avaitpris dans son laboratoire la forme oolithique, qu’il attribua aux oscillations du sol produites par le roulement des voitures ; et il en a conclu, sans l’avoir publié cependant, que toutes les oolithes pourraient bien être dues à un phénomène analogue, en sorte qu’elles seraient selon lui le résultat d’un arrangement moléculaire déterminé par les vibrations que le sol aurait pu éprouver. Patrin avait également une opinion qui rentre en quelque sorte dans ces phénomènes d’arrangements mo- léculaires ; car il pensait que les oolithes étaient dues à un principe organisateur, aune propriété de la nature de créer des pierressphé- riques (3). C’était donc pour lui aussi le résultat d’un certain arrangement moléculaire de la matière au moment de son dépôt. Je pourrais encore citer ici un autre fait d’arrangement molé- culaire, mais qui est plutôt mécanique que chimique : c’est celui de grains pisolitliiques que j’ai observés dans les trass du volcan de Santorin (U). J’ai considéré ces grains, qui sont de même composi- tion que les trass, comme ayant été produits par des gouttes d’eau tombées au milieu de matières sèches pulvérulentes, phénomène (1) C’est jaspisê qu’on aurait dû dire, car ce minerai ressemble à du jaspe rouge et non à de l’agate. (2) Bull., 2e sér., t. IV, p. 535. (3) Voy. ses articles Amites et Oolithes dans le Dict. d’hist, nat. de Déterville. (4) Géologie et minéralogie de la Grèce , p. 263. NOTE T)E M. VI R LE T d’aOUST. 193 qu’on a également observé quelquefois au Vésuve et à l’Etna pen- dant les éruptions des matières sèches. Secondement. Formation des nodules par ép' génie ou concrétions postérieures. ■ — À la suite de cette structure globulaire due à des mouvements moléculaires intérieurs qui se sont opérés dans les éléments constituants de la masse, doit naturellement venir se ranger celle que je crois due à des courants et à des transports mo- léculaires de certaines substances qui peuvent avoir été originai- rement étrangères aux couches qui les renferment aujourd’hui, théorie que j’ai successivement développée dans des notes insérées dans les Bulletins de la Société de 18/i/i, 18'i5 et 18à6 (1). Dans ces notes j’ai cherché à démontrer que les silex meulières , les clavias de la Belgique, les cherts des Anglais et les rognons si- liceux, si abondants dans certaines formations; que les sphérosi- dérites liouillers et autres ; que les Septaria , les ludus de Van Hel - w/o//t ou de Paracelse , les priapolithes ou ostéocolles de Guettard, les Cat's heat (tête de chat) de Yarmouth, les Kupfstein d’Alsace, les chailles , les pierres d ’lmatra en Russie, etc., que l’on peut con- sidérer comme des oolithes plus ou moins gigantesques; que la plupart des minerais dits à’alluvion, les limonitcs géodiques et les minerais de fer en grains ou pisolithiques , qui sont aussi de vérita- bles oolithes de grosseurs variées ; que tous ces corps à formes no- dulaires et à couches concentriques s’étaient formés par une espèce d’imbibition, dans les roches qui les renferment, postérieurement à leur dépôt, et par suite de déplacements ou de transports molé- culaires et des forces attractives qui leur ont fait prendre les formes sphéroïdales quelles offrent généralement. Dans ma seconde note, adressée à M. Becquerel, j’avais cherché à expliquer ces transports moléculaires par des actions électro- chimiques, mais depuis j’ai cru devoir abandonner toute espèce de théorie pour ne plus m’attacher qu’au fait, savoir : que les silex de la craie, par exemple, comme les xjlolithes ou bois si licifiés, se sont formés par un transport moléculaire de la silice, qu’elle ait été ou non puisée, par une cause quelconque, dans la masse qui les renferme, laquelle est venue se grouper par une attraction que je ne cherche pas plus à expliquer, mais qui est incontestable, autour de certains points et y former des nodules ou transformer en silex, ou en quartz résinite, par une espèce dé épigénie, les corps organisés, quels qu’ils soient, qu’elle remplace. Voilà le fait; je (1) Bull., sér., t. I, p. 746 , t. II, p. 198, et t. III, p. 150. Soc. géol. , 2* série , tome XV. 1 3 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857. 19 à laisse ensuite à chacun la liberté d’expliquer, comme il l’entendra, comment et par quelle cause la silice a d’abord été dissoute. La question me paraît assez importante pour qu’on me permette d’exposer ici les progrès qu’elle a faits depuis. D’abord quand j’ai émis, lors de la réunion extraordinaire delà Société à Chambéry, mes premières idées sur la formation des nodules siliceux, elles y ont eu l’approbation d’un observateur judicieux et distingué, de notre confrère, M. le chanoine Chamousset, qui a inséré dans h s comptes rendus de ces réunions des notes intéressantes à la suite des miennes; puis est venu notre si regrettable collègue et ancien Président, M. Dufrénoy, observateur très sagace et un peu scep- tique. Après avoir émis d’abord lui- meme une théorie tout à fait différente (1), son esprit judicieux l a porté à admettre franche- ment mes idées, et il s’exprime ainsi à la page 107 du 2e volume de la lre édition de son Traité de minéralogie. « Les rognons de quartz silex sont disséminés dans les terrains calcaires, principalement dans ceux du Jura, ou de la craie. Les silex de ces deux formations ont généralement des caractères dif- férents, et leur position est également différente, quoique dans l’un et l’autre cas ils forment des rognons postérieurs. » « Les silex du calcaire du Jura existent avec abondance dans la partie inférieure de cette formation ; ils y sont ordinairement très mélangés de calcaire ; quelquefois même la roche est simplement endurcie par un suc siliceux, qui s’est concentré dans quelques parties, où une cause inappréciable, probablement des fossiles, ont servi de centres d’attraction. Ils ne se distinguent, dans ce cas, de la roche que par une nuance plus foncée et un durcissement considérable. C’est cette variété de silex que les Anglais désignent sous le nom de cherts. » « Les silex de la craie, quoique en rognons isolés, forment ordi- nairement par leur ensemble des bandes de véritables couches qui, de loin, paraissent continues ; ils affectent donc une espèce de stratification apparente. Ils sont en outre presque toujours purs, à l’exception de leur surface qui admet quelquefois un léger mé- lange de chaux carbonatée. Souvent ils contiennent dans leur in- térieur un corps organisé distinct, transformé en silice; leur exa- men au microscope décèle un tissu organique qui annonce que la plupart d’entre eux remplacent des polypiers. Cette circonstance fait généralement admettre que les silex de la craie sont des pétri- fications dues à des animaux marins de l’ordre des éponges. Leur (1) BulL, \TC sér., t. XIV, p. 318, ou 2e sér. , t. II, p. 205. NOTE DE M. VIRLET d’aOUST. 495 disposition régulière tient à ce que, dans les terrains neptuniens, les fossiles sont généralement disposés par couches. » Enfin, après avoir parlé des opales et des hyaiitlies, qu’il suppose avoir été formées par un précipité gélatineux (1), il s’exprime en- core de la manière suivante: « Mais on ne saurait expliquer ainsi la formation des rognons et des filons de ménilitlie qui existent dans les marnes du plâtre. On ne peut également supposer cette origine pour le quartz rési- nitequi remplace des corps organisés et principalement pour ceux qui forment la substance des bois pétrifiés. Le quartz résinite, dans ce cas, est évidemment postérieur, mais en outre il s’est in- troduit successivement et par une espèce de cémentation qui a eu lieu molécule à molécule ; en effet, ce n’est plus ici un simple moulage, mais le remplacement est si parfait que le tissu le plus délicat du bois, qu’on 11e peut étudier qu’au moyen d’un grossis- sement de 300 à A00 fois, est parfaitement conservé, etc. » Un fait digne de remarque, c’est que la silice paraît posséder seule cette propriété de pétrification ; il semblerait que la matière organique exerce sur elle une certaine attraction, par suite de la- quelle a lieu le remplacement des fossiles. On trouve bien, il est vrai, dubois à l’état de chaux carbonatée, mais ce sont de simples moules, et non des pétrifications. » J’ai cité, cependant, des tiges de plantes houillères, provenant des mines de Saint-Bérain et de Saint-Léger, réellement pétrifiées et où le fer a joué le rôle de la silice; mais, comme c’est une sub- stance opaque, une partie seulement du tissu organique intérieur est resté apparent. J’en ai adressé dans le temps de nombreux échantillons à M. l’abbé Landriot, pour la collection du sémi- naire d’Autun, et à M. Ad. Brongniart pour les collections du Muséum. Postérieurement, en 1850, M. Marcel de Serres a publié sur l'origine des silex de la craie , dans les Mémoires de la Société l lu- né en ne de Bordeaux, des observations dont je n’ai eu connaissance que par la citation qu’en a faite M. Gaudry. Reprenant à peu près les idées de M. Ch. Lyell, il admet que la silice des silex de la craie pourrait très bien provenir des débris des infusoires qui les composent. (1) J’ai plusieurs raisons de considérer plusieurs de ces substances comme étant plutôt la conséquence d’un suintement, d'une véritable sécrétion des roches qui les renferment. 196 SS A XCK DU 7 DÉCEMBRE 1857. M. Ehrenberg, également cité par M. de Pinteville, dans son mémoire sur la Sicile, s’exprime de la manière suivante sur le même sujet: « Il y a, d’un côté, entre la présence des marnes à infusoires siliceux de la craie du sud, coïncidant avec l’absence des silex pyromaques, et, d’un autre côté, la présence des silex pyromaques dans la craie du nord, coïncidant avec l’absence des marnes à infusoires siliceux, une relation qui met sur la voie d’ex- pliquer le phénomène singulier des silex pyromaques de la craie, et fait présumer qu’ils doivent leur existence à la transformation de la silice dissoute des infusoires en silex compactes. » En 1852, M. A. Gaudry, reprenant à son tour la question en général, en a fait l’objet d’une intéressante thèse de géologie, in- titulée: Sur l’origine et la j or motion des silex de la craie et des meulières des terrains tertiaires. En ce qui concerne les silex de la craie, l’auteur pense que « la plus grande partie provientdesources marines qui précipitaient la silice au fond des mers, puisqu’elle s’est séparée de la craie par une attraction des molécules de la même nature, et enfin que pendant la consolidation des couches, il y a eu suintement d’eaux siliceuses ; ce suintement a produit plusieurs des accidents que présentent les bancs, les nodules et les fossiles silicifiés: « quant aux silex meulières, ils seraient également dus à des précipités de silice venant de sources pendant et après leur consolidation. » Les différences essentielles qui séparent les silex meulières du silex proprement dit viennent de ce que les silex proprement dits ont été formés dans des eaux profondes et par une précipitation lente , tandis que les meulières ont été formées dans des eaux peu profondes et par une précipitation rapide. » Cesconclusionssembleraient différer essentiellement des miennes; cependant je crois pouvoir dire que M. Gaudry partage d’une manière générale ma manière de voir ; mais il ne faut pas qu’on s’imagine qu’une thèse soit un écrit où l’auteur est libre de dire tout ce qu’il pense ; bien au contraire, et c’est là une chose triste à dire, sans doute, il faut que, sous peine de se voir refuser la licence ou le doctorat, il se garde bien de trop s’écarter des idées reçues jusqu’alors, car autrement il pourrait être impitoyablement refusé, et verrait se fermer à tout jamais les portes de l’enseignement pour lui. Depuis, deux hypothèses nouvelles qui ne me paraissent pas plus acceptables l’une que l’autre ont surgi : l’une, de IM . Hébert qui, assimilant les silex du bassin parisien à ceux formés par les Geysers d’Islande, suppose qu’ils sont dus à des dépôts d’eaux ther- HOTE DE M. VIRLET DAOUST. 197 males; l’autre, de M. Meugy (1) qui pense que « la structure par- ticulière de la pierre meulière est due à la réaction opérée sur les calcaires lacustres par les eaux acides qui ont afflué à une époque postérieure au dernier calcaire et antérieure aux faluns de la Tou- raine, etc. » Les silex meulières ne seraient donc, pour M. Meugy comme pour M. Al. Brongniart (2), que la carcasse siliceuse du calcaire siliceux. Or, ce calcaire ne serait-il pas plutôt lui-même un calcaire silicifié postérieurement à son dépôt, comme le calcaire du lias des environs d’Avallon, auquel les géologues du pays ont si improprement donné le nom d ’arkose, parce que cette silicifica- tion affecte en même temps la vraie arkose ou grès feldspathique sur lequel il repose, confondant, ainsi que je l’ai démontré, deux choses non-seulement minéralogiquement très différentes, mais encore d’âges différents (3). Voilà où en est aujourd’hui la question relative au transport moléculaire de la silice, et l’on peut voir par ce court aperçu que, si elle n’a pas encore conquis tous les suffrages, elle a au moins reçu la sanction d’observateurs éminents. Mon opinion, relativement au transport moléculaire du fer et à la formation postérieure des minerais limoneux et en grains, a également été sanctionnée par deux faits importants et contre les- quels il me paraît assez difficile de pouvoir élever des objections. L’un, qui a été constaté par M. Marrot, inspecteur général des mines, consiste en une géode d’hématite fibreuse enveloppant et incrustant environ 200 pièces de monnaies d’argent du xive ou du xve siècle (A), trouvée à Périgueux ; l’autre est celui que j’ai eu occasion de constater moi-même dans la collection de l’école des mines de Mexico, où il m’aété signalé parM. Velasquez de Léon, alors professeur de géologie et de minéralogie, depuis ministre de Fomento et directeur de l’école. Il consiste en une gaine de cou- teau transformée ou plutôt remplacée également par de l’hématite jaune grenue, présentant une surface un peu mamelonnée. Elle a été trouvée aux Etats-Unis dans des alluvions fort récentes. D’un autre côté, Dufrénoy, dans l’ouvrage déjà signalé, s’exprime ainsi relativement à l’origine des œtites : « La formation de ces pierres est sans doute due à des infiltrations ferrugineuses qui ont solidifié, en les cernant, une certaine quantité d’argile ; celle-ci, en (1) Bail., 2e sér., t. XIII, p. 417, 581 et 602. (2) Description géologique des environs de Paris , p. 79. (3) Bull., 2e sér., t. III, p. 527. (4) Bull., 2e sér , t. II, p. 675. 198 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1857, se desséchant, a donne' lieu aux noyaux mobiles qui en occupent l'intérieur. » Plus loin il s’exprime encore ainsi sur la formation des i flat-iron des Anglais ou minerais de fer carbonate des houillères en plaquettes : « Ce sont, à bien dire, des couches de grès enrichies par un suc de carbonate de fer ; leur richesse est donc variable, etc.» Ainsi, pour ces deux cas, Dufrénoy admet comme moi la formation postérieure du fer. M. Meugy a publié aussi un mémoire sur le gisement , (tige et le mode de formation des minerais de fer du département du Nord et de la Belgique (1). Dans ce travail, d’ailleurs fort intéressant, l’au- teur, s’écartant de ces idées, cherche à démontrer que les minerais carbonatés et hydroxydés géodiques, dits d’alluvions, des environs d’Avesnes et autres lieux, se sont déposés à l’époque wealdienne, et qu’ils sont le résultat de dépôts de sources qui auraient fait éruption le long du filon N. -S. qui traverse le calcaire inférieur et le système de Burnot. Quant à ce qui concerne les mouvements moléculaires du cal- caire, la question n’a pas moins avancé, puisque, reprise en 1853 par un des observateurs les plus perspicaces, M. Four net, elle lui a servi, dans ses Observations relatives aux ooli fîtes calcaires formées dans une terre végétale des environs de Lyon (2), à démontrer aussi, avec la précision qui caractérise tous ses travaux, que non-seule- ment ces petites oolithes se sont formées par concrétions et à l’aide d’un transport moléculaire du calcaire qui est venu se grouper concentriquement en vertu de forces attractives autour d’un centre, postérieurement au dépôt du lehm qui les renferme, mais encore que les Kupfstein et même des assises entières doivent leur solidification à ces transports du calcaire, « repris, dit-il, par l’eau et l’acide carbonique. » Je vois avec plaisir M. Fournet sanctionner ainsi ce que j’avais dit relativement aux sables et grès de Fontainebleau (3), où le calcaire amené par des courants avait d’abord pu se cristalliser sur certains points en englobant les fragments siliceux, sous l’une de ses formes habituelles, et y pro- duire ces curieux rhomboèdres dits de grès qui figurent dans (1) Annales des mines , 5* sér., t, VIII, p. 147. (2) Comptes rendus de V Académie des sciences , t. XXXVII, p. 926. (3) La plupart des dépôts sableux présentent des phénomènes ana- logues, et notamment les grès et sables moyens dits de Beauchamp. C’est dans ces derniers que le grand aqueduc de décharge des eaux de Paris à Asnières a été creusé ; ils y ont fait voir des horizons de rognons calcarifères plus ou moins volumineux, particulièrement formés sur les points qui présentaient des débris de coquilles NOTE DE Bl. VI K LE T D AOUST. 190 toutes les collections et qui, à vrai dire, ne sont que de simples rhomboèdres de chaux carbonatée ordinaire, formés à travers le sable comme s’il n’avait pas existé; puis, sur d’autres, servira con- glomérer le sable et à former ces nodules immenses qui atteignent les proportions gigantesques de 15 à 30 mètres et plus qu’on ren- contre parfois au milieu des sables, et j’ajoutais que l’opération se continuant, on avait là la clef de la solidification successive de beaucoup de couches meubles, soit par le calcaire, soit par la silice, soit par le fer. M. Fournet termine son mémoire en annonçant « qu’il fera l’application de ces prémisses à la formation du fer pisolithique, des tubercules siliceux, des rognons pyriteux, des œtites et autres configurations minérales du même genre, en même temps qu’il s’attachera à lever quelques autres difficultés concernant ces sphé- roïdes. » Il est à désirer que cette promesse se réalise, car elle ne pourra que jeter une vive lumière sur une des questions les plus difficiles et les plus intéressantes de la géologie pétrographique. Formation des pisolithes, — Nous avons donc, dans ces concré- tions dues à des mouvements moléculaires, l’explication de la formation de beaucoup d’oolithes de dimensions diverses, depuis les proportions les plus minimes jusqu’aux dimensions gigantesques que je citais précédemment ; mais il s'en faut que toutes aient la même origine, et il est probable, par exemple, que les grosses oolithes rondes d’Is-sur-Tille, que celles à formes ellipsoïdales de la grosseur d’un œuf de pigeon, de Pretty, près deTournus et de beaucoup d’autres lieux, devront être rapportées aux phénomènes des confetti ou des pisolithes proprement dites, dont la cassure présente une succession de couches testacées différentes et dont le centre est souvent occupé par des grains de sable qui ont servi de centre de cristallisation. Ces grains, mis en mouvement au milieu de sources incrustantes qui les soulèvent, les agitent, les roulent les uns contre les autres, se chargent successivement de chaux carbonatée jusqu’à ce que leur poids devienne trop consi- dérable pour pouvoir continuer à être soulevés par les eaux ; ils tombent alors au fond du bassin et se soudent bientôt les uns aux autres en donnant lieu ainsi à la formation d’une couche solide. Telle est l’origine des dragées de Tivoli dont la forme et le nom rappellent la disposition; des calculs des bains de Saint-Phi- lippe; des charmantes pisolithes arragoni tiques de Carlsbad, dont la formation peut s’observer sous les yeux. Formation des oolithes. — Il n’en est pas de même cependant des petites oolithes de Brancion, de Givry et d’autres localités du 200 SÉANCE 5HJ 7 DÉCEMBRE 1857. département de Saône-et-Loire, qui sont des oolithes proprement dites, dont les grains sont bien aussi, à la vérité, des concrétions, mais des concrétions contemporaines de la roche, c’est-à-dire qu’elles se sont formées en même temps qu’elle. En 18A3, M. Ehrenberg, à la suite de ses travaux microsco- piques, communiquait à l’ Académie des sciences de Berlin ses observations sur les oolithes de l’Allemagne et de l’Angleterre, et il annonçait que les centres de ees oolithes étaient pour la plupart des mélonies et qu’à travers ces oolithes on remarquait des grains de quartz et de sable et des fragments d’échinodermes, etc., qui n’étaient pas recouverts d’incrustations. Il repoussait en même temps comme inadmissible l’hypothèse généralement reçue en Allemagne de l’encroûtement de petits fragments sous une tempé- rature élevée, comme cela a lieu pour les pisolithes de Carlsbad (1) qui ont suggéré cette opinion. En \SkU, j’avais cherché moi-même à expliquer la formation des oolithes ferrugineuses (2), principalement en vue des cavités ovoïdes intérieures qu’elles présentent généralement; mais, depuis mon voyage au Mexique, j’ai du abandonner complètement cette manière de voir, pour adopter le mode naturel et curieux de for- mation dont j’y ai été, je puis le dire, le témoin oculaire ; d’autant plus qu’il me paraît expliquer très bien plus d’une des circon- stances dont aucune des hypothèses admises ne pouvait rendre bien compte. Le centre de la plaine de Mexico, élevée d’environ 2300 mètres au-dessus du niveau de la mer, est occupé par deux grands lacs, l’un d’eau douce, celui de Chalco, est en grande partie alimenté par la fonte des neiges du Popocatépetl et de l’Ixtaccihuatl ; et l’autre d’eau salée, celui de Texcoco, est en partie alimenté par le premier. L’ancienne Tenochtitan , capitale des Aztèques, aujourd’hui Mexico, bâtie au milieu des Spatan - gidœ , des Echinobrissiclœ et des Echinoconidœ , ont un appareil apicial composé de quatre plaques génitales et de cinq plaques ocellaires. Dans certaines familles seulement, chez lesquelles l’appareil apicial est facile à observer (les Echinoconidœ et les Echinobris - sidœ ), on a découvert, à la place de la plaque génitale postérieure, une plaque non perforée, à laquelle on a donné le nom de plaque compl cm en ta i re . Cette plaque, qui complète la symétrie du fossile, ne paraît pas avoir d’autre importance, et n’a pas été observée jusqu’à ce jour dans la famille des Collyritidœ. Les recherches géologiques dont je m’occupe m’ont conduit à étudier les Echinides du département de la Nièvre, et j’ai eu la satisfaction de faire sur ces animaux quelques observations nou- velles, parmi lesquelles la découverte de l’existence d’une plaque complémentaire, dans certaines espèces du genre Collyrites , me paraît assez importante pour me permettre de la communiquer à la Société géologique. La structure de l’appareil apicial, la forme et la position de la bouche et de l’anus, la forme et la disposition des ambulacres, for- ment les principaux caractères différentiels des familles et des genres. On ne saurait donc apporter trop de soins à l’étude de ces caractères, qui souvent se trouvent dérobés à l’observateur par les accidents qui résultent de la fossilisation. Je décrirai dans cette note quelques appareils d’une nouvelle espèce de Collyrites de l’étage bathonien. Cette espèce, que j’ai désignée sous le nom de Collyrites nivernensis dans la description géologique des sources de la ville de Nevers, m’a permis d’étudier avec facilité les sutures, souvent peu apparentes, des plaques apiciales. NOTE DE M. ÉBRÀY. 269 Le Collyrites nivernensis est assez commun dans les parties su- périeures de l’étage bathonien, au-dessous des argiles calloviennes, et par conséquent bien au-dessous des calcaires compactes des carrières de Nevers et du calcaire à chailles qui correspond, ainsi que la couche argileuse, à l’étage callovien d’Alc. d’Orbigny. Le Collyrites nivernensis se rapproche du Collyrites ellipticus par la position du point de réunion des ambulacres postérieurs au-dessus de l’anus ; mais sa forme élevée et ses contours arrondis le distingueront facilement du Collyrites ellipticus qui occupe , comme on le sait, un niveau bien supérieur. Échantillon n° 4. Flaque ocellaire antérieure. — Forme pentagonale, aiguë vers la région postérieure, tronquée à la région antérieure où l'ambu- lacre vient se terminer, sans pore bien apparent. Plaque génitale droite antérieure. — Forme hexagonale; le pore gé- nital occupe la pointe; protubérance madréporiforme très mar- quée. Plaque génitale gauche antérieure. - — Forme heptagonale; pore gé- nital très apparent et entouré d’un léger bourrelet. Plaque ocellaire médiane , gauche. — - Forme hexagonale. Plaque complémentaire. — Forme pentagonale, entourée des plaques ocellaires médianes et des plaques génitales postérieures. Plaque ocellaire médiane , droite. — Forme hexagonale. Plaque génitale postérieure, gauche. — Irrégulièrement hexagonale, avec un côté très flexueux. Plaque génitale de droite , postérieure . — Irrégulièrement pentago- nale, avec un côté très flexueux. Il résulte de ces descriptions partielles que l’appareil apicial a la forme représentée par la figure 1. 270 SÉANCE DU 2i DÉCEMBRE 1857 Fig. i. Fig. 2 1 à t 2 1. Plaque ocellaire antérieure. 2. Plaque ge'nitale madréporiforme. 3. Plaque génitale antérieure gauche. 4. Plaque ocellaire médiane gauche, o. Plaque ocellaire médiane droite. 6. Plaque complémentaire. 7, 8. Plaques génitales postérieures. Les sutures antérieures a et b ne sont pas hien apparentes. Le poiut suturai m n’est pas bien apparent. Echantillon n° 6. \ . Plaque ocellaire buccale . — Les sutures 11e sont pas apparentes. 2. Plaque génitale de droite. — Irrégulièrement hexagonale; protu- bérance madréporiforme très marquée ; cette protubérance se propage sur la plaque ocellaire de droite; pore très marqué, entouré d’un bourrelet. 3. Plaque génitale de gauche. — Irrégulièrement pentagonale. 4. Plaque ocellaire médiane , gauche. — Heptagonale. 5. Plaque ocellaire de droite. — Hexagonale. 6. Plaque complémentaire . — La plaque complémentaire, comme dans Lindividu précédent, est entourée des plaques ocellaires médianes et des plaques génitales postérieures; elle est quadran- gulaire et allongée dans le sens de la longueur du fossile. 7 à 8. Plaques génitales postérieures . — Les plaques sont irréguliè- rement heptagonales, à côtés flexueux et à angles rentrants. Il résulte que l’ensemble de L’appareil se présente de la manière indiquée par la figure 2. Il résulte donc de ces descriptions : 1° Qu’en général les plaques apiciales des Collyrites sont fort irrégulières; elles passent de la forme quadrangulaire à la forme octogonale ; 2* Qu’il existe une plaque en général plus petite que les autres, remplissant le même butfque chez les Echinoconidœ et les Echi- DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 271 nobrissidœ ; cette plaque, dont la forme et la grandeur dépendent du mode d’accroissement des plaques ocellaires médianes et des plaques génitales postérieures, est tantôt quadrangulaire, tantôt pentagonale ; 3° La plaque complémentaire est toujours entourée des plaques ocellaires médianes et des plaques génitales postérieures, et occupe donc une position anale ; 4° Que la protubérance madréporiforme affecte généralement la plaque génitale antérieure de droite, mais qu’elle s’étend quel- quefois sur les plaques voisines. Séance du 4 janvier 1858. PRÉSIDENCE DE M. DESHAYES. M. P. Michelot, secrétaire, donne lecture du procès verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Edmond Guirand, professeur de dessin au collège de Saint» Claude (Jura), présenté par MM. le frère Ogérien et P. Michelot -, Noulet, professeur d’histoire naturelle médicale, à l’École de médecine de Toulouse (Haute-Garonne), présenté par MM. le vicomte d’Archiac et Lartet. M. de Saint-Marsaud, ancien membre, est admis, sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société, Le Président annonce ensuite trois présentations. M. le Président fait connaître à la Société la perte sensible qu’elle vient de faire dans la personne de M. de Pinteville, l’un de ses anciens secrétaires. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. F. Gailliaud, Observations sur les Oursins 272 SÉANCE DU II JANVIER 1858. perforants ( supplément ) (extr. de la Revue et magasin de zoo- logie, n° 9, 1857), in-8, 19 p. De la part de MM. Cotteau et Triger, Echinides du dépar- aient de la Sarthe , lre livraison, in-8, 3 f. de texte, 10 pl. Paris, 1857, chez J. -B. Baillière et fils. De la part de M. G. -P. Deshayes, Traité élémentaire de conchyliologie , in-8, 18° livraison, 3 f. de texte, 8 pl. Paris , 1857, chez Victor Masson. De la part de M. Terquem, Observation sur un fossile nou- veau trouvé dans le département de la Moselle , in-8, h p., 1 pl. Metz-, chez J. Verronnais. De la part de M. Giambattista Barresi, Dello ajtalosio di Sicilia , in-8, 19 p. Palermo, 1857, chez Fr. Lao. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1857, 2e sem., t. XLV, nos 25 et 26. h' Institut, 1857, nos 1251 et 1252. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée n° 107, 10e année, novembre 1857. The Athenœum, 1857, nos 157/i et 1575. Revista de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales, t. VII, n° 9, diciembre de 1857. Séance publique de la Société d'agriculture , etc. , du dépar- tement de la Marne , tenue à Châlon , le 25 aaüt 1857, in-8, 8 p. M. le marquis de Roys, trésorier, présente l’état de la caisse au 31 décembre dernier. Il y avait en caisse au 31 décembre 1856. . 2,878 fr. 35 c. La recette, du 1er janvier au 31 décembre 1857, a été de 19,073 70 Total. . . 21,952 05 La dépense, du 1 er janvier au 31 décembre 1857, a été de 19,804 80 Il restait en caisse au 31 décembre 1857. . . 2,147 fr. 25 c. La Société adopte successivement les nominations que le Conseil a faites pour 1858 dans les diverses Commissions. NOMINATION DU BUREAlî. 275 Ces Commissions sont composées de la manière suivante : 1° Commission de comptabilité : MM. baron de Brimont, VlQUESNEL, ClÉMENT-MuLLET. 2° Commission des archives : MM. Hébert, Belgrand, DI la Roquette. 3° Commission du Bulletin : MM. Bayle, vicomte d’Archiac, Michelot. l\° Commission des Mémoires : MM. Ch. S.-C. Deville, de Yerneuil, Deshayes. On procède à l’élection du Président pour l’année 1858. M. Viquesnel, ayant obtenu 65 suffrages sur 126 votes, est élu Président pour l’année 1858. La Société nomme successivement : Vice- Présidents : MM. Hébert, marquis de Roys, P. Miche- lot, Michelin. Secrétaires : MM. Laugel, Glément-Mullet. Vice-Secrétaires ; MM. Albert Gaudry, Ch. Laurent. Trésorier : M. Meugy. Archiviste : M. Ed. Gollomb. Membres du Conseil : MM. Damour, Delesse, Bayle, Lartet, Walferdin. Par suite de ces nominations, le Bureau et le Conseil sont composés, pour l’année 1858, de la manière suivante : Président . M. Viquesnel. Vice-Présidents . M. Hébert, M. le marquis de Roys , M. P. Michelot M. Michelin. Secrétaires . Vice-Secrèta ires . M. Laugel, M. Clément-Mullet. M. Albert Gaudry, M. Ch. Laurent. Soc. géol., 2e série, tome XV. 27A SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. T résorier. M. Meugy. Archiviste . |M. Ed. Gollomb. Membres du Conseil . M. Élie de Beaumont, M. le baron de Brimont, M. Deshayes , M. J. Barrande , M. Levallois , M. DE BlLLY, M. Sc. Gras, M. ü amour , M. Delesse. M. Bayle, M. Lartet , M. Walferdin. Commissions . Comptabilité : MM. le baron de Brimont, Viquesnel , Clément- Mullet. Archives : MM. Hébert, Belgrand , de la Roquette. Bulletin: MM. Bayle, le vicomte d’Archiac, P. Michelot. Mémoires : MM. Ch. S.-C. Deville, de Verneuil, Deshayes. Séance du 18 janvier 1858, présidence de m. viquesnel. M. A. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. M. le Président adresse quelques paroles à la Société pour la remercier de l’honneur qu’elle lui a conféré -, il se rend l’inter- prète des remercfments que la Société adresse à M. Damour, pour la manière dont il a rempli ses fonctions. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, M. le Président proclame membres de la Société : MM. Chatïn, professeur de botanique à l’École de pharmacie, rue du faubourg Saint-Honoré, 208, présenté par MM. Michal et Michelot $ DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 275 Fournier, pharmacien, rue d’Anjou-Saint-Honoré, présenté par MM. Michal et Michelot; Filippini (Pieiro), ingénieur, à Brescia (Lombardie), pré- senté par MM. Victor Zienkowicz et Abr. Massalongo. DONS FAITS â LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des sa- vants, décembre 1857. De la part de M. H. Abich, Ueber das Stems al z und seine geologische Stellung in Russischen Arménien , in-Zj, 93 p., 2 pi. Saint-Pétersbourg, 1857. De la part de M. Charles Des Moulins, Les savants voya- geurs à Bordeaux , in-8, 22 p. Bordeaux, 1857* chez Th. La- fa r g ue. De la part de M. Ch. Laurent, Note sur V appareil à chute libre employé par MM. Degousée et Ch. Laurent, pour les sondages à de grandes profondeurs (extr. des Mémoires de la Société des ingénieurs civils), in-8, 12 p. , 1 pi. De la part de M. Oscar Lesèble, Notice sur M. Jules Haime, in-8, 13 p. Tours, 1857 -5 chez Ladevèze. De la part de M. Ph. Matheron, Plan indiquant la situation des travaux d’ approfondissement de la rade de Toulon au 30 septembre 1857, 1 f. grand aigle. Marseille, 1857* chez M. A. Matheron. De la part de M. Éd. Piette : 1° Observations sur les étages inférieurs du terrain juras- sique dans les départements des Ardennes et de U Aisne (extr. du t. XII, 2e sér., du Bull, de la Soc. géol. de Fr.,), in-8, ZiO p., 1 pl. 2° Notice sur les coquilles ailées trouvées dans la grande oolithe de P Aisne, des Ardennes et de la Moselle , in-8, 16 p., li pl. 3° Notice sur les grès dr Aiglemont et de Rimogne , in-8, 20 p., 1 pl. h° Sur les coquilles voisines des Purpurines, trouvées dans la grande oolithe des Ardennes et de l'Aisne, in-8, 12 n , 3 pl. 276 SÉANCE DE 18 JANVIER 1858. Ces trois notices sont extraites du t. XIII, 2e sér., du Bull, de la Soc. géol, , de France. De la part de M. Joseph Prestwich, Three lectures on the geology of Clapham and the neighourhood of London gene- rally , in-8, 79 p., 2 pl. Londres, 1857 ; chez Yan Yoorst. De la part de M. le comte de Rottermund : 1° Rapport sur V exploration des lacs Supérieur et Huron , in-8, 26 p. 2° Second rapport sur V exploration des lacs Supérieur et Huron, in-8, 50 p. Toronto, 1857. De la part de M. le professeur Antonio Stoppani, Studii geologici e paleontologici sulla Lombardia , in-18, 361 p., 2 tabl. Milan, 1858; chez C. Turati. Comptes rendus hebdomadaires des séances de /’ Académie des sciences , 1858, 1er sem., t. XLYI, nos 1 et 2. L'Institut , 1858, nos 1253 et 1254. L'Ingénieur, 1857, 11e livraison. Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire , 1er volume, n° 2, 1857, in-8. Société I. d' agriculture, sciences et arts de V arrondisse- ment de Valenciennes. — Reçue agricole , industrielle et litté- raire, IXe année, n° 5, novembre 1857. Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles , t, Y, nos 39 à Al. The Athenœum , nos 1576 et 1577, 1858. Revisia minera , t. IX, n° 183, 1858. M. Hébert présente à la Société, de la part de M. Oscar Lesèble, une notice (imprimée) surM. Jules Haime. M. le Président présente à la Société, de la part de M. de Rottermund, un rapport (imprimé) sur l’exploration des lacs Supérieur et Huron, où se trouve indiqué le gisement des roches composant la collection que M. de Rottermund a pré- sentée au Muséum d’histoire naturelle, et qui a donné lieu à une note de M. Yiquesneî, insérée dans le Bulletin (2e série, t. XI Y, p. A 19)'. M. le Président lit une lettre de M. de La Roquette, qui fait connaître la perte regrettable de M. Keilbau, professeur de mi- NOTE DE M. NOULET. 277 néralogie et de géologie à l’Université de Christiania (Norvège). M. de La Roquette annonce qu’il communiquera prochainement à la Société une notice nécrologique sur ce savant confrère. M. d’Archiac présente le mémoire suivant de M. J. -B. Noulet : Du terrain éoc'ene supérieur considéré comme P un des étages constitutifs des Pyrénées , par M. le docteur J. -B. Noulet, professeur à l’Ecole de médecine et de pharmacie de Tou- louse. Les terrains tertiaires d'eau douce, qui occupent une si grande portion du bassin sous-pyrénéen, doivent être rapportés (abstrac- tion faite des alluvions anciennes et récentes) à deux étages distincts, mais qui se succèdent immédiatement dans l’échelle géognostique. Le plus ancien revient à l’étage supérieur de l’éocène de M. Lyell (étage parisien de M. Aie. d’Orbigny), le plus récent au miocène de M. Lyell (étage falunien de M. d’Orbigny). J’ai dit ailleurs que ces deux terrains, l’un et l’autre d’origine fluviale et lacustre, composés, à cause de cette communauté d’origine, des mêmes roches, pouvaient néanmoins être distingués à Laide de caractères stratigraphiques et paléontologiques. C’est ainsi que, sur plusieurs points, les roches de l’éocène supérieur ont perdu leur horizontalité primitive, tandis que les roches du miocène ont constamment conservé cette disposition ; d’où il résulte qu’au contact des deux terrains il y a souvent entre eux stratification discordante (1). Chacun des deux terrains a de plus une faune et une flore complètement distinctes. Le terrain éocène supérieur comprend la mollasse du Fronja- dais, la mollasse et les calcaires du Périgord, du Quercy, de l’Al- bigeois et du Castrais, qui s’étendent en masse continue jusqu’à la rencontre de la montagne Noire, à LE. Les mêmes couches échancrent le département de la Haute-Garonne, dans l’arrondis- sement de Yillefranche, et gagnent enfin les départements de l’Aude et de l’Ariége. A part le bassin de Narbonne et les terrains d’eau douce qui en dépendent jusqu’à Sijean, et qui sont miocènes, l’éocène supé- (1) Voyez nos Mémoires sur les coquilles fossiles des terrains d’eau douce du sud- ouest de la France , 1854. Introduction. 278 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. rieur constitue la formation des poudingues, des grès, des argiles, des marnes et des calcaires lacustres de l’Aude tout entier. Dans le Fronjadais, le Périgord, le Quercy, l’Albigeois, le Castrais et la Haute-Garonne, les couches de l’éocène supérieur sont partout horizontalement disposées, comme celles du miocène ; mais en entrant dans le département de l’Aude, à Villeneuve-la- Comtal, au Mas-Saintes-Puelles, à Saller, par exemple, on les aperçoit sensiblement disloquées sous divers angles. Cette dispo- sition est plus marquée, plus loin, au contact de la formation num- mulitique, soit le long des pentes S. de la montagne Noire, soit le long des pentes opposées des Corbières. Les memes dérangements s’observent tout autour du massif des Corbières jusqu’à la chaîne des Pyrénées proprement dite. Là, on voit l’éocène supérieur s’étendre dans l’ancien Rasez, où il est faiblement bouleversé, pour venir enfin prendre part au relief même des Pyrénées, et commencer, en partant des Corbières, ce système de basses montagnes à stratification très tourmentée, qui limite, au pied de la grande chaîne, le bassin sous-pyrénéen. Dans l’arrondissement de Limoux et dans le département de l’Ariége, à TE., ce sont, comme dans l’Aude, les grès qui domi- nent, quoiqu’on y rencontre des poudingues et quelque peu de calcaires lacustres. Cet état de choses dure jusqu’auprès de Varilles (Ariége); mais en s’avançant vers l’O., les poudingues prennent une plus grande extension ; en même temps, les calcaires d’eau douce se montrent plus fréquents et surtout plus puissants. A Crampagnac, sur les deux rives du lit de l’Ariége, on constate d’importants affleure- ments de ces derniers. De là, on en découvre sous la même direc- tion, tout le long de la chaîne la plus extérieure des Pyrénées, jusqu’à Sabarat, où ils acquièrent une grande importance, tant à cause des étages qu’ils y forment que des coquilles fossiles qu’ils fournissent. De Crampagnac à Sabarat, les couches de la formation miocène sous-pyrénéenne viennent s’appuyer continuellement, en stratifi- cation discordante, sur l’éocène supérieur, à couches redressées, comme nous l’avons dit. La petite ville de Sabarat, daus le canton du Mas-d’Azil (Ariége), est bâtie sur les bords de l’Arize, au fond d’une vallée, dont les flancs sont constitués au S. par un système de roches dé- pendant de la formation nummulitique, et au N. par un chaînon appartenant aux basses montagnes que nous suivons depuis le pied des Corbières, limitant partout le relief pyrénéen vers la plaine. NOTE DE M. NOULET. 270 A Sabarat, on observe toutes les natures de roches que nous avons indiquées dans la formation éocène supérieure ; on y trouve chacun de ces éléments plusieurs fois répété. C’est ainsi qu’en partant du lit de l’Arize, à Sabarat même, et en remontant jusqu’à la rencontre des couches du miocène, dans la direction de Garla- le-Comte(l), on parcourt une tranche de l’éocène supérieur, qui approximativement nous semble n’avoir pas moins de 1200 mè- tres en travers. La coupe placée ci-dessous, que j’ai dressée d’après un croquis que je dois à M. l’abbé Pouech, en représente le profil assez exactement, pour que la légende que nous allons y ajouter suffise à bien faire comprendre la suite des couches qui se suc- cèdent sur ce point. a. Formation nummulitique^'calcaires, argiles et grès, ü b. b. Couclies de grès argileux, intermédiaires entre les deux formations éocènes. c. Premier banc de poudin gue. d. Grès et marnes. e. Premier calcaire d’eau douce, compacte, blanc, rosé ou jaunâtre, avec Héliees , Cyclostomes et Planorbes . f. Deuxième banc de poudingue. g. Deuxième calcaire d’eau douce, solide, et marnes. h. Troisième banc de poudingue. i. Troisième calcaire d’eau douce, et marnes avec Cyclostomes. k. Grand système de poudingues entremêlés d’argiles roussâtres, terminant la for- mation. l. Couches horizontales du miocène. Les couches de grès argileux placées au fond de la vallée, entre les deux étages de l’éocène, n’ayant pas encore fourni de fossiles, on ne peut commencer sans contestation l’étage supérieur qu’au premier banc de poudingue, banc au-dessus duquel se rencontre bientôt le premier calcaire d’eau douce coquillier. Plus haut, ce sont des alternances de poudingues, de grès, de calcaires, qui se (1) En arrivant à Carla-le-Comte, nous avons, à dessein, choisi une localité nettement précisée du miocène d’eau douce sous-pyrénéen. On sait que cette localité a fourni des restes de l’un des mammifères fos- siles caractéristiques de cette formation, le Dinothérium giganteum , Kaup, signalé par G. Cuvier sous le nom de Tapir gigantesc/ue . Voyez G. Cuvier, Recherches sur les ossements fossiles , 3e édit, vol. VIII, !re part., p. 4 68, pl. VIII, fig. 4 à 4. 280 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. succèdent jusqu’au sommet de la montagne, où les poudingues, entremêlés d’argiles jaunes, régnent exclusivement. L’ordre que nous venons de signaler dans les couches de la formation éocène supérieure, à Sabarat, se continue sur toute la largeur du territoire de cette commune. Néanmoins, les coquilles fossiles ne se rencontrent pas partout dans les calcaires, et nous ne connaissons qu’un petit nombre de gisements situés dans la direction de la ligne assignée au profil de la coupe que nous ve- nons de tracer (1). L’ensemble de ce terrain, étudié à Sabarat, nous représente donc un de ces bassins réduits, assimilable à celui de Villeneuve la-Comtal, par exemple, ou à tout autre pris dans le Castrais, l’Albigeois et l’Agenois, où des calcaires lacustres et des couches alluviales se succèdent plusieurs fois, de telle sorte que les mêmes fossiles, se répétant à différents étages, servent à caractériser la formation tout entière. Si, reprenant maintenant la suite de la chaîne des basses mon- tagnes formées par l'éocène supérieur, nous continuons à la suivre à l’O. de Sabarat, elle nous conduira sans interruption à travers les départements de l’Ariége et de la Haute-Garonne jusqu’à la grande vallée de la Garonne. Au delà de cette limite, ce terrain joue encore le même rôle au pied des Pyrénées jusqu’à la termi- naison de la chaîne ; seulement il est parfois recouvert, et consé- quemment déguisé, par les couches horizontales du miocène. Si nous interrogeons les faits paléontologiques, nous les trou- verons en parfait accord avec ceux que la stratigraphie vient de nous révéler. La conservation des coquilles retirées des calcaires de Sabarat, en permettant des déterminations rigoureuses, donne à ces fossiles une autorité irrécusable. Ce sont, en effet, des co- quilles provenant de mollusques gastéropodes terrestres et d’eau douce : Hélix , Cyclostnma et Planorbis. Par les genres dans les- quels elles rentrent, ces coquilles suffisent à caractériser nettement l’origine lacustre de la roche qui les renfermait. Etudiées spécifi- quement, elles sont aussi suffisantes pour déterminer l’âge des couches d’où elles proviennent. Or toutes, sans exception , se (1) C’est à M. l’abbé Pouech, professeur-directeur au grand sémi- naire de Pamiers. que je dois la communication des premières coquilles fossiles découvertes dans les calcaires lacustres de Sabarat, et consé- quemment la connaissance de cette intéressante localité. J’ai eu, de- puis, l’avantage de l'étudier avec M. l'abbé Pouech, et de profiter des observatjons que ce savant et modeste ecclésiastique a recueillies sur la géognosie des Pyrénées, de l’Ariége, et des coupes qu'il en a tirées. NOTE DE M. NOILET. 281 montrent identiques avec des espèces déjà connues et retirées des calcaires appartenant à la formation éocène supérieure du sud- ouest de la France. Voici la liste de ces coquilles, renvoyant, pour leur synonymie et leur description, à deux de nos précédents travaux (1) : 1 . Hélix Vinlaii, de Boissy. 2. — Poticzii , de Boissy. 3. — Janthinoides , de Boissy. 4. Cyclostoma formosum , Boubée, var. caactum et mi nu- tum, Noulet. 5. Planorbis crassus , M. de Serres. 6. — plana tus , Noulet. 7. — caslrensis, Noulet. Il est important de reproduire ici, en les complétant par les découvertes les plus récentes, les localités qui ont fourni jusqu’à ce jour les sept espèces que nous retrouvons à Sahara t. Elles pro- viennent de la nappe d’ éocène supérieur qui de l’Aube s’étend, en passant par la Haute-Garonne et le Tarn, jusqu’au Lot. Elles sont réparties, dans les calcaires lacustres de cette circonscription, ainsi qu’il suit : L' Hélix Vialaii , à Villeneuve-la-Comtal et au Mas-Saintes- Ruelles (Aude), à Augmontel (Tarn). L' Hélix Poticzii , à Villeneuve et au Mas (Aude), à Sorèze, à Castres, à Lautrec, à Albi (Tarn), à Cieurac (Lot). L 'Hélix Janthinoides , à Villeneuve et au Mas (Aude). Le Cyclostoma formosum typus , à Villeneuve, au Mas (Aude), à Lau- trec (Tarn). — Les variétés coactum et mi nutum , à Castres, à Lautrec, à Paluez, à Albi (Tarn). Le Planorbis crassus , à Villeneuve et au Mas (Aude), à Monestiès, à Carmaux, à Cordes (Tarn). Le Planorbis planatus , à Villeneuve et au Mas (Aude), à Sorèze, à Castres, à Lautrec, à Albi, à Amarens, à Cordes (Tarn), à Cieurac (Lot). Le Planorbis castre nsi s, à Sorèze, à Castres, à Labruguière, à Cau- calières, à Augmontel (Tarn). Ces sept coquilles ont été retirées des mêmes couches qui nous ont révélé des restes appartenant à des mammifères de Tordre des (l ) Voyez Mémoire sur les coquilles fossiles des terrains d'eau douer du sud-ouest de la France , 1854, et Coquilles fossiles nou- velles, A 857. 282 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. Pachydermes, et des genres ou sous-genres que nous allons dési- gner. Leur provenance commune ne permet donc aucun doute sur l’âge des terrains qui les recelait. En effet, les bassins de Limoux, de Carcassonne, de Castelnau- dary (Aude), et de Castres (Tarn), ce dernier principalement, nous ont fait connaître, outre des débris de reptiles fort intéres- sants, des ossements de mammifères revenant aux groupes Lophio - don) G, Cuvier, Lophiotherium , P. Gervais, P alçeotherium , G. Cu- vier, Propaleeqtheriuni) P. Gervais, Paloplotherium , Owen, etc., animaux qui appartiennent exclusivement à l’étage que nous étudions. L’aire des terrains que cette population fossile occupe dans le S. -O. de la France, prise dans son ensemble, forme une bande considérable, et qui joue un rôle important dans la constitution géognostique des formations tertiaires des Pyrénées et du bassin sous-pyrénéen. Les calcaires, les grès et les mollasses d’où ils pro- viennent, tous déposés sous les eaux douces, montrent, par rapport à leur manière d’être actuellement, des différences essentielles que nous avons déjà signalées, mais sur lesquelles nous devons nous appesantir. On les observe, en effet, en place et horizontalement disposés, dans le Lot, le Tarn, la Haute-Garonne ; mais dans l’Aude ils ont subi un dérangement sensible dans les plans de stra- tification. La dislocation des couches prend des caractères de plus en plus prononcés le long des pentes de la montagne Noire, là où elles ont suivi le redressement de la formation nummulitique, caractère qu’elles conservent en contournant les Corbières et tout le long des Pyrénées. On constate donc que le dérangement des couches de l’éocène supérieur a suivi le mouvement ascensionnel de la chaîne des Pyrénées, et qu’il s’est arrêté là où le massif de la montagne Noire, précédemment constitué, a amorti les effets de cette gigantesque catastrophe. « La constatation de l’étage supérieur de la formation éocène, sur le versant nord des Pyrénées, a pour résultat de modifier des opinions fondamentales qui semblaient solidement établies. Ainsi, soit que l’on considérât avec MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont la bande coloriée en jaune sur leur carte géologique de la France, comme appartenant au terrain crétacé supérieur, soit qu’avec le plus grand nombre des géologues on regardât cette zone comme tertiaire et revenant à l’étage lé plus inférieur de Féocène, on n’a songé que dans ces derniers temps à les scinder en deux parts, 3S0TE DE M. NOULKT. 283 pour en constituer deux étages particuliers dans la série géognos- tique (1), » En réalité, il y a deux terrains distincts par leur origine, par leur âge et par leurs fossiles, là où tant de recommandables savants n’en avaient admis, ou n’en admettent même encore qu’un seul. Nous considérons en conséquence, comme appartenant à l’éocène supérieur ou Palœotherien , la zone la plus extérieure de cette bande qui s’appuie en stratification concordante sur le vrai terrain nummulitique. Au reste, les deux étages de l’éocène affectent la même inclinaison vers le nord qui est l’inclinaison générale de la chaîne elle-même. » Le dédoublement de Féocène pyrénéen en deux groupes étant admis, il en résulte que le groupe le plus récent, qui est aussi le moins puissant des deux, vient combler la lacune que l’on avait cm mal à propos exister dans la série des étages composant ces montagnes, ce qui conduit à admettre que ce fut postérieurement au dépôt de l’éocène supérieur que la chaîne des Pyrénées prit sa forme définitive, en affectant la direction si tranchée de O. 18° N. à E. 18° S. » Il suit de ce que nous avons dit de l’existence du terrain éocène supérieur dans le bassin sous-pyrénéen, qu’à l’époque où il fut délaissé sous les eaux douces, l’Océan et la Méditerranée étaient déjà séparées, et à peu de choses près, de la même manière que ces mers le sont aujourd’hui. » Il faut aussi nécessairement reconnaître qu’après la grande perturbation qui eut pour résultat le relèvement des Pyrénées et l’anéantissement de la faune entière propre à la période pendant laquelle l’éocène supérieur avait été déposé, il se produisit au pied de ces montagnes, au nord, par l’effet de l’inclinaison des strates relevés d’un côté et abaissés de l’autre, une vaste dépression que des eaux douces vinrent occuper, réservoir dans lequel furent déposés de nouveau des calcaires et des mollasses qui tendirent de plus en plus à la combler, et, comme aucune catastrophe n’est venue depuis déranger ces sédiments post-pyrénéens de leur posi- tion normale, ils ont conservé leur horizontalité primitive. Ce sont là les couches miocènes, parfois si riches en restes d’êtres organisés, ceux-ci caractérisant une faune entièrement renouvelée, couches (1) Nous rappellerons ici qu’entrevues, dès 1 849, par M. Y. Raulin , ces conclusions ont été émises en 1853 par M. P. de Rouville, en 4 854 par M. Delbos et par nous-même, et reproduites en 4 855 par M. Raulin à la suite de nouvelles recherches. SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. 28 h que nous avons vues contraster d’une façon si frappante avec celles del’éocène supérieur faisant partie de la constitution pyrénéenne. » La date géologique, assignée à la perturbation violente qui donna aux Pyrénées leur forme définitive, avait été fixée différem- ment par les géologues, suivant les idées qu’ils s’étaient faites de l’âge de la dernière assise de cette chaîne. En restituant aux Pyré- nées l’étage éocène supérieur, on fixe leur relèvement final après que le terrain éocène supérieur était déjà constitué, et avant que le terrain miocène le fût encore (1). » Telles sont les conclusions que l’on est en droit de tirer de ce fait d’observation, à savoir qu’un terrain d’eau douce, dépendant de l’étage éocène supérieur, entre dans la constitution géognostique des Pyrénées dont il forme le terme le plus récent. M. le baron de Brimont lit le mémoire suivant de M. Fournet. Considérations générales au sujet des mélaphyres , par M. J. Fournet, professeur à la Faculté des sciences de Lyon. Les mélaphyres sont souvent relégués dans l’ensemble des roches dites trappéennes , dénomination évidemment trop vague pour devoir être conservée dans la science ; d’autre part, ils ont été réunis aux basaltes, et cette confusion tend particulièrement à jeter une grande obscurité dans la géologie du Tyrol, pays où les deux roches se montrent simultanément. Enfin, quelques géo- logues persistent encore à ne voir dans ces mélaphyres autre chose que des masses éruptives du genre des porphyres. Ces indécisions, contre lesquelles j’ai déjà eu occasion de ré- clamer, me déterminent à produire de nouvelles explications, et, pour entrer en matière, je rappellerai immédiatement que les basaltes tyroliens se distinguent par leurs pyroxènes, parfaitement identiques avec ceux que l’on rencontre dans toutes les autres laves basaltiques de la France ou de l’étranger. Ils ne renferment ni les feldspaths, ni les épidotes, ni les idocrases, que l’on ren- contre si fréquemment dans les mélaphyres. Les pâtes des deux (1) Il est à peine besoin de dire que nous n’entendons parler que du dernier soulèvement général, qui a donné à la chaîne entière des Pyrénées son relief principal et sa direction définitive, sans nous pré- occuper des bouleversements postérieurs et locaux dus aux roches éruptives. NOTE DÉ M. FOURNEÎ. ‘285 roches n’ont d'ailleurs aucune ressemblance minéralogique. Enfin, les basaltes percent au travers des roches triasiques et autres plus récentes, sous la forme de filons minces ou puissants, tandis que les débris des mélaphyres, roulés par les eaux, amenés à l’état de cailloux, entrent dans la composition des grès placés sous les dolo- mies et sous les autres roches secondaires de la contrée. Ainsi donc les masses respectives diffèrent complètement par leur âge, comme par la plupart de leurs propriétés physiques ou chimiques. Le rapprochement des mélaphyres avec les porphyres est infi- niment plus fondé. En effet, dans le Tessin, et mieux encore dans la vallée del’Azergues, j’ai vu des filons de porphyres rouges, dont quelques branches possèdent la teinte noire qui forme le caractère le plus frappant des autres ; mais j’ai cru pouvoir expliquer cette circonstance en ayant égard à des effets de dissolutions, ou, autre- ment dit, en admettant ce que j’appelle les effets endomorphiques. Je suppose d’ailleurs que toute autre hypothèse rendrait difficile- ment compte de cette coloration purement locale, à moins que l’on ne veuille faire intervenir les rubéfactions postérieures occa- sionnées par les agents atmosphériques ; mais à cette explication, on peut opposer l’objection suivante, savoir : que la rubéfaction aurait du atteindre d’abord les parties les plus minces et les plus superficielles des filons, tandis que c’est l’inverse qui a lieu. Le corps du filon est rouge, et ses menues diramations, bien qu’elles s’avancent jusque près de la surface, ont conservé la couleur noire. Ainsi donc, j’admets que certains mélaphyres ne sont autre chose que des porphyres, dont la constitution chimique a été modifiée par la combinaison ou par la dissolution de quelques parties des roches naissantes. J’ajoute de plus que ces circon- stances sont purement accidentelles, et que les grandes masses mélaphyriques ont une origine bien autrement complexe, et je vais baser cette indication sur divers résultats de mes observations. D’abord les mélaphyres en grandes masses affectent des posi- tions essentiellement caractéristiques, et qui auraient du frapper tout d’abord les géologues, car elles sont manifestes dans le Lyonnais, dans les Vosges, dans le Tessin, dans le Tyrol et même en Sibérie. Partout ils constituent des nappes superficielles qui, très souvent même, occupent des positions culminantes où ils forment tantôt des plateaux, tantôt des pitons, selon l’ampleur des surfaces qu’ils occupent. Jamais je ne les ai vus se disposer en filons nettement définis, ou pareils à ceux des basaltes, par exemple, et les parties que l’on a pu considérer comme telles m’ont toujours présenté les caractères de simples lambeaux empâtés dans les 283 SÉANCE DU 18 JANVIER â858. roches soulevantes. Ce n’est qu’en l’absence de dénudations suffi- samment étendues qu’il arrive des confusions à cet égard, et, dans ce cas, la prudence veut que l’on se tienne sur la réserve, si l’on n’a pas le temps ou l’occasion d’étendre suffisamment le champ de ses observations. En prenant comme point de départ, pour les formations de ce genre, le grand lambeau qui couvre le plateau d’Âvenas, en Beaujolais, nous trouverons d’abord qu’en descendant indifférem- ment vers Beaujeu, vers Chiroubles, vers Vaux-Renard, vers Ouroux, son passage à la syénite sous-jacente est assez brusque, et que, suivant chacun de ces versants, il y a un abrupte évidem- ment formé par l’épaisseur de la nappe supérieure, absolument comme cela arrive quand un système de couches sédimentaires solides repose sur un granité. D’ailleurs, quelques lambeaux étalés sur les rampes suffisent pour indiquer l’ancienne liaison du lam- beau supérieur avec les autres parties disséminées dans le reste de la contrée. En parcourant ensuite la surface du plateau, on y rencontre les mélanges ordinaires des pâtes noires avec des pâtes rouges con- fuses, et celles-ci, passant fréquemment à l’état granulitique, rap- pellent, par cela même, l’une des modifications cristallines de la syénite inférieure. Bien plus, ces colorations rougeâtres ou brunes et endomorphiques prédominent dans les dépressions du plateau, parce qu’en effet elles s’y trouvent en relation plus immédiate avec cette même syénite. Les saillies, au contraire, sont presque exclusivement constituées par des roches noires. D’ailleurs, je ne puis dépeindre l’arrangement rocheux de la station d’une manière plus expressive qu’en la comparant aux glaçons d’une rivière qui, après avoir été disloqués et culbutés pendant une débâcle, auraient été fixés en place par l’eau solidifiée à son tour au moment d’une pelée subséquente. Les complications minéralogiques du système s’expliquent d’ailleurs par la pénétration, si naturellement variable, de la ma- tière métamorphisante. Sur un point, il ne s’est développé que du feldspath disséminé dans une pâte dure et noire ; plus loin, celle-ci a également subi les effets de la cristallisation, de sorte qu’il en est résulté des disséminations amphiboliques, et par suite des masses dioritiques plus ou moins schisteuses. Quelquefois le ramollissement de ces parties dioritisées a été tel que l’amphibole pure a pu sécréter dans les fissures de retrait, où elle forme de petits filons. Parmi les magmas plus impurs, l’épidote à l’état nuageux ou subcristallin, compagnon ordinaire des gâchis géolo- NOTE DE M. FOÜRNET. 287 ! i giques, marie sa couleur jaune verdâtre avec celles des pâtes rouges et noires. Ailleurs, on n’a qu’une masse noire homogène. Enfin on pourra, çà et là, mettre la main sur des fragments de schistes échappés à ces transformations diverses, et ceux-ci natu- rellement viennent à l’appui de l’origine sédimentaire de la masse, origine déjà indiquée par les dispositions générales de l’ensemble ; en sorte que tout s’accorde pour démontrer qu’il ne s’agit pas ici de nappes d’épanchement du genre des coulées basaltiques, mais véritablement de couches atteintes, à divers degrés, par une cause modificatrice. La butte de Brouiliy, espèce d’avant-poste établi entre la ter- rasse du bas Beaujolais et les montagnes occidentales près de Saint-Lager, présente encore des accidents du même ordre. La nappe mélaphyrique y est également appliquée contre un granité que l’on peut regarder comme appartenant à la formation syéni- tique. Cependant la disposition n’est plus horizontale, et le redres- sement est tel qu’elle plonge vers l’est, tandis que sa tranche apparaît sur toute l’étendue du front occidental du pâté. Il en ré- sulte donc une allure bien distincte de la précédente, et dont je devais naturellement faire mention ici, afin de mettre en opposi- tion deux manières d’être que l’on peut d’ailleurs rencontrer dans tous les terrains sédimentaires. Au surplus, la nappe de Brouiliy présente à peu près les mêmes accidents de structure que la précé- dente, c’est-à-dire que l’on y peut trouver des parties noires am- phiboliques et des cristallisations feldspathiques. On remarque plus spécialement de grosses veines blanchâtres, tantôt parallèles, tantôt convergentes ou divergentes, selon leurs sinuosités au tra- vers des parties noires, et toutes ces marbrures, contrastantes par leurs couleurs, sont intimement soudées ou fondues par leurs bords. Bien plus, les bandes noires, primitivement schisteuses, sont devenues compactes, rudes et à cassure finement esquilleuse ; les rubans blancs sont pareillement compactes, mais plus lisses, et leur éclat est presque gras, de manière qu’en aboutissant çà et là à un état cristallin plus prononcé, ils tendent à passer à l’ido- crase , autre élément minéralogique dont la présence dans les roches métamorphiques est presque aussi habituelle que l’est celle de l’épidote. Ajoutons cependant que ces diffusions sont purement locales ; qu’il existe ici, de même qu’à Avenas, de grandes masses de pâtes noires, presque sans veinules blanches, de sorte que les différences observables parmi les détails ne doivent pas mettre obstacle à la réunion des deux groupes dans un seul et même sys- tème. En changeant les termes, je dirai qu’il faut accepter, pour 288 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. l’un comme pour l’autre, l’idée du tison à demi brûlé de M. Èlie de Beaumont, charbonné à un bout, intact à l’extrémité opposée, symbole toujours expressif et juste, soit qu’on veuille n’envisager que de menues portions, soit qu’au contraire on s’attache à suivre les phénomènes sur l’étendue d’une chaîne de montagnes. Je n’étendrai pas ces recherches plus loin dans le but de décou- vrir de nouvelles preuves de mes aperçus, car ce serait vouloir entasser ici une suite de détails tous concordants entre eux. Ainsi, ayant déjà suffisamment décrit les mélaphyres vosgiens, etc., etc., je renvoie, sans plus amples commentaires, à mes anciennes notes à cet égard. Toutefois, je dois encore faire ressortir divers détails rassemblés çà et là dans mes voyages. Le premier, bien que son maintien modeste tende à le reléguer dans l’obscurité, n’en a pas moins une haute portée théorique, et voici en quoi il consiste : Les mélaphyres les plus compactes et les mieux cristallisés con- servent souvent un reste de leur caractère originaire. Il est imper- ceptible dans les cassures fraîches; mais la chimie de la nature sait le faire ressortir. Pour arriver à son but, il lui suffit du tra- vail séculaire de ses modestes agents atmosphériques. Ceux-ci, s’attachant à ces roches, enlèvent, molécule à molécule, leurs parties attaquables, et laissent en place les parties plus solidement constituées; de là une œuvre de dissection d’une délicatesse infinie, et dont le résultat est de mettre en évidence une texture foncière- ment schistoïde , mais parfois complètement inattendue. Du moins, ma satisfaction a été grande, quand je fus ainsi amené à la reconnaître dans les beaux mélaphyres, en apparence si homo- gènes, de la vallée de Framont, dans les Vosges. Le mode de formation que j’assigne aux mélaphyres explique d’ailleurs fort bien la variabilité de leurs caractères. Sur les bords du lac de Lugano, les marbrures rouges des pâtes porphyriques oblitérées y sont fréquentes, indépendamment des filons nettement configurés de ces mêmes porphyres quartzifères qui les traversent çà et là. Dans certaines parties du Lyonnais, les diorites l’empor- tent sur les mélaphyres, et ailleurs l’inverse a lieu, ou bien encore l’ensemble est excessivement confus, mal cristallisé. Le Tyrol présente surtout des mélaphyres à ouralites, dans la vallée de Fassa, et ses mélaphyres feldspathiques, passant aux prasophyres le long de l’Adige, près de Botzen. Dans les Vosges, les prasophyres et les mélaphyres paraissent être également liés ensemble. Les schistes micacifères siluriens du Languedoc présentent quelques amas métamorphiques offrant toutes les couleurs, passant de la NOTE DE M. FOURNIT. 289 pâte rouge aux pâtes brunes, vertes ou noires, avec ou sans cris- tallisations feldspath iq ues, et ainsi de suite. Il est en effet facile de comprendre que des schistes de nature diverse, que des grès également variables, que des pénétrations plus ou moins abon- dantes des roches modificatrices, que leur fluidité spéciale, et qu’enfin la composition de ces mêmes masses plutoniques, doivent avoir une large part dans les résultats définitifs de la solidification, sans compter les rubéfactions et autres causes d’altérations épigé- niques qui, agissant à leur tour par la voie humide, complètent la confusion. Il me reste encore à émettre quelques aperçus au sujet de la chaleur nécessaire pour produire les résultats métamorphiques. A cet égard, j’ai depuis longtemps remarqué que l’on exagère singu- lièrement cette température, non pas qu’elle n’ait joué un rôle prépondérant dans certains cas, mais en ce sens qu’elle ne doit pas, nécessairement et toujours, être excessive. Voici quelques indications qui feront mieux comprendre la portée de cet énoncé. Des carreaux polis de glace à miroir, superposés en piles, peuvent se souder entre eux, au point qu’ils ne se laissent plus séparer autrement qu’avec des arrachements. Le trait du diamant, passé sur la lame supérieure, passe au travers de celles qui sont immédiatement au-dessous. Une température un peu élevée soude ensemble des verres à vitre ordinaires, sans que le ramollissement soit porté au point de faire disparaître les joints des lames, et pourtant le choc du mar- teau, de quelque manière qu’il soit appliqué, ne peut pas cliver ces sortes de schistes. Sous des influences analogues, des piles de pièces d’argent forment des cylindres très solides, sans que les légendes et les effi- gies soient en aucune façon altérées. Une chaleur un peu plus forte peut éliquater leurs parties intérieures, tandis que les faces, qui, ayant supporté le principal effort du balancier, ont acquis un tissu plus serré, conservent leur façon. Les verres peuvent être dé vitrifiés à la simple chaleur néces- saire pour les ramollir légèrement. Si l’on réchauffe plusieurs fois du verre à bouteille, il s’établit, dans la matière encore molle, des grains durs qui ont fait donner à ces accidents le nom de verres galeux. Le changement est assez prompt, dans certaines qualités, pour qu’elles ne puissent être façonnées à la lampe d’émailleur, à moins que l’on n’opère avec une grande célérité. Notre célèbre métallurgiste Grignan avait déjà observé, dans le siècle passé, la cristallisation du fer amené à l’état mou ; M. Wôh- Soc. zêoi.* 2® série, tomo XV. 4 9 290 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. 1er a cité un nouvel exemple de cette circonstance, et il a montré de plus que le métal devient alors clivable en cubes aussi facile- ment que la galène. Dans ses expériences au sujet de la cémentation dévitrijiante , M. Fourmy, ayant opéré sur du verre noyé au milieu du gypse, obtint au contact une dissolution des deux substances. En outre, la masse vitreuse était recouverte d’une croûte épaisse de quel- ques millimètres, parfaitement blanche, nacrée, divisible en cris- taux peu adhérents entre eux, mais très réguliers. M. Chevreul, n'y ayant trouvé que de l’acide sulfurique et de la chaux, fut amené à conclure qu’il s’était formé de l’anhydrite ; mais le sul- fate de chaux exigeant une très forte chaleur pour arriver à la fusion en émail blanc, il faut concevoir que, dans l’opération de Fourmy, le simple ramollissement a suffi pour déterminer la cris- tallisation, ainsi que cela arrive aux verres, aux laitiers, au fer, dans les mêmes circonstances. Cet habile expérimentateur a d’ail- leurs conclu de l’ensemble de ses recherches que, pour arriver à produire la cristallisation, il suffit d’une température requise sou- tenue pendant un temps requis , et qu’une trop forte chaleur met obstacle à la réussite. D’un autre côté, nos anciens géologues, pour se rendre compte de la fluidité des laves à d’assez basses températures, avaient ima- giné de recourir à l’intervention de certains fondants, et ils s’étaient entre autres arrêtés à l’idée du rôle de l’eau ; de là leur fluidité aquoso-ignée. De mon côté, j’ai déjà, en 1841, insisté sur la for- mation des agates, de leurs zéolithes et de leurs carbonates sous l'influence de l’eau, de l’acide carbonique et de matières, dont la constitution se rapproche de celle des matières organiques, le tout étant maintenu par la pression. Alors aussi je faisais remarquer que les mêmes corps sont intervenus dans la constitution des ser- pentines. Plus tard, en 1843, revenant sur les effets de la pression, j’ai expliqué comment les hydrocarbures volatils peuvent exister dans les filons de fer oxydulé, dans les basaltes, sans effectuer la réduction de l’oxyde en métal, contrairement aux énoncés de M. Gay-Lussac. En 1851, les quartz guttijères de l’île d’Elbe, dont j’avais étudié les gisements, mis en parallèle avec ceux des autres fiions de la Toscane, ainsi que de divers autres pays, m’ont en- core une fois porté à revenir sur le principe des anciens; mais alors aussi, insistant sur les complexités mises en évidence par les physiciens et par les chimistes qui ont découvert dans les roches ou dans les cristaux plutoniques des bitumes, de l’eau, des acides ou autres corps volatils, j’ai conclu que la nature spé- NOTE DE M. FOÜRNËT. 291 ciale de ces substances étant indifférente dans la question de la formation des minéraux , il s’agissait surtout de considérer les causes générales, sans renoncer pour cela à la fusion aquoso-ignée, du moment où l’on jugeait à propos d’en faire l’application, et depuis je n’ai jamais perdu de vue ces énoncés. C’est donc avec une grande satisfaction que j’ai vu la confir- mation récente d’une partie de la question géologique par M.Dau- brée, dont les importantes expériences ont abouti à la formation des feldspaths, des quartz cristallisés et de divers zéoiithes, sous l’influence de l’eau et de la pression, avec le concours de tempé- ratures d’au moins Ù00 degrés, soutenues pendant environ un mois. En effet, plus il sera démontré que d’assez faibles chaleurs suffisent pour provoquer certaines cristallisations minérales, plus la théorie du métamorphisme sera acceptable. Cependant il ne s’ensuit pas qu’il faille pour cela renoncer à l’action des hautes températures, dont le rôle est non moins évident dans une foule d’autres cas. Il faut d’ailleurs ajouter que si certains corps favorisent la cris- tallisation, il en est d’autres qui y mettent obstacle. Le carbone est particulièrement dans ce cas, et assez souvent les roches dans es quelles il abonde ne montrent aucun indice d’un changement dans ce sens, tandis que leur entourage est parfaitement cristallin. Certains calcaires conservent d’ailleurs une rudesse pierreuse, lors même qu’en vertu de causes quelconques leur bitume a été dé- composé en une poussière anthraciteuse. Cependant ce même car- bone a pu cristalliser en graphite pendant que le reste de la masse acquérait sa texture spéciale. Il a suffi pour cela qu’il ne fût pas en excès, et c’est ce qui est arrivé entre autres dans certains cal- caires devenus cristallins, dans certains micaschistes, ainsi que dans les schistes chloriteux du Lyonnais. Enfin, je compléterai ces aperçus en rappelant que le métamor- phisme n est pas toujours le produit de la simple cristallisation des roches sédimentaires ramollies par la chaleur, ou travaillées par les fluides et par les gaz déjà mentionnés. Bien souvent les masses schisteuses, par exemple, se sont exfoliées, et ont laissé pénétrer, par voie d’injection ou de capillarité, entre leurs feuillets enlr’ouverts, d’abondantes portions des porphyres ou des granités métamorphisants. Ces matières liquéfiées ont donc pu communiquer leur température aux parties dans lesquelles elles se sont interposées, de façon que celles-ci, se trouvant ramollies, cristallisèrent en même temps que le reste. D’ailleurs, des disso- lutions complètes ont été la conséquence de ces sortes de péné- 292 SÉANCE DU JB JANVIER '.1858, trations, et il en est résulté finalement la majeure partie des magmas sur lesquels j’ai insisté dès le début. Au surplus, ces divers phénomènes sont trop évidents autour de Lyon, pour n’avoir pas fixé depuis longtemps mon attention, et j’ai pu les reproduire artificiellement dans ce qu’ils ont d’essentiel. Les im- bibitions des sulfures et des divers oxydes des filons, que l’on remarque si fréquemment jusqu’à une certaine distance des parois, peuvent également être classées parmi les phénomènes du même ordre. Ce sont des coupellations effectuées à des températures quelconques, et en cela je suppose comme toujours que les théo- ries du. géologue devront être basées sur l’ensemble des circon- stances naturelles, mais non d’une manière absolue, sur les simples expérimentations des laboratoires. Déjà le rapide narré des faits vient de faire voir de quelle manière celles-ci ont été devancées par l’étude attentive des gîtes. Elle effectuera de même le triage des divers procédés de production artificielle des minéraux qui, depuis quelques années surtout, ont été imaginés ou découverts dans les fonderies par MM. Fleuriau de Belle vue, de Drée, Ber- ihier, Mitscherlich, Gay-Lussac, Becquerel, Aimé, Hausmann, Régnault, Rose, de Sénarmont, Fournet, Ebelmen, Baubrée, etc. Dès à présent, par exemple, AI. Daubrée a parfaitement expliqué de quelle manière ont pu se former les mésotypes trouvées en 1829, par A1M. Bouillet et Lecoq, dans les cavités d’un calcaire à friganes, et aussi celles qui remplacent l’écorce des bois altérés contenus dans les tufs voisins. En effet, le calcaire ne montre aucun indice de métamorphisme ; il est tout aussi blond, tout aussi pierreux que le sont d’habitude les calcaires à friganes des autres gisements. Il a également confirmé mes idées au sujet des quartz guttifères de file d’Elbe; mais déjà ici il faut distinguer ces quartz fdoniens bulleux, hachés, bizarrement conformés, d’avec les quartz bipyramidés contenus dans les porphyres encaissants. Comme ils ne se ressemblent en rien, minéralogiquement parlant, on est en droit de conclure que leur formation n’est pas due à des causes identiques, et c’est ce que j’ai déjà fait. De même aussi je suppose que les roches dures, poreuses, bulleuses, tendres, souvent très altérées ou très altérables, qui contiennent les agates, et auxquelles leur aspect a parfois valu le nom de spilites, diffèrent essentiellement des mélaphyres non agatifères décrits précé- demment. Chez ceux-ci, la dureté, la compacité, la ténacité, s’ac- cordent pour démontrer l’influence prépondérante de la chaleur sur celle de l’eau, des bitumes ou autres dissolvants du même ordre. NOTE DE M . DELE5SE . 203 M. Delesse, après îa lecture du mémoire qui précède, pré- sente les observations suivantes : Observations sur le travail de M. Fournet relatif aux mêla - phyres; par M. Del esse. Les recherches que M. Fournet a faites sur les mélaphyres me paraissent présenter un grand intérêt ; je regrette cependant de ne pouvoir partager plusieurs des idées émises par ce savant pro- fesseur ; et, d’abord, le mot de trapp est-il si mauvais qu’il doive être complètement banni de la nomenclature des roches? Je suis loin de le penser. Si l’on remonte à l’origine de ce mot, on peut assurément trou- ver qu’il n’a pas été choisi d’une manière très heureuse, car il rappelle seulement une propriété accessoire de la roche, celle de se diviser en escaliers ; mais l’usage a notablement modifié la pre- mière définition. Le plus souvent même le trapp ne présente pas du tout cette structure. Le mot trapp est cependant extrêmement répandu dans le lan- gage géologique en France, en Allemagne et surtout en Angleterre, il a le grand avantage d’exister et d’être même d’un emploi très général. Il sert à désigner des roches très nombreuses, dont les caractères sont confus et ne peuvent pas être facilement précisés. Le nom nouveau par lequel on le remplacerait n’apprendrait rien sur la composition minéralogique de ces roches ; il introduirait seule- ment plus de confusion dans l’étude des roches. Il me paraît d’ailleurs que les trapps sont susceptibles d’être dé- finis; ce sont des roches hydratées et peu cristallines qui ont pour base un feldspath du sixième système. Quand elles deviennent cristallines, on les voit prendre peu à peu la structure porpliyrique par l’apparition de cristaux de feld- spath, et même par la formation de péridot, d’augite, d’hypers- thène, de diallage, d’hornblende et de mica. Alors il est facile de les définir avec plus de précision ; aussi les nomme-t-on basalte, j dolérite, méiapliyre, hypérite, euplioticle, diorite, kersantite. Les roches trappéennes constituent donc une classe de roches | très importante et le mot trapp doit être spécialement réservé pour celles d’entre elles qui, à cause de leur structure cristalline confuse, ne peuvent pas être nommées autrement. Quant à ce qui concerne le mélaphyre, je suis porté à croire qu’il y a quelque malentendu dans sa définition. Il m’est impos- sible en effet d’expliquer autrement plusieurs des résultats énon- cés par M. Fournet. 29 h SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. Ainsi, bien que j’aie visité souvent les environs de Framont, je n’y ai jamais rencontré de véritables mélaphyres. Il s’y trouve bien, il est vrai, des roches feldspathisées et pétro- siliceuses qui ont une couleur verte ou noirâtre, mais elles n’ont pas les caractères du mélaphyre ; ce sont essentiellement des roches métamorphiques qui conservent encore des traces de leur stratification, et quelquefois leur structure arénacée. Elles ont été feldspathisées, et il s’y est développé un feldspath du sixième sys- tème. On les désigne dans les Vosges sous le nom de grauwacke feldspathique. J’en ai fait une étude spéciale, et j’ai donné notam- ment la composition de l’une d’entre elles qui est porphyrique et se montre à Derlingoutte dans la vallée de Framont. Il est facile de constater par sa composition qu’on ne saurait la considérer comme un mélaphyre (1). Voici maintenant quelle définition il me paraît convenable d’adopter pour le mélaphyre ; c’est une roche qui est à base de feldspath du sixième système, et qui contient de l’augite. Ces deux minéraux sont disséminés dans une pâte feldspathique, dans laquelle il y a souvent du fer oxydulé et des carbonates. Le feld- spath est hydraté, et c’est ordinairement du labrador. La couleur du mélaphyre est, comme l’on sait, extrêmement variable ; c’est seulement par exception qu’elle passe au noir. Bien que la structure porphyrique y soit fréquente, elle peut aussi disparaître. La définition que je viens de donner est à peu près celle qui a été adoptée par M. Naumann. Elle comprend la plupart des roches qui ont été décrites comme mélaphyre (2). Si l’on étudie maintenant le mélaphyre sous le rapport de son gisement, on trouve qu’il est tantôt en filons, tantôt en amas ou en couches. On ne saurait douter qu’il ne forme des filons bien caractérisés, quand on visite la Thuringe, le Palatinat, les bords de la Sarre, et différents points de l’Angleterre. D’un autre côté, le mélaphyre se montre aussi en couches, comme le fait remarquer M. Fournet. J’ai eu occasion de signaler moi-même son passage à une roche sédimentaire bien caractérisée. En effet, à Ternuay, dans les Vosges, on voit un beau mélaphyre bien porphyrique qui passe à un schiste de transition (3). (1) Annales des mines , 5e sér., t. III, p. 764. (2) Annales des mines , 1847, t. XII, p. 193. (3) Annales des mines, 4e sér., t. XII, p, 283. NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER. 295 Lorsqu’on parcourt la série des roches éruptives, on trouve d’ailleurs qu’elles présentent les mêmes anomalies. N’est-il pas fréquent, par exemple, de rencontrer la serpentine en filons, et cependant, dans certains gisements, elle passe d’une manière insen- sible à des schistes. La diorite, qui se montre le plus souvent en filons très nets, devient quelquefois schistoïde, et elle paraît alors résulter du métamorphisme de roches stratifiées. Le granité lui-même, qui le plus généralement possède à un haut degré les caractères d’une roche éruptive, peut également passer à des gneiss et à des roches schisteuses cristallines. Il peut être stratifié, comme de Saussure l’a constaté pour le massif du Mont-Blanc. On pourrait facilement multiplier ces exemples; mais il me suffit de constater ici qu’une même roche peut être tantôt non stratifiée et tantôt stratifiée. C’est dans le métamorphisme qu’il faut chercher l'explication de cette anomalie. Je me suis occupé de son étude depuis plusieurs années, et je me propose de soumettre prochainement à la Société les principaux résultats de mes recherches sur cette importante question (i). MM. d’Omalius d’Halloy et Ch. Deville appuient les obser- vations présentées par M. Delesse. M. Hébert a vu, au pied du Hundsrück, de vrais filons de mélaphjre dans le grès houilîer. M, Hébert présente la note suivante deM. Kœchlin-Schlum- berger : Note sut ' les fossiles tertiaires et diluviens du Haut- Rhin , par M. Kœchlin-Schlumberger. Depuis les travaux de M. Voltz (2), qui est, je crois, le premier et le dernier auteur qui se soit occupé des fossiles tertiaires et dilu- viens du Haut-Rhin, le nombre de ces restes organiques connus s’est augmenté ; il y a donc, par ce motif seul, un intérêt à en don- ner une nouvelle liste ; mais, ce qui me décide surtout à ce petit (1) Annales des mines , 1857, t. XII, p. 89. Études sur le méta- morphisme. (2) Aperçu des vestiges organiques fossiles des deux départements du Rhin (dans Aufschlager, Description de V Alsace , 1828). 296 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. travail, ce sont quelques espèces caractéristiques trouvées récem- ment, et qui peuvent jeter un grand jour sur l’âge du terrain ter- tiaire et de ses subdivisions, âge qui, par l’absence de superposition directe, n’a pas pu être déterminé jusqu’à présent d’une manière précise. Calcaire d'eau douce des environs de Mulhouse. II a été rencontré cette année (1857), dans une des nombreuses carrières de Brunstatt, une mâchoire inférieure de Palœotherium mecliuw , Cuv., très bien conservée. Ce fossile est empâté dans le calcaire compacte, et entouré des Melania Escheri , Brongn., caractéristiques pour ce terrain ; sa détermination n’a laissé aucun doute à M. H. de Meyer auquel je l’ai soumis. J’avais déjà trouvé antérieurement dans ce calcaire des fragments d’os qui appar- tiennent probablement au même animal, mais qui sont indéter- minables. Les gastéropodes, la plupart terrestres et fluviatiles, sont assez nombreux dans ce terrain, mais, comme généralement ils n’ont pas de test, leur détermination devient difficile et incertaine, surtout pour celles des espèces qui sont nouvelles. Voici les principaux de ces fossiles : Melania Escheri , Brong. , très abondante ; c’est cette espèce que M. Voltz signale sous le nom de coquilles écrasées des environs de Mulhouse. Limneus. 11 y en a plusieurs espèces: la plus grande ne peut, d’après M. Pierre Merian, se distinguer cl’une espèce vivante; il la désigne donc sous le nom de Limneus palustris fossilis. Ce savant distingue encore Limneus politus. Hélix , plusieurs espèces. Cyclostoma Kœchlinianum , Mer. Ce genre est à peu près le seul dont le test soit conservé ; on y voit alors les stries longitudinales; mais il y a aussi des exemplaires lisses qui pourraient constituer une espèce particulière : Pupa. Paludina circinata , Mer, Auricula protensa , Mer. — alsaticct , Mer. Planorbis , deux espèces. Bulimus. Cyclas. Plantes. Phrugniites œningensis, Heer. NOTE DE M. KOEI'ïïLJN- SCHLUM BERGER. 297 Feuille s de Lnurus. Rares et seulement dans les couches infé- rieures qui passent au grès. Je ne suis pas certain si ce sont ces feuilles que M. Yoltz a entendu signaler, quand il a parlé de feuilles ressemblant à celles de saules rencontrées dans le Sund- gau, ou bien si ce sont celles de Cinncimonium dont il va être question. Trois formations, minéralogiquement et paléontologiquement très différentes du calcaire d’eau douce, y sont cependant liées assez intimement ; mais on ne voit pas de superposition directe, de manière que leurs relations d’âge avec le calcaire restent en- core douteuses. Ce sont : 1° Grès de Habsheim. Il se divise en deux parties : celle infé- rieure est un véritable grès fin, à pâte calcaire, de très peu de consistance, et qui contient des empreintes de feuilles La forme la plus abondante appartient à un Cinnamomuni ; d’autres formes très différentes sont trop rares et trop frustes pour en permettre la détermination. La partie supérieure est constituée par une marne peu consis- tante, schisteuse et rubannée. M. Sch imper y a découvert des écailles nettes et bien conservées de Meletta longimana , Heckel. D’après les observations faites par IV] . Greppin dans les environs de Délémont, ces deux couches seraient inférieures au calcaire d’eau douce, tandis que si en l’absence de données strati gra- phiques, on argumente de la rencontre du Palœothcrium medium dans le calcaire, ce dernier serait plus ancien. 2° Schiste à Çyrènes. Dans les parties les plus élevées des collines formées par le calcaire d’eau douce, on trouve à Mulhouse même, à Zillisheim, à Bruebacli,à Luemschwiller, un calcaire schisteux se séparant souvent en feuillets nets et minces, et contenant en grand nombre une Cyrène , dont j’ai inutilement cherché, espèce parmi celles de ce genre qu’offre le bassin de Mayence. Ce calcaire schisteux contient en outre : Dreissena Brardii , d’Orb. Cerithium plicatumi Lam. une plante à épines et quelques autres peu nettes. C’est M. Gressly, lors d’un séjour qu’il a fait à Zillisheim, qui le premier a signalé cette couche. 3° Schiste bitumineux. On le trouve à Magsiatt-le-Bas et à Bouxviller (Haut-Rhin). Dans la première de ces localités, on y a pratiqué une fouille depuis plusieurs années, croyant pouvoir 298 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. l’utiliser comme combustible, mais jusqu’à présent les essais faits dans ce but n’ont pas abouti. Ce schiste, à Magslatt-le-Bas, ren- ferme des empreintes de poissons en assez mauvais état de conser- vation J’ai soumis les échantillons que j’y ai recueillis à M. Thiol- lière qui, après avoir dit que les poissons sont brisés et trop incomplets pour qu’on puisse en déterminer ni l’espèce ni le genre, formule ainsi son opinion : « Il est probable que la plupart de ces fragments ont appartenu » à quelque petite, forme de Clapèe , mais je n’y vois pas même » la preuve que ce fût une Melette plutôt qu’une Sardine , etc., la » carène ventrale ne se montrant sur aucun échantillon. ’> La double plaque à forme triangulaire, et qui est d’une dimen- » sion supérieure aux autres, est curieuse, parce qu’on y voit un » assez grand nombre de mandibules garnies de dents en cardes » qui sont assez bien conservées, et avec lesquelles gisent pêle- » mêle quelques vertèbres d’une forme particulière qui peuvent »> avoir appartenu à la même espèce. Sur cette même double »> plaque, il existe aussi un crâne d’une autre espèce beaucoup » plus grande, et qui se montre par la face inférieure ou la base. » L’autre grande double plaque offre une portion de tête d’une » troisième espèce (outre la petite Clapèe) qui est remarquable » par la grandeur de l’orbite, et dont la tête devait être plus haute »> que large. Toutes ces espèces peuvent avoir vécu dans l’eau >» douce, mais je ne saurais en déterminer aucune (1). » Outre les poissons, on rencontre dans ce schiste bitumineux, et même d’une manière plus fréquente, des empreintes de plantes que j’ai soumises à l’examen de M. Schimper. Yoici ce que ce savant botaniste m’écrit à ce sujet : « La grande plante est une algue marine de la famille des >» fucoïdées, et offrant les plus grandes ressemblances avec le »> genre Castagnea , Thuret, qui se rencontre sur les côtes du Cal- » vados. Sur cette plante se trouve en parasite une belle touffe » d’un Cladophora ou d’un Ectocarpus , algue de la famille des » confervidées , composée de fils très fins, entourés d’une substance » mucilagineuse qui fait que cette empreinte fait tache, et res- j> semble un peu à une expansion foliacée. Ces deux plantes fos- » siles ne sont pas décrites et appartiennent à une formation » marine. » (f) J’ai su, par le propriétaire de la fouille et par M. Thiollière, que M. Daubrée avait eu connaissance de ce gîte de poissons il y a plus de deux ans. NOTE DE M. KOECHLIN-SCHLUMBERGER, Outre les formations que je viens de signaler, le département du Haut-Rhin présente, sur une grande partie de son étendue, un terrain marin miocène qui, sous le rapport paléontologique, offre assez d’analogie avec celui du bassin de Mayence. Ce terrain existe à différents états, tantôt comme conglomérat, tantôt comme grès, et enfin dans sa partie inférieure comme marne argileuse. Les restes organisés y sont excessivement rares et toujours mal conservés. Voici ceux qui, à ma connaissance, y ont été rencontrés : Halianassa Studeri , Mgr. — Exemplaire presque entier à Rae- dersdorf. Lanina cuspidata , Àg. Ollwiller. Cerithium plicatum, Lam. — Eguisheim. Natica crassatina , Lam. — Eguisheim. CyrenaP. — A Ingersheim. Cardium tenui-sidcatiim? , Nyst. — Ollwiller. Pectunculus crassas , Phill. — Eguisheim, Bethonvilliers, Ollwiller. MytilusP. — Rouffach (4). Pecten pictus , Goldf. — Raedersdorf, Ollwiller. Ostrea (peut-être callifera). — Ollwiller, Dannemarie. Diluvium, 1® Lekm. Les fossiles du lehm sont les mêmes espèces qui ont été signalées dans la vallée du Rhin par P. Merian et Al. Braun. Il y a une très grande différence dans l’abondance des espèces ; celles qui sont très répandues sont : Hélix arbustorum , Lam. — La conservation est souvent telle, qu'on voit la bande longitudinale qui est devenue d’un roux très clair. - — ericetorum , Mull. Succinea elongata , Drap. 2° Cavernes de Sentheim . Ces cavernes ont déjà été signalées et en partie décrites par M. Daubrée (2). Les ossements que ce sa- vant y avait recueillis paraissent avoir été dans un état assez incom- plet ou fruste pour laisser des doutes sur leur origine antédilu- vienne à MM. Schimper et Lereboullet qui les ont examinés. Ce doute aujourd’hui a complètement disparu, grâce aux re- (1) Il y a là un banc de près d’un mètre d’épaisseur, pétri de cette espèce, et qui a été découvert par M. Jutier. (2) Bulletin de la Société géologique, V sér,, t. VIII, p. 4 69. 300 SÉANCE DU 18 JANTIER 1858. cherches de M. Delbos qui a provoqué, de la part de la Société industrielle de Mulhouse, une allocation pour pouvoir faire des fouilles. Ces fouilles ont été assez heureuses, et le savant naturaliste qui les a dirigées a consigné leur résultat sommaire dans la note qui suit ; je dis sommaire, car l’auteur se propose de faire un travail plus développé sur cette intéressante découverte. Le Secrétaire donne ensuite lecture de la note suivante de M. J. Delbos : Note sur les ossements des cavernes de Sentheim et de Lauw (H a nt- Rhin), par M. J. Delbos. Les fouilles effectuées dans les cavernes de Lauw et de Sentheim ont produit jusqu’à ce jour environ 250 pièces parfaitement déter- minables, dont un assez grand nombre d’une belle conservation. Sur ces 250 pièces, plus de 200 appartiennent au genre Ours ; les autres à des mammifères d’espèces différentes. Ossements cC Ours. Presque tous les os du squelette sont repré- sentés. Parmi les pièces les plus importantes ou les mieux caracté- risées se trouvent : 1° Une tête complète qui se rapporte au grand Ours à front bombé, de Cuvier ( Ursus spelœus , Bluin.). Elle égale par ses dimensions les plus grandes têtes mesurées par Cuvier. 2° Une quinzaine de demi-mâchoires inférieures; elles se rap- portent à deux formes principales : A. Les unes, et ce sont les plus petites, quoique la détrition des dents indique quelquefois des individus très vieux, ont le corps peu élevé, le bord inférieur plus droit ; ce sont les plus communs. D’après la description et les figures de Schmerling, elles auraient appartenu à Y Ours à front plat [U. arcloiclcus , Blum.), mais leur abondance rend cette assi- milation douteuse, car tous les auteurs signalent VU. arctoideus comme beaucoup plus rare quel’ U. spelœus . — B. Les autres ont le corps beaucoup plus élevé, le bord inférieur plus convexe, et elles atteignent des dimensions plus considérables. Elles sont moins nombreuses que les précédentes et se rapportent certaine- ment à Y Ursus spelœus. L’une d’elles excède en dimensions la mâchoire décrite par Schmerling comme appartenant à son U. gi g.ariteus qui n’est probablement qu’un U . spelœus très âgé. 3° Tous les os des membres provenant d’individus de taille et d’âge fort différents. NOTE DE M. DT. LEGS. 303 La détermination de ces pièces ne peut laisser aucun doute ; elles appartiennent toutes au genre Ours , et peut-être à deux espèces distinctes. Les débris d’ Ursus prisais., Goldf. , Cuv., n’ont pas encore été rencontrés. Les grandes espèces fossiles nous pa- raissent différer spécifiquement des Ours actuels par la taille plus considérable, par l’absence des fausses molaires situées entre les canines et la première grosse molaire, parle développement beau- coup plus grand des os en épaisseur, indiquant des formes plus trapues. À longueur égale, les ossements de VU. spelæus sont d’un tiers au moins plus épais que ceux des Ours des Alpes et des Py- rénées. Nous n’hésitons pas tà considérer l’Ours des cavernes comme espèce distincte, nous réservant de nous décider sur la question de savoir si cette espèce peut ou non être dédoublée. Ossements et autres animaux . Quoique n’ayant pas encore été complètement étudiés, ces ossements indiquent les espèces sui- vantes : 1° Loup (crâne et mâchoire inférieure, fémurs, etc.). 2° Renard (crâne, mâchoire inférieure, os des membres). 3° Ruminant de la taille d’un chevreuil (métacarpe). U° Os des membres cl’animaux de petite taille (rongeurs?, insectivores). Jusqu’ici il n’y a aucun indice à’ Hyènes, de Felis , ni de pa- chydermes. En résumé, ce sont les ossements d’Ours qui forment la grande majorité des pièces exhumées jusqu’ici. D’après le nombre de ces pièces, nous pouvons constater la présence de 12 ou 15 individus distincts au moins, quelques-uns très vieux, quelques autres au contraire extrêmement jeunes. Les cavernes de Sentheim et de Lauw s’ouvrent dans des cal- caires oolithiques sur les deux rives de la Doller, à l’entrée de la Vallée de Massevaux. Une seule a été reconnue sur la rive gauche ; c’est la plus étendue; trois sur la rive droite ; c’est l’une de celles-ci qui a été explorée. Son exploitation a été favorisée par les travaux effectués dans les carrières dans lesquelles elle s’ouvre. Ces tra- vaux l’ont déjà détruite en partie. Les autres grottes nous donne- ront sans doute de nouveaux résultats. Nous nous réservons de nous prononcer plus tard sur la ques- tion de savoir si ces cavernes ont été habitées par les animaux dont on y retrouve les débris, ou si elles ont été comblées par des eaux courantes. La découverte de coprolites d’Ours parfaitement conservés nous ferait pencher pour le moment vers la première hypothèse. 302 SÉANCE Dü 18 JANVIER 1858. Le Secrétaire donne lecture des deux notes suivantes de M. Ébray : Note sur V existence tV une plaque complémentaire centro-anale chez le Collyrites analis, Desm., par M. Th. Ebray. La découverte dont j’ai eu l’honneur d’entretenir la Société géologique dans sa séance du 21 décembre 1857, et qui est rela- tive à l’existence d’une plaque complémentaire centro-anale chez le Collyrites nivernensis , paraît s’étendre au genre Collyrites tout entier. La difficulté d’observer les sutures, chez certaines espèces, m’a jusqu’à ce jour empêché de considérer ce fait comme général ; mais aujourd’hui que j’ai pu constater cette plaque chez le Colly- rites analis , Desm., il y a lieu de conclure que le genre tout entier, et comme j’aurai l’honneur de le démontrer plus tard, que tous les oursins à appareil apicial allongé jouissent de cette nouvelle propriété. L’observation de cette plaque ne peut pas se faire chez tous les individus ; car dans quelques échantillons les pores sont seuls visibles, et les sutures des plaques génitales et ocellaires ne peu- vent être observées; chez d’autres, l’appareil tout entier est invi- sible ; chez d’autres enfin, et c’est le cas le plus rare, l’appareil apicial bien conservé laisse apercevoir la plaque complémentaire qui occupe toujours la même position. Je donne dans ce peu de mots la description de l’appareil api- cial du Collyrites analis , Desm,, ou Collyrites ovalis , Cott., et je joins à ma note un exemplaire sur lequel on pourra vérifier ma description. 1. Plaque ocellaire ante'rieure, pentagonale. 2. Plaque génitale gauche antérieure, hexagonale. 3. Plaque génitale droite, madréporifo me, antérieure, hexagonale. 4. Plaque ocellaire médiane gauche, heptagonale. 5. Plaque ocellaire médiane droite, hexagonale. 6. Plaque complémentaire, quadrangnlaire. 7. 8. Plaques génitales postérieures, pentagonales. NOTE DE M. ÉBRÀY. SOS Addition. — Peu de jours après l’achèvement de cette note, j’ai eu l’occasion de recueillir un certain nombre à' Hyboclypus gibberulus, Agass., assez bien conservés, et qui m’ont offert l’ap- pareil apicial suivant : 4 i . Plaque ocellaire antérieure. S, Plaque génitale gauche antérieure. 5. Plaque génitale madréporiforme. 4 et 5. Plaques ocellaires médianes. 6. Plaque complémentaire. 7. 8. Plaques génitales postérieures. 9. 10 Plaques ocellaires postérieures, On constate donc encore dans ce genre la plaque complémen- taire qui occupe identiquement la même position que chez les Collyrites. Note sur V existence de /’Ammonites macrocephalus dans la grande oolithe, par M. Th, Ebray. On a prétendu que V Ammonites macrocephalus , Y A. Herveyi et Va. bullatiis n’existent pas dans l’étage batlionien. Cette note a pour but de démontrer que ces fossiles sont communs à l’étage ba- thonien et à l’étage kellovien, à l’exception cependant de Y A. bul~ latus qui occupe presque partout une position intérieure. La situation géologique de ces fossiles a été d’abord déterminée par d’Orbigny qui m’a même souvent annoncé avoir trouvé entre les individus du Kelioway-rock et ceux de la grande oolithe assez de différences pour se croire autorisé à distinguer les espèces provenant de ces deux étages ; mais nous savons que l’auteur de la Paléontologie française professait sur la modification des êtres des idées un peu absolues. J’admets donc de la part de ce paléontologiste une assertion 304 SÉANCE DU 18 JANVIER 1858. peu justifiée, et voyons, en ne tenant pas compte de ses travaux, à quel résultat nous allons arriver. Les fossiles que j’ai l’honneur d’envoyer à la Société géologique de France ont été recueillis dans une même couche très fossili fère, et contenant surtout : 4° Ammonites Herveyi. 2° — macrocephaltis. 3° — bullatus. 4“ Collyritcs analis. 5° Ammonites disais. 6* — s ub dis eus. 7° Tercbrcituln digona. Cette couche occupe la position N. — N. dans la coupe suivante, qui représente la composition du sol des environs de la Malle (Nièvre), où l’on peut recueillir les fossiles cités plus haut. U A. bullatus commence à se montrer un peu au-dessous de N. — N., presque dans les parties supérieures de la terre à fou- lon. On sait d’ailleurs que M. Cotteau indique ce fossile dans l’étage bathonien de Vezelay (1). En se rapprochant de Nevers, on recueille VA. macrocephaltis , VA. Herveyi et VA. bullatus au même niveau et au-dessus de ce niveau N. — N., aux Montapins, sur le bord de la Loire. (4) Etudes sur les mollusques fossiles du département de V Yonne. NOTE DE M. ÉÊÜAŸ. S05 Dans le département du Cher, on observe à peu près les mêmes faits ; car on trouve de bas en haut : Oolithe ferrugineuse, au souterrain de Baubard. 2° Couches de calcaire argileux bleu, avec peu de fossiles (terre à foulon). 3° Couches de calcaire argileux jaune, avec Terebratula digona. 4° Couches d’argiles bleues, avec Terebratula digona , Collyritcs cinalis , Ammonites disais, A. bullatus, A. macrocephalus , A. Hervcyi. (Les couches 2, 3, 4, forment la grande oolithe.) 5° Couches de calcaires à rognons siliceux, avec Ammonites ariceps , Dy sas ter ellip tiens. 6° Calcaire à chailles. 7° Oxfordien. Cette succession de couches peut s’observer en suivant le chemin de fer de Nérondes à Bengy. Dans le département de la Nièvre, l’étage bathonien est bien tranché de l’étage callovien avec lequel il ne peut se confondre. Les couches silico-calcaires forment un horizon aussi remarquable que constant, et font la séparation des étages. Dans le Cher, les couches silico-calcaires s’amoindrissent, puis disparaissent, et les calcaires à rognons siliceux, appartenant au Kelloway-rock, reposent directement sur les calcaires marneux de la grande oolithe. En nous reportant vers l’ouest, nous voyons la terre à foulon se modifier successivement. La Pholadomya Vezelayi , se mainte- nant au même horizon , permet de suivre les couches et leur changement remarquable de composition minéralogique. Les couches supérieures de la grande oolithe se poursuivent en se mo- difiant, le coteau devient moins argileux, les bancs augmentent de puissance. De temps en temps, lorsque les circonstances sont favorables à la production des oolithes, il se forme des couches puissantes comme à Chauvigny. Dans toute cette formation, les eaux ne se maintiennent pas au même niveau, mais des couches minces fossilifères (bancs pourris) viennent indiquer que l’anima- lisation, au lieu de se répandre uniformément, comme dans l’Est, dans tout l’étage, s’est fait jour d’époque en époque, pour se ma- nifester plus puissante et plus féconde. En prenant les points extrêmes, la Crèche (Deux- Sèvres) et Warzy (Nièvre), on trouve les différences suivantes: 1° A la Crèche, l’animalisation se localise; VA. bullatus se rencontre, mais rarement, dans les bancs pourris des carrières. Soc. géol.y 2e série , tome XV. 20 306 SÉANCE DU 25 JANVIER 1857. Ce fossile semble disparaître pour se reproduire tout à fait à la fin de l’étape bathonien avec Y A. mavrocephalus et Y A. Heiveyi qui deviennent plus abondants encore dans les parties inférieures du callovien. A Warzy, Y A. bullatus se rencontre dans tonte l’étendue du bathonien ; on le trouve dans tous les bancs en assez grande abondance. Dans toute la contrée qui sépare Poitiers de Clamecy, VA. bal - /tfta.v paraît avoir pris naissance au même niveau géologique. 2° Dans le Poitou et dans les Deux -Sèvres, Y A. macrocephalus et Y A. Heiveyi n’existent pas dans la grande oolitlie, vers la Gri- tnaudière, car cet étage contient dans cette localité peu de cépha- lopodes. Ces fossiles ne commencent à paraître que vers Cliauvigny et Civray. Dans cette dernière localité, Y A. macrocephalus se ren- contre dans les calcaires à cassure conclioïdale, dépendant de la grande oolitlie. Je conçois que l’existence de ces fossiles peut, à la première vue, être révoquée en doute dans le département de la Tienne et des Deux-Sèvres, car la limite entre le bathonien et le callovien n’est pas bien tranchée dans ces départements ; mais, si l’on se dirige vers l’Est, on voit ces deux fossiles descendre de plus en plus dans l’échelle géologique et devenir presque contemporains de Y A. bullatus , comme cela se remarque aux environs de Nevers. L'A. macrocephalus et Y A. Herveyi n’ont pas suivi la même marche de propagation que Y A. bullatus. Nées dans l’Est, au sein des couches les plus inférieures de la grande oolitlie, au-dessus de la terre à foulon, elles se sont propagées lentement vers l’ouest, où on les rencontre à des niveaux supérieurs. Séance du 25 janvier 1858, PRÉSIDENCE DE M. VIQUESNEL. M. A. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ, La Société reçoit : Delà part de MM. Gh. Sainte-Claire Deville et Félix Leblanc, BONS FAITS A LA SOCIÉTÉ 307 Mémoires sur la composition chimique des gaz rejetés par /es évents volcaniques de l'Ita/ie méridionale (extr. des Ann. de chimie et de physique, 3e sér., t. LII), in 8, 63 p. De la pari de M. le professeur A. -F. Nogués, Etudes stra - iigraphiques sur les terrains des environs de Tuchan [Aude), in-8, 40 p. Carcassonne, 1857-, chez L. Pomiés. De la part de M. A. Bravard, Observaciones geologicas sobre diferentes terrenos de transporte (dans Im P rensa, journal de Buenos-Ayres, novembre et décembre 1857). De la part de M. le professeur Owen, Description of a small Lophiodont Mammai (Pliolophus vulpiceps, Owen) from the London clay, near Harwich (abst. from the Proc, of the geol. Soc. o f London, may 20, 1857), in 8, h p. De la part de M. H. Falconer, On the species of Mastodon and Eléphant occurring in the f assit strate in En gland. Part. 2, Eléphants (abst. from the Proceedings of the geol. Soc. of London , june 3, 1857), in-8, h p. De la part de M. John Phillips, Onsome comparative sections in the Oolite and lronstone sériés of Yorkshire (abst. from the Proc, of the geol. Soc. of London, june 17, 1857), in-8, 2 p. Comptes rendus hebdomadaires des séances de P Académie des sciences , 1858-, îeï sem., t. XLVI, n° 3. Société imp. et centrale d'agriculture. — Bulletin des séances , 2e série, t. XII, n° 8, 1857. L'Institut , 1858, no 1255. Société imp. d’agr icu/ture, etc. , de V arrondissement de Valen- ciennes.— Revue agricole , etc.. 9'- année, n° 6, décembre 1857. The Athenœwn, 1858, n° 1578. The Atlantis , n° 1, jan. 1858, in-8. London. The american journal, by Siiliman, 2"‘ ser., n° 73, january 1858. Revista minera , t. IX, n° 184, 1858. M. Michelin annonce, d’après une lettre de M. Suess, de Vienne ^Autriche), que le monument de Léopold de B .ch est terminé, et que sous peu les souscripteurs recevront un portrait? une vue du monument, un article bib.iographique et un mé^ moire de MM. de Hauer et Homes. BOB SÉANCE DU 25 JANVIER 1858. M. d’Archiac fait la communication suivante : En 1852, MM. de Verneuil et Collomb ont fort bien décrit les caractères généraux du groupe nummulitique de la Catalogne. En 1856, M. Yézian y a indiqué cinq divisions à l’ouest de Bar- celone, et dans le dernier numéro du Bulletin (vol. XIV, p. 374, 1857), il décrit, sous des noms nouveaux, ces cinq étages qui com- posent son terrain nummulitique. Ce sont, de bas en haut, les étages mont-serrien , castellien , igualadien et manrésien ; le cinquième ou le plus élevé, formé de grès et de conglomérats, n’a pas reçu de nom particulier. Or, nous pensons que ces dénominations ne sont pas nécessaires, car il est facile de montrer qu’elles dé- signent les mêmes coupes que nous avons établies en 1855 pour le terrain tertiaire inférieur des Corbières. En effet, de la compa- raison de notre terminologie avec celle de M. Yézian, il résulte le tableau suivant : ÉTAGES, GROUPES. ÉTAGES. En procédant de bas en haut, comme M. Yézian, nous voyons son étage mont-serrien correspondre au groupe d’Alet, avec cette différence que l’auteur, pour motiver la réunion des conglomérats, des grès et des argiles sans fossiles de cet étage à son terrain num- mulitique, y fait descendre les premières couches dans lesquelles se montrent les Nummulites. C’est ce qu’avait déjà fait Talla- vignes, entraîné par une autre considération. V étage castellien représenterait l’étage nummulitique inférieur des Corbières, moins les premières couches nummulitiques précédentes; les étages igualadien et manrésien seraient les équivalents des étages num- mulitiques moyen et supérieur ; enfin les grès et les poudingues sans fossiles, ou cinquième étage de la Catalogne, correspondraient aux poudingues des plateaux et à la mollasse ou grès de Carcassonne. Nous ne reviendrons pas sur les motifs qui nous ont fait séparer nettement le groupe d’Alet du groupe nummulitique. L’existence d’un ensemble de couches sans Nummulites, placé constamment entre les dépôts que ces fossiles caractérisent et la craie, ou en l’absence de cette dernière sur des terrains plus anciens, est un fait dont nous avons démontré depuis longtemps la généralité. Si, con- trairement à nos principes, nous lui avons imposé ici un nom de NOTE 1)E M. D ARCHIAC. 309 localité, c’est que, d’une part, en le désignant seulement sous le nom de groupe tertiaire inférieur , nous aurions pu n’être pas suffisam- ment compris, et que, de l’autre, les noms déjà introduits dans la science, dans divers pays, ne s’appliquent qu’à certaines parties de cet ensemble de couches. Nous n’insisterons pas non plus sur la convenance de séparer du groupe nummulitique le cinquième étage de la Catalogne, qui est évidemment une portion du groupe la- custre surmontant les dépôts marins de la vallée de l’Aude ; mais nous ferons remarquer la similitude frappante des divisions du terrain tertiaire inférieur au pied des versants nord et sud des Pyrénées, similitude de détail qui n’avait pas encore été constatée avec une pareille précision de part et d’autre de cette chaîne. Pour compléter l’analogie que nous établissons d’après les divi- sions seules de M. Vézian, et en admettant qu’elles ne soient pas contestées, il est à désirer que la distribution des espèces fossiles dans les trois étages de la Catalogne soit mieux connue, afin qu’on puisse juger jusqu’à quel point elle s’accorde avec ce qu’on observe dans les Corbières. Ainsi, nous savons déjà que les Num- mulites, par exemple, y présentent des différences très pronon- cées. Des 9 espèces que nous connaissons en Catalogne, 3 seule- ment se rencontrent sur ce versant nord des Pyrénées, et la plus répandue de ce côté manque au sud, où 3 des plus abondantes partout n’ont pas encore été signalées au nord. Il résulte aussi de ce qui précède que les nouvelles dénominations proposées par M. Vézian pour les divisions du groupe nummuli- tique doivent disparaître de la nomenclature, comme d’autres qui les avaient précédées. En les conservant, elles auraient l'incon- vénient de masquer le synchronisme que ses observations inté- ressantes ont permis d’établir, ou de faire croire à des différences qui n’existent pas. Outre que la terminologie que nous avons adoptée est antérieure à celle de ce géologue, et qu’elle a l’avantage de rentrer dans les classifications les plus usitées, elle a encore en sa faveur cette autre circonstance essentielle, lorsqu’on veut établir de nouvelles coupes dans un ensemble de couches, c’est que le dessus et le dessous sont dans les Corbières bien connus et bien complets. Il n’y a point d'hiatus entre les dépôts que l’on considère et ceux qui les ont précédés et suivis. Cette relation normale manque en Catalogne, où l’étage tertiaire le plus inférieur repose sur les calcaires néocomiens. Dans le département de l’Aude, il n’y a aucune incertitude ni à la base ni au sommet, et le groupe lacustre y termine le terrain tertiaire inférieur, en passant sous le terrain SiO SÉANCE DU 25 JANVIER 1858. tertiaire moyen, aussi régulièrement que les grès (T Al et succèdent aux marnes crétacées- les plus élevées de la série secondaire. M. de Yerneuil, à propos de celte communication, rapporte qu i! a observé sur le mont Serrât une succession d’étages qui ne permel point de considérer le massif de cette montagne comme constitué uniquement par l’étage que M. Yézian nomme Mont-Serrien. M. Ch. S. -G. Deville lit les conclusions suivantes d’un tra- vail fait par lui en commun avec M. Félix Leblanc» Sur la composition chimique des gaz rejetés par les évents volcanique de l1 Italie méridionale : I. Fumerolles recueillies sur la lave du Vésuve en 1855. — Nos nouvelles analyses établissent d’une manière plus certaine ce fait qui résultait déjà des analyses faites sur les lieux : que les fume- rolles anhydres et non acides entraînent un mélange d’oxygène et d’azote dans des proportions qui sont sensiblement celles de l’air normal, tandis que les fumerolles qui contiennent des tracés de vapeur d’eau, d’acide chlorhydrique et d’acide sulfureux, in- diquent un défaut d’oxygène par rapport à l’azote. Les analyses de Humphry Davy sur les gaz de la lave de 1820 au Yésuve, et celles de M, Bunsen sur les gaz de la lave de l’Hécla en 18à-5, paraissent se rapporter au dernier genre de fumerolles. II. Fumerolles ch lorhydro- sulfureuses ou contenant à la fois clc l'acide chlorhydrique et de l'acide sulfureux. — D’après ce qui pré- cède, il semblait naturel de penser que toutes les fois que de sem- blables fumerolles se dégageaient, non plus de la lave, mais d’un cratère volcanique ou d’une fissure, on trouverait dans les éléments de l’air qui les accompagne des altérations semblables. C’est, en effet, ce que démontrent d’une manière frappante les nombreuses analyses, rapportées dans notre Mémoiré, des gaz en- traînés par les fumerolles cUlorhydrô -sulfureuses au Vésuve, à l’Etna et à Vulcano. III Les gaz des fumerolles remarquai les qui s’échappent du fond du cratère de 'Vulcano. avec ou sans flammes, et qui déposent l’acide borique, le soufi e, le chlorhydrate et l’iodbydrate d'am- moniaque, le sulfo-séténiure d’arsenic, des traces de composés phosphores, etc., est formé d’acide sulfureux et d’air appauvri en oxygène, et accompagné de vapeur d’eau. L’acide carbonique est Complètement étranger à ces fumerolles. NOTE DE MM. CH. S.-C. DEVILLÉ ET LEBLANC. 311 iv. Fumerolles su! (hydro-carboniques , caractérisées par la pré- sence des acides suljhydrique et carbonique. — Les émanations de cet ordre ont été, pour la première fois, dois ce Mémoire, signa- lées parmi celles du cratère supérieur du Vésuve : elles ont lieu d’ailleurs par des orifices distincts de ceux cjui émettent les gaz chlorhyfiro-sulfureux, et qui jouent un rôle tout différent dans la distribution des torces volcaniques. Cette circonstance établit, comme on le voit, une analogie, res- tée jusqu’à présent inaperçue, entre certaines fies fumerolles supé- rieures du Vésuve et les émanations sulfhydro-carboniques que M. Boussingault a depuis longtemps fait connaître dans les volcans dÿ la Nouvelle Grenade. Ces gaz, soit qu’ils aient été recueillis à la solfatare de Pouzzoles, au lac d’Agnano ou à Vulcano, et quelle que fût leur richesse originaire en acide sulfhydrique, n’ont jamais présenté à l’analyse faite au laboratoire de traces de cet acide. Nous nous sommes expliqué la disparition de ce dernier gaz par ta réaction sur l’oxygène de l’air humide qui l’accompagne; aussi Voit-on, dans quelques analyses, le rapport de l’oxygène à l’azote s’abaisser et devenir celui de 11 à 89, par exemple. Ayant d’ailleurs rencontré dans plusieurs échantillons de fortes proportions d’acide sulfureux, gaz notoirement incompatible avec l’acide sulfhydrique humide, nous nous sommes demandé si cette anomalie ne pourrait pas s’expliquer en admettant qu’au moment même où le gaz a été recueilli, il s’est produit des réactions ana- logues à celles que M. Pi l ia a réalisées dans ses ingénieuses expé- riences relatives aux fumerolles. Les gaz originairement hydrosulfurés ne nous ont jamais pré- senté d’hydrogène libre, ainsi que M. Bunsen l’a constaté pour les gaz des solfatares de l’Islande. V. Un fait qui ressort encore de nos recherches est le suivant : même dans les gaz très riches en acide carbonique, comme ceux de la grotte du Chien, de la grotte d ammoniaque à Agnano et de la source acidulé de Paterno, en Sicile, etc. (gaz ne contenant aucun composé susceptible d’oxydation), les rapports fie l’oxygène à l’azote ne sont plus ceux de l’air normal. A Paterno, par exemple, l’oxygène est à l’azote * *. 14,3 I 85,7 ; à la grotte du Chien :: 19,4 : su, 6. Vi. Emanations d'acide carbonique et d'hytlro^ène carboné de la Sicile. — Nous avons du réunir dans un même groupe tontes les émanations gazeuses dans lesquelles domine le carbone. L’en- semble île nos résultats analytiques établ t une série de termes dont les extremes seraient formés par l’acide caibonique ou par SÉANCE DU 25 JANVIER 1858. 312 l’hydrogène protocarboné purs, et dont les termes intermédiaires indiqueraient des proportions graduellement croissantes ou dé- croissantes de l’un ou de l’autre de ces gaz (1). C’est ce que démontre le tableau suivant, dans lequel nous avons résumé la composition de ces gaz, en négligeant les petites quan- tités d’oxygène, et défalquant les quantités proportionnelles d’azote qui constituent avec elles l’air normal. MACALtBE SALINELLE SOURCE de Kirbi. de Gii genti. de Terrapi- lata. de Saint- Biaggio. de Paterno. du La go di Natlia. acidulé de Paterno. Acide carbonique. 0,93 1,25 6,34 69,95 94,53 99,29 98,26 Azote 1,12 0,35 0,00 j 30,05 : ; o,oo 0,00 1,74 Hydr. protocarb.. 97,93 98,40 93,66 5,47 0,71 0,00 100,00 100,00 100,00 ICO, 00 100,00 100,00 10(\00 Les analyses chimiques présentaient ici un intérêt particulier en raison de la nature des gaz qui ne pouvaient être étudiés d’une manière rigoureuse que dans le laboratoire. Elles sont venues confirmer les déductions suggérées plus particulièrement par l’étude des conditions de gisement. Enfin, le gaz de la source de Santa-Venerina nous montre, réunis sur les flancs de l’Etna, les deux gaz hydrogénés dont l’oxy- dation fournira, dans les solfatares, l’acide sulfureux, le soufre en vapeur, l’eau et l’acide carbonique. Eu résumé, l’ensemble de nos analyses et leur discussion nous amènent à considérer un volcan actif, tel que le Vésuve ou l’Etna, comme un centre où viennent converger (suivant un certain nombre de plans stratigraphiquement déterminés) des émanations qui représentent les produits de la combustion de divers composés gazeux . Nous rencontrons là de gigantesques cheminées d’appel, où l’introduction de l’air atmosphérique opère cette transformation à (1) Nous n’avons pas rencontré dans ces mélanges gazeux le bi- carbure d’hydrogène C1 * * 4 H4, signalé dans quelques analyses faites par M. Bunsen sur les gaz rapportés par M. Abich des salses du Caucase, dans le voisinage de la mer Caspienne, analyses rapportées dans le Mémoire de ce dernier savant. NOTE DE MM. DEVILLE ET LEBLANC. 313 une température très élevée. A mesure que l’on s’éloigne de ce centre d’activité, en suivant la trace de chacun des plans éruptifs, on retrouve, à un moment donné, dans les produits d’émanation, les indices d’une combustion de moins en moins énergique, et des variations du même ordre s’observent, pour un même point d’émanations, à mesure que s’éloigne le moment initial de l’érup- tion qui lui a donné naissance. En un mot, et en tenant compte à la fois du temps et de l’es- pace, nous répéterons que la nature des émanations fournies par un meme point varie avec le temps qui s’est écoulé depuis le début de l’éruption , tandis qu’« un moment donné la nature des fumerolles en divers points varie avec la distance au foyer éruptif. M. de Verneuil décrit l’état actuel du cratère du Vésuve qu’il a visité peu de temps après le dernier tremblement de terre. M. d’Omalius-d’HalIoy, à ce sujet, fait observer que la ferme- ture prolongée des soupapes volcaniques est suivie d’effrayantes éruptions -, mais, selon lui, les tremblements de terre ne sont produits que par le mouvement intérieur et non par la sortie des vapeurs souterraines. M. Deville rappelle que la phase des petites éruptions très rapprochées est caractérisée par la concentration des feux vol- caniques dans ce qu’il appelle l’axe éruptif du cône ; on com- prend alors que, pendant cette période, la liaison du massif volca- nique avec les régions environnantes, au lieu d’être très nette, soit au contraire plus effacée. M. d’Omalius-d’Hallov fait remarquer que le tremblement de terre n’a pas eu lieu dans le voisinage même du volcan. M. Deville fait observer que les phénomènes éruptifs ne sont pas toujours en rapport apparent avec les éruptions volcaniques mêmes , il cite pour exemple la destruction de Stabies lors de l’éruption de 79. Il rattache tous les phénomènes qui tiennent à l’éruptivité à l’existence de grandes fissures ou lignes de soulèvement, dont les volcans ne forment que des points prin- cipaux. au SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. Séance du 1" février 1858. PRÉSIDENCE DE M. YIQL’ESNEL» M. Clément Mullet, secrétaire, donne lecture, en l’absence de M. Laugel, du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Piquet (Alphonse), ingénieur civil, cité Bergère, hôtel de Batavia, à Paris, présenté par MM. de Wegmann et Yiquesnel. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XLYI, n° Zi. Bulletin de la Société de géographie, àc série, t. XIV, n° 8Zi, décembre 1857. L’Institut , 1858, n° 1256. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, n° 108, 10® année, décembre 1857. L’Ingénieur , nouvelle série, n° 1, janvier 1858. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel , t. IV, 2e cahier, 1857. The Athenœum , 1858, n° 1579. M. de Bocbebrune, dit M. J. Delanoüe, m’a remis, lors de la réunion extraordinaire à Angoulême, une substance gris bleuâtre, avec prière d’y rechercher l’acide phosphorique. Ce minéral est disséminé en grains de la grosseur d’un pois, dans la craie à Terebratula pectita, immédiatement au-dessous de la ville d’Angouléme. Un essai qualitatif y a démontré l’absence de l’acide phospho- rique et la présence, en propor ions à peu prés égales, du cuivre carbonaté et de la limonite. Rien de plus facile à con- stater, car la simple addition de i’ammoniaque à froid isole NOTE DE M. BENOIT. 815 l’oxyde ferrique, et forme avec le cuivre une dissolution d’un beau bleu. On distingue 5 la loupe les deux carbonates de cuivre hydraté et anhydre, vert et bleu, et c’est leur présence dans ce gisement inaccoutumé qui est un fait assez remarquable. Le reste de l’échantillon analysé est déposé sur le bureau. M. Benoît fait la communication suivante : Esquisse de la carte géologique et agronomique de la Bresse et de la Donihes ; par M. Émile Benoît (PI. IV). J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société une Esquisse de la carte géologique et agronomique de la Bresse et de la Bombes. Avant d’entrer dans les détails descriptifs, je ferai remarquer que les trois étages tertiaires existent dans la Bresse, et qu’on peut y faire des divisions parfaitement distinctes, ainsi que le montre la distribu- tion des teintes assez nombreuses de ma carte. S’il en est ainsi, la Bresse serait restée jusqu’à présent le pays de France le m>ins connu géologiquement, car, d’après tout ce qui a été écrit et publié, on n’y a encore signalé que ie terrain tertiaire supérieur et des dépôts er- ratiques près de S,yon. Les opinions exprimées ont été très contra- dictoires, sans doute parce que des faits locaux et restreints ont été considérés comme la traduction de toute la formation de la Bresse. Après de longues explorations, la surface de la Bresse est restée pour moi telle que M. Élie de Beaumont l’a décrite sous le nom à'allu- vions anciennes de la Bresse; mais il y a des divisions à faire dans tout ceï ensemble, et il faut en détacher des affleurements qui peu- vent être rapportés aux étages tertiaires moyen et inférieur, et dont les détails n’ont pu trouver place dans le travail d’ensemble de la carte de France. Ce sont ces éludes de détail que j’ai dû entre- prendre, et que je viens soumettre à la Société. Coup d'œil général. L’étude de la Bresse et de toute celte grande plaine qui s’étend de ! von aux Vosges ne peut être séparée de celle des massifs mon- tagneux (pii l'environnent de toute part, parce qu’il faut tenir compte des mouvements orographiques successifs pour débrouiller i’âge et la succession des divers terrains qui ont comblé la dépression , pour deviner leurs provenances et leurs différents modes de formation. Après le mouvement orographique du système de la Côte-d’Or de 316 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. M. Élie de Beaumont, système dont on retrouve aisément des traces dans la direction et la physionomie de plusieurs chaînes jurassiques du bord oriental de la Bresse, le massif des chaînes du Jura est resté cependant fort peu accusé, si l’on en juge par la profusion des lam- beaux crétacés dans tout le massif, par leur grand développement vers l’E. et le S. et par leur concordance absolue et générale avec les strates jurassiques. C’est à la fin de l’époque crétacée que la grande dépression bressanne s’est formée définitivement, pour ne presque plus changer, quand même d’autres vallées tertiaires formées en même temps dans le massif jurassique se sont trouvées plus tard grandement modifiées par de plus récents mouvements orographi- ques. En d’autres termes, on peut dire que la Bresse a toujours con- servé à peu près la même forme géographique, tandis que les Alpes et le Jura se mouvementaient pendant la période tertiaire. Aussi, toutes les couches tertiaires qui ont comblé la Bresse sont-elles res- tées jusqu’à présent horizontales, du moins quand on les envisage dans leur ensemble, et cette circonstance, jointe à la monotonie des couches superficielles, n’a pas peu contribué à faire dédaigner l’étude de la Bresse, où l’on n’a jamais vu qu’un seul étage tertiaire, le plus récent, qu’on a bien embrouillé cependant. Il serait fort extra- ordinaire, on le comprendra, que depuis la fin de l’époque crétacée jusqu’à l’époque du pliocène, ou tertiaire supérieur, la grande dé- pression bressanne fût restée privée de tout sédiment, tandis que des bassins voisins ou contigus, souvent moins importants, auraient reçu les divers dépôts successifs de toute la période tertiaire. Mais il n’en a pas été ainsi. A la fin de l’époque crétacée, les plissements des roches secondaires se sont manifestés suivant des directions qui ne sont parallèles ni aux bords ni à l’axe à peu près N. -S. du bassin bressan, mais qui croisent cet axe sous des angles aigus. C’est ainsi que les chaînes jurassiques du Charollais se rattachent, en passant sous la Bresse, aux chaînes jurassiques de la Haute-Saône ; c’est ainsi que sur le bord oriental de la Bresse, depuis les Vosges jusqu’aux Alpes, on voit les chaînes jurassiques former de nombreuses et pro- fondes échancrures, soit qu’elles se terminent en promontoires plon- geant sous la Bresse, soit qu’elles finissent brusquement par un cirque envahi par les terrains de la plaine. Description des terrains de la Bresse . Voici d’abord la légende des terrains de la Bresse. ... . (récentes. uvions |terrasses alluviales. NOTE DE M. BENOIT. 317 Dépôts erratiques. Lehm à coquilles terrestres actuelles. Sables lacustres isolés. Limon jaune ou diluvium (vulgairement appelé terre jaune , terre à pisé , terrain blanc , terre à têtes cle clous). Jurassique (dans le massif montagneux). Alpin (dans le S. du massif montagneux et ( dans la Bresse). Conglomérat de cailloux, sables et graviers. (Calcaires d’eau douce subordonnés. Argile bleue à lignite. Sables et limons à Melanopsidcs . Argile et sable bleu à lignite. Cailloux, sables et graviers subordonnés. Sables et grès marins de la mollasse propre- ment dite. Mollasse. Formation marine. Poudingues et conglomérats locaux, exclu- \ sivement calcaires. Argiles blanches, jaunes, rouges ou marbrées, et dépôts de minerai de fer sidérolitique. Pour décrire l’allure de ces diverses couches dans la Bresse, il est bon de partir d’un point de repère bien connu et non constaté, c’est- à dire de la mollasse marine , telle qu’on la connaît en Dauphiné, en Savoie, en Suisse et dans le massif jurassique. Elle se retrouve dans la même position dans la Bresse ; seulement elle y est presque tou- jours recouverte par les différentes assises qui lui sont postérieures. Pour la voir, il faut la chercher soit au pied de quelques berges, soit le long des vallées dans les trous d’exploitation des graviers et des sables, soit sur le plateau de la Dombes au fond des puits creusés pour avoir de l’eau potable. Partout où l’on peut la voir, elle montre une stratification horizontale. Elle paraît n’exister que dans la partie méridionale de la Bresse, où elle forme, sans doute par suite de ravi- nements postérieurs à son dépôt, plusieurs bombements et dépres- sions sur lesquels les couches de la formation d'eau douce ou à li - gnites se sont déposées en se moulant sur les ondulations de manière à s’amincir en biseaux sur les bombements de cet ensemble de sables siliceux , de grès et de graviers qui constitue ce que l’on appelle gé- néralement la mollasse marine dans l’E. de la France. Une chose remarquable, c’est que ces dépressions formées primordialementdans les sables de la mollasse, ont été le moule permanent des dépressions et vallées actuelles de la Bresse, car on voit généralement les couches de sables et d’argiles de la formation d’eau douce prendre une légère pente vers le centre d’anciens bassins où les cours d’eau ont natu- rellement trouvé un lit tout préparé. Le classement chronologique, dans l’E, de la France, en Suisse et SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. m en Savoie, des couches supérieures à la mollasse elle-même, est ce qu’il y a de plus controversé encore aujourd’hui. Les difficultés sont, en effet, très grandes surtout dans les vallées les plus voisines des Alpes, (jui furent toujours ie théâtre d’agitations complexes d’eaux marines, lacustres ou torrentielles, et qui subirent l’envahissement d’immenses glaciers dont le front venait s’étaler jusque sur le plateau bressan. Je crois que quand on connaîtra mieux la Bresse, on verra qu’elle a formé un vaste bassin qui est toujours resté en dehors des grands mouvements orographiques récents, et que tous les phéno- mènes tertiaires et quaternaires sont venus s’y traduire dans un ordre très simple et à l’abri des nombreuses causes de variation qui se sont successivement manifestées dans les vallées subalpines. Les superpo- sitions de couches sont si évidentes dans la Bresse, et prêtent si peu à l’équivoque, qu’il faudra en faire un type normal , duquel on par- tira pour explorer les contrées voisines. Mais le cadre de cette notice me permettra rarement de fait e des excursions en dehors de la Bresse \ je me contenterai de citer quelques faits non contestés et quelques analogies que j’ai pu vérifier moi-même sur le terrain , bien persuadé qu’en tout ceci il est très imprudent de parler avant d’avoir vu. Le terrain tertiaire moyen , ou miocène de la Bresse, se compose de la mollasse marine sableuse bien connue dans les contrées voisi- nes, et d’une puissante et vaste formation d’eau douce formée d’al- ternances de sables très semhlabes à ceux de la mollasse, de couches de marnes avec lignites souvent exploitables, et d'intercalations de calcaires à coquilles fluviatiles et terrestres. Un sujet très délicat d’investigation pour le géologue qui parcourt l’E. de la France, c’est de savoir ce qui s’est passé lorsque le régime des eaux marines fai- sait place au régime des eaux douces. A cet égard, on peut dire que dans la Bresse la transition a été brusque, autant du moins qu’on en peut juger par les rares affleurements de la mollasse marine, qui se montre toujours immédiatement surmontée par des couches argi- leuses et sableuses avec coquilles lacustres, fluviatiles et terrestres, ou par le dépôt de cailloux qu’on appelle le conglomérat bressan. U n’en a pas été ainsi vers les Alpes, paraît-il, car ici ou i encontre sou- vent un enchevêtrement très complexe de couches de marnes avec lignites et coq ni. les d’eau douce, de sables semblables à ceux de la mollasse marine et de lits plus ou moins épais de cailloux et gra- viers dans lesquels on voit les roches calcaires prédominer en bas vers la mollasse marine, et se mélanger d’autant plus de quai tzites et autres roches dures, que les couches sont plus rapprochées de la surface actuelle du sol. Les intercalations de rail oux et poudingues n’existent pas dans la Bresse ; on voit seulement que la partie supé- NOTE DI M. BENOIT» 319 rieuredes sables de la mollasse marine esl normalement intercalée de lentilles de cailloux et graviers où les calcaires abondent, et que l’agitation qui s’est produite lors du retrait de la mer moilassique a déterminé des érosions plutôt que des atterrissements. Cependant il existe dans la Bresse des dépôts caillouteux qui ne peuvent être rap- portés qu’à la partie supérieure de la mollasse marine; c’est surtout dans la vallée de la Reyssouse qu’ils se montrent en lambeaux épars ou masqués par les terrains plus récents. Ces cailloux de la mollasse sont en majorité calcaires, paraissent provenir de la mollasse et ont toute l’allure des remaniements habituels des matériaux meubles. Un fait singulier, c’est qu’ils ont subi une action corrosive qui les a fait s’impressionner réciproquement sur place. M. Lory m’a signalé le même fait dans le Dauphiné, et j’ai eu occasion de le constater dans les cailloux qui avoisinent les couches de marnes à lignites des environs de la Tour-du-Pin, dans ceux qui reposent sur les tranches rongées de la mollasse à la Perte du Rhône, et le long du bord sa- voisien. Ce phénomène est le même que celui du nagelfluh calcaire du Jura suisse et franc-comtois. Je reviendrai, en parlant des agents de la décomposition et de la dissolution des roches, sur les causes qui paraissent avoir produit ces impressions des galets calcaires et nous verrons qu’elles ont été en fonction après le dépôt de ces mêmes galets. Constatons seulement maintenant que, sur une foule de points de la Bresse, il y a, entre la mollasse et les couches à lignites, des lits de cailloux qui sont miocènes et qu’on a confondus avec ceux du conglomérat bressan , dénomination que l’on a appliquée indifférem- ment à tout ce qui est cailloux et gravier dans la Bresse. La mol tasse marine de la Bresse se rattache parfaitement à la mol- lasse classique de Saint- Fous, près de Lyon. Ainsi, par exemple, les maisons du faubourg Saint-Clair, au bas de la moirée delà Boucle, ont leurs fondations dans la mollasse; c’est là, en elïei, exactement le niveau géographique de Saint- Fous; et si on monte le chemin à voiture de la Boucle, on remarque, à 4 mètres au-dessus du pavé du faubourg, un banc horizontal de gr ès moilassique, qui est immédia- tement surmonté par cette succession confuse de cailloux et maté- riaux meubles qui sont venus à toutes les époques tertiaires et qua- ternaires s’entasser et s’enchevêtrer contre l’antique rivage granitique de la Croix Rousse et de Lyon. Pour faire compi endre la constitution géologique de la Bresse, j’ai besoin de revenir à ces bombements molla'.siques sous-bressans dont j’ai parlé. Le principal se trouve au beau milieu du plateau de la Dotnbes, où il occupe, à l’Ë. de Villars, un espace assez vaste, mais fort difficile à circonscrire nettement. Cet espace esl lu parue la plus B 20 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. mauvaise de la Dombes, et je vais dire tout de suite pourquoi : c’est qu’il n'y a là, au-dessus des sables perméables de la mollasse, qu’une couche peu épaisse, qui m’a longtemps intrigué, d’un sable gris, siliceux, excessivement fin, à peine argileux, encore micacé, qui, sous l’action d’agents décomposants et dissolvants, devient encore aujour- d’hui de plus en plus exclusivement siliceux, car on peut le pour- suivre dans toutes les directions et le voir passer sans interruption aux couches normales de la base de la formation d'eau douce , les- quelles couches sont à éléments argilo-siliceux avec mélange de cal- caire et de silicates non décomposés. Ces couches, qu’il est important de bien connaître, sont d’abord une assise mince d’argile plastique bleuâtre, assez inconstante, qui repose sur la mollasse ; ensuite une couche bleue de sable très fin, argileux, micacé, qui est la plus gé- néralement répandue dans le grand bassin bressan et qui constitue avec la précédente la base de la formation d'eau douce ou à lignites ; au-dessus viennent des sables et limons , très variables de puissance, qui séparent les deux niveaux où l’on trouve le plus habituellement des lentilles ou amas de gros bois à l’état de lignites. La formation d’eau douce contient aussi des calcaires coquilliers sur lesquels nous reviendrons. Il est probable que le bombement, ou plateau mollassique de la Dombes, après avoir reçu seulement les premières couches finement sableuses et argileuses de la base de la formation d’eau douce, a formé ensuite une île au milieu du grand lac dans lequel se conti- nuait le dépôt de nouvelles couches de sables empruntés aux mol- lasses, et d’argiles provenant de la décomposition lente des silicates de ces mêmes mollasses. Y a-t-il eu alors abaissement des eaux, ou exhaussement du centre du bassin, c’est ce qu’il est difficile de de- viner, car à l’exception du conglomérat, tout dans la Bresse paraît être le résultat d’une formation excessivement tranquile. Remar- quons en outre que la Dombes est le point culminant de l’hydrogra- phie de la Bresse ; que c’est sur ce plateau sableux compris entre Villars et Yersailleux que naissent toutes les rivières, tant celles qui coulent d'abord vers le Nord, pour s’infléchir ensuite à l’Ouest vers la Saône, que celles qui se dirigent immédiatement dans l’Ain et le Rhône par le Sud-Est. Remarquons encore que de ce plateau les couches d’eau douce, vont également en s’abaissant de toute part jusque dans les eaux de l’Ain et de la Saône, et jusqu’aux basses plaines du nord de la Bresse ; qu’en d’autres termes les cours d’eau sont creusés presque toujours dans ces assises de la formation d’eau douce. Il faut dire aussi que ce plateau de la Dombes n’est pas exclu- sivement sableux ; il offre quelques lambeaux très restreints de NOTE DE M. BENOÎT. 3*21 cailloux qui peuvent être rattachés au conglomérat environnant; quelques pointements de graviers distribués sur son pourtour peu- vent aussi être reliés à la mollasse sous-jacente, par leur base sa- bleuse souvent mise au jour dans les trous d’exploitation. Ces lam- beaux sont trop peu importants pour qu’on puisse les colorier sur une carte ; il en est de même de quelques plaques isolées de ce limon jaune que nous verrons bientôt être postérieur au phénomène erratique. Le tout est encore actuellement soumis à une action de décomposition et de dissolution sur laquelle nous reviendrons, et qui nous expliquera la disparition des alcalis et du calcaire dans ces terrains de la Bresse. Poursuivons maintenant l’élude chronologique des terrains supé- rieurs à la mollasse. L’ensemble des assises de la formation d'eau douce est générale- ment très uniforme et se compose , abstraction faite de nombreux enchevêtrements, de deux assises bleues d’argile plastique ou sableuse contenant fréquemment des lignites, lesquelles assises sont séparées par des lits de sables siliceux, micacés, calcaires et argileux, très puissants sur les deux bords de la Bresse méridionale. Cet ensemble se poursuit au loin dans le N. de la Bresse; il a été rongé à une époque géologique récente le long de la falaise orientale, ou il forme une berge qui atteint 30 et ùO mètres à partir du cours de l’Ain , berge qui est parfaitement visible depuis Montluel , où elle sort de dessous le conglomérat au niveau de la plaine alluviale, jusqu’au delà de Varambon, où elle s’efface dans ces vagues ondulations de la sur- face du sol qui font de la Bresse le pays le plus difficile à étudier et à saisir. La formation d’eau douce est donc la plus répandue ; elle dé- passe à l’O. le cours de la Saône, et louche à l’E. le rivage jurassique; elle pénètre même dans l’intérieur du massif montagneux, ainsi que le montrent des dépôts identiques à ceux de la Bresse distribués dans la vallée du Surand, soit dans le voisinage de Villéversure et Bohas, où l’on a fait des tentatives d’exploitation de lignites, soit à Soblay, où une belle exploitation est en activité; elle a conservé des témoins dans les lambeaux adossés contre la roche jurassique, à Douvres, Ambronay et Saint-Jean-le-Vieux ; elle montre la profusion de ses dépôts de lignites dans les exploitations plus ou moins fructueuses qui ont été entreprises, et qui se continuent encore sur une foule de points, tels que Mollon , Priay, Ceyzeriat , Les Maz près Treffort, | Saint-Étienne-du-Bois, Lucinge, Benv, Moulin-des-Ponts, Cuisiat , Pirajoux, Le Villard, Beaupont, Domsures , toutes localités que j’ai explorées avec soin et que je cite seulement au milieu de beaucoup d’autres où j’ai trouvé, ou bien où on m’a signalé des couches de Soc. gêol.} 2e série, tome XV. 21 822 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. lignite plus on moins importantes. Les lignites paraissent s’êfre dis- tribués plus particulièrement sur une bande assez large I long du bord juiassique, mais j’en ai retrouve bien à LO., sur plusieurs points, par exemple dans la vallée de la Vevlo , où le chemin de fer entame la formation. On sait depuis longtemps que les lignites existent dans les environs de Saint-Amour etCuiseaux (Jura) et sur plusieurs points de la Bresse cbâlonnaise. Voilà assez de citations; je pose maintenant ce fait, c’est que partout dans la grande vallée bressanne, les couches d’eau douce sont identiques, et que partout on peut les suivre hori- zontalement pour constater leur continuité. G’est cette méthode d’ex- ploration que j’ai employée; il est vrai qu’elle est pénible, fort peu amusante et de bien longue baleine ; j’y ai consacré près de trois mois de courses consécutives l’année dernière, et antérieurement de nom- breuses explorations qui remontent à plus de dix ans de date. G’est dire que j’ai eu tous les scrupules avant d’oser émettre un avis. Quel est l’âge géologique de la formation d' eau douce ou à lignite de la Bresse? On a cité, dans la Bresse, comme je l’ai dit, des lignites sur bien des points , des sables presque partout , du diluvium , du lehm, des minerais de fer en grains, des calcaires; on a cité encore pêle-mêle, sans jamais indiquer aucune espèce, des éléphants, des mastodontes, des rhinocéros, des cerfs, des hyènes , etc., et on y a mêlé les coquilles actuelles; le tout à été considéré comme terrain tertiaire supérieur ou pliocène , puis le silence s’est fait sur tout cet ensemble. Voilà 1 histoire. Voici maintenant la réalité, dans ma conviction du moins, car, je le répète, j’appeiie la discussion sur tout ce que j’expose ici. D'abord, je présente à la Société une dent de mastodonte qui a été trouvée l’année dernière au-dessus et au contact des lignites de So- blay, lesquels sont immédiatement recouverts par une couche de sable argileux renfermant une petite coquille que je présente égale- ment. RJ. Larlel a eu I obligeance de déterminer la dent en question, et on sait qu’il est compétent en pareille matière; c’est la pénultième molaire inférieure du côté droit d’un Masfodon tapiroides , Guv, M. Lartet regarde ce fissile comme miocène supérieur. J ajouterai que j’ai trouvé dans le même gisement quelques ossements de rudi- ments, probablement de cerfs, d’après Al. Lartet Quant à la petite coquille, M. Deshajes, (pii a bien voulu l’examiner, la déclare voisine ou identique au Melnnopsis buccinoidea, Fér du plaisantin, coquille d< ut la station pliocène ou miocène ne serait pas encore bien déterminée, mais que je crois miocène. Je ne parle pas des Planoibesqui existent abondant. nenldansles couches à lignite, parce que je ne puis citer les espèces n’ayant pu en recueillir des échan- NOTE DE M. BENOIT . S2S tillons entiers. T e Mélanopside'en question est le fossile le plus ré- pandu dans la Bresse, bien qu’il le soit très peu ; i! est souvent ac- compagné d’une autre petite coquille que M. Deshaÿes, à qui je n’ai pu présenter qu’un seul échantillon, juge être voisine du Neritina concava , Fér., également du plaisantin. Ces deux fossiles, avec des Planorbes et autres coquilles minces et ordinairement brisées, se re- trouvent dans les sables et argiles à ligmle de la falaise de la Bresse, à Loyes et Rlollon, par exemple. De ce point de repère, on suit sans interruption les couches à Mélanopsides jusqu’à Meximieux et Mont- luel, où ou les trouve immédiatement surmontées d’un calcaire d’eau douce, renfermant des coquilles terrestres que M. Desbayes a eu la bonté d’examiner et qui sont, entre autres, le Clausilia lerveri et Y Hélix Colongeoni , que M. Michaud a décrites sur des échantillons provenant des marnes supérieures à la mollasse marine d’Hauterives (Drôme). M. Thiollière, qui connaît depuis longtemps ce calcaire de Meximieux et Montiuel, et qui l’a recommandé à mon attention, a établi d’on autre côté (Soc. d' agriculture , etc., de Lyon, juin 1855), que les marnes d’Hauterives sont miocènes; qu’elles se rattachent aux marnes à lignite de ja Tour-du-Pin, où l’on a trouvé aussi Y Hélix Colongeoni , et à celles de Yoreppe, où une dent de Masto- don angustidens a été trouvée par M. Charvet. Dans le prunier buB lelin de cette année, qui vient d’être distribué il y a quelques jours seulement, M. Lorv établit le même rapport, l’étend dans les li- mites de sa carte du Dauphiné, et dit (p. Ù5), que dans les marnes à lignite de Voreppe, on a trouvé des Cèrithes, dont une espèce dé- terminée par M Desbayes, paraît être le Cerithium tricinctum , Brocchi. On (veut donc se servir des coquilles qui viennent d’être citées pour raccorder ensemble les divers dépôts d’eau douce de l’est de la France, et pour les placer dans le miocène supérieur. Les co- quilles du calcaire d’eau douce de Coligny nous conduiront bientôt à la même conclusion. J, a même clarté n’existe pas à l’égard des grands mammifères; leur classement chronologique n’est pas encore fait ; on discute encore sur les espèces. Le retard de la science sur ce point vient unique- ment, je croB, de ce qu’on a confondu les terrains et par suite les ossements. Ainsi, par exemple, i! existe à l’École des mines une dent de Ma todon arvernensis (Jobert et (jioiset) , qui provient des ligniles de la Tour du -Pin; ce mastodoi te passe pour car.ici* ristiqne du pliocène, parce qu’on a toujoms regardé comme pii cènes les argiles de la Tour-du-Pin et les graviers plus ou moins calcaires et impiessionnés qui b s avoisinent. JBi visité dans le temps les gise- ments des environs de la Tour-du-Pin, préoccupé surtout d’eiudes SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. 324 straligraphiquos ; j’ai maintenant la conviction que les terrains ter- tiaires du Dauphiné sont absolument semblables à ceux de la Bresse et qu’il y a également continuité avec ceux de la Savoie et de la Suisse, sauf quelques variations dans la composition pétrographique. Je suis en outre convaincu que dans toutes ces contrées la formation (l’eau douce ou à lignites constitue un ensemble de couches où il est impossible de faire aucune division ; que cet ensemble se lie intime- ment à la mollasse et n’en est séparé sur certains points que par un remaniement de sables et graviers, résultat évident du retrait brusque ou intermittent des eaux de la mer mollassique et de l’agitation qui a dû se produire jusqu’à l’établissement définitif du régime des eaux douces. D’ailleurs, clans tout cet ensemble marin et lacustre, les associations dans les faunes montrent une contemporanéité que l’ex- périence mettra de plus en plus évidente. Le calcaire de Montluel et Meximieux est blanc ou jaunâtre et paraît dû à des sources minérales; il présente seulement quelques lignes d’une stratification confuse et contient à la base de très grosses oolites qui se fondent dans la pâte; en haut il devient cristallin, puis tufacé et contient de nombreuses empreintes de feuilles d’arbres, de graminées, etc., dont la détermination ne m’est pas encore connue faute d’échantillons bien conservés. Ces calcaires s’enchevêtrent en haut avec les assises sableuses et graveleuses de la base de cet immense dépôt meuble qu’on appelle le conglomérat bressan (voy. fig. 1). Un autre calcaire d’eau douce existe plus au N., à Coligny, et bute horizontalement contre la roche jurassique redressée. II est blanc, crayeux, avec quelques vagues noyaux de calcaire siliceux, confusément stratifié, intercalé d’argile plastique, et il se prolonge, en devenant grumeleux et marneux, dans la base des argiles à liguites de cette partie de la Bresse. Son niveau est donc inférieur à celui du calcaire de Meximieux, mais toujours dans la formation d’eau douce. Dans les sables qui recouvrent les argiles à lignites de cette localité on a trouvé l’année dernière, au Niquedet, de très gros ossements (fémur, tibia, partie du bassin, vertèbre) qui appartien- nent probablement au Mastodon angustidensy si j’en crois les rap- ports d’un ouvrier terrassier qui a vu une grosse mâchoire trouvée en faisant un chemin dans le voisinage de la même localité et qui comparait les dents à des pis de vache. Ceci n’est qu’un indice de peu de valeur, mais cet indice est miocène (voy. fig. 2). Revenons au calcaire de Coligny. Il contient beaucoup de petites coquilles qu’il est difficile d’obtenir entières ou autrement qu’à l’état d’empreintes. Parmi ces empreintes, que M. Deshayes a eu la corn- NOTE DE M. BENOIT. 325 plaisance d’examiner, se trouve celle de son Cerithium Lamarckii , fotsille des calcaires lacustres supérieurs du bassin de Paris. Com- ment se trouve-t-il dans la Bresse? Probablement, et c’est l’opinion de M. Bayle, que j’ai eu l’occasion d’entretenir à ce sujet, la faune parisienne envoie quelques représentants qui tournent autour du plateau central par la Loire, et montrent des stations bien accusées dans les calcaires d’eau douce de l’Auvergne et de là remontent dans la Bresse. Si cette distribution horizontale d’une faune bien caractérisée venait, comme je le crois, à se confirmer solidement, nous aurions alors un point de repère précieux pour le classement des terrains tertiaires de l’E. de la Fiance et pour leur raccordement avec ceux du bassin parisien. D’ailleurs, si les grandes dépressions de la Limagne et derAuvergneméridionale peuvent se rattacher assez facilement, paraît-il, au bassin parisien, d’un autre côté il n’y a pas que ie Cerithium Lamarckii, Deshayes, qui relie la Bresse à l’Au- vergne : il y a, à ce dernier point de vue, d’autres coquilles, entre autres les Mélanopsides, et surtout les faunes des grands mammi- fères. Si j’ai bien saisi les traits saillants des descriptions de la Limagne et des hautes vallées de la Loire et de l’Ailier, il me sem- blerait que dans l’Auvergne et la Bresse les formations tertiaires ont marché synchroniquement, et, de plus que la pétrographie et la stratification présentent des deux côtés une ressemblance et une succession presque identiques, même pour les trois étages tertiaires. Ainsi, dans l’Auvergne, au-dessus d’argiles bigarrées, que M. Pomel a placées dans i’éocène, il y aurait d’abord des dépôts de sables quartzeux, qui seraient un faible représentant de la mollasse marine de l’E. de la France, et par-dessus viendrait un groupe puissant de calcaires marneux et d’argiles, qui correspondrait à la formation d’eau douce de la Bresse et des bassins contigus. Ge dernier groupe est en Auvergne très riche en Gyrènes, Gypris, Gérithes ( Cerithium Lamarckii en tre autres), Mélanopsides, Planorbes, Lymnées, Hé- lices, etc. ; plusieurs de ces fossiles ont des représentants dans le bassin du Rhône et dans la Bresse ; tout porte à croire qu’on en trouvera encore davantage en y faisant plus attention et que les espèces identiques se multiplieront dans les terrains que nous essayons de comparer. Pour celle comparaison, c’est surtout la faune des grandi mammifères qui peut être d’un grand secours. Mais sur ce sujet je n’ai pas assez de connaissances pour discuter les faunes de l’Auvergne, pays que je n’ai pas visité. Je ferai remarquer seulement que plusieurs grands mammifères d’Auvergne sont miocènes et se trouvent dans l’E. de la France. Des études slratigraphiques sont 326 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. encore nécessaires pour établir des coupures systématiques dans les bassins terliahes éloignés de celui de Paris, En attendant, j’ai une forte présomption que bon nombre de coquilles 11 il via ! iles et terres- tres et certains mastodontes, éléphants, rhinocéros et ruminants descendront plus tard du pliocène dans le miocène. On reconnaîtra aussi plus taid qu’il y a eu clans la Bresse et dans l’Auvergne nue grande ana'ogie de formation. En Auvergne les calcaires coquilliers et à ossements paraissent dus à d’anciennes souri es thermales; il en est de même dans la Bresse, particulièrement àCfligny. Le calcaire de cette dernière localité e.-i un peu magnésien par places; l’analyse de trois échantillons m’a donné en moyenne 1/2 à 1 p 100 de car- bonate de magnésie, il est surmonté en un endroit d’un placage d’un minéral singulier, jaunâtre, cireux, se coupant facilement au couteau et dont l’analyse m’a donné (p. 100) : eau de combinaison 23,52, silice 51,76, alumine et oxyde de fer 19,38, chaux 2,98, ma- gnésie 2,o6. Le placard que forme celte espèce d’hydrosilicate de magnésie est lui même recouvert d’un autre placard qui a une composition analogue, mais où la proportion de fer est plus grande et donne une teinte brune à cette roche. Tout annonce donc qu’on a encore un produit d’eaux minérales mises enjeu pendant l’époque miocène, époque qui a aussi produit les émissions bitumineuses des mines d’asphalte de Pyrimont près Seyssel. D’autres preuves de la liaison de la mollasse marine eide la forma- tion d’eau douce en un seul étage miocène existent dans l’orographie du Jura, où l’on voit l’une et l’autre élevées ensemble jusque sur les plus grandes chaînes. Un bel exemple de ce fait est au bord oriental du val Romey, où la mollasse est pi Le dans un pli en forme de V, résultant d’un renversement des calcaires néocomiens au pied de la grande faille qui longe le flanc occidental de la chaîne du Grand-Co- lombier. Un autre exemple aussi remarquable se trouve sur le pla- teau des iMolunes, à une altitude de 1235 mètres, près et à l’O. du cret de Ghalatn; c’est une combe étroite, de sept kilomètres de lon- gueur à partir du bas de la Combe d’Evoaz ( vin), jusqu’à la ferme de La Forge (Jura), laquelle combe est entièrement comblée de mol- lasse coquillière, redressée sur les bords avec les assises calcaiies du terrain néocomien; c’est le lambeau de mnlla se le plus élevé (pie j’aie rencontré ; par ses débris de coquilles, ses dents de squales et ses élé- ments mim ralogiques, il coirespond bien évidemment à une assise identique qui se voit à la partie supérieure de la mollasse des envi- rons de la Perte-du Rhône, c est-à dire au Muschf'lsandstein des géologues suisses ; sur la montagne comme au bord du Rhône, la NOTE DE M. BENOIT. $27 mollasse est surmontée de couches de sables et d'argiles bleues avec mélange de lits de cailloux en majorité calcaires, parmi lesquels on remarque les calcaires noirs des Alpes (voy. fig. 9 el 10) Pour se rendre compte du mode de formation des terrains ter- tiaires dans TE. de la France, i! faut absolument faire parallèlement l’étude des mouvements orographiques. iNous venons de voir que les gi ands relèvements de la mollasse et des couches qui s’y rapportent correspondent avec la fin de l’époque miocène, c’est-à-dire avec le soulèvement des Alpes occidentales décrit parM. Éiiede Beaumont; cela veut dire que les grandes chaînes du Jura orientai n’ont pris leur dernier et principal relief qu’à une époque géologique récente. Mais il n’en a pas été de même dans le Jura occidental ; ici , chose remarquable, les chaînes et les vallées sont restées sous l’influence du mouvement orographique du système de la Côte-d’Or de M. Elie de Beaumont. Ainsi, la plupart des chaînes qui bordent la Bresse ont une direction très voisine de celle du système de la Côte-d’Or ; plu- sieurs ont fait obstacle à des plissements postérieurs; d’autres ont une physionomie si éraillée qu’on les juge tout d’abord comme les plus anciennes de la contrée, bien que leur relief ait pu être augmenté sur quelques points pendant ou après la période crétacée. C’est ainsi que le grand bassin bressan a conservé de tout temps à peu près la môme forme et la même ampleur géographiques ; c’est ainsi qu’il a pu rece- voir, sans grandes oscillations , les terrains crétacés qui se montrentsur plusieurs points des deux bords de la plaine, puis les terrains ter- tiaires, qui font le sujet de cette notice ; c’est ainsi encore que la Bresse nous présente le type le plus tranquille, le plus normal des for- mations tertiaires et quaternaires de l’E de la France. Cette digression, à propos du classement des couches de la mollasse de Bresse, nous a un peu éloignés de ce sujet spécial ; pour y revenir et me résumer, il me suffira de dire que l’étage miocène, tel qu’il vient d’être esquissé, est parfaitement distinct dans la France orientale ; que ses deux groupes marin et d’eau douce forment un ensemble dont les caractères paléontologiques sont tous miocènes ; que la seule séparation possible est celle qui résulte du passage du régime marin au régime des eaux douces. Mans avant de quitter ce sujet, il faut dire encore que la limite inférieure de la mollasse marine est souvent marquée dans le Jura et sur les bords de la Bresse par un conglomérat de cailloux exclusive- ment calcaires et quelquefois plus gros que la tête d’un homme. Ce conglomérat est évidemment, pour moi du moins, le premier pro- duit de l’agitation de la mer moliassique lors de son envahissement dans les vuhées subalpines. Dans le massif jurassique, il repose ordi- SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. 32S nairement sur le néocomien ; clans la Bresse, le long du rivage juras- sique, il repose sur et se mêle avec les argiles bigarrées éocènes et d’eau douce, dont il sera question plus loin. Ce conglomérat se pla- cerait ainsi sur le niveau de la bi'èche du Tholonet. Les points où l’on peut l’observer dans une position bien nette sont, par exemple, entre le néocomien et la mollasse coquillère de Saint-Martin-de-Bavel près de la station du chemin de fer d’Arthemart et, au bord de la Bresse, à Sanciat, près Meillonnas, et aussi à l’embouchure du Surand dans la Bresse près de Pont-d’Ain. Entre les terrains que nous venons de décrire comme miocènes, et les dépôts qui sont franchement erratiques, il n’y a plus rien dans la Bresse que la grande nappe de cailloux, sables et graviers, que l’on a désignée sous le nom de conglomérat bressan , et qui est le dépôt que M. Elie de Beaumont a appelé Allumons anciennes de la Bresse, en le rapportant au terrain tertiaire supérieur. Cette classi- fication n’a pas toujours été respectée, bien qu’elle soit la plus natu- relle, car s’il y a du terrain pliocène dans la Bresse, c’est bien là sa place. Pour arriver à cette détermination , il faudra apprendre à sé- parer le conglomérat des couches analogues, remaniées ou non , qui appartiennent a la mollasse, et aussi des dépôts erratiques, qui sont infiniment plus répandus dans la Bresse qu’on ne le croit maintenant encore. Cette étude est absolument nécessaire pour savoir, par exemple, dans quelle couche ont été trouvés les ossements de grands mammifères qu'on a déjà cités plusieurs fois dans la Bresse, et à l’égard desquels je suis fort peu édifié, je l’avoue. Par exemple, il est à l’Ecole des mines une dent d 'Elephas primigenius et une dent d 'Elephas meridionalis trouvées à Trévoux en faisant les fondations du pont, la première dans les alluvions de la Saône, la seconde dans un gravier inférieur. D’après M. Lartet, qui a eu la bonté de me donner des renseignements à ce sujet, la première serait quaternaire et la seconde de l’époque pliocène. Mais il existe au Muséum, pro- venant aussi de Trévoux, une dent désignée comme appartenant au Mastodon angustidens, mais que M. Lartet rapporte au M. arver - nensis (Jobert et Croizel). La première détermination fait croire que la dent provient d’une couche miocène, la seconde d’une couche plio- cène. Qu’y a-t-il à faire en pareil cas? attendre que nos maîtres en paléontologie veuillent bien se mettre d’accord , et, de notre côté, poursuivre minutieusement nos études stratigraphiques, qui débrouil- leront encore ici des questions si controversées, qu’il semble que per- sonne n’ose les aborder. Yoici quelles sont les allures du conglomérat. A partir de Lyon, il se répand dans le N. de la Bresse en deux bandes latérales, puissantes NOTE DE M. BENOIT. 329 d’abord , qui vont en s’amincissant pour s’arrêter, l’une brusque- ment et carrément sur le flanc gauche de la vallée de la Veyle, qui est transversale depuis le voisinage de Bourg jusqu’à la Saône, l’autre vaguement et capricieusement au delà de Bourg jusqu’à Marboz , où la traînée semble finiren pointe par des lambeaux très restreints et isolés n’offrant plus que de menus graviers ou des lames de sables grave- leux. Évidemment le transport s’est fait du S. au N., comme une lévigation sur la planchette, si on peut faire ici une comparaison mi- croscopique. Ainsi, du rivage jurassique de Coligny jusqu’à la Saône, la Bresse offre une large bande transversale où on ne trouve aucun caillou. Ceux qu’on rencontre plus au N. proviennent des Vosges et du plateau central. Dans son ensemble, le conglomérat apparaît non pas comme le produit de courants torrentiels ravageurs, mais comme le résultat de l’action d’une grande nappe d’eau agitée par divers courants et re- mous. Le premier travail de ces eaux a été d’approfondir le tallwedge des vallées préexistantes et de creuser ailleurs des sillons dans les sables et argiles de la formation d’eau douce, en sorte que les nom- breux cours d’eau actuels nous transmettraient la tradition de ce qui s’est passé alors. D’un autre côté, c’est un fait curieux qui m’a long- temps intrigué, que celui de l’arrêt brusque des cailloux sur le bord du plateau de la rive gauche de la vallée de la Veyle qui est creusée dans le plateau bressan. Il semble que les cailloux ont trouvé dans cette vallée transversale un obstacle à leur pérégrination vers le N. Cet obstacle aurait réellement existé, si , comme je le pense, la vallée était parcourue par un remous puissant. Ainsi s’expliquerait l’épais- seur des gravières de Biziat et de Béost près Vonnas et le puissant bourrelet de Chanoz et Chaveyriat. Le conglomérat est-il de formation marine ou d’eau douce? J’y ai trouvé à Mionnay un gros galet calcaire criblé de trous de pho- lades ; mais ce galet était si près de la ligne où le conglomérat passe sans séparation marquée aux dépôts franchement erratiques avec gros blocs, qu’il paraît avoir été transporté comme ces derniers plutôt que charrié par les eaux, car l’orifice des trous de pholades offre encore une arête très vive. M. Thiollière a trouvé ailleurs des galets semblables; M. Foui net a aussi remarqué des corps marins, des débris de coquilles, par exemple. S’il y a eu envahissement momentané d’un bras de mer dans le bassin du Rhône à l’époque de la formation passablement agitée du conglomérat, ce fait coïnci- derait probablement avec celui de l’émersion d’une grande partie du sol africain, que l’on juge être très récent. Nous reprendrons la suite de cette idée en parlant du phénomène erratique. 330 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. Généralement la partie supérieure du conglomérat se mêle et s'enchevêtre tellement avec les mélériauxdes dépôts erratiques, qu’il est sou v en i impossible de marquer entre eux aucune séparation. Cela ne veut pas dire qu’on puisse les confondre géologiquement, mais cela s gmfii* que l’un a succédé immédiatement à l’autre et que, comme i’u dit M. K lie de Beaumont, les dépôts avec blocs erra- tiques résultent d’un phénomène parfaitement distinct. Quant a l’origine des quanziies et autres roches dures qui abon- dent dans ces grandes nappes de cailloux et graviers constituant actuellement le conglomérat, les premiers charriages des glaciers, les terrasses alluviales, on la trouvera dans les résidussuccessivement remaniés de tous les dépôts meubles superficiels atteints de tout temps par une décomposition énergique dont d sera bientôt parlé. On a beaucoup parlé déjà du phénomène erratique , on en parlera encore longtemps avant que tout le monde soit d’accord. D’un côté on nie tout, ou à peu près; de l’autre on fait plusieurs phénomènes glaciaires que l’on distribue successivement sur différentes régions des deux hémisphères, ou dont on superpose les produits dans une même coupe géologique. On se perdrait à discuter toutes les opinions. Il vaut mieux observer les faits matériels, car c’est encore ce qu’il y a de moins connu. Il existe dans la Bresse des dépôts erratiques de provenance alpine, qui s’avancent jusqu’à Châtillon-sur-Chalaronne et jusqu’à la forêt du Seillon près de Bonrg. C’est ià un fait nouveau et incontestable, car il ne s’agit pas ici de dépôts vagues, mais de dépôts puissants, ayant tous les caractères glaciaires, c’est-à-dire étant composés d’un mélange de blocs de toute espèce de roches et de toutes grosseurs, anguleux ou émoussés, polis ou striés, dispersés au milieu de menus matériaux, le tt ut lié par une boue glaciaire très abondante, que l’analyse physique et chimique démontre être le résumé pulvérulent delà trituration de toutes les espèces de roches qui se rencontrent dans le dépôt. De ces d^ux points extrê nés, les dépôts erratiques de la Bresse peuvent être suivis presque sans interruption jusqu’à Lyon, où on ne les conteste pas et jusqu'aux Alpes, où on retrouve leur origine. On a dit bien des fois que les blocs erra iques des Alpes ne dépassaient pas Lyon, le plateau de la Croix- Rousse et le fort Mon te:- suis. C’est une preuve de plus qu’on ignore encore la constitu ion géoi gique de la Bresse et qu’on n’a pas exploré tous les lieux dont on a parlé. Ces dépôts erratiques avec gros blocs alpins sont parfaitement visibles sur une foule de points dans toute la partie méridionale de la Bresse, depuis Lyon jusque dans tout le pourtour du marais des Échets; Je camp de Satonay est entre deux bourrelets NOTE DE M. BENOIT. $31 entièrement formés de blocs et boue glaciaires, et la chapelle du camp est sur le plus é!e\é; ces bourrelets se multiplient même à !’E. du camp avec un certain parallélisme qui rappelle l’a* rangement des moraines. A Mionnny la berge qui borde la dépression où s’est établi le marais tourbeux des Échets, est couronnée par des lignes de gros blocs et menus matériaux passant en bas au conglomérat exploité pour les routes; entre Monnayer Mnntanay on rencontre de nom- breuses protubérances où l’on exploite également autant les dépôts erratique' avec blocs que le cou lomérat ; à partir de cette dernière localité (vs protubérances se multiplient dans la direction de Châ- tillon et forment une succession de collines ou une sorte de chaîne surbaissée qui fait un relief de 20 à 25 mètres au-dessus du plateau général de la Dornbes; partout ces protubérances sont plus ou moins recouvertes parle limon jaune à ont nous n’avons pas encore parlé; mais elles sont souvent en exploitation pour le gravier dont on charge les routes, et l’on peut remarquer alors la présence des blocs, ou tout au moins un arrangement et un assemblage de roches que l’on ne trouve jamais dans le conglomérat sous jacent. A Châtillon on a une coupe parfaitement nette; la vallée de la Chalaronne est là très étroite ; la ville louche les deux berges, qui ont 30 à frQ mètres de hauteur; ces berges, surtout la gauche, donnent bien visiblement la coupe suivante : A la base, 25 mètres de lits horizontaux de cailloux généralement quarlzeux, alternant de plus en plus en bas avec des lits de sable fin siliceux et calcaire et se terminant nettement en haut par un banc de cailloux souvent agglutinés en un conglomérat; c’est le conglomérat dit bressan se liant aux sables de la formation d’eau douce; par-dessus vient une épaisseur variable de 10 à 15 mètres d’un dépôt n’offrant aucune trace de stratification et qui est composé en grande majorité d’une boue jaune, à éléments à la fois siliceux et calcaires, arénacés et impalpables quand on les sépare par la lévigation; au milieu de cette boue glaciaire sont dispersés des blocs qui ont tous moins d’un demi-mètre cube, qui sont angu- leux, quelquefois polis et striés, et qui se mêlent avec des galets arrondis quarlzeux ou calcaire, ceux-ci souvent polis et striés, surtout ceux de calcaires noirs, gris ou bleuâtres de provenance alpine. Lis diverses roches granitiques, pnrphyriqnes et calcaires représentées par les blocs indiquent aussi une provenance alpine. Mais une particularité qu’il faut signaler ici, c’est la boue jaune, tiès calcaire, et la prédominance, parmi les blocs, de calcaires jaunes ou blanchâtres, spathique , grenus ou ooiiiiques, qui rappellent singu- lièrement la texture et les couleurs spéciales des roches ooliliques 332 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. qui s’élèvent de la base au sommet du Mont-d’Or lyonnais. Y a-t-il là un contingent, et les corrosions extraordinaires en forme de larges gouttières du massif jurassique du Mont-d’Or seraient-elles un indice de sa participation ? Ceci est au moins un sujet de curiosité. Au delà du Marais desÉchets, jusque dansbs environs de ia Saus- saie, les travaux qui déblayent le Limon jaune superficiel, mettent fréquemment à découvert des blocs et autres matériaux erratiques. A l’est de cette région, le plateau est très uni et n’offre qu’une grande épaisseur de ce limon jaune. Mais on retrouve de gros blocs alpins à la butte de Chalamont, qui fait une saillie de AO mètres en forme de pain de sucre, au-dessus du niveau général de la Bresse. On a fait au pied de cette butte, dont le noyau est formé de lits de cailloux et graviers semblables à ceux du Conglomérat , une rectification de route qui montre dans son talus plusieurs gros blocs encastrés dans une arène boueuse. Une succession de protubérances se remarque au Nord jusqu’à Saint-Nizier ; on y trouve aussi quelques blocs et du gravier (voy. S à 8). Je passe sous silence quelques autres lambeaux isolés, pour arri- ver au dépôt glaciaire de la forêt du Seillon, à 3 kil. au sud de Bourg. C’est une basse colline, un peu arquée, placée perpendiculairement à la ligne Nord-Sud du rivage montagneux, lequel ne présente aucun indice de matériaux erratiques, jusqu’à Ambérieux, à 22 kil. plus au Sud, où commencent les puissants dépôts qui se relient à ceux du Dauphiné et à ceux qui sont dispersés dans tout le massif des monta- gnes du Bugey. Le chemin de fer a coupé la colline du Seillon par une tranchée de 15 mètres de profondeur, sans atteindre la base du dépôt erratique, qui est ici parfaitement caractérisé. Il y a trois ans, lorsqu’on creusait la tranchée, les blocs que j’y ai observés étaient réellement innombrables; quelques-uns dépassaient un mètre cube. Un bon nombre de ces blocs se montrent encore dans la tranchée; ils offrent à peu près le même assemblage de roches que dans les environs de Lyon, sauf pourtant une plus grande prédomi- nance des calcaires jurassiques et néocomiens provenant sans doute du contingent fourni par les montagnes du Bugey. Les stries ne man- quent pas sur ces matériaux, ni sur les cailloux arrondis qui les accompagnent, surtout sur les calcaires noirs des Alpes. La boue glaciaire qui sert de gangue est très abondante et, comme toujours, composée d’éléments arénacés et de particules excessivement ténues, restant plusieurs heures en suspension dans l’eau. Naturellement cette boue est très calcaire. Elle est grise en bas et jaunâtre à la partie supérieure, mais forme une masse sans stratification. Dans la forêt du NOTE DE H. BENOIT. 338 Seillon, des blocs percent quelquefois le sol formé du Limon jaune. Quelques lambeaux de dépôts erratiques se remarquent au Sud, no- tamment en face de Pont-d’Ain, et font voir la roule suivie. Tout ce que nous venons de voir d’erratique est le produit d’une immense nappe déglacé qui s’alimentait sur les Alpes, venait s’étaler jusque sur la Bresse, butait contre le rivage granitique de Lyon, et refluait vers le Nord, en deux traînées vers Châtillon et vers Bourg. Cette proposition surprendra moins quand on saura que toutes les montagnes du Bugey, qui forment la pointe méridionale du massif jurassique, sont parsemées de blocs et de matériaux erratiques al- pins. M. Thiollière a depuis longtemps cité ceux du Molard-de-Don, qui est la chaîne la plus élevée du Bugey (1219 mètres), mais dont le sommet ne paraît pas avoir été atteint par la nappe de glace, puisqu’on ne trouve plus de blocs au-dessus de 1000 mètres envi- ron. La dispersion des matériaux alpins démontre que cette nappe a contourné l’extréminé méridionale du Molard-de-Don, pour re- fluer, au Nord, vers Bourg, en laissant de nombreux témoins tout le long du pied du massif montagneux du Bugey, notammentà Lagnieu et Ambérieux, où de vastes et puissants dépôts rappellent, par leur mélange confus de blocs métriques, de boue et de galets striés, les Moraines latérales et frontales les mieux caractérisées de l’intérieur des Alpes. Lagnieu est placé entre la montagne oolitique escarpée et un large mamelon boisé, dont la base est de mollasse ici très calcaire à cause du voisinage contemporain de la montagne, et dont la surface et le flanc oriental sont couverts de blocs; un fait remarquable, c’est qu’en travers de la vallée, au Nord et louchant la ville, on observe deux barrages arqués et concentriques, composés de boue et de blocs alpins et jurassiques, se reliant sans interruption aux traînées laté- rales du pied delà montagne et du flanc du mamelon, disposition qui montre en cet endroit une courte station du front de glace après un retrait brusque du Seillon à Lagnieu (voy. fig. 8). Le massif du Jura a eu aussi et en même temps ses glaciers pro- pres, qui n’ont mis en travail que des matériaux calcaires ; blocs, galets, boue glaciaire, polissage et stries sur les matériaux meubles et les roches encaissantes, moraines latérales et frontales, etc., on y retrouve identiquement tous les phénomènes glaciaires des Alpes. Dans une autre occasion, je traiterai avec détail ce sujet que je ne cite qu’à l’appui de ma thèse actuelle. Les glaciers du Jura ont fait jonction avec ceux des Alpes, sur le bord oriental et méridional du massif montagneux. En 1853, j’avais pu déjà fixer cette ligne de jonction, et dans une communication à la Société helvétique des sciences naturelles , réunie à Porrentruy, je m’exprimais ainsi : $$& SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. Si on cherche à limiter l’espace occupé parles anciens glaciers » du Jura, on voit qu'ils ont envahi toutes les grandes chaînes, depuis n le Rhin jusqu’au Rhône. A ces extrémité*, iis étaient en relation » prochaine avec ceux des Vosges et de la forêt Notre d’une part, et n en connexion intime avec ceux des A ipt s d’autre part. La limite » de cet espace est facile à dessiner du côté de la Suisse ; elle suit le n pied des grandes chaînes depuis l’extrémité méridionale du Grand- » Colombier jusque près de la fin des chaînes jurassiques, dans le » canton d’Argovie. Du côté de la France, celte l mite est difficile n à Itacer rigoureusement , parce qu’elle passe dans la région » des chaînes moyennes; elle paraît faire des sinuosités souvent » très pononcées pour enceindre certains massifs isolément élevés » en dehors de la ligne générale; celle-ci passe, depuis l’extré- •> mité méridionale du Grand-Colombier, ou les localités voisines, à n peu près par Nantua, Oyonuax, Dorlau, les chaînes de la rive » droite de l’Ain jusqu’au-dessous de Clervaux, Champagnole, No- >> zerov, Boimevaux, Pontarlier, et continue vers l’Est pour entourer » l’extrémité orientale du massif jurassique, où l’existence des an- » ciens glaciers est grandement manifestée par les dépôts considé- » râbles qui encombrent les vallées de Moutier, de Gansbrunnen, » de Balistall, par les revêtements erratiques des crêtes du Weisens- » tein, etc. On conçoit qu’en dehors de cette limite générale on » trouve des traces de petits glaciers isolés, permanents ou tempo- » raires. C’est ce que nous avons remarqué sur plusieurs points et » l’étude de ces glaciers restreints, dont la vie n’a été souvent qu’une » continuelle agonie, nous explique l’origine et l’arrangement de » certains atterrissements disséminés, de certains détritus placardés » aux flancs des montagnes plus ou moins éloignées de la région n glaciaire bien caractérisée. Par opposition, certains espaces dé- » pourvus d’indices glaciaires se remarquent en dedans de cette même « ligne générale. On pourrait pousser la limite encore plus au Sud » que le Grand-Colombier, c’est-à-dire jusque sur les flancs du » i\iolard-de Don et ceux du Mont- du Cha » Cette ligne de jonction s’est confirmée plus lard ; seulement je suis allé de surprise en surprise au fur et à mesure que je vovais le phé- nomène afin s’agrandir. Nous avons vu dans la Bresse son immense étendue eu surfât e. Pour s’eu faire une idée dans le sens de l’épais- seur des nappes de glace, il faut aller voir à quelle bailleur les blocs gi auitiques des Alpes se i enconli eut sur Je Giand-Colombier, dont ils ont un peu contourné l’extiémi é méridionale brusquement terminée par la vaste cluse de Culoz, qui livre passage au Rhône. Ou en trouve depuis la base, qui est à 2U2 mètres au-dessus de lu mer, jusqu’à plus NOTE Î)E M. RENDIT. 335 I de 1200 mètres d'altitude réelle, c’est-à-dire à plus de 1000 mètres au-dessus du cours du Rhône; les flancs de la montagne et les plus hautes déclinai ons du sommet sont plaçantes de lambeaux de blocs et de boue (pii excluent l’idée d’un soulèvement postérieur à leur dépôt, car il en est qui couvrent les deux bords de la faille qui longe le somimt de la chaîne un peu à l’O. et au-dessous de son arête corallienne. Un grand entassement de ces blocs et menus matériaux alpins existe à la ferme Firola, placée à plus de 1200 mètres au- dessus du niveau de la mer, au haut d’un ruz qui est dominé par l’arête corallienne du sommet de la montagne ; mais ici on voit que les crêtes ont fourni un contingent de roches calcaires. Au bas du même ruz, à tMunet, ii existe un puissant dépôt de blocs alpins et jurassiques mélangés de galets striés et de boue glaciaire, qui est placardé jusque assez haut contre la montagne, et qui s’étale sur cette partie méridionale du val Romey (voy. flg. 10). Mais voilà assez de citations pour le moment à ajouter à ce que l’on connaît déjà du phénomène glaciaire dans le pourtour des Alpes. Son immense développement m’a paru longtemps inexplicable. Après beaucoup de spéculations vaines et de recherches bibliographiques infructueuses, je me suis décidé à suivre la voie la plus sûre, celle par laquelle il faut toujours commencer, c’est-à-dire à m’attacher à l’observation rigoureuse des faits matériels. Pour d’autres comme pour moi , les difficultés d’explication s’évanouiront, je le crois, de- vant ut) fait bien simple, qui rentre dans les causes actuelles si sou- vent et si légitimement invoquées, celui de la plasticité et de la flui- dité de la glace glaciaire , si on peut dire ainsi. M. Éd. Collomb, qui a si bien étudié les glaciers actuels, a fait maintes fois l’expérience suivante, qui est très curieuse : si l’on prend un bloc de glace dans une partie quelconque d’un glacier, et qu’on l’apporte sur la roche Voisine, bientôt ce bloc s’affaisse en un gâteau grenu qui prend l’em- preinte de la roche sur laquelle il repose. La glace des glaciers est donc bien différente de la glace culinaire; elle est grenue et mobile; elle commence à se former dans les névés. Il est probable que la tempé- rature toujours voisine de zéro dans le glacier maintient entre la sur- face nés grains solides une couche très- mince moins disposée à la congélation par suite peut-ê re de dissolutions gazeuses, et que le moindre changement de température I quélie ou solidifie. Le jeu des grains de glace serait ainsi iubriüé pour obéir à la poussée résultant d’une alimentation continuelle dans les régions supérieures Ou gla- cier. Il n’\ a plus dè> lors entre les anciens glaciers et leurs restes encore actuelh meut en h notion qu’une question de q -antité et de temps, ce qu’on ne marchande jamais au géologue. Ainsi, pour bien 336 SÉANCE Ï)Ü Ie1* FÉYRiÈtl 1858. comprendre toute l’immense ampleur du phénomène ancien, il faut se représenter les glaciers de tout le versant des Alpes comme n’en faisant qu’un, ce qui a été presque la réalité, car la dispersion des matériaux erratiques dans tous les contre-forts des Alpes montre que les nappes de glace se divisaient et se ressoudaient suivant les caprices des reliefs, les glaces conservant jusqu’à la terminaison frontale une tendance à se niveler dans toutes les directions déclives et une telle plasticité, que les reliefs formés de matériaux meubles n’ont même pas été dérangés, si ce n’est par une érosion aqueuse qui, naturelle- ment, a accompagné la grande extension des glaciers, et qui a opéré certains remaniements ayant eu aussi ieurs phases propres. Il faut aussi se figurer qu’avec le temps et dans des conditions climatériques que nous ne connaissons pas encore, il a pu se former d’immenses masses de glace bien plus facilement et naturellement que de subits et incommensurables torrents que l’on a invoqués pour le charriage des blocs, et dont les sources auraient été dans les cataractes du ciel, à quoi on peut ajouter que les torrents ne produisent ni poli ni stries, et n’entassent pas les blocs avec la boue. Tout au plus y a-t-il eu une coïncidence avec l’émersion probablement lente du continent africain, et du sol de l’Amérique méridionale ; il en serait résulté de grandes évaporations et la création de courants atmosphériques qui auraient fourni aux glaciers pendant un temps sans doute très long une alimentation qui, à la lin, se serait épuisée et aurait laissé le globe dans des conditions très voisines de l’état actuel. Les faunes postérieures au phénomène glaciaire sont caractérisées, ainsi que l’a judicieusement établi M. Lartet, par l’ E lephas primi g enius et le Rhi- nocéros tichorhinus venus d’Asie en Europe par la Sibérie, et par VE lephas africanus , dont l’origine serait au contraire toute méri- dionale. Ces faunes démontrent qu’en Europe, comme en Amérique, les grands mammifères ont encore trouvé après le phénomène erra- tique un climat propre à leur développement, ce qui conduit à penser que dans la progression décroissante de la température à la surface du globe le phénomène glaciaire ne figure que comme un accident, qui, je le crois, n’a pas eu de renouvellements, mais des phases d’in- vasion du N. au S., du pôle vers les régions tempérées. Ainsi, le striage des roches en place et le transport des matériaux avec blocs erratiques ne sont pas deux phénomènes différents de deux époques séparables, mais bien les deux phases principales du même phénomène; c’est le commencement , qui a été marqué par une brusque formation de grandes nappes de glaces entrant immé- diatement en fonction de striage ; c’est la continuation , qui a été d’abord et naturellement marquée par un charriage de plus en plus NOTE DE M. BENOIT. 337 abondant de matériaux meubles ayant subi de plus en plus le travail glaciaire, et se mêlant de plus en plus avec de gros blocs ; c’est la fin , qui a été marquée par des moraines frontales et autres laissées à des stations successives pendant le retrait. Tout est donc semblable par- tout, sauf des différences d’ampleur selon que les glaciers s'alimen- taient dans les régions polaires ou sur quelques chaînes des latitudes européennes. Admettons que la calotte des glaces pojaires ail pu prendre extraordinairement une notable augmentation d’épaisseur par une cause quelconque, par exemple par suite de grandes évapo- rations succédant à l’émersion dévastés surfaces continentales; sup- posons que ces glaces accumulées aient eu des névés, ce qui est pos- sible, c’est-à-dire qu’elles aient été plastiques et fluides comme celles des glaciers actuels. Alors la loi cosmique de l’aplatissement des pôles n’a-t-elle pas dû peser constamment sur ce bombement anormal, faire couler ces glaces fluides dans toutes les directions méridiennes, les niveler au fur et à mesure de leur accumulation, et cela jusqu’au rétablissement d’un certain équilibre conforme aux conditions excep- tionnelles et passagères d’une pareille époque. Si l’on veut bien ne pas marchander sur les questions de temps et de quantité, n’y aurait- il pas là une explication naturelle et bien simple du phénomène erra- tique Scandinave et américain ? Celle extension insolite des glaces arctiques n’a-t-ellc pas dû influencer le climat de l’Europe en parti- culier, et quand même il n’y aurait eu qu’une influence de voisinage, est-il absurde d’y voir la cause peut-être unique des anciens glaciers des Alpes et des principaux reliefs d’Europe? Dans l’enchaînement de ces phénomènes n’v a-t-il pas une suite normale de fonctions des causes actuelles, sauf, bien entendu, l’émersion de vastes surfaces continentales, qu’il est singulier cependant de voir coïncider avec la fin de l’époque tertiaire ? Quand vint le décroissement du phénomène n’y aurait-il pas eu d’abord une immense ablation de nappes de glaces qui aurait fait divorcer le N. d’avec le S., et aurait livré le passage et l’espace d’un côté aux migrations des faunes septentrionales, que JM. Lartet appelle Sibériques, et, de l’autre côté aux pérégrinations des faunes méridionales, que M. Lartet voit reléguées aujourd’hui en Afrique? N’est-ce pas pendant ce temps-là que les anciens glaciers agonisaient sur les Alpes et faisaient place au retour du climat nor- mal de l’Europe, climat qui s’est retrouvé encore convenable aux der- niers éléphants d’Europe [E. primigenius et E. africanus ), mais qui a continué la progression décroissante jusqu’au climat actuel ? Il est temps maintenant de revenir aux terrains de la Bresse. La dernière couche sédimenlaire de la Bresse est un limon jaune , bien connu, qui donne partout la terre à pisé. J’ai dû l’étudier sur^ Sec. géol, , 2e série, tome XV. 22 358 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. tout au point de vue agricole avec des détails que je ne puis repro- duire ici. C’est la couche la plus répandue dans la Bresse; elle forme comme un manteau qui recouvre transitoirement tous les dépôts antérieurs et est remarquable par l’uniformité générale de sa com- position physique et chimique. C’est évidemment un dépôt d’eaux troubles peu agitées, qui paraît s’être formé assez brusquement d’abord, avec des épaisseurs plus grandes sur les plateaux et dans les dépressions que sur les reliefs généralement peu accentués de la Bresse. Ce mode de formation est sans doute la cause de l’absence de stratilication que l’on remarque partout dans sa partie inférieure, qui est toujours très uniforme. Je n’y ai trouvé aucune trace de fos- siles, excepté à sa partie supérieure où il passe fréquemment à un lehm sableux avec coquilles terrestres analogues ou identiques avec celles qui vivent encore actuellement dans la contrée. Sa couleur normale est un jaune ocreux uniforme, mais il a éprouvé postérieu- rement à son dépôt et il éprouve encore une action complexe d’infil- tration, de décomposition et de décoloration qui lui a donné un aspect marbré de blanc et de brun sur un fond jaune. L’analyse de ce fond jaune normal et générai montre que c’est un limon à éléments très lins, composé : 1° de 20 à 30 pour 100 de grains de quartz anguleux et amorphes, précipitables dans l’eau au bout de 10 secondes et parmi lesquels on remarque des grains colorés, fusibles au chalumeau, et qui sont des silicates terreux et alcalins non décomposés ; 2° de 10 à 20 pour 100 du même sable, mais plus fin; 3° d’un restant à particules excessivement ténues donnant par l’analyse 70 à 80 pour 100 de silice, 10 à 15 pour 100 d’alumine et d’hydrate de fer (celui-ci pour 3 à 5 pour 100), des traces ou un demi à 1 pour 100 de chaux, des traces ou 1 à 2 pour 100 de ma- gnésie, U à 7 pour 100 de potasse, des traces ou 1 à 2 pour 100 de soude et 2 à h pour 100 d’eau de combinaison, qui proviendrait de silicates hydratés, surtout de l’argile, enfin quelquefois des traces d’acide carbonique uni à de la chaux. Telle est la moyenne d’un grand nombre d’analyses, qui m’ont donné cependant des écarts suivants les localités où j’ai pris mes échantillons, tels par exemple que celui de l’augmentation de la teneur en carbonate de chaux à mesure que l’on va du centre de la Bresse vers son bord occidental, où se trou- vent, sans doute à cause de cela, les bons pays à blé. Les marbrures blanches du limon suivent les veines capricieuses d’infiltration; l’analyse constate qu’il n’v a plus absolument de calcaire ni de fer. Mais celui-ci se trouve en partie rassemblé en grumeaux plus ou moins friables au bas des veines blanches ou sur leurs trajets ; c’est ce que les gens du pays appellent têtes de clous et qui caractérise NOTE LE M. BENOÎT. 330 pour eux le fonds qu’ils préfèrent et qui donne leur terrain blanc , celui-ci n’étanl autre chose que notre limon jaune privé superfi- ciellement de l’excès de ses particules argileuses les plus ténues, ce qui rend le sol plus sableux, plus propre aux cultures et lui donne une couleur blanchâtre quand les pluies ont lavé sur les champs le résidu de sable fin quartzeux. Le limon jaune a de tout temps fourni, et il fournit encore actuellement, par les lévigations pluviales, les éléments de l’argile bleuâtre des étangs, qui pour 100 contient très variablement lx 5 à 60 de silice, 30 à 45 d’alumine, 5 à 15 d’hydrate de fer, rarement des traces de calcaire et toujours un peu de potasse. Dans la Bresse le limon jaune n’est nulle part recouvert de cou- ches sédimentaires, excepté sur quelques points au N. de Bourg et dans la faible dépression qui longe le Jura, où il est surmonté de lits feuilletés de sables siliceux peu argileux et jamais calcaires, qui paraissent s’être déposés dans un dernier lac de la Bresse. Cependant sur les plateaux, sur les falaises, sur les flancs des vallées intérieures, à tous les niveaux, on remarque de fréquents atterrissements variables d’épaisseur et de composition minérale, mais toujours sableux et contenant souvent des coquilles terrestres analogues à celles qui vivent actuellement dans la contrée, par exemple une hélice voisine de Y H. mari ti ma , ou identiques avec les coquilles actuelles, telles que Y Hélix hispida , le Succinea oblonga . Celles-ci étant d’ailleurs partout daus le haut de la masse sableuse et les autres vers la base, qui passe insensiblement à toutes les espèces de couches géologiques qui supportent cette sorte de ïehrn. Je suis tout portéà croire que c’est un sol qui se forme encore actuellement par la descente dessables sur les pentes. J’y ai trouvé, en effet, des débris de poterie sous un mètre et demi d’épaisseur et dans une tranchée qui ne montrait aucun indice de remaniement de main d’homme. Dans les vallées des grands cours d’eau le lehm contient aussi des coquilles fluviatiles actuelles ou analogues à celles actuelles. D’où vient ce limon jaune ou diluvium si général et si uniforme dans la Bresse? Pourquoi contraste-t-il de tous points aveclesautres couches meubles de la contrée? Pourquoi est-il formé uniquement d’éléments excessivement fins formant une nappe superficielle tellement imperméable à l’eau, qu’un simple barrage artificiel a suffi pour créer partout les innombrables étangs qui occupent toutes les dépressions du sol delà Bresse? Pourquoi surtout est-il presque absolument privé de calcaire, tandis que le calcaire existe dans tous les dépôts qui l’ont précédé et sur lesquels il repose toujours transi- toirement? Pourquoi encore les massifs montagneux voisins ne lui 3/jO SÈANCÉ DU Ier FÉVRIER 1858. ont-ils pas fourni, comme aux couches précédentes, leur contingent de calcaire? La réponse à ces questions peut être très courte : Le limon jaune ou diluvium provient d’une lévigation assez tranquille quoique brusque de tous les terrains meubles préexistants et atteints déjà alors par une décomposition très avancée. Il s’agit ici d’un fait qui s’est généralisé partout, mais que je n’ai vu nulle part aussi net que dans la Bresse. C’est en poursuivant ici d’anciennes études sur la géologie agricole et sur les variations des sols agronomiques, par suite de décompositions et dissolutions de leurs éléments, que j’ai pu constater la perpétuité du phénomène et même une phase de recrudescence d’activité pendant l’époque glaciaire. Je reviendrai plus tard sur ce sujet ; voici seulement les faits principaux purement géologiques: Dans la Bresse tous les terrains meubles perméables présentent une décomposition très avancée, souvent complète, des éléments pro- venant de roches silicatées; le calcaire a plus ou moins disparu. L’action a été d’autant plus énergique que les terrains ont été plus découverts, c’est-à-dire plus accessibles aux infiltrations aqueuses et aux agents atmosphériques. Cette action décomposante et dissol- vante est encore maintenant en fonction et continue à produire des phénomènes toujours identiques. Dans toute l’épaisseur des dépôts erratiques et du conglomérat il n’est aucune de ces roches silicatées qui ait échappé à cette décomposition. Les alcalis, la chaux et les autres terres ont disparu dans les roches granitiques cl à la place des feldspaths, il ne reste que de la silice pulvérulente et de l’argile ou du vrai kaolin; la roche se pulvérise dans la main. Les roches à pâles de silicates, tels que porphyres, schistes anciens, roches de tran- sition, roches métamorphiques, ont perdu les mêmes éléments, sont devenues poreuses et légères, se coupent au marteau quand elles sont pénétrées d’eau et ne donnent plus à l’analyse qu’une grande pro- portion de silice, quelques centièmes d’alumine et de fer et un peu d’eau de combinaison, résultats, d’ailleurs, très variables d’un échan- tillon à l’autre. Or, dans toute la Bresse méridionale, partout ou l’on peut voir une tranche des dépôts erratiques, on remarque que ces dernières roches décomposées dominent à la partie supérieure et que leur décomposition et désagrégation est d’autant plus complète qu’on prend les échantillons en un point plus rapproché du limon jaune, avec lequel il y aurait souvent passage insensible si on pouvait faire abstraction de quelques galets perdus dans les résidus ocreux et pulvérulents de la décomposition. Cette relation est si visible dans NOTE DE M. BENOIT » sa les environs de Saint-Marcel, Saint-André, Monthieux, LMionnay, la Saussaie, etc., qu’on ne peut s’empêcher d’attribuer le limon jaune à la dispersion des résidus pulvérulents de la décomposition qui vient d’être signalée. Cette lévigation paraît s’être produite par une crue d’eau lors de la dernière fonte des glaciers, c’est-à-dire quand ils so retiraient assez brusquement sur les crêtes des Alpes, après avoir abandonné depuis longtemps la Bresse, puis le Jura et avoir fait quelques stations dans les vallées intérieures du massif alpin. S’il en a été ainsi, on s’expliquerait comment ces eaux passagères mais peu violentes ont remanié dans diverses vallées des matériaux différents à une même époque. Tout porte à croire que les décompositions et dissolutions des roches ont été plus actives pendant l’époque glaciaire qu’à aucune autre, et cela probablement à cause d’une plus grande condensation d’agents gazeux dans des eaux plus froides. Si, par exemple, ces eaux ont pu se charger d’une plus forte dose d’acide carbonique, on pourra s’expliquer par là la corrosion au point de contact des cailloux de calcaire impressionnés dont il a été parlé, et ces vastes perforations caverneuses que les géologues suisses appellent karren , et qu’on remarque fréquemment dans le Jura sur les roches calcaires restées dénudées. Avant de quitter ce sujet, je dois dire que le limon jaune de la Bresse correspond aux nombreuses couches à éléments fins souvent placardées sur les pentes, que l’on a désignées depuis longtemps sous le nom de diluvium ; mais on a appliqué cette dénomination à tant d’autres dépôts meubles d’âges différents, qu’il m’a paru préférable de ne pas l’employer seule, afin d’éviter toute espèce d’équivoque dans une classification restreinte uniquement aux terrains de la Bresse. J’appelle ce dépôt superficiel limon jaune, tout simplement parce que c’est réellement un limon, d une origine toute particulière, et parce qu’il est toujours jaune dans la Bresse : le nom importe moins que la position straligraphique bien définie. Il a dans d’autres con- trées des correspondants synchroniques qui n’ont pas tous eu la même origine ou le même mode de formation ; je lui en connais, par exemple, dans toutes les vallées subalpines que j’ai visitées jusqu’à présent, et je puis dire que malgré la grande attention que j’v ai ap- portée, je n’ai vu nulle part ces dépôts à éléments fins autrement qu’en couches superficielles, toujours superposées aux dépôts erratiques quand ceux-ci existent. C’est dire qu’il n’y a eu qu’un seul et unique phénomène glaciaire, dont on reconnaît les phases d’envahissement et de retrait; qu’après lui , ou déjà pendant sa décroissance il s’est fait une grande lévigation générale, encore fort peu étudiée, et qu’ea- m SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1858. suite jusqu’à nos jours il ne s’est formé d’autres atterrissements con- tinentaux que ceux qui continuent encore à se niveler dans nos vallées. Pour terminer l’esquisse des terrains de la Bresse, il me reste à parler des terrains, inférieurs à la mollasse. Un sondage fait à Bourg en 1845 pour la recherche d’eaux jaillis- santes a traversé le conglomérat à cailloux de quartzites, la formation d’eau douce, la mollasse surmontée d’alternances de galets en majo- rité calcaires ; ensuite, à Z16 mètres de profondeur, il a commencé à traverser une succession de 28 mètres de couches d’argiles blanches, jaunes, marbrées, rouges, brunes, grises, bleues, vertes, sableuses ou intercalées de sables. Toutes ces argiles, dont M. Thevenin, em- ployé à la mairie, a eu la bonne idée de conserver les échantillons, sont ordinairement très pures, plastiques, et ne font pas, ou presque pas effervescence par les acides. A 75 mètres le sondage est entré dans des sables siliceux mélangés quelquefois d’argile bleuâtre, puis s’est arrêté à 100 mètres dans ces sables sans que le résultat cherché ait été obtenu. Comme on le voit, ces argiles immédiatement inférieures à la mol- lasse ne ressemblent à aucune autre couche de la Bresse. On les re- trouve en affleurement dans les petites vallées où le Sevron prend sa source près de Treffort et Meillonnas, où plusieurs de ces couches sont parfaitement pures et servent à la fabrication d’une poterie excel- lente. Elles sont ici immédiatement surmontées des marnes bleues à lignites, qui contiennent par places des lentilles de lignites d’espèces identiques aux bois des autres dépôts de la Bresse. Une des couches de ces argiles blanches ou marbrées contient quelquefois de nom- breuses petites colites d’hydrate de fer. D’un autre côté, des argiles semblables, mais plus sableuses et pas- sablement calcaires ont été traversées par un sondage fait à Pont-de- Yaux, ville placée tout près des bords de la Saône. Ces argiles forment donc dans la Bresse une nappe souterraine con- tinue, qui varie peu relativement à un plan horizontal. On remarque par exemple dans le lit de l’Ain , près de Priay, une argile smectique blanchâtre qui en serait la correspondance. U en serait de même d’une couche semblable qu’on voit sous les eaux de l’Albarine à la passerelle d’Ambirieuxà Bas. La position stratigraphique de cette as- sise puissante, la présence à sa partie supérieure d’oolites d’hydrate de fer, ses couleurs variées, tout enfin doit la faire rapporter au ter- rain tertiaire inférieur. Elle représenterait, même dans la Bresse, le. terrain du minerai de fer pisiforme de la Haute-Saône, le terrain sidérolitique des environs de Montbéliard et du val de Delémont. NOTE DE M. BENOIT. V\% Cette proposition se trouve confirmée par l’examen d’échantillons que M. Thiollière a bien voulu me communiquer, et qui proviennent les uns de Curis au pied du iYlont-d’Or lyonnais, où des lambeaux sidéro- litiques reposeraient à la fois sur la roche del’oolithe inférieure et sur le lias, les autres des environs de Mâcon , où le dépôt serait absolument identique avec ceux de Deiémonletde Montbéliard, savoir : brèche jurassique avec pâte argilo-calcaire englobant des grains de fer pisoli- tiques ; argiles rouges et bariolées, lustrées ; argiles jaunes ou rouges avec beaucoup de grains de fer à couches concentriques, quelquefois mamelonnés, inégaux de diamètre, les plus nombreux de la gros- seur d’un pois. J’ai beaucoup vu dans le temps les minerais de fer des environs de Delémonl et de Montbéliard, ainsi que ceux delà Haute-Saône, et je puis affirmer qu’on ne peut trouver une simili- tude de tous points plus complète que celle que je viens de citer. Je regrette beaucoup que le temps m’ait manqué l’année dernière pour visiter le gisement de Mâcon et le poursuivre dans la Bresse ; c’est une étude intéressante que je signale aux géologues de bonne volonté. La conclusion à tirer de toutceci, c’est que tous les minerais en grains de la Bresse et de la Haute-Saône seraient éocènes. Mais il faudrait toujours les distinguer d’une autre couche ferrugineuse qui se trouve à la partie supérieure des sables de la formation d’eau douce ou à li- gnite, supérieure elle-même à la mollasse. Cette dernière couche fer- rugineuse, visible sur une foule de points, par exemple sur les premiè- rescollines bressanes entre Pont-de- Veyle et Pont-de Vaux, n’offre pas de grains, mais des grumeaux, plaquettes, rognons, blocs caverneux très solides, où l’oxyde de fer et même le carbonate de fer sont plus ou moins purs ou mélangés de sable et d’argile. On voit même encore dans le N. de la Bresse des grains de fer mélangés dans la couche sa- blo-argileuse de la superficie du sol ; mais alors ces grains sont évi- demment remaniés et les relations straligraphiques indiquent que ce remaniement est postérieur au phénomène glaciaire. Il est certain que cette même formation d’eau douce éocène, rap* portable au terrain sidérolitique des géologues suisses, sera signalée plus tard dans d’autres bassins mollassiques subalpins, et que tout le bassin du Rhône nous montrera un jour ses relations non interrom- pues avec le terrain tertiaire inférieur de la Provence. Une dernière observation à l’appui de ce classement, c’est qu’on ne peut rapporter les sables du fond du sondage de Bourg qu’au grès vert ei au gault , dont il existe un des lambeaux plongeant sous la Bresse avec des bancs de la craie chloritée, comme par exemple à Qugney près de la Serre. Comme résumé, on peut donc dire que le bassin de la Bresse offre, SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858, m avec plus ou moins de développement, la série complète des terrains tertiaires et quaternaires. Je joins à ma notice une planche offrant dix coupes prises sur les points les plus intéressants de la Bresse et du massif jurassique. M. Hébert, au sujet de cette communication, fait remarquer que M. Benoît place son limon jaune ou loess au-dessus des dépôts erratiques, contrairement à d’autres géologues. En même temps, il montre que M. Benoît place, dans des dé- pôts postérieurs aux dépôts erratiques les Elephas primigenius qu’on croyait généralement antérieurs au phénomène glacier. M. Benoît répond que le gisement véritable des Eléphants fossiles n’a pas été indiqué généralement avec une précision suffisante. M. Scipion Gras confirme l’exactitude de la classification de M. Benoît-, seulement il fait observer que dans l’Isère il y a au-dessus du limon jaune un dépôt de blocs erratiques qui n’existe point dans la Bresse, et qui marque une deuxième époque glaciaire. C’est entre les deux dépôts glaciaires, par conséquent dans le loess ou limon jaune, que M. Scipion Gras place le gisement des Elephas primigenius. Séance du 15 février 1858. PRÉSIDENCE DE M. VIQUESNEL. M. Clément Mullet, secrétaire, lit le procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Guilbert (L.-A.), docteur en médecine, à Noyon (Oise), présenté par MM. les docteurs Puel et Paul Marés. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal (les sa~ vants, janvier 1858. NOTE DE M. DEVILLE. 345 De la pari deM. le professeur Ch. Martins, Promenade bo- tanique le long des côtes de P Asie Mineure , de la Syrie et de V Egypte , à bord de /’Hydaspe, in-4, 32 p. Montpellier, 1858. De la part de M. G. Dewalque, Revue des minéraux artifi- ciels pyrogènés , et particulièrement des produits d'usine cris- tallisés, par Ad. Gurlt, in-8, 119 p. Paris et Liège; chez E. Noblet, 1857. De la part de M. le chevalier de Zepharovich : 1° Die Silur- Formation in der Gegend von Klattau , Près - titz uiul Rozmital in Bôhmen, in-4, 37 p., 1855 ; 2° Die Halbinsel Ti/iany ini Plattensee und die nàchste Umgebung von Füred , in-8, 37 p., 1856, Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XLYI, nos 5 et 6. Annuaire de la Société météorologique de France , t. Y , 1857, 2e partie, Bulletin des séances, f. 6-11. Annales des mines , Y0 série, t. XI, lre et 2e livraisons de 1857. L'Institut , nos 1257 et 1258, 1858. Journal d' agriculture de la Côte-d'Or , n° 1, janvier 1858. The Athenœum , nos 1580 et 1581, 1858. Jahrbucli der K. K. geologischen Reichanstalt , 1856, VIIe année, nos 2 et 3 ; VIIIe année, nos 1 et 2. Neues Jahrbuch , etc., de Leonhard et Bronn, 1857, n° 6. Revis ta minera , t. IX, n° 185, 1858. Revista de los progresos de las ciencias , t. VIII, n° 1, jan- vier 1858. The Canadien Journal of industry , science and art (7 'o- ronto'), january 1858. M. le Président dépose le procès-verbal de la séance extraor- dinaire à Angoulême. M. Ch. S.-C. Deville fait la communication suivante : Note sur la nature des éruptions actuelles du volcan de Stromboli , par M. Ch. Sainte- Claire Deville. M. H. Abich a publié, dans le Bulletin de la Société géologique allemande (t. IX, p. 392), un article fort intéressant sur l’excur- SÉANCE T) U 15 FÉVRIER 1858. 346 sion qu’il a faite, eu juillet 1836, au cratère cle Stromboli. La dernière partie de cet article étant consacrée à la discussion de quelques opinions émises par moi dans une de mes Lettres sur les phénomènes éruptifs de l’Italie méridionale (1), je désire présenter ici quelques mots à l’appui de ces opinions. Voici d’abord la tra- duction textuelle des deux derniers paragraphes du mémoire de M. Abich : « Les causes encore obscures qui, dans les profondeurs, pous- » sent perpétuellement à la surface du cratère de Stromboli la » lave toujours fluide, excluent sans doute expérimentalement >' ( erfahrungsmassig ) la sortie continue de la matière sous forme » de coulée de lave. Néanmoins, le phénomène de petites érup- » tions continues, dans lesquelles la lave coule plus ou moins » abondamment, et peut même, suivant les paroxysmes irréguliers » du volcan, atteindre les proportions de petits courants qui » coulent vers la mer, est un fait reconnu et décrit par Spallan- » zani, Dolomieu et Ponlett-Scrope. Frédéric Hoffmann l’a par- » faitement et clairement mis en rapport avec toute la physique » des volcans, et cela n’avait point été, que je sache, mis en doute » par personne. » C’est donc avec surprise que l’on trouve, dans une lettre à » l’Académie des sciences de Paris, où M. Charles Deville expose » la série de ses importantes recherches sur les phénomènes érup- » tifs de l’Italie méridionale, la remarque que Stromboli n’a jamais » donné de lave. En admettant que l’élasticité du mot lave ait » permis à l’auteur de lui attribuer une acception nouvelle, cette » assertion pourrait se soutenir sans peine ; mais elle se rattache, » par l’annexion d’une note, à quelque chose qui, involontaire- » ment sans doute, est plus que de la polémique contre le der- » nier explorateur des phénomènes éruptifs de Stromboli. Cette » note a bien le droit d’exprimer quelque doute sur la réalité » d’un fait représenté dans une des figures du mémoire de F r. Hoff- » mann, figure que l’auteur ne donne que comme une vue idéale » (ou théorique) ; mais la note admet plus loin une erreur fixée » graphiquement dans la figure, et explique cette erreur par une » supposition (p. 3 de la lettre citée) qui, si elle était exacte, » rendrait cette erreur tout à fait indigne d’un maître consommé » en fait d’observations, et qui semble au moins prouver que » M. Sainte-Claire Deville ignore entièrement les droits que Fré- (1) Huitième lettre à M.Eliede Beaumont , [Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences , t. XLIII, p. 606). NOTE DE M. DEVILLE. 3/j7 » déric Hoffmann s’était acquis à une éminente position dans les » annales de la science de ce côté du Rhin. >' Je me reprocherais en effet vivement d’avoir, si peu que ce fût, diminué le mérite d’un savant aussi distingué que Fr. Hoffmann; mais je pense que, pour écarter le reproche qui m’est adressé à eet égard, il me suffira de reproduire les passages de ma huitième lettre auxquels il vient d’ètre fait allusion. Voici d’abord le texte de la note incriminée : « On ne doit pas s’en rapporter à l’une des figures (d’ailleurs en » général exactes) de Fr. Hoffmann. Ce géologue, dans ce qu’il » appelle une vue^idéale de Stromboli, indique une très courte » lave sortant du cratère de ce volcan, et se dirigeant sur la pente » nord qui regarde la mer. Je me suis assuré qu’il n’existe rien de » semblable, et je dirai plus loin à quoi j’attribue l’erreur com- » mise par Hoffmann après Hamilton et plusieurs autres obser- » vateurs. » Enfin, voici l’explication encore plus coupable, à ce qu’il paraît, que je hasarde d’un fait observé par Hoffmann et par moi-même. Après avoir décrit ce que j’ai eu l’occasion d’observer lors de ma seconde visite au cratère de Stromboli, le 1 h octobre 1855, j’ajoute: qui laissait voir l’incandescence au travers des parois du cône » lui-même ? » Si j’ajoute enfin que, dans la série de mes publications, je n’ai jamais manqué de citer honorablement Hoffmann, notamment dans ma deuxième lettre à M. Dumas (1), où je parle de la pré- cieuse carte de la Sicile qu’a laissée Frédéric Hoffmann , de si regrettable mémoire , on me pardonnera, j’espère, de conserver avec quelque sécurité ma conscience en repos. Je me flatte même que mes explications satisferont complètement la susceptibilité de mon savant ami, et le convaincront que l’on sait rendre aussi bonne justice à Paris qu’à Saint-Pétersbourg aux travaux des géologues allemands. (1) Deuxième lettre à M. Dumas sur quelques produits d émana- tion de la Sicile. ( Comptes rendus des séances de t Académie des sciences , t. XLIII, p. 367). SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858, m Ce premier point réglé, voyons si en affirmant que Stromboli, dnns sa forme actuelle (1), n’a jamais donné de laves, je m’éloigne, autant que le pense M. Abieh, de l’opinion des savants explora- teurs qui m’avaient précédé sur les lieux. Je cède d’autant plus volontiers au plaisir de citer leurs propres observations, que l’on se contente trop souvent d’accepter sur les opinions de ces grands naturalistes des idées toutes faites et qui ne sont pas toujours bien fondées. Voici les passages de Dolomieu qui ont rapport à notre sujet. Après avoir décrit (2) l’eftet des éruptions de Stromboli, vues de nuit en mer, il raconte son ascension au sommet du volcan et ajoute : « Du sommet de la haute pointe, on domine sur le cratère en» » flammé, on découvre tout son intérieur; on lui voit faire ses » éruptions au-dessous de soi. J’avoue que la première explosion » que j’observai de ce point de vue m’effraya, je craignais que » les pierres ne vinssent jusqu’à moi ; mais je fus rassuré lorsque j? je vis qu’il s’en fallait de plus de 100 pieds qu’elles ne s’élevas- » sent aussi haut. Ce cratère, le seul qui serve maintenant aux » éruptions, est placé, ainsi que je l’ai déjà dit, au N. -O., sur le (4) On me pardonnera de transcrire encore ici les termes mêmes de ma lettre, car c’est de leur ensemble que résulte le sens véritable de la pensée qu’ils expriment. Voici les autres passages où je traite la même question : « Il ne faudrait pas croire, néanmoins, qu’il n’y ait aucune oscillation dans l’intensité des phénomènes éruptifs de ce volcan. A la vérité, il n’a jamais donné de lave. C’est une limite ex- trême qu’il ne paraît pas susceptible d’atteindre, au moins sous sa forme actuelle. » Et plus loin : « En comparant ce que je viens de dire aux relations des observateurs qui m'y ont précédé, tout semble indiquer que lorsque je l’ai visité en juillet dernier, Stromboli devait se trouver, à peu de chose près, au plus bas degré d’intensité volca- nique qu’il puisse atteindre. D’après les documents historiques comme d’après le témoignage des habitants, ce volcan ne paraît jamais avoir été réduit à ne laisser échapper de son cratère, sans excès considé- rable de pression, comme l'Etna et le Vésuve entre deux éruptions, que des vapeurs chlorhydro-sulfureuses, ou, comme les volcans de la Nouvelle-Grenade, que des vapeurs sulfo-carboniques, ou même, comme l’Hékla et Fogo, que de la vapeur d’eau entraînant peut-être avec elle une faible proportion d’acide carbonique. Et, comme il ne s’est jamais élevé jusqu'à l'émission d’une lave proprement dite, Strom- boli, malgré sa turbulence, n’est, après tout, qu’une bouche volcanique qui, se gardant, pour ainsi dire, des extrêmes, ne s'éloigne jamais beaucoup de l’intensité maxima qu’elle n’atteint cependant jamais. » (2) y oyage aux îles de Lipari, p. 113. NOTE DE M. DEVILLE. m » flanc de la montagne, à moitié de sa hauteur; il est très petit, » je ne lui crois pas 50 pas de diamètre. Il a la forme d’unenton- » noir, terminé en bas par une pointe; pendant tout le temps » que je l’ai observé, les éruptions se succédaient avec la même » régularité que pendant la nuit, et chaque intermittence était à » peu près de sept minutes. Je ne voyais point de flammes, la » clarté du jour la fait disparaître ; mais je voyais une bouffée de » fumée blanche qui sortait en même temps que les pierres, et qui » se dissipait dans l’air comme si elle y avait été absorbée. Les » pierres lancées par le volcan paraissaient noires, elles se levaient » en gerbes et elles formaient des rayons divergents ; la majeure «partie retombait dans la coupe; elles roulaient jusqu’au fond » du cratère, semblaient obstruer l’issue que s’étaient faite les « vapeurs à l’instant de l’explosion, et elles étaient rejetées de nou- » veau par l’éruption subséquente. Elles sont ainsi ballottées jus- » qu’à ce quelles se soient brisées et réduites en cendres, mais le » volcan en fournit toujours de nouvelles; il est intarissable sur ce » genre de productions. L’approche de l’éruption n’est annoncée » par aucun bruit ni murmure sourd dans l’intérieur de la mon- » tagne , et l’on est toujours surpris lorsqu’on voit les pierres »> s’élever en l’air. Le bruit qui l’accompagne est peu considérable. » Celui de la chute des pierres dans le cratère fait presque autant « d’effet. Le volcan était pour lors dans son état le plus calme ; car « il est des temps où il paraît plus courroucé, où la fermentation est » plus active, où les éruptions sont plus précipitéeset plus violentes; » les pierres sont lancées beaucoup plus haut, elles décrivent des » rayons plus divergents ; elles sont jetées à une assez grande dis- » tance dans la mer. « Ainsi, dans l’intérieur du cratère, point d’apparence de coulée de lave. Dolomieu en décrira-t-il sur la pente extérieure qui re- garde la mer? Pas davantage ; car non-seulement il n’en a point observé pendant la nuit qui a précédé son ascension, et qu’il a passée en mer à examiner ce curieux spectacle ; mais il ajoute plus loin : « J’ai passé deux fois, il y a quinze ans, à la vue de Stromboli, » pendant un temps de bourrasque violente et pendant la nuit ; je » vis alors le volcan faire des explosions plus rapprochées, et dont » l’intermittence n’était pas de deux ou trois minutes. Les pierres » arrivaient à plus de deux cents pas en mer, une flamme rouge et » brillante sortait sans discontinuité du cratère, et elle éclairait à » une grande distance, » 550 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858. Dolomieu termine ainsi (1) : « Ce volcan, depuis assez longtemps, » ne jette plus de laves proprement dites, mais seulement du sable » et des laves poreuses, noires et rougeâtres. Toutes les laves qui » sont ensevelies sous les cendres, celles que l’on voit dans les » déchirures et celles qui forment des escarpements, sont an- ciennes Elles sont la plupart de couleur grisâtre ou noirâtre; » elles sont pesantes, compactes, et ont une dureté extrême ; elles » contiennent en abondance des schorls noirs (pyroxènes), et elles » sont enveloppées d’une croûte rougeâtre qui annonce un coin- » mencement d’altération. » Bien que Dolomieu se serve ici du mot lave dans trois accep- tions différentes, il est parfaitement évident qu’il distingue très nettement les produits scoriacés du volcan actuel, qui ne jette plus cle laves proprement dites , des épaisses assises do 1er i tiques qu’on voit, en effet, dans les escarpements intérieurs, qui y alternent avec des conglomérats et que Fr. Hoffmann a très bien décrites comme constituant un cratère de soulèvement. Mais, si Stromboli n’émettait point de lave en 1781, peut-être, en 1788, serons-nous plus heureux, et Spallanzani ne manquera pas de nous en faire part s’il les a vues. Interrogeons donc ce grand observateur. Et d’abord, suivons-le dans le cratère supérieur, et, tout en re- grettant de ne pouvoir transcrire ici ces pages émouvantes par leur simplicité même, où il raconte les merveilleux phénomènes qu’il a vus le premier, extrayons-en seulement ce qui nous intéresse. Après avoir décrit les trois bouches alors en activité, dont une seulement projetait périodiquement cés gerbes incandescentes (2), « ces laves qui, en volant dans l’air, faisaient entendre un sifîle- » ment, et, ce qui était une preuve de leur fluidité, y prenaient » souvent une forme arrondie, puis avaient le temps de s’endurcir » avant d’arriver jusqu’à terre, où elles roulaient en bondissant » sur les déclivités de la montagne, » Spallanzani ajoute : qui diminue ou augmente dans la même proportion. La profon- » deur de ce vide, dans le premier cas, est de 25 à 30 pieds ; dans » le second, de Zi5 à 50. Il paraît donc que le plus grand exhausse- » ment de la lave est de 20 pieds. Quand on dirige les yeux au » niveau du cratère, on ne s’aperçoit point qu’elle en surmonte les » bords, encore moins qu’elle forme des courants sur la pente de la » montagne. » Ces derniers mots pourraient me dispenser de toute citation ultérieure; mais je ne puis résister au plaisir de transcrire encore le passage suivant (1) qui a pour nous un double intérêt ; car, non- seulement Spallanzani y discute la réalité des courants de lave dont il s’agit, mais on y verra aussi que le contraste entre les for- mations doléritiques anciennes de Stromboli et les produits de son cône actuel d’éruption ne lui avaient pas plus échappé qu’à Dolomie u : « Les plus grands amas de sable sont dans le voisinage du volcan, » où il tombe le plus fréquemment ; mais sa ténuité le rendant très » mobile, il est transporté par les vents dans les gorges et dans les » lieux les plus bas jusqu’au bord de la mer. Partout où il est ré- » pandu, il ne forme, pour ainsi dire, que l’écorce du sol. On » retrouve au-dessous la chai pente de Lîle, composée de laves » solides: cela est surtout manifeste dans certaines côtes rapides » mises à nu par l’écoulement des eaux pluviatiles ou par l’action » des vents. » J’employai ainsi le reste du jour à faire le tour des bases de » Stromboli qui ont environ 9 milles de circonférence. J’y décou- » vris paitout la même solidité de structure, excepté dans un » coin au nord où le tuffa existe et se prolonge jusqu’à la mer, » J’étudiai avec attention la direction, la disposition des laves, » et je vis clairement qu’elles avaient toutes coulé, sous divers (I) Ibid. , p. 1 7 et sqq. SOIE DE M. DEVILLE. 555 » angles d’inclinaison, de la cime la plus élevée de la montagne ; » que ces écoulements formaient autant de couches distinctes po- » sées les unes sur les autres, et, si je puis me servir de cette com- >, paraison, se recouvrant comme les lames d’un oignon. Là où » elles plongent dans la mer, on découvre en plusieurs endroits » ces doubles couches, dont quelques-unes ont été disjointes ou » séparées par le choc des flots. Je soupçonnai dès lors que le cra- » tère ou le principal foyer du volcan existait anciennement sur » la pointe de la montagne, d’où sont sorties les laves qui ont con- » couru à la formation de l’île. » Sur les flancs de l’Etna et du Vésuve, on voit s’élever des » monts d’un ordre inférieur qui sont les produits du feu. Strom- » boli ne présente qu’une montagne unique, dont le sommet est » divisé en deux parties. Il paraît donc que ses flancs n’ont pas été » déchirés par des éruptions latérales, par celles qui forment les m monticules coniques. » Mais ce cratère supérieur, dont je prouverai bientôt l’antique » existence, a depuis longtemps été remplacé par celui qui brûle » actuellement. Entre les diverses questions que j’ai faites aux » insulaires, je leur ai demandé quelle était la situation précise du » gouffre qui, dans leur souvenir le plus éloigné, jetait des flammes » et lançait des pierres brûlantes : tous m’ont assuré l’avoir tou- » jours vu où il existe aujourd’hui, c’est-à-dire vers la moitié de la » hauteur de la montagne. » Quant aux éruptions, les insulaires m’attestèrent unanime- » ment qu’ellesne sont point différentes aujourd’hui de ce qu’elles » étaient autrefois, plus ou moins fortes, suivant les circonstances. » On peut donc, sur la foi de ces témoignages, établir avec » quelque fondement que, depuis plus d’un siècle, le volcan de » Stromboli brûle dans son cratère actuel, sans avoir éprouvé de » changements remarquables. » C’est ici le lieu de rapporter les observations du chevalier » Hamilton, comme je l’ai promis dans mon introduction. Voici ses » propres expressions: « En revenant de Messine à Naples, nous » fûmes pris au milieu des îles de Lipari par un calme qui dura » trois jours, et j’eus l’occasion de reconnaître avec certitude » qu’elles doivent toutes leur origine à des explosions. Celle qui » s’appelle Vulcano se trouve dans le même état que la Solfatare. » Stromboli est un volcan qui jouit de toute sa vigueur, et con- » serve par conséquent une forme plus pyramidale que les autres » îles. Il lançait fréquemment par son cratère des pierres embra- ie. géol. , 2'- série, tome XV. 23 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1 8 5 B . 354 » sées, et nous vîmes quelques laves qui, sortant des flancs de la » montagne, coulaient dans la mer. » » Cette description est accompagnée d’une planche gravée qui » est la trente-septieme de ses Carnjji p/ilcgrei. Elle représente la » montagne de Stromboli, sur la cime de laquelle est figuré le cra- » tère lançant des flammes et des pierres embrasées. On voit couler » sur ses flancs des laves fondues qui descendent jusqu’à la mtr. » Tout ce que cet ambassadeur anglais a écrit sur l’ histoire natu- » relie des volcans mérite Sans doute la plus grande cousidéiation ; » c’est le sentiment que m’inspire la lecture de ses ouvrages ; mais » l’impartialité qui doit être la devisede la philosophie, m’oblige à » dire que sa description ne s’accorde nullement avec le lait. Il n’y » a eu qu’un intervalle de vingt années entre ses observations et les » miennes ; si, de son temps, le cratère fie Stromboli avait été » placé au sommet de la montagne, et que de là il eût lancé ses » feux et ses pierres embrasées, comment les insulaires l’eussent- >* ils oublié en répondant à mes questions? Mais loin de là, quand » je leur ai ditque vingt ans auparavant un voyageur avait raconté » que la bouche du goulfre était alors située, non vers le milieu » de la montagne, mais à sa cime, ils se récrièrent contre i’inexac- » titude de ce récit. » Et quand je leur ajoutai que le même voyageur avait vu des » laves s’écouler par les flancs de la montagne et venir se perdre » dans la mer, iis rejetèrent également cette vision. Ni moi non » plus, je ne saurais comprendre comment ces courants de laves » auraient pu se dérober à mes recherches, après en avoir fait de »'si scrupuleuses pour découvrir leurs traces. » Je crois qu’Hamihon ne s’est trompé que pour avoir vu » Stromboli à quelque distance en mer, où une illusion d’optique » pouvait facilement l’induire en erreur. >» Quelque élasticité qu’on attribue au mot lave, il me paraît difficile d’extraire des expressions de Spallauzani la preuve que ce grand observateur crût le moins du monde aux coulées sortant du cratère actuel et se dirigeant vers la mer. Il ne me paraît pas nécessaire maintenant d’insister beaucoup sur les remarques faites, au printemps de 1819, par M. Poulett- Scrope, sur les phénomènes éruptifs de Stromboli ; car, en ce qui regarde le cratère supérieur, ce savant géologue dit positive- ment (1) qu’il eut alors l’occasion de vérifier l’exactitude des cir- (1) Considérations on volcanoes , p. 17. . jTK DE M. DEŸ \ LtB i o 5 o constances rapportées par Spallanzani « Les phénomènes obser- » vés par le professeur italien ont encore lieu, dit-il, d’une » manière exactement semblable. » Et quant aux petits courants de lave, il ne paraît pas leur attribuer non plus une grande probabilité, si l’on en juge par l’extrait suivant de son ouvrage (1) : « Le volcan de Stromboli est dans un état d’éruption continue, » et il y a des raisons de penser que ces conditions ont toujours » existé, au moins depuis deux mille ans Les fluides élastiques » s’échappent d’une manière continue et par explosions successives » du même évent, saus doute au fur et à mesure qu’ils sont en» » gendres par la masse subjacente de lave en ébullition qui ne » déborde jeûnais les lèvres de l'orifice , et qui n’est que bien rare» » ment, si elle l’est jamais, émise autrement que sous la forme » de scories projetées. » La réserve avec laquelle l’auteur exprime sa pensée prend évi- demment sa source dans un scrupule qui lui est suggéré par une assertion, qui lui paraît à bon droit fort douteuse (2), des pê- cheurs de Stromboli. Mais lorsque dans le même ouvrage (3), l’auteur cherche à expliquer les phénomènes éruptifs de Stromboli. il ne tient compte que de la projection des scories, et insiste, comme d’ailleurs l’avait fait Spallanzani, sur la profondeur qu’acquiert immédia- tement le fond delà mer tout près du rivage, qui n’offre pas plus aujourd’hui de traces de courant de laves qu’il n’en présentait du temps de Spallanzani (ft). (1) Ibid. , p. 6. (2) Voici cette assertion que M. Poulett-Scrope ne rapporte qu’eu note : « S’il faut en croire leurs récits, dit-il, la face abrupte du cône, » qui tombe presque perpendiculairement de l’orifice volcanique vers # la mer, s’ouvre quelquefois dans les tempêtes de l’hiver, et décharge » un courant de lave dans la mer, dont les eaux sont chauffées et déco» » lorées, et dont les poissons sont détruits au p'dnt d’arriver à la côte » presque bouillis. » Il est inutile de discuter cette assertion qui n’a été répétée à aucun des observateurs qui ont visité l'île, et qui n’est nullement confirmée par l’observation. — Ibid p. 7. (3) Page 53. (4) Une circonstance pourrait en imposer, sous ce rapport, aux voyageurs qui se contenteraient de jeter un simple coup d œil en pas- sant en canot à proximité du pied du talus de débris. La couverture de fragments scoriacés est interrompue, à quelques mètres au-dessus de la plage, par plusieurs assises régulières de lave, coupées brusque - 356 SÉANCE Ï)Ü 45 FÉVRIER 1858. Nous trouvons encore un autre témoignage de ce qu’étaient les phénomènes éruptifs de Stromboli dans les premières années de ce siècle dans les écrits de l’abbé' Ferrara : et ce dernier témoignage est précieux, car il émane, non plus d’un voyageur qui passe rapidement, mais d’un observateur né et vivant sur les lieux, puisque Ferrara, professeur à Païenne, avait longtemps habité Catane, connaissait parfaitement l’Etna, et a décrit les îles Eo- liennes qu’il a visitées plusieurs fois. ment. Au premier abord on pourrait penser que ces assises sont les restes de laves rejetées par le cratère actuel, dans la position même où elles se trouvent, et l’on en pourrait conclure que des courants sont susceptibles de s’arrêter ainsi sur une certaine épaisseur, le long de pentes qui atteignent, comme ici, jusqu'à 40 degrés. Mais, si l’on met pied à terre, et si, bravant la petite avalanche de pierres rejetées par le volcan, on examine la chose de plus près, on ne tarde pas à recon- naître que ces assises percent, sur plusieurs points de la largeur du cône, le manteau de scories qui les recouvrent : de sorte qu’on ne peut douter qu’elles ne se poursuivent au-dessous avec une parfaite régularité. Ce qui exclut déjà la supposition qu’elles appartiendraient à des courants de lave ; car, sur une pente aussi considérable, ces der- nières ne pourraient constituer, pour me servir de l’expression de M. de Humboldt, que des bandes étroites . Mais il y a plus, en allant aux deux limites latérales du petit cône de scories, et en examinant la structure des escarpements abruptes qui la bordent de chaque côté, on reconnaît aisément, sur chacun de ces murs verticaux, la prolongation des assises démantelées qui figu- raient au-dessous de la masse des scories. De sorte que ces assises appartiennent évidemment à l’ensemble des innombrables couches doléritiques qui constituent la charpente de l’île, comme dit fort bien Spallanzani, charpente qui est ici entaillée sur une certaine profon- deur, par la fissure où s’est établie la bouche actuelle, et que ses petites éruptions continuelles ont à peine pu recouvrir de quelques mètres de scories. Hoffmann avait évidemment reconnu la liaison que je signale ici entre les laves démantelées et les assises voisines; aussi, dans la vue théorique [ideale ansicht) qu’il donne de Stromboli, il est obligé de colorier de la même manière le cône de débris et les deux murailles qui le limitent, c’est-à-dire, de considérer ces dernières comme des laves émanées du volcan actuel Mais la position relative, les pentes, tout s’y oppose ; et il suffira, pour se convaincre qu’il y a là deux phé- nomènes distincts, de jeter les yeux sur la vue réelle de ce côté du volcan donnée par M. Abich dans son intéressant mémoire. Dans un travail où je publierai le détail de mes observations sur Stromboli et sur les autres îles Éoliennes, je me propose de revenir avec quelques développements sur ce que je ne fais qu’énoncer ici. NOTE DE M. DEVILLE. P- ** 3o/ Voici le passage où il traite des phénomènes éruptifs de Strom- boli (1) : «Toutes les traditions que l’histoire nous a conservées sur » Stromboli ont trait aux vapeurs, aux flammes, aux lapilli et aux » blocs incandescents qui sont rejetés par son cratère. 11 paraît que » depuis les premières éruptions de laves qui ont formé l’île, le » volcan s’est borné à ces continuelles projections de cendres et de » scories qui constituent toute la partie supérieure de Stromboli... » Le travail du volcan est incessant, et, à des intervalles de quel- » ques minutes, un violent courant de vapeurs lance souvent à » 500 pieds de hauteur perpendiculaire, ces matériaux qui, peu » de moments auparavant, roulaient dans les cavités du cratère... » Les scories enflammées retombent en partie dans le cratère, en » partie dans la mer, mais une grande quantité roule sur le plan » incliné qui des bords du cratère descend jusqu’au niveau des » eaux » i Enfin, l’intéressante note publiée dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences (2) par M. de Quatrefages, Sur l'état du cra- tère supérieur de Stromboli en juin 1804, fournit une nouvelle preuve qu’il y a une certaine variabilité dans les phénomènes éruptifs du volcan, mais elle établit clairement aussi l’absence complète de toute émission de matière sous forme de coulée. En définitive, et tout compte fait, si l’on exclut les trois lignes consacrées à Stromboli par Hamilton, au moment où il passait en mer en vue du volcan, et le récit très suspect, et, dans tous les cas, absolument isolé, fait à M. Poulett-Scrope par des pêcheurs de cette île, il n’y avait, lorsque j’écrivais ma huitième lettre, qu’un seul témoignage sérieux, celui d’Hoffmann, qui signalât la sortie d’un courant de lave par l’orifice du cratère actuel. Depuis lors, M. Abicli est venu apporter à cette opinion une grande autorité, et il me reste maintenant à rechercher dans quelle limite les faits rapportés par ces savants géologues sont en contradiction avec la pensée qui a inspiré ma lettre sur Stromboli, ou, pour mieux dire, l’ensemble de mes lettres sur les phénomènes éruptifs de l’Italie méridionale. Citons aussi les deux passages des mémoires dont il s’agit : Ecoutons d’abord Hoffmann (3) : « Ce que nous avions observé (1) I campi Jlegrei délia Sicilia et delle isole che le sono intorno , dell’ abate Fr Ferrara. Messine, 1810, in-4, p 240. (2) Tome XL! Il, p. 610. (3) Annales de Poggendorff ’ t. XXVI, p. 12. 3 58 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858. » du point où il a été question pins haut n’était incontestablement » qu’une fente latérale, accidentelle et imparfaitement fermée par » la masse de lave qui se meut dans l’u nique canal qui sert à cette » sorte de pompe ou de presse à vapeur, située dans l’intérieur de » cette singulière montagne. En effet, 100 pieds plus bas environ, » et là où le fond du cratère s’approche le plus de la pente de la »» montagne vers la mer, se trouvait le troisième des orifices » mentionnés précédemment, et il en coulait doucement et régu- » fièrement un petit courant de laves qui s’avançait lentement, » en descendant sur la pente, tantôt se divisant en plusieurs «branches, tantôt ne formant qu’une seule bande ineandes- »> cente, comme une source qui jaillit du sommet d’une colline » qu’elle a construite elle-même de ses dépôts; mais nulle » part on ne voit plus distinctement cet épanchement continuel » de lave que d’en bas, lorsque, par un temps calme, on na- » vigne en canot le long de cette côte inabordable, et l’on » observe alors ce qui a été si souvent décrit et figuré que j’ose » à peine ici ajouter quelques mots sur ce remarquable pfiéno- « mène. La pente du côté intérieur du cratère actuel d’éruption » est à la fois la plus abrupte et la plus régulière de toutes celles » qui forment le pourtour de l’île. Elle est formée de haut en »> bas par un amas conique de matériaux meubles qui ont roulé » les uns sur les autres, et qui sont le produit des éruptions con- » tinuelles, et elle est bornée à l’est et à l’ouest par des crêtes de « rochers qui, vers le haut, vont se rattacher au bord intérieur »> du cratère. Sur la surface de cet amas de débris, qui recouvre » évidemment une fente dans le flanc de la montagne, s’avance » lentement, sur d’innombrables aspérités, le courant de lave in- » cessant dont j’ai parlé plus haut; mais il n’atteint que très rare- » ment, et seulement lorsque le volcan est dans un état d’effer- » vescence extraordinaire, la base de la montagne au niveau de la » mer. Comme la masse de cette lave qui coule perpétuellement » est presque toujours très faible, il en résulte que son extrémité » s’arrête le plus souvent à une grande hauteur au-dessus du » niveau de la mer par l’entraînement des croûtes scorifiées qui « se renouvellent toujours à sa surface. Celles-ci, à peine encore » durcies, se séparent de la masse, et se précipitent avec bruit et » en bondissant sur la pente rapide jusqu’à la mer. » Malgré toute l’estime que je professe avec M. Abich pour les travaux d’Hoffmann, j’avoue qu’Ü m’est difficile de concevoir un courant de lave qui, s'écoulant perpétuellement pendant des années entier es , n’aurait jamais pu produire à la surface du cône qui la NOTE DE M. DEVILLE. 359 supporte qu’un ruban de 75 à 80 mètres de longueur, et si peu volumineux qu’il est impossible (je l’affirme pour l’avoir, comme Spallanzani, inutilement cherché) d’en découvrir de jour aucune trace, de sorte qu’il ne serait visible que la nuit, à la faveur de son incandescence. Rien de tout cela ne me paraît en rapport avec la physique des volcans. Il ne m’est pas plus possible d’admettre, avec le savant et re- grettable géologue de Berlin, que les blocs scoriacés, qui, à des intervalles réguliers, roulent à la surface du cône de débris et atteignent la mer, se détachent de cette masse problématique de lave et ladétruisent ainsi avaut qu’elle se consolide ; car, s il y a une circonstance sur laquelle il y ait unanimité complète, c’est que ces scories ne sont autre chose que le résultat des projections du petit cratère supérieur. On entend les explosions, on voit la gerbe incandescente dans les airs, et l’on en distingue parfaitement quelques rares, très rares fragments qui, au lieu de retomber dans la coupe d’où ils sont sortis, en dépassent les bords, et roulent en bondissant sur le talus rapide qui les mène à la mer. J’ai visité, en trois circonstances différentes, le cratère de Stromboli. Une fois seulement, en octobre 1855, j’ai observé aussi comme une écharpe de feu qui sillonnait le flanc du petit cône du côté qui regarde la mer. Je crus moi- même d’abord à l’existence cl’un petit courant de lave, mais l’invariabilité des dimensions de cette bande incandescente, la netteté avec laquelle elle se terminait inférieurement, enfin l’analogie frappante qu’ille présentait avec ce que j’avais en, quelque temps auparavant, l’oc- casion d'examiner sur les petits cônes parasites du Vésuve en éruption, ne me laissèrent bientôt aucun doute sur sa nature. Je suis resté convaincu, comme je l’ai dit dans ma lettre précitée, que c’était simplement une fissure incandescente ouverte, dans les patois du cône lui-même. Evidemment, un observateur placé en mer eut aperçu, sur la face antérieure du petit cône, quelque chose que rendrait passa- blement le croquis dessiné par M. Escher, et qu’Hoffmann a donné comme une représentation théorique du phénomène de Stromboli. Il me reste, enfin, à faire voir que rien de ce que j’ai dit précé- demment ni de ce que j’ai avancé dans mes lettres sur les phéno- mènes éruptifs n’est en opposition avec ce qu’a observé lui-même en 1836 et publié en 1857 mon honorable et savant contradicteur. Voici dans son entier le passage du mémoire de M. Abich, où il est fait mention de ces curieux phénomènes : 360 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858. u De temps en temps avait lieu l’émission d’une petite coulée de » lave par une fente qui se trouve tout au-dessous du bord du » cratère, ainsi qu’un faible déversement, par-dessus les bords du « cratère, de la lave qui s’y élevait, puis rentrait dans les canaux in- » térieurs et marquait ainsi la fin de ces régulières effervescences. » Plus tard. L’intrépide explorateur, ayant profité de circonstances exceptionnellement favorables pour descendre (ce que personne n’avait encore pu faire) dans le fond du cratère intérieur, il re- marqua, entre autres circonstances, que « les croûtes de scories à » moitié refroidies dans les dépressions cédaient çà et la ; que la » lave liquide sortait par les fentes, et s’étendait comme une pâte » sur une partie de cette noire couverture. » Comme on le voit, il y a ici deux choses distinctes. A la vérité, il y est toujours question, en très peu de mots, de ce même petit courant de lave sortant d’une fissure du côté septentrional du cratère ; mais le judicieux observateur se garde bien de décrire ce qu’il n’a certainement pas vu, le mouvement de celte lave sur la pente extérieure; il se garde surtout de lien figurer de sem- blable sur le dessin réel et non plus théorique qu’il donne de Stromboli, et, tout en restant fidèle à la vérité, il se tire spirituel- lement d’embarras en mettant à l’ombre d’un nuage le point où devrait paraître cette petite lave si controversée. Combien, au contraire, il est plus à son aise dans le fond même du cratère, et dans cette fournaise embrasée où l’entraîne une heureuse témérité! Comme on voit bien avec lui, du milieu des pièces mobiles de cet opercule du volcan, sourdre avec une cer- taine lenteur la masse visqueuse et s’étend» e à ses pieds! En lisant cette description, il me semblait assister de nouveau à ce que j’avais vu dans le cratère supérieur du Vésuve au mois d’août 1856, et que j’avais cherché à rendre sur les lieux mêmes dans le passage de ma sixième lettre ci M. Elle de Beaumont que ie demande la permission de reproduire ici : « Au centre du cratère, l’accroissement d’intensité se manifeste d’une manière éclatante. Au fond du gouffre que j’ai décrit dans ma dernière lettre, et dont la profoudeur, d’après une mesure de M. Bornemann, atteint 156 mètres, s’est ouverte une petite bouche qui donne, à des intervalles assez inégaux et quelquefois très rap- prochés, de fortes détonations, suivies de projections de matières incandescentes. Du bord de cette immense cavité, bord sillonné de tissures menaçantes et perpétuellement en proie à d'énormes éboulements, nous avons pu, en nous penchant avec un sentiment d’émotion difBcile à maîtriser, suivre dans toutes leurs phases ces NOTE DE U, DEVILLE. 561 petites éruptions que nous avons saisies à leur début; car le cône de scories qu’elles commencent à former a presque doublé pen- dant notre séjour sur la cime, et les détonations, qui étaient assez faibles d’abord, nous ont semblé aussi avoir acquis une plus grande force. Chacune de ces éruptions était annoncée par un accroissement d’incandescence autour du centre du petit cône. On voyait ensuite la matière visqueuse intérieure se boursoufler len- tement et subir un mouvement d’oscillation très doux, et puis tout à coup une explosion sèche se faisait entendre, et était im- médiatement suivie par la projection de fragments scoriacés qui, s’accumulant autour de la petite bouche, constituent les premières assises d’un cône d’éruption. J’ai très nettement observé un petit fait assez curieux : au milieu des fragments d’un médiocre vo- lume qui, placés au-dessus de la masse visqueuse, en suivaient les mouvements, se distinguait un gros bloc dont le poids trop considérable ne lui permettait pas d’être projeté avec les autres; il était seulement rejeté sur le côté, où il restait immobile jusqu’à ce que le ramollissement intérieur dont j’ai parlé venant à atteindre le point où il gisait, il participât de nouveau aux mou- vements alternatifs du bain de matière fondue; mais, s’il arrivait qu’il se trouvât au centre de la petite bouche au moment de l’explosion, la projection, au lieu de se faire en ce point central, se déterminait toujours un peu plus loin, de sorte qu’il paraissait y avoir alors deux centres d’émission dans ce cône en miniature. Cette circonstance, toute secondaire qu’elle est, dépeint assez bien, ce me semble, le phénomène, en même temps qu’elle donne la mesure des forces qui étaient employées à le produire. » « Quoi qu’il en soit, ajoutai-je, voilà enfin l 'axe éruptif arrivé à coïncider entièrement avec Y axe de figure du grand cône du Vé- suve, ou, comme je l’ai dit ailleurs, et c’est par là que je terminerai, ou plutôt que je résumerai en un seul mot la pensée qui domine cette trop longue note : voilà le Vésuve actuellement dans la phase stromholienne. » A l’appui de la communication intéressante que vient de faire M. Deville, M. Virlet fait observer que se trouvant, vers la fin de février 1829, à bord de la frégate la Cybele qui le transpor- tait avec la Commission scientifique de Morée, elle est restée deux jours en panne ou en louvoyant en face de Slromboli, ce qui a permis aux membres de cette Commission de pouvoir observer tout à leur aise les éruptions du volcan qui se mani- 362 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858. [estaient dans le jour par de petits nuages de vapeurs, que les marins dans leur langage transformaient en fumée, en disant : Viens-t’en voir Stromboli qui fume ; et la nuit, par l’incan- descence des matières projetées, mais sans aucune apparence de coulée de lave, ce que cherchait surtout à reconnaître le co- lonel Bory de Saint-Vincent, depuis longtemps familiarisé avec les phénomènes volcaniques de l’île Bourbon. M. Virlet ajoute qu’il a noté dans son journal de voyage les dires de quelques marins qui se trouvaient à bord de la frégate, et qui, ayant navigué précédemment dans les îles Eoliennes, assuraient d’après leurs propres observations, ou plutôt d’après l’opinion généralement reçue dans le pays, que le volcan de Stromboli n’était pas un volcan comme les autres, comme le Vésuve, par exemple, parce qu’il ne laissait jamais couler de lave. Quant aux intermittences, M. Virlet a observé qu’elles ne se faisaient pas 5 des intervalles parfaitement réguliers, mais qu’ils variaient entre cinq et sept minutes, rarement plus-, que les jets qui avaient lieu à la suite des intervalles les plus longs étaient généralement les plus forts, mais qu’il lui avait paru cepen- dant que cela n’avait pas toujours lieu ainsi. Nous avons cru quelquefois entendre, dit- il encore, le bruit des explosions, surtout la nuit, mais la chose n’est pas bien certaine, et s’ex- plique d’ailleurs par le plus ou moins de distance du na\ire. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Alexandre Spada Lavini : M . C. Puggaard, dans l’excellent mémoire qu’il vient de publier sur la péninsule de Sorrento ( Bull 2e sér. , t. XIV, p. 296), me fait l’honneurde me nommer, en ajoutant que je confonds les marnesco- q u i 1 1 1 ères, selon lui, très récentes de l’Epomeo, avec les marnessub- apennines (voy. la note p. 336). Vous vous rappelez que pendant notre long séjour à l’île d’ischia, nous y avons observé deux dépôts coquilliers, c’est-à-dire : 1° des marnes argileuses qui recouvrent les tufs de l’Epomeo jusqu’à la hauteur de 15.50 pieds, et dont les couches suivent toujours la même direction et les mêmes degrés d’inclinaison des couches du tuf, et 2° un conglomérat volcanique qui se trouve stratifié en bancs presque horizontaux le long de la côte, entre la ville d’ischia et la pointe du Lacco. Ce conglomérat, qui contient une très grande quantité d’espèces de KOTE DI M. SPADÀ LAVINI. m coquilles semi-fossilisées, et toutes appartenant à des espèces vi- vantes, je le considère comme pliostocénique et synchronique du dépôt coquilîier de Pozzuoli, du conglomérat ferrugineux de Porto-d’Anzo, comme aussi de la partie la plus récente de la Pan~ china du littoral de !a Toscane; mais pour les marnes de l’Epo- meo, il n’y a pas à douter, suivant moi, qu’on doive les regarder comme tertiaires , pliocéniques Elles ont la forme litholo- gique des assises supérieures de nos marnes subapennines, forme qui est toujours exactement la même dans les marnes d’Asti, de Siene, des Marches, de Rome, etc., etc., et tout à fait différente, pour des yeux bien exercés, de celle de toutes les autres roches marneuses de l’Italie. On a trouvé dans ces marnes un petit nombre d’espèces de coquilles vivantes, mais elles contiennent en très grande quantité le Buccinum .semis tri a tum , Br. ; le Murex vaginatus , Br., et la Terebratula biparti ta, Br., aussi, n’y sont pas rares. Ce sont trois espèces regardées par les paléontologues comme éteintes et pliocéniques. Or, le Buccinum striatum est très répandu dans les couches supérieures de nos marnes subapennines dans les Marches d’Ancône, Macerata, Fenno, Ascoli ; il en est de même pour les deux autres, quoique le nombre des individussoit moindre. En parcourant le grand dépôt des marnes dans les Marches, il ne serait pas difficile de rencontrer des endroits où toute la faune serait représentée par le B. semistriatum , mêlé à quelques autres espèces de coquilles qui se trouvent encore à l’état vivant dans la mer Adriatique ou dans la Méditerranée, comme, par exemple, le Pecten varia v, L., la Mactra triangula . Ren., la Cor bal a gibba , etc., etc. Est-ce qu’on pourrait conclure pour cela que dans lesdits endroits ces marnes cessent d’être du pliocène? C’est le cas identique des marnes de l’Epomeo. Je ne me rappelle pas ce qu’a dit M. Filippi à propos de l’âge des marnes de l’Epomeo. Quant à mon ami le savant profes- seur Scacchi, dont l’autorité est invoquée contre moi par M. Pug- gaard, voici textuellement ce qu’il dit dans son mémoire intitulé : « JNotizie geologiche sulle conchiglie fossili dell’ isola d’ischia. ... » ritornanclo sul qui esposto, nell isola d ischia esistono tre ma- » niere di depositi eonchigliferi. Il primo composto di marne »> argillose appartiene alla formazione ter zi aria, e si trovo sparso » in più luoghi dell’ isola fino ail’ altezza di 505 metr’i »> Dans cette citation au moins, ce ne sera pas moi qui fais la confusion! J’ajouterai , quoique ceci soit contre moi , que ces jours passés j’ai eu le bonheur de faire des excursions dans les en- virons de Rome avec sir Charles Lyell , et nous avons eu de SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858. m longues discussions sur l’â'ge des marnes époméennes qu’il croit aussi plus jeunes que je ne le suppose ; mais avec tout le respect que je professe pour l’illustre géologue anglais, je persiste à croire avec JM. Scacclii que ces marnes doivent être regardées comme tertiaires, et j’ajoute, comme appartenant à l’assise supérieure des marnes subapennines, et que ces marnes, en recouvrant les tufs d’Iscliia, sont à leur tour recouvertes par les tufs des Champs Plilégréens. Ainsi les tufs de l’Epomeo doivent s’ètre déposés au fond de la mer durant la période de la déposition des marnes infé- rieures subapennines (zones 1, 2 du professeur Ponzi), et en con- séquence je les considère comme plus anciens que ceux des Champs Phlégréensqui appartiennent à une autre période postérieure, c’est- à-dire à celle de la déposition des sables jaunes (zones 3, à, 5 du professeur Ponzi) ; et enfin les tufs de la Campagna Roinana sont les plus récents, parce que ce sont eux qui recouvrent les sables jaunes, comme on le voit à Monte-Mario, près de Rome et ailleurs. Restent à classifier les conglomérats volcaniques coquil- liers d’ischia, Pozzuoli, Porto d’Anzo, qui ont été composés par un remaniement des fragments des roches volcaniques préexis- tantes, et dont l’émersion, jusqu’à la hauteur d’environ Z|0 mètres du niveau de la mer actuelle, est due à un soulèvement uniforme, et relativement très moderne, qui s’est opéré le long d’une grande partie du littoral de la Méditerranée. Mon savant ami M. le gé- néral de la Marmora vient de publier une très belle carte où ces dépôts sont marqués jusqu’à Gibraltar. Comme je l’ai déjà dit, je les crois synchroniques de la partie la plus récente de la panchina de Livourne et d’autres endroits de la Toscane. La force volcanique qui a produit toutes ces immenses quantités de matériaux n’a jamais cessé d’agir. Après l’émersion des tufs de l’Epomeo, des Champs Phlégréens, de la Campagna Romana, c’est-à-dire lorsque notre péninsule avait acquis à peu près sa forme actuelle, les éruptions subaériennes antéhistoriques ont suc- cédé aux éruptions submarines. Ce sont elles qui ont produit le cône de lapilli et autres matières éruptives incohérentes du mont Rotaro,et le cône de lave trachytique du Montagnone à Ischia, la grande masse de lapilli, scories, laves des montagnes du Latium, où l’on voit aussi les traces d’une éruption boueuse dans les pepe- rinos d’Albano, qui se sont épanchés jusque sur la plaine de la Campagna, recouvrant les tufs lithoïdes. et enfin les éruptions du Vultme et des petits cônes isolés de Pofi, Richienna, etc., etc. Toutes ces éruptions volcaniques antéhistoriques furent suivies de celles dont l’homme a été le témoin ; ce sont celles du Cre- NOTE DE M. SPÀDA LAY1NI. 365 nate, du mont Nuovo, de l’Etna, du Vésuve, des îles Eolien- nes, etc. Je résume la chronologie de nos roches volcaniques qui, selon ma manière de voir, est prouvée par leur ordre de superposition dans le tableau ci joint n° 1. L’autre tableau (n° 2) comparatif des zones pliocènes fossilifères de l’Italie centrale, je le dois à l’obli- geance de mon ami le professeur Ponzi qui a bien voulu me le communiquer, quoiqu’il soit inédit, et destiné à faire partie du travail qu’il publiera avec ceux de MlVI. le comte de Rayneval et Van den Hecke. Tableau des roches volcaniques de V Italie dans leur ordre de superposition . DÉPÔTS VOLCANIQUES, STRATIFIÉS, MARINS. Tufs lithoïdes, stratifiés , de C Epomeo, contemporains de l’assise infé ~ rieuredes marnes et sables subapennins (pliocène inférieur, zones 1 , 2, 3 du professeur Ponzi) e.t inférieurs à l’assise supérieure desdites marnes (zone 4 du professeur Ponzi). Tufs lithoïdes , stratifiés , des Champs Phlëgréens , supérieurs aux marnes subapennines et contemporains des sables jaunes (supé- rieurs aux zones 1, 2, 3, 4 du professeur Ponzi, et contemporains de la zone 5). Tufs stratifiés de la Campagna Roman a, supérieurs non-seulement aux marnes, mais aux sables jaunes (supérieurs aux zones 5, 6 du professeur Ponzi). Conglomérat volcanique coq uil lier , produit par le remaniement des roches préexistantes le long du littoral, et synchronique de la partie supérieure de la panchina de Livourne et d’autres endroits de la Toscane (quaternaire de M. le général de la Marmora, schisteux des professeurs Savi et Meneghini). DÉPÔTS SUBAÉRIENS ANTÉHISTORIQUES. Éruptions des laves , lapillis , scories , peperinos , d'ischia, des mon- tagnes du Latium, du mont Vulture, Pofi, Richienna, etc., etc. DÉPÔTS ACTUELS. Éruptions éteintes du Crenate , du mont Nuovo , et actuelles de l’Etna, du Vésuve, des îles Éoliennes, etc. Tableau des zones fossilifères du pliocène de l’Italie centrale , selon leur ordre de superposition. pliocène. Zone \ _ - Marne vaticane : marne plastique du Vatican à Rome, SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858, 866 des collines de Bretta, près d’Ascoli, du mont Falerne, dans les Mar- ches, etc., avec Oeodores , P liolndomyes , Argonautes, etc. (for- mant un passage entre le miocène et le pliocène). Zone 2e. — Marne de Forneilo, près de Monticelli. etc.: marnes argi- leuses, parfois arénacées, des Marches et des Abruzzes, près de Co- lonnella, contenant Pecten cri status, Br., etc., etc. Zone 3*. — Sables et grès quartzeux de Forneilo, Cornetto, Vitriano, avec Hinn tes Co'tesi Defr., Balanum tinlinnabulum , Lm., Bucci - nutu polygonum , Br., etc. 'Zone 4e. — Sables jaunes de Monte-Mario et marnes supérieures de Groltomare dans les Marches, avec But cinuni semi-striatum , Br., B. prismaticum , Br., Cardium fiions , Br, Panopœa Faujasi , Odrea ftdiosa , Br., Mactra triangula , Br., Corbula gibba , Br., etc. , etc. ZoneS*. - Sables jaunes supérieurs d’Acqua Traversa, etc., avec Cardium rustïcum. Ch. , Pecten varius , Lm., P . opercularis , Lm., Ostrea edulis , Lm., etc., etc. Zone 6e. — Conglomérat de fragments roulés des roches apennines des environs de Rome et dans les Marches, avec ossements d Élé- phants. PLIOSTOCÈNE. Conglomérat marin qu’on trouve le long du littoral de la Méditerranée, composé de roches apennines roulées, mêlées avec des sables am- phigéniques et leucitiques, contenant Ostrea edulis, Lm , Cardium rusticum , etc. Conglomérat fluvial ile de Ponte Molle, formé des mêmes roches, et contenant des ossements roulés d 'Éléphants, Rhinocéros , Hippopotames, Cerfs, Chevaux . etc., des ossements non roulés , et des squelettes de mammifères vivants, comme, par exemple, Meles linx , Ursus , etc. Dépôts lacustres (travertin) de Tivoli, d’Anagni, d’Ascoli, etc., avec ossements de Bos primige- nius , Lions y Cerfs , Hyènes , etc., etc. M. Deshaves fait observer que, dans les fossiles d’ischia, il n’a trouvé aucune espèce éteinte. La discussion s’engage sur la position des terrains tertiaires des environs de Rome, sur la découverte qu’on y a faite d’un éléphant fossile. M. Lartet lait observer qu’on n’a pas encore eu la preuve de la présence d " E le plias primigenius en Italie, mais que cet éléphant serait plutôt celui d’Afrique que l’on retrouve en Espagne et que l’on a retrouvé également en Allemagne, et que ces rapports zoologiques seraient le résultat d’une communica- tion ancienne de l’Afrique septentrionale avec l’Espagne. M. Hébert fait observer que les décisions prises sur les LETTRÉ DE M. MÜRCHHON. B67 coquilles marines sont beaucoup plus certaines pour la classi- fication des terrains que celles qu’on base sur la présence des mammifères. La discussion s’engage entre MM. Hébert, Lartet, Michelin, sur la propagation des espèces sur de grandes distances litto- rales. M. de Verneuil fait observer qu’en Sibérie les éléphants deviennent plus communs à mesure qu’on se dirige vers le nord. M. Lartet fait observer que la faune quaternaire de l’Europe centrale est venue de la Sibérie par une migration postérieure au grand phénomène erratique du Nord. M. Deshayes cite les faunes terrestres de Sainte Hélène, de l’Océanie, comme étant toutes spéciales à ces deux localités. M. Eiie de Beaumont lit la lettre suivante de M. Murchison, sur une nouvelle classification des terrains de l’Ecosse. Londres, 1er février 1858. Je vais donner mercredi à notre Société géologique une vue tout à fait nouvelle de la structure du nord de l’Écosse, et qui change entièrement toutes les cartes antécédentes de mon pays natal. La découverte de fossiles du silurien inférieur dans les quartzites et calcaires cristallins qui forment la base d’un grand système de micaschistes, roches chloriteuses et quartzeuses, jette toutes ces masses dans le silurien métamorpliisé, et, pour vous tenir au courant, j’ajoute une coupe transversale à travers Sutherland Ross etCaithness, laquelle vous suffira sans autre explication de ma part. Yous voyez que le changement est immense. Tout le grès rouge ou pourpré dis montagnes du nord-ouest des Highlands (C) est clairement de l’âge du Longmynd, et est couvert transgressi- vement par hs couches fossilifères du Llandeilo inférieur. Les espèces sont celles de l’Amérique du Nord. Toute cette série cristalline est recouverte par le vieux grès rouge des côtes orientales de l’Écosse, composé de trois parties distinctes: d' , e, /. M. Hugh Miller a eu tort de placer sa zone poissonnière à la base du vieux grès rouge. Ces poissons se trou- vent en Russie mêlés avec les coquilles fossiles du Devonshire, du calcaire de l’Eifel et du Boulonnais. La véritable base du dé- vonien, ce sont les grès et schistes à gros Spirifer du Rhin (rhé- nan de Dumont), et le grès rouge à Cephalaspis et Ptcraspis forme la base du vieux grès rouge. Ces deux dépôts donc sont identiques. 363 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1858 lettre de m. de vërneuil. 369 M. Ch. Sainte-Glaire Deville communique l’extrait suivant d’une lettre qui lui a été adressée par M. de Verneuil : « Naples , 6 janvier \ 858. » Le Vésuve, en ce moment, vomit des torrents de vapeur par » deux bouches, l’une au centre du plateau et l’autre au pied » d’un petit cône placé à l’est La première fumerolle est la plus » considérable : c’est une espèce de gouffre de 50 mètres environ » de diamètre, entouré de trois éminences coniques. Les vapeurs » s’échappent d’un orifice qui ne paraît pas avoir plus de 8 mètres î> de diamètre : elles sortent d’une manière continue et aussi par » jets plus violents qui entraînent des fragments de roches. Je me » suis avancé jusqu’au bord du précipice, et, quand une plus forte » explosion se faisait et dégageait la cheminée, je voyais des va- » peurs rouges que j’aurais certainement prises pour des flammes » ondoyantes, s’il ne paraissait bien établi que ce n’est là qu’une » illusion. » Il y a trois semaines environ que le Vésuve a encore donné >» trois coulées de laves dans l’Atrio del Cavalio. C’est par une de » ces coulées (la plus étroite) que l’on monte actuellement. Si le » versant du cône qui regarde la Somma se couvrait de scories » comme celui qui fait face à l’observatoire Palmieri, la descente » ne pourrait plus se faire par les cendres et deviendrait difficile. » La Punta del Palo ne peut plus se distinguer du reste du pla- » teau. Les petits cônes qui entourent la bouche centrale ne me » paraissent guère avoir plus de 15 mètres au-dessus du plateau. » J’ai pu en faire tout le tour. » M. Ch. Sainte-Claire Deville fait ensuite remarquer combien le plateau supérieur du Vésuve, tel qu’il est décrit par notre sa- vant confrère, diffère de ce qu’il était en 1855 et 1856 ; de ce qu'il était, en particulier, lorsqu’en août 1856 il eut l’occasion d’en lever le plan topographique, avec le concours de M. G. Borne- mann. A cette époque, le plateau était encore dominé par la Punta del Palo, et surtout par la Pointe de 1850 ; et le centre en était occupé par une vaste excavation circulaire, de 156 mètres de profondeur, au fond de laquelle avaient lieu, à de courts inter- valles, de très petites éruptions. Aujourd’hui, non-seulement le sol du plateau est sensiblement au niveau de la Punta del Palo, mais il supporte trois petits cônes qui dominent sans doute cette pointe, et les laves sorties des nouvelles bouches, après avoir ainsi presque entièrement comblé le vide central, ont débordé en phi- Soc. géol.t 3e série, tome XV. 24 870 SÉANCE DU 1er MARS 1858. sieurs fois le cratère supérieur et se sont épanchées sur les flancs du cône. Il nie sera peut-être permis , ajoute M. Ch. Sainte-Claire Deville, de transcrire ici ce que j’écrivais à l’Académie le 13 juin 1856. Après avoir décrit l’état du cratère à cette époque : « On » peut penser avec quelque vraisemblance, disais -je, que le Yé- » suve vient d’entrer dans une ère d’activité modérée, comme » celle qui s’est manifestée de 1822 à 1828, comme celle de 1842 » à 1848, que M. Scacclii a très bien fait connaître. Pendant cette » période, les tendances éruptives concentrées au sommet ou au- ,> tour du sommet se trahiront, pour un temps plus ou moins long, » par une suite presque continue de petites commotions, de pro- » jections de matières fragmentaires ou d’émissions de faibles » courants de laves; de sorte que le gouffre immense qui vient de » se former au centre du cratère est très probablement destiné à » être comblé par l’accumulation de ces produits, et peut-être » même à devenir la base d’un petit cône terminal semblable à » celui qui s’est écroulé avant la grande éruption de 1834 (1). » Les faits, comme on le voit, ont pleinement justifié cette » opinion. » Séance du 1er mars 1858. PRÉSIDENCE DE M. VIQUESNEL. M. A. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De le part de MM. Gotteau et Triger, Echinides du dépar- tement de la Sarthe, 2e livraison, in-8. Paris, 1858 j chez J. -B. Baillière et fils. De la part de M. G. -P. Deshayes, Description des animaux sans vertèbres découverts dans le bassin de Paris , etc., 11e et 12e livraisons, p. 393 à 480, et pl. 16 bis , 50 à 58, in-45 Paris, chez J. -B. Baillière et fils. (4) Comptes rendus ? t. XLIII, p. 213. BONS FAITS A LA SOCIÉTÉ, 371 De la part de M. Henri Lecoq, Études sur la géographie botanique de V Europe, et en particulier sur la végétation du plateau central de la France , t. VIII, in-8. Paris, 1858; chez J. -B. Baillière et fils. De1 la part de M. Jules Marcou : 1° Lettre sur le Jura , adressée au docteur Oppel. Zurich, le 1er décembre 1857, in-8, p. 113 123. 2° Geological map of new Mexico , 1857, 1 feuille in-8 oblong. 3° Carte des États-Unis de V Amérique du Nord pour ser- vir aux observations géologiques par M. Maclure, in- 4. De la part de M. A. Passy, Carte géologique du département de l’Eure , dressée par M. Antoine Passy, h feuilles gr.-aigle. Paris, 1857- imprimerie Kaeppeîin. De la part de M- Auguste Bravard, Observa ciones geolo - gicas sobre diferentes terrenos de transporte en la hoya del data , in-8, 80 p. Buenos-Ayres, 1857-, chez J. -A. Bernheim. De la part de M. Venance Payot, Observations météorolo- giques faites à Ckamounix en 1855, 1856 et 1857, et obser- vations thermométriques au sujet des sources et de divers cours d’eau de la vallée de l’Arve (extr. des Ann. de la Soc, imp . d’agriculture , etc. , de Lyon , 1857), in-8, 25 p. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XLVI, nos 7 et 8. Annales des mines , 5e série, t. XI, 3e livraison de 1857; t. XII, 4e livraison de 1857. L’Institut , nos 1259 et 1260, 1858. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, n® 109, 119 année, janvier 1858. L’ Ingénieur, nouv. série, n° 2, février 1858. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 142. The Athenœum , nos 1582 et 1583, 1858. Neues Jahrbuch , etc., par Leonhard et Broun, 1857, 7® cahier. Wurtembergische naturwiss . Jahreshefte , 1858, 1er cahier. Revista minera , t. IX, n° 186, 1858. M. Deshayes présente à la Société une nouvelle livraison de son grand ouvrage sur la Conchyliologie. 372 SÉANCE DU 1er MARS 1858. M. Cotteau offre en son nom et en celui de M. Triger, une livraison de son travail sur les Eciiinodermes. M. le Président fait connaître à la Société la rédaction nou- velle que le Conseil propose d’adopter pour l’article 60 des statuts, et annonce que les modifications qui y sont contenues seront soumises à l’approbation de la Société, convoquée à cet effet en séance extraordinaire le 15 mars. M. Deshayes communique la lettre suivante de M. Yan den Hecke : Rome, 20 février 1858. Monsieur et respectable ami, La maladie de M. le comte de Rayneval paralysait depuis six mois la description que nous avions entreprise sous vos auspices, et avec votre savant et généreux concours, des marnes du Vatican. Aujourd’hui que la mort a enlevé cet homme estimable à la science et à ses amis, nous croyons utile de donner une idée suc- cincte de ces marnes et des fossiles qu’elles contiennent, pour faire suite à notre liste de Monte -Mario de 185 A La couche du Vatican, inférieure à celle de Monte-Mario, s’en distingue à la première vue ; elle est formée uniquement de marne bleue ou terre à potier dont on fait les briques à Rome, pendant que le Monte-Mario n’est composé que de sables jaunes. Les fossiles nous en paraissent si distincts de ceux des autres ter- rains d’Italie du même âge qu’il nous a paru important de fixer les données de la science à cet égard. En attendant la publication du travail dont nous nous occupons depuis trois ans, et qui aura lieu cet été, nous avons choisi dans une centaine de fossiles les coquilles les plus intéressantes et celles propres à la marne. 1° Solernyci solida (nobis), que vous avez eu la bonté d’étudier avec un soin particulier, et que vous avez reconnue être une Solé- mye d’une espèce nouvelle, remarquable par sa dimension au moins double de celle de la Méditerranée, par une impression musculaire plus profonde, non munie d’une côte comme dans la vivante, par des stries très profondes, par l’épaisseur considérable du test bien différent de la contexture pelliculaire des Solémyes vivantes. 2° Pholcidomya Vaticani (nobis). Vous avez eu la bonté de comparer cette coquille avec les planches de Goldfuss, d’Agassiz, et la description de Miclieîotti. Ce n’est pas la P/wladomya Puschii ni celle d ’Jgassiziijüe Michelotti : vous êtes demeuré convaincu LETTRE DE M. VAN DEN HEÜKE. 373 que c’est bien une espèce nouvelle, différente de celles de Belgique (Nyst) et de celles que vous venez de découvrir dans le bassin de Paris. On la distingue aisément de ses congénères, parce qu’elle est très courte et que sa valve ventrale tronquée ne se prolonge pas en rostre. L’abondance de cette coquille dans la marne vous avait frappé; on peut en effet la regarder comme une des coquilles ca- ractéristiques de la marne, puisque, très commune ici, elle ne se rencontre pas, ou rarement, dans les terrains récents d’Italie. 3° Syndosmia longicallis , Philippi (sous le nom à1 Erycina). Vous l’avez particulièrement étudiée. Très commune dans la marne, elle serait aussi un bon caractéristique ne se trouvant ni à Monte-Mario ni à Asti. U° Axinus intermedius (nobis). Pas aussi commune que les précédentes, mais dont on rencontre fréquemment des débris qui se reconnaissent aisément à la forme des stries à angle droit; nous la croyons spéciale à la marne. 5° Area aspera , Philippi. Nos échantillons, plus petits que ceux de Philippi, se rencontrent assez fréquemment avec lesPtéropodes et les Oursins; elle n’existe pas à Asti. 6° Nucula rugosa (nobis), que vous avez jugée être intermédiaire entre Xargentea deNoli et la decusscita de Sowerby, bien distincte de la N. sulcata de Bronn, qui est assez commune au Monte- Mario. Nous croyons cette coquille spéciale à la marne, et, comme elle y est excessivement commune, on peut la regarder comme une coquille caractéristique. 7° Leda dilatata , Philippi. Cette coquille, assez nombreuse, ne se trouve ni au Monte-Mario, ni dans le catalogue de M. Sismonda ; elle se reconnaît facilement dans ses moindres débris à ses rubans imbriqués. Il semble que la marne soit la patrie des Leda : nous en comp- tons une dizaine d’espèces presque toutes inédites. 8° Les Pecten sont aussi nombreux en espèces : le plus grand est le cristatus de Bronn ; les autres sont plus petits, mais très ornés : rimulosas, Philippi ; fimbriatns, Philippi; rctiohin ?, nobis; Vanti- quatus , Philippi, et le Pecten Philippi de Michelotti sont les deux plus communs. Parmi les univalves : 9° L’ Argonauta biarmata (nobis), caractérisé par une double série de tubercules sur la carène du dos ; inconnu à Monte-Mario et rare dans les terrains d’Italie. 10° L ’Hyalœa trispinosa , Rang, assez nombreuse. 11° Les Cleodora , très nombreuses en espèces, sont très coin- 374 SÉANCE BU 1er MARS 1858. mimes comme individus : Cleo dora pyramidata ,Rang ; C. Ricciolii ; C. sabulata , Rang; C. acicula , Rang, sont les plus fréquentes et caractéristiques du Vatican, ne se trouvant que très rarement dans les terrains récents d’Italie. 12° Atlante Kerauclrenii , Rang. 13° Limacina Helicina , Rang. Nous croyons que c’est la première fois que ces coquilles sont signalées fossiles. Ces deux coquilles sont assez abondantes dans la marne pour former aussi un bon caractéristique de cette localité. 1 1\° Dentale lœvigatum (nobis). En fragments très nombreux; bien distinct des autres Dentales lisses, nacrés, de Paris et d’Italie. 15° Scalpellum Vaticani , que nous croyons distinct du Scalpel - lum vivant dans les mers de Naples. 16° Quatre espèces de Balles. 17° Coquille ayant l’aspect externe du Sigaret , que vous avez jugé devoir former un genre voisin, mais nouveau, à cause de l’ou- verture allongée et étroite de la bouche, du bourrelet saillant qui la borde dans sa longueur, de la forme infundibuliforme de la spire et des stries, dont la direction est opposée à celle du Sigaret ; cette coquille est propre au Vatican. 18° Vermetus quadricarinatus (nobis). 19° Une dizaine de P leurotom.es . 20° Cassidqria echinophora , dont les débris sont excessivement nombreux. 21° Priarnus Brocchi (nobis). 22° Cidaris remiger , commun , facile à reconnaître dans ses débris par la forme de ses baguettes aplaties en rame large. 23° He mi as ter Vaticani (nobis), commun au Vatican, inconnu dans les terrains analogues d’Italie. 2 1\° Brissops Genei (Sismonda), non trouvé au Monte-Mario, mais bien à Turin. 25° Flabellum Vaticani (nobis), Flabellum très remarquable, unique peut-être, à cause de sa grande dimension, de ses appen- dices latéraux descendant au-dessous du pédoncule et tendant à se réunir; l’une des parois devient concave et cupuliforme à un âge avancé. 26° Trochocyathus umbrella (nobis). 27° Trochocyathus arenulatus (nobis). Ces deux polypiers ont été jugés, par Jules Haime, nouveaux et particuliers au Vatican. NOTE DE M. PASSY. 375 M. Antoine Passy fait hommage à la Société géologique de sa Carte géologique de l’Eure, et donne lecture de la note suivante : Note sur la Carte géologique du département de U Eure ; par M. Antoine Passy. Les terrains inférieurs à la craie ne paraissent au jour dans le département de l’Eure qu’auprès de Cormeilles, aux limites du Calvados, et correspondent aux terrains identiques du pays de Bray (Seine-Inférieure). C’est le massif du terrain crétacé qui forme la masse de la struc- ture du département. La craie inférieure se montre sur les bords de la Seine, dans la vallée de la Risle, et à sa gauche dans les vallons du Lieuvin. Elle se rencontre encore, par un relèvement inattendu, un peu au-des- sous de Vernon, sur la rive droite de la Seine. Sur la masse fondamentale vient se terminer le bassin parisien du calcaire grossier. Ses bords suivent, sans s’en écarter, la rive gauche de l’Epte et de l’Eure, depuis Ezy jusqu’à Gisors. L’argile plastique sépare la craie du calcaire grossier, suit les collines de ce dernier terrain, et forme des dépôts dans le dilu- vium . Une autre argile plastique, qui paraît plus récente, forme aussi des dépôts dans le diluvium sur toute la surface du département. Elle est accompagnée de grès, depoudingues et de débris de meu- lières. Ces roches sont d’ailleurs éparses sur tout le diluvium, sans être accompagnées par l’argile. Les dépôts de minerai de fer apparaissent dans une situation analogue à cette dernière argile parmi le diluvium. Us offrent presque toujours à leur surface des débris de meulières. C’est dans le pays d’ Quelle que les minières sont exploitées exclusivement de- puis les Romains. Dans les environs d’E vieux, principalement, le diluvium est re- marquable par d’énormes blocs de silex qui gisent dans un sable argileux. Us n’ont été ni transportés ni usés par le frottement. Ils semblent procéder d'une couche supérieure de la craie, dont la substance calcaire aurait été enlevée et remplacée par le sable ar- gileux. Sur le diluvium s’étend l’alluvium ancien , argilo-sabieux, épais de plusieurs mètres et formant les grandes et riches plaines à cé- réales du département 376 SÉANCE DU 1er MARS 1858, Les terrains lacustres constituent un plateau entre l’Eure et la Seine. Au centre, on exploite des meulières à Houlbec-Cocherel. Ces terrains lacustres sont surmontés par un diluvium particu- lier, dans lequel les fragments de meulières remplacent en grande partie les silex de la craie. Le terrain de transport existe et s’étend dans toutes les vallées des rivières. La tourbe se fait voir mêlée à ce terrain. M. Ch. Sainte-Claire Deville communique l’extrait suivant d’une lettre qui lui a été adressée de Naples par M. le profes- seur Scacchi : « Je ne sais si vous avez appris par une autre voie que la lave > du Vésuve qui, en 1855, s’est enfouie dans le Fosso delta Ve - » traita, restant encore incandescente en quelques points pendant » l’automne dernier, a donné par sublimation une notable quan- » tité [non piccola quantità ) de cotunnite (chlorure de plomb) ; je » vous envoie deux échantillons de cette substance qui s’est mon- » trée si rarement depuis l’éruption de 1822. » M. Ch. Sainte-Claire Deville appelle ensuite l’attention de l’Académie sur les deux faits signalés dans les lignes qui précèdent, et qui tous deux lui semblent présenter de l’intérêt. Le premier, c’est que la lave qui s’est accumulée sur une grande épaisseur dans la Vetrana y conservait encore, deux ans et demi après sa sortie, une température assez élevée pour offrir des points d’incandescence. La présence de la cotunnite sur cette lave n’est pas moins cu- rieuse. En effet, cette substance n’y ayant été remarquée en 1855, ni par M. Ch. Sainte-Claire Deville, ni par les nombreux obser- vateurs qui l’ont étudiée alors, ni en particulier par M. Scacchi lui-même, tout indique que son apparition résulte de phénomènes postérieurs. Or, ajoute M. Ch. Sainte-Claire Deville, la cotunnite n’a été signalée qu’au Vésuve, et, à ma connaissance, seulement en trois occasions. D’abord, en 1822, peu de temps après la grande érup- tion et durant la période de faible activité qui s’est prolongée de 1822 à 1 S 28 : MM. Monticelli et Covelli l’ont alors découverte dans le cratère supérieur du volcan et décrite pour la première fois comme espèce minérale. Puis en 1840, peu après la grande éruption de 1839, et au début de la période d’activité faible et continue qui a duré jusqu’en 1848, M. Scacchi retrouva la cotun- nite aussi sur le cratère supérieur, près de la Punta del Mauro . DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 377 Enfin, en 1857, le même savant signale cette rare substance sur la lave sortie quelques mois auparavant, et pendant la période d’activité modérée qui s’observe actuellement et qui a suivi la grande éruption de 1855. » Ces trois époques d’apparition semblent donc avoir quelque chose de commun. Néanmoins, la présence de la coturmite sur le corps de la lave impliquerait cette fois quelque chose de particu- lier, et amènerait forcément à conclure que la matière même du courant a, dès l’origine, entraîné avec elle et recélé une certaine proportion d’un composé plombifère. » M. de Villeneuve établit des analogies entre quelques traits de la constitution de la chaîne des Vosges et celle des Maures et sur la disposition des zones géologiques qui les bordent, jusqu’au muschelkalk inclusivement. Les terrains subséquents ne permettent pas de continuer ces analogies ; mais on peut y signaler une ligne de dislocation E. 30° S., qui traverse des masses serpentineuses, et sépare deux parties de terrain crétacé très différentes par leurs caractères. Cette ligne prolongée va aussi marquer la direction de certains filons; enfin elle est en rapport avec l’extension relative des diverses parties du terrain jurassique en France ainsi qu’en Italie. Séance du 15 mars 1858, PRÉSIDENCE DE M. V1QUESNEL. M. A. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société ; M. Jauge (Amédée), rue Bleu, 11, à Paris, présenté par MM. de Verneui! et Collomb. DONS FAITS 1 LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des sa- vants, février 1858. 378 SÉANCE DU 15 MARS 1858. De la part de M. AL Leymerie, Mémoire sur l’hémiédrie (extr. des Actes de la Société linnéenne de Bordeaux , t. XXI, h e et 5e livraisons), in-8, 15 p. De la part de M. G. -G. Gemellaro, Ricerche sui pesci fossili délia Sicilia , in-4, 52 p.? 6 pl. Catania, 1858 j chez G. Ga- latola. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XL VI, nos 9 et 10. U Institut, nos 1261 et 1262, 1858. Bulletin de la Société de géographie , ke série, t. XV, nos 85 et 86, janvier et février 1858. Société impériale et centrale d’agriculture. — - Bulletin des séances , 2e série, t. XIII, n° 1, novembre et décembre 1857. Mémoires de la Société d’ agriculture , des sciences , arts et b elle s -lettre s du département de l’Aube , t. VIII, 2e série, nos 43 et 44 , 3e et 4e trimestres, 1857. Recueil des travaux de la Société libre d’ agriculture, scien- ces, efc., de l’Eure , 3e série, t. IV, années 1855-1856. Journal d’agriculture de la Côte-d’ Or, 21e année, 3e série, t. III, n° 2, février 1858. Bulletin de la Société de V industrie minérale (Sa in t-É tienne) , t. III, lre livraison, juillet, août, septembre 1857, et Atlas. Société impériale dé agriculture, etc . , de V arrondissement de Valenciennes. ----- Revue agricole , etc., 9e année, n° 7, janvier 1858. The Athenœum , nos 1584 et 1585, 1858. Revista minera , t. IX, n° 187, 1er mars 1858. Revista de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales , t. VIII, n° 2, febr. 1858. M. le Président fait connaître à la Société, qui a été convo- quée en séance extraordinaire pour les discuter, les modifications que le Conseil propose d’introduire dans le Règlement, dans le but de hâter la publication du Bulletin , et de donner aux au- teurs la faculté d’obtenir un plus grand nombre de tirages à part. Une discussion s’engage à ce sujet. Au chiffre de 100, pro- posé par le Conseil, M. le marquis de Roys demande qu’on substitue celui de 500. MM. Bayle et Hébert s’associent à cette proposition qui est combattue par M. Deshayes, M. Virlet se NOTE DE Mo ÊBRÀY. 379 déclare en faveur de l’extension illimitée des tirages à part. Après une vive contestation, la Société décide, à la majorité des suffrages, que le nombre pourra en être illimité. Sur la proposition de M. Walferdin, la vente des exemplaires tirés à part est interdite. La Société adopte ensuite sans chan- gement toutes les autres modifications introduites par le Con- seil dans la rédaction du Règlement, et décide qu’il en sera donné connaissance aux membres de la Société par l’envoi d’une circulaire explicative. M. Barrande annonce qu’il a remis à la Commission chargée d’élever un monument à M. de Buch une somme que la Société lui avait confiée. M. le Secrétaire lit une note de M. Ebray, relative à quelques fossiles de l’étage albien des environs de Sancerre. Note sur quelques fossiles de V étage albien des environs de Sancerre , par M. Th. Ebrav. En descendant la Loire, de Sancerre à Cosne, on peut suivre l’étage albien sur une grande étendue; les affleurements les plus élevés de cet étage se remarquent presque au sommet de la mon- tagne de l’Orme- au-Loop, à la cote 230 environ, sous forme d’ar- gile micacée, tandis que les points les plus bas du même étage s’observent dans le lit de la Loire, aux environs de Cosne, à la cote 1 Zi 3 . Les deux points extrêmes sont distants entre eux d’en- viron 9 kilomètres, ce qui donne une pente générale de 0,009 par mètre. Cette inclinaison est moindre que celle des étages jurassiques, qui généralement dépasse 0,013 par mètre. L’étage albien, comme je fai déjà indiqué, se compose de trois systèmes de couches parfaitement distinctes, sous le rapport miné- ralogique et sous le rapport paléontologique. Inférieurement, on trouve des grès verts pétris de fossiles, puis au-dessus, des argiles micacées, enfin des sables et des grès ferru- gineux qui ne contiennent des fossiles qu’à leurs parties supé- rieures. Ces différentes couches m’ont permis de recueillir divers fossiles intéressants ; j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui des observa- tions sur V Epias ter qui se rencontre dans ies grès inférieurs, et sur les Ammonites qui se recueillent dans ces mêmes bancs. 380 SÉANCE DU 15 MARS 1858, Sur la présence de /’Epiaster distinetus dans l’étage albien. Le genre Epiaster se distingue facilement du genre Micraster par l’absence du fasciole annulaire sous- anal, et ne comptait dans l’étage albien qu’une seule espèce, X Epiaster trigonalis , tandis que l’étage cénomanien compte : 1° Y Epiaster Kœchlinanus (d’Orb. ); 2° Y Epiaster tumidus (d’Orb.); 3° Y Epiaster crassissimus (d’Orb.); U° Y Epiaster distinetus \ 5° Y Epiaster varusensis (d’Orb.) L’ Epiaster trigonalis ne se rencontre pas aux envions de Cosne, et l’étage cénomanien ne m’a fourni dans ces localités que Y Epiaster crassissimus , qui s’y trouve en grande abondance. Par contre, j’ai rencontré dans le gault de Cosne un assez grand nombre d’individus qui ne sauraient être séparés de Y Epiaster distinetus. Ce fossile devient aussi commun à l’étage albien et à l’étage cénomanien. Sur la dernière période d’accroissement des Ammonites du gault. Les Ammonites qui se rencontrent le plus souvent dans l’étage albien des environs de Cosne sont î 1° L 'Ammonites mamillaris , 2° L’ Ammonites Michelianus , 3° L’ Ammonites splendens. 1% Ammonites mamillaris. — VA. mamillaris est porté dans la Paléontologie française à un développement maximum de 0,098 ; arrivé à cet âge, d’après le même ouvrage, la coquille possède 7 à 8 tubercules de chaque côté du dos , mais la Paléontologie ne men- tionne pas les phases ultérieures du fossile, qui sont des plus re- marquables. En effet, c’est au diamètre de 0,10 à 0,12 que la coquille possède le maximum d’ornements; c’est à partir de cette dimension qu’ils commencent à s’effacer et à disparaître bientôt presque complète- ment. C’est surtout le troisième tubercule, à partir de l’ombilic, qui décroît rapidement ; car, dans l’espace de lx ou 5 centimètres, cet ornement, qui forme la pointe la plus haute, se trouve réduit à la hauteur des tubercules voisins ; par un effet contraire, le tu- bercule le plus voisin de l’ombilic s’élargit, sans toutefois se dé- primer ; de telle sorte que déjà, au diamètre de 0,26 à 0,27, la coquille paraît presque lisse, à l’exception de ce dernier tubercule, qui forme alors l’origine d’une espèce de côte flexueuse. Cet état, assez voisin de Y A. Clementinus (d’Orb.), paraît se maintenir fort NOTE DE M. ÉBRAY. 381 longtemps, car, jusqu’au diamètre de 0,â0, la même ornementa- tion subsiste, et ce n’est qu’à la toute dernière période d’accrois- sement, au diamètre de 0,60, que le fossile devient entièrement lisse. La variété à tubercules saillants ne paraît pas suivre les mêmes phases; elle n’acquiert pas les fortes dimensions ci-dessus dési- gnées, et les tubercules ne s’effacent pas aussi rapidement. 2° Ammonites splendens. — L 1 A. splendens , Y A. Fitloni et quel- ques autres Ammonites du gault, forment une série caractérisée extérieurement par une forte dépression, par un aspect discoïdal, par le rétrécissement de l’ombilic; intérieurement, par des cloi- sons très découpées, non symétriques. On rencontre dans le lit de la Loire, aux environs de Cosne, une Ammonite aplatie, d’un diamètre qui dépasse souvent celui de 0,60, et portant des tubercules irréguliers. Cette espèce se rapproche beau- coup des espèces précédentes, mais elle en diffère cependant d’une manière essentielle par ses lobes, par la présence de tubercules, et par son ombilic très étroit. Les cloisons sont souvent non symétriques, mais ce caractère est peu important, car non-seulement, comme l’a déjà remarqué Aie. d’Orbigny, les cloisons de certaines Ammonites, qui sont non symétriques à la première période d’accroissement, sont parfaite- ment symétriques à l’âge embryonnaire; mais aussi, d’après mes propres observations sur l’Ammonite que l’on rencontre à Cosne, la symétrie des cloisons reparaît très souvent à la dernière période de dégénérescence. Je crois donc avoir fait remarquer dans cette note les faits pa- léontologiques suivants : 1° L’ Epiaster distinctusse rencontre en même temps dans l’étage cénomanien et dans l’étage albien ; 2° La dernière période d’accroissement des Ammonites du gault comporte des diamètres bien supérieurs à ceux connus jusqu’à ce jour; exemple : Y A. mamillaris , 0,80 ; Y A. ?, voisin de Y A. splen- dms , 0,60 ; 3° Les cloisons non symétriques ont été symétriques à l’âge em- bryonnaire, et deviennent souvent symétriques à la dernière pé- riode d’accroissement. 882 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. Séance du 5 avril 1858. PRÉSIDENCE DE M. VIQUESNEL. M. À. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. M. le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Clément-Mullet, Note sur les phosphates calcaires et sur la probabilité de leurs gisements dans le dé- partement de F Aube (extr. des Mém ♦ de la Soc. acad. de l’Aube, t. XXI, 1857), in-8, 17 p. De la part de M. Delesse : Ueber die JJmwanhlungen der Brennstojfe (aus den Zeitsch. d. deutschen geolog. Gesell- schàft, Jahrg. 1857), in 8, p. 527-580. De la part de M. le professeur Alph. Favre : 1° Notice sur la géologie des bases de la montagne du Mole en Savoie (tiré de la Bibl. univ. de Genève , décembre 1857), in-8, 8 p., 1 pi.; 2° Observations relatives sur la constitution géologique de quelques parties de la Savoie , adressées par M. le professeur Ange Sismonda à M. Elie de Beaumont, in-8, 7 p. De la part de M. le docteur E. de Fromentel, Description des polypiers fossiles de V étage néocomien , in-8, 78 p., 10 pl. Paris, 1857; chez J. -B. Baillière et fils. De la part de sir B. I. Murchison, The silurian rocks and fossils of N or way (from the Quart . Journ. of the geol. Soc . of London, for febr. 1858), in-8, p. 37-53. De la part de M. Pierre de Tchihatchef : 1° Discours prononcé à Montpellier , le 16 juin 1857, a la séance de clôture de la session extraordinaire de la Société botanique de France (extr. du Bull, de la Soc. bot. de France, t. IY, p. 667 et suiv.), in-8, 5 p.; 2° Etudes sur la végétation des hautes montagnes de V Asie Mineure et de V Arménie (extr. du même Bulletin , séance du 13 novembre 1857), in-8, 32 p. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 883 De la part de M. J. -G. Houzeau, Histoire du sol de l’Eu- rope, in-8, Zs96 p. Bruxelles, 1857; librairie internationale. De la part deM. J. Beele Jukes, The studenfs Manual of geology , in-8, 610 pages. Edinburgh, 1857; chez Adam et Ch. Black. De la part de M. À. Pissis, Descripcion topografica i jeolo - gica de la provincia de Aconcagua, in-8, 55 p. Santiago (Chili), 25 octobre 1856. De la part de M. W. B. Wilde, Catalogue of the antiquities of stone, earthen and -vegetahle materials, in the Muséum of the R. Irish Academy, in-8, 2 46, 10 p. Dublin..., chez M. G. Hill De la part de M. G. von Heîmersen : 1° Wlangali’ s Reise nach der ôstlichen Kirgisen-steppe , übersetzt von Dr Loewe (aus den Beitràgen zur Kenntniss des Russischen Reichs , Band XX), in-8, 260 p.; 2° Ueher die Bohrarbeiten auf Steinkohle bei Moskau und Sserpuchow, 11 déc. 1856 (aus den Mélanges physiques et chimiques , t. III), in-8, p. 119-123. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XL VI, nos 11 à 13. Annuaire de la Société météorologique de France , t. IV, 1856, lre partie. TabL météor ., f. h- 19. Annales des mines , 5e série, t. XII, 5e livraison de 1857, L’Institut , nos 1263 et 1264, 1856. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, n° 110, 11e année, février 1858. Organisation de la Société d’ agriculture , des sciences , arts et belles-lettres du département de V Aube, in-8, 71 p. Troyes, 1858. The Athenœum , nos 1586 et 1588, 1858. Regis ter zu den zweiten 10 Bànden der Sitzungsberichte (Band 11-20) der math.-naturw . Classe der K. Akademie der Wissenschaften , in-8, 58 p. Sitzungsberichte der K. Akademie der Wissenschaften . Math.-naturw. Classe , vol. XX, 2e et 3e cahiers, 1856 ; vol. XXI, 1er et 2e cahiers, 1856. Neues Jahrbuch , etc., de Leonhard et Bronn, 1858, 1er cah. m SÉANCE LU 5 AVRIL 1858. Mittheilungen aus Justus Perthes , geographischer A ns tcdt iiber wichtige neue erj or s changea aaf dan gesammtgebiete der Géographie , von Dr A, Petermann, 1858, n° 1, in -Zi, Gotha. Tagenblatt der 32. Fersammlung deutscher Na turf or s cher und Artze in Wien in Jahre 1858, n° 1 à 8, in -h. Abhandlungen der K. Akademie der JVissenscliaften zu Berlin , 1856, in -Zi. Monatsbericht der K. Preuss. Akademie der Wiss. zu Berlin , janvier à août 1857, in-8. Zeitschrift der deutschen geologischen Gesellschaft , vol. IX, 3° cahier, mai, juin, juillet 1857. Revista minera , nos 188 et 189, 1858. Reois ta de los progresos de las ciencias exactas fisicas y naturales , t. VIII, n° 3, mars 1858. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou , année 1856, nos 2, 3 et Zi ; année 1857, n° 1. The Canadian journal , etc. (Toronto), mars 1858. Constitution , etc ., of the Academie of science of Saint-Louis , 1857, in-8. M. le Président fait, au nom de l’auteur, hommage à la So- ciété d’une brochure intitulée : Etudes sur la végétation des hautes montagnes de V Asie Mineure et de V Arménie , par M. Pierre de Tchihatchef. Il rappelle que cet intrépide voya- geur a déjà publié les deux premiers volumes de son ouvrage sur l’Asie Mineure : l’un renfermant la géographie physique de cette contrée-, l’autre la climatologie et la zoologie . La nou- velle brochure de M. P. de Tchihatchef établit une comparaison entre la végétation de cinq groupes de montagnes : le Bulgar- dagh, l’Olympe, l’Argée, l’Ali, l’Ararat. Elle résume une par- tie des connaissances acquises sur la flore de l’Asie Mineure qui sera traitée avec tous les développements convenables dans les tomes II! et IV de son ouvrage -, mais, avant de publier ces deux volumes, M. P. de Tchihatchef veut exécuter un nouveau voyage dans la contrée qu’il a déjà plusieurs fois explorée avec tant de succès-, il fait ses préparatifs pour partir dans les pre- miers jours du mois courant. MODIFICATIONS AU RÈGLEMENT, ETC. 385 M. le Trésorier présente l’état de la caisse au 31 mars dernier : 11 y avait en caisse au 31 décembre 1 857. . 2,147 fr. 25 c. La recette, du 1er janvier au 31 mars 1858 , a été de 4,266 » Total. . . 6,413 25 La dépense , du 1 er janvier au 31 mars 1 858 , a été de 4,135 85 Il restait en caisse au 31 mars 1858. .... 2,277 fr. 40 c. M. Élie de Beaumont présente, de la part de M. Pissis, une description topographique et géologique de la province d’Acon- cagua. M. Michelot offre, au nom de l’auteur, une description des polypiers fossiles de l’étage néocomien, par M. le docteur E. de Fromentel. M. le Président annonce à la Société la perte douloureuse qu’elle vient de faire dans la personne de M. Adrien Paillette. M. le Président donne lecture de la circulaire suivante qui sera adressée aux membres de la Société pour leur faire con- naître les modifications qui ont été introduites dans le Régle- ment administratif. Paris, le 5 avril 1 853. Monsieur et cher confrère, J’ai l’honneur de vous annoncer que la Société régulièrement convoquée, ayant réuni le nombre de membres prévu par l’ar- ticle 12 du Réglement administratif, a discuté, dans sa séance du 15 mars courant, les changements que le Conseil lui a pro- posé d’apporter audit Règlement. La décision prise par la Société supprime l’ancienne rédaction de l’article 60 et la rem- place par la suivante : Article 60 [Nouvelle rédaction ). « Quelle que soit la longueur des notes ou mémoires insérés au » Bulletin , les auteurs pourront en faire tirer à part, à leurs frais, un «nombre illimité d’exemplaires. Soc. géol ., 2e série , tome XV. 25 386 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. » La vente en est interdite. » L’exercice de cette faculté est soumis aux conditions suivantes : » 1° L’auteur qui voudra en profiter devra en faire la déclaration » expresse et par écrit en tête de son manuscrit. » 2° Le tirage à part devra rester conforme au texte du Bulletin. » I! n'y aura pas de remaniement de la composition pour ïe tirage » à part; on se bornera à une simple réimposition des articles, la pagi- » nation et le titre courant du Bulletin étant conservés. » 3° Le faux titre devra porter : Extrait clu Bulletin de la Société » géologique de France. » 4° L’auteur devra s'entendre directement avec l’imprimeur pour » le payement. » Les modifications que la Société vient de faire subir à l’ar- ticle 60 de son Règlement administratif portent sur deux points essentiels, savoir : 1° Le nombre d’exemplaires d’un tirage à part, qui ne devait pas autrefois dépasser cinquante, est actuellement illimité ; 2° Le remaniement de la composition est interdit, et rem- placé par une opération typographique plus simple, plus rapide, moins onéreuse pour les auteurs. Le tableau suivant fait connaître le prix d’un tirage à part exécuté dans ces conditions : NOMBRE d’exemplaires. Quart de feuille (4 pages). Demi-feuille (8 pages). Trois-quarts de feuille (12 pages). Une feuille (16 pages). Prix de chaque feuille en sus de la première. fr. C* fr. c. fr. c. fr. c. fr. C. 25 exemplaires. 4 » 4 50 7 » 7 » 6 50 50 — 4 50 5 » 7 75 8 )) 7 25 100 — 5 » 6 » 8 75 9 25 8 50 200 — 9 )> 10 75 15 50 16 50 14 » 300 — 12 >3 14 50 20 25 20 25 17 50 400 15 )) 17 75 24 75 24 25 20 50 500 — 17 50 21 » 29 50 28 » 23 » 600 — « » 24 50 33 50 32 75 26 » 700 — » » 28 50 38 » 38 » 31 » 800 — » v 31 » 42 » 42 7 5 34 » 900 — » » 34 v 46 » 47 50 37 50 1000 — » « 36 50 50 » 52 50 42 » Titre d’entrée spécial, 1 fr. 50 c. — Titre formant une page, 3 fr. MODIFICATIONS AU RÈGLEMENT, ETC. 587 La substitution de la réimposition au remaniement de la composition forme le complément d’une série de mesures prises récemment par le Conseil, à l’effet de prévenir les retards dont il a constaté les causes, et de donner la plus grande rapi- dité possible à la publication du Bulletin. Il est très important que les membres de la Société prennent connaissance des nou- velles décisions du Conseil, et veuillent bien, en s’y conformant, contribuer à obtenir un résultat aussi désirable dans l’intérêt de la Société que dans celui des auteurs. Ces décisions sont dictées par les circonstances qui accom- pagnent toute espèce de publication, ainsi que le démontrent les explications suivantes : 1° Décisions relatives a la remise des manuscrits . — Immé- diatement après l’adoption du procès-verbal par la Société, le Secrétaire devra, à l’avenir, l’envoyer à l’imprimerie avec les notes et mémoires à l’appui, ou du moins avec toutes les com- munications rédigées avec assez de soin pour être imprimées sans changement. Celles qui contiennent des longueurs inutiles ou des matières étrangères à la science seront de suite sou- mises à l’examen de la Commission d’impression, conformément aux dispositions de l’article 38 du Règlement. Les auteurs sont engagés à contracter l’habitude de déposer sur le bureau le manuscrit des notes ou mémoires le jour même où ils en donnent lecture à la Société. L’article 57 du Règle- ment leur accorde, il est vrai, le droit de remettre leurs com- munications au secrétariat dans la quinzaine ; mais ceux qui attendront l’expiration des quinze jours de rigueur, qui corres- pondent à l’ouverture de la séance suivante, s’exposent à voir leurs manuscrits prendre un rang de publication postérieur \ on comprend, en effet, qu’il faut au Secrétaire le temps de compléter le procès-verbal de la séance précédente, et à la Com- mission d’impression le temps d’exercer son examen préalable. Les communications dont l’écriture est difficile à lire occa- sionnent à la Société des frais considérables de correction, et au Secrétaire une grande perte de temps -, par ce double motif, elles seront renvoyées à leurs auteurs, avec prière d’en fournir une copie parfaitement lisible. Tout mémoire accompagné de planches ne prend son tour 388 SÉANCE i)U 5 AVRIL 1858. d'impression que lorsque les planches à l’appui, dont la Com- mission d’impression a voté l’admission, sont exécutées. La remise de ces sortes de mémoires, le jour même de leur com- munication, préviendra tout retard dans leur publication. 2° Décisions relatives à la correction des épreuves. — Aux termes de l’article 18, le Secrétaire dirige toutes les publica- tions de la Société, et, par suite, possède le privilège exclusif de corriger les épreuves. Le maintien de ce droit incontestable et incontesté est une des conditions les plus essentielles à la rapidité de la publication du Bulletin. Quelques auteurs expriment de temps en temps le désir de corriger les placards de leurs mémoires, notamment lorsque ces mémoires renferment un grand nombre de noms de fossiles ou de localités. La Commission d’impression prononcera sur l’opportunité de ces demandes j le Secrétaire, quand il en aura reçu l’autorisation, adressera à l’auteur du mémoire les pla- cards, avec l’avis suivant collé sur l’une des marges : « Monsieur ..... est prévenu que les épreuves ci-jointes » devront être remises corrigées , au secrétariat, dans le délai de qua- » rante-huit heures, c’est-à-dire soir, au plus tard , sinon » le Secrétaire passera outre à la mise en pages et à la publication. » L’envoi de cet avis circulaire a pour but d’empêcher qu’un acte de pure condescendance ne tourne au détriment de la Société. Tout mémoire livré à l’impression doit être élaboré avec assez de soin pour que l’auteur soit dispensé d’y faire des remaniements entraînant des lenteurs et des frais onéreux. Enfin, il est bon de rappeler qu’en vertu d’une décision prise parle Conseil, en avril 1853, la Commission d’impression porte à la charge de la Société les frais de correction jusqu’à concurrence du huit francs par feuille, et laisse l’excédant à la charge des auteurs. 3° Mesures relatives au bon à tirer. — La substitution de la réimposition au remaniement de la composition dans les tirages à part, qui vient d’être décrétée par la Société, offre un double avantage : d’une part, elle diminue les frais des tirages à part ; de l’autre, elle rend disponibles les caractères qui se trouvaient auparavant immobilisés pendant huit à dix MODIFICATIONS AU RÈGLEMENT, ETC. 389 jours, et qui serviront maintenant à composer de nouveaux placards vingt- quatre heures après le tirage exécuté pour la Société. h° Mesures relatives à V imprimeur . — - Les mesures prises par le Conseil, pour mettre un terme aux retards causés par les négligences de l’imprimeur, concernent les fonctionnaires chargés de les mettre à exécution -, il est inutile d’en faire ici mention. 5° Avis relatifs aux planches du Bulletin. — - Les sommes consacrées chaque année aux planches du Bulletin sont consh dérables, si on les compare aux ressources actuelles de la So- ciété; et cependant elles sont insuffisantes pour satisfaire à toutes les demandes. En principe, la Commission d’impression, chargée d’en faire la répartition, n’admet que les coupes offrant un grand intérêt et indispensables à l’intelligence du texte. Elle est obligée de se montrer sévère, afin que les fonds dispo- nibles ne soient pas absorbés par les mémoires qui se pré- sentent dans les premiers mois de l’année, et ne viennent pas à manquer aux mémoires communiqués dans les dernières séances. Pour lever les obstacles que présente l’admission de planches d’un prix élevé, certains auteurs proposent d’en prendre une forte partie à leur charge ; quelquefois meme on en a vu solliciter l’insertion dans le Bulletin de travaux qui, par leur étendue, le nombre et la nature des planches qui les accompagnent, auraient dû prendre place dans le recueil des Mémoires, et, pour obtenir cette faveur, contribuer aux dé- penses du texte et des planches pour des sommes importantes (600 à 1000 francs). Les contributions volontaires de ces auteurs expliquent pourquoi la Commission s’est relâchée à leur égard de la rigueur de ses principes, en autorisant l’im- pression dans le Bulletin de mémoires dépassant une ou deux feuilles de texte, limite extrême des travaux destinés à ce genre de publication. Quant aux planches de fossiles, la Commission n’en admet aucune, à moins que les auteurs n’en payent le dessin ; elle ne prend à la charge de la Société que les frais de papier et de tirage. Elle refuse toutes les planches de fossiles dont la justifi- cation n’est pas conforme à celle du Bulletin , savoir : 170 mil- 890 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. limètres de long sur 92 de large. Le dessin, le titre et la légende doivent être compris dans ces deux dimensions. Les auteurs sont invités à se conformer autant que possible à l’instruction suivante qui a été déjà publiée dans le tome IV du Bulletin de la 2e série, page /s 02. « Les auteurs qui rédigent et adressent des notes ou mé- » moires destinés aux publications de la Société sont instam- » ment priés : a 1° De ne point placer de dessins de coupes ou autres a dans le texte du manuscrit, mais de les réunir dans un cadre » du format des planches du Bulletin ou des Mémoires , suivant » qu’ils penseront que leur travail pourra être inséré dans l’un » ou l’autre de ces recueils ; » 2° De réduire les figures à une échelle convenable pour )> éviter toute réduction ultérieure de la part du graveur, et » de tracer toujours cette échelle ; » 3° De choisir autant que possible des échelles métriques » en nombre rond , telles que 1000> 2000? sooo ? 40000? 20000? \\ i ^ p| p • 50000’ 100000’ )) h° D’indiquer sur les cartes la direction des lignes suivant » lesquelles les coupes ont été faites, et de placer le nord vrai » en haut -, de marquer au moins un degré de longitude et de )) latitude } » 5° De marquer par une flèche la direction des cours d’eau, » s’il y a trop peu d’affluents pour que la direction de ceux-ci » l’indique suffisamment ; » 6° De placer sous les coupes une horizontale représentant » le niveau de la mer, et, à l’extrémité, une échelle verticale a pour les altitudes ; cette échelle devra être répétée pour » chaque coupe, même si elle était semblable pour toutes. Il » est préférable, quand cela est possible, d’avoir la même » échelle pour les hauteurs et^pour les longueurs } et, quand » les hauteurs sont exagérées, on fait Lien d’ajouter au-dessous de )> la coupe principale une seconde coupe, dans laquelle les hau- » teurs sont à la même échelle que les longueurs. Cette coupe » ne montre plus que la topographie et le résumé delà géologie ; a 7° De colorier les cartes lorsqu’il y aura lieu, en prenant » pour base la légende de la Carte géologique de la France, NOTE DE M. GRAVINA» 391 » par MM. Dufréooy et Élie de Beaumont» et de s’y conformer » toutes les fois qu’il n’y aura pas de motifs qui s’y opposeront, » comme cela peut se présenter dans l’étude très détaillée d’un » pays-, de disposer autant que possible les légendes dans un » ordre analogue à celui de la légende de cette carte 5 » 8° D’ajouter toujours aux teintes des lettres et des signes )> en noir, qui seront reproduits par la gravure, et pourront, » si on le juge à propos, suppléer seuls les teintes elles «mêmes, » ou du moins permettre d’en réduire le nombre $ » 9° D’indiquer les mots Nord, Sud, Est, Ouest, etc., par » leurs initiales en gros caractères, N., S., E., 0., etc. » Conclusions . — En résumé, l’exécution rigoureuse et main- tenue avec persévérance des mesures ci-dessus mentionnées donne au Conseil la certitude que les communications seront publiées, à l’avenir, un à deux mois au plus tard après la séance dans laquelle elles auront été faites. Les auteurs qui ne voudraient pas s’y conformer ne pourraient attribuer qu’à leur négligence le renvoi de leurs mémoires à une séance ultérieure. Veuillez agréer, Monsieur et cher confrère, l’assurance de ma considération la plus distinguée. Le Président , Aug. Viquesnel. Le Secrétaire , A. Laugel. M* le Président lit une lettre par laquelle S. E. le Ministre de l’Instruction publique annonce à la Société géologique qu’il lui accorde cette année, comme les années précédentes, une allocation de 1000 francs pour la publication de V Histoire des progrès de la géologie . M. Coîlomb lit la note suivante de M. Gravina, relative aux terrains tertiaires et quaternaires des environs de Gaiane : Note sur les terrains tertiaires et quaternaires des environs de Cutané , par M. Bonaventure Gravina. Eocène. L’année dernière, allant à la carrière d’argile des tuileries de Celali, à 2 kilomètres de Catane, je fus surpris, en étudiant lei 892 SÉANCE DU 5 AYRTL 1858, blocs et les cailloux roulés, quaternaires, qui se trouvent au des- sus des argiles et sables subapennins avec Bucciniim gibbosulum , L,, B. mutobile , Broec., Venus gallina , Lin n., Mcictra tri unguia , Ren., etc., d’y trouver une certaine quantité de ces cailloux remplis de Nummulites et autres fossiles nummulitiques. Dès lors, je ne doutais plus qu’aux environs de Calane devait exister l’étage nummulitique, et je me suis mis à sa recherche. Au mois de mars de l’année dernière, en étudiant les collines des terres fortes de Catane, je suis monté au mont Cardillo, à 290 mètres au-dessus du niveau de la mer, où ces cailloux roulés atteignent une épaisseur de près de 20 mètres, et là j’ai trouvé ces cailloux nummulitiques en bien plus grande abondance. Ainsi, de proche en proche, en suivant la vallée du Cafaro entièrement formée de ce dépôt caillouteux, j’ai traversé le Symethus au bac de Paterno, où je me suis trouvé en plein nummulitique. Cet étage est circonscrit au nord et nord-ouest par le Symethus; il s’étend au sud de Castellaccio jusqu’à la colline de Monaco en suivant le lit du fleuve ; il s’étend à l’ouest de ce point jusqu’à Catenanuova et à la Sparaogna, où il se perd au nord-est sous les calcaires gyp- seux et les grès de la montagne de Centorbi. Dans toute la vallée du Dittaino, il a été en partie dénudé, et ensuite recouvert par des cailloux et blocs avec gravier et marne quaternaires. ïl repa- raît ensuite à la montée du Sferro, à Turcisi, à San-Giovanni, et dans tous les petits monts placés à l’est, au sud et à l’ouest de Giudica. Dans la vallée de Guanalonga, il disparaît de nouveau sous les alluvions anciennes et récentes ; mais on le voit reparaître par intervalles à Truitta, au Stimpalo et ailleurs, où il forme la base des collines et du plateau de la haute plaine de Catane. Enfin, je l’ai revu à Ramacca, où il s’étend beaucoup à l’ouest et au sud ; il est fort intéressant de voir à la colline des Forchc et à Mainarda ces couches de marne bitumineuse et des calcaires gypseux toutes contournées et plissées. J’ai trouvé dans mes dernières courses plusieurs fossiles appartenant à l’éocène ; mais , comme je tiens beaucoup à vous donner des détermi- nations exactes pour le moment, je ne vous envoie que les noms que je dois à l’obligeance de M. le professeur Meneghini (de Pise) ; mais, comme je m’occuperai dans une prochaine note du terrain crétacé des environs de Catane et de ses rapports avec i’éocène, je saisirai cette occasion pour vous adresser une liste complète des fossiles de chaque couche et des localités fossili- fères de ces étages. Les Nummulites ont depuis la grandeur d’un franc jusqu’à celle d’un grain de millet. Ces dernières NOTE DE M. G RAVINA. 393 sont les plus nombreuses, et Fou trouve des bancs qui sont presque exclusivement formés de Nu/n mal i tes variolarici , Sow. L’épaisseur de cette formation éocène entre Casleliaccio et Tremonti, pies du bac de Paterno, peut atteindre lûO à 150 mètres. En voici maintenant la coupe de haut en bas, prise au pas d’ipsi. Elle est difficile à établir en cet endroit, où il n’y a ni exploitations ni routes, et où les ravins mêmes sont en partie masqués et encroûtés par les marnes supérieures qui ont été entraînées par les pluies ; par conséquent, je ne puis pas vous donner F épaisse ur relative de chaque couche. Coupe du mont Castellaccio (1). 1° Gypse et calcaire gypseux, avec soufre qui s’y trouve sou- vent intercalé, par nids ou par couches alternantes, avec le briscal (4) Légende des figures. Pl.IOSTOCÈNE. Pl.lOCÈNE. . Miocène. . t. Tuf volcanique. z. Blocs et conglomé- rats. r. Sablesferrugineux et marnes calcaires. q. Sables jaunes et grès. p. Argiles. o. Grès et marnes bleues. n. Sables gris avec blocs ovalaires. m. Grès à O. enudata et marnes vertes. Eocène. I. Gypse et calcaire gypseux. h. Marne schisteuse avec marne friable. g. Grès. §9 /. Calcaire nummuliti- que. HU e. Marne avec rognons de carbonate de fer. d, Macignos et sables. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858, 39 h des ouvriers mineurs. Ce briscal est toujours le guide sûr de tous ceux qui se sont livrés à l’exploitation des mines de soufre; c’est un calcaire gypseux à grains spathiques ; il alterne toujours avec le soufre. Dans toutes les marnes ouvertes depuis Cen- torbi à Castrogiovanni et Girgenti, c’est toujours le briscal qui accompagne le soufre, et les ouvriers l’appellent la mère du soufre . Je n’ai trouvé dans toute cette formation , qui atteint souvent 80 à 100 mètres d’épaisseur, aucun fossile, mais on m’a rapporté qu'on en trouve quelques-uns dans les marnes feuil- letées et bitumineuses de Girgenti; c’est ce que je verrai plus tard de mes propres yeux. L’isolement de ce dépôt à Castellaccio, à Muglia, à Centorbi, et dans les environs de Ramacca et de Girgenti, son contact im- médiat à la partie supérieure avec des grès chlorités et des marnes contenant des fossiles miocènes, et à la partie inférieure avec des dépôts à fossiles nummulitiques ; enfin l’analogie de cette immense formation avec les calcaires et les gypses des autres contrées d’Eu- rope, me font présumer que ce dépôt doit appartenir à l’étage parisien d’Alcide d’Orbigny. Ordinairement les calcaires sont placés sur les gypses, mais en général ils n’affectent aucune stratification régulière et ils se con- fondent souvent. Les gypses présentent presque tous les systèmes de cristallisation. Ainsi ceux qu’on exploite pour la pierre à plâtre sont en prismes ; quelquefois ils sont lamelleux et schistoïdes, d’autres fois soyeux ou fibreux, rarement saccharoïdes. 2° Au-dessous de ces calcaires gypseux se trouve une marne schisteuse, plus ou moins compacte, souvent bitumineuse, qui alterne avec une marne friable. On peut les étudier mieux au nord du mont Castellaccio et au nord de la colline du Monaco, une lieue plus loin. Dans ces deux localités, ces marnes forment de petites collines isolées qu’on distingue à leur blancheur d’assez loin; elles sont recouvertes d’un sable calcarifère provenant des érosions des monts calcaires supérieurs : je n’y ai pas encore trouvé de fossiles. 3° Grès et sables avec Nummulites et autres fossiles rares. En général, ces grès sont peu agrégés, mais ils deviennent quelquefois très compactes. A ces grès se trouvent aussi subordonnés de gros blocs de quartzites à angles émoussés qui cubent de 4 à 8 mètres, et des brèches calcarifères à ciment siliceux. Ces quart- zites se trouvent sur la même ligne que les grès, et on les rencontre le plus souvent dans les endroits où il y a dessus du gypse ou du calcaire gypseux. On voit passer les grès insensiblement aux NOTE DE M. GRAY INA» 895 quartzites. Or, comme nous sommes placés près du centre d’un foyer volcanique, dont probablement les émanations sulfureuses ont pénétré à travers les fentes des couches consolidées sous- marines, et ont pu produire des sulfates de chaux et du soufre, de même la chaleur de ces émanations a du métamorphoser ces grès et les réduire en quartzites, dont quelques-uns sont à l’état vitreux. Je vous ai dit que ces quartzites sont la plupart à angles émoussés ; cela prouve qu’ils ont été soumis à l’action de grands courants qui ont usé les masses solides qui leur résistaient. En effet, nous verrons par la suite que presque la moitié des roches qui composent les blocs et les poudingues quaternaires proviennent des débris éocènes qui s’étendent non-seulement dans les terres fortes, mais aussi dans toute la plaine de Catane. Comme dernière trace de ces courants, nous trouvons, à la partie supérieure du mont Casteilacio, beau- coup de blocs et de cailloux épars superficiellement qui appar- tiennent à des roches quartzeuses et granitiques. J’ai trouvé des fossiles dans la brèche calcaire, mais ils sont entièrement broyés. ATremonti, j’ai revu cette roche au-dessous du grès, c’est-à-dire à la même place qu’à Castellaccio. Plus loin on ne la voit plus ; mais on remarque à sa place un calcaire gréseux qui, au col du Taureau, prend un grand développement, et contient beaucoup de Numnmlites Guettardi , Haime, et des débris de bryozoaires et de crinoïdes. U° Bancs alternes de calcaire numinulitique en général com- pactes, et dans certains endroits plus ou moins désagrégés, de sorte que l’on peut en isoler les fossiles ; j’en cite quelques- uns : Orbitolites sella, d’Archiac. — stellata, id. — submedia , id. — F ortisii , id. — sp. nova. Ntimmulites lœvigata , Lamk. — - Guettardi , Haime. — variolaria , Sow. Nummulites striata , d’Orb. — Tchihatcheffi , d’Arch. — curvospira , Mgh. — placentula , Desh. — conforta, Desh. Alveolina Boscii , Defr. Rotalia suessoniensis , d’Orb. Pectunculus cor , Lamk. 5° Marne noire, souvent assez épaisse, avec cristaux de gypse en fer de lance, rognons de carbonate de fer, et des efflorescences semblables à celles des vieilles murailles et qu’à leur saveur caus- tique je crois être du nation. 6° Grès et sables grossiers, à ciment calcaire, qui contiennent quelquefois de la marne endurcie qui les fait ressembler à des 396 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858, macignos. Ils sont colorés diversement dans le haut par l’oxyde de fer, et deviennent dans le bas très lins et blancs. Quoique ces sables atteignent une épaisseur qui au pas d’Ipsi dépasse 50 mètres, je n’y ai encore trouvé aucun fossile, et c’est avec doute que je les place provisoirement dans l’éocène (1). Miocène. Maintenant si de Castellaccio nous montons à Centorbi, nous verrons que les calcaires gypseux mentionnés ci-dessus reprennent un plus grand développement, et se perdent sous des couches de grès quelquefois chlorité, alternant avec des marnes, pour repa- raître encore au delà de la montagne de Centorbi. Ces bancs de grès et de marne ont à peu près 150 mètres d’épaisseur, 11 degrés d’inclinaison, et plongent à l’O.-N.-O. Ils semblent délimités en haut par une couche de sable gris qui contient des blocs de grès ovalaires ou arrondis. Ces grès contiennent du quartz, du feld- spath, de la chlorité et du mica ; ils sont compactes et à texture grenue. Les marnes qui les accompagnent sont toujours vertes ou grises, chargées de chlorité, et se délitent beaucoup à l’air et à la rosée, ce qu’on distingue assez bien, ces bancs de marne de Cen- torbi étant creusés et les bancs de grès proéminents (2). Profil de l’est de la montagne de Centorbi et de la mine de soufre de M. le duc cle S. Giovanni. La petite croix indique le dernier trou de la minière pratiqué dans le grès; l la position du briscal. Les calcaires et les gypses n’étant point stratifiés, on ne peu pas remarquer s’ils sont en concordance avec ces grès, mais les couches de l’éocène inférieur, étant légèrement inclinées et plon- geant au sud, sont évidemment en discordance avec ces grès. (1) Voyez la coupe du mont Castellaccio. (2) Voyez le profil de la montagne Centorbi. NOTE DE M. GRAV1NA. 397 Des circonstances imprévues m’ont empêché de revenir dans ces lieux, et je n’ai que les fossiles d’une seule course, parmi les- quels Y Ostrea caudata , Munst., le Balauus crenatus , Brug., le B, concavus , Brug., le Pecten varias , JL. La première de ces es- pèces est essentiellement caractéristique du miocène, et M. Phi- lippi ne l’a jamais trouvée dans le pliocène de Sicile; il n’a pas trouvé non plus dans cet étage les deux espèces suivantes. Quant à la dernière, quoiqu’elle soit vivante encore dans nos mers, cependant, d’après M. Meneghini, elle se trouve aussi dans le miocène d’italiè. Remontons à présent au-dessus de cette couche remarquable, contenant du sable gris avec cailloux ovalaires, nous verrons un sable jaune alterne avec marne bleue, analogues aux grès et aux marnes de Seittino et de la Raisa qui sont là en contact immédiat avec les argiles pliocènes, et ici sur une petite butte qui domine au nord la petite ville de Centorbi ; ils contiennent des Murex brandaris, Linn., Janira Jacobea , d’Orb. , Pectuncillus glycimerts , Lamk. , et autres fossiles caractéristiques de l’étage pliocène. Pour pouvoir bien caractériser cet étage, il aurait fallu d’autres données paléontologiques, j’en conviens. Cependant je possède cinq autres espèces de cet étage qui ne sont pas rapportées par M. Philippi, et en tout cas n’appartiennent ni au pliocène ni à l’époque actuelle. Le contact de cet immense dépôt à la partie inférieure avec les calcaires gypseux qui reposent immédiatement sur l’étage nummulitique, et à la partie supérieure avec des grès et marnes à fossiles pliocènes , cette couche de sable gris à blocs ovalaires qui marque un changement brusque de régime entre ces deux dépôts, et l’existence dans cet étage de Y Ostrea caudata , Münst., essentiellement miocène, sont des données qui militent toutes en faveur de mon opinion. En descendant de Centorbi vers l’est, à gauche de la i Soif ara de M. le duc de San -Giovanni, on traverse une vallée en partie comblée par des sables marneux et des blocs de grès anguleux ou grossièrement arrondis. En examinant de près ce dépôt, on s’aperçoit que c’est un terrain de transport dû à l’action érosive des eaux pluviales. En cassant en effet ces blocs, j’ai pu me con- vaincre qu’une partie sont pareils à ceux de la couche supérieure à sable gris qui se sont éboulés du liant, et les autres ne sont que des fragments des grès sous-jacents à ladite couche qui, réunis et empâtés ensemble par des marnes terreuses de la même prove- nance, ont comblé le ravin et les excavations latérales qui de- vaient être, à une époque assez reculée, d’une profondeur im- SÉANCli DU 5 AVRIL 1858. 398 mense, car, ayant trouvé ces mêmes grès à l’état roulé dans le dépôt quaternaire des environs de Catane, je crois que les immenses courants de cette époque ont pu creuser tous ces ravins, et peut- être même ce sont eux qui ont marqué la forme de toutes nos vallées . Pliocène . En suivant toujours cette direction avant d’arriver à la vallée du Symethus, on rencontre des collines de marne ou de sable iso- lées, puis des collines à couches de grès alternes, avec marne bleue, qui sont assez tourmentées, fracturées, avec des failles énormes et des bancs tout à fait redressés ; en un mot, ces collines présentent toutes les traces d’un soulèvement. Dans la vallée même du Symethus, il y a eu érosion de ces grès ; mais, comme des sentinelles avancées qui tiennent à garder leur place, on aperçoit, le long du lit du fleuve, des espèces de quilles en grès avec leurs flancs rongés et taillés à pic. Ces grès, que j’appellerai les grès du Symethus, descendent de la tour Anralone, suivent la ferme de la Cavaliera et de Mannararo, là sont interrompus par le Symethus qui les a rongés, et apparaissent de nouveau sur la rive gauche, dans la ferme de la Buffa et de la Raisa. Un peu plus loin, à San- Giovannello, ces grès plongent au-dessous des argiles pliocènes avec lesquelles ils sont en contact, et à Seiltino ces dernières sont surmontées par les cailloux quaternaires. Les marnes bleues qui accompagnaient ces grès peu agrégés cessent tout à coup en cet en- droit, où ces dernières passent à l’état de sable, plongent à l’E.-N.-E., et se perdent sous les argiles et des anciens courants de lave qui les recouvrent. Ailleurs, on ne les voit plus paraître, si l’on excepte toutefois une crevasse de la vallée de San-Biagio, près du volcan boueux de la Salinella . où ces couches ont été soulevées avec les argiles, et à la Cativa. Maintenants! l’on revient un peu sur ses pas, et qu’on se place sur la crête la plus bouleversée de ces collines que nous avons laissées près des monts Cucca et Mannararo, et qu’on regarde entre Carcaci et Aderno, on aperçoit la roche basaltique, en masse noire homogène, surgir au milieu de ces grès ; puis, en tournant les yeux du côté de Sicudia et Biancavilla, on voit plusieurs masses basaltiques, quelquefois en colonnes articulées et en boule qui, par la cassure, s’enlèvent par couches concentriques, et présentent au milieu des vésicules tapis- sées de cristaux de carbonate de chaux. Je reviens à mon pays natal, Catane, ville très ancienne, dont NOTE DE M. GRÀVINÀ. 399 l’origine se perd dans la nuit des temps, habitée autrefois par les Cyclopes et lesTyriens, plus tard par les Grecs et les Romains, florissante alors dans l’agriculture, les lettres et les arts. Théâtre des guerres et des dévastations des barbares, elle fut prise et re- prise, saccagée, réduite en cendres, et de nouveau rétablie par les vainqueurs ou les vaincus charmés de son beau ciel et de son sol fertile. Placée près du centre des phénomènes volcaniques , cette ville a subi les mêmes vicissitudes que ses habitants. Exposée à ces accidents continuels qui se lient à l’état incandescent du noyau terrestre, elle a vu souvent ses riantes campagnes enva- hies par les laves, ses édifices écroulés, son sol fendillé, et une partie de ses habitants ensevelis sous les cendres. La ville actuelle de Catane est bâtie en grande partie sur d’an- ciens courants de lave, quelquefois sur le tuf volcanique ou sur les anciennes ruines de la ville, d’autres fois sur les bancs de grès qui alternent avec les sables pliocènes; enfin, quand on ne trouve aucune de ces roches, on est obligé de creuser jusqu’à la couche imperméable d’argile sur laquelle on jette les fondements. En sortant de la pôrte Ferdinanda, à l’ouest de la cathédrale de Catane et à trois cents pas à peu près sur la route de Païenne, on trouve à gauche un chemin traversé par un petit courant de lave de 1669 qui conduit aux collines des terres fortes. Quelques pas plus loin, sur la lisière de la route, on rencontre le ravin de la Limosina, et à sa gauche l’ancienne carrière d’argile exploitée pour la fabrique des tuiles et des briques, aujourd’hui en partie couverte par les immondices de la ville et remise en culture. Yoyant qu’elle m’offrait une coupe qui reproduisait en miniature presque tous les dépôts successifs des collines des terres fortes, je l’ai prise : Coupe de V ancienne carrière d’argile dite Fossa clella Creta. t. Tuf volcanique, lm,30; blocs et conglomérats, lm,50 ; q. sables jaunes, 2m,50 ; p , argile alternant avec petits lits de sable, 10 mètres. Dans cette coupe, le dépôt des blocs est très peu développé, les couches de marne et sable ferrugineux sont à peine visibles, de Vallon du Sourd. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. m même que celles des grès ; mais dans notre coupe ci-dessous on trouvera que presque tous les dépôts se suivent sur une grande échelle . Coupe des collines des terres fortes de Catane . Echelle de 80 millim. par kilom. pour la longueur. Je vous donne aussi une petite coupe du mont de l’Acquicella, à deux cents pas en dehors de la porte Ferdinanda, sur la route de Syracuse, pour vous montrer que le tuf repose directement sur les blocs. Coupe du mont dit V Acquicella. L’argile forme la base de toutes nos collines des terres fortes de Catane dirigées au sud, au sud-ouest et à l’ouest de cette ville. La couche la plus inférieure, que les ouvriers atteignent seulement dans les grandes sécheresses de l’été, est bleue ; elle a presque 1 mètre d’épaisseur. Les autres couches sont vertes, un peu jaunes à la partie supérieure; elles vont en s’amincissant de bas en haut, et alternent avec des petits lits de sable qui ne]dépassent pas 1 cen- timètre d’épaisseur. Ces argiles en bas sont grasses, onctueuses et fines; elles conservent, en cuisant au feu, les formes’] que lui a données le potier. En haut elles deviennent plus sableuses, et font plus d’effervescence avec les acides. J’ai évalué à peu près l’épais- seur de ces argiles à Nesima, chez M.F. Anzaloni, et à côté chez M. Papale, à 70 mètres d’épaisseur. C’est dans l’argile jaune supé- rieure qu’on trouve les fossiles dont je vous donne la liste |à la fin de cette note. C’est aussi dans ces argiles supérieures qu’on trouve, dans NOTE DE M. GRAVINA. 401 un petit rav ) à côté de la route de San-Toraclo, beaucoup d’em- preintes de feuilles dicotylédonées, et à Cesali, dans une marne noirâtre, beaucoup de lignites. À la partie inférieure, ces fossiles sont rares et plus difficiles à extraire. J’ai trouvé dans les terres fortes, à Acitrezza et dans la vallée de San-Biagio, beaucoup de foraminifères, d’oursins et autres fossiles inédits. Les couches de ces argiles, à la nouvelle carrière de la fosse de la Creta , sont un peu tourmentées, tandis qu’à Cefali, Nirreti et Acitrerra , ces mêmes couches sont presque redressées. Scibles et grès. Le dépôt qui succède à ces argiles, est un sable formé de pe- tits grains de quartz plus ou moins chargés d’oxyde de fer. Ces sables alternent à la partie supérieure avec des bancs de grès grossier plus ou moins ferrugineux et compacte, à ciment calcaire, et d’une épaisseur qui varie depuis 10 centimètres jusqu’à lm,20. Dans ce dépôt, je n’ai trouvé que des Spondylus gœderopus , des Murex brçindqris et quelques Bucciniun. Dans la ferme du Sordo de M. le baron Bruca et dans les environs, ces sables et grès attei- gnent près de 50 mètres d’épaisseur; elles s’étendent dans toutes les collines des terres fortes, depuis Tiriti j usqu’au Symethus,etde là se continuent à Çimino, Poggio Falcone, Fontanazza, Cisira, Recu- perelii, San-Martino, Asmondo, Serraci, Bicocca, Bombacaro et Limosina. Au nord et au nord-est de Catane, le dépôt des grès manque, et la petite couche de sable qui les précède a été soulevée avec les argiles et les basaltes par les agents du foyer central. Sables ferrugineux et marnes . Le dernier dépôt du pliocène qui recouvre les sables et grès précédents est une alternance de couches minces de sables fer- rugineux avec des marnes argileuses et des marnes calcaires. Ces dernières contiennent plus de AO pour 100 de carbonate de chaux, de l’alumine, de la silice et des nodules qui, outre ces éléments, contiennent un peu de magnésie. A Bombacaro, dans une ferme des pères Bénédictins, ces marnes calcaires atteignent jusqu’à 25 centi- mètres d’épaisseur, et je les ai exploitées avec avantage pour l’amendement des terres; elles se délitent très bien à l’air et à la rosée. Dans le vallon des deux Alambichi, entre Santo-Torado et le Télégraphe, ce dépôt dépasse 15 mètres. A Camulio, propriété Soc. gcol. , 2e série, tome XV. 26 SÉANCE DC 5 AVRIL 185S. 402 des religieuses deSanto-Placido, à 280 mètres au-dessus du niveau de la mer, ces couches sont aussi considérables , et contiennent des bancs d’ Huîtres, d’Anomyes et de Pecten qui, ne trouvant pas de rochers dans ce milieu, se sont attachés les uns aux autres, et forment des espèces de petits récifs. Ce dépôt est constant dans presque toutes les collines des terres fortes, à moins toutefois qu’il n’ait été dénudé, comme je le prouverai par la suite. Profil de la colline de Cefali. Ici il faut faire une remarque de quelque importance. D’abord j’avais réuni les grès grossiers et les sables ferrugineux et marnes à l’étage pliocène , parce que j’avais trouvé dans les couches quelques fossiles marins analogues à ceux de l’argile (1), tandis que dans les dépôts de transport violent je n’avais jamais trouvé que des fossiles exclusivement terrestres ; mais ensuite j’ai remarqué à Cefali les argiles et la petite couche de sable jaune qui les recouvre redressées, et les graviers avec cail- loux et blocs erratiques demeurent dessus horizontalement, et sont évidemment en stratification discordante avec elles. De plus, à la Leucatea, à Acitrezza et Caste llo, à Nirreti, en un mot, partout au nord, on trouve les argiles et la petite couche de sable redressées, et l’on ne trouve aucune trace des grès ni des marnes supérieures. Donc les argiles au nord de Catane ont été émergées par les basaltes comme les calcaires de Syracuse au sud, et ont laissé entre eux un golfe qui se prolongeait alors jusqu’au-dessous de Paterno, où se sont déposés les grès gros- siers, les marnes supérieures et les autres dépôts que nous exa- minerons bientôt. Quelques observations sur les fossiles du pliocène. A la fin de cette note, se trouve une liste des fossiles du plio- cène. Sur ikh espèces, d’après M. R. -A. Pliilippi, 15 espèces seulement seraient perdues, et 129 vivraient encore dans les mers (1) Je donne une liste séparée de ces fossiles à la fin. NOTE DE M. GRATINA. 403 actuelles. Parmi les espèces éteintes, IA ont été trouvées par M. Philippi à Nizzeti et à Cefali, et l’une (le Dentalium elephan- tinurn , L.) qu’il rapporte au calcaire de Girgenti, de Buccheri et de Calatabiano, a été trouvée à Acitrezza, par M. Gemmeliaro fils, dans une excursion dans laquelle il m’a suivi. Parmi les 129 espèces fossiles, M. Philippi en a trouvé 115 identiques avec celles qui vivent dans la Méditerranée, et IA, selon lui, appar- tiendraient à d’autres mers. Alcide d’Orbigny, dans son Prodrome de paléontologie s trati graphique , passe en revue 60 de ces espèces, dont 1 qu’il rapporte à son étage 25, 9 à son étage 26, et 50 à son étage 27. La majorité reste donc acquise en faveur du sub- apennin ou pliocène ; mais dans son Cours de paléontologie et géologie stratigraphiques , il paraît que d’Orbigny est d’avis que ces espèces sont presque entièrement perdues, et en cela il serait en opposition avec M. Philippi, comme du reste il le dit ouver- tement dans le § 5 A de l’introduction de son Prodrome . Alluvions anciennes ou pliostocène. C’est en étudiant de près la nature de ces sédiments que j ’ai pu me rendre compte de leur provenance et de la manière dont ils se sont déposés. Voici la liste de toutes les roches et des fossiles les plus répandus dans cette formation. 4. Sable ou marne. 2. Grès quartzeux, à ciment siliceux, plus rarement à ciment calcaire. 3. Quartzites. 4. Basaltes globulaires, et, plus rarement, basaltes massifs et homogènes. 5. Brèche calcaire, à ciment siliceux, et brèches siliceuses plus rares. 6. Grès avec Nummulites et Orbitolites. 7. Macigno. 8. Schistes fissiles, composés essentiellement d'alumine et de mica. 9. Calcaire nummulitique et calcaire compacte ou marneux. 4 0. Granité granulaire à mica d’argent ou à mica noirâtre. 4 1 . Leptinite avec petits cristaux de grenat, quelquefois mou- cheté par le mica. 4 2. Gneiss, beaucoup de variétés. 4 3. Micaschistes, beaucoup de variétés. 4 4. Grès crétacé fossilifère. 4 5. Roches quartzeuses. 4 6. Diorite à fascicules d’amphibole. m SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. 17. Débris de cristaux de gypse. 18. Grauwacke métamorphique. 19. Nodules de carbonate de fer. 20. Des. Astre a et des Acrosmilia , et autres zoophytes roulés. 2 1 . Des défenses d’ÉIéphant qui tombent en poussière en les dé- terrant, et dont je possède plusieurs débris. 22. Enfin, beaucoup d’Hélix et de Cyclostomes qui me paraissent analogues aux espèces vivantes. Ce qui m’a frappé beaucoup, c’est la grande quantité de ces roches feldspathiques, amphiboliques et micacées, qu’on trouve dans ces dépôts quaternaires; mais ensuite en les examinant depuis Cefali jusqu’à Licudia, et à la Capella, près de Ramacca, en tra- versant toute la plaine de Catane, je me suis convaincu que, dans toute cette étendue, il faut distinguer, pour les courants qui ont accumulé toutes ces matières de transport, un flot général venant du nord-ouest et se partageant en deux branches, Tune passant entre Maletto etFroina, l’autre entre ce dernier pays et Leonforte, et convergeant toutes les deux vers la plaine de Catane. A la pre- mière de ces branches, qui est la plus étendue, se rattache la grande coupure de la vallée du Symethus qui aboutit aux montagnes de Caronia, près du cap Calava, où nous connaissons, d’après la belle carte géologique de M. J. Hoffmann, l’existence de ces roches. En effet, ces roches granitiques aboutissent d’un côté depuis Licudia jusqu’à Cefali, et parallèlement à cette ligne depuis Costantina et Baé jusqu’à la Finouhiara ; réunies à tous les autres matériaux, elles se sont répandues d’abord dans toutes les hauteurs depuis Licudia, Paterno, Valcorrente, Terres Fortes , et ensuite dans la basse plaine de Catane. Probablement tous ces dépôts s’étendaient beaucoup plus au nord, mais pour le moment je ne peux pas en tracer les limites de ce côté, où ils sont recouverts par les laves. A la seconde branche, il faut rattacher la coupure du Dittaino, et la petite coupure de Gurna-Longa qui a formé la haute plaine de Catane qui aboutit à la Ligona et Ligonella d’une part, et à la Finouhiara de l’autre, où se termine le plateau de Catane, dans lequel je n’ai pu trouver aucune des roches en question, mais principalement des grès, des calcaires, des schistes fissiles, des sables et des marnes. Ce n’est pas seulement la nature des roches qui m’a aidé à reconnaître la provenance de ces courants, mais aussi les dénudations existant dans ces deux sens, les traces de blocs superficiels énormes épars dans ce trajet, et enfin le sens des vallées qui sont toutes découpées dans les deux directions que nous venons d’indiquer, ce qu’on peut du reste vérifier dans NOTE DE M. GRAVINA» 405 la grande carte de la Sicile de M. le baron de Sclimetteau, tirée de l’Office topographique de l’état-major, où elles ont été très bien marquées. Les matériaux apportés par la première branche de ces courants forment à la partie inférieure un conglomérat de cailloux, dont le diamètre varie de 1 à 10 centimètres et qui sont soudés par une quantité notable de carbonate de chaux provenant de l’éro- sion des marnes calcaires. En effet, on trouve dans tous ces pou- dingues une grande quantité de nodules magnésiens qui caracté- risent le dépôt précédent. Ces poudingues sont recouverts par des graviers provenant de l’érosion de grès et de roclics quartzeuses, sur lesquels reposent des blocs qui ont depuis 10 jusqu’à 90 centi- mètres de longueur. Les gros blocs sont toujours en grès, en ba- salte ou en quartzites. Ces blocs sont aplatis, plus ou moins allon- gés et à angles arrondis. Je les ai très attentivement examinés pour tâcher d’y découvrir ces petites raies que M. Ed. Collomb a remarquées dans le diluvium alpin et M. Scipion Gras dans le Dauphiné, mais inutilement : notre diluvium ne présente rien qu’on puisse assimiler à des moraines. La , plus grande épaisseur de tous ces matériaux de transport peut atteindre, près de Tiriti et dans la vallée du Cafaro, de 30 à 40 mètres. La composition minéralogique et la provenance des roches des poudingues semble être la même que celle des blocs. Les points les plus élevés où ont été déposés les cailloux et les blocs entraînés par ces courants, sont Licudia, Scittino, Paterno, Tiriti à 305 mètres au-dessus de la mer, Misterbianco à 214, Gardillo à 295, Camulio à 280, Monte- Pô à 252 mètres (1). Les autres collines situées à l’E., S.-E., S., S. -U. de la Motta, à 271 mètres, que nous pouvons prendre comme centre de ce dépôt, vont en diminuant de hauteur vers la mer d’une part, et vers le Symethus de l’autre. Les autres matériaux apportés par la deuxième branche de ce courant sont des conglomérats de cailloux avec graviers, sur les- quels reposent des marnes noires avec blocs épars, dont je vous ai exposé la composition plus haut. Ici on ne remarque plus cette grande quantité de carbonate de chaux qui agglutinait les dépôts de la première branche ; mais en revanche on y rencontre des blocs en grès bien plus considérables, parmi lesquels j’en ai mesuré qui avaient plus de 2 mètres de longueur sur lm,20 de largeur. (1) Les chiffres des hauteurs de Tiriti, Gardillo, Camulio et Monte- Pô, sont dus à l’obligeance de M. l’ingénieur civil Gaspard Nicotra; les autres ont été pris dans l’ouvrage de M. J. Hoffmann. 406 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. Dans la haute plaine, ces matériaux reposent tantôt sur des sables ou sur des marnes, mais près des Perrieri, ils reposent sur le cal- caire giuggiulena des ouvriers, au sujet duquel je donnerai, dans ma prochaine note, quelques détails; j’ajouterai une liste nom- breuse de ses fossiles et de ceux du calcaire de Syracuse, dont je prépare en ce moment un envoi pour M. le professeur Meneghini. Si nous réunissons par la pensée tous ces grès épars dans la vallée du Svmethus aux couches de grès et marne qui plongent au-dessous de Biancavilla et Licudia, et à celles qui sont au- dessous de Centorbi, de même si nous recomposons toutes les dénudations existant dans l’éocène des vallées du Dittaino et Gurna-Longa, nous aurons une plaine doucement inclinée vers l’est et le sud-est, Par conséquent, toutes ces matières de transport, entraînées par ces courants diluviens, n’ont rencontré aucun obs- tacle pour se déposer au niveau où nous les voyons maintenant ; mais à mesure que ces courants et ces blocs avançaient, ils ont dû corroder et miner les matières qui offraient le plus de prise à l’ac- tion des eaux ; c’est de la sorte que les grès et marnes friables de l’éocène des vallées du Dittaino et Gurna-Longa, et les sables et les argiles du pliocène de la vallée du Symethus, ont été attaqués de préférence. En même temps que ces affouillements avaient lieu et que les eaux commençaient à baisser, les matériaux précé- demment amassés ont dû former une digue formidable à ces courants mêmes qui, ne trouvant pas d’autre issue, ont dû aug- menter leur pouvoir destructeur en raison de la résistance, jusqu’à ce qu’ils se soient frayé un passage, et ont formé la grande vallée du Symethus d’une part, et les deux autres coupures plus au sud. C’est à cette période décroissante d’affouillement qu’on doit rap- porter cette dénudation immense de tout le quaternaire qu’on remarque depuis Paterno jusqu’à Yalcorrente, et ce creux consi- dérable dans la direction de la Motta qui a formé la vallée de Cafaro, où s’est ramassée l’arrière-garde du charriage diluvien. Les ravins de la Limosina, Bombacaro, Fontana, Rossa, Butta- ceto, Amandorla del Cave, Branco, Landro, etc., prennent nais- sance dans de hautes collines, et sont dus à l’action érosive des eaux pluviales et torrentielles de nos pays qui tendent de plus en plus à dénuder leur sommité, et à entraîner ces blocs, ces sables et ces cailloux au pied des collines et dans les plaines sous-jacentes ; mais à l’époque de cette immense débâcle dont nous avons parlé, toutes ces coupures secondaires n’existaient pas encore : la do- lérite de Motta , Paterno et le cirque doléritique de San- Biagio parurent immédiatement après. Ils démantelèrent tous NOTE DE M. GRÀVINA. 407 ces dépôts quaternaires, et contribuèrent sans doute par ces fen- dillements et déchirements de toute espèce à donner le relief à nos collines, et à former les lianes de ces ravins qui sont tous ouverts vers le S.-S.-E. En effet, à Paterno, on trouve en- core, au temple de la Consolazione , les argiles pliocènes soulevées* et les graviers et cailloux quaternaires altérés et souvent empâtés dans la dolérite même. A San-Biagio, M. Sainte-Glaire Deville, notre collègue et mon maître, a observé l’effet produit par les dolérites sur le quaternaire ; mais c’est surtout aux environs de la Motta que l’on peut étudier encore mieux ces bouleversements. C’est enfin à cette même époque de la dolérite et des volcans boueux de San-Biagio et de Paterno que l’Etna a dû apparaître en débutant par une grande émission de tuf et de bombes vol- caniques ; car c’est le dépôt qui vient recouvrir immédiatement en stratification discordante les blocs et les conglomérats (1). .4, Tuj volcanique . Ce tuf est en général formé d’une alternance de petits lits de sable et de lapilli mêlés à des petits cailloux analogues à ceux du poudingue, et à des nodules magnésiens semblables à ceux des marnes supérieures, ce qui prouve qu’il s’est emparé sur son pas- sage des matériaux préexistants. A la partie inférieure de ce tuf, on remarque de petites couches de tripoli rose ou jaune pâle, qui varient de 5 à 15 centimètres, et sont en général plus épaisses inférieurement. A l’aide du microscope d’Oberhauser et par un grossissement de 500, j’ai vu que ce tripoli contient des my- riades d’individus du genre Gaillonella , quelques Bacillaires et un autre genre que je n’ai pu déterminer. M. Pierre Lazaro, un des premiers orfèvres de Catane, a trouvé qu’il est excellent pour polir l’argent, le cuivre, l’acier, l’étain, le fer-blanc, et surtout pour dégraisser et polir tous les ustensiles de ménage. C’est une découverte qui sera utilisée, j’espère, au profit du pays. Ce tuf, je l’ai trouvé dans Catane même, à Saint-Augustin, à la Trinité et à Santa-Agata le Sciare; je l’ai suivi hors de la ville au Tortino-Vecchia, Acquiceila, à la ferme de Santa-Chiara, Limo- (1 ) Pour les émanations gazeuses de ces volcans boueux et les diffé- rents évents de la Sicile, on consultera avec plaisir les Comptes ren- dus de V Académie des sciences de l’année 1 856, t. XL, XLI et XL, III, et le Bull, de la Soc. géol ., séance du 15 décembre 1856, t. XIV, p. 254, etc., où l’on trouve les analyses savantes de M. Sainte-Claire Deville et des déductions théoriques d’une haute portée. SÉANCE BU 5 AVRIL 1858. h 08 sina, Santa-Agata, Bicocca , Bombacaro , ferme du Cardinal, Palme, Santo-Torado, Papale, Fossa délia Creta, Gioeni, Curia, Politi, etc. Dans ces deux dernières localités, ce tuf, oxydé et altéré au contact de la lave de 1669, est employé quelquefois comme ciment pour les constructions de la ville, mais le plus or- dinairement ce sont les graviers ou les sables rougis et torréfiés parla lave qu’on emploie comme ciment pour les constructions de la ville. Dans toutes ces localités, il se trouve soit au-dessus des blocs ou bien du conglomérat. A l’ouest de Catane, nous le trouvons encore au delà de Motta Santa-Anastasia, et nous le sui- vons dans toute la vallée du Cafaro, entre Paterno, la vallée de San-Biagio et le Symetbus. Je l’ai aperçu même au-dessus de Valcorrente. Son épaisseur au ravin de la Limosina, à San-To- rado, Acquicella et Tortinc- Vecchio, peut atteindre de 6 à 10 mè- tres; mais à Gioeni cette épaisseur dépasse 20 mètres. Ces couches sont en discordance avec les cailloux roulés; elles ont suivi tous les contours du sol sous-jacent et semblent s’être moulées dessus. Depuis Catane jusqu’à la Leucatea et au Tasano, ce tuf, soit qu’il ait été recouvert par les laves, soit qu’il ait été dénudé, manque. Dans ces deux localités, il prend un grand développe- ment; il a été préservé des agents érosifs par un bras de la lave de l’Ognina qui le recouvre. C’est ainsi qu’au Tasano il a près de 38 mètres d’épaisseur et près de 20 mètres à la Leucatea. Il y est en stratification discordante avec les argiles. Ce tuf diffère de celui des terres fortes, en ce qu’il contient des blocs de lave et du basalte en prismes articulés et en boule, mais à l’état roulé ; de plus, on y trouve beaucoup d’empreintes végétales et des troncs d’arbres placés horizontalement, dont la moelle et l’aubier ont été détruits, et laissent des trous qui se voient même de loin. Or ce tuf ayant été disloqué, comme je le démontrerai par la suite, toute la partie exposée au sud, qui n’a pas été protégée par le basalto'ide, a été probablement entraînée par les pluies torren- tielles, et laisse à nu un escarpement absolument semblable à une falaise. Les blocs qui ont roulé au bas de la vallée étant analogues à ceux qu’on voit de nos jours dans la plage, ont fait penser à certains écrivains que le port d’Ulysse dont parle Homère s’éten- dait jusqu’à la Leucatea, et dans ces trous quenousavons indiqués, ils ont cru voir la place où étaient fixés les anneaux pour y atta- cher les galères. M. le révérend prieur Tornambeni, professeur de botanique à L Université de Catane. dans un mémoire très savant, a fait la NOTE DE M. GRAY INA. Ü09 description des plantes qu’on trouve dans le tuf de la Leucatea ; il les rapporte au Quercus ile.v , Linn., et à ses variétés foliis lancco - latis, foliis cllipticis , obavato- clipticis , eUiptico-elongatis^cpn vivent actuellement dans la région boisée de l’Etna. Nous avons dit qu’on trouve dans le tuf de Tasano des articu- lations de colonnes que je crois analogues à celles du basalte de Saint-Paul, duquel sans doute elles ont été détachées. Cependant, quoique ce basalte soit isolé au milieu des argiles qu’il a sans doute soulevées, quoiqu’il soit essentiellement formé de feldspath et de pyroxène, quoiqu’il soit noir et d’une pâte homogène, on a voulu le confondre avec le basaltoïde qui est gris, et contient toujours des gros cristaux de pyroxène et d’olivine irrégulière- ment répandus dans sa pâte. D’ailleurs je ne l’ai pas encore ren- contré en prismes ni en colonnes articulées et rayonnantes; mais la preuve la plus évidente qu’il n’est pas le même, c’est que, les prismes articulés du basalte étant mêlés au tuf et celui-ci étant recouvert par le basaltoïde, il est évident que le basalte de Saint- Paul préexistait au tuf et celui-ci au basaltoïde (1). On avait osé prétendre aussi que le tuf des terres fortes n’était point le mêmeque celui du Tasano, et cela d’abord parce que nous n’y avons pas encore trouvé de plantes, parce qu’il ne contient point de blocs, et enlin parce qu’on le croit exclusivement formé de débris de basalte. Quant à la première objection, je réponds qu’il n’y a encore eu dans les terres fortes aucun travail d’exploitation, et que peut-être par la suite je trouverai ces plantes désirées. Quant aux bombes et autres blocs, le tuf des terres fortes ne pouvait pas en contenir, parce que, étant éloignés de la source d’émission, ces blocs devaient s’arrêter plus près de celle-ci, par la raison toute simple que les sédiments les plus gros se déposent les pre- miers. Pour la troisième objection, il suffit de pénétrer dans le ravin de la Limosina, et d’examiner attentivement ces sables d’une petitesse extrême qu’on appelle cendres volcaniques, iden- tiques avec ceux du Tasano, pour voir qu’on ne peut les confondre avec tous les autres sables. ïls peuvent contenir cependant, comme ils contiennent en effet, quelques débris de basalte, de même que nous avons remarqué des basaltes globulaires et en prismes dans le tuf du Tasano ; mais la plus grande partie de la masse dans ces deux localités doit être volcanique. La présence de blocs arrondis dans le tuf contenant beaucoup de cristaux de pyroxène, (1) J’ai montré à sir Charles Lyell ces prismes articulés au milieu du tuf du Tasano. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858* MO dont je n’ai pas rencontré les analogues dans tous les basaltes de nos environs, et la présence de sables d’une petitesse extrême alternant avec les sables grossiers, les premiers ayant beaucoup d’analogie avec les cendres de l’Etna, et les seconds avec ses lapilli, ont été les données qui ont influencé mon opinion. D’ailleurs, quelle difficulté y a-t-il à admettre que les cendres re- jetées par l’Etna à cette époque présentent à peu près les caractères de la dolérite qu’on a confondue avec les basaltes, et qui est l’an- neau de passage entre les basaltes et le basaltoïde, comme celui- ci montre la transition la plus évidente entre la dolérite et les laves (1)? Comment en serait-il autrement pour cet immense dépôt de tuf? Pourrait-on admettre la continuation d’une chaîne basal- tique entre les basaltes d’Acitrezza, Saint-Paul et Licudia, qui aurait été recouverte par les laves; quand cette idée, qui n’est maintenant qu’à l’état de présomption, sera confirmée par l’ob- servation, je m’inclinerai devant elle; mais ceux qui soutiennent que le tuf du Tasano est un dépôt de l’Etna, tandis que le tuf des terres fortes serait un dépôt basaltique, auraient-ils cause gagnée pour cela? Point du tout, ils seraient toujours inconséquents avec eux»mêmes. Puisqu’ils nient l’existence des basaltes de Saint- Paul; à plus forte raison ils nieront la suite d’une chaîne basaltique entre Acitrezza et Saint-Paul ; car alors ils ne pourraient plus soutenir que le tuf du Tasano soit volcanique (2). Enfin si toutes les raisons que je viens d’exposer n’étaient pas suffisantes, n’avons- nous pas dans les terres fortes de Catane ces mêmes couches de tripoli à Gaillonclla pareilles à celles de la Leucatea? Le tuf de la Leucatea et du Tasano s’étend au delà du Canalic- chio ou se perd sous la lave de l’Ognina, mais plus loin il reparaît au-dessous de San-Gregorio, de Nizzeti et d’Acitrezza. Dans ces dernières localités, de même que dans la vallée du Cafaro, je n’y ai pas trouvé de tripoli. Or, ces infusoires ne pouvant exister que dans l’eau, il devait y avoir à cette époque un lac qui s’étendait d’une part depuis le Tasana jusqu’à la Leucatea placés au nord, et de l’autre aboutissait à Santo-Torado, au sud, en traversant la fosse de la Creta à l’est et la ferme de Gioeni à l’ouest, seuls en- (1 ) J’ai accepté ce nom de dolérite : 1 ° par respect pour mon maître, M. Cordier, ayant trouvé, dans les notes rédigées à son cours, qu’il considère cette roche comme d’une formation très récente ; 2° parce que c’est M. Sainte-Claire Deville qui l'a adopté le premier en Sicile pour ces mêmes roches. (2) Le mot volcanique doit être pris comme provenant de l’Etna. NOTE DE M. GRAYINA. au droits où j’ai trouvé le tuf avec tripoli. Ainsi ce lac pouvait avoir à peu près 9 à 10 kilomètres de circonférence, et était plus élargi au nord et se terminait en pointe au sud. Cette petite chaîne, depuis Acitrezza, Nizzeti, Catira, Tasano et Carrubella, ayant été soulevée et traversée par le basaltoïde, une espèce de mouvement de bas- cule a eu lieu, qui a élevé Catira, Acitrezza et Castello. En même temps le côté opposé à la ligne de soulèvement s’est affaissé ; les vallées de Nesima, Albanelli, Nicito, Mezzo-Campo, ont été for- mées, et le lac a été rejeté plus à l’ouest; toute la partie placée au sud de la Leucatea, du Tasano et de la Carrubella, ayant été crevassée et inclinée vers la mer, a été ravinée par les eaux pluviales qui peu à peu ont mis à découvert les argiles plio- cènes (1). Permettez-moi maintenant de vous dire comment j’ai dé- couvert le soulèvement du basaltoïde. L’année dernière, je suis monté à la Catira pour ramasser des fossiles. Là j’ai trouvé M. Thomas Console, de Pedara, qui occupait des ouvriers à faire sauter à la mine ces grandes masses de basaltoïde, dont il em- ployait la pierre à faire des levées pour soutenir la terre tout autour d’une petite butte ; c’est ainsi qu’il a conquis à la culture près d’un hectare de terrain qu’il a planté en vigne. Dans cette excursion, je fus surpris de trouver au milieu de l’argile un grès altéré, très dur, sans fossiles, dont les caractères minéralogiques étaient identiques avec ceux des grès de la vallée du Syinethus qui a été sans doute soulevée avec le basaltoïde lui-même par les agents volcaniques. D’ailleurs, nous avions déjà remarqué que ce dépôt des grès supérieurs ne se trouve nulle part au nord de Ca- tane ; par conséquent le morceau de grès qu’on aperçoit à la Catira appartient aux grès inférieurs. De plus, les argiles de Nizzeti et d’Acitrezza sont de plus de 90 à 100 mètres plus basses, et l’on ne trouve pas de basalte autour qui eussent produit un soulèvement antérieur ; mais ce qui m’a encore frappé le plus dans cette localité, c’est que si l’on creuse à une certaine distance dans l’argile, on (1 ) M. F. Ferrara, dans la description qu’il donnede l’état de Catane et de ses environs avant l’arrivée de la lave en 1 669, dit : A l’occident de la ville existait le lac de Nicito, formé par les affluents voisins. Il était environné d’arbres et d’assez jolies campagnes parsemées de charmantes maisons, qui rendaient cette vallée agréable et riante. Le lac et la vallée avaient six milles de circuit et 20 pieds de profondeur. Le fleuve de flammes arrive, et en six heures il comble tout le lac de Nicito et la vallée environnante. St. di Catania, p. 184 et suiv. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. m trouve difficilement des fossiles, tandis qu’à proximité dubasaltoïde on aperçoit certains trous où on peut les ramasser à la pelle, et, de plus, ils sont mêlés à de petits cailloux de grès arrondis, à des cristaux isolés de pyroxène, et à des matières fondues et arrondies du même basalloïde qui sont analogues aux bombes volcaniques. De ces dernières, on en trouve autour de ce petit cône en grand nombre et de différentes dimensions. Ces cailloux et ces coquilles ont fait croire à quelques-uns que la Catira était la plage du pliocène; mais s’il en était ainsi, ces cailloux devaient être aplatis et pas ronds, et les fossiles usés comme à Auvert, dans les faluns de la Touraine ou de nos plages, et sur une grande étendue ; mais puisqu’on 11e les trouve que dans des fentes assez limitées et mêlés aux cristaux isolés de pyroxène, il est plus raisonnable de croire qu’à la suite du soulèvement il y a eu un crevassement du sol, et que les eaux, en se précipitant dans ces fentes, ont produit des tourbillons dans lesquels les cailloux et les coquilles ont été pour ainsi dire amassés. Dernièrement, étant allé au Tasano, j’ai remarqué que le talus du tuf exposé au sud était incliné à 11 degrés et plongeait au N. -O., c’est-à-dire presque en sens contraire de la source d’émis- sion du tuf. Dans toute la partie exposée à l’E., il yiavait aussi des grandes fractures et des failles ; dès lors, je me suis convaincu qu’il y avait eu là un petit soulèvement. En effet, je suis monté en haut, où j’ai trouvé le basalloïde ; je l’ai suivi dans tous les sens; maisle terrain misenculturedepuislongtempsnelaissaitpoint apercevoir de traces du chemin par où il s’élait frayé un passage. Je me suis rappelé alors des travaux qu’on exécutait à la Catira, et le lendemain j’y suis allé. A mon grand étonnement, j’ai trouvé les flancs de la petite butte déchirés, et l’on pouvait distinguer assez facilement les argiles soulevées tout autour; j’y monte, et je trouve au milieu de ce mamelon l’argile calcinée ou réduite à l’état de brique. A côté, sur des grandes masses de basaltoïde, des schistes phylladifères tordus et recourbés, appartenant sans doute an terrain primitif qu’il avait traversé, et aux environs plusieurs morceaux de silicates à l’état vitreux. 11 était bien clair que la place où le basaltoïde avait pénétré la croûte consolidée était là ; car sa traînée, dirigée vers l’est, commençait en ce point. Le cône de ce petit mamelon est tronqué, mais il n’est pas creux ; il n’y a pas non plus cette accumulation de cendres, de scories et de lapilli, qu’on voit dans tous les petits cônes parasites qui s’élèvent sur les flancs de l’Etna, mais des cristaux de pyroxène isolés et les bombes que nous avons indiqués ci-dessus. Le basaltoïde ne présente pas ISOTE DE M. GRAVINA. M3 non plus la fluidité des laves, ni ces petites masses disjointes et scorifonnes, mais au contraire des masses énormes et à surface polie, quelquefois étendues en coulées étroites sur les lieux plats, et, dans ce cas, on aperçoit seulement à sa surface des parties sca- breuses, mais qui ne sont pas scorifonnes dans la rigueur du mot. Dans les pentes rapides parcourues par le basaltoïde, au lieu de former un courant étroit et de peu d’épaisseur comme nos laves, il se désarticule en masses irrégulières. Le basaltoïde présente deux variétés : l’une essentiellement pyroxénique et à gros cris- taux d’olivine, c’est la plus commune ; l’autre feldspathique et porphyroïde, c’est la plus rare. En un mot, cette roche, par ses caractères minéralogiques et par la manière dont elle a pénétré la surface consolidée du sphéroïde terrestre, doit être considérée comme une roche intermédiaire et transitoire entre la dolérite et la lave. Je l’ai rencontrée à la Carrubella, au-dessus de San- Paolo, au Tasano et à la Leucatea, puis à la Catira, Car- minello, Catorusato, San-Gregorio, Nizetti et Acitrezza, à peu près sur deux lignes parallèles, avec les mêmes caractères distinc- tifs, et formant des gibbosités quelquefois bien élevées. Dans cette dernière localité, il recouvre le basalte et le tuf qui est très altéré à son contact comme à la Leucatea. D’après tout ce que nous avons dit à l’égard du tuf, on voit très bien que l’Etna a paru immédiatement après le dépôt des blocs erratiques avec gravier ; qu’il a débuté par des grandes éruptions de bombes, de cendres, de lapilli, et peut-être même d’eau, à moins toutefois qu’on n’admette un laps considérable de temps entre son apparition et celle du basaltoïde, et l’existence des sources supérieures, pour former un dépôt aussi épais que celui du Tasano, ce qui, du reste, me paraît assez probable, et je me range même à cette opinion, ayant égard à la provenance tout Etnéenne de l’Amenanus. La tradition de nos anciens écri- vains, tels que Strabon (1), Tazello (2), Carrera (3), Recupero (4) et surtout Massa (5), nous apprend que le fleuve Amenanus tire sa source du lac Gorida (Giarrita) derrière l’Etna, et que les deux confluents qui se réunissaient près de Catane venaient, l’un de l’ouest et l’autre du sud de l’Etna, en passant par Kephale> source (1) Lib. 7, p. 153, Hist. unir. Ang, (2) Dec. 2, lib. 8, cap. I. (3) Mem. di Ccitaida , vol. I. lib. 2, cap. I, fol. 129 et suiv. (4) Slor. natur. et gen. delC Etna. (5) Sic, in P/Osp., part. I, f. 325. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. MA d’eau, aujourd’hui Cefali. Le fait est que ce fleuve devait être assez considérable ; car toute la partie basse de la ville de Catane était souvent exposée à des désastres dus à ses continuels déborde- ments (1). Il paraît même que l’Amenanus entraînait beaucoup de sable et formait des atterrissements (2). Aujourd’hui même, dans le bras de l’Amenanus, qui, après avoir cheminé sous terre, débouche dans notre port, on trouve beaucoup de sable, dont on ne peut pas révoquer en doute la nature volcanique. Enfin, puisque nous avons rencontré les tufs du vieux Etna à Yalcorrente et dans la vallée du Cafaro, placés à l’ouest de Catane, près de Paterno, que de là nous les avons suivis à l’est jusqu’au Canalicchio et Acitrezza, et au sud à la ferme du Cardinal et aux Palmes qui sont éloignés de 36 kilomètres du val del Bove, sans tenir compte ni des altitudes ni des vallées qui sont toutes coupées à l’est, il me paraît plus raisonnable de placer le vieux Etna un peu plus au sud du cratère actuel et entre les deux confluents de l’Amenanus qui ont probablement favorisé ce dépôt. Quant à l’âge réel de ce tuf, j’espère qu’à part les données strati- grapliiques, vous aurez bientôt le secours de la paléontologie; M. Heer dénommera les plantes nouvellement découvertes, et récemment, dans une excursion que j’ai faite avec M. Charles Cali, nous avons trouvé dans le tuf de Nizzeti, qui est là en stratification discordante avec les argiles, beaucoup de débris d’ossements de mammifères, mais peu caractérisables ; il n’est pas improbable que par la suite nous parvenions à trouver des dents ou des ossements plus complets ; mais jusqu’à ce que nous ayons ces données, on me permettra provisoirement de placer le tuf dans l’étage des alluvions anciennes ou quaternaires, et cela d'abord pour être conséquent avec nous-même , puisque nous avons considéré le basaltoïde, qui est apparu après le tuf, comme une roche transitoire entre la dolérite et les laves. Vous connaissez déjà l’époque relative de l’apparition des ba- saltes au nord de Catane, où ils ont soulevé le pliocène jusqu’à la petite couche de sable qui s’était déposée avant les grès supérieurs; vous connaissez à présent l’apparition des dolérites qu’il ne faut plus confondre avec les basaltes, attendu quelles ont soulevé le quaternaire et le prolongement du golfe de Catane où s’étaient déposés les grès et marnes supérieurs ; vous savez enfin l’époque (!) Jorello, dec. I, lib. 3, cap. I. — Cordaro, Hist. di Cat t. I, cap. VI, p. -HO. (2) Jorello, dec. I, lib. 3, cap. I. NOTE DE M. GRATINA. aïs de l’épanchement dii basaltoïde qui a soulevé le tuf, et qui coïn- cide avec l’apparition de roches analogues près du val del Bove, et a donné naissance à la période des courants laviques. Il ne me reste à vous faire connaître que l’époque de l’apparition des vol- cans éteints et des autres basaltes du val de Noto, et j’espère pouvoir le faire bientôt ; les premiers travaux sont toujours les plus rudes, mais une fois qu’on commence à s’orienter, la besogne marche plus vite. Dépôts de /’ époque actuelle . — - Alluvions récentes. Je considère comme appartenant aux alluvions des ravins, toute cette partie sous-jacente aux collines des terres fortes, à partir des fermes du Cardone, Juncetto, Magazzinaccio et du fief du Pan- tano, qui sont formées aux dépens des roches existantes dans leur bassin hydrographique. Je regarde de même, comme appartenant aux alluvions ré- centes, toute cette partie de la basse plaine de Catane, à partir de Carmito, Bomoicino, terres de l’Afiitto , Spina-Santa , Santa- Chiara, Terremuzza, Passo de Nanico et du Cavalière, comprises entre Binanti, Gurna-Longa, Dittaino etSymethus, qui s’étendent au sud par Mandarazzo, Cucumella, Ponte-Provisore, jusqu’à l’embouchure du Symethus, et au nord jusqu’au delà de Yilla- Allegra. Ce sont les bornes ordinaires des débordements du Syme- thus et de ses deux confluents qui ont formé un dépôt de sable marneux et de limon considérables. Ces limons sont très légers; ils contiennent beaucoup de débris végétaux et d’insectes qui y laissent leur détritus; ils sont d’une fertilité extrême, et des agriculteurs m’ont assuré qu’après un débordement ils ont semé trois années de suite en blé ces limons, et ont obtenu des récoltes fabuleuses. On a négligé jusqu’à présent la dérivation des eaux du Syme- thus qu’on peut considérer comme un grand torrent plutôt que comme un fleuve, attendu que, d'après M. l’ingénieur Dombrée, son débit à l’étiage ne dépasse pas 3 mètres cubes : ainsi dans la chaude saison, le bénéfice de l’irrigation se réduirait à très peu de chose; mais si au contraire, comme je l’ai dit à tout le monde dès mon arrivée en Sicile, on faisait la prise du Symethus pour faire du limonage au moyen de canaux à forte pente, pour que le limon se dépose avant d’arriver aux prés, alors le Symethus et les deux autres rivières, prises dans le même but, deviendraient le Nil de la plaine de Catane. De la sorte, on pourrait utiliser ces eaux chargées de principes fertilisants solubles et insolubles, et des gaz fécondants de l'atmosphère, à bonifier le sol, en v substi- tuant tous les principes enlevés par les précédentes cultures; on pourra de même faire à temps 1? ensemencement des blés, ce qui assure toujours les bonues récoltes, et le colmatage pour élever le sol des terrains marécageux, seul moyen de bannir la malaria qui nous empêche l'cté de sortir hors de la porte Ferdinanda. Dunes . Dans les grandes crues, ces limons et ces sables forment tantôt des îles auprès de l'embouchure du Symetlius ou des alluvions sur les bords, dont la plus grande partie est entraînée dans la mer, où, ne pouvant pas former des atterrissements à cause de la vio- lence des vagues qui viennent poussées par les vents du S.-E. de la côte de 1 Asie et de la Grèce, ils sont rejetés sur nos côtes plates. Il en résulte des énormes accumulations de sable jaune, dont les parties fines, poussées daus l’intérieur des terres par les vents du S.-E , de l’E. et du X.-E., forment des petites collines qui attei- gnent souvent de 10 à 20 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ces dunes sont situées au sud de Catane ; elles occupent 1 kilomètre à peu près de diamètre, et s’étendent depuis Villa-Arascoja jus- qu'à Presentiuo. au delà du Afurgo. 11 est regrettable de voir cette plage aride aux portes de Catane , où le Pinus pinea, le P. sjlvestris, le P. mari ti ma , et les palmiers croissent naturelle- ment, où d'autres essences viendraient aussi bien ; on pourrait de la sorte fixer mieux nos dunes, former une magnifique forêt aux abords de la ville, et nos descendants seraient préservés des miasmes des marées qui se trouvent dans cette direction, et du redoutable sirocco qui rend cette ville peu agréable pendant l'été. Dépôt des matières tenues en solution . Je vous ai dit que dans le pliocène des terres fortes le conglo- mérat des cailloux est rempli de carbonate de chaux ; que les ar- giles, les sables et marnes supérieurs contiennent aussi beaucoup de matière calcaire , dont s emparent les eaux pluviales qui suintent à travers les fentes et forment des incrustations ; mais c’est surtout dans les vallons qu' elles imprègnent une quantité plus ou moins notable de sable quartzeux, quelquefois même des parcelles de tuf, et suivant la grosseur ou la prédomiDauce de ces éléments; l’état d’agrégation et la proportion de la matière NOTE DE M. GU A Y INA. Al 7 calcaire, elles forment des tufs calcaires, du calcaire tuberculeux ou des grès quartzeux calcârifères, mais dans des espaces assez limités et sous une épaisseur qui ne dépasse pas 2 mètres. Dans la vallée du Cafaro, au-dessous de Paterno, et entre Licu- dia et ce dernier pays, on aperçoit sur une grande surface un cal- caire argilifère, plus ou moins compacte, dans les vallées et les surfaces planes, et montrant surtout, dans les fentes et les accidents de terrain, beaucoup de cavités vermiculées qui traversent cette roche. Ce travertin est du à des sources calcaires très abondantes dans ces endroits, et ne contient que des espèces terrestres appar- tenant à l’époque actuelle. Il est fort intéressant de voir au-dessous de Paterno un courant de lave en grande partie recouvert par ce dépôt. Soc. gcol. , 2* série, tome XV. 27 SÉANCE DU 5 AYRIL 1858. as Espèces vivantes g à l’époque actuelle, S ou perdues. FOSSILES. PLIOCÈNE. LOCALITÉS. 1 LAMELLIBRANCHES. Solen vagina, L *27 Argile . Cefali, Terres fortes. 2 — siliqua, L — » 3 Mactra siultorum, L *27 — )) 4 — triangula , Ren *27 — Cefali, Motta, T. fortes. 4 lis. Corbula nucléus, Lamk *27 — Cefali, Terres fortes. fi Erycina Renier i, Bronn *27 — Terres fortes. 6 Pandora flexuosa , Sow . . — Cefali. 7 Psamrnobia feroensis, L *26 — )) 8 Tellina nilida , Poli *27 j Terres fortes, Cefali. 9 — dislorta, Poli — » 10 — tennis , Maton et Koch — Cefali. 11 — pulchella, Lamk — » 12 Lucina commutata, Phil *27 — » 13 — lactea , Lamk — » 14 Donax trunculus , L *27 Sables. Catane. 1 K S-ihl ir-' Cefali. Catira, Nizzeti. 1 ü 16 Aslarte incrassata, Broc *26 Argile. I Cyrena Gemmellari, Phil — Cefali. 17 Cylherea Chione, L Sables. Catane. 18 — lincla, Lamk Argile. Terres fortes, Cefali. 19 — rudis, Poli — 1 Cefali. 20 Venus fasciala, Renev — T. fortes, Cefali, Nizzeti. 21 — • radicita, Broc... . *26 Sabl . , arg. ! Catane, Catira. 22 — gcdlina, L *27 Argile. Cefali, Terres fortes. 23 — verrucosa, L — Nizzeti. 24 Cardium eehinatum , L *27 — Cefali, Terres fortes. 11 — mullicoslatum, Broc *27 — Cefali. 25 — aculeatum, L *27 — » III — Mans, Broc *27 — )> 26 — luberculatum, L — Cefali, Terres fortes. 27 — papillosum , Poli *26 — Cefali, Nizzeti. 28 — exiguum, L — Cefali. 29 — lœvigatum, L — Nizzeti. 30 — edule, L *27 — Terres fortes. 31 — crassum, Desh — Cefali. 32 Cardiia aculeata, Poli *26 — Nizzeti. 33 — corbis, Ph — » 34 Area lactea , L. — Cefali, Nizzeti. 35 — diluvii, Lamk .. . — Nizzeti. 36 Peclunculus glycimeris , Lam. . .*27 — Catira, Nizzeti, vallée de 37 — pilosus , Lamk _ Saint-Biaise. Nizzeti, Catira. 38 — violacescens , Lamk.. . . . .*27 “ Cefali, Catira, Nizzeti. NOIE DË M. GRAYINA M 9 Espèces vivantes à l’époque actuelle, ou perdues. i FOSSILES. PLIOCÈNE. LOCALITÉS. 39 Nucula sulcata, Bronn *27 Argile. » 40 — margaritacea, Lamk *27 — Cefali, Catira, T. fortes. 41 — emarginata , Lamk *26 — Cefali. 42 Chama gryphoides , L — )) 43 Pecten Jacobeus, L . — Nizzeti, Catira. 44 — varius, L — Catira, Cefali. 45 — opercularis , L., Lk *27 — Catira, Nizzeti. 46 — maximus , L *27 — Nizzeti. 47 — aspersus, Lk — Motta, Terres fortes. 48 Spondylus Gœderopus , L *27 Sabl. , arg. Terres fortes, Cefali. 49 Ostrea cochlear , Poli *27 Argile. )> 50 — cristala , Lamk — ;> 51 — depressa , Ph — )) 52 Anomya ephippium , L *27 GASTÉROPODES. Cefali, Nizzeti. 53 Emarginula elongata , Costa — Cefali. 54 — solidula , Costa.*. — )) 55 Fissurella costaria , Desh *25 — Cefali, Terres fortes, 56 Calyptrea vulgaris, Ph — Catira, Nizzeti. 57 Bulla utriculus , Broc *27 — Cefali. 58 — truncatula , Brg *37 — )) IY Valvata striata , Ph — )) 59 Rissoa oblonga , Desm — Terres fortes, Cefali. 60 — monodonta , Rivon — Cefali. 61 — càlathiscus, Loskey Sables. Catane. 62 — Montagni, Payer *27 Argile Nizzeti. 63 — pulchella , Ph Cefali. 64 — Bruguieri , Pay — Nizzeti. 65 Eulima subulata , Donœ — Cefali, Terres fortes. 66 Natica Guillemini , Payr — Catira, Nizzeti: 67 — macilenta , Phil — » 68 — millepunctata, Lk *27 — Terres fortes, Cefali. 69 — sordida, Swains — » 70 — olla , M. de Serres *26 — Cefali. 71 Tornatella tornatilis, L — )> 72 Vermetus subcancellalus , Bivon... . — Nizzeti. V — intortus, Lamk — )> 73 — glomeratus , Bivon — Terres fortes, Nizzeti. 74 Siliquaria anguina , L — - Cefali. 75 Scalaria tenuicosta , Mich *27 — Cefali, Nizzeti. VI — commuriis , Lamk — Cefali, Terres fortes. Solarium stramineum, Gm — Cefali. 76 Trochus conulus, L *27 Cefali, Nizzeti SÉANCE DU 5 AVRIL J 858. Zi *20 C zl > ~C 2 2 9 3 ££ — « FOSSILES. Esj Z O O LOCALITÉS. 7 7 Trochus lœviqatus ?, Ph Argile. Catira. 78 — varius, L., Gm — Cefali. 79 — magus, L *27 — » VII I — rugosus, L — Nizzeti, Cefali. 80 — fanulum, L. — Nizzeti, 81 i — sanguineus , L — Cefali. 82 — Gutladauri , Ph *27 — Nizzeti. 83 — striatus, L — Acitrezza. 84 — canaliculalus, Lk — Cefali. 83 — Richardi. Payr — » 8G — Adamsoni , Pavr — » 87 Monodonta Vielloli, Payr — » 88 — Jussieui, Payr .... — » 89 Phasianella pulla , L — » 90 Turritella communis . Riss *27 — Nizzeti, Cefali>T. fortes. 91 Cerilhium perversum , Brg. ..... — Cefali, Nizzeti. 92 — lima, Brg — » 93 — lacteum , Phil — Cefali. 9 1 — vulgalum , Brg *27 — Acitrezza. 93 Pleuroloma Philiberti, Mich — 1 Nizzeti, Cefali. 96 — gracile , Mont — Cefali, Nizzeti, T. fortes. 97 — Vauquelim, Payr — Nizzeti, Cefali. 98 | — Ginnannianum , Scac — Cefali. VIII — maggiori, Ph — )> 99 — septangulare , Mont *27 — Nizzeti. 100 Fasciolaria lignavia , L — jCanalicchia. IX Fusus corneus , L — | Cefali. 101 — roslralus , Olivi *26 — Nizzeti. 102 1 — craticulatvs. Broc — Cefali, Nizzeti. 103 ! — echinalus , Sow — Nizzeti. 104 Murex brandaris , L *27 Sab!,, arg. Terres fortes, Cefali. 105 — truncatus, L *27 A^!e. Cefali. 106 — cris talus y Broc *27 Nizzeti, Terres fortes. 107 — Edwardi, Mke — j Nizzeti. X — vaginatus, de Cr. v. I. . . .*26 — j Nizzeti, Cefali. 108 Ranella lanceolata, Mke — Celali. 109 110 Chenopus pespeUcaniy L *27 Cassidaria tyrrhenay L — Catira, Cefali, Nizzeti. Cefali, Terres fortes. Cefali. 111 Cassis .undulata, L 112 Buccineum prismaticumy Broc. . . . — Catira. XI — musivum , Broc *27 — Nizzeti, Celali, T. fortes. 113 — ^scania, Brg Nizzeti. XII — var labile y Ph *27 — Catira, Nizzeti, Cefali. XIII — seinislriatuniy Broc... — Cefali, Nizzeti. NOTE DE ÏH. GRAY INA. 421 Espèces vivantes à l’époque actuelle, ou perdues. FOSSILES. i 63* « -63 O O LOCALITÉS. XIV Buccineum d’Orbignyi , Payr Argile. Cefali. 114 — mutabile, L — Cefali, Nizzeli. 115 — neriieum , h. ... , *27 — Cefali, Nizzeti. 116 — gibbosulum , L. . . — Cefali, Terres fortes. 117 — scrip'iUm , L — Cefali, Nizzeti. 118 — asperulum , Broc •— Cefali. 119 Columbeiîa ruptica , Lin — )> | 120 Mitra lutescens , Lam — Cefali, ÎSizzeti- 121 — Savignyi, Pavr — » 122 Bingicula auriculata , Men — » 123 Cyprea coccinella , Lam *27 — » 124 Conus mediterraneus, Brg — » 125 Dentalium dentalis , L v.*27 — Vallée de Saint-Biaise , Cefali, Nizzeti. 126 — enlalis , L — Nizzeti, Catira. 127 — fissura, Lamk .*27 — Cefali. 128 — strangulatum , Desh *27 — Cefali, Nizzeti. XV — elephantinum, L. . . i i Acitrezza. FLORE FOSSILE. Salicites catanea , Torn i ; Argile. Fossa délia creta, Ta- 1 sano. Quercus ! i f )> 1 Peclen varias, L Haro. Siip. Près du mont Cardillo.j 2 Ostrea cochlear. Poli — » 3 — plicatula, L — » 4 Anomya polymorpha, Phil. (1).. . . — » Murex brandaris , L Grès. Terres fortes. Buccinum mutabile , L — » — asperulum , Broc — » Spondylus gœderopus, Lin. — » 0) i Les chiffres arabes indiquent les espèces qui, d’après Philippi, se trouvent actuellement vivantes, et les chiffres romains les espèces perdues. Les astérisques indiquent les espèces rapportées dans le Prodrome de M Alcide d’Orbigny, et les numéros qui les suivent indiquent les étages correspondants. 42 2 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858, M. Hébert communique à la Société, au nom de l’auteur, le travail suivant : Tableau comparé des divers étages du lias , en diverses régions et suivant différents auteurs , rédigé par M. Engelhardt. Les travaux intéressants de M. le professeur Quenstedt sur le Jura du Wurtemberg, de MM. Chapuis et Dewalque sur le Luxem- bourg, Terquem sur la Moselle, etOppel sur le jurassique d’Alle- magne, de France et d’Angleterre, ont servi à bien déterminer les rapports des différentes couches du lias. On a remarqué que les marnes irisées du Keuper sont terminées par un grès jaunâtre, qui longtemps a été confondu avec les grès qui se trouvent un peu plus haut dans le lias inférieur. Ce grès supra-keuprique est couronné par une couche de brèche osseuse et de dents de poissons, que les Anglais ont appelée bone- bcd, et qui a été parfaitement reconnue en AVurtemberg et dans lé département du Bas Rhin. Immédiatement au-dessous de ce bone- bed , on vient de trouver dans le grès, au Wurtemberg, une série de bivalves que M. Quenstedt a désignées sous le nom de precur- sores, soit précurseurs du lias. Dans l’Allemagne du Nord et dans le département du Bas-Rhin, nous n’avons pas encore trouvé jus- qu’à présent ces précurseurs, mais seulement des empreintes de petites bivalves indéterminables. La position du grès de ÏTettange et du grès du Luxembourg est à présent bien fixée ; elle correspond au Malenstein et au Buchstein du Wurtemberg , et répond au groupe du lias caractérisé par X Am- monites angulatus, Schloth. ( catenatus , Moreanus et Charmassei , d’Orbigny). La limite supérieure du lias avait donné aussi lieu à quelques contestations. En France, on a considéré de tout temps les marnes à Ammo- nites opalinus comme étant du lias supérieur, mais on n’était pas certain de ce qu’on devait faire des grès jaunes qui leur sont su- perposés; d’autant plus que Conybeare donne à son marly-sand- stone des caractères incertains qui le rapprochent par ses fossiles autant du lias que de l’inferior oolite. Léopold de Buch avait cru devoir faire de ce groupe la base de son Jura inférieur, en y réunissant les marnes à Ammonites opalinus . M. le professeur Quenstedt a très bien établi déjà, dans son LETTRE DE Fil . BOUÊ. m Flotzgebirge Wurtemkerges , qu’il est difficile de poser une limite entre les marnes à Ammonites opalinus et le grès supraliasique avec mines de fer hydroxyde, et qu’il faut placer la ligne de dé- marcation du groupe de l’inferior oolithe , soit au-dessous des marnes à opalinus , entre ces marnes et le groupe des Ammonites radians et jurensis , soit au-dessus du grès, à la naissance des as- sises à calcaire bleu avec Ammonites Sowerbyi. Entraîné par l’exemple de de Buch et par des considérations sur la confor- mation du Wurtemberg, il a adopté la première de ces limites, et a commencé son Jura brun avec les marnes à Ammonites toru- losus , qui sont la première sous-division des marnes à opalinus. Les travaux judicieux de M. Marcou sur le Jura salinois, de MM. Levallois, Terquem et Jacquot sur la Meurthe et la Moselle, prouvent jusqu’à l’évidence que les marnes à Ammonites opalinus et le grès supraliasique avec fer hydroxyde font encore partie du lias, et que ce n'est qu’au-dessus de ce grès que commence l’oolithe in- férieure proprement dite, le bajocien d’Alc. d’ürbigny. Toutefois, il faut prendre bien garde de ne pas confondre le fer hydroxyde du grès supraliasique avec le fer oolithique du calcaire ferrugi- neux, qui le suit de tout près. Voici le tableau synoptique du lias de France, d’Allemagne et d’Angleterre: Le Secrétaire lit la lettre suivante de M. Ami Boue : Mon cher président, Vienne, le 19 mars 1858. Je vous prie de communiquer la note suivante à la Société géo- logique. Si ma réponse est tardive, c’est que je suis à 260 lieues et que le Bulletin est en retard. Ï1 s’agit de la question de savoir si les prétendus Nullipores du Leitha ■ Kalk ou du terrain tiéocène sont des algues , ou ne sont que. des concrétions organiques (Voyez Bull ., 1857, vol. XIV, pp. 407 et suiv.). Deux personnes, également chères à mon cœur, sont mes anta- gonistes dans cette question : d’un côté, Desnoyers, mon ancien camarade d’études géologiques sous M. Ménard la Groy, cet excellent et profond savant qui s’est vraiment illustré par son travail de 1829 sur les dépôts marins plus récents que les terrains tertiaires du bassin de la Seine; de l’autre part, Baidinger, cris- tallographe et physicien distingué, mon collègue de l’Académie ; néanmoins, je crois toujours qu’en science la vérité doit passer SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. hU avant le désir de complaire à un ami (Voyez mon Essai sur l'Ecosse, 1 820, préface, p. x). Heureusement mes deux amis n’ont pas l’orgueil de se croire infaillibles ; loin de là, ils professent l’amour de la vérité, du progrès. Or, il s’agit ici, relativement à Desnoyers du moins, d’une divergence d’opinion datant de trente ans. Quels pas énormes n’a pas fait la science, en général, et sur- tout celle qui s’appuie sur les observations microscopiques et chi- miques! Les instruments ont été perfectionnés, l’anatomie et la physiologie animale et végétale sont entrées dans des voies toutes nouvelles; des substances chimiques ainsi que des procédés ingé- nieux ont été découverts, qui permettent de faire avec exactitude des observations autrefois impossibles. Comparez, par exemple, les injections actuelles animales et végétales à ce qu’on pouvait produire de meilleur en ce genre il y a trente ans ; voyez les perfectionnements apportés à la photographie par l’application pratique de calculs mathématiques, par M. Petzval. Eh bien! lorsqu’il aura achevé la même réforme pour les microscopes, l’observateur pourra pénétrer encore plus loin dans les mystères de la vie organique, etc., etc. Je passe à mon sujet, car on doit me comprendre. Ma réponse à M. Haidinger reste toujours la même; d’ailleurs ses observations ont été faites à la loupe et non au microscope. Tout ce qu’il décrit est vrai [Berichte tien MittlhcMung. r. Fr. d. Naturwiss . in fVien , 18à8, vol. IV, p. Zià3-ûà6), mais cela n’em- pêche pas que sa conclusion ne soit fausse. Les figures qu’il donne sont précisément celles de groupes de varechs calcarifères. Les for- mations pisolithiques n’affectent point des formes si régulières, ce qu’il reconnaît lui-même en disant que, s’il avait raison, ces formes si remarquables ne constitueraient qu’une nouvelle division reliant les pisolithes a ces jormes ramifiées produites quelquefois par des infiltrations calcaires ou même ferrugineuses dans des sables ou grès désagrégés. Personne ne sera surpris de voir des masses testacées, car de tels encroûtements, ou plutôt sécrétions calcaires, s’ob- servent toujours autour et au point d’attache des algues calcari- fères sur le roc. Comme on l’a très bien dit, la nature a donné à ces plantes cette faculté de sécrétion ou précipitation calcaire pour les rendre moins fragiles, parce que leurs habitations ordinaires sont des récifs ou rochers battus par les flots ou exposés à l’in- fluence de courants. La note de M. Desnoyers m’a surpris, en ce sens qu’il a cru pouvoir tirer de ma communication une déduction qui était fort LETTRE DE SI. EGL'É. Zi25 éloignée de ma pensée; je veux parler de l’absence de polypiers dans ces faluns. Ils en sont pleins ; Desnoyers et tous ceux qui ont décrit ces amas calcarifères en ont été étonnés et les ont plus ou moins bien indiqués. Comme aujourd’hui, ils recon- nurent souvent les varechs. La question n’est point là, mais elle consiste à déterminer de quelle nature inorganique, végétale ou animale, sont les parties à structure concrétionnaire, rameuse, en choux-fleurs, etc., qui paraissent former la masse principale au moins de notre Leitha-Kalk et d’une partie des faluns. Or, ces parties à formes si particulières varient considérablement; elles nous présentent souvent une touffe entière de varechs calcarifères, et, tout aussi fréquemment, des branches ou rameaux isolés, des fragments de ces derniers ou des débris roulés, méconnaissables à la loupe même. Etablir un passage de l’une à l’autre de ces di- verses formes est une chose des plus aisées. La véritable structure pisolithique ne s’y trouve jamais quand on considère ces objets sous le microscope. Le Mémoire de M. Unger, qui n’est pas encore imprimé, est accompagné de dessins au microscope; il sera inséré dans le re- cueil des Mémoires de ? Académie de Vienne. in-4°. Nous n'en connaissons que le court extrait suivant : « Le docteur Reuss, tout en reconnaissant que beaucoup de per- » sonnes croient à l’origine végétale de nos restes singuliers du » Leilha-Gebirge, a cru devoir en faire son Nidiipora rnmosissima . » Philippi a prouvé indubitablement que plusieurs des formes » organiques calcaires, placées jusqu’ici parmi les zoophytes » marins, n’étaient que des algues d’un genre particulier, dont il » a fait les deux genres Lithothamnium et Lithophyllum. En sou- » mettant les restes organiques en question à l’action d’un acide » mélangé d’eau, on enlève le calcaire et il ne reste que le tissu vé- » gétal, qu’on ne peut méconnaître. On y reconnaît que ce der- » nier consiste en des tuyaux parallèles, qui sont unis ensemble » par des communications latérales. Le calcaire est sécrété et se » dépose aussi bien dans la substance gélatineuse ou la membrane » enveloppante, que dans l’intérieur même des parties élémen- » taires elles-mêmes, où se trouvent aussi, à côté, de riches dépôts » d ’ A my lu ni ,* de telle manière que le tissu est converti en une » substance compacte et uniforme. Ce sont donc des plantes qui » se pétrifient, pour ainsi dire, elles-mêmes, et dont la vieneper- » siste qu’aux extrémités, comme chez les polypiers. Par divers » moyens et procédés d’observations, notre habile phytologue a » pu déterminer que le Leitha-Kalk n’est composé en grande partie h 26 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. » que des restes de pareils végétaux. » Attendons donc toute sa découverte. Enfin, dans son Mémoire , il parlera aussi de la couleur rose ou rousse que conservent encore assez souvent ces touffes, fragments ou débris de varechs calcarifères. Or, on sait que cette coloration est particulière à beaucoup d’algues; si elle était due à la présence accidentelle du fer ou du manganèse, elle ne serait pas restreinte à ces seuls corps organiques, mais s’étendrait dans la masse adja- cente ou entourante, ce qui ne s’observe jamais. C’est une colora- tion probablement non métallique, peut-être due à l’iode, comme beaucoup d’autres dans le règne végétal. Haidinger n’a pas pu trouver un mot pour expliquer cette particularité , et Desnoyers n’en parle pas. La comparaison visuelle de ces pétrifications avec ce qui existe encore dans la nature sur nos côtes, avec ou sans couleur rose, a été aussi produite à l’Académie par M. Unger. Les preuves sont convaincantes, à mon avis. M. Michelin fait observer que les recherches de M. Damour semblent avoir résolu la question que discute M. Ami Boué dans la lettre précédente. M. Scipion Gras lit la noie suivante : Examen de quelques assertions de M . d’ A r chia c relatives à V association des coquilles du lias aux végétaux houillers dans les Alpes ; par M. Scipion Gras. Dans la séance de l'Académie des sciences du 22 février der- nier, où une discussion s'est élevée sur l’association des plantes houillères aux coquilles basiques dans les Alpes, M. d’Archiac a émis les propositions suivantes : « Le mélange des plantes houil- » 1ères avec des coquilles du lias, en admettant sa réalité, est un » fait encore si restreint , constaté sur une si faible épaisseur et » dans si peu de localités, en supposant même qu’il y en ait plu- » sieurs, ce dont je doute, qu’il ne peut être regardé que comme » un accident fortuit Cette association, en opposition avec tout »> ce que présente l’histoire de la vie à la surface de la terre, n’est » qu’une apparence trompeuse Tout ce qui a été dit depuis » lors (depuis la première observation de M. Elie de Beaumont) a » concouru seulement à faire connaître des fossiles du lias sur di- » vers points, et des plantes houillères sur d’autres, mais non NOTE DE M. SC. GRAS. A27 » d'une manière absolue l’association ou la contemporanéité des » premiers avec les secondes (1). » Nous devons faire une réponse détaillée à ces assertions extraites textuellement et à d’autres phrases exprimant les mêmes idées, car elles ne tendent rien moins qu’à annihiler de nombreux et consciencieux travaux entrepris sur la constitution géologique du terrain à anthracite, travaux dont nous sommes devenu solidaire en y prenant une part assez étendue. Nous allons montrer que M. d’Archiae n’a pas tenu compte d’un principe élémentaire de géologie pratique; que, par suite, il a apprécié inexactement ce qui a été écrit depuis trente ans sur les couches anthracifères ÿ enfin qu’il a confondu deux choses très distinctes, les faits et les théories. Le principe de géologie dont M. d’Archiac n’a pas tenu compte est celui-ci : lorsqu’un groupe de couches renferme des coquilles sur un point déterminé, si l’on peut suivre d’une manière rigou- reuse le prolongement stratigraphique de ce groupe, le prolonge- ment entier doit être considéré comme contemporain du point où les coquilles ont été trouvées. En effet, si, dans l’étude d’une con- trée, on ne pouvait rapporter à tel ou tel terrain que les lieux très circonscrits où il existe des fossiles, il n’y aurait plus de descrip- tion géologique possible. Dans les Alpes anthracifères, le prolon- gement visible et continu d’un groupe de couches peut être con- staté sur plusieurs myriamètres de longueur. Cela tient à deux circonstances qu’il est bon de rappeler. Dans ce pays, les soulève- ments ont parfaitement mis à découvert les tranches des assises et leurs caractères extérieurs ; en sorte que, si l’on veut s’en donner la peine, on peut les suivre sur de très longs espaces, sans cesser de les voir ni de les toucher. En outre, ces assises sont composées de roches d’une nature et d’un aspect très différents, savoir : les unes de calcaire, les autres de grès et de schiste argileux : de plus, elles alternent ensemble ; on ne court donc aucun risque de les confondre. Sans sortir de la Tarentaise, de la Maurienne et des Hautes-Alpes, on compte au moins sept à huit points différents où l’on a découvert des coquilles du lias (2). Les lieux où l’on rencontre des végétaux houillers sont beaucoup plus nombreux. Des recherches persévérantes nous ont appris que, sauf quelques (1) Compte rendus, t. XLVI, p. 393. (2) Ces points, en général éloignés les uns des autres, sont : Petit- Cœur, le col de la Madeleine, entre la Chambre et Moutiers, un point situé prèsdu pied des Aiguilles (f Arvc, les environs d e la Grâce, SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. *2 > exceptions, toutes les grandes assises calcaires pouvaient être ratta- chées rigoureusement aux gîtes de coquilles, qu’il en était de même des assises arénacées relativement aux gîtes de végétaux , qu’ainsi, en parlant de cet ensemble de couches, les expressions assises cal- caires et calcaires à fossiles du lias étaient synonymes tout comme celles dû assises aréneiceysj. et de grés à empreintes houillères (1). Ce premier point étant établi, nous allons voir quelles en sont les conséquences. M. d’Archiac avance que, depuis la première observation de M. Elie de Beaumont, tout ce qui a été écrit sur cette partie des Alpes a concouru seulement à l'aire connaître ici des coquilles du lias, là des plantes houillères, mais non, d’une manière absolue, la contemporanéité des premières avec les secondes. Cela peut être exact, si l’on sépare les gîtes de fossiles du prolongement des couches qui les renferment, mais il n’en est plus de même si l’on a égard à ce prolongement: en effet, la plupart des mémoires pu- bliés depuis trente ans sur le terrain à anthracite ont eu précisé- ment pour objet d’indiquer les relations mutuelles des grandes assises qui renferment les unes des coquilles, les autres des végé- taux ; d’où l’on a pu conclure d’une manière certaine que ces restes organisés appartenaient à la même époque géologique. En 1828, M . Elie de Beaumont (2; a publié avec beaucoup de détails une coupe générale du système anthracifère, depuis le pied du col de la Petite -Olle (frontières de la Savoie) jusqu’au sommet du Chardonnet (Hautes-Alpes). Il a trouvé que ce système découches était composé de huit groupes alternativement calcaires et aré- nacés. Dix à douze ans plus tard, nous avons repris la même coupe en parlant de la Grave, point situé à 22 kilomètres S.-S.-E. du les environs de Fillette, le col des Encombres, les environs de Mont- Dauphin. On doit y ajouter Saint-Ours, sur les frontières des Basses- Alpes, où le terrain anthracifère est bien caractérisé. (1) Que dirait-on à un géologue qui, partant de ce fait que les couches calcaires du terrain anthracifèrede la Belgique ne renferment pas partout des fossiles, s’aviserait, de soutenir, dans l’intérêt de quel- que théorie, que ces couches sont carbonifères là où il y a des coquilles, et crétacées ou jurassiques là où il n’y en a pas? On lui répondrait probablement qu’il émet une de ces hypothèses qui ne méritent pas d’être discutées. Nous croyons que l’on pourrait faire la même réponse à la supposition analogue que les assises calcaires de la Tarentaise sont basiques dans les lieux où l’on trouve des fossiles du lias, et carboni- fères ailleurs. Au reste, nous ne croyons pas que cette supposition ait jamais été faite. (2) Annales des sciences naturelles , t. XV, p. 353. NOTE DE M. SC, GRAS. /|29 col de la Petite-Olle. En nous dirigeant de là vers le Chardonnet, nous avons retrouvé exactement les huit groupes de M. Elie de Beaumont avec les mêmes relations stratigraphiques (1). Déplus, nous nous sommes assuré, ainsi que nous l’avons dit plus haut, que ces groupes étaient tous le prolongement visible soit de couches à Bélemnites, soit de grès à empreintes, en sorte que l’on pouvait affirmer qu’il y avait dans cette partie des Alpes une succession de huit assises distinctes, caractérisées alternativement par des fossiles du lias et par des plantes* houillères (2). M. Elie de Beaumont s’était arrêté au sommet du Chardonnet. Nous sommes allé plus loin, jusqu’à l’extrémité orientale du système anthracifère, en continuant à couper les couches perpendiculairement à leur direc- tion. Cette nouvelle étude nous a fait découvrir la succession en sens inverse d’assises semblables à celles du côté occidental et en même nombre; elles n’en différaient que par des variations d’épais- seur et par des détails de composition nynéralogiquè. De là, nous avons suivi leur prolongement dans toute l’étendue des Alpes anthraci Pères de la Savoie et du Dauphiné. A peu près à l’époque où ces recherches nous occupaient chaque année, MM. Fournetet Sismonda, et même encore M. Elie de Beaumont, parcouraient dans tous les sens les mêmes montagnes et recueillaient des faits nombreux. Bien avant eux, M. Brochant, l’un des géologues les plus consciencieux et les plus habiles qui aient illustré la France, avait étudié la Tarentaise dans toutes ses parties. Les observations de ces hommes éminents ont été consignées dans des mémoires bien connus. Comparées entre elles et aux nôtres, elles peuvent différer dans les détails ; il était impossible qu’il en fut autrement; mais quant au jond , savoir la constitution géologique du système anthracifère, il y a accord unanime. Tous considèrent ce système comme essentiellement composé de grandes assises alternativement calcaires et arénacées ; ils ne doutent nullement qu’elles ne soient (!) Annales des mines , 5e sér. t. V, p. 473. (2) Nous ignorons si M. Élie de Beaumont a observé à plusieurs reprises la succession des couches que nous avons étudiées après lui. Quant à nous, que nos fonctions ont appelé chaque année pendant quinze ans à parcourir l’espace compris entre la Grave et le Char- donnet et à visiter cette dernière montagne, nous avons vérifié un grand nombre de fois, et sur des points différents, la coupe que nous avons mentionnée. Toutes nos observations ont été concordantes. Il n’y a, sous le rapport stratigraphique, aucune différence entre les super- positions des grès sur les calcaires et des calcaires sur les grès; les unes et les autres sont positives et parfaitement claires. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. â30 inséparables sous le rapport de l’âge, car il est réellement impossible de supposer partout des plissements alors qu’on n’en observe nulle part. En outre, ces mêmes géologues, conformément au principe élémentaire sur lequel nous avons insisté, ont cru devoir identifier avec leurs prolongements les parties de ces assises où se trouvent des restes organisés. En conséquence, ils ont donné comme certain que l’essence même du terrain anthracifère était de renfermer dans son sein, sur une immense longueur, des calcaires à fossiles du lias et des végétaux houillers (1). Que signifient, en présence de faits aussi nombreux et aussi solidement établis, les vagues sup- positions d’ apparence trompeuse et d’ accident fortuit? Est-il bien sûr que IV! . d’Archiac ait eu une idée nette de ce qu’il a cherché à contester? Il nous reste à faire observer que la réunion de coquilles ba- siques et de plantes houillères dans le sein d’un même terrain est en contradiction, non pgs avec les autres faits paléontologiques, mais avec les conséquences qu’on en a tirées, ce qui n’est pas la même chose. Nous insisterons sur cette distinction, car le plus souvent on a négligé de la faire dans les discussions relatives aux anthracites des Alpes. La conséquence fausse, à notre avis, que l’on a tirée de faits d’ailleurs très exacts, est celle-ci : il suffit que deux groupes de couches renferment les mêmes espèces de co- quilles pour que, d’après l’ensemble des faits connus, on soit en droit de les rapportera la même époque géologique. Nous pensons que cela ne suffit pas. En effet, il ne résulte nullement de l’obser- vation que des faunes coquillières semblables n’aient pu, dans cer- tains cas, vivre à des époques très différentes. Nous croyons l’avoir montré assez clairement dans une note publiée récemment (2), pour être dispensé d’y revenir. Avant nous, un savant, qui joint à de profondes connaissances en paléontologie le mérite d’être un excellent géologue , avait émis à peu près les mêmes idées. M. Barrande, en créant sa théorie des colonies , a, par le fait même, admis en principe que deux faunes distinctes , constamment su- perposées dans le même ordre quand elles sont réunies, peuvent cependant avoir été contemporaines, même à de petites distances. Ce principe, qui a passé presque inaperçu parce que M. Barrande n’en a fait qu’une application très restreinte, renferme au fond (1) M. Brochant n’avait pas d’abord trouvé de Bélemnites dans les calcaires; plus tard, il a reconnu la réalité de leur existence, et son opinion est devenue identique avec celle de ses successeurs. Bull, delà Soc. géol , 2e sér., 1857, t. XIV, p. 562. NOTE DE M. SC. GRAS. 4SI toute une révolution paléontologique, et une révolution heureuse, car il enlève aux théories actuelles, depuis longtemps station- naires, ce qu’elles ont d étroit et d’exclusif : il les rend aptes à progresser (i). (1) Afin de jeter des doutes sur les inversions que l’on remarque quelquefois, dans l’ordre habituel de succession des faunes coquil- lières, on a souvent demandé pourquoi de pareils faits n’étaient ordi- nairement observés que dans les pays montagneux, surtout lorsqu’ils sont très tourmentés. Ilest facile de répondre que, dans les plaines, les couches étant horizontales, on ne peut explorer la constitution paléon- tologique et géologique du sol qu'à la surface ou à une très petite profondeur; que souvent même cela est impossible à cause des dépôts de transport qui masquent les terrains plus anciens. Il n’en est pas de même dans les montagnes où presque à chaque pas on voit, quelque- fois sur d’immenses hauteurs, les relations mutuelles de couches carac- térisées par tel ou tel groupede fossiles. Aussi est-il exact de dire que sur mille points de la surface terrestre propres à mettre en évidence des faits de géologie paléontologique, il y en a neuf cent quatre-vingt-dix- neuf situés dans les montagnes. On doit en conclure que s’il y a des suc- cessions ou des associations de fossiles s’écartant de ce que l’on observe le plus ordinairement, il y a neuf cent quatre-vingt-dix-neuf chances contre une qu’on les rencontrera dans les pays où les couches ont été bouleversées. Il en résulte égalementqu’en se bornant à faire des obser- vations dans les pays plats ou peu accidentés, on s’expose à n’avoir que des idées incomplètes et mêmes fausses en géologie et en paléontologie. Ceci nous conduit à examiner une autre assertion souvent reproduite, qu’il est imposssible de faire sûrement de la stratigraphie dans les montagnes parce que le sol y est disloqué; c’est là une grande erreur. L’étude des montagnes demande des observations nombreuses , faites avec précaution et discernement, mais, en définitive , elle conduit à des résultats aussi certains que si l’on avait exploré une contrée à couches horizontales, parce que la multiplicité des superpositions évi- dentes et toutes concordantes entre elles compense largement le petit nombre de celles qui sont douteuses ou en apparence contradictoires. On peut, par conséquent, affirmer que si deux groupes de couches sont communs à la fois à un pays uni et à une chaîne de montagnes, la po- sition relative de ces groupes pourra être établie sans sortir de la chaîne avec autant de sûreté que si l’on se bornait à des observations dans la plaine. On serait fort embarrassé de donner des preuves du con- traire. 11 est essentiel d’ajouter que l’on a beaucoup exagéré les dérange- ments que les soulèvements ont apportés aux couches, et que l’une des I causes de cette exagération a été précisément l’opinion admise cip rïori, I que l’ordre de succession des fossiles indiqué par les géologues des | plaines était une loi générale. Lorsqu’on a rencontré des exceptions à cette loi, on ne s’est jamais permis le moindre doute sur l’infaillibilité SÉANCE I) U 5 AVRIL 1858. h 32 Ce que nous venons d’exposer nous conduit aux conclusions suivantes : il existe une contrée étendue, comprenant la Taren- taise, la Maurienne et le Br rançonnais , où l’on rencontre tantôt sur un point, tantôt sur un autre et quelquefois réunies dans le même lieu , des coquilles du lias et des empreintes végétales houil- lères. Les masses minérales qui renferment ces restes organisés ne sont pas des roches isolées, sans liaison stratigraphique avec ce qui les entoure; ce sont, au contraire, des assises parfaitement carac- térisées, dont le prolongement est visible sur d’immenses lon- gueurs. Ces assises alternent réellement ensemble, non pas sur un, sur deux ou sur trois points, mais dans toute l’étendue du pays, c’est-à-dire sur une surface d’environ 35 myriamètres carrés. On n’aperçoit dans tout cet espace ni failles, ni replis, ni contourne- ments qui puissent faire soupçonner que les alternances ne soient pas naturelles et que, par conséquent, tout cet ensemble de couches n’appartienne pas à une seule époque géologique. Voilà des faits bien définis, qui n’ont été annoncés par M. Elie de Beaumont qu’après un mûr examen, que nous avons nous-même vérifiés et précisés en y employant dix ans de travaux. Chercher à les an- nuler par de simples doutes non motivés, par de vagues conjec- tures ou des suppositions hasardées, c’est perdre son temps et sa peine. Il y a quelque chose de mieux à faire dans l’intérêt de la science, c’est de prendre les faits paléontologiques partout où ils existent, aussi bien dans les Alpes qu’ailleurs, pourvu qu’ils soient revêtus d’un degré suffisant de certitude, et de les faire tous con- courir à la découverte des véritables lois qui ont régi autrefois la vie à la surface du globe. M. Triger prend la parole à ce sujet; il prétend avoir observé entre le Mont-de-Lans et leFreney une succession de couches qu’il considère comme pouvant être le résultat d’un double plissement. Il conclut de cette observation que l’on ne doit point rejeter trop promptement l’hypothèse des plissements, des auteurs ; on s’en est pris aux couches ; on les a torturées, repliées, dénudées; on çt renversé les montagnes; on aurait volontiers changé l'axe du mondé, plutôt que de permettre aux fossiles des inversions déclarées d’avance impossibles. De nombreuses observations, faites avec cette disposition d’esprit, ont eu pour résultat, d’un côté, d’ajouter beaucoup de dislocations imaginaires à celles dont les soulèvements ont été la cause ; de l’autre, de dissimuler presque complètement les cas où les anciens êtres organisés se sont affranchis, dans leur naissance et dans leur propagation, des règles étroites qui leur ont été assignées. NOTE DE M. VÊZIAft. Ù33 par laquelle certains géologues prétendent expliquer la position relative des plantes houillères et des fossiles jurassiques dans les Alpes. M. Sc. Gras répond qu’on ne doit voir, dans les prétendus plissements dont parle M. Triger, que de simples alternances de couches, telles qu’elles se présentent constamment dans le terrain anthracifère des Alpes. M. Virlet fait observer à M. Triger qu’on a tort de vouloir trop généraliser les phénomènes de plissements ; que, tout en reconnaissant la réalité de ceux qu’il signale dans le terrain houilîer de l’Anjou et de la Sarthe, ainsi que ceux bien plus généralement connus et plus multipliés de la même formation dans le nord de la France et de la Belgique, puisqu’ils ont été en quelque sorte l’un et l’autre le champ de ses premières ob- servations géologiques, il n’en est pas moins vrai que ce sont là, par rapport à l’ensemble des terrains houillers, de véritables exceptions 5 qu’il en est de même dans les grandes chaînes de montagnes et notamment dans les Alpes, où les mouvements de terrains ont été très nombreux sans doute, mais où les plisse- ments proprement dits sont généralement très rares, et que les géologues stratigraphes, dans tous les cas, ne se laissent pas tromper par ces accidents quand ils se présentent, comme le supposent quelquefois un peu trop gratuitement les paléon- tologistes. M. Yézian lit le mémoire suivant ; Essai d’une classification des terrains compris entre la craie et le système miocène exclusivement , par M. Alexandre Yézian, docteur ès sciences. Je me propose, dans ce travail, de reprendre la question du terrain nummuîitique au point où l’a laissé mon mémoire ré- cemment communiqué à la Société géologique. J’essayerai d’abord de mettre en évidence la composition de ce terrain , considéré sous son faciès marin, dans le bassin de la Méditerranée. Pour atteindre ce but, je comparerai mes observations en Catalogne aux recherches de MM. Leymerie et d’Archiac dans le départe- ment de l’Aude, et à celles de MM. Rozet, Lory et Renevierdans la région des Alpes. L’état actuel de nos connaissances ne me Soc. géoi . , 2e série, tome XV. 28 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. MA permet guère de donner une plus large base à mes généralisations. Je rechercherai ensuite quelles sont les formations lacustres qui correspondent aux formations marines précédemment classées. J’énumérerai aussi les formations qui recouvrent les unes et les autres et avec lesquelles on ne doit pas les confondre. Cette étude me conduira, en dernier lieu , à reconnaître le parallélisme des couches qui, dans le bassin de la Mediterranée et dans celui du nord de la France, constituent la partie du terrain tertiaire com- prise entre les systèmes crétacé et miocène exclusivement. Dans un sujet aussi vaste et aussi controversé, je m'efforcerai, pour ne pas abuser de l’attention de la Société, d’être bref et de n’effleurer que les points principaux. Formations marines du bassin méditerranéen . Dans une note sur le terrain nummulitique de la province de Barcelone, je crois avoir établi que ce terrain se composait de cinq étages distincts. 11 me reste à démontrer que ce classement est très probablement l’expression de la vérité, non-seulement dans Iq. province de Barcelone, mais aussi dans tout le bassin de la Méditerranée. On me reprochera sans doute d’avoir trop multiplié les coupes qui partagent le terrain nummulitique en parties indépendantes. Je répondrai que l’état incomplet de nos connaissances en ce qui touche ce terrain m’a obligé, au contraire, à restreindre les divi- sions. Sa puissance moyenne ne peut pas être évaluée à moins de 4500 mètres. Au Mont-Serrat, près de Barcelone, celle de l’étage que j’ai désigné en lui donnant le nom de cette montagne, atteint plus de 9QQ mètres. D’après M. de Verneuil, le terrain numinu- î i tique peut $vojr de 1 500 à 1800 mètres d’épaisseur entre Yich et Olot (1). Son développement vertical atteint, aux environs de Biaritz, d’après M. Thorent, plus de 2000 mètres (2). Il n’y a donc rien d’exagéré à donner à chacun des cinq groupes dont se compose le terrain nummulitique anté-pyrénéen une puissance moyenne de 300 mètres, et à considérer chacun de ces groupes domine ayant la valeur donnée au mot étage. Cette opinion est d’autant plus admissible que ce grand développement dans le sens vertical n’est pas acquis, ainsi qu’on l’observe pour beau- (1) Bull. Soc. géol ., 2e sér., t. X, p. 81. (2) D’Archiac, Hist. prog. géol.9 t. III. NOTE DE M. VÊZIAN. 435 coup de dépôts tertiaires plus récents, aux dépens de l’extension dans le sens horizontal. En cherchant à déterminer les parties qui viennent, sur un même niveau, constituer un même horizon géognostique, j’ai consulté les analogies générales plutôt que les caractères paléon- tologiques, car ceux-ci manquent encore de précision. Le cin- quième étage se détache seul de la série épicrétacée par un carac- tère très net, pris dans sa faune, et ce caractère, l’absence de Nummulites, est négatif. Les autres étages renferment un grand nombre d’espèces communes ; parmi ces espèces, qui ont , en quelque sorte, le don de l’ubiquité, je citerai les Nummulites Ley - meriei , Biaritzensis et Rnmondi , var. d. Pour distinguer ces étages les uns des autres, j’ai tenu compte du faciès général de leur faune, de leur constitution pétrographique et de leur ordre constant de superposition, plutôt que de la présence à un même niveau de quelques espèces caractéristiques. Ici, et par exception, l’étude stratigraphique d’un terrain marche de pair avec l’observation paléontologique, et, dans une certaine mesure, en est indépen- dante. Étage montserrien. — Aux environs de Barcelone , cet étage se décompose en deux assises : l’inférieure offre des macigni et des poudingues constamment rougeâtres et dépourvus de fossiles ; l’assise supérieure se compose de marnes, de macigni et de cal- caires argileux ; ses roches sont grisâtres et montrent les premières Nummulites. Dans les Corbières, d’après la classification de M. Leymerie, ces deux assises sont respectivement représentées, la première, par les poudingues, les grès et les marnes d’Aîbas et d’Alet; la deuxième, par les marnes d’Albas et de Tonjoncouse (1). Dans le mémoire que M. d’Archiac vient de publier sur la géologie du département de l’Aude, cet éminent géologue place, au-dessous de la formation nummulitique, le groupe d’Alet qui constitue, selon moi, le terme correspondant de l’étage montser- rien. Mon opinion est fondée sur 1 identité de situation géognos- tique et sur la similitude de composition pétrographique. Dans l’un et l’autre cas, on voit les mêmes alternances de roches sans fossiles, poudingues, grès, marnes et argiles également rougeâtres ou panachés. L’analogie se retrouve même dans les modifications apportées à la composition, soit du groupe d’Alet, soit de l’étage (!) Mèm . Soc . géol. , t. I, 2e sér« SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. h 3G montserrieu. Si, dans les Corbières, les roches si variées que je viens de nom mer sont quelquefois remplacées par des assises presque exclusivement formées de poudingue calcaire (vallée de l’Orbieu et de ses affluents), il en est de même de la province de Barcelone. Les marnes, les grès et les calcaires qui entrent par égale partie dans l’étage montserrien sur un grand nombre de points, sont uniformément remplacés, dans le voisinage du Mont- Serrat, par une masse excessivement puissante" d’un poudingue partagé à de rares intervalles par des bancs argileux peu épais (1). D’après M. d’Archiac, le groupe d’Alet correspond au terrain alaricien de Tallavignes ; un pareil rapprochement doit donc être établi pour l’étage montserrien Dans le département des Hautes-Alpes, cet étage, réduit à une épaisseur qui ne paraît pas dépasser 20 mètres, est constitué par une assise que M . Lory désigne sous le nom de grès et conglo- mérats inférieurs sans fossiles (2). Dans le Valais, ces conglomérats inférieurs, et avec eux l’étage montserrien, disparaissent, ce qui indique dans cet étage une tendance à se simplifier vers le N.-E. (3). Pareille tendance existe pour lui vers l’O. et vers le S.; d’où on peut conclure que la Ca- talogne est le point où la mer, qui recevait les premiers dépôts nummulitiques, atteignait sa plus grande profondeur. Les grès et les poudingues nummulitiques, si développés dans le nord de l’Espagne, ne se retrouvent plus dans le sud, ou du moins y sont fort rares [U). M. de Verneuil, en signalant ce fait, l’attribue à un simple changement de faciès qui cesserait dans le sud d’être côtier. Je ne puis admettre cette explication, à laquelle ce géologue éminent n’attaclie sans doute aucune importance; dans le sud comme dans le nord, la mer où se déposaient les couches nummulitiques était également voisine des terres émergées. A mesure qu’on se rapproche de l’extrémité occidentale de la chaîne des Pyrénées, l’étage montserrien tend également à dispa- raître. La coupe prise par M. de Verneuil à San-Viante, près de Santander, semble indiquer le terme de cette tendance. « De San- Viante à Columbus, dit ce géologue, le calcaire à Nummulites (4) Bull. Soc. géol.j 2e sér., t. XIV, p. 460 et suiv, (2) Ibid. , t. XII, p. 17 et suiv. (3) Ibid., t. XII, p. 97. (4) Ibid., t. X, p. 84. NOTE DE M. YÉZIAN. ù 37 prend un grand dévelopement ; quant cm terrain alaricicn , il n'y en a pas de trace (1). » Étage castellien. — Dans la province de Barcelone, cet étage se compose principalement d’un calcaire brunâtre ou grisâtre. Il se partage en deux assises : l’assise inférieure offre des alternances de couches marneuses et calcaires et nous montre les premières Num- mulites de grande taille; la seconde est exclusivement calcaire. Aux Nummulites se mêlent des polypiers, des Pecten et autres bi- valves, des gastéropodes et surtout des Natica} des Gerilhium , qui impriment par leur abondance un caractère particulier à cette assise. Dans les Corbières, les termes correspondants de l’étage castel- lien sont évidemment le calcaire compacte de Lagrasse (classifica- tion de JVJ. Ley merie) ; l’étage n uni nm/i tique inférieur ou calcaire à Milliolites (classification de M. d’Archiac) (2). Dans le département des Hautes- Alpes, il faut rapporter à l’étage castellien les couches de grès et d’argile noirâtres que l’on voit, dans les coupes fournies parM. Lory (3), se superposer im- médiatement aux conglomérats inférieurs. Ces couches renferment, outre les Nummulites, des bivalves nombreux, des Natices et des Gérithes. Leur nuance foncée est en rapport avec les bancs de combustible qu’elles contiennent; ces bancs de combustible n’ont pas encore été signalés en Catalogne, ni dans la région pyrénéenne occidentale. On les retrouve dans la Savoie, où l’étage castellien est constitué par une assise peu puissante de roches diverses, tou- jours colorées en noir par une matière charbonneuse et renfermant des bancs de combustible, toujours caractérisées par la présence desCérithes, dont l’espèce la plus commune est le Cerithium pli- catum. Tel est cet étage à Pernant, près d’Arraches (4); tel il est encore dans les Alpes valaisannes (5). Sur un grand nombre de points de la région alpine, mais non sur tous, une assise de grès à Nummulites se place au-dessous des bancs avec anthracite et Cé- rithes. Les quelques mots qui précèdent permettent de discerner en quoi l’étage castellien de la région alpine et celui de la région pyrénéenne diffèrent et se ressemblent. La différence est dans la (1) Bull. Soc.gcol ., 2* sér., t. YI, p. 521. (2) Mémoires antérieurement cités. (3) Bull. Soc. gcol ., 2* sér., t. XII, p. 4 7. (4) M. Mortillet, Bull. Soc. géol.t 2esér., t. XI, p. 381. (5) M. Henevier, Bull. Soc. géol.y 2* série, t. XII, p. 97. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. he6B composition pétrographique, l’analogie dans le faciès général de la faune. De part et d’autre, on reconnaît deux horizons paléon- tologiques : l’un inférieur, c’est la première zone à Nummulites; l’autre supérieur, c’est la zone des Cérithes. Les observations de MM. Lory, Renevier et d’autres géologues ont mis hors de doute l’existence, dans les Alpes, d’une couche à Cérithes intercalée entre deux niveaux de Nummulites de même espèce (1). M. Renevier, en rappelant ce fait, déclare ne voir dans cette couche qu’un faciès local. Sa constance dans les régions alpine et pyrénéenne, son grand développement dans cette der- nière région, m’autorisent suffisamment à y voir, ainsi que je l’ai fait, un horizon géognostique indépendant. Étage igualadien. — Cet étage correspond évidemment à l’en- semble que M. d’Archiac a désigné sous le nom d’étage nummuli- tique moyen . Celui-ci dans les Corbières, et celui-là en Catalogne, offrent la même situation relative par rapport aux autres parties du terrain nummulitique. Tous les deux, presque exclusivement marneux, sont formés de marnes bleuâtres ou grisâtres alternant avec des bancs de calcaire marneux ; tous les deux contiennent la même abondance des mêmes débris de corps organisés, et surtout de Turritelles et d’Operculines ( Turritella imbricataria , Operculina granulosa ) ; tous les deux, enfin, fournissent, à cause de leur euractère nettement tranché, un point de repère précieux. « C’est, » dit M. d Archiac en parlant de l’étage nummulitique moyen, » un excellent horizon géognostique sur la position duquel il ne » doit exister aucune incertitude (2). » L’étage igualadien, si facilement reconnaissable dans la région pyrénéenne orientale, se dessine avec moins de netteté dans la région des Alpes. Il existe pourtant dans les Alpes françaises, et dans les coupes données par M. Lory (3) on peut souvent signaler les couches qui en tiennent la place. Pour éviter des longueurs, je renverrai le lecteur au travail de M. Lory, et je me bornerai à transcrire la phrase suivante du professeur de la Faculté des sciences de Grenoble, phrase qui nous fournit suffisamment l’in- dication de l’étage igualadien dans le département des Hautes- Alpes : « A Vaudon, les Nummulites 'se ramassent à poignées dans » le gravier qui provient de la désagrégation d’une couche mince, » située presque à la base du terrain. Les mollusques et les poly- (1) Bull. Soc. géol . , 2e sér., t. XII, p. 100. (2) Ibid., t, XIV, _p. 475. (3) Ibid., t. XIÏ, p. 17. NOTE DE M, VÉZIAN. Zs39 » piers se trouvent seulement dans une série de couches plus éle- » vées, cl' aspect bien différent, qui renferment des Operculines , mais » point de Nu/n nullités (1). » Quoique l’étage igualadien semble disparaître dans la Savoie et dans le Valais, on peut encore y retrouver sa trace. La coupe prise à Pernant par M. Mortillet montre entre la couche à Ceri- thiurn plicatum , Brug. , et le calcaire à Nummulites supérieur, un grès très calcarifère, fort dur, fort compacte, de 15 mètres envi- ron d’épaisseur, sans fossiles (2). Au cirque de Célaire, dans le Valais, la couche à Cerithium plicatum est, d’après M, Renèvier recouverte par une assise plus calcaire que la précédente, pétrie de Turritelles ( imbricataria ), et recouverte parle calcaire à Nummulites supérieur (3). Le grès calcarifère de la coupe de Pernant, la couche à Turritelles du cirque de la Célaire, se rat- tachent naturellement à l’étage igualadien ; maïs ce rapproche- ment n’importe nullement à l’existence de l’étage igualadien qui se trouve bien évidemment dans les Pyrénées-Orientales et en Catalogne. Pour cet étage comme pour le précédent, nous constatons une différence sensible, quant à sa composition pétrographique, dans la région des Pyrénées et dans la région des Alpes, mais les carac- tères tirés de la faune sont concordants ; ils consistent dans la rareté et quelquefois même dans l’absence des Nummulites, dont le rôle semble alors rempli par les Orbitolines et les Operculines. C’est aussi dans cet étage que les gastéropodes et les bivalves se montrent le plus nombreux en espèces et en individus, et de là le nom de bancs à mollusques qu’il a reçu dans les Alpes, ou celui de marnes a Turritelles qu’il a reçu de MM. Leymerie et d’Arcliiae dans les Pyrénées. Pour achever de caractériser cet étage, remar- quons qu’il offre un mélange d’espèces de polypiers ou cl’éclii no- dermes qui se retrouvent dans les étages entre lesquels il est inter- calé. La ligne de démarcation qui sépare ces étages résulte de la différence des roches annonçant un changement dans le mode de sédimentation plutôt que d'une variation brusque dans la nature des débris de corps organisés. Etage manrésien. — Toutes les couches comprises, soit en Cata- logne, soit dans le département de l’Aude, entre les marnes igua- ladiennes et les grès supérieurs sans fossiles, constituent l’étage (1) Bull . Soc. géol. r 2e sér., t. XI, p. 341. (2) Ibid, , t. XI, p. 342. (3) Ibid., t. XII, p. \ 02. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. hh 0 mamésien qui est ainsi nettement limité. En Catalogne, ces couches sont formées par un calcaire de couleur claire, grisâtre ou jaunâtre, tantôt seul, tantôt mêlé à des grès argileux de la même nuance. Dans les Corbières, il comprend les calcaires com- pactes, de couleur claire, de Conques et de Coustouge (classifica- tion de M. Leymerie), ou l’étage nummulitique supérieur (clas- sification de M. d’Archiac). La faune de cet étage, considérée dans son ensemble, reçoit un caractère particulier des Nuinmu- lites qui s’y montrent de nouveau en abondance, et des échino- derines dont les débris sont très nombreux à sa partie inférieure. Dans les Alpes, les limites de cet étage sont également faciles à indiquer. Il comprend toutes les couches à Nummulites immé- diatement placées au-dessous du flysch. On le retrouve dans les Alpes françaises [voyez les coupes fournies par M. Lory (1)], en Savoie [voyez la coupe prise à Pernant par M. Mortillet (2)] et dans le Valais [voyez les coupes données par M. Renevier (3)]. Ce dernier géologue signale, dans la coupe prise à la Cordan, la pré- sence des échinodermes à la base des couches à Nummulites, fait en relation avec celui que j’ai rappelé tout à l’heure, et qui ten- drait à faire admettre dans la série épicrétacée l’existence d’une zone à échinodermes. Étage rubien. — Au-dessus des couches nummulitiques dont il vient d’être question se développe une masse considérable de grès, de macigno et de schistes, avec des bancs calcaires subor- donnés surtout dans la partie inférieure. Cette masse se retrouve presque partout où les couches à Nummulites existent ; mais elle est constamment dépourvue de ces foraminifères. Pauvre en dé- bris de corps organisés appartenant au règne animal , elle se montre au contraire très riche en fucoïdes, dont les espèces le plus souvent citées sont Chondrites œqualis , Targioni , etc. Je n’insisterai pas sur les caractères, la composition et les rela- tions stratigraphiques de ce vaste ensemble que de nombreuses observations ont déjà fait connaître. En Catalogne, il est repré- senté par des grès et des conglomérats rougeâtres, sans fossiles, régulièrement stratifiés, et constituant une formation très puis- sante. Dans les Corbières, il est constitué par deux assises : l’une de calcaires sableux ou marneux, l’autre de grès calcaires à grains fins, placées, dans la classification de M. Leymerie, à la partie (4) Bull. Soc. géol ., 2e sér., t. XII, p. 17. (2) Ibid., t. XI, p. 341 . (3) Ibid., t. XII, p. 97. NOTE DE M. Y É ZI AN. hU supérieure du terrain nummulitique (1). Dans la classification de M. d’Archiac, son ternie correspondant est fourni par les couches détritiques que ce savant géologue considère comme une modifi- cation de son étage nummulitique supérieur, et qui se développent au nord du mont Alaric sous forme de bancs alternants et non fossilifères de psammite, de grès et de poudingue. Dans le département de la Haute-Garonne, le terrain nummu- litique se termine par une assise qui, dit M. Leymerie, constitue en quelque sorte le chapeau de l’épicrétacé. Elle est d’une grande puissance, et se compose d’un poudingue à gros éléments calcaires, alternant avec des couches de grès dont le ciment est souvent marneux ou argileux, blanchâtre ou jaunâtre, souvent bariolé de rouge ou de violet (2). Nous retrouvons l’étage rubien à l’extrémité occidentale de la chaîne des Pyrénées, où Aï. Kœchlin-Schlumberger l’a signalé sous forme de calcaire bleuâtre, très fissile, avec banc de grès intercalé. La roche ne renferme aucun fossile, si ce n’est le Chon- drites œqualis que ce géologue s’est convaincu être le même que celui du macigno d’Italie, du flysch de Suisse et de Bavière, et du grès de Vienne (3). Les coupes prises dans les Alpes par les géologues que j’ai eu souvent l’occasion de citer dans ce travail accusent trop nettement l’existence de couches puissantes de grès, avec calcaire subordonné au-dessus des couches à Nummulites, pour que j’insiste sur ce point. Je rappellerai seulement que le flysch se présente dans le département des Hautes-Alpes sous forme de grès moucheté , carac- tère particulier qui, dit M. Lory (A), mérite d’être pris en consi- dération, parce qu’on ne le retrouve ni dans les grès appartenant à d’autres terrains ni dans les grès nummulitiques inférieurs aux calcaires à Nummulites. Le parallélisme que, dans ma note sur le terrain nummulitique des environs de Barcelone, j’étais porté à admettre entre les grès supra-nummulitiques et l’étage suessonien d’Alc. d’Orbigny, m’avait engagé à ne pas adopter de désignation spéciale pour ces grès. Réflexion faite, quoique ma manière de voir n’ait pas changé dans le fond, il me paraît convenable d’apporter de l’unité dans ma nomenclature du terrain nummulitique méditerranéen, et de (1) Mém. Soc. géol., 2e sér., t. I. (2) Bull. Soc. géol., 2e sér., t. X, p. 526 et suiv. (3) Ibid. , 2e sér. (4) Ibid., t. XII, p. 21. SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. m formuler d’une manière moins absolue T identification de ce groupe supra-nummulitique avec les formations qui, dans le bas- sin de Paris, peuvent lui correspondre. Je proposerai donc de donner à l’étage que j’avais provisoirement désigné sous le nom de grès et conglomérats nummulitiques supérieurs , le nom d’une localité de la région où se trouvent déjà celles qui m’ont fourni les noms de quatre premiers étages, et de l’appeler étage rubien , de Rubio, village situé près d’Igualada. La Catalogne me paraît destinée à nous fournir le type le plus net et le plus étendu du terrain nummulitique anté-pyrénéen ; c’est ce qui me fait espérer de voir adopter la nomenclature que je propose. Tout en conservant dans sa structure générale une admirable simplicité, ce terrain s’y montre avec une grande va- riété dans ses roches, et un développement considérable, soit dans le sens vertical, soit dans le sens horizontal. 11 est, surtout dans sa partie moyenne, d’une grande richesse en débris de corps or- ganisés. Ajoutons que ses couches, toujours régulières, faiblement inclinées, se prêtent avec facilité à l’observation du géologue, dont l’embarras provient d’ailleurs, tantôt d’une horizontalité trop constante des strates, tantôt de leurs dislocations trop prononcées. Pour achever de donner une idée exacte de la composition du terrain nummulitique méditerranéen, je ferai observer qu’il se compose de deux parties distinctes : l’une, inférieure, méritant seule le nom de terrain nummulitique , puisque seule elle renferme des Nuinmulites ; l’autre, supérieure, caractérisée par l’absence des Nuinmulites, par la pauvreté de sa faune, la nature de ses roches presque toujours détritiques, et la présence à peu près constante de fucoïdes. Ce dernier caractère lui a déjà valu le nom de terrain à jucoïdes. Le système nummulitique proprement dit se décompose à son tour en deux parties. La partie supérieure correspond aux étages manrésien, igualadien et castellien. C’est celle qui se montre sur le plus grand nombre de points, qui persiste toujours, et qui, quelquefois très réduite, est simplement désignée dans quelques coupes sous le nom de calcaire à Nuinmulites . La partie inférieure ne comprend que l’étage montserrien. Elle se compose de grès et de conglomérats, et n’ofïre pas de débris de corps organisés, à l’exception quelquefois de Nuinmulites de petite taille. L’époque pendant laquelle l’étage montserrien s’est déposé constitue en quelque sorte l’aurore de l’ère nummulitique l’époque qui cor- respond au grès à Nuinmulites d’Acqui en est pour ainsi dire le crépuscule. NOTE DE M. VÉZIÀN. MS Oscillations du soL Aucun des systèmes de soulèvement actuellement connus ne se place entre les terrains crétacé et nummulitique; on ne peut nier toutefois qu’à la fin de la période secondaire une modification profonde ne se soit produite dans le relief du continent européen. Je n’en veux d’autre preuve que la transition brusque existant entre les deux terrains que je viens de nommer, transition telle qu’elle devra être considérée comme formant un véritable hiatus, si des observations ultérieures ne viennent en démontrer la non- existence. Eti outre, M. d’Archiac a déjà fait la remarque suivante : c’est que le terrain nummulitique, tout en étant en stratification concordante avec la craie proprement dite, se montre souvent aussi, soit en stratification transgressive, soit en stratification dis- cordante, sur tous les autres terrains de l’échelle géologique (1), ce qui constitue une véritable discordance d’isolement. Pendant la longue période qui a vu le dépôt des couches dont il vient d’être question, le sol de l’Europe a subi des oscillations successives qui achèvent de nous montrer dans les couches à Nummulites une agrégation de terrains plutôt qu’un terrain unique. Il serait aisé de retrouver la trace des oscillations du sol qui ont eu lieu entre chacun des cinq étages que j’ai énumérés. Je mentionnerai seulement les principales d’entre elles. La première est celle qui s’est manifestée après le dépôt de l’étage montserrien ou système nummulitique inférieur. Le re- couvrement des couches à Physa gi gante a du département de l’Aude par des couches marines et la discordance d’isolement existant entre elles n ont pu s’effectuer sans que le relief du sol ne se soit modifié d’une manière insensible. Sur d’autres points du bassin de la Méditerranée, l’absence de l’étage montserrien dénote un déplacement dans les eaux de la mer. D’un autre côté, M. Hébert a démontré que le relief du bassin parisien avait été profondément modifié après le dépôt des couches à Physa gigantea de Rilly. Le lac où s’étaient déposées ces couches avait été mis à sec, et l’action sédimentaire, soit dans l’eau douce, soit dans l’eau salée, avait subi une suspension dont j’essayerai tout à l’heure d’apprécier la durée. Une autre révolution importante a précédé le dépôt du système à fucoïdes. L’existence de cette révolution est attestée par le chan- (4) D’Archiac, flist. prog. géol.y t. III, p. 5, SÉANCE DU 5 AVRIL 1S£8. hhh gement subit que l’on constate dans les produits de l’action sédi- mentaire et dans la faune. Aux calcaires et aux argiles succèdent des grès, des macigni et des conglomérats qui tous témoignent de l’existence de cornants nombreux d’une mer agitée et peu pro- fonde. La faune nummulitique, d’une si grande richesse, a subi- tement déserté le bassin méditerranéen, et n’a été remplacée que par une faune d’une excessive pauvreté. On pourrait multiplier les citations pour démontrer l’indépen- dance du macigno à fucoïdes ou du flyscli, par rapport au terrain nummulitique proprement dit. «v A Castellazzara, dit M. Alfred Caillaux, les schistes ou ga- » lestrins qui recouvrent le calcaire nummulitique et qui forment » labase du macigno renferment des blocs anguleux souvent creusés, » comme s’ils avaient été longtemps soumis à l’action des vagues » et des cours d’eau. Dans la contrée du Mont-Amiata, on voit le » macigno reposer à la fois et sur le calcaire nummulitique et sur » les couches ammonitifères de San-Casciano (1). » « Aux environs de Nice, clitM. Pareto, le macigno à fucoïdes » forme une large route qui s’étend, d’une part sur le calcaire à » Nummulites, et de l’autre sur le calcaire jurassique (2). »> Si nous recherchons ce qui se passe dans les Pyrénées, nous re- marquons l’observation suivante de M. Leymerie : parmi les élé- ments dont se compose le poudingue de la partie supérieure du terrain nummulitique de la Haute-Garonne, on aperçoit des cail- loux de la formation du calcaire nankin ou du calcaire roux que, dans la même note d’où ce fait est extrait, l’on voit faire partie du terrain nummulitique lui-même (3). (1) Bull. Soc. géol.7 2esér., t. VIII, p. 131. (2) Hist. prog. géol . , par M. d’Àrchiac, t. III, p. 56. (3) Bull. Soc. géol., t. X, p. 526 et suiv. TERRAIN TERTIAIRE. NOTE DE HT. VÉZIAN, hhro BASSIN MEDITERRANEEN. FORMATIONS MARINES. Étage parisien. — Macigno à Fucoïdes, avec calcaire subordonne' , post - pyré- néen, de la vallée du Tibre. (Cocchi, Bull, de la Soc. ge'ol., 2e se'r., t. Xlll.) FORMATIONS LACUSTRES. Gypse d’Aix , avec Paléothérium. — Mollasse lacustre du midi de la Fran- ce, avec Paléothé- rium etLophiodon SYSTEME DES PYRENEES Étage rubien. — Grès et conglomérats supra-num- mulitiqus de Catalogne, des Pyrénées, etc. Flysch de la Suisse. — Grès mou- cheté des Hautes-Alpes. — Macigno à Fucoïdes anté- pyrénéen. — Absence de Nummuliles : Chondrites œc/ualis , Targioni Étage manrésien. — Etage nummulitique supérieur (d’Archiac). — Calcaires | clairs de Conques (Cor * bières. — Couches à Echi- nodermes de quelques çon- | ti ées. — Calcaire de Man- resa (Catalogne). — Der- nières couches à Nummu- V lites, anté-pyrénéennes. Étage igualadien. — Mar- nes bleues et grises d’Igua- lada (Catalogne) et , de Couiha (Cor bières). — Éta- ge nummulitique moyen (d’Archiac). Couches Operculines et à Turri- lelles des Alpes et des Py- rénées; absence ou rare! des Nummulites. Étage castellien. — Étage nummulitique inférieur (d’Archiac). — Couches à j Cérilhes de diverses con- tréesavec premières Num- mulites et anthracite dans t les Alpes. — Calcaire à Milliolites des Corbières , calcaire à Cérithes de Castel-Oli (Catalogne). Étage montserrien. — Pre mières couches à Numniu- lites de Catalogue. — Con glomérats et grès infra- nu mmulitiques, ordinaire ment sans fossiles, de di verses contrées : poudin- gue du Mont-Seriat. — Gi ouped' A let (d’Archiac). — Terrain alaiicien ( l’al- la vignes). Couches marno-cal- caires rou geâtres du terrain lacustre de Provence. BASSIN DE PARIS. Étage parisien. Aie. d’Orb. — Gypse de Montmartre, avec Paléothérium. — Grèsde Beauchamp et calcaire grossier, avec Lophiodon. Étage suessonien , d’Orb. — Sables co- quilliers du Soisson- nais. — Lignite et argile plastique du bassin de Paris. — Conglomérat de Meudon, avec Co - rypliodon. Couches à Physa gigantea de Pro vence et de Monto- lieu (Aude). Calcaire lacustre, avec Physa gigan- tea, de Rilly-la- Montagne, SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. M6 Mais la révolution qui a suivi le dépôt des couches à fucoïdes a été plus énergique que celle qui Pavait précédée. Tout l’espace que la mer recouvrait depuis longtemps dans le bassin méditerra- néen s’est trouvé déserté par elle. De grands lacs se sont éche- lonnés depuis le plateau central de la France jusqu’en Afrique, et depuis la péninsule ibérique jusqu’en Italie. Cette révolution si profonde qui a affecté le climat, la faune, le relief du sol et la répartition des terres sèches et inondées, se per- sonnifie dans un système de soulèvements, celui des Pyrénées. Tallavignes, vieillissant le système des Pyrénées, l’avait considéré comme se plaçant entre les étages ibérien et alaricien. M. Raulin, au contraire, en admettant le parallélisme du ter- rain nummulitique méditerranéen avec toute la formation éocène des bassins de Paris et de Bordeaux, émet, par rapport à l’âge de quelques-uns des systèmes de soulèvement, une opinion qui n’est évidemment que la conséquence de sa manière d apprécier les re- lations qui existent entre ces terrains. Il met en doute l’existence du système de la Corse, et il rajeunit le système des Pyrénées et du Mont-Viso. Afin de ne pas anticiper sur une question que j’aborderai tout à l’heure, je me bornerai à rappeler que le système des Pyrénées est bien immédiatement postérieur au dépôt du terrain nummuli- tique méditerranéen. «Toute la chaîne des Pyrénées, dit M. Ley- merie, témoigne que son âge est tel que M. Elie de Beaumont l’avait fixé en s’appuyant sur un grand nombre de faits stratigra- phiques. » Mais le système des Pyrénées, tout en étant postérieur aux couches à Nummulites du bassin de la Méditerranée, a-t-il coïn- cidé avec l’événement qui a précédé ou avec celui qui a suivi le dépôt des couches à fucoïdes. J’ai recherché, parmi les observa- tions des géologues, celles qui pouvaient m’éclairer à ce sujet, et je me suis convaincu que ce système était postérieur à la période fucoïdienne. A l’appui de ce fait, je citerai le mémoire que M. I. Cocchi a écrit sur les terrains sédimentaires de Toscane (1). Je le citerai d’autant plus volontiers que sa lecture m’a conduit à détacher une partie du vaste ensemble désigné en Italie sous le nom de macigno à fucoïdes, pour en former un horizon stratigraphique indépen- dant, représentant probable du calcaire grossier de Paris. En ne (4) Bull . Soc. géol., 2e sér., t. XIII. NOTE DE H. VÊZIAN. hhl voyant, soit dans le macigno à focoïdes supra-nummulitique, soit dans le flysch de la Suisse, qu’un seul horizon géognostique, je commettrais, avec la plupart des géologues, une erreur qu’il est important de faire disparaître, parce qu’elle rend plus difficile à résoudre la question des rapports d’âge du terrain nummulitique méditerranéen et des formations tertiaires du bassin de Paris. M. Cocchi divise le terrain tertiaire inférieur de la Toscane en deux parties bien distinctes; il partage en outre la partie infé- rieure en deux assises, ce qui, en somme, donne lieu à l’existence de trois groupes. Le premier groupe, constitué par le calcaire à Nummulites, correspond au terrain nummulitique en totalité, ou plutôt en partie. Le second groupe , superposé au précédent , représente les couches peu fossilifères, et presque toujours détritiques qui, sous le nom de macigno à fucoïdes, de flysch ou de conglomérats su- périeurs, recouvrent le terrain nummulitique. Il se compose, dans la région étudiée par M. Cocchi, de schistes argilo-calcaires ou galestrins, de calcaire à dalles avec Nemertites Strozii , de ma- cigni avec fucoïdes, zoophytes peu déterminables, et Chiton anti - quus. Le troisième groupe signalé en Toscane par M. Cocchi se com- pose, comme le précédent, de macigno, d’argile écailleuse et de calcaire à fucoïdes très développé dans la vallée du Tibre, mais il s’en distingue très nettement au point de vue stratigraphique ; il en est séparé par des discordances de stratification qui se montrent dans les Apennins de Prato, ou même par des discordances d’iso- lement (1). La ligne de démarcation entre le second et le troisième groupe est marquée par le soulèvement de la chaîne septentrionale de Monte-Nero, et par l’épanchement de la serpentine ancienne ou à diallage ; c’est pour cela que le calcaire à fucoïdes de la vallée du Tibre renferme en abondance des fragments de cette roche, tandis que ces fragments n’ont jamais été trouvés jusqu’ici dans le plus inférieur des deux horizons géognostiques que je viens de comparer. La coupe donnée par M. Cocchi met en évidence les faits pré- cédemment énoncés ; elle démontre, en outre, ce qui est impor- tant, que ce géologue n’a pas confondu le terrain miocène avec (1) Mémoire antérieurement cité, p. 203. Z|Z»8 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. aucun des dépôts rapportés par lui au terrain tertiaire infé- rieur. M. I. Cocclii ne soulève pas la question de F âge de la chaîne serpentineuse de Toscane et de l’apparition des serpentines an- ciennes. Mais il est aisé de suppléer à cette lacune de son travail et de reconnaître que cette chaîne se rattache bien au système des Py rénées. M. Elie de Beaumont, en énumérant les traces de ce système, nous dit que son empreinte existe dans les chaînons les plus considérables des Apennins, et notamment entre Florence et Modène. Or, c’est précisément entre ces deux villes que la chaîne serpentineuse se développe. Elle commence au Monte-Nero, près de Livourne, et se dirige parallèlement aux Apennins toscans, dont la direction, dit M. Cocclii, est O. -N. -O., S.-S.-E. (1). Aucun motif sérieux ne s’oppose donc à ce qu’on rattache la chaîne serpentineuse au système des Pyrénées dont elle a l’âge et la direction. Les couches nombreuses de grès, de macigno et de conglomérat qui terminent ou recouvrent le terrain nummulitique méditerra- néen , se partagent par conséquent en deux groupes superposés : l’un est antérieur au système des Pyrénées et se rattache d’une manière plus intime à ce terrain; l’autre est postérieur à ce sys- tème et représente, dans le bassin de la Méditerranée, le faciès marin des premières couches post-pyrénéennes. Avec lui se ter- mine la série des couches marines déposées dans ce bassin, entre la période crétacée et l’époque miocène. Les premières couches qui se montrent ensuite sont, en effet, celles dont le grès nummu- litique d’Acqui est une dépendance, et l’on sait que ce grès se place sur le même niveau que le lignite de Cadibona, renfermant des débris d 1 Anthracotherium, genre essentiellement miocénique. Formations lacustres clu sud de V Europe. Je vais maintenant dire quelques mots des formations lacustres qui, dans le bassin de la Méditerranée, se placent sur le même niveau que les formations marines précédemment mentionnées. Je ferai abstraction naturellement des bancs avec fossiles d’eau douce accidentellement intercalées dans les formations marines Couches à Physa gigantea. — D’après les observations de MM. Raid in et Leymerie, il existe, dans les environs de Mon- (I) Mémoire cité, p. 229. 3V0TE DE M. VÊZIAN. àW tolieu (Corbières) et à la base du terrain nummulitique, une for- mation laciistre avec Physa gigantea , Lymnées, Maillots, etc., sans mélange de coquilles marines. On sait que, dans le bassin de Paris, la Physa gigantea caracté- rise le calcaire de Rilly, c’est-à-dire un horizon géognostique supérieur au calcaire pisolithique. Le calcaire lacustre de Monto- lieu est donc, au même titre que le terrain nummulitique, épi- er êta cê. Tout en tenant compte de la discordance d’isolement qui existe, quoique sur une petite échelle, entre la formation lacustre de Montolieu et la formation marine qui la recouvre, il est bon de faire remarquer que Lune et l’autre sont en stratification concor- dante. En outre, dans la Provence, les couches à Physa gigantea se montrent à la base d’une longue succession d’assises lacustres que M. Matheron a réunies sous la désignation de groupe du lignite, et que l'on a déjà été conduit à considérer comme repré- sentant le terrain nummulitique marin presque tout entier. D’ailleurs, la Physa gigantea se trouve dans ces couches mélan- gée à des coquilles marines et à des foraminifères. De ces faits, on peut conclure que le terrain lacustre de Monto- lieu et toutes les couches à Physa gigantea font partie du groupe nummulitique anté-pyrénéen; qu’elles se placent à la base de ce groupe, et très probablement sur le niveau de l’étage montserrien. Sont -elles l’équivalen t de cet étage tout entier ou d’une partie seulement? De ces deux opinions, c’est la première qui me paraît la plus admissible. Dans les environs de Barcelone, où cet étage acquiert un si grand développement, on ne trouve à la base du terrain nummulitique aucune formation lacustre. Dans les Pyré- nées centrales, où le terrain nummulitique montre, au contraire, une formation lacustre avec lignite, on ne rencontre pas ces bancs puissants de conglomérats avec calcaire subordonné, placés ail- leurs dans la même situation géognostique. Dans le bassin de l’Aude lui-même, c’est lorsque le groupe d’Alet ne se présente pas que le terrain lacustre de Montolieu apparaît. La lecture de la note insérée par M. Leymerie dans le Bulletin cle la Société géo- logique (1) suffit pour faire admettre que le terrain à lignite de Provence avec sa Physa gigantea [Physa gallo-provincialis , Math.) et les autres espèces qui lui sont communes est bien, par sa partie (1) Bull. Soc. géol. , 2e sér., t. VIII, p, 202. Soc. géol. 1 2e série, tome XV. 29 SÉANCE DU 5 A'VRIL \ 858. Zi 50 inférieure, le représentant en Provence de Fétage montserrien. Un autre horizon lacustre, aussi nettement défini que le précé- dent, est constitué par le terrain lacustre qui s’étend du Dauphiné jusqu’en Provence, et de là dans le département de l’Aude. En Provence, il renferme des débris de Paléothérium , et dans le dé- partement de F Aude des débris de Paléothérium et de Lophiodon. Ces deux genres se retrouvent dans le gypse de Montmartre et dans le calcaire grossier de Paris, et, comme le département de FAude nous montre les couches qui les contiennent en superposi- tion sur le terrain nummulitique, on est obligé de renoncer à tout rapprochement entre une partie quelconque de ce terrain et le calcaire grossier de Paris. La zone lacustre dont je viens de parler se développe jusque dans File Majorque, en Espagne et en Italie (à Ceva), où Fon a signalé la présence du genre Lophiodon , et en Algérie où certaines couches lacustres renferment des Flabel- laria Lamanonis comme en Provence. Quant au terrain lacustre de Provence, je rappellerai qu’il se compose de trois parties : une partie inférieure, désignée sous le nom de groupe du lignite ; une partie supérieure ou groupe du gypse ; et une partie moyenne formée par des bancs marno- calcaires rougeâtres. Le groupe du lignite n’est cité jusqu’à présent qu’en Provence, tandis que le groupe du gypse se retrouve sur bien d’autres points de la France ou du midi de l’Europe, Le groupe des couches inarno-calcaires rougeâtres semble également particulier à la Provence ; de là résultent des discordances d’isolement pouvant nous guider dans le classement des trois groupes dont se compose le terrain tertiaire inférieur de Provence. Si le groupe du gypse se place sur le même niveau que les, couches paléothériennes du sud ou du nord de la France, si les couches à Physci gigamea cor- respondent à la partie inférieure du terrain nummulitique, les couches à Lychnus et avec elles tout le groupe du lignite viennent se placer naturellement à côté du système nummulitique moyen, et les couches rouges à côté des couches supra-nummulitiques, dont elles ont l’aspect et la nuance, si on les compare à quelques- unes d’entre elles. M. de Aerneuil signale également, auprès du village de Segura (Aragon), des couches lacustres avec Lychnus , et distinctes de celles qui, en Espagne, appartiennent au système miocène. Le macigno à fucoïdes post-pyrénéen de la vallée du Tibre se place-t-il au-dessous du gypse de Montmartre, ou bien se place- t-il sur le même niveau que lui, pour constituer le faciès marin NOTE DE M. YÉZIAN. 451 cP un système dont le gypse d’Aix et les formations d’eau douce correspondantes seraient le faciès lacustre? Les éléments néces- saires pour résoudre cette question manquent en partie. La der- nière hypothèse me parait pourtant la plus probable. Je n’ai pas encore trouvé d’observation où le macigno à fucoïdes post -pyré- néen fût signalé sur le même point où se trouve le terrain lacustre éocène du bassin méditerranéen. Ce terrain semble être immédia- tement postérieur au système des Pyrénées aussi bien que le cal- caire grossier, puisqu’il renferme comme lui des débris de Zo- phiodon, et puisque, dans le département de l’Aude, il se lie d’une manière intime au terrain nummulitique. En outre, si l’on ne ramenait pas au même niveau le macigno à fucoïdes post-pyré- néen et le gypse d’Aix, on serait conduit à admettre l’existence d’une époque géologique, celle du gypse de Montmartre et de Provence, pendant laquelle la mer aurait déserté, non-seulement tout le bassin méditerranéen, mais aussi toute l’Europe, ce qui paraît contraire à la nature des choses. Parallélisme des formations du sud de /’ Europe et du bassin de Paris, Le bassin de Paris nous montre au-dessus du calcaire pisoli- thique une puissante formation lacustre, connue sous le nom de calcaire de Pilly, et caractérisée par la Physa gigantea. On ne doit pas hésiter à porter cette formation sur le même niveau géognos- tique que les couches lacustres infra-nummulitiques du bassin de la Méditerranée ; mais dans ce bassin nous avons vu les couches à Physa gigantea rattachées intimement à celles dont se compose le groupe du lignite de Provence ; nous avons vu aussi que les couches qui, dans cette province, renfermaient la Physa gigantea , offraient également des foraminifères. Nous avons en outre puisé, dans la stratigraphie, les motifs qui devaient nous conduire à regarder les couches à Physes comme le représentant de l’étage montserrien, lequel, sur un grand nombre de points, passe sans hiatus à l’étage suivant. L’action sédimentaire n’a donc pas été interrompue dans le bassin de la Méditerranée, entre la formation marine correspondant aux couches à Physa gigantea et celle qui la suit immédiatement dans l’ordre chronologique. Il n’en a pas été de même dans le bassin de Paris; on remarque, en effet, au-dessus du calcaire lacustre de Riliy, une lacune dont l’étendue peut être diversement appréciée, mais dont l’existence SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. /i52 ne peut guère être mise en doute. « Il est vrai de dire, fait obser- » ver 3VJ. Hébert, que le dépôt lacustre se sépare de toutes les » autres assises tertiaires, sous tous les rapports, au point de vue » stratigrapliique comme au point de vue paléontologique, tandis » que dans le reste de la série tertiaire inférieure, tontes les assises , » depuis la plus ancienne, les sables de Bracheux , jusqu’à la » plus récente, le gypse, sont liées intimement les unes aux autres , » aussi bien par la succession des fossiles, dont une partie passe » toujours d’une couche à l’autre, que par l’alternance des couches » au contact et l’absence de tout ravinement sensible, de toute » discordance générale Le conglomérat de Meudon et les » argiles qui le recouvrent constituent une assise formée aux dé- » pens de la craie et du calcaire pisoli thique, et qui porte avec » elle la preuve que cette dénudation a exigé un temps considérable. » Ce creusement n’a eu lieu qu* après le dépôt des marnes qui » s’étaient déposées dans un lac, dont l’existence était une consé- » quence naturelle de X émersion de la craie et du calcaire pisoli— » thique. C’est surtout à ce phénomène de dénudation que sont » dus ces ravinements à travers la craie sous-jacente et les sables » de Rilly (1). Nous sommes ainsi conduits à admettre : 1° l’émersion du bas- sin parisien après le dépôt du calcaire pisolithique ; 2° le parallé- lisme du terrain lacustre de Rilly avec les couches à Physa gigantea de Montolieu et de Provence; 3° l’existence, au-dessus de ce terrain lacustre, cl’une lacune considérable dans le bassin de Paris ; k° la continuité des couches appartenant dans ce bassin au terrain tertiaire inférieur. Dans le parallélisme que j’essaie d’établir entre les étages ter- tiaires des bassins de Paris et de la Méditerranée, un autre point de repère nous est fourni par les couches renfermant des débris de Lophiodon et de Palœothcrium. Ces deux genres constituent deux horizons paléontologiques immédiatement superposés, et comprenant, dans le bassin de Paris, le gypse de Montmartre, le grès de Beauchamp et le calcaire grossier, dans le bassin de la Méditerranée, le groupe du gypse en Provence et les mollasses d’eau douce du midi de la France, évidemment superposées à la formation nummulitique dans le département de l’Aude. Non- seulement le calcaire grossier de Paris, mais à plus forte raison (1) Bull. Soc . géol.y 2e sér., t. XI, p. 438 et 660. NOTE DE M. YÉZIAN. 45$ le gypse de Montmartre, se trouvent postérieurs au système des Pyrénées, et ne peuvent être mis en parallèle, ni avec le terrain nummulitique du bassin de la Méditerranée ni même avec le ma- cigno àfucoïdes anté-pyrénéen. La stratigraphie vient ici confirmer la donnée paléontologique; car la plus grande dimension du cal- caire grossier s’étend des environs de Louviers à ceux d’Epernay, dans un sens parallèle à celui du système des Pyrénées, ainsi que M. Elie de Beaumont l’a déjà fait remarquer (1). La question des rapports d’àge du terrain éocène du bassin de Paris avec la formation nummulitique du sud de l’Europe se trouve ainsi simplifiée et ramenée à celle-ci : Quelle est la place du groupe désigné par Aie. d’Orbigny sous le nom de terrain suessonien , et constitué par les sables coquilliers du Soissonnais, l’argile plastique de Paris et le conglomérat de Meudon ? L’absence de débris de mammifères dans le terrain nummuli- tique méditerranéen me paraît être un fait d’une telle importance que je serais tenté de croire à l’impossibilité d’identifier une couche quelconque de ce terrain avec une autre renfermant des débris d’animaux ayant appartenu à cette classe. Je ne serais donc pas éloigné de considérer le terrain suessonien comme pos- térieur au système des Pyrénées. Si je m’abstiens de formuler cette opinion, c’est parce que la découverte de débris de mammi- fères dans l’oolithe, dans les lits de Purbeck et dans le trias, m’avertit de ne pas donner une portée absolue au caractère né- gatif auquel je viens de faire allusion. D’ailleurs, rien ne démontre en fait ni en théorie qu’il faille supposer une relation intime entre un événement stratigraphique tel que le soulèvement des Pyrénées, et un événement paléontologique tel que l’apparition d’une faune nouvelle. On est donc amené naturellement à porter le terrain suessonien sur le même niveau que le flysch de la Suisse et le macigno à fucoïdes anté-pyrénéen, et ce classement offre, comme on le verra tout à l’heure, une certaine raison d’être au point de vue paléon- tologique. Ce terrain se place sur ce niveau, parce que, bien qu’anté-pyrénéen, il se rattache au calcaire grossier d’une manière intime par des passages pétrologiques, parle caractère de sa faune et par la presque identité du bassin qui les a reçus ; mais il n’est pas assez puissant, sa structure n’est pas assez complète, sa forme (l) Notice sur les systèmes de montagnes , p. 446, SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. hbb n’est pas assez variée, pour qu’on voie en lui l’équivalent de la série nummulitique tout entière. Il faut d’ailleurs tenir compte de la lacune considérable existant au -dessus du calcaire lacustre de Rilly, lacune qui correspondrait précisément , d’après la ma- nière de voir que j’adopte, à la partie supérieure ou essentielle des couches à Nummulites du bassin de la Méditerranée. Les géologues qui ont identifié d’une manière absolue le terrain nummulitique méditerranéen et les formations éocènes du bassin de Paris ont basé cette identification sur la présence simultanée, dans ce bassin et dans celui de la Méditerranée, d’un certain nombre d’espèces communes. Cette base aurait une grande va- leur, si le fait paléontologique que l’on invoque ici ne se trouvait en quelque sorte annihilé par d’autres faits stratigraphiques ou paléontologiques plus importants. Lorsque l’on compare entre eux, au point de vue de leur âge, les divers étages de la série tertiaire, il faut avoir égard au faciès général de leur faune plutôt qu’à la présence de quelques espèces considérées à tort comme caractéristiques. Je parle ici des espèces appartenant au groupe des invertébrés, car les mammifères font exception au principe que je viens d’invoquer, et les caractères fournis par leurs débris ont été jusqu’à présent d’une précision qui ne s’est pas démentie. La formation nummulitique du bassin de la Méditerranée et la formation éocène du bassin de Paris, tout en ayant un certain nombre d’espèces communes, conservent, dans l’ensemble de leur faune, un faciès différent. En prenant même pour terme de com- paraison la classe des foraminifères, on voit que le plus grand nombre des espèces de Nummulites actuellement connues est propre au bassin de la Méditerranée, et que les espèces communes aux deux bassins, dont nous comparons les formations, ne se trouvent en définitive, si je ne me trompe, qu’au nombre de cinq ; Nummulites lœvigata , planulata , elegans , sccibra et variolarici. Remarquons en outre que le genre Nummulites ne peut avoir dans la paléontologie stratigraphique qu’une valeur secondaire ; car il n’en est pas qui, plus que lui, ait le don de l’ubiquité dans le sens horizontal à travers tous les bassins, et le don de la per- sistance dans le sens vertical à travers les étages successifs. Cer- taines espèces se retrouvent invariablement à tous lés étages de la formation nummulitique méditerranéenne. La présence dans le bassin de Paris d’espèces qui avaient aupa- ravant vécu dans le bassin de la Méditerranée s’explique par leur passage d’une époque à une autre, passage dont les terrains ter- NOTE DE M. VÉZIAN. 455 tiaires offrent trop d’exemples pour qu’on en soit étonné. C’est en partie pour mieux rendre compte de ce passage que j’ai cru devoir placer le terrain suessonien immédiatement après les couches à Nummulites du midi de l’Europe, et par conséquent à côté du flysch. Si l’on portait ce terrain à un niveau supérieur, on ne concevrait pas comment les Nummulites dont il est question au- raient pu se retrouver dans un autre bassin après un intervalle de temps marqué par une époque tout entière. La nature ne brise pas les moules dont elle s’est servi pour les refaire de nouveau ; elle ne rend pas la vie à des types qu’elle a jugé à propos de laisser s’éteindre. On doit admettre que les espèces d’un étage qui se trouvent déjà dans un étage antérieur proviennent directement des individus qui ont existé à une autre époque. D’après ma manière de voir, le principe en vertu duquel on accorde une importance absolue à la donnée paléontologique dans la détermination des terrains reçoit une grave atteinte; mais je ne suis pas le premier à vouloir restreindre, ou plutôt contrôler, la valeur attribuée aux fossiles comme éléments uniques dans la détermination des horizons géognostiques. Ce principe, je dirai presque ce dogme, a reçu de nombreuses atteintes. Je rappellerai seulement les passages en masse de certaines faunes locales se transportant d’une époque à une autre, passages dont MM. Bar- rande et Leymerie nous ont donné des exemples sous le nom de colonies. Je rappellerai encore les conclusions placées par M. Sci- pion Gras à la fin de son mémoire récemment communiqué à la Société géologique, la théorie formulée par M. A. Dumont soutenant que les faunes ont pu changer de lieu avec le temps, et le système même qui a servi de base à Lyell dans sa classification des terrains tertiaires. Quant aux causes qui ont pu déterminer la translation de cer- taines espèces nummuli tiques du bassin de la Méditerranée dans celui de Paris, elles me paraissent être dans le changement du relief du sol et dans le déplacement des eaux plutôt que dans une modification du climat. Il semble aussi que pendant le dépôt du macigno à fucoïdes, le bassin de la Méditerranée ne se soit pas trouvé dans des conditions favorables au développement des êtres organisés. Les couches de ce macigno à fucoïdes sont si pauvres en fossiles qu’on peut dire que la faune nummulitique n’a pas été remplacée par une faune nouvelle. Il est une supposition à laquelle on se trouve ainsi conduit, et je la formulerai en disant que si le grès à fucoïdes anté-pyrénéen, si le flysch de la Suisse, si mon étage A56 SÉANCE DU 5 AVRIL 1858. rubien avaient une faune, cette faune serait celle de l’étage sues- sonien du bassin de Paris. M. Hébert critique sur quelques points la classification adop- tée par M. Yézian, notamment en ce qui concerne le parallé- lisme du calcaire de Rilly et du calcaire de Montolieu. M. P. Michelot fait remarquer que l’opinion de M. Hébert, sur laquelle s’est appuyé M. A. Yézian dans son travail, et d’après laquelle le sable blanc et le calcaire lacustre de Rilly constitueraient l’assise la plus inférieure des terrains tertiaires, n’est point partagée par tous les géologues qui se sont occupés du bassin de Paris, et notamment par M. Prestwich qui a étudié la localité avec beaucoup de soin. M. P. Michelot ajoute qu’il a eu lui-même l’occasion de vi- siter Rilly et les environs en compagnie de M. Constant Pouil- lande, et qu’il leur a paru, comme à M. Prestwich, tout à fait naturel de considérer les marnes à Physes comme intercalées entre les argiles à lignites que l’on observe au-dessus et les sables ferrugineux, avec empreintes de fossiles marins de Bra- cheux, que l’on voit reposer immédiatement sur la craie près de la station du chemin de fer, et dont les sables blancs exploités ne seraient que la partie supérieure accidentellement plus pure. M. Martins donne quelques détails relatifs à la découverte d’un gisement accidentel de mercure à Montpellier. A l’occasion de cette communication, M. Parés fait connaître qu’il y a vingt-cinq ans environ, à Montpellier, il a trouvé dans un tas d’argile extrait d’un puits voisin une grande quantité de gouttelettes de mercure. C’était la confirmation d’un fait anciennement observé sur divers points de la ville, et qui vient d’être vérifié de nouveau tout récemment à plusieurs reprises. M. Delesse rapporte avoir observé des gouttelettes de mer- cure dans le diluvium parisien, sur les bords de la Bièvre. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ, Aô7 Séance du 19 avril 1858. PRÉSIDENCE DE M. YIQUESNEL. M. A. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dent la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, M. le Président proclame membres de la Société : MM. Le comte de Courval, rue de la Pépinière, 29, à Paris, présenté par MM. Ed. Hébert et de Verneuil -, Le comte de Brosses, membre du Conseil général du Loiret, à Bois-le-Roi, canton de Ferrières (Loiret), rue de l’Univer- sité, 41, à Paris, présenté par MM. de Villeneuve et le marquis de Roys. Il annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ, La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice, Journal des sa- vants, mars 1858. De la part de M. Eugène Deslongchamps, Description des couches du système oolithiquè inférieur du Calvados , suivie d’un Catalogue descriptif des hrachiopodes qu'elles renferment (extr. du 2e vol. du Bull, de la Soc. linn . de Normandie ), in-8, 59 p., 2 pi. De la part de M. de la Roquette, Biographie de Huot [J .-J. -Né) (extr. de la Biographie universelle de Michaud , 2e édit., 1858, in-8, 6 p. De la part de M. Meugy, Carte réduite du département du Nord (échelle de 1/250000), abstraction faite du limon qua- ternaire. De la part de M. P. -J. Pictet. Notice sur les poissons des terrains crétacés de la Suisse et delà Savoie (tirée des Archives de la Bibliothèque universelle de Genève , mars 1858), in-8, 15 p, Genève, 1858 5 chez Rambaud et Schuchardt, SÉANCE DU 19 AVRIL 1858, 458 De la part de M. Delesse, Mémoire sur la minette (extr. des Annales des mines , 5e série, t. X, p. 317), in-8, 62 p., 1 pl. De la part de M. H. Lehon, Périodicité des déluges résultant du mouvement graduel de la ligne des apsides de la terre , in-8, 112 p., 1 carte. Bruxelles, 1858, chez E. Flatau-, Paris, chez Victor Daimont. De la part de M. Ch. Menière, Eaux minérales ferrugineuses du département de Maine-et-Loire (extr. des Mèm . de la Soc. académ ., etc., 2® vol.), in-8, 23 p , 1 tableau. Comptes rendus hebdomadaires des séances de P Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XLVI, nos là et 15. Bulletin de la Société de géographie , àe série, t. XV, n° 87, mars 1858. V Institut, nos \ 266 et 1267, 1858. Le Moniteur scientifique, etc., par M. le docteur Quesneville, t. I, 2e partie, 1851, in-4. Journal dy agriculture de la Côte-d'Or, 21e année, 3e série, t. III, n° 3, mars 1858. Société impériale d'agriculture, etc ... de Valenciennes. — Revue agricole, industrielle et littéraire , IXe année, n° 9, mars 1858. The Athenœum, nos 1589 et 1590, 1858. Journal of the geological Society of Dublin, vol. III, IV, V et VI, 18M-1855. Revista minera, t. IX, n° 190, avril 1858, M. le Président annonce à la Société la mort de M. Lardy, directeur général des forêts du canton de Vaud à Lausanne. M. Meugy présente à la Société géologique sa carte réduite du département du Nord, et fait à ce sujet la communication suivante : Carte géologique du département du Nord, abstraction faite du limon quaternaire , par M. A. Meugy. J’ai l’honneur de déposer sur le bureau la carte géologique du département du Nord réduite à l’échelle de 8 s 040 0Û- , sur laquelle sont indiquées les limites des divers terrains, le limon superficiel excepté. Au point de vue scientifique, cette carte offre donc un NOTE DE M. MEUGY. 459 certain intérêt, puisqu’elle permet de saisir dans son ensemble la physionomie de tout le département. M. Dumont a publié, pour la Belgique et les contrées limitrophes, une petite carte analogue qui comprend une partie du bassin de Paris et s’étend jusqu’au delà du Rhin ; mais cette carte, si intéressante et si instructive qu’elle soit, ne peut, en raison de la finesse de son point ( §3-5000) > fournir de renseignements très précis sur une localité restreinte dans d’étroites limites, comme le département du Nord ou l’un de ses arrondissements, et le travail que je présente aujourd’hui supplée, pour ce département, à ce que la carte de M. Dumont peut présenter d’incertain. L’échelle de ma carte réduite est d’ail- leurs la même que celle de la grande carte géologique de la Bel- gique, avec laquelle elle peut se raccorder. J’ai pris soin de mettre en regard de la légende les dénominations employées par M. Du- mont, afin qu’on n’éprouve pas d’embarras dans les rapproche- ments qu’on pourrait désirer faire entre les deux pays. Cette petite carte est terminée depuis longtemps, et si je ne l’ai pas présentée plus tôt à la Société, c’est que je ne pouvais m’en dessaisir avant d’avoir terminé les coupes que je dois annexera ma grande carte des arrondissements de Valenciennes, Avesnes et Cambrai, et pour l’exécution desquelles elle m’a été d’un grand secours. Parmi les conséquences que ces coupes font ressortir, il s’en trouve une sur laquelle je dois attirer particulièrement l’attention de la Société, en raison de l’intérêt scientifique qui s’y rattache. Si r on suppose un pian vertical nord-sud passant par Valenciennes, on obtient la coupe suivante : 1. Terrain tertiaire. 4. Terrain houiller. 2. Craie. 5, Calcaire carbonifère. 3. Marnes crayeuses. de laquelle il résulte que le terrain de craie va en augmentant ré- gulièrement d’épaisseur vers le sud, tandis que, dans la même di- rection, le niveau du sol s’élève de plus en plus. Vers le nord, au contraire, la craie s’amincit beaucoup, bien que le sol se trouve à une altitude très notablement moindre qu’au sud. On ne peut pas attribuer ces variations d’épaisseur de la craie à SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. m des érosions dues à des courants. Car si jtte explication était vraie, il resterait en quelques points des huttes crayeuses qui se- raient comme des témoins de l’ancien niveau du massif, et l’on rencontrerait aussi des cavités Là où l’action érosive des courants se serait manifestée avec plus de puissance et où une partie des couches constitutives de ce terrain n’existerait plus. Au con- traire, tous les bancs appartenant soit à la craie marneuse, soit à la craie blanche, se prolongent au nord de Valenciennes avec une continuité et une constance de stratification remarquables, bien qu’en s’amincissant de plus en plus jusqu’aux affleurements du calcaire carbonifère. D’un autre côté, les couches tertiaires pré- sentent une disposition toute contraire à celle de la craie sur la- quelle elles reposent, c’est-à-dire que leur plus grande épaisseur coïncide avec le centre du bassin où elles se sont déposées, et qu’elles se terminent en biseau vers les bords de ce bassin, mani- festés par une élévation graduelle du sol. Ces faits sont parfaite- ment mis en évidence par la coupe ci- dessus. Il paraît rationnel d’admettre, d’après cela, qu’un mouvement de bascule se serait produit entre le dépôt des couches crétacées et tertiaires, et aurait eu pour effet de relever au sud certaines parties du terrain crayeux. Comme ce mouvement a naturellement con- tribué beaucoup à déterminer la conformation du bassin où de- vaient s’effectuer les dépôts tertiaires du nord de la France et de la Belgique, on peut regarder la direction suivant laquelle il s’est opéré, comme approximativement indiquée par les affleurements de ces dépôts ou mieux par les points les plus bas de la dépression prononcée qu’il a fait naître. Or, la ligne droite qui passe par Raismes et Mons-en-Sévèle (arrondissement de Lille), où cette dé- pression est bien nettement accentuée, est précisément dirigée à l’O. 18° N. comme la chaîne des Pyrénées qui, d’après M. Élie de de Beaumont, s’est produite entre la formation crétacée et la for- mation tertiaire. Le mouvement dont il s’agit a-t-il coïncidé exactement avec le soulèvement des Pyrénées? c’est ce qu’il n’est guère possible d’affirmer. Mais toujours est-il que, par sa direc- tion et son âge, il a beaucoup de rapports avec ce soulèvement, dont il a été peut-être le prélude ou l’un des corollaires. Dans tous les cas, il paraît avoir joué un rôle important dans la constitution géologique du pays, puisqu’il aurait eu pour effet de produire cette immense dépression occupée aujourd’hui par les Flandres, dont le sol uniforme et plat se trouve encore à un niveau bien inférieur à celui des contrées environnantes. J’ai indiqué sur ma petite carte les limites du terrain Fouiller, NOTE DE M. MEUGY. Ù61 non-seulement dans la traversée du département du Nord, mais encore dans celui du Pas-de-Calais jusqu’à Estrées-Blanche, à 5 lieues à l’ouest de Béthune, point le plus éloigné dans cette di- rection où l’on ait jusqu’à présent découvert le prolongement de ce terrain. Je dois, à cette occasion, dire à la Société quelques mots d’un sondage qui s’exécute aujourd’hui près de Menin, à U lieues au nord de Lille, et qui a pour objet la recherche d’un bassin houiller qui serait, comme on le voit, tout à fait distinct de celui de Valenciennes. Ce sondage, dont les échantillons m’ont été soumis par M. Le- maître-Demesteere, fabricant à Halluin , a traversé les couches suivantes : Epaisseurs. Profondeurs, Terrain crétacé. Terrain houiller (?)■ Calcaire car- bonifère. Système dévonien. m m f 1. Terrain tertiaire . 121,00 — « l 2. Craie blanche.. 18,00 — 121,00 J 3. Dièves et tourtin 27,48 — 139,00 j 4. Sables plus ou moins ferrugineux, avec veines de V glaises (système aachenien) 21,52 — 166,48 15. Schiste gris foncé, micacé, avec fentes remplies de gros sables et de glaises, sans fossiles 17,40 — 188,00 6. Grès micacé, avec petite veine charbonneuse. . . 4,20 — 205,40 / 7. Calcaire bleu, à grains fins, avec veines cristal- 1 Unes blanches 5,20 — 209,60 < 8. Calcaire gris, à cassure esquilleuse, et géodes j cristallines; rappelle le calcaire de Dompierre V (arrondissement d’Avesnes) 8,20 — 214,80 ! 9. Schistes pyriteux, gris clair 4,00 — 223,00 10. Schistes gris bleuâtres. . . 2,00 — 227,00 11. Schistes rougeâtres - 2,20 — 229,00 12. Psammites gris bleuâtres 1,00 — 231,20 13. Schistes rougeâtres. 2,00 — 232,20 14. Psammites gris bleuâtres 5,90 — 234,20 15 Schistes rougeâtres 1,10 — 238,10 16. Psammites gris bleuâtres. 9,80 — 239,20 17. Calcaire rougeâtre, dur, avec géodes quartzeuses \ et empreintes d’Encrines 2,20 — 249,00 Profondeur totale 251,20 — 251,20 Les échantillons des couches n08 5 et 6, que je mets sous les yeux delà Société, semblent bien appartenir, par leur position et leurs caractères minéralogiques, au terrain houiller, qui ne présente- rait en ce point qu’une épaisseur de 21m,60; maison se trouve peut-être là sur le bord méridional d’un bassin susceptible de prendre au nord un certain développement. La compagnie, d’après mes conseils, a suspendu immédiatement le forage dont la coupe précède, et en a entrepris d’autres au nord du premier. Ces nou- velles recherches feront connaître si le terrain houiller qui paraît exister à Menin est exploitable ou non. Quoi qu’il en soit, ôn ne peut méconnaître l’intérêt qui s’attache à cette entreprise dont la portée, si elle réussissait, serait incalculable. SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. m Je rappellerai ici quelques extraits de mon travail sur la géo- logie de la Flandre française qui ont trait à cette question. On lit à la page 32 : « Le relèvement de terrain dévonien au- quel on doit l’affleurement houiller d’Hardinghen paraît avoir laissé des traces sur le sol anglais, où l’on retrouve, dans la même direction, une protubérance formée par les sables d’Hastings, qui semble correspondre exactement à celle du Pas-de-Calais. Au sud et au nord de cette protubérance, on trouve le grès vert et la craie qui supportent les terrains tertiaires de Londres et de l’île de Wiglit. Il existe donc, au sud comme au nord des sables d’Has- tings, un bas-fond prononcé, mais qui est beaucoup plus rétréci dans le premier sens que dans le second. D’après cela, ne pourrait- il pas se faire que le bas-fond du sud représentât le prolongement du bassin de Yalenciennes, et que celui du nord correspondît aux terrains houillers de la Grande-Bretagne, lesquels s’enfoncent sous les dépôts plus modernes qui recouvrent la partie est de l’Angle- terre et se prolongent peut-être, mais à de grandes profondeurs, jusque sous certaines parties de la Hollande , de la Belgique et meme des départements du Nord et du Pas-de-Calais ? » Et plus loin, page 76 : « La pente souterraine qu’affecte le cal- caire bleu au nord de Lille, ne détruit pas la possibilité de l’exis- tence d’un bassin houiller dans cette direction, bassin qui serait d’ailleurs complètement distinct de celui de Yalenciennes. Le fo- rage pratiqué à Halluin en 1838, et qui s’est arrêté sur l’étage des Dièves du terrain de craie à la profondeur de 127a\ù5, aurait donc pu être poursuivi avec intérêt. L’épaisseur considérable des ter- rains morts qui existent dans la partie occidentale de la Belgique et du département du Nord, démontre qu’il y a là une grande dépression qui fait suite au bas-fond souterrain sur lequel la ville de Londres est bâtie, et s’il y existe des bassins houillers , ce qui n est pas impossible , ceux-ci pourraient s1 avancer vers le bord sud de cette dépression qui avoisine Lille et se rattacher plus ou moins di- rectement à la vaste formation houillère qui affleure en Angleterre depuis le pays de Galles jusqu’en Ecosse. Les faits constatés par le nouveau forage d’Halluin tendraient donc à appuyer les considérations que j’ai exprimées il y a déjà plusieurs années sur ce sujet. M. Hébert confirme sur quelques points les observations de M. Meugy, mais pense que les mouvements du sol qui ont marqué les traits principaux de la topographie du terrain ter- tiaire et du terrain crétacé du nord de la France, notamment MÉMOIRE DE M. MARTHÀ BEKER. *63 ceux qui ont produit le relèvement du pays de Bray, ont dû se produire avant le dépôt du calcaire pisoliihique, et ne doivent pas, par conséquent, être rapportés au soulèvement des Py- rénées. Le Secrétaire donne lecture du mémoire suivant de M. Mar- tha Beker : Théorie des tremblements de terre et des volcans , par M. F. Martha Beker, comte de Mons, ingénieur des mines, vice-président de l’Académie de Clermont. Les tremblements de terre, un des phénomènes les plus émou- vants de la nature, ont donné lieu à des conjectures nombreuses. Les seules rationnelles sont celles qui admettent la définition qu’en donne le Cosmos , qui les considère comme une des variétés des réactions que l’intérieur de notre planète exerce contre son écorce extérieure. Nous nous hasarderons aussi à aborder et à tenter d’éclaircir, dans cet ordre d’idées, cette question délicate et com- plexe. L’astronomie, la physique et la géologie sont d’accord pour nous montrer à l’origine la terre à l’état d’une masse fluide incan- descente, lancée dans l’espace sans doute du sein de la nébulosité gazeuse du soleil, et prenant, sous Faction combinée de cette force d’impulsion et de la force attractive de cet astre, d’une part, le double mouvement elliptique et de rotation qu’elle décrit, de l’autre, la forme sphérique avec aplatissement aux pôles et ren- flement à l’équateur qui la caractérise. Des nuages accumulés, suspendus en voûte épaisse et profonde, roulaient dans l’atmo- sphère, alors le seul réservoir des eaux dont les vapeurs ne pou- vaient se condenser sur cette surface incandescente. Théorie des soulèvements . On sait, d’après la théorie des soulèvements, quelles ont été les influences successives du refroidissement sur ce globe en ignition plongé dans delà vapeur d’eau. La surface d’abord se ride, puis se recouvre d’une pellicule qui, en se solidifiant, commence la for- mation de l’écorce terrestre. Toute déperdition de calorique dé- terminant en général une diminution de volume, une contraction plus sensible sur les substances pâteuses que sur les corps solidifiés, le noyau fluide intérieur continue à se contracter au-dessous de SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. mk cette première écorce et s’en sépare peu à peu. Les vides se mul- tipliant, l’action de la gravité dirigée vers le centre de la terre, la tension des gaz émanés sous l’enveloppe solide, la fragilité relative qu’un refroidissement inégal imprime à l’état moléculaire de cette enveloppe, l’emportent un jour sur la force de cohésion. L’écorce se rompt, et la rupture se fait suivant un grand cercle de la terre, en raison de sa forme sphérique. Une fois rompue, elle est re- tombée sur le noyau intérieur; des portions de la niasse incan- descente se sont épanchées par les fissures, en redressant des deux côtés les couches brisées de la surface. Ce premier épanchement a été le premier des soulèvements, l’apparition de la plus ancienne des chaînes de montagnes, et le soulèvement a été compensé par des dépressions sur d’autres points. L’équilibre s’est rétabli, A cette commotion a succédé une période de tranquillité relative, laquelle a duré jusqu’à ce que, les mêmes causes ramenant les mêmes effets, de nouvelles ruptures ont déterminé de nouveaux épanchements, de nouvelles lignes d’aspérités. Dans ces inter- valles, la condensation des nuages s’était effectuée en ravinant le sol, en donnant naissance à des cours d’eau, à des lacs, à des mers, qui vinrent occuper les dépressions causées par les érosions et par le retrait dû aux effets du refroidissement, et des terrains de sédiment s’étaient déposés dans ces dépressions ; mais chaque convulsion nouvelle du globe changeant sa configuration exté- rieure, d’autres dépôts de sédiment d’une nature différente s’accu- mulaient sur les dépôts antérieurs, et ainsi se constituait l’échelle des terrains géologiques. A mesure que l’écorce prend plus de consistance, les cataclysmes s’éloignent, les périodes de tranquillité acquièrent plus de durée. Pendant ces périodes, les plantes et les animaux naissent et se développent. En même temps que chaque cataclysme modifie la configuration du globe, la végétation et la vie manifestent aussi d’autres formes sous l’influence d’un milieu différent et d’une température décroissante. La terre a passé par un certain nombre de ces alternatives de révolutions violentes et pacifiques avant d’arriver à l’époque actuelle. Refroidissement du globe. De ces théories ingénieuses, appuyées sur les observations four- nies par la nature et par la science, il résulte ce fait à peu près in- contesté, que la terre est un globe incandescent, dont l’enveloppe extérieure s’est solidifiée par l’effet du refroidissement. Dans cet état de choses, quelles peuvent être les causes des tremblements de MÉMOIRE DE M. MARTHA BEKER. kl 5 têi're ? Le rayon moyen du globe a plus de 6000 kilomètres, tan- dis que l’épaisseur de son écorce n’est guère évaluée qu’à â0, 50 ou 60 kilomètres, d’après les calculs de la progression de la tempé- rature, laquelle s’élève d’un degré par 33 mètres pour les régions voisines de la surface, et d’après une échelle bien plus rapide sans doute pour les régions profondes. Cette élévation progressive de la température doit nécessairement modifier l’état moléculaire des assises successives de l’écorce, dont les parties inférieures doivent se ressentir du voisinage du foyer incandescent, et affecter une consistance de plus en plus pâteuse. Enveloppé, protégé par une calotte sphérique de calcaires, d’argiles et de corps mauvais con- ducteurs de la chaleur, le noyau intérieur se refroidit avec une extrême lenteur, ainsi que Fourier l’a établi par ses calculs; mais, si les effets du refroidissement suivent une gradation peu sensible, si cette lenteur assure une durée de plus en plus longue aux périodes de tranquillité pendant lesquelles la Providence sème et développe la vie, ces effets n’en sont pas moins continus et actifs. Cavités souterraines . L’écorce solidifiée n’est pas partout juxta-posée sur le noyau incandescent ; par suite de contractions diverses et successives, il s’y est fait des vides, des cavités nombreuses. Provoquées par deux causes puissantes d’évaporation, la chaleur et le vide, les i vapeurs émanées du foyer intérieur ont rempli ces espaces, et y forment une atmosphère souterraine, dont la tension, par des causes diverses souvent peu appréciables, n’est pas la même dans les cavités qui ne communiquent pas entre elles. Cette tension doit varier suivant la hauteur et l’étendue des excavations, suivant les latitudes qui modifient les températures et l’état électro-ma- gnétique, suivant l’état de la surface du noyau incandescent qui n’est pas partout homogène, suivant qu’il s’agit de cavités closes ou en communication avec des bouches volcaniques. Nous avons dit que les dernières assises de l’écorce terrestre étaient dans un état moléculaire pâteux, intermédiaire entre l’état solide et l’état fluide. Le noyau incandescent intérieur en se con- tractant allonge et étire ces masses pâteuses, et cet effet est favorisé par les mouvements de contractilité que le refroidissement fait Soc . géol . , 2e série, tome XV. 30 SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. 566 aussi éprouver, en sens divers, à la croûte extérieure . Ces efforts continuant à agir de concert avec les autres forces en jeu, des déchirements s’opèrent, de nouveaux vides se manifestent. Des cavités à tensions différentes, les unes closes, les autres en rapport avec l’air extérieur par des orifices volcaniques, sont mises en communication subite ; il en résulte des dilatations instantanées et une perturbation violente dans cette atmosphère souterraine. Les déchirures et les vides, dont la formation détermine ce trouble, se multiplient et s’élargissent avec les siècles, sous l’influence d’une contraction lente, mais continue. Atmosphère souterraine. On est amené à se demander quel rôle joue, dans l’état habituel, la tension de l’atmosphère qui remplit ces cavités. Elle est néces- sairement énorme à cette haute température, dans ce laboratoire cyclopéen. Tant qu’aucune autre force ne survient pour changer la pression ou le volume de ces cavités, elle ne dépasse pas un certain maximum devant lequel toute émanation nouvelle s’arrête, maximum qui n’est pas le même pour tous les groupes de cavités. Cette tension, pour ainsi dire passive durant la période de calme, distend néanmoins les parois de l’enceinte qu’elle occupe. Sous ce rapport, elle facilite les déchirements que la contraction due au refroidissement tend à produire. Il s’ensuit qu’il doit y avoir plus fréquemment des déchirements autour des excavations anciennes que dans l’intérieur des massifs pleins, et que des multitudes de vides et de chambres doivent être en communication les uns avec les autres dans des régions ainsi de plus en plus menacées. Mais un autre phénomène, d’une haute importance dans la question, intervient dans le jeu des forces naturelles que nous examinons. Du moment où dans une cavité la tension maximum dont nous avons parlé s’est établie, et est devenue assez puissante pour arrêter l’émanation et l’ébullition de la masse incandes- cente, la compression qu’elle y exerce retient captifs, dans les couches supérieures du liquide en ignition, les gaz qui tendent à se produire au dehors. Que par une cause quelconque des vides s’ouvrent, que des dilatations se manifestent, et aussitôt la mer incandescente y bouillonne, aussitôt une quantité nouvelle de gaz fait irruption dans les cavités. Il est aisé de comprendre quelles perturbations amènent, dans cette atmosphère souterraine à haute pression, ces successions rapides de dilatations et d’aug- mentations de tension, qui se révèlent par des chocs et par des MÉMOIRE DE M. MARTHA BEKER. ZîÔ7 commotions d’autant plus violentes que le premier effet de dila- tation aura été plus considérable. Causes des tremblements de terre. L’espace annulaire compris entre le noyau et l’enveloppe du globe peut donc être considéré comme rempli d’un massif de roches à un état moléculaire intermédiaire entre l’incandescence et la solidification complète, massif parsemé d’excavations irrégu- lières, espèces de récipients à haute tension. De temps à autre, par l effet de la contraction du refroidissement, de nouveaux dé- chirements s’opèrent, des vides s’ouvrent, des atmosphères à pressions différentes se rencontrent, des dilatations se produisent, et la surface de la mer incandescente entre Violemment en ébul- lition. De là, des changements rapides dans les tensions et un trouble atmosphérique général dans ces profondeurs Les com- motions se propagent de cavités en cavités, comme le roulement du tonnerre ou comme le feu grisou qui court dans les mines de houille le long de toutes les galeries de communication, en déter- minant un ébranlement général sur son passage. L’ébranlement causé par ces déchirements suivis de dilatations et d'ébullitions doit être peu sensible sur les massifs latéraux qui relient le noyau à l’écorce, en raison de leur état plus ou moins pâteux, de leur peu de sonorité et de ténacité. Il doit au contraire produire tout son effet sur la voûte de cette enveloppe solidifiée, dont les élé- ments et la constitution prêtent à la propagation des vibrations et des ondes sonores, et dont l’état moléculaire, instable par suite d’un refroidissement inégal dans ses diverses assises, est favorable aux ruptures. Les tremblements de terre occasionnés par ces ébranlements, qui peuvent être comparés à de véritables tempêtes atmosphériques souterraines, doivent s’étendre sur un espace d’autant plus considérable que les cavités où se font ces commo- tions sont en communication avec un plus grand nombre de ga- leries. A chaque anfractuosité que rencontrent les flots d’un cou- rant tumultueux, il se fait une répercussion et une secousse violente qui agite, fait gémir et trembler plus profondément la voûte solide. Suivant cette théorie, la configuration souterraine peut être appréciée et déterminée d’après l’état de calme ou d’agitation de la surface. Les contrées qui correspondent aux excavations sont tourmentées par les tremblements de terre qui épargnent celles placées au-dessus des massifs pleins, à bases pâteuses , ce qui SÉANCE DU 'J9 AVRIL 1858. /j68 explique ces secousses fréquentes en Calabre, en Turquie, dans l'archipel Indien, dans l’Amérique méridionale, et ce repos presque absolu de la France, de l’Allemagne et du nord de l’Europe. On conçoit aussi comment les tremblements de terre éclatent subitement, sans caractère de périodicité régulière, comment ils affectent de préférence certaines localités, certaines régions, se font sentir à des distances considérables, souvent fort éloignées du centre des ébranlements, tandis que des points rapprochés, mais sur une autre direction, demeurent paisibles. Ce fait a lieu lorsque ces points, au heu d’être suspendus sur de vastes solutions de con- tinuité, au-dessus d’une atmosphère susceptible d’être violem- ment agitée, reposent sur des massifs pleins, dont l’état molécu- laire est peu propre à conduire et à propager les vibrations que pourraient communiquer les commotions des cavités latérales. Ainsi le globe se refroidit, se contracte et se déchire dans les régions intermédiaires entre le noyau et l’écorce; là où il y a des espaces vides, l’émanation du foyer incandescent a constitué une atmosphère souterraine. Chaque déchirement augmente la capa- cité de ces réservoirs à gaz. ou met en communication des atmo- sphères à tensions différentes. De là des ébullitions soudaines, des émanations instantanées des gaz maintenus auparavant par la pression de l’atmosphère souterraine dans les couches supé- rieures de la masse ignée ; de là des chocs qui se propagent de cavités en cavités, en donnant naissance aux tremblements de terre. La contraction du refroidissement, force toujours agissante, favorisée par la tension de l’atmosphère souterraine, est donc la cause première de ce phénomène. D’autres causes, accidentelles, plus rares, peuvent occasionner un ébranlement sur les points où se rencontrent de vastes solutions de continuité, où l’épaisseur de l’écorce terrestre a été réduite et amincie. On sait qu’il existe à de grandes profondeurs des nappes d’eau soumises à des pressions et à des températures excessives, qui tendent à se vaporiser et à briser leurs parois. Si ces parois amin- cies n’offrent plus assez de résistance, elles éclatent et s’éboulent; des torrents de vapeurs font aussitôt irruption dans l’excavation, dont elles refoulent violemment l’atmosphère et augmentent la tension. La composition chimique de cette atmosphère, formée d’un mélange de gaz de natures diverses, est peut-être aussi une cause de commotions violentes , si ce mélange devient déto- nant. et si à cette haute température il peut donner lieu à des combinaisons ; mais, ne connaissant pas la nature de ces vapeurs, nous ne nous arrêterons pas sur cette éventualité hypothétique. MÉMOIRE I)E M. MARTHA BEKER. âG9 Les excavations souterraines sont, quelle que soit la cause pre- mière, le théâtre de ces mouvements divers. Il n’est pas donné à l’homme de sonder les abîmes de ces régions plutoniennes, que les poètes de l’antiquité, le génie du Dante et celui de Milton au- raient choisis pour y fixer l’emplacement des enfers. Les cavernes calcaires, avec leurs myriades de stalactites suspendues à la voûte en pendentifs, avec leurs dédales de massifs et de chambres irré- gulières et profondes, ne sauraient donner une idée de ce spec- tacle. Mais que l’on se transporte dans l’île de Staffa, l’une des Hébrides, au fond de la merveilleuse colonnade en prismes ba- saltiques de la grotte de Fingal soulevée du milieu des flots; que l’imagination suppose la mer en ignition, les socles des prismes de basalte à demi refroidis, à demi cristallisés, et à chaque ébran- lement imprimé à la voûte par le choc de la vague contre le seuil, et par celui de l’atmosphère refoulée contre la nef, l’illusion pourrait être complète. Mers incandescentes. Il est difficile de se rendre compte de l’état dans lequel se trouve la surface de cette mer en ignition; il est probable néan- moins qu’elle est recouverte d’écumes, de pellicules plus ou moins vitrifiées, très minces, parsemées d’interstices et de crevasses nombreuses qui se brisent à chaque diminution de pression, à chaque ébullition, et qui doivent présenter l’aspect des croûtes poreuses et flexibles des laves récemment épanchées ; mais il est essentiel de signaler ici une différence d’état en dedans et en dehors des cavités, pour expliquer comment les dernières assises de l’écorce peuvent se relier au noyau intérieur. Dans les profon- deurs qui nous occupent, ce noyau, du moins dans sçs couches supérieures, les seules qui nous intéressent, doit être considéré comme une masse, non pas en fusion, mais demi-fluide, et M. A, de Humboldt pense, avec M.Élie de Beaumont, qu’une roche grani- tique primitive forme le support de tout l’édifice des couches su- perposées dont se compose l’écorce terrestre. C’est là en effet l’état général, celui qui affecte tout l’ensemble, et qui permet aux assises inférieures de la croûte du globe de reposer sur cette masse pâteuse plus ou moins ramollie, mais qu’une pression con- sidérable condense et resserre. Ce n’est qu’au sein des cavités que la surface moins comprimée présente un état de fluidité plus avancée, et peut être comparée à une mer incandescente. Là d’ailleurs intervient le jeu constant d’une autre influence, celle SÉANCE DU 19 AVRIL 1858» Zs70 des variations périodiques qu’éprouve la tension maximum de l’atmosphère souterraine, maximum qui arrêterait, s’il était in- variable, toute action d’élasticité de la nappe intérieure, toute émanation nouvelle, en contenant dans les couches supérieures du noyau les gaz qui tendent à se faire jour ; mais, de même que dans l’atmosphère extérieure et dans les phénomènes analogues, il n’y a jamais équilibre parfait, immobilité complète, de même cette tension n’est qu’une moyenne autour de laquelle s’effectuent des oscillations barométriques continuelles, et, par suite, des mou- vements périodiques des vapeurs qui sont expulsées de la masse liquéfiée après y avoir été refoulées ou contenues, ou qui s’échap- pent pour remplacer celles qui se sont coudensées. Ce jeu alternatif de gaz énormément chauffés et comprimés, qui sont sans cesse tamisés à travers ces couches supérieures, comme par une action aspirante et foulante, y détermine des gonflements et des dépres- sions successives, par suite des ébullitions intermittentes, et y maintient une fluidité permanente qui n’existe pas sous les massifs pleins. Quoique la nature des gaz qui composent les atmosphères souterraines nous soit inconnue, tout fait présumer néanmoins qu’ils exercent sur les parois qui les contiennent une action à la fois chimique et mécanique. Ces actions combinées tendent, à la faveur d’une haute température, à corroder, à fondre les parois latérales, à élargir les cavités, et entretiennent un état de fluidité et de bouillonnement dans les nappes qui en occupent le fond. Le granité qui constitue l’ensemble des massifs s’altère au contact et jusqu’à une certaine distance des excavations, comme par un effet de métamorphisme, sous l’influence des phénomènes qui s’y pro- duisent. Cette altération donne naissance aux basaltes, aux tra- chytes et aux diverses roches d’éruption. Telle est sans doute la situation de ces régions intermédiaires ou de transition, qui n’offrent de mers incandescentes que sous les dômes des cavités. Une pression moindre, jointe à des actions chimiques et à des mouvements perpétuels de flux et de reflux dans l’atmosphère de ces vides, suffit, quoiqu’il n’en résulte que des perturbations légères en comparaison de celles qui causent les tremblements de terre, pour modifier l’état moléculaire de la nappe intérieure, pour la rendre fluide sous les excavations, tandis que sous les massifs elle reste demi -fluide, y est pâteuse, ramollie, condensée, fait corps avec eux, et peut ainsi leur servir de sup- port. 11 n’y a donc pas, à proprement parler, de noyau distinct. L’écorce terrestre descend, par des gradations insensibles, vers un état dé plus en plus pâteux. C’est l’état moléculaire, la facilité MÉMOIRE DE M. MÀRTHÀ BES.ER» 471 plus ou moins grande de déchirement qui détermine la profondeur à laquelle Faction du refroidissement peut exercer son effort et ouvrir ses réseaux de cavités. La liquéfaction universelle ne doit se produire que dans des régions plus profondes, si toutefois la pression croissante avec le nombre des couches superposées ne maintient pas dans les masses inférieures une adhérence molécu- laire demi -fluide, et s’il est vrai que la chaleur centrale n’est pas uniforme, à partir d’un certain niveau, mais augmente indéfini- ment le long de l’échelle descendante. En réalité, à la hauteur de la formation des déchirements, les excavations et leurs mers incan- descentes ne sont que des accidents, des exceptions qui tendent à s’accroître et à se propager; la situation générale y est, nous le répétons, celle d’une agrégation de roches massives demi-fluides. INfous ajouterons que la profondeur des cavernes plutoniennes n’est sans doute pas invariablement la même partout, et doit être moindre qu’on ne le suppose. Volcans. Poursuivons l’application de ces données aux phénomènes vol- caniques. Jets de fumées et de cendres . Dès les premiers temps qui suivirent chaque soulèvement de montagnes, avant même la fin du cataclysme et le rétablissement de l’équilibre, lorsque les couches brisées n’avaient pas encore pris leur assiette et refermé l’abîme, des issues nombreuses se sont ouvertes à l’épanchement des gaz. Ces cheminées primitives, qui ont du. occuper de préférence la direction des grandes fractures produites par le soulèvement, comme on le voit le long de la chaîne des Cordillères, ont été les points de départ de la plupart des excavations dont nous avons parlé Ces excavations, qui ont dû s’échelonner comme les orifices, se sont éch ancrées et agran- dies successivement sous les coups de tant d’éléments de destruc- tion ; mais en même temps s’est manifesté un autre phénomène. Des vapeurs de toute nature, provoquées, ainsi que nous l’avons dit, par la chaleur et le vide, émanaient du foyer de l’incandescence. Elles n’ont pas tardé à tapisser les chambres, les crevasses et les conduits, de dépôts de substances salines et miné- rales, en couches épaisses produites par des réactions électro-chi- miques, et par des condensations partielles, lentes et successives. Ces condensations deviennent spontanées, générales, et peuvent donner lieu à des quantités considérables de précipités dans les SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. £72 moments d’orage qu’éprouve l’atmosphère souterraine, lorsque des tensions différentes et des saturations à des degrés divers sont mises en présence. Les efflorescences et les dépôts chimiques, formés soit successivement, soit instantanément, ne sont pas les seuls produits qui tapissent ces excavations. Chaque ébullition intérieure projetant des gouttelettes incandescentes qui se figent aux parois et à la voûte, celles-ci doivent en être couvertes comme par un effet de granulation ou d’aspersion. Enfin, par diverses causes d’engorgement, soit par l’accumulation de dépôts formés par voie de sublimation, soit par l’interposition d’un fragment de lave refroidie, ou par suite des éboulements si fréquents dans les cônes volcaniques, éboulements qui encombrent le passage de blocs et de débris, la cheminée de tirage tend à se boucher en partie et quelquefois en totalité. Dans le premier cas, celui d’une fermeture partielle, l’ouver- ture se rétrécissant, la sortie des gaz se réduit, le volume du cou- rant ascendant diminue. Cependant l’émanation du foyer incan- descent continue, le courant n’étant pas arrêté, mais seulement restreint, et la tension de l’atmosphère souterraine s’élève. Cette tension s’accroît même instantanément, si, par suite de quelque déchirement intérieur, il se produit, comme nous l’avons fait re- marquer, une dilatation et une ébullition soudaine. Le fluide aériforme se condense alors, se comprime au bas de l’orifice et le long des passages étranglés; des remous et des tourbillons, des chocs et des secousses agitent et ébranlent la bouche de l’excava- tion souterraine. Ce sont les premiers efforts de l’éruption ; ils s’annoncent par des commotions et des agitations qui répondent à la surface et par réchauffement du sol. La résistance est enfin vaincue, l’orifice s’élargit, le bouillonnement augmente. Ce n’est plus à l’état d’un simple filet que les fluides aériformes s’échappent, mais en masse, en colonne épaisse. Ils balayent, entraînent, chassent devant eux toutes les matières pulvérulentes qui s’y sont déposées, tous les débris et les fragments qui embarrassent le tuyau d’évacuation, et lancent dans les airs des gerbes de flammes, de fumées et de cendres. Bientôt ce ne sont plus seulement les dépôts et les débris accumulés dans la cheminée qui sont emportés par le courant ascendant; ce sont aussi ceux qui tapissent l’exca- vation inférieure qui sert de récipient et les cavités adjacentes; ce sont les précipités tenus en suspension à la suite des condensations spontanées que produisent ces mouvements atmosphériques; ce sont enfin des gerbes de fragments plus ou moins ténus, lancés et projetés par l’ébullition du liquide igné et de ses écumes. Toutes MÉMOIRE DE AI. M ART H A BEïilïR. A73 ces substances sont expulsées hors du volcan, réduites en poussières fines par le frottement des unes contre les autres. Des pluies de cendres jaillissent ainsi de ces antres profonds, en masses assez abondantes pour ensevelir quelquefois les campagnes et les cités. Si le cratère se bouche en totalité, soit par la chute du cône, soit par la consolidation d’une calotte de lave qui n’a pu se faire jour, il peut demeurer longtemps inactif, comme l’a été le Yésuve avant les éruptions si fatales à fierculanum et à Pompéïa. L’hy- pothèse de l’écoulement d’un fluide aériforme, qui s’accumule et tourbillonne au fond d’un entonnoir à col trop resserré, n’est plus applicable à des cavités hermétiquement closes, où il n’existe plus aucun courant, mais seulement de faibles variations baro- métriques, et où la tension intérieure ne prend pas un accroisse- ment indéfini. On sait quelle s’arrête à un maximum qui, en général, surtout à l’état de repos, a moins de puissance que les parois qui nous occupent n’offrent de résistance. Il faut donc re- courir à l’intervention d’un autre agent, à l’introduction d’une nouvelle force expansive, comme celle d’un déchirement inté- rieur, ou comme celle que produirait la chute instantanée de nappes d’eau dans cette atmosphère à haute température et à haute pression. L’expansion se fait jour alors tantôt brusquement, tantôt après des efforts plus ou moins longs, à l’endroit de la plus faible résistance, là où la paroi est le plus mince ; c’est habituel- lement dans l’ancien cratère, mais parfois aussi dans d’autres par- ties crevassées ou minées de la voûte. L’éruption soudaine qui eut lieu en 1808 dans File de Sain t-Georges-des Açores, au milieu de champs cultivés qui s’entr’ouvrirent avec fracas pour donner nais- san e à des cratères et à des torrents de laves, le soulèvement du volcan et des fumerolles de Jorullo, en 1759, après deux mois de tremblements de terre, au milieu d’une plaine couverte d’indigo et de cannes à sucre, ont été sans doute le résultat d’un concours de circonstances de ce genre. Indépendamment des gaz, de la fumée et des cendres, les vol- cans vomissent encore des pierres pouces, des pouzzolanes, des scories et d’autres substances légères vitrifiées , provenant des gouttelettes figées, des efflorescences chimiques et des écumes qui doivent surnager à la surface de la mer incandescente ; mais là ne se bornent pas les efforts des éruptions. Epanchement des Laces . Aussitôt que l’ouverture du cratère est forcée, l’atmosphère SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. Ixlh inférieure se détend et le liquide incandescent entre en ébullition. Des parcelles fluides ignées sont projetées et emportées, ainsi que nous l’avons vu, avec la gerbe du courant ascendant; mais ce n’est que l’avant-garde d’épanchements plus considérables Aspirées pour ainsi dire (1) par l’effet du boursouflement subit du à une pres- sion moindre, puis entraînées dans le mouvement général vers la même issue, les portions tuméfiées de la masse incandescente, ac- compagnées parfois de lambeaux pâteux arrachés aux dernières assises des parois latérales des cavités, suivent le torrent Ces laves étant plus denses, plus compactes que les vapeurs et les cendres, leur ascension est plus lente, plus mesurée ; elles continuent à monter jusqu’à ce qu’elles rencontrent des déversoirs, d’où elles puissent s’épancher en coulées ou se frayer par leur poids un pas- sage à travers ies fissures du cône fragile de l’orifice. Si la force ascensionnelle est momentanément insuffisante après ce premier effort, la lave bouillonne et oscille au fond du cratère, maintenue et pressée en dessous par celte force, jusqu’à ce qu’un accroisse- ment de tension détermine l’épanchement. Une nouvelle traînée de laves, avec fumées et cendres, peut suivre ce premier épanche- ment, et se répéter autant de fois que le phénomène du vase clos qui se débouche subitement se reproduira, ce qui explique i’inter- mittence qui a lieu dans certains cas. Il arrive fréquemment, à la fin d’une éruption, un fait que nous avons déjà signalé comme une des causes d’engorgement des ori- fices volcaniques : c’est qu’une portion de lave reste engagée dans le cratère, faute d’une force ascensionnelle suffisante, de manière à intercepter toute communication avec l’extérieur. Deux cas se présentent. Si ce fragment est pâteux, peu fluide, dans un état de fusion peu avancée, si c’est un lambeau arraché aux dernières assises des parois latérales des cavités, cette masse peut se solidi- fier facilement, ainsi qu’il arrive aux soulèvements des roches gra- nitiques, et clore hermétiquement la bouche du volcan. Il n’en est pas de même si ce lambeau est une portion liquéfiée de la mer incandescente. Supporté par une colonne de fluide aériforme (1) Ce phénomène peut être assimilé à une aspiration; il est ana- logue à ce qui se produit dans un vase clos contenant un liquide épais fortement chauffé Que le vase se débouche subitement, et il en jaillit un jet de vapeur, accompagné ou plutôt suivi de la portion du liquide pâteux, qui, en se boursouflant spontanément par suite de cette dimi- nution de pression instantanée, est entraînée vers l’orifice où elle s’épanche. MÉMOIRE JDE M. MÀRTHÀ BEKER. 475 condensé, ce disque incandescent peut demeurer longtemps sus- pendu de la sorte, comme le globule de mercure dans le tube à air comprimé. Si la tension intérieure n’éprouve pas d’accroisse- ment considérable, il ne manifestera que les oscillations baromé- triques de l’atmosphère souterraine, et pourra même être sensible aux variations de l’atmosphère extérieure. Flottant sur des nuages de vapeurs brûlantes, ce disque de matières en ignition conservera d’autant mieux sa chaleur et sa fluidité, qu’il se laissera pénétrer plus aisément par les gaz qui se tamisent à travers ses globules et le long des parois ; de là cette ébullition permanente à sa surface et ces explosions répétées. Tel est sans doute le cas du Stromboli, dont le fond du cratère présente un bain de lave fondue qui s’élève et s’abaisse sans cesse avec bouillonnement et projection de scories, de bombes, de fragments volcaniques, et qui est ali- menté par l’ébullition et par les projections de la mer intérieure. L’hypothèse, si naturelle au premier aperçu, d’une colonne en- tière de lave maintenue dans un canal vertical, depuis la source incandescente jusqu’au sommet du cratère, à l’instar de la colonne de mercure dans le baromètre, n’est guère admissible pour expli- quer les épanchements de laves, même dans un filon ou puits étroit, par voie de capillarité; car elle suppose une circonstance difficile à concevoir, celle d’un canal capillaire descendant sans discontinuité jusque dans la mer en ignition ; elle suppose l’ab- sence d’excavations souterraines, et, par suite, l’absence de trem- blements de terre, de pluies de cendres, d’éjections boueuses, en un mot, de tous les phénomènes qui précèdent et accompagnent les éruptions. Il n’y aurait que des épanchements de laves, et encore on se demanderait comment une colonne très mince, un filet de AO à 60 kilomètres de hauteur pourrait demeurer fluide sur toute cette longueur, sans se refroidir et sans se figer. On comprend que les volcans peu élevés, et de plus isolés, comme ceux du Vésuve, de l’Etna et de l’Islande, présentent plus fréquemment le puissant effort des coulées de laves que les pics disséminés le long des Andes, où ces colonnes en fusion peuvent rarement atteindre le sommet, et que les volcans si multipliés du plateau de Quito et de l’archipel Indien. Plus il y a d’orifices et de cratères en activité relativement à la surface, moins l’action expansive de l’atmosphère souterraine est puissante; elle ne se révèle alors que par des jets de fumée ou par des bouillonnements i et des frémissements répétés. Le niveau des mers incandescentes dans les diverses excavations pouvant varier, d’après le principe posé ci-dessus, que la formation des excavations est déterminée par SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. 476 la facilité plus ou moins grande de déchirement, nous sommes porté à croire que le degré de fluidité des laves indique les pro- fondeurs relatives des bassins d’où elles sont tirées, ainsi que l’étendue des cavités et la puissance correspondante de leurs atmosphères. Ejections boueuses. Les volcans qui appartiennent à des chaînes élevées, comme ceux des Cordillères, doivent, en raison de leur hauteur, non-seu- lement donner de la fumée et des cendres plutôt que des laves, mais aussi se signaler par des éjections boueuses. Dans l’intérieur des puissants contre-forts de ces chaînesde montagnes, dont les crêtes perdues dans les nues sont couronnées par des glaciers et des neiges éternelles, les eaux s’infiltrent constamment à travers les fissures nombreuses des terrains volcaniques, d’ailleurs poreux et per- méables. Ces infiltrations détrempent les dépôts pulvérulents des cônes d’éruption, ainsi que les cendres qu’amène des profondeurs et que pousse devant elle la pression de l’atmosphère souterraine. La conversion des cendres en masses boueuses se fait d’autant plus facilement que les eaux infiltrées, en pénétrant par ces fissures dans des régions à haute température, se vaporisent avant de tomber dans le foyer intérieur. Ces vapeurs d’eau saisissent au passage, pénètrent et imprègnent le courant ascendant des débris pulvérulents. Quand ce mélange de cendres, d’eau et de vapeurs arrive à la surface, il s’échappe et s’écoule le long des versants de la montagne en torrents de boues fumantes qui entraînent sou- vent à leur suite des fragments de roches détachés des parois du cratère. Si le phénomène des éruptions de boues est si fréquent dans l’île de Java, dont les nombreux volcans ne s’appuient pas sur des contre-forts pareils à ceux des Cordillères , l’infiltration des eaux pluviales n’en est pas moins une source abondante, à une latitude où les vapeurs de l’atmosphère se condensent d’une ma- nière continue sur les flancs des pics élancés. Dégagements de vapeurs d’eau. On sait qu’un prodigieux dégagement de vapeurs d’eau accom- pagne les éruptions de presque tous les volcans, même de ceux situés loin des mers. Il ne s’agit plus alors de simples infiltrations pluviales, comme pour les éjections boueuses, mais de vastes nappes d’eaux souterraines à haute température et à haute près- MÉMOIRE DE M. MARÎHA BEKER. 477 sion, emprisonnées dans des crevasses profondes, et mises au moment de l’éruption en communication avec la cheminée du volcan. C’est en effet dans cette sphère d’activité que les failles et les crevasses sont le plus multipliées; c’est autour de l’orifice inté- rieur de l’excavation volcanique, où toutes les causes de corrosion se sont réunies pour y diminuer et y amincir l’épaisseur de l’écorce terrestre, que les secousses et les efforts des éruptions agissent | avec le plus de violence à leur début, en y déterminant de nom- breuses fissures qui affectent en général la forme du rayonnement par divergence autour du centre des ébranlements. Quelques-unes de ces fissures se prolongent au loin, et, lorsque le volcan est rentré dans le calme, elles se remplissent peu à peu d’eau par l’effet d’infiltrations de longue durée, faciles d’ailleurs dans des terrains aussi perméables, et se peuplent même quelquefois de poissons dans les régions froides des étages supérieurs; mais peu à peu aussi leurs issues vers le cône qui surmonte l’excavation volcanique, et où l’émanation n’est jamais entièrement suspendue, se tapissent de dépôts chimiques ou se resserrent naturellement; elles finissent par se boucher entièrement de ce côté, et des nappes liquides sont emprisonnées dans leurs failles. Qu’arrive-t-il lors- qu’une nouvelle éruption se prépare, soit par l’accroissement pro- gressif de la tension de l’atmosphère souterraine, soit par l’inter- vention d’un nouvel agent d’expansion provenant de l’éboulement d’une partie de la voûte, et de l’introduction subite dans cette atmosphère de nappes d’eau douce ou d’eau salée, énormément comprimées et passées aussitôt à l'état de vapeurs. Les secousses, les chocs contre la base du cône qui tend à se déboucher, pro- voquent tout à l’entour de nouvelles fissures. Il en est qui attei- gnent les nappes emprisonnées. Dès que ces réservoirs d’eau, fortement chauffée et comprimée dans ces profondeurs, sont mis en communication avec la cheminée de tirage, des jets et des nuages de vapeurs s’y précipitent ; ils s’y mêlent avec le courant ascendant des cendres, augmentent sa puissance, et forment ces immenses colonnes qui obscurcissent le ciel et retombent en pluies noires. Tarissement des sources. Les éruptions, surtout celles qui sont considérables, s’annoncent ordinairement par le tarissement des sources vives, dont la fraî- cheur indique qu’elles viennent des régions superficielles ou peu profondes, et qui reparaissent plus tard aux mêmes lieux. S'il s’agissait de sources profondes, elles pourraient, dans cet ébranle- SÉANCE DU 19 AVRIL 1858. 478 ment violent, disparaître sans retour ; il n’en est pas de même i vers la surface. Deux causes peuvent sur ces points concourir au phénomène du tarissement avant-coureur d’une éruption. Les volcans passent par des périodes de calme et d’activité. Durant la période de repos, la cheminée ainsi que les régions voisines se refroidissent, le terrain se contracte, se fend peu à peu dans toute la sphère de l’ action du feu interne, et une infinité de veines et de fissures s’y ramifient. A la naissance d’une forte éruption, lorsque la colonne ascendante comprimée cherche à forcer le pas- sage, elle échauffe les parois, injecte des gaz dans les terrains en- vironnants par toutes ces fissures devenues de véritables calorifères, et la chaleur se propage rapidement, dans le sol jusqu’à la surface à une grande distance. D’autre part, les premières secousses, quoi- qu’elles soient souvent violentes, n’occasionnent ordinairement, vers les assises supérieures moins agitées que celles du fond, que de petites dislocations locales qui, sur le passage des sources, ouvrent des fentes, des bassins, où elles s’épanchent jusqu’à ce qu’elles les aient remplis C’est ainsi que sur un certain périmètre le sol est à la fois échauffé et tourmenté, au commencement d’une éruption, de sorte qu’une partie de l’eau des sources peu profondes qui y coulent se vaporise, qu’une autre est absorbée dans des ca- vités en général peu considérables, et que des fontaines cessent momentanément de fluer. Ebranlements des contrées non volcaniques. Nous avons vu que les tremblements de terre se manifestent avec énergie autour des centres volcaniques au début des érup- tions, et nous ajouterons que les éboulements intérieurs peuvent compenser les épanchements de laves au détriment de l’épaisseur de l’écorce terrestre ; mais ce n’est pas seulement dans ces régions que se rencontrent les ondulations terribles, les crevasses et les effondrements subits du sol. Si certaines contrées, quoique dé- pourvues de cratères en activité, comme la Syrie et le Portugal, éprouvent néanmoins ce phénomène dans toute son intensité, elles le doivent à l’absence même de ces orifices qui font l’office de soupapes de sûreté, à une situation exceptionnelle au-dessus d’im- menses cavités creusées et élargies successivement par l’action constante des forces en jeu, et à une structure géologique qui a offert jusqu’à ce jour assez de résistance pour ne pas se rompre. Nous n’entrerons pas dans le détail des accidents locaux, des bou- leversements, des changements de niveau, des divers genres de MÉMOIRE DE M. MARTHA BEKER. 479 crevasses qui modifient et altèrent la surface des contrées ainsi remuées. La ca ise générale étant connue ou admise, les variétés d’accidents que les secousses et les ruptures font naître sont aisées à comprendre; mais on peut se demander si ces réactions de l’in- térieur contre l’écorce extérieure tendent à augmenter ou à dimi- nuer d’intensité, question d’un grand intérêt que le temps et l’expérience mettront seuls à même de résoudre. Deux influences contraires sont en présence : d’une part, l’extension des cavités et de leurs atmosphères élargit le champ du danger et accroît la puissance atmosphérique souterraine ; d’autre part, le refroidis- sement continu du globe tend à affaiblir la tension intérieure. Toutefois, la balance doit pencher en faveur de la première de ces influences, dont les progrès sont bien plus sensibles et plus rapides que ceux de la seconde. Mouvements lents des continents . Sur certains points, les continents s’abaissent ou se gonflent len- tement, sans qu’aucune commotion trahisse et accompagne le phé- nomène. L’atmosphère souterraine ne paraît jouer ici aucun rôle ; il s’agit d’une action physique incessante qui tourmente en sens di- vers la croûte extérieure, et qui se traduit sur quelques parties de la surface par des changements de niveau plus ou moins prononcés. Ces mouvements lents sont dus aux efforts gradués que la con- traction d’un refroidissement inégal, suivant l’étage des assises et même suivant les latitudes, imprime à l’enveloppe solide. Cette contraction, différente de celle de la masse incandescente inté- rieure, se manifeste de deux manières, suivant que l’écorce tend à se disjoindre ou à se resserrer. Dans le premier cas, le sol s’af- faisse peu à peu comme dans le Groenland; dans le second, il s’exhausse insensiblement comme en Suède, sur les côtes de la Baltique. Ces mouvements lents doivent être plus répandus qu’on ne le pense, et nous ne craignons pas d’avancer qu’une série de nivellements exacts, répétés à de longs intervalles sous diverses latitudes, montrerait l’écorce de notre planète dans un état de contractilité constante et générale. Eruptions sous-marines . Les éruptions sous-marines et le soulèvement des îles hors du sein des mers sont des phénomènes du même ordre que ceux que nous avons passés en revue ; mais une particularité importante mérite d’être signalée. L’agitation violente qu’une éruption sous- /l 8 0 SÉANCE DÜ 19 AVRIL 1 S ô S * marine communique à l’élément liquide, les flux et les reflux tumultueux qui en sont la conséquence, mettent en mouvement, non-seulement les flots, mais encore les dépôts du fond, de la mer, et souvent à peine un cratère a-t-il surgi qu’il est emporté sous tant de coups répétés, comblé sous tant de débris, et que l’abîme se referme. Aussi le fond des mers ne peut offrir que des éruptions passagères, incomplètes, à moins qu’elles ne fassent partie de quelque soulèvement considérable, comme celui d’une île volcanique 1 1 doit même résulter de cette lutte des éléments et de l’introduction de masses d’eau salée dans les cavités souterraines, que la force érup- tive refoulée et énormément accrue se concentre, se traduit en effort de soulèvement, et fait apparaître, sous la forme d’un vaste dôme plein ou perforé, une île entière, au lieu d’un simple cra- tère. Cette circonstance doit même réagir sur les continents voi- sins, quelquefois à d’énormes distances, si les galeries souterraines s’étendent sur un long espace, et peut y provoquer des tremblements de terre ou des éruptions. Le désastre de Lisbonne, en 1755, a du provenir d’une éruption sous-marine, passée inaperçue au fond de quelque abîme de l’Océan, et suivie d’une invasion soudaine de la mer dans des cavités souterraines en communication avec celles qui régnent sous le sol de cette ville, ce qui explique l’agitation profonde des flots et ces ondulations lointaines qui viennent expirer aux côtes, mais qui n’y ont pas pris naissance. Volcans éteints. Parmi les volcans, il y en a qui cessent de donner des signes d’activité pendant un temps plus ou moins long, quoique l’action du foyer intérieur puisse renaître ; il y en a qui s’éteignent au contraire d’une manière définitive. Les premiers sont ceux dont le cratère s’est bouché de lui-même par des causes locales, ainsi que nous l’avons exposé, et cet état de repos se maintient tant qu’il n’intervient pas une force nouvelle d’expansion capable d’ouvrir une issue. Les seconds perdent entièrement leur vitalité, s’il survient un de ces grands cataclysmes géologiques marqués en longs traits saillants sur l’écorce de la terre ; car, en amenant le soulèvement d’une chaîne de montagnes, ils altèrent d’une manière complète la configuration intérieure du globe, et déplacent tous les foyers d’activité et d’expansion. Tel est sans doute le cas des volcans de l’Auvergne, du Yelay, des bords du Rhin, et de tous ceux regardés comme antérieurs à la dernière grande catastrophe. Eteints par cette cause générale, il n’y a pas de raison pour qu’ils mémoire de m. màrthà ëekèr. A 81 se rallument, puisqu’ils ne correspondent peut-être même plus à aucune excavation souterraine. L’absence ou la rareté des tremble- ments de terre sur ces points vient à l’appui de cette assertion. Ces volcans éteints ne sont plus soumis qu’à l’action des lois générales, et n’ont conservé de leur ancien état qu’un assez grand nombre de fissures, par lesquelles s’échappent des gaz et des eaux ther- males en rapport avec leur constitution primitive. Hypothèse des marées intérieures. Le système des marées d’une nier incandescente, mis en avant pour expliquer les causes des tremblements de terre, suppose à ces phénomènes une régularité périodique et une concordance avec les phases astronomiques que l’observation ne justifie pas. Au contraire, en admettant, ce qui est d’accord avec toutes les don- nées de la chronologie et de la géologie, que le refroidissement du globe n’a pas pu faire de grands progrès depuis le dernier cataclysme , l’hypothèse de cavités souterraines ne recouvrant encore que des espaces restreints, d’une étendue pareille, par exemple, à celle des lacs de la Suisse, ou à celle des mers bornées comme la mer Caspienne et la Méditerranée, annule l’effet des marées intérieures, du moins pour l’époque actuelle. Si à notre hypothèse d’une écorce reposant sur le noyau incandescent par des massifs ramollis, pâteux, entremêlés d’excavations, on oppo- sait celle peu rationnelle d’un espace annulaire complètement évidé, les marées intérieures pourraient agir dans toute leur puis- sance, et se révéleraient par des phases régulières et par des chocs sans doute funestes à la solidité de l’enveloppe sur laquelle nous habitons. Topographie souterraine . Tels sont les principaux faits qui dérivent de l’existence et du mode de formation des excavations souterraines et les phénomènes qui en sont la conséquence. Une topographie exacte des lignes parcourues par les divers tremblements de terre, avec des indica- tions précises sur les centres d’ébranlement et de répercussion, sur l’amplitude des ondes, sur la direction des courants dans tous les sens, sur leurs points d’arrêt et de croisement, sur la durée des trépidations, sur le degré d’intensité des secousses, serait l’élément d’une topographie souterraine correspondante, et permettrait d’ap- précier la configuration de la partie concave de l’écorce, celle des mers incandescentes, les progrès et les lois du refroidissement du Soc. géol., 2e série, tomeXV. 31 SÉANCE DU 49 AVRIL 1858. 482 globe. A cette étude il faudrait joindre un tableau de nivellements propres à faire connaître sur une vaste échelle le degré de con- tractilité que le refroidissement fait éprouver aux diverses parties de l’écorce, en déterminant avec soin la nature, le périmètre et la quantité différentielle des divers mouvements que les continents peuvent accuser. Peu de problèmes mériteraient autant d’occuper l’esprit humain ; peu de recherches seraient aussi fertiles en ré- sultats importants pour la géologie et l’avenir de certains pays, pour la connaissance des phases réservées à la période actuelle de notre planète. Il est à regretter que les siècles passés ne nous aient pas mis à même de vérifier si en général les tremblements de terre augmentent ou diminuent d’intensité, et ne nous aient pas légué une pareille statistique, délicate et difficile à réaliser, il est vrai. Les ob- servations déjà recueillies offriraient des documents utiles à con- sulter, et le concours des sociétés savantes, tant à l’étranger qu’en France, serait acquis à cette œuvre. La télégraphie électrique et les cheminsde fer seraient d’un grandsecours pour la constatation de ces faits. Des chemins de fer courent aujourd’hui et tendent à se mul- tiplier dans toutes les directions ; ils ont des stations rapprochées les unes des autres, toutes munies d’horloges parfaitement réglées. Il devrait être enjoint aux chefs de toutes ces gares de constater le moment précis de l’apparition et celui de la fin de chaque secousse de tremblement de terre, de consigner leurs observations sur des registres, ainsi que tous les phénomènes particuliers dont ils auraient été témoins. Distribuées sur de nombreux et vastes réseaux, ces stations pourraient même fonctionner d’une manière plus complète dans l’intérêt de la science, sans inconvénient pour la régularité du service auquel elles sont affectées, et devenir de petits observatoires pour les faits de météorologie, de magnétisme et d’électricité ; les résultats seraient centralisés dans les observa- toires des capitales. Un ensemble de mesures de ce genre, concer- tées et arrêtées entre tous les gouvernements, serait digne de notre époque, puisqu’il appellerait tous les services publics à concourir au développement clés connaissances humaines. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray: JS ote sur un nouveau genre cV Echina derme ; par M. Th. Ébray. Les carrières de la Grenouille, taillées dans le niassif du calcaire à Entroques, contiennent un certain nombre d’Échinodermes qui présentent des caractères assez remarquables. A la première vue, on serait tenté de classer ces fossiles dans les NOTE DE M. ÉBRAY. 483 Hyboclypus ; mais les Hyboclypus ont l’appareil apicial allongé, les ambulacres flexueux, et les oursins des carrières de la Grenouille, tout en présentant les autres caractères des Hyboclypus , ont les ambulacres droits (1) et l’appareil apicial formant un cercle au sommet. C’est en vain que l’on cherche à les placer dans les Desorella ; car, d’après M. Cotteau, les Desorella ont l’anus non situé dans un sillon profond, et les espèces du genre Centropygus présentent l’anus situé dans un sillon aussi profond que les Hyboclypus . On ne peut pas non plus les rapprocher des Nucleopygus que M. Desor a séparés du genre Desorella ; car les Centroclypus , quoique possédant un appareil apicial compacte, ont, comme nous venons de le voir, l’anus situé dans un profond sillon, et cela contrairement au genre Nucleopygus . Donc, dans la méthode actuelle, les espèces de la famille des Galeridœ , qui se rencontrent dans le calcaire à Entroques de la Nièvre, constituent un genre nouveau. Ce genre a pour caractères: Forme déprimée , Tubercules petits , crénelés) perforés, non dis- tribués par séries. Pores disposés par simples paires. Appareil apicial compacte , composé de cinq plaques ocellaires , de quatre plaques génitales et de deux petites plaques complémentaires . Anus situé à la face supérieure , dans un sillon profond. Ambu- lacres droits ou légèrement courbés. Bouche sans bourrelets , irrégu- lièrement décagonale. Les plaques complémentaires observées jusqu’à ce jour dans les Echinodermes, principalement dans les ordres des Echinoconidœ et des Echinobrissidœ , sont extérieures, et c’est autour du corps madréporiforme, occupant généralement une position centrale et faisant partie de la plaque génitale droite* antérieure, que viennent se grouper les plaques génitales, ocellaires et complé- mentaires. Dans certaines espèces du genre Collyrites , et probablement dans le genre tout entier, la plaque complémentaire n’occupe pas la même place ; elle est anale, et entourée des plaques génitales et ocellaires. Cette même disposition s’observe dans le nouveau genre Cen - (l) Certains individus présentent des ambulacres légèrement cour- bés ; si cette circonstance rapproche les Centroclypus des Hyboclypus , ces derniers se distingueront toujours par l’allongement de l’appareil apicial, SÉANCE DU 8 MAI 1858. m troclypus : les plaques complémentaires, au nombre de deux, sont entourées des plaques génitales. Le croquis suivant donne une idée claire de leur position : 1,2,3 , 4. . . . Plaques génitales. 5, 6 Plaques complémentaires. 7. 8. 9, 10, 11. Plaques ocellaires. Séance du 3 mai 1858. PRÉSIDENCE DE M. VIQUESNEL. M. A. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Le Juge (Édouard), de File Maurice, docteur en méde- cine, rue de Yerneuil, 10, à Paris, présenté par MM. Laugel et Virlet d’Aoust. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. * La Société reçoit : De la part de M. G. Gotteau, Etudes sur les Echinules fos- siles du département de V Yonne; 28e et 24e livraisons. De la part de M. Edouard Piette. Description des Cerithium enfouis dans les dépôts bathoniens de V Aisne et des Ardennes (extr. du Bull, de la Soc. géol. de France , 2e sér., t. XIV, pp. 5âA-562, 4 pi.)-, in-8. ‘ De la part de MM. de Hennezel et Triger, Note sur la com- position du terrain crétacé du département de la Sarthe (extr. du Bull, de la Soc. cVagric. , scierie, et arts de la Sarthe )j in-8, 11 p. Angers, avril 1858, chez Monnoyer. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. /i85 De la part de M. l’abbé Arsâc, La cosmogonie ou la plura- lité des mondes ; in-A, A p. Aubenas, chez L. Escu- dier. De la part de M. Lagrèze-Fossat, Note sur une Tortue fos- sile trouvée à Moissac , et sur la constitution et l’âge des terrains tertiaires des environs de cette mille (exlr. des Actes de la Soc. Linn. de Bordeaux, t. XXII, lre livraison)} in-8, 7 p,, 1858. Bordeaux, chez Th. Lafargue. De la part de MM. G. Theobald et R. Ludwig, Geologische spécial Karte des Grossherzoglhums Hessen. — Section Ojfen - bach ; in-8° 59 p., avec 1 carte géologique. Darmstadt, 1858, chez G. Jonghaus. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er sem., t. XLYI, nos 16 et 17. Société 1. et. centrale d’agriculture. — Bulletin des séances j 2e sér., t. XIII, n° 2, 1858. Annuaire de la Société météorologique de France , t. Y, 1857. — Bulletin des séances , f. 12-17. L’Institut , nos 1268 et 1269, 1858. Mémoires de la Soc. d’agriculture, sciences et arts d’Angers , 2° sér., Ye et VI* vol. Annales scientif., etc., de l’Auvergne , t. XXX, 1857. Annales de la Soc. d’Agricult sc., etc., du département d’Indre-et-Loire , t. XXXVII, nos 1 et 2, janvier à juin 1857. Philosophical Transactions of the royal Society of London , 1857, voh GXLVII, part. 1 et 2. P roceedings of the royal Society of London , vol. VIII, n° 27 ; vol. IX, nos 28 et 29. Sir Humphry Davy’s Discourses , 1820-1826, in -A. Report on the adjudication of the Copley , Rumford and royal Medals, etc., by James Hudson, in-A, 62-21 p. London, 183A, chez R. Taylor. The royal Society of London , 30th november 1857, in- A, 29 p. The Athenœum , n° 1592, 1857. Notizblatl des Vereins fur Erkunde, etc., zu Darmstadt miel des Mittelrheinischen geologischen Vereins , nos 2 à 16 ; juin 1857 à février 1858, in-S. Darmstadt. 486 SÉANCE 1)U 3 MAI 1858. The journal of the Bombay branch of the royal asiatic Society , juillet 1857. M. Clément-Mullet, rapporteur, présente, au nom de la Commission de comptabilité, le rapport sur la gestion du Tré- sorier pendant les années 1856 et 1857. Rapport sur la gestion du Trésorier pour les années 1856 et 1857. Messieurs, Des raisons graves ayant empêché l’an dernier le Rapporteur désigné de remplir sa tâche, je vais avoir l’honneur de vous présenter, au nom de la Commission chargée de la vérification des comptes, le résultat de notre examen, c’est-à-dire que j’aurai à vous rendre compte de deux exercices, celui de l’année 1856 et celui de l’année 1857. Gestion de 1856. Les recettes pour droits d’entrée et de diplôme n’ont pas dépassé les prévisions. Les cotisations pour l’année courante, portées en prévision pour 8,400 fr., ont éprouvé une diminution de 1,240 fr., mais aussi les recouvrements opérés sur les cotisations arrié- rées présentent une augmentation de 1,230 fr. Les cotisations une fois payées, prévues pour 700 fr., se sont élevées à 1,550 fr.} augmentation, 850 fr. La vente du Bulletin donne un excédant de produit de 307 fr.*, celle des Progrès de la géologie une réduction de 275 fr. La vente des Mémoires se trouve amoindrie de 784 fr., c’est-à-dire de plus de la moitié de la prévision. Les fonds placés pour la Société nous présentent un chiffre de recettes d’arrérages de 1,461 fr. pour le capital de rente placé à 4 1/2 pour 100, et 409 fr. pour les fonds placés à 3 pour 100. Les intérêts des placements en obligations du chemin de fer de l’Ouest, mode d’emploi de fonds actuellement adopté pour la Société, ont donné, cette première année, 75 fr. RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. /|87 Les placements en bons sur le Trésor ont été de 7,000 fr.; ils ont produit pour arrérages 350 fr. Les autres articles, comprenant les numéros de 16 à 19, dans lesquels, entre autres, se trouve l’allocation accordée par M. le Ministre de l’Instruction publique pour la publication de Y His- toire des progrès de la géologie , sont restés dans les chiffres de la prévision, ou bien les différences sont tellement faibles qu’il devient inutile d’en parler, sinon la recette extraordinaire rela- tive au Bulletin , où l’on voit une augmentation de 150 fr» DÉPENSES. Dans les deux premiers paragraphes s’appliquant au per- sonnel et aux frais de logement et de chauffage, nous ne trou- vons de différence entre le chiffre des prévisions et celui des dépenses effectuées que dans l’article du chauffage grossi de 106 fr. 75 c. par le renchérissement du combustible. Dans le paragraphe des frais de bureau, l’article des dépenses diverses donne une diminution de 205 fr. 75 c., et celui du change et retours de mandats, 91 fr. 60 c. Les impressions et circulaires ont au contraire augmenté de 70 fr. 35 c. Le paragraphe du magasin, comprenant les articles mobilier, bibliothèque, etc., présente une diminution totale de 378 fr. 15 c. Les frais de publication nous donnent pour le Bulletin (im- pression et port) une réduction de 3,397 fr. 45 c. qui s’explique par le retard éprouvé dans l’impression et la publication du Bulletin. Ainsi cette réduction ne doit être considérée que comme temporaire. L’ Histoire des progrès de la géologie nous donne en aug- mentation, 167 fr. 30 c. Les Mémoires offrent une réduction de 500 fr. sur l’achat des exemplaires, conséquence d’un retard dans la publication, partant aussi temporaire. A l’article du placement de capitaux, nous voyons une aug- mentation de 1,353 fr. 70 c., par suite de l’augmentation signalée dans les rentrées des cotisations une fois payées. Il a été placé en bons du Trésor une somme de 3,000 fr. 488 SÉANCE DU 8 MAI 1858, provenant de la réduction que nous avons signalée sur la publi- cation du Bulletin. Ce placement forme l’article 23 du § 6. En résumé, pour l’armée 1856, La recette effectuée s’est élevée à. . . . 27,900 fr. 95 c. La dépense a été de 25,022 60 Reste en caisse au 1er janvier 4 857. . . 2,878 fr. 35 c, que nous voyons figurer dans les comptes de 1857. Gestion de 1857. Les droits d’entrée et de diplôme présentent une différence assez faible sur le chiffre de prévision porté au budget. Le chapitre ou paragraphe des cotisations courantes a éprouvé une diminution de 2,804 fr. 60 c., mais aussi le chiffre sur l’arriéré donne une augmentation de 100 fr., et celui des cotisations rachetées une de 1,103 fr. 25 c. Chaque année, le nombre des membres qui effectuent le rachat de leur cotisation va croissant ; il serait bien à désirer, ainsi que le fait remarquer M. le Trésorier, que tous les membres étrangers surtout prissent ce parti. La vente des anciens volumes du Bulletin s’est ralentie : 126 fr. de diminution sur les prévisions le prouvent, mais la vente de Y Histoire des progrès de la géologie donne une aug- mentation de 660 fr. 70 c. Les Mémoires présentent une augmentation insignifiante de 5 fr. 50 c. Le placement des capitaux fait en achats d’obligations de chemin de fer, sur lequel nous aurons occasion de revenir au chapitre de la dépense, a procuré une augmentation de produit de 87 fr. 50 c.; en sorte qu’aujourd’hui le revenu total de la Société en capitaux placés s’élève à 2,057 fr. 50 c. Le paragraphe des recettes diverses n’offre qu’une faible va- riation de 225 fr. Dans ce paragraphe est l’article de l’alloca- tion ministérielle pour Y Histoire des progrès de la géologie qui se continue toujours comme par le passé. dépenses. Les trois premiers paragraphes, c’est-à-dire les 15 premiers RAPPORT DE LA COMMISION DE COMPTABILITÉ. 489 articles, comprenant le personnel, les frais de logement et frais de bureau pris collectivement, nous donnent une réduc- tion de 164 fr. 70 c. Nous trouvons pour la bibliothèque une diminution de 450 fr. 65 c. Un mot d’explication est ici nécessaire. De cette diminution, il n’en faut point conclure que les reliures ou le collage des cartes aient été négligés ; on s’en est occupé avec autant de soin que par le passé ; mais quelquefois le zèle de l’Archiviste se trouve paralysé par l’inexactitude apportée par les Sociétés savantes des départements à l’envoi de leurs publications qui laissent trop souvent des volumes incomplets. D’un autre côté, il ne suffit pas de réunir des livres ; il faut encore avoir un emplacement suffisant pour les ranger. Or l’es- pace diminue tous les jours, et nous nous trouvons de plus en plus à l’étroit. Au chapitre des Publications , deux chiffres nous frappent au premier coup d’œil : c’est, d’une part, la diminution de 1,697 fr. 20 c. sur l’impression et le port du Bulletin , etc., et ensuite celle de 3,108 fr. 95 c. sur Y Histoire des progrès de la géo- logie. Ces diminutions sont la conséquence des retards que ces deux publications ont éprouvés, et, lorsqu’elles se feront, la dépense devra être réalisée, mais la caisse est en mesure 5 cet égard. Le placement de fonds en obligations de chemins de fer pré- sente une augmentation de 1,341 fr. 80 c. Elle résulte du rachat de nombreuses cotisations dépassant les prévisions du budget. Ainsi, la recette totale effectuée en 1857 étant de 21,952 fr. 05 c. Et la dépense de 19,804 80 Reste en caisse au 1er janvier 1858. . . 2,147 25 outre un bon du trésor de 1,055 fr., échéant en février 1858. Nous avons dit que nous reviendrions sur Y Histoire des progrès de la géologie. Inutile de faire l’éloge de ce travail, œuvre de recherches intelligentes et de patience que nous avons tous étudiée et appréciée. Cette publication, comme tous les comptes rendus, a pris un développement que son savant auteur lui-mème n’avait pu prévoir. Cependant ies finances de SÉANCE DU 3 MAI 1858c 490 la Société n’ont point eu à en souffrir, comme nous allons le voir, grâce à la souscription généreuse et toujours continuée de M, le Ministre de l’Instruction publique. Cet ouvrage est arrivé au VIIe volume. M. Yiquesnel avait établi, dans le rapport présenté par lui en 1855, que la dépense occasionnée par les cinq premiers volumes s’élevait au 31 dé- cembre 1854 à 20,139fr.30 c. 2,395 exemplaires alors vendus aux mem- bres de la Société et aux libraires avaient produit 10,326fr. \ Les allocations ministérielles > 19,326 » alors reçues s’élevaient à. . . 9,000 ) Conséquemment la Société était à décou- vert de garantis par les exemplaires en magasin. Ajoutant pour les dépenses causées par l’impression du VIe volume ........ on a un total de Déduisant : 1° Allocation du Ministre pendant les années 1855, 1856, 1857, trois ans 3,000 fr. » c. \ Exemplaires vendus du / 31 décembre 1854 au l 31 décembre 1857, 517. 3,105 70 ) Ainsi, au 31 décembre 1857, la Société, sur les tomes I à VI, était en bénéfice de 813 30 4,519 05 5,332 35 6,105 fr. 70 c. 773 fr. 35 c. Il ne peut être ici question du tome VII qui n’a été mis en vente que le 1er mars 1858, et dont les dépenses ne seront payées que dans le cours de celte même année 1858. Tel est, messieurs, le résultat de la vérification des comptes du Trésorier pour les exercices 1856 et 1857. Notre travail a été singulièrement facilité par la netteté des comptes remis par M. le marquis de Roys et les notes explicatives jointes à l’appui. Nous nous plaisons à rendre justice à son zèle et au soin qu’il a apporté surtout dans le recouvrement des cotisa- tions arriérées. Nous mentionnerons aussi l’activité intelligente BUDGET DE 1858 m avec laquelle notre agent a continué à remplir ses fonctions En conséquence , nous proposons de voter des remercî- ments à M. le marquis de Roys, trésorier sortant, et de lui donner décharge définitive de sa gestion pour les années 1856 et 1857, objectives du présent rapport. J.-J. Glément-Mullet, rapporteur . La Société vote des remercîments à M. le marquis de Roys, trésorier sortant, et à M. Clément-Mullet, rapporteur de la Commission de Comptabilité. M. Meugy, trésorier en fonctions, donne lecture du projet de budget pour l’année 1858. Projet de Budget pour 1858. RECETTE. DÉSIGNATION des chapitres de la recette. NUMÉROS DBS ARTICLES. §1. Produits ordinaires ! i des réceptions. . < 3 § 2. Produits extraord. 4 des réceptions . , 1 5 ( 6 §3. Produits l 7 des publications. ) 9 ( 10 j 11 [ 12 t 13 14 § 4. Recettes diverses. . { 1 15 16 r 17 18 \ 19 \ §5. Solde du compte de 1857 20 NATURE DES RECETTES. Droit d’entrée et de diplôme. . . . (de l’année courante, arriérées. ..... anticipées Cotisations une fois payées Bulletin Histoire des progrès de Vente de . . { la géologie. . . , Mémoires.. .... Cartes coloriées. . . Arrérages de capitaux | g ^*ac^s ( Obligations. Encaissements de bons du Trésor '. . Arrérages de bons du Trésor . . . . Allocation du Ministre de l’Instruction publique. Remboursement de frais de mandats. Recette extraordin. relative au Bulletin Recettes imprévues. . Recette extraordinaire relative aux loyers des Soc. Bot. et Météor. . . . RECETTES prévues au budget de 1857. 500 8.400 2,500 300 1,000 1,000 1,000 700 10 1,461 409 100 1,000 50 1,000 150 20 800 Totaux. . . . 20,400 » 19,073 70 RECETTES effectuées en 1857. 460 5,780 2,600 205 2,103 873 Reliquat en caisse au 31 décembre 1857. Total de la recette prévue pour 1858. 40 1,660 70 705 50 1 50 1 ,461 » 409 ,, 187 50 1 ,000 » 25 ,, ,000 1 600 50 RECETTES prévues pour 1858. 500 7,680 3.000 300 1,200 1.000 1,000 700 10 1,461 409 240 1,000 55 1,000 300 10 800 20,665 , 2,147 25 22,812 25 492 SÉANCE DU S MAI 1858 Projet de Budget pour 1858, DÉFENSE. DÉSIGNATION _ H o d DÉPENSES DÉPENSES DÉPENSES de* *3 ë NATURE DES DEPENSES. prévues au budget effectuées prévue* chapitre* de la dépense. ? w o de 1857. en 185 pour 1858. i / son traitement. 1,800 b 1,800 , 1,800 » 2 . .1 travaux extraordinaires. . . . l° \ indemnité de logement. . . . 1 gratification . 30!) » 300 > 300 * § 1. Personnel 3 4 200 » 200 . 200 200 > 200 » 200 » 5 n , , Mes gages. S00 • 800 „ 800 » ( 0 Garçon de bureau. < .. • 1 gratification. , . . 100 • 100 » 100 » § 2, Frais de logement. ! ! 1 Loyer, contributions, assurances . . . Chauffage et éclairage 1 ,550 . 650 » 1,559 615 60 1,550 » 650 x 9 Dépenses diverses 500 ■ 403 25 500 x § 3. Frais de bureau. . , 10 1 Ports de lettres Impressions d’avis et circulaires. . . . 150 » 250 . 160 130 50 75 150 » 2I!0 » ( 12 Change et retour de mandats. ..... 50 • 12 50 50 x t 13 Mobilier 100 * 20 î 10 100 » § 4. Magasin 14 bibliothèque 750 . 299 35 500 » ( 15 Collections 50 » . X 50 x I 16 1 'Bulletin ) impression et papier. , . 7,500 x 6,950 05 7 500 x 17 j t ‘ 1 port 1,000 . 912 75 1,000 x \ 18 I Histoire des progrès de la géologie. . . 3,200 » 61 05 3,200 x § 5. Publications. . . .< 1 19 ] i / achat d’exemplaires . . . 2,000 . 2,000 X 2.000 x | 20 > Mémoires. . ' déPen*e» supplémentai- 100 » 100 ( ! 21 [ menus frais „ „ 50 » § 6. Emploi de capi- ' 22 Placement de capitaux 600 * 1,941 80 1,200 x 23 24 \vanc«‘S rembnnt sables. . . 50 x 154 1,000 10 50 x taux J Placements momentanés sur le Trésor. 1,000 x x X 22,500 x 19,804 80 22,250 » BALANCE. La recette étant évaluée à 22.812 fr. 25 c. La dépense à 22,250 » Il y aura excédant de recette de 562 fr. 25 c. Ce projet est adopté sans discussion. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante adressée à îa Société par M. Marcel de Serres. De la découverte du Notæus laticaudus, poisson malacoptèry- gien , dans les terrains d'eau douce anenthalassiques d’ Ar- missaiij près de Narbonne [Aude) • par M. Marcel de Serres. Le poisson fossile de l’ordre des cycloïdes [Notæus latlcaudus ), des environs de Narbonne, doit le nom que lui a donné M. Agassiz NOTE de M. MARCEL I)E SERRES. Zi 93 à sa caudale arrondie et à la largeur de sa queue. Quoique nous ne possédions que la partie postérieure du corps de cette espèce, nous n’en sommes pas moins certain de son exacte détermination, tant est précise la description que nous devons à ce grand zoo- logiste. Agassiz a rapporté le Notœus Iciticaudus , la seule espèce du genre, à l’ordre des cyclo'ides malacoptérygiens de la famille des halécoïdes. Cette famille est, comme on le sait, essentiellement composée de poissons d’eau douce (1). C’est aussi dans les terrains déposés dans le sein des lacs que le genre Notants a été trouvé à Montmartre, près Paris, aussi bien qu’à Armissan. Cette découverte prouve que ce genre se trouve non-seulement dans les terrains des environs de Paris, mais aussi dans les mêmes formations situées à d’assez grandes distances horizontales. Cette circonstance, en opposition avec la loi de la localisation qui a régi la distribution des espèces organiques lors de la période tertiaire, donne une certaine importance à la découverte du genre Notants , des formations fluvio-marines des environs de Paris, dans le ter- rain anenthalassique du midi de la France. Pour en faire saisir toute la portée, nous comparerons les bas- sins océaniques et méditerranéens, afin de savoir si, à l’exception de quelques espèces communes, l’ensemble de leurs productions orga- niques ne présente pas de grandes et de notables différences. Cette comparaison nous permettra peut-être de reconnaître si l’identité des espèces, dans des bassins éloignés et appartenant à des mers différentes, ne porte pas plutôt sur les êtres des terres sèches dé- couvertes et des eaux douces que sur ceux qui vivent dans le sein des mers. La dissimilitude devra être d’autant plus sensible dans ces bassins que les uns ont été plongés à l’époque tertiaire dans l’Océan, et les autres dans les mers intérieures. T. Bassin anenthalassique d1 Armissan. Ce bassin méditerranéen est caractérisé par de nombreux végé- taux fossiles de l’ordre des dicotylédones angiospermes, quelques rares monocotylédones et cryptogames acrogènes des familles des fougères et des mousses. Ces végétaux, associés à un petit (1) Cette famille, telle qu’elle a été*établie par Agassiz, comprend les Clapes et les Salmones , quoique ces deux ordres aient paru très distincts à plusieurs zoologistes. Recherches sur les poissons fossiles, t. 11, p. 96, 427, 4 48 et 158 ; vol. Y, tab. 46. m SÉANCE DU 3 MAI 1858. nombre de poissons, le sont également à des mollusques lacustres, pour la plupart de la famille des lamellibranches, et des genres Cyrènes et Gyclades. Les marnes d’eau douce d’Armissan ne sont pas accompagnées, comme celles de Montmartre, parles gypses; elles sont seulement liées avec les mines de plâtre qui les en- tourent ; telles sont celles de Malvizy, de Portel, du Lac et de Sigean. Ces dernières, situées à environ 2 kilomètres de ce bourg, ont été reconnues récemment assez riches pour fournir à une exploitation régulière. Quoique l’on ne voie pas les terrains d’Armissan associés aux formations gypseuses , ils le sont du moins à un dépôt puis- sant d’un combustible qui minéralogiquement semble établir une sorte de transition entre les lignites et les tourbes. On sait du reste que les lignites tertiaires, comme le sulfate de chaux des mêmes terrains, appartiennent généralement aux formations d’eau douce. Les gypses des environs d’Armissan, pour la plupart exploités, constituent un même système avec les dépôts lacustres de Pesquis, de Sigean, de Bages et des îles qui en sont rappro- chées, connues sous le nom d’Ouillons, de Planas et de Laute, etc. ïl en est de même des formations inférieures au calcaire-moellon de l’île de Sainte-Lucie, et des calcaires blancs de Fleury et de Salies, etc. Cet ensemble de dépôt paraît contemporain de celui de Montmartre, près de Paris. Les lignites de la partie inférieure des terrains d’eau douce offrent, comme ceux des mêmes formations de la Provence, une résine brunâtre ou légèrement rougeâtre, translucide, que l’on a comparée au succin ou ambre jaune, dont elle diffère cependant par sa couleur et l’ensemble de ses caractères. La même résine se retrouve dans les lignites des terrains crétacés de Saint-Paulet, dans le département du Gard , de Saint Julien- de-Peyrolas, près le pont Saint -Esprit, et de Sangraignes, dans l’Aude. Cette résine se trouve du reste en fragments plus volumineux dans ces der- nières localités que partout ailleurs. Les marnes argilo-calcaires d’Armissan n’ont présenté jusqu’à présent, en fait de débris de vertébrés, que quelques vestiges de poissons dont le plus considérable est notre échantillon. On n’y a pas observé de reptiles ni de mammifères, tandis que les em- preintes végétales y sont en grand nombre ; quelques-unes parais- sent se rapporter à des genres de l’époque actuelle. Quant aux espèces, elles diffèrent des plantes vivantes ; plusieurs rappellent des arbres de grandes dimensions. NOTE DE M. MARCEL DE SERRES. 495 Iï. Bassin de Montmartre , près Paris . Le bassin d’eau douce de Montmartre n’a presque rien de com- mun avec celui d’Armissan par sa composition géologique, sa nature minéralogique, sa flore et sa faune, si ce n’est l’identité du Notas us laticaudus. Le premier est remarquable par le nombre des genres perdus de mammifères qu’il présente ; la plupart se rapportent aux pachydermes des genres Palœotherium , Anoplo- therium, Chæropotamus , etc. On observe avec eux des oiseaux de différents ordres et quelques reptiles ; on peut en outre citer', parmi les caractères de ce même bassin, plusieurs poissons dont les genres sont perdus, et ne se retrouvent pas dans iès terrains du même groupe qui appartiennent à d’autres localités. La faune des vertébrés des environs de Paris, considérée dans son ensemble, est donc entièrement différente de celle d’Armissan; il en est de même pour celle des invertébrés. Ceux-ci sont caractérisés dans le nord de la France par des mollusques gastéropodes, dont on ne voit aucune trace dans les formations lacustres d’Armissan ; celles-ci offrent quelques mollusques lamellibranches dont les traces ne se trouvent pas à Montmartre. Des différences non moins grandes existent entre les flores des deux bassins ; elles n’ont en effet aucun rapport ni dans leur ensemble ni dans leurs détails. III. Bassin d’Aix en Provence . La faune de ce bassin présente avec celle de Montmartre de plus grandes différences que la flore. La première n’a dans les deux bassins aucune analogie, tandis que leur végétation a quel- ques rapports et plusieurs points de contact. Il est, par exemple, un ordre entier d’invertébrés, les insectes, qui caractérisent d’une manière particulière la faune du premier bassin, tandis qu’on n’en voit aucune trace dans le second. Cet ordre, l’un des plus importants des animaux sans vertèbres, offre à Aix le plus grand développement, et à tel point qu’il n’est peut être nulle part aussi prononcé sous le rapport du nombre, des genres, des espèces et même des familles qui le composent. Outre les insectes, cette même localité recèle des arachnides et des myriapodes du même embranchement ; quoique ces deux ordres des articulés y soient peu nombreux, ils n’ont pas moins d’intérêt que les insectes. Le nombre de ces derniers s’est tellement accru depuis 1829, où nous SÉANCE DU 3 MAI 1858. /i96 les avons décrits pour la première fois (1), qu’il ne nous serait pas difficile d’augmenter cette quantité de deux tiers en sus du chiffre que nous en avons donné. Les mollusques gastéropodes, ainsi que les lamellibranches qui accompagnent les articulés, appartiennent à des espèces pour la plupart différentes des formations d’eau douce de Montmartre. Il en est de même des reptiles chéloniens et batraciens des deux localités. Ces reptiles diffèrent, du moins spécifiquement, les der- niers surtout qui ne sont pas très rares dans le bassin d’Aix. On peut en dire autant des poissons; du moins leurs espèces caracté- risées ne sont pas les mêmes parmi les pl is communes, comme le Labias cephalotes. Ce poisson, de la famille des cyprinodontes, est remarquable par le grand nombre d’individus qu’il a laissés dans les marnes d’eau douce ; ils y sont en telle quantité que ce labroïde devait vivre nécessairement en société, à la manière de nos goujons. Enfin les mammifères si nombreux à Montmartre ne sont pas représentés à Aix, à l’exception des Palœotherinm qui y sont toute- fois des plus rares et réduits à une seule espèce. Les flores des deux bassins, contrairement à leur faune, ont entre elles quelques analogies, du moins lorsqu’on les considère dans leur ensemble, composées l’une et l’autre de dicotylédons angiospermes et de quelques monocotylédons, parmi lesquels on remarque à Aix comme à Montmartre le Stabcllciria Parisiensis , espèce entièrement perdue. La flore d’Aix a également quelques rapports avec celle d’Ar- missan par la quantité des dicotylédons angiospermes qu’elle pré- sente ; on n’a pas cependant aperçu dans la première le moindre vestige de cryptogame acrogène de la famille des mousses et de celle des fougères, tandis que ces végétaux ne sont pas rares à A r missan. IV. Bassin anenthalassiqiie à l’est et au nord de Montpellier , se prolongeant jusqu à Salagas dans l' Ardèche. Les terrains anenthalassiques, qui s’étendent dans la direction de l’est jusqu’à Salagas dans l’Ardèche, couvrent de leurs dépôtg (1) Géognosie des terrains tertiaires , ou tableau des animaux in - vertébrés du midi de la France. Montpellier, 1829, p. 206, in- 8, avec figures. NOTË DE M. MARCEL DE SERRES. â97 souvent interrompus un espace d’environ 30 ou 36 lieues. Quant à leur largeur, elle ne dépasse guère 10 ou 12 lieues. On peut juger par là de l’étendue qu’avaient les anciens lacs du midi de la France. Maintenant desséchés, ils ont tout à fait disparu, comme les foyers volcaniques qui en ont troublé le sol à tant de reprises diverses. Ces terrains lacustres paraissent de la même époque que la plupart des formations d’eau douce que nous avons signalées. Ils sont du moins caractérisés dans cet intervalle par des mollusques gastéropodes et acéphales des mêmes stations. Toutefois leurs espèces diffèrent d’une localité à une autre, non-seulement dans les bassins qui se rattachent à ce* système, mais dans les portions plus ou moins éloignées des terrains qui les composent. La plu- part des races des eaux douces qu’on y rencontre toutes détruites n’ont que de faibles analogies avec les espèces vivantes. Il n’en est pas ainsi des genres qui presque tous sont repré- sentés dans la nature actuelle. Il est du moins peu d’exceptions à cet égard. Telle est celle que présente le genre Ferrusine, extrê- mement rapproché des Anostomes de notre monde. Le fait le plus remarquable de ce grand bassin anenthalas- sique, qui ne le cède en étendue qu’à ceux du même genre de l’Espagne et de l’Asie Mineure, c’est le petit nombre de débris de vertébrés. Ces animaux sont en effet en si petite quantité qu’on n’y a du moins observé jusqu’à présent que quelques vestiges de Palœotherium. Outre qu’ils sont fort rares, iis sont bornés à une seule espèce. Celle-ci paraît se rapprocher du Palœotherium medium . Y. Bassin ancnthalassique a V ouest de Montpellier , se prolongeant jusqu au delà d’Issel et de Castelnaudary ( Aude). Nous n’avons pas compris dans ce bassin quelques localités situées au nord-ouest de Montpellier, parce quelles se rattachent plutôt au bassin que nous venons de décrire. Telle est, par exemple, celle de Gignac et de Clermont-1’ Hérault. Un fait assez général des terrains anenthalassiques considérés dans leur en- semble, c’est que la plupart des formations d’eau douce pure sont dans l’Hérault accompagnées et liées aux lignites, tandis que les mêmes formations se montrent dans l’Aude associées aux dépôts gypse ux. Ainsi, dans le premier département, les lignites se trouvent Soc. géol,} 2e série, tome XV. 32 SÉANCE DU 3 MAI 1858. Ù98 dans les dépôts de Saint-Paul, de Yalmale, de Cessenon, de Ca- bezac, de la Caunette, d’Aigues-Vives, d’Agel, d’Azillanet et de Cesseras, en revenant vers Béziers, c’est-à-dire à l’est. On trouve les lignites exploités en grand à Genestas. Ces charbons, à struc- ture plus ou moins ligneuse, fournissent d’assez bons combus- tibles, surtout ceux de cette dernière mine et de la Caunette où les couches sont très puissantes. Les gypses de Malvezy, de Portel, du Lac et de Sigean, qui appartiennent à des formations lacustres de la même époque que ceiles de l’Hérault, en sont des exemples ; en effet, au lieu des lignites, on découvre dans l’Aude, et presque uniquement, des dépôts gypseux. Aussi n’existe-t-il pas dans l’Hérault de mine de gypse tertiaire en exploitation ; celles qui fournissent le plâtre dans cette partie de la France sont, ou dans les terrains triasiques, principalement dans les marnes irisées, ou dans d’autres formations secondaires. C’est uniquement dans les points extrêmes du système occidental qui Su-jête à Issel et à Villeneuve, près Castelnaudary, que l’on découvre la plupart des animaux vertébrés, surtout de mammi- fères pachydermes, ainsi que des reptiles des ordres chélonien et saurien. Les débris de ces vertébrés sont principalement abon- dants à Issel. Les terrains anenthalassiques prennent dans cette localité le plus grand développement, et sont probablement les plus anciens de ce genre de dépôt, du moins dans cette partie du midi de la France. Les mêmes vertébrés se retrouvent dans plusieurs autres bassins, soit de l’Aude, soit de l’Hérault, et par exemple à Cesseras; mais nulle part ils ne sont aussi abondants qu’à Issel. Les Palœothe- rium , les Anoplotlierium et surtout les Lophiodon caractérisent en effet les grès tertiaires ou les macignos de cette localité. On y observe en outre de grandes espèces de tortues analogues par leurs dimensions aux tortues terrestres de l’Inde. Ces chéloniens y sont accompagnés par des sauriens de l’ordre des crococliliens. Cette formation occidentale présente ce fait remarquable que, dans tous les points où les débris des animaux vertébrés sont en grand nombre, il en est tout le contraire des invertébrés et particulière- ment des mollusques. Ainsi les débris des mammifères répandus en assez grande abondance à Issel sont fort rares dans les environs de Castelnaudary, tandis que les coquilles y sont aussi inconnues que diversifiées. 11 pourrait bien en être ainsi des végétaux ; du moins n’en voit-on pas de traces à Issel, mais bien à \illeneuve- Lacomtat, près de Castelnaudary. ûunal y a signalé une espèce nouvelle d 1 Equisetum qu’il a nommée Equisetum sulcatum. Les NOTE DE M. MARCEL DE SERRES. /|99 dimensions de cette prèle sont beaucoup plus grandes que celles de toutes les espèces européennes (1). Enfin les macignos ou grès de Carcassonne ont offert des frag- ments de Flnbellaria parisiensis , la même espèce qui se trouve à Aix et à Montmartre. La localité de Villeneuve est la plus riche en coquilles du bassin anenthalassique occidental, comme celle de Poudres (Gard) , si rapprochée des formations fluvio-marines de Sommières, l’est pour le bassin oriental. L’une et l’autre de ces loca- lités, remarquables parla variété des espèces qui les caractérisent, ne le sont pas moins par le nombre des individus de ces espèces qu’elles recèlent. La première offre en outre quelques débris de végétaux, ainsi qu’une foule d’œufs de tortues terrestres et quel- ques rares débris de pachydermes du genre Palœotherium . Ces bassins anenthalassiques, à d’assez grandes distances l’un de l’autre, annoncent que la loi de localisation a présidé à la répartition des espèces organiques qu’ils renferment; car, si elle avait été régie par la loi de la diffusion, les espèces auraient été les mêmes dans les deux bassins, comme on l’observe dans les terrains secondaires, quelque grande que soit la distance horizon- tale qui les sépare. Cette particularité, propre aux dépôts tertiaires, de présenter des espèces différentes dans des bassins de la même époque, mais plus ou moins éloignés, donne aux exceptions four- nies par le Notœus laticcmdus et le Flnbellaria parisiensis un assez grand intérêt. En résumé, les espèces communes aux terrains lacustres du nord et du midi de la France, dont les uns se rattachent à l’Océan et les autres à la Méditerranée, ne concordent pas avec la réparti- tion géographique des espèces fossiles en surface et en profondeur appartenant à la période tertiaire. Ces exceptions se rattachent en quelque sorte à la loi de diffusion qui a régi la distribution des corps organisés pendant les périodes primaire et secondaire. .Remplacée plus tard par la loi de la localisation, cette loi a établi des flores et des faunes diverses dans chaque région qui, tout en se rapportant à une même époque, dépendait cependant d’aires géographiques différentes. ( I) Mémoire de la section des sciences . Académie de Montpellier , t. I, p. 469. Montpellier, 4848. 500 SÉANCE DU 8 MAI 1858. M. Sæmann fait une communication relative au terrain crétacé de la Sarthe. Note sur la distribution des Mollusques fossiles dans le terrain crétacé du département de la Sarthe; par M. L, Sæmann. Le triage et la classification de la collection de fossiles laissée par feu N. Desportes, notre regretté confrère, m’a fourni l’occa- sion de faire, pour les nombreuses espèces crétacées du départe- ment de la Sarthe, des observations comparatives qui m’ont paru jeter quelque jour sur une question géologique assez importante : la distribution en étages des dépôts compris entre la craie blanche et le gault. Desportes, mort à environ quatre-vingts ans, avait passé la plus grande partie de sa vie dans le département de la Sarthe, et sa maison était remplie de fossiles, de roches, de minéraux, de plantes, de coquilles récentes et de livres qu’il avait réunis avec un zèle infatigable. La récolte de fossiles, faite pendant ses années de force et d’activité, était étiquetée d’une manière très intelli- gente, et qu’on ne saurait trop recommander aux collecteurs. Chaque exemplaire portait le nom de la localité où il était pris, et il était facile de s’assurer, lorsque les échantillons portant le nom de la même localité étaient réunis, que cette indication mé- ritait la plus grande confiance. Le département de la Sarthe est depuis quelque temps l’objet de tant de recherches et de discussions qu’on ne peut guère espérer d’en dire quelque chose d’entièrement nouveau. Le zèle de M. Triger à éclaircir, à vérifier, à corriger, et à discuter les tra- vaux de ses devanciers et les siens propres, augmente journelle- ment nos connaissances ; mais il me semble qu’on écrit trop peu tout en discutant beaucoup, de sorte que les personnes qui n’as- sistent pas aux débats ne profitent pas assez des progrès que l’on fait. Les recherches de M. Triger sont si importantes, et leur publi- cation si souvent promise paraît si prochaine, que j’aurais hésité à publier ces lignes, si nous n’avions pas été en désaccord sur quel- ques points principaux. Yoici d’ailleurs les conclusions auxquelles j’arrive, et que je compte appuyer par l’examen des fossiles. Le terrain crétacé des environs du Mans et de la partie nord-est du département de la Sarthe présente trois divisions principales, caractérisées par leur position géologique, par leurs caractères NOTE DE M« SÆMÀNN. 501 pétrographiques et par les faunes fossiles qu’elles renferment. L’inférieure, que j’appellerai glauconie , est la zone à Pecten asper de M. Triger, dont ce dernier a reconnu l’indépendance comme étage, contrairement à l’opinion de M. d’Archiac (1) qui prend les glauconies de Lamnay pour une modification latérale du groupe suivant. C’est l’équivalent exact de Yapper green-sand et du fire-stone de M. Litton, du grès vert d’Essen, du tourtia de Belgique, et probablement des couches nos 7 et 8 de la coupe de la craie de Rouen donnée par M. Passy (2). L’étage moyen pourrait être désigné sous le nom de grès ferru- gineux, s’il était prouvé que la plupart des grès à minerai de fer appelés roussard appartiennent à cette couche. Le fait n’est pas douteux pour une localité située sur la route de Beaumont à Sé- grie, où l’on rencontre les Trigonici crenulata et daedalca de l’étage moyen. C’est la craie à Scaphites ou le grès à Ammonites rothomagensis de M. Triger, et le gisement des plus beaux fossiles qui font la réputation de Sainte-Croix, d’YvréTEvèque et de Coulaines aux environs du Mans. L’étage moyen comprend les couches inférieures de Coudre- cieux à Cocliopsis do rua, les sables ferrugineux de Coulaines et les grès à Trigonies ; il se termine par la couche appelée Jalais, le onzième strate de M. Guéranger (3). Je commence l’étage supérieur par les bancs de sable à stratifi- cation inclinée, si souvent observés dans les carrières de Sainte- Croix, le douzième strate de M. Guéranger. Je ne me flatte pas de tracer ainsi avec une précision extrême la limite supérieure de l’étage moyen ; le sable de la côte a dû être remué au moment où l’abaissement qui signalait le commen- cement d’une nouvelle série de dépôts s’est fait sentir. En choisis- sant de préférence les sables à stratification discordante pour commencer la nouvelle série, j’admets la probabilité qu’un mou- vement extraordinaire a dû produire ce singulier phénomène. Toutes les couches supérieures à ce sable, le grès vert à Globi - conclut , les couches à Caprines et les marnes à ostracées sont pour moi la base de la craie micacée de Touraine, et constituent avec cette dernière une grande division à laquelle on pourrait conserver le nom d 'étage turonien. (1) Eist. des progr. de la géol., vol. IV, p. 365. (2) Voy. d'Archiac, Eist. des progr. de la géol. , vol. IV, p. 211 . (3) Bull, de la Soc. géol . , 2e sér., vol. Vil, p. 805, 502 SÉANCE DU 3 MAI 1858. D’Qrbigny, en prenant pour type de son étage cénomanien les dépôts des environs du Mans, ne s’est pas aperçu de la différence tranchée entre les fossiles de la partie supérieure et de l’inférieure des sables de Sainte-Croix. En les considérant comme un ensemble homogène, il a été obligé de couper en deux la craie de Touraine et celle du sud -ouest pour les placer dans ses étages cénomanien et turonien. Il aurait été difficile d’établir ce partage d’une ma- nière satisfaisante sans cette méthode mixte qui a recours à l’ho- rizon de certains fossiles quand les caractères stratigraphiques manquent. Il y a cependant entre le niveau d’un fossile et un étage toute la différence qui existe entre un point de repère et une ligne de démarcation. M. d’Archiac (1) a tracé la limite entre son troisième et son quatrième étage, aussi nettement que cela est possible, dans une série de couches qui se sont déposées sans interruption, et tout à fait conforme à la division que je propose. Avant d’exposer le résultat de l’étude des fossiles, il sera utile de dire quelques mots sur les circonstances pétrographiques et stratigraphiques qui viennent à son appui. La variation des caractères minéralogiques est très grande dans ces assises crétacées. La couche inférieure présente assez généra- lement l’aspect d’une marne verte, sableuse, une véritable glau- conie. Un dépôt qui paraît s’en éloigner par sa composition est celui de Montgaudry (Orne), où les grains verts sont en grande partie remplacés par un ciment calcaire qui forme avec la partie argileuse une roche terne, blanchâtre et tendre, qui le ferait prendre pour une variété de la craie tuffeau, n’était son caractère paléontologique parfaitement tranché. Cette roche est formée à une plus grande distance de la côte, où le précipité de nature cal- caire n’était pas noyé dans une grande épaisseur de sédiment de trituration. La preuve stratigraphique à opposer au résultat des observations de M. d’Archiac, savoir si la glauconie est ou n’est pas une modi- fication latérale du grès ferrugineux, est de la compétence de M. Triger; j’ai déjà dit que je conclus sans hésitation à la négative. Le caractère minéralogique de l’assise moyenne est assez géné- ralement celui d’un grès ferrugineux. On aurait tort d’attacher une grande importance à la présence du fer dans les dépôts sédi- mentaires ; son origine est très souvent postérieure à la formation de la roche, et il n’est nullement étonnant de voir dans cette partie (1) Hist. des progr. de la géol. , vol. IV, p. 356. NOTE DE M. SÆMANN. 503 de la Sarthe les infiltrations ferrugineuses suivre le tracé de la roche la plus perméable. L’observation cependant, que les fossiles du roussard de Beau- mont sont ceux de l’assise moyenne, m’a frappé comme coïnci- dence remarquable avec l’apparence ferrugineuse des sables du Mans et de Coulaines. La position stratigraphique de l’assise moyenne, au-dessus des sables verts à Sainte-Croix, a été reconnue par tous les observateurs. L’assise supérieure présente à sa base du sable qui est probable- ment le résultat du remaniement des sables moyens. Bientôt des grains verts font leur apparition ; ils se mêlent au sédiment cal- caire qui remplace peu à peu les grains quartzeux, et la roche passe ainsi à la vraie craie tuffeau. Cette dernière est une roche calcaire, en apparence assez pure ; aussi n’est- ce pas sans surprise que j’ai constaté, sur un fragment & Ammonites peramplus des carrières de Bouré près Montrichard, la présence de 50 pour 100 d’une substance blanche, terreuse, légèrement micacée, qui ressemble à du kaolin impur. Il conviendra, pour présenter les caractères paléontologiques des trois étages, de les examiner comparativement, et de recher- cher ensuite les liens qui les rattachent à la craie de Touraine et à celle du Midi. La glauconie, l’assise inférieure, était représentée dans la col- lection Desportes par cinq localités: Ballon, Cherré, Saint-Maixent, Villaine-la-Gonais et Montgaudry (cette dernière dans le dépar- tement de l’Orne). Il serait inutile de donner de longues listes de fossiles, dont la détermination resterait plus ou moins douteuse ; il suffit d’indiquër ceux dont l’identification, à l’aide des bonnes figures de la Paléon- tologie française , ne laisse pas de doute. A Ballon : Ammonites varions et Couloni , Turrilites tubercu - laïus 9 Area carinata , Cardium hillànum (très grands et nombreux), et un moule deTrigonie qui paraît appartenir au T. snlcataria . A Cherré : Avellana cassis , Rostellaria Parkinsoni , Panopœa mandlbula , Area carinata , Lima rothomcigensis , Pecten asper et orbicularis , J attira q u in qaecos ta ta , Ostrea Rauliniana , Lesaeurii , lateralis) haliotidea , diluviana, Rhynchonella Grasiana, Chœtetes ramulosus (déformé). A Saint-Maixent : Ammonites varians , Cyprin a ro strata, Sow. (dans Fitton), Cyprina ligeriensis , Trigonia spinosa , Area cari - nata, Janira quinquecostata. SÉANCE DU 3 MAI 1858, 50& A VillAine-lA-Gonais : Ammonites fa Ica tu s , Anomia papy - racea , Rhynchonella Grasiana. A MontgAüdry (Orne) : Ammonites Geslinianns et laticosta , de gros Pleurotomaires, Corbis rotundata , Cardium hillanum , Tri - gonia spinosa , Lima rothomagensis , Pecten asper , Ostrea carinata et columba , Rhynchonella dichotoma. Les espèces les plus répandues citées par M. Fitton dans le grès vert supérieur, le fire-stone ou whet-stone de l’Angleterre méridio- nale, sont les suivantes : Ammonites falcatus , varions , Catillus , Mantcllii (Couloni, d’Orb.?), Cardium hillanum , Trigonia aliformis, Area carinata, Gryphœa columba et vesiculosa , Pecten asper , or5/- cularis , Beaveri , quinquecostatus et quadricostatus (évidemment le Pecten œquicostatus , Lamk.), Plicatula inflata , Exogyra conica et Terebratula pectita. (11 est à remarquer que d’Orbigny (1) est très explicite en indiquant comme gisement de cette dernière espèce les parties inférieures de l’étage cénomanien au cap de la Hève et au Havre ; il est vrai cependant qu’il est impossible de voir sur les figures de la Paléontologie française les caractères indiqués dans le texte comme distinguant cette espèce de la Terebratella carantonensis . Nous appliquerons néanmoins ce dernier nom à l’espèce de l’étage turonien pour maintenir les listes autant que possible conformes à ce grand ouvrage.) Parmi les espèces de la Sartlie, il y en a une qui est l’analogue d’une espèce du gault, X Ostrea Rauliniana ; d’autres sont caracté- ristiques pour l’étage: les céphalopodes, à l’exception de X Ammo- nites varions qui se montre rarement dans l'étage suivant ; Area carinata , Trigonia spinosa (à moins que le T. pyrrha , d’Orb. , n’en soit qu'une variété), Pecten asper , Ostrea Lcsueiirii , Rhynchonella Grasiana et dichotoma . Le nombre des espèces passant à l’étage moyen est considérable; il ne faudrait cependant pas en conclure que les rapports entre les deux étages sont pour cela plus intimes. Le fait est que les espèces de l’étage moyen sont de beaucoup les mieux connues ; les espèces identiques dès lors sautent pour ainsi dire aux yeux, tandis que la Paléontologie française ne contient presque pas de description d’espèces appartenant à l’assise inférieure qui n’est guère repré- sentée en France par de bonnes localités. ïl se pourrait fort bien que la même raison servît à expli- quer à Blackdown les quelques espèces du gault qui viennent (I) Paléontologie française, Terrain crétacé, vol. IV, p. 121. NOTE DE M. S Æ MANN» 505 s’y mêler aux fossiles du grès vert supérieur. Cette localité, exploitée depuis si longtemps, peut être considérée comme à peu près épuisée sous le rapport du nombre des espèces qu’elle con- tient. En admettant comme exactes les déterminations de M. So- werby, on ne verrait rien de plus à Blackdown que ce qui a été constaté ailleurs et admis par d’Orbigny même : le passage de quelques espèces du gault dans le grès vert supérieur. Les espèces communes aux étages inférieur et moyen sont: Ammonites varions , Panopœa mandibula , Cardium hillanum , Cy- prina ligeriensis ( Tri go ni a spinosa?) , Janira quinquecostata 5 Ostrea carinata , columba , haliotidea , lateralis et diluviana. Roussard. Les espèces suivantes ont pu être déterminées avec exactitude dans le grès ferrugineux à grains fins de Beaumont, sur la route de Ségrie : Emarginula Guerangeri , Cardium hillanum , Trigonia crenulata et dœdalea , Pectunculus subconcentricus , J. vi- ciai a anomala , Janira œquicostata et quinquecostata . Le grès ferrugineux ou l’étage moyen a fourni un très grand nombre de fossiles, et il est difficile d’en choisir qui le ca- ractérisent d’une manière positive. Il convient d’écarter surtout toutes les petites espèces dont l’identification à l’état de moule dans les couches marneuses voisines resterait douteuse. En choi- sissant des espèces suffisamment reconnaissables, on pourrait dire que les suivantes ne se sont pas rencontrées dans les assises infé- rieure et supérieure. Ammonites rothomagensis , Scaphites œqualis , Pholadomya Mail - leana , Trigonia crenulata , dœdalea , sinuata , Area Gallicnnci , Guerangeri , Myoconcha angulata, Perna lanceolatct , Avicula ano- mala , Lima rapa, abrupta , Pecten acuminatus , Pygurus trilobus , Holaster cenomanensis. Les espèces les plus remarquables qui passent dans l’assise supérieure sont les suivantes : Nautilus triangularis , Panopœa regularis, Cyprina ligeriensis , Arcopagia numismalis , Cardium productum , Guerangeri , Area tailburgensis, Lima simplex , Ostrea columba. La nature des preuves en paléontologie est si complexe que l’énumération de quelques espèces, telle que je viens de la donner, ne permet guère d’apprécier la différence considérable qui existe entre les étages. Le caractère différentiel ne réside pas moins dans le nombre des individus que dans la représentation des espèces. Ainsi, dans les étages inférieur et moyen, nous avons vu un certain nombre d’espèces identiques dont la distribution est cependant très différente ? X Ammonites varions , lç Çardium h ilia- 506 SÉANCE DU 3 MAI 1858. niiTTi sont abondants dans la partie inférieure et rares dans l’autre ; F Ostrea diluviana et le Çyprina ligeriensis . au contraire, abondent dans le grès ferrugineux et sont très rares dans la glauconie. On pourrait encore croire que des circonstances purement locales ont pu amener un développement considérable de certaines espèces et restreindre celui des autres. A cela je répondrai que l’analogie des faunes dans des localités très éloignées est une preuve supplé- mentaire d’un grand poids pour leur caractère normal. Or il est certain qu’à la première visite de Lamnay en 18à7, je fùs frappé de la ressemblance extraordinaire que présente la faune de la glauconie avec celle de Blackdown, et la liste que j’ai donnée des espèces découvertes par Fitton dans le grès vert supérieur justifie pleinement ce rapprochement conçu à première vue. La distribution verticale d’un genre ou d’un groupe qu’on peut supposer avoir vécu à peu près dans les mêmes conditions d’exis- tence donne un moyen parfaitement sûr pour apprécier les chan- gements survenus dans la distribution des espèces. Choisissons pour notre but les céphalopodes, les ostracées et les brachio- podes. Les céphalopodes, mais surtout les Ammonites, se maintiennent au premier rang des fossiles caractéristiques. L’ Ammonites varions paraît en effet se rencontrer dans l’assise moyenne, mais il y est très rare, et le gisement de cette espèce à Rouen, où l’on admet généralement sa contemporanéité avec Y A. rothomagensis , est cer- tainement une exception. L’ A. variant se trouve à Essen, dans le tourtia de Belgique et dans le grès vert supérieur de l’Angleterre comme dans la Sarthe, sans A. rothomagensis , et partout nous le trouvons associé aux espèces qui passent du gault dans la craie cliloritée ; à Blackdown, avec Ammonites auritus , lautus, denarius , dcntatus et splendens, cinq espèces qui n’en font peut-être que trois. Il est à remarquer d’ailleurs que la liste des fossiles de Blackdown, donnée par M. Fitton (1), est faite d’après toutes les espèces dis- persées dans plusieurs collections, et provenant non- seulement des collines de Blackdown proprement dites, mais de tout l’espace compris entre ces collines et Lyme Regis, distant d’environ huit lieues. A Lisèles, près Valgons (Basses-Alpes), X Ammonites varians se trouve avec A. Mayorianus et latidorsatus. Dans la Sarthe, à (1) W. H. Fitton, Observations sur quelques-unes des assises entre la craie et /’ oolithe oxfordienne, dans les Transactions of the gcol. Society oj London , vol. IV, p. 239 (1836). NOTE DE M. SÆMANN. 507 Ballon, Yillaine-Ia-Gonais , Saint-Maixent , avec A. fcilcatus , espèce qui rappelle tout à fait certains types du gault que nous venons de trouver à Blackdown ( A . lautus et tuberculatus). D’Or- bigny cite VA. varions au Havre ; j’ignore s’il s’y trouve dans la couche à A. in fia tus, Turrilites tuberculatus est aussi spécial à la glauconie que T. costatus au grès ferrugineux. Les autres espèces de l’assise inférieure sont les suivantes : Ammonites Couloni (Ballon), A . V ibrayeanus (à Vibraye), A. Ges- linianus (à Montgaudry), avec une autre espèce qui passe souvent pour VA. Mantellii , et dans laquelle M. Bayle a reconnu VA. laxi - costa , de Lainarck; c’est probablement VA. IViestii , Sharpe. L’étage moyen est caractérisé par le Turrilites costatus , le Scà- phitcs œqualis et V Ammonites rothomagensis. Ce dernier, dont les beaux types présentent des tours carrés et à peine embrassants, est accompagné d’une variété à dos rond que d’Orbigny, dans son Prodrome , a rapporté à VA. navicularis de Mantell et de Sowerby. L’espèce que Desportes avait l’habitude de montrer comme type de VA. cenomanensis , d’Archiac, ainsi que l’échan- tillon conservé sous ce nom dans la collection de d’Orbigny, et qui a servi pour la phrase descriptive du Prodrome , proviennent tous les deux des grès ferrugineux du Mans ; et je suis encore con- vaincu que ce sont tout au plus des variétés de VA. rothomagensisy si ce ne sont pas les vrais types de cette espèce arrivée à son plus parfait développement. Cette question de V Ammonites cenomanensis s’embrouille de nouveau par la réclamation de M. d’Archiac (1) qui croit le re- connaître dans la Paléontologie française , pl. 108, fig. 1-3, rap- portée d’abord par d’Orbigny à VA. Woolgari , Mantell, et changée ensuite en A. Vieilbanci. Cette espèce, d’après la nouvelle définition de d’Orbigny, ne sé trouve point au Mans, mais elle est assez répandue dans la partie inférieure de la craie de Touraine et de la Charente ; aussi est- elle transportée dans l’étage turonien du Prodrome. Les échantillons de V Ammonites Vieilbanci , dans la collection de d’Orbigny, appartiennent évidemment à un type différent de ceux du grès vert moyen. Tous les exemplaires présentent une carène assez fortement marquée qui ne se voit point sur la figure de la Paléontologie française , et qui rapproche l’espèce très sensi- (1) Hist, des progr. de la géol ., vol. IV, p„ 347. 503 SÉANCE DU 3 MAI 1858. blement des Ammonites papalis , Fleuriausianus et polyopsis . Les jeunes (de 5 à 6 centimètres de diamètre) ont le pourtour angu- leux en dos d’âne. Il m’a été impossible de reconnaître l’échantillon d’après lequel la figure a été faite ; mais il paraît certain que la prétention de M. d’Archiac n’est pas fondée, ou il faudrait convenir tout d’abord que l’ Ammonites cenomanensis ne se trouve pas au Mans. Les exemplaires de la craie micacée de Touraine se reconnaîtront toujours en les comparant avec la figure 1 de la planche 108 ( Paléont . franc. y Nous avons déjà vu que le Nautilus triangularis passe de l’étage moyen dans le supérieur. Ce dernier a en outre fourni quelques fragments de Baculites et de Hamites. Une seule espèce d’Àmmonite, assez commune d’ailleurs, s’est trouvée dans les marnes vertes de Sainte-Croix. Les jeunes indi- vidus sont tuberculés à la manière de X Ammonites rothomagensis ; les adultes ressemblent parfaitement à la grosse espèce des sables de Saint-Calais, ce qui fera probablement rentrer au moins une partie de ces sables avec ceux de Nogent-le-Rotrou dans l’étage des marnes à ostracées. Je crois que c’est l’espèce figurée ( Paléont . franc., pl. 103) sous le nom d A. Mantellii. Ce dernier vient de la craie micacée de Saumur, et, à en croire les figures de M. Sharpe, n’est probablement pas l’ A . Mantellii de Sowerby, mais plutôt VA. navicularis . Nous concluons des observations qui précèdent que les cépha- lopodes sont éminemment propres à distinguer nos trois étages qu’on pourrait assez exactement désigner sous les noms de couches à Ammonites varions , rothomagensis et Mantellii , d’Orbigny. Ce fait est d’autant plus remarquable que les Huîtres ont une distribution beaucoup moins tranchée. On devait supposer le con- traire, parce qu’étant fixées au sol, il ne leur reste aucun moyen de se soustraire aux dangers dont les changements du niveau des côtes et des courants marins les menacent. La glauconie est souvent riche en petites Huîtres qu’on désigne communément sous le nom d Ostrea columba , var. minima. Il n’est cependant pas prouvé que toutes ces petites coquilles appar- tiennent à la même espèce. La plupart ont plus de rapport avec l’O. conica , et je suis assez disposé d’admettre X O. plicatula, Lam, (Goldfuss), comme troisième espèce. Une Gryphée d’une belle taille, la vraie Gryphœa vesiculosa , Sow., se trouve à Montgaudry, et la même, plus petite, à Vil- laine-ia-Gonais. IA Ostrea Rauliniana et F O. Lesueurii se sont NOTE DE M. SÆMANN. 509 trouvées à Clierré, d’où vient également un échantillon unique de F O. diliwiana (plus abondante à Essen). L 'Ostrea laleralis commence à se montrer dans la glauconie, et elle remonte de là jusque dans la craie blanche, à Ciply et en New-Jersey (1). L’O. carinata commence également ici pour arriver dans la couche moyenne à son plus grand développement numérique. L’étage moyen est la station de F Ostrea diluviana qui y est commune, de FO. lingularis , Lam., d’une espèce voisine des O. acuminata ou curviroslris , de FO. lialivticlca et de quelques autres petites espèces. La collection Desportes ne donne aucun exemple de la Gryphée colombe dans l’étage moyen. En rapprochant ce fait de l’absence absolue de cette coquille dans le grès vert d’Essen, dans le tourtia et dans les couches de Rouen, on pourrait se demander si l’espèce existe réellement dans ces régions inférieures. Fitton, dans les nombreuses listes qu’il donne des gisements du grès vert, en cite un seul exemple à Petersfield (Hampshire). La détermination en a été faite par madame Murchison, d’après un échantillon de sa collection, et il ne paraît pas que MM. Fitton et Sowerby en ont eu autrement connaissance. Le catalogue de Morris ne reproduit pas cette citation, et en examinant la carte de Fitton, on voit qu’à Petersfield une bande de grès vert est tracée entre le gault et la teinte jaune de la craie, ce qui rendrait une méprise sur le gise- ment au moins possible, M. d’Archiac a déjà signalé (2) le singu- lier mélange des fossiles de Petersfield, dont il soupçonne peut-être l’exactitude. Il y a si longtemps que l’on considère comme certaine l’existence de la Gryphée colombe dans toutes les couches entre le gault et la craie, qu’il n’est guère permis de révoquer en doute le témoignage de tant d’observateurs ; mais il est important de signaler au moins la contradiction entre une opinion généralement reçue et le témoi- gnage des auteurs spéciaux. Le catalogue de M. Guéranger indique, comme gisement du type de l’espèce et de la variété globosa , le Mans et Sainte-Croix. A Yvré-l’Evêque, ce n’est plus que Y Ostrea columba minima , et il n’est point fait mention de Coulaines. L’existence exclusive de l’O. columba dans l’étage supérieur du (1 ) Yoy. F. Roemer, Monographie des terrains crétacés de West~ phalie, p. 72(4 854). (2) Hist, des progr . de la géol., vol. IV, p. 46. 510 SÉANCE DU 3 MAI 1858. Mans (la craie tuffeau de Touraine) serait un fait d’une importance capitale pour le classement définitif de cet étage. Les marnes à ostracées sont l’étage le moins riche en espèces, mais les individus y sont plus abondants que dans les deux autres. Nous y trouvons les Ostrea columba , biauriculata , flabellata , et l’espèce désignée à tort par M. Guéranger sous le nom d’O. vesi- culosa, Sow. 11 est sans importance pour ce travail si cette espèce est ou n’est pas X Ostrea vesicularis de la craie blanche ; je ne puis cependant pas m’empêcher de mettre sous les yeux de la Société deux échan- tillons, l’un de Parigné -le-Paulin, l’autre de Meudon, et dont on ne saurait nier la parfaite identité. La forme générale renflée, le pli latéral des Gryphées, la forme et l’écartement des facettes ligamentaires, les stries rayonnantes, fines et espacées de la valve supérieure, la dentelure du bord car- dinal et la disposition des petites impressions musculaires, enfin tout ce qui dans le détail d’une coquille est susceptible d’une description, s’y retrouve, excepté la taille qui est beaucoup plus forte pour l’exemplaire de Meudon. Les deux échantillons sont déposés dans la collection de l’Ecole des mines. Malgré le passage de plusieurs espèces que nous avons signalées, il en reste encore et des mieux caractérisées ( Ostrea biauriculata , flabellata y lin gu tari s et Lesueurii ) qui occupent un niveau constant# Les brachiopudes. Cette famille n’a que de rares représentants dans la glauconie inférieure, mais le Rhynchonella Gras tan a pa- raît être éminemment caractéristique de cet étage. Elle se trouve au Havre, dans des couches inférieures, avec R. dichotoma , d’Orb., que je crois également reconnaître dans la Sarthe. Aœmer la donne d’Essen sous le nom de Terebratula nuciforniisy et je pense que la T . Desnoyersi , d’Archiac, du tourtia, est encore la même. A Montgaudry, elle est accompagnée d’une Térébratule qui pour- rait bien être la T. biplicata, d’Orbigny. L’étage moyen est riche en brachiopodes, et ses espèces sont faciles à reconnaître : Rhynchonella Lamarckii et compressa , Tere- bratula biplicata et lima, Terebratella Menardiy Crama cenoma - nensis et Thecida rugosa sont propres à l’étage. Les géologues du Mans désignent sous le nom de Rhynchonella alata une espèce dont les analogues se trouvent abondamment avec le R. vespertilio dans la craie supérieure de Touraine. Des indications précises sur son gisement au Mans me manquent. La Terebratella carantonensis que M. Triger, sous le nom de T. pectita , considère comme un fossile caractéristique de la craie NOTE DE M. SÆMÀNN. 511 micacée de Touraine, se trouve incontestablement à Sainte-Croix ; trois exemplaires de la collection Desportes portent le nom de cette localité, et M. Guéranger la cite du Mans, de Saint- Aubin et même de Coulaines. J’ai considéré un instant l’existence de cette espèce comme un argument en faveur de la réunion proposée des sables supérieurs du Mans avec la craie micacée de Touraine. Ce que j’ai dit plus liaut sur la difficulté de distinguer les Terebratella pectitaet caran- tonensis rend très probable l’exactitude de l’observation de M. Gué- ranger qui l’a trouvée à Coulaines dans l’assise moyenne. Les brachiopodes de l’étage supérieur sont peu nombreux. M. d’Archiac cite le Rhynchonella compressa. Je n’ai que quel- ques échantillons de cette espèce de Saint-Georges-du-Plain qui ont la couleur blanche de la craie tuffeau. Terebratella carantonensis , Terebratula phaseolina et Rhyncho- nella alata des géologues du Mans (qu’il sera bien difficile de séparer de certains échantillons de Yilledieu) sont les espèces constantes de la craie tuffeau inférieure ; Terebratella Bourgeoisi et Rhynchonella Cuvieri appartiennent déjà à la partie supérieure de l’étage turonien, et ne se trouvent pas dans la zone qui nous occupe aux environs du Mans. Je termine ici l’exposition des détails sur les fossiles qui sert à l’appui de la division en trois étages distincts du terrain crétacé de la Sarthe. Il me reste à discuter les arguments qui militent en faveur de la réunion des marnes à ostracées et du grès vert à Globiconcha avec la craie de Touraine, et l’opportunité de placer au-dessus du Jalais la limite supérieure de l’étage cénomanien. Il résulte clairement de tout ce qui précède qu’en adoptant les noms cénomanien et turonien , nous sommes loin d’entendre par là des étages parfaitement circonscrits, comme d’Orbigny les imaginait. La raison principale de placer le commencement de l’étage turonien sous les sables à stratification inclinée de Sainte-Croix nous est fournie par la circonstance, que ce point paraît être celui où commence le dépôt des terrains crétacés dans le sud-ouest et dans la Touraine. A Angoulème, une couche de sable sans fossiles sert de base aux bancs à Caprina adversa et à Ostrea columba ; au Mans, les petites Caprines commencent à se montrer au dessous des mêmes Huîtres et avec elles. Terebratella carantonensis et Ammonites Mantellii , d’Orb. , sè montrent à Angoulème aussitôt que les 512 SÉANCE DU 8 MAI 1858. bancs de Caprines et d’Huîtres font place à une marne calcaire verdâtre. Jusqu’à présent rien ne prouve que la craie de Saumur ait commencé à se déposer plus tôt que celle du sud-ouest ; l’examen des listes de fossiles données par M. d’Archiac (1) n’autorise en aucune manière à supposer à ces assises l’âge des couches à Ammonites rothomagensis , et la grande accumulation de sable traversé par les forages artésiens n’a rien d’étonnant, si l’on tient compte des dépôts analogues qu’on connaît au même niveau dans les départements d’Eure-et-Loir, de la Sarthe et de la Charente ; c’est au contraire un trait de ressemblance de plus. L’envahissement par la mer crétacée d’une si grande étendue de terrain resté à sec depuis l’émersion des derniers dépôts juras- siques est certainement un événement important en géologie, et doit être pris en sérieuse considération quand il s’agit de poser les limites des époques géologiques. L’apparition d’innombrables rudistes date de la même époque, et les espèces sont dès le début les mêmes, bien que leur distribu- tion numérique soit des plus disparates. Dans la Sarthe, nous voyous également une invasion nouvelle des mers; la mer gagne en profondeur, et dépose sur les couches littorales des sédiments chimiques qui témoignent du plus grand éloignement de la côte. Les bancs à Ostrea biauriculata , jlabel- lata , etc., étaient déjà en pleine vie, que la mer remuait encore les sables sur la côte de Saint- Calais, à 50 kilomètres à l’est du Mans ; mais tout cela ne serait pas concluant, si les caractères pa- léontologiques ne venaient pas à l’appui de cette assertion. Pour bien nous rendre compte des preuves à tirer des fossiles, il était indispensable de réunir les espèces de la partie supérieure des carrières de Sainte-Croix, au-dessus du Jalais. En cherchant ensuite où ces espèces avaient été signalées ail- leurs que dans la Sarthe, notamment en Touraine et dans le midi de la France, il devait être facile de se rendre compte des affinités paléontologiques. Yoici le résultat des recherches faites dans cette direction : Il a déjà été dit, et il est bon d’y insister de nouveau, que, même dans les grès ferrugineux, les espèces de la craie tuffeau de Touraine et du sud-ouest ne manquent pas tout à fait. Le Cardium productum de Coulaines et du Mans ne se distingue (1) Hist. des progr. de la géol . , vol. IV, p. 345. NOTE DE M. SÆMANN. 513 en rien de celui de la craie micacée de Saumur. V Arcop agi a na- in i s mal i s est commune dans cette dernière, et il est impossible de trouver sur la figure de la Paléontologie aucun caractère qui per- mette d’en distinguer l’analogue du grès ferrugineux. La Trigonie de Saumur est considérée comme appartenant au T. scabra d’Uchaux ; il me semble cependant que ce rapproche- ment n’a pas encore été prouvé d’une manière irréfutable. Un bel exemplaire d’une grande Arche, actuellement dans la collection de l’Ecole des mines, et qui provient également des sables moyens, est de tout point identique avec la figure de VA. tailburgensis de la Paléontologie française. Cerithium Renauxiannm et Chemnitzia Pailleteana , décrits par d’Orbigny, le premier, des lignites de Montdragon, l’autre, de Soulage (Aude), se sont rencontrés dans le grès moyen du clos du Luard. P yr ami délia canaliculata , d’Uchaux, s’est trouvé à Yvré- i’Evêque. Crprina ligeriensis , si commun dans les sables du Mans, n’est pas l’espèce abondante dans la craie de Touraine ( C . Noue- liana , d’ürb., Prodr.), mais il se trouve dans cette dernière un moule assez rare d’une autre espèce qui se rapproche éminemment de la coquille du Mans. Il est évident que ces analogies ne prouvent pas plus la con- temporanéité des dépôts qui les présentent que les espèces iden- tiques de la glauconie et du grès ferrugineux ne peuvent infirmer la différence évidente de l’âge de ces deux étages. Le nombre et l’importance des espèces citées est néanmoins une bonne preuve indirecte que les couches de Touraine et du Midi doivent être assez rapprochées du grès du Mans, surtout si l’on tient compte des grandes distances qui en séparent les gisements. Placer les marnes à ostracées comme étage distinct entre le grès fer- rugineux et la craie de Touraine , ce serait créer une barrière beaucoup trop forte entre leurs faunes respectives. Nous trouvons d’ailleurs dans les travaux de M. d’Archiac (1) d’excellentes observations qui prouvent une espèce d’enchevêtrement de son 3e et de son Ue étage du sud-ouest. Tout en admettant comme étages distincts les marnes à ostra- cées et le calcaire à Caprinelles, l’auteur cite l’extrémité orientale de l’île Madame, où il a trouvé le calcaire à Caprinelles (le ùe étage) entre deux bancs d7 Ostrea columba et biauriculata (3e étage). A Angoulême, les O. columba se trouvent également avec les Caprina ad versa et dessous, et les deux étages ainsi confondus ensemble (I) Hist. des progr. de la géol.^ vol. 1Y, p. 435. Soc. géol.y 2!c série , tome XY. 33 SÉANCE DU 8 MAI 1858. m sont recouverts par les marnes à Terebratella carantonensis . Les petites Caprines du Mans occupent la même place au-dessous et au-dessus des Ostrca biauriculata et columba , et il paraît même qu’en Bohême les rudistes se rencontrent tantôt au-dessus et tan- tôt au-dessous d’un banc à O. columba. Tous ces faits devaient suffire pour prouver que les Huîtres et les grands rudistes appartiennent bien au même étage, et que les Huîtres ne font que céder la place forcément et pour quelque temps aux Caprines et aux Caprinelles qui les étouffent par leur développement rapide et leurs dimensions gigantesques. Un fait bien plus curieux est l’apparition (1), à la pointe de Fouras et à l’île d’Aix, d’une couche signalée par M. d’Archiac sous le nom de banc calcaire à échinodermes, et qui paraît ren- fermer quelques espèces de la partie tout à fait supérieure des grès moyens du Mans, c’est-à-dire Pygurus oviformis , d’Orb. , Terebra - tella Menardi , Trigonia sinuata , V enus rothomagensis et quelques polypiers. Il n’est pas probable que ce banc, tout à fait isolé à l’extrémité du bassin, se prolonge beaucoup au fond de la mer, parce qu’on ne voit guère de quel côté il aurait pu communiquer avec le bas- sin de la Seine, dont les couches cénomaniennes du Mans font incontestablement partie. Il paraît plus probable que l’affaissement de toute la contrée, depuis la Sartbe jusqu’à la Charente, a fait naître du nord au sud un courant marin qui a transporté les germes de quelques espèces cénomaniennes dans le bassin du sud- ouest, espèces qui, pour la plupart, ont promptement succombé sous l’envahissement des grands rudistes venus probablement des côtes de l’Espagne et du Portugal. Dans l’énumération des fossiles de l’étage supérieur, nous met- trons en regard du nom de chaque espèce les localités en dehors du département de la Sarthe où d’Orbigny affirme les avoir ren- contrées. Il est bon de remarquer que la nature de la roche, qui est mar- neuse et chloriteuse, ne laisse aucun doute sur l’assise dont pro- viennent les fossiles, surtout en y ajoutant le renseignement fourni par l’étiquette. Voici d’abord la liste de tous ceux qui ont pu être déterminés d’après les figures de la Paléontologie française : Ammonites Mantellii , d’Orb., Nautilus triangularis , Nerinea moniliferay Globiconcha rotundata , Natica canaliculala (Sow. dans (1) Hist. des progr. de la géol., vol. IV, p. 443 et suivantes. 515 NOTE DE(^M. SÆMANN. Fitton), N. difficilis , N. Requieniana , Fusus Rennuxianus , Valut a Guerangeri , V. Delahayesi , Pteroclonta inflata , Strombus inor- natus , Rostellaria pauperata et inornata (ces deux espèces avec quelque doute, à cause de leur conservation imparfaite), Cerithium Guerangeri^ Pholadomya ligeriensis , Lucina Nereis , Cardium Gue - ranger G Area ligeriensis , Pinna dccussata. Mytilus ligeriensis , Ger- villia aviculoides , Ostrea flabellata , O. biauriculata , vesicularis , columba , lateralis , Terebratula phaseolina et Terebratella caran- tonensis , en tout 29 espèces. Sur ce nombre, il y en a 6 qui n’ont point été rencontrées ail- leurs que dans la Sartlie; ce sont les Globiconcha rotundata , Voluta Guerangeri , Cerithium Guerangeri , Lucina Nereis , ligeriensis et Gervillia aviculoides . Toutes les autres ont été trouvées dans d’autres localités, et voici quelle est leur distribution géographique d’après le Prodrome de d’Orbigny et quelques observations parti- culières : Nautilus triangularis . — A Rouen, au Havre, à la Malle (Var), à Cassis, à Fouras, et au port des Barques, X Mantellii , d'Orb., P«/. Franc., pl. 103. — Il est probable que cette espèce, très répandue dans le terrain crétacé de l’Eu- rope, y passe généralement sous le nom d’^C Mantellii , et nous aurons sous peu l’occasion d’examiner l’échantillon de Saumur, figuré sous ce même nom par d’Orbigny. Nerinea monilfera , — A l’île Madame, llle d’Aix, Nancras, Co- gnac, etc, ; avec Caprina adversa ; à Soulage (Aude), et à Tourtenay (Deux- Sèvres) . Natica canaliculata , Sow., dans Fitton. — A Blackdown, et com- mun dans le terrain crétacé de la Bohême, à plusieurs niveaux. Natica difficilis. — - Un moule en tout semblable à celui, planche 1 74, figure 4, de la Paléontologie française, qui provient de l’île Madame. Natica Requieniana . — Uchaux, Soulage. Fusus Renauxianus. ■ — » Uchaux. Voluta Delahayesi. — Craie tuffeau de Saint-Christophe (Indre-et- Loirel. Pterodonta inflata. --- Uchaux, Éoux et Robion, La Malle (Var), îles d’Aix et Madame, La Flèche, Périgueux, Saumur, Tourtenay. Strombus inornatus. — Ile d’Aix, Fouras, Cognac, Saumur, Tourtenay, Escragnolles, La Malle; (aussi à Saint-Calais). Rostellaria inornata. — Rouen. Rostellaria pauperata. ~ — Uchaux. Pholadomya ligeriensis. * — Saumur, Soulage, (Cognac). Cardium Guerangeri. — Ile Madame. 516 SÉANCE DU â MAI 1858, Pinna clec.üssata , Goldf, — Dans le quadersandstein de l’Allemagne du Nord. Mytilus ligeriensis. — Saumur, île Madame, Montagnac (Dordogne). Ostrea flabella. — île d’Aix, Cbarras, Mareuil, Nontron (Dordogne). Ostrea biauriculata. — Angoulême. O . columba, lateralis et vesicularis. — Partout. Terebrcitula phaseolinci. — Touraine ? Terebratella carantonensis. — Touraine, Angoulême. Il résulte de ces tableaux que le rapprochement des faunes de la craie de Touraine et du sud-ouest commence à se dessiner dès le dépôt des sables ferrugineux à Ammonites rothomagensis , et qu’avec les couches subordonnées aux marnes à ostracées ce rap- prochement devient une identité aussi complète qu’on peut l’at- tendre, si l’on tient compte de la distance des gisements, de la séparation des bassins et de la différence des influences locales. On ne doit pas attacher une grande importance aux coïnci- dences avec les couches de Provence où la partie inférieure de la craie, l’étage cénomanien, est depuis longtemps constatée; mais les espèces du Mans, identiques en si forte proportion avec celles de la craie de Touraine, des bancs à Caprina adversa du sud-ouest et des sables d’Uchaux, prouvent d’une manière incontestable que les faunes de ces localités doivent appartenir à la même époque. Il paraît dès lors parfaitement justifié de rattacher la partie supérieure des sables du Mans et de Sainte-Croix à la craie tuffeau, et de leur conserver le nom commun d’étage turonien dont la limite supérieure est suffisamment marquée par la craie dure de Yilledieu. La subdivision de cet étage en turonien supérieur et inférieur ressort ensuite pleinement des beaux travaux de M. Bayle, et, quant au cénomanien, on peut le diviser de la même manière, en appelant étage cénomanien inférieur les couches à Ammonites varions , représentées par les belles localités de Blackdown, de Tournay et Montignies -sur-Roc, d’Essen, et par la glauconie de la Sarthe et de la Normandie. Le cénomanien supérieur comprendrait le grès ferrugineux à Ammonites rothomagensis , Scaphites œcpialis , etc. Dans les longues recherches que la classification de la craie de Touraine a nécessitées, il n’y a certes rien de plus digne d’intérêt que les efforts de M. d’Archiac pour arriver à établir le parallé- lisme entre le terrain crétacé du bassin de la Seine et celui de la Loire. 11 paraît évident aujourd’hui que l’insuccès de ces tenta- tives repose uniquement sur l’adoption d’un faux point de départ. En considérant l’upper-green-sand de Blackdown comme un NOTE DE M. SÆMANN. 517 dépôt mixte et la faune qu’il renferme comme un mélange des espèces de trois étages distincts, il devient impossible d’en faire une application comparative quelconque. 11 fallait avoir recours aux divisions adoptées pour le bassin de la Seine, où la montagne Sainte-Catherine passait pour un des plus beaux types d’un étage nettement défini. On ne peut plus douter aujourd’hui que les fos- siles de Rouen, tels qu’on les voit dans toutes les collections, ne soient un mélange de ceux du grès vert supérieur et de la craie grise à Ammonites rothomagensis. La nature de la roche est généralement suffisante pour distin- guer trois couches différentes dans la seule partie inférieure. Un calcaire marneux, jaunâtre et tendre, est la gangue de Y Ammonites rothomagensis , des Scaphites et du Turrilites costatus ; un calcaire dur et cristallin empâte les Plicatula inflata , les lnoceramus laius et les Exogyra conica \ enfin une roche verte et tendre renferme principalement les Pecten orhicularis et asper , des Serpules et des spongiaires. Il est évident, à la simple inspection de la liste des fossiles que M. d’Arcliiac donne comme provenant du lit à Scaphites et à Turrilites costatus ( Hist . des prog ., p. 211), qu’il a été comme tout le monde victime de l’ignorance des ouvriers qui paraissent s’imaginer qu’on attache de l’importance à ce que leurs fossiles proviennent des carrières de la montagne Sainte-Catherine. Il est certain que le Pecten asper , la Rhynchonclla Cuvieri , la Terebratula carnea , Exogyra columbci [E. conica) , Ptychodus clecurrcns , ne se sont pas trouvés dans le lit n° 6 de la coupe de M. Passy. Cette coupe présente en effet la presque totalité de la craie au-dessus du gault ; les n09 7 à 8, le grès vert supérieur ; n° 6, la craie grise à Ammonites rothomagensis ; l\ et 5, la craie marneuse; 2 et 3, la craie blanche. On se procure facilement à Rouen les fossiles carac- téristiques de tous ces étages, et l’on distingue presque toujours leur provenance par la nature de la roche adhérente. On doit à M. Triger la constatation à Rouen de sa craie à Pec- ten asper , à quelques kilomètres en amont de la Seine, mais il semble qu’on n’a pas bien tenu compte de la différence des couches 7, 8 de M. Passy. La présence des Ammonites splendens et inflatus , associées au Pecten orhicularis au Havre, rappelle simplement le passage de quelques espèces du gault dans le grès vert supérieur. Belemnites minimus , que j’ai eu récemment à Rouen, se trouve dans une couche blanche, comme l’indiquait la nature de la roche adhé- 518 SÉANCE DU 3 MAI 1858. rente. M. À. Rœmer l’a signalé dès 1841 dans la partie inférieure du plæner qui correspond à la couche à Ammonites rothomagensis . à laquelle j’étais disposé à attribuer également l’exemplaire que j’ai examiné. M. d’Archiac, en réunissant en un seul groupe les fossiles des couches supérieures au gault jusque et y compris le banc à Ammo- nites rothomagensis, était dans l’impossibilité la plus complète de faire des comparaisons fructueuses dans la Sartlie. M. A. Rœmer était plus heureux dans la classification du terrain crétacé du nord de l’Allemagne ; là le grès vert supérieur présente un type magni- fique avec A. varions à Essen, et ses fossiles étaient bien décrits et figurés, il paraît que dans toute la Weslphalie la craie à Inoce- ramus mytiloides repose directement sur le grès vert supérieur, et que la craie à Scaphites œqualis et à Ammonites rothomagensis y manque complètement. Cette absence bien constatée augmenterait considérablement l’importance de ce dépôt qui se trouverait ainsi limité par deux oscillations de terrain. Dans le Hanovre, le grès vert est remplacé parle flammenmergel de Rœmer, marne bigarrée renfermant quelques espèces du gault (. Ammonites Mayorianus et Solarium ornaturn ), A. varions , Pecten orbicularis, Belemnites mi- nirnus, Ammonites curvatus, Mantell (var. de VA. fa Ica tus ?), et abondamment X Avicula gryphœoicles , de Sowerby (dans Fitton) ; X Ammonites rothomagensis , Turrilites costatus , etc., se montrent à la base d’un groupe plus crayeux réuni par M. Rœmer sous le nom de planer . Le terrain crétacé de la Saxe et de la Bohême, malgré les tra- vaux importants de MM. Geinitz et Reuss, est encore très difficile à classer. Le quadersandstein de Tyssa présente bien quelques espèces de Blackdown, autant qu’on peut en juger sur les em- preintes qu’elles ont laissées dans le grès ; mais il reste beaucoup d’incertitude sur les dépôts de l’âge à Ammonites rothomagensis. M. Geinitz n’est pas très convaincu de son existence en Saxe, et la synonymie que M. Reuss donne en tête de sa description prouve suffisamment que l’espèce ne lui est pas familière ; il n’existe à ma connaissance aucune figure d’un échantillon prove- nant de Lun ou de l’autre des deux pays. Scaphites œqualis , Geinitz, a été transformé en S . Geinitzii , et placé dans l’étage sénonien par d’Orbigny. Turrilites costatus n’existe pas. Les calcaires à rudistes reposent directement sur les roches cristallines, rarement sur les grès à Ostrea columha , et cetfe co- NOTE DE M. SÆMANN. 519 quille se trouve également associée aux Sphérulites ; elle remplit d’ailleurs toutes les couches inférieures du système crétacé de la Bohême. Autant qu’on peut en juger d’après les listes de M. Reuss, il serait permis d’admettre que tout le terrain crétacé de la Saxe et de la Bohême appartient au seul étage turonien tel que je l’ai établi dans les pages précédentes. J’en excepte toutefois la craie de Kieslingswalde et ses équivalents qui se trouvent peut-être dans les pays voisins. Celle-là est évidemment l’analogue des couches inférieures d’Aix-la-Chapelle, et rentre par conséquent dans la craie blanche, bien que M. Geinitz y trouve encore le Carclium hillanum. L’exactitude des quelques observations qui précèdent sur le ter- rain crétacé du nord de l’Europe peut être contestée ; il en reste toujours assez pour démontrer sur la côte occidentale et septentrio- nale de l’Europe l’existence d’une ceinture continue qui présente peut-être l’ensemble le plus parfait que le géologue puisse désirer pour étudier en détail la succession et la coordination des diffé- rentes parties du terrain crétacé supérieur. On dirait qu’à partir du vaste bassin de la Seine, qui ne paraît jamais avoir été à sec avant les temps tertiaires, les eaux à l’époque cénomanienne gagnent sur la terre en marchant simultanément vers le nord et le sud. Tournay et le Mans sont les stations extrêmes que la mer cénomanienne atteint. L’envahissement subit des bas- sins de la Loire et du sud-ouest (de la Sarthe et de la Bohême?) signale le commencement d’une nouvelle époque qui ne change presque rien au pied des Ardennes ; il faut une troisième oscilla- tion au commencement de l’époque sénonienne pour remplir le bassin de la Meuse jusqu’à Maëstricht et Aix-la-Chapelle. L’étude détaillée de ces terrains nous apprendra, dans un avenir prochain, si ces mouvements étaient lents et continus ou soudains et rapides. L’état des terrains de contact ferait supposer qu’à de longs intervalles de repos ont suivi des affaissements lents et régu- liers; car les remaniements des dépôts sédimentaires tels que les produirait une violente irruption de la mer sont des cas fort rares, si même ils existent. La lecture de cette note a été suivie de près par la publication d’une livraison du Bulletin pour le mois d’avril, laquelle contient plusieurs mémoires très importants communiqués à la Société géo- logique depuis près d’un an. Je n’ai eu que partiellement connais- sance de ces communications quand la lecture en a été faite, et il m’a été impossible d’en tenir compte dans mon mémoire dont les 520 SÉANCE DU 3 MAI 1858, matériaux ne m’ont été fournis que depuis peu. Je me propose de mettre ici en parallèle les principaux résultats de ces travaux, autant pour faciliter la comparaison que pour rendre à chacun ce qui lui appartient, s’il m’était arrivé d’empiéter involontairement sur le terrain de mes devanciers. Les mémoires dont je veux parler sont les suivants : Rapports de la craie glauconieuse de Rouen et des grès verts du Maine , parM. Hébert (séance du 18 mai 1857). Lettre de M. Rauiin du 18 mai et réponse de M. Triger du 1er juin 1857. Lettre et mémoire de M. Coquand du même jour. Note sur la composition du terrain crétacé de la Sarthe , par M. de Hennezei, sur les indications de M. Triger (extrait du Bul- letin de la Société d’agriculture y sciences , etc., de la Sarthe ). Le premier point sur lequel il existe une discordance d’opinion assez marquée entre les différents auteurs est la craie de Rouen. MM. Coquand, Hébert et Bayle comprennent toutes les assises, depuis le gault jusqu’à la limite supérieure de X Ammonites rotho - magensis, dans un seul étage auquel M. Coquand a donné le nom de rotliomagicn. M. Triger a distingué les couches à Ammonites falcatus pour la première fois dans sa réponse à M . Desnoyers, du 3 décembre 1856. Le mémoire de M. de Hennezei donne le détail de cette division telle qu’elle se présente dans la Sarthe, et le tra- vail que je publie aujourd’hui fournit les preuves que cette distinc- tion se retrouve sur beaucoup de points du golfe cénomanien. Dans la même réponse, M. Triger insiste en outre sur ce que les grès et les sables du Mans, inférieurs à la craie à Inocérames, sont supérieurs à la craie de Rouen, c’est-à-dire au niveau bien connu des Turrilites , des Scaphites et de Y Ammonites rothomagensis. La définition ne paraît plus correcte aujourd’hui, puisqu’on sait que la partie inférieure des sables du Mans représente cette même craie de Rouen. Il est certain au moinsque, sous le nom de sables du Mans, on a toujours compris la totalité des couches sableuses et quartzeuses qu’on observe dans les carrières de Sainte-Croix, d’Yvré-l’Evêque et de Coulaines. Nous retrouverons dans la note de M. Hébert la même incertitude, puisqu’il ne dit pas non plus que ce niveau bien connu est compris dans les grès et les sables du Mans. Quoi qu’il en soit, et tout en revendiquant pour M. Triger le mérite d’avoir établi différents niveaux dans ce que j’appelle l’étage cénomanien de la Sarthe, on ne saurait nier que sa division en quatre groupes laisse encore à désirer. Les géologues qui feront NOTE DE M , SÆMANN. 521 l’application de ces subdivisions dans d’autres localités auront sur- tout de la peine à s’entendre sur la délimitation du troisième et du quatrième groupe. J’ai suivi M. Triger en laissant la couche de Coudrecieux à Codiopsis dama dans la partie supérieure de l’étage cénomanien. La présence de cet oursin dans le tourtia de Belgique et dans le grès vert d’Essen me laisse cependant des doutes sur l’opportunité de cette coupe. Parmi les étages adoptés par M. Coquand, il y en a un que j’ai cru devoir passer sous silence, malgré son apparente importance : ce sont les puissants dépôts de sable, d’argile et de lignite, à la base du terrain crétacé de la Touraine et du sud-ouest. Je consi- dère ces assises comme le résultat inévitable de la première action de la mer sur de vastes étendues de terre couvertes de végétation et habitées par des animaux terrestres. La première vague, agissant avec force sur un terrain plus ou moins incliné, aura déraciné dans un clin d’œil les plus belles forêts, entraîné jusqu’à la roche qui leur servait de base la terre végétale et les sables, et tous ces matériaux, emportés par le reflux vers des parties plus profondes du golfe ou de la vallée, y auront formé des couches très variables d’épaisseur et d’aspect, selon la configuration du sol sous-marin. Il n’y a guère que des golfes profondément découpés ou de vastes plaines amortissant le choc des vagues qui présenteront le phéno- mène des arbres ensevelis dans leur position naturelle. Il est évident que les dépôts formés si rapidement au début d’un cataclysme ne peuvent pas être pris comme équivalent d’un étage, dont l’idée est essentiellement liée à celle d’un espace de temps assez long. Une raison semblable défend de faire entrer dans la classification générale d’un terrain les dépôts lacustres et d’eau douce qui pourraient se trouver intercalés dans les couches marines. Chaque couche lacustre a de toute nécessité son équivalent marin, et ces derniers forment à eux seuls une série sans interruption. Ces con- sidérations m’ont fait négliger les couches sableuses inférieures au terrain crétacé, et elles suffisent pour motiver la suppression de l’étage GARDONiEN de M. Coquand. Le troisième point sur lequel je diffère d’opinion avec tous les auteurs cités concerne la craie à Inoceramus mytiloides et les marnes à Ostrea colamba. Je soutiens que ce sont deux formations synchroniques, les Inocérames étant le faciès du Nord, les Exo- gyres celui du Midi. Une cause inconnue, peut être la force ou la température d’un courant marin, empêche la faune marine du Midi de pénétrer dans le bassin du Nord, et donne en même temps des facilités pour une migration en sens inverse. C’est ainsi 522 SÉANCE DU 3 MAI 1858. que nous voyons de bonne heure Y Inoceramus mytiloides rentrer dans les bassins de la Loire et de la Charente, et pulluler chaque fois que la profondeur croissante de la mer force à la retraite les animaux côtiers. De l’autre côté, nous voyons les Oslrea columba , biauriciilata , vesicularis , stationner pour ainsi dire à la porte du bassin du Nord sans pouvoir y pénétrer ; ce n’est que vers la fin de la période crétacée qu’une nouvelle voie est ouverte entre les deux mers, et que les mollusques de Roy an, jusques et y compris les rudistes, se retrouvent à Maëstricht. Je ne me dissimule pas les difficultés qu’on rencontrera pour faire prévaloir de pareilles vues en géologie , non pas qu’elles soient nouvelles ; la géologie a fait ses premiers et ses plus grands pas en interrogeant les contours et la disposition des anciens rivages. Ebloui depuis une vingtaine d’années par une précision des données de la paléontologie à laquelle on était loin de s’at- tendre, on a peut-être dépassé dans ces derniers temps les justes limites de ce genre d’investigation, et l’on se demande si, en distinguant de 50 à 60 assises dans le seul terrain crétacé de la Sarthe, on ne finit pas par classer les coups de vent qui ont ensablé la côte. Ce qui me porte principalement à considérer la craie à Inoce- ramus mytiloides, comme faciès septentrional de l’étage turonien de la Loire, c’est la succession évidente et non interrompue que cette craie forme avec la craie grise de l’Angleterre et de la Cham- pagne ; on n’a jamais prétendu qu’il y ait eu émersion totale ou partielle de ce vaste bassin après le dépôt des couches à Ammo- nites rothomagensis. La craie marneuse suit la craie grise en Angle- terre comme en France avec une concordance parfaite, et avec un changement si léger des caractères pétrograpliiques qu’un affais- sement de 20 mètres est suffisant pour l’expliquer. Or, en obser- vant dans les carrières du Mans la transformation successive des grès moyens en marnes à ostracées, on reste convaincu que là non plus il n’y a point de lacune, et il devient évident que deux dé- pôts d’aspect différent, succédant à une même couche qu’on peut suivre d’un bassin dans l’autre, sont de toute nécessité synchro- niques. Cette première interprétation demande de nouveaux détails à la suite de la note de M. Hébert. Le savant professeur affirme que le grès vert du Maine est supérieur à la craie chloritée, et cela sans aucun doute possible. J’ai cherché d’abord à me rendre compte si le nom de grès vert du Maine veut dire la même chose que ce qu’on est convenu d’appeler grès vert du Mans. M. Hébert NOTE DE M. SÆMANN. 523 dit (p. 737) que les sables ferrugineux, le grès vert du Maine, recouvrent partout la craie cliloritée ; qu’à leur tour ils sont par- tout recouverts par la craie marneuse à Inoceramàs mytiloides , base de la craie de Touraine, et un peu plus haut, on trouve le mot de sables ferrugineux à propos des glauconies de la Ferté- Bernard que M. d’Archiac considère comme leur modification latérale. Il me semble qu’en suivant ainsi M. Hébert dans ses explications, on arriverait à prouver qu’à cette époque il ne se doutait pas encore de l’identité des sables ferrugineux avec la craie à Scaphites, et qu’il a pris pour représentant de cette assise les glauconies de Lamnay. Il est inutile de compléter aujourd’hui cette critique : le tableau de M. de Hennezel remet toutes choses à leur véritable place, et les deux tiers des grès du Mans, c’est-à- dire les grès ferrugineux, disparaissent de la série comme simple dépôt littoral de la craie à Scaphites. Il ne reste en vérité des sables du Mans que les sables verts au-dessous de la couche à Caprines (assises 1 et 2 du dixième groupe de M. de Hennezel) et le qua- trième groupe tout entier (grès vert du Maine de M. Hébert). Ce quatrième groupe est le seul dont la position pourrait donner lieu à de nouvelles controverses. En plaçant dans la quatrième assise des sables cénomaniens inférieurs la grande séparation des étages cénomanien et turonien, j’ai laissé les Rhynchonella Lcimcirckii et Y Ostrea diluviana dans l’étage inférieur, en considérant comme espèce de passage le Terebratella Menardi qui, d’après M. Co- quand, se trouve encore dans les couches à Caprines du sud-ouest, où je crois effectivement l’avoir trouvé moi-même. Je donne enfin pour résumer l’ensemble de ce travail, en tenant compte des dernières publications, l’exposé suivant : 1° L’observation a prouvé que le bassin de la Manche a été submergé pendant toute la durée de l’époque crétacée; j’en con- clus de toute nécessité que les dépôts crétacés sans exception doivent y avoir leur équivalent synchronique. Les oscillations de terrain, indiquées par les changements dans la nature des sédi- ments et des débris organiques que ces derniers renferment, ont modifié la ligne des côtes, et sont les faits géologiques qui marquent le commencement des différentes époques. 2° L’effet de ces changements est toujours plus sensible sur les bords du bassin qu’à son centre, puisqu’une différence de niveau de 20 mètres délogera toute la faune littorale et en détruira peut- être une grande partie, tout en n’ayant qu’une faible influence sur les habitants des grandes profondeurs. 3° Les faunes synchroniques de la formation crétacée présentent SÉANCE DU 3 MAI 1858. 52A une différence notable, selon qu’on les étudie dans le nord ou le midi de l’Europe occidentale, et l’on s’aperçoit que les communi- cations entre les mers de la même époque ont été plus ou moins faciles, et qu’elles ont quelquefois lieu de préférence en certaines directions. A0 Les bords de la mer cénomanienne sont marqués par les dépôts de son époque, d’un côté jusqu’au pied des Ardennes, de l’autre au delà de l’axe du Merlerault jusqu’aux environs du Mans. Une oscillation probablement assez faible et en sens descendant a produit un changement qui divise l’étage en deux parties, le cénomanien inférieur et le supérieur. 5° Un affaissement très considérable marque la fin de cet étage, et amène la submersion de vastes étendues de terrain dans le nord comme dans le midi de l’Europe. Un événement de cette importance autorise à le prendre pour point de départ d’un nouvel étage, le turonien. 6° La mer cénomanienne débordant vers le sud entraîne des espèces d’animaux, dont un petit nombre se maintient dans les nouvelles conditions d’existence qui leur sont faites ; la plupart disparaissent dans le cataclysme même, ou bien ils reculent et s’éteignent devant les nouvelles générations arrivées par d’autres chemins. M. Hébert, à la classification nouvelle de M. Sæmann, déclare qu’il préfère la classification antérieure d’Alc. d’Orbigny, bien entendu en remettant dans le terrain cénomanien les marnes à ostracées de M. d’Arcbiac ; en conservant cette classification on n’est pas obligé de couper en deux les sables du Mans. M. Triger déclare, de son côté, qu’il est préférable de placer la séparation au-dessus des marnes à Ostracées, comme l’a fait Aie. d’Orbigny, attendu que tous les fossiles, à partir de cet ho- rizon, se retrouvent plus ou moins abondamment dans les dépôts inférieurs, tandis qu’ils ne paraissent pas dans les dépôts plus élevés. Il admet donc, avec Aie. d’Orbigny, comme limite de la partie inférieure du turonien, la craie à Terebratula pectita , que l’on rencontre toujours au-dessus des marnes à ostracées, et qui se lie intimement avec les autres dépôts supé- rieurs. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Tb. NOTE DE M. ÉCRAN. 525 Note sur la classification des Ecbinoconidæ ( d’Orb .) qui pré- sentent l’anus situé dans un profond sillon et l’appareil apicial compacte; par M. Th. Ebray. Dans une série de notes adressées à la Société géologique, j’ai démontré que beaucoup de genres à appareil apicial allongé pos- sédaient des plaques complémentaires; j’ai fait observer aussi que dans un genre voisin des Hyboclypus , kg. , et des Gcileropygus , Cott., cette même propriété se reproduisait ; mais je me suis peu étendu sur les autres caractères de ces fossiles, mes notes étant principale- ment destinées à faire connaître la composition de l’appareil apicial jusqu’à ce jour inconnue. Je viens aujourd’hui donner quelques détails sur le péristome des genres appartenant à cette partie des Echinoconidœ , d’Orb., dont l’anus est situé dans un profond sillon, dont les ambulacres sont simples et dont l’appareil apicial est compacte. M. Desor définit ainsi le genre Gcileropygus : Grands oursins circulaires , déprimés , à bord postérieur aminci et tronqué. Périprocte supère, comme chez les Pygaster , mais logé dans un profond sillon de l’aire interambulacraire im- paire. Péristome central distinctement décagonal, avec de fortes échancrures aux angles des ambulacres. Périprocte compacte (1). Tubercules serrés, non serrés, formant une granulation très ho- mogène. Ambulacres postérieurs, flexueux, par suite du sillon anal qui les refoule en arrière. M. Desor ajoute que les Gcileropygus diffèrent des Hyboclypus par le péristome qui rappelle tout à fait celui des Pygaster , et selon toute apparence par son appareil apicial. Or, si nous consultons les échinides du département de la Sarthe par MM. Cotteau et Triger, nous trouvons que l’espèce connue sous le nom d ’ Hyboclypus disculus, Cott., a été rangée par ces auteurs dans le genre Galeropygus , Cott. En effet, les traces laissées sur la coquille par l’appareil apicial démontrent que celui- ci est compacte ; mais, si nous nous reportons à la forme de la bouche donnée par les mêmes auteurs, nous verrons qu’au lieu d’être décagonale et au lieu de présenter des entailles comme chez les Pygaster , elle est pentagonale, sans entailles, et que les angles du pentagone correspondent aux aires interambulacraires. (1) Probablement appareil apicial compacte. 526 SÉANCE DU 3 MAI 1858. D’un autre côté, j’ai rencontré dans les carrières de la Gre- nouille des échinodermes à ambulacres simples, à appareil apicial compacte, à périprocte situé dans un sillon profond et présentant: 1° IJn péristoine pentagonal dont les angles correspondent aux aires ambulacraires ; 2° Un péristome pentagonal avec entailles profondes et bour- relets. Jusqu’à ce jour, on supposait que le groupe des Ecbinonéides formant, comme le dit M. Desor(l) , la première section de la famille des Cassidulites et correspondant à la famille des Galéridées, se distinguait des Nucléolides par l’absence de bourrelets autour de la bouche et surtout par des ambulacres simples ; mais les oursins des carrières de la Grenouille viennent démontrer que la famille des Echinoconidœ , d’Orb., de même que le groupe des échino- néides, Ag. , offre des genres à bourrelets buccaux. Je vois donc, en prenant pour base la méthode actuelle de clas- sement des échinodermes , trois types qui ne peuvent être con- fondus : 1° Le type décrit par M. Desor et caractérisé par un péristome à entailles profondes (comme chez les Pygaster) ; 2° Le type figuré dans la description des échinides fossiles du département de la Sarthe, type caractérisé par un péristome pentagonal sans entailles, et dont les angles du pentagone corres- pondent aux aires ambulacraires ; 3° Le type qui se présente avec le précédent dans les carrières de la Grenouille, et qui se fait remarquer par des bourrelets buccaux. On aura donc : FAMILLE. GROUPE. GENRES. Echinoidae (d’Orb.), Galeridées (Desor), (pars). Appareil apicial com- pacte; ambulacres droits; anus situé dans un profond sillon. Péristome décagonal avec entailles et sans bourrelets, Galeropygus (Cott.). Péristome pentagonal sans bourrelets ni entailles (2). Péristome pentagonal avec bourrelets , Centroclypus | (Eb.), M. Delesse présente, de la part de M. Ville, ingénieur des (1) Synopsis des échinides fossiles (p. 261). (2) N’ayant pu personnellement constater l’existence du péristome décagonal avec entailles, je ne puis proposer ce genre que provisoire» ment et sans lui imposer de nom. NOTE DE M. VILLE. 527 mines à Alger, la notice suivante, relative à un gîte de com- bustible minéral découvert récemment en Algérie : Sur un gîte de combustible minéral situé entre Ténès et Orléansville ; par M. L. Ville. Le bureau arabe d’Orléansville a signalé, en 1855, l’existence d’un gîte de combustible minéral entre Ténès et Orléansville, dans une localité désignée sous le nom de Bled-Boufrour. Ce point est situé sur la limite des deux cercles, à 12 kilomètres environ au nord d’Orléansville, à peu de distance de la rive droite de la ri - vière des sables, qui va se jeter dans l’oued Bou-Bahara. J’ai visité le gîte de Bled-Boufrour le 26 mai 1856, et j’ai reconnu l’existence d’une couche de combustible terreux, noirâtre, dont l’épaisseur varie de 2m,50 à 3 mètres, et qui est entaillée par un ravin sur 250 mètres environ de longueur. Cette couche, composée de divers lits parallèles entre eux, est enclavée en stratification concordante dans des marnes gris-bleuâtre du terrain tertiaire supérieur. En raison de cette différence de couleur, l’aspect de la couche char- bonneuse présente, au premier abord, quelque chose de saisissant. En l’examinant avec soin, j’ai reconnu qu’en certains endroits il y a des empreintes végétales carbonisées et que plusieurs parties de la roche, bien restreintes, il est vrai, ont l’aspect brillant d’un véritable lignite. Mais la masse générale de la couche, sur les deux rives du ravin qui l’entaillè, offre à l’œil une cassure terreuse et ressemble plutôt à de l’argile bitumineuse qu’à un véritable com- bustible. Elle rentre dans la variété des lignites terreux. Tous les échantillons analysés renferment une proportion d’eau hygrométrique assez considérable, variant de 0,084 à 0,145. Le poids des matières volatiles bitumineuses et de l’eau com- binée à l’argile varie de 0,225 à 0,420. Le poids du charbon fixe restant après avoir calciné au rouge la matière, à l’abri du contact de l’air, varie de 0,075 à 0,333. Le poids total du charbon, correspondant à celui des matières bitumineuses volatiles et au charbon fixe, varie de 0,114 à 0,486. Les cendres sont essentiellement argileuses; leur poids varie de 0,198 à 0;603. Le pouvoir calorifique varie de 893 à 3024. unités de chaleur. Le pouvoir calorifique du charbon pur étant de 7815 unités, on voit que le lignite du Bled-Boufrour ne possède en général qu’un pou- voir calorifique très faible. Du reste, les échantillons nos 1, 2, 3, 4, 528 SËAttCÊ DU S MAI 1858. dont le pouvoir calorifique varie de 2à09 à 302û, sont des échan- tillons de choix, ayant l’aspect brillant d’un combustible. Ils sont fort rares dans l’affleurement. Les échantillons nos 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, dont la composition présente assez d’homogénéité, consti- tuent à proprement parler la masse générale de la couehe de lignite. Leur pouvoir calorifique varie de 893 à 1827. Il est, en moyenne, de 1Zi83, c’est-à-dire qu’il est très faible et que ce lignite, s’il conservait la même composition dans toute la couche, ne pourrait être employé comme combustible ni dans l’industrie, ni dans l’économie domestique. Par la calcination en vase clos, le lignite du Bled-Boufrour donne un charbon très argileux dont la poussière est d’un très beau noir et qui peut être employé avec avantage pour décolorer les sirops, comme le charbon animal. Je m’en suis assuré en décolo- rant, avec le lignite calciné, du vin d’Espagne très fortement chargé en couleur. J’ai constaté que le pouvoir décolorant de ce lignite était plus élevé que le pouvoir décolorant du charbon végé- tal que l’on emploie au laboratoire. Le lignite de Menât, qui ren- ferme, d’après M. Berthier, Matières combustibles 0,65 Argile et sable 0,35 Total 1,00 se rapproche, par sa composition, du lignite du Bled-Boufrour, et est employé avec avantage pour la décoloration des sirops. La même industrie pourrait, sans doute, s’effectuer avec le lignite du Bled-Boufrour; mais je doute fort, qu’en raison des besoins actuels de l’Algérie il y ait opportunité à créer aujourd’hui une industrie de ce genre. On a vu plus haut que, dans toute l’étendue de l’affleurement du combustible, le lignite dont il s’agit offre géné- ralement l’aspect d’une roche noire, éminemment argileuse et à cassure terreuse. Cependant, en quelques points, la roche noire a l’aspect brillant et la cassure d’un véritable combustible. Sa ri- chesse en charbon devient plus grande, et alors il est susceptible de brûler. 11 se pourrait donc qu’en exécutant des travaux de recherches sur cette couche, on reconnût qu’à une certaine di- stance de l’affleurement, elle perd son caractère terreux et se transforme en un combustible susceptible de brûler et d’être em- ployé avec quelque avantage dans les arts. On sait que le bois de chauffage est rare à Orléansville ; si le lignite du Bled-Boufrour s’améliorait en profondeur, il pourrait être employé, à Orléans- NOTE DE M. VILLE. 529 ville, pour les besoins de l’économie domestique. Î1 pourrait ser- vir également au grillage des minerais de cuivre de Ténès, à la cuisson de la chaux et de la brique, au chauffage des chaudières à vapeur fixes. Il y aurait donc un véritable intérêt à faire quelques travaux de recherches sur le gîte du Bled-Boufrour. Il serait facile de faire, dans la couche de lignite, de chaque côté du ravin qui l’entaille: 1° une galerie en direction de 30 mètres de long, lm,80 de haut, lm, 30 de large; 2° une galerie suivant la ligne de plus grande pente de 60 mètres de long, lm,80 de haut et lm,30 de large. On doit éviter de donner une trop grande section transversale à ces galeries, à cause du peu de dureté de la roche. La couche serait explorée ainsi par un ensemble de galeries de 180 mètres de lon- gueur, L’abatage de la roche serait facile et coûterait , en moyenne, 30 francs par mètre courant. En y comprenant le boi- sage et les frais généraux, on pourrait évaluer à 80 francs le prix de revient du mètre courant, ce qui porte à 15,000 francs en nombres ronds la somme suffisante pour l’exploration complète de la couche. Cette somme ne serait même pas entièrement néces- saire, car, à la rigueur, on pourrait se contenter de n’explorer qu’une des rives du ravin, ce qui réduirait la dépense à 8 ou 10,000 francs. Comme le bassin carbonifère s’étend bien au delà des limites de l’affleurement que j’ai reconnu, qu’on retrouve des indices no- tables de lignite sur les bords de la rivière des Sables, qu’un affleurement analogue à celui du Bled-Boufrour a été signalé chez les Medjadja, il est probable que l’exploration de la couche du Bled-Boufrour amènerait la découverte de nouvelles couches de lignite et que peut-être quelques-unes de ces couches seraient susceptibles d’être employées dans les arts, d’une manière avan- tageuse. Séance du 17 mai \ 858. PRÉSIDENCE DE M. V1QUESNEL. M. A. Laugei, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société ; M. Lehon, capitaine du génie, professeur à l’Ecole poly- Soc. géol., 2e série, tome XV. 34 530 SÉANCE DU 17 MAI 1858. technique, rue du Commerce, Al, à Bruxelles, présenté par MM. Michelin et Hébert. DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des sa- vants, avril 1858. De la part de M. Th. Davidson : 1° A monograph of british pennian Brachiopoda, part. IV, 51 p., h pl., 1857-, in-8. 2° A monograph of british carboniferous Brachiopoda. , Ü8 p., 8 pl., 1857, in-8. De la part de M. Ed. Piette ; 1° Note sur le gîte des Clapes [Moselle), in-8, p. 510-516. 2° Description des Cerithium enfouis dans les dépôts batho- niens de V Aisne et des Ardennes ; in-8, p. 5AA-562, A pl. Ces deux notes extraites du tome XIV, 2e série (1857), du Bull, de la Soc. gèol. de France. De la part de MM. le Dr Albert Oppel et Édouard Suess, Ueberdie muthmass lichen /Equivalente des Kôssener Schichten in Schwaben, in-8, 17 p., 2 pl. Vienne, 1856. De la part de M. le Dr Albert Oppel, Die Juraformation Englands , Frankreichs und des südwestlichen Deutschlands ; in-8, p. 587-857, 1 carte. Stuttgart, 1856- 1858. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XL VI, nos 18 et 19. U Institut, nos 1270 et 1271, 1858. Reforme agricole , par M. Nérée Boubée, n° 112, 11e année, avril 1858. Mémoires de la Société dé agriculture , etc., du département de la Marne, année 1857, in-8. Mémoires de V Académie imp. des sciences, etc., de Tou- louse, 5e sér., t. I, 1857, in-8. Société impériale dé agriculture, etc ., de U arrondissement de Valenciennes. 9e année, n° 10, avril 1858, in-8. Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles , t. V, bulletin n° A2. Lausanne, mai 1858, in-8. LETTRE DE M. SHUMARD. 531 The Athenænm, nos 1593 et 159/i, 1858. N eues Jahrhuch fur Minéralogie, etc., deLeonhard etBronn, année 1858, 2e cahier. TV urttem hergisehe naturwiss . Jahreshefte , 13® année, 3® cah., 1857. Revista minera , t. IX, n° 191, 1er mai 1858. Revista de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales , t. VIII, n° h, avril 1858. The american journal of science and arts, by Silliman, vol. XXV, 2e sér., n° 75, mai 1858. Sur la proposition du Conseil, la Société choisit Nevers comme lieu de sa Réunion extraordinaire de cette année. M. d’Arehiac lit l’extrait suivant d’une lettre adressée par M. B. -J. Shumard à M. de Yerneuil : Je viens de compléter l’examen d’une collection de fossiles rapportée des montagnes de Guadalupe (New-Mexico) par mon frère, le docteur S. -S. Shumard, qui a fait partie de l’expédition du capitaine John Pope, et cette étude, quelque rapide qu’elle ait été, m’a pleinement convaincu qu’il existe dans cette région un vaste développement de votre terrain permien. La collection contient à peu près quarante espèces de fossiles dont beaucoup sont nouvelles, mais dont la plupart se rapprochent tellement des types permiens qu’il ne peut rester aucun doute sur leur âge. J’y ai trouvé la Camarophoria Schlotheimi , représentée par des échan- tillons qui s’accordent parfaitement avec les figures et la descrip- tion que vous donnez de cette espèce dans votre ouvrage sur la Géologie de la Russie. Elle est accompagnée de la Camarophoria Geinitziana. Nous avons un Aulosteges qui, quoique distinct de votre espèce de Russie, en est néanmoins très voisin. Le Productus Leplayi y est représenté, et nous en avons un autre qui est très analogue, sinon identique, avec votre P . Cancrini. La Terebratula ( spirigera ) pectinifera est fort abondante, ainsi que la T. elongata , et il y a une espèce très voisine de la T. supers tes qui n’est peut- être que cette espèce elle -même. Nous avons aussi les Spirifer cristatus et permianus, King, l’ Aca ri thpcladia anceps , le Synocladia virgulacea , et des fragments d’un Monotis qui ressemble au M. speluncaria . Notre collection contient en outre un certain nombre d’espèces qui se trouvent dans les dépôts permiens du Kansas, dont la pre- 532 SÉANCE DU 17 MAI 1858. mi ère indication est due au professeur Swallow qui vient de publier à ce sujet une notice que vous recevrez bientôt. D’après les observations de mon frère, cette formation dans le Nouveau-Mexique atteint une épaisseur de plus de 1000 pieds. La roche est un calcaire d’un blanc pur, dont quelques parties sont remplies de fossiles. Les couches permiennes reposent sur des grès et des calcaires de l’âge du terrain houiller, contenant les fossiles qui caractérisent cette formation dans le Missouri et les autres Etats de l’ouest. Je vous enverrai un exemplaire du mé- moire du professeur Swallow sur les fossiles permiens du Kansas. Vous remarquerez qu’il a reconnu un assez grand nombre de vos espèces de Russie. On peut observer que, pendant que les roches permiennes du Kansas contiennent beaucoup d’acéphales et peu de brachiopodes, le contraire a lieu dans le Nouveau-Mexique, où les dépôts du même âge présentent beaucoup de brachiopodes et peu d’acéphales. Un extrait du rapport fait au gouvernement par mon frère sur ses découvertes dans le Nouveau-Mexique et le Texas paraîtra dans le deuxième numéro des Transactions de l’Académie des sciences de Saint- Louis . J’y joindrai une courte description de quelques-unes des espèces nouvelles du terrain permien. Je vous enverrai bientôt aussi un mémoire que j’ai fait avec le professeur Swallow sur les fossiles du terrain houiller du Mis- souri et du Kansas. Ce mémoire comprend toutes les espèces non encore décrites (environ 70) qui se trouvent dans la collection de l’État du Missouri. M. d’Archiac fait remarquer, à propos de cette communication, que s’il était réservé à un observateur américain de faire connaître l’existence de la faune permienne dans le nouveau monde, c’est à un géologue français que l’on doit la première indication d’un représentant, à la fois stratigraphique et minéralogique, de la même période. En effet, M. J. Marcou, attaché en Qualité de géologue à l’expédition du capitaine Wliipple qui parcourut en 1853 l’espace compris entre la vallée du NI ississipi et l’océan Pa- cifique, a reconnu dans le Nouveau-Mexique, au nord-ouest de la localité dont parle M. Shumard, entre le rio Colorado Chiquito (lat., 35°18'â3"; long., 1 10° âÔ' 56") et la sierra de Mogoyon, au-dessous d’une série de couches rapportées aux divers étages du trias, un calcaire magnésien qu’il n’hésite pas à comparer au magnesian bmestone d’Angleterre. Son épaisseur est d’environ 325 mètres, et les fossiles, quoique abondants, étaient dans un LETTRE DE M. J. MARCOU. 5BS trop mauvais état pour qu’on pût les déterminer spécifiquement [Résumé explicatif d’une carte géologique des Etats-Unis [Bull. Soc. géol. de France , 2e série, vol. XII, p. 868, mai 1855. — < Geology of North- America, p. 23, i 11-/4. Zurich, 1858.)]. M. E. Emmons a aussi rapporté au système permien certaines assises inférieures au charbon de la Virginie et de la Caroline du Nord ( Geol . report of North-Carolina , p. 273, 3 Al ; 1856). Ce dernier savant aurait même trouvé des mâchoires inférieures d’une espèce de mammifère insectivore ( Dromatherium sylvestre ), avec des restes de sauriens tliécodontes, dans le bassin charbonneux de Chatam, bien au-dessous du niveau des plantes regardées par lui comme appartenant à la flore des marnes irisées ( American Geo- logy, part. VI, 1857). Mais, comme rien ne semble prouver encore d’une manière absolue que ces couches ne fassent pas également partie du trias, ce petit mammifère pourrait n’être pas beaucoup plus ancien que le Microlestes antiquus , Rein., du Wurtemberg. Quoi qu’il en soit de ce dernier fait, les observations séparées de MM. J. Marcou, S. -S. Shumard et Swallow mettent aujourd’hui hors de doute l’existence du système permien à l’ouest du Missis- sipi, et montrent que le terrain paléozoïque, dont les trois termes inférieurs sont si largement développés dans le nord du nouveau continent, y est aussi complet que dans l’ancien. M. Delesse présente, de la part de M. J. Marcou, un ouvrage relatif à la géologie de l’Amérique du Nord 5 il donne ensuite lecture de la note suivante qui lui a été adressée par M. Marcou. Zurich , le 20 avril \ 858. La Société géologique de France ayant eu l’extrême obligeance d’insérer, dans les tomes VI, VIII, XI et XII de la 2e série de ses Bulletins , la plus grande partie de mes observations sur l’Amé- rique du Nord, je viens aujourd’hui, en lui offrant un exemplaire de ma Geology of North America, la prier de m’ouvrir encore ses colonnes pour une petite protestation. Par suite de circonstances complètement indépendantes de mon libre arbitre et de ma volonté, et qu’il me serait pénible d’être obligé de rappeler ici, les deux cahiers de notes géologiques que j’avais écrits pendant mon exploration des montagnes Ro- cheuses et de la Californie, et la plus grande partie de mes collec- tions, m’ont été enlevés de force, et remis, sans ma participation, entre les mains d’un nommé William P. Rlake, de New-Haven SÉANCE DU 17 MAI 1858. 53 h (Connecticut). Cette personne m’ayant écrit de son propre mou- vement pour me consulter officieusement sur l’opportunité qu’il y aurait de publier ces deux cahiers de notes tels qu’ils étaient , je me suis opposé à cette publication en m’appuyant : 1° sur ce que ces notes étaient écrites au crayon, en abrégé, avec beaucoup de signes conventionnels et en langue française ; 2° sur ce qu’il y avait des parties à retrancher ; 3° sur ce qu’il y avait beaucoup à ajouter pour les rendre compréhensibles ; 4° et enfin sur ce que, ne connaissant pas lui-même la route que j’avais parcourue, il ne pouvait pas suppléer par sa propre expérience à des notes qui ne pouvaient être compréhensibles qu’à celui même qui les avait prises. En même temps, j’ajoutais : 1° qu’il pouvait publier un rapport en forme de Résumé , que j’avais adressé au commandant de notre expédition en juillet 1854; 2° que ma collection était en bon état, et que je ne voyais aucune objection à ce qu’il en donnât une description détaillée, aux deux conditions toutefois qu’il pré- viendrait que j’étais étranger à cette description, et qu’il ne ferait pas décrire les fossiles par James Hall, d’Albany. Comme M. Blake me disait dans sa lettre qu’il aurait égard à mes désirs, et que c’était seulement pour assurer la publication officielle des résultats géologiques auxquels j’étais parvenu qu’il avait consenti à entreprendre ce travail, j’ai été fort surpris de voir que, non-seulement M. Blake n’a eu égard à aucun de mes désirs, mais bien plus qu'il a fait tout ce qui dépendait de lui pour annuler mes observations et nier mes découvertes ; et je suis aujourd’hui à me demander quels sont les motifs qui ont pu pousser M. Blake à m’écrire une lettre, dont il avait évidemment pris la résolution d’avance de fausser tous les termes. Une première publication des résultats principaux des diverses explorations pour l’établissement d’un chemin de fer entre la vallée du Mississipi et la Californie a été faite à Washington, en 1855, dans le format in-8, avec atlas in-folio. Dans ces rapports se trouvent deux mémoires avec ma signature ; ce sont : 1° Ré- sumé of a Geological reconnaissance extending from Napoléon at the junction of the Arkansas with the Mississippi , to the pueb/o de los Angelos in California ; 2° Geological notes of a survey of the country comprised between Prestony Red river , and El Paso , rio Grande del Norte. Ces deux mémoires, qui ont été en grande par- tie publiés dans les tomes XI et XII du Bulletin de la Société géo- logique, renferment, avec des détails suffisants pour les mettre hors de doute, tous les résultats auxquels j’ai été conduit par mes recherches géologiques. Cette publication, in-8, a été limitée à LETTRE DE M. J. MARCOÜ. 535 un petit nombre d’exemplaires, à peu près trois cents, et pour l’usage exclusif du Congrès américain. Depuis lors, une seconde publication, dans le format in-Zi, avec illustrations, etc., a été entreprise et se trouve aujourd’hui dans le commerce. Le tirage est de 11,000 exemplaires, et depuis 1856, sept gros volumes ont déjà paru. Le volume II contient le Report near the thirty second Pnrallel of North Latitude, front the Red river to the Rio Grande, par le capitaine John Pope. Dans ce beau travail, Pope cite exclusivement mes notes géologiques sur son voyage, spécialement dans son chapitre VI, au sujet des puits artésiens à établir sur le Llano Estacado. Par une partialité que je suis loin d’attribuer au capitaine Pope, car je sais qu’il a fait tout ce qui lui était possible pour empêcher l’injustice dont j’ai été victime, on a omis complètement mes Geological Notes sur cette exploration, et à leur place on trouve un Report on the Geology of the route , par William P. Blake. Dans ce travail, M. Blake ne parle de mes Geological Notes que pour dire que je me suis trompé sur l’existence : 1° du jurassique qui pour lui est du crétacé ; T du trias qui pour lui est en partie du crétacé , en partie du carbonifère, et en partie une époque géologique inconnue qu’il nomme avec beaucoup de sagacité gypsitm formation , et enfin que ma suggestion, relativement à la possibilité de percer des puits artésiens à de grandes profondeurs, sur le Llano Esta- cado, est une impossibilité et une utopie. M. Blake a le talent de remplir une page in -h avec ce que d’autres ont Je défaut de dire dans une seule ligne, et son rapport au capitaine Pope n’est rien autre qu’une compilation déguisée, fortement étendue, et surtout torturée de mes Geological Notes de l’édition in-8, compilation qu’il n’avoue pas, et qui explique suffisamment le rejet de la publication, dans cette édition in-Zi, de mes Geological Notes. Le volume III est exclusivement rempli par les rapports de l’expédition du capitaine Whipple dont j'ai été le géologue. J’aime à rappeler ici les relations amicales et d’intimité qui n’ont cessé d’exister entre Whipple et moi, depuis le jour où nous nous sommes réunis sur le pont d’un bateau à vapeur, au fort Smith, et les efforts de toute espèce qu’il a bien voulu faire pour m’assurer la publication du rapport géologique complet de notre expédition. Si ses persévérantes démarches n’ont pas été couronnées de succès, du moins il a fait tout ce qui lui était possible, et je sais qu’il ne s’est arrêté que devant une volonté supérieure et devant laquelle un militaire est toujours obligé de fléchir. Je ne l’en remercie pas moins de ses nobles efforts qui se sont continués du reste 586 SÉANCE DU 17 MAI 1858. jusqu’à la fin de la publication de ce volume III, et qui ont fini parfaire insérer dans la dernière feuille du volume, après un pre- mier rejet assez brutal, mon Résumé de l’édition in-8. Je suis heureux de pouvoir citer ici cette phrase d’une lettre qu’il m’a adressée dernièrement en m’envoyant ces volumes : « J’espère » qu’en parcourant ces volumes vous vous apercevrez que j’ai » essayé qu’on ne vous fît pas d’injustices. Mon opinion est que vos «ennemis, par leur conduite, se sont nui à eux-mêmes dans « l'estime du monde scientifique. *> Un tiers du volume III est rempli par le Report on the Geology of the route , rapport divisé en deux parties: le n° 1 ou General Report upoji the Geological collections , par William P. Blake, et le n° 2 ou Résumé and field Notes , par Jules Marcou. Je prie tous les géologues de considérer mon nom comme effacé du rapport n°l, où M. Blake s’en est servi presque à chaque phrase pour nier, annuler ou mutiler mes observations ; je ne reconnais rien dans ces dix chapitres par Blake et James Hall comme provenant de moi. Quant au prétendu Itinéraire géologique du fort Smith et de Napoléon ( Arkansas ) au Rio Colorado de Californie , original par Jules Marcou et traduction anglaise par William P. Blake, qui se trouve dans la partie n° 2, je déclare que ce document n’est pas de moi, et que M. Blake, en le publiant contre ma volonté expresse, a commis un acte d’indélicatesse sans exemple jusqu’à présent en géologie. Je ne parle pas de la carte géologique et du profil exécutés par M. Blake, d’après, dit-il, les notes et collections de M. Jules Marcou : les cartes géologiques et le profil que j’ai publiés dans le Bulletin de la Société géologique et dans ma Geology of North America répondent suffisamment à ces productions que je ne considère pas comme sérieuses. La seule partie de ce n° 2 et de tout le volume IÎI que je reconnaisse comme étant de moi est le Résumé of a Geological reconnaissance , etc., et les citations que mon ami le capitaine Wliipple en fait dans ses divers rapports; car je rappelle ici avec plaisir que ni Wliipple ni Pope n’ont fait usage dans leurs rapports des résultats et des rédactions de M. Blake : toutes leurs citations géologiques, minéralogiques et paléontologiques sont empruntées exclusivement à mes deux mé- moires. Je regrette d’être obligé de présenter une pareille protestation ; mais un géologue pratique ne possède que sa réputation d’obser- vateur, et mes adversaires ont fait tout ce qui dépendait d’eux pour la ruiner. LETTRE DE M. AMI ROUÉ. 537 J’ai essayé dans les limites de mes forces et de mes faibles talents de faire mon devoir ; et il est triste, surtout après avoir comme moi perdu sa santé par les fatigues de toutes sortes que j’ai eu à supporter pendant mes voyages, de se voir, non-seulement privé de la récompense de la publication officielle de ses re- cherches, mais bien plus de voir que la personne qui a eu la mission de les publier s’est appliquée, avec un courage peu en- viable, à torturer, dénaturer et nier même des observations qui m’ont coûté les plus rudes fatigues auxquelles un géologue puisse être soumis. M. le Président communique l’extrait suivant d’une lettre qui lui est adressée de Vienne (Autriche), le 26 avril dernier, par M. Ami Boué. M. Franz Hauer imprime un Recueil d’observations paléonto- graphiques sur l’Autriche avec des planches de fossiles. Il y renfermera un mémoire de M. Suess sur des dépôts juras- siques supérieurs observés dans la Moravie et dans la Silésie autrichienne. Il a reconnu dans ces terrains 37 fossiles, dont 8 se retrouvent dans le calcaire à Scyphia de la Souabe et 3 dans le corallien de l’Yonne, Le Congrès gênerai des ingénieurs des mines et des géologues se réunira à Vienne du 10 au 15 mai. 11 serait à désirer que les géologues français, qui ont fait une étude approfondie des forma- tions anthracifères des Alpes françaises et savoisiennes, vinssent assister à cette réunion. Ils trouveraient le pendant de ces forma- tions dans la haute Styrie, dans le Stangen Alpe près de Turrach, dans le sud-ouest de la Carinthie et dans le Frioul. La compa- raison des impressions végétales et des autres fossiles pourrait éclaircir cette question intéressante. Ils pourraient en même temps visiter Windisch-Keppel en Carinthie et le calcaire duGail- thal, où l’on trouve des Spirifères, des céphalopodes, des Brou- tais,, etc. ; bref, quelque chose d’analogue au silurien de Konieprus, près de Béraun, en Bohême. J’ai reçu pour la Société géologique de France trois mémoires de M. le docteur F. Rolle, Sur la Styrie et Vlllyrie , extraits du Jahrbuch de l’Institut impérial géologique. Je vous les expédierai par une occasion sûre. Le classement des divers dépôts tertiaires observés par l’auteur dans ces deux provinces, et leur mélange çà et là avec des dépôts plutoniques, ne peuvent manquer d’attirer 538 SÉANCE DU 17 MAI 1858. plus particulièrement votre attention. Il y a de l’éocène bien marqué par les Nam mulites crçissatella , tiimidci , etc. Le calcaire éocène de Wollan et de Neuhaus offre la plus grande ressemblance avec celui du Leithagebirge ; mais M. Rolle, n’y trouvant pas les fossiles du Leithakalk, se croit fondé à l’en distinguer. Il paraît que les grands dépôts de lignites avec les basaltes et les tufs basaltiques du nord de la Bohême sont de l’époque ter- tiaire ancienne ; car la moitié de leurs végétaux fossiles sont éocènes comme ceux de Sotzka, Sagor (Carinthie), Haring (Tyrol), Monte-Promina , tandis qu’on y remarque aussi des formes propres au miocène inférieur et semblables à celles de Radeboj (Croatie), Thalheim, Parschlug, de la Suisse, ainsi que du nord et du sud de l’Allemagne. h’ Atlas physiognomique clés Alpes autrichiennes de M. Simony, à Gotha, est en cours d’exécution. Les dessins sont intéressants et rendent bien le caractère de la structure en grand des roches, dont les peintres ne donnent à l’ordinaire qu’une représentation idéale. La Carte ethnologique clés Etats autrichiens est intéressante. M. Haidinger va publier 950 mesures trigonométriques de hauteurs qui ont été exécutées, de 1836 à 1850, sur les limites du Tyrol et de la Bavière par Ed. Partsch. Le docteur Homes, directeur du cabinet impérial de minéra- logie, malgré les travaux dont il est accablé, promet pour cet été lin nouveau cahier de ses fossiles de Vienne. La Société géologique de Milan a tenu sa première séance le 27 février 1858. M. le Secrétaire donne lecture de la communication suivante de M. Triger, écrite en réponse à M. Sæmann, et relative au terrain crétacé de la Sarthe : Messieurs, Vous avez entendu la communication que M. Sæmann a faite pour annoncer à la Société géologique un mémoire sur le terrain crétacé de la Sarthe. Comme moi, sans doute, vous avez remarqué trois faits principaux auxquels je me contenterai de répondre, en attendant que la publication de ce mémoire vienne nous donner une idée plus exacte de ce qu’il renferme; car jusqu’à présent il m’a été impossible d’en prendre une communication plus complète. NOTE DE M. TRIGER. 539 Un des faits qui m’a surtout frappé dans cet exposé a été le long préambule dans lequel M. Sæmann a cru devoir entrer pour annoncer à la Société que son mémoire était uniquement le fruit, non pas d’une exploration de la craie qu’il aurait faite dans la Sartlie, mais de l’étude toute particulière d’une collection de fossiles achetée dans notre département, et provenant de la vente des héritiers de Desportes, notre ancien collègue, auquel il n’a donné assurément que de trop justes éloges. M. Sæmann a seulement oublié une chose ; il a oublié d’ajou- ter que ce mémoire est également le fruit d’une étude semblable, faite tout récemment et à la même occasion de la collection de M. Tri ger, collection classée de manière à présenter au premier coup d’œil une étude comparée du terrain crétacé de la Sarthe avec les dépôts crétacés correspondants de la Belgique, du Lim- bourg et du midi de la France ; collection qu’il a étudiée à loisir, et contrôlée à plusieurs reprises, pendant des heures entières, avec M. Triger. A cela près, M. Sæmann n’a rien oublié ; car il est entré dans tous les détails possibles sur l’ordre et la beauté de la nouvelle col- lection qu’il possède, ajoutant que loin de s’être contenté de l’étude minutieuse des fossiles qu’elle renferme, son mémoire s’appuie en outre sur les recherches importantes et multipliées faites dans la Sarthe, pendant de longues années, par M. Edouard Guéranger, études publiées, que tout le monde connaît et sait apprécier. En voyant M. Sæmann distribuer ainsi avec tant de libéralité des couronnes à tous mes amis qui se sont occupés de la géologie de la Sarthe, j’avoue que, malgré son premier oubli, j’attendais de sa part au moins une mention honorable ; mais cette attente n’a été pour moi qu’une fâcheuse déception, et j’en ai été d’autant plus surpris, qu’on me permette de l'avouer avec franchise, que c’est pourtant à mes travaux que l’on doit depuis sept ans la carte géologique de ce pays, carte que M. Sæmann connaît parfaite- ment, et à laquelle j’ai travaillé pendant plus de vingt ans. Les études géologiques multipliées que j’ai faites dans cette contrée ont servi en outre, tout récemment, à convaincre pour la première fois tousles géologues que les marnes à ostracées deM. d’Archiac avaient été pendant trop longtemps considérées comme inférieures à la craie à Sert phi tes œqucilis et Turrilites costatus. C’est aussi grâce aux renseignements que j’ai donnés à M. Sæmann .lui- même qu’il s’est enfin convaincu que les marnes à ostracées , ainsi 5A0 SÉANCE DU 17 MAI 1858. que les sables cénomaniens supérieurs de la Sarthe , consti- tuent en réalité les dépôts crétacés les plus anciens des environs d’Angoulême, et que la craie à Turrilites costatus manque par conséquent dans cette localité, fait du reste incontestable aujour- d’hui, reconnu par beaucoup de géologues, et publié en outre par M. Coquand. Je ne puis donc répondre autrement à ce premier article qu’en témoignant ici à M. Sæmann tous mes regrets d’avoir vu sa mé- moire lui faire à mon sujet complètement défaut ; mais je me trompe, car il n’a pas oublié de dire en terminant son exposé, et cela certainement à mon adresse : <* D’autres géologues se sont bien occupés aussi du terrain crétacé de la Sarthe ; mais, outre qu’ils n’ont rien publié, leurs communications attestent simple- ment une foule de détails minutieux qui, loin d’être utiles à la science, ne sauraient au contraire que l’embrouiller. » Je ne répondrai pas à ces insinuations autrement qu’en abor- dant tout de suite la discussion des faits avancés par M. Sæmann. Comme point important et en premier lieu, M. Sæmann nous annonce une classification nouvelle du terrain crétacé qu’il appuie, dit-il, sur des listes de fossiles. Or, ces listes, qu’il a lues en grande partie, m’ont prouvé que cette classification ne diffère pas essentiellement de celle de tous les autres géologues, pas même de la mienne; car, relativement à ces listes, je n'ai pas la moindre différence à signaler. Aussi ne ferai-je qu’une simple observation à l’égard de certains fossiles dont il croit devoir changer le nom pour son usage particulier, afin d’arriver sans doute plus sûre- ment à des conclusions qui vont suivre et que je discuterai plus tard. D’après M. Sæmann, en effet, Y Ostrea vesicularis , si caracté- ristique de tous les dépôts crétacés du niveau de la craie qui existe à Meudon, descendrait jusque dans les marnes à ostraeées de M. d’Arcliiac, et il en donne comme preuve un exemplaire (l’Huître recueilli dans ces marnes, exemplaire qui, d’après lui, n’offre pas de différence sensible avec Y Ostrea vesiculai is de Meudon même. Quoique beaucoup moins compétent en pareille matière que M. Sæmann, je me permettrai cependant de lui faire remarquer qu’aucun géologue jusqu’ici, pas même M. d’Archiac, n’a constaté la présence de Y Ostrea vesicularis dans les marnes à ostraeées ; que c’est tout au plus dans l’horizon à Ostrea auricularis ( Gryphœa auricularis , Brong.), horizon géologique beaucoup plus élevé, que NOTE DE M. TRIGER, 5 H commence à paraître une petite espèce d’Huître qui en est très rapprochée ; encore n’est-ce pour tout le inonde qu’une simple variété déjà fort éloignée du véritable type. Je lui ferai remarquer en outre que jamais l’idée d’un tel rap- prochement n’est venue à personne, pas même à M. Guéranger qui a cependant beaucoup exploré cet horizon, et qui a même donné le nom d ' Ostrea vesieulosci à l’Huître que M. Sæmann assimile à Y O. vesicularis ; que M. Bayle, en voyant cette Huître en place et en grand nombre au milieu des O. biauriculata , l’a considérée avec raison comme une jeune Huître de cette espèce, et que depuis ce moment cette idée a été pour nous un véritable trait de lumière ; car cette opinion s’est pleinement confirmée par toutes les observations que nous avons faites. Je peux en effet présenter à la Société, non pas un simple exemplaire comme l’a fait M. Sæmann, mais des centaines d’exemplaires de l’Huître en question offrant tous les passages possibles à cette dernière, et présentant assurément des formes très éloignées de celles de l’O. vesicularis de Meudon. Qu’il me soit permis de faire remarquer encore que M. Coquand, qui a si souvent entretenu la Société des horizons à’ Ostreci vesicularis qui caractérisent si bien la craie supérieure de la (ilia- rente, n’a pas signalé les marnes à ostracées de M. d’Archiac comme un quatrième horizon de ce fossile, quoique l’Huître citée par M. Sæmann s’y trouve en aussi grande abondance que dans la Sarthe, car je l’ai recueillie moi-même près de Cognac, au milieu de nombreuses O. biauriculata , fossile inconnu probablement en Allemagne où il est du reste toujours confondu lui-même aussi avec Y O. vesicularis (voyez comme preuve les publications de M. Reuss, etc.). Vient ensuite l’ Inoceramus problematicus sur lecjuel M. Sæmann élève encore des doutes, prétendant qu’il ne saurait apercevoir dans sa collection la moindre différence entre ce fossile et Yl. latus de la craie à Scaphites œqualis et Turrilites costatus . Que M. Sæmann ne puisse voir la différence qui existe entre ces deux fossiles dans sa collection, c’est possible ; mais qu’il aille étudier l 'Inoceramus problematicus sur place dans l’horizon qu’il caractérise, et je puis l'assurer qu’il en sera tout autrement. Il le trouvera en effet toujours avec des caractères parfaitement tran- chés, et en famille tellement nombreuse qu’il ne pourra le con- fondre avec un autre fossile assurément. J’en appelle au reste à cet égard à tous les géologues à qui sa présence a toujours été si utile, et pour qui il a toujours été un guide certain ; j’en appelle SÉANCE DU 17 MAI 1858. m surtout à M. d’Archiac qui n’a jamais manqué de signaler son importance toutes les fois qu’il a décrit l’horizon dans lequel on le rencontre, soit en France, soit en Angleterre. Que M. Sæmann, par exemple, aille visiter près de Douvres les rochers de Shakspeare; qu’en France, il visite les carrières de pierre à chaux hydraulique de Senonches, près Chartres, celles de Soulitré, dans la Sarthe ; qu’il visite les carrières d’Ecommoy, de la Paysantière, et il reviendra convaincu comme nous que sur le terrain il est de toute impossibilité de confondre ces deux fossiles. Yeut-il enfin que je cite un autre point plus important? Qu’il aille visiter les coteaux d’Auxon, près Troyes ; il verra que là en- core il est impossible de confondre Y Inoceramus problematicus avec Y I. latus, le premier constituant seul un horizon parfaite- ment tranché au milieu du coteau, tandis qu’il ne trouvera Y I. latus qu’au pied de ce coteau, à Auxon même, dans les car- rières ouvertes près de l’église, et cela au milieu d’une foule d’autres fossiles appartenant tous à l’horizon du Turrilltes costatus et du Scap/iites œqaalis. Si ces fossiles peuvent donner lieu à une méprise, c’est donc tout au plus au milieu d’une collection, et sur des points comme Rouen, par exemple, où la craie à Turrilites costatus est en contact immédiat avec la craie à Inoceramus pro - blematicus , ce qui n’arrivera jamais assurément quand on voudra en faire un examen sérieux, surtout là où les dépôts qui les ren- ferment sont séparés par une épaisseur de craie de plus de 50 mètres. Je ne parlerai pas de la Rhynchonella vespertilio que M. Sæmann veut aussi faire descendre jusque dans les marnes à ostracées, et qu’il semble confondre pour cela avec la R. alata , Lamarck, qui caractérise si bien ce dernier horizon ; je rappellerai simplement à M. Sæmann que la R. alata est une espèce créée par Lamarck sur des échantillons venant des marnes à ostracées de la Sarthe, et que cette espèce a fort peu de rapport avec la R. vespertilio qui ca- ractérise on ne peut mieux, pour tout le monde, un horizon plus élevé, non-seulement dans notre département, mais dans tout le sud et le sud-ouest de la France. Tous ces changements, inutiles à notre avis, n’ont donc d’autre but que de fournir à M. Sæmann des justifications pour l’essai qu’il entreprend d’une classification nouvelle. Il prétend en effet qu’Alc. d’Orbigny a mal déterminé les limites de son turonien et de son cénomanien, et propose en conséquence aux géologues d’adopter un nouveau turonien et un nouveau NOTE DE M. TRIGER. 543 cénomanien. Au lieu de placer la limite qui sépare ces deux ter- rains entre les marnes à ostracées et la craie à Inoceramus proble- maticus , Aie. d’Orbigny, dit-il, aurait dû la placer entre la craie à Scaphites et les sables cénomaniens supérieurs de la Sarthe, attendu que dans le Midi ces marnes et ces sables reposent directe- ment sur le terrain jurassique et constituent les dépôts les plus anciens de la craie. En vérité, je ne puis m’empêcher de témoigner ici à M. Sæ- mann toute ma surprise, en le voyant ainsi, d’après le simple examen de quelques fossiles, et surtout d’après un si faible motif, tenter d’établir une pareille réforme. Je déclare que je ne partage pas le moins du monde son avis, et que, faute de mieux, je m’en tiens encore aux anciennes opinions de d’Orbigny. Pour juger de la valeur des arguments de M. Sæmann, exami- nons simplement une coupe faite dans la craie entre le Havre et Angoulême ; nous verrons qu’au pied du cap la Hève, c’est la craie à Ostrea aqiiila qui repose directement sur le calcaire juras- sique. Cette craie y est très peu développée ; mais enfin on y trouve le fossile le plus caractéristique, Y Ostrea aquila ; de sorte que la présence de ce terrain au contact du terrain jurassique ne saurait offrir le moindre doute. Poussons plus loin nos observations; allons à Honfleur; ce groupe aura complètement disparu, et ce sera le gault à son tour qui reposera directement sur le Rimmeridge-elay. Si nous nous avançons vers Lisieux et Gacé, et jusque dans la Sarthe, plus de traces de gault ; c’est la craie à Pecten asper qui se trouve partout immédiatement en contact avec les dépôts jurassiques. Nous observerons la même chose jusqu’au Mans, et même au delà jusqu’à Ecommoy. Si, poussant plus loin nos recherches, nous arrivons d’un trait jusqu’aux environs de Sau- mur, tout sera encore changé ; la craie à Pecten asper aura disparu elle-même, et nous verrons la craie à Scaphites œqualis reposer directement sur les terrains jurassiques. Enfin si, nous dirigeant vers l’ouest, nous allons à Martigné, à Doué et au Puy -Notre- Dame, ce ne sera plus la craie à Scaphites qui recouvrira le cal- caire jurassique ou les terrains de transition. A Martigné, ce sont les marnes à ostracées et les sables cénomaniens supérieurs qui recouvrent ces dépôts. A Doué et à Brissac, ce sont simplement les marnes à ostracées. Enfin, en approchant du Puy-Notre-Dame, on ne voit plus en contact avec l’oolithe inférieure que de la craie à Inoceramus probleinaticus exploitée de tous côtés comme tuffeau. Enfin, si nous nous avançons jusqu’à Angoulême, en traver- SÉANCE DU 17 MAI 1858. 5 htx sant la vaste presqu’île jurassique qui sépare les deux contrées, nous verrons autour d’Angoulême, comme à Martigné et au Puy- Notre-Dame, les sables cénomaniens supérieurs et les marnes à ostracées recouvrir successivement aussi différents dépôts du ter- rain jurassique. Il est facile de voir, d’après ce simple exposé, que des oscilla- tions successives du sol, et par contre-coup des envahissements successifs opérés par la mer, envahissements attestés par les diffé- rents dépôts échelonnés le long de celte coupe , ont produit une série de gradins qui sont tous à peu près de même importance. Si Al. Sæmann avait étudié plus sérieusement notre terrain cré- tacé, il aurait vu comme nous et comme d’Orbigny que la craie offre en France ainsi qu’en Angleterre des lacunes bien autrement importantes. Il aurait vu en effet que le contact constant de la craie à Inocc- ranius proble ma ticus avec la craie «à Turrilites costatus , et par con- séquent l'absence totale des marnes à ostracées et des sables céno- maniens supérieurs dans tout le nord de la France et dans toute l’Angleterre, constitue un hiatus bien autrement tranché et bien autrement important que celui d’après lequel il veut établir sa nouvelle classification. Or, c’est précisément cet hiatus que je viens de citer qui a déterminé d’Orbigny à placer au-dessus des marnes à ostracées le trait destiné à séparer son turonien du cénomanien. Un autre motif puissant, à notre avis, a dû déterminer égale- ment d’Orbigny à mettre sa division au-dessus des marnes à ostracées ; car, si l’on étudie les fossiles que l’on rencontre au-des- sus et au-dessous de cette division , on voit bientôt qu’au- dessous presque tous les fossiles se répètent plus ou moins dans toutes les assises inférieures, tandis qu’on peut à peine en citer quelques-uns passant au-dessus. Four en avoir une preuve, que l’on étudie seulement les Ammonites des marnes à ostracées et des dépôts inférieurs , c’est-à-dire les Ammonites des sables cénomaniens, de la craie à Scapliites et de la craie à Pecten asper. et l’on s’apercevra bientôt que tous ces fossiles se ressemblent à tel point qu’il n’existe encore que confusion à leur égard, quand tout le contraire a lieu au- dessus du trait marqué par d’Orbigny ; car jamais personne, je pense, n’a confondu les Ammonites peramplus , papalis , deveria- nus , etc., comme on confond encore aujourd’hui les A. rothoma - gensis, navicularis, Mantelli , que d’Orbigny et M. d’Arcliiac n’ont jamais pu différencier d’une manière positive, pas plus dans NOTE DE M. TRIGEÎl. 5 Z| 5 les marnes à ostracées que dans les dépôts inférieurs que nous venons de citer. Il est inutile d’ajouter qu’il en est de même pour un grand nombre d’autres fossiles qui passent des marnes à ostracées dans la craie à Scaphites œqaalis et même dans la craie à Pecten as per, et cela dans la proportion de 5 sur 10 au moins, tandis que ceux qui s’élèvent au-dessus de la division adoptée par d’Orbigny ne sont pas dans la proportion de 1 sur 20. Appuyé de tous ces motifs, je repousse donc encore de toutes mes forces la nouvelle classification de M. Sæmann. Avant de ter- miner, je ferai une observation, puisque l’occasion s’en présente : je repousse non-seulement le nouveau turonien et le nouveau cénomanien proposés par M. Sæmann, mais j’en fais de même d’une manière générale, pour tous les noms inconsidérément appliqués aux terrains, noms tellement multipliés aujourd’hui qu’il ne sera bientôt plus possible de se les rappeler. N’est-il pas vrai, par exemple, que la craie désignée sous le nom de craie jaune de Touraine , est parfaitement blanche à Vil- ledieu en Touraine, tandis qu’à 1 kilomètre à peine, à Poncé, c’est l’étage inférieur, la craie micacée de M. d’Archiac, la craie à Ammonites papalis,Deverianus , etc., qui présente au contraire de la craie d’un jaune bien prononcé. Quel nom adopterons-nous pour cet étage qu’un autre appelle, par cette raison sans doute, craie de Villedieu, qu’un troisième appelle cogniacien, que j’appelle moi- même craie de Saint-Fraimbault, puisque ce dépôt se trouve parfaitement caractérisé dans la Sarthe, que Dumont et d’Orbigny enfin font rentrer dans deux sénoniens différents? N’est-il pas temps d’en finir avec ces noms multipliés à l’infini? Je reconnais assurément qu’ils ont pu être très utiles à la science à une certaine époque ; mais ils ne peuvent plus aujourd’hui que l’entraver, la géologie ayant fait suffisamment de progrès, et étant maintenant assez mûre pour entrer dans une voie plus large et plus générale. Puisqu’il est maintenant démontré que la paléontologie et la stratigraphie sont deux sœurs qui ne peuvent marcher sans se donner la main, qu’autrement elles s’exposent sans cesse aux plus graves erreurs, pourquoi la stratigraphie n’emprunterait-elle pas à la paléontologie, pour déterminer ses horizons géologiques, des noms beaucoup plus légitimes que des noms de localités, ou des noms basés sur des caractères minéralogiques toujours variables? Les noms empruntés à la paléontologie auraient au moins cet avantage précieux de constituer une langue universelle que l’on Soc , géol., 2e série, tomeXV. 35 546 SÉANCE DU 17 MAI 4858. comprendrait partout sans commentaires, et qui mettrait facile- ment en rapport les géologues de toutes les parties du globe. Je demande donc de toutes mes forces, messieurs, que désor- mais il n’y ait plus que de grandes divisions géologiques telles que les terrains paléozoïques, jurassiques, crétacés, etc., subdivisées simplement en partie supérieure, moyenne et inférieure. Que chacune de ces divisions principales soit constituée en un certain nombre de groupes bien déterminés par des fossiles en petit nombre et qu’on y rencontre partout ; que chacun de ces groupes enfin prenne le nom d’un ou de deux de ces fossiles, et que ce nom ne soit qu’une simple abréviation pour indiquer une faune caractéristique ; qu’ ainsi, par exemple : 1° La craie de Maëstricht, le calcaire pisolithique, le danien, le dordonien, soient désormais le groupe à Hemipneustes radia tus et Baculites Faujasii ; 2° Que l’upper chalk, les sénoniens Dumont et d’Orbigny, que la craie blanche, craie grise et glauconieuse dans le Nord, craie noire dans les Alpes, soient simplement le groupe à Ananchytes o va ta et Cranta parisiensis ; 3Ü Que le santonien, la craie à silex de Touraine, la craie à Micraster brevis , la glauconie de Vaels et de Visé , les sables et grès verts d’ Aix-la-Chapelle, soient simplement le groupe à Spon- dylus spinosus et Belemnitella quadrata ; Que la craie jaune de Touraine, la craie de Yilledieu, le co- gniacien, etc., soient le groupe à Spondylus truncatus et Ostrea auricularis, offrant à sa base un sous-groupe à craie saccharoïde, avec Sphœrulites ponsianus et Cidaris Mantelli ; 5° Que le lower chalk, la craie micacée de Touraine, le tuffeau supérieur, la craie marneuse, soient le groupe à Inoceramus pro - blemdticiis et Rhync/wnella Cuvier i ; 6° Que les marnes à ostracées et les sables cénomaniens supé- rieurs, que les argiles tégulines, la craie à Iclithyosarcolites, les sables et les grès lignitifères de la Charente, soient simplement le groupe de X Ostrea biauriculata , offrant à sa base deux sous- oroupes : le premier avec Capri i adversa , le second avec Am- monites navicularis et Archiacea sandalina ; 7' Que le cbalk-marl , la craie cbloritée, la craie grise de Rouen, le cénomanien moyen, le rotliomagien, etc., soient la craie à Scaphites œqualis et Turrilites costatus ; 8° Que l’upper green-sand, le cénomanien inférieur, la glau- conie, le sable vert, soient le groupe à Pecten asper et ISautilus elegans ; NOTE DE M. TRIGER. 5Z}7 9° Que le gault, l’albien, etc., soient le groupe à Belemnites minimus et Inoceramus sulcatus , ou tout autre fossile caractéris- tique de cet horizon ; 10° Que le lower green-sand , l’aptien, le rhodanien, etc., soient le groupe à Ostrea ciquilci ; 11° Enfin que le néocomien devienne simplement, avec quel- ques subdivisions plus ou moins importantes, le groupe à Ostrea Couloni et Taxas ter complanatiis . Alors la géologie ne sera plus, à mon avis, une science impos- sible ; ce sera, au contraire, une science facile pour tout le monde, et je suis convaincu qu’en n’attachant aux noms que je viens de citer que l’importance que j’y attache moi-même, celle, je le ré- pète, d’être une simple abréviation commode pour désigner des faunes caractéristiques, nous serons cent fois mieux compris par les étrangers, et nous nous comprendrons aussi cent fois mieux nous-mêmes. M. Hébert déclare qu’il n’a jamais, pour sa part, surchargé de noms nouveaux la classification géologique. Il ajoute que M. Triger ne lui semble pas avoir exactement rendu les idées de d’Orbigny au sujet de la classification de la craie. M. Bayle approuve la pensée qui a inspiré M. Triger, qoand il s’élève contre les terminologies nouvelles dont on abuse dans les études géologiques. M. Cornuel fait une communication relative à des fossiles d’eau douce découverts dans le minerai de fer de la Haute- Marne. M. Hébert rapporte des observations concordantes avec celles de M. Cornuel. Il établit en outre une comparaison entre les étages du terrain néocomien dans le Nord et dans le Midi de la France, et pense que les couches d’eau douce du bassin du Nord sont les représentants de l’étage néocomien moyen, si développé dans le Midi, sous « nom de calcaire à Dicérates. 548 SÉANCE DU 7 JUIN 1858. Séance du 7 juin 1858. PRÉSIDENCE DE M. YIQUESNEL. M. A. Laugeî, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite neuf présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice et des cultes, Journal des savants , mai 1858. De la part de M. H. Abich, 17/29 janvier 1858. Tremble- ment de terre observé à Tébriz en septembre 1856, notices phy- siques et géographiques de M. Khanykqf \ sur U Azerbaïdjan, communiquées par M. Abich (extr. des Mélanges physiques et chimiques ), in-8, pp. 359-368, 3 pl. De la part de M. le professeur T. -A. Catullo, Prospetto degli scritti publicati da Tomaso Antonio Catullo , in-/i, 285 p. Padova, 1857, chez Angelo Sicca. De la part de M. Frédéric Cailliaud, Observations sur les Oursins perforants , Supplément , octobre 1857 (extr. des An- nales de la Société académique de Nantes), in-8, 23 p. Nantes, chez veuve G. Mellinet. De la part de M. G. -P. Deshayes, Description des animaux sans vertèbres découverts dans le bassin de Paris , 13e et 14e li- vraisons, pp. 481 à 552, pl. 59 à 68, in-4. De la part de M. Graff, Théorie générale des recherches sur les parties des [dons rejetés par d'autres filons ou par des failles (extr. des Mém. de V Acad, des sciences et lelt. de Montpellier, sect. des sc . , t. 1Y, 1858), in-4, 7 p., 1 pl. Montpellier , chez Boelim. De la part de M. Cb. Lory, Compte-rendu d'une excursion a Sassenage , faite par les membres du Congrès scientifique de France , le 6 septembre 1857, in-8, 26 p. Grenoble, 1858, chez Maisonville. De la part de MM. F. -J. Pictet et Eugène Reneyier, Maté- riaux pour la paléontologie suisse. Description des fossiles du DONS FAITS A LÀ SOCIÉTÉ, 549 terrain aptien de la Perte' du- Rhône et des environs de Sainte- Croix , 18 lx p.j 23 pl. Genève, 1854-1858, chez J. Kessmann. De la part de M. J. Prestwich, Geological map of the Thames prepared for the main drainage of the metropolis , 1 f. obi. London, 4 févr. 1858. De la part de don Guillermo Schulz, Memoria que comprende los trabajos verificados en el aüo de 1855, par las diferentes secciones de la Comision encargada de formai' el mapa geolo- gico de la provincia de Madrid y el general del reino, in-4, 151 p., 10 pl. et cartes. Madrid, 1858, imprimerie nationale. De la part de MM. Viquesnel et Virîet d’Aoust, Discours prononcés le 29 mars 1858 sur la tombe de M. Antoine- Adrien Paillette, in -8, 7 p. De la part de M. F. Lebrun, Description des échantillons minéralogiques recueillis a Essey-la-Côte , in-8, 118 p., 5 pl. Nancy, 1858, chez veuve Raybois et Ce. De la part de M. Giambaltista Barresi, Dello aftalosio di Sicilia , in-8, 19 p. Palerme, 1857, chez Fr. Lao. De la part de M. G. Poulett Scrope, The geology of extinct molcanos of central France , 2e édit., in-8, 258 p., 2 cartes et 17 pl. Londres, 1858, chez John Murray. De la part de M. Roberto Sava, Esame del siderosio nel basalte di Palagonia, in-8, 7 p. Messine, 1857, chez Amico Arena. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences, 1858, 1er semestre, t. XLVI, nos 20 à 22. Bulletin de la Société de géographie, 4e série, t. XY, n° 88, avril 1858. Annuaire de la Société, météorologique de France , t. Y, 1857, 2e partie, Bulletin des séances, f. 18-24. L* Institut. , 1858, nos 1272 à 1274. Mémoires de la Société d* agriculture , sc. et arts d’Angers , 2e sér., YIP et YIIP vol. Mémoires de la Société académique de Maine-et-T.oire , IIe volume. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 143. 550 SÉANCE DU 7 JUIN 1858. Société académique des Hautes Pyrénées, lie année, 1856- 1857. Bulletin n° 2. 14e année. Résumé des observations recueillies en 1857 dans le bassin de la Saône par les soins de la Commission hydro- métrique de Lyon , in-8. The Athenœum , 1858, nos 1596 et 1597. Revista minera , t. IX, 1858, n°s 192 et 193. O archivo rural , n° 1, 1° anno, maio 5, 1858, in-8. Lis- bonne, 1858. M. Michelin présente à la Société deux rapports faits au Corps législatif, relativement aux collections de M. Alcide d’Orbigny et du prince de Canino. M. Ch. Laurent communique l’extrait suivant d’une lettre que lui a écrite de Naples M. Mauget, directeur du forage artésien : Naples, 1er juin \ 858. « Nous sommes entourés de phénomènes magnifiques, mais malheureusement trop souvent terribles dans leurs effets. Lundi ï!\ mai, deux secousses de tremblement de terre ; jeudi, une trombe terrestre enlève une vingtaine d’arbres de la Villa-Reale et respecte notre baraque de sondage; à huit heures du matin, une trombe marine apparaît vers la pointe de Pausilippe. Enfin, le même jour, le Vésuve vomit sa lave à flots dans six différentes directions. Toute la montagne est embrasée aujourd’hui. Cette éruption est une des plus belles que l’on ait vues. La lave arrivait ce matin dans le bas du Fosso-Grande, et, d’un autre côté, elle commençait à envahir et à dévaster les propriétés et fermes qui surmontent Résina et Portici. Ces deux points sont sérieusement menacés. » La même lettre annonce un nouvel accroissement dans le vo- lume d’eau fourni par le puits artésien du palais du Roi. Le débit atteint aujourd’hui 1733 litres d’eau par minute (1). (1) Le volume d’eau fourni par le puits de Grenelle, après, avoir atteint, dès le début, plus de 2700 litres par minute (Note de M. Arago dans les Comptes rendus , tome XII, page 401), et avoir subi, comme on sait, de grandes variations, est actuellement de 660 litres à la cuvette supérieure, et du double environ au niveau du sol de l'abattoir. LETTRE DE M. DE SAINT-MARCEAUX. 551 Enfin , un second forage , entrepris par MM. Degousée et Ch. Laurent, sur un autre point de la ville de Naples (la Yilla- Reale), situé seulement à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, se poursuit avec activité, et tout fait espérer qu’avant un mois le résultat sera atteint et l’eau jaillissante obtenue. M. Deshayes donne lecture de la lettre suivante qui lui a été adressée par M. de Saint-Marceaux : Monsieur, Limé (Aisne), 1er juin 1858. Avant de publier le supplément aux coquilles fossiles décrites dans les grands ouvrages dont vous avez doté les sciences natu- relles, vous avez exploré, avec beaucoup de soin, les sables infé- rieurs du bassin de Paris, qui se trouvent sur les bords de la Yesle, à Brimont, Trigny, Châlons-sur-Yesle, etc. Précédemment, M. Melleville (de Laon) avait fait connaître un assez grand nombre de nouveaux fossiles provenant des mêmes localités. Après d’aussi persévérantes recherches, je n’espérais rien trouver qui fût digne d’intérêt : cependant j’ai glané, j’ai suivi vos traces, quelquefois je m’en suis éloigné, et j’ai rencontré, sur le terri- toire, de la commune de Jonchery, un amas de coquilles fossiles marines et terrestres, si rares et si nouvelles, que je ne puis résister ail désir de vous les signaler.. Si modeste que soit la forme de cette communication, veuillez l’agréer comme un hommage rendu à un des savants dont s’honore la France. 552 SÉANCE DE 7 JUIN 1858 Liste cle 125 espèces de coquilles fossiles trouvées dans la région des sables inférieurs des bords de la Veste, département de V Aisne, adressée à M, Deshajes , 1er juin 1858. Il faut dresser, dans des catalogues, aussi exacts que possible, la liste des fossiles de tous les terrains. Pictet, p. 100, t. I. Numc'ros de ma collection. NOMS DES GENRES ET DES ESPÈCES. Du supplément publié par M. Deshayes, pages : * i Teredinn Oweni , Desh. — Piare 130 ■fc 2 Panopœa remensis , Desh. — Rare et fragile Corbulomya. antigua. Desh. — Rare 181 3 209 k 228 5 ld, biangulàta , Desli. — Très fragile 251 * 44 Ma cira ?, nov. sp.. — Très fragile, une seule valve » ! 6 Psammobia consobrina , Desli. — Commune 573 50 Id. ?. — Celte coquille, très rare, est plus petite que la Psammobia debilis, et constitue, je crois, une nouvelle » * 79 Id.?. — Espèce encore plus petite que la pre'cédcnte. . . . » % 85 Donax ?, nov. sp — Très rare et tr ès fragile Cytherea fallax , Desh. — Rare et fragile, » 8 473 9 Id. suborbicularis. — Rare et fragile 475 * 7 Cyrena angusta. Desh 499 15 et 16 Id. veneriformis , Desh. — Commune 514 91 Id. intermedia. Desh. — Commune 525 * 21 Pisidium cardiolum , Desh. — Très rare 11 Lucina Prevosli , Desh — Commune 100 Id. prona, Desh. — Rare 10 et 12 Id. uncinata . . . . 32 Id. scalaris, Defrance. — Commune. . . . . 7* 17 Id., nov. sp. — Rare . * 19 et 20 Diplodonta fragilis. Desh. — Rare * 12 et 22 Id. inœqualis , Desh. — Très rare * 101 Id. consor??. — Très rare 29 Cardinal Bazini, Desh. — De différents âges; commun. . . 30 et 31 Id. tripartiturn. Desh. — Rare 36 et 107 Id. Edwardsi, Desh. — Commune. * 102 Id. semisiriaium. Desh. — Rare. . 106 et 14 Area lœvis, Mell. — Peu rare 105 Id., nov. sp. ?. — Rare * 103 Id., nov. sp. — 45 millimètres sur 25, * 13 Cucullea crassatina, Lamk, — Rare 24, 25, 26, 27 Pectunculus terebratularis, Lamk. — Commun * 28 Id., nov. sp. ? ...... 55 Nucula fragilis, Desh. — Assez rare 33 Modiola , nov. sp. — Très fragile. 25 Mytilus Antinous?. — Fragile 108 * 104 Avicula. — Très fragile 59 Grypliœa eversa, Mell. — Commune 37 Ostrea, nov. sp. — Commune 34 Id., nov. sp. — Assez rare 110 et 109 Id., nov. sp. ?. — Assez rare 38 Id. punctata, Mell. — Commune * 111 Patella. — Très rare, un seul exemplaire S * H2 Id. Marceauxi, Desh, — Unique, bel exemplaire de 46 millimètres sur 41 LETTRE DE M. DE SAINT- MÀRCEÀUX. 553 Numéros de ma collection. NOMS DES GENRES ET DES ESPÈCES. Du supplément publié par M. Deshayes, pages: * 113 Pilenpsis, nov. sp. — Très rare 1 14 Bulla cincla, Desh. — Commune * 114 Ici. multistriata , Desh. — Raie * 113 Hélix joncheryensis, Très rare * 51 * 45 Id. — Très rare * 106 Volrata? Cycloslomn ?. — Très rare * 75 Bülimns , nov. sp — Très rare * 73 bis. Id ., nov. sp. — Rare , . . . * 74 Auriculn Dentiens. — Très rare . . . * 75 Id ., nov. sp. — Très rare . . . * 76 Id., nov. sp. — Très rare * 77 * 117 Id. ?, nov. sp. — Rare * 118 Cycloslomn?, nov. sp. — Unique * 72 Melania? inopinala , Desh. — Rare 68 et 69 Melanopsis buccinulum. — Commun 70 Id., nov. sp. ?. — Commune 47 Neritina lineolala, Desh. — Commune 48 et 49 Id. ornatn. — Commune. . 119 Id. vicina ? Mellev. — Très fragile * 120 Hérita ? crassula , Desh. — Rare 40 Notica , nov. sp. — Très fragile 42 et 43 Id. in fundib ulum, Wat. — Fragile 41 Id., nov. sp. — Fragile . 46 Id., nov. sp.?. — Fragile . . . 121 Id., nov. sp. — Fragile 122 Id., nov. sp. — Fragile 71 Tornatella biplicala, Mellev. — Commune * 123 fd. elegans, Mellev. — Très rare . * 124 * 125 Scalarin Bowerbanl ri, Moi ris. Très rare * 126 Solarium granulation , Mellev. — Très rare. . 127 Bifrontia. — Rare * 128 Turritella , nov. sp. ? — Celte coquille, de 42 millimètres de long, est usée comme celle des faluns de la Touraine. . * 96 Ceritliium semicoslalum , Desh., en fragments. — Très rare. * 53 Id , nov. sp. — Rare, incomplet 52 Id., nov. sp. — Rare, incomplet 54 Id., nov. sp. — Rare, incomplet 53 Id., nov. sp. — Rare, incomplet 57 Id. , nov. sp. — Rare, incomplet * 58 Id., nov. sp. — Très rare, incomplet. * 59 Id., r.ov. sp. — Très raie, incomplet * 56 Id., nov. sp. — Très rare, incomplet 60 Id. goniophorum. Desh. — Rare 6! Id., nov. sp. — Très rare, incomplet * 62 Id., nov. sp. — Très rare, incomplet. 65 Id., nov. sp. — Rare, incomplet * 64 Id., nov. sp. — Très rare, incomplet 65 Id., nov. sp. — Rare, incomplet 66 Id„ nov, sp. — Rare, incomplet . 67 Id. Brimonli, Desh. — Rare , * 129 Id., nov. sp. — Rare, incomplet * 130 Id., nov. sp. — Rare, incomplet * 151 Id. , nov. sp. — Rare, incomplet * 132 Id., nov. sp. — Rare, incomplet ■ * 133 Id., nov. sp. — Rare, incomplet % 95 Pleurotoma, nov. sp. — Très rare, 60 millimètres sur 20. . * 94 Id. — Petite espe'ce très fragile * 95 Id. Autre petite espèce très fragile * 134 Fusils Mariai, Mellev. — Très rare et fragile 82 Id. plicnlellus , Mellev. — Assez commun. ........ * 155 Pyrula tricostata?. Desh. — Très rare 554 SÉANCE DU 7 JUIN 1858. Numéros de ma collection. NOMS DES GENRES ET DES ESPÈCES. Du supplément publié par M. Deshayes, pages : * 136 Pyrula tricostata? , Desh. — Petite espèce très rare. . . . Murex , nov. sp.? en fragments. — Très rare :* 137 * 86 Triton Lejeunii, Mellev. — Très rare . . . . * 87 rd., nov. sp. — Très rare i* 88 Id ., nov. sp ? — Très rare ! * 89 et 92 Rostellaria Marceauxi, Desh. — Un seul bon exemplaire de 64 millimètres sur 28. J'ai un fragment de la même espèce qui indique une longueur de 90 millimètres en- viron * 90 83 84 Id. analoga , Desh. — Charmante petite espèce, qui a : longueur, 12 millimètres; largeur, 10. Très rare. . . . Pseudolioa fissurala, Desh. — Assez commune, fragile. . . Buccinum, nov. sp. — Assez commune, fragile * 80 et 81 \Voluta depressa, Lamk. — Rare * 158 \Cyprœa antiqua . Desb. — Un seul exemplaire * 78 Marginella ?. — Rare * 139 Pupa , nov. sp. — Un seul exemplaire * 140 97 141 Clausilia ?, nov. sp. — Charmante petite coquille très rare. Serpula. — Rare et fragile | Polypiers de plusieurs espèces. — Rares * 99 98 1 Vertèbres et ossements de Poissons. — Très rares. . . . . . î Dents — pusio, Lk. — coarc tatas. Broc. Ostrœa edulis , Lin. ■ — Joliosa, Broc. Terebratula ampulla , Broc. Pileopsis liungarica, Lk. Brocchia sinuosa , Bronn. iW.so terebel! um , Chemn. Natica olla , De Ser. Na tira tigrina, Defr. — sordida, Swains. Z7" ernietus gigas , Biv. Scalaria commuais, Lk. Fo s s aras cos ta tas. Broc. Solarium stramineum , Gm. Troc h us coaulas , Lin. — obliquatus , Lin. — patulus , Broc. Phorus crispas , Konig. T urritella trie aria ata. Broc. — tornata , Broc. Cetithium vulgatum , Brugh. Cancellaria cancellata, Lin. Murex brandaris , Lin. Chœnopus pes pelirani, Lin. Buccinum polygonum , Broc. - — prismaticum, Broc. — semistriatum , Broc. Ringicula auriculata, Men. Cyprœa coccinella, Lk. Dentalium elephantinum , Broc. — coarctatum , Broc. Balanus vulgaris, Da Lopa. Viennent de la cinquième zone d’Acquatraversa : iSo/e/z siliqua , Lin. Mactra stultorum , Lin. — triangula , Ren. Donax trunculus , Lin. — semistriata , Poli. Astarte incrassata , Broc. Cytherea multilamella , Lk. Venus senilis, Broc. — Chione , Lin. Corbis lamellosa , Lk. Cardium rusticurn , Lin. — aculcatum , Lin. - — sulcatum, Lk. - — hians. Broc. — Deshayesii, Payr. ^rc<7 mytiloides , Broc. Lœda emarginata, Lk. Pectunculus glycirneris, Lk. Chama squamata , Desh. Anomya ephippium , Lin. Pecten coarctatum , Broc. — varias , Lin. — - opercularis , Lin . — Jacobœus , Lin. Ostrea joliosa, Broc. — edulis , Lin. | Natica olla, De Serr. — millepunctata , Lk. Scalaria commuais, Lk. Turritellà tricarinata, Broc. Cerithium tricinctum , Broc. — mamillatum , Ris. Ringicula auriculata , Men. Buccinum prismaticum , Broc. Dentalium elephantinum , Broc. Lithodendron multicaulis , Mich. La sixième zone ne contient pas de coquilles, mais des osse- ments roulés de Y Elephas primigenius , Blum. Ces animaux ne 560 SÉANCE DU 7 JUIN 1858. sont pas exclusifs à cette zone, puisqu’on les rencontre aussi dans les marnes pliocènes. L’année passée on a découvert près de Rignano, dans les marnes de la deuxième zone, exploitées pour la fabrication de briques, le squelette entier d’un Eléphant, évi- demment de l’espèce primigenius. Près de Grottamare, sur l’Adria- tique, il y a quelque temps que le comte Spada, le professeur Orsini et moi, nous avons trouvé dans les sables jaunes lin grand dépôt d’ossements appartenant à la même espèce; et à Acquatra- versa, près de Rome, type de la sixième zone, on a retiré des cailloux roulés, un grand nombre de fragments de têtes et de mâchoires avec des dents, toujours du même Eléphant. Les débris de cette nature augmentent en quantité très remarquable dans les sédiments pleistocènes, où on les retrouve associés à des ossements de YElepha ? meridionalis, Nesti, de Rhinocéros, d’Mippopolames, Bœufs, Cerfs et Chevaux. Parmi tous ces restes, je n’ai jamais vu V Elcphcis priscus , Goldf. , de manière que je crois que la belle et ingénieuse théorie de M. Lartet pourrait subir une modification, c’est-à-dire que sans nier la migration en Asie de Y Elephas primigenius , pour donner origine à l’Eléphant asiatique, on pourrait dire que cette même espèce a pa sé les Alpes et habité certaines contrées de l’Italie, ou elle se serait éteinte, pendant que l 'Elephas priscus s’est trans- porté en Afrique pour donner naissance au type africain actuel. Du reste, j’ai remarqué que parmi les coquilles caractéristiques il y a dans chaque zone quelques espèces prédominantes et représentées par un très grand nombre d’individus. Ainsi, dans les couches marneuses de la première zone, au Vatican, on trouve une quantité immense de Cleodores , de Pectcn rimulosus , de Pho- ladom) a vaticana , de Flabclhun vaticanum , etc. Dans la deuxième zone, c’est le Pectcn cristatus qui prédomine, ainsi que le Buccinum sernistriatum , le Verrnetus glomeratus , le Dentalium clephanti - num, etc. Dans la troisième zone, à Corneto, c’est le Pecten flabel- li forints, le Pecten latissimus , Y Hinni tes Cor tes i, le Pectunculus polyodontus. Dans la quatrième zone, à monte Mario, c’est la Mactra triangula , la Corbula striata , le Cardium l dans , le Pectun- culus insubricus , etc. Dans la cinquième zone, Ostrea edulis , le Cardium rusticum , le Donax truncçitus , Y Anomy a ephippium , etc. On peut déduire de l’examen comparatif de nos collections des faits très importants, c’est-à-dire 1° que pendant qu’un certain nombre d’espèces ont un gisement exclusif dans une des zones, il y en a d’autres qui passent d’une zone à l’autre ; 2° que le nombre des espèces qui ont émigré dans des mers plus ou moins éloignées ftOTE DE M. PONZf < 56 1 va toujours en diminuant dans la succession des zones; mais celle diminution d’espèces est compensée par l’augmentation graduelle du nombre des espèces vivantes, de manière que dans la zone sixième presque toutes les espèces sont les mêmes que celles qui vivent actuellement dans la Méditerranée ou dans l’Adriatique. Ces changements graduels, qui deviendront évidents lorsque je publierai le catalogue complet des fossiles des différentes zones, sont la preuve la plus certaine du changement lent et graduel qu’a subi notre climat pendant la formation des dépôts pliocènes. M. de Yerneuil ajoute, à la suite de cette communication, quelques détails sur la constitution géologique des montagnes de Monticelli, qui s’élèvent au-dessus de la campagne romaine qu’il vient de visiter récemment; il dit que les fossiles qui ont été découverts par M. l’abbé Rusconi doivent les faire rapporter au terrain jurassique (lias et terrain oxfordien). M. Hébert demande quelques renseignements sur le gise- ment véritable des débris d’Eléphants aux environs de Rome. M. de Yerneuil lit en réponse une lettre de M. Pentland; ce savant lui écrit qu’à Rignano ces ossements se trouvent dans les couches marneuses marines de la base du terrain plio- cène ; d’autres se rencontrent dans les tufs volcaniques remaniés, antérieurs aux tufs volcaniques sub-aériens. M. Nérée Boubée fait observer qu’il a toujours considéré les terrains dits pliocènes comme n’appartenant pas aux terrains tertiaires, mais comme des terrains post-diluviens ; il considère la découverte des restes d’Eléphants, dont on vient de parler, comme un argument en faveur de son opinion. M. de Yerneuil répond que prés de Rome on trouve le dilu- vium sur le terrain pliocène soulevé et incliné. M. Deshayes fait remarquer que la faune des couches plio- cènes est parfaitement caractéristique, et les fait ranger néces- sairement dans le terrain tertiaire. M. Albert Gaudry ajoute que les terrains pliocènes de I’As- tésan, de la Grèce, etc., ne peuvent pas plus être considérés comme diluviens ou post-diluviens que les terrains tertiaires du bassin de Paris. M. Martin envoie un Mémoire sur le lias inférieur de la Côte-d’Or et de l’Yonne. Soc. gcol ., *2* série , tome XY. 36 562 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. Séance clu 21 juin 1858. PRÉSIDENCE DE M. VIQUESNEL. M. A. Laugel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Bàude (Alphonse), inspecteur général des ponts et chaussées, rue Royale-Saint-Honoré, 13, présenté par MM. Sainte-Glaire Deville et Paul Michelot -, Blache (Noël), au Pont-du-Las, à Toulon (Yar); à Paris, l\ Sainte-Barbe, présenté par MM. Collomb et Hébert-, Bonjour, conservateur du Musée d’histoire naturelle, à Lons- le-Saulnier (Jura), présenté par MM. Goquand et Bayle; Deullin (Eugène), banquier, à Épernay (Marne), présenté par MM. Dutemple et Hébert; Goubert, membre de la Société botanique de France, rue Saint-Sulpice, 25, à Paris, présenté par MM. Lortetet Hébert; Langlois (Léopold), conservateur du cabinet d’histoire natu- relle, à Cherbourg (Manche), présenté par MM. Bonissent et Viquesnel; Rey (Emmanuel-Guillaume), rue Lavoisier, 10, à Paris, présenté par MM. de Yerneuil et Delesse ; Stoppani (l’abbé Antoine), conservateur de la bibliothèque Ambrosienne, à Milan, présenté par MM. Omboni et Cornalia ; Webb (George- Jones), à Llanelly [(pays de Galles) Angle- terre], présenté par MM. de la Roquette et de Yerneuil. Jaubert (le comte), ancien ministre, rue Saint-Dominique- Saint-Germain, 67, à Paris, et au domaine de Givry, par Jouet- sur-l’Aubois (Cher), ancien membre, est admis, sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société. BONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 503 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le directeur du Dépôt de la guerre, 21e li- vraison de la Carte de France au De la pari de M. Virlet d’Aoust : 1° Nouvelles observations sur le métamorphisme normal , pp. 119-129. 2° Observations sur un terrain d'origine météorique ou de transport aérien qui existe au Mexique , etc., pp. 129-139. 3° De la formation des oolithes et des masses nodulaires en général , pp. 187-205-, Ces trois notes extraites du Bull, de la Soc. géol. de France , 2« sér., t. XV, J 857-1858. De la part de M. Achille de Zigno : 1° Prospetto dei terreni sedimentarii del Veneto , i n-8 , 12 p. 2° Del terreno carboniser o del le Alpi Venete , in-8, 8 p. 3° Sulla paleontologia délia Sardegna del Cav. Gius . Mette - ghini , in-8, 12 p. -, Ces trois notes extraites du vol. III, sér. 3, des Atti del U Istituto V éneto. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1858, 1er semestre, t. XLVI, nos 23 et 24. Tables des Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 2e sem. de 1857, t. XLV. Société imp. et centrale d' agriculture. — Bulletin des séances , 2e série, t. XIII, n° 3, 1858. L'Institut, 1858, n«s 1275 et 1276. Réforme agricole , par M. Nérée Boubée, n° 113, lie année, mai 1858. The quarterly journal of the geological Society of London , vol. XIV, part. 2, may 1, 1858, n° 54. Revista de los progresos de las ciencias excictas fisicas y naturales , t. VIII, n° 5, mai 1858. Revista minera , t. IX, n° 194, 15 juin 1858. O archiva rural , n° 2, 1° anno, maio 20, 1858. The Canadian Journal of industry , science and art , nouv. s ér., n° 15, mai 1858. 665 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. El national argentino , 11 numéros de février et mars 1858. Le Trésorier présente l’état de la caisse au 31 mai dernier : Il y avait en caisse au 31 décembre 1857. . 2,147 fr. 25 c. La recette, depuis le 1er janvier 1858, a été de 7,266 89 Total. . . 9,414 14 La dépense, depuis le 1er janvier 1858, a été de 8,232 85 Il restait en caisse au 31 mai 1 858 1 ,1 81 fr. 29 c. M. Lartet présente les observations suivantes à l’occasion d’un mémoire de M. Ponzi lu dans la séance précédente : Observations de M. Lartet à propos des débris fossiles de di- vers Eléphants dont la découverte a été signalée par M . Ponzi, aux environs de Rome . A la dernière séance de la Société, M. de Yerneuil a lu un Mémoire de M. Ponzi sur le terrain pliocène des environs de Rome. Dans un résumé très bien fait, le savant professeur divise le terrain en six assises ou zones fossilifères dont il établit la dis- tinction tant par leurs caractères paléontologiques que par leur ordre de superposition représentée dans une série de coupes démonstratives jointes au Mémoire. Après avoir donné une liste des coquilles marines afférentes à chacune des zones fossilifères, M. Ponzi ajoute que l’on a trouvé, à trois niveaux différents, des ossements de mammifères qui lui ont paru rappcrtables à XEleplias primigenius , particulièrement un squelette entier découvert l’année dernière à Rignano, dans les marnes de la deuxième zone qui correspond aux assises infé- rieures du terrain sub-apennin des géologues. La rencontre d’un squelette ( YElephas primigenius dans des couches de cet âge, évi- demment non remaniées, serait un fait inattendu et en contra- diction avec tout ce qui a été observé jusqu’à présent en Europe, ou les restes de cette espèce d’Eléphant ne se sont encore montrés que dans les dépôts plus récents de l’époque quaternaire. Aussi M. Ponzi, désirant donner à son observation le degré de certitude convenable pour la faire accepter dans la science, a-t-il bien voulu confier à M. de Yerneuil des modèles en plâtre obtenus par NOTE DE M. LÀ RTE T » 665 l’estampage de la couronne des molaires de l’Eléphant trouvé à Rignano. En comparant ces modèles, que je mets sous les yeux de la Société, à diverses dents d’Elépliants fossiles, nous avons pu, M. de Yerneuil et moi, nous convaincre que les dents de llignano diffèrent notablement de celles de Y Elep fias primigenius , par un plus grand écartement de leurs lames verticales dont l’émail a'* plus d’épaisseur, ce qui rend beaucoup plus considérable l’espace occupé par le même nombre de lames sur la surface triturante de ces molaires. Nous avons ensuite reconnu qu’elles se rapprochaient davantage des molaires d’une autre espèce d’Eléphant fossile encore peu connu, E . an tiquas, dont M. Falconer a parfaitement précisé les caractères distinctifs. Les débris de YE. antiquus ont déjà été observés en Angleterre, en France et même en Italie, dans des gisements du même âge que celui de Rignano. Ainsi, il n’y a dans le fait signalé par M. Ponzi rien qui vienne infirmer les notions acquises jusqu’à présent sur l’ordre de succession chronologique des divers Eléphants fossiles en Europe, et sur la distribution stratigraphique de leurs ossements respectifs. M. Ponzi a en même temps remis à M. de Yerneuil une autre dent fossile d’Eléphant trouvée à un niveau bien supérieur à celui des marnes de Rignano, c’est-à-dire dans les dépôts les plus récents des environs de Rome, au Monte-Sacro. On reconnaîtra facilement dans cette dent, que j’ai l’avantage de pouvoir présenter en nature à la Société, une molaire véritable àY Elephas primigenius ; comme elle a été trouvée avec plusieurs autres molaires de la même espèce que M. de Yerneuil a vues en la possession de M. Ponzi, il ne reste plus de doute aujourd’hui que Y Elephas primigenius , dont on n’avait pas jusqu’à présent constaté l’appari- tion au midi des Alpes, n’ait aussi franchi cette barrière géogra- phique et passé en Italie où avaient aussi pénétré d’autres mam - mifères également caractéristiques de la période quaternaire en Europe. Je saisirai cette occasion pour communiquer à la Société quel- ques extraits d’une lettre de M. Cocchi, par laquelle notre confrère me marque « qu’il a été trouvé dans la Toscane des restes de » quatre espèces d’Eléphants, savoir : 1° Y Elephas meridionalis de » Nesti; 2° Y Elephas antiquus de Falconer; 3° Y Elephas prisais, » voisin de Y Elephas af rie an us, si ce n’est, dit-il, la même espèce, » et accompagnant les deux précédents dans le Y al d’Arno (par con- » séquent se rattachant à la période pliocène); hn enfin Y Elephas » africaines, espèce quaternaire etcontemporaine, ajoute M. Cocchi, 506 SÉANCE DU 21 JUIN 1858, o dont on trouve souvent des fragments en état de fossilisation » assez peu avancée pour laisser supposer qu’ils proviendraient » d’individus ayant existé en Italie dans les temps historiques, ou » plus probablement de ceux qui y furent amenés par les Car- » thaginois. » Les Carthaginois introduisirent en effet, à diverses reprises, des éléphants en Sicile et sur quelques points de l’Italie. Mais on sait que tous ceux amenés par Asdrubal périrent sur les bords du Métauro, dans la région sub-apennine qui regarde l’Adriatique. Quant aux trente-sept éléphants qu’Annibal avait dans son armée avant la bataille de la Trebbia, il ne lui en restait plus qu’un lorsqu’il passa l’Apennin pour descendre dans les marais du bas Arno . Or il serait peu probable que les fragments de cette espèce d’éléphant [E. aj ricanas) que l’on trouve souvent aujourd’hui dans la Toscane provinssent de ce seul et unique individu sur lequel était monté le général carthaginois, lorsqu’il pénétra dans ce même territoire de l’ancienne Etrurie. Quoi qu’il en soit, en ajoutant aux divers éléphants signalés dans la Toscane par M. Cocchi F Elephas primigenius , dont la présence dans les dépôts supérieurs des environs de Rome est si positivement constatée par les découvertes de M. Ponzi, on arri- verait déjà à un chiffre de quatre ou peut-être même de cinq espèces d’éléphants, dont les restes auraient été enfouis dans les terrains plus ou moins anciens de l’Italie. Disons aussi que ces mêmes éléphants ont été indiqués sur d’autres points de l’Europe, et que l’on pourrait aujourd’hui résumer, comme il suit, leur distribution géographique et stratigraphique. 1° Elephas meridionalis , Nesti. — Espèce que l’on a longtemps confondue avec Y Elephas primigenius , bien qu’elle s’en distin- gue réellement par des caractères tranchés. Ses restes, spéciale- ment limités dans le terrain tertiaire supérieur, sont très abon- dants en Italie, dans les dépôts pliocènes du Piémont, de la Lombardie, de la Toscane, des environs de Rome, etc. En France, on les a signalés dans des gisements du même âge de la Bresse, de l’Auvergne, du Bourbonnais; en Angleterre, dans le crag, etc. 2° Elephas antiquus , Falconer. — Espèce moins connue dont les débris se sont montrés en Italie, en France et en Angleterre, tantôt associés à ceux de l’espèce précédente, tantôt dans des circonstances de gisement qui permettraient de supposer qu’elle lui a survécu (1). (1) Il a été question, dans la dernière séance, d’une molaire de cette espèce d’Éléphant trouvée aux environs de Bordeaux, Cette dent NOTE DE ffl. LARTET. 567 3° EL plias primigenius, Blmnenbach. — Troisième espèce véri- tablement éteinte, qu’une diagnose rigoureusement démonstrative ne permet de confondre ni avec les deux précédentes, ni avec l’élépliant actuel de l’Inde ( Elephas indiens , Cuv.). Les ossements de Y Elephas primigenius , très répandus dans les dépôts quaternaires de la plus grande partie de l’Europe, se montrent encore plus abondants au nord de l’Asie, dans la Sibérie, où il faudrait peut- être chercher la patrie originaire de cette espèce. h° Elephas africamis , Cuv. — • L’émigration définitive de cette espèce vivante vers les régions centrales et australes de l’Afrique actuelle ne remonte pas à une haute ancienneté. On lit dans le Périple de Hannon que l’amiral carthaginois envoyé pour explorer le pourtour occidental de l’Afrique aperçut, immédiatement après avoir passé les colonnes d’Hercule, une multitude d’éléphants qui paissaient en liberté sur la côte. Hérodote, Strabon , Elien, Pline, etc, , parlent de l’existence de l’éléphant dans la Mauri- tanie, comme d’un fait contemporain. Plutarque rapporte que dans un séjour que fit le grand Pompée en Numidie , il s’y arrêta quelques jours de plus pour s’y livrer à la chasse des éléphants. Comment d’ailleurs les Carthaginois auraient-ils eu tant de facilité à recruter leurs armées d’éléphants, s'ils ne les eussent trouvés dans des lieux peu éloignés de leurs possessions ? Si, du domaine des traditions historiques, on remonte dans celui de la paléontologie, nous trouvons que M. Gervaisa décrit, il y a quelques années, dans les Mémoires de /’ Académie de Montpellier , une dent machelière d’Eléphant d’Afrique, recueillie par M. le docteur Duval, aux environs de Guelma, dans des cou- ches régulièrement stratifiées. Il est vrai que le savant professeur de Montpellier incline à considérer ces couches comme étant d’un âge assez récent. On sait aussi que M, JEtenou, l’un des membres de la Commis- sion scientifique envoyée en Algérie, avait rapporté des cavernes des environs d’Alger une collection d’ossements fossiles, parmi m’avait été communiquée par M. le docteur Souerbie, conservateur du cabinet d’histoire naturelle de cette ville, comme provenant du dé- pôt miocène de Martignes, que M. Raulin assimile aux falunsde Léo- gnan. Depuis lors, M. Raulin a bien voulu, à ma prière, revoir cet échantillon. L’examen attentif de la gangue sableuse dont il est en- croûté lui laisserait quelque doute sur l’origine indiquée par l’éti- quette, et, dans tous les cas, M. Raulin est convaincu que cette dent a dû être extraite d’un gisement d’âge plus récent que celui des faluns miocènes. 563 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. lesquels M. de Blainville avait remarqué des restes de R/d no • cérus (d’Afrique), de Porc-épic , etc. J’ai depuis lors retrouvé dans cette même collection une molaire (la première de lait) d’un jeune Eléphant d’Afrique qui se trouvait là associée avec des débris de ruminants d’espèces communes à nos dépôts quaternaires de l’Europe. J’ai cru devoir également rapporter à l’Eléphant actuellement vivant en Afrique un fragment de molaire qui m’a été envoyée, il y a quelques mois, par notre confrère, M. Casiano de Prado. Ce morceau a été détaché d’une tête trouvée dans le diluvium des environs de Madrid. M. Casiano de Prado a joint à cet envoi le croquis d’une molaire entière appartenant à la même tète. Des dents cle même forme avaient été antérieurement signalées en Allemagne, entre autres celle figurée par Goldfuss dans les Nov. act. car. nat t. X, pl. xliv, d’abord sous la désignation d 'Elephas ajricanus, à laquelle il substitua plus tard celle d! Elephas prisons . J’ai déjà rappelé ailleurs [Camp. rend. Acad, des sc ., 22 fév. 1858), que Cuvier avait hésité à accepter cette dent comme fossile, justement à raison de sa parfaite ressemblance avec les molaires de l’Elépliant actuel d’Afrique. Effectivement, M.Kaup, qui est venu récemment à Paris, m’a dit avoir vu cette dent en nature ; il pense qu’elle a été trouvée sur les bords du Rhin, et l’opinion de ce savant paléontologiste est qu’on ne peut faire autrement que de la rapporter à notre espèce africaine d’Éléphants. Ainsi, sans même tenir compte de la découverte, en Toscane, de débris d 'Elephas ajricanus mentionnés par M. Cocclii, et de quelques autres faits de même tendance dont je n’ai pu faire la vérification directe, on se trouverait conduit à admettre que l’élé- phant, actuellement vivant dans les parties centrales et australes de l’Afrique, a habité le midi et même le centre de notre Europe, à une époque où le détroit de Gibraltar n’existant peut-être pas encore, la région méditerranéenne de l’Afrique constituait un ap- pendice du continent européen quaternaire , limité alors au sud par la mer qui couvrait le désert du Sahara dont l’émersion paraît être d’une date très récente. C’est aussi par l’hypothèse de cette continuité intercontinentale que l’on peut s’expliquer la pré- sence en Algérie d’ossements fossiles du Bos primigenius et de quel- ques autres espèces des terrains quaternaires du centre et du nord de l’Europe. 5° Enfin, il restera une cinquième espèce douteuse, ou du moins peu définie dans ses caractères, et dont les débris, observés dans des couches pliocènes, sont envisagés par quelques paléontologistes LETTRE DE M. S5AUGET. 569 comme appartenant à l’ Elcphas prisais de Goldfuss; mais, du mo- ment où il sera reconnu que la dent fossile qui a servi de type à Goldfuss est en réalité rapportable à notre éléphant d’Afrique ( Elephas africanus ), on se trouvera dans cette alternative : ou de rattacher à Y Elephas africaines tout ce qui a été précédemment attribué au prétendu Elephas prisais de Goldfuss , qui doit être rayé de la nomenclature, ou bien d’introduire dans cette nomen- clature une dénomination nouvelle pour désigner l’espèce encore douteuse dont il s’agit (1). M. Triger demande ù M. Lartet des renseignements sur le gîte des Éléphants fossiles de Saint-Prest, prés Chartres. MM. Lartet, Bayle et Hébert entrent dans quelques détails sur cette intéressante localité. M. Ch. Laurent donne lecture de l’extrait suivant d’une lettre que yient de lui adresser M. Mauget : Naples, 1 5 juin 1 858. Les deux trombes dont je vous ai parlé sont passées presque inaperçues à Naples; je ne sais vraiment pas si les journaux en ont fait mention. J’ai été un des privilégiés appelés à admirer la trombe marine que bien peu de personnes auront vue. Un de mes (1) Depuis que les observations contenues dans cette note ont été communiquées à la Société, j’ai eu occasion de visiter la riche collec- tion paléontologique formée à Clermont-Ferrand par feu M. le marquis de Laizer. J’ai pu y examiner une dent d’Éléphant que M. Pomel a inscrite, dans son Catalogue des vertébrés fossiles des bassins supé- rieurs de la Loire et de l’Jllicr (Paris, 1853, chez J. -B. Baillière), comme appartenant à Y Elephas pris eus, de Goldfuss, « espèce, dit l’au- teur, ayant les lames de ses molaires disposées comme dans l’Éléphant d’Afrique. » C’est en effet une pénultième molaire inférieure qui ne diffère en rien de son homologue dans l’Éléphant actuel d’Afrique, et sa parfaite ressemblance, dans tous les détails caractéristiques, exclut toute distinction spécifique. Cette dent est mentionnée parM. Pomel comme ayant été trouvée dans la formation alluviale de la vallée de l’Ailier, dans les plaine de Sarlière, où l’on a aussi recueilli des débris de Y Elephas primigenius. Parmi les dents d’Éléphant conservées comme fossiles, dans le Musée d’histoire naturelle de Marseille, il y a une molaire supérieure gauche également rapportable à l’Éléphant d’Afrique; mais cette der- nière dent est sans indication positive de provenance. 570 SÉANCE DU e2i JUIN 1858, amis, M. Bernoud, photographe, demeurant au milieu de la pro- menade royale, en a fait une photographie qui malheureusement n’a pas entièrement réussi. Le phénomène n’a duré que dix mi- nutes. M. Bernoud, se trouvant pris au dépourvu, sans verres apprêtés, a dû, en désespoir de cause, se servir d’une glace de rebut qui a rendu l’essai malheureux. Malgré cela, le phénomène est visible ; seulement il ne se voit pas aussi clairement que nous l’avons aperçu. Le Yésuve parcourt sa dernière période éruptive ; il est aujour- d’hui presque éteint. Faites savoir à M. Ch. S.-C. Deville que la Punta del Palo s’est affaissée d’une manière sensible. Certains journaux ont dit 200 palmes ; iis auront dû nécessairement voir cela à la loupe ; ils ont considérablement exagéré. Ce que j’ai trouvé de particulier à cette éruption, c’est que la masse lavique vomie a été énorme, et que, comparativement, le dégagement de gaz ait été presque nul. Avant-hier encore, la lave coulait à flots, et l’on apercevait à peine quelques fdets blanchâtres de fumée de place en place sur différents points de la coulée. Nous avons eu aussi beaucoup d’intermittences qui ont forcé les nouvelles coulées à se mouler sur les premières, ce qui explique les grandes hauteurs atteintes par la lave en certains points. C’est aussi là le motif qui a empêché la lave liquide d’arriver jusqu’à la mer, et de dévaster Résina et Portici. P. S. Nouvelle toute fraîche et intéressante. Une trombe mon- strueuse, dit le Télégraphe, vient de passer sur la ville de Sala où elle a fait des ravages effrayants. On me dit, et on me l’affirme, que ce que nous avons pris pour de la grêle vu de Naples, couron- nant le cône du Vésuve en feu, n’était autre chose que du sel gemme et du sel ammoniaque dont il venait de faire une éruption. M. Coquand lit la note suivante en réponse à des observa- tions de M. d’Archiac sur la classification de la craie du sud- ouest. Réponse de M. Coquand aux observations présentées par M, d’Archiac dans la séance du 1er juin 1857 {Bull:, t. XIV, p. 766). Après les vérifications auxquelles la Société géologique s’est livrée à Angoulême, il serait oiseux de traiter de nouveau à fond la question de la classification de la craie du sud-ouest, M. d’Àr- NOTE DE Mo COQÜAND. 571 cliiac (1) prend texte de mon second mémoire pour répliquer au premier, mais il n’y répond pas. Sur la question la plus impor- tante, celle qui touche de plus près à la philosophie de la science, sur celle du synchronisme de la craie des deux Charentes avec la craie des autres contrées de la France, synchronisme sur lequel il a formulé si souvent son opinion dans tous ses ouvrages, il déserte le débat, traite de rapports théoriques les faits qui relèvent direc- tement de la stratigraphie, et il se borne à dire que mes divisions sont, à quelque chose près, calquées sur celles qu’il a données lui-même. Et d’abord éclaircissons ce dernier point, puisque c’est celui auquel on paraît tenir de préférence. 1° M. d’Archiac reconnaît dans la craie du sud-ouest un groupe et quatre étages qu’il attribue exclusivement à la craie inférieure , et j’y reconnais deux groupes et neuf étages dont quatre appar- tiennent à la craie supérieure . 2° J’admets que la craie chloritée de Rouen n’y est point représentée, et M. d’Archiac admet qu’elle y est représentée. 3° M. d’Archiac arrête la craie de la même contrée aux bancs à Micraster brevis de Villedieu; je proclame qu’au-dessus de l’horizon de Villedieu la! Charente possède la craie blanche de Meudon et celle de Maëstricht. A0 Je place les couches à Scaphites de Sainte-Catherine au-dessous des Ostrea columba et biauriculata , et M. d’Archiac les place au-dessus... Et puis nos divisions se trouvent d’accord! j’ai emprunté la classifi- cation de M. d’Archiac ! et M. d’Archiac prend la parole pour réclamer ce qu’il prétend lui appartenir dans les étages que j’ad- mets !... On comprend qu’avec des vues si radicalement opposées, malgré tout l’éclat qui pourrait en rejaillir sur mon travail d’être calqué sur celui de M. d’Archiac, je dois cependant décliner l’honneur d’un patronage auquel je ne me reconnais aucun droit de prétendre. Si je n’avais dit en termes explicites (p. 7A7) que mes étages n’étaient point établis suivant des règles arbitraires ou d’après la composition minéralogique, mais bien d’après la con- stance des espèces fossiles qu’ils contiennent, et dont plusieurs, par leur plus grande abondance dans toute l’épaisseur de l’étage, servent à le caractériser d’une manière spèciale , si, de plus, je n’avais ajouté (p. 763) que ma classification n’était nullement théorique, puisqu’elle s’appuyait sur la superposition, je conce- vrais que M. d'Archiac ne perdît pas son temps à discuter sur des idées de pure fantaisie. Mais je le demande à tous les géologues ; (1) Bull, de la Soc , géoL de France , V sér.} te XIV, p. 709 (4 857). 572 BÉANCE DU 21 JUIN 1858. Est-ce une question théorique que celle qui a pour objet de déterminer la position de la faune de Rouen au-dessous et non au-dessus de F Ostrea columla dans le midi et dans le nord de la France ? Est-ce une question théorique que de contester à M. d’Ar- chiac l’existence dans le sud-ouest de la craie chloritée de Sainte- Catherine? Est-ce une question théorique que celle qui me fait avancer que les quatre étages de la craie supérieure du sud-ouest ne renferment aucune espèce de la craie inférieure à laquelle les attribue M. d’Archiac, et qu’ils renferment, au contraire, le plus grand nombre des espèces de la craie blanche de Meudon et de Maëstriclit à laquelle il les enlève, et cela au mépris des principes les plus évidents de la stratigraphie et de la paléontologie? Enfin, est-ce une question théorique que celle qui a été traitée par MM. Triger, Hébert et moi, à savoir que la craie du Maine et de la Touraine se superposait dans le meme ordre et avec les mêmes faunes que dans les deux Charentes, et que c’est à tort que M. d’Archiac a rapporté la craie de Sainte-Maure, qui représente les bancs à Ostrea columba , à la craie micacée du sud-ouest qui représente la craie de Meudon à Ostrea vesicularis ? Yoilà une série de propositions sur lesquelles les travaux de M. d’Archiac ont pour ainsi dire fait loi jusqu’ici, qui sont formellement con- testées dans mes écrits, que l’observation directe peut confirmer ou détruire, et sur lesquelles M. d’Archiac refuse de se prononcer, tout en disant que nous sommes d’accord. M. d’Archiac se contente donc, laissant toutes les grandes ques- tions à l’écart, de défendre un seul côté, et le côté le plus insi- gnifiant d’une question accessoire et secondaire. Il place en regard l’une de l’autre sa classification et la mienne, et il trouve, en les comparant, que nous avons reconnu à peu près le même nombre d’échelons dans l’échelle stratigraphique de la Charente. Je suis loin de nier cela, et ce n’est pas dans un pays plat et non disloqué comme celui sur lequel nous avons opéré l’un et l’autre, que nous aurions pu nous méprendre sur le nombre et l’ordre de succession des assises calcaires, argileuses ou sableuses. Dans les questions si vivement controversées de la Tarentaise et de la Voulte, les géologues qui sont le plus en opposition d’idées ont aussi compté de la même manière le nombre des couches en litige. Mais en géologie il ne s’agit pas de compter des couches comme on compte des files de soldats ; il faut savoir ce qu’elles sont et les grouper ensuite en étages. Or, sous ce point de vue, les étages de M. d’Archiac et les miens diffèrent radicalement. Ce sera au public de juger qui de uous deux aura le mieux interprété la KOÎE DE M. COQUAND. 573 nature. Si je n’ai point le droit de dire que j’ai mieux fait que mes prédécesseurs, il me sera bien permis de confesser du moins que j’ai fait de mon mieux. J’ai défini l’étage : la réunion de toutes les couches qui contiennent les mêmes espèces fossiles, indépendamment de leur composition minéralogique ; et c’est à ce principe que j’ai obéi en divisant la craie du sud-ouest. Si j’y ai manqué, c’est bien involontairement, et ceux qui auront à redresser plus tard mes erreurs, si j’en commets, rendront service à la science et à moi tout le premier. Ceci posé, examinons ce que nos deux classifications, qui seraient calquées l’une sur l’autre, présentent réellement de commun. La craie inférieure, aux yeux de M. cl’Archiac, est complète dans le sud-ouest ; elle y est incomplète aux miens, puisque les couches à Scapliites du Maine font défaut. Mon deuxième étage (garclonien) correspond à une portion seulement de son quatrième. Mon troisième étage (carentonien), caractérisé par les Ostrea plicnta , columba et biiuiriculata , correspond au quatrième étage en partie et au troisième étage en partie du même auteur. Mon quatrième étage (angoumien), caractérisé par le Radiolites lumbricalis , correspond au troisième étage en partie de M. d’Ar- chiac. Mon cinquième étage (provencien), caractérisé par Y Hippuritcs orga?iisans, correspond à son troisième étage en partie. Enfin, les quatre étages de ma craie supérieure correspondent aux premier et deuxième étages de la craie inférieure de M. d’Ar- chiac. Il faut vraiment beaucoup de bonne^volonté pour apercevoir de la concordance entre ces divers termes qui chevauchent tous les uns sur les autres. Je ferai observer, en outre, que M. d’Archiac scinde en deux un des horizons les mieux définis de la craie inférieure, en distri- buant, sans en expliquer les motifs, les assises à Ostrea columba , plicata et biauriculata , moitié dans son quatrième, moitié dans son troisième étage. Par compensation, son troisième étage réunit trois faunes distinctes, celle des bancs à Ostrea columba , celle des bancs à Radiolites lumbricalis et celle des bancs à Hippuritcs orga- nisons. On est parfaitement libre d'en agir ainsi; mais alors pour- quoi ne pas réunir dans un seul bloc l’oxfordien, le corallien et le kimméridgien, par la raison qu’ils se succèdent régulièrement dans une même coupe? Toutefois, il me semble que lorsque d’autres auteurs, procédant d’après un principe tout opposé, établissent 67à SÉANCE DU 21 JUIN i8ÔB. leurs étages suivant la distribution des fossiles, on n’est pas en droit de dire qu’on est copié par eux. IL est donc de toute évidence que les étages de M. d’Arcliiac sont des étages imaginaires, chez lesquels les faunes débordent de tous côtés, comme pour son quatrième et son troisième, ou bien des groupes, puisqu’ils contiennent plusieurs faunes, comme pour ses troisième, deuxième et premier étages. Aussi, en comparant ma classification à la sienne, il a bien soin de ne faire ressortir que les ressemblances des subdivisions minéralogiques sur les- quelles il n’y a pas moyen d’errer, et qui n’ont rien de commun avec leur arrangement en étages. Pour que le rapprochement invoqué ne fût pas un trompe-l’œil, il aurait fallu, ce qui n’est pas, que nos étages concordassent. Or, si M. d’Archiac comprend l’étage ainsi que moi, pourquoi ces différences si radicales? S’il le comprend autrement, pourquoi affirmer une ressemblance qui n’existe pas? Est-il utile d’ajouter à présent que pour leur établissement, M. d’Archiac ne se laisse point guider par les caractères minéra- logiques, puisque son quatrième étage se compose d’argiles, de calcaires, de grès et de calcaires. Il ne se laisse point guider non plus par les caractères paléontologiques, puisque ses quatrième et troisième étages, par exemple, contiennent les mêmes Ostrea, les mêmes Caprinelles, trois faunes distinctes. Je demande alors comment je pouvais mettre utilement à profit pour ma carte géologique le canevas tracé par M . d’Archiac ? Il félicite M . Manès de s’en être contenté. Je me suis montré plus difficile : pure affaire d’appréciation. S’il ne s’est servi ni des données paléontologiques ni des données minéralogiques, il a dû employer un caractère nouveau dont l’auteur paraît s’être réservé le secret. Quant à nous, c’est par l’analogie des faunes que nous nous sommes laissé con- duire. Relativement aux subdivisions minéralogiques, le seul argu- ment de M. d’Archiac, je dirai que je ne leur attache aucune valeur, et que par le fait elles n’en ont aucune. Elles peuvent bien être de quelque utilité dans la pratique, en tant qu’elles s’appliqueront encore à un périmètre très limité ; mais voilà tout. Au surplus, l’emploi malheureux qu’en a fait M. d’Archiac, quand il a voulu paralléliser au moyen de ce caractère la craie de la Cha- rente et celle de la Loire, est bien fait pour en démontrer le peu de solidité. Croyant que le faciès minéralogique correspondait dans les deux contrées à des horizons identiques, il a synchronisé les calcaires jaunes de la Touraine avec les calcaires jaunes de NOTE DE M. COQÜÀNB. 575 Saint-Mametz, la craie micacée de la Charente avec la craie mi- cacée de Sainte-Maure. Or, la craie jaune de la Touraine n’est autre chose que les calcaires blancs à Hippurites du sud-ouest, et les calcaires de Saint-Mametz sont les bancs les plus supérieurs de Maëstricht. Ils sont donc séparés par toute l’épaisseur des deuxième et premier étages de l’auteur. Si l’on adopte l’opinion de M. d’Archiac,on admettra avec lui que la craie à Hippurites or- ganisons se déposait dans la Touraine quand ils étaient déjà déposés à Angoulême, et quand les couches supérieures de la craie se dépo- saient en Belgique. La craie micacée de la Charente est supérieure au niveau de Y Hippurites organisons , celle de Sainte-Maure est placée au-dessous du Radiolites lumbricalis , et elles sont parallé- lisées, parce qu’elles présentent le même faciès minéralogique. Lorsque la craie micacée devient dure par places, comme à Cha- lais, à Barbezieux, M. d’Archiac ne manque pas de l’introduire dans les calcaires jaunes supérieurs, parce qu’ils ont le même faciès minéralogique, bien que leur position soit différente. Les détails qui précèdent montrent que l’étage seul a de la valeur dans la géologie stratigraphique ; aussi, tout en indiquant quelques subdivisions dont la composition peut aider à la recon- naissance des étages, nous avons bien soin de prémunir le lecteur contre les erreurs dans lesquelles l’entraînerait infailliblement ce caractère fugitif, si on lui attribuait plus d’importance qu’il n’en mérite. Relativement à celles que j’admets pour la craie infé- rieure, je dis que je choisis mes types dans les environs d’Angou- lême pour la plus grande commodité des géologues qui voudraient étudier la contrée ; mais j’ajoute que les marnes à Ostracées, qui sous cette ville constituent un bon point de repère, disparaissent dans les cantons de Jarnac et de Cognac ; que les calcaires mar- neux à Terebratula pectita E M. COQUÀND. (>H Purbeck. Les détails et les coupes qui précédent auront démontré suffisamment, nous l’espérons du moins : 1° que les argiles gypsi- fères du Pays-Bas, des environs de Rochefort et de l’île d’Oléron, appartiennent à une même formation, qui est d’origine lacustre ; 2° que cette formation a succédé immédiatement à l’étage portlan- dien avec lequel elle est concordante ; 3° qu’elle est distincte du terrain de craie par laquelle elle est recouverte à stratification transgressive. Nous avons à indiquer en ce moment que le système du Pays- Bas se trouve également représenté dans les chaînes du Doubs et du Jura, qu’il y occupe la même position, et que de plus il y est aussi caractérisé par des gypses et des fossiles lacustres (1). (1) Nous venons de lire le Bulletin de la Société vaudoise , n° 42, contenant une communication faite par M. Renevier, dans la séance du 1er avril 1 837. Ce géologue y mentionne la découverte faite aux environs de Villers-le-Lac, près des Brenets, de fossiles d’eau douce dans des marnes décrites depuis 1847, par MM. Pidancet et Lory, comme les représentants des couches wealdiennes du midi de l’Angleterre. M. Renevier, après avoir énuméré les genres de coquilles qui ont été recueillies, discute la position de ces marnes, comme si c’était pour la première fois que des géologues s’en fussent occupés, et pense qu’elles doivent être assimilées aux couches de Purbeck, et non point au terrain crétacé, comme l’avaient admis MM. Pidancet et Lory. Si M. Renevier eût eu connaissance de ma note, publiée en 1833, sur la formation wealdienne ( Mém . de la Soc. d’émul., t. IV, p. 1 1 5), il aurait vu que je séparais nettement de la craie les marnes lacustres du Jura pour les attribuer à la formation jurassique. Les Comptes rendus de t Académie des sciences du mois d’octobre 1850 avaient déjà mentionné la présence de fossiles d’eau douce au sein des mêmes marnes. La Société d’émulation du Doubs insérait en 1854, volume VII, page 25, un travail de M. Sautier, sur les environs des Rousses, dans lequel ce géologue reconnaissait nettement, au-dessous des marnes d’Hauterive, l’étage valenginien deM. Desor, établissait plus nettement encore Yorigine lacustre des marnes wealdiennes, et adoptait sans restriction l’opinion émise par moi en 1853, savoir : « que les couches wealdiennes, par leur position et par leur faune, constituent une for- mation distincte, se rattachant géographiquement et orographique- ment à la formation jurassique » (p. 26). Je publiais, dans le même volume VII, plusieurs espèces nouvelles de coquilles fossiles découvertes dans la chaîne du Jura, parmi les- quelles se trouvent figurées la Planorbis Loryi et la Physa wealdiana , Coq., recueillies par M. Sautier aux environs des Rousses. Lors de la réunion de la Société helvétique à la Chaux-dê-Fonds, SÉANCE DU 21 JUIN 1858. 61 A C’est à M. Pidaneet que revient l’honneur d’avoir signalé, en 18/17, le premier, dans la chaîne du Jura, au-dessus des dernières assises portlandiennes et supportant les couches les plus inférieures du terrain néocomien, un système de couches marneuses ou cal- caires, contenant par places des amas gypseux susceptibles d’être exploités, circonstance qui engagea ce géologue à le désigner par le nom de keuper de la craie. M. Lory y reconnut plus tard des fossiles d’eau douce, et, d’après la nature de ces fossiles, il le dis- tingue du terrain néocomien et le regarde comme représentant le groupe wealdien de l’Angleterre. Dans une notice publiée en (1) sur les dépôts néocomiens et weaidiens et sur les dolomies portlandiennes dans les hautes vallées du Jura, aux environs des Rousses, M. Sautier a très bien indiqué les relations de ces divers étages et adopté l’opinion que j’avais exprimée en 1853 (2); il considère les dépôts weaidiens comme faisant partie de V étage portlanclien , dans lequel ils for- ment une subdivision distincte à la vérité , mais dont la liaison avec f ensemble est bien marquée par les dolomies. M. Lory vient d’enrichir tout récemment la science (3) d’un Mémoire fort important sur les terrains crétacés du Jura et dans lequel il décrit le terrain qu’il appelait du nom de wealdien, en 18fi9, nom qu’il propose aujourd’hui de remplacer par celui de couches de Purbeck. M. Lory reconnaît que la formation wealdienne présente deux faciès distincts, l’un ordinaire, dont les caractères sont d’une grande constance , l’autre exceptionnel, dans l’année 1 856, j’eus l’honneur de guider mes honorables confrères sur le gisement même de Villers-le-Lac cité par M. Renevier, et la découverte de quelques fossiles d’eau douce nous fit reconnaître, sur place même, son origine lacustre. J’eus l’occasion, dans la séance publique qui eut lieu le lendemain de la course, de déduire, en pré- sence de MM. Mérian, Studer, Desor, Nicolet, Blanchet, Marcou, Bayle, Greppin, etc., les motifs qui m’engageaient à rapporter les marnes dites wealdiennes du Jura à la formation jurassique. Certainement, tous ces travaux et tous ces faits ont été ignorés de M. Renevier, car il n’eût point, sans cela, annoncé comme nouvelle pour la science la découverte des fossiles d’eau douce à Villers-le-Lac, et surtout il n’eût point avancé que la nature nymphéenne des couches qui les contiennent était restée jusqu’à présent plus ou moins problématique. La communication de ce savant n’est pas moins très intéressante; elle confirme la justesse des vues des géologues français. (1) Mém. de la Soc. d’étnul. du Doubs , vol. VU, p. 25. Ibid., vol. IV, p. 44 5. NOTE DE M. COQUAND. 615 local, propre à certains points de la Franche-Comté et du canton de Neuchâtel et caractérisé par la présence du gypse en rognons ou en amas plus ou moins étendus. Faciès ordinaire. — La puissance moyenne de l’étage peut s’évaluer à une quinzaine de mètres : il se compose d'argiles grumeleuses, d’un gris un peu foncé, tirant sur le verdâtre, et de calcaires gris , compactes , formant des couches généralement minces, d’un à trois décimètres. C’est dans ces calcaires que MM. Lory et Sautier, l’un à Chary près Nantua, et l’autre près des Rousses, ont découvert des fossiles appartenant aux genres Planorbis [P. Loryi , Coquand), Physa [P. wealdiaiui , Coquand), Lymnœa , Melania , Cyclus , Corbula , ainsi que des écailles de poisson et des matières charbonneuses. Faciès exceptionnel à gypse et à calcaire magnésien.. — Ce faciès est propre à quelques parties de l’arrondissement de Pontarlier et des régions voisines, sans que l’on puisse nettement tracer les limites géographiques de sa distribution ; car, dans des localités très rapprochées, on passe brusquement du faciès ordinaire au faciès gypseux le mieux développé. Yanclans, Orchamps-Vennes, Mont- de-Laval, Ville-du-Pont, la Brévine, Sainte-Croix, la Rivière et Foncine, sont les points principaux où on avait signalé la présence du gypse. Ce terrain consiste principalement en marnes d’un bleu noirâtre, souvent un peu bigarrées de teintes analogues à celles des marnes keupériennes; elles leur ressemblent encore plug par leur alternance avec des calcaires magnésiens cloisonnés, marneux, jaunâtres. Le gypse s’y rencontre en rognons ou en amas couchés, dont la puissance est très variable et ne se main- tient jamais sur une grande étendue ; il est blanc, subcristallin ou fibreux. Comme on le voit par ces descriptions sommaires extraites du Mémoire de M. Lory, les couches gypseuses dans le Jura se com- portent, quant à leur position et à leur composition, exactement comme les marnes gypseuses des deux Charentes, et la présence du gypse dans ces deux contrées éloignées l’une de l’autre n’est pas la particularité la moins intéressante à signaler; elles consti- tuent une formation lacustre locale. En effet, si le portlandien est séparé dans la plaine du Pays-Bas de la formation crétacée par les argiles de Purbeck,dans toute l’étendue du bassin que celles-ci occupent, nous le voyons recouvert directement par les grès verts en dehors des limites de ce même bassin. Or, il en est de même dans la chaîne du Jura, où l’on trouve constamment le portlan- 616 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. «.lien recouvert par le néocomien inférieur, excepté sur les points où se développent les couches de Purbeck. Nous avons déjà donné les raisons qui nous faisaient considérer les argiles gypsifères du Jura comme équivalentes de celles des deux Charentes et comme une dépendance de la formation juras- sique. C’est aussi la même place que semble leur attribuer M. Lory en 1852 (1), dans son Essai sur la montagne de la Grande-Char- treuse?, où l’auteur, revenant sur les rapports qui existent entre le terrain néocomien et les assises lacustres placées à sa base, recon- naît que les fossiles assimilent ces dernières au dépôt wealdien du midi de l’Angleterre, et que, « de même que celui-ci, du moins au » point de vue de plusieurs géologues, elles se lient intimement » avec l’assise portlandienne supérieure bien plus qu’avec le ter- » rain néocomien; elles constituent plutôt la dernière assise du » terrain jurassique que la première des terrains crétacés. » Il serait inutile de pousser plus loin les rapprochements entre les étages purbeckiens du Jura et de la Charente. Les travaux cités de MM. Lory et Sautier les rendent manifestes à chaque page. On sait que l’ensemble des couches qu’on a signalé dans le sud- est de l’Angleterre, entre le terrain néocomien et le calcaire de Portland, a été longtemps désigné sous le nom unique de for - mation wealdicnnc, laquelle comprenait les argiles du Weald, les sables d’Hastings et les couches de Purbeck. M. Forbes, dans sa description du Purbeck du Dorsetshire en 1850 , a constaté que les couches de Purbeck appartenaient par leurs débris organiques à la série jurassique et les a séparées des sables d’Hastings et des argiles de Weald qui restent attribués à la formation crétacée. Cette séparation, amenée principalement à la suite de consi- dérations purement paléontologiques, pourrait peut-être être con- testée pour l’Angleterre et pour le Jura, où la série des étages des formations jurassique et crétacée se montre complète et en con- cordance de stratification. Mais la Charente est placée à l’abri de toute contestation de ce genre par sa constitution géologique. En effet, les argiles gypsifères font partie, dans le sud-ouest, du grand système jurassique ; et, comme de plus les étages néocomiens et du gault manquent complètement dans le sud-ouest, il devient évident que les couches de Purbeck avaient été soulevées avant (1) Bull, delà Soc. de statist. de l’Isère. NOTE DE IB. COQUÀND. 617 le dépôt du terrain néoconiien et sont restées cmergées jusqu’à l’époque où la mer crétacée envahit pour la première fois la contrée ; or, cette époque remonte incontestablemet à la date des grès verts supérieurs. Cette question nous conduit à rechercher l’influence que 1? soulèvement, désigné par M. Elie de Beaumont par le nom de système de la Côte-d’Or, a pu exercer sur l’orographie du dépar- tement de la Charente, et par conséquent sur les couches de Pur- beck. Suivant l’illustre auteur des Systèmes de montagnes , les accidents du sol qui ont été la conséquence de la convulsion sur- venue dans l’intervalle des deux périodes jurassique et crétacée se dirigent à peu près du nord-est au sud-ouest. M. Eliede Beaumont en reconnaît des traces dans les hautes vallées longitudinales des montagnes du Jura, dont le fond de plusieurs d’entre elles est occupé par des assises des étages néoconiien et du grès vert, les- quelles ne s’élèvent pas sur les crêtes intermédiaires qui semblent avoir fourni autant d’îles et de presqu’îles, et être par conséquent d’une date plus récente. Cette conclusion relative à la chaîne du Jura a été attaquée par MM. Pidancet et Lory (1), qui se sont appliqués à montrer que les discordances signalées n’étaient qu’ap- parentes et le résultat de failles, et que le terrain néocomien que MM. Itier, Marcou, etc., supposaient n’exister jamais sur les sommités de la chaîne, se montrait au contraire indistinctement dans toutes les altitudes, dans les basses vallée de la Haute-Saône, comme dans la vallée de Dappes, sur le plateau des Rousses, de Saint-Cergues et même à la Dole, à 1600 mètres de hauteur, qui est le niveau le plus élevé de toute la chaîne du Jura. Aussi, suivant M. Lory, la chaîne du Jura méridional n’aurait été sou- levée que postérieurement au dépôt du terrain néocomien et pro- bablement à celui du gault et de la craie chloritée, c’est-à-dire à l’époque où M. Elie de Beaumont a placé le soulèvement du Mont-Viso. Ces observations dirigées avec soin par deux géologues versés dans la connaissance orographique de la contrée, établissant la concor- dance entre la formation crétacée et jurassique dans la chaîne des monts Jura, ont eu pour résultat d’attaquer dans l’esprit d’un grand nombre la réalité du système de la Côte-d’Or. Mais, si les faits ap- portés dans la discussion par MM. Pidancet et Lory peuvent être invoqués par ceux qui refusent au soulèvement de la Côte-d’Or (1) Bull, de la Soc. géol ., 1847. — Mém. de la Soc. d'énïul . du Doubs , 1 848. — Ibidem , 1857. 618 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. toute participation dans la dislocation des montagnes du Jura, on ne serait pas en droit d’en arguer cependant contre l’existence même de ce soulèvement. La Charente serait là pour protester contre cette négation. Sans parler ici de quelques failles dirigées du nord-est au sud-ouest que j’ai eu l’occasion de reconnaître à Nanteuil et à Yieux-Ruffec , sans m’appuyer sur la direction N.-E.-S.-O., que les étages du lias et de Foolithe inférieure pren- nent vers la bande granitique depuis le bord de la Tardouère jusqu’au-dessus d’Epenède, je n’ai qu’à rappeler les relations que j’ai indiquées dans ce travail entre les étages de la formation ju- rassique et ceux de la formation crétacée , pour en déduire, comme conséquence nécessaire, qu’un premier soulèvement (celui de la Côte-d’Or) mit fin à la formation jurassique, y compris les couches de Purbeck; qu’un très long intervalle marqué par toute la durée du dépôt des étages néocomien et du gault s’écoula entre ce soulèvement et l’époque où la mer crétacée vint envahir le sud-ouest; or cette invasion date de l’àge des grès verts supérieurs. 11 faut donc admettre de toute nécessité que le terrain jurassique, qui resta émergé tout le temps pendant lequel se déposèrent ailleurs le terrain néocomien et le gault, ne put être atteint par la mer crétacée qu’à la suite d’un bouleversement plus ancien que celui de la Côte-d’Or, et plus moderne que celui du Mont- Viso. Le difficile est de pouvoir saisir nettement en ce moment les traces de ce soulèvement ; mais je suis convaincu qu’on finira par en reconnaître les indices dans d’autres contrées. La formation crétacée des Pyrénées me paraît avoir les plus grands rapports avec celle des deux Charentes; je n’y ai jamais trouvé les couches du gault, et, de plus, je pense que les calcaires à Dicérates, attribués généralement au terrain néocomien, appar- tiennent plutôt à quelque étage des grès verts supérieurs de la vallée de la Sais, dans le département de l’Aude. Si la connaissance que neuf années d’étude m’ont donnée de la géologie de la Cha- rente me rend plus affirmatif sur les divisions de la craie de cette contrée, je n’émets qu’avec beaucoup de réserve une opinion sur les Pyrénées. Mais, en me reportant au temps où je parcourais cette chaîne et en consultant les fossiles que j’en ai rapportés, je ne vois que des espèces du grès vert supérieur et pas une seule des étages néocomien et du gault, et je soupçonne que la plupart des calcaires qu’à cette époque, d’accord avec tous les géologues, j’avais pris pour des calcaires néocomiens, sont au contraire les équivalents des calcaires blancs à rudistesde M. d’Ârchiac, c’est-à- dire de mes étages angoumien et provencien Dans tous les cas, il NOTE DE M. COQUAND. 619 existe certainement entre le terrain néocomien supérieur (étage urgonien d’Àlc. d’Orbigny) et les grès verts supérieurs une pé- riode d’interruption qui correspond à une révolution qui tôt ou tard occupera son rang, et augmentera le nombre des systèmes re- connus par M. Elie de Beaumont. Si ces prévisions se changeaient en certitude, le système crétacé du bassin pyrénéen, qui embrasse naturellement aussi les dépôts des deux Charentes, de la Dordogne et du Lot, serait moins complet que dans la Provence, le bassin de la Seine et en Angle- terre, et ne comprendrait, au-dessus de l’étage urgonien, que l’ensemble des assises du grès vert supérieur et celles de la craie supérieure. Nous savons aussi que, dans la chaîne du Jura, la craie chloritée n’est représentée que par la faune de Sainte-Catherine, près de Rouen, et qu’on n’y remarque pas les couches plus récentes du Midi, de la Touraine et du Sud-Ouest. On sait, d’un autre côté, que dans la Charente la craie inférieure n’existe qu’à partir du niveau de Y Ostrea columba ; de sorte que le Jura et le sud-ouest delà France offriraient la série complète de la formation crétacée, sans qu’on pût remarquer entre elles un seul terme commun, si, par la pensée, on superposait les étages d’une contrée aux étages de l’autre. La mer crétacée, en un mot, s’était retirée du Jura, quand elle vint occuper le bassin pyrénéen (1). Nous nous bornons à ces simples rapprochements, qu’il serait téméraire de pousser plus loin ; mais l’hiatus qui existe dans la craie de la Charente implique nécessairement l’intervention d’un mouvement survenu dans la mer crétacée avant la période des (l) Les recherches récentes de M. Leymerie ont fait faire un grand pas à la question. Si, comme cela me paraît bien établi, le calcaire à Dicérates des Pyrénées devient l’équivalent de mon étage carentonien à Sphcëralites foliaceus , le terrain néocomien tout entier, le groupe du gault et l’étage rothomagien y manqueraient complètement comme dans les deux Charentes ; et la craie des Pyrénées ne serait autre chose que la craie du sud-ouest redressée, y compris la craie supé- rieure dans laquelle la présence du Micraster brevis , de Y Ananchytcs ovatasl de l’ Hernipneiistes striato-radiatus, indique bien clairement nos étages santonien et campanien. Lorsque ces divers points, si bien élucidés par les travaux de M. Leymerie, seront admis sans contesta- tion dans la science, ce sera encore un des triomphes de la paléonto- logie , car elle aura servi à redresser une des erreurs commises au nom de la stratigraphie, et l’on ne dira pas que, dans le cas dont il s’agit, elle a été aidée par les ressemblances minéralogiques. 020 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. grès verts supérieurs, et c’est sur ce mouvement que, en terminant, nous appelons l’attention des géologues qui seraient à portée de répondre à cette question ou de l’élucider. M. Bayle, à ce sujet, établit les rapports des calcaires à Dicérates des Pyrénées et de la Provence, et ajoute que dans la montagne de la Clape, voisine des Gorbiéres, ces deux cal- caires se rencontrent ; il n’y a point dans cette montagne deux niveaux différents de Chaîna ammonia ; comme l’a prétendu M. d’Archiac, les fossiles de ces deux horizons sont différents, quoique offrant de la ressemblance. M. Nérée Boubée fait observer que, il y a longtemps déjà, il a émis l’idée que le terrain wealdien est l’équivalent lacustre du terrain néocomien. M. Pierre Gratiolet lit la note suivante : Note sur un fragment de crâne trouvé a Montrouge , près Paris ; par M. Gratiolet (pl. Y). Le fragment dont il est question dans cette note appartient à un marchand naturaliste de Paris, M. Vasseur, et m’a été commu- niqué par M. Lartet ; un ouvrier l’a trouvé en creusant un puits à Montrouge, probablement dans le diluvium ; mais on n’a recueilli sur son gisement aucun détail bien certain. Il comprend la plus grande partie de la moitié latérale gauche du crâne d’un animal inconnu ; malheureusementlesos de la face et l’extrémité antérieure du frontal manquent complètement ; tout ce qui reste est d’une belle conservation ; la structure des os est à peu de chose près intacte ; les surfaces en sont à peine altérées en quelques endroits. On distingue avec la plus grande évidence : d’un côté les régions temporo-pariétales, la plus grande partie de l’apophyse mastoïde, la racine temporale de l’arcade zygomatique, et le conduit auditif externe; de l’autre, une assez grande partie de la loge cérébrale, une portion notable d’une tente du cervelet, mince, mais parfai- tement osseuse, une assez grande partie de la caisse et enfin la face interne de l’apophyse mastoïde. Sauf la tente du cervelet, toutes ces parties sont remarquables par la grande épaisseur des os qui les constituent. Je vais indiquer brièvement les principales particularités qu’elles présentent; ces particularités paraîtront suffisantes, je l’espère, pour Bull, delà Soe. Géol. de France. Note deM. Pierre (Erratiolet sur Odolenothenumlartetianum , Gratiolet,^ de la grandeur naturelle. H. Formant ad nat. del. NOTE DE M. GRÀTlOLET. 621 justifier les conclusions que je vais avoir l’honneur de soumettre à la Société : § 1. — Description de la face externe du fragment. ! i I I Cette face est fort remarquable et comprend la plus grande partie de la fosse temporale gauche ; elle est limitée, en haut , par une crête élevée et saillante sur laquelle je reviendrai dans un instant et qui se termine, en s’inclinant, un peu au-dessus du conduit auditif externe ; inférieurement, par la racine épaisse et très divergente de l’apophyse zygomatique ; antérieurement , par une fracture qui a séparé assez exactement la face du crâne, et qui existe à peu près au niveau de la région orbitaire. Le pariétal est très peu saillant en arrière, les régions tempo- rales sont peu bombées en arrière, et, loin de se déprimer en avant, elles semblent s’élargir au contraire de ce côté, ce qui paraît tenir surtout à un énorme épaississement des parois osseuses dans ce point. La surface de l’os présente dans cette région de larges gouttières vasculaires semblables à celles qu’on observe sur le crâne du Morse ; plus en arrière elle est recouverte d’aspérités qui donnaient certainement attache à un muscle temporal très puissant. La racine temporale de l’arc zygomatique présente à sa face inférieure des traces non équivoques d’une cavité glénoïde grande et transversale ; malheureusement le pourtour de cette cavité est altéré par une usure profonde. L’apophyse mastoïde, bien que fracturée à sa partie postérieure, est très volumineuse et fortement prolongée en arrière ; sa direc- tion est telle que sa face postérieure, évidemment confondue avec l’occipital et qui constituait avec ce dernier os la face postérieure du crâne, regarde en haut et semble faire partie de sa face supé- rieure. Le conduit auditif externe, situé entre cette apophyse et la racine de l’arc zygomatique, est large et se dirige * fortement en bas et surtout en arrière ; cette direction est très anormale, et nous la remarquerons ici avec une insistance toute particulière. §2. — Face interne du fragment. Cette face comprend une grande partie de la moitié gauche de la loge cérébrale, une portion notable d’une tente du cervelet mince mais parfaitement ossifiée, la paroi externe de la caisse auditive et le cadre du tympan, enfin, plus en arrière, la face interne de 622 SEANCE DU 21 JUIN 1858. l’apophyse masto'ide. L’examen des fractures périphériques permet de constater l’épaisseur des os du crâne et la nature celluleuse de leur diploé. La portion de loge cérébrale dont nous venons de parler indi- que un encéphale globuleux. Chaque hémisphère avait deux grands lobes dont l’antérieur l’emportait sur le postérieur dont il était séparé par une scissure presque verticale. Les circonvolutions cérébrales étaient saillantes et compliquées. Ces particularités sont clairement indiquées par la présence d’une colline qui sépare la loge cérébrale en deux fosses, dont l’antérieure est évidemment la plus grande, et par des impressions profondes qui donnent à la face interne du crâne un aspect mamelonné. Le cerveau, bien que très grand, n’avait point le volume qu’au- raient pu faire supposer, au premier abord, les dimensions exté- rieures du crâne, à cause de l’énorme épaisseur des parois de celui-ci ; cette épaisseur vers la partie antérieure atteint, en bas , 6 centimètres ; au haut de la fosse temporale , 3 centimètres 1/2 ; à la partie supérieure du crâne, l\ centimètres 1/2. Elle est énorme vers les parties inférieures delà loge cérébrale. D’ailleurs, toutes les autres parties du crâne, apophyse masto'ide, caisse, racine de l’arc zygomatique, sont remarquables par une épaisseur pareille. Le diploé, très abondant, est compacte et fort serré, ce qui donne à l’ensemble du fragment un poids considérable. La loge cérébelleuse est presque en totalité détruite ; mais, si l’on tient compte des relations de la tente osseuse du cervelet et de sa configuration, il est facile de voir que cette loge était large, mais peu élevée, et débordait très peu en arrière la loge cérébrale. § 3. — Face supérieure du crâne . Cette face était surtout remarquable par une sorte de plate- forme osseuse qui la recouvre en forme de bouclier. Au milieu de la plate-forme existe une fosse large presque circulaire et relati- vement très profonde. Autour de cette fosse l’os est épais et ru- gueux. Elle correspond à la partie moyenne de la loge cérébrale; son rôle était probablement de fournir à quelques grands muscles des points d’attache solides. § â. — ■ Discussion des faits. A quel animal appartenait le fragment que nous venons de dé- crire rapidement; à quel genre d’animaux vivants ou fossiles NOTE DE M. GRATIOLEÎ. 623 peut-on le rapporter? Cette question, si on se fonde sur les faits que nous avons indiqués, ne paraîtra pas difficile à résoudre. La grandeur de la fosse temporale, la saillie des crêtes qui les bordent, l’étendue et la puissance de l’arc zygomatique, la direc- tion transversale de la cavité glénoïde, et, par-dessus tout, l’exis- tence d’une tente du cervelet osseuse, indiquent un animal car- nassier. Ce carnassier était -il terrestre ou aquatique? Il était certaine- ment aquatique ; la grandeur de la caisse l’indique ; la forme globuleuse du cerveau, sa division en deux lobes, dont l’antérieur est le plus grand, la direction presque verticale de la scissure qui les séparait, le démontrent. Tous ces caractères ne peuvent con- venir qu’à un animal de la grande famille des phoques. Notre animal différait cependant des phoques proprement dits par la prodigieuse épaisseur des os crâniens, parle développement excessif des apophyses mastoïdes, dont la petitesse est caractéris- tique des vrais phoques, enfin par le défaut d’étranglement du crâne au niveau de sa vertèbre frontale. Il différait aussi des morses, qui ont, il est vrai, des apophyses mastoïdes très grandes, mais presque verticales et saillantes à la partie inférieure du crâne, tandis qu’ici elles se prolongeaient presque horizontalement en arrière. On peut noter d’autres différences. Dans le morse, la racine de l’arcade zygomatique se dirige immédiatement en avant, d’où il résulte que cet arc s’éloigne très peu du crâne ; dans notre animal, cette racine s’écarte beaucoup du temporal, ce qui indique en même temps une arcade zygomatique grande comme dans les phoques, et des habitudes carnassières très prononcées. Dans le morse et dans tous les phoques connus, le conduit audi- tif externe se dirige en avant ; dans le cas qui nous occupe, il est sensiblement dirigé en arrière. Enfin, ni les phoques ni les morses ne présentent aucune trace de ce bouclier osseux excavé à son centre, qui recouvre le crâne de notre animal ; ce bouclier et sa fosse médiane donnaient proba- blement attache à un muffle puissant, et peut-être à une trompe comprise entre deux canines que nous jugerons énormes, si nous nous fondons sur l’élargissement du crâne au-devant des parié- taux ; ce n’est là toutefois qu’une hypothèse. Il ne s’agit donc ici ni d’un phoque proprement dit, ni d’un morse, mais de quelque animal intermédiaire à ces deux types, mais plus voisin probablement du dernier, si l’on en juge par l’épaisseur des os et la grandeur de l’apophyse mastoïde. SÉANCE DU 21 JUIN 185S. m Il me semble donc devoir former le type d’un nouveau groupe dans la grande famille des carnassiers aquatiques ; ainsi les faits que je viens d’indiquer paraîtront peut-être justifier l’établissement d’un genre nouveau, pour lequel en ayant égard à l’un des anciens noms de morse, je propose le nom d’OnoBÈNOTHÈRE ; quant à la seule espèce connue aujourd’hui, je demande la permission de la dédier à notre savant paléontologiste M. Lartet, sous le nom d’ Odobènothèrc de Lartet ( Odohenotherium Lartetianum). Les natu- ralistes consacreront, je l’espère, en l’adoptant, ce témoignage d’une estime profonde et de ma reconnaissance. Explication de la planche . Fig. 1. — Fragment du crâne de Y Odobènothère de Lartet , profil externe du crâne, demi-grandeur. A. Région temporo-pariétale. B. Racine de l’arc zygomatique. C. Apophyse mastoïde prolongée en arrière. D. D. Crête qui circonscrit la fosse temporale. E. Conduit auditif externe dirigé en arrière. F. Plateau osseux en forme de bouclier, qui occupe le côté supé- rieur du crâne. G. Rainure profondément accusée, qui ledistingueen avantd’avec la fosse temporale. Fig. 2. — Le même fragment vu dans sa face supérieure. A. Fosse temporale. B. Racine de l’arc zygomatique. C. Apophyse mastoïde. E. Rebord saillant du bouclier osseux supérieur. F. Fosse arrondie qui occupe la région centrale du bouclier. Fig. 3. — Face interne ou cérébrale du fragment. C. Apophyse mastoïde. I. Caisse. K. Tente osseuse du cervelet. L. L. Les deux loges de la cavité cérébrale séparées par la col- line M, presque verticalement dirigée. Fig. 4. — Profil d’une tête du Trichechus Ros niants, tiré de Y Ostéogra- phie de Blainville. (Cette figure est destinée à montrer quelques-unes des différences qui distinguent le crâne de l’Odobènothère de celui du morse.) B. Apophyse zygomatique immédiatement dirigée en avant. C. Apophyse mastoïde très grande; elle descend presque vertica- lement à la partie inférieure du crâne. E. Absence de bouclier à la partie supérieure de ce crâne. NOTE I)E M. TERQIEM. 655 M. Hébert lit la note suivante de M. Terquem en réponse à M. Dewalque : Note en réponse aux observations sur V âge des grès liasiques du Luxembourg par M. Dewalque , insérées dans le Bulle- tin, de mai à septembre 1857 ; par M. 0. Terquem. Je m’étais promis de ne plus rompre de lance en i’iionneur du grès de Luxembourg, question interminable, toujours renaissante de ses cendres, éternel sujet de publications, observations et répli- ques, lorsque la communication de M. Dewalque est venue mo- difier ma résolution. C’est donc avec regret que j’écris cette note, non pour défendre mon œuvre ni mes opinions, maisbien parce que je regarde comme un devoir de rectifier quelques erreurs que M. Dewalque a com- mises à mon endroit. Avant d’entrer dans la discussion, il faut d’abord reconnaître que dans tout problème géologique il convient de tenir compte de trois lois : 1° la stratigraphie ; 2° la pétrographie ; 3° la paléon- tologie. Nous verrons comment ces lois ont été observées dans la discussion et quelle est l’application qu’elles ont reçues. Dans mon travail sur Hettange, j’ai eu surtout pour but de démontrer que la faune de Hettange était tellement exceptionnelle et significative, qu’elle pouvait servir de guide partout où elle se rencontrerait, sans avoir à tenir compte de la pétrographie, et qu’elle donnerait aussi des indications exactes sur la stratigraphie. Mes opinions sur la géologie de cette contrée se trouvant expo- sées dans plusieurs notes insérées dans le Bulletin , et surtout dans les comptes rendus de la réunion extraordinaire à Metz, opinions que je maintiens dans toute leur intégrité, laissant au temps le soin de prouver qui de mes antagonistes ou de moi se trouve plus près de la vérité , je crus ne devoir donner que trois coupes principales qui résument ma manière de voir. Je dois dès l’abord l’explica- tion d’un fait; j’ai dit que « le grès de Luxembourg s'arrêtait a « Allert et ne se présentait plus au sud contre V Ardenne ; >» en effet il disparaît dans tout le Luxembourg belge pour se repro- duire dans le département des Ardennes. Ce fait établi, je prends l’analyse de la note de M. Dewalque (page 719). « La question de l’âge du grès de Hettange et de Luxembourg » est aujourd’hui bien près d’une solution généralement acc -ptée; Soc . géol,, 2e série, tome XV. 40 626 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. » chacun admet qu’ils forment une sorte de lentille dans le lias » inférieur. » D’abord qu’est-ce qu’une lentille? Pour le cas particulier, ce serait un dépôt, doué d’une pétro- graphie anormale (un grès) au sein d’une formation normale (le calcaire à Gryphites) et qui posséderait une certaine étendue. Pour le grand-duché de Luxembourg , depuis Echternach jusqu’à Elorenville et au delà, mettons 25 lieues. Les mêmes caractères stratigraphiques, pétrograpliiques et pa- léontologiques se trouvent dans le département des Ardennes; ajoutons 25 lieues. On les a constatés identiques aux portes de Metz ; soit 9 lieues. M. Lebrun les a reconnus près de Nancy; soit 15 lieues. Il en est de même à Semur (Côte-d’Or), en passant par Langres ; soit, en chiffre rond, 50 lieues à ajouter. M. Dunker a publié une faune et une stratigraphie identique pour Halberstadt ; je ne compte plus les distances. Pour le lias de la Souabe, M. Quenstedt a littéralement calqué mon travail, pour la description géologique des environs de Gœpping, dont voici le résumé stratigrapliique : Grès keupérien de Helmsingen et de Lœvelange Bonebed Calcaire grèso-bitumineux (sans Gry- phées arquées) S Bancs à Cardinies. ....... Bancs à fossiles de Hettange. . . (Grès schistoïdes, à plantes et à saxicaves Calcaire à Gryphées arquées Cloac. Bonebed. Psilonoten-Banck. Thalassiten-Banck. Angulaten-Banck. Mamelstein. Tropfen-platte. Gryphiten-Kalk. M. Oppel, dans son étude raisonnée et comparée de la formation jurassique en Angleterre, en France et dans le sud-ouest de l’Alle- magne (1), donne pour ces trois royaumes des divisions identiques avec celles que j’ai exposées ci-dessus. Cet auteur dit (lre partie, page 20) : « Le bonebed n’a pas encore été reconnu dans le » Luxembourg; sans aucun doute, c’est le grès et le sable dè Mar- » tinsart » (Chapuis et Dewalque, page 9). En effet, je trouve à (1) Die Juraformation En glands , Frankreichs und des su d- w est- lichen Deutschlandsy von Dr Albert Oppel. Stuttgart, 1856. Erstes Heft. NOTE DE M. TEROUEM. 627 cette indication : « Cet étage peu développé repose en stratification » concordante sur les marnes du trias. » Dans une plus récente publication (1), M. Oppel signale « les » recherches de M. de Hovel, qui a reconnu dans le Luxembourg » la présence du bonebed et d’un grès fossilifère sous-jacent » (Ekingen et Dalheim près Mondorf). Cette assise gréseuse est » identique avec celle qui a été signalée en Allemagne (Kossen) , » et considérée comme un grès constituant la partie inférieure du » bonebed (Bonebed-Sandstein). d M. Oppel exprime avec raison « le doute ( Juraformation , » page 24), si le bonebed avec son grès doit être rapporté au lias, » dont il constituerait dans ce cas l’assise la plus inférieure ; les » fossiles du grès engagent, au contraire, à la considérer comme la » dernière formation keupérienne. » En effet, la faune de ce grès, publiée par M. Quenstedt, a tout le faciès triasique et on y remar- que des formes analogues aux Myophories, et nullement celles des Trigonies. « Enfin, MM. Merian et Escher de la Linth ont reconnu dans » le marbre rouge des environs du lac de Corne, deux couches » fossilifères dans le keuper, le Saint-Cassian inférieur et le supé- » rieur, celui-ci se rapportant à l’assise du Kossen, et par consé- » quent à celle du Luxembourg. » (Oppel, page 24.) Ainsi les géologues de la Suisse et de l’Allemagne viennent con- firmer ce que j’avançais dans mon Mémoire sur ïiettange ( Introd . , page 2). Le grès de Helmsingen, Lœvelange, Martinsart, etc., ter- mine la formation des marnes irisées, et ne saurait être compris dans la formation basique. De l’ensemble de ces premiers faits on peut déduire ces con- clusions : 1° le bonebed et le grès fossilifère qui l’accompagne appartiennent au keuper ; 2° le grès de Luxembourg et de Het- tange ne constituent pas une lentille dans le calcaire à Gryphites, mais il se montre là comme dans l’intérieur de la France, en An- gleterre et en Allemagne, avec sa pétrographie et sa paléontologie normales. M. Dewalque ( Observation , 1857, page 720), qui répète une phrase de ses précédentes publications, dit que « le Bulletin de la » Société renferme à ce sujet (grès du Luxembourg) des opinions » que nous ne pouvons laisser accepter par la science, »-et s’étonne que la Société, dans sa session extraordinaire, ne se soit occupée (1) itéré nachweisè des Kôssener Schichten in Schwaben und in Luxembourg , Oppel. Wien, 1858. 028 SÉANCE DÉ 21 J LIN 1858. que d’une seule question, à savoir, si le calcaire à Gryphites est sur ou sous les grès de Hettange, et que chacun sait aujourd’hui qu il s’agit d’autre chose encore. J’ignore ce que cette autre chose veut dire, mais je sais de science certaine que les excursions de la Société apportèrent une confirmation pleine et entière à tous les faits que j’avais avancés, ainsi qu’à ma manière de voir pour les coupes que j’avais pro- duites à l’appui ; je sais encore que MM. Hébert et Ed.Piette ont eu le tort aux yeux de M. Dewalque de constater les mêmes faits dans le département des Ardennes ; je sais enfin que M. Dewalque est seul de son opinion, comme je l’ai déjà dé- montré pour une partie et que j’aurai à le faire pour le reste. Dans la note insérée dans le Bulletin du 6 février- 185à , M. Dewalque reconnaît pour la première fois un grès d’Arlon en même temps qu’un sable d’Eth, avec leurs faunes, sans dire à quelle circonstance il doit ce changement de stratification. Toutefois je signalerai ici une légère erreur ; car Eth (le vallon), indiqué pour une assise spéciale, et renfermant au contraire le lias inférieur et moyen, peut conduire à confondre les deux assises ; il fallait dire Arlon et Yirton, ou mieux encore Breux ; cette der- nière localité renferme les fossiles caractéristiques du calcaire à Bélemnites de M. d’Omalius, Ammonites Guibalianus , A. Brui- gnieri , Nautilus affinis , Mytilus subparallelus , etc. Je n’analyserai pas la communication dans son entier, et je me contenterai de lui emprunter (page 2à5) cette phrase, qui donne un aperçu des idées stratigrapliiques de M. Dewalque : « Envisagé comme nous le faisons, le grès de Luxembourg cor- » respond donc à la partie inférieure du calcaire sableux de » Boblaye, du calcaire à Bélemnites d’Orval de M. d’Omalius, et » du calcaire sableux de MM. Sauvage et Buvignier, dont la divi- » sion inférieure est l’exact équivalent et la continuation de notre » grès de Luxembourg, sous le méridien de Yirton, c’est le grès >* de Hettange. » Puis cette phrase (page 250) : « On dit, par exemple : Le grès » de Hettange, celui de Luxembourg, sont recouverts parle cal- » caire à Gryphées; donc ils sont infraliasiques.» A quoi l’on a ré- pondu : « Non, le grès de Hettange n’est pas inlraliasique, car il » repose à Distrofïsur le calcaire à Gryphées, qui recouvre le grès » de Kédange, un type infraliasique; le grès de Luxembourg » repose sur des argiles à Ammonites de l’âge de la Gryphée » arquée ; donc il n’est pas infraliasique. » Cependant je me permettrai de poser deux questions: M. De- NOTE DE M. TERQUEM. 629 walque, si affirmatif dans ses citations, a-t-il été à DistrofF, a-t-il vu le calcaire à Grypliées sous le grès de Hettange et sur le grès de Kédange; en second lieu, s’il a été à Hehnsingen et à Lœve- lange, y a-t-il trouvé la Grypliée arquée? D’après ce qui précède, je n’ai pas été étonné de voir M. Dewalque reprocher à M. [Piette d’avoir exprimé une opinion contraire à la sienne, et par conséquent erronée, pour n’avoir pas eu con- naissance de son travail ( Observ 18 mai 1857, page 721). Pour que cette observation ne portât pas à faux, M. Dewalque aurait dû dire lequel de ses travaux il aurait fallu consulter pour avoir une opinion, sou Mémoire couronné, ou sa Note de 1854 que je viens de citer, ou sa dernière communication ? Je n’entrerai pas avec M. Dewalque dans la description de la géologie des Ardennes (page 721), qu’il expose à sa manière. Mais je viens d’explorer ce département, sous la direction intelligente de M. Piette, et je dirai que la statigrapliie y est identique avec ce que j’ai établi pour le Luxembourg, et entièrement conforme à ce que MM. Hébert et Piette en ont écrit. Certes, en s'attachant à une carrière, à une localité, où il ne se produit qu’une assise isolée, comme à Warcq, à Rimogne, ou en ne tenant pas compte des modifications qu’une province a pu subir pendant ou après une formation, on peut y voir tout ce qu’on veut ; mais en est-il de même lorsque les assises se succèdent normalement avec leurs faunes, comme à Aiglemont et à Saint- Menge? Je signalerai cependant quelques anomalies qu’on rencontre dans le département des Ardennes, et qui ne se sont pas produites dans le Luxembourg. Un premier fait qu’on doit reconnaître, c’est que parfois le lias moyen qui succède au lias inférieur ne présente aucune modifi- cation dans la pétrographie et ne peut se distinguer que par sa faune ; ainsi le calcaire succède au calcaire à Grange-aux-Bois, et le grès au grès à Romery. Un second fait est qu’une assise ancienne peut se trouver à une altitude égale ou même supérieure à celle d’une autre assise plus récente. Un troisième fait est relatif au remaniement du lias, peut-être moins étendu que ne le pense M. Hébert, etpeut-être plus impor- tant que ne l’a vu M. Piette. Ce dernier géologue a remarqué récemment à Maubert un rema- niement qui donne : l°le grès infraliasique en place, recouvert par plusieurs bancs de 30 à 40 centimètres d’épaisseur, formés de 6B0 SÉANCE DU 2Î JUIN 1858. nodules de fer hydroxyde, très roulés, analogues à du bohnerz, empâtés par du grès et renfermant des fossiles du lias moyen et d’autres du lias inférieur, très peu roulés et parfaitement conser- vés, malgré leur ténuité ; l’ensemble est recouvert par une série de couches sableuses ou marneuses de 1 mètre 1/2 à 2 mètres de puissance et appartenant au diluvium. Enfin, comme dernier fait, je signalerai à Etales la présence du Belemnites acutus , dans sa partie la plus supérieure. On sait que ce fossile caractérise la fin du lias inférieur et qu’il ne se produit dans nos contrées qu’alors que la Gryphée arquée avait déjà cessé d’exister. Cette Bélemnite, fort rare dans la localité, y a-t-elle été amenée ou y a-t-elle vécu ? deux questions insolubles ; toutefois la Gryphée arquée manque complètement à Etales; les assises supérieures sont pétries de fossiles hettangiens, et les inférieures ne renferment presque uniquement que des Cardinies. Un mot en passant à propos du Cardinia securiformis , cité comme caractéristique par M. Dewalque. M. Agassiz a établi cette espèce sur un moule qui lui a été communiqué, et que d’Orbigny a rangé dans le sinémurien ( Prodrome , p. 217), en y joignant à tort le C. elongata , Dkr. , que je possède provenant de Halberstadt. D’Orbigny a également désigné [Prodrome, p. 235), sous le nom de C. Philea , une coquille de même taille que le C . securiformis, pro- venant de l’assise à Ammonites Buvigneri et Guibalianus. Ainsi, aucun de ces fossiles ne se trouve décrit ni dessiné, et, jusqu’à ce que leur diagnose soit bien connue, je crois qu’il convient de s’abstenir d’en considérer aucun comme caractéristique. Quant à la statigrapliie des Ardennes, indépendamment de ce que j’ai dit pour Etales, qui reproduit exactement ce que j’ai exposé dans mon Mémoire pour la Rochette, Ilehnsingen et Het- tange, je trouve la même succession que dans le Luxembourg. A Saint-Menge, le grès est très développé et présente une grande partie des fossiles de Hettange ; au-dessus des marnes d’un noir bleu, très sableuses, renfermant des Montlivaltia Guettardi et H ai m ci , et quelques rares Gry pliées arquées ; enfin la crête est couronnée par le calcaire à Gryphites en exploitation. Cette stratigraphie concorde avec celle d’Aiglemont avec ces modifications : 1° Les Montlivaltia Haimei se trouvent dans les assises supérieures du grès, accompagnées par quelques fossiles hettangiens* 2° les marnes à Gryphées arquées succèdent et ser- vent de niveau aux sources, assez proches du sommet de la côte ; 3° un grès sableux, stérile, identique avec celui d’Arlon, recouvre les marnes et le calcaire à Gryphites. NOTE DE M. TERQUEM. 631 Ainsi, la paléontologie, la pétrographie et la stratigraphie des Ardennes sont identiques avec ce qu’on trouve à Hettange et dans le Luxembourg. Je trouve dans la dernière publication de M. Dewalque (p. 723) cette phrase qui a besoin d’être analysée : « D’on autre côté, il est » avéré : 1° que la marne de Jamoigne, représentée sur la carte, » se continue à l’O. vers Warcq, à FE. vers Helmsingen ; 2° que » la partie correspondante du grès de Luxembourg se continue à » FO. avec le calcaire sableux inférieur, à FE. avec le grès de » Luxembourg, aux environs de cette ville ; 3° que notre marne » de Strassen se continue à FE. avec le même étage de Luxem- » bourg; U° que le grès de Yirton va se réunir au calcaire sableux » supérieur et moyen, au moins à FO. Je crois tout le monde com- » plétement d’accord sur ces points, de sorte que les preuves défi- » nitivesse trouveront sur le territoire dont j’ai essayé de présenter » la constitution géologique. » Je n’admets pas ces conclusions, et je me permettrai de m’ap- puyer sur l’opinion de ceux, qui comme moi, ne sont pas d’accord sur ces points. 1° Ce ne sont pas quelques lignes, que je dirai tracées au hasard, qui peuvent relier des points éloignés ; il faut se laisser guider par les lois géologiques. Est-ce la pétrographie ou la paléontologie qui ont conduit M. Dewalque à établir cette stra- tigraphie et ces rapports? Certainement non. Considérés isolément, ces trois points de Jamoigne, Helmsingen et Warcq, ne pré- sentent aucun élément qui permette de les rapprocher. À Jamoigne, rive gauche , on trouve avec desGryphées arquées, nombreuses, une grande quantité de fossiles de Hettange, entre autres X Ammonites angulatus (1). A Warcq, la succession des bancs normaux du calcaire avec des Gryphées arquées et quelques rares fossiles hettangiens. A Helmsingen, comme à Lœvelange et à Altwiess, aucun fossile caractéristique de Hettange ni aucune Gryphée arquée ; au con- traire, quelques Cardinies spéciales à l’assise et surtout X Ammonites planorbis ( psilonotus , Quenst.). Je pourrais demander encore ce que deviennent les localités intermédiaires entre ces trois points. Pourquoi sauter par-dessus Arlon et Strassen ? car Strassen a son point de repère au haut (1) A Jamoigne, rive droite , se présente le calcaire gréso-bitumi- neux, sans Gryphées, identique avec celui de Helmsingen. 632 SÉANCE DE 21 JUIN 1858. de la montée de Steinfort et celui-ci avec Arlon. De cette ville, en allant à Jamoigne, en ligne directe, on a constamment à droite et à gauche de la route , les marnes qui servent de niveau aux sources. D’un autre côté, de Jamoigne à Saint-Vincent et Belles-Fontaines, dans la direction de LE., on a la conti- nuation de la même assise, partout et toujours le calcaire à Grypliées arquées et le sable et le grès d’ Arlon et de Virton qui le recouvrent. Où donc trouver la connexion et les rapports entre Jamoigne et Helmsingen? D’ailleurs la différence des faunes et surtout des Ammonites, à défaut d’autres moyens, suffit pour résoudre la question. C’est dans ce sens que je la vois traitée par 3VI. Oppel. Ce géologue, dis- cutant la position de l’assise à Ammonites angulatus en Alle- magne et en France, s’exprime ainsi ( Jurajormation , lre partie, pages 32 et suivantes) : « La localité la plus riche en fossiles de » l’assise à A. angulatus est sans contredit Hettange, près de » Thionville (Moselle) ; nous attendons la publication de cette » faune qui comprend près de 200 espèces et qui est promise par » M. Terquem (de Metz). 11 ne saurait exister aucun doute sur la » stratigraphie de cette contrée, en raison des fossiles caractéris- » tiques qui accompagnent VA. angulatus dans le même gisement. » Cette formation a la plus grande analogie avec celle du même » âge des environs de Gmünd et de Gœpping. » Il esç plus difficile d’établir les limites de cette assise à » A. angulatus dans le lias inférieur de Luxembourg. M. d’Oma- » bus a placé les marnes de Jamoigne au-dessous du grès de >» Luxembourg. MM. Chapuis et Dewalque ont admis cette division » et ont décrit les fossiles qui s’y rencontrent; ils placent VA. angu- » latus dans les marnes de Jamoigne, accompagné par les Gryphées » arquées. D’après cela, ces marnes doivent être du même âge » que les couches inférieures de notre assise à A. angulatus , ce qui » ne concorde pas entièrement avec les faits normaux, en ce qu’une » partie de la formation gréseuse du Luxembourg s’étendrait >» encore au-dessus. D’une part, les fossiles ( Littorina clathrata » ( Chemnitzia aliéna ), Ccrithium conforme , Cardinia concinna% » C. crassiuscula , etc.), qui sont reconnus appartenir au grès de >* Luxembourg, appartiennent également à la zone de VA. angu- » latus. D’une autre part, les fossiles ( A . bisulcatus , Conybeari , » Lima gigantea, etc.), que MM. Chapuis et Dewalque indiquent » pour le grès de Luxembourg, démontrent que les dernières » assises de ce grès appartiennent à l’assise de VA. Bucklatidi. NOTE DE M. TEIlQUEM. 633 » On obtiendrait ainsi les divisions suivantes: [ Assise à Ammonites Bucklandi. Grès de Luxembourg. < Région supérieure, à Ammonites angu- ( latus. S Moyenne et supérieure région, à Ammo- nites an gui a tus. Assise à Ammonites planorbis ?. » Suivant l’opinion de ces géologues, le grès de Luxembourg » doit constituer en réalité une autre formation que le grès de >' Hettange. Le grès de Luxembourg étant caractérisé par » VA. Bucklandi , il paraît que ses assises inférieures seulement »> présentent VA. angulatus et quelques autres fossiles caractéristi- » ques, tandis que le grès de Hettange possède seul et uniquement » VA. angulatus . L’ A. planorbis n’a pas encore, à la vérité, été » trouvé dans la localité de Jamoigne,et, s’il devait s’y trouver, ce >' ne serait que dans les assises les plus inférieures. » Il résulterait de là qu’en suivant la stratification donnée par MM. Chapuis etDewalque, et éclaircie par M. Oppel, les marnes de Jamoigne et le grès de Luxembourg, ou une partie de ce grès, occuperaient dans la statigrapliie une position supérieure à celle de Hettange ; or l’inverse a lieu, du moins pour les grès, ce que tout le monde qui a visité les localités accordera sans conteste. I)’un autre côté, le doute qu’exprime M. Oppel sur la présence de X Ammonites planorbis dans le Luxembourg n’aurait pas été élevé, si ce géologue avait eu connaissance démon travail sur Het- tange, où j’indiquais X Ammonites planorbis ( psilonotus , Quenst., tortilis, d’Orb.), à Helmsingen, Altwiess et Beaufort [Paléont. de Hett., page 26). En donnant plus haut les divisions établies par Quenstedt pour le lias inférieur de la Souabe, j’ai montré l’importance que cet auteur attache à la paléontologie et en particulier à certaines Ammonites, pour caractériser les assises. De plus, M. Oppel, qui a voulu tout voir par lui-même, au lieu d’établir des lignesde rapport à distance, a visité Avallon (Yonne), et il a constaté ( Jurajormation , première partie, page 32) que « le vériable Ammonites angulatus ( les exemplaires-types de »> X Ammonites Moreanus de d’Orb.) se trouve dans une roche » gréseuse, au-dessus de X Ammonites planorbis , et que le tout » est recouvert normalement par les assises à Ammonites Buck- » lundi et à Gryphées arquées. » Ainsi les divisions observées à Avallon par M. Oppel concordent, SÉANCE DU 21 JUIN 1858» 6Sâ d’une part, avec celles établies pour la Souabe par Quenstedt, et, d’une autre part, avec celles que j’ai tracées pour Hettange et le Luxembourg. Mais, comme elles ne concordent pas avec celles de Jamoigne, il faut nécessairement conclure que cette localité pré- sente un phénomène géologique exceptionnel, un fait unique dans la science. Je reprends les propositions de M. Dewalque (page 723) : <• 2° Que la partie correspondante du grès de Luxembourg se » continue àl’O. avec le calcaire sableux inférieur, et à l’E. avec » le grès de Luxembourg aux environs de cette ville. » Le calcaire sableux inférieur n’étant autre que le grès d’Arlon est constamment séparé du grès de Luxembourg par les marnes ou le calcaire à Gryphées arquées ; c’est ainsi qu’il se produit déjà à la montée de Steinfort et même dans la vallée de l’Alzett, en face de Dumeldange. « 3° Que notre marne de Strassen se continue à l’E. avec le même » étage de Luxembourg. » Qu est-ce que Strassen, pour servir ainsi de point de repère et de type à une assise? C’est un îlot de calcaire à Gryphites, doué de sa pétrographie normale, possédant au maximum 1 mètre de puis- sance et environ 100 mètres carrés d’étendue sur le plateau, puis redescendant un peu dans le vallon, dans la direction du moulin. De toute la faune indiquée par M. Dewalque, je n’y ai jamais pu trouver que trois fossiles : Gryphœa arcuata , Astrœa irregularis , Pholadomÿa ventricosci . Ces trois ou quatre bancs reposent sur le grès, sans se confondre aveclui, puisqu’on exploite ce calcaire à Merle et à Holrich ; d’ail- leurs il se continue dans les deux sens à bancs interrompus, d’une part par Steinfort à Arlon et à Bonert, où il repose sur un puis- sant massif de grès et est recouvert par le grès d’Arlon ; d’une autre part, on le voit le long de la vallée depuis Hesperange jus- qu’à Hettange, et de là à Bouss, Rodemack, Mondorff, Altwiess, etc., toujours avec sa constitution normale et sur le grès. « A0 Que le grès de Virton va se réunir au calcaire sableux su- » périeur et moyen, au moins àl’O. » Le grès de Yirton, étant lui-même le calcaire sableux inférieur, ne peut se réunir au calcaire sableux moyen, qu’il laisse derrière lui; cette assise commence à se montrer dans le vallon d’Eth, à gauche , à mi-côte , et en présente tous les fossiles caractéristiques ; elle se continue de là à Yirton et à Breux, jusque près d’Aviotte. Ainsi, des quatre propositions avancées par M. Dewalque, il n’en est pas une qui soit conforme aux faits observés dans le NOTE DE M. TERQUEM. 635 Luxembourg ; toutes sontv au contraire, en désaccord avec la stratigraphie de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la France, y compris le grand-duché de Luxembourg lui-même. Personne n’a contesté àM. Dewalque (page 723) la présence du calcaire à Gryphites sur la rive gauche de la Semoie ; au contraire, tout le monde a soutenu ce fait, et personne n’a voulu y voir le calcaire sans Gryphée arquée de Helmsingen; mais j’avoue avoir dit que ce géologue a pris, non les marnes ocreuses à Gryphœa cymbium , ou les grès qui les représentent, pour le calcaire à Gry- phées arquées, mais bien le grès du lias moyen pour le grès de Luxembourg ; je l’ai dit avec d’autant plus de raison, qu’un peu plus loin (page 723) M. Dewalque s’exprime ainsi : « Yers le mi- » lieu du chemin creux qui conduit de la grande route au bâtiment » dit la Papeterie (Bommel-Hoff, sur la carte), on passe de la » marne de Strassen sur le grès de Luxembourg. » Or, je deman- derai sur quoi reposent les marnes à Strassen même, pour qu’à cette Papeterie le grès de Luxembourg repose sous les marnes de Strassen? Il faut donc que ces marnes deviennent identiques avec celles de Jamoigne, qui sont censées placées dans le grès de Luxembourg. Est-ce là ce que voulait démontrer M. Dewalque? Alors tout le monde serait d? accord l M. Dewalque continue en faisant la critique de mon Mémoire sur Hettange (auquel il applique une épithète que je ne saurais accepter) : « 1° Les grès de Helmsingen, Lœvelange (écrit Locrelange par » M. Dewalque), Martinsart, etc., terminent la formation des » marnes irisées et ne sauraient être compris dans la formation » basique; ils sont en discordance avec le calcaire gréso-bitu- » mineux, et concordent avec les marnes irisées (Terquem, Mém. » sur Hett page 2). Voilà un fait capital (s’écrie M. Dewalque) » en opposition directe avec ce que tout le monde a reconnu jus- » qu’ici. Je ne sais ce qu’en diront les savants; il y en a encore, » et du premier rang, qui considèrent le grès de Martinsart comme » l’équivalent du grès de Luxembourg ; quant à moi, je serai >» bien aise de savoir où M. Terquem a vu et examiné cette dis- » cordance. » Comme mes prétentions sont fort éloignées de me croire un savant d’un rang quelconque, je m’estime heureux d’avoir ren- contré, chemin faisant, l’appui de quelques hommes qui ne se placent pas au premier rang et qui n’en ont pas moins leur mérite ; je me contenterai d’avoir pu acquérir l’approbation de M. Hé- bert et de M. Quenstedt, professeur de géologie à l’Université de 036 SÉANCE DU 21 JUIN 1858. Tubbingen ; de MM. Oppel et de flœvel ; de MiM. P. Mérian et Esclier de la Linth, dont je me suis permis de citer plus haut les opinions, et que je prie d’agréer mes excuses pour les avoir fait intervenir dans un débat de cette nature. Si le grès de Martinsart est l’équivalent du grès de Luxembourg, et si celui-ci est annexe et continu avec celui de Hettange, qui en constitue les assises supérieures, il doit en résulter que le grès de Martinsart doit reposer sur les marnes de Jamoigne, et celles-ci sur les marnes irisées, d’autant plus que M. Dewalque cherche à dé- montrer l’identité des marnes de Jamoigne et de Helmsingen. Or, dans le Mémoire couronné, je lis tout le contraire à la page 9. Premier étage. — Sable et grès de Martinsart, 5 'W COUCHE, LIT). Fossiles d’eau douce et marins. Bois cycadées. Restes de Couches Je mammifères, reptiles, poissons, insectes. Purbeck. Paludina,Planorbis , Melania ,Physa Bristovi , Corbula alata , Hemicidaris Put beckensis. Ammonites giganteus, A. biplex, Neritoma sinuosa , Zoue à Trigonia gibbosa. Nalica elegans , Nerita angulala, Buccinum angulatum, B. naticoides , Cerithium Porllandicum, C. concavum , Astarte cimenta, A. rugosa , Trigonia gibbosa , T. in- curva, Lucina Porllandica , Cardium dissimile , Mytilus pallidus , Pecten lameliosus , OsireaHelliea , O.expansa. Nautilus giganteus , Ammonites mutabilis, A. longi- spinus, Natica macrostoma , IV. globosa , IV. hemispliœ- rica, Pterocera Oceani , Panopœa tellina, P. Aldouini, g Plioladomya Prolei, P. paucicosta, P. multicoslata , P. ü Zone à hortulanafjCeromya excentrica, C. obovala, Thracia su - P Pterocera prajurensis , Analina Helvetica, Trigonia suprajurensis, 2 'U4 Oceani. Mactromya rugosa, Mactra Saussuri, Cyprina cornuta , Pinna granulata , Mytilus j urensis, M. subœquiplicatus , S Exogyra virgula, E. nana,Ostrea solitaria, Terebratula subsella , Rhynclionella inconslans, Hemicidaris Thur- es P a manni. eS 'tH a, P Astarte supracorallina , Hemicidaris stramonium. Passage de nombreux geures dans la zone supérieure. a p (Sub-) Zoue à Faciès corallien avec Ortliostoma Virdunensis, Tro - g Astarte su~ chus carinellaris, Helicocryptus pusillus, Cerithium li- c/3 pracorallina. mœforme, C. septemplicatum, Emarginula Goldfussi, C/3 Trigonia hybrida, Astarte curvirostris , Pecten -g 1= lana, T. Bernardina, T. Baugieri, Rhynchonella Thurmanni , P. Arduen- S £ rT nensis. 0* 'g - Relemnites unicanaliculatn s , Ammo- nites tenuilobatus , canaliculatus , A.lrimarginatus , A.serratus , A.poly- i plocus , A. poly gyralus, A. Bnbeanus, A. Ruppelensis, A. platynotus , A . y/e- xuosus, Isoarca transversa, Mytilus tennis triatus, Terebralula nucleata » T. bisuffarcinala, Terebratulina sub- s stria la, Terebratella loricata, Megerlia ? o peclunculus, Rhynchonella lacunosa, ^ ?J3 Dysaster carinatus , Eugeniacrinus nutans, E cariophyllntus, Pentacrinus c - c ^ cingulalus , Scyphia, Cnemidium. 4 Ammonites transversarius, A. cristatus, A. oculatus , A. biarmatus , A. Eugeni , A. Hen- rici . A. Sutherlandiœ, Aptychus heteropora , A. Berno-jurensis ( Lamna longidens), Tere- bratula impressa, Rhynchonella spinulosa , Pseudodiadema superbum , Asterias jurensis, Penlacrinus pe.ntagonalis , Turbinolia Del- montana . A. cordalus , perarmatus et plicalilis, dé- butent ici. A. Lamberti, Mariai , Lalandeanus , meurent dans cette zone. yimmonites cordatus, A perarmatus, A . plicalilis , Pecten subfibrosus , efc., passent des parties inférieures aux parties supérieures de l’étage oxfordien. JURASSIQUE MOYEN OU OOGGER. 660 SÉANCE DU 21 JUIN 1858 ZONE (assise, COUCHE, LIT). Zone à Ammonites athleta. Zone à Ammonites an ceps. FOSSILES CARACTERISTIQUES DES DIVERSES ZONES. Belemnites hastatus et Ammonites Lam- berli , commencent ici mais passent dans les zones suivantes. Ammonites parallelus , A. Brighli, A. auri- lulus, A. sulciferus , A. Orion , Â. praasi , A. athleta , annularis, A. Dunkani,A. ornatus , ^4. bicostalus, A. Baugieri. A. denticulatus, A, Suevicus , A.Jlexispinatus , Astarle nndata. Acanllioleuthis antiqua , Nantilus Callo- viensis, Ammonites punctalus , >4. Innula, A. Comploni, A. curvicosta , ^4. anceps , /i. coro- natus , -4. Jason , A.pustulatus, A. polygonius, A. ref racius, Belemnites Calloviensis , Drteu Pies acuarius , Pholadomya carinata , P. jitô decussala , Goniomya trapezicosta , Leda Moreana , Ceromya elegans , Terebratula Ion - giplicata , T. Sæmanni , T. pala , P. dorsopli- cata , Rhynchonella Orbignyana. O w « Zone à Ammonites macroce- phalus. Belemnites subhastatus, Ammonites Calloviensis , y4 Kœnighi, A. Gowerianus, A. modiolaris, A. macroce- phalus, A. Ilerveyi , ^4. tumidus , .4, bullatus , A. micros- loma , A. funatus, A. calvus , .4. Rehmanni , .4. hecticus A. funiferus , >4. Grantanus, Ancyloceras Calloviensis , Pleurotomavia Cyprœa , P. Cytherea , Pholadomya Würt- tembergica, Corbula Macneilli , Isocardia te lier, Area subtetragona, Avicula inœquivalvis , Terebratula Smitlii T. Geisingensis, T. Perieri, T. Calloviensis , P. subca naliculata , T. Royeriana, Rhynchonella Kurri , P. spa- thica , P. triplicosa , P. Oppeli, Holectypus striatus. Zone à Terebratula lagenalis. Ammonites discus , ^4. aspidoides {A. Wurttem- bergicus ?), Cliemnitzia vittata , Butin undulata, Panopœa decurtata , P. securiformis, Goniomya proboscidea , Lyonsia peregrina , Anatina pinguis , Cypricardia rostrata, TJnicardi il m varicosu m , Pi ma Helvetica, Limea duplicata , Avicula echinala, Pecten vagans , P. Rypheus, Ostrea Knorri , Tere- bratula lagenalis, P. obovala , P. subbucculenla , T. intermedia , T. marmorea , T. diptycha, T. Fleis- cheri , P. Bentleyi, Rhynonclionella Oiorieri , P. P«- densis, Pseudodiadema homostigma, Acrosatenia Wiltoni , 4. hemicidaroides , Holectypus depressus , Clypeus Hugi , Collyriles analis . Zone à Terebratula digona. Avicula costata, Terebratula digona, P. maxil- lata , T.Jlabellum, T. coarctata, T. cardium , Pe- rebratella hemisphterica, Rhynchonella obsoleta. Crania antiquior , Apiocrinus Parkinsoni , .4. e/e- gans, Hemicidaris Luciensis. 11 y a en outre beaucoup de gastéropodes et d’acé- phales dans les parties oolitiques de l’étage, mais seu- lement dans quelques localités choisies. NOTE DE M. OPPEL. 661 £ o w ZONE 5 •«! (assise, FOSSILES CARACTÉRISTIQUES DES DIVERSES ZONES > p 'W COUCHE, LIT). Belemnites W ürltembergicus , Ammonites subradialus , A.oolitliicus , A.Deslongchampsi , A? zigzag, A. Martinsi, A. Neuffensis, A. Par- kinsoni, A, Garaniianus, A, polymorplius , Dentalium enlaloides , Purpurina Bellona , Spinigera longispina , Posidonomya Buclii , 5 Parkinsoni. Terebratula carinata , T. TVürltembergica, T, •5- Philtipsi-, T. globata , T. sphœroidalis , Bhyn- *2 clionella aculicosta, R. angulata , R. Stui "S Çj fensis. Ancyloceras annulatus ci Am- a s: K monites subfurcatus. a a Q «O Ammonites Blagdeni , Hum phriesianus . Sj ai «'m A. linguiferus , Romani , Braikenridgi , Produis moniliteclus , Pleurolomaria Pale- g pq mon, Cerithium muricalo costatum, T brada a PS Humphrie- sianiis. lens, Opis similis , Astarle de pressa, T. si- gnata , Mytilus cuneatus , Gervillia conso- Kl O O brina , Perna isognomonoides , Ilinnites abjec- O 3 tus, Ostrea flabelloides, Terebratula Waltoni, © O {3 « CQ T. omalogastyr , Cidaris Anglosuevica. O U O 73 O CL, Zone à Ammonites Sauzei. Belemnites Gingensis , Ammonites jugosus, i. B roc ch i, A. Brongniarti, A . Sauzei, A. Bay- i* O *§ O O leanus, A.Sowerbyi , Chemnitzia lineata,Lima alticosta. w P g à w Belemnites spinatus, Ammonites Murcliisonæ , E/3 O Staufensis , Turbo gibbosus, Panopœa œquala , Leda Des- C/D C < Zone à longcliampsi,Tancredia axiniformis , Quenstedlia oblita , PS Ammonites Astarte excavata , Trigonia striata , T. tuberculata. P Murchisonœ . Cardium substriatulum, Avicula elegans. Gervillia acuta, Grypliœa calceola , Ostrea calceola Beani, Crenaster Mandelslohi. , Lin igula Belemnites Rhenanus, Ammonites dilucidus , P a- Zone à Trigonia nopœa rotundala , Goniomya Knorri, Lyonsia ab- ducta, Nucula H anime ri, Trig. similis, T. navis , Pronoe trigonellaris, Lucina plana , Cardium sub- 5 navis. truncatum, Gervillia Hartmanni. R Pentacrinus Württembergicus . g* Astarte subtelragona. O Qj Belemnites Quenstedli, B. Neumarkiensis , Zone à Ammonites torulosus. torulosus , >4. subinsignis, Turbo capilaneus , T. R O subduplicatus, T. Palinurus , Purpurina subangu- lata , Plerocera minuta, Alaria subpunclata, Leda rostralis, L. Diana, Nucula Hausmanni, Astarte R S Voltzi, Trigonia pulchella, Posidonomya Suessi. RliynchoneUa cynocephala. î Belemnites exilis, B. tricanaliculatus , B. longisul- g catus. B, pyramidalis , Nautilus Toarcensis, Ammonites £ £ Zone à Ammonites depressus, A ■ radians, A. costula , .4. undulalus, A .4«- H H lensis, A ■ Thouarsensis, A. comptas, A. Comensis, A. U 0) *< 73 variabilis , J., insignis, A. sternalis, A. serrodens , ju- g « jurensis. remis , A. hircinus, A. Germaini, Turbo Sedgwicki, Pleu- Orf rotomaria intermedia, Posidonomya orbicularis, Lima O U c3 Galatea, Pentacrinus jurensis. 662 SÉANCE DU 21 JUIN 1858 Z O W ZONE ïï (assise. FOSSILES CARACTÉRISTIQUES DES DIVERSES ZONES. > s COUCHE, LIT). À la partie supe'rienre commencent : Ammonites bifrons, Belemnites irregularis et B. tripartilus , Pterodactylus Banthensis, Ichthyosaurus , Teleosaurus. Poissons. Lncina posidoniæ . Eryon Hnrlmanni , Teudopsis Bu cA nelli, Belotheulhis Bollensis , B. subcostata , Geoleulhis « Bollensis , G. lata G. sagiltata, Belemnites papillaU rw, B. O acuarius, B. incurvatus. Ammonites serpentions, A ■ fai- H ci fer, A. exaralus , 4. concavus , A. subcarinalus, A. hete- Zone à rophyllns, A striatulns, A cornucopice , .4. un guinus, A. Ammonites annulatus , A. communis, A. Holandrei , .J. Braunianns , CW serpentions , 4. mucronalus , A. crassus. A. fibulatus, A. subarmalns , O ou à J. Desplacei , Cliemnitzia Repeliana,N alica Pelops , P/io- O Posidonomya Indomya rhombifera, Solemya Voltzi , Inoceramus undii- Bronni. latus , /. dubms, Posidonomya Bronni , i3. radiatn , Trigo- a nia litterata, Aricula substriata, Gerrillia Eseri , Pectcn S incrustatus , Pentacrinus fasciculosus, P. Bollensis . P. (Z Quenstedti, Diademopsis Laffoni, Acrosalenia crinifera. o Dans le Somersetshire et le Calvados on trouve. à la H partie infe'rieure de la zone, une couche avec nombreux petits Brachiopo les, notamment du genre Leptœna (Lep- lœna-bed des Anglais). Plicalula spinosa meurt ici. Âlgacites grafiulatus. Zone à Belemnites breviformis , B crassus , Ammonites C/D spinalus , Cliemnitzia nu/a, Lima Hermanni , § < — Ammonites Rhynchonella quinqueplicnta, Terebratula subdi- P spinalus , gona, T. subovoides , T. punctata. -L ü § o p / . Ammonites margaritatus , A. Zetrs , .4. ÎVo rma- f K ! S ® nianus, Belemnites compressas , B. lagenaefarmis, c S I [ 1 B. paxillosus , Cliemnitzia undulata, Turbo palu- ‘W Llj dinœfor/nis, Pleurotomaria rotundata , Leda acu- 1 85 1 1 s minala, L. complanala , Cardium truncalum, Cy- ! s 1-1 ?/D 1 ^ pricardia caudala, Pinna Moorei, Peclen Philenor, 5 -2 LO P O * N ./ 2 Pecten sublœvis , Rhynchonella scalpelliun , Spirifer y O* 35 | t3 g j Tessoni , Pentacrinus lœvis. £ b w p2 l S S ù o g Ammonites globosus. Première apparition de 1 O :s S F jJ /i. margaritatus et A. ISormanianus avec A. 1 '-5 0-i ftmbrialus, B. umbilicatus et quelques autres S -o ^ \ ^ ^ espèces des zones inferieures qui meurent ici. 2 *5 K 2 eu o Belemnites longissimus, B. umbilicatus, ’C s Nj ^ O Ammonites fimbriatus, etc. Avicula sexcos- <2 Ç Zone à tata, passent aussi dans les couches supérieures adjacentes. -k» S Ammonites Ammonites Davœi , A. capricornus , Pleuro- oT ^ , te U Daroei. tomaria heliciformis, Tancredia broliensis, longiscata , Raulinea Inoceramus ventricosus , s sJ ce S £ C/3 S PalœocomaMilleri, Pentacrinus subangitlaris. •2 o S "S eu Zone à Ammonites bipunctatus (A. Valdani ), A. S Maugenesti, A. Actœon , A . centaums , A- ibex. <> m Ammonites Pholadomya Hausmanni, Cypricardia cucul- 5 J ibex. lata, Mytilus scalprum, M. hyppocampus. Ammonites Jamesoni, A. brevispina, A. S .£ o ~ Zone à pettos, A. Zieteni, A. Masseanus, A. Lynx, S C « • A. arieiiformis , A. Taylori, A. submuticus. ^ s Ammonites Mytilus numismalis, Pinna folium, Astarte )> » » 200 B 200 s v » » » 800 D 800 » » B » * ; 100 1 100 g » M B » ! 5,550 D 1 ,585 95 35 95 B b \ 550 656 75 106 75 » B 600 » 394 85 » B 205 15 150 » 152 50 2 50 » » 200 B 270 35 70 35 B » 100 8 S 40 » » 91 60 200 Q 28 05 * B 17L 95 800 J, 504 65 • B 295 35 50 B 38 15 g B 11 85 9,200 B 6,189 85 g B 3,010 15 1 , i 00 712 70 g » 387 30 4,000 a 4,167 30 167 30 B B 2,000 « 1,500 g » » 500 B 5 00 a 23S g 138 B B » 50 » 1 40 g 1 48 60 700 a 2,053 70 1,353 70 » B S u 3,000 g 3,000 B B » 50 * 120 1 70 * » D B 25,022 60 4,944 55 4,721 95 DESIGNATION des îapilres de la dépeuse. NATURE DES DEPENSES. 1. Personnel. 2. Frais de logement. 5. Frais de bureau. i. Magasin ] 14 f 15 Agent f traitement 1 travaux extraordinaires ) gratification \ indemnité de. logement Garçon de bureau j ^a£P.s.'. • • ‘ ) gratification Loyer, contributions, assurances Chauffage et éclairage Dépenses diverses. ...... Ports de lettres Impressions d’avis, circulaires, e Change et retour de mandats. . Mobilier Bibliothèque Collections. . 16 i Bulletin \ inlPression et PaP!er 17 i f port 3. Publications. . . . < 18 | IIist0're des progresse la géologie Placements. Achat d’exemplaires Mémoires { dépenses suppléai. menus frais. . . . Placement de capitaux. . . , . Placements momentanés sur leTrésor, Avances remboursables . Totaux. COMPARAISON. La Dépense présumée était de 24,800 » La Dépense effectuée est de 25,022 60 Il y a augmentation de 222 60 RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1856. La Recette totale étant de 27,900 95 Et la Dépense totale étant de ...... . 25,022 60 Il reste en caisse audit jour 2,878 35 800 * MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYÉES ET DES PLACEMENTS DE CAPITAUX. NOMBRE DES COTISATIONS. VALEURS n 4 antérieurement à 4 856 ece e \ pendant l’année 1 8 56 (et reliquat) . 446 fr. c. 34,697 70 5 1,600 9 Totaux 4 24 36,297 70 Legs Roberton 12,600 • Total des capitaux encaissés. . . 48,897 70 PLACEMENTS DR RENTES : fr. ç. i 4 461 rentes 4 4/2 0/0 ayant coûté .... 37,839 70 409 rentes 3 0/0 ayant coûté 9,419 60 >49,313 » 405 Intérêts de 7 obligat.de chemin de fer. 2,053 70 ) Excédant de la dépense sur la recette 415 30 MOUVEMENT DES ENTRÉES ET DES SORTIES DES MEMBRES AU 31 DÉCEMBRE 1856. Au 34 décembre 1855, les membres maintenus sur les listes officielles comme devant contribuer aux dépenses de 4 856, s’élevaient au nombre de 495, dont : 391 membres payant cotisation annuelle ). ^ et 104 membres à vie f Les réceptions du 1er janvier au 34 décembre 4 856 ont été de 30 nouveaux membres | . 3 anciens membres rentrants. Total 528 A déduire pour cause de décès, démissions et radiations (en 1856) 34 Le nombre des membres inscrits sur les registres, au 1er janvier 1857, s’élève à 497 ç ( 392 membres payant cotisation annuelle, savoir :< 105 membreg à vie> 801 Compte des recettes et des dépenses effectuées pendant Vannée 1857 pour la Société géologique de France t présenté par M. le marquis de Roys , trésorier (1). RECETTE* DÉSIGNATION RECETTES RECETTES fl .2 a _o des Ut NATURE DES RECETTES. prévues effectuées g s 0 ] chapitres. S au budget eu 1857. 1 § O de 1757. g S < 1 Droits d’entrée et diplôme. , . . 500 y) 460 » » )> 40 j, i naires des ré- C année courante. . . 8,400 5,780 40 » i) 2,619 60 3 S Cotisations < arriérées. . . . . . 2,500 » 2,600 » 100 » » » . 4 \ anticipées 300 » 205 » * » 95 » l. Produits extr. j i 5 j | Cotisations une fois payées. ... 1,000 » 2,103 25 1,103 25 i » » r 6 \ f Bulletin 1,000 1,000 700 » 873 35 » 126 65. 1 3. Produit des J publications. . j 7, 1 8 | i 1 Histoire des progrès [Vente des < de la géologie.. - | j Mémoires i ,660 705 70 50 660 5 70 50 » 9 » v 9, / \ cartes coloriées. . . 30 » 1 50 » » 28 50 l. Capitaux pla- ( | i . - , /41/2 6/o 1,461 » 1,461 409 u » » 0 » [Arrerages de 3 L 409 >> » » » ces. . | 12 ! copiloui. . | ou[ig"ions 100 187 50 87 50 » ' 13 Encaissement de Bons du Trésor. 1,000 » 1,000 » » » » >» 14 Intérêts d'un Bon du Trésor. . . 50 » 25 » V» » 25 » 15 Allocation du ministre de l’Ins- 5. Recettes di-J truction publique 1,000 150 » 1,000 » Si » » verses, • • , . . \ 16 Recette extr. relative au Bulletin. Remboursement de frais de man- » 17 dats, » 1 50 i 50 » ,18 Recette extraoi d. pour loyer, . . 800 » 600 » D 200 » . Solde du com- Total de la recette. . , .1 20,400 » 19,073 70 1 ,958 45 3,284 75 ote 1 856 19 Reliquat au 1er janvier 1857. . . | 2.878 55 2,878 35 ' Totaux définitifs 35 21,952 05 COMPARAISON. La Recette présumée était de . . 23,278 33 La Recette effectuée est de 21,952 05 Il y diminution de la Recette de 1,326 30 (1) Voyez le Rapport de la Commission de comptabilité, tome XV, page 486, en tête duquel on a omis d’imprimer ce Compte . 802 DEPENSE. DÉSIGNATION des chapitres. 5 1. Personnel. , 2. Frais de loge- I ment ' § 3. Frais de bu- reau Wl § 4. Magasin. § 5. Publications. , j; des ..pilaux. |N°» des articles. NATURE DES DÉPENSES. DÉPENSES prévues au budget de 1857. DÉPENSES effectuées en 1857. 0 .2 01 0 s &D S < Diminution. il ( traitement 1,800 » 1,800 « n )> » , 2 ^ J travaux extraordinaires 500 » 500 0 a » • n 3 ^eü \ indemnité de logement. 200 » 200 » » » D I 4 \ gratification 200 » sou » » » a l 5 Garçon de j ses gages 800 A 800 » » » . » » 6 bureau \ gratifications. . . . 100 » 100 » » tt 0 l 7 Loyer, contributions et assuran- ces 1,550 » 1,559 60 9 60 D » 8 Chauffage et éclairage 650 » 615 » » » 35 B 9 Dépenses diverses 500 » 403 25 n » 96 75 10 Ports de lettres. 150 » 160 50 10 50 » » 11 Impress, d’avis, circulaires, etc. 250 » 130 75 n » 119 25 12 Change et retour de mandats. . . 50 » 12 50 » » 37 50 13 Mobilier. 100 A 204 10 104 10 » » 14 Bibliothèque 750 » 299 35 » » 450 65 15 Collection 50 » » » V » 50 » ’16 \ Bulletin f impression et papier. 7.500 » 6,950 05 > a 549 95 17 1 \ port 1,000 » 912 75 B » 87 25 18 1 Histoire des progrès de la ge'olog. 5,200 » 61 05 » )> 3,138 95 19 \ ( achat d’exemplai- ( res 2,000 » 2,000 0 » » » » 1 20 .Mémoires, ^dépenses supplé- f mentaires. . . . 100 1) » > » » 100 u .21 \ menus frais B » » » V » »> » Plnrempnt dp capitaux 600 » 1,941 80 1,341 80 » n 23 Acquisition d’un Bon du Trésor. 1,000 » 1,000 » » » » » 24 Avances remboursables 50 * 154 10 104 10 » » 22,900 » 19,804 80 1,570 10 4,665 30 COMPARAISON. La Dépense présumée était de 22,900 » La Dépense effectuée est de 4 9,804 80 Il y a diminution de 3,095 20 RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1857. La Recette totale étant de 21,952 05 Et la Dépense totale étant de 4 9,804 80 Il reste en caisse audit jour 2,4 47 25 MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYÉES ET DES PLACEMENTS DE CAPITAUX. 803 NOMBBB DES VALEURS. COTISATIONS. fr. c. D .. (antérieurement à 4 857 424 36,297 70 Recelle (pendant Tannés 7 2,4 03 25 Totaux 428 38,400 95 'Legs Roberton Total des capitaux encaissés, 42,600 t> 54,000 95 PLACEMENT EN RENTES. 4 464 rentes 4 4/2 0/0 ayant coûté 409 rentes 3 0/0 ayant coûté 24 0 Intér. de 1 4 obligat. de cheminsdefer. fr. c. 37,839 70\ 9,449 60 )54,254 80 3,995 50 ) Excédant de la dépense sur la recette 253 85 MOUVEMENT DES ENTRÉES ET DES SORTIES DES MEMBRES AU 31 DÉCEMBRE 1857. Au 34 décembre 4 856, les membres maintenus sur les listes officielles comme devant contribuer aux dépenses de 4 857 s’élevaient au nombre de 497, dont : 392 membres payant cotisation annuelle ) . ^ et 4 05 membres à vie j Les réceptions du 4 er janvier au 34 décembre 4 857 ont été de 34 nouveaux membres, ci 34 Total 528 A déduire, pour cause de décès, démissions et radiations (en 4 857) 38 Le nombre des membres inscrits sur les registres au 4 *r janvier 4 858, s’élève à . 490 ~ . < 382 membres payant cotisation annuelle, savoir • j 4 os membres à vie. TABLE GENERALE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. Ch. Lory. — Esquisse d’une carte géologique du Dauphiné (PI. I). . 10 P. de Rouville. — Lettre à M. d’Archiac sur le'terrain triasique des environs de Sainte-Afïrique (Aveyron) 69 H. DE Saussure. — Description d’un volcan éteint, du Mexique, resté inconnu jusqu’à ce jour 76 Th. Ebray. — Note sur les Nautiles à cloisons sinueuses 87 Daubrjse. — Observations sur le métamorphisme et recherches expé- rimentales sur quelques-uns des agents qui ont pu le pro- duire . . 93 Virlet d’Aoost. — Nouvelles observations sur le métamorphisme nor- mal 119 Y irlet d’Aoust. — Observations sur un terrain d’origine météorique au Mexique. — Notes sur le reboisement des montagnes . . 129 Th. !Ébray. — Description de la faille du château Mal-Vêtu (Nièvre). 139 Th. Ébray. — Sur le Dysaster ellipticus de la Nièvre 142 Sc. Gras. — Comparaison chronologique des terrains quaternaires de l’Alsace avec ceux de la vallée du Rhône dans le Dauphiné (PL II) 148 "Virlet d’Aodst. — De la formation des oolithes et des masses nodu- laires en général 187 Triger. — Sur le terrain crétacé d’Aix-la-Chapelle 205 E. Bayle. — Sur les Rudistes découverts dans, la craie de Maestricht (PI. III) 210 Daübrjse. — Note sur des traces de pattes de quadrupèdes dans le grès bigarré près Luxeuil 218 Groner. — Sur les filons du Plateau central de la France 221 Abich. — Sur la carte géologique de l’Europe, par Dumont, en tant qu’elle regarde le Caucase 225 Marcel de Serres. — Note sur la caverne de Pontil, près Saint-Pons (Hérault) 231 Marcel de Serres. — Note sur de nouvelles brèches osseuses décou- vertes dans les environs de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard). 233 J. Foürnet. — Observations au sujet des allures et de la configuration de certains filons. 239 Daubrée. — Recherches expérimentales sur le striage des roches, la formation des sables et les décompositions chimiques pro- duites par les agents mécaniques. ... * 250 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 805 Th. Ebray. — Note sur l’existence des plaques complémentaires dans le genre Coltyrites 268 La Société. — Nomination du Bureau pour 1858 273 J.-B. Noulet. — Du terrain éocène supérieur considéré comme l’un des étages constitutifs des Pyrénées 277 J. Fournet. — Considérations générales au sujet des mélaphyres. • 284 Delesse. — Observations sur la communication précédente .... 293 J. Koechlin-Schlumberger. — Note sur les fossiles tertiaires et dilu- viens du Haut-Rhin 295 J. Delbos. — Note sur les ossements des cavernes de Sentheim et de Lauw (Haut-Rhin) . 300 Th. Ebray. — Note sur l’existence d’une plaque complémentaire centro-anale chez le Collyrites analis 302 Th. Ébray. — Note sur l’existence de Y Ammonites macrocephalus dans la grande oolithe 303 Vicomte d’Archiac. — Observations sur la note de M. Vézian sur la Catalogne ( Bulletin , 2e série, t. XIV, p. 374, 1857). . . . 308 Ch. Sainte-Claire Deville et Félix Leblanc. — Sur la composition chimique des gaz rejetés par les évents volcaniques de l’Ita- lie méridionale • 310 Em. Benoît. — Esquisse de la carte géologique et agronomique de la Bresse et des Dombes (PI. IV) 315 Ch. Sainte-Claire Deville. — Note sur la nature des éruptions actuelles du volcan de Stromboli 345 Â. Spada Lavini. — Note relative à un passage du mémoire de M. C. Puggaard sur la presqu’île de Sorrento (âge des tufs d’ischia) ( Bulletin , 2e série, t. XIV, p. 294, 1857) .... 362 Sir R. I. Murchison. — Sur une nouvelle classification des terrains anciens de l’Écosse 367 De Verneuil et Scacchi. — Lettres sur la dernière éruption du Vé- suve . 369 et 376 Van den Hecke. — Sur les fossiles des marnes du Vatican .... 372 Th. Ebray. — Note sur quelques fossiles de l’étage albien des envi- rons de Sancerre * 379 La Société. — Circulaire relative aux modifications introduites dans le règlement administratif pour les tirages à part .... 385 B. Gravina. — Note sur les terrains tertiaires et quaternaires des envi- rons de Catane (Sicile). 391 Engblhardt. — Tableau comparé des divers étages du lias. . . . 423 Ami Boüé. — Sur les Nullipores de Leitha-kalk du terrain néogène. . 425 Sc. Gras. — Examen de quelques assertions de M. d’Archiac rela- tives à l’association des coquilles du lias aux végétaux houil- lers dans les Alpes 426 A. Vézian. — Essai d’une classification des terrains compris entre la craie et le système miocène exclusivement ...... 433 A. Meogy. — Sur la carte géologique du département du Nord . . 458 Martha-Beker. — Théorie des tremblements de terre et des volcans. 463 Th. Ebray. — Note surun nouveau genre d’Échinoderme ( Centroclypus ). 482 La Commission. — Rapport sur la gestion du Trésorier pendant les années 1856 et 1857 486 803 TABLE GÉNÉRALE LES ARTICLES. La Société. — Présentation du Budget des recettes et dépenses pour 1858 491 Marcel de Serres. — De la découverte du Notœus lalicaudus dans les terrains d’eau douce anentlialassiques d’Armissan (Aude). . 492 L. Sæmann. — Note sur la distribution des mollusques fossiles dans le terrain crétacé du département de la Sarthe ...... 500 Th. Ebray — Note sur la classification des Ecliinoconidœ (d’Orb.), etc. 525 L. Ville. — Sur un gîte de combustible minéral situé entre Ténez et Orléansville 527 B. -J. Shlmard. — Existence du terrain permien au Nouveau Mexique. 531 J. Marcou. — Lettre relative à la publication des notes de son explo- ration des montagnes Rocheuses et de la Californie. . . . 533 Triger. — Réponse à la note de M. Sæmann sur le terrain crétacé de la Sarthe 538 De Saint-Marceaux. — Liste de 125 espèces de coquilles fossiles des sables inférieurs du département de l’Aisne 551 Ponzi. — Note sur les diverses zones de la formation pliocène des environs de Rome 555 Lartet. — Sur les débris fossiles de divers Éléphants découverts aux environs de Rome 564 H. Coquakd. — Réponse aux observations de M. d’Archiac sur la classification de la craie du sud-ouest de la France. . . . 570 H. Coquand. — Description géologique de l’étage purbeckien dans les deux Charentes 577 P. Gratiolet. — Note sur un fragment de crâne ( Odobenotlierium Lartetianum) trouvé à Montrouge, près Paris (PI. V). . . 620 O. Terqüem. — Sur l’âge des grès liasiques du Luxembourg (Réponse à M. Dewalque) 625 Hég. Benoît. — Pourquoi les dépôts morainiques sont, dans les Vosges, usés et arrondis 638 V. Raulin. — Notes sur la géologie de l’isthme de Panama recueillies par feu F. de Boucheporn 942 Alb. Oppel. — Classification de la formation jurassique d’après les caractères paléontologiques . . 657 Réunion extraordinaire à Nevers. 665 Cte Jaubert. — Sur des usines à fer de la Nièvre, du Cher et de l’Ai- lier, et les matières qu’elles emploient 667 Beau. — Note géologique sur les minerais de fer de l’Aubois (Cher). 673 Delaville. — Sondage dans le terrain triasique près Decize (Nièvre). 721 Delesse. — Recherches sur l’origine des roches . 728 Thiollière. — Notes sur les poissons du Bugey. 782 FIN DS LA ÏABLB GÉNÉRALE DES ARTICLES. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS POUR LE QUINZIÈME VOLUME. (DEUXIÈME SÉRIE. ) Année 1857 à 1858. A ÂBtcii. Sur îaearte géologique de l’Eu- rope, par Dumont, en tant qu’elle regarde le Caucase, p. 22 5. Ain. Sur les poissons fossiles du Bugey et sur l’application de la méthode de Cuvier à leur classement, p. 782. Aisne. Liste des fossiles des sables in- férieurs de la vallée de la Vesle, p. 55 1 . Algérie. Sur un gîte de combustible situé entre Ténès et Orléansville? p. 527. Allier. Sur les usines à fer de la Nièvre, du Cher et de l’Ailier, et les matières qu’elles emploient, p. 667. Alpes occidentales. Comparaison chro- nologique des terrains quaternaires du Dauphiné avec ceux de l’Alsace, p. r48. — Esquisse d’une carte géo- logique du Dauphiné, p. 10. — Sur l’association des coquilles du lias aux végétaux houillers, p. 426. — Essai d’une classification des terrains com- pris entre la craie et le système mio- cène dans la Catalogne, les Pyrénées, les Alpes et la Toscane, et parallé- lisme avec le bassin de Paris, p. 433. Alsace. Comparaison chronologique de ses terrains quaternaires avec ceux du Dauphiné, p. 148. Aquitaine. Réponse sur la classification du terrain crétacé de la Saintonge et du Périgord, p. 570. — Description de l’étage purbeckien dans les deux Charentes, p. 577. Archiac (d’). Synonymie du terrain nummuiiiique de la Catalogne, p. 3o8. — Sur le terrain permien du Nouveau-Mexique, p. 532. Autrichiens (États). Sur la nature des prétendus nullipores du terrain ter- tiaire, p. 423. — Nouvelles scienti- tifiques, p. 378, 537. Aveyron. Terrain triasique, p. 69. Avis divers. Sur les tirages à part, p. 378, 385. B Bati.e. Sur les rudistes découverts dans la craie de Maestricht, p. 210. — Observations, p. 547, 5yy, 620. Beau. Note sur les minerais de fer de i’Aubois (Cher), p. 675, Belgique. Rudistes découverts dans la craie de Maestricht, p. 210. Benoît (Em.). Esquisse de la carte géologique et agronomique de la Bresse et de la Dombes, p. 3i5, TABLE DES MATIERES 808 Benoît (Heg. ). Pourquoi les débris morainiques sont dans les Vosges usés et arrondis , p. 658. Bibliographie , p. 5,90, 146,257, 271, 2/5, 3o6, 3i4, 344. 370, 377, 582, 457, 484, 53o, 548, 563. Boubée. Observation, p. 56 1, 620. Bouchkporn (F. de). Notes sur la géo- logie de l’isthme de Panama, coor- données par V. Baulin. Bocb. Nouvelles scientifiques de l’Au- triche, p. 378 et 537. — Sur la na- ture des prétendus nullipores, p. 423. Brèches osseuses nouvelles des environs de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), p. 233. Bresse et Dombes. Esquisse de leur carte géologique et agronomique , p. 3 1 5 . Budget pour i858, p. 49 1 • c Casiano de Prado. Terrain silurien dans le N. de l’Espagne, p. 91. Cavernes, Ossements de celles de Sen- theim et de Lauw (Haut-Rhin), p. 3oo. — Note sur celle de Pontil, près Saint- Pons (Hérault), avec os- sements humains et d’espèces per- dues, p. a3i. Céphalopodes, Sur les Nautiles à cloi- sons sinueuses, p. 87. — Sur l’exis- tence de l’ Ammonites macrocephalus dans la grande oolithe, p. 3o3. Charente. Acide phosphorique et car- bonate de cuivre dans la craie d’An- goulême, p. 3i4. Cher, Sur les minerais de fer de l’Au- bois, p. 673. — Sur des usines à fer de la Nièvre, du Cher et de l’Ailier, et les matières qu’elles emploient, p. 667. Comptes du trésorier , p. 10, 272, 385, 391, 564. — Rapport sur sa gestion en i856 et 1857, p. 486. Coqcjand. Réponse à M.d’Archiac sur le terrain crétacé du S. -O. de la France, p. 5yo. — Craie blanche dans le Jura, p. 5jj. — Description de l'étage purbeckien dans les deux Charentes, p. 5jj, Cotunnite du Vésuve, p. 376. D Damour. Observation, p. 118. Daubrke. Observations sur le méta- morphisme et recherches expérimen- tales sur quelques-uns des agents qui ont pu le produire, p. g3. — Décou- verte de traces de pattes de quadru- pèdes dans le grès bigarré de Luxeuil (Haute -Saône), p. 218. — Recher- ches expérimentales sur le striage des roches dû au phénomène erra- tique; sur la formation des galets, des sables et du limon, et sur les décompositions chimiques produites par les agents mécaniques, p. 25o. — Observation, p. 118. Dblanoue. Acide phosphorique et car- bonate de cuivre dans la craie d'An- goulême, p. 3 14. — Observation, p. 118. Dklaville. Sur un sondage dans le terrain triasique près de Decize , £ Ébray. Sur les Nautiles à cloisons si- I uueuses, p. 87. — Sur la faille de j p. 721. — Sur les gbements de mi- nerai de fer de Champ-Robert et d’Arleuf (Nièvre), p. 726. Delbos. Note sur les ossements des cavernes de Sentheim et de Lauw (Haut-Rhin), p. 3oo. Delbsse. Observations sur le travail de M. Fournet relatif aux Mélapbyres, p. 293. — Recherches sur l’origine des roches, p. 728. — Observation, p. 456. Deshayes. Observations, p. 366, 56i. Deville (Ch. Sainte-Claire). Con- clusions sur la composition chimique des gaz rejetés par les évents volca- niques de l’Italie méridionale, p. 3 10. — Sur la nature des éruptions ac- tuellesdu volcan de Stromboli, p. 345. - — Sur une éruption du Vésuve, p. 369. — Sur la cotunnite du Vé- suve, p. 376. Mal-Vêtu (Nièvre), p. 139. — Sur le Dysasier ellipticus de la Nièvre, ET DES AUTEURS. 809 p. 142. — Sur l’existence du genre Coltaldia dans l’étage bathonien de la Nièvre, p. 22g. — Sur l’existence de plaques complémentaires dans le genre Collyrites , p. 268, 302. — Sur l’existence de Y Ammonites macroce- phalus dans la grande oolithe, p. 3o3. — Sur quelques fossiles de l’étage albien de la Nièvre, p. 379. — Sur un nouveau genre d’échinoderme , Centroelypus , p. 482. — Sur la clas- sification des Echinoconidœ , p. 525. Comparaison des excursions de la Société dans la Nièvre, p. 679, 687, , 689, 694. Echinides. Sur le Dysaster ellipticus de la Nièvre, p. 142. — 'Sur l’exis- tence du genre Cottaldia dans l’étage bathonien de la Nièvre, p. 229. — Sur l’existence de plaques complé- mentaires dans le genre Collyrites , p. 268, 3o2. — Sur un nouveau genre d’échinoderme, Centroelypus , p. 492* — Sur la classification des Echinoconidœ , p. 525. Écosse. Coupe du terrain ancien du ^ Nord, p. 367. Élections, p. 273; — de la session ex- traordinaire, p. 666. Engelhardt. 'Tableau comparé des di- vers étages du lias en diverses régions et suivant différents auteurs, p. 422. Espagne. Terrain silurien dans le N., p. 91. — Synonymie du terrain à Nummulites de la Catalogne, p. 3o8. — Essai d’une classification de celui- ci dans la Catalogne, les Pyrénées, les Alpes et la Toscane, et parallé- lisme avec le bassin de Paris, p. 433. Etats romains. Sur les diverses zones de la formation pliocène des envi- rons de Rome, p. 555. — Sur les fossiles des marnes du Vatican, p. 372. — Sur les débris fossiles des divers Éléphants des environs de Rome et de la Toscane, p. 564. Etats-Unis. Réclamation au sujet de la géologie des montagnes Rocheuses, p. 533. Eure. Note sur la carte géologique, p. 575. F Fer. Minerais tertiaires de l’Aubois (Cher), p. 673 ; — de la Bresse, p. 543. — Minerais de transition de Champ-Robert et d’Arleuf (Nièvre), p. 725. Filons du Plateau central de la France, p. 221. — Observations au sujet des allures et de la configuration de cer- tains filons, p. 239. Fossiles. Liste de ceux des sables infé- rieurs de la vallée de la Vesle (Aisne), p. 55 1. — Liste de ceux du terrain pliocène des environs de Rome , p. 558; — de Catane, p. 4*3* Fournet. Observations au sujet des allures et de la configuration de cer- tains filons, p. 239. — Considérations générales au sujet des Mélaphyres, p. 284 ; — du métamorphisme, p. 289. G Gard. Sur les nouvelles brèches os- seuses des environs de Saint-Hippo- lyte-du-Fort, p. 233. Gauduy. Observations, p. 56 1 , 5j6. Gras. Comparaison chronologique des terrains quaternaires de l’Alsace avec ceux de la vallée du Rhône dans le Dauphiné, p. 148. — Sur l’associa- tion des coquilles du lias aux végé- taux houillers, dans les Alpes, p.426. Gràtiolet. Sur un fragment de crâne (Y Odobenotherium Lartetianum de Montrouge, près Paris, p. 620. Gravina. Sur les terrains tertiaires et quaternaires des environs de Catane, p. 39i. Grenade {Nouvelle-). Notes sur la géo- logie de l’isthme de Panama, p. 642. Ghuner. Sur les filons du Plateau cen- tral de la France, p. 221. H Hébrrt. Observation» diverses sur le J terrain jurassique à la réunion de| Nevers, p. 685, 693, 696, 700, 708, 712, 714, 7*6. — Note sur la Gry - 810 TABLE DES MATIÈRES phœa eymbium , p. 698. — Observa- tions diverses , p. 295, 344* 366, 456, 462, 524, 547, 577, 593. Hérault. Sur le terrain triasique, p, 69. — Note sur la caverne de Ponlil, près Saint-Pons, avec ossements hu- mains et d’espèces perdues, p. 23 1. — Mercure à Montpellier, p. 456. J Jaübert (comte). Sur des usines à fer de la Nièvre, du Cher et de l’Ailier, et les matières qu’elles emploient, p. 667. Jura. Lias, p. 718. — Grande oolithe, p. 715. — Calcaire oxfordien à spon- giaires, p. 711, 7 13. — Existence de la craie blanche, p. 677. K KcecHtTN-ScHLUMBEHGER. Note sur les | Haut-Rhin, p. 295. fossiles tertiaires et diluviens du | L Languedoc et Provence. Sur les terrains tertiaires d’eau douce et le Notœus lalicaudus à Armissan, p. 492. Làrtkt. Sur les débris fossiles de di- vers Éléphants des environs de Rome, p. 564. — Observations, p. 566. Laurent. Extraction de gros échantil- lons des sondages, p. 249. — Érup- tion du Vésuve, p. 55o, 5 69. Lbvallois. Extraction de gros échan- tillons des sondages, p. 249. Lignite d’Orléansville (Algérie), p. 527. Lory. Esquisse d’une carte géologique du Dauphiné, p. 10. Luxembourg . Observations sur l’âge de ses grès basiques, p. 625. M Mammifères. Traces de pattes de qua- drupèdes dans le grès bigarré près Luxeuil (Haute-Saône), p. 218. — Ossements des cavernes du Haut- Rhin, p. 3 11. ~ Sur les débris fos- siles de divers Éléphants des environs de Rome, p. 564. — Sur un fragment de crâne d 3 Odobenolherium Lartelia- num de Montrouge, près Paris, p. 620. M ARCKL de Serres. Note sur la ca- verne de Pontil, près Saint-Pons (Hérault), avec ossements humains et d’espèces perdues, p. 23 1. — Sur de nouvelles brèches osseuses des en- virons de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), p. 233. — Découverte du Notœus latieaudus à Armissan, près de Narbonne, et terrains tertiaires d’eau douce du midi de la France, p. 492* Marcou. Réclamation au sujet de la géologie des montagnes Rocheuses, p, 533. Martha Berer. Théorie des tremble- ments de terre et des volcans, p. 465. Màhtins. Réclamation, p. 237, 456. Mèlaphyres . Considérations générales à leur sujet, p. 284, 293. Membres nouveaux , p. 5, 89, i46, 256, 271, 274, 3i4, 344, 377, 457, 484, 529. 562, 678. Mercure natif à Montpellier, p. 456. Métamorphisme. Observations et re- cherches sur quelques-uns des agents qui ont pu le produire, p. 93.— Considérations générales au sujet du métamorphisme, p. 289. — Nouvelles observations sur le métamorphisme normal, surtout au Mexique, p. 1 19. Meugy. Sur la carte géologique du Nord, abstraction faite du limon quaternaire, p. 458. Mexique. Nouvelles observations sur le métamorphisme normal des roches, p. 119. — Description d’un nouveau volcan éteint, p.76. — Sur un ter- rain de transport aérien, p. 129. — ET DES AUTEURS. 811 Sur la formation des ooiitbes, p. 200. Mexique (Nouveau-). Sur son terrain permien, p. 53 1. Michelin. Observations, p. 4 26, 713. Naples (Royaume de). Sur l’âge des tufs de l’île d’Iscbia, p. 362. — Com- position chimique des gaz rejetés par les évents volcaniques fde l’Italie méridionale, p. 3 10. — Eruption du Vésuve, p. 369, 55o, 56g. — Sur la cotunnite du Vésuve, p. 3j6. — Sur la nature des éruptions actuelles du volcan de Slromboli, p. 545. Nièvre. Sur un sondage dans le trias près de Decize, p. 721. — Sur les gisements de minerai de fer de Champ-Robert et d’Arlenf, p. 726. — Sur la faille de Mal -Vêtu, p. i3g. — Sur le Dysaster elliplicus de la Nièvre, p. 142. — Sur l’existence du genre Cottaldia dans l’étage ba- thonien de la Nièvre, p. 229. — Sur l’existence de X Ammonites macroce- phalus dans la grande oolithe, p. 3o3. — Sur quelques fossiles de l’étage Omalius d’Halloy (d’). Observation, p. 3 1 3. Oolithe s. De leur formation et de celle des masses nodulaires en général , Michelot. Observations, p. 456. Mübchison. Coupe du terrain ancien du N. de l’Écosse, p. 367. albien de la Nièvre, p. 379. — Réu- nion extraordinaire de la Société à Nevers, p. 665. — Porphyres, p. 702. — Lias, p. 697, 7c 2, 719. — Ooüthe inférieure, p. 682, 696, 70a, 717. — Grande oolithe, p. 685, 685, 690. 692, 704, 708, 710. — Oxford-day, p. 681, 688, 692, 707, 710. — Co- ral-rag, p. 680.— Kimmeridge-clay, p. 680. — Sur des usines à fer de la Nièvre, du Cher et de l'Ailier, et les matières quelles emploient, p. 667. Nord. Sur sa carte géologique, abstrac- tion faite du limon quaternaire, p. 458. Noulet. Du terrain éocène supérieur considéré comme l’un des étages con- stitutifs des Pyrénées, p. 277. Nullipores. Sur la nature de ceux de l’Autriche, p. 378. p. 187. Oppel. Tableau de classification du ter- rain jurassique, d’après les caractères paléontologiques, p. 65y. P Parés. Mercure à Montpellier, p. 456. Passy, Note sur la carte géologique de l’Eure, p. 375. Planches du Bulletin , I, p. 10; II, p. i4S; III, p. 210; IV, p. 3i5 ; V, p. 620. — Figures sur bois. Coupes, p. i4a, <45, 279, 3o4, 3i8, 393, 096, 099, 4oo, 402, 459, 557, 588, 58g, 593, 5g4, 6o5. — Fossiles, p. 270, 3o2, 3o3,4S3. Plateau central de la France. Sur les filons de la partie orientale, p. 221, 239. — Considérations générales au sujet des Mélaphyres de la partie orientale, p. a84- Poissons fossiles du Bugey et application de la méthode de Cuvier à leur clas- sement, p. 782. — Découverte du Nolœus lalicaudus à Armîssan, près Soc. géol. , 2° série, tome XV j Narbonne, p. 492. | Ponzi. Sur les diverses zones de la for- 1 mation pliocène des environs de j Rome. p. 555. ; Porphyres dans la Nièvre, p. 707. Provence et Languedoc. Sur les terrains | tertiaires d’eau douce et le Notæus | lalicaudus à Armissan, p. 4g2. ■ Prusse Rhénane. Sur le terrain crétacé d’Aix-la-Chapelle, p. 2o5. Pyrénées. Du terrain éocène supérieur considéré comme l’un des étages con- stitutifs des Pyre'nées, surtout dans 1 Ai iége, p. 277. — Essai d’une clas- sification des terrains compris entre la craie et le système miocène dans la Catalogne, les Pyrénées, les Alpes et la Toscane, et parallélisme avec le bassin de Paris, p. 433. 53 312 TABLE DES MATIERES R Raulin. Sur un terrain de transport aérien en Crète, p. xSg. — Coordi- nation des notes sur la géologie de l’isthme de Panama, recueillies par feu de Boucheporn, p. 642. — Ob- servations, p. 142. Rhin ( Haut -). Sur les fossiles tertiaires et diluviens, p. 295. — Note sur les ossements des cavernes de Senlhcim et de Lauw, p. 3oo. Rhône. Lias des environs de Lyon, p. 718. Roches. Recherches sur l’origine de celles principalement cristallines et ignées, p. 728. Rouville (P. de). Sur le terrain tria- sique de l’ Aveyron et le terrain per- mien de l’Hérault, p. 69. Rudistes de la craie de Maeslricht , p. 210. Russie. Rectifications à faire à la re- présentation géologique du Caucase, par Dumont, p. 235. S Sables. Recherches expérimentales sur leur formation et celle des gaUts et du limon, p. 25j. Sæmann. Sur la distribution des mol- lusques fossiles dans le terrain crétacé de la Sarlhe, p. 5oo. Sajnt-M arceaux (de). Liste des fossiles des sables inférieurs de la vallée de la Vesle (Aisne), p. 55 1. Saône (Haute-). Pattes de quadrupèdes dans le grès bigarré près Luxeuil, p. 21 8. Sarthe. Sur la distribution des mol- lusques fossiles dans le terrain cré- tacé. p. 5oo. — Sur le terrain crétacé, p. 538. Saussure (H. de). Description d'un nouveau volcan éteint du Mexique, p. 76. Terquem. Réponse aux observations sur l'âge des grès Basiques du Luxem- bourg, par M. Dewalque, p. 625. Terrains d’alluvion. Pourquoi les dé- bris morainiques sont dans les Vosges usés et arrondis, p. 638. — Terrains d’alluvion de la Bresse, p. 328 ; — du Dauphiné, p. 5i ; — des environs de Catane, p. 4o3. — Sur un terrain de transport aérien qui existe au Mexique, p. 129. Terrain anlhracifère du Dauphiné , p. 16. — Sur l’association des co- quilles du lias aux végétaux houillers dans les Alpes, p. 426. Terrain crétacé. Distribution des mol- lusques fossiles dans le terrain cré- Seine. Sur un fragment de crâne d Odo- benolherium Larteliun urn de Mont- rouge, p. 620. Serpentines du Dauphiné, p. 28. SnuMAnD. Terrain permien au Nou- veau-Mexique, p. 53 1. Sicile. Sur les terrains tertiaires et quaternaires des env rons de Catane, p. 39i. Silex. Formation de ceux-ci et des meulières, p. 637. Sondages. Extraction de gros échantil- lons, p. 249. Spada Laviki. Sur l’âge des tufs de l'ile d’ischia, p. 362. S triage des roches. Recherches expéri- mentales sur celui dû aux phéno- mènes erratiques, p. 25i. tacé de la Sarthe, p. 5oo, 538. — Sur quelques fossiles de l’étage albien de la Nièvre, p. 579. — Craie blanche dans le Jura, p. 677. — Terrain cré- tacé du S -O. de la France, p. 5;o. — Acide phosphorique et carbonate de cuivre dans la craie d’Angoulême, p. 5 1 4- — Terrain crétacé d'Aix-la- Chapelle, p. 2o5. — Rudistes de la craie de Maeslricht, p. 210. Terrain jurass'que. Tableau de classifi- cation d’après les caractères paléon- tologiques, p. 657. — - Tableau des divers étages du lias en diverses ré- gions et suivant différents auteurs, p. 422. — Age des grès basiques du Luxembourg, p. 625. — Coupe des ET DES AUTEURS. 81 0 environs de Nevers, p. x43.— Explo- ration de celui de la Nièvre., par la Société, p. 680 à 720. • — Lias de Lyon el du Jura, p. 718. — Grande oolithe dans le Jura, p. 715. — Cal- caire oxfordien à spongiaires dans le Jura, p. 711, 71a. — Poissons fos- siles du Bugey, p. 782. — Description de l’étage purbeckien dans les deux Charente?, p. 077. — Terrain juras- sique du Dauphiné, p. 20, 00. — Sur l’association des coquilles du lias aux végétaux houillers. dans les Alpes, p. Terrain nummulitique. Essai d’une classification des terrains compris entre la craie et le système miocène dans le bassin de la Méditerranée, p. 433. — - Synonymie de celui de la Catalogne, p. 3o8; — des environs de Catane, p. Spi. Terrain permien de l’Hérault, p. 69; — du Nouveau- Mexique, p. 552. Terrain tertiaire. Sur ies fossiles ter- tiaires du Haut- Rhin, p. 295. ■ — Terrain tertiaire de la Bresse, p.3iS. — Liste des fossiles des sables infé- rieurs de la vallée delà Vesle ( Aisne), p. 55 1. — Terrain tertiaire avec mi- nerai de fer de l’Aubois (Cher), p. 873. — Terrain éocène supérieur considéré comme l’un des étages con- stitutifs des Pyrénées, p. 277. — Ter- rain d’eau douce du midi de la France, p. 492. — Terrain tertiaire du Dauphiné, p. 4o. — Terrain plio- cène des environs de Rome, p. 372, Van den Hecke. Sur les fossiles des marnes du Vatican, p. 372. Far. Analogie entre les Maures el les Vosges, p. 377. Verneutl (de). Observations, p. 3 10, 5 i3, 366, 56 1. Vèzian. Essai d’une classification des terrains compris entre la craie et le système miocène dans le bassin de la Méditerranée, p. 433. Ville. Sur un gite de combustible situé entre Téncs et Orléansville, p. 5 27. Villeneuve (de). Analogie entre les Maures et fi s Vosges, p. ôjj. Virlet. Nouvelles observations sur le métamorphisme normal, surtout au Mexique, p. 1 1 9 ■ — Sur un terrain 555; — des environs de Catane, p. 3g6. Terrain primitif du Dauphiné, p. i3. Terrain silurien dans le N. de l’Es- pagne, p, 91. Terrain triasique. Sondage près de De- cizc, p. 721. — Terrain triasique de l’Aveyron, p. 69. — Découverte de traces de pattes de quadrupèdes dans le grès bigarré près Luxeuil (Ilaule- Saône), p. 2x8. Terrains volcaniques. Age des tufs de l'île d’Lschia, p. 36a. — Tufs des environs de Catane, p.407. — Des- cription d’un nouveau volcan éteint du Mexique, p. 76. Thiollière. Calcaire oxfordien à spon- giaires dans le Jura, p. 711, 710. — Grande oolithe dans le Jura, p.715. — Lias de Lyon el du Jura, p. 71S. — Sur les poissons fossiles du Bugey et sur l'application de la méthode de Cuvier à leur classement, p. 782. Toscane. Essai d’une classification des terrains compris entre la craie et le système miocène dans la Catalogne, les Pyrénées, les Alpes et la Toscane, et parallélisme avec le bassin de Pa- ris, p. 433. Tremblements de terre. Leur théorie, p. 463. Triger. Sur le terrain crétacé d’Aix- la-Chapelle, p. 20 5. — Sur le ter- rain crétacé de la Sarlhe et du bassin de Paris, p. 558. — Observations, p. 432, 524. de transport aérien qui existe au Mexique, p. 129. — De la formation des oofitbes et des masses nodulaires en général., p. 187. — Silex, p. 637. — Formation des meulières et obser- vations, p. x 1 9, 56 ' , 433. Volcans. Leur théorie, p. 47 l- — Erup- tion du Vésuve, p. 249, 369, 376. — Sur la nature des éruptions actuelles du volcan de Stromboli, p. 545. — Gaz rejetés par les évents volcaniques de l’Italie méridionale, p. 3 10, Vosges. Analogie entre elles et les Maures, p. 377. — Pourquoi les dé- bris morainiques y sont usés et ar- rondis, p. 638. FIN DE LA TABLE, LISTE DES PLANCHES. 81 A Liste des planches. I, p. 10. Lory, Coupes du Dauphiné. IJ, p. i48. Sc. Gras, Coupes comparatives des terrains quaternaires de l’Alsace avec ceux de la vallée du Rhône, dans le Dauphiné. III, p. 210. Bayle, Rudistes de la craie de Maastricht. IV, p. 3i5. Em. Benoît, Coupes géologiques de la Bresse, de la Dombes et du Jura. V, p. 620. Gratiolet, Oclobenolhci'iinn Lartdiarutm. de Paris. 815 ERRATA. Piiges. 77» 78» 79» 82, 83, 84, Lignes 3, 4, au lieu de : Nevado de Tolima, lisez : Nevado de Toluca. en partant du bas de la page, lisez : son étendue par l'inspec- tion des failles qui sont, etc. 1, lisez : Zinapecuaro. 4, en partant du bas de la page, lisez : encore tendre et forme une espèce de pâle, etc. 5, au lieu de : qui, lisez : laquelle. 5, à partir du bas de la page, au lieu de : maintienne, lisez: maintient. 2, au lieu de : puissantes, lisez : abondantes. 3, au lieu de : Fronjadais, lisez: Fronsadais. 21, au lieu de: Noli, Usez: Poli. 11, en remontant, au lieu de: Tonjoncouse, lisez: Fonjoneouse. 3, en remontant, au lieu de : Vaudon, lisez : Faudon. 3, en remontant, au lieu de: Clapes, lisez: Clupes. 5, en remontant , au lieu de : les plaines de Sarlière, lisez : la plaine de Sarlièves. 11, au lieu de: Hemiaster Leskiei , lisez: Hemiaster Leskei. 12, au lieu de: Cyclus, lisez: Cyclas. 7, en remontant , au lieu de : Àllerl, lisez : Altert. A diitions aux errata du tome XJV (Mémoire deM. Puggaard, p. 294). Page 294, note (1). Ajoutez la figure suivante : a” j a’ 1 a 1 1 ' " C a \ a’ \ a'“ B 1 1 i S A’ Pages. Lignes. 294, a5, au lieu de : Vistri, lisez: Vielri. 294, 39, — F encre, — Tenore. 297» 39, — simples, — singles. 297» 42, — F u ron, — Furore. 299» 7» — mines, — veines. 399» 11, — fendu, — fondu. 5oo, 7» I — plus, — très. 816 - Puges. Ligues. 3oo, 19, au lieu de : Ataro, lisez : • Celaro. 5oo, 97> — Cassa, — Fassa. 3oï , 20, — Ataro, — Celaro. 5o3, 00, — Molieri, — Molini. 3o4, 3, — graviers, — grains. 3o4, 18, — San-Jora, — San - Idora. 5o5, 3, — jalons, — plans, 5o5, 6, — pâlis, — polis. 3o6, 10, — plaine, — falaise. 3o6, 19, — la Rosa, — la Rova. 3c6, 22, — Sla Mariata. , — Santa Maria 006, 22, — la Trinila, — la Fer liera. 3o7, 5, — marchant, — montant. 307, 8, — i5° 5o’, — i5° S.-O. 3o9, 26, — un. — on. 3 io, 3 1 , — schisteux, — solide. Oll, 22, — marchant, — montant. 3 12, 17* — Egva, — Eqva. 3l 2, 20, — crétacé — tufacé. 0 12, 4*. — sommet. — versant. 010, 8, — de, — et 5i5, 10, — Pezzano, — Pozzano. o 1 5 , 0, — moins, — noires. 5i6, 8, — tubacécs, — lufacées. 020, 10 et 16, — Vetara, — Votara. 321, 1 2, — rides. — vides. 32 1, 22, — Ranco, — Ronco. 022, 28, — horizontal, — oriental. 023, 11. — bord, — fond. 023, 5 1 , — simples, — singles. 024, 20, — élevée, — escarpée. 325, 24, — N. io° E., — N. 70° E. 026, 1 1 , — Picciano, — Ticciano. 026, 6, — ■ la Cara, — la Cava. 328, 23, — fendus, — fondus. 0 2 0, 22, — pente, — fente. 53o, 4>, — ensuite de — consiste en. 536, 8, — N. io° E., — N. 70° E. <337, 4, — Maduardi, — Mainardi. 359, 43, — moins, — ravin. 34°, — Slorita, — Starila. 34o, 29* — Lo Serajo, — Lo Serajo. 542, i/i h 22, la colonne des inclinaisons doit ôLre déplacée d’une ligne, de manière qu'on lira : io° N. — O. — Mon ticcliio, i5° N. — O. — Monîe Falesio, clc. 817 (1) NOTE page 517. Après l'expédition (en 1 855) de ce mémoire à la Société géologique, j’ai examiné de nouveau les échantillons remportés par moi de San Andrea et d’Agerola, et je vais ici compléter la liste des fossiles de ces localités, complètement, due à Tobligeance de M. O. Môrch, Dans le travertin de San Andrea (page 5 19) ; Hélix setosa , Zieglcr, H. se- tipila, Rosm., H. Olivieri, Fér. , var. H, H. obvoluia , Müll., H. cinctella, Drap., H. glabra, Studer?, Causdia cinerea, Phi!., Limnœus peréger , Drap., Cyclostoma elegans , Müll. — Dans le calcaire mêlé de ponces qui supporte la brèche dolomisée de la Punla di Ronco (page 322) ; Cyclo- stoma costulatum, Ziegl., C. striolatum, Porro, Ilelix carsoliana, Fér. Une collection d’échantillons des roches décrites dans ce mémoire a été déposée par Fauteur au Musée minéralogique de l’Université de Copenhague. ■ AVIS AV &SUBV&. A placer en regard de îa page 459. il s’est glissé dans la note de M. Meugyt insérée au Bulletin (séance du i 9avril1 858, page 459), une erreur qu’on a laissée subsister par mégarde. Il s’agit de la phrase où il est dit que la carte réduite du département du Nord est la même que celle de la grande carte géolo- gique de îa Belgique. Cette phrase doit être supprimée ; car la carte de Belgique est à l'échelle de feVoTo > tandis que celle du départe- ment du Nord n’a pu être faite que sur un report de celle publiée à Douai, à l’échelle de ERRA TJ. Page 458, ligne 34, au lieu de Jis€Z STôWïï- Page 459. La position de Valenciennes a été omise sur la •coupe. Elle devait être indiquée au-dessus de la limite sud du terrain houii’er. Page 460, ligne 28, au lieu de Mons en-Sévèle, lisez Mons-en- Pévèle. Page 461, coupe de sondage : 3, au lieu de Tourtin, lisez Tourlia. Nous profitons de cette occasion pour corriger quelques fautes qui se sont glissées dans une autre note de M. Meugy, insérée tome XIÏl, page 879. Page 879, ligne 35, au lieu de t. VII, lisez t. VIH. Page 880, ligne 1, au lieu de Vinant, lisez Vissant. Page 880, ligne 13, au lieu de supérieur du minerai, lisez supé- rieur au minerai. Page 881 , lignes 28 et 30, au lieu de système nervien, lisez sys- tème hervien. Çs,